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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 mars 2021

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bienvenue à la 16e réunion du Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 27 octobre 2020, nous reprenons notre étude du soutien et des services offerts aux aidants et aux familles des anciens combattants.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins. Merci de prendre le temps de participer à nos travaux.
    Nous accueillons aujourd'hui le Dr John Whelan, psychologue principal des Whelan Psychological Services inc. Les quatre autres témoins, qui se présentent à titre personnel, seront M. Sean Bruyea, un capitaine à la retraite; Mme Tracy Lee Evanshen; la Dre Heather MacKinnon et M. Gerry White, un capitaine de corvette également à la retraite.
    Vous disposerez chacun de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire, et nous passerons ensuite aux tours de questions.
    Docteur Whelan, les cinq prochaines minutes sont à vous.
    Merci, monsieur le président. Je vous remercie de votre invitation.
    Je vais vous présenter des observations fondées sur notre travail clinique auprès des militaires actifs et retraités, ainsi que sur mes travaux de recherche à l'Université Mount Saint Vincent.
    Après neuf années de service dans la Marine, j'ai occupé un poste de psychologue à la base militaire de Halifax pendant une dizaine d'années puis, pendant 18 années, j'ai dirigé une clinique où travaillaient 5 psychologues. Pendant cette période, nous avons évalué et traité des milliers de militaires actifs et de vétérans pour des blessures de stress opérationnel, et principalement des troubles de stress post-traumatique et de toxicomanie. Je dirais que parmi eux, 40 % environ étaient totalement engagés dans leur traitement et leur rétablissement, et tentaient de leur mieux de rester en lien avec leur famille. Les 60 % restants étaient moins convaincus de la nécessité du traitement, et un tiers d'entre eux environ étaient des hommes animés d'une rage profonde contre l'armée et Anciens Combattants Canada, ou ACC. Ceux-là ne participaient pas pleinement à leur traitement.
    Selon notre expérience, les épouses et les conjointes de fait sont souvent celles qui prennent soin des vétérans. Selon moi, pour bien comprendre les besoins de ces aidantes, il faut délaisser les approches centrées sur les symptômes et les déclencheurs de traumatismes des vétérans qui relèguent les membres de leur famille à un rôle passif. La tâche principale de ces épouses ou conjointes de fait est de combler les besoins en matière de santé mentale et affective des vétérans blessés. On attend de ces aidantes qu'elles réduisent le stress et qu'elles gèrent les déclencheurs potentiels, qu'elles deviennent les interlocutrices principales auprès d'Anciens Combattants Canada et qu'elles empêchent les enfants de déranger à la maison. Ces attentes sont en quelque sorte le prolongement de l'image de force de l'uniforme qui est véhiculée par l'armée et d'une croyance, très répandue parmi les vétérans, suivant laquelle la gestion du foyer est l'apanage des femmes.
    Pour la plupart, les aidantes sont des femmes courageuses. Des chercheurs qui se sont intéressés aux familles des militaires canadiens ont décrit les formidables efforts qu'elles déploient pour obtenir de l'aide de sources formelles et informelles. Elles font des recherches concernant les options de traitement offertes pour leur partenaire tout en continuant de travailler, de faire le ménage, de gérer les factures, de préparer les repas et de prendre soin des enfants. Parmi celles que nous avons rencontrées, les troubles du sommeil, l'anxiété et l'épuisement physique et émotionnel étaient assez fréquents. Souvent, ces femmes font passer les besoins des autres bien avant les leurs.
    Dans notre clinique, nous avions pour habitude de demander à rencontrer les personnes qui venaient en aide aux vétérans au cours de l'évaluation et de la planification du traitement, et parfois en privé. Malgré la crainte d'interférer avec les déclarations des vétérans, il est souvent arrivé que des aidantes nous apprennent qu'ils avaient omis de nous dire qu'ils étaient instables, qu'ils passaient leur journée à boire ou qu'ils étaient désengagés de leur vie familiale et de leurs responsabilités. Les aidantes étaient souvent très frustrées par les méthodes de traitement dont elles et leur famille étaient exclues. Nous recevions également beaucoup d'appels de personnes désemparées parce que leur partenaire n'était pas client d'Anciens Combattants Canada et ne suivait aucun traitement, même s'il en avait visiblement besoin.
    Les vétérans sont l'objet d'une attention continue, mais il n'existe pas de mécanisme parallèle pour évaluer les conséquences des blessures de stress opérationnel pour les familles des militaires, y compris les traumatismes indirects et secondaires. Je pense que le modèle courant, fondé sur une vision du vétéran comme une victime, fait fi de la cellule familiale dans son ensemble, et du fait qu'elle peut aussi être une victime du service militaire. Les partenaires des vétérans reçoivent peu d'aide directe et pratique pour gérer le quotidien avec un ex-militaire qui souffre de troubles de santé mentale. Une des grandes craintes de ces partenaires est qu'une séparation — ou même une brève absence de la maison pour faire les courses ou aller travailler — pousse le vétéran à s'automutiler. Des vétérans peuvent aussi avoir tendance à faire des fugues de plusieurs jours après une dispute ou un désaccord, pour être seuls ou passer du temps avec des amis. Quand ils réapparaissent ensuite sans s'être annoncés, toute la famille est perturbée. Cette imprévisibilité est caractéristique de nombreux troubles de santé mentale.
    Toute étude du soutien offert aux aidants des vétérans doit prendre en compte que trop souvent, la responsabilité de s'occuper des vétérans entre leurs rendez-vous pour des services en santé mentale revient de facto à leur épouse, à leur mère ou à leurs filles adultes. Nous savons aussi d'expérience que les rôles de gardiens et de surveillants peuvent retomber sur les épaules d'adolescents et d'enfants plus âgés. Or, ces personnes n'ont jamais leur mot à dire dans les décisions thérapeutiques. Ce sont elles qui appellent les autorités ou les compagnons d'armes pour les aider à gérer les crises. Elles calment les vétérans après les cauchemars, elles endurent leurs délires éthyliques, et elles doivent rester à l'affût des intentions suicidaires. Il n'est pas rare que les partenaires se plaignent d'avoir à s'occuper d'un autre enfant à qui il faut rappeler de manger, de se laver, de prendre ses médicaments ou d'organiser son emploi du temps.
    Malgré les beaux discours publics, les familles restent trop souvent invisibles même si leur contribution est essentielle pour la guérison des vétérans. Les travaux de la chercheuse Deborah Norris sur les familles des militaires lui ont permis de constater que le bien-être des vétérans et de leurs familles est le fruit d'un processus dynamique et bidirectionnel. Le rôle que jouent les membres de la famille et les vétérans dans leur bien-être respectif est de loin plus déterminant que celui de la médication et des thérapies centrées sur la personne. En somme, aucun traitement centré sur le vétéran n'est aussi important que le contexte social et familial pour favoriser son bien-être et sa guérison.

  (1540)  

    Au Canada, nous n'avons pas encore étudié le lien inextricable entre la santé globale du vétéran et la santé mentale de la famille et sa participation au traitement.
    Trop souvent, des familles entières sont victimes du service militaire, surtout s'il a provoqué des troubles de santé mentale. Comme l'a conclu l'ombudsman des vétérans dans son rapport, il est impératif de prendre en compte les besoins de toute la famille et de lui offrir du soutien continu en gestion de cas.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Whelan.
    Nous entendrons ensuite le capitaine Sean Bruyea. Vous avez cinq minutes.
    Nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs.
    Je me sens vraiment privilégié de participer aux travaux du Comité. Votre étude, le rapport qui en découlera et l'espoir de changement n'effaceront pas les tragédies et les négligences du passé, mais ils peuvent changer l'avenir. Notre nation a la chance de rattraper des années de négligence de ceux qui jouent le rôle le plus vital, le plus déterminant dans le bien-être des vétérans, les membres de leur famille.
    Je tiens tout d'abord à souligner que j'ai réuni des éléments de preuve concernant les représailles subies par la personne qui s'occupe de notre fils à la suite de mes articles dans lesquels je critiquais le régime de pension à vie. Ces éléments de preuve offrent un éclairage essentiel sur la culture des hauts dirigeants et de la manière dont ils empêchent les travailleurs de première ligne de faire preuve de compassion. Ce ne sont pas des éléments de preuve qui sont liés aux politiques, mais à la culture. Les bureaucrates haut placés ont reproduit des comportements inacceptables gouvernement après gouvernement.
    Il est fort possible qu'ils vous exhorteront à ne pas me réinviter. C'est la raison précise pour laquelle je vous demande humblement de le faire. Je recommande que M. Alan Hunter, mon avocat, et Mme Tina Fitzpatrick se joignent à moi pour parler de ces enjeux de culture.
    Les politiques considèrent les vétérans et leurs familles comme des entités distinctes et inégales, malgré des directives contraires explicites. Le pire pour les familles n'est pas d'être reléguées à l'arrière-plan, mais d'avoir à courir derrière le dernier wagon d'un train qui serpente dans un dédale vertigineux de politiques complexes concernant les vétérans, avec une bureaucratie opaque dans la locomotive.
    On ne peut pas dissocier les familles et les vétérans de cette façon, ou considérer que les uns sont moins importants que les autres. Le vétéran fait partie intégrante de la famille, il en est un élément important et vital et, tout comme chaque autre membre, son rôle est déterminant pour le bien-être de la cellule familiale. La chaîne n'est jamais plus solide que le plus faible de ses maillons, tout comme la famille a besoin que tous ses membres se portent bien pour s'épanouir.
    Les travaux de recherche le confirment depuis des dizaines d'années. Pour simplifier, on peut dire que la maladie chronique non seulement est source de détresse émotionnelle pour l'ensemble de la cellule familiale, mais elle entrave aussi sa capacité à soutenir le patient. La souffrance est encore plus grande lorsqu'un membre de la famille a des troubles de santé mentale. Il arrive même que les effets délétères soient plus importants pour la santé psychologique des autres membres de la famille que pour le patient lui-même.
    Le Canada compte plus de 35 000 vétérans et membres de la GRC qui présentent une incapacité psychiatrique liée à leurs années de service, et 25 000 qui ont reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. Chacun des membres d'une famille devrait pouvoir solliciter de plein droit et de sa propre initiative des soins de santé mentale financés par Anciens Combattants Canada. Combien de tragédies pourrait-on éviter en leur offrant cette possibilité? Il est cruel pour les familles et, par conséquent, pour les vétérans eux-mêmes, d'avoir à attendre en file qu'un gestionnaire de cas puisse les rencontrer et de continuer à souffrir pendant qu'un plan de réadaptation est mis au point, en espérant que des soins de santé mentale leur seront accessibles.
    ACC doit donner aux familles leur propre numéro d'identification unique afin que les membres puissent demander des services de leur propre initiative. Les vétérans les plus lourdement handicapés ont déjà un potentiel de revenu diminué par rapport à ce qu'il était durant leurs années de service. L'incapacité des conjoints de mener une carrière à temps plein tout en prenant soin d'un vétéran et des enfants compromet davantage le potentiel de revenu de la famille.
    Comment explique-t-on que seulement 1 200 conjoints touchent l'allocation de reconnaissance pour aidants alors que 9 000 conjoints environ prennent soin d'un vétéran qui ont une incapacité permanente, et que 14 000 conjoints prennent soin d'un vétéran ayant des troubles de santé mentale? Des programmes parcimonieux et discriminatoires pour les familles sont en place depuis des lustres. Pourquoi accorde-t-on une allocation pour accompagner des vétérans à leurs rendez-vous médicaux à des personnes extérieures aux familles alors que les membres des familles n'y ont pas droit?
    Le manque de soutien pour les familles des vétérans qui souffrent de traumatismes psychologiques pourrait expliquer que 56 % seulement de ceux qui ont des troubles mentaux sont mariés ou vivent en union de fait, comparativement à 71 % des Canadiens. Le ministère des Anciens Combattants du Canada limite l'accès aux programmes des membres les plus vulnérables de nos familles, les enfants. ACC, 16 mois après avoir annulé du jour au lendemain l'allocation pour la garde de personnes à charge pour notre fils de 6 ans, a inventé de nouveaux critères pour justifier l'annulation. Le programme couvre seulement les besoins de base, pas les besoins particuliers des enfants. À cause d'une omission flagrante dans la disposition énonçant l'objet de la Loi sur le bien-être des vétérans, elle ne prévoit aucune obligation à l'égard des enfants ou des personnes à charge du vivant des vétérans.
    Le libellé de la politique sur la garde des personnes à charge des vétérans durant leur réadaptation médicale est généreux et empreint de compassion. Les décisions doivent être larges, souples et globales, et permettre de tenir compte des situations et des besoins particuliers des vétérans. On pourrait penser que la charge d'une personne qui a des besoins particuliers constitue en soi une situation particulière. Cependant, même s'il est inévitable que l'état de santé d'un vétéran se répercute sur la santé affective et psychologique de ses enfants, ACC semble vouloir les évincer. Aucune aide n'est versée pour la prise en charge entre 8 h 30 et 15 h 30 les jours d'école, même si le réseau public ne couvre pas ces services. Apparemment, la souffrance des enfants suit un horaire.
    Des courriels internes illustrent la totale insensibilité du ministère: « Dans quelle mesure est-il réaliste de penser que les services de réadaptation couvrent les services de garde d'un enfant qui tombe subitement malade? C'est peu réaliste parce que ce n'est pas prévisible. » « L'objectif est en partie d'éviter un risque de dépendance à un programme à court terme. » J'imagine que les responsables des politiques qui sont enfermés dans leur tour d'ivoire à Charlottetown ne sont pas conscients des combats quotidiens des vétérans et de leurs familles. Par définition, une personne à charge est dépendante.

  (1545)  

    On peut essayer tant qu'on voudra d'économiser les deniers publics, rien ne pourra forcer un enfant de trois ans à vieillir, les lésions cérébrales à se réparer ou un trouble de stress post-traumatique à guérir spontanément, mais une autre barrière perceptuelle, beaucoup plus importante, gangrène ACC. Les programmes sont interprétés selon une vision qui fait des vétérans invalides, et particulièrement de leurs familles, des fardeaux gênants, qu'ACC n'a pas le choix de prendre à sa charge.
    Les enfants sont ajoutés de manière aléatoire aux autres dépenses accessoires comme le kilométrage et le stationnement. C'est peut-être ce qui explique qu'aucune allocation pour la garde des personnes à charge n'a été versée aux vétérans au cours des 4 premières années du programme, ou que parmi les quelque 20 000 vétérans qui reçoivent des services de réadaptation médicale, seulement 106 ont touché cette allocation de 2014 à 2019, ce qui a coûté au total moins qu'une année de salaire d'un ministre ou d'un sous-ministre.
    Je vous ai soumis une liste de recommandations pour vous aider à rédiger votre rapport.
    Je vous remercie sincèrement du temps, de l'énergie et de l'attention que vous consacrez aux familles.
    Merci, monsieur.
    Je donne maintenant la parole à Mme Evanshen. Vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Tracy Lee Evanshen. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous donner un petit aperçu de ma vie comme conjointe de fait d'un vétéran.
    Pour vous faire comprendre qui je suis, j'ai pensé que le meilleur moyen est de vous présenter une journée type dans notre maisonnée.
    C'est vendredi et mes fils sont en visite pour la fin de semaine. Nous quittons Belleville et nous empruntons l'autoroute 401, ou parfois la route 2, puis la route 35/115 vers le nord. Kevin évite le plus possible l'autoroute 401. Elle est parsemée de déclencheurs de stress. Il insiste ensuite pour prendre l'autoroute à péage 407. Je grince des dents en pensant aux frais parce que nous devons aller jusqu'à Brampton. Kevin a servi avec fierté comme technicien médical, mais il a aussi été technicien paramédical pendant de nombreuses années, et l'autoroute 401 faisait partie de ses itinéraires. Les déclencheurs sont partout.
    Nous allons chercher les garçons et nous prenons la route vers la maison. Un trajet simple de deux heures et quart peut prendre de deux heures et trois-quarts à quatre heures. Nous arrivons à la maison. Kevin, épuisé mentalement et physiquement, va se coucher.
    Samedi matin. Kevin se lève et entame sa routine, chaque jour la même. Comme il est debout, il pense que nous devrions tous l'être.
    Les enfants se réveillent, prennent leur petit-déjeuner et descendent pour jouer à Call of Duty. Un garçon monte le volume au maximum pour vivre pleinement l'expérience. L'autre se lève et baisse le volume. « Pas trop fort. Pense à Kevin. Le bruit va le stresser. »
    Ils renoncent à jouer et décident de regarder un film. Un garçon monte le son, l'autre le baisse. « Pense à Kevin. Ça va déclencher une crise. »
    Pendant ce temps, Kevin est retourné au lit. Il ne s'est pas encore remis du trajet de la veille, et la maison doit être calme. Nos voisins sortent leurs chiens et [Difficultés techniques] leur parler, mais sans succès. Nous appelons la police, et des agents viennent chez nous. Les chiens se calment pendant une trentaine de minutes, puis ils recommencent à aboyer. Kevin perd ses moyens, il se fâche, il marche de long en large et il menace d'aller chez les voisins. Je lui sers de rempart. J'essaie de le détendre, de calmer son esprit. Je suis l'intermédiaire. Je discute avec les voisins. Je discute avec les policiers. Je suis épuisée.
    Je demande à mon fils de tondre le gazon. Il démarre la tondeuse, le moteur pétarade et une odeur d'essence emplit l'air. Kevin sursaute. Les sons et les odeurs provoquent une crise de panique. Il était à bord du premier avion qui a atterri à Haïti après le séisme. Les odeurs qu'il a senties ne le quitteront jamais. Le bruit ordinaire d'une tondeuse peut le laisser agité pendant des jours.
    Ma fille met une pizza au four. Le fromage coule sur l'élément. La fumée déclenche les détecteurs. Elle panique, ouvre les fenêtres et met les ventilateurs en marche. Kevin fige, il panique et il devient confus. L'odeur de brûlé suractive son trouble de stress post-traumatique.
    Soudainement, on entend une rafale de tirs d'armes à feu. Toujours le même voisin. Kevin perd les pédales. Il panique. C'est vraiment comme un film de guerre. J'appelle les voisins et je les supplie d'arrêter.
    Ils répondent qu'ils ont une ferme et que c'est leur droit.
    Je rétorque que Kevin est un vétéran et qu'il souffre d'un trouble de stress post-traumatique. Qu'ils ont des voisins et que des enfants et des animaux vivent dans les maisons autour de chez eux. Qu'ils ont une terre, mais qu'ils ne font pas d'agriculture. Que je comprends qu'ils veulent s'amuser, mais qu'ils peuvent aller dans un champ de tir pour cela. Ce manège a recommencé tous les jours pendant des mois.
    Kevin n'en peut plus. Mes garçons sont confus. Je suis épuisée. Pour fuir le bruit et les distractions et être en mesure de faire ses devoirs et de suivre ses cours de l'Université Queen's dans le calme, ma fille va chez ses amis.
    Le même voisin fait maintenant des allers-retours dans son entrée avec une motocyclette tout-terrain qui fait un bruit d'enfer. Je prépare le souper. Nous nous asseyons pour le souper en famille. Tout va bien jusqu'à ce que les chiens recommencent à aboyer. Kevin fait la vaisselle et va se coucher.
    Je descends et je joue à des jeux vidéo avec mes fils. La télévision est en sourdine. Nous choisissons un film et nous le regardons à faible volume. Les garçons vont au lit. Je monte et je me demande dans quel bateau je me suis embarquée. Honnêtement, cette pensée part aussi vite qu'elle est venue. Cet homme nous a tellement donné, à mes enfants et à moi.
    Je rampe vers le lit, mais je ne m'endors pas tout de suite parce que les terreurs nocturnes commencent. Je ne veux pas dormir avant d'être certaine qu'il est en sécurité. Les rêves commencent. Il donne des coups de pied, il agite les bras, il parle, il hurle, il agrippe des choses, il donne des coups de poing. Vous pouvez imaginer le reste. Je dors mal. Il m'a proposé de dormir dans une autre pièce, mais j'ai besoin de savoir qu'il est en sécurité. C'est son tour de se faire protéger.
    Quand il a eu 65 ans, son salaire net est passé de 2 032 $ à 932 $. Je répète. Il reçoit maintenant la somme faramineuse de 932 $. À 65 ans, le salaire des vétérans est supposé baisser de 20 %. J'imagine que leur vie s'arrête à 65 ans. On jette les vétérans avec l'eau du bain à un moment de leur vie où ils ont le plus besoin d'aide. Kevin a été cavalièrement libéré de l'armée parce qu'il était considéré comme trop vieux. On n'est pas vieux à 60 ans.
    Nous discutons tous les jours au téléphone avec ACC, le Bureau de l'ombudsman et la commission des droits de la personne pour avoir des réponses claires. Nous en recevons rarement. Nous recevons des réponses qui tournent en rond et, au bout du compte, nous sommes si confus et si frustrés que nous renonçons.

  (1550)  

    Nous sommes éduqués, mais nous avons l'impression d'être des illettrés chaque fois que nous recevons des réponses vagues, sans lien avec la question et qui changent aussi souvent que les prévisions météorologiques. Alors que nous avons besoin que notre vie soit simplifiée, on s'ingénie à nous la rendre tellement plus compliquée.
    Si nous avons bien compris, comme je suis la conjointe de fait, j'ai droit à ses prestations d'ACC, mais pas à celles de l'armée. Où est la logique? Nous avons découvert que si un vétéran n'est pas marié à 60 ans, aucune forme d'union ne sera reconnue après. Si nous nous marions, nous aurons une année pour soumettre tous les documents requis pour que je puisse toucher ses prestations de l'armée, c'est-à-dire sa pension de service militaire, mais nous devrons payer tous les frais à même nos maigres revenus.
    Le ministère des Anciens Combattants remet jusqu'à 150 millions de dollars au gouvernement chaque année. Cet argent pourrait servir à soutenir les vétérans et leur famille, peu importe le modèle de cellule familiale. La prestation de remplacement du revenu a été réduite de 20 %, mais des millions sont remis au gouvernement.
    J'ai contacté des groupes de soutien, mais je ne suis pas mariée et je ne suis pas une militaire en service. Comme conjointe de fait, je n'ai droit à aucune reconnaissance.
    Je tiens à dire que c'est une nouvelle réalité pour moi et que je ne veux pas changer de vie. En revanche, ce serait bien que quelqu'un nous tende la main et nous demande si nous avons besoin d'aide ou d'explications et, si cette personne n'a pas les réponses, qu'elle nous offre de nous diriger vers quelqu'un qui les a.
    Les vétérans doivent continuellement courir après l'aide. Dans ces conditions, c'est davantage un fardeau qu'une aide. Les vétérans en ont assez d'être marginalisés, mis à l'écart et oubliés. À titre de conjointe de fait, j'ai l'impression d'être traitée en quantité négligeable la plupart du temps.
    Merci.

  (1555)  

    Merci énormément d'être venue partager votre histoire avec nous.
    Nous passons rapidement à la Dre Heather MacKinnon.
    Les cinq prochaines minutes sont à vous.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de me donner la possibilité de m'adresser à vous au nom des vétérans, de leurs aidants et de leurs familles.
    Je vais tout d'abord me présenter. Je suis une ancienne médecin militaire, et j'ai servi dans les forces régulières ainsi que dans la réserve. J'ai participé à de nombreuses missions militaires au Canada et à l'étranger. J'exerce maintenant la médecine générale à Halifax, et ma clientèle est constituée de vétérans de l'armée et de la GRC ainsi que de leurs familles.
    J'aimerais remercier le ministère des Anciens Combattants de l'aide et des services extraordinaires qui sont offerts actuellement aux vétérans. Les programmes à leur disposition présentent plusieurs aspects positifs, notamment pour ce qui concerne les soins de santé mentale. Selon ce que j'en comprends, les mesures de soutien en santé mentale sont actuellement accessibles seulement aux conjoints et aux enfants des vétérans qui y ont consenti. Les ex-conjoints, les parents et les enfants de plus de 25 ans n'y ont pas accès.
    Beaucoup de vétérans ont été exposés à de multiples facteurs de stress au cours de leur carrière. Leurs conjoints et leurs enfants doivent les suivre d'une base militaire à l'autre, souvent en laissant derrière eux carrière et amis. Les blessures de stress opérationnel s'ajoutent aux sources de perturbation de la dynamique familiale.
    Je suis médecin de famille et je crois que le meilleur moyen de vous exposer les problèmes que j'observe est de vous donner des exemples des répercussions du manque de services en santé mentale pour les conjoints, les aidants naturels, les enfants ou les ex-conjoints. Les cas dont je vais parler sont loin d'être isolés. Il s'agit seulement d'exemples de multiples cas parmi les vétérans qui sont mes patients.
    Les familles des vétérans peuvent faire face à des facteurs de stress extrêmes qui ne sont pas seulement associés aux troubles de santé mentale, mais aussi aux troubles physiques et aux difficultés financières. Quand un mariage éclate, toutes les parties sont perdantes. Le vétéran peut obtenir des services de santé mentale par l'intermédiaire d'Anciens Combattants Canada, mais l'ex-épouse n'a droit à rien. Il revient alors au médecin de famille de lui venir en aide, parce qu'elle n'a pas accès à des services de counselling en santé mentale gratuits. Souvent, les ex-épouses subissent des pertes financières, n'ont nulle part où aller vivre et doivent se tourner vers l'aide juridique, qui n'est vraiment pas fiable.
    Malheureusement, la dépendance à des médicaments, comme les benzodiazépines, et les idées suicidaires peuvent devenir un problème sérieux. Dans un cas, nous avons dû demander une aide au logement à l'organisme Veterans Emergency Transition Services Canada, ou VETS Canada. Une autre fois, une ex-épouse a trimbalé son baluchon à droite et à gauche jusqu'à ce qu'elle soit considérée comme une personne âgée et admissible à une aide au logement. Quand des enfants sont en cause, les dossiers sont encore plus complexes.
    Anciens Combattants Canada offre des traitements en santé mentale aux membres de la famille seulement si le plan de traitement ou de réadaptation du vétéran établit que ce sera bénéfique pour lui. L'étendue des traitements varie selon les cas. Les enfants de plus de 25 ans ne sont pas admissibles aux soins de santé mentale financés par Anciens Combattants. J'ai des patients qui sont des enfants adultes de vétérans qui souffrent de troubles graves de santé mentale, mais qui ne peuvent pas recevoir de traitements. Parfois, les troubles ont commencé avec les déploiements de leur père il y a 25 ans.
    Un de mes patients souffre de troubles mentaux et physiques. Son père a un trouble de stress post-traumatique lié à ses déploiements. Un autre enfant a commencé à éprouver des troubles physiques et mentaux quand son père est rentré de mission. Sa mère et lui recevaient des services de counselling en santé mentale, mais ils ont cessé d'y avoir accès quand il a été découvert que le fils d'un vétéran qui avait assassiné un policier recevait de tels services en prison. Cette découverte a entraîné un examen et un resserrement de la politique. Depuis, la famille n'est plus admissible à des traitements financés par ACC.
    Il est souvent difficile de vivre avec un vétéran qui souffre d'un traumatisme lié au stress professionnel et d'autres troubles mentaux. Il peut devenir agressif verbalement et physiquement, boire, s'isoler pour ruminer des idées noires. Le reste de la famille marche sur des œufs lorsque le vétéran va mal. Le vétéran malade aura tendance à couper les contacts avec le monde extérieur. J'en connais un qui a installé des caméras partout autour de sa maison. Il est constamment aux aguets. Une femme qui n'était pas ma patiente est venue me demander de faire quelque chose pour que son mari arrête de l'agresser verbalement en public. Ce sont des cas difficiles. Comment composer avec la situation, l'épouse et le mari en évitant que les choses dégénèrent? J'aurais aimé que cette femme ait accès à des services de santé mentale par l'intermédiaire d'ACC. Une situation qui a mal tourné a impliqué des armes à feu et un affrontement de deux jours avec la police. La situation a été désamorcée grâce au dialogue [Difficultés techniques].
    Une conjointe m'a rappelé que lorsque le militaire est en service, toute sa famille est en service. Un vétéran m'a dit que ses médailles ne lui appartenaient pas seulement à lui, mais à toute sa famille.

  (1600)  

    Le ministère des Anciens Combattants a fait des progrès au chapitre des traitements en santé mentale des vétérans qui souffrent d'une blessure de stress opérationnel et de leurs familles. Il s'agit d'un pas très important. Le seul problème est le mode d'accès à ces services. Il faut passer par un gestionnaire de cas. Comment aider un vétéran à accéder à une clinique de traitement de ces blessures? Il faut un gestionnaire de cas.
    Auparavant, je pouvais appeler un gestionnaire de cas pour obtenir de l'aide pour un vétéran, mais ce temps est révolu. C'est maintenant une espèce rare. Si les vétérans qui ont reçu un diagnostic de blessure de stress opérationnel peuvent obtenir de l'aide, qu'en est-il des familles de tous les autres qui n'ont pas de gestionnaire de cas? Quelle aide est offerte aux épouses, aux aidants et aux enfants qui en ont besoin?
    Il serait possible d'offrir du soutien et des services, y compris en santé mentale, aux vétérans, aux aidants et aux familles. Il suffirait d'apporter quelques petits ajustements au système.
    Monsieur le président du Comité permanent des anciens combattants, mesdames et messieurs, merci d'avoir pris le temps de m'écouter.
    Si vous avez des questions, je ferai de mon mieux pour y répondre.
    Merci énormément, docteure MacKinnon.
    Nous allons maintenant entendre le dernier témoin.
    Capitaine White, vous disposez des cinq prochaines minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     [Difficultés techniques] participer à la réunion du comité permanent. Je donne beaucoup d'allocutions dans ma région et, habituellement, je ne prépare pas de notes. Au début de mon service... J'ai prêté serment envers la Gendarmerie royale canadienne le jour de mon 19e anniversaire, le 29 mai 1974. Je compte 31 années de service. Après la GRC, j'ai accepté de servir dans la Marine, pour ce qui fut le début d'excellentes années de service, mais aussi de graves traumatismes. Ces deux réalités sont indissociables de l'emploi.
    J'ai pris ma retraite en 2004, après 31 années de service. Dans mon ordinateur, j'ai enregistré les noms de quelques personnes qui restent trop souvent dans l'ombre, souvent par leur faute. Mon traitement a été amorcé par la Dre MacKinnon. Elle et Peter Stoffer, un ancien député du NPD, pourraient probablement recevoir le titre de saints-patrons des vétérans et de leurs familles, et je n'exagère pas.
    Il semble qu'une grande partie des soins fournis aux vétérans et à leurs familles le sont après un incident et ici, en Nouvelle-Écosse, nous avons eu plus que notre part. Les événements de Portapique ont eu des incidences pour beaucoup d'agents de la GRC, dont certains ont été mes étudiants il y a plusieurs années. Heidi Stevenson (née Burkholder) était, depuis longtemps, une très bonne amie. Des noms continuent de s'ajouter sur le mur et ce n'est pas ce que nous voulons.
    J'ai pris ma retraite après avoir été libéré pour des raisons médicales — j'avais quand même 31 années de service — liées à des blessures subies alors que j'aidais des enfants à sortir d'un champ de mines. J'étais au milieu d'une mission de l'ONU dans les champs de la mort au Cambodge, en 1992. Même si l'accident a eu lieu le 14 août 1992, c'est seulement en 2002 qu'il a refait surface, quand la Dre MacKinnon a observé un certain nombre de choses qu'elle n'a pas aimées. Elle m'a embarqué dans une aventure qui m'a peut-être sauvé la vie.
    On trouve toutes sortes d'établissements de traitement à Halifax et, peut-être parce que je suis un officier supérieur à la retraite, et même si ce n'est pas une raison, il semble que j'aie plus de facilité à avoir accès à leurs services et aux avantages que d'autres membres. Sur une page Facebook intitulée « UN and NATO veterans Group », vous constaterez que je suis membre de ce groupe. Nous nous rencontrons tous les samedis pour déjeuner ensemble. Nous sommes 80 environ, et le groupe compte seulement deux officiers. Je suis l'un d'eux et l'autre est le commandant Fred Maggio qui, tout comme la Dre MacKinnon, est un médecin militaire qui a joué un rôle très important à Halifax.
    J'ai demandé à faire partie du groupe pour discuter des problèmes que rencontrent les vétérans et leurs familles parce qu'ils peuvent recevoir de l'aide seulement après un incident. Ma maison n'est pas très loin de celle où vivait Lionel Desmond. Je vis à une heure à peine du lieu d'une terrible tragédie. Je n'ai jamais été dans ses chaussures et je n'ai donc aucune idée de la situation exacte mais, du jour au lendemain, tout le monde s'est mis à répéter le même refrain: Où se trouvait l'erreur? Qu'est-ce qui nous a échappé? Qu'est-ce qu'on aurait pu faire de mieux?
    Je suis ravi de souligner [Difficultés techniques]. Mon patron de l'époque, R. A. Dallaire, a dit qu'il faudrait probablement en parler à quelqu'un. Mais je rappelle qu'en 1992, pour ceux d'entre vous qui ont une mauvaise mémoire, la stigmatisation des troubles de santé mentale était telle que personne n'osait aller de l'avant. Une corde accrochée à une poutre au sous-sol semblait une meilleure solution. Certaines personnes choisissent encore cette solution, je le vois tous les jours.
    Mon réseau de survie repose sur les épaules de ma magnifique épouse. Même si, bien des matins, c'est elle qui me tire du lit et me force à affronter le monde, elle n'a droit à aucune indemnisation. Elle représente le cinquième de mon réseau de survie. Ma fille et mes trois petits-enfants font le reste. Quand des pensées indésirables me traversent l'esprit, c'est ma magnifique épouse, Jane, et mes petits-enfants qui m'aident à sortir du précipice.

  (1605)  

    Un parc de Bass River, en Nouvelle-Écosse, a été dédié à la mémoire des vétérans. Je vous invite à faire une recherche sur Google. Ce parc commémoratif de calibre mondial est l'œuvre d'une autre médecin, la Dre Karen Ewing. À Halifax, il s'agit d'un véritable aimant, d'un point d'attraction pour les vétérans. Nous nous y réunissons pour les célébrations des Nations unies, pour le jour du Souvenir, pour le Jour commémoratif de l'Holocauste. Chacun de ces petits réseaux de soutien hors d'ACC nous aide à passer au travers de nos journées.
    J'ai eu une carrière en deux temps. J'ai commencé dans la GRC et j'ai pris ma retraite de l'armée. À Halifax, il reste encore beaucoup trop de retraités de la GRC qui ne sont pas considérés comme des vétérans dans beaucoup de milieux. Ils viennent me voir pour savoir ce qu'ils peuvent faire pour tel ou tel problème, avoir accès à un service ou à un autre, recevoir une prestation quelconque, ou un crédit d'impôt pour personnes handicapées de l'Agence du revenu du Canada.
    J'espère me tromper, mais il semble que la réponse par défaut à toute requête ou demande d'information à ACC est « non ». Si la moitié des personnes qui soumettent une demande pour un monte-escalier, un neurostimulateur transcutané, ou TENS, ou un autre appareil essuient un refus, la moitié se dira qu'il ne sert à rien d'insister. L'étape suivante est de faire appel au Tribunal des anciens combattants, révision et appel. La démarche peut être fructueuse, mais le Tribunal peut aussi maintenir la décision comme quoi la demande n'est pas liée au problème de santé pour lequel la pension a été accordée initialement.
    Chez une personne qui souffre d'un trouble de stress post-traumatique, une crise peut induire un blocage musculaire. La Dre Leckey peut lui prêter un appareil TENS pour un essai. Les électrodes appliquées sur le cou envoient des courants électriques dans les muscles, et la personne peut recommencer à bouger et revenir au problème qui a provoqué la crise. Quand la Dre Leckey constate que l'appareil semble fonctionner, elle envoie une lettre dans laquelle elle confirme que l'essai a été très concluant. On lui répond ensuite que le problème n'est pas lié au problème pour lequel la pension a été accordée. C'est là que l'envie peut vous prendre de sauter dans votre voiture ou sur votre motocyclette et de rouler jusqu'à Ottawa pour trouver l'individu qui semble incapable de répondre autre chose que « non » à des professionnels de la santé qui affirment qu'un traitement est prometteur. Ils ne sont pas catégoriques, mais ils indiquent que le traitement semble fonctionner.
    Dans ces cas, la meilleure chose à faire est souvent, j'ai horreur de le dire... Je l'ai noté ici: il faut trouver ce qu'on appelle un ange d'ACC. J'ai le nom d'un de ces anges dans mon ordinateur. Elle sait de qui je parle. Ces anges savent à quelles portes il faut frapper. Ce n'est pas normal que pour recevoir de l'aide, il faille savoir à quelles portes frapper.
    J'étais responsable de l'organisme le plus impopulaire des forces, celui de la gestion de carrière. Tous les matins, je disais à mon équipe qu'il fallait faire de notre mieux pour aider plus de personnes que nous en emmerdions. Nous ne pouvions pas les guérir, mais je demandais à mon équipe de les aider plutôt que de leur nuire. C'était le mieux que nous pouvions espérer.

  (1610)  

    Merci pour cette réflexion, monsieur, mais je dois vous interrompre. Je suis vraiment désolé, mais votre temps de parole est largement dépassé. Nous en sommes à sept ou même huit minutes. Vous allez constater dans la prochaine heure et demie que je suis un spécialiste de l'interruption, et je vous présente mes excuses à l'avance. J'ai accordé un peu plus de temps que prévu à tous les témoins.
    Je dois avouer que le greffier m'a chuchoté à l'oreille chaque fois que le temps était dépassé, mais je lui ai tenu tête parce que je ne voulais pas vous interrompre.
    Je vais donc conclure avec ceci: Répondez au foutu téléphone. Tout ce que je vous demande, c'est de répondre au téléphone.
    Merci, monsieur White.
    Le premier à poser des questions sera le député Brassard, pour une période de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne voudrais surtout pas devancer les analystes qui rédigeront le rapport, mais je pense que la première recommandation devrait être de répondre au téléphone, tout simplement.
    Monsieur White, merci de cette observation.
    J'ai beaucoup de questions. Je vais m'adresser en premier lieu à M. Bruyea.
    Je vous remercie d'être des nôtres. Depuis le temps que je vous connais, depuis toutes ces années... Je sais que personne, surtout pas quelqu'un qui ne vient pas des rangs de l'armée, ne peut se présenter devant le Comité en étant aussi bien préparé que vous à traiter d'un sujet.
    Tout comme vous, l'ombudsman a affirmé que les membres des familles devraient avoir accès « de plein droit » à des soins. Vous avez ajouté qu'ils devraient pouvoir les demander « de leur propre initiative ». Qu'entendez-vous par là, et quels sont les obstacles à l'accès aux soins de santé mentale pour les familles actuellement?
    Merci beaucoup, monsieur Brassard. J'accueille vos remarques avec beaucoup d'humilité.
    L'ombudsman a eu parfaitement raison d'utiliser l'expression « de plein droit ». Elle se rapporte à la disponibilité du programme. Nous savons tous qu'il existe une foule de programmes... [Difficultés techniques] a dit quelque chose au sujet de l'accessibilité. C'est à cette partie que je pense quand je dis « de leur propre initiative ». Trop souvent, l'accessibilité est déterminée par le ministère des Anciens Combattants sans tenir compte des besoins des membres des familles ou des vétérans eux-mêmes.
    Je tenais à dire « de leur propre initiative » pour indiquer que s'il existe une volonté et une raison médicale établie par un praticien qui n'est pas associé à Anciens Combattants Canada, il faut que les soins soient fournis, sans poser de questions et sans imposer de délais.
    Quant aux obstacles auxquels font face les membres des familles qui ont besoin de soins de santé mentale... Comme tous les témoins ont parlé de la nécessité de ces soins aujourd'hui, je ne vais pas m'étendre sur le sujet, si ce n'est pour confirmer les très nombreuses formalités administratives.
    Premièrement, comme l'a souligné la Dre MacKinnon, avant qu'un membre de la famille puisse recevoir des soins de santé mentale, il faut tout d'abord que le dossier d'un vétéran soit confié à un gestionnaire de cas.
    Après une période d'attente — qui dans certains cas peut se prolonger sur des mois, et même sur plus d'une année dans certains districts —, le dossier du vétéran est confié à un gestionnaire de cas. Le vétéran est ensuite admis au programme de réadaptation médicale, ou professionnelle dans certains cas. Une fois admis, le vétéran établit un plan de gestion de cas avec le gestionnaire, qui détermine ensuite si ces plans doivent englober la famille.
    Le plus important à retenir est qu'on ne se demande jamais si la famille a des besoins. Comme l'a établi le ministère des Anciens Combattants, ce qui compte est de déterminer si le vétéran a besoin que la famille obtienne des soins. Quand la famille rencontre des obstacles — par exemple, comme beaucoup de personnes l'ont relevé, parce que le vétéran ne veut pas qu'elle reçoive des soins ni même, pour certains, de gestionnaire de cas —, elle est laissée en plan.
    Le ministère des Anciens Combattants a de très beaux discours au sujet de la nécessité de procurer des soins aux familles des vétérans. L'affaire Garnier a abouti à des interprétations à la fois bonnes et mauvaises des politiques. Parmi les bonnes se trouve la suivante, qui pour l'instant est restée de l'ordre du vœu pieux:
La capacité d'obtenir des résultats positifs pourrait être entravée si le client est traité en situation isolée, c'est-à-dire sans aborder les effets que le problème de santé mentale a sur la famille ou les effets que la dynamique de la famille a sur le problème de santé mentale du patient.

  (1615)  

    Merci de cette réponse.
    Je vais me tourner vers M. White puisque l'un des problèmes soulevés par M. Bruyea concerne le fait qu'ACC n'offre pas de réseau de soutien.
    C'est ce que vous avez évoqué dans votre exposé, monsieur White. Vous avez dit aussi qu'il y a un prix à payer pour la famille. Vous avez mentionné entre autres l'aide de votre épouse.
    Quel type de mesures de soutien, ou quelles améliorations dans le régime global de reconnaissance pour aidant vous seraient utiles compte tenu de votre situation personnelle, monsieur White, et de celle de votre femme?
    Le problème vient du fait qu'il faut souffrir d'un handicap très lourd pour demander l'allocation de reconnaissance pour aidant. Dans votre cas précis, comment pourrions-nous vous aider?
    Merci, monsieur le président.
    L'aide est disponible, ce n'est pas le problème. Je sais qu'un certain pourcentage des prestations que je reçois d'Anciens Combattants sont pour ma femme. Je le comprends bien.
    Tout d'abord, si vous me le permettez, je vais diviser votre question en deux parties. Le système reconnaît beaucoup plus facilement la perte d'un bras, d'un œil ou d'une jambe que les troubles de santé mentale. C'est peut-être parce que ces troubles sont plus difficiles à quantifier ou à qualifier, mais des personnes très intelligentes peuvent le faire au Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels de Halifax. [Difficultés techniques] pour déterminer ce qu'un aidant fait au juste.
    Je n'aime pas parler de mon épouse comme de mon aidante. C'est mon épouse; je ne me suis pas marié avec une aidante. Je ne participerais pas à vos travaux aujourd'hui si je ne l'avais pas eue à mes côtés, ne serait-ce que pour en parler et pour le reconnaître.
    Merci.
    Même si je n'en suis pas ravi, notre temps est limité. Je vais donc passer à Mme Evanshen. Vous nous avez parlé de votre situation. Qu'attendez-vous de notre étude, quelle aide espérez-vous?
    J'aimerais que l'on reconnaisse qu'en tant que conjointe de fait, j'ai tout autant de valeur qu'une épouse ou une femme mariée. En ce moment, je me sens plutôt repoussée. Cette vie avec lui est nouvelle pour moi, mais ce faisant, nous avons fait tellement de chemin en l'espace de trois ans, et pourtant, je n'en retire pratiquement rien. C'est comme si je ne comptais pas, et comme si mes enfants non plus ne comptaient pas.
    Merci.
    Monsieur Bruyea, je vais revenir vers vous lors d'un prochain tour de questions.
    Merci.
    Merci, monsieur Brassard.
    Nous entendrons ensuite M. Fillmore, pour six minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier chaleureusement tous les témoins que nous recevons aujourd'hui pour leur temps et leur expérience.
    Je remercie tout particulièrement Mme Evanshen qui nous a brossé un portrait très vivant des difficultés qu'éprouvent les membres d'une famille, notamment les enfants, dans un contexte différent de permutation familiale. Vous avez très bien décrit la situation. Je vous en remercie.
    Mes collègues m'ont déjà entendu parler dans le passé de la concentration énorme de membres du personnel de service actif des trois éléments des FAC, de la GRC ainsi que de retraités et d'anciens combattants de ces éléments, à Halifax. Toutes les difficultés et tous les moments inspirants imaginables que l'on associe aux anciens combattants se retrouvent ici, à Halifax. C'est pourquoi je suis si heureux que le capitaine de corvette à la retraite Gerry White et la Dre Heather MacKinnon soient présents parmi nous.
    Je souhaite adresser ma question tout d'abord à la Dre MacKinnon, et je vais essayer de diviser mon temps en deux.
    Madame MacKinnon, si je commence à m'agiter, c'est sans doute parce que j'espère garder un peu de temps pour M. White.
     Votre point de vue et votre pratique sont extraordinaires et tout à fait particuliers, et vous êtes riche d'enseignements. Je tiens vraiment à vous laisser une grande latitude [Difficultés techniques] pour nous parler de l'importance de soutenir les familles et les aidants, à partir de votre expérience.

  (1620)  

    C'est très exaspérant. On dirait que je suis incapable d'obtenir de l'aide. J'ai recours à toutes sortes de moyens détournés, parce que ça fait longtemps que je vis cette situation. Il m'arrive d'appeler et parfois même de supplier que l'on prenne certains patients.
    Il y a une situation avec un type de 33 ans; il est incapable d'obtenir de l'aide. J'ai parlé avec sa mère au téléphone. Son père est lui-même ancien combattant; c'est un patient, et le fils est lui aussi un patient. Je vais devoir supplier un psychiatre de le voir en consultation, mais j'ai déjà établi un plan avec sa mère, et nous avons décidé que je vais commencer à lui administrer des médicaments. Ce serait toutefois bien qu'un psychiatre puisse confirmer ce qui ne va pas chez lui, mais je vais néanmoins aller de l'avant avec mon propre traitement.
     C'est comme ça que les choses se passent. Il m'arrive parfois d'obtenir qu'un psychiatre qui travaille pour ACC puisse voir quelqu'un. J'ai aussi un autre cas actuellement. Il s'agit d'un homme qui était infirmier dans l'armée. [Difficultés techniques] maladie grave, quatre AVC, et nous éprouvons énormément de difficulté à le faire inscrire auprès d'ACC.
    Rien ne se fait. Nous attendons depuis quatre ou cinq mois. Il s'est remis à boire, et les choses vont en se détériorant. Un psychiatre est intervenu, mais nous n'obtenons tout simplement pas d'aide. Encore une fois, j'ai des contacts avec sa famille. J'ai des contacts avec sa sœur, j'ai des contacts avec d'autres membres de sa famille, parce qu'il vit seul. C'est une situation horrible. Son ex-femme m'aide. Tout le monde fait sa part, mais nous n'allons nulle part.
    Cela s'est passé en juin. Pourquoi n'a-t-il pas encore été accepté par ACC? Pourquoi n'est-il pas inscrit? Nous avons commencé nos démarches en septembre, lorsqu'il a obtenu son congé de l'hôpital. Je ne comprends pas.
    Ce sont des expériences frustrantes. Je frappe à toutes les portes pour obtenir de l'aide, et M. White le sait. Je m'adresse à d'autres régimes. Je fais appel au système public, je communique avec d'autres services d'ACC; je contacte même d'anciens combattants pour leur demander de venir en aide à d'autres anciens combattants. Je les appelle pour obtenir de l'aide dans une situation particulière, si nous pensons qu'une personne a besoin de compagnie pour sa sécurité ou si nous sommes inquiets en raison d'idées suicidaires.
    Nous y travaillons. C'est tout ce que je peux dire.
    Merci beaucoup de ce témoignage, madame MacKinnon. Je vous suis très reconnaissant de votre présence parmi nous.
    Monsieur White, avant le début de la réunion, ce matin, vous m'avez confié que vous aviez assisté à l'enterrement d'un vétéran ce matin. Je sais que vous vous rendez aussi chez des gens au beau milieu de la nuit pour aider, et que vous faites tout ce qu'il est possible de faire entre les deux. Vous aidez énormément de gens en Nouvelle-Écosse et vous êtes toujours sur la brèche.
    Vous avez manqué de temps lorsque vous nous parliez de l'importance de venir en aide à la famille et aux aidants. Je me demande si vous pourriez compléter ce que vous vouliez nous dire, en insistant sur les avantages que comporte pour l'ancien combattant le soutien qui est offert aux membres de la famille.
    Merci, monsieur, j'apprécie ce que vous faites.
    Mon aidante s'occupe de moi, au moment même où je vous parle. Et voilà.
    En échange des soins et du soutien offerts par mon aidante principale, c'est-à-dire ma femme, si vous additionniez tous vos salaires et si vous commenciez à lui verser la somme obtenue, cela ne correspondrait qu'à la moitié de ce qu'elle mérite.
    Seulement pour nous supporter, il faut être l'administrateur d'un organisme de santé mentale. Ma femme a pris sa retraite après avoir pris soin d'enfants en difficulté durant 30 ans. Dieu m'a donc gratifié de la parfaite aidante.
    Le groupe d'anciens combattants des Nations unies et de l'OTAN que nous avons ici, est censé prendre la relève lorsque ACC ne répond pas aux attentes. Mais nous finissons par être le premier organisme d'aide pour nos vétérans d'ici. Nous sommes 800 anciens combattants, en Nouvelle-Écosse. Il y en a 400 dans la région métropolitaine de Halifax; nous assurons les interventions et nous répondons aux appels de nuit.
    Heureusement, j'ai réussi à m'en sortir dans la vie sans prendre de pilules, sans consommer d'alcool ni d'autres substances. Nous sommes une équipe d'intervention — un groupe de vétérans de divers horizons et de tous les vécus possibles. Quand nous le pouvons, nous demandons à ACC de donner un coup de main.
    Je serais ravi de pouvoir compter sur les services d'un gestionnaire de cas. J'essaie depuis des années. Le dernier que j'ai eu remonte à il y a 10 ans — un homme très bien qui a pris sa retraite.
    Le groupe que nous avons créé ici s'occupe des anciens combattants. Mais si nous parvenons à frapper aux bonnes portes — si les MacKinnon, Ottoman et le Dr Daniel Rasic appuient sur les bons boutons — alors, nous obtiendrons ce dont nous avons besoin d'Anciens Combattants Canada.
    Je ne suis pas ici pour médire. ACC a très bien pris soin de moi. C'est tout à fait vrai. Je n'ai aucune plainte à formuler concernant les soins que je reçois, mais il a fallu pour les obtenir frapper à beaucoup de portes. Le capitaine Bruyea vous le dira, les officiers à la retraite ne font pas de très bons négociateurs. Nous aimons négocier en tenant une carabine.
    Voilà, j'ai terminé. Merci de votre attention.

  (1625)  

    Merci, monsieur White.
    J'espère vraiment ne pas prendre l'habitude de vous interrompre. Toutes mes excuses.
    Vous pouvez m'interrompre aussi souvent que vous le voulez.
    Nous allons céder la parole au député Desilets, pour six minutes. Je vous en prie.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins. Leur témoignage est important, et il nous permet de débroussailler et de comprendre ce que vivent les anciens combattants. De plus, je les remercie du service qu'ils rendent au pays.
    Nous avons entendu des témoignages vraiment touchants. Madame Evanshen, je dois dire que je suis très sympathique à votre cause et que je suis sensible à votre situation.
    Il y a deux semaines, nous avons entendu le témoignage d'un vétéran. Il nous a donné plusieurs exemples concrets illustrant ce que les anciens combattants et les anciennes combattantes doivent surmonter. Il nous a parlé de son cas précis et nous a dit qu'il avait de la difficulté à recevoir des services en français. Il a aussi parlé de toutes les répercussions que cela pouvait avoir.
    Je vais commencer par vous poser une brève question. Elle peut paraître idiote, mais elle ne l'est pas. À votre connaissance, est-ce que cette situation s'est produite, ou peut-elle se produire, en ce qui a trait aux services en anglais?

[Traduction]

    Pour autant que je sache, cela n'a jamais été un problème. Je suis du Québec. Je parle français, je peux donc comprendre les difficultés que l'on peut éprouver dans les régions non francophones. Surtout à cet égard, je peux comprendre que cela puisse parfois ressembler à l'ascension du mont Everest.
    C'est déjà suffisamment difficile de trouver quelqu'un pour nous aider. Ajouter à la complexité de la tâche la maîtrise d'une autre langue pourrait sembler franchement impossible, en toute franchise.

[Français]

    Je vous remercie, madame Evanshen.
    Je suis heureux de savoir que vous êtes du Québec.
    Pouvez-vous nous mentionner d'autres obstacles importants que les anciens combattants doivent surmonter? Vous y avez fait allusion, plus tôt, lorsque vous avez dit que l'on vous répondait parfois n'importe quoi ou que l'on vous donnait deux réponses différentes à une question.

[Traduction]

    Répondez au téléphone.
    Nous appelons, et nous laissons des messages. Nous envoyons des courriels. Personne ne répond. Nous attendons toujours. Kevin a envoyé des courriels et, au bout de six, sept et même huit semaines, nous n'avons toujours pas reçu de réponse.
    On souhaite éviter qu'une personne prenne le téléphone et appelle chaque fois qu'elle a un problème. Mais lorsque le problème est récurrent, il faut venir en aide aux gens. Répondez-nous, tout simplement. Donnez-nous une simple réponse. Nous n'allons pas nécessairement disparaître, mais au moins nous pourrons mieux comprendre ce qui se passe. Mais nous n'obtenons même pas cela.
    Si seulement quelqu'un pouvait répondre au téléphone, ce serait utile.

[Français]

    Je vois que M. White est de votre avis, madame Evanshen.
    Monsieur White ou madame Evanshen, vous parliez d'appels que vous avez dû faire dans les derniers mois et de délais d'attente au téléphone, combien de temps avez-vous dû attendre?
    J'ai pris une photo des délais au moyen de mon cellulaire. Les délais étaient d'une heure et quatorze minutes, d'une heure et quarante minutes, ou encore d'une heure et quinze minutes. C'est un perpétuel combat. D'abord, il faut obtenir une réponse. Ensuite, on est transféré d'un service à l'autre, puis, finalement, on nous donne un nom. Sinon, et c'est la situation la plus frustrante qui peut arriver, on nous met en attente et on disparaît. Il faut alors recommencer tout le processus depuis le début.

  (1630)  

[Traduction]

     Et il faut tout reprendre depuis le début. C'est tellement exaspérant. On finit par abandonner, ce qui est presque... Je regrette d'avoir à le dire, parce que je sais que votre personnel se présente au travail le matin avec l'intention de faire son possible pour les clients, mais ce n'est pas l'impression que nous avons, monsieur le président. Ce n'est pas du tout ce qui est perçu. On dirait que le personnel souhaite seulement nous voir disparaître, comme vient de le dire Mme Evanshen de manière si succincte.
    La bonne nouvelle, c'est que nous mourons, alors nous finirons bien par disparaître. Il suffit de continuer à nous faire attendre. En effet, nous mourons, mais dans l'intervalle, ce serait bien qu'ACC nous accorde une toute petite dose de dignité. Je suis désolé, mais si je deviens émotif, c'est parce qu'il s'agit d'une démarche taxante sur le plan affectif.
    Mon cher ami Andy Fillmore connaît une partie de la thérapie. Il nous confie des tâches. Il appelle les vétérans et il leur dit, « J'ai besoin de toi pour une déclaration d'impôt », ou « J'ai besoin de toi pour la banque alimentaire » ou encore « J'ai besoin de toi pour aller rendre visite à un type ». Il connaît déjà la réponse lorsqu'il nous appelle. La réponse sera celle-ci, « Je m'en occupe, monsieur le député », et nous y allons. C'est notre thérapie, mais nous avons dû l'appliquer à l'intérieur de nous-mêmes. Je suis désolé, mais nous avons dû tout faire à partir de l'intérieur de nous-mêmes avec le faible espoir de passer à travers ou de trouver...
    Heather MacKinnon aurait dû prendre sa retraite il y a trois ou quatre ans. Il nous faut de nouveaux anges gardiens qui savent sur quel bouton pousser pour obtenir quelque chose d'Anciens Combattants Canada.
    Je suis désolé. Toutes mes excuses.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai peur que votre temps soit écoulé, monsieur Desilets.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    La suivante est Mme Blaney, pour six minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tout le monde pour leurs services. D'une manière ou d'une autre, vous avez rendu de grands services à notre pays.
    Je pense que je vais commencer par vous, madame Evanshen. Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour le récit que vous nous avez fait. Je vous ai trouvée très convaincante dans le récit de votre expérience; dans la description de tout le travail que cela exige, et aussi de la quantité de travail à abattre en amont, sachant que chaque nouveau pas sur le chemin amènera sa part de nouvelles difficultés.
    L'une des choses que vous avez mentionnées est le fait que vous n'êtes dans cette relation que depuis trois ans. Que vous êtes une conjointe de fait, et que vous avez souvent l'impression de ne pas compter. Et pourtant, ACC est venu nous dire que les conjoints de fait sont considérés au même titre que tous les autres conjoints. Mais d'après ce que vous dites, ce n'est pas ce qui se passe en réalité. Ce serait vraiment utile pour notre comité si vous pouviez nous expliquer quelles sont les différences claires que vous percevez.
    À dire vrai, ce ne fut pas facile de vous raconter notre quotidien. Ces événements ne se produisent pas nécessairement tous les jours, mais de façon assez régulière, oui ils se produisent.
    Malheureusement, étant donné que ma relation avec Kevin remonte à trois ans seulement, c'est un combat que je dois mener pour que l'on reconnaisse, un peu comme l'a dit M. White, que je suis une aidante. Il n'est pas un enfant; il n'est pas un bébé. Je ne le change pas de couches, et je ne lui donne pas sa bouteille de lait, mais parfois, c'est un peu l'impression que j'ai. J'espère qu'il n'est pas à l'écoute.
    Je ne peux pas l'accompagner aux réunions avec ces gens. Ils ne vont pas parler devant moi. Je ne suis pas autorisée à participer aux groupes. Je ne suis pas admissible à recevoir certaines allocations. Nous devons nous débrouiller avec le très peu que nous avons. Autant il se sent marginalisé comme vétéran, comme la plupart d'entre eux, pour ma part, je ne fais pas le poids. J'ai seulement l'impression que je devrais me cacher sous une pierre quelque part, et que c'est là que les autorités me voient, si seulement cela a du sens.
    J'espère que j'ai répondu à votre question.
    Oui, je comprends très bien, et j'apprécie votre réponse. J'apprécie aussi le courage dont vous faites preuve en répondant si franchement à toutes ces questions, et en nous communiquant aussi intimement l'expérience que vous vivez.
    J'aimerais vous poser une dernière question. Vous avez parlé du voisin et de toutes ces sources de stress. Pendant que vous faisiez votre récit, j'étais en train de penser que tous ces événements me rendraient irritable, moi aussi. Ce que j'aimerais vraiment, si possible, c'est que vous m'expliquiez quelle est la différence. Comment une personne qui ne souffre pas d'un TSPT vivrait cette expérience est une chose, mais vous vivez avec ces réalités, et vient ensuite tout le travail que vous devez accomplir en tant qu'aidante.
    Pour le compte rendu, j'aimerais que vous nous expliquiez ce qui fait clairement la différence dans ce que vous vivez compte tenu du contexte.

  (1635)  

    Il y a les chiens, par exemple. J'ai moi-même un chien. J'ai un gros chien. Il aime aboyer. Les voisins ont deux chiens qui aboient sans arrêt. Pour Kevin, c'est comme le bruit que font des ongles sur un tableau. C'est une nuisance continuelle. Pour ce qui est de la police, je les appelle, j'essaie d'amortir les coups. Je me suis rendue chez les voisins. J'ai reçu des menaces. On me dit, « C'est dangereux de venir ici, ma petite dame. » Je leur réponds, « J'espère que vous n'allez pas me parler sur ce ton, parce que les choses risquent de se gâter pour vous. »
    C'est toujours aux dépens de Kevin. On entend des tirs de carabine — la même famille — sans avertissement. Tout d'un coup, Kevin est assis là, tout se passe bien, et soudainement, on entend un tir de barrage à 150 pieds de notre porte. Je l'ai vu se jeter par terre. Je l'ai vu se fâcher, aller dans la chambre, fermer la porte, se cacher sous les couvertures et refuser d'en sortir. Alors, je retourne là-bas, encore une fois, et mes enfants me crient, « Maman, ils sont armés. » Quant à moi, je me dis, « Ça m'est égal, parce que Kevin compte plus pour moi qu'un tas de jeunes qui s'amusent avec des armes à feu. » S'ils veulent me confronter, eh bien, bonne chance, parce que je suis décidée. Puis, c'est la moto tout-terrain, qui est bruyante, et qui fait des allers et retours.
    J'appelle la police, ils viennent, et pour être honnête, un policier nous a déjà dit, « Je ne vais pas me rendre là-bas, ils sont armés. » J'ai répondu, « C'est vrai, mais je suis sûre que vous êtes armé vous aussi, alors, allez-y et occupez-vous d'eux. »
    C'est continuel et ça peut être aussi simple que de circuler sur la route et que quelqu'un vous coupe sans le faire exprès. Ce genre d'événement le jette dans un état d'extrême nervosité. Une explosion au silencieux d'une voiture, une tondeuse qui démarre. Toutes ces choses que nous tenons pour acquises et auxquelles nous ne réagissons pas, n'ont pas le même effet sur lui. Elles le mettent hors de lui, et il n'est pas facile ensuite de le ramener à la normale.
    Merci. Je pense que vous avez parfaitement décrit à quel point les choses peuvent être différentes.
    Docteur Whelan, si vous me permettez, vous avez dit dans votre témoignage que la famille et les aidants ne sont pas des spécialistes qualifiés. Et pourtant, on leur demande de s'occuper des problèmes que le militaire connaît en raison du trouble de stress post-traumatique et d'autres enjeux. Je me demandais si vous ne pourriez pas nous parler de l'incidence sur les aidants, mais aussi, des mesures qu'il faudrait mettre en place pour soutenir les aidants naturels.
    Juste une brève réponse, s'il vous plaît.
    C'est par défaut que cette responsabilité est imposée aux conjoints parce qu'il n'y a rien d'autre de disponible. Les cliniciens ne vont pas les rencontrer lorsqu'ils traversent une crise. Nous allons les voir deux ou trois semaines, et parfois même un mois plus tard. Donc, par défaut, c'est le ou la conjointe ou n'importe qui d'autre pouvant les aider à gérer la situation entre les rendez-vous qui s'occupe d'eux, et l'occasion est perdue.
    La réponse courte à votre question, c'est que toute la famille, comme je l'ai déjà mentionné, doit être confiée à un gestionnaire de cas dès le départ afin d'écarter les conséquences pour elle et le niveau de responsabilité qui lui est imposé.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Wagantall, pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président. Et merci à vous tous de votre présence.
    Je ne peux que constater que ceux qui sont ici et qui assument le rôle de fournisseurs de soins sont eux-mêmes des vétérans. Cela en dit long sur toute cette affaire des vétérans qui comprennent et qui aident les autres vétérans à tous points de vue.
    Docteur Whelan, premièrement, j'apprécie le point de vue professionnel que vous apportez à la situation parce que très souvent, j'entends ceux et celles qui sont aux prises avec ces problèmes et il semble qu'ils frappent un mur lorsqu'ils veulent exprimer leurs inquiétudes. Venant de vous, cela ajoute de la crédibilité à leurs doléances.
    Des représentants de la Caregivers' Brigade sont venus témoigner devant notre comité, et aujourd'hui, nous avons entendu le cri du cœur de Mme Evanshen. Ce sont ces gens qui vivent les incidents et qui assument le rôle de « piliers invisibles », comme vous les appelez. Leur rôle est essentiel. Je ne peux pas m'empêcher de penser à la pandémie de COVID et au fait que nous avons tous commencé à réaliser l'importance des services essentiels. Pourriez-vous nous parler un peu plus de ces services essentiels qui jouent un rôle tellement énorme pour la santé de notre nation, et à plus forte raison, pour la santé de ces personnes en particulier?

  (1640)  

    Je ne veux pas trop m'éloigner du sujet, mais je pense que cela fait vraiment partie de l'idéologie, et représente une extension de l'idéologie selon laquelle les responsables de la gestion de la vie familiale, de la vie à la maison et de la culture affective de cette maison sont, implicitement, les femmes.
    Par inadvertance ou par manque de réflexion, je pense que nos politiques tiennent cela pour acquis. Je veux parler de la manière dont les ministères voient le rôle des femmes au sein de la famille. C'est l'évidence même, parce que personne ne veut reconnaître à quel point nous tenons ce rôle comme allant de soi.
    Excellent.
    C'est la vérité. Dans le meilleur des cas, il y a énormément de responsabilités dans un foyer que l'on attribue implicitement aux femmes. Alors, imaginez dans de telles circonstances. Donc, c'est très significatif.
    Docteure MacKinnon, merci beaucoup pour toutes vos années de service actif, et aussi pour tous les services que vous rendez maintenant dans votre rôle actuel.
    J'entends sans arrêt que nous n'avons pas [Difficultés techniques]. Comment pourrions-nous obtenir plus de médecins qui possèdent cette passion et cette compréhension qui sont nécessaires pour s'occuper de nos vétérans, tant ceux des forces armées que ceux de la GRC?
    On dirait que vous devez vous débrouiller toute seule. On entend sans arrêt que la priorité devrait être accordée à la constitution d'un effectif de médecins comme vous. Et que cette priorité devrait faire partie de l'élaboration des mesures de soutien pour nos vétérans.
    Eh bien, une partie de la réponse tient au fait que j'ai longtemps fait partie des forces armées. J'ai également participé à de nombreuses missions, et bon nombre de mes patients ont participé eux aussi à ces missions.
    L'autre partie consisterait, à mon avis, à recruter [Difficultés techniques]. Cela prend du temps, et il y a beaucoup de formalités administratives. Par ailleurs, si vous êtes « rémunéré à l'acte », vous ne recevez pas un très bon salaire. Je pense que tous ces éléments font partie de la réponse.
    Il y a quelques personnes qui le font. Je connais une autre médecin qui n'était pas dans les forces armées, mais elle a effectivement travaillé pour les militaires. Elles est très bonne avec les vétérans, donc nous sommes deux.
    Vous venez de dire que vous êtes « rémunérée à l'acte », comme cela se fait habituellement. Peut-être devrions-nous considérer l'adoption d'un autre modèle concernant les médecins qui s'occupent des vétérans, compte tenu de l'expertise que vous possédez, seulement un rapide... Je veux dire, il faut trouver un autre moyen de s'attaquer au problème.
    Oui, certainement.
    Si vous effectuez un examen médical, vous pouvez le facturer à ACC, mais le ministère ne paie pas pour grand-chose, en réalité.
    C'est un problème, parce que les autorités civiles ne reconnaissent pas le travail que l'on effectue, et elles peuvent vous rendre les choses passablement difficiles. À un moment donné, on pensait que je devais facturer Anciens Combattants Canada pour tout ce que je faisais.
    Lorsque je vois un patient en consultation, la responsabilité incombe à la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse, et non à Anciens Combattants Canada. C'est l'un des problèmes que certains médecins doivent affronter.
    Très bien, merci beaucoup.
    Capitaine de corvette à la retraite Gerry White, vous avez mentionné quelque chose qui m'intrigue parce que j'en ai entendu parler dans d'autres cas aussi. Un patient nécessite un certain traitement, mais il ne parvient pas à l'obtenir par l'intermédiaire d'ACC. Alors, le médecin décide d'aller de l'avant et d'essayer quelque chose. Il prescrit un traitement et finit par obtenir des résultats satisfaisants, et par la suite, ce traitement n'est pas reconnu. On ne tient pas compte de son expérience.
    Je peux affirmer cela particulièrement à l'égard de la méfloquine et des traumatismes cérébraux. Il existe des méthodes pour traiter ce genre de traumatisme de manière extraordinaire, mais ACC ne donne pas suite.
    J'ai peur que votre temps soit écoulé, mais je vais laisser M. White vous répondre rapidement.
    Heureusement, j'ai pris de la doxycycline plutôt que de la méfloquine, mais il faut frapper, frapper à la porte jusqu'à ce que l'on nous réponde.
    J'aimerais revenir sur l'un des commentaires de Mme Evanshen. J'agis également comme juge de paix dans et pour la province de la Nouvelle-Écosse. Actuellement, plusieurs militaires et quelques membres de la GRC m'ont demandé de les marier avant qu'ils n'atteignent l'âge de 60 ans afin que leur conjoint ou conjointe puisse recevoir des prestations. Je ne sais pas comment vous écrivez « pathétique », mais c'est là où nous en sommes rendus.
    Cela devrait répondre à une multitude de questions.
    Merci.
    C'est maintenant le tour de M. Samson, pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne saurais trop vous remercier, tous les cinq, pour vos exposés d'aujourd'hui. Vos commentaires nous seront extrêmement utiles pour produire un rapport destiné à venir en aide aux vétérans. Je ne peux tout simplement pas vous dire à quel point je vous suis reconnaissant. Donc, à chacun d'entre vous, un gros merci pour tous ces renseignements.
    Comme vous le savez, la population de la Nouvelle-Écosse compte le taux le plus élevé de militaires actifs et retraités au pays. Parfois, les gens l'oublient, mais nous les accueillons en très grand nombre. Ma circonscription de Sackville—Preston—Chezzetcook, affiche le taux le plus élevé de tous. Nous accueillons ici aujourd'hui ce que j'appelle l'équipe Canada, ou l'équipe Nouvelle-Écosse, devrais-je dire. Elle est composée de la Dre MacKinnon, de M. White et du Dr Whelan, trois personnes très importantes pour soutenir les vétérans dans nos collectivités. La manière dont ils s'entraident est tout simplement éblouissante. Je connais les liens qu'entretient Mme MacKinnon dans son travail en tant que médecin à l'appui de... Mes paroles sont impuissantes à traduire toute l'admiration que j'ai pour vous, docteure MacKinnon. Chaque fois que je vous écoute parler, je ne peux qu'être ébloui par toutes les choses que vous faites. Quant à vous, monsieur White et au soutien que vous offrez, tous les jours, 24 heures sur 24... Je pense à l'aide fournie par des particuliers, mais aussi par VETS Canada. Docteur Whelan, la recherche est tellement importante, et il existe un lien entre vous tous et ces travaux de recherche et c'est pourquoi je suis convaincu que nous parviendrons à trouver des solutions pour l'avenir.
    Docteur Whelan, très rapidement. Vous avez indiqué que près de 40 % des vétérans sont investis dans leur traitement, mais que 60 % d'entre eux ne le sont pas. Pourquoi le nombre de ceux qui ne s'investissent pas dans leur traitement est-il si élevé et que pourrions-nous faire pour changer la situation?

  (1645)  

    Parmi les 60 % qui ne s'investissent pas, il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles ils ont été libérés des forces armées. S'ils sont mécontents au sujet de leur libération, s'ils souhaitent continuer de porter l'uniforme et s'ils respectent toujours le code militaire, dans ce cas ils ne veulent pas vraiment entrer dans la vie civile et accepter qu'ils ont des problèmes, et qu'ils doivent modifier certains de leurs comportements à la maison. Ils vont entreprendre une thérapie, puis l'interrompre. Ils peuvent disparaître pendant un certain temps s'ils entendent quelque chose qui leur déplaît. Nous pouvons inviter leurs conjoints ou conjointes, mais parfois ils ne souhaitent pas que ceux-ci soient impliqués. Ils sont ambivalents. Ils déclarent, « Je pense que j'en ai besoin, je pense que je veux le traitement » — mais ensuite, ils disparaissent, et peuvent très bien ne jamais revenir.
    Que pouvons-nous faire pour changer cela?
    Si on fait marche arrière, je pense qu'il faut débreffer les militaires avant qu'ils ne quittent la culture militaire, afin qu'ils ne partent pas en ressentant de la colère, de la honte et un sentiment d'échec. Cela ne fait que continuer et continuer, et nous nous retrouvons avec les pots cassés, c'est-à-dire à essayer de réparer les dégâts.
    C'est un très bon point.
    Monsieur White, vous avez parlé de Peter Stoffer. Je ne saurais dire trop de bien de Peter Stoffer et de son travail de défenseur. Nous sommes des amis depuis très longtemps, et même encore aujourd'hui, nous continuons de travailler en vue d'aider les vétérans et leur famille. C'est tellement important et je vous suis gré de votre commentaire.
    J'aimerais vous poser, ainsi qu'à la Dre MacKinnon, deux brèves questions au sujet des nouveaux programmes. Je veux parler de l'Allocation de reconnaissance pour aidant et du Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille. Comment sont-ils reçus sur le terrain, et comment pourrions-nous les améliorer?
    Nous allons commencer par vous, monsieur White, et nous irons ensuite vers la Dre MacKinnon. Essayez de répondre très brièvement car nous ne disposons pas de beaucoup de temps.
    La majorité des gens ignorent probablement l'existence de ces programmes. Moi-même, j'ai appris leur existence longtemps après le fait. Faites de la publicité pour ces programmes, demandez à votre personnel et au personnel de votre bureau de circonscription d'en parler dans les bulletins trimestriels que vous envoyez à vos électeurs, c'est ce qu'il faudrait faire. La majorité des vétérans n'ont pas la moindre idée de l'aide qu'ils pourraient obtenir jusqu'à ce qu'ils entendent dire que quelqu'un d'autre en a bénéficié. La question est toujours la même, « Comment dois-je procéder pour y avoir droit? » Nous répondons, « Eh bien, allez voir la Dre MacKinnon, elle pourra peut-être vous aider. »
    Merci.
    Docteure MacKinnon, rapidement.
    C'est pas mal ça. Habituellement, je ne sais pas exactement qui est admissible ou pourquoi, je veux dire, ce n'est pas...
    Que pouvons-nous faire pour améliorer les choses, docteure MacKinnon?
    Il faut faire davantage de publicité. Envoyer l'information aux vétérans. Transmettre l'information à tout le monde. En faire un gros événement et rendre l'information publique, parce qu'ils ne connaissent pas l'existence de ces programmes. Je les utilise actuellement pour des patients en fin de vie. Mais parlez-en. C'est ça qui est important.
    Merci.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    M. White a répondu vertement à ma dernière question sur les temps d'attente.
    Madame Evanshen, vous étiez sur le point d'intervenir et de réagir à mes commentaires, mais nous avons manqué de temps. Souhaitez-vous intervenir maintenant?
    Notre discussion portait sur les temps d'attente au téléphone, qui sont énormes, soit de plus d'une heure.

  (1650)  

[Traduction]

    Merci.
    Grâce au ciel! les téléphones sont équipés de haut-parleurs. Ainsi, il suffit de les déposer sur une table et de continuer à vaquer à nos occupations. Nous avons été au téléphone, sans exagération, pendant une demi-journée. Lorsque nous avons finalement réussi à parler à quelqu'un, au bout d'une heure et demie, cette personne nous a dit, je vais devoir vous mettre en attente, puis une autre personne a répondu et nous avons dû tout recommencer depuis le début. Puis on nous a remis en attente, et Dieu sait comment, la ligne s'est coupée. Toute cette attente, c'est plus que Kevin ne peut en supporter. Ce n'est même pas, nous allons rappeler et recommencer. Il faut attendre des jours avant qu'il se calme et que nous puissions seulement envisager de le faire. Nous n'allons nulle part rapidement — dépêchez-vous et attendez.

[Français]

    J'ai une autre question à vous poser, madame Evanshen.
    Si je vous disais qu'il fallait arrêter d'injecter des fonds de façon sporadique et trouver enfin des solutions plus salutaires qui permettent de fournir les ressources nécessaires pour que les vétérans et leur conjoint ne se distancient pas de leur famille, quelles seraient vos pistes de solution?
    Le problème est bien réel, et votre témoignage en est une excellente preuve.
    Comment pouvons-nous agir? Est-ce en fournissant de l'argent, en déplaçant des ressources humaines? Qu'en pensez-vous?
    Comment pouvons-nous faire en sorte que les aidants naturels de nos vétérans, comme vous, puissent aider leur conjoint comme il se doit?

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, mais je vais vous permettre de répondre rapidement.
    Merci.
    Je pense que ce serait utile d'avoir un gestionnaire de cas. Kevin a déjà eu un gestionnaire de cas. Puis, on nous a dit que nous n'en avions plus besoin, et on nous a laissés tomber. Personne ne s'occupe de nous. On ne fait que nous renvoyer de service en service.
    Plus d'argent, oui. Plus de gestionnaires de cas, oui. Plus d'aide. Plus d'empathie — pas de la sympathie, mais de l'empathie.
    Merci.
    Nous cédons la parole à Mme Blaney pour deux minutes et demie. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bruyea, j'aimerais revenir à vous.
    Vous avez dit dans votre témoignage que les vétérans et les aidants de leur famille sont traités séparément. Qu'ils représentent des entités différentes, sans lien entre elles. Vous avez mentionné des choses comme le fait que l'on ne s'occupe pas correctement des enfants ou des personnes à charge.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les lacunes que vous avez constatées et sur les mesures à prendre pour améliorer les choses? Un témoin nous a dit que les systèmes en place remontent à longtemps, et qu'ils ne sont plus adaptés au monde dans lequel nous vivons.
    Qu'est-ce qui, selon vous, est essentiel et devrait être mis à la disposition des personnes à charge et des aidants?
    Merci, madame Blaney. C'est une excellente question.
    D'après tout ce que nous avons entendu aujourd'hui, je pense que nous devrions vraiment adopter une approche multidisciplinaire. La recherche en santé mentale a montré que la santé des vétérans, et plus précisément de ceux qui souffrent de maladies chroniques graves, ne s'améliore pas ou qu'ils ne font pas de progrès, à moins que l'on n'adopte une approche multidisciplinaire.
    La même chose s'applique aux membres de leurs familles. En effet, les membres de la famille doivent être inclus dans le plan de gestion du cas. Il faut soulager les gestionnaires de cas de toutes les formalités administratives et de toutes les autres tâches qu'ils assument afin de leur donner le temps de trouver des médecins.
    Par exemple, aux États-Unis, les vétérans peuvent se rendre dans un hôpital qui offre toutes les installations multidisciplinaires requises pour venir en aide aux vétérans. J'aimerais suggérer qu'au Canada nous nous dotions d'un guichet unique. Le gestionnaire de cas devra réunir tous les praticiens qui feront partie de l'équipe d'intervention. Ensuite, il nous incombe, à nous, les autres vétérans, ou les membres de la famille, de faire en sorte que les membres de l'équipe communiquent entre eux. Nous pouvons faire preuve d'une créativité beaucoup plus grande que cela. Nous pouvons commencer à travailler suivant le contexte de la gestion par équipe.
    Aux États-Unis, le département des Anciens combattants offre des services de santé mentale 24 heures par jour. Nous pourrions faire la même chose au Canada. Il suffirait de commencer à former et à éduquer des praticiens, à les intégrer au mode de fonctionnement d'Anciens Combattants Canada, et à offrir ces services aux familles, aux enfants, et aux vétérans bien entendu.
    Je pense que vous avez aussi mentionné que 56 % des vétérans atteints de troubles mentaux sont mariés ou dans une relation avec un conjoint de fait. Cela signifie qu'un grand nombre de vétérans ne sont pas en relation.
    Nous avons aussi entendu qu'il est parfois très difficile pour un vétéran célibataire, que ce soit un homme ou une femme, d'obtenir du soutien de la part de la personne qu'ils désignent comme aidant.
    Aimeriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

  (1655)  

    Votre temps est écoulé, monsieur, mais je vais vous laisser répondre brièvement. Je vous en prie.
    C'est une situation très tragique à laquelle il faut s'attaquer. Je pense qu'une équipe multidisciplinaire pourrait contribuer à combler ce vide que les familles remplissent habituellement.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Davidson, pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Monsieur le président, ce sera plutôt moi, John Brassard.
    Oh, c'est mon erreur.
    Monsieur Brassard, je vous en prie.
    Merci.
    Monsieur Bruyea, je vous avais dit que je reviendrais vers vous. J'ai une simple question à vous poser.
    Diriez-vous que vous avez réussi à contester plusieurs gouvernements successifs eu égard à certaines promesses qu'ils avaient faites concernant certaines dispositions du régime qui sont appliquées aux vétérans? Cette affirmation serait-elle juste?
    Aux yeux du public, je pense que oui, j'ai réussi. Est-ce que le gouvernement a fait quoi que ce soit pour changer ces dispositions? Non.
    Vous avez été impliqué dans une situation qui a été très médiatisée et qui concernait votre fils. Cela remonte à plusieurs années, et c'était en rapport avec ses études. J'aimerais attirer l'attention sur les personnes à charge. C'est Mme Blaney qui nous a mis sur cette voie.
    Dans une chronique sur la pension à vie que vous aviez écrite, vous aviez contesté le ministre des Anciens Combattants de l'époque O'Regan. Le ministre O'Regan vous avait répondu, et par la suite, vous avez déposé une poursuite en diffamation. Le lendemain de la parution de l'article en question, les allocations de votre fils ont été annulées. Je sais que l'ombudsman des vétérans a rédigé un rapport à ce sujet et qu'il avait qualifié ce geste de mesure de rétorsion.
    Je me demande si vous pourriez partager avec nous cette expérience que vous avez vécue. Je vais vous interrompre au bout de quatre minutes toutefois, parce que j'ai une autre question à vous poser. Mais pourriez-vous nous relater votre expérience en rapport avec cette situation?
    Merci.
     Comme vous le savez, monsieur Brassard, lorsque je me présente ici c'est habituellement pour réclamer des changements de politique pour le compte des autres vétérans. C'est très difficile pour moi, en tant que vétéran, de parler à titre personnel de mes propres expériences. Mesdames et messieurs, il m'est impossible de vous expliquer à quel point il est difficile pour moi de voir les effets de mon [Difficultés techniques] TSPT sur ma famille.
    Je vais essayer de rester cohérent, mais je peux vous dire que lorsqu'ils ont annulé ce programme de soins, ce fut dévastateur. Le moment choisi pour le faire, bien entendu, a été le lien immédiat, mais au fil du temps nous avons découvert que ma gestionnaire de cas n'avait conservé aucune note pour expliquer pourquoi elle avait mis fin à ce programme de soins. J'ai appris que les sous-ministres adjoints intervenaient et bloquaient toutes les possibilités, y compris les rendez-vous pour demander des explications aux agents de règlement des différends, pour trouver une réponse et le moyen de récupérer ce programme de soins.
    Sur le plan personnel et familial, mes proches m'ont vu partir en vrille à partir de ce qui était vraiment... J'avais fait des progrès jusque-là dans mon plan de rééducation. Puis, ils m'ont vu prendre des rendez-vous à l'hôpital, me rendre aux urgences au moins une fois par mois. Je peux vous dire que chaque rendez-vous, qu'il s'agisse de soins de santé mentale, de massages ou de physiothérapie, visait à réparer les effets négatifs entraînés par la décision d'ACC de s'en prendre à ma famille.
    Les vétérans ont une très faible estime de soi lorsqu'ils se retrouvent avec un TSPT. Ils entretiennent le sentiment de n'avoir pas accompli grand-chose. Leurs familles sont leur seul pilier, comme nous l'avons entendu dire aujourd'hui dans tous les autres témoignages. Lorsque cette famille est attaquée, et je ne parle pas du fait de ne tout simplement pas recevoir de soutien. Je veux parler de la remise en question du programme de soins d'un petit garçon qui avait six ans à l'époque, de notre fils. C'est un incident dont je ne me suis pas encore remis.
    Je vois.
    Vous avez mentionné au début de votre réponse sur les modifications aux politiques ainsi que dans votre déclaration liminaire que vous souhaiteriez revenir devant notre comité pour nous parler aussi de façon plus détaillée de certaines de vos expériences concernant un changement de culture au sein d'ACC.
    Si nous devions vous inviter à revenir, je sais que vous avez indiqué les noms de deux ou trois autres personnes également, le défenseur Allan Hunter et Tina Fitzpatrick. Qu'est-ce que vous aimeriez communiquer à notre comité de façon plus approfondie?
    J'aimerais vous montrer les pistes de décisions, comment les hauts fonctionnaires interviennent auprès des travailleurs de première ligne, le fardeau que cela impose aux travailleurs de première ligne, le peu de temps dont ceux-ci disposent pour venir en aide aux vétérans qui ont un gestionnaire de cas. Je pourrais vous montrer dans l'ensemble le fonctionnement de cette culture.
    Je pourrais aussi vous montrer la culture de l'insensibilité à l'égard des besoins des vétérans et de leurs familles. Par exemple, plus de 30 messages différents ont été envoyés à ce ministère, notamment au sous-ministre Walter Natynczyk, au sous-ministre adjoint Bernard Butler et à Michel Doiron. Ces messages décrivaient les torts qui ont été causés à moi-même, à mon fils et à ma femme. Jamais, après l'envoi de ces 30 courriels, n'avons-nous reçu un courriel ou une lettre pour nous dire, « Nous sommes désolés d'apprendre que vous souffrez. » Jamais on n'a admis cette souffrance.
    Je pense que l'ensemble du ministère baigne dans cette culture, à partir des échelons supérieurs de la bureaucratie qui ont réellement perdu le contact avec ce que cela signifie de prendre soin des vétérans et de leurs familles. Alors, malheureusement, ils donnent libre cours à leurs préjugés personnels envers certaines personnes, comme envers moi qui les ai critiqués, et prennent des mesures de rétorsion envers le vétéran ou sa famille.

  (1700)  

    Monsieur Bruyea, je vous remercie.
    Monsieur Casey, la parole est maintenant à vous. Vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur White, j'ai eu l'honneur de siéger avec M. Stoffer, un parfait gentleman, mais je dois vous avouer que c'est bien la première fois que j'entends son patronyme associé au mot « saint » dans une même phrase.
    Permettez-moi de vous raconter une anecdote. M. Stoffer était de ces gens qui, parcourant le Parlement d'un bout à l'autre, appelait toutes les personnes qu'il rencontrait par leur nom. Peu importe qu'il s'agisse d'un autre député, d'un gardien de sécurité ou de quelqu'un travaillant à la cafétéria, il appelait tout le monde par son nom. Ce qui lui permettait de le faire était qu'il semblait convaincu que tout le monde s'appelait « mon ami ».
    Monsieur White, je vais commencer par l'autre saint patron auquel vous avez fait allusion, la Dre MacKinnon.
    Vous avez, docteure, parlé dans vos commentaires des défis imputables aux intervenants, ou plutôt à leur manque de disponibilité. C'est un problème frustrant auquel nous sommes confrontés depuis des années et dont nous avons hérité. Nous avons investi fortement pour accroître leur nombre et réduire celui des dossiers dont chacun d'eux a à s'occuper. J'aimerais vous entendre un peu plus sur cette question des intervenants. C'est un sujet que les représentants syndicaux abordent fréquemment. J'aimerais savoir comment, à votre avis, nous pourrions nous y prendre pour le résoudre.
    Eh bien, vous venez tout juste de le résoudre en disant qu'il faut « accroître (le nombre des intervenants) et réduire celui des dossiers dont chacun d'eux a à s'occuper. » C'est la solution parfaite.
    Il y a toutefois une autre dimension au problème. C'est que lorsqu'un intervenant est affecté au dossier d'un ancien combattant, il travaille très bien et d'arrache-pied pour lui, mais pas pendant très longtemps. On dit souvent à l'ancien combattant: « Très bien, vous n'avez plus besoin maintenant que votre dossier soit affecté à un intervenant. » Ce n'est pourtant pas le cas. L'état des gens se détériore, leur situation évolue et ils n'ont plus personne à qui s'adresser. Je crois que c'est là que le bât blesse.
    Je suis vraiment convaincue qu'un ancien combattant a besoin d'un intervenant, d'un gestionnaire ou de quelqu'un d'autre qui lui serve de personne-ressource. Comme le cas de Mme Evanshen le montre bien, le dossier d'un ancien combattant devrait toujours être affecté à un intervenant, à qui il incomberait de répondre à ses questions. Je suis d'avis que si nous avions un plus grand nombre de ces personnes-ressources, cela permettrait de régler davantage de problèmes.
    Je vous remercie.
    Docteur Whelan, je me tourne maintenant vers vous. Il y a un programme appelé « Service d'aide en tout temps. » C'est un service d'appels téléphoniques sans frais, disponible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Le connaissez-vous? Vous adresse-t-il d'anciens combattants, à vous ou à votre clinique?
    Non, monsieur Casey, je ne connais pas ce programme. La plupart des gens que nous recevons… Je dois vous dire que, à la fin de 2019, c'est-à-dire avant la crise de la COVID, nous avons fermé cette clinique. C'est que notre personnel était tellement frustré et épuisé que, en vérité, nous sommes revenus à des traitements individuels. Pour répondre à votre question, je ne connais pas ce service.
    Quand vous dites que vous avez fermé la clinique, parlez-vous de celle qui desservait les anciens combattants ou voulez-vous dire que votre clinique a cessé ses activités?
    Non. J'ai tout simplement fermé la clinique parce que les membres du personnel prenaient leur retraite et parce que nous avions subi des années de frustrations, car nous ne pouvions pas offrir d'autres types de services qui auraient été bénéfiques pour les anciens combattants. Il était tout simplement temps de…
    Permettez-moi de vous interroger sur un autre programme qui est offert: le Programme de Soutien social aux blessés de stress opérationnel ou SSBSO. Je sais que c'est un service qui est offert ici à Charlottetown qui permet aux anciens combattants et à leurs familles d'accéder à un excellent réseau de soutien. Avez-vous eu l'occasion, dans le cadre de votre pratique, ou dans d'autres circonstances, de collaborer avec ce service et pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

  (1705)  

    Oui. Je connais très bien le SSBSO et les gens qui y travaillent ici, en Nouvelle-Écosse.
    C'est un service qui a passablement évolué dans le temps. Au début, pour y avoir accès, les anciens combattants devaient satisfaire quantité de conditions. Ceux qui s'y adressaient ne se sentaient pas en sécurité parce qu'ils ne pouvaient pas vraiment parler des choses qui les préoccupaient. Les sujets qui pouvaient y être discutés étaient définis très étroitement. Au début, nous avons conseillé à d'anciens combattants de s'y adresser, mais, ensuite, nous avons fait preuve de davantage de circonspection parce qu'il s'est avéré que la participation à ce programme pouvait aggraver la situation de certains anciens combattants.
    Votre temps de parole est quasiment épuisé. Il ne vous reste, monsieur Casey, qu'une dizaine de secondes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je donne maintenant la parole à Mme Wagantall, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Une fois encore, merci à vous tous de l'aide que vous nous apportez aujourd'hui. Vos témoignages sont très instructifs.
    Monsieur Bruyea, j'ai une question à vous poser sur la recommandation dont vous avez parlé. Il s'agit de l'intérêt des retombées immédiates et à long terme d'un groupe consultatif de représentants de familles d'anciens combattants. Je sais que ce gouvernement peut s'appuyer sur un nombre important de groupes consultatifs. Vous avez indiqué qu'il faudrait mettre sur pied un tel groupe consultatif composé d'anciens combattants ayant des familles, de représentants des familles d'anciens combattants, de membres des familles d'anciens combattants, de spécialistes de la réadaptation et de la santé mentale ainsi que de spécialistes en médecine ayant une solide expérience de la dynamique et des besoins des familles. Vous avez également précisé que les membres de ce groupe ne devraient pas être tenus de signer des ententes de confidentialité.
    Pourriez-vous développer un peu? Si nous entendons prendre ce type de mesures, il est absolument essentiel que les membres d'un tel groupe consultatif prennent connaissance de ce qui importe en la matière pour pouvoir ensuite définir les mesures qu'il faudra mettre en oeuvre.
    Je vous remercie, madame Wagantall.
    Je trouve que notre discussion d'aujourd'hui constitue un exemple parfait de l'écoute par vous tous de personnes qui s'expriment en toute liberté. C'est ce dont nous avons besoin. Je suis d'avis que le grand public et les parlementaires doivent entendre ces informations brutes et les données non filtrées qui vous sont communiquées.
    Quant à la structure actuelle des groupes consultatifs, il est vrai que certains spécialistes des problèmes familiaux y siègent, mais ces groupes sont coprésidés par des bureaucrates, et cela pose problème. Il y a toujours des bureaucrates qui assistent aux réunions pour présenter des documents, fixer l'ordre du jour et ensuite réviser les rapports finaux.
    Je tiens de divers membres de groupes consultatifs que cela ne contribue en rien à formuler des recommandations indépendantes, authentiques et pertinentes. Je suis d'avis qu'il irait de l'intérêt de tous, les Canadiens comme les parlementaires, que ces groupes consultatifs soient vraiment indépendants, leurs membres étant choisis par une entité indépendante comme… Dans la situation actuelle, ce rôle pourrait être confié à l'ombudsman des vétérans, mais on pourrait aussi espérer la création d'un poste indépendant de commissaire fédéral aux nominations.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Docteure MacKinnon, vous avez parlé de la nécessité d'avoir un plus grand nombre de gestionnaires de cas. J'ai si souvent entendu d'anciens combattants dire, « À une époque, j'avais un excellent gestionnaire de cas. » que je ne peux qu'être pleinement d'accord avec vous. C'est absolument essentiel.
    J'ai également entendu des gestionnaires de cas dire que, dans le rôle qui leur est actuellement imparti, ils sont coincés entre deux feux. Ils doivent appliquer les directives de leur hiérarchie et répondre aux besoins des anciens combattants et de leurs familles. Ils sont coincés entre les deux. S'ils avaient davantage de marge de manoeuvre, une formation plus complète, une meilleure compréhension des situations et davantage d'incitatifs à rester en poste à long terme, en n'ayant pas une charge de travail aussi lourde et en n'étant pas confrontés à des dynamiques dans lesquelles ils n'ont pas vraiment la possibilité d'offrir aux anciens combattants les services qu'ils aimeraient leur proposer, cela améliorerait-il la situation? À votre avis, comment serait-il possible d'améliorer celle-ci?
    Il est certain qu'une plus grande marge de manoeuvre faciliterait leur tâche. Je suis aussi d'avis que le fait qu'ils ne soient pas assez nombreux est lourd de conséquences. Un ancien combattant ne peut être admis dans ces cliniques de soutien social aux blessés sans passer par un gestionnaire de cas. Ces gestionnaires font un excellent travail, mais parmi tous les anciens combattants à qui j'ai eu affaire pendant ma carrière, je n'ai vu que deux personnes admises dans une clinique. L'inscription dans une telle clinique incombe en effet à un gestionnaire de cas.
    C'est l'une des choses qui nous manquent vraiment, mais je dirais que le gestionnaire de cas a un rôle précis à jouer parce qu'il sait à quel service les anciens combattants ont accès. Ceux-ci n'auraient peut-être pas à demander des services à leur gestionnaire de cas si celui-ci pouvait leur en parler et leur offrir de faire ceci ou cela. Quand on leur demande s'ils y ont déjà pensé, la plupart d'entre eux répondent, « Non, je ne savais pas que c'était possible » ou l'aidant naturel ignorait que de tels services étaient disponibles. Je crois que ce serait merveilleux si l'intervenant pouvait prendre l'initiative.
    Comme je l'ai dit, il suffit d'apporter les modifications voulues. Il y a là des possibilités dont il suffit de profiter.

  (1710)  

    Bien évidemment, vous avez entendu parler de l'arriéré…
    Oui.
    … et de la façon dont les choses se passent. Qui n'est pas au courant? Tous les Canadiens le savent maintenant.
    La vérité est que nos gestionnaires de cas sont brûlés, et on les remplace, ou on en ajoute d'autres de façon temporaire. On nous a dit et redit que ce n'est pas la bonne solution. Comment voyez-vous les choses?
    Vous avez raison sur cet aspect de la situation. Ils disparaissent tout simplement. J'imagine qu'Anciens Combattants Canada va devoir s'interroger sur ce phénomène pour déterminer comment venir en aide à ces gestionnaires de cas.
    Merci infiniment.
    [Difficultés techniques] m'a parlé.
    Vous disposez d'une trentaine de secondes pour répondre. Nous vous écoutons.
    Nos problèmes n'ont rien de temporaire et on ne peut donc pas demander à des personnes occupant des postes à titre temporaire de les régler. J'aimerais faire un commentaire rapide sur ce que M. Bruyea vient de dire au sujet d'un guichet unique. J'ai beaucoup voyagé aux États-Unis et je peux m'y rendre dans n'importe quel hôpital pour anciens combattants. Si j'ai un problème, on va s'occuper de moi.
    Le guichet unique dont a parlé M. Bruyea a existé. C'était le Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels, le CSTSO, d'Halifax. C'était un hôpital pour les maladies physiques, mais qui avait une clinique de santé mentale au sixième étage. Il comportait également un centre de physiothérapie et, pour le cas où quelqu'un aurait des problèmes de dentition, une clinique de soins dentaires. Le guichet unique dont nous avons besoin pour les anciens combattants a déjà existé. On l'appelait le CSTSO. Et puis un jour, quelqu'un a décidé qu'il fallait réinventer la roue. Je suis navré mais, encore une fois, nous avons tellement tiré de signaux d'alarme qu'on ne leur prête plus attention. Je suis navré.
    Je vous remercie, monsieur White.
    Madame Lalonde, la parole est maintenant à vous. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord remercier tous les témoins de leur témoignage. Ils nous ont présenté leur point de vue de façon transparente et unique.

[Traduction]

    Je viens du secteur des services sociaux. Cela fait quelques années que j'ai obtenu mon diplôme et je suis sans aucun doute sensible au fait que nous adoptions tous une approche multidisciplinaire pour, entre autres, tenter de formuler une recommandation que ce comité pourrait faire sienne.
    Docteur Whelan, j'aimerais faire appel à votre expérience. Il ne s'agit en rien pour moi d'atténuer l'importance du rôle d'aidant naturel assumé par Mme Evanshen, à titre de conjointe, mais vous pouvez peut-être nous en dire un peu plus sur votre vision du rôle des enfants et des adolescents au sein de cette unité familiale et sur la façon dont eux-mêmes peuvent assumer ce rôle d'aidant naturel d'un ancien combattant. Que pouvez-vous nous dire de plus à ce sujet? Y a-t-il des recommandations que vous pourriez nous faire en la matière?
    Nous savons que, dans les familles des militaires, les enfants et les adolescents assument des responsabilités. Dans ces familles, chacun des membres adhère à l'idée « d'équipe. » Lorsque le militaire de la famille retourne à la vie civile, ses enfants connaissent déjà leurs rôles. Si un membre de la famille se trouve dans un état de détresse, ce que nous [Difficultés techniques] les garçons s'efforcent vraiment de protéger la famille ou la mère, en s'efforçant d'assurer la stabilité du père. Ils nous appuient lorsque nous essayons d'offrir des services personnels à leur parent. Pourtant, très peu de services sont prévus à leur intention.
    Nous n'avons pas traité d'enfants plus jeunes. J'ai un collègue qui me parle souvent de l'ampleur des dégâts imputables chez ces enfants au manque de caractère prévisible et de contrôle.
    J'en reviens encore une fois à l'idée de la gestion des cas. Cela ne signifie pas gérer des dossiers mais se rendre dans les familles, procéder à une évaluation complète des besoins, à exclure les effets de la vie militaire, non pas à les retenir, mais à s'assurer [Difficultés techniques] imputables au service militaire dans ce cas-ci.
    Merci beaucoup de votre recommandation détaillée qui va, je l'espère, retenir l'attention de mes collègues.
    Madame Evanshen, je crois me souvenir que certains de mes collègues ont fait allusion à votre situation familiale. Vous nous avez dit être conjointe de fait et, si je vous ai bien comprise, cela ne vous met pas dans une situation identique à celle d'une femme légalement mariée. Vous avez fait allusion à la situation au Québec. Est-ce un cas particulier ou s'agit-il d'un problème systémique imputable aux politiques actuellement en vigueur?

  (1715)  

    À ce que j'ai pu observer jusqu'à maintenant, ce n'est pas la même chose dans tous les cas. Si vous parlez aux militaires, vous obtenez une réponse. Si vous parlez à ACC, vous en aurez une autre. Il n'y a pas de cohérence. Dans mon cas, étant conjointe de fait, je ne vois pas de cohérence dans la façon dont je suis traitée. Si j'avais rencontré Kevin alors qu'il avait plus de 60 ans, c'eut été pratiquement comme si je n'avais pas existé, comme M. White l'a indiqué. En un sens, c'est risible. Je crois qu'il s'agissait à l'origine d'une disposition remontant à 1901 pour lutter contre les mariages intéressés. C'est tout à fait logique de nos jours et à notre époque.
    J'espère avoir répondu à votre question.
    Eh bien, je vais revenir en arrière et vous demander les modifications des conditions que vous nous recommanderiez pour nous assurer que plus personne, y compris vous, n'ait à l'avenir à se sentir blessée par ces conditions comme vous nous avez dit l'avoir ressenti. Nous tenons à ce que nos recommandations vous donnent accès à ces prestations.
    Je vous remercie.
    Je crois qu'il faut revoir en profondeur les politiques qui s'appliquent après le retour à la vie civile de l'ancien combattant. Elles sont tellement désuètes qu'elles en sont ridicules. Je comprends fort bien les dispositions appliquées il y a un siècle visant à protéger les anciens combattants, âgés et mourants, contre les mariages intéressés. Ce n'est plus justifié de nos jours. Il ne faut pas oublier non plus que les anciens combattants vivent plus longtemps de nos jours qu'autrefois. Ils sont perdus dans ce dédale de règlements. J'ai 50 ans et, si Dieu le veut, Kevin et moi avons encore du temps à passer ensemble, mais il a beaucoup de problèmes de santé. Actuellement, nous avons du mal à y voir clair parce que nous ne sommes pas mariés. Nous n'avons pas pu nous marier à cause de la COVID. Nous avions prévu de le faire.
    Nous ignorons ce qui va se passer. Nous sommes dans l'incertitude. Il y a une autre série de problèmes qui s'ajoute aux difficultés que posent les TSPT, des voisins insupportables et des questions médicales qui… Dans le cas de Kevin, il craint de ne pas être en mesure de prendre soin de nous si quelque chose lui arrive.
    Je vous remercie de nous avoir éclairés.
    Nous allons maintenant écouter M. Desilets, qui dispose de deux minutes et demie. Nous vous écoutons.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Ma dernière question s'adresse à M. White et à Mme Evanshen.
    J'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose. Vous êtes deux personnes expérimentées et vous tenez des propos cohérents. Vous avez des connaissances en matière d'aide aux vétérans, et vous êtes en pleine possession de vos moyens.
    Bon Dieu! Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le gouvernement ne vous écoute pas?
    Ma question se limite à cela: pourquoi?
    Vous avez chacun une minute pour répondre à ma question.

[Traduction]

    J'ignore quoi vous répondre. Je crois que si quelqu'un n'a pas suivi votre cheminement, il n'a tout simplement aucune idée de ce que vous avez subi. La plupart des gens sont trop égocentriques — ce n'est pas le cas de tout le monde — et cela les empêche de voir la situation. Ils s'en fichent et tout le monde est laissé de côté. Les gens s'en moquent.
    Madame Evanshen, j'ai une solution pour vous.
    Merci, monsieur White.
    Je peux me rendre en Ontario et contrefaire le certificat de naissance de votre partenaire. Je pourrais alors procéder à votre mariage, et tout sera alors en ordre.
    Voilà, mesdames et messieurs, le genre de solution auquel il nous faudrait recourir.
    Je suis navré, mais j'essaie simplement d'aider un camarade à sortir du pétrin.
    Je veux venir à votre mariage.
    Une voix: Vous êtes tous invités.
    Je dois intervenir, pour le bien de M. Desilets.
    Monsieur, il vous reste une minute.

[Français]

    Monsieur White, vous n'avez pas répondu à ma question.
    Pourquoi le gouvernement ne vous écoute-t-il pas? Vous avez toutes les connaissances, tout le savoir et toute l'expérience nécessaires.
    Vous êtes un homme émotif, alors ne vous retenez pas.

[Traduction]

    Répondez brièvement, s'il vous plaît.

[Français]

    C'est très frustrant.

[Traduction]

    Nous abandonnons tout simplement. Nous essayons encore et encore et nous finissons par abandonner. Fort heureusement, il y a des gens comme M. Fillmore, Mme MacKinnon ou encore le Dr Whelan. Ensuite, quand nous dépassons les bornes, reportez-vous aux écrits de Franz Kafka qui dit à juste titre que lorsque la situation devient insupportable le système passe à la vitesse supérieure et se demande « D'où vient l'erreur? »
    Mme Evanshen et M. Bruyea peuvent vous dire ce qui ne va pas dans le fonctionnement actuel du système, avant que nous ayons à regretter d'autres victimes.

  (1720)  

[Français]

    Merci à tous.

[Traduction]

    Monsieur Blaney, la parole est à vous. Vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    J'en viens à vous, docteure MacKinnon. Nous avons bien évidemment entendu les témoignages des intervenants qui nous ont dit qu'ils sont surchargés de dossiers, épuisés, pas en mesure de prendre des décisions ou qu'ils doivent s'en remettre à leur hiérarchie, et combien cela est frustrant et prend du temps. Ils nous ont expliqué clairement les défis qu'ils ont à affronter.
    Il y a deux réponses que j'aimerais que vous me donniez puisqu'il s'agit ici d'une étude portant précisément sur les aidants naturels. Quelles sont les répercussions sur les aidants naturels quand d'anciens combattants doivent constamment répéter leur histoire à de nouveaux gestionnaires de cas puisque le personnel change fréquemment? Il y a aussi que les aidants naturels n'ont pas leur propre gestionnaire de cas. Quelles sont les difficultés que cela cause?
    Pourriez-vous simplement répondre à cette question et à celle sur les répercussions des intervenants sur les aidants naturels?
     En vérité, les aidants naturels n'ont pas accès actuellement à beaucoup d'aide. Comme nous l'avons dit, il n'y a qu'un seul cas dans lequel ils reçoivent de l'aide, lorsqu'il s'agit d'un époux ou d'une épouse et d'enfants de moins de 25 ans. Cela suppose toutefois que l'ancien combattant donne son autorisation, soit reconnu [Difficultés techniques] et ait un gestionnaire de dossier. Par contre, dans tous les autres cas où l'ancien combattant ne respecte pas ces critères, aucune aide n'est disponible et, pour les familles, il y en a fort peu.
    Il y a tellement peu d'aide pour les femmes qui passent leurs journées à la maison et y sont maltraitées, ou pour celles qui s'occupent d'un mari qui vit dans un sous-sol avec des caméras autour de la maison et des voisins qui se plaignent parce qu'ils craignent que le mari sorte de son sous-sol et tire sur des gens, ou quelque chose de semblable. Ces gens ne bénéficient d'aucune mesure d'aide. Il faut que nous allions nous occuper d'eux et les aider. Cela n'impose pas toujours de passer par un gestionnaire de cas, mais il faut que nous analysions très soigneusement la situation de ces familles.
    Je vous remercie.
    Monsieur White, je vous réserve la fin de mon temps de parole. Vous nous avez rappelé plus tôt le temps qu'un ancien combattant et son aidant naturel doivent passer à chercher continuellement de l'aide et des programmes de soutien parce qu'ils n'ont pas accès à un guichet unique.
    Dites-nous ce que cela signifie pour vous, et je pense ici aussi à votre femme, de ne pas avoir accès à ce type de service.
    Mon aidante naturelle? C'est ainsi que je l'appelle. Depuis que je me suis assis ici, elle m'a donné ce verre d'eau et une boîte de Kleenex. J'ai manifestement une meilleure aidante naturelle que M. Bruyea. Quand cette discussion aura pris fin, elle va passer les deux heures suivantes à me calmer après avoir eu cette discussion avec vous.
    Vous pouvez chercher sur Google « Pot de départ de Peter Stoffer. » Ce jour-là, j'ai officié comme maître de cérémonie. Je lui ai enfilé une armure et lui ai remis une plaquette patronymique sur laquelle on pouvait lire « Stoffer PD », PD signifiant « Problem Solving » ou Résolution de problèmes. Je lui ai attribué une spécialité: « SDI » pour « shit disturber 1st class », ou encore « Brasseur de merde de 1re classe. » Je vous prie d'excuser ce vocabulaire vulgaire, mais il dit bien ce dont nous avons besoin. Il nous faut des gens qui n'ont pas peur d'aller se battre dans le coin de la patinoire. Nous avons besoin de gens qui ne se contentent pas de dire que l'ancien combattant a perdu le contrôle, mais aussi qu'il entraîne quelqu'un avec lui. Il entraîne avec lui cet aidant naturel vers le bas. C'est ça le problème.
    Je réalise maintenant que nous sommes au bas d'une montagne et que nous regardons le sommet, et cela va être très dur d'y monter. Nous avons eu le guichet unique dont a parlé M. Bruyea. C'était le Stadacona Medical Center dans lequel un ancien combattant trouvait au même endroit tous les services dont il avait besoin. Il a été progressivement…
    Je vous demande pardon, monsieur le président.
    Allez vous battre dans le coin pour emporter la rondelle et, par-dessus tout, prenez un téléphone et consacrez à cette personne tout le temps nécessaire. C'est une question d'empathie, comme l'a bien dit Mme Evanshen. Faites preuve d'empathie. Je ne veux pas de votre compassion. Je veux votre empathie.
    Je vous remercie, monsieur White.
    La parole est maintenant à M. Brassard, qui dispose de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous préviens, monsieur White, que lors de mon prochain passage en Nouvelle-Écosse j'entends bien aller prendre une bière avec vous parce que je tiens à m'entretenir plus longtemps avec vous, sans que le président vous coupe la parole, même si je sais bien que c'est son rôle et qu'il en a déjà convenu.
    Docteur Whelan et docteure MacKinnon, je ne veux pas trop m'attarder sur ceci, mais nous avons entendu le témoignage de Mme Evanshen et celui de M. White au sujet de sa femme. Vous avez fait des études et vous avez été au combat.
    Cela est-il conforme à ce que vous avez entendu au cours des années et correspond-il bien à la situation. Comment pouvons-nous la corriger?

  (1725)  

    Comment pouvez-vous la corriger?
     Oui. Tout d'abord, ces histoires forment un tout cohérent. [Difficultés techniques] faites-nous des recommandations sur la façon d'aller de l'avant, parce que ce sera une partie importante de notre rapport.
    Il vous faut davantage de monde. C'est le fond du problème.
    Il faut davantage de monde à Anciens Combattants Canada. Il vous faut davantage d'employés à ce niveau, pas plus haut dans la structure. À ce niveau-là, il faut vérifier que les politiques font un tout cohérent, trouver des employés et les envoyer sur le terrain rencontrer les gens. C'est à ce niveau-là qu'il faut agir.
    Docteur Whelan, vous avez la parole.
    Oui. Je suis d'accord. Il nous faut davantage de gestionnaires de cas, qui ne soient pas inondés de dossiers au point de ne pas pouvoir évaluer la situation des familles. Il nous faut aussi aller au-delà de l'idéologie voulant qu'on s'occupe uniquement de l'ancien combattant. Il faut s'occuper également des gens qui l'entourent.
    Je vous confirme que les témoignages d'aujourd'hui ne m'ont rien appris. Moi aussi je les ai malheureusement entendus maintes fois.
    Je vous remercie.
    J'en ai fini, monsieur le président, à moins que Mme Wagantall veuille utiliser le reste de mon temps de parole, mais j'ai un avis de motion que j'aimerais présenter.
    Comme vous êtes déjà au courant, monsieur le président, je crois que nous pourrons le faire quand nous aurons terminé. Préférez-vous que je présente cette motion maintenant?
    Je vous laisse le choix, monsieur.
    D'accord. J'ai donc le temps.
    En me fiant aux discussions que j'ai eues aujourd'hui avec M. Bruyea, je crois qu'il dispose de renseignements passablement pertinents. [Difficultés techniques] Je donne avis de la motion suivante au Comité:
Que le Comité invite Sean Bruyea, Allan Hunter, Tina Fitzpatrick et le colonel (retraité) Nishika Jardine, ombudsman des anciens combattants, à informer le Comité sur les programmes de soins de santé mentale d'ACC, pour une réunion au plus tard le 14 avril 2021.
    Monsieur le président, le greffier a ce texte dans les deux langues officielles.
    Merci.
    Monsieur Brassard, voulez-vous présenter cette motion aujourd'hui ou donnez-vous simplement avis de cette motion?
    Je ne fais que donner avis de cette motion, monsieur le président. Nous en traiterons plus tard. Je tenais juste à ce que le Comité en soit informé.
    Je vais donc demander au greffier de la communiquer aux membres du Comité. Le moment convient parfaitement.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, Mme Evanshen, notre témoin, vient tout juste de lever la main.
    Je l'ai vue.
    Madame Evanshen, nous vous écoutons et nous passerons ensuite à la dernière question de député.
    Je vous remercie.
    Je tenais juste à mentionner que ce serait très bien d'avoir un plus grand nombre de gestionnaires de cas, mais ceux-ci doivent avoir une bonne compréhension des militaires et de la façon dont ils fonctionnent, parce que ce n'est pas le cas actuellement. Ils ne comprennent pas l'ampleur des difficultés. Ils ne les prennent pas au sérieux et ensuite les gestionnaires de cas laissent tomber nos anciens combattants tout simplement parce qu'ils ne parviennent pas à comprendre les problèmes.
    Je vous remercie.
    Il nous reste quelques minutes avant la fin de notre réunion. Nous en profiterons donc pour écouter M. Amos.
    Votre temps de parole va être réduit, probablement à deux ou trois minutes au maximum.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins. Ma question sera brève.
    Avez-vous le sentiment que les défis et les problèmes que vous avez mis en lumière aujourd'hui ont des répercussions réelles sur la capacité des Forces armées canadiennes à recruter et, dans l'affirmative, comment ces répercussions se manifestent-elles? Comme elle vient du Québec, je vais demander à Mme Evanshen de répondre la première, et nous écouterons ensuite les réponses de M. Bruyea, de M. White, du Dr Whalen et de la Dre MacKinnon.
    Je vais vous répondre en vous faisant un résumé très bref. J'ai 50 ans et j'ai posé ma candidature pour entrer dans l'armée l'an dernier. J'ai suivi toutes les étapes de cette comédie. Il a fallu envoyer des lettres à quantité d'endroits. Nous sommes presque à la fin mars et je n'ai encore eu aucune nouvelle du bureau de recrutement de Kingston en neuf semaines. Personne n'a répondu à mes appels ni à mes courriels. Pour être honnête, j'ai même l'impression qu'ils sont absents de leur bureau. Ils ne sont pas à la hauteur, en particulier avec les femmes. Je suis navrée.

  (1730)  

    Monsieur White, vous avez la parole.
    Il est vraiment facile pour nous, qui sommes assis ici, même si aucun de nous ne le veut, de mettre à mort ACC. Lorsque quelqu'un me dit qu'il veut devenir militaire, ma réponse est « Quelle belle carrière vous attend! » J'ai parcouru plusieurs fois la planète dans tous les sens. La paie est bonne, mais ce n'est pas un élément de motivation. Vous devez savoir que quelqu'un couvre vos arrières. Nous avons une maxime chez les anciens combattants qui revient à dire que nos arrières sont protégés. Je sais que je peux téléphoner à quatre heures du matin à quelqu'un qui va couvrir mes arrières en cas de besoin. C'est ce dont vous avez besoin. Ce n'est pas une question de prestige ou de statut, et cela touche aussi de façon dramatique les membres de la GRC. Ils ont besoin de savoir dès le départ que quelqu'un va couvrir leurs arrières jusqu'à la fin de leur tour de garde, de leur quart de travail et même de leur carrière, et ensuite pendant leur retraite. Les candidats ont besoin de savoir que, dès le début, quelqu'un va assurer leurs arrières, quelqu'un d'autre qu'un ancien combattant.
    Je vous remercie.
    Je crains de devoir couper maintenant la parole à M. White. Comme ce n'est pas la première fois que je le fais, je lui présente mes excuses. Notre horaire ne me laisse malheureusement pas le choix.
    Nous arrivons malheureusement à la fin du temps qui nous était imparti et je tiens à remercier personnellement chacun d'entre vous de son apport à cette étude difficile. Si cela était possible, nous appellerions M. White sur Zoom à chacune de nos réunions, simplement pour profiter de ses réactions à ce que les autres disent. Il est réconfortant. Je suis sensible à…
    Monsieur le président, pourrions-nous attribuer le ruban de la participation à M. White puisque c'est à lui que vous avez le plus souvent coupé la parole.
    Tout à fait. Je suis d'accord.

[Français]

    Je suis à votre service en tout temps.

[Traduction]

    C'est vous qui emportez la médaille, monsieur White.
    Je tiens à remercier tout le monde.
    Toutefois, avant de libérer mes collègues, nous avons à fixer un délai à respecter pour proposer la liste de témoins pour notre prochaine étude, qui est bien évidemment celle qui porte sur une stratégie de commémorations. Je vais faire preuve de témérité et vous proposez de le fixer au vendredi 26 mars à 16 heures. Si quelqu'un s'objecte à ce délai, je suggère que…
    Monsieur le président.
    Oui, monsieur.
    Je ne m'oppose pas à ce délai. Je demanderai simplement une chose. Nous n'avons pas vraiment pris d'habitude en la matière, mais je me souviens que lors de ma première participation aux travaux de ce comité, nous recevions une liste de tous les témoins. Chaque parti recevait les listes proposées par les autres, et ce n'est plus le cas aujourd'hui. J'aimerais une telle liste. Outre le simple fait de prendre connaissance des noms proposés, j'aimerais aussi, monsieur le président, avoir le temps de m'informer sur eux.
    Monsieur Brassard, parlons-en tous les deux une fois cette réunion terminée. Je n'ai jamais préparé une telle liste comme président, que ce soit de ce comité ou de celui des ressources humaines. Il revient au Comité de décider s'il veut que je procède de cette façon. Cela poserait toutefois quelques difficultés, mais j'en discuterai avec vous.
    J'aimerais que nous en parlions, monsieur le président.
    Très bien. Nous pouvons nous lancer sur cette voie, mais elle pose quelques problèmes. Comme je l'ai dit, nous n'avons pas l'habitude de procéder de cette façon. Nous communiquons les noms des témoins dont la comparution a été confirmée, ce qui permet au greffier de faire son travail.
    Madame Wagantall, nous vous écoutons.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux juste faire un commentaire. En balayant la salle du regard, il me semble que, depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, en 2015, je suis la doyenne du groupe. Je n'avais jamais siégé à ce comité ni n'avais reçu la liste en question. C'est la raison pour laquelle j'invite tous mes collègues à envisager de procéder de cette façon. Il est très important que nous soyons bien préparés à entendre les témoins, en sachant bien qui va comparaître et en étant en mesure d'interagir intelligemment avec chacun d'eux. J'ai vraiment apprécié tous ceux qui étaient ici aujourd'hui.
    Je vous remercie.
    Pour être précis, chaque membre du Comité reçoit une liste des témoins qui vont comparaître, mais je dois encore une fois vous dire que le fait de remettre la liste complète peut avoir des conséquences imprévues. Je suis toujours ouvert à la discussion sur ce sujet et peut-être pourrions-nous en parler lors d'une réunion consacrée aux affaires du Comité qui nous permettrait d'évaluer les avantages et les inconvénients de cette solution.
    Mme Blaney a aussi quelque chose à dire. Nous vous écoutons, madame.

  (1735)  

    Je voulais juste vous dire que je suis d'accord avec cette approche. J'ai siégé à ce comité avec Mme Wagantall pendant une partie de la dernière session. Nous avons effectivement reçu cette liste, comme ça a été le cas dans d'autres comités. C'est tout simplement utile d'en disposer et je conviens que des événements imprévus peuvent se produire, et que tous les témoins prévus ne vont pas comparaître. Nous savons aussi que [Difficultés techniques] votre liste. Ce genre de choses s'est déjà produit par le passé. Il s'agit simplement pour nous de savoir qui comparaîtra peut-être et de nous préparer en conséquence.
    J'ai hâte de participer à cette discussion. Je vous remercie, monsieur le président.
    Moi aussi je suis ravi à cette idée.
    S'il n'y a rien d'autre, je tiens comme toujours à remercier le greffier et les analystes.
    Prenez votre téléphone et faites ce que M. White vient de suggérer.
    Une dernière vérification: le greffier me demande si nous avons effectivement convenu d'un délai, le 26 mars à 16 heures, pour le choix des témoins à entendre dans le cadre de notre prochaine étude. Pas d'objection? C'est fantastique.
    Merci beaucoup à tous.
    Je remercie également tous les techniciens et les traducteurs qui se trouvent à Ottawa pour l'aide qu'ils nous apportent.
    La séance est levée.
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