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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 012 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 décembre 2020

[Enregistrement électronique]

  (1120)  

[Traduction]

    Comme nous avons le quorum, je déclare ouverte la 12e séance du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
    Je tiens d'abord à reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    Le Comité poursuit son étude sur la sécurité alimentaire dans les collectivités du Nord.
    Encore une fois, vous devez choisir la langue dans laquelle vous souhaitez vous exprimer, à partir de l'icône du globe, en bas au centre de votre écran, pour que nous puissions entendre l'interprétation de vos propos. Veuillez parler lentement et clairement. De plus, n'oubliez pas de désactiver votre micro si vous ne parlez pas.
    Nous recevons aujourd'hui Natan Obed, président de l'Inuit Tapiriit Kanatami.
    Monsieur Obed, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité de m'avoir invité.
    Je m'appelle Natan Obed et je suis président de l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'organisation nationale qui représente les 65 000 Inuits du Canada.
    La plupart des Inuits vivent dans l'Inuit Nunangat, notre terre natale, qui abrite 51 communautés et qui compte pour près du tiers de la superficie du Canada et pour plus de la moitié de son littoral. L'Inuit Nunangat est formé de quatre régions: l'Inuvialuit à l'ouest, le Nunavut au centre et à l'est, puis le Nunavik et le Nunatsiavut.
     La dernière fois que le Comité s'est penché sur les enjeux liés à la sécurité alimentaire dans le Nord, c'était il y a 10 ans, dans le cadre de son étude sur la transition entre le programme fédéral Aliments-poste et Nutrition Nord. À cette occasion, les Inuits ont présenté beaucoup de témoignages différents, dont la plupart sont encore valables aujourd'hui.
    L'insécurité alimentaire dans les communautés inuites continue de trancher nettement avec la situation observée dans le reste du Canada: en effet, 76 % des Inuits âgés de 15 ans ou plus vivant dans l'Inuit Nunangat sont touchés par l'insécurité alimentaire. Ce chiffre est tiré de l'enquête canadienne auprès des peuples autochtones de 2017. La répartition régionale varie légèrement, mais il n'en reste pas moins que plus des trois quarts des Inuits souffrent d'insécurité alimentaire.
    L'insécurité alimentaire suscite de nombreuses préoccupations, qui sont indissociables des autres facteurs que sont la pauvreté, la capacité de pratiquer notre culture et la capacité de transmettre la langue. L'insécurité alimentaire est également liée à d'autres questions, comme l'éducation. Au fil de ses nombreux entretiens avec des Inuits, le Comité a appris bien des choses en écoutant leurs représentants parler des inégalités auxquelles font face les Inuits par rapport aux Canadiens non autochtones.
    La pauvreté est la première cause d'insécurité alimentaire dans l'Inuit Nunangat. Il s'agit d'une question complexe: le coût de la vie y est beaucoup plus élevé qu'ailleurs au Canada, alors que les revenus y sont nettement plus inférieurs. Le revenu médian des Inuits vivant dans l'Inuit Nunangat s'établit à environ 23 000 $, et le coût de la vie est de deux à trois fois supérieur à la moyenne canadienne, en fonction de la communauté de l'Inuit Nunangat.
    La pandémie n'a fait qu'accentuer les inégalités socioéconomiques et les lacunes sur le plan des infrastructures dans nos communautés éloignées. Même si j'ai récemment fait part de ces réalités au Comité, je tiens à souligner aujourd'hui que ces déficits ont des répercussions importantes sur le coût de nos denrées alimentaires, ainsi que sur les possibilités offertes par notre économie fondée sur la récolte, nos initiatives de production alimentaire à l'échelle locale et nos pêches côtières et hauturières.
     La pandémie a mis en évidence la fragilité de nos propres chaînes d'approvisionnement alimentaire. La plupart de nos denrées alimentaires non périssables sont expédiées pendant les saisons estivales de ravitaillement par voie maritime, et ce, à partir d'une poignée de centres canadiens, le plus grand étant, de loin, celui de Montréal. En raison de la fermeture des économies, ce qui a soulevé des préoccupations quant à la libre circulation des biens et des services, nous avons eu droit à un ravitaillement très différent au cours de la dernière saison, ravitaillement qui a d'ailleurs comporté certains risques, et le tout a fini par entraver la façon dont les denrées non périssables parviennent à nos communautés.
    Nous nous sommes penchés sur plusieurs aspects liés à nos politiques de lutte contre l'insécurité alimentaire par l'entremise du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne. Grâce aux efforts d'un groupe de travail chargé de la sécurité alimentaire, certains changements ont été apportés au programme Nutrition Nord, en particulier dans le cadre de la subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs, qui a permis aux Inuits d'obtenir 28,6 millions de dollars sur cinq ans pour mettre en place des programmes de récolte traditionnelle.

  (1125)  

     Nous devons appliquer l'approche relative à l'Inuit Nunangat à tous les ministères fédéraux pour accélérer les travaux du Groupe de travail du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne. Nous devons comprendre quelle est la meilleure façon d'aider les Inuits, notamment lorsqu'il s'agit d'améliorer les programmes sociaux, l'accès à des aliments sains et la capacité des Inuits de pratiquer leurs activités traditionnelles.
    Les infrastructures constituent un élément clé dans tout cela également. Nous avons un grand déficit d'infrastructures dans l'Inuit Nunangat, qu'il s'agisse des aéroports, des ports pour petits bateaux, ou des installations locales dédiées à l'entreposage de la nourriture, la pêche ou la chaîne d'approvisionnement. Nous devons améliorer les infrastructures dans tous les secteurs pour accroître la sécurité alimentaire de nos communautés.
    Monsieur Obed, le temps est écoulé. Si des éléments ne sont pas couverts pendant la période de questions, vous pourrez naturellement nous faire parvenir la fin de votre témoignage par écrit.
    Comme nous avons commencé en retard, nous aurons le temps pour une série complète de questions adressées à M. Obed par chaque parti représenté au sein du Comité, et nous allons commencer par Mme Cathy McLeod pendant six minutes.
    Madame McLeod, allez-y s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Comme nous espérions en avoir deux, je vais sans doute partager mon temps avec notre deuxième intervenant.
    Monsieur Obed, je sais que vous n'avez pas eu le temps de terminer. Alliez-vous nous proposer quelques recommandations très précises? J'aimerais savoir, bien sûr, ce que vous voulez nous proposer comme recommandations.

  (1130)  

    Oui, merci.
    J'ai quelques recommandations importantes. L'une concerne les transporteurs aériens du Nord et leur admissibilité comme services essentiels. Il faudrait aussi assortir le terme « service essentiel » de modalités.
    De plus, au sujet du programme Nutrition Nord, il faut s'assurer qu'il s'agit d'un programme social transparent et qu'il y a une reddition de comptes, afin que ce soit les familles inuites dans les communautés inuites qui bénéficient de la subvention.
    Une autre recommandation serait de procéder à des investissements durables à long terme dans l'Inuit Nunangat, en particulier dans des programmes alimentaires à l'école et dans d'autres initiatives de production et de distribution alimentaires locales.
    Merci.
    Vous avez mentionné à quel point les changements au programme de soutien des chasseurs-cueilleurs étaient les bienvenus. C'était intéressant. Nous avions des témoins du Yukon l'autre jour qui nous ont dit avoir notamment des abattoirs mobiles. Y a-t-il des obstacles au sujet... des enjeux territoriaux qui présentent des problèmes pour mettre en place ce programme?
     Je pense qu'il y a des problèmes constants du côté de la réglementation. Quand nous arrivons à récolter plus de nourriture et à nourrir nos familles, cela ne s'étend pas nécessairement aux centres de soutien à long terme ou aux établissements d'enseignement qui sont assujettis à la réglementation, qu'elle soit fédérale, provinciale ou territoriale, concernant la consommation et la salubrité des aliments, et cette réglementation, bien souvent, ne respecte pas la façon particulière des Inuits de préparer et d'assurer la salubrité de leurs aliments.
    C'est un grave problème quand on veut avoir des entreprises durables qui produisent des aliments traditionnels, car on s'empêtre en partant dans la réglementation, parce que notre façon de préparer nos aliments n'est pas nécessairement reconnue par les normes institutionnelles.
    Merci.
    J'ai déjà entendu parler de ce problème, et je crois qu'il est surtout de nature territoriale.
    Je vais céder le reste de mon temps à mon collègue, M. Melillo.
    Merci, madame McLeod. Je vous en suis reconnaissant.
    Je vais poursuivre sur le même sujet, le programme Nutrition Nord Canada.
     Monsieur Obed, vous avez mentionné qu'il devrait s'agir d'un programme social, qu'il devrait être transparent et qu'il devrait y avoir une reddition de comptes. Lors de notre dernière séance, les représentants du ministère nous ont dit que la sécurité alimentaire n'était pas vraiment en soi un indicateur de succès du programme, alors je suis d'accord avec vous et je pense que nous avons assurément besoin d'y apporter des changements.
    J'aimerais savoir si vous pourriez nous en dire plus sur les changements qui pourraient être apportés au programme afin qu'il soit plus transparent pour les habitants du Nord et qu'il y ait une reddition de comptes.
    Je vais commencer par dire que le programme Nutrition Nord et son prédécesseur, le programme Aliments-poste, sont des programmes de subventions qui sont les bienvenus dans l'Inuit Nunangat et d'autres régions du Nord canadien, où les coûts de fonctionnement sont plus élevés qu'ailleurs.
    Les produits non périssables coûtent plus cher, en grande partie à cause du transport et de tous les autres coûts liés aux infrastructures, même dans les magasins coop et les magasins du Nord au sein de nos communautés. Comme il en coûte plus cher pour les exploiter, il est logique que les produits qu'on y vend coûtent plus cher qu'ailleurs.
    Toutefois, si le gouvernement veut décider quels aliments doivent être subventionnés, et subventionner ensuite les aliments en fonction des préoccupations liées à la nutrition, à une saine alimentation et à un style de vie sain pour les Canadiens, il consacrera de 70 millions à 80 millions de dollars chaque année pour offrir ce programme social, en décidant dans bien des cas quel type d'aliments les habitants des communautés d'Inuit Nunangat devraient consommer.
    Or, les Inuits devraient être plus en mesure de décider eux-mêmes à quoi consacrer la part de la subvention qui leur est destinée. En raison de notre insécurité alimentaire — qui se situe à 76 % —, ces fonds devraient être destinés aux habitants qui souffrent d'insécurité alimentaire. Les gens qui manquent de nourriture devraient pouvoir constater les effets tangibles, positifs de cette subvention. Un rabais à la caisse qui n'est qu'un calcul rapide de chiffres non transparent et sans reddition de comptes ne permettra jamais de voir ce programme comme un succès.
    Jusqu'à ce qu'on règle ce problème, il y aura toujours des Inuits dans nos communautés qui ne croient pas que le programme Nutrition Nord répond vraiment à leurs besoins pour assurer leur sécurité alimentaire.

  (1135)  

    Merci beaucoup, monsieur Obed.
    Monsieur van Koeverden, vous avez six minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Nakurmiik, merci, monsieur Obed, d'être de retour. C'est bon de vous revoir au Comité.
    Merci de votre déclaration et de votre témoignage, mais aussi merci de votre politique alimentaire expressément dédiée aux Inuits. Je n'ai pas lu encore tout le document, mais je l'ai feuilleté avec intérêt. C'est beaucoup de lecture, mais c'est aussi très important, à mon avis, que tous les membres du Comité en prennent connaissance.
    Au début de la semaine, nous avons écouté le témoignage d'autres représentants du Nord qui nous ont parlé de leurs difficultés, alors je suis heureux de vous entendre parler des préoccupations particulières des habitants de l'Inuit Nunangat. Je pense qu'il faut souligner les chiffres. Comme vous l'avez mentionné, trois Inuits sur quatre souffrent d'insécurité alimentaire, un chiffre alarmant. Je pense qu'il faut le répéter et s'y arrêter.
    J'ai eu une bonne discussion dernièrement avec quelqu'un qui travaille dans le domaine de la sécurité alimentaire au Canada, et d'après lui, la solution pour lutter contre la faim au Canada ne se trouve pas, en fait, du côté de la nourriture. Dans sa politique alimentaire, Inuit Tapiriit Kanatami parle beaucoup du revenu et du logement comme étant les principales causes de l'insécurité alimentaire.
    Lors de vos derniers témoignages devant le Comité, vous avez parlé de la différence entre subventions et programmes sociaux. J'aimerais savoir si vous pourriez expliquer aujourd'hui aux membres du Comité la différence entre subventions et programmes sociaux, et le lien important à faire entre le revenu et le coût élevé du logement pour les gens et la faim dans le Nord, en particulier dans l'Inuit Nunangat. Nakurmiik.
    Oui. Je vais commencer par donner un exemple.
    Notre revenu moyen, le revenu moyen des Inuits dans l'Inuit Nunangat, est de 23 000 $. Pour les non-Inuits qui habitent dans l'Inuit Nunangat, il dépasse 95 000 $. La disparité est énorme entre les Inuits et les non-Inuits dans toutes nos communautés, alors que le programme Nutrition Nord ne tient nullement compte des besoins, si bien que la famille ayant un revenu médian trois à quatre fois plus élevé que celui d'une autre famille profite de la même subvention pour les mêmes produits lorsqu'elle se rend à l'épicerie.
     Dans le cadre d'une stratégie universelle de lutte contre l'insécurité alimentaire, je pense que l'argent devrait être dépensé uniquement pour venir en aide aux gens dans le besoin. Je sais que la vie n'est pas facile pour tous les habitants de l'Inuit Nunangat, quel que soit leur revenu médian, en raison du coût de la vie élevé, du coût élevé du logement et du coût élevé de la nourriture. Toutefois, les programmes sociaux qui sont mis en place dans toutes les autres régions du pays — qu'il s'agisse de l'aide sociale ou de programmes destinés aux personnes handicapées ou réservés à certaines populations cibles — visent à faire en sorte que tous les Canadiens profitent d'un niveau de vie de base.
    Actuellement, le programme Nutrition Nord serait un excellent programme pour assurer un niveau de sécurité alimentaire de base pour les Inuits dans l'Inuit Nunangat. Le gouvernement dépense déjà cet argent. Il faut donc en faire un programme social ciblé dont les Inuits pourront profiter directement. On peut clairement déterminer les besoins et ensuite intervenir au moyen d'une politique. Actuellement, il s'agit d'une prestation universelle, tout comme c'est le cas de la Déduction pour les habitants de régions éloignées de l'ARC, une prestation que tout le monde obtient et obtient également.
    Nous avons besoin d'un programme plus ciblé. Il faut agir dès maintenant, car l'enjeu est trop important et la disparité trop importante pour attendre, que ce soit en procédant à un ajout ou à une refonte complète du programme.

  (1140)  

    Merci de votre réponse.
    Vous avez dit que le programme ne tient pas compte des besoins, et je pense que c'est un élément très important. En modifiant le programme, quels seraient les effets sur les autres personnes, l'autre quart, qui vivent et habitent dans le Nord? Cela aurait-il pour effet de faire grimper considérablement le coût de la nourriture et de la vie pour ceux qui ont un bon revenu? Est-ce que...? Comme vous l'avez mentionné, le fardeau est important pour tous les habitants dans l'Inuit Nunangat, pas seulement pour les Inuits. Comment peut-on contourner ce problème?
    Lorsqu'on est passé du programme Aliments-poste au programme Nutrition Nord, je pense que l'élément clé était de laisser le marché décider des prix. La concurrence se voulait une façon de remplacer la seule subvention à Postes Canada pour le transport.
    Nous avons de très petites communautés, et il n'y a habituellement que deux ou trois détaillants qui vendent de la nourriture, parfois un seul. Nutrition Nord a modifié la donne considérablement. Je ne peux pas vous dire... Je ne crois pas nécessairement au rabais à la caisse, alors je ne sais pas vraiment si le prix du deux litres de lait serait de 14 $ sans subvention.
    J'aimerais beaucoup vous en parler plus en détail et mieux comprendre les effets négatifs pour les personnes qui ne seraient pas admissibles à une subvention destinée à ceux qui vivent dans l'insécurité alimentaire, car à l'heure actuelle, le programme n'est pas transparent et il n'y a pas de reddition de comptes qui nous permet de comprendre les coûts.
    Merci, monsieur Obed.
    Nous passons maintenant à Mme Bérubé pendant six minutes.
    Allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Obed, vous avez parlé de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition qui affectent les collectivités inuites de manière disproportionnée. Vous avez aussi dit que, sur le plan socioéconomique, la pandémie avait des répercussions sur les coûts et la pêcherie.
    Pouvez-vous me parler des causes et des conséquences de cette insécurité alimentaire dans les régions du Nunavut, du Nunavik et du Nunatsiavut? En effet, il y a quand même une petite différence dans ces régions pour ce qui est de la sécurité alimentaire.

[Traduction]

    Oui, merci.
    Il est très coûteux d'exercer nos modes de subsistance traditionnels et de nourrir nos familles d'une façon très traditionnelle. Nous utilisons des motoneiges. Nous utilisons des bateaux pendant l'été. Les coûts de l'essence et des autres fournitures dont nous avons besoin pour la chasse sont très élevés.
    Dans le cadre de la réponse à la COVID, en particulier lors de la première vague au printemps lorsque les communautés autochtones ont reçu les fonds de soutien initiaux, les responsables de nombreuses régions visées par des revendications territoriales inuites ont aidé les gens à se rendre dans les terres pour pratiquer la chasse et la cueillette, à passer le printemps et l'été dans des campements saisonniers et à quitter les communautés pour diminuer les risques de contracter la COVID. Nous avons ainsi pu compter davantage sur notre mode d'alimentation traditionnel et accroître notre sécurité alimentaire, si on veut.
    Il n'a pas été facile pour de nombreux Inuits de se rendre dans nos terres traditionnelles, d'y pratiquer la chasse et la cueillette, puis de nourrir nos familles et nos communautés d'une façon plus traditionnelle, en raison du coût qui y est associé. De plus, beaucoup d'Inuits ne disposent pas des revenus nécessaires pour s'adonner à ce mode de vie.
    C'est un dilemme intéressant, mais qui prend racine dans le colonialisme, dans le fait qu'on ait privé les Inuits de leurs droits et de leurs pouvoirs en tuant leurs chiens et en détruisant leurs attelages, dans la relocalisation forcée au sein de communautés et dans les pressions exercées en faveur d'une économie basée sur les salaires. On exerce des pressions depuis 50 ou 60 ans sur les Inuits pour qu'ils cessent de dépendre d'eux-mêmes et de leur alimentation traditionnelle, et nous commençons à peine à nous réapproprier le tout. Nous avons besoin de subventions. Les programmes de subventions sont nécessaires pour nous aider à le faire dans un tel contexte.

  (1145)  

[Français]

    Vous avez parlé plus tôt de partenariats. Pouvez-vous nous expliquer quelles approches vous avez prises pour faire des partenariats afin d'aider les Inuits?

[Traduction]

    Au sein de l'ITK, nous avons des partenariats avec nos organismes de revendications territoriales régionaux: Nunavut Tunngavik, Makivik Corporation, Inuvialuit Regional Corporation et le gouvernement du Nunatsiavut. Nous travaillons ensemble à l'établissement de nos politiques et de nos priorités nationales. Nous mettons, en fait, la dernière main à une stratégie nationale de sécurité alimentaire, que nous espérons rendre publique au premier trimestre de 2021.
    Nous avons aussi des partenariats au niveau communautaire, parfois avec des organismes communautaires, parfois avec des associations de chasseurs et de pêcheurs, parfois avec des hameaux et des municipalités, pour veiller à ce que... Ils portent parfois sur l'espace d'entreposage, la gestion des programmes, la distribution alimentaire. Nous collaborons également avec les gouvernements provinciaux et territoriaux sur les stratégies de sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté.
    Vous en apprendrez plus à ce sujet, je crois, au cours de la deuxième heure avec nos chefs régionaux. Nous nous efforçons toujours, peu importe le sujet, de collaborer avec les intéressés pour continuer d'améliorer la sécurité alimentaire des habitants de l'Inuit Nunangat.

[Français]

    Quand on parle d'Inuits Tapiriit Kanatami, il est nécessaire d'aborder la question de la sécurité alimentaire avec une approche holistique. Pourriez-vous nous expliquer ce qu'impliquerait une approche holistique dans la sécurité alimentaire?

[Traduction]

    La sécurité alimentaire est liée très étroitement à l'éducation, au logement et à la santé. Elle est aussi liée à la culture et au savoir, ainsi qu'au transfert de ce savoir de génération en génération.
    Comme nos habitations sont surpeuplées à plus de 50 %, en plus des niveaux de pauvreté et d'insécurité alimentaire que nous connaissons, il n'est pas facile pour nous de nous sortir de ces situations.
    L'insécurité alimentaire au sein d'un ménage est une situation très compliquée, car un ménage peut compter 11 ou 12 personnes. Dans un tel environnement, il n'est pas facile non seulement de dormir et de demeurer en santé, mais aussi simplement de préparer la nourriture, de la partager et de nourrir la famille tout entière.
    Il y a beaucoup de problèmes et de conséquences liés à ces problèmes qui mènent à des choix alimentaires qui ne sont pas sains ou à l'insécurité alimentaire pour certains membres au sein d'une grande famille.

  (1150)  

    Merci, monsieur Obed.
    Nous passons à la dernière intervenante.
    Madame Blaney, vous avez six minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Obed, de votre témoignage aujourd'hui, un témoignage très important et très utile.
    Premièrement, vous avez parlé des infrastructures, celles liées expressément à la sécurité alimentaire. Existe-t-il une analyse du déficit à cet égard? Comment le Comité peut-il mieux comprendre la nature de ce déficit et ce qu'il faut faire pour commencer à le combler?
    L'ITK vient de publier un rapport que nous avons préparé en collaboration avec Deloitte. Il porte sur nos besoins en infrastructures et les projets prioritaires dans l'Inuit Nunangat. Il ne porte pas précisément sur la sécurité alimentaire, mais beaucoup de nos problèmes sont de nature holistique. Le déficit dans les infrastructures maritimes est en lien direct avec notre capacité de pêcher localement ou avec nos réseaux de distribution alimentaire.
    Pensez au transport maritime. Dans la plupart des communautés dépourvues de quai, le ravitaillement est très compliqué. Il faut faire un transfert sur une barge; il faut se rendre dans les eaux de marée et il faut ensuite utiliser de l'équipement lourd pour décharger la barge et transporter le tout à un autre endroit avant qu'une personne puisse avoir accès au ravitaillement. Pensez aux coûts liés à cette pénurie d'infrastructures, en plus des coûts déjà inhérents à l'éloignement des communautés inuites.
    De plus, en hiver — et même en été —, le fait de ne pas avoir un lieu de réfrigération à une température stable dans aucun ou la plupart de nos aéroports, cela expose beaucoup de nos produits non périssables aux risques de gel, en particulier, et aux risques de contamination en l'espace de quelques minutes. Si de la marchandise reste à l'extérieur 30 minutes à - 40 °C, tout l'argent du programme Nutrition Nord — la subvention pour apporter la nourriture dans une communauté — est perdu.
    Voilà le genre de problèmes que nous cause le déficit dans les infrastructures.
    Je vous remercie de cette réponse.
    Vous avez également parlé d'un manque d'initiatives de production alimentaire locale et de ressources pour lancer de telles initiatives. Pourriez-vous traiter brièvement de la question? J'entends clairement qu'il faut investir pour connecter les gens aux ressources dans la région.
    En effet. Nous avons effectué un certain nombre de percées au cours des dernières années. La Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs du programme Nutrition Nord Canada permettra aux organisations inuites régionales de collaborer avec les communautés afin de mettre sur pied des interventions en matière de sécurité alimentaire permettant à nos communautés d'accéder à plus d'aliments traditionnels afin de se nourrir. En plus de faire des merveilles pour notre sécurité alimentaire, cette initiative favorise également la transmission de la culture et les liens entre les habitants des communautés. Elle renforce la communauté.
    À cela s'ajoute un certain nombre d'initiatives lancées un peu partout dans l'Inuit Nunangat, comme les solutions de jardinage local d'esprit communautaire d'Arviat aux fins de production alimentaire ou les divers programmes entrepris par des organismes communautaires qui assurent la sécurité alimentaire et offrent des cours de cuisine.
    Les initiatives ne manquent pas dans l'Inuit Nunangat, mais il faut investir davantage, et mettre plus l'accent sur les solutions communautaires et moins sur les idées que les autres pensent peut-être bénéfiques pour nous, mais qui ne correspondent pas réellement à ce que nous voudrions faire.

  (1155)  

    Je vous remercie.
    Ma dernière question porte sur Nutrition Nord Canada. Vous avez indiqué à plusieurs reprises que le programme doit être plus transparent et que ce sont ses gestionnaires qui décident des aliments qui seront envoyés. Vous considérez que vous devez en décider vous-même, que le rabais est appliqué à la caisse et que le processus n'est pas transparent. Voilà qui ne favorise pas la confiance de la communauté à l'égard du programme, à mon avis.
    Pourriez-vous nous indiquer en quoi consisterait la solution? Quand vous parlez d'autodétermination, comment pourrait-on procéder pour la mettre en œuvre?
    Peu importe la situation, le concept de régime, de mode de vie et de choix alimentaires sains est subjectif. La société et les communautés inuites pourraient avoir une idée très précise des aliments sains qui composent un régime inuit. Si des dizaines de millions sont réservés annuellement aux communautés inuites et que la subvention de Nutrition Nord Canada sert majoritairement aux communautés de l'Inuit Nunangat, sans toutefois que les Inuits déterminent les articles admissibles ou le taux de subvention, ce n'est alors qu'un autre programme dans le cadre duquel on décide pour les Inuits de ce qui est important pour eux.
    Il faut travailler en partenariat dans le cadre de ce programme et que nous prenions de véritables décisions sur les articles admissibles. Il faut réinventer ce programme pour en faire un programme social et s'assurer que chaque dollar qui y est dépensé va à ceux qui en ont besoin. Je ne pense pas que ce soit trop demander d'un programme social ou d'un programme du gouvernement fédéral. Si ce dernier souhaite subventionner les compagnies aériennes ou les détaillants, ces démarches très ciblées devraient faire l'objet d'un volet distinct de l'intention de faire quelque chose au sujet du taux d'insécurité alimentaire des Inuits dans l'Inuit Nunangat, qui s'éleve à 76 %.
    Voilà qui nous mène juste à la fin du temps prévu.
    Monsieur Obed, le problème technique nous a malheureusement fait perdre du temps. Dans les quelques minutes qui restent avant midi, souhaiteriez-vous dire quelque chose que vous voulez que le Comité entende?
    Vous pouvez fournir par écrit les autres renseignements que vous voudriez nous communiquer, mais comme vous êtes au micro maintenant, je vous demanderai s'il y a quelque chose que vous souhaiteriez dire pour conclure avant que nous ne suspendions la séance.
    Je veux d'abord vous présenter mes excuses pour le problème de micro. Je vous promets de régler le problème de mon côté pour ma prochaine comparution devant vous.
    En ce qui concerne la sécurité alimentaire, la question est indissociable de la pauvreté et des programmes et les politiques du gouvernement.
    J'exhorte le Comité, et vous-mêmes à titre de parlementaires dans vos partis, à exiger une meilleure reddition de comptes et une meilleure transparence de la part d'un programme qui dépense quelque 70 millions de dollars par année, supposément pour fournir des denrées alimentaires nutritives et non périssables aux communautés éloignées et du Nord. Ce programme doit fonctionner pour atténuer l'insécurité alimentaire de notre peuple. Je pense que peu importe qui on est, c'est un concept qu'on peut soutenir. J'espère qu'il pourra y avoir des avancées dans la manière dont nous pensons à ce sur quoi nous dépensons.
    En ce qui concerne le programme Nutrition Nord Canada, il y a là un point très positif: c'est le concept voulant qu'on peut dépenser de l'argent pour des denrées alimentaires non périssables saines destinées aux communautés de l'Inuit Nunangat afin d'y atténuer l'insécurité alimentaire. Mais ce n'est pas nécessairement ainsi que les choses se passent à l'heure actuelle, et je voudrais que ce soit le cas.
    Le problème est toutefois bien plus vaste et ne concerne pas seulement Nutrition Nord Canada. Notre stratégie de sécurité alimentaire qui sera lancée au cours de la nouvelle année abordera la question de la nature holistique de la sécurité alimentaire des Inuits. Je suis impatient de vous en parler une fois qu'elle aura été approuvée par notre conseil.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Obed, de vous être joint à nous.
    Nous suspendrons brièvement la séance pendant que nous concluons les autres tests de son avec le reste de nos témoins.
    La séance est suspendue.

  (1155)  


  (1215)  

    La séance reprend. Le Comité poursuit son étude de la sécurité alimentaire dans les collectivités du Nord.
    Nous recevons aujourd'hui trois groupes de témoins par vidéoconférence. Nous devions entendre Duane Ningaqsiq Smith, président et directeur général de la Société régionale inuvialuite. Il a malheureusement dû nous quitter, mais il fournira un témoignage écrit. Quant au reste des témoins, nous sommes enchantés de pouvoir leur parler, en dépit des problèmes techniques, de la situation de la sécurité alimentaire dans leurs communautés.
    Notre premier intervenant est Adamie Delisle Alaku, vice-président exécutif du Département de l'environnement, de la faune et de la recherche de la Société Makivik, qui aura la parole pour six minutes.
    Monsieur Alaku, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et distingués membres du Comité.
    C'est avec plaisir que je vous parle aujourd'hui de la question de la sécurité alimentaire dans le Nord, particulièrement dans la région du Nunavik, et au nom du président et ancien sénateur Charlie Watt Sr.
    Le Nunavik est une région arctique qui occupe le tiers supérieur de la province de Québec, au nord du 55e parallèle. Notre région est plus vaste que la France et compte 15 communautés essaimées sur les rives de la baie d'Hudson, du détroit d'Hudson et de la baie d'Ungava. Sa population totale s'élève à plus de 12 000 habitants. Considérez-la comme une île, puisque les seuls moyens de s'y rendre consistent à prendre l'avion pendant l'année et à prendre le bateau pendant les mois d'été.
    Notre éloignement a des répercussions considérables sur notre sécurité alimentaire. Alors que le Sud du Canada bénéficie de vastes réseaux routiers et ferroviaires payés par les contribuables, les Inuits paient tous les impôts, mais les lacunes que comportent les infrastructures de leurs installations aéroportuaires et l'absence totale de ports en eaux profondes contribuent à faire augmenter les prix des aliments et le gaspillage alimentaire.
    La sécurité alimentaire existe quand tous les êtres humains ont en tout temps un accès physique et économique à des aliments sains et nutritifs en quantité suffisante pour mener une vie saine et active, alors que l'insécurité alimentaire existe quand une personne ou une famille n'a pas accès à suffisamment d'aliments. Au Nunavik, il importe de tenir compte de l'accès aux aliments traditionnels et aux denrées saines achetées en magasin quand on veut améliorer la sécurité alimentaire.
    L'Université Laval a réalisé des études comparant le coût de la vie au Nunavik et dans le Sud du Québec. Ces études ont révélé qu'en 2011, l'épicerie coûtait 81 % plus cher au Nunavik qu'à Québec. Le rapport de recherche intitulé Le coût de la vie au Nunavik est le fruit d'une collecte et d'une analyse de données intensives de 16 mois menées entre janvier 2015 et 2016, dans le cadre desquelles 450 ménages choisis au hasard dans six communautés du Nunavik sises sur les côtes des baies d'Hudson et d'Ungava ont été sélectionnés pour ce projet.
    L'enquête a révélé que les ménages à faible revenu dépensent un total combiné de plus de 70 % de leur revenu pour l'alimentation et le logement, soit 43 % pour les aliments et 27 % pour le logement. Si on s'intéresse au revenu, selon le recensement de 2016, le revenu médian des Inuits était d'un peu plus de 25 627 $, alors qu'il s'établissait à 79 328 $ pour les non-Inuits. Le revenu des Inuits étant trois fois moins élevé, si l'épicerie coûte 81 % de plus et que le revenu est trois fois moins élevé que dans le Sud, tout cela crée une insécurité alimentaire considérable et a des conséquences sociales supplémentaires sur le plan de la santé physique et mentale.
    Des programmes comme Nutrition Nord Canada contribuent à réduire le haut coût de la vie, mais cela ne suffit pas. Notre région a donc créé des programmes supplémentaires que nous appelons les mesures de réduction du coût de la vie au Nunavik — lesquelles sont gérées par l'Administration régionale Kativik, ou ARK, et ont été négociées avec l'aide Makivik — pour aller au-delà du programme Nutrition Nord Canada. Il y a six mesures visant à réduire le coût de la vie: l'aide aux aînés; la réduction du coût du transport aérien; le programme de soutien à l'approvisionnement en aliments traditionnels dans les communautés; le programme d'appareils ménagers et d'équipement de récolte et de chasse; le programme des aliments et des autres produits de première nécessité, qui offre un rabais de 15 à 35 % sur la majorité des denrées alimentaires achetées au Nunavik; et le programme sur l'essence, qui prévoit un rabais de 40 ¢ sur le litre d'essence. Le prix de l'essence est fixé une fois par année au Nunavik, où il est acheminé par voie maritime. À l'heure actuelle, le prix de l'essence y est de 1,85 $, alors qu'à Ottawa, les prix variaient de 90,9 ¢ chez Costco à 94,9 ¢ chez Canadian Tire au 8 décembre.
    Au titre du programme de réduction du coût de la vie, le gouvernement du Québec s'est engagé à verser 115,8 millions de dollars sur six ans à partir de 2019.
    Pour nous, cependant, les aliments venant du Sud ne constituent qu'une partie de la nourriture que nous consommons. Le produit de la chasse est tout aussi important, si ce n'est plus, car il nous nourrit non seulement physiquement, mais aussi culturellement et spirituellement. La sécurité alimentaire des Inuits englobe la culture, la santé et le bien-être, et la souveraineté alimentaire, c'est-à-dire notre pouvoir de prise de décisions et de gestion sur nos ressources alimentaires.

  (1220)  

    Nous sommes membres de nombreux comités de la faune. En outre, Makivik est propriétaire-exploitant du Centre de recherche du Nunavik, situé à Kuujjuaq, depuis des décennies. Nous menons nos propres recherches directement sur les aliments traditionnels que nous consommons et nous contrôlons ces informations. Cela fait partie de ce que nous considérons comme notre sécurité alimentaire.
    La nouvelle subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs a été favorablement accueillie. La chasse et la cueillette de subsistance sont essentielles à notre sécurité alimentaire. Nous devons toutefois souligner qu'au moment où ce programme est mis en œuvre, nous sommes soumis à des restrictions quant à la chasse à l'ours polaire, au béluga et bientôt au caribou. La population inuite augmente et la pression sur la faune est élevée. Nous devons absolument pouvoir avoir accès à la faune. Il importe également que les communautés aient la capacité de s'impliquer entièrement dans la surveillance et la gestion de la faune.
    Parlons maintenant de certains projets qui existent dans notre région. Le projet Pirursiivik entrepris à Inukjuak, dans la baie d'Hudson, en collaboration avec Makivik, la Fondation One Drop, la Fondation RBC et le centre alimentaire Sirivik, a construit une serre exploitée à l'année afin d'y cultiver des plantes traditionnelles.
    Le conteneur hydroponique installé à Kuujjuaq — vous avez peut-être vu The Growcer à l'émission Dragons' Den, sur CBC — est un conteneur de transport entièrement indépendant conçu pour aider les communautés autochtones des régions éloignées, particulièrement dans l'Arctique. Ce projet fournit des légumes frais à Kuujjuaq. Toujours à Kuujjuaq, il y a une soupe populaire, un programme de distribution de boîtes alimentaires aux aînés et un programme sur la terre.

  (1225)  

    Je suis désolé, monsieur Alaku, mais le temps est écoulé.
    Si vous me le permettez, je pourrais présenter ma conclusion.
    Faites.
    À Puvirnituq, il y a un programme de livraison de boîtes alimentaires offert en collaboration avec le centre de santé local. Il y a des maisons familiales à Puvirnituq, Kangiqsujuaq, Salluit, Kangiqsualujjuaq et Kuujjuarapik. La plupart bénéficient d'un éventail de programmes alimentaires, comme des activités culinaires, des partages de repas et des boîtes de nourriture pour les démunis.
    En conclusion, monsieur le président et distingués membres du Comité, je dirais que de nombreux facteurs contribuent manifestement à l'insécurité alimentaire dans la région. Même si nous apprécions à leur juste valeur les programmes comme Nutrition Nord Canada et la subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs du gouvernement fédéral, vous pouvez constater qu'il faut déployer un effort commun pour résoudre le problème, un effort qui inclurait le Québec, les organisations du Nunavik travaillant de concert, des projets communautaires et de l'aide supplémentaire venant de l'extérieur de la région.
    Nakurmiik.
    Je vous remercie.
    Je tiens à aviser le Comité et nos invités que nous devrons terminer notre séance à 13 heures pile pour des questions qui ne concernent pas notre comité. Ces contraintes nous empêchent de prolonger la séance.
    Nous entendrons maintenant Mme Johannes Lampe, présidente du gouvernement du Nunatsiavut.
    Vous avez la parole pour six minutes, madame Lampe.
     Je vous remercie, monsieur le président.
    Je commencerai par vous communiquer des renseignements de base et des messages clés sur la sécurité alimentaire.
    L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations unies définit la sécurité alimentaire comme suit: « La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. »
    Le droit à une alimentation adéquate est un droit de la personne établi dans de nombreux instruments relatifs aux droits de la personne, et le gouvernement du Canada a l'obligation de respecter, d'assurer et de soutenir ce droit. En 1976, il a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, un traité international contraignant qui établit le droit à une alimentation adéquate à l'article 11, qui stipule ce qui suit:
1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle d'une coopération internationale librement consentie.
    Le comité responsable de la mise en œuvre du Pacte a clarifié la signification du droit à une alimentation adéquate en le décrivant comme suit:
la disponibilité de nourriture exempte de substances nocives et acceptable dans une culture déterminée, en quantité suffisante et d'une qualité propre à satisfaire les besoins alimentaires de l'individu;
l'accessibilité ou la possibilité d'obtenir cette nourriture d'une manière durable et qui n'entrave pas la jouissance des autres droits de l'homme.
    Je traiterai maintenant de l'insécurité alimentaire au Nunatsiavut.
    L'enquête de 2014 sur la sécurité alimentaire des ménages au Nunatsiavut a révélé que 61,1 % de ces ménages connaissaient l'insécurité alimentaire. La prévalence de l'insécurité alimentaire des ménages est de 79,3 % à Nain et de 83,1 % à Hopedale. Les taux dans le Nord sont six fois plus élevés que ceux du Canada. À Hopedale, 5,6 % des ménages ont déclaré qu'à un moment ou à un autre au cours du mois précédent, les enfants n'avaient pas mangé pendant une journée entière. À Nain, ce sont 13,4 % des ménages qui ont rapporté cette situation.
     Selon l'enquête auprès des peuples autochtones de 2017, 68,3 % des Inuits du Nunatsiavut âgés de plus de 15 ans connaissaient l'insécurité alimentaire, si on prend en compte la sécurité alimentaire faible, très faible et marginale.
    Des facteurs, dont voici la liste, contribuent à l'insécurité alimentaire. Il s'agit d'une perte de culture et de compétences traditionnelles, des infrastructures, des changements climatiques, de la faune et de la préservation, de la pauvreté, du manque d'occasions d'éducation, de formation et d'emploi, des coûts relatifs à la chasse et à la cueillette, et du prix, de la qualité et de la disponibilité de nourriture.
    Nous avons différents scénarios, car nous effectuons quantité de recherches sur une panoplie de problèmes. Nous réalisons beaucoup de travaux sur les problèmes qui touchent les Inuits du Labrador afin de nous assurer que les occasions comme celles-ci nous offriront la chance de vous aider à mieux comprendre la situation à laquelle nous sommes confrontés.
    Voici d'autres exemples.
    Les petites communautés du Nord ne bénéficient pas de l'éventail de services de soutien social qui seraient normalement offerts dans les grands centres urbains. Il s'agit de services comme les banques alimentaires, les soupes populaires, les magasins d'occasion et les refuges d'urgence. Les familles qui cherchent de l'aide pour accéder à la nourriture ont peu d'options.

  (1230)  

    Il y a partout au Nunatsiavut des congélateurs communautaires où les gens ont accès à des aliments qui sont donnés à la collectivité après avoir été prélevés dans la nature. Cependant, ces réserves s'envolent généralement très vite, et l'offre ne suffit pas à répondre à la demande. Le partage des fruits de son travail avec parents et amis est une tradition bien ancrée au Nunatsiavut, ce qui n'empêche pas de nombreux ménages de souffrir d'insécurité alimentaire grave.
    Ce sont là seulement quelques exemples des moyens que nous mettons en oeuvre pour lutter contre l'insécurité alimentaire et améliorer le sort des Inuits du Labrador, le tout dans le respect de nos cultures et de nos traditions.
    Merci beaucoup, Monsieur Lampe. C'est exactement le temps que vous aviez.
    Nous allons maintenant entendre, en direct de Taloyoak, M. James Eetoolook, président de Nunavut Tunngavik Inc.
    Vous avez six minutes.
    [Le témoin s'exprime en inuktitut ainsi qu'il suit:]
    ᖁᔭᓐᓇᒦᒃ, ᐅᓪᓗᒃᑯᑦ, ᖁᔭᓐᓇᒦᕈᒪᔪᖓ ᑖᓐᓇ ᓯᑖᓐᑎᖕ ᑲᒥᑎ, ᓄᓇᖃᖅᑳᖅᑐᒥᓂᕐᓄᑦ ᓄᐊᑐᕐᓐ ᐊᐱᐊᕐᔅ, ᖃᐃᖁᔨᓚᐅᕐᒪᑦ ᐃᓕᑦᓯᓐᓄᑦ ᐅᐸᑦᓯᒪᖁᓪᓗᑕ ᓂᕿᖃᑦᓯᐊᖏᓐᓂᖅ ᑳᖃᑦᑕᓂᕐᓗ ᓄᓇᕗᑦ ᓄᓇᓕᖏᓐᓂ ᐱᔾᔪᑎᒋᓪᓗᒍ. ᖁᔭᓐᓇᒦᕈᒪᕗᖓ ᑐᓵᔨᒋᓂᐊᖅᑕᑎᓐᓂᒃ ᐋᖅᑭᓯᒪᒐᑦᓯ, ᖁᔭᓐᓇᒦᒃ ᓯᒨᓇ ᐊᕐᓇᑦᓯᐊᖅ, ᐅᕙᖓ ᔭᐃᒻᓯ ᐃᑦᑐᓗᒃ, ᓄᓇᕗᑦ ᑐᓐᖓᕕᒃᑯᑦ ᐊᖏᔪᖅᑳᖓᑕ ᑐᖏᓕᖓᑦ, ᑭᓯᐊᓂ ᒫᓐᓇ ᐊᖏᔪᖅᑳᖑᓐᖑᐊ-ᑲᐃᓐᓇᖅᑐᖓ ᓄᓇᕗᑦ ᑐᓐᖓᕕᒃᑯᑦ ᓂᕈᐊᖅᓯᒐᓱᐊᕐᓂᖏᓐᓂ. ᑖᓐᓇᐃᓛᒃ ᑲᓇᑕ ᓯᔅᑐᔅᕐᐱᒃᔅ 2017ᖑᑎᓪᓗᒍ ᓄᓇᖃᖅᑳᖅᑐᒥᓃᑦ ᒥᑦᓵᓄᑦ ᖃᐅᔨᓴᕐᓂᖅ ᑕᑯᓐᓇᖅᑎᑦᓯᓯᒪᒻᒪᑦ 76ᐳᓴᓐᑎᒎᖅ ᐃᓄᐃᑦ 15ᓂᒃ ᐅᖓᑖᓄᓪᓗ ᐅᑭᐅᓖᑦ ᓂᖃᐃᓪᓕᐅᖃᑦᑕᕐᒪᑕ ᐊᒻᒪᓗᑦᑕᐅᖅ ᑖᓐᓇ ᓲᓪᓗ ᖃᐅᔨᓴᖅᑕᐅᓯᒪᓛᖑᔪᑦ ᓂᕿᖃᑦᓯᐊᖏᓐᓂᐅᑉ ᒥᑦᓵᓄᑦ ᓄᓇᖃᖅᑳᖅᓯᒪᔫᔪᐃᑦ.
    [Les propos en inuktitut sont interprétés en anglais puis traduits ainsi:]
    Merci et bonjour à tous.
    Je veux remercier le comité permanent d'avoir invité les représentants de Nunavuk Tunngavik Inc. à lui parler de l'insécurité alimentaire au Nunavut et dans nos communautés. Je vous suis reconnaissant de bien vouloir prêter une oreille attentive à nos préoccupations. Merci également à mon interprète, Simona Arnatsiaq.
    Je m'appelle James Eetoolook et je suis vice-président et président par intérim de notre organisation d'ici à ce que l'on ait mené à terme le processus d'élection à la présidence.
    Un sondage réalisé en 2017 révélait que 70 % des Inuits de 15 ans et plus souffrent d'insécurité alimentaire. Ce sont des gens qui ont besoin de nourriture et dont la situation retient beaucoup l'attention.
[Traduction]

  (1235)  

    Je suis désolé, monsieur Eetoolook, mais nous avons un problème avec le signal.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Il est difficile de bien saisir, car l'interprétation est transmise au même niveau sonore.
    Monsieur le greffier, pouvons-nous régler ce problème? Nous entendons l'allocution et l'interprétation au même niveau.
    Est-ce que M. Eetoolook a sélectionné le bon canal?
    Il devrait avoir sélectionné le canal Aux 1 pour la langue s'il veut parler en inuktitut.
    Peut-être, pourrais-je parler en anglais. Est-ce que cela faciliterait les choses?
    Tout va bien, pour autant que vous ayez sélectionné le bon canal. J'aime beaucoup vous entendre parler dans votre langue. Vous devez avoir choisi la bonne option.
    D'accord.
    Je m'entends parler.
    [Le témoin s'exprime en inuktitut ainsi qu'il suit:]
    ᐃ, ᓇᑯᕐᒦᒃ, ᐋ, ᓇᒦᖅᑲᐅᕗᖓ, ᐋ, ᑕᐃᒪᐃᓛᒃ, ᑖᒃᑯᐊ ᓂᖀᑦ ᐱᔾᔪᑎᒋᓪᓗᒋᑦ
    [Les propos en inuktitut sont interprétés en anglais puis traduits ainsi:]
    Je vais reprendre... Non, j'entends encore ma voix.
[Traduction]
    Nous n'entendions rien.
    Je vais parler en anglais.
    Je vous en prie.
    L'insécurité alimentaire atteint des niveaux critiques. Nous savons que l'insécurité alimentaire a un impact direct sur la santé et le bien-être des gens, car elle entraîne des risques accrus de contracter une maladie chronique. De plus, elle réduit la capacité d'apprentissage de nos enfants et a des répercussions néfastes sur la santé mentale.
    L'accès à des aliments nutritifs est nécessaire non seulement pour le bien-être de chacun, mais aussi pour l'atteinte de nos grands objectifs en matière de santé publique. L'insécurité alimentaire menace notre intégrité culturelle et notre stabilité sociale globale tout en ayant des effets dévastateurs sur notre développement économique. Dans le Nord, c'est un problème qui touche absolument tout le monde, y compris ceux qui n'ont pas à s'inquiéter pour leur propre alimentation.
    Disons simplement, et je ne vous apprends rien, que les gens en santé sont plus performants dans toutes les facettes de leur vie. Alors que l'économie du Nunavut prend du mieux, il doit en être de même de la santé de sa population.
    La pandémie de COVID-19 a mis encore davantage en lumière la nécessité de régler le grave problème d'insécurité alimentaire qui touche de trop nombreuses familles inuites tout en faisant ressortir le rôle crucial des programmes d'aide alimentaire au sein de nos communautés.
    Lorsque les écoles ont été contraintes de fermer leurs portes, les programmes d'alimentation en milieu scolaire — qui étaient utilisés par tous les élèves dans la plupart des communautés du Nunavut — ont soudainement cessé d'être offerts. Pour plusieurs, c'en était fini du seul repas garanti par jour. C'est énorme quand on sait que l'enquête sur la santé des Inuits révèle que, chaque jour au Nunavut, sept enfants inuits sur dix se présentent à l'école le ventre vide.
    C'est une problématique qui n'est pas simple au Nunavut. Le prix élevé des aliments au détail, notre éloignement, la diminution de certains stocks d'animaux, l'accroissement de la population et les modifications apportées aux quotas de chasse sont autant de facteurs qui contribuent à la détérioration de la sécurité alimentaire dans les communautés du Nunavut. À titre d'exemple, le quota est fixé à seulement 255 caribous par année sur l'île de Baffin pour nourrir une population croissante d'Inuits et d'autres habitants de la région. Nous avons aussi des quotas pour le béluga et le narval. Il y a beaucoup de contraintes.
    Le changement climatique met aussi en péril la sécurité alimentaire au Nunavut en raison de ses effets dévastateurs sur la disponibilité des ressources fauniques. Plus que jamais auparavant, nous observons une évolution des mouvements migratoires et une réduction des hardes de caribous. Selon les résultats d'une étude rendus publics par le gouvernement du Nunavut en 2013, la harde du sud de l'île de Baffin aurait connu une diminution de 95 % au cours des 20 années précédentes.
    Notre environnement en rapide évolution fait aussi peser une plus grande menace sur les pratiques traditionnelles de chasse des Inuits. Étant donné la rupture de plus en plus précoce et imprévisible de la banquise d'une année à l'autre, les risques...

  (1240)  

    Monsieur Eetoolook, nous avons nettement dépassé le temps prévu et la séance doit se terminer à 13 h. Je vais devoir vous interrompre dès maintenant.
    Nous allons passer aux questions des membres du Comité qui voudront peut-être en savoir plus long sur la suite de votre allocution. S'il y a quoi que ce soit qu'il vous est impossible de nous communiquer aujourd'hui, je vous prierais de bien vouloir transmettre le tout par écrit à notre comité.
    Je vais demander aux députés de s'en tenir à cinq minutes chacun de telle sorte que nous puissions aller jusqu'au bout du premier tour de questions.
    Monsieur Melillo, vous avez la parole pour les cinq premières minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous nos témoins d'être des nôtres aujourd'hui pour discuter de cet enjeu des plus important.
    J'aimerais d'abord m'adresser au président Lampe. J'ai lu différentes choses pour mieux me renseigner sur la situation au Labrador. Il semblerait que la quantité de nourriture qui y est produite soit relativement faible. Dans l'un des articles que j'ai consultés, on indiquait qu'à peine 1 % des aliments consommés au Labrador sont produits là-bas.
    Pourriez-vous nous dire un mot des initiatives ou des programmes que votre gouvernement cherche à mettre en oeuvre pour augmenter la capacité d'exploitation des ressources alimentaires sur votre territoire en nous indiquant comment le gouvernement fédéral pourrait appuyer vos efforts en ce sens?
    Il est bien certain, comme le soulignait tout à l'heure M. Natan Obed, que nous sommes dépendants de différents programmes nous offrant des subventions pour diminuer le prix des aliments que les Inuits du Labrador doivent se procurer dans les commerces. C'est peut-être utile, mais il demeure très onéreux d'acheter de la nourriture au magasin Northern ou chez ses concurrents. Un peu partout, les prix des denrées sont assez semblables. Ceux parmi nous qui avons les moyens de faire nos emplettes dans ces magasins pouvons y trouver à peu près tout ce dont nous avons besoin.
    J'aime bien utiliser l'exemple d'une mère seule que son mari a laissé avec quatre enfants et qui essaie de joindre les deux bouts en s'assurant que ses enfants ne sont pas en retard à l'école. Ces enfants-là ont faim lorsqu'ils arrivent à l'école. On offre des programmes de petits déjeuners au Nunatsiavut, mais il faut se lever tôt pour pouvoir en bénéficier. En l'absence d'un transport par autobus, certains de ces enfants doivent marcher deux kilomètres pour se rendre à l'école. Il est très difficile de les voir essayer de faire le trajet à -30o C alors qu'une tempête fait rage... Nous nous efforçons d'aider nos enfants d'âge scolaire et leurs mères monoparentales.
    Par ailleurs, nous avons ces congélateurs communautaires où nos résidents peuvent trouver de l'omble chevalier ou de la viande de phoque. C'est ce que nous devons leur offrir depuis que l'on a interdit, il y a plus de 13 ans maintenant, la chasse du caribou de la harde de la rivière George qui était à la base de notre alimentation. Nous n'avons toujours pas recouvré l'accès à notre aliment de base. C'est l'un des éléments qui ont contribué à aggraver considérablement le problème de l'insécurité alimentaire. Nous espérons un retour en force de la harde de caribous de la rivière George.

  (1245)  

    Merci beaucoup.
    Il y a aussi des banques alimentaires pour les gens dans le besoin. Mais je répète que...
    Monsieur Lampe, je suis désolé de devoir vous interrompre. C'est tout le temps que nous avions, et notre échéance de 13 h arrive à grands pas.
    La prochaine à poser ses questions sera Yvonne Jones.
    Madame Jones, vous avez cinq minutes.
    Bonjour à tous.
    Je tiens à remercier le président Lampe, le président Eetoolook et mon bon ami, M. Delisle Alaku, pour les exposés qu'ils nous ont présentés aujourd'hui. Il est toujours agréable de vous entendre prendre ainsi la parole. Je sais que c'est un enjeu dont vous pourriez discuter en long et en large pendant des heures parce que vous le vivez au quotidien. Personne n'est mieux placé que vous pour en parler.
    Je vais poser seulement une brève question. Comme tous mes collègues participant à cette séance, il y a une foule de questions que j'aimerais pouvoir vous poser. Je ne sais pas ce qu'en pense notre président, mais je serais tout à fait favorable à l'idée que nous vous invitions à comparaître à nouveau devant le Comité. Je pense qu'il sera très important pour nous de pouvoir tenir compte de vos points de vue quand viendra le temps de formuler nos recommandations à l'intention du gouvernement fédéral. J'en fais donc la suggestion.
    Je sais que le gouvernement du Canada a versé une aide financière spécifiquement destinée aux Inuits dans le contexte de la pandémie. Ce sont les différents gouvernements inuits au Canada qui ont reçu ces sommes. Ces fonds devaient servir en grande partie à assurer la sécurité alimentaire et un chauffage adéquat.
    Quelle est votre évaluation de ces prestations et de ce programme? Est-ce le genre de mesure qui, selon vous, pourrait dorénavant améliorer grandement les choses au sein de vos communautés pour ce qui est d'assurer une plus grande sécurité alimentaire aux personnes à faible revenu?
    J'aimerais entendre tous ceux qui voudront bien répondre à cette question.
    Merci, madame Jones.
    C'est assurément une chose que les députés fédéraux doivent bien comprendre s'ils veulent agir de façon responsable en continuant la lutte contre l'insécurité alimentaire, plutôt que de se limiter à ces efforts ponctuels. Il y a de nombreuses questions que nos enfants et nos petits-enfants posent à leurs parents et à leurs grands-parents. Ils veulent savoir pourquoi ils ne peuvent pas obtenir ce que les autres enfants ont. Pendant cette période de l'année qui est censée en être une de réjouissances, bon nombre de nos enfants souffrent de la faim et de leur incapacité à aider leur mère monoparentale.
    Nous faisons tout ce qu'il nous est possible de faire, et le soutien offert pour la COVID-19 est un véritable cadeau du ciel. Nous apprécions à sa juste valeur cette aide importante pour les Inuits de tout le Nunangat. Nous sommes vraiment reconnaissants envers le Canada.
    Nous en sommes à la seconde séquence de mesures de soutien dans le contexte de la pandémie. Nous avons dû interrompre l'aide offerte le temps de déterminer si nous procédions de la bonne manière, si nous en faisions suffisamment et si des changements devraient être apportés. Nous avons examiné le plafond de revenu qui était utilisé. Ce plafond était-il trop bas? Fallait-il hausser ce revenu annuel maximal? Nous devions passer en revue le soutien offert au Nunatsiavut dans la lutte contre la COVID-19.
    Lorsque nous avons interrompu ce soutien, des gens en pleurs nous demandaient pourquoi nous agissions de la sorte. Nous avons maintenant restauré l'aide financière qui est certes la bienvenue avec l'hiver qui s'installe, l'absence du caribou et tout le reste. Je pense encore à cette mère seule qui doit décider si elle va payer la facture d'électricité, acheter de la nourriture pour ses enfants ou payer le chauffage. Ces questions sont primordiales et elles ne sont pas posées par les têtes dirigeantes de l'Inuit Nunangat, mais plutôt par tous ces gens qui vivent...

  (1250)  

    Monsieur Lampe, je vais devoir vous interrompre. Nous devons passer à notre prochaine intervenante.
    Madame Bérubé, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Ma question s'adressera à M. Alaku.
    En décembre 2018, à Kuujjuarapik, s'est tenue la quatrième séance de travail vers l'élaboration d'une politique sur la sécurité alimentaire, au Nunavik, pour l'élaboration d'une politique régionale en matière de sécurité alimentaire.
    Pouvez-vous nous parler des recommandations qui découlent de cette rencontre?

[Traduction]

    Je suis désolé, madame Bérubé, mais je n'ai pas entendu l'interprétation. Pourriez-vous répéter votre question?

[Français]

    D'accord.
    Ma question s'adresse à M. Alaku.
    En décembre 2018, à Kuujjuarapik, s'est tenue la quatrième séance de travail vers l'élaboration d'une politique sur la sécurité alimentaire, au Nunavik, pour l'élaboration d'une politique régionale en matière de sécurité alimentaire.
    Pouvez-vous nous parler des recommandations qui découlent de cette rencontre?
    Madame Bérubé, je n'ai pas exactement toutes les recommandations qui ont été faites, mais beaucoup de nos recommandations portent sur l'infrastructure. Nous sommes arrivés à un point où nos aéroports ne suffisent plus pour fournir à la demande.
    Nous sommes passés des appareils Twin Otters à des appareils Hawker Siddeley 748, puis des Hawker Siddeley 748 à des Dash-8-100. Présentement, on utilise des Dash-8-100 et des Dash-8-300, mais ils ne fournissent plus à la demande.
    Nous avons besoin d'agrandir nos aéroports. Nous n'avons pas de port pour faciliter le déchargement des navires durant la période estivale, pendant laquelle on peut apporter les produits.
    Personnellement, je n'ai pas de rapport. Je ne pourrai donc pas donner la réponse à votre question. Cela dit, il y a beaucoup de recommandations qui portent sur ce qui peut être fait de plus en matière d'aide du gouvernement fédéral.
    Pourriez-vous nous donner des précisions sur les recommandations que vous proposez?

  (1255)  

    Nous proposons d'agrandir nos infrastructures. Il y a de très grosses lacunes, notamment en matière d'Internet. Internet fonctionne à peine. Nous n'avons pas de fibre optique. Comme je l'ai dit, si on pouvait agrandir nos aéroports, on pourrait avoir des appareils Q400. Les Q400 sont des avions plus grands qui peuvent contenir plus de personnes et transporter plus de marchandises. En ce moment, il y a des lacunes sur le plan des infrastructures. Ce sont toutes sortes de recommandations que nous avons.
    Makivik et Air Inuit ont investi énormément en infrastructure. Ce sont des fonds privés qui sont utilisés afin de construire des entrepôts pour qu'on puisse aider les magasins pour ce qui est du stockage et de la réfrigération. C'est difficile, parce que ce sont majoritairement nos fonds personnels et privés qu'on utilise pour améliorer notre région. Nous avons besoin de beaucoup d'aide de la part du gouvernement fédéral.
    C'est une des recommandations que nous faisons: il faut investir dans nos infrastructures.
    Vous êtes donc en train de nous dire que vous ne recevez pas vraiment d'aide de la part du fédéral et que ce n'est pas ce soutien qui va vous permettre de faire du développement au Nunavik.
    Ce que je dis, c'est que notre population a augmenté, et la plupart des infrastructures ont été payées par Makivik. Les arénas, les centres communautaires, les salles d’exposition et les magasins de motoneiges, tout cela, ce sont des infrastructures qui ont été payées par Makivik, avec l'aide d'Air Inuit.
    Nous ne fournissons pas à la demande. La demande augmente, et nous avons besoin de l'aide de tous nos partenaires, du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial pour pouvoir répondre à la demande actuelle.
    En ce qui concerne la sécurité alimentaire, quel est le constat actuel au Nunavik?
     Comme M. Obed l'a mentionné, nous avons d'énormes restrictions en ce qui concerne la production locale. Comme nous avons beaucoup de fruits de mer, soit des pétoncles, des moules, de l'omble, des poissons, mais il y a beaucoup de restrictions et d'embuches. Les inspections alimentaires et les règlements gouvernementaux restreignent l'utilisation des ressources locales et régionales.
    Nous pourrions fournir des aliments sains aux communautés. Au lieu d'acheter des cheeseburgers et des frites, les gens pourraient acheter de très bons aliments.
    D'accord. Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Blaney, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    D'abord et avant tout, je tiens à remercier tous nos témoins.
    Je vais continuer avec vous, monsieur Delisle Alaku. Vous avez indiqué dans votre exposé que la population inuite est en pleine croissance et qu'il devient de plus important de miser sur la surveillance et la gestion d'une faune qui est en déclin étant donné tous les changements qui affectent son environnement.
    Pourriez-vous nous donner un aperçu de la forme que ces activités pourraient prendre et des ressources qui pourraient être nécessaires pour accomplir ce travail?
    Merci beaucoup pour cette question.
    Notre capacité d'exploiter les ressources fauniques est assujettie à des contraintes de plus en plus rigoureuses. Je peux vous donner l'exemple de l'ours polaire. C'est une excellente source de nourriture saine pour notre communauté, mais nous sommes en conflit avec les scientifiques à ce sujet. Nous soutenons que les populations d'ours polaires se portent bien, alors que les projections des scientifiques indiquent le contraire.
    Nos quotas pour le béluga ont été grandement réduits, même si c'est une autre source alimentaire extrêmement bénéfique pour la santé. Les bélugas nous procurent un approvisionnement en sélénium, une substance qui permet de contrôler les niveaux de mercure.
    Les perspectives pour la chasse au caribou sont aussi très sombres, car nous devons nous limiter à la harde de la rivière aux Feuilles. Comme l'indiquait le président Lampe, la harde de la rivière George est dans un état critique, et nous ne voulons pas que celle de la rivière aux Feuilles subisse le même sort. Nous devons donc sauvegarder cette harde, et il nous faudra peut-être même envisager le regroupement en troupeaux comme on le fait en Scandinavie.
    Notre capacité d'exploiter les ressources de la faune est donc très limitée.

  (1300)  

    Merci. Ce sont des précisions très utiles.
    Monsieur Eetoolook, pourriez-vous nous indiquer vous aussi de quelles ressources vous estimez avoir besoin et quelles sont vos préoccupations quant à la surveillance et à la gestion de la faune?
    Vous venez de nous parler d'une diminution des ressources fauniques en raison du changement climatique. Je me demande simplement comment tous ces facteurs interagissent pour modifier les parcours migratoires. Comment pourrait-on faciliter l'analyse de ces enjeux pour assurer une gestion plus durable des ressources fauniques dans votre région?
    Comme vous le savez, toutes les hardes d'Amérique du Nord ont connu un déclin cette année, l'an dernier et l'année précédente. Pour augmenter le nombre de caribous abattus, le gouvernement doit procéder à un relevé permettant de fixer la récolte totale autorisée. Il arrive que ce relevé ne nous soit pas très favorable. Parmi les nombreux éléments pris en considération aux fins de ce relevé, il faut noter tous les facteurs à l'origine de la diminution de la harde, y compris les infrastructures érigées par l'homme et les rencontres homme-animal. La situation s'est surtout détériorée lorsqu'on a changé le parcours migratoire du caribou. Nous en ressentons les effets au quotidien et à longueur d'année dans notre région.
    Nous aimerions aussi pouvoir compter sur une plus grande présence du gouvernement fédéral et notamment d'inspecteurs des aliments. Il y a une grande quantité de ressources fauniques dont nous pourrions faire le commerce, mais le gouvernement ne nous autorise pas à le faire sous prétexte qu'elles n'ont pas été soumises aux mécanismes d'inspection reconnus. C'est un important obstacle aux possibilités d'échanges commerciaux qui s'offrent à nous dans le Nord.
    Quand on pense aux composantes principales de notre régime alimentaire comme le caribou, le narval et l'ours polaire, il faut savoir par exemple que le quota pour l'ours polaire a été presque abaissé à zéro dans certaines communautés. C'est la réalité avec laquelle nous devons composer jour après jour. En l'absence de quotas semblables, les problèmes de nutrition dans le Nord seraient moins criants, car ce sont nos principales sources alimentaires. La problématique des interactions avec l'homme est celle qui affecte le plus la faune nordique. Il faut espérer que la population animale va augmenter avec le temps, mais il faudra être plus patient qu'auparavant en raison de ces rencontres entre l'homme et la faune. Le déclin des populations animales est en grande partie attribuable à la modification des parcours migratoires.
    Merci beaucoup à tous nos témoins pour leur remarquable contribution. Il est vraiment malheureux que nous devions maintenant mettre fin à cette séance, mais je crois que nous allons pouvoir discuter de l'excellente suggestion de Mme Jones qui a proposé que nous vous convoquions tous une nouvelle fois. Il semblerait toutefois que nous allons prendre une pause au cours des prochaines semaines.
    Un grand merci donc à vous trois, MM. Alaku, Lampe et Eetoolook.
    Merci également à tous les membres du Comité ainsi qu'à notre personnel. Je vous souhaite une excellente période des Fêtes et un joyeux Noël si vous le célébrez. Nous nous reverrons tous, y compris nos témoins, je l'espère, au début de la nouvelle année.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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