Bienvenue à la 17e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes.
Compte tenu de la pandémie qui se poursuit et à la lumière des recommandations des autorités sanitaires, ainsi que de la directive du Bureau de régie interne du jeudi 25 novembre 2021, pour demeurer en santé et en sécurité, toutes les personnes présentes dans la salle doivent maintenir entre elles une distance de deux mètres et porter un masque non médical lorsqu'elles circulent. Il leur est fortement recommandé de porter le masque en tout temps, y compris lorsqu'elles sont assises. Les participants doivent maintenir une bonne hygiène des mains en se servant du désinfectant fourni dans la pièce. Veuillez ne pas vous rendre à la salle si vous avez des symptômes.
Je rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Lorsque vous ne parlez pas, veuillez mettre votre microphone en sourdine et laisser votre caméra allumée.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 1er février 2022, le Comité reprend son étude des résultats différentiels dans les décisions d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.
C'est avec plaisir que je présente les témoins pour cette étude importante. Aujourd'hui, nous recevons en personne Mme Sabreena Ghaffar-Siddiqui, professeure et membre du Comité directeur de l'Ontario au Centre canadien de politiques alternatives. Nous accueillons aussi M. MD Shorifuzzaman, consultant réglementé en immigration canadienne de Guide Me Immigration Inc. La troisième organisation du groupe de témoins d'aujourd'hui, la Rainbow Refugee Society, est représentée par Mme Sharalyn Jordan, qui en est présidente, et par M. Aleks Selim Dughman-Manzur, co‑directeur exécutif, Programmation et plaidoyer.
Bienvenue à tous les témoins. Merci de témoigner devant le Comité dans le cadre de cette importante étude. Les témoins auront tous cinq minutes pour faire leur déclaration liminaire, et nous passerons ensuite aux séries de questions.
Nous allons commencer par Sabreena Ghaffar-Siddiqui, qui représente le Centre canadien de politiques alternatives.
Veuillez commencer. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
Nous avons remis des données et des études à Mme Bond, mais pour gagner du temps, je vais me contenter de vous faire part de mes réflexions.
Je pense qu'il est important de déterminer comment nos préoccupations et notre prédisposition par rapport au système de points empêchent notre système d'immigration d'atteindre son véritable objectif, c'est‑à‑dire bâtir des communautés saines. L'Indice canadien du mieux-être repose sur des valeurs canadiennes. Il commence par la conviction que notre valeur de base est le principe d'un destin commun, à savoir que la société est mieux façonnée grâce à une action collective et qu'il y a une limite à ce que des gens qui agissent seuls ou — je vais même ajouter — qui sont seuls peuvent accomplir.
Pour que les immigrants et l'immigration connaissent du succès, il faut que ce soit dans le cadre d'un concept de développement communautaire. Cela nous mène à mon premier point à propos de la relation entre les valeurs et la politique.
La réunification des familles est devenue un mode de migration par rapport auquel le système est manifestement très sceptique, ce qui explique la surveillance policière, la réglementation et les mesures de sécurité à cet égard. Or, si la politique et son application tenaient compte de nos valeurs canadiennes en les reprenant, la question de la réunification serait centrale. Nous voudrions bâtir des communautés saines. Nous voudrions que les immigrants soient dans des relations saines.
La recherche montre que les personnes dans la catégorie du regroupement familial s'en sortent mieux puisqu'elles ne font pas face au même type de problèmes d'intégration. Nous avons malheureusement marchandisé le soutien, entre autres par l'entremise de l'alphabétisation en anglais, langue seconde, des services d'aide à la recherche d'emploi et ainsi de suite, mais nous continuons d'examiner le processus de réunification des familles. Nous ne devons pas oublier que ce sont des êtres humains pour qui les relations et le sentiment d'appartenance commencent par la famille.
Donc, premièrement, nous devons accorder un rôle central à la notion selon laquelle la réunification des familles est le plus important moyen pour migrer.
Deuxièmement, il y a la prophétie du cynisme, qui se réalise d'elle-même. On a effectivement reproché à la politique d'immigration d'encourager le scepticisme envers les demandeurs de certaines régions. Je soutiens toutefois que la façon dont le programme fonctionne semble reposer davantage sur une forme de cynisme. Certains des préjugés et des microagressions qu'on a observés au sein du ministère, parmi les gens qui font ce travail, se retrouveront naturellement dans leurs suppositions et leurs prédispositions par rapport aux gens qui veulent déjouer le système selon eux.
Par exemple, lorsque nous regardons le dossier d'un demandeur d'une région rurale du Botswana, où les relations et les mariages diffèrent beaucoup, nous nous servons d'une norme canadienne pour évaluer l'authenticité du mariage, d'un point de vue ethnocentrique, subjectif et discriminatoire, et nous nous attendons à trouver un menteur ou un tricheur à cause de stéréotypes raciaux associés à la région.
Lorsqu'on applique une politique en supposant que la majorité des personnes qui suivent le processus trichent, on est partial, on trouve ce qu'on s'attend à trouver ou le résultat du processus d'unification comporte des lacunes.
Le principal objectif de la politique devrait être de réunir des gens, pas de trouver des tricheurs. Or, la quantité de ressources utilisées pour tenter de prouver que ces relations ne sont pas réelles est disproportionnée. Si quelque chose se produit en parallèle, nous ne pouvons pas assujettir des régions entières à la même norme. Il est rare qu'un Américain ou un Européen doive fournir les mêmes preuves. Les taux de refus pour ces pays sont très faibles. Est‑ce parce que les mariages sont authentiques ou parce qu'on ne s'attend pas à ce que les demandeurs mentent, qu'ils ne doivent pas fournir de preuves supplémentaires ou faire l'objet d'un examen?
Le biais de confirmation peut faire en sorte qu'on trouve ce qu'on cherche. Le problème est alors la politique, les préjugés des gens qui la mettent en œuvre ainsi que les choix qui sont laissés à leur discrétion.
Comment pouvons-nous faire en sorte que les demandes sont traitées de manière équitable?
Nous devons d'abord consacrer du temps et de l'énergie pour cerner le problème. Nous avons besoin de données pour montrer le pourcentage de dossiers de réunification qui font l'objet de demandes extraordinaires au fil du temps et déterminer à quels endroits ils sont prédominants. La prise de mesures supplémentaires pour certaines régions sans s'appuyer sur des données ou une politique ne devrait pas constituer la norme.
La recherche doit aussi être faite par des chercheurs racisés. Je vais en dire plus long là‑dessus tantôt. Nous devons aussi nous demander à quel point il est avantageux de questionner l'instigateur sur la persistance du phénomène. Pour déterminer si les agents d'immigration s'adonnent à des microagressions, ce n'est pas à eux qu'il faut poser la question. La méthode doit être centrée sur la voix et l'expérience des victimes.
Je vais sauter certaines choses et passer à mon dernier point à considérer.
Lorsque nous regardons les plaintes provenant du ministère, nous constatons que des gens sonnent l'alarme à propos de la culture et de l'environnement potentiellement racistes dans ces milieux, ce qui attire notre attention sur la diversité, l'équité et l'inclusion. Nous devons diversifier le bassin d'agents pour améliorer l'interprétation culturelle au ministère.
Il faut une formation sur la lutte contre le racisme. Elle ne devrait pas être offerte dans le but de régler le problème. Je peux vous dire que ce ne sera probablement pas le cas. Ce qu'elle fera, c'est créer un système de reddition de comptes pour tenir les gens responsables de leurs actes.
La formation peut être bonne ou mauvaise. La formation modulaire en ligne est mauvaise. La formation en personne est bonne.
Merci.
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Merci, madame la présidente, distingués membres du Comité et témoins. Veuillez accepter mes salutations. Que la paix d'Allah soit avec vous.
Je suis un consultant réglementé en immigration canadienne à Guide Me Immigration Consulting Incorporated en Saskatchewan. Permettez-moi de commencer par une offre d'emploi dans le cadre du programme des candidats immigrants de la Saskatchewan. Je crois que le programme souffre beaucoup du comportement raciste d'IRCC, qui établit de bien des manières une distinction entre les différents pays et les différents demandeurs de ces différents pays.
L'économie de la Saskatchewan est durement touchée par le traitement déraisonnable et long des demandes de résidence permanente et de permis de travail temporaire appuyées par les programmes mentionnés. Le principal objectif du programme des candidats immigrants de la Saskatchewan est d'aider les employeurs à embaucher des travailleurs étrangers qualifiés pour répondre à leurs besoins immédiats en main-d'œuvre. Cela dit, un nombre considérable de demandes de permis de travail présentées par l'entremise du programme, et qui proviennent surtout du Bangladesh, de l'Inde et de quelques pays asiatiques, sont rejetées tous les mois, principalement pour une raison courante: « Je ne suis pas convaincu que vous allez quitter le Canada à la fin de votre séjour, compte tenu de vos actifs et de votre situation financière, ou de l'objet de votre visite, ou de vos liens avec le pays de résidence, de votre emploi actuel ou de vos antécédents de voyage.
Même si les demandeurs ont une double intention et que leur principal objectif est de devenir résident permanent, le refus de ces demandes en invoquant ces motifs est considéré comme déraisonnable et malheureux par de nombreux employeurs canadiens. Par conséquent, les employeurs saskatchewanais, qui sont sans recours, et l'économie souffrent continuellement d'une disponibilité de main-d'œuvre imprévisible qui ne répond aucunement aux besoins actuels du marché.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que les personnes qui ont présenté une demande au moyen du portail en ligne pour la résidence permanente à l'extérieur du Canada n'ont pas reçu d'accusé de réception, même 16 mois plus tard, alors que celles qui présentent une demande au Canada ou dans certains pays européens ou occidentaux ont déjà reçu leur demande d'examen médical, et elles s'attendent à recevoir dans quelques mois la confirmation de leur résidence permanente, contrairement aux demandeurs de pays asiatiques.
Permettez-moi de mettre un peu l'accent sur le programme des aides familiaux, qui peut donner un exemple du mauvais traitement réservé aux travailleurs étrangers qui ne ménagent aucun effort pour protéger les gens vulnérables dans nos collectivités. Malheureusement, les programmes pilotes d'aide aux aînés et aux enfants deviennent dramatiques pour ces travailleurs sans défense, qui sont séparés de leurs familles, sans emploi, sans aide médicale et sans moyen évident de devenir résidents permanents. Certains d'entre eux sont à l'étranger au milieu de nulle part, puisque la situation en matière d'emploi peut avoir changé pendant le long délai.
Les étudiants étrangers sont considérés comme une solution miracle pour l'économie. Or, de nombreux étudiants bangladais dénoncent une discrimination dans leur processus de demande puisqu'ils ne peuvent pas profiter du programme Volet direct pour les études malgré les liens économiques robustes et de longue date entre le Bangladesh et le Canada.
J'ai aussi un nombre considérable de clients qui m'ont dit que les taux d'approbation des permis d'études sont plus élevés lorsque quelqu'un présente une demande pour l'Ontario, la Colombie-Britannique ou le Québec. Lorsque nous regardons les chiffres, nous voyons que le nombre d'étudiants qui obtiennent un permis d'études dans ces provinces est beaucoup élevé qu'en Saskatchewan. La province est donc privée d'avantages économiques que procurent les étudiants étrangers, et elle reçoit aussi beaucoup moins de diplômés des cycles supérieurs pour sa main-d'œuvre.
Enfin, je veux attirer votre attention sur les programmes d'entrepreneuriat. Des entrepreneurs, des investisseurs et des gens d'affaires ayant fait leurs preuves et venant du monde entier veulent se servir de leurs propres fonds, de leurs compétences et de leurs connaissances du monde des affaires pour investir dans notre pays. Bien entendu, le programme contribue à la création d'emplois, plus que tout autre programme d'immigration. Malheureusement, le Canada n'offre que quelques programmes d'immigration peu performants, contrairement à d'autres pays développés comme l'Angleterre, les États-Unis et l'Australie.
Les programmes d'entrepreneuriat du Canada sont longs, compliqués et parsemés d'obstacles stratégiques. La conjoncture défavorable mène ces investisseurs et ces innovateurs vers d'autres pays. Nous cherchons des emplois et nous tentons d'augmenter les possibilités d'emploi, mais nous nous opposons aux investisseurs qui peuvent créer ces débouchés.
À mon avis, ces entrepreneurs doivent être sur un pied d'égalité dans le système d'immigration, ou même se faire accorder la priorité, afin de pallier les pressions économiques imprévues attribuables aux autres programmes d'immigration.
Merci, madame la présidente.
Au nom de la Rainbow Refugee Society, je vous remercie de cette occasion de m'adresser au Comité.
Nous nous joignons à vous, Mme Jodan et moi-même, à partir du territoire ancestral non cédé des Premières Nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
La Rainbow Refugee Society est la fière intendante du Rainbow Refugee Assistance Partnership, ou RRAP, qui est un partenariat national. Avec nos collaborateurs de la Rainbow Coalition for Refuge, nous avons créé des cercles de parrainage pour soutenir la communauté LGBTQI dans 25 collectivités d'un bout à l'autre du Canada. Notre témoignage s'appuie sur 22 années de travail direct avec des gens qui demande l'asile parce qu'ils sont persécutés à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité et expression de genre.
Dans un contexte mondial où la persécution liée à la diversité sexuelle est omniprésente, les réactions hostiles à l'égard des communautés LGBTQI augmentent, surtout dans les zones de guerre. Le Canada doit remplir ses engagements internationaux en matière de droits de la personne en offrant aux réfugiés LGBTQI un passage rapide et accessible vers la sécurité et des collectivités d'appartenance, peu importe leur origine ethnique, leur race, leur pays d'origine ou leur emplacement géographique.
Comment pouvons-nous mesurer la valeur d'une vie humaine? La vie d'une personne LGBTQI de l'Ukraine mérite‑t‑elle plus d'être protégée que la vie d'une personne queer qui fuit l'Ouganda, le Sri Lanka, l'Éthiopie ou l'Afghanistan? D'après notre expérience, les possibilités qui s'offrent à ces personnes pour se mettre en sécurité ne sont pas du tout les mêmes.
Une personne LGBTQI de l'Ukraine peut se rendre au Canada beaucoup plus rapidement à l'aide d'un visa temporaire et avoir droit à des services d'établissement, tandis qu'un Afghan LGBTQI n'a pas cette option, et on fait preuve de réticence au moment de lui accorder un permis de séjour temporaire pour voyager. La Rainbow Refugee Society, en tant qu'intendante du RRAP, a pu constater elle-même d'énormes disparités dans les délais de traitement et les normes applicables pour les demandeurs de parrainage venant de l'Afrique et de pays d'Asie du Sud et ceux venant d'Europe ou du Moyen-Orient. En 2017, des Ougandais qui ont fui à cause du projet de loi prévoyant la peine de mort pour les gais ont dû attendre entre six et huit ans, alors que les Afghans au Pakistan doivent attendre cinq ans et que le traitement des demandes dans d'autres régions prenait de un à deux ans. Compte tenu de ces disparités, Rainbow Refugee a préconisé l'égalité dans les délais de traitement et des parcours plus sécuritaires pour les réfugiés LGBTQI au Kenya.
En 2019, de concert avec IRCC, nous avons mis à l'essai une voie d'accès à l'aide du Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas. En 2020, les initiatives pour égaliser les délais de traitement commençaient à fonctionner, mais nous craignons que l'affectation des ressources pour le retour à la capacité opérationnelle après la COVID se traduise encore une fois par le renforcement du racisme.
Nous avons également observé des disparités dans la façon dont les demandes sont traitées. Les suppositions des agents des visas lorsqu'ils procèdent à un examen rendent compte de préjugés inconscients, de stéréotypes manifestes et d'ethnocentrisme. Les attentes occidentales des agents relativement à l'identité et aux communautés LGBTQI ne sont pas universelles, et ils traitent la bisexualité comme si ce n'était pas une catégorie queer à part entière. Ils peuvent également examiner des demandes à la recherche d'une fraude en se fiant uniquement à la nationalité.
De plus, nous ne devons pas oublier que le parcours des réfugiés ne commence pas à leur arrivée au Canada. Des politiques du Canada, comme certaines interdictions et l'Entente sur les tiers pays sûrs, empêchent des gens qui ont besoin d'une protection d'atteindre ou de traverser nos frontières. Ces mesures font en sorte que les réfugiés sont plus susceptibles d'être exploités ou maltraités, et elles rendent plus dangereuse la situation des réfugiés LGBTQI venant de pays du Sud.
IRCC collabore avec l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, une institution qui a le pouvoir de refuser l'accès au pays, de détenir et d'expulser des gens. Nous avons remarqué que les réfugiés de pays africains sont beaucoup plus susceptibles d'être détenus. Le racisme contre les Noirs est pire pour les personnes dont l'identité de genre diffère et pour les personnes transsexuelles. L'évaluation de l'agent pour déterminer qui représente une menace ou qui se soustraira vraisemblablement au renvoi a également tendance à reposer sur des préjugés inconscients ou des stéréotypes.
Les pouvoirs de l'ASFC pour détenir ou expulser des gens ont un effet négatif important sur les réfugiés LGBTQI, qui se poursuit jusqu'au règlement de leur dossier. Les gens ont peur d'appeler la police par crainte que leurs renseignements soient transmis à l'ASFC. Certains endurent des situations de violence plutôt que d'appeler la police. Les femmes transgenres de couleur sont touchées de manière disproportionnée, mais l'ASFC n'a toujours pas de comptes à rendre à un organisme de surveillance civil. Tous les efforts pour s'attaquer au racisme systémique dans notre système d'immigration et de détermination du statut de réfugiés doivent se traduire par une surveillance civile de l'ASFC.
Pour conclure, le racisme systémique limite profondément les perspectives des réfugiés queer et trans, et il se manifeste dans les politiques, l'examen du parcours suivi et les soutiens offerts pour permettre ou restreindre la mobilité et l'établissement. On ne peut pas mesurer le racisme systémique en fonction des intentions. L'engagement d'IRCC en matière de lutte contre le racisme doit reposer sur une approche intersectionnelle qui comprend les réfugiés LGBTQI et qui s'attaque aux disparités dans les voies d'accès et les mesures d'urgence, aux préjugés et aux suppositions dans l'examen des demandes ainsi qu'aux politiques et aux pratiques à la frontière.
Merci. Mme Jordan et moi sommes impatients de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur présence et de l'information qu'ils nous donnent.
Je veux commencer par M. Shorifuzzaman, qui vient en fait de ma circonscription, celle de Saskatoon—Ouest. Vous avez parlé du programme des aides familiaux. C'est un sujet dont mes collègues du Parti conservateur et moi-même discutons. Il est important pour de nombreux groupes d'immigrants, qu'il s'agisse de Philippins, de Bangladais... toutes sortes de gens.
J'ai reçu environ 50 gazouillis à ce sujet au cours des derniers jours. Vous avez parlé de mauvais traitements. Pouvez-vous expliquer un peu plus ce que vous voulez dire en ce qui concerne le mauvais traitement réservé aux gens dans le cadre du programme des aides familiaux?
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Je vous remercie de poser cette question importante, monsieur Redekopp.
Je dirais, lorsqu'il s'agit du programme des aides familiaux... Ce programme a été offert en 2018, et beaucoup de demandeurs au Canada et à l'extérieur du Canada ont choisi ce programme pour venir au Canada — certains sont vulnérables — en espérant qu'après quelques mois d'expérience, ils seraient en mesure de soumettre leur demande de résidence permanente et qu'ils pourraient faire venir les membres de leur famille au Canada. Malheureusement, IRCC a accordé la priorité à d'autres programmes.
Je comprends que la COVID a eu de graves répercussions sur les activités. Or, je ne sais pas comment et pourquoi d'autres secteurs du gouvernement fonctionnent plutôt bien même après la situation de la COVID, tandis que dans le secteur de l'immigration, il faut exercer des pressions pour que le travail soit réalisé de façon efficace. Ce qui s'est passé, c'est que ce programme a été complètement négligé par IRCC.
Ces gens avaient un permis de travail valide. Ils ont demandé une prolongation. Ils ont demandé un statut valide, mais leur demande est en attente. Aucune décision n'a été prise concernant leur demande, ce qui explique pourquoi ils n'ont même pas pu renouveler leur carte d'assurance-maladie et d'autres ressources de base dont ils ont besoin au Canada, auprès des services sociaux.
Ce qui s'est passé, c'est qu'ils sont dans une situation où ils n'ont aucun espoir. Ils n'ont rien. Ils ont quitté les membres de leur famille depuis plus de quatre ans et ils ne peuvent même pas les voir.
Je dirais que, contrairement à d'autres programmes, comme... Comme vous l'avez mentionné, les personnes originaires des Philippines et d'autres pays constituent la majorité des personnes qui sont venues au Canada dans le cadre de ce programme. Il y a aussi des Bangladais et des Indiens. J'ai reçu plus de 200 demandes de renseignements au cours des deux dernières semaines et ils nous demandent d'examiner cette question.
Pendant que nous nous concentrons sur d'autres catégories d'immigration économique et d'autres programmes, nous devrions toujours nous préoccuper de ces personnes, qui donnent le meilleur d'elles-mêmes pour protéger nos communautés et les personnes vulnérables.
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Oui. Merci, monsieur Redekopp.
Si l'on examine la situation, il existe un volet spécifique, soit le Volet direct pour les études. Il permet à un étudiant de soumettre sa demande, même s'il a obtenu une note inférieure à l'examen de l'IELTS. Disons qu'un étudiant a obtenu une note de 6,0 et qu'il peut prouver qu'il peut transférer 10 000 dollars canadiens et qu'il a un certificat de placement garanti de 10 000 dollars canadiens. S'il peut montrer qu'il a ce certificat, cela augmente beaucoup ses chances d'obtenir un permis d'études, car l'agent des visas pense que l'étudiant a de l'argent pour financer ses études.
Comme je l'ai mentionné, le Canada et le Bangladesh ont des liens économiques et culturels robustes depuis très longtemps. De nombreux établissements d'enseignement aident leurs étudiants à avancer et à poursuivre des études au Canada. Nous pouvons nous attendre à ce qu'ils viennent au Canada pour poursuivre leurs études, mais lorsque les agents d'immigration évaluent leurs demandes, leur façon de penser fait en sorte qu'ils ont l'impression que les étudiants donnent tous ces documents simplement pour trouver une occasion de venir au Canada et d'y rester.
N'oubliez pas que nous aidons tous les étudiants qui viennent au Canada en les soutenant de toutes les manières possibles, afin qu'ils puissent faire partie de notre économie et essayer de rester ici. Malheureusement, dans le cas de quelques étudiants — ceux qui font une demande depuis le Bangladesh — l'agent examine le dossier en se disant « bon, il essaie seulement de venir au Canada par tous les moyens et je ne sais pas pourquoi; nous ne pouvons pas le laisser venir au Canada, même s'il a suffisamment de preuves de soutien financier et de fonds ».
C'est pourquoi j'ai le sentiment que le Bangladesh est victime de discrimination, comme d'autres pays qui ont le droit de soumettre des demandes par le Volet direct pour les études.
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Merci, madame la présidente.
Ma question s'adresse à Mme Sabreena Ghaffar-Siddiqui.
Je vous remercie de votre présence et de ce que vous faites pour la communauté.
Partout dans le monde, les immigrants commencent leur vie dans une culture puis, après avoir immigré, passent le reste de leur vie dans une autre culture généralement bien différente. Au départ, ils sont des initiés dans leur culture d'origine, dont ils comprennent les normes et les mœurs. Après avoir immigré, ils deviennent des étrangers dans la nouvelle culture et sont capables de conserver un certain statut d'initiés dans les communautés de leurs compatriotes immigrants de leur pays d'origine.
Existe‑t‑il un type de formation que nous pouvons offrir au personnel du ministère de l'Immigration qui pourrait lui permettre de connaître de l'intérieur la culture d'origine des demandeurs dont il étudie le dossier? Ou cela n'est‑il possible qu'en recrutant des agents d'immigration parmi les Canadiens issus de ces mêmes cultures ethniques et nationales?
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Merci beaucoup de la question. Je vais essayer d'être aussi brève que possible.
Vous parlez de cette idée de formation sur les compétences culturelles qui a, en fait, fait l'objet de nombreuses critiques au fil des ans, parce que nous avons compris que personne ne peut être compétent dans une autre culture. On peut être informé, mais on ne peut pas acquérir de compétences. C'est pourquoi mes recommandations visent davantage à diversifier le bassin d'agents, afin que ceux qui comprennent et connaissent déjà une autre culture puissent apporter leur expérience et leur expertise.
Ce n'est pas parce que ces personnes ne sont pas assez nombreuses au sein du ministère. Le rapport Pollara indique que les choses vont bien sur le plan de la diversité. Je l'ai entendu hier encore lors d'une réunion. Quelqu'un qui travaille à IRCC m'a dit que la composition du ministère semble être diversifiée. Le problème, c'est que les personnes qui prennent les décisions ne sont pas issues de ces cultures et de ces régions. Les personnes qui ont le pouvoir de prendre des décisions ne sont pas sensibilisées aux questions culturelles.
C'est pourquoi, dans mes recommandations sur la formation, je suis assez sceptique, parce qu'on ne peut pas vraiment former une personne pour qu'elle soit compétente dans la culture de quelqu'un d'autre, mais ce qu'on peut faire, c'est la conscientiser. Une chose que j'allais dire, mais je n'en ai pas eu le temps, c'est que, en ce qui concerne les modules de formation en ligne — les modules de formation sur la diversité, l'équité et l'inclusion —, les gens cliquent pour passer au volet suivant, puis au suivant, etc. Ils ne retiennent aucune information, en fait. Il est très facile de suivre une formation et d'obtenir un certificat et de ne rien savoir sur ce qu'on vient de lire.
Je recommande une formation qui favorise la participation, qui s'apparente davantage à un atelier. Des personnes converseraient avec d'autres personnes qui ont des expériences différentes, et on leur poserait des questions éthiques. En tant que professeure, c'est ce que je fais dans ma classe. Je pose des questions éthiques qui amènent les gens à penser autrement, et à la fin de la session, ils comprennent un peu mieux l'autre perspective.
Encore une fois, en raison de la pandémie, j'ai l'impression que les idées et les perspectives sont encore plus polarisées. Les gens se retrouvent encore plus à deux extrémités. La seule façon de nous rapprocher est de nous engager dans des discussions dans une même pièce ou dans une même session Web, mais dans des conversations, plutôt que de suivre une formation en ligne dans un module.
J'espère avoir répondu à la question.
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Absolument. Je pense que tout le monde dans cette salle se souvient du décès tragique des membres de la famille Afzaal, à London, en Ontario. Une chose que j'aime souligner, c'est que, même s'il s'agissait d'un incident islamophobe — nous savons que la personne qui a commis le crime était animée d'une haine islamophobe —, une chose que les gens ont tendance à ne pas comprendre, c'est qu'il ne savait pas s'ils étaient musulmans. Il les soupçonnait d'être musulmans, simplement par la façon dont ils étaient habillés. Ils étaient habillés exactement de la même façon qu'une famille sikhe ou une famille hindoue l'aurait été.
L'islamophobie touche en fait des personnes de toutes les régions du monde. On comprend mal qui est musulman et qui ne l'est pas. Le premier homme qui a été attaqué après le 11 septembre aux États-Unis, à New York, était un sikh qu'on a pris pour un musulman. Il a été tué par balle. Ce que je veux dire, c'est qu'à cause de l'islamophobie et de la haine contre les Asiatiques du Sud et contre les immigrants, les Asiatiques du Sud sont victimes de beaucoup de discrimination.
Les jeunes, en particulier, sont encore plus touchés, avec le passage à l'âge adulte et les questions identitaires. Nous constatons, même dans mes recherches, que les jeunes sont très perturbés. Ils ont très peur. Si une personne a peur de sortir se promener avec sa famille, qu'est‑ce que cela nous révèle sur son sentiment de bien-être et d'appartenance au Canada?
Je suis d'accord avec vous: ces types de programmes sont vraiment nécessaires et nous devons axer nos efforts là‑dessus.
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Merci infiniment, madame la présidente.
Nous accueillons aujourd'hui un groupe de témoins fantastique. Je n'aurai pas assez de temps pour poser toutes les questions que je voudrais poser.
Cela dit, je vous remercie d'être avec nous. Vos témoignages nous seront utiles pour la rédaction du rapport portant sur cette importante étude.
Monsieur Shorifuzzaman, vous étiez en train de répondre à la question de mon collègue du Parti conservateur, M. Redekopp. Vous disiez avoir vu, concrètement, du racisme à IRCC, mais vous n'avez pas eu le temps de terminer votre réponse. J'aimerais donc vous donner l'occasion de la compléter et de nous donner un exemple.
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Merci beaucoup de m'en donner l'occasion.
Je vois du racisme de différentes façons, surtout, comme je l'ai dit, pour les demandeurs ou les étudiants qui présentent une demande depuis le Bangladesh. Les données montrent que le rendement scolaire des étudiants bangladais au Canada — leur rendement scolaire et leur engagement à l'égard de l'économie canadienne — est impressionnant et remarquable. Malgré le fait que, lorsque les étudiants présentent leur demande, nous disposons de suffisamment de preuves pour démontrer qu'ils ont la capacité de venir au Canada et d'étudier, la raison que nous voyons toujours lorsque la demande est refusée, c'est essentiellement que l'agent des visas doute que l'étudiant retourne dans son pays d'origine après avoir terminé ses études.
Comme je l'ai dit, il en est ainsi même si nous dépensons beaucoup d'argent pour qu'ils restent au Canada et fassent partie de notre économie lorsqu'ils viennent au Canada. Je comprends la loi.
La deuxième chose, c'est que, même si un agent des visas a la capacité d'évaluer les demandes de visa, certains demandeurs originaires d'un pays très spécifique qui sont admissibles aux programmes d'inscription des étudiants obtiennent des décisions en deux ou trois semaines. Tous les membres de leur famille peuvent vivre en paix en sachant qu'ils pourront aller au Canada et étudier. En revanche, les étudiants qui font une demande depuis le Bangladesh présentent leur demande cinq ou six mois avant la date prévue du début des cours, et ils ne peuvent toujours pas prendre la décision parce que les agents des visas sont très occupés par de nombreuses autres demandes. Parfois, ces demandes sont transférées à d'autres agents des visas, par exemple au Vietnam ou dans d'autres pays. Ils ont certainement leurs priorités, et ils ne veulent pas... Je suppose que, et je ne suis pas totalement sûr, mais d'après la façon dont ils refusent les demandes, on a l'impression qu'ils ne prennent même pas cinq minutes pour lire la demande au complet. Les refus indiquent exactement le contraire.
Voilà pourquoi je pense qu'il s'agit d'un exemple très clair de discrimination lorsqu'il s'agit des demandes de permis d'études.
Cela m'amène à poser une question à la professeure Ghaffar‑Siddiqui, qui est parmi nous aujourd'hui.
Professeure, dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit qu'il fallait savoir trouver le problème. Cependant, IRCC nous parle de préjugés inconscients. Au cours d'une séance précédente, un témoin nous a dit qu'il fallait appeler un chat un chat. Comme le témoin précédent vient de le dire, il y a du racisme au sein d'IRCC.
À mon avis, il faut savoir nommer le problème, sinon nous serons incapables de le régler. Êtes-vous d'accord sur cette affirmation?
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La raison pour laquelle je dis cela, c'est que... Un livre intitulé
Points of Entry: How Canada's Immigration Officers Decide Who Gets In a été publié il y a quelques années. L'auteur est mon directeur de thèse. Je l'ai lu parce que je devais le lire, et parce que c'est mon directeur de thèse. Toutefois, j'ai trouvé de nombreuses lacunes dans la méthodologie et les régions utilisées. L'étude portait sur les agents des visas dans le monde entier. Il est allé à divers endroits et a discuté avec des agents d'immigration pour déterminer s'il y avait des préjugés et du racisme au sein de ces services. Il a conclu qu'il n'y avait pas de racisme.
Quand j'ai lu ce livre, en tant que chercheuse racialisée, plusieurs choses m'ont fait sourciller. A‑t‑il la capacité de voir quelque chose qu'il n'a pas lui-même vécu? La question des chercheurs de l'intérieur ou de l'extérieur se pose depuis des années. Pour les chercheurs racialisés, il est toujours frustrant de constater qu'on ne nous donne pas vraiment les fonds nécessaires pour mener des recherches sur nos propres communautés et nos propres antécédents culturels parce que notre objectivité est remise en question: serons-nous objectifs? C'est choquant. Nous avons été formés pour être objectifs.
Ce que j'essaie de dire, c'est que les chercheurs blancs arrivent avec un certain nombre d'hypothèses et d'idées préconçues, un certain regard et une certaine vision du monde. Je pense qu'ils ne sont pas en mesure de comprendre une situation dans sa globalité comme le pourrait un chercheur racialisé. Voilà pourquoi il est très important, dans la perspective de la théorie critique de la race, d'intervenir et de mener de telles recherches.
Je souligne en outre, étant donné que je suis professeure, que je ne rejette pas cette recherche. Je dis simplement qu'il faut un équilibre entre...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci à tous les témoins. Je suis reconnaissante d'entendre vos observations.
Je tiens à poser cette question, car tous les témoins, tant dans cette étude que dans l'étude précédente, ont soulevé la question du racisme systémique au sein d'IRCC. La question est donc de savoir comment s'y attaquer. Divers volets peuvent toujours être cités en exemple. Dans le volet des aides familiaux, il va sans dire que l'approche du gouvernement est intrinsèquement biaisée, raciste et discriminatoire, à mon avis, car il s'agit du seul volet du programme des travailleurs étrangers temporaires dans lequel les gens ne peuvent faire venir des membres de la famille sans effort de lobbying important. Pourquoi ces gens ne peuvent-ils pas obtenir le droit d’établissement à l’arrivée, par exemple, alors qu'il est prouvé qu'il y a un besoin criant d'aides familiaux au Canada?
Dans ce contexte, je pense que ce qu'il faut — et j'aimerais bien connaître le point de vue de tous les témoins —, c'est que le gouvernement nomme un ombudsman indépendant chargé d'examiner l'ensemble des politiques d'IRCC et leur application afin de régler le problème du racisme systémique au sein d'IRCC une fois pour toutes.
Je vais commencer par M. Shorifuzzaman. Ensuite, nous passerons aux représentants de la Rainbow Refugee Society, et nous terminerons avec notre témoin qui comparaît en personne.
J'allais dire la même chose. À mon avis, une solution serait de promouvoir des personnes qui travaillent aux échelons inférieurs à des postes d'autorité afin qu'elles puissent évaluer la situation. Quels seraient les résultats si ces mêmes demandes étaient réexaminées par des personnes racialisées ou issues de milieux marginalisés?
En tant que consultant en diversité, équité et inclusion, je répète toujours qu'on ne peut demander aux RH de s'occuper des questions de faire le travail d'un spécialiste de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. Ce ne sont pas vos amis. Ils ne sont pas là pour les employés. Il faut faire appel à une personne de l'extérieur pour faire ce genre de choses. Voilà pourquoi je suis d'accord avec vous. Je pense qu'il est essentiel d'avoir un point de vue externe et objectif à cet égard.
L'autre chose à laquelle je crois vraiment est l'évaluation ou l'expérimentation à l'aveugle. J'ignore si vous le savez, mais dans le milieu universitaire et de la recherche, l'expérimentation à l'aveugle est considérée comme très importante, car elle permet d'éliminer les préjugés du chercheur. Je suis un produit ou un exemple de réussite de l'évaluation à l'aveugle. Au secondaire — je viens du Royaume‑Uni, comme vous pouvez le constater par mon accent — nos enseignants faisaient des prédictions sur nos notes, puis tous nos examens étaient transmis à un comité d'examen externe aux fins d'évaluation à l'aveugle. Dans tous les cas, on m'avait prédit des B, C et D. Je ne serais pas assise ici, moi, Mme Sabreena Ghaffar-Siddiqui, pour vous parler aujourd'hui si un comité d'examen externe n'avait pas corrigé mes examens de fin d'année. Je n'ai reçu que des A. Ce n'est qu'un exemple de la façon dont une évaluation à l'aveugle peut donner des résultats radicalement différents.
D'autres témoins ont-ils de l'expertise sur cette question? Sinon, nous pourrions peut-être poser la question aux témoins à venir. Je ne veux mettre personne dans l'embarras. Ceux qui le souhaitent peuvent aussi fournir une réponse écrite.
Je m'adresse maintenant aux représentants de la Rainbow Refugee Society. Je crois savoir que beaucoup de réfugiés arrivent au pays par l'intermédiaire du Programme de parrainage conjoint, un programme qui fonctionne très bien, à mon avis. Il permet la participation de parrains privés tout en réduisant le fardeau financier pour eux grâce au financement gouvernemental. En outre, dans le cas des parrainages privés ou conjoints, les organisations de parrainage peuvent défendre les personnes qui peuvent être victimes de discrimination et travailler avec elles.
Pouvez-vous parler du modèle de parrainage conjoint et de son fonctionnement, en pratique?
J'imagine que vous parlez du Programme de parrainage d'aide conjointe.
M. Garnett Genuis: Oui, exactement.
M. Aleks Selim Dughman-Manzur: Le Programme de parrainage d'aide conjointe est spécialement conçu pour faire venir au pays des personnes qui peuvent avoir plus de difficultés à s'établir au Canada. Ils arrivent en tant que réfugiés pris en charge par le gouvernement. IRCC a des partenariats avec des organismes communautaires, et ce sont ces organismes qui offrent aux gens des services de soutien affectif et d'autres services de soutien à l’établissement.
En général, ces parrainages durent un an ou deux. La Rainbow Refugee Society réclame que les personnes transgenres racialisées passent par ce programme ou y soient aiguillées, étant donné qu'offrir du soutien à l'établissement pour une année seulement ne suffit pas. Ce n'est jamais assez pour y arriver.
Nous avons également un modèle de copartage appelé Rainbow Refugee Assistance Partnership, un partenariat que nous gérons et qui offre 50 places en copartage par année. Cela signifie que le gouvernement fournit des services de soutien durant trois mois et des fonds de démarrage. Il y a beaucoup de coopération entre IRCC et...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais remercier tous les témoins qui sont avec nous ce matin, qu'ils soient en mode virtuel ou en personne.
[Traduction]
Ma première question s'adresse à Mme Ghaffar-Siddiqui, si vous le permettez.
Dans le rapport Pollara, on peut lire ce qui suit: « Les expériences de racisme à IRCC comprennent des microagressions, des préjugés dans l'embauche et la promotion, ainsi que les préjugés dans la prestation des programmes, des politiques et du service à la clientèle d'IRCC. »
Selon vous, à quels aspects le ministère devrait‑il consacrer plus d'attention afin de cerner et d'éliminer les microagressions?
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Cherchez-vous à savoir s'il devrait se concentrer sur les expériences et le sentiment d'appartenance des employés, ou sur les applications?
Mme Marie-France Lalonde: Les deux.
Mme Sabreena Ghaffar-Siddiqui: Les deux. D'accord.
Si les employés n'ont pas de sentiment d'appartenance et ne sont pas à l'aise, et si nous nous préoccupons de diversité sans tenir compte des aspects de l'inclusion et de l'équité, le taux de rétention des effectifs au sein de ces ministères sera très faible. Il y aura un roulement important. Les gens arriveront en poste, travailleront, puis quitteront leur emploi parce qu'ils ne sont pas heureux. Vous perdrez des gens alors qu'il faut qu'ils restent afin d'acquérir de l'expérience et mieux comprendre le système. Nous avons besoin d'eux pour prendre en compte les différences culturelles; ils doivent gravir les échelons pour devenir des agents mieux habilités à évaluer les demandes.
Je pense qu'il faut commencer par la famille, par les personnes qui font partie de cette famille, c'est‑à‑dire le ministère. Cette famille aura alors à sa disposition plus d'outils nécessaires pour travailler sur l'application.
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Le principal point que je veux faire valoir à ce sujet, c'est que s'il y a une microagression... Je précise, au cas où les gens ne comprendraient pas, que le terme « microagression » ne signifie pas que l'agression est négligeable, mais simplement qu'elle se produit lors de petites interactions.
Quand on parle de racisme systémique, on parle de racisme à grande échelle, avec d'importantes analyses statistiques. Dans le cas des microagressions, l'analyse porte davantage sur les interactions à petite échelle. Les microagressions ont toujours un impact considérable, mais elles surviennent lors de conversations, comme les références aux « 30 nations corrompues » ou les stéréotypes comme « les gens de cet endroit sont habituellement généralement des menteurs et des tricheurs ». La personne qui reçoit l'information et qui est originaire d'un de ces pays est aussi touchée, car ces propos sont également offensants pour elle. Quant à la personne qui tient ces propos, cela montre qu'elle a des préjugés, qu'elle a un sentiment à l'égard de ces gens. Ensuite, lorsqu'elle examine une demande, comment peut‑on affirmer que ce sentiment n'est pas transposé, d'une manière ou d'une autre, dans la prise de décisions? Voilà pourquoi il est important de tenir compte des microagressions.
J'ajouterais que certaines personnes que j'ai interrogées dans le cadre de mes études et de mes recherches ont parlé des microagressions survenues il y a 10 ou 15 ans comme si elles avaient eu lieu hier. L'impact des microagressions est en fait très important et durable.
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Merci, madame la présidente, je vais me dépêcher.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
J'ai une question à poser aux représentants de la Rainbow Refugee Society.
Vous ne le savez peut-être pas, mais je suis aussi vice-président du Comité spécial sur l'Afghanistan. J'aimerais faire un petit aparté concernant l'Afghanistan. Depuis le départ de la présence canadienne en Afghanistan, le quotidien des personnes de la communauté LGBTQ est fait de menaces, d'agressions et de détentions arbitraires. Human Rights Watch et OutRight Action International ont publié, le 26 janvier dernier, un rapport de 43 pages là-dessus.
Je me demande si le Canada en fait suffisamment pour ces gens. Dans le cas contraire, que peut-on faire de plus? Je crois que vous êtes les meilleures personnes pour répondre à cette question.
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J'avais un dernier point à soulever. Nous appuyons ardemment cette motion. Je crois qu'elle est très importante. Elle est excellente, et je veux féliciter mon collègue de la proposer.
Nous avons un changement mineur à proposer pour clarifier davantage l'alinéa c). Nous reconnaissons que, dans certains contextes — y compris celui des Ouïgours, — le processus de détermination du statut de réfugié de l'UNHCR pose grandement problème. Je crois que tous les membres reconnaissent que le processus de détermination du statut de réfugié est nécessaire, mais qu'il y a des problèmes dans le cas qui nous occupe.
Nous ne demandons pas l'abolition d'un processus de détermination du statut de réfugié, mais nous croyons qu'il faut reconnaître les lacunes du processus actuel. Afin de clarifier mon intervention, je proposerais de remplacer les mots « renoncer à » par « remplacer ». L'alinéa c) se lirait ainsi: « remplacer la détermination du statut de réfugié par le HCR. »
Je crois que ma proposition respecte tout à fait l'intention de la motion, mais je pense que le libellé actuel pourrait être interprété de différentes façons. Je veux donc discuter de cet amendement potentiel.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Tout d'abord, par rapport à l'amendement, je ne l'appuierais pas. Le but n'est pas de remplacer le processus de détermination du statut de réfugié, mais bien d'y renoncer. Il y a une différence distincte entre le fait de le remplacer et le fait d'y renoncer. Le processus est levé pour tous les autres processus de réfugiés parrainés par le secteur privé, alors je m'opposerais vigoureusement à l'amendement.
Par ailleurs, pour revenir au thème général, j'appuie ardemment cette motion. Je l'appuie sans hésitation. Le NPD et moi-même avons toujours été d'avis que le gouvernement devrait appliquer des mesures d'immigration spéciales équitablement à tous les groupes confrontés à des conflits et à de la persécution dans différentes régions.
Nous remarquons une différence distincte entre l'application de ces mesures par le gouvernement envers les Ukrainiens et envers les Afghans. Nous en parlions justement aujourd'hui à ce comité. C'est injuste. Le gouvernement fait fausse route et devrait s'y prendre autrement. Pour reprendre ses mots, un témoin comparaissant au Comité spécial sur l'Afghanistan a demandé si le sang des Afghans est le même que celui des ressortissants ukrainiens. Nous devons répondre à cette question en toute honnêteté, avec humanité. La réponse est un oui retentissant: oui, leur sang est le même. Si nous voulons affirmer dans les tribunes que le Canada est compatissant et que nous devrions adopter des mesures humanitaires pour les personnes victimes de persécution, nous devons en conséquence appliquer ces mesures équitablement.
J'appuierais cette motion de tout cœur. Soit dit en passant, cette motion ne va pas à l'encontre du communiqué de presse émis par la présidente il y a quelques semaines. Cette motion demandait au gouvernement d'appliquer la mesure à toutes les régions. Elle donnait des exemples, mais ces exemples n'avaient pas comme objectif d'exclure d'autres groupes. Ce n'était que des exemples. Ainsi, j'appuierais sans ambages la motion telle qu'elle a été déposée par M. Brunelle‑Duceppe. Par le fait même, je rejetterais l'amendement.
Par ailleurs, madame la présidente, je vous demanderais aussi de répondre au nom du Comité au courriel envoyé par le projet Ouïghours il y a quelques semaines. Le groupe était inquiet que la motion du Comité adoptée il y a quelques semaines excluait les personnes qu'il représente. Je crois qu'il est très important d'indiquer clairement que la motion était inclusive. Elle n'exclut personne. Cela dit, cette nouvelle motion va dans le même sens que la dernière. Elle énonce simplement pourquoi les mesures devraient être prises dans ce cas.
Finalement, j'annonce que, après la mise aux voix sur cet amendement, j'en aurai un à proposer. Je crois que ce qui importe vraiment est que nous obtenions une réponse du gouvernement à la motion déposée par M. Brunelle‑Duceppe.
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Merci, madame la présidente.
Pour donner suite aux commentaires de Mme Kwan, je crois que, à vrai dire, nous sommes d'accord. Je ne veux pas faire dire à d'autres ce qui n'a pas été dit, mais je crois que nous sommes peut-être d'accord sur la politique. J'aimerais rendre le libellé un peu plus net. Avec mon amendement, j'espérais simplement clarifier que, oui, nous convenons que le processus de détermination du HCR pose problème. Il doit y avoir un processus de rechange au pays qui s'appliquera dans les autres cas. J'imagine que je veux vous suggérer, pour changer le libellé que j'ai déjà proposé, que nous disions: « de renoncer à la détermination du HCR et d'avoir recours au processus de détermination national qui s'applique aux autres catégories d'immigration. »
Je l'exprime de vive voix pour en discuter. Je crois que ce libellé est plus clair. Je pense que ceux qui suivent...
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais proposer un amendement qui va comme suit: « que, conformément à l'article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale à ce rapport ». J'aimerais ajouter cette demande à la motion.
M. Brunelle-Duceppe s'est inquiété du fait que le gouvernement disposera de 120 jours pour répondre au rapport, et que les mesures pourraient donc être retardées. Je le reconnais. Bien sûr, le gouvernement peut tout de même prendre des mesures dès maintenant et ne pas nécessairement attendre une réponse.
Je pense qu'il serait important de consigner la réponse du gouvernement et d'avoir une réponse écrite. C'est le genre d'enjeux dont le gouvernement parle longtemps sans agir concrètement. Cette demande obligera le gouvernement à fournir une réponse par écrit, ce que j'aimerais voir. Demander une réponse écrite n'empêche pas le gouvernement d'agir avant qu'elle soit envoyée, parce qu'il peut justement dire dans sa réponse qu'il a déjà entrepris des mesures, ce qui serait fantastique.
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Merci, madame la présidente.
J'aimerais proposer un sous-amendement à l'amendement de Mme Kwan. Je le mentionne aux fins de compte rendu et je vais vous expliquer mon raisonnement.
Je modifierais son libellé pour la réponse et je dirais plutôt: « que le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale sous forme de lettre ».
Nous avons déjà utilisé cette méthode en comité par le passé, et je crois que cela nous permet d'avoir le meilleur des deux mondes. On s'attend à obtenir une réponse du gouvernement, mais la Chambre des communes peut prendre des mesures concrètes entretemps. J'ai lu beaucoup de réponses du gouvernement envoyées aux comités; on y lit très souvent que le gouvernement « prend note » de telle ou telle chose.
Le gouvernement devra fournir une réponse d'une façon ou d'une autre, mais je pense que la meilleure approche est de lui demander de l'envoyer plus rapidement par lettre au Comité tout en permettant aux parlementaires d'agir entretemps.
Je propose donc ce sous-amendement qui, à nouveau, selon moi, nous permettrait d'avoir le meilleur des deux mondes.
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Merci, madame la présidente.
Vous savez à quel point j'adore cela, quand nous travaillons en consensus. Vous avez la preuve que nous sommes capables de travailler ensemble et de tenir compte des idées de tout le monde.
Nous avions une motion, puis on a proposé un amendement, ensuite un sous-amendement. Je les appuie tous les trois. Je suggère fortement à tous les membres de ce comité de faire de même. Des gens nous écoutent présentement, dont des représentants de la défense des Ouïghours. Je suis certain que si nous parlons d'une seule voix, non seulement nous leur donnerons de l'espoir, mais ils sauront que nous travaillons avec eux et pour eux, et que nous sommes à leurs côtés. C'est ce que je suggère à tous les membres du Comité.
Merci, madame la présidente.
Pour être clair, la référence à l'article 109 du Règlement, qui traite des réponses déposées, signifie qu'on ne pourrait pas débattre de cet enjeu au Parlement ou adopter quoi que ce soit à ce sujet pendant un bon bout de temps, ce qui veut dire que le Parlement ne pourrait pas donner suite au rapport avant presque la fin de l'année. Je pense qu'en demandant une réponse sous forme de lettre au gouvernement, notre comité s'évite ce délai de quatre mois.
D'après ce que j'ai entendu, je crois comprendre que nous parlons de jours de séance, et non pas seulement de... La greffière peut peut-être clarifier l'article 109 du Règlement et la façon dont il s'applique. Je pense simplement que nous pouvons à la fois nous donner les meilleures chances de progresser sur le plan parlementaire et demander une réponse du gouvernement sous forme de lettre. Je pense que c'est la meilleure façon de procéder.
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Madame la greffière, pouvez-vous s'il vous plaît procéder au vote sur la motion telle qu'amendée?
(La motion telle qu'amendée est adoptée par 11 voix contre 0. [Voir le Procès-verbal])
La présidente: Merci à tous les membres du Comité pour la réunion d'aujourd'hui. Nous devons nous arrêter à 13 heures — nous n'avons pas les services disponibles — et nous ne pouvons donc pas passer à huis clos maintenant.
Voici ce que je propose pour notre prochaine réunion jeudi: je suggère de commencer par les travaux du Comité, parce que nous devons discuter des options de déplacement — les propositions doivent être soumises d'ici le 6 mai —, puis de passer à l'étude de l'ébauche du rapport. Nous allons laisser de côté les instructions de rédaction pour ce rapport pour le moment, parce qu'il nous faut le terminer. Si les membres du Comité sont d'accord, nous pourrions publier l'avis.
Allez‑y, madame Kwan.