Passer au contenu
Début du contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 26 février 2021

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Français]

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la 17e séance du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes.

[Français]

    La réunion d'aujourd'hui se déroule selon un format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 janvier 2020, et les membres seront présents en personne ou par l'application Zoom.
    Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre informatif, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité.

[Traduction]

    Je pense que nous avons suffisamment d’expérience de travail dans le contexte actuel pour que je me permette de sauter quelques-unes des consignes de santé.
    Avant de parler, veuillez attendre que je vous donne la parole. Tous les commentaires des députés doivent être adressés à la présidence. Quand vous avez la parole, parlez lentement et distinctement. Si vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mardi 9 février 2021, le Comité reprend son étude sur les problèmes d’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, notamment à propos des allégations contre l’ancien chef d’état-major de la Défense, Jonathan Vance.
    Nous accueillons aujourd’hui, par vidéoconférence, M. Allan English, capitaine à la retraite des Forces canadiennes, M. Alan Okros, également capitaine à la retraite des Forces canadiennes, et Mme Stéfanie von Hlatky, qui est l'actuelle lieutenante-colonelle honoraire du régiment Princess of Wales.
    Vous aurez jusqu’à six minutes chacun pour vos déclarations préliminaires.
     Je souhaite d’abord la bienvenue à M. Allan English, qui va commencer sa déclaration préliminaire.
    Madame la présidente et membres du Comité, je vous remercie pour cette occasion de vous parler aujourd’hui. Je m’appelle Allan English et j’enseigne l’histoire militaire canadienne au Département d’Histoire de l’Université Queen’s. J’ai également enseigné à des officiers supérieurs au Collège des Forces canadiennes à Toronto. J’ai servi au sein de l’ARC et FAC en tant que navigateur aérien à bord du Hercules C-130 et j’ai été affecté à plusieurs reprises comme instructeur.
    Le titre de mon exposé, « La culture ne fait toujours qu’une bouchée de la politique — l'inconduite sexuelle au sein des FAC », vient d’une déclaration d’un ancien juge de la Cour suprême du Canada, Michel Bastarache, en référence aux tentatives de changement de culture à la GRC par la modification de ses politiques. Sa déclaration s’applique tout autant aux FAC qui, pendant plus de trente ans ont essayé de répondre aux inconduites sexuelles en changeant leurs politiques et en ajoutant des formations, sans réussir à mettre en œuvre ce que l’ancienne juge Marie Deschamps mentionne dans son rapport sur les Inconduites sexuelles et le harcèlement sexuel dans les FAC comme étant un nécessaire « changement culturel complet » pour « éliminer les comportements sexuels dommageables et inappropriés au sein des FAC ».
    Dans son évaluation du succès de l’Opération Honour devant un comité du Sénat en mai 2018, trois ans après le début de l’opération, la Juge Deschamps a fait ces commentaires, qu’elle a répété durant son témoignage cette semaine: « ... dans les politiques publiques, les changements qu’on y a apportés sont tellement mineurs qu’ils sont presque superficiels. En trois ans, on aurait pu en faire bien davantage… Ce que je constate, c’est qu’il n’y a pas eu beaucoup de progrès qui a été fait ».
    En août 2015, selon le plan de campagne de l’Opération Honour, le Général Vance a exigé que le Vice-Chef d’état-major complète une stratégie compréhensive avant le 30 septembre 2015. Cependant, aucune stratégie n’a été produite avant 2020. À cause de l’absence d’une stratégie directrice, comme pour l’Opération Minerva — l’un des plans fragmentaires et non coordonnés des FAC — pour mettre en œuvre l’intégration des femmes et pour répondre à la crise des viols dans les années quatre-vingt-dix, ces actions en réponse du rapport de la Juge Deschamps n’étaient ni coordonnées, ni priorisées. Alors que certains changements, tôt dans la mise en œuvre de l’Opération Honour ont été positifs et ont répondu à la priorité initiale de remplir les besoins des victimes, ceux-ci n’ont répondu qu’aux symptômes du problème et n’en traitaient pas l’origine, soit le fait que, pour les femmes, il s'agit d'une culture organisationnelle hostile et irrespectueuse qui les rabaisse.
    L’adhésion des hauts gradés est essentielle si l’on veut que le changement culturel désiré réussisse. Pourtant, malgré des déclarations publiques emphatiques promettant d’éliminer les inconduites sexuelles au sein des FAC, nous savons désormais que la hiérarchie n’a pas complètement accepté les conclusions de la Juge Deschamps, à commencer par la réponse à son rapport émanant du Chef d’état-major de l’époque, le Général Tom Lawson, qui a dit: « je n'accepte pas les dires selon lesquels ce type de comportement fait partie de notre culture militaire ».
    Récemment, l’ancien Vice-Chef d’état-major, le lieutenant-général Guy Thibault, qui était responsable de superviser l'Opération Honour durant sa première année, a déclaré « Je sais que bien de mes collègues et moi-même avons d’abord eu du mal à croire le portrait dressé par la Juge Deschamps dans son rapport de 2015 sur les inconduites sexuelles, car ses descriptions du milieu de travail dans les Forces canadiennes ne correspondaient pas à notre expérience ».
    L’actuel CEM, l’amiral Art MacDonald, aurait également reconnu qu’en tant que haut gradé, il s’était rendu coupable — sans le vouloir — d’avoir perpétué certains problèmes que les forces essayent présentement de résoudre.
    Les dernières allégations d’inconduites sexuelles contre le général Vance ne sont pas les premières indications de son rejet des conclusions du rapport de la Juge Deschamps. Sa réaction au « party flight » de décembre 2017 a fait douter de l’engagement des FAC envers l’élimination des inconduites sexuelles.

  (1310)  

    En réponse aux reportages des médias concernant des comportements inappropriés par des hauts-gradés des FAC à bord du « party flight », Vance a déclaré que ce qui s’est passé à bord de cet avion a peut-être été exagéré. Cette déclaration, combinée à un manque d’action de la part de cadres supérieurs à bord du « party flight », a indiqué à un grand nombre que, deux ans après avoir été mise en œuvre et à peine cinq mois après la phase finale de maintien et de stabilisation de l’Opération Honour, l’initiative des FAC d’éliminer toute forme d’inconduite sexuelle dans ses rangs a échoué.
    Si l'on doute encore que les FAC n’acceptent toujours pas entièrement les conclusions de la juge Deschamps, « La voie vers la dignité et le respect: La stratégie des Forces armées canadiennes contre l’inconduite sexuelle », publiée en octobre 2020, ne demande qu’un « rajustement » de la culture des FAC, pas un changement de culture en profondeur.
    En conclusion, à moins que les FAC ne poursuivent le changement culturel compréhensif demandé par la juge Deschamps, tout changement produit selon des méthodes bureaucratiques adoptées jusqu’ici seront éphémères et inconséquentes, comme dans le cas de l’Opération Minerva dans les années 1990.
    À moins que les FAC s’attaquent aux sources du problème, à leur culture, et non simplement aux symptômes, et tant que ses actions ne feront pas l’objet d’un contrôle externe efficace, elles seront très probablement déçues et rencontreront des problèmes à l’avenir, car les sources de la culture sexualisée et hostile dans les FAC resteront en place.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme von Hlatky. Je vous en prie, madame.
    Je suis professeure en études politiques et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur le genre, la sécurité et les forces armées à l'Université Queen’s.
    Je commencerai par une question: une grande organisation comme les Forces armées canadiennes peut-elle transformer sa culture en cinq ans, guidée par un examen externe et animée par un ordre visant à éradiquer l’inconduite sexuelle dans ses rangs? Cela peut sembler impossible, mais à bien des égards, l’armée, en tant qu’organisation globale, pourrait être mieux adaptée que la plupart des autres organisations lorsqu’il est question de s’adapter rapidement face à l’adversité. Le personnel des FAC est formé pour prendre et pour exécuter des décisions dans des environnements complexes.
    Alors pourquoi cette réputation d’excellence opérationnelle ne se perpétue-t-elle pas sur le plan organisationnel? C’est parce que la culture militaire peut avoir des conséquences involontaires, qu’elle peut aussi être exploitée par des prédateurs et qu’elle peut être idéalisée et rendue intouchable par des routines, des traditions et des structures de commandement rigidement hiérarchisées.
    À l’heure actuelle, les chefs militaires doivent reprendre contact avec le rapport de la responsable de l’examen externe, également connu sous le nom de rapport Deschamps, et réfléchir avec plus d’audace à la mise en œuvre complète de ses recommandations. Cinq ans ne suffisent peut-être pas pour mettre en œuvre un changement culturel profond et transformateur, mais c’est certainement assez long pour révéler les lacunes de l’approche actuelle.
    À cette fin, j’ai choisi quatre enjeux spécifiques à aborder avec vous aujourd’hui. Premièrement, il faudrait apporter une plus grande attention aux abus de pouvoir. Je fais ici référence à une dynamique sociale qui est liée à l’inconduite sexuelle dans des relations professionnelles très asymétriques. Ce type de pression implicite ou explicite est beaucoup plus endémique et ancré dans la culture que ce qui est actuellement reconnu.
    Bien que le Sondage sur l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes ait fourni des données utiles, il est nécessaire d’examiner plus en profondeur la manière dont l’inconduite sexuelle est en interaction avec le consentement dans les relations professionnelles asymétriques. Le fait qu’une femme, ou toute personne harcelée, ne s’exprime pas contre un comportement inapproprié ne signifie pas que ce comportement est le bienvenu ou que la personne donne son consentement. Il existe de nombreuses raisons légitimes de se plier à ces interactions non souhaitées et de garder le silence, dont beaucoup sont exposées dans le rapport Deschamps.
    Les personnes de rang subalterne ou se trouvant dans des conditions d’emploi précaires craignent pour leur emploi, et elles peuvent craindre d’autres types de conséquences au travail, comme le fait de ne pas être crues par leurs pairs ou d’être socialement ostracisées pour s’être exprimées. Une autre raison de ne pas dénoncer est de ne pas faire confiance au processus de dénonciation ou de ne pas croire que vous obtiendrez un résultat équitable. L’étape suivante consiste à avoir ce discours plus nuancé sur le consentement et aussi sur le consentement lorsque des dynamiques de pouvoir sont en jeu. Certaines de ces dynamiques de pouvoir sont inhérentes à la culture militaire et d’autres concernent le grade et se traduisent par des abus de pouvoir. Ces deux types de dynamique de pouvoir ont un impact disproportionné sur les femmes.
    La formation dans le cadre de l’opération Honour devrait être améliorée afin d’utiliser les données des sondages de Statistique Canada pour adapter le contenu aux personnes qui suivent la formation. Les informations présentées dans la formation devraient être personnalisées pour indiquer clairement que l’inconduite sexuelle touche des amis et des collègues des forces armées. Les membres des forces armées devraient s’engager et s’entraîner à des scénarios difficiles, afin de savoir quand et comment intervenir. Le ressentiment des militaires, principalement des hommes, qui ont le sentiment d’être injustement visés par l’opération Honour, est fréquent et regrettable. En même temps, la formation est trop axée sur l’auteur des faits, alors qu’elle pourrait aborder la culture militaire, la masculinité militarisée, la sous-représentation des femmes, le consentement, les besoins des victimes/survivants, l’autonomisation des témoins dans le cadre de petites séances interactives dirigées par une personne qui peut parler de manière authentique du sujet. Des experts externes peuvent apporter leur aide à cet égard, ne serait-ce que pour assurer une procédure d’examen par les pairs des matériels de formation.
    S’agissant du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle, le CIIS, l’une des recommandations les plus discutées de la REE était la nécessité d’une ligne hiérarchique en dehors de la chaîne de commandement, d’où la création de ce centre en tant qu’organe indépendant. Il existe une tension inhérente au travail du CIIS en raison de la nature de son mandat: d’une part, le CIIS doit tenir les FAC responsables, mais il doit également avoir de bonnes relations de travail avec les FAC, y compris avec la chaîne de commandement, ce qui pourrait nuire à la perception de l’indépendance du CIIS. Un examen et une surveillance constants du CIIS, à la fois par le biais d’auto-évaluations internes et d’audits externes, pourraient être nécessaires, car la préservation de l’indépendance du CIIS face à son mandat croissant est primordiale.
    Enfin, « La voie vers la dignité et le respect » est une approche prometteuse, car elle met la culture et le climat au premier plan, faisant ainsi du changement culturel l’affaire de tous.

  (1315)  

    Bien qu’il soit logique que ce document définisse la culture et le climat, ainsi qu’une série d’indicateurs, il devrait accorder plus d’attention à la description du problème en question, soit l’inconduite sexuelle et ses liens avec la culture et le climat. Essentiellement, l’ampleur du problème doit être clairement définie avant de se lancer dans les solutions.
    Un changement de culture doit se traduire par un partage des responsabilités en matière d’inconduite sexuelle. Le pourcentage de membres des FAC qui ont été témoins d’abus sexuels est assez effarant, mais combien de personnes interviennent, prennent la parole, font des signalements? Si une personne ne commet pas d’inconduite sexuelle, cela ne signifie pas qu’elle accomplit son devoir avec honneur. Le standard de performance est bien plus élevé que cela si vous voulez atteindre la tolérance zéro. C’est la notion de responsabilité collective qui devrait être soulignée avec plus de force tout au long du document, car tout le monde peut faire mieux sur ce plan.
    Il ne s’agit pas de l’obligation de rendre des comptes, mais d’une norme de conduite quotidienne. Le défi à relever ne consiste pas simplement à savoir comment éradiquer l’inconduite sexuelle au sein de l’armée, mais à identifier des mesures positives pour créer une culture d’égalité pour les femmes au sein des FAC, une culture centrée sur le respect de tous et toutes.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame.
     Madame Okros, je sais que vous avez fait une déclaration abrégée la dernière fois que vous avez comparu ici. Voulez-vous répéter votre déclaration? Elle a été distribuée, mais il serait peut-être utile que les gens l’entendent de nouveau, si vous êtes prêts à le faire.
     Je vous parle de Toronto, le territoire traditionnel des Mississaugas de Credit, des Chippewas et des Wendats.
    Je travaille sur les questions de harcèlement dans les Forces armées canadiennes depuis plus de 40 ans et je constate des points forts et des points faibles dans la version actuelle du film. Les dirigeants de tous les niveaux cherchent à résoudre les problèmes et à faire ce qu’il faut. Les fonctions de soutien qu’apporte le Centre d’intervention en matière d’inconduite sexuelle sont utiles et la stratégie récente, « La voie vers la dignité et le respect », contient quelques idées prometteuses. Mais l’Opération Honour n’a pas eu les résultats escomptés. Pourquoi?
    La raison, dont mes deux collègues vous ont parlé, tient à une compréhension incomplète des problèmes qui a conduit à des solutions incomplètes, une mauvaise compréhension qui est sous-tendue par une réticence à évaluer de manière critique certains aspects de l’identité et de la culture des Forces.
    Il y a six ans, le général Lawson a déclaré que la culture et les comportements des Forces s’étaient améliorés par rapport aux années 1990. Il avait peut-être raison, mais les Forces n’ont pas évolué au même rythme que la société. Les attentes concernant les normes de conduite en milieu de travail ont continué de se resserrer. Aujourd’hui, les gens ne veulent plus ignorer, soutenir ou accepter des comportements qui n’étaient pas forcément dénoncés dans le passé. Ainsi, même s’il y a eu des progrès au cours des cinq dernières années, l’écart s’est sans doute creusé davantage depuis.
    Je noterai ensuite qu’il y a deux ans, de hauts dirigeants ont déclaré qu’ils ne connaissaient pas les causes profondes. Pourtant, des experts externes ont dit, eux, qu’ils les connaissaient, mais on ne les a pas écoutés. Le problème, c’est que la question a été présentée comme une question d’inconduite sexuelle. La description de ce terme met l’accent sur le deuxième mot, en y englobant par exemple les avances sexuelles, les connotations sexuelles, le flirt, etc.
    Il se peut bien que des membres des Forces en importunent d’autres avec des avances non voulues, mais cela n’a rien à voir avec le sexe. Si je vous frappe avec une pelle, vous ne direz pas que c’est du jardinage inapproprié. C’est une question de pouvoir. C’est employer un langage sexuellement ou racialement codé pour créer et contrôler des hiérarchies sociales qui dictent ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Mille fois répété, ce supplice de la goutte porte atteinte à l’estime de soi, à l’identité et au sentiment d’appartenance. C’est là que ça fait mal. Ce n’est pas de se sentir mal à l’aise en voyant une image explicite ou en entendant une blague déplacée.
    « La voie vers la dignité et le respect » commence à élargir un peu le cadre du problème. Il aura fallu 40 ans, mais c’est un bon premier pas. La stratégie reconnaît qu’il existe des facteurs culturels qui peuvent accroître les cas d’inconduite sexuelle. Mais la porte n’est que très légèrement ouverte. On peut y lire quelques déclarations soigneusement formulées selon lesquelles les stéréotypes sexuels, les conceptions dépassées du guerrier et des effectifs à prédominance masculine peuvent créer une dynamique culturelle néfaste, mais rien de plus. Surtout, rien de concret dans le reste du document pour ne serait-ce qu’aborder ces facteurs.
    La principale omission est la réticence persistante à nommer le pouvoir et les masculinités militarisées. Pour cela, il faudrait faire une analyse attentive et critique de la façon dont l’Armée conçoit le soldat, le marin et l’aviateur, sans oublier le chef et le commandant. Nous devons examiner les processus institutionnalisés et systémiques qui façonnent l’identité militaire. Nous devons aussi nous poser la question: quelle part de son identité une personne doit-elle abandonner pour réussir dans les Forces? La plupart de ceux qui dirigent les Forces n’ont pas eu à réfléchir à cette question. Les gauchers savent qu’ils vivent dans un monde de droitiers, mais les droitiers, eux, ne le savent pas. Nous ne nous en rendons pas compte lorsque le monde est construit pour nous.
    Les Forces armées canadiennes convenaient à la plupart des hauts gradés et il s’y trouve encore des gens qui ne réalisent pas ou ne voient pas pourquoi elles ne conviennent pas à d’autres. Ces hauts gradés continuent d’utiliser des termes et de tenir des propos qui, selon eux, interpellent l’ensemble des effectifs, mais qui servent en fait à accentuer l’identité dominante, ce qui accroît les hiérarchies sociales et donne à certains le sentiment d’être isolés, ignorés ou non valorisés pour ce qu’ils sont.
    « La voie vers la dignité et le respect » indique que des travaux seront effectués pour actualiser le développement professionnel et renforcer les capacités de leadership. Ces deux éléments sont certes nécessaires, mais devraient s’appuyer sur des analyses de l’identité des Forces et des pratiques des masculinités militarisées.
    À propos d’analyses, je voudrais vous donner l’exemple du rapport de 2016 de la Commission américaine pour l’égalité des chances qui a trouvé 12 facteurs augmentant le risque de harcèlement sur le lieu de travail. Les Forces canadiennes présentent 10 de ces facteurs et affichent un classement assez élevé pour six d’entre eux: fortes disparités de pouvoir, encouragement à la consommation d’alcool, effectif jeune, utilisation d’un langage grossier, culture dominée par un seul sexe et effectif homogène. Seuls deux de ces facteurs sont abordés dans « La voie vers la dignité et le respect ».

  (1320)  

    Pour s’attaquer en bonne et due forme aux facteurs institutionnels et systémiques qui créent les conditions où l’on emploie un langage sexualisé pour rabaisser les autres, il est impératif que les Forces cessent de se concentrer sur la personne faible. Si des gens posent des gestes inappropriés et que les incidents sont peu signalés, ce n’est pas parce qu’ils ne connaissent pas la définition de ce qui est inapproprié ou qu’ils ne savent pas comment faire un signalement. Il existe des facteurs sociaux bien ancrés qui ont été créés intentionnellement par les Forces qui donnent lieu à ces conditions.
    S’attaquer à ces facteurs signifie remettre en question certains principes fondamentaux de la profession, des facettes qui sont la clé du succès, mais qui créent également des conditions malsaines. L’obéissance à l’autorité, le conformisme normatif et la loyauté envers le groupe sont essentiels, mais peuvent également créer une pression sociale intense qui pousse à s’intégrer, à se conformer et surtout à se taire. Le pouvoir et les hiérarchies sont essentiels pour un commandement efficace, mais il est inacceptable que des individus utilisent le pouvoir social contre d’autres.
    Les membres des Forces ont besoin de savoir que leur camarade assurera leurs arrières si les choses dérapent. Mais cela signifie que les gens sont constamment en train de juger les autres pour voir s’ils sont à la hauteur. Et en raison de stéréotypes dépassés, les femmes sont constamment scrutées à la loupe, mises à l’épreuve et forcées de prouver qu’elles peuvent faire le travail.
    Mes commentaires m’amènent à une question clé. L’objectif premier de l’Opération Honour est un changement de culture amorcé par le leadership. On ne sait pas encore exactement quels sont les aspects de la culture des Forces qu’il faudra modifier et lesquels pourront rester les mêmes. La question centrale pour le comité, c’est de savoir s’il revient uniquement aux dirigeants des Forces d’en décider.
    Enfin, à l’instar de mes collègues, je m'exprime sur la base de mon expertise universitaire, mais je tiens à apporter une légère correction. Après 33 ans de service, j’ai pris ma retraite avec le grade de capitaine de vaisseau.
    Merci. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

  (1325)  

    D’accord. Toutes mes excuses, colonel.
    Merci beaucoup, monsieur Okros.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Madame Alleslev, vous avez la parole.
    J’invoque le Règlement, madame la présidente, étant donné qu’il s’agit de la dernière journée prévue pour les témoignages, j’ai quelques questions qui, à mon avis, seront essentielles à la façon dont nous allons passer notre temps avec nos témoins du jour.
    Premièrement, avons-nous reçu des conseils relativement à la comparution de l’ombudsman militaire devant le Comité, afin de savoir si l’ancien Chef d’état-major de la Défense a été autorisé à rester en poste lorsque ces allégations contre lui ont été connues?
    Deuxièmement, a-t-on une idée si le ministre compte revenir, maintenant qu'un second Chef d’état-major de la défense est, selon les médias, sous enquête depuis plus d’un mois? Encore une fois, le ministre n’a rien fait d’autre que de laisser le Chef d’état-major de la Défense prendre une retraite volontaire.
    Je me demande si nous avons des réponses à l'une ou l’autre de ces questions, parce qu'en ce qui me concerne, elles détermineront la façon dont nous allons passer notre temps aujourd’hui.
    Merci.
    D’accord. Merci, monsieur Garrison, mais ce n’est pas vraiment un rappel au Règlement; c’est plutôt une question de débat. Je peux vous dire que l’ancien ombudsman a répondu à sa convocation et a affirmé qu’il serait présent mercredi prochain. Pour votre autre point, c'est une question d'argumentation.
    Nous allons passer aux questions.
    Madame Alleslev, vous avez la parole.
    J’invoque le Règlement avant de passer à autre chose, madame la présidente. Pour une raison ou une autre, quand vous parlez, nous voyons un simple écran affichant la mention « Chambre des communes ». Nous ne pouvons pas vous voir sur Zoom lors de cette réunion en distanciel.
    De plus, pour ajouter à ce qu’a dit M. Garrison, je ne crois pas qu’il ait soulevé un point d'argumentation. Il parle de la procédure et de la conduite de cette réunion en fonction de toute réunion future que nous pourrions avoir et des témoins que nous pourrions vouloir convoquer. Tout cela est pertinent à l’étude en cours, et je crois qu’il est admissible d’avoir ces discussions.
    Monsieur Bezan, je suis désolée, mais je ne suis pas d’accord. Nous avons publié l’avis de convocation pour cette réunion. Nous accueillons aujourd’hui des invités prestigieux qui ont beaucoup à offrir sur cette situation et sur la discussion. Si vous voulez avoir cette discussion à la fin de la réunion, je serai heureuse de vous le permettre. Si vous me demandez de réserver 15 minutes à la fin de la réunion, je le ferai.
    S’il vous plaît, faites-le.
    D’accord.
    Madame Alleslev.
     Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous les témoins pour leurs témoignages fondamentaux.
    Dans vos déclarations, vous avez chacun clairement dit qu’il y a toujours un problème au sein des Forces armées canadiennes à cet égard; que peu de progrès ont été réalisés, pour ne pas dire aucun; que la culture militaire est forte, par définition, et que la politique ne permet pas nécessairement de changer cette culture.
     De plus, maintenant que nous constatons que le problème concerne le haut de la pyramide, qu’il ne s’agit pas d’incidents isolés et qu’un plus grand nombre d’agents sont concernés par leurs actions ou par leur silence, nous reconnaissons que ce problème existe depuis 30 ans. parce que la culture militaire commence dès le collège militaire ou dès le grade d'officier subalterne.
    Dans la bataille qui la confronte à la culture, la politique est clairement perdante. Ce n’est pas la première fois. Nous avons eu le programme de prévention du harcèlement sexuel et du racisme dans les années 1990, et nous avions lamentablement échoué. Maintenant, nous avons tenté de faire la même chose avec l’Opération Honour sans changer les éléments fondamentaux.
    La question que je vous pose à tous est la suivante : comment pouvons-nous changer les éléments culturels fondamentaux? De toute évidence, cela ne peut pas se faire de l’intérieur. De plus, et c’est encore plus important, comment pouvons-nous donner le ton et tenir responsables tous ceux qui pourraient être complices de la perpétuation de la culture parmi les officiers supérieurs?

  (1330)  

    Si quelqu’un a une réponse, allez-y.
    Monsieur English.
     Je peux commencer. C’est une excellente question, mais très complexe. Il me semble que c’est un sujet que nous abordons dans certains de mes séminaires.
    On peut brièvement répondre ainsi à vos interrogations: les forces armées canadiennes excellent à régler les problèmes à court terme, bien définis. C’est pour cela qu’elles ont été créées, mais comme le roulement au sein de la hiérarchie est important — les chefs changent tous les deux ou trois ans —, il est très difficile de se concentrer sur les problèmes à long terme. C’est pourquoi, à mon avis, les hauts gradés ne sont généralement pas très efficaces pour régler les problèmes à long terme.
    En fait, la seule façon d'aboutir dans ce dossier — et je pense que presque tout le monde en a parlé — serait d’avoir un organisme externe, au plein sens du terme, qui obligerait les gens à rendre des comptes, même si la hiérarchie change. Voici, une petite anecdote intéressante. Dans les cinq années qui se sont écoulées entre le lancement de l’Opération Honour et la publication de « La voie vers la dignité et le respect », sept vice-chefs d’état-major de la Défense se sont succédé. Or, l'actuel VCEM a été responsable de la surveillance de l’Opération Honour. Voilà un exemple assez frappant d'une des raisons pour lesquelles cela n’a pas fonctionné.
    Pour moi, un organisme externe est essentiel. Un exemple...
    Incluriez-vous également dans cette structure externe un organisme non-affilié chargé de tenir responsables les personnes qui pourraient avoir commis des infractions?
    Personnellement, je les séparerais. Je pense qu’un organisme doit être chargé de superviser le changement de culture et un autre, éventuellement, d'obliger les gens à rendre des comptes, parce que le travail de changement de culture est un projet de grande envergure. Il faut vraiment un groupe dévoué. Récemment, par exemple, après le scandale de la Somalie et les réformes à cet égard, le ministre a nommé un comité de surveillance ministériel relevant directement de lui, et il a pu demander des comptes aux FAC.
    Il y a beaucoup de modèles différents. Je pense que je vais m’arrêter ici et laisser les autres parler.
    D’accord.
    Allez-y, madame von Hlatky.
    Nous pouvons, je pense, admettre que la culture actuelle est opaque. Je veux que nous passions de l’efficacité opérationnelle à l’efficacité organisationnelle. L’Opération Honour a présenté l’inconduite comme un problème qui mine l’efficacité opérationnelle et je pense qu’il serait prudent de parler de la santé organisationnelle à l’avenir. L’efficacité organisationnelle est une condition préalable à l’efficacité opérationnelle, et c'est par des exercices d’entraînement et la certification que les forces se préparent aux opérations. Elles planifient et mettent en pratique jusqu’à ce que les instincts soient bons, même dans les moments difficiles. Dans des environnements complexes où le stress est élevé et où le manque de sommeil est important, la performance est en rapport avec la formation reçue.
    Et puis, il y a la formation sur l’Opération Honour, qui consiste à transmettre de l’information sur l’inconduite sexuelle. On fait cela pour la forme sans beaucoup se préoccuper de la façon dont l’information est conservée ou appliquée, au-delà de la confirmation que les gens sont à jour ou pas dans leur formation.
    Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues pour dire qu’il est important d’examiner la culture, mais je crois tout aussi important de le faire aux différentes étapes de la carrière d'un militaire et d'examiner la façon dont l’identité militaire se développe au fil de ces étapes. Je suis également convaincue de la nécessité d'apporter des correctifs administratifs, et la formation en fait partie. Nous devons accorder autant d’importance à ce genre de formation qu’aux autres types de formation qui se donnent dans l’armée. Ici, je pense qu’il faut adopter une approche différente, et...

  (1335)  

    Merci.
    J’aimerais entendre M. Okros, si c'est possible.
    Merci.
    Je vais faire deux petites remarques. Premièrement, nous avons tendance à parler de la culture des FAC, et il est important, selon moi, de reconnaître qu’il y a de multiples facettes de la culture au sein des Forces armées canadiennes. C’est une question complexe. L’un des défis consiste à comprendre à quoi ressemble la culture et comment elle se manifeste dans les unités et les petites équipes, parce qu’il y a des différences. Voilà pour la première partie de ma réponse.
    Deuxièmement, pour abonder dans le même sens que M. English, je dirais qu'il y a une différence entre comprendre et mettre en œuvre un changement de culture et enquêter sur des actes répréhensibles. Il faut des mécanismes différents et des cadres différents pour parvenir à des résultats et des initiatives différents. Je suis d’accord pour dire que nous devons séparer ces deux choses...
    À l’extérieur des Forces canadiennes... ou croyez-vous que cela puisse se faire de l’intérieur?
    Je n’ai pas la compétence nécessaire pour entrer dans le détail, mais je tiens à souligner que les systèmes de discipline et de justice militaires font l'objet depuis longtemps de recherches et d’examens, y compris par des comités antérieurs. Je pense qu’il faut faire attention dès qu'on veut apporter des changements.
    Très bien, merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Robillard. Je vous en prie, monsieur.

[Français]

     Bonjour, tout le monde.
    Je sais que le sujet dont nous allons parler est un sujet sensible. J'aimerais donc remercier les témoins de leur présence, du temps qu'ils nous accordent et du service rendu au pays.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Stéfanie von Hlatky.
    En tant que fondatrice de l'organisme Women in International Security Canada, pouvez-vous nous en dire davantage sur le travail que vous faites?
     Je vous remercie de la question.
    Je vois que vous avez fait vos devoirs. Il est vrai que j'ai fondé Women in International Security Canada, ou WIIS-Canada, il y a maintenant plus de 10 ans. C'est une organisation qui se consacre à la diversité ainsi qu'à l'augmentation de la représentation et de la participation des femmes dans le monde de la sécurité internationale.
    Je pense qu'il faut comprendre dans ce contexte et dans ces discussions que les questions de diversité sont intimement liées aux problèmes de culture militaire dont nous discutons aujourd'hui. On le sait tous, c'est vraiment une source de préoccupation pour les Forces armées canadiennes. On l'a vu dans l'énoncé de politique en matière de défense et on l'a vu avec les objectifs de représentation des femmes dans les Forces armées canadiennes, dont ce fameux pourcentage de 25,1 % qui, semble-t-il, ne sera pas atteint.
    Somme toute, je pense qu'il est important dans ce contexte de crise de redoubler d'efforts relativement à l'augmentation de la représentation et de l'intégration des femmes. Il est ici question de représentation tant au sein de l'organisation que dans les postes de commandement, qui sont deux volets importants. Il existe des données très fiables sur les effets de la diversité sur la performance organisationnelle et cela s'applique tout autant dans une organisation comme les Forces armées canadiennes. La diversité ne peut que favoriser l'atteinte des objectifs liés au changement de culture au sein des Forces armées canadiennes.
    WIIS-Canada mise également beaucoup sur le mentorat, car il est important de donner le soutien nécessaire aux femmes qui sont dans les Forces armées canadiennes et qui vivent des défis tout au long de leur carrière. Il faut adapter ces programmes de mentorat et en concevoir de nouveaux pour que la relève soit forte et qu'elle participe au changement de culture de l'organisation, au lieu de promouvoir une culture du silence où l'assimilation est souvent la stratégie de survie.

  (1340)  

    Pouvez-vous nous en dire davantage sur le rôle des femmes dans la défense pour progresser vers ce changement de culture, compte tenu de votre expérience en tant que fondatrice de l'organisation Women in International Security Canada?
    Je vais commencer par dire que l'on s'attarde beaucoup sur le rôle des femmes, mais qu'il ne faut pas non plus se limiter à cela. Je pense qu'il faut aussi s'attarder aux autres groupes qui sont sous-représentés. En matière de diversité, je sais que les Forces armées canadiennes ont beaucoup misé sur la représentation des femmes, mais il y a aussi d'autres groupes qui sont sous-représentés.
    Il faut donc continuer à mesurer les progrès sur ce front, lesquels commencent à être encourageants puisque la représentation des femmes est en hausse dans la relève. Je pense aussi que le Canada a un rôle important à jouer comme chef de file international en matière de représentation des femmes chez les hauts gradés. En effet, il s'agit d'une belle occasion de mettre en valeur ce cheminement des femmes au sein de l'organisation, mais aussi de promouvoir un réseautage qui déborde des seules Forces armées canadiennes.
    La diversité professionnelle se manifeste dans toute l'équipe de la défense. Sur des questions comme celles-ci, il faut aussi réfléchir à la dynamique de coopération entre les milieux civil et militaire. Ainsi, quand on parle de participation des femmes au monde de la défense, il faut élargir un peu notre champ de vision pour réfléchir à la participation des femmes tant au sein des Forces armées canadiennes que du côté civil de cette grande équipe de la défense, qui comprend notamment tout le personnel du ministère de la Défense.
    La représentation et la participation à tous ces niveaux, tant civils que militaires, permettraient de vraiment donner aux femmes dirigeantes la place et la visibilité qu'elles méritent. Cela aurait peut-être dû être fait avant, mais la période de crise que nous vivons suggère que c'est encore plus nécessaire étant donné les prochaines étapes à suivre.
     D'accord.
    J'aimerais maintenant poser ma deuxième question à M. Okros.
    Monsieur Okros, quel genre de rôle les leaders de la chaîne de commandement devraient-ils jouer en matière de changement de culture au sein des Forces armées canadiennes?

[Traduction]

    Tout d'abord, je crois qu’il existe un engagement très ferme à cet égard.
    Comme je l’ai mentionné, on ne sait toujours pas exactement quelles parties de la culture des Forces armées canadiennes doivent être changées et les quelles pourront demeurer les mêmes.
    Je pense qu'il serait utile de le savoir. Je dirais aussi que les dirigeants doivent disposer d'une trousse d’outils mieux fournie pour être plus efficaces.
    On constate que d'autres organisations qui mettent l’accent sur la diversité, ont adopté des stratégies inclusives. Il existe des approches axées sur le leadership inclusif.
    C’est la raison pour laquelle j’ai parlé de ce que font certains leaders qui cherchent à bâtir des équipes. Ils n’emploient pas forcément un langage ou des expressions qui parlent à tous les membres de l’équipe.
    Nous pourrions appuyer davantage les responsables pour qu’ils puissent faire ce qu’ils savent et ce qu’ils doivent faire.

  (1345)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Brunelle-Duceppe, s’il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins qui sont avec nous en ce beau vendredi après-midi. Nous discutons d'un sujet très important et qui nous touche tous, surtout ces temps-ci.
    Madame von Hlatky, en concluant que le devoir de signalement donne lieu à un sous-signalement des comportements sexuels inappropriés, le Bureau du vérificateur général a recommandé que les forces armées établissent des lignes directrices claires pour leurs membres à propos du règlement prévoyant le signalement aux autorités appropriées.
    Dans le Plan de campagne stratégique de l'opération Honneur 2025, on mentionne la publication d'un document faisant partie des directives et ordonnances administratives de la défense, soit « DOAD 9005-1, Intervention sur l'inconduite sexuelle ». Cela s'inscrivait dans un effort visant à reconnaître les besoins des victimes tout en clarifiant le processus de signalement d'incidents d'inconduite sexuelle.
    Voici la question qui me préoccupe le plus: à quel point le devoir de signalement donne-t-il lieu à un sous-signalement des comportements sexuels inappropriés dans les Forces armées canadiennes?
    D'autres témoins voudront peut-être répondre à la question, mais je suis curieux d'avoir vos commentaires là-dessus, madame von Hlatky.
    Comme vous le savez peut-être, je ne suis pas en faveur de cette politique, parce que je crois vraiment que les victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle doivent avoir l'absolue maîtrise de la procédure et faire confiance à ce processus.
    Je vais profiter de cette occasion pour faire un autre commentaire sur les procédures informelles. On parle beaucoup des procédures de signalement formelles, mais il y a aussi toutes sortes de processus visant à régler les situations à l'amiable ou de façon informelle au plus bas niveau de l'organisation.
    En tant que chercheuse sur les questions relatives au personnel militaire dans les forces armées, je pense que c'est un angle mort pour nous. Même si les statistiques nous révèlent que c'est une stratégie populaire, il faut se demander si elles servent bien les victimes de harcèlement.
    Vous avez piqué ma curiosité en parlant du plus bas niveau de l'organisation.
    Que voulez-vous dire?
    Je parle de la hiérarchie et des relations. Si un incident se produit, il y a cette option de régler de façon informelle les différends. C'est une question à soulever dans le cadre de la discussion. On parle souvent des procédures formelles de signalement, mais il y a des dynamiques informelles. Pour nous, en tant que chercheurs externes, c'est plus difficile de comprendre ces dynamiques.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je pense que M. Okros aimerait intervenir sur cette question.

[Traduction]

     Je dirais que deux principes sous-tendent cette discussion. Il y a d'abord celui de la responsabilité juridique. Bien entendu, il n’y a pas d’enquête officielle ni de responsabilité juridique si aucun rapport officiel n’est produit. D’un autre côté, nous savons que la plupart des gens préfèrent que les problèmes soient traités à un niveau plus interpersonnel, et non à coups de rapports officiels et d'enquêtes formelles. Il est important pour nous de reconnaître qu’il s’agit d’une intention.
    D'autres ont décidé d'insister davantage sur l’obligation de réagir. Celui qui est au courant d'une situation est obligé d’intervenir, que ce soit en parlant simplement à la personne concernée pour s’assurer qu’elle a du soutien, pour veiller à ce qu’elle ait été bien été aiguillée et, éventuellement, pour l’encourager à soumettre un rapport. Il y a toutes sortes de façons dont les gens peuvent s’entraider.
    L’obligation de faire rapport crée essentiellement une importante dichotomie. Dès que l'on prend acte d'un événement, dès que l'on veut aider quelqu’un ou qu'on veut confronter quelqu’un pour lui dire: « Ce que vous avez fait était inapproprié, je veux des excuses et vous devez arrêter », l’obligation de faire rapport exige une officialisation plus précoce des actions. Cela peut empêcher les gens désireux d'intervenir de façon plus personnelle, comme l'a indiqué Mme von Hlatky.

  (1350)  

[Français]

    Depuis le début des séances que nous tenons sur le sujet, nous entendons beaucoup parler de la culture au sein des Forces armées canadiennes. Nous nous rendons compte qu'il y a peut-être là un gros problème.
    Compte tenu de cette fameuse culture au sein des Forces armées canadiennes, quelle est la bonne solution? Est-ce qu'une ou plusieurs solutions pourraient faire en sorte qu'il y ait plus de signalements ou que les cas soient mieux signalés?
    Est-ce que je me trompe en disant que le problème est, en grande partie, la culture présente au sein des Forces armées canadiennes?
    Mes questions s'adressent aux trois témoins.

[Traduction]

    Monsieur English, allez-y.
     J’ai lu la dernière DOAD 9005-1 sur l’inconduite sexuelle et, franchement, je l'ai trouvée très longue. Je trouve qu’il y a des éléments qui se contredisent. L’autre jour, j’ai discuté avec un collègue de l’obligation de signalement. D’un côté, la directive dit qu'il faut faire rapport dans tel cas et, de l'autre, que c'est inutile. Dans telle ou telle situation, il faut signaler et faire rapport, mais dans une autre, il faut divulguer sans faire rapport tout de suite, bien que cela puisse être nécessaire plus tard, parce que quelqu’un, éventuellement membre d'une certaine profession, y sera obligé.
    Pour le citoyen moyen, il peut être très difficile de savoir exactement ce qui se passe. Je sais pourquoi les DOAD sont rédigées de cette façon. Elles le sont par des avocats et des bureaucrates pour couvrir toutes les possibilités. Pour le militaire moyen, elles peuvent être très difficiles à déchiffrer.
    Pour revenir à la question de la culture, celle-ci est véritablement au cœur de mon argumentation. En fin de compte, peu importe la qualité de vos règles et de vos règlements, ou votre prédisposition favorable envers la notion de signalement. Si, au sein de la culture à laquelle ils appartiennent, les gens sont conscients que toute personne qui signale un incident sera ostracisée, intimidée, harcelée ou que sa carrière prendra fin, alors la qualité et la clarté de des règlements n’ont plus vraiment d’importance, ni l’ouverture dont on peut faire preuve. De nombreuses organisations, dont les FAC, l’ont dit à maintes reprises. C’est pourquoi cela nous ramène au problème fondamental du changement de culture.
    Je dois répéter que mes collègues sont un peu plus optimistes que moi au sujet de « La voie vers la dignité et le respect ». Quand on parle de réalignement culturel, c’est qu'on suppose que tout ne va pas si mal. J’ai bien peur que la plupart des gens aient dit que c’était très mauvais. Il faut plus qu’un réalignement. Il faut un changement global. Tant que ce changement n’aura pas été apporté, peu importe le nombre de règles et de règlements concernant les signalements, les gens n'en feront pas. Nous avons reçu de nombreux rapports à ce sujet et nous avons expliqué pourquoi.
    Merci.
    Monsieur Garrison.

  (1355)  

    Merci beaucoup.
    Comme je l’ai indiqué dans mon rappel au Règlement au début, j’ai un problème aujourd’hui, et je pense que c’est un problème que partagent d’autres membres du Comité. Ces témoins ont beaucoup de très bonnes idées et j’aimerais discuter avec eux de la façon dont nous pourrions progresser dans le règlement du problème de l’inconduite sexuelle dans l’armée. Mais voilà, j’ai des doutes, et je crois que des membres du public et surtout des membres des Forces canadiennes ont aussi des doutes, sur la façon dont ce problème est compris au sommet de la hiérarchie et sur l’engagement nécessaire aux plus hauts échelons pour que des progrès soient possibles.
    Comme tous les témoins ont, je pense, parlé de l’importance, d’une façon ou d’une autre, d'obtenir l’adhésion de la hiérarchie, je vais leur demander s’ils croient des progrès possibles compte tenu des doutes sérieux qu'on peut avoir au sujet de la capacité des hauts gradés de s'engager dans ce processus et d'en comprendre les tenants et aboutissants. J’aimerais commencer par Mme von Hlatky.
    Dans des moments comme ceux-ci, je pense qu’il y a probablement lieu de douter que la hiérarchie comprend le problème et qu'elle est prête à s'engager. Vous avez raison de le souligner. Par le passé, on s'est souvent heurté a des attitudes défensives et à des réactions face aux problèmes qui surgissaient. C'est là où nous en étions il y a cinq ans. Cependant, malgré ces doutes, je ne pense pas qu’on doive attendre la nomination du prochain CEMD pour prendre des mesures décisives. Le commandant en chef de l’armée a été invité à intervenir, et il faut lancer un appel immédiat à l’action en insistant sur le caractère gravissime de cette situation de crise pour les gens. Les Forces armées canadiennes comptent beaucoup de militaires qui, en ce moment, ont besoin d’entendre leurs dirigeants. Le bien-être des membres des Forces armées canadiennes, des victimes et des survivants, en particulier, est primordial. Les gens ont besoin de leadership en temps de crise. C'est au tout du général Eyre. Évidemment, le premier ministre et le ministre de la Défense doivent donner le ton, mais les membres des Forces armées canadiennes s’en remettront à leurs commandants d'arme et au CEMD.
    Nous avons parlé d’un changement plus profond et d’un changement culturel, et c’est certainement nécessaire dans l'immédiat. L’inconduite sexuelle ne peut pas toujours être considérée comme un problème à résoudre en soi. Nous avons tous trois tenté de mettre l’accent sur le lien entre la culture militaire et la prévalence de l’inconduite sexuelle. Ensuite, il y a des questions plus immédiates qui ont été soulevées ces dernières semaines, et nous devons inverser ce problème. La question à laquelle il faut répondre dans l'immédiat est de savoir comment un officier peut parvenir au sommet de la hiérarchie tout en commettant des abus de pouvoir. Quel changement pourrait-on apporter à la structure des FAC pour inciter les subalternes, les pairs et les hauts gradés à ne pas excuser ou camoufler les abus de pouvoir?
    Dans ma déclaration liminaire, j'ai indiqué que, selon moi, les abus de pouvoir n’ont pas été adéquatement traités dans le cadre de l’Opération Honour, ce qui devrait motiver une série d’ajustements généralisés — allant des approches en matière de formation à la communication à la collecte de données en passant par le leadership — et ne devrait pas détourner l’attention de l’effort plus vaste de changement de culture, que nous avons tous essayé de souligner aujourd’hui.
     Monsieur Okros, aimeriez-vous contribuer à cette discussion?
    Seulement pour dire qu'il importe de faire la distinction entre engagement et compréhension. Selon moi, les dirigeants à tous les niveaux sont résolus à s'attaquer aux problèmes. Comme nous l'avons dit tous les trois et comme l'ont observé des organisations féminines de l'extérieur, l'écart se situe au niveau de la compréhension. Comme j'ai essayé de le dire, à un certain niveau, cet écart est facile à voir ou plus facile à comprendre pourquoi il est difficile à comprendre. On dit parfois que les poissons ont du mal à découvrir l'eau. Les gens qui sont complètement immergés dans une culture dominante très forte ont du mal à vraiment comprendre cette culture.
    Encore une fois, je pense que c'est ce qui explique les appels à l'aide de ceux qui apportent des perspectives universitaires et professionnelles externes, pour aider les hauts dirigeants à comprendre la culture puis les aider à comprendre quelles peuvent être les initiatives de changement de la culture.
    Merci.
    Monsieur English.

  (1400)  

    Dans le même ordre d'idées, un des enjeux concerne ce que croient les dirigeants exactement. Le général Thibault a fait un commentaire très judicieux en disant que son expérience personnelle lui fait rejeter les conclusions de la juge Deschamps. Il n'a pas vu, et la recherche nous apprend que c'est vrai, que nous avons des préjugés et que nous avons tendance à accorder plus de crédit à notre expérience personnelle qu'aux études savantes, par exemple.
    Mais cela nous ramène au point clé qu'est le pouvoir. Un grand nombre des comportements que nous observons — et ils ne sont pas tous liés à l'inconduite sexuelle, comme l'ont signalé plusieurs intervenants — sont liés au maintien du pouvoir. L'une des premières choses à faire lorsqu'on veut apporter un changement de culture global consiste à apporter des changements importants au niveau des dirigeants, ce que les Forces canadiennes ont rarement, voire jamais, voulu faire. C'est une question de surveillance.
    Je vais répondre très rapidement au dernier point, parce qu'il a été soulevé, au sujet de la démographie. Tant qu'on ne changera pas la démographie des forces, qu'on n'y recrutera pas plus de femmes, qu'on n'aura pas plus de diversité, l'expérience restera cantonnée dans ce groupe homogène qui ne croit pas vraiment au changement. Je pense que les dirigeants l'ont dit.
    Allez-y, monsieur Garrison. Posez une autre question. Je vais vous laisser un peu plus de temps.
    D'accord.
    La semaine dernière, nous avons entendu le témoignage de la majore Brennan — qui n'était pas un témoignage formel, cependant, mais des déclarations publiques — où elle a fait état, sauf erreur, de ce dont M. English vient de parler, soit qu'il s'agissait à la fois d'inconduite sexuelle et d'abus de pouvoir dans son cas. Mais ce qui m'a le plus troublé, c'est son allégation — et permettez-moi de souligner que nous devrions croire les victimes lorsqu'elles parlent dans des circonstances très dangereuses pour elles — selon laquelle son cas était très bien connu de la haute direction des forces armées.
    Lorsque des hauts dirigeants nous disent qu'ils prennent l'affaire au sérieux et qu'ils vont veiller à ce qu'elle ne reste pas sans suite, puis que des victimes nous disent que c'était un secret de polichinelle et qu'il n'y a clairement pas eu de conséquences, je trouve que c'est un gros problème d'essayer de s'attaquer à cela.
    Je demanderais à Mme von Hlatky de répondre au témoignage de la majore Brennan.
    Oui, c'est ce que j'ai voulu mettre en lumière dans ma déclaration. Je pense qu'il y a des cas, des scénarios et des situations qui n'ont pas été correctement intégrés dans la formation ou dans la façon dont l'opération Honneur a été présentée et déployée.
    Je pense que la dynamique des relations professionnelles asymétriques et de consentement dans ces cas-là n'est pas bien comprise, et que souvent on ne sait pas trop comment réagir à ces genres de relations.
    La formation que nous donnons présente certains des cas les plus flagrants d'inconduite sexuelle, et doit montrer l'éventail des situations dans lesquelles ils surviennent, et la façon dont les questions de consentement peuvent se manifester de façon générale.
    On met ces scénarios en pratique, on y réfléchit et on a une conversation plus poussée à ce propos, afin de mieux comprendre la complexité du problème, mais on se sentira également mieux outillé pour répondre et pour dénoncer.
    Je voulais insister sur cette dynamique particulière parce qu'elle est au cœur des réflexions de ces quelques dernières semaines. Lorsqu'on examine les documents de formation, par exemple — à noter par contre que je n'ai pas accès à tous les documents de formation, en tant qu'expert externe — et qu'on fait la recension des études des chercheurs universitaires et des rapports de recherche sur la question, on comprend qu'il s'agit d'une approche très centrée sur l'agresseur. Nous devons nous attaquer à la complexité de l'inconduite sexuelle et des autres thèmes liés à la culture militaire. Je les ai énumérés dans ma déclaration; inutile de les répéter.
    Merci beaucoup.

  (1405)  

    Je dois donner la parole à Mme Gallant, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Par votre entremise, je m'adresse à M. Okros. Nous avons maintenant deux chefs d'état-major successifs qui ont fait l'objet d'allégations, dont l'un était responsable de l'opération Honour.
    Croyez-vous que ces événements et la façon dont ils sont traités dissuaderont les femmes de dénoncer l'inconduite sexuelle désormais?
    Nous reconnaissons tous que les gens s'intéressent au déroulement des processus et qu'ils vont prêter attention aux résultats lorsque les enquêtes seront terminées et que les dossiers seront réputés clos.
    Outre cela, je n'ai pas d'information factuelle ni de connaissances suffisantes de l'un ou l'autre cas pour commenter les réactions qu'ils suscitent dans le cadre du processus.
    Merci.
    Madame von Hlatky.
    Je n'ai rien à ajouter.
    Monsieur Okros, lundi, un expert en droit militaire nous a dit que le ministre Sajjan aurait pu et aurait dû lancer une enquête en invoquant les pouvoirs que lui confère l'article 45 de la Loi sur la défense nationale lorsqu'il a reçu une allégation d'inconduite sexuelle contre un ancien CEMD.
    L'inaction du ministre mine-t-elle la crédibilité de l'opération Honour et l'effort de recrutement de plus de femmes, puisqu'il n'y a pas de recours sécuritaire pour les militaires et qu'on estime peut-être qu'il ne faut pas compter sur son ministre pour faire enquête?
    Mon domaine d'expertise est la culture militaire et l'identité militaire, pas le droit militaire. J'ignore quelle information factuelle on a examinée pour formuler des observations sur le recours possible à la Loi sur la défense nationale.
    D'autres témoins ont-ils quelque chose à dire à ce sujet?
    À votre avis, l'opération Honour est-elle récupérable. Je pose la question aux trois témoins.
    Monsieur English.
     Selon moi, la première chose à faire, c'est de comprendre ce qu'est l'opération Honour. C'était un plan de campagne. Comme plan de campagne, elle devait être une brève intervention de deux ans pour donner suite au rapport de Mme Deschamps. Lisez ce plan de campagne et vous verrez que la phase active de l'opération Honour a pris fin le 30 juin 2017. Le fait qu'il n'a pas été publié de stratégie par la suite a vraiment laissé le groupe de l'opération Honour sans direction. C'est pourquoi je dis que bon nombre de ses actions n'étaient pas coordonnées ni efficaces. La campagne a pris fin le 30 juin. Ils étaient dans la phase « maintien et stabilisation » à compter du 1er juillet 2017.
    Il y a beaucoup de rapports d'étape, certains ordres fragmentaires — O frag — et ceci et cela, mais ils se contredisent.
    Je pense que la stratégie « La voie vers la dignité et le respect » visait à produire un nouveau plan de campagne. Je serai heureux d'y revenir plus tard, mais, pour l'instant, qu'il suffise de dire que l'opération Honour est terminée.
    L'obligation de signaler les comportements sexuels inappropriés s'applique-t-elle à tout le personnel du ministère de la Défense nationale: militaires, civils, entrepreneurs et conseillers politiques?
    Quelqu'un veut-il répondre?
    D'accord.
    Faisons une comparaison avec les États-Unis. On a déjà fait allusion à une crise d'inconduite sexuelle dans la marine américaine et dans le corps des marines. Les événements et la culture ont été saisis par le scandale Tailhook. L'affaire a donné lieu à des changements importants, notamment à un système de rapports échappant à la chaîne de commandement. Le Canada peut-il en tirer des leçons? Devrions-nous nous intéresser à ce que nos alliés du Groupe des cinq et d'autres font efficacement?
    Monsieur Okros.
    En tout cas, je dirais certainement que les Forces armées canadiennes se sont mises en frais d'examiner ce qui a été fait au sein du Groupe des cinq en particulier, ainsi que dans d'autres contextes militaires. Le gros problème là-dedans, bien sûr, est que de nombreux services militaires reconnaissent avoir certains de ces mêmes problèmes. Il y a certaines différences nationales selon les contextes, mais d'après les commentaires que nous avons tous les trois formulés, je pense qu'il y a des points communs aux nombreux services militaires.
    Les problèmes particuliers en ce qui concerne les rapports et les mécanismes de rapport tiennent aux exigences législatives. Il y a eu des différences, notamment aux États-Unis, en Australie et en France, dont les régimes juridiques leur ont permis d'explorer certaines options que les Forces armées canadiennes n'ont pas encore eues.

  (1410)  

    Merci.
    Je vais devoir passer à M. Baker, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à nos trois témoins d'être là aujourd'hui. J'apprends énormément, et je pense que mes collègues apprennent eux aussi énormément de votre témoignage.
    Vous avez tous parlé de la culture, de la place qu'elle occupe dans ce problème et du rôle qu'elle joue peut-être dans le fait que le problème n'est pas traité comme il le devrait. J'ai une question à deux volets. Pourquoi cette culture existe-t-elle dans les Forces armées canadiennes, et pensez-vous qu'elle leur est propre?
    Monsieur English, puis monsieur Okros.
    La culture actuelle des Forces armées canadiennes est parfois qualifiée de guerrière. Cette culture guerrière est apparue dans les Forces armées canadiennes au début des années 2000, c'est-à-dire lorsque nous avons commencé à collaborer de très près avec les États-Unis en Afghanistan, ainsi qu'après 2005 lorsque le général Rick Hillier est devenu chef d'état-major de la Défense et qu'il a voulu remplacer par une culture guerrière ce qu'il appelait la culture bureaucratique des Forces canadiennes à l'époque.
    La culture guerrière qui a été choisie en raison de notre étroite association avec les États-Unis était une culture particulière créée aux États-Unis dans les années 1980 et 1990, une culture fondée sur la culture militaire hypermasculine et sexualisée dont la création avait pour but de bloquer l'entrée des LGBTQ dans l'armée et qui, plus tard, a été déployée contre les femmes.
    C'était une culture artificielle, étrangère et hypersexualisée qui, selon les chercheurs américains qui l'avaient étudiée, a contribué à « créer ou à maintenir un environnement culturel où les agressions sexuelles peuvent se produire et se multiplier ».
    En important cette culture hypermasculine américaine, nous avons vraiment créé beaucoup de nos problèmes. Je pense que l'une des premières choses à faire dans tout changement de culture serait de revenir à ce que nous avons inscrit dans « Servir avec honneur », notre manuel de la profession des armes en 2003, qui s'appelait quelque chose comme « l'honneur du guerrier ».
     Cette nouvelle culture guerrière canadienne en réponse à la crise somalienne devait être fondée sur l'honneur du guerrier, qui l'engageait à utiliser le minimum de force pour atteindre ses objectifs et qui lui imputait la responsabilité à la fois d'accomplir sa mission et de respecter les lois de la guerre. C'est très différent de ce que nous avons aujourd'hui. Je dirais que c'est la première chose à changer.
    Monsieur Okros.
    L'autre commentaire que je ferais à ce sujet, c'est qu'il faut une culture militaire particulière. Les Canadiens attendent des choses très précises des hommes et des femmes qui assurent leur sécurité. Cela exige des choses très précises. Aucun autre employeur ne connaît la notion de responsabilité illimitée, qui expose son personnel au danger.
    Pour ce faire, pour créer ces capacités et la capacité d'endurance dans des circonstances extrêmement pénibles, il faut quelque chose d'unique dont la plupart des employeurs du secteur privé n'ont pas besoin.
    La question est de savoir quelle devrait être cette culture. Selon moi, telle est la vraie question à débattre. Encore une fois, les commentaires que nous formulons ici... il y a des tensions dans les forces armées également qui changent avec le temps. Une chose qui est incrustée dans la philosophie militaire est que de très importantes leçons ont été tirées, au prix du sang versé au fil des siècles, des leçons que nous n'oublierons jamais.
    Cela a son importance, mais cela peut empêcher les forces militaires d'essayer d'envisager la culture militaire qu'ils doivent bâtir en contexte de sécurité du XXIe siècle, et avec les jeunes Canadiens qui veulent prendre l'uniforme pour servir leur pays.
    Ce doit être une culture unique. Le débat, en fait, porte sur ce que devrait être cette culture, ce qu'il faut conserver et ce qu'il faut changer fondamentalement.

  (1415)  

    Merci.
    Je demanderai aux membres du Comité qui posent des questions, ainsi qu'à nos témoins qui y répondent, d'être le plus bref possible. Il ne nous reste probablement qu'une autre demi-heure pour discuter.

[Français]

    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Je ne vais pas disposer de beaucoup de temps, malheureusement. J'avais beaucoup de questions à poser aux témoins, qui sont tous des experts dans leur domaine. Ils ont vu ce qui s'est passé dans l'actualité, comme tout le monde.
    Je vais poser une question à laquelle j'aimerais que les témoins répondent en fonction de leurs connaissances et de leur expertise ainsi qu'en toute franchise.
    Je vais commencer de nouveau par la professeure von Hlatky. Les deux autres témoins pourront ensuite intervenir.
    Madame von Hlatky, selon vous, est-ce que le ministre de la Défense nationale a pris ses responsabilités, a-t-il fait son devoir pour s'assurer que les allégations d'inconduite sexuelle étaient traitées comme il se devait au plus haut niveau de la hiérarchie des Forces armées canadiennes?
    Nous n'en savons tout simplement pas assez, en ce moment, pour nous prononcer sur le sujet.
    J'aimerais faire écho à ce que mon collègue, le professeur Okros, a dit tout à l'heure: certaines informations qui vont surgir au cours du processus d'enquête vont peut-être nous permettre de réfléchir à cette question de manière plus approfondie. Pour l'instant, il est encore trop tôt.
    Avez-vous quand même une idée de la façon dont cela a été géré?
    J'ai lu les mêmes articles que vous dans les médias.
    Oui, mais vous avez sûrement une meilleure expertise que moi, puisque vous êtes professeure. Je ne le suis pas.
    Monsieur Okros, pouvez-vous répondre à ma question?

[Traduction]

     Encore une fois, j'ai vu les médias se perdre en conjectures à propos de l'information que les gens présument; j'ignore quelle est l'information factuelle. Je comprends les principes de protection de la vie privée pour chacun, et l'importance de ne pas bousiller une enquête, parce que l'information qui tomberait dans le domaine public avant la fin de l'enquête pourrait compromettre la capacité de la transmettre à un juge compétent à la fin de l'enquête.
    Encore une fois, je n'ai pas l'information voulue pour répondre à la question à ce stade-ci.

[Français]

    J'en suis désolé, mais je sens que je vais avoir la même réponse de M. English.
    Comme vous le savez, il y a une différence entre ce qui s'est passé dans le cas de M. Vance et dans celui de M. McDonald. Ce dernier a décidé de se retirer de ses fonctions.
    Selon vous, monsieur Okros, était-ce la bonne décision à prendre?

[Traduction]

    Je n'ai pas l'information factuelle pour prendre une décision, et ce n'est pas mon domaine d'expertise.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Garrison, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Ce que nous avons, ce sont des enquêtes sur des incidents. Nous n'avons pas d'enquêtes sur la façon dont les incidents ont été traités. Nous ne verrons probablement pas plus clair à la fin si nous nous contentons d'enquêter sur des cas d'inconduite individuels. Bien sûr, je respecte la nécessité de procéder de façon indépendante et équitable dans tout cela, mais il y a aussi la question de savoir comment les incidents ont été traités.
    Comme nous avons si peu de temps, voire très peu dans mon cas, j'ai une question à poser à Mme von Hlatky.
    Je ne vous demande pas de porter un jugement sur la qualification de qui que ce soit, mais il me semble que nous avons raté une occasion lorsque nous avons laissé la générale Whitecross partir à la retraite plutôt que de la nommer à un haut poste de leadership.
    Quelle différence cela ferait-il dans l'armée canadienne si une femme commandait l'une des forces ou était le chef d'état-major de la Défense?

  (1420)  

    Je suppose que votre question m'amène à penser que la générale Whitecross serait idéalement qualifiée aujourd'hui si elle n'était pas déjà à la retraite. Rappelez-vous la personne qui parlait il y a cinq ans et qui prenait le micro pour parler de ces questions: c'était la générale Whitecross. Son parcours professionnel l'a amenée jusqu'à Rome, en tant que commandante du Collège de défense de l'OTAN. Il aurait pu y avoir là une occasion à saisir. Elle avait le grade voulu. Lorsqu'une femme occupe le plus haut poste de leadership au sein d'une organisation, elle a un potentiel de transformation.
    Sans vouloir me livrer à des conjectures sur la prochaine personne qui devrait être appelée ou sur ce dont aura l'air le processus de sélection désormais pour remplacer le CEMD, si c'est la décision qui est prise, je pense que c'est une mesure très positive pour une organisation d'avoir une femme aux plus hauts niveaux parce qu'elle a un potentiel de transformation de la culture, et qu'elle pourrait peut-être apporter un nouveau modèle de leadership, susceptible d'inspirer d'autres changements.
    Je m'arrête là.
    Merci beaucoup.
    Passons à M. Benzen, s'il vous plaît.
     Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Nous avons parlé du ministre de la Défense nationale et de la façon dont il a traité ces allégations au cours des dernières années. Nous ne connaissons pas tous les détails, mais l'une des choses dont nous sommes certains, c'est qu'il aurait probablement pu agir plus vite dans bien des cas. Parce qu'il ne l'a pas fait, je pense que cela a créé un problème au sein des FAC, surtout pour les femmes.
    Est-ce que tous les témoins pourraient nous dire un mot de la façon dont nous gardons les femmes dans les forces armées pour qu'elles n'aient pas envie de partir plus vite? De même, comment recrutons-nous les femmes dans les forces armées?
    Je pense que nous avons deux gros problèmes ici. Pouvez-vous nous éclairer sur la façon de nous y prendre? Je sais que nous avons parlé tantôt d'avoir une femme comme CEMD, mais ce n'est pas pour tout de suite. Que pouvons-nous faire d'autre pour améliorer l'environnement pour notre personnel féminin des FAC?
    Madame von Hlatky.
    Je serais certainement heureuse d'avoir l'occasion d'examiner comment nous pouvons mieux nous concentrer sur les besoins et les expériences uniques des femmes dans les Forces armées canadiennes. C'est dommage qu'il faille une crise pour attirer davantage l'attention sur cette question.
    En général, je pense que c'est la raison pour laquelle on a beaucoup insisté pour intégrer un outil d'analyse comparative entre les sexes plus dans l'élaboration des politiques du gouvernement du Canada, et cela s'applique certainement aux Forces armées canadiennes. Étant donné que les expériences des femmes sont différentes de celles des hommes — nous avons d'ailleurs souligné certains facteurs culturels pour expliquer pourquoi il en est ainsi —, il y a également d'autres raisons pour lesquelles elles peuvent avoir des besoins et des expériences différents.
    À chaque étape de la carrière, encore une fois, que ce soit au moment du recrutement ou au moment de la libération et de la transition de la vie militaire à la réinsertion dans la vie civile, les femmes font face à des défis particuliers. Si nous pouvons profiter de cette occasion pour étudier plus à fond ces défis et ces besoins particuliers, je pense que ce serait certainement un pas dans la bonne direction.
    En même temps, je ne pense pas que nous devrions présumer que ce qui se passe actuellement — ce dont parlent les médias — est un facteur décisionnel très important pour une femme qui examine ses options de carrière dans l'armée ou qui envisage de s'enrôler dans les Forces armées canadiennes. Il y a une foule de motifs et de raisons pour lesquelles les femmes prennent des décisions au sujet de leur carrière, et cela peut avoir une incidence ou non. Ce n'est certainement qu'une considération parmi bien d'autres.

  (1425)  

    Monsieur Okros.
     Je commencerai par dire que je suis probablement la dernière personne à pouvoir parler au nom des femmes qui servent dans les Forces armées canadiennes, et je tiens à le souligner. Les stratégies d'inclusion, à propos des différents groupes, utilisent l'expression « rien sur nous sans nous ». Si nous appliquons les principes du programme sur les femmes, la paix et la sécurité, cela devrait notamment nous amener à reconnaître qu'il faut donner aux femmes la capacité de défendre elles-mêmes leurs intérêts, y compris avec l'aide d'organismes, et de se faire entendre.
     Je dirais, en ce qui concerne ce que les FAC font à l'interne, et peut-être pour la gouverne de ce comité, qu'il est important de veiller à ce que les voix et les points de vue de ceux que nous voulons défendre soient entendus et pris en compte. À long terme, il serait bon de créer des mécanismes pour que les personnes et les sous-groupes au sein des forces armées puissent se faire entendre.
    Ce que nous voyons ici, je pense, c'est que dans certains cas, une institution n'est pas capable de s'autosurveiller correctement et a besoin d'un examen indépendant.
    Nous pourrions parler de l'opération Honour. Il aurait probablement fallu une surveillance externe pour assurer la reddition de comptes.
    Pouvez-vous nous parler des pratiques exemplaires internationales des pays de l'OTAN ou de nos partenaires du Groupe des cinq qui ont des systèmes de surveillance pour superviser un programme? Comme vous l'avez dit, l'opération Honour n'existe plus, mais qu'en est-il d'un autre programme comme celui-là? Avez-vous des idées concernant une surveillance externe ou indépendante?
    Je pose la question à tout le monde.
    Désolée, votre temps est écoulé.
    Monsieur Spengemann, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais, moi aussi, remercier nos témoins de leur expertise, de leur travail et de leur présence ici cet après-midi.
    J'aimerais revenir brièvement sur les déclarations que le ministre a faites devant le Comité, il y a environ une semaine, et citer quelques-unes de ses déclarations qui je trouve solides et constructives. Le ministre a dit: « Nous devons changer notre culture. Nos actions pour éliminer les comportements insidieux doivent correspondre à nos paroles [...] le temps de la patience est maintenant révolu. Le changement ne se produira pas de lui-même. »
    À mon avis, cela nous engage vraiment à agir en établissant un lien fondamental entre le concept de contrôle démocratique des forces armées et les mesures à prendre pour accélérer le changement, pour prendre un tournant décisif, si je puis dire.
    Madame von Hlatky, le quatrième point de votre déclaration préliminaire est très clair à ce sujet. Vous avez dit, et je paraphrase un peu, que si une personne ne commet pas d'inconduite sexuelle, cela ne veut pas dire qu'elle s'acquitte de ses fonctions honorablement. Vous dites que la norme de rendement est beaucoup plus élevée si vous voulez atteindre la tolérance zéro.
    Le message très intéressant qu'ont fait entendre, cet après midi, les différents partis et les différents témoins, est qu'il y a un élément constructif, mais aussi un élément toxique et négatif dans la culture des FAC. Il ne faut pas oublier non plus que nous avons un système. Les Forces canadiennes sont un système de recrutement, de promotion, de service et de libération. Ce système est en place, et il peut donner des résultats positifs, mais aussi des résultats négatifs si la culture est orientée dans la mauvaise direction.
    Il ne faut pas oublier que, même en 2016, un rapport de Statistique Canada a révélé que 27,3 % des femmes sondées dans les divers éléments de service et chez les entrepreneurs militaires ont déclaré avoir été victimes d'agression sexuelle — pas seulement d'inconduite, mais aussi d'agression sexuelle. Le moment est vraiment venu de penser différemment.
    Quels sont les incitatifs qui peuvent nous aider à changer la culture beaucoup plus rapidement? Je pense à des choses comme récompenser les gens, même pour des actions plus vastes comme se conduire en champion de l'égalité entre les sexes, en champion des femmes, de la paix et de la sécurité, à tous les niveaux de la hiérarchie. Y a-t-il actuellement, dans le volet ressources humaines du système des Forces canadiennes, des incitatifs suffisants pour récompenser ceux qui veulent faire avancer le programme de façon constructive? Si ce n'est pas le cas, quels types d'éléments devrions-nous élaborer et examiner?
    Je m'adresse à vous, madame von Hlatky, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

  (1430)  

    Tout d'abord, vous avez parlé du rôle de champion des femmes, de la paix et de la sécurité, et même si je pense que c'est un rôle de leadership important, la question que vous avez soulevée n'est peut-être pas directement reliée au mandat d'un champion des femmes, de la paix et de la sécurité, lequel fait vraiment référence à un programme plus vaste. Certes, parler de la représentation et de la participation des femmes fait partie de ce rôle, mais lorsqu'on parle d'incitatifs professionnels, de structures et de promotions, c'est peut-être un peu en dehors de ce cadre.
    Cependant, je pense que nous ne sommes pas satisfaits du statu quo, et bien sûr, dans un système comme le système militaire, une solution serait d'examiner la structure des incitatifs entourant l'avancement. Quels sont les incitatifs professionnels qui pourraient être examinés et ajustés afin d'encourager et de récompenser le genre de comportement que nous voulons voir, c'est-à-dire plus de soutien pour les victimes et les survivants et un environnement favorable pour que ces personnes se manifestent? Nous devons probablement examiner les systèmes de soutien par les pairs et la conduite des dirigeants. Je pense qu'il y a lieu d'examiner la façon dont les promotions sont faites et d'examiner les structures d'incitatifs liés à l'avancement professionnel afin de créer un environnement plus favorable.
    Très brièvement, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, je reviens au commentaire du ministre selon lequel nous avons besoin d'un profond changement de culture. Je crois que c'est ce qu'il a dit. Suffit-il d'apporter des ajustements et, dans le cas contraire, quelles sont les autres choses qui nous aideraient vraiment à accélérer ces changements?
    Monsieur Okros.
    Je pense que nous avons tous les trois indiqué que, non, les ajustements ne suffisent pas. Je reviens à mon commentaire selon lequel nous avons besoin de bien comprendre la culture militaire, ce qui fonctionne et ne fonctionne pas, ce qu'il faut conserver et ce qu'il faut changer.
    Pour paraphraser un ancien premier ministre, je dirais que le moment est venu de se lancer dans la sociologie. Je vous recommande les travaux de Raewyn Connell qui explique la masculinité militaire et ceux de Kimberlé Crenshaw qui nous aident à comprendre que l'intersectionnalité est essentielle pour vraiment analyser la culture avec la bonne lentille et la bonne perspective. Cela peut donc nous permettre de cerner les changements.
    Merci.
     Monsieur Bezan, allez-y.
    Madame la présidente, puis-je céder mon tour à Mme Alleslev?
    Madame Alleslev, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente. J'apprécie beaucoup que mon collègue me donne l'occasion de poser d'autres questions.
    En fait, je voudrais poursuivre dans la même veine que les questions que nous venons d'entendre sur ce que signifie un changement global et fondamental et sur le genre d'experts que nous devrions consulter. Des professeurs d'histoire et de politique, qui sont très compétents, se sont joints à nous pour nous donner une idée de la façon dont nous en sommes arrivés là. Cependant, il y a des choses comme la guerre, la moralité, la profession militaire et le rôle des militaires dans une démocratie. À quoi devrait ressembler cette culture à l'ère moderne de la défense et de la sécurité? Ce sont des questions tout aussi importantes que de comprendre ce que nous devons faire immédiatement.
    Pourriez-vous, en vous basant sur votre expérience. me donner une idée des personnes que nous devrions consulter sur un sujet aussi important?
    Cette question s'adresse-t-elle à quelqu'un en particulier?
    Elle s'adresse à tous les sages témoins que nous avons le privilège d'accueillir aujourd'hui.

  (1435)  

    M. Okros a levé la main en premier.
     J'en ai parlé brièvement. Ma formation est en psychologie, et je comprends donc ces niveaux interpersonnels.
    Je dirais que, d'un point de vue universitaire, il y a certainement des personnes en sociologie qui peuvent appliquer la théorie féministe critique, la théorie raciale critique, analyser et comprendre. C'est du point de vue universitaire.
    Il y a des organisations de femmes qui se penchent sur ces questions de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle en milieu de travail dans de multiples contextes organisationnels. Elles ont des perspectives et des années d'expérience dans ce domaine, ce qui peut être utile.
     J'aimerais également souligner qu'il y a des organisations de la société civile, comme « It's Just 700 », qui se concentrent précisément sur les expériences des femmes dans les Forces armées canadiennes. Leurs points de vue devraient être entendus. Elles parlent aux femmes qui ont servi ou qui servent actuellement. Elles entendent parler d'expériences vécues.
    Permettez-moi d'aborder la question sous un autre angle. Au bout du compte, en raison de la Loi sur la défense nationale, et comme l'armée est, en fait, la seule organisation qui a le droit d'agresser pour tuer, pour ainsi dire, et qu'elle est responsable de la gestion de la violence, toutes ces organisations civiles, même si elles sont absolument importantes, n'ont pas nécessairement les antécédents et l'expertise nécessaires pour expliquer pourquoi une armée doit faire partie d'une démocratie, mais un peu à l'écart, du fait qu'elle a des droits et des privilèges qui vont au-delà de ceux de la plupart des citoyens. Ce sont ces deux aspects, comme vous l'avez dit, que nous devons aborder.
    Qui, précisément, pourrait nous dire où se situent ces deux éléments dans ce contexte?
    J'en suis conscient, mais la question dont nous parlons est celle de la conduite interpersonnelle des membres d'une équipe. Dans ce contexte, il y a des organisations qui comprennent cette dynamique et, comme je l'ai dit, qui nous aident à comprendre les multiples points de vue et perspectives qui doivent être réunis.
    Monsieur English.
    Pour moi, la clé, c'est un groupe multidisciplinaire englobant de nombreux points de vue différents. L'argument de Mme Alleslev est très valable, car il faut des gens qui comprennent la culture militaire, parce que pour lire certains documents, il y a un langage bureaucratique, et il y a des codes et des choses qui sont dites. Si vous ne comprenez pas cela, alors vous ne comprenez pas ce qu'on se dit.
    En fin de compte, quand il y a une récompense à la clé, l'e travail est fait. Le général Vance a été promu cinq fois en 10 ans, ou une fois tous les deux ans, du grade de lieutenant-colonel à celui de général. Sa réussite opérationnelle a été récompensée, et les forces ont toujours accordé la priorité à la réussite opérationnelle. Cela ferait l'objet d'un débat intéressant.
     Pourriez-vous nous parler de la conduite...
    Je suis désolée. Votre temps est écoulé.
    Merci.
    Monsieur Bagnell, s'il vous plaît.
    Je vais partager mon temps avec M. Bagnell.
    Allez-y, madame Vandenbeld.
    Je n'ai qu'une brève question à poser à M. Okros, puis je partagerai mon temps de parole.
    C'est à propos de ce que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire au sujet des choses quotidiennes qui peuvent miner l'identité et le sentiment d'appartenance.
    Je sais que nous parlons de formes très évidentes d'inconduite sexuelle, ou même de violence sexuelle ou d'agression sexuelle, mais ce sont vraiment ces interactions quotidiennes qui créent la culture. Ce sont les petites choses qui arrivent aux gens tout au long de leur vie professionnelle.
    Ce sont des choses comme une blague indécente qui est racontée devant d'autres personnes pour tenter d'humilier et de diminuer quelqu'un. Si la femme porte plainte, elle est attaquée. On lui a dit qu'elle n'a pas le sens de l'humour.
    Il s'agit même de déclarations méprisantes et condescendantes comme « C'est ce que vous croyez », ou d'autres formes de microagressions fondées sur le sexe et de langage tendancieux. D'après ce que vous avez dit, les choses que les gens vivent tous les jours forment vraiment la culture, qui permet ensuite les pires formes d'inconduite sexuelle.
    Pouvez-vous nous parler un peu de l'impact sur les femmes, mais aussi sur l'institution, de ce genre de microagressions?

  (1440)  

    Au-delà de cela, il y a la question de la création de hiérarchies sociales. Chaque milieu de travail, chaque groupe, a des hiérarchies sociales allant de qui est le plus important à qui est le moins important. Ce sont des choses qui sont généralement contrôlées au moyen de paroles et de références sexualisées ou racialisées.
    Comme l'honorable députée l'a mentionné, lorsque les gens font des commentaires narquois, lorsque les femmes font une observation et sont ignorées tandis que leurs collègues masculins disent exactement la même chose et sont applaudis, ce sont les choses qui, jour après jour, signalent qui est important et valorisé et qui ne l'est pas.
    Lorsque les gens cherchent à créer ces hiérarchies et à les contrôler en récompensant certaines personnes en fonction de leurs caractéristiques et en attaquant d'autres, c'est ce qui commence à porter atteinte à l'identité et à l'appartenance.
    Il est important que nous le reconnaissions. Ce n'est pas propre aux militaires. J'ai essayé d'identifier certaines facettes de l'armée, comme l'importance accordée à la conformité normative, l'obéissance à l'autorité, les différences de grade et les différences de pouvoir. Cela peut accentuer et compliquer la situation.
    Comme je l'ai dit, ces choses sont essentielles à l'efficacité opérationnelle, mais ce sont des armes à double tranchant parce qu'elles sont utilisées contre les gens également.
    Merci, madame la présidente.
    Allez-y, monsieur Bagnell.
    Je remercie les témoins. Vous nous avez beaucoup aidés. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires.
    Je vais simplement poser quelques questions, car le temps nous manque.
    Je vais peut-être commencer par Mme von Hlatky, puis je passerai à Mme English.
    Je pense que vous nous avez tous convaincus que la culture est le problème majeur. J'aimerais que vous nous parliez de quelques mesures plus techniques, par exemples des plans d'action, des mesures à prendre en premier lieu.
    Que faisons-nous exactement maintenant pour changer la culture qui, selon vous, doit être changée?
    C'est ma principale question.
    Madame von Hlatky, je ne sais pas quel a été votre travail, mais à la fin de cette réponse, pouvez-vous nous dire si vous avez remarqué cette culture dans d'autres organisations?
    Monsieur English, j'ai trouvé intéressant que vous ayez fait une étude sur l'histoire de l'armée. Quelle était la situation par le passé?
    Je peux commencer et ce sera très bref.
    J'ai essayé d'esquisser quelques pistes pour l'avenir, parce que je pense que la culture se manifeste par des choses comme le leadership et ce qu'on dit lors de la formation, par exemple. J'ai essayé de mettre en lumière certaines voies à suivre.
    Pour ce qui est de la façon de changer la culture, je pense qu'il faut cultiver une conscience des comportements qui peuvent sembler inacceptables pour quelqu'un de l'extérieur, mais qui, au sein de l'organisation, sont courants dans les pratiques quotidiennes dans la mesure où ils deviennent invisibles. Cela fait partie de l'idée de changement de culture. Il s'agit de cultiver une prise de conscience individuelle et collective au sujet des comportements et des pratiques qui posent problème, mais que des interactions répétées et des pratiques quotidiennes ont enfouis sous le couvert de la normalité. C'est ce qu'il est important de découvrir, et c'est pour cela qu'un engagement externe est particulièrement nécessaire et a été préconisé aujourd'hui.
     Merci.
    Je crains que votre temps soit écoulé, monsieur Bagnell.
    Monsieur Brunelle-Duceppe.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ce sera mon dernier tour de parole. Je veux donc remercier les témoins du temps qu'ils nous ont consacré. Nous leur sommes franchement reconnaissants d'avoir pris le temps de répondre à nos questions et d'avoir apporté leur expertise à nos débats.
    Ma dernière question s'adresse à Mme von Hlatky.
    Professeure Hlatky, depuis que nous tenons ces séances, on nous a souvent dit qu'il y avait des mesures qui étaient peut-être négatives en ce qui a trait au processus de signalement, c'est-à-dire que des mesures qui sont associées à l'opération Honneur auraient peut-être fait baisser le nombre de signalements. Nous savons que c'était M. Vance qui était maître d'œuvre de cette opération.
    Selon vous, ces mesures existent-elles? Quelles sont-elles?

  (1445)  

    Excusez-moi, mais je ne suis pas certaine de comprendre la question.
    Excusez-moi. Ce n'était peut-être pas clair. C'était peut-être mal dit.
    Dans le cadre de l'opération Honneur, des mesures avaient été mises en place. On a vu qu'il y a eu des baisses de signalements.
    Selon vous, parmi les mesures associées à l'opération Honneur, quelles mesures auraient pu influer sur le nombre de signalements?
    Je pense que certaines mesures mises en place ont sûrement encouragé certaines personnes à se manifester et à participer au processus de signalement.
    En même temps, l'obligation de signaler impose une contrainte aux victimes et aux survivants, ce qui est un problème, selon moi.
    Je vais réitérer le fait que je crois vraiment que l'approche à privilégier est celle visant à ce que les victimes et les survivants aient l'absolue maîtrise de ce processus, qu'ils se sentent en confiance. Il faut mettre leurs besoins au centre des préoccupations quand on met au point ce genre de processus.
    En tant que femme et experte dans le domaine, quelle devrait être, selon vous, la priorité des Forces armées canadiennes en ce qui a trait à la question des comportements sexuels inappropriés?
    Il faudrait restaurer un climat de confiance, d'abord et avant tout. Sans ce climat de confiance, on va toujours avoir des problèmes en matière de signalement.
    Comme je l'ai mentionné dans mon énoncé, on a accumulé des données depuis cinq ans. Les données sont importantes, mais on a aussi trouvé de petits angles morts.
    Une autre question importante à souligner, c'est celle de l'abus de pouvoir et des asymétries de pouvoir entre individus, qui sont exacerbés par la hiérarchie assez rigide que l'on retrouve dans les Forces armées canadiennes. À mon avis, en tant que chercheuse, c'est l'autre priorité, l'autre question qu'il faut examiner en profondeur.
    En ce qui concerne la confiance, cela passerait peut-être par le ministre de la Défense nationale...

[Traduction]

    Merci.
    La parole est maintenant à M. Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Étant donné que c'est moi qui ai demandé que nous passions aux prochaines étapes, surtout compte tenu de l'importance de la question du rétablissement de la confiance, j'aimerais remercier les témoins d'aujourd'hui, et je vais céder mon temps de parole pour que nous puissions donner suite à cette discussion.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Au nom de tous les membres du Comité, j'ai beaucoup appris aujourd'hui.
    J'ai beaucoup lu sur le sujet et j'ai beaucoup appris. Je vous suis très reconnaissante d'avoir pris le temps, malgré vos horaires très chargés, de vous joindre à nous aujourd'hui. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion. J'espère que cela nous permettra d'améliorer les choses.
    Nous allons rester en contact. Peut-être aurons-nous encore besoin de votre aide à l'avenir.

[Français]

    Je remercie tous les témoins.

[Traduction]

    Je vous souhaite beaucoup de succès.
    Mesdames et messieurs les députés, l'ancien ombudsman a demandé la présence de son conseiller juridique mercredi. Cette demande n'a rien d'extraordinaire, mais il faut la permission du Comité.
    Quelqu'un s'oppose-t-il à ce qu'on lui permette de venir avec son conseiller juridique?
     Madame la présidente, j'ai une question.
    D'accord.
    Étant donné que, la dernière fois dont nous en avons discuté, il a été déterminé qu'il bénéficierait du privilège parlementaire, quelle serait la ligne de conduite à suivre si son avocat lui conseillait de ne pas répondre à une question? S'il est libéré de tout devoir de réserve par le gouvernement, pourquoi aurait-il besoin de son avocat?

  (1450)  

    Comme je l'ai dit, ce n'est pas une demande extraordinaire.
    S'il ne répond pas à une question et que vous voulez une réponse, je pense que le Comité répétera la question. S'il ne répond pas alors que le Comité lui demande de répondre, cela devra alors être soumis à la Chambre. C'est là que ça ira. Ce sera l'étape suivante.
    Merci, madame la présidente.
    D'accord? Il n'y a pas d'objection à ce que notre témoin soit accompagné de son conseiller juridique? D'accord. C'est bien. Merci.
    Il nous reste 10 minutes.
    Monsieur Garrison.
    Merci.
    J'ai appris seulement aujourd'hui que nous projetons de tenir une réunion spéciale la semaine prochaine, et il serait utile pour nous tous... Je sais que l'avis officiel n'a pas été envoyé et...
    Il n'a pas été envoyé parce que ce n'était pas confirmé, mais je peux vous dire maintenant que l'ombudsman a accepté de comparaître.
    Très bien. Je ne fais là aucune critique. Je sais que nous avançons rapidement, mais étant donné que c'est le cas, et que l'ombudsman militaire comparaîtra, j'ai un commentaire et une question.
    Comme il relève du ministre de la Défense nationale je suppose que nous lui demanderons s'il a été libéré de tout devoir de réserve pour son témoignage, parce qu'il n'est pas un agent du Parlement, et on a tendance à l'oublier. Il relève du ministre de la Défense nationale. Je ne suis pas certain — et c'est peut-être la première question à lui poser — que nous puissions être sûrs que s'il choisit de répondre ou non aux questions, c'est en se fondant sur ses propres conseils juridiques et non sur les instructions du ministère.
    Ma deuxième question est la suivante. Maintenant que nous le convoquons, je crois que nous devrions offrir au ministre la possibilité de revenir devant le Comité, après son témoignage, pour faire toute autre déclaration qu'il souhaiterait faire et apporter toutes les précisions qu'il voudrait apporter sur la situation actuelle concernant le deuxième chef d'état-major de la Défense qui fait l'objet d'une enquête.
    Si vous le souhaitez, je pourrais le faire au moyen d'une motion officielle, mais j'aimerais que nous acceptions d'inviter le ministre à répondre après l'audition de ce témoignage. J'espère qu'on sera d'accord pour le faire.
    Qui voudrait répondre à cette question?

[Français]

    Monsieur Robillard, vous avez la parole.

[Traduction]

    Oui. J'aimerais savoir une chose. Ne sommes-nous pas censés entendre seulement un témoin?

[Français]

    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Un francophone parle en anglais et l'interprète ne peut pas traduire ses propos. C'est vraiment la première fois que je vois cela.

[Traduction]

    Vous êtes...

[Français]

    Je vous remercie de vos commentaires, monsieur Brunelle-Duceppe.
    Je vais donc poser ma question en français.
    Nous devions recevoir une personne. Nous avons déjà rencontré le ministre, mais on parle de le rencontrer de nouveau, en même temps qu'un expert. Est-ce cela?

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Pourriez-vous lui demander de déplacer son microphone...
    M. Bezan était le premier, s'il vous plaît.
    Je n'ai pas entendu M. Robillard. Pourrait-il rapprocher son microphone pour que nous puissions l'entendre?

[Français]

    Je ne voudrais pas prendre trop de temps.
    Je me demande pourquoi on ajoute des témoins pour mercredi, alors qu'il ne devait y en avoir qu'un seul.

[Traduction]

    D'accord. Bien.
    Monsieur Bezan, s'il vous plaît.
     Madame la présidente, pour répondre à la question de M. Robillard, ce problème continue de prendre de l'ampleur au sein des Forces armées canadiennes. Je crois que le ministre doit maintenant réagir à ce qui s'est passé avec le chef d'état-major de la Défense. Comme M. Garrison l'a fait remarquer, je pense qu'il serait juste de lui permettre de répondre au témoignage que nous entendrons de M. Walbourne la semaine prochaine, et parce que cela mine le moral des Forces armées canadiennes. Je crois que chacun d'entre nous doit être complètement bouleversé par ce qui a été dit ici au cours des cinq ou six dernières semaines.
    Les Canadiens méritent des réponses. Nous devons rétablir la confiance de nos hommes et de nos femmes en uniforme, et la seule façon d'y parvenir, c'est d'assurer une certaine transparence, ce qui fait actuellement défaut au gouvernement.
     Je suis également d'avis que nous devons convoquer certains de nos principaux commandants militaires, de la Marine, de la Force aérienne, du COIC, de l'Armée de terre, de l'OTAN, du NORAD, nos principaux commandants, pour savoir ce qu'ils savent et pour voir s'ils ont déjà été confrontés à des cas d'inconduite sexuelle. Nous envisageons de remplacer notre CEMD actuel.
     Je crois que c'est probablement l'un des dossiers les plus importants que nous allons étudier à ce comité au cours de la présente législature. Je pense qu'il est également de plus en plus évident que c'est une question qui préoccupe de plus en plus les Canadiens et que nous devons rétablir la confiance. La meilleure façon de le faire en tant que parlementaires est d'élargir la portée de cette étude et de l'approfondir davantage.

  (1455)  

    Merci, monsieur Bezan.

[Français]

    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    C'est un plaisir pour moi de formuler ces commentaires, monsieur Robillard.
    Je suis d'accord jusqu'à un certain point avec MM. Garrison et Bezan. D'après ce que je comprends, la motion qui sera peut-être déposée proposerait que nous entendions le témoignage du ministre tout de suite après avoir entendu celui de l'ancien ombudsman.
    Pour ma part, je suggère que nous voyions mercredi prochain ce que nous aurons appris lors de la rencontre avec l'ancien ombudsman. À la suite de cela, nous pourrons prendre une décision. Tout comme MM. Garrison et Bezan, je serai prêt, après la rencontre de mercredi prochain avec l'ancien ombudsman, à voter avec vous pour que le ministre soit invité, si c'est ce que vous voulez. Il est possible que nous voulions inviter d'autres témoins à la suite du témoignage de l'ancien ombudsman.
    Voici donc ce que je propose: attendons à mercredi prochain, après le témoignage de l'ancien ombudsman, afin de voir ce qui se passe, puis nous déciderons s'il y a lieu d'inviter le ministre, voire d'autres personnes. En effet, il se peut que nous apprenions d'autres choses mercredi.
    En résumé, je suggère que nous reprenions cette discussion après le témoignage de l'ancien ombudsman et que nous prenions alors une décision pour ce qui est d'inviter le ministre ou peut-être d'autres personnes. Ce serait un genre de compromis, mais je pense que cette façon de faire est plus responsable, étant donné que nous ne savons pas ce que nous allons apprendre mercredi. Nous ne savons pas s'il sera nécessaire d'inviter d'autres personnes.
    Pourrions-nous tenir un vote?

[Traduction]

    Y a-t-il d'autres interventions?
     Monsieur Garrison.
    Merci, madame la présidente.
    Tout ce que je propose ici, c'est que nous invitions le ministre à comparaître devant le Comité après le témoignage de l'ombudsman, s'il le souhaite. Je ne propose pas le même jour, comme M. Robillard semblait le laisser entendre. Je pense que c'est l'une des raisons.
    La deuxième raison, c'est que nous avons une deuxième question qui a été soulevée en public, à savoir les reportages des médias selon lesquels nous avons un deuxième chef d'état-major de la Défense qui semble faire l'objet d'une enquête depuis un certain temps. Nous ne savons pas trop quand les sanctions ont été prises, s'il y en a eu, ou si la suspension était volontaire. Il s'agit d'une deuxième série de questions que nous n'avions pas au début de nos audiences ou de notre étude. Pour cette raison, j'enverrais cette invitation au ministre aujourd'hui même pour lui laisser le temps de voir s'il veut répondre à ces deux questions.
    Quant à savoir s'il y aura d'autres témoins, je suis d'accord avec M. Brunelle-Duceppe pour dire que la question de l'audition d'autres témoins devrait être remise à plus tard. Tout ce que je propose aujourd'hui, c'est qu'on offre cette possibilité au ministre.
     D'accord.
    Notre prochaine réunion officielle aura lieu le 8 mars. Si vous le souhaitez, nous pouvons y consacrer une partie du temps réservé aux travaux du Comité, ou nous pouvons tenir une réunion du comité de direction, après quoi nous pourrons discuter de ce sujet. De cette façon, vous aurez toute l'information.
    Que pensez-vous d'attendre une semaine?
    Madame la présidente, c'est une bonne suggestion.

  (1500)  

    Madame la présidente, est-ce que le comité de direction aurait lieu pendant une journée de séance ou un créneau prévu à l'horaire de notre comité ou est-ce que ce serait à un autre moment?
    Cela dépend des ressources de la Chambre. Si nous souhaitons trouver un autre moment après le 8 mars, nous en ferons la demande, et nous verrons si nous pouvons trouver un moment adéquat. S'il n'y a pas de créneaux supplémentaires, nous devrons peut-être utiliser l'un de ceux du Comité.
    Merci.
    Est-ce notre plan? Si tout le monde est d'accord, nous tiendrons une réunion après le 8 mars et nous réserverons du temps pour discuter de cette question.
    Des voix: D'accord.
    La présidente: Très bien, nous avons un plan.
    Merci à tous. Je pense que cette séance a été très utile.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU