:
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février, le Comité reprend son étude sur la violence entre partenaires intimes et violence domestique au Canada.
Conformément à la directive du Bureau de régie interne du 10 mars 2022, toutes les personnes participant en personne à la séance doivent porter un masque, à l'exception des députés qui sont à leur siège pendant les délibérations.
[Français]
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez mettre votre micro en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, si vous participez à la réunion par l'application Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Si vous y participez en personne, vous pouvez utiliser l'écouteur fourni et choisir le canal désiré.
Je rappelle aux députés et aux témoins que toutes leurs observations doivent être adressées à la présidence.
[Traduction]
Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais émettre un avertissement. Nous allons discuter d'expériences liées à des violences et à des agressions. Ces sujets peuvent déclencher des réactions chez les personnes ayant vécu des expériences similaires. Si vous vous sentez bouleversé ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
Je souhaite maintenant la bienvenue aux membres de notre premier groupe de témoins d'aujourd'hui. Nous accueillons, à titre personnel, Geneviève Lessard, professeure à l'Université Laval. De la Calgary Immigrant Women's Association, Rekha Gadhia, directrice de la section des services à la famille. Du Centre-Femmes de Bellechasse, Marjolaine Montminy, directrice.
Nous allons commencer par les observations liminaires. Vous disposerez chacune de cinq minutes pour formuler vos observations liminaires. Lorsque vous me verrez agiter mon stylo, je vous demanderai de conclure, et vous aurez 10 à 15 secondes pour dire vos derniers mots.
Je vais maintenant céder la parole à Geneviève Lessard.
Madame Lessard, vous avez la parole pour cinq minutes.
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Bonjour. Merci beaucoup de votre invitation.
Je suis Geneviève Lessard, professeure à l'Université Laval et directrice du RAIV, une appellation désignant les recherches appliquées et interdisciplinaires sur les violences intimes, familiales et structurelles. Le RAIV est l'un des cinq membres de l'Alliance des centres de recherche canadiens sur la violence basée sur le genre.
Le 6 décembre 1989, un jeune homme a assassiné 14 jeunes femmes à l'École polytechnique de Montréal. Cet événement tragique a donné lieu à une mobilisation du gouvernement canadien pour le financement d'infrastructures de recherche sur les violences faites aux femmes. C'est ainsi qu'est née notre alliance canadienne, qui est toujours active 30 ans plus tard et qui porte plusieurs projets, dans lesquels les chercheurs du RAIV, au Québec, s'impliquent activement.
Auparavant, le RAIV s'appelait le CRI‑VIFF, soit le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes. Je le mentionne à l'intention de ceux qui s'intéressent à ce dossier depuis plus longtemps. Nous avons changé de nom en 2020 lorsque nous avons obtenu une nouvelle subvention en infrastructure nous permettant d'élargir notre programmation scientifique pour étudier aussi les violences structurelles, en plus des violences faites aux femmes et aux enfants, toujours en adoptant la même approche de recherche partenariale et interdisciplinaire.
Le RAIV inclut une trentaine de chercheurs réguliers, qui sont rattachés à six universités du Québec, une quarantaine de collaborateurs nationaux et internationaux ainsi que plusieurs étudiants et partenaires de la pratique. Nous avons deux équipes financées par le FRQSC, soit le Fonds de recherche du Québec pour la société et la culture: une équipe sur la violence conjugale, dont j'assume moi-même la direction, et une autre sur les violences structurelles et la justice sociale, qui est dirigée par ma collègue Catherine Rossi.
Vous avez probablement constaté, comme moi et comme plusieurs autres experts dans le domaine, que la pandémie a aggravé et accentué les violences intimes, familiales et structurelles. Nous ne prévoyons pas non plus une baisse de la violence dans la période de l'après-pandémie. En fait, nous nous attendons à voir encore beaucoup de dévoilements à postériori de la part de personnes qui auront toléré longtemps la violence ou qui auront enduré des violences plus graves en raison de l'accès plus difficile aux ressources pendant la pandémie.
C'est pourquoi le choix d'accentuer l'investissement en recherche sur les violences nous apparaît vraiment comme une bonne solution. Cela permettra aux chercheuses et aux chercheurs spécialisés dans le domaine de continuer à soutenir non seulement les partenaires de la pratique, mais également les décideurs, comme vous, qui veulent faire partie de la solution pour améliorer la prévention et la prise en charge des personnes touchées. C'est d'ailleurs ce que nous faisons aujourd'hui dans cette rencontre.
Ces efforts nous permettront collectivement de diminuer les coûts sociaux, qui sont énormes. Selon les chiffres disponibles, il en coûte 6 milliards de dollars par année, au Canada, pour venir en aide aux victimes de violence. D'ailleurs, cette évaluation précède la pandémie. C'est donc dire que les coûts sont encore plus élevés aujourd'hui.
Ces deux dernières années, les milieux de pratique spécialisés en violence conjugale ont fait face à un double défi: ils ont dû, d'une part, répondre à l'augmentation des demandes d'aide et, d'autre part, adapter leurs ressources pour se conformer aux mesures sanitaires. L'histoire de la recherche effectuée au cours des 30 dernières années dans le domaine de la violence nous démontre que, devant ce genre de défi, les chercheurs et les milieux de pratique doivent s'allier pour parvenir à des innovations sociales. Je salue donc votre initiative. Je vous remercie de cette belle idée de mener une enquête nationale sur les violences. Cela nous permettra d'y contribuer ensemble et d'avancer toujours plus vers le rêve d'une plus grande justice sociale et de rapports sociaux plus égalitaires.
Au-delà de mes fonctions comme directrice d'un centre et d'une équipe en son sein, les travaux que j'entreprends à titre personnel portent sur les jeunes: l'exposition des enfants à la violence conjugale, la cooccurrence de la violence conjugale et de la violence familiale envers les enfants, la concertation entre les ressources d'aide concernées et la prévention auprès des jeunes.
Je viens de terminer une recherche sur les jeunes adultes exposés à la violence conjugale dans l'enfance ou l'adolescence. Je constate avec désolation que, malgré la gravité des violences auxquelles ils ont été exposés, presque aucun des jeunes qui ont participé à notre recherche n'a eu accès à de l'aide spécialisée en violence conjugale quand ils étaient enfants ou adolescents. Ils souffrent quand ils sont jeunes, mais c'est quand ils sont rendus adultes et qu'ils sont capables d'aller chercher eux-mêmes de l'aide qu'ils obtiennent finalement des ressources. Cela prend aussi beaucoup d'efforts pour en trouver et pour trouver des services adaptés à ce qu'ils vivent maintenant qu'ils sont devenus des jeunes adultes.
On sait aussi que ces jeunes ont moins de ressources dans leur réseau naturel que les jeunes qui ne sont pas exposés à la violence conjugale. Souvent, ce sont les parents qui vont aider les jeunes et qui vont les garder longtemps à la maison pendant leurs études. Dans le cas de ces jeunes-ci, c'est bien souvent le contraire: ils veulent fuir le milieu violent si les parents sont toujours ensemble.
Ce sont de grands défis. Nous avons décidé de transformer les résultats de nos recherches en outils pratiques et concrets, que nous avons rendus disponibles en ligne. Nous nous sommes appuyés sur les résultats de nos recherches pour cerner les interventions jugées efficaces par les jeunes et ainsi déterminer ce qu'un adulte peut faire, lorsqu'il est en présence d'un jeune exposé à la violence conjugale, pour lui venir en aide. Nous avons conçu un site Web organisé par secteurs d'activité. Il y a donc des sections destinées aux jeunes qui sont à l'école, à ceux qui sont en maison de jeunes, et ainsi de suite.
Je constate que mon temps de parole est écoulé.
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Merci, madame la présidente et membres du Comité, d'avoir invité la Calgary Immigrant Women's Association, que j'appellerai CIWA. Nous sommes honorées d'être ici aujourd'hui pour partager et approfondir nos connaissances sur cette question. Nous sommes très reconnaissantes de tout le travail accompli par ce comité pour mettre fin à la violence entre partenaires intimes au Canada.
Je vous appelle de la ville de Calgary, en Alberta, qui est située sur les territoires traditionnels des peuples de la région du Traité no 7, dans le Sud de l'Alberta. Calgary est également le siège de la nation métisse de la région 3 de l'Alberta.
La population cible de la CIWA est constituée de familles d'immigrants et de réfugiés. Forts de nos 40 années d'expérience dans ce domaine, nous pensons qu'il est absolument nécessaire d'améliorer l'accessibilité et de réduire l'isolement social et les obstacles à l'accès aux services communautaires destinés aux femmes et les hommes immigrants vivant dans des situations de violence familiale ou domestique et à leur famille.
La violence entre partenaires intimes augmente à un rythme alarmant, et la pandémie n'a fait qu'entraîner un nouveau pic considérable au niveau mondial. À la CIWA, nous avons constaté une augmentation de 57 % du nombre de personnes que nous servons. Les femmes immigrées auxquelles nous offrons nos services sont plus à risque en raison de barrières linguistiques et culturelles, de leur pauvreté et du manque d'information sur les ressources disponibles.
D'après notre expérience, la violence se produit chez les familles d'immigrants en raison des facteurs de stress liés au fait de devoir surmonter les obstacles liés à l'établissement et à l'intégration, à l'incapacité de répondre aux besoins fondamentaux, aux circonstances personnelles uniques et aux vulnérabilités, ainsi qu'aux obstacles préalables à la migration, à la migration et à la réinstallation. Les barrières culturelles, la stigmatisation et l'inversion des rôles ne font qu'intensifier leur expérience de la violence.
Cette situation est aggravée en cas de traumatisme préexistant, comme c'est le cas pour les réfugiés, qui arrivent avec des expériences difficiles de zones de guerre, ont des familles nombreuses, souffrent peut-être de handicaps, ont un niveau d'alphabétisation faible ou nul dans leur propre langue, et sont confrontés à d'énormes barrières culturelles et à une stigmatisation. Les programmes et services que nous proposons en matière de violence entre partenaires intimes devraient viser à avoir une incidence positive sur les familles d'immigrants, ce qui devrait toujours être le cas, en s'attaquant à ces problèmes de base et en modifiant la façon dont les personnes perçoivent et gèrent le stress, l'égalité entre les sexes, l'équité, les conflits familiaux, etc., car elles sont alors mieux en mesure de surmonter tous ces obstacles.
L'éducation et la sensibilisation de la communauté sont également extrêmement importantes pour atteindre les victimes et les auteurs de violences et les membres de leur famille. Notre expérience montre qu'il est essentiel d'élargir les services au‑delà des femmes pour englober les hommes et les garçons et la communauté dans son ensemble. Très souvent, les hommes immigrés proviennent de cultures où la masculinité est toxique, où les rôles des hommes et des femmes sont définis et où les normes culturelles n'exigent pas d'eux qu'ils fassent partie intégrante de la routine quotidienne, qu'ils éduquent les enfants et soutiennent leur partenaire. Ils ont du mal à comprendre ces attentes. Nous avons appris que l'autonomisation réelle des femmes et des enfants se produira lorsque nous y ferons participer les hommes et les garçons.
Cet apprentissage est devenu beaucoup plus concret grâce à notre participation aux recherches sur la violence menées par l'Université de Calgary, au projet Shift et à la Engaging Men Learning Collaborative. D'une part, nous croyons que le fait de travailler à la prévention auprès des hommes et des garçons ne fera qu'améliorer notre apprentissage collectif pour mieux comprendre les besoins et les problèmes des hommes et leur manque de sensibilisation, ce qui nous permettra ensuite d'offrir un soutien concret aux femmes et aux enfants ainsi que des services holistiques à tous les membres de leur famille et de nous attaquer aux facteurs de base qui conduisent à la perpétuation de la violence et des abus.
La CIWA a recensé certaines des pratiques les meilleures et les plus prometteuses visant à améliorer le soutien et la protection des femmes et des filles vivant dans des environnements dangereux. Il s'agit notamment de les atteindre là où elles se trouvent: lorsqu'elles sortent naturellement pour effectuer leurs tâches quotidiennes ou se rassemblent naturellement dans les centres communautaires, les cliniques, les cours d'anglais et les lieux de travail.
Le fait d'offrir l'information d'une façon adaptée à leur culture et dans leur langue maternelle est essentiel à la question elle-même, et à l'éducation et à la sensibilisation, qu'il s'agisse d'outils ou de ressources — ou autres — tout comme le fait de mobiliser les garçons et les filles dès le début de leur scolarité en élaborant et en proposant le programme de prévention de la violence sexiste que nous avons créé et que nous proposons dans certaines écoles.
Il s'agit également d'offrir de l'information sur les relations saines et une éducation ciblée aux adultes et aux jeunes, de faire participer les communautés ethniques et les chefs spirituels à l'éducation et à la sensibilisation, afin de réduire la stigmatisation et de parler des normes de genre saines, de masculinité saine, de relations saines et de parentalité interculturelle, et enfin de relier les femmes et les filles à ces ressources pour qu'elles puissent accéder à des soutiens culturels au sein de la communauté parce qu'elles leur font confiance, et à relier les femmes et les filles à des ressources financières pour les rendre moins dépendantes, indépendantes de leur partenaire.
Nous avons également des projets comme « Find Me a Home », qui consiste à offrir un logement de transition d'urgence et un soutien en cas de crise, afin que les femmes puissent quitter une situation de violence, ce qui exige de s'associer avec des hôtels et des motels que nous considérons comme sûrs et d'avoir une bonne compréhension des divers recoupements avec la violence entre partenaires intimes — le secteur de la santé, les handicaps, l'emploi — afin de s'attaquer aux facteurs qui empêchent réellement les femmes et les filles de quitter une situation de violence et de créer des services et des ressources de soutien personnalisés pour répondre à leurs besoins uniques.
Il est extrêmement important et efficace de disposer d'un modèle de réponse coordonnée intersectoriel et intersystémique. Il en existe un exemple à Calgary avec le modèle communautaire « Equally Safe » des services de police, dont la CIWA est également un partenaire officiel. Il est également important que chaque ville et chaque province dispose d'une initiative basée sur un modèle d'impact collectif, comme le cadre de prévention de la violence Impact Alberta du Calgary Domestic Violence Collective. Ce sont là quelques exemples des collaborations intersectorielles que nous proposons.
Je vais conclure sur quelques recommandations de notre cru. Nous venons de terminer un projet de recherche financé par Femmes et Égalité des genres Canada intitulé « Employment Security Alliance », c'est‑à‑dire Alliance pour la sécurité d’emploi. Nous recommandons que les lieux de travail comprennent du soutien adapté à la culture...
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Merci, madame la présidente.
Je me présente: je suis Marjolaine Montminy. Je dirige le Centre-Femmes de Bellechasse depuis sa création, en 2000.
La MRC de Bellechasse est un vaste territoire rural situé au sud de la ville de Québec. Il est composé de 20 municipalités, mais d'aucune ville. C'est une belle région agricole, industrielle, ayant des commerces et certains services de proximité. C'est un endroit où il fait bon vivre, en général.
Nous avons bien accès à des services médicaux et à un CLSC sur le territoire, mais une certaine précarité est toujours omniprésente.
Le transport collectif est effectué à très petite échelle et répond peu à l'ensemble des besoins du milieu. La rentabilité d'un tel transport est difficile à atteindre, car les distances sont longues.
Un palliatif existe, soit le service communautaire de transport bénévole, mais il est aujourd'hui très difficile à maintenir. Le retrait des personnes aînées, par mesure de protection contre la COVID‑19, a fragilisé la courroie la plus importante de ce système, qui fonctionne grâce au bénévolat.
Il n'y a pas de service de taxi dans l'ensemble de la MRC.
Un poste de police est situé au centre du territoire, donc, lors d'un appel à l'aide, une autopatrouille peut mettre jusqu'à 25 minutes pour se rendre sur les lieux de l'urgence. Il en va de même pour une ambulance.
Les organismes communautaires comme le nôtre travaillent habituellement selon des horaires de jour. Nous savons tous que, trop souvent, les épisodes de violence amoureuse se produisent le soir, la nuit ou les fins de semaine. Pour réaliser la mission d'offrir des services efficaces aux femmes et aux hommes qui ont besoin d'aide, nous devons recevoir un financement adéquat. C'est une grande revendication que nous portons depuis de nombreuses années auprès des décideurs.
Dans notre MRC, nous vivons une rareté de logements abordables. Les gens doivent s'éloigner des grands milieux pour trouver ce genre de loyer. Les OMH sur le territoire sont majoritairement pour les personnes de 50 ans et plus. Une jeune famille qui cherche un logement pour se sortir d'une situation de violence conjugale aura probablement de la difficulté à y avoir accès.
Dans un petit milieu rural, l'anonymat est plus difficile à conserver. L'entourage est souvent composé de personnes provenant de la même souche familiale, ce qui peut permettre à un agresseur de mieux contrôler sa victime, car l'isolement sera plus facile à instaurer.
La couverture Internet et cellulaire n'est vraiment pas égale partout. Certaines municipalités, surtout dans les rangs, n'ont pas encore accès à ces nouvelles technologies de pointe. Le coût exorbitant de la facture du service Internet oblige plusieurs résidants à faibles revenus à se priver de cet outil, pourtant considéré maintenant comme un outil essentiel. Imaginez la facture Internet qu'aurait à payer une personne dont le seul revenu est l'aide sociale; ce serait un important morceau du budget.
En milieu rural, il devient difficile d'élaborer un scénario de protection avec une femme demeurant dans un rang, car la distance entre les maisons est grande.
Les femmes handicapées et âgées sont plus vulnérables, puisqu'elles dépendent étroitement des personnes qui leur prodiguent des soins. Si elles vivent dans un climat de violence, elles risquent de mettre beaucoup plus de temps à briser le silence. Elles ne veulent pas perdre la seule aide à laquelle elles ont accès.
Lorsqu'un épisode de violence éclate, les gens ont tendance à rappeler à la victime l'importance de préserver les liens familiaux, alors qu'il est démontré que l'intervention devrait d'abord se centrer sur la sécurité de la victime et sur la responsabilisation de l'agresseur vis-à-vis de son choix.
N'oublions jamais que la violence conjugale est une prise de contrôle, et non une perte de contrôle.
En ce qui concerne le processus judiciaire, on s'intéresse peu à l'historique de la violence et on se concentre principalement sur l'événement qui déclenche le processus, alors que l'historique de la violence conjugale peut avoir une incidence capitale sur les risques de récidive de l'agresseur.
Par ailleurs, les médias jouent un grand rôle quant à la tolérance ou la non-tolérance de la violence. Le mouvement des femmes a insisté fortement pour faire changer des tournures de phrase employées lors de situations de violence conjugale grave. On parle de drames familiaux ou de crimes passionnels, mais ces termes n'ont rien à voir avec la réalité de la violence conjugale. Il n'y a aucune passion dans le fait d'établir un contrôle total sur la personne que l'on prétend aimer.
Le mouvement des femmes a exercé beaucoup de pression pour introduire une différence entre les mots « homicide » et « féminicide ». L'instauration de ce nouveau mot amène une tout autre analyse de la situation. Quand on noyait les meurtres de femmes dans la désignation générale des homicides, le public ne s'apercevait pas de l'ampleur de la violence conjugale dans nos vies. On minimise l'influence qu'ont le vocabulaire et les médias.
Les médecins et les autres intervenants du monde médical doivent être formés pour mieux détecter les différents symptômes que présente une patiente victime de violence conjugale. Les femmes doivent se sentir en sécurité dans le bureau d'un médecin et elles doivent pouvoir être seules avec lui afin de s'exprimer librement. Trop souvent, le traitement ciblé vise à traiter les symptômes immédiats, et non pas la cause réelle de ce qui amène la personne à consulter. En traitant uniquement les symptômes apparents, on contribue malheureusement à faire augmenter la tolérance à l'égard de ce que vit la patiente. Souvent, cela empêche une victime de violence conjugale d'entreprendre une réelle démarche pour se sortir de son milieu malsain.
Si les violences perpétrées contre une conjointe étaient plutôt dirigées contre une parfaite inconnue, serait-on aussi tolérant? J'en doute fortement.
Je vois que le temps file, alors je vais passer à ma conclusion.
Au Québec, nous travaillons beaucoup à mettre en place les recommandations issues du rapport « Rebâtir la confiance », qui a été produit sans partisanerie. Selon moi, c'est ainsi que nous pourrons avancer.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Merci à Mmes Lessard, Gadhia et Montminy.
Il va sans dire que, au cours de l'étude, au cours des dernières semaines, nous avons beaucoup et longuement réfléchi à ce que nous pouvons faire. Idéalement, en tant que comité, nous souhaitons faire partie de la solution, et nous savons qu'il y a de nombreux défis à relever quand il est question de victimes de violence domestique et de la façon d'enrayer la violence entre partenaires intimes.
Je vais commencer par Mme Lessard. De quelle façon envisagez-vous l'intervention du gouvernement? Quelle est la priorité absolue, le rôle, qui s'applique selon vous au Comité à compter d'aujourd'hui?
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Bien sûr. Je peux parler en premier.
L'une des recommandations est... Évidemment, le financement est une évidence, tant pour la prévention que pour l'intervention, mais de la sensibilisation est nécessaire. S'ils veulent sensibiliser les hommes, les lieux de travail doivent offrir une formation adaptée à la culture ou tenant compte des traumatismes sur la violence fondée sur le genre en tant que telle, sur la façon de la limiter et sur le rôle qu'ils peuvent jouer. Aussi, un programme semblable pourrait être offert dans les écoles. C'est un incontournable.
Assurer l'emploi et la sécurité financière des femmes afin qu'elles puissent vraiment fuir la violence en est un autre. Pour cela, nous aimerions qu'il y ait des programmes de transition personnalisés et que des changements soient apportés aux politiques, même dans les lieux de travail, quand les femmes vivent de la violence et veulent la fuir, voire quand elles ont quitté cette violence, mais qu'elles ont des enfants, qui accompagnent habituellement leur mère. Elles doivent assurer la garde de leurs enfants, se présenter au tribunal et ainsi de suite. Les employeurs doivent donc faire preuve de compréhension. Disposer de politiques qui appuient les femmes dans le lieu de travail est l'une des recommandations fondamentales que je peux fournir d'entrée de jeu.
Un des avantages serait de permettre aux enfants de comprendre plus rapidement ce qu'ils vivent, d'enlever la responsabilité de leurs épaules et de savoir que de l'aide est disponible pour eux quelque part. Tantôt, j'ai parlé des difficultés d'accès à l'aide. Il y a pourtant beaucoup d'avantages à offrir des services spécialisés. Quand les enfants peuvent parler de ce qui se passe, qu'ils arrivent à comprendre la situation, qu'ils peuvent distinguer le comportement violent de la personne qui l'exerce, qu'ils savent que c'est inacceptable et que cela ne se passe pas dans toutes les familles, c'est certain que cela diminue énormément les répercussions de la violence.
Les recherches effectuées au cours des 30 dernières années ont démontré que l'exposition à la violence conjugale avait des répercussions aussi graves que le fait de subir directement de la violence. C'est un fait bien connu, mais on dirait que cette information n'est pas bien assimilée par la population générale et par les services non spécialisés en violence. De plus, on ne semble pas tenir compte de cette information lorsqu'on évalue les besoins de ces enfants. Ma recherche menée auprès des jeunes adultes ainsi que beaucoup d'autres recherches ont démontré que les conséquences de l'exposition à la violence conjugale perduraient au-delà de l'âge de 18 ans.
Il faut offrir des services de façon plus proactive en allant chercher les jeunes là où ils sont, par exemple à l'école. Mes collègues ont parlé de la prévention, qui est très importante. Or, il faut aussi offrir de l'aide quand les jeunes dévoilent les situations difficiles qu'ils vivent. En moyenne, de quatre à six enfants par classe sont exposés à de la violence conjugale. L'école pourrait être un bon milieu pour offrir des services proactifs.
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C'est absolument crucial, puisque, à l'arrivée des familles dans un nouveau pays, ce sont habituellement les femmes qui sont laissées pour compte, puisqu'elles doivent s'occuper des enfants. Nous tirons beaucoup de fierté de l'accent que nous mettons là‑dessus et de la priorité que nous y accordons.
Le niveau de littératie varie beaucoup chez bien des immigrantes; parfois, elles sont même analphabètes. D'emblée, nous avons décidé de concevoir des programmes personnalisés en fonction des différents niveaux de littératie et des différents domaines d'études. Certains portent strictement sur la cuisine. Il y a des modules personnalisés pour ce type de domaines où elles peuvent tout de même mettre à profit leurs compétences.
Puisque ces femmes possèdent au moins leur langue, nous sommes en mesure de leur donner une formation pour bien officialiser leur formation dans leur propre langue, ce qui est un autre aspect important. Elles peuvent ainsi devenir des interprètes communautaires agréées, être indépendantes et se prendre en main, de même que gagner de l'argent comme pigistes.
Ce ne sont là que de petits exemples. Nous avons des programmes personnalisés selon les différents niveaux de littératie des femmes, surtout quand nous savons qu'elles vivent un conflit familial ou de la violence domestique. La CIWA compte plus de 50 programmes. Mon portfolio en particulier comprend le counselling en violence domestique et ce genre de choses. Nous veillons à ce que tout soit lié. Pour tous les programmes, nous effectuons aussi un triage en matière de violence familiale. Ainsi, les femmes peuvent immédiatement être aiguillées vers le programme approprié.
Il y a d'autres programmes, mais leur conception, malheureusement, repose sur le mandat du bailleur de fonds et des échéances précises. C'est pour cette raison que l'une de nos grandes recommandations est un programme personnalisé qui pourrait être offert plus longtemps. Un programme de six mois pourrait durer un an, afin que les femmes qui en bénéficient, soit parce qu'elles sont en train de s'extirper d'un milieu violent ou qu'elles viennent de fuir une telle violence, puissent bénéficier du temps et du soutien dont elles ont besoin. Pendant leur guérison, elles obtiennent aussi cette sécurité d'emploi.
J'espère ainsi avoir répondu à votre question.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les trois témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour parler de l'importante question des violences entre partenaires intimes.
Vos témoignages, mesdames Lessard, Gadhia et Montminy, sont vraiment pertinents dans le contexte de notre étude.
Pour mon premier tour de questions, j'aimerais m'adresser à Mme Lessard.
Madame Lessard, vous avez mentionné deux recommandations ou deux mesures prioritaires que le gouvernement fédéral devrait prendre. Dans l'une de vos recommandations, vous lui proposez de s'inspirer du modèle québécois pour ce qui est des actions concertées.
Aimeriez‑vous nous expliquer davantage ce qu'est exactement ce modèle de la concertation et en quoi cela pourrait être utile dans le cadre de notre étude?
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Je vous remercie de la question.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous sommes un centre de recherche, alors c'est sur ce plan que nous fournissons notre contribution, et non sous la forme de services directs à la population.
Par ailleurs, je pense que l'alliance productive et la collaboration entre la recherche et le milieu de pratique sont vraiment une formule gagnante pour apporter des changements sociaux importants.
Au Québec, nous avons le volet Action concertée du Programme de recherche sur la violence conjugale, qui est financé conjointement par le Fonds de recherche du Québec pour la société et la culture, soit le FRQSC, et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Il est rattaché au Plan d'action gouvernemental en matière de violence conjugale.
Je vous explique comment cela pourrait fonctionner au fédéral, concrètement. Les actions prioritaires qui se retrouveraient dans le plan d'action du gouvernement fédéral pourraient donner lieu à un appel de projets. On financerait donc des projets en fonction d'actions ciblées. Par exemple, les projets pourraient s'orienter autour d'un axe, de deux axes ou de trois axes d'action. Cela exigerait que les projets soient menés en partenariat avec des milieux de pratique et des milieux universitaires. Vous pourriez assurément compter sur la collaboration de notre organisme, à titre de membre de l'Alliance des centres de recherche canadiens sur la violence basée sur le genre, afin de faire circuler largement l'appel de projets parmi la communauté scientifique et les milieux de pratique en violence, pour que des projets pertinents répondent à des priorités du gouvernement.
Il s'agit peut‑être d'un modèle duquel s'inspirer si le gouvernement fédéral veut avoir un rôle dans la recherche en matière de violence.
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Il est donc important que plusieurs acteurs étudient cette question de façon concertée.
J’imagine que vous avez aussi réfléchi au fait que, en l’absence de voies de fait ou d’actes criminels, les policiers et les acteurs du système judiciaire interprètent souvent les violences comme de simples chicanes entre partenaires. Ils limitent donc leur intervention, malgré les signes d'une violence pouvant être considérée comme du contrôle coercitif, comportement qui est souvent précurseur d’une violence beaucoup plus physique.
Il faut donc travailler sur plusieurs aspects. En ce sens, faudrait-il, d’une part, criminaliser le contrôle coercitif et, d’autre part, offrir des formations aux policiers et aux acteurs du système judiciaire pour qu'ils comprennent mieux ce genre de situations et pour qu'ils soient mieux informés des outils législatifs disponibles? À vos yeux, s’agirait-il d’une autre façon de travailler de manière concertée et d’élargir l’approche, c'est-à-dire de voir le problème le plus largement possible, comme vous l’avez mentionné dans vos commentaires précédents?
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Absolument, oui. En fait, nous ne pouvons pas régler un problème aussi complexe en adoptant une solution simpliste. Changer les lois donne effectivement des outils, mais ce n'est pas suffisant si, par la suite, nous n’aidons pas les intervenants à travailler ensemble pour assurer un filet de sécurité. Les outils peuvent parfois être mal utilisés, aussi.
Personnellement, je travaille beaucoup sur la concertation entre les ressources d’aide. Dans plusieurs régions du Québec, des cellules de crise ont été mises en place à la suite des recommandations du rapport « Rebâtir la confiance ». C’est vraiment ainsi que nous allons arriver à protéger les femmes et à empêcher des féminicides. Il faut que la vision parfois restreinte d’un expert puisse être élargie grâce à l’apport d’un autre expert, provenant d'un autre secteur de pratique, qui perçoit d'autres dimensions et facteurs de risques. En regroupant les connaissances de tous, on finit par obtenir une action plus cohérente, plus intégrée et plus sécuritaire pour les victimes, ainsi qu’une vraie prise en charge, qui tient compte de tous les besoins.
Il faut aussi prendre en charge les auteurs de violence. Au-delà des mesures judiciaires, il doit y avoir un accompagnement. Sinon, une fois que la mesure judiciaire sera terminée, le danger va persister, si la personne ayant exercé un contrôle coercitif n’a pas été accompagnée. Il faut donc des mesures conjointes, sur les plans psychosocial et judiciaire, pour qu’un changement puisse s'opérer.
Je constate qu'il ne reste pas beaucoup de temps de parole à Mme Larouche. Je vais donc lui laisser les quelques secondes restantes, au cas où elle aurait d’autres questions à poser.
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Le contrôle coercitif fait partie des dynamiques de violence les plus dangereuses, c'est-à-dire celles qui sont potentiellement explosives et qui peuvent mettre en danger la vie des personnes. Devant ce genre de dynamique de violence, il faut des mesures de contrôle plus rigoureuses et plus sécuritaires. Par exemple, le Québec est en train de mettre en place un système de bracelets antirapprochement. C'est ce genre de mesures qu'il faut, quand on s'inquiète pour la vie des personnes, y inclus la vie des agresseurs, qui pourraient avoir des idéations suicidaires. En effet, le contrôle coercitif est aussi lié à cela. L'agresseur peut menacer de se suicider ou il peut vouloir tuer d'autres personnes pour ensuite se suicider.
Il faudrait avoir un outil législatif permettant de punir tout contrôle coercitif. Ce serait bien, mais cet outil à lui seul ne serait pas suffisant. L'agresseur ne restera probablement pas en prison toute sa vie. Il y a quand même peu de cas où des gens ont un comportement antisocial généralisé et exercent un contrôle coercitif dans toutes leurs relations, tant au travail qu'à l'école ou ailleurs. Souvent, c'est envers leur partenaire intime que les gens exercent un contrôle coercitif. Cela prouve que ces agresseurs peuvent contrôler leur comportement. S'ils n'exercent pas de contrôle coercitif dans certaines relations, mais qu'ils le font envers leur partenaire, cela signifie qu'ils sont capables de contrôler leur comportement et, ce faisant, qu'ils peuvent le changer. Il faut donc avoir aussi des mesures de réhabilitation.
Pourquoi les mesures de réhabilitation sont-elles importantes? C'est pour assurer, à moyen et à long terme, la sécurité de l'ex-conjointe et des enfants. Dans le cas où les ex-conjoints sont des parents, il est très rare qu'ils perdent totalement leur droit d'accès à leurs enfants. Quand la femme a un enfant, elle devra rester en contact avec le père de l'enfant, qu'elle le veuille ou non, et ce, même si un contrôle coercitif est exercé après la séparation. Il faut donc avoir des mesures plus sécuritaires à cet égard.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
C'est un peu frustrant, parce que j'avais beaucoup de questions pour Mme Lessard. Nous aurions pu entendre parler encore plus des jeunes.
Madame Lessard, j'espère que nous pourrons faire un suivi auprès de vous et que vous pourrez nous faire parvenir plus d'information sur les initiatives très porteuses auprès des jeunes. Nous nous intéressons aussi beaucoup aux relations amoureuses difficiles chez les jeunes.
Je me permettrai d'appeler Mme Montminy par son prénom, parce que je la connais depuis 30 ans.
Alors, bonjour, Marjolaine. Bienvenue à ce comité. Nous sommes bien contents de vous avoir entendue aujourd'hui.
Je connais bien le milieu rural de Bellechasse. La réalité que nous vivons est la même un peu partout au Canada en milieu rural. Par exemple, les personnes sont éloignées les unes des autres. On note également une absence ou une très faible présence de services de première ligne. En outre, les services de transport sont à peu près inexistants, pour des raisons qu'il est très facile de comprendre: le territoire est vaste et compte très peu de personnes, et les coûts seraient élevés, entre autres choses. Cela dit, vous avez mentionné qu'il était quand même possible de trouver des solutions.
Quelles initiatives très porteuses et faciles à mettre en place pourraient être exportées en milieu rural ailleurs au Québec, mais aussi au Canada?
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Premièrement, il faut offrir un accès Internet à coût modique, car cela représente un manque important.
Depuis deux ans, toutes les activités du Centre-Femmes de Bellechasse, comme celles de la majorité des organismes communautaires, ont lieu par Zoom. Alors, quand les femmes auxquelles nous voulons venir en aide n'ont pas les 55 $ par mois pour se payer une connexion Internet, cela devient difficile d'entrer en contact avec elles. Elles sont très loin de nous. Lorsqu'elles sortent d'une situation de violence conjugale et qu'elles passent par une maison d'hébergement, c'est souvent nous, par la suite, qui allons les chercher. C'est le moyen que nous utilisons depuis deux ans pour aller à la rencontre de notre clientèle. Ces femmes m'ont dit à plusieurs reprises qu'elles n'avaient pas d'argent pour se payer une connexion Internet. Alors, nous les dirigions vers un organisme où on pouvait leur prêter un poste d'ordinateur. C'est comme cela que nous nous sommes débrouillées.
Il faudrait que l'accès à Internet soit illimité et que les coûts soient plafonnés à 20 $ par mois. Quand on reçoit un chèque d'aide sociale d'environ 800 $ par mois, des frais de 55 $ pour accéder à Internet représentent un coût énorme.
Si elles utilisent leur téléphone pour accéder à Internet, cela épuise toutes leurs données mobiles et, à la fin du mois, il ne leur reste plus de minutes et elles ne peuvent plus appeler personne. Cela ne fonctionne pas. Il faut vraiment faire quelque chose à ce sujet.
Par ailleurs, il faut vraiment travailler fort afin de responsabiliser les auteurs de violence. Dans « Rebâtir la confiance », il y a quelque 180 recommandations...
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Oui, nous sommes en train de les mettre sur pied.
À la suite de l'épisode atroce vécu par Vickie Langlois, je lui ai demandé ce que j'aurais pu faire pour elle, comme directrice d'un centre de femmes, et elle m'a dit qu'il fallait des cellules de crise. Je suis émue quand j'en parle. Alors, nous travaillons là-dessus. Le projet avance. Nous avons reçu du financement et nous sommes en train d'établir des cellules de crise partout au Québec. Cela va être extraordinaire.
Quant aux bracelets antirapprochement, ils peuvent être utiles, mais seulement quand Internet fonctionne. En effet, c'est un dispositif qui fonctionne grâce au réseau: on est averti par téléphone si l'autre personne se trouve autour de la maison. Donc, si je reste dans le rang Trois‑Pistoles et que je n'ai pas accès à Internet, cela ne fonctionnera pas. C'est un aspect à considérer.
On a aussi désigné des policiers qui se consacrent aux situations de violence conjugale. Ils suivent des formations à cet égard. C'est nouveau...
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Je crois que la pandémie nous aura amenés à des transformations pratiques. Par exemple, dans un lieu comme celui où travaille Mme Montminy, il est très important d'offrir certains services en ligne, non seulement maintenant, mais aussi quand la pandémie sera finie. Ces services peuvent avantager les personnes qui ne peuvent pas se déplacer, celles qui ont un handicap ou celles qui peinent à se rendre à une rencontre de groupe.
Je crois qu'il faudra suivre de près la façon dont les services se transforment et se réorganisent pendant et, surtout, après la pandémie, notamment pour voir quel type de thérapie est efficace.
Par exemple, à notre centre de recherche, une chercheuse spécialisée en psychologie offre de la thérapie en ligne aux gens souffrant de traumatismes, aux victimes de violence sexuelle ou conjugale. Ses recherches préliminaires ont donné des résultats très encourageants quant à l'efficacité du traitement.
Ce sont de nouvelles façons de travailler, que nous pourrons explorer davantage et qui pourraient même servir à aider les jeunes, qui sont beaucoup plus portés que nous sur la technologie. Les services en ligne pourraient donc être une voie d'avenir.
Je tiens à souhaiter la bienvenue au deuxième groupe de témoins pour la discussion d'aujourd'hui sur la violence entre partenaires intimes. Nous recevons quatre groupes de témoins aujourd'hui, donc nous allons respecter rigoureusement le temps alloué et travaillons ensemble pour ce faire.
[Français]
Nous recevons à titre personnel Peter Jaffe, professeur émérite à la Western University. De l'Assemblée des Premières Nations, nous recevons Anna Betty Achneepineskum, la grande cheffe adjointe de la nation Nishnawbe Aski, et Julie McGregor, directrice de la section de la justice. Nous recevons aussi Chantal Tanguay, directrice de La Gîtée, Sylvie Bernatchez, directrice de La Jonction pour elle, Shelina Jeshani, directrice des partenariats stratégiques et de la collaboration au Safe Centre de Peel, ainsi que Lisa Hewison, inspectrice à la section des crimes contre la personne de la police régionale de Peel.
[Traduction]
J'aimerais lancer la première déclaration de six minutes et céder la parole à M. Peter Jaffe.
Monsieur Jaffe, vous avez la parole pendant six minutes.
:
Merci, madame la présidente. Vous êtes ma voisine de Thames Valley.
Distinguées membres du Comité permanent de la condition féminine, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
J’aimerais surtout parler des préjudices que subissent les enfants exposés à la violence domestique. Ces derniers sont souvent confrontés à la mort, à des traumatismes ou à des problèmes émotionnels qui dureront toute leur vie. Malheureusement, le risque de préjudices pour les enfants est souvent négligé.
Ma collègue, Myrna Dawson, de l'Université de Guelph et moi-même avons participé à une étude nationale sur les homicides familiaux, avec le soutien de 12 autres universités, de chercheurs et de plus de 60 partenaires communautaires d'un bout à l'autre du Canada. L'une des conclusions que je tiens à souligner, c’est qu'au cours des 10 dernières années, il y a eu 815 victimes d'homicide familial au Canada. Les femmes sont les victimes dans plus de 80 % des cas. Les hommes en sont les auteurs dans 86 % des cas. La violence domestique est un crime fondé sur le sexe, ce qui comprend le meurtre d'enfants comme acte de vengeance contre les femmes qui tentent de mettre fin à une relation de violence.
D'après nos recherches, un enfant sur neuf est tué dans le contexte de la violence domestique. Même les enfants qui survivent continuent de souffrir de séquelles très profondes. On estime que plus de 800 enfants ont perdu leurs deux parents durant la période à l'étude, soit à cause d'un meurtre-suicide, soit parce que leur mère a été tuée et leur père incarcéré. Selon les estimations, 400 enfants ont été témoins d'un homicide ou de ses conséquences sur la scène du crime et lors de l'intervention d'urgence de la police.
Lorsqu'un enfant ou un parent est tué, c'est rarement sans préavis. Il existe souvent de nombreux signes avant-coureurs connus des amis, de la famille, des voisins et des collègues de travail. Ces signes avant-coureurs ou facteurs de risque peuvent également être décelés par la police, les services sociaux, les professionnels de la santé mentale, les avocats et les juges. Ces homicides sont prévisibles et évitables. D'après nos recherches en Ontario, plus de 70 % de ces cas présentent au moins 7 facteurs de risque connus avant l'homicide: séparation récente, antécédents de violence domestique, dépression et idées suicidaires chez l'auteur de l'homicide, harcèlement criminel, escalade de la violence, strangulation, menaces de préjudice et crainte intuitive chez la victime.
Un seul décès, c'est déjà trop. Les Canadiens doivent travailler ensemble pour prévenir chaque homicide familial.
Que pouvons-nous faire de mieux? J'aimerais m'attarder sur le tribunal de la famille et la nécessité de procéder à des réformes majeures pour aider les victimes qui s'inquiètent de leur sécurité et de celle de leurs enfants.
La bonne nouvelle, c'est qu'il y a eu un progrès important au Canada grâce aux modifications apportées à la Loi sur le divorce, modifications qui reconnaissent désormais toutes les formes de violence familiale comme un facteur que les juges doivent prendre en compte pour déterminer l'intérêt supérieur des enfants. Le ministère de la Justice a fait beaucoup pour appuyer ces modifications, notamment en produisant une excellente trousse d'outils à l'intention des avocats afin de les aider à mieux comprendre la violence familiale et à faire preuve de plus de sensibilité lorsqu'ils représentent des parents aux prises avec ce problème.
La réforme législative doit s'accompagner d'une réforme judiciaire. Si nous modifions les lois sans mettre à jour le processus, nous risquons de ne pas instaurer les vrais changements dont les victimes et leurs enfants ont besoin. J'espère que le , en collaboration avec ses homologues provinciaux et territoriaux, ainsi qu'avec les juges en chef, pourra mettre en œuvre certaines mesures immédiates.
En premier lieu, par exemple, il s'agit de rendre obligatoires les programmes de formation des juges sur la violence familiale, de sorte que chaque juge qui entend des affaires relevant du droit de la famille possède des connaissances spécialisées sur la dynamique de la violence familiale et ses répercussions sur les enfants et la sécurité des victimes.
En deuxième lieu, il faut veiller à ce que les affaires soient triées dès le départ et confiées à un seul juge, au lieu d'être traitées par plusieurs juges qui pourraient négliger les facteurs de risque accrus de violence entre partenaires intimes. J'ai entendu à plusieurs reprises, dans tout le pays, des histoires de parents qui doivent comparaître devant une multitude de juges aux opinions variées, sans aucune approche ciblée pour contrer la violence familiale. Nous avons également besoin d'un processus judiciaire qui ne permet pas l'abus de procédure. Il s'agit là d'une situation où le contrôle coercitif durant le mariage est désormais exercé par l'entremise du tribunal de la famille dans le but d'épuiser la victime financièrement et émotionnellement. Rares sont les juges qui reconnaissent ces cas et qui mettent un terme à cet abus qui se produit sous leurs yeux.
Il y a beaucoup de juges réfléchis, sensibles et brillants partout au pays, mais chaque victime de violence familiale mérite un de ces juges et ne devrait pas avoir à dépendre du destin ou d'un coup de chance pour se retrouver dans la salle d'audience d'un tel juge. On ne peut pas se permettre d'erreurs dans les affaires de violence familiale. Les juges prennent des décisions de vie ou de mort, souvent en s'appuyant sur des renseignements limités et en écoutant des plaideurs qui n'ont pas les moyens de se faire représenter correctement. L'accès à la justice, pour une victime de violence familiale, ne signifie pas seulement une journée au tribunal. Cela signifie une journée avec des juges et des professionnels de la justice qui doivent être bien au fait de ces questions.
Je vais m'arrêter là, mais j'ai fourni au Comité d'autres documents. J'espère que, pendant la période des questions, j'aurai l'occasion de parler de mon autre grande recommandation, à savoir la création de programmes de prévention universels qui sont intégrés à chaque école du pays.
Merci, madame la présidente.
:
Madame la présidente, chères membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant ce comité permanent très important.
Je m'appelle Shelina Jeshani, et je suis la directrice des partenariats stratégiques et de la collaboration. Je supervise le Safe Centre of Peel, qui est situé dans la région de Peel, en Ontario. J'ai le privilège d'être ici pour représenter 16 organisations partenaires, et je suis accompagnée de ma collègue, qui représente la police régionale de Peel et avec qui je partagerai mon temps de parole aujourd'hui.
Je ne suis pas ici pour vous faire part de statistiques effarantes que nous connaissons déjà au sujet de la violence entre partenaires intimes, qui est un problème très répandu dans notre pays. Je veux plutôt vous parler aujourd'hui d'un modèle innovateur, fondé sur des données probantes et des pratiques exemplaires. Ce modèle montre comment une collectivité peut travailler ensemble pour intervenir et fournir un filet de sécurité aux victimes de violence infligée par un partenaire intime.
Le Safe Centre of Peel est le fruit de la collaboration de 16 partenaires communautaires qui fournissent un modèle de prestation de services intégrés, coordonnés et complets aux victimes de violence infligée par un partenaire intime. Nous sommes en activité depuis plus de 10 ans.
En 2008, nos partenaires communautaires ont commencé à discuter de la façon dont nous devions répondre différemment à la violence entre partenaires intimes au sein de notre collectivité. Nous ne pouvions plus continuer à travailler en vase clos, à dédoubler les services et à rester les bras croisés pendant que des femmes vulnérables devaient patauger dans les systèmes que nous avions créés. C'est ainsi que nous avons commencé à consulter les fournisseurs de services de première ligne et les survivantes pour comprendre leurs expériences, leurs lacunes et leurs espoirs en vue d'un système de services adaptés.
Nous avons entendu invariablement le même message, à savoir que les victimes devaient sans cesse répéter leur histoire. On leur disait qu'elles ne pouvaient pas amener leurs enfants avec elles à ces différents services. Elles étaient contraintes de cheminer dans des systèmes et des secteurs complexes. Bon nombre de ces victimes devaient également faire face à de multiples obstacles, comme les barrières linguistiques, l'immigration, le manque ou l'absence totale de moyens financiers, le fait d'être mères de jeunes enfants et de n'avoir pratiquement aucun système de soutien. Nous savons que les besoins des victimes et de leurs enfants sont criants et que le système est tout simplement trop difficile et trop compliqué pour s'y retrouver.
Nous avons alors examiné ce qui se faisait ailleurs pour voir quels autres modèles innovateurs étaient en vigueur. Nous avons découvert le modèle des centres de justice familiale, qui est reconnu comme une pratique exemplaire par le département américain de la Justice et qui a permis d'établir des centres partout aux États-Unis et dans 25 autres pays.
Le Safe Centre of Peel, à l'instar des modèles de centres de justice familiale, travaille à la création de services qui sont intersectoriels. Nous reconnaissons que la collaboration et l'intégration entre les services communautaires, la justice, le droit, la santé et l'éducation sont essentielles pour répondre aux besoins des victimes de violence infligée par un partenaire intime. Aujourd'hui, nous voulons vous proposer l'idée que le Safe Centre of Peel peut servir de modèle de pratique exemplaire à l'échelle nationale.
Nous sommes tous conscients que la violence entre partenaires intimes et ses répercussions sur nos enfants et nos collectivités constituent un problème dans notre pays. Lorsqu'on demande aux victimes d'aller d'un endroit à l'autre et de répéter sans cesse leur histoire, sans qu'elles disposent d'un endroit sûr pour leurs enfants, et lorsqu'on s'attend à qu'elles se débrouillent seules pour se prévaloir de services distincts et faire des liens entre divers secteurs, c'est pratiquement impossible. Nous devons faire quelque chose de différent partout au pays pour assurer la sécurité des femmes et des enfants. La violence entre partenaires intimes est une question complexe, mais la prestation de services n'a pas besoin de l'être aussi.
Nous vous demandons instamment de considérer le Safe Centre of Peel comme un modèle de pratique exemplaire d'envergure nationale qui peut être mis en œuvre dans tout le pays. L'élaboration et la mise en œuvre de ces modèles doivent être financées de manière adéquate afin de créer des centres et des collectivités qui tiennent compte des besoins de ces personnes.
L'intégration des services au Safe Centre of Peel a consisté, en partie, à établir un travail intégré avec notre partenaire du système de justice, à savoir la police régionale de Peel. J'invite maintenant Mme Hewison à vous donner un aperçu de ce partenariat.
Je vous remercie.
J'aimerais remercier le Comité et le Safe Centre of Peel d'avoir inclus la police régionale de Peel dans le cadre de ces témoignages.
Je suis l'inspectrice Lisa Hewison, et je dirige l'une des plus grandes unités de lutte contre la violence entre partenaires intimes au Canada. Les groupes que nous desservons ne sont pas à l'abri de la violence entre partenaires intimes ni de la violence domestique. Les conflits entre partenaires intimes constituent invariablement le motif le plus fréquent des appels que nous recevons. En 2020, cette forme de violence était à l'origine de 30 % des homicides dans notre région.
En 2021, nous sommes intervenus dans plus de 16 000 incidents mettant en cause la violence entre partenaires intimes et la violence domestique. Cela représente 45 incidents toutes les deux heures, chaque jour. Toujours en 2021, nous avons porté 393 accusations de strangulation dans des cas où les survivantes avaient échappé à la mort à quelques secondes près. Cela représente donc plus d'une femme étranglée chaque jour dans notre région.
La police régionale de Peel a cerné des lacunes dans les services et des incohérences dans le système judiciaire lorsqu'il est question de violence entre partenaires intimes, ce qui oblige souvent les survivantes à subir des traumatismes supplémentaires. De nombreuses victimes de violence infligée par un partenaire intime...
:
Madame Hewison, je regrette de devoir vous interrompre. Je sais que l'information que vous nous fournissez — information qui est plutôt accablante, à vrai dire — sur certaines de ces questions... Nous devons passer aux autres témoins. Nous vous invitons tout de même à nous faire parvenir tous ces renseignements supplémentaires, si possible.
[Français]
Je donne maintenant la parole aux représentantes de l'Assemblée des Premières Nations, soit Anna Betty Achneepineskum, qui est la grande cheffe adjointe de la nation Nishnawbe Aski, et Julie McGregor, qui est directrice du secteur de la justice.
[Traduction]
Je vais vous donner la parole, à toutes les deux, pour cinq minutes. Je vous indiquerai lorsqu'il vous restera une minute, ce qui signifie que vous devrez commencer à conclure, mais vous disposerez de cinq minutes.
Madame Hewison, je suis sûre que nous reviendrons à vous durant la période des questions. Merci.
Madame Achneepineskum, vous avez la parole.
Bonjour, madame la présidente, mesdames les vice-présidentes et mesdames les membres du Comité. Je m'appelle Anna Betty Achneepineskum, et je suis la grande cheffe adjointe de la nation Nishnawbe Aski et la représentante de l'Ontario au Conseil des femmes de l'Assemblée des Premières Nations, ou APN. Je vous parle depuis Niagara Falls, qui se trouve sur les terres ancestrales des Haudenosaunee et des Anishinabes. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour aborder le thème de la violence domestique et de la violence entre partenaires intimes. Je suis accompagnée de Julie McGregor, qui est directrice de la justice à l'Assemblée des Premières Nations.
Tout d'abord, en ce qui concerne le travail effectué par le Conseil des femmes de l'APN, celui‑ci a pour mandat de conseiller le comité exécutif de l'APN en affirmant « l'importance d'établir et de renforcer les partenariats entre hommes et femmes, [y compris les personnes de diverses identités de genre] à tous les niveaux du processus décisionnel de l'APN, ce qui est essentiel à la réalisation d'une société équitable ». Le Conseil des femmes de l'APN est composé d'une ou de plusieurs femmes qui occupent des postes de direction et qui représentent chacune des 10 régions suivantes: Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Ontario, Québec et Labrador, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, Nouveau-Brunswick et Île‑du‑Prince-Édouard, Territoires du Nord-Ouest et Yukon. Chaque région est chargée de définir le processus de nomination de ses représentants régionaux.
L'APN appuie le principe de la « famille d'abord » dans tout le travail qu'elle effectue en réponse à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Nous croyons qu'il est important que le plan d'action national en la matière tienne compte de la voix des personnes qui défendent, depuis bien des années, la santé et la sécurité de nos femmes. L'APN était partie prenante de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et le Conseil des femmes de l'APN continue de plaider vigoureusement en faveur de la mise en œuvre des 231 appels à la justice.
L'année dernière, en 2021, le Conseil des femmes de l'APN a mené un processus de mobilisation nationale dans l'ensemble des 10 régions de l'APN en vue d'élaborer le plan d'action national des Premières Nations. Le Conseil des femmes de l'APN croit fermement qu'il faut écouter les survivantes et les familles afin de savoir ce qui est nécessaire pour mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les personnes bispirituelles et de diverses identités de genre des Premières Nations. Lorsque les chefs en assemblée ont adopté la résolution 67/2019, donnant au Conseil des femmes de l'APN le mandat de coordonner son propre processus de mobilisation avec les Premières Nations, une des directives était de veiller à l'application du principe de la « famille d'abord ». Pour remplir ce mandat, nous avons gardé les survivantes et les familles au cœur de notre travail tout au long des processus de mobilisation.
Dans la seule région de l'Ontario, le Caucus des femmes des Premières Nations des Chefs de l'Ontario et le Conseil des femmes de l'APN ont organisé 26 séances virtuelles de mobilisation avec des familles et des survivantes: 10 séances dans le Sud de l'Ontario, 10 dans le Nord de l'Ontario et 6 séances consacrées aux groupes linguistiques de la nation Nishnawbe Aski, grâce à des traductions en cri, en oji‑cri et en ojibwa. De plus, parmi les séances du Nord et du Sud de l'Ontario, plusieurs étaient consacrées exclusivement aux jeunes et aux personnes 2ELGBTQQIA+ des Premières Nations.
Après ces dialogues, le caucus des femmes des Premières Nations de l'organisme des Chefs de l'Ontario a organisé la réunion des familles des FFADA pour tirer parti de l'élan observé dans la région et pour formuler un plan d'action détaillé sur la violence fondée sur le sexe afin d'aider de façon stratégique les Premières Nations de l'Ontario à prévenir la violence. Ce plan comprend des initiatives de sensibilisation à la traite des personnes et de prévention de ce problème et de sensibilisation à la diversité des genres et aux préjugés, ainsi que des programmes de guérison pour les hommes.
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Madame la présidente, membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de l'invitation à participer à l'étude sur la violence entre partenaires intimes et la violence familiale au Canada.
Je m'appelle Sylvie Bernatchez et je suis directrice de la maison d'aide et d'hébergement La Jonction pour elle et de la Maison Denise‑Ruel, une maison de deuxième étape, toutes deux situées à Lévis. Je suis accompagnée de ma consœur Mme Chantal Tanguay, directrice de la maison d'aide et d'hébergement La Gîtée et de la Maison Louise, une maison de deuxième étape située à Thetford Mines, dans la région de Chaudière‑Appalaches.
Nous avons choisi de vous parler du vécu des femmes et de leurs enfants qui vivent dans un contexte de violence conjugale, de leurs mots, mais aussi de leurs maux. Nous côtoyons les femmes dans un milieu de vie en maison d'hébergement. Nous partageons le même espace 24 heures sur 24. Des liens se créent, des échanges se font. Le fait de côtoyer plusieurs femmes qui ont vécu des événements similaires de violence et de contrôle permet à ces femmes de sortir de l'isolement. Elles se sentent moins seules à vivre ces problèmes.
Nous accueillons les femmes et leurs enfants dans un lieu sécuritaire offrant écoute, soutien et accompagnement. Nous sommes donc à même de constater les répercussions de la violence sur les victimes. Nous parlons de la peur et de la culpabilité, ainsi que des nombreuses pertes subies, par exemple la perte de la confiance en soi, la perte de l'estime de soi, la perte de la famille ou d'amis, ou encore la perte d'emploi, sans oublier les pertes sur le plan de la santé, tant la santé physique que la santé psychologique. Ces femmes ont mal dans toutes les sphères de leur vie.
Les femmes vont en maison d'hébergement afin d'échapper à la violence conjugale, momentanément. En effet, il arrive souvent que la violence se poursuive et s'accentue après la rupture. Alors, les femmes vivent encore de la violence après la séparation.
Retrouver une vie adéquate pour elles et leurs enfants est un travail de tous les instants. Elles doivent relever des défis majeurs. D'abord, elles doivent trouver un logement où déménager. C'est tout un défi lorsque la sécurité et la capacité financière sont des facteurs importants. La dynamique de la violence conjugale cause l'appauvrissement des femmes. Souvent, elles se sont endettées ou ont perdu leur emploi. D'ailleurs, l'aspect financier est une des raisons pour lesquelles les femmes hésitent à quitter leur conjoint. Souvent, c'est le conjoint qui gagne le revenu principal de la famille, ou leur revenu à elles n'est pas suffisant pour subvenir aux besoins de leur famille.
La peur s'installe et elles se sentent piégées. Souvent, ces femmes doivent prendre des congés de maladie à cause de leur situation, ce qui les entraîne dans un cycle d'impuissance et de vulnérabilité. Non seulement c'est un défi de trouver un logement adéquat, mais elles doivent également meubler ce logement, changer les enfants d'école, étant donné qu'elles ont changé de quartier, assurer des transports et assumer d'autres dépenses découlant de leur situation. À cela s'ajoutent les défis liés à la garde des enfants dans un contexte de violence qui continue après la séparation.
Bien sûr, les maisons de deuxième étape peuvent accueillir annuellement près de 500 femmes et enfants dans les 34 maisons membres réparties dans 14 régions du Québec. Malheureusement, ce nombre n'est pas suffisant pour répondre à toutes les demandes. Le besoin de sécurité de ces femmes continue d'exister après leur séjour en maison d'aide et d'hébergement.
Les femmes qui sont dans nos maisons ont besoin de sécurité, mais aussi d'aide et d'accompagnement dans diverses sphères de leur vie afin de reprendre le pouvoir sur leur vie. Concrètement, elles ont besoin de soutien dans les démarches qu'elles entreprennent afin de bâtir une nouvelle vie pour elles et leurs enfants. Toutes les sphères de leur vie sont touchées. Dans leurs milieux respectifs et dans leurs réseaux d'aide, ces femmes se heurtent à des incompréhensions quant à la violence conjugale qu'elles vivent. C'est pourquoi nous travaillons conjointement avec elles et différents intervenants pour mettre en lumière les conséquences de la violence conjugale sur elles et sur leurs enfants. La formation des partenaires est un facteur essentiel à la mise en place de filets de sécurité auprès des victimes. Cela permet d'avoir une vision commune du problème et des conséquences de ce fléau sur les femmes et sur les enfants, ce qui nous apparaît comme un incontournable.
La violence conjugale est un problème de société et tous les acteurs doivent collaborer à la mise en place de mesures sécuritaires pour les victimes. Nous sommes heureuses de l'implantation de la cellule de crise du Carrefour sécurité en violence conjugale dans la région de Chaudière‑Appalaches, qui permet de mettre l'accent sur la sécurité des victimes et de prévenir des homicides conjugaux. Les maisons d'hébergement ne peuvent assurer seules la sécurité des victimes. Par conséquent, l'apport de nos partenaires est essentiel.
Merci.
:
Je vous remercie infiniment de votre question.
La première chose que je dois dire, c'est que j'ai demandé à la greffière de faire circuler un rapport que nous avons rédigé pour le compte de FEGC et qui porte sur tous les programmes de prévention que nous avons évalués à l'échelle nationale. Je vous recommande d'examiner ce rapport, mais les points saillants du rapport indiquent que nous avons des occasions uniques d'intervenir auprès des enfants qui sont exposés à la violence, et aussi auprès de leur groupe de pairs.
L'un des points que j'allais souligner, c'est que nous offrons un programme universel de prévention qui est intégré dans notre système scolaire. Nous appelons ce programme « The Fourth R », et ce titre représente les relations saines. Il s'agit d'un plan en 21 leçons intégré dans le programme de la santé et de l'éducation physique de la 9e année. Il est maintenant offert dans 5 000 écoles de l'Amérique du Nord. Le programme est traduit en français et, en fait, en espagnol, car il est aussi utilisé dans plusieurs États américains.
C'est un programme qui ne nécessite pas la présence de spécialistes à l'école. Les enseignants reçoivent une formation qui leur permet d'offrir le programme. Il répond à toutes les attentes des programmes d'études provinciaux et territoriaux en ce qui concerne les concepts que tous les élèves devraient apprendre au sujet des relations saines. En outre, le programme a été évalué. Dans le cadre d'une étude, nous avons constaté que la simple participation des élèves au programme, entre la 9e et la 11e année, nous avait permis de réduire de 50 % les incidents de violence familiale simplement parce que les élèves participent à ce programme.
Je précise encore une fois qu'il y a, dans les documents que j'ai remis à la greffière, des renseignements que je vous encouragerais vraiment à examiner.
:
Je vous remercie de votre question.
Bon nombre des caractéristiques uniques du modèle sont fondées sur les commentaires des survivants. Encore une fois, lorsque les victimes visitent le Safe Centre, elles bénéficient d'un endroit sûr et adapté aux enfants où une éducatrice en service de garde, qui travaille à temps plein, s'occupe des enfants là où ils peuvent jouer et être eux-mêmes pendant que les mamans obtiennent les renseignements et le soutien dont elles ont besoin. Elles ne sont pas obligées d'amener leurs enfants dans une salle de consultation et de s'inquiéter de ce qu'ils vont entendre.
Lorsque les gens visitent le Safe Centre, ils ne suivent le processus d'admission qu'une seule fois. Ils ne répètent pas leur histoire à plusieurs reprises. Un seul dossier existe et, je le répète, nous travaillons de manière intégrée avec nos partenaires afin que nous utilisions tous la même évaluation des risques et que, par conséquent, que nous employions tous le même langage. Lorsqu'un partenaire déclare que le risque est de tel ou tel niveau, l'autre partenaire comprend exactement ce que cela signifie. De plus, au Safe Centre, des gens occupent des postes qui cimentent les diverses activités. Les accompagnateurs de clients sont là pour accueillir et soutenir nos clients afin qu'ils n'aient pas à se retrouver dans le système par eux-mêmes. Les accompagnateurs aident nos clients à accéder aux ressources dont ils peuvent avoir besoin, au moment où ils en ont besoin, et leur montrent comment les intégrer dans leur vie.
L'une des autres caractéristiques les plus importantes du Safe Centre est sa capacité de tenir très rapidement des conférences sur des dossiers et, par conséquent, de pouvoir intervenir dans des cas qui présentent des risques élevés. Notre récente collaboration avec le service de police régional de Peel a ajouté le facteur supplémentaire que les femmes nous ont dit qu'elles voulaient, c'est-à-dire que lorsqu'elles veulent parler à la police, elles ne veulent pas s'asseoir dans des postes de police et attendre sans savoir qui va franchir la porte. Elles veulent être à un endroit sûr et confortable où elles peuvent compter sur des services de soutien et parler à des policiers qui ont reçu une formation sur la violence entre partenaires intimes (VPI) et qui comprennent ce que c'est et les nombreux obstacles auxquels elles peuvent se heurter.
L'inspectrice Hewison pourra certainement vous en dire plus sur le travail que nous réalisons en collaboration avec le service de police régional de Peel.
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Absolument. Nous avons beaucoup de succès maintenant, et nous entendons les survivants nous dire qu'ils ont vécu une meilleure expérience en raison du modèle et des changements que nous lui avons apportés. Notre modèle de prestation de services est intégré à notre cadre de sécurité et de bien-être de la collectivité, de sorte que nous ne cherchons pas à donner des réponses instantanées, mais nous examinons plutôt les interventions du point de vue des risques, du développement social et de la prévention. Nous utilisons ces approches et ces services en amont pour s'occuper des personnes à risque.
Un autre grand changement pour les agents de police, c'est que toute mon unité est en fait établie dans le bâtiment d'un partenaire communautaire. Pour le service de police régional de Peel, le fait d'avoir une unité d'enquête qui est établie entièrement hors d'un poste de police est une première. L'unité est située dans le bâtiment d'un partenaire communautaire. De cette façon, nous sommes sur place, et nous interagissons avec nos partenaires communautaires. J'ai accès à des salles d'entrevue qui se trouvent à l'intérieur du Safe Centre, afin que la femme, la victime, n'ait jamais à se rendre dans un poste de police, parce que nous reconnaissons que c'est l'un des obstacles au signalement. Nous essayons d'examiner différentes façons d'éliminer ces obstacles et de cesser de travailler en vase clos pour pouvoir travailler davantage ensemble.
Une fois que nous avons terminé notre enquête, comme nous sommes dans le même bâtiment, nous sommes en mesure de passer le relais à nos partenaires communautaires, afin que les victimes puissent obtenir le soutien dont elles ont besoin.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins. On peut dire que les témoignages de ce deuxième groupe que nous recevons aujourd'hui sont très denses. Leur travail au quotidien sur les questions de violence contre les femmes ou infligée par un partenaire intime est vraiment admirable.
Monsieur Jaffe, je vous adresse ma première question.
Nous savons tous que, pour mettre fin au cycle de la violence, il faut travailler davantage en amont. Plusieurs témoins sont venus le dire au Comité.
Comme nous le savons, les comportements coercitifs d'un agresseur sont souvent précurseurs de violence physique, d'où l'importance de reconnaître ce contrôle coercitif. Par contre, nous savons que cette reconnaissance ne se fait pas d'un simple coup de baguette magique. D'ailleurs, l'ensemble des témoignages entendus par le Comité nous permet d'en convenir. Cependant, c'est un outil de plus parmi d'autres. On a mentionné la formation des acteurs du système judiciaire, mais il y a aussi la prévention auprès de la population en général, ainsi que l'accompagnement des femmes tout au long du processus de dénonciation.
Pour toutes ces raisons, croyez-vous qu'il est quand même important d'inscrire le contrôle coercitif dans la loi pour renforcer toutes les mesures de prévention, de formation et d'accompagnement?
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La réponse est assurément oui. Il ne sert à rien de modifier la loi si l'éducation n'appuie pas cette loi. Cela devrait faire partie de ce que chaque avocat apprend à la faculté de droit, de ce que chaque travailleur social et chaque psychologue apprend dans le cadre de sa formation.
Il devrait y avoir un programme d'éducation publique très actif. Nous ne prenons pas suffisamment de mesures visant à éduquer le public. Comme je l'ai indiqué précédemment, nous devrions passer des messages d'intérêt public qui décrivent ce à quoi ressemble le contrôle coercitif et la façon de le repérer. Nous devrions diffuser ces messages pendant les éliminatoires de la Coupe Stanley. Nous ne devrions pas nous contenter d'une brochure dans le cabinet d'un médecin. Il faut que cet enjeu soit sous nos yeux.
Le Québec est la seule province où j'ai vu des messages d'intérêt public diffusés qui définissent la violence sous tous ses aspects. Je les ai vus pendant les matchs de hockey des Canadiens de Montréal, mais je ne les ai pas vus ailleurs. J'utilise simplement cet exemple. Nous devons vraiment investir dans l'éducation publique et prendre cette question au sérieux.
Je pense que nous ne sommes pas à la hauteur de la tâche. Je crois que, plus tôt au cours de vos audiences, Katreena Scott a témoigné et qu'elle a parlé de programmes extraordinaires dont nous disposons, comme Neighbours, Friends and Families. Le programme est offert en plusieurs langues, mais nous ne le diffusons pas suffisamment dans les quatre coins du pays.
Je pense que nous devons investir massivement dans l'éducation du public. Si nos voisins, nos amis, notre famille et nos collègues, c'est-à-dire la ligne de front, ne sont pas renseignés, c'est un endroit de moins où les victimes et les auteurs potentiels peuvent aller chercher de l'aide et du soutien.
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Merci beaucoup. Je remercie également tous les témoins des témoignages qu'ils ont apportés aujourd'hui.
J'adresse ma première question à la grande cheffe adjointe Achneepineskum. Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre contribution au document intitulé « Parcours vers la sécurité ».
Depuis que je suis à la Chambre des communes, j'ai vraiment essayé d'exercer des pressions pour que le gouvernement réagisse de façon plus urgente à ce très grave génocide des femmes et des filles autochtones et des personnes de diverses identités de genre. L'une des citations d'un rapport indique ce qui suit: « L'incidence du budget fédéral doit être ressentie sur le terrain ».
Il y a plus de 630 communautés des Premières Nations au Canada et 53 communautés inuites, en plus des établissements métis qui existent partout au pays, et pourtant, d'après le rapport que Statistique Canada a publié en 2017‑2018, il n'y avait que 85 refuges pour les victimes de violence qui avaient des liens avec des communautés ou des organisations des Premières Nations, métisses ou inuites.
Nous savons que six femmes autochtones sur dix ont subi des violences physiques ou sexuelles à un moment donné de leur vie. Ce chiffre passe à 83 % pour les membres des communautés LGBTQIA+. Je reprends donc la citation selon laquelle « L'incidence du budget fédéral doit être ressentie sur le terrain ». L'enquête nationale a été publiée en 2019, et je ne ressens pas son impact sur le terrain.
Le rapport fait également état de frustrations concernant le manque de financement durable qui se traduit par des actions préventives et des lacunes créées par un manque de coopération entre les gouvernements. Cela va directement à l'encontre de l'appel à la justice 1.6 de l'enquête nationale, qui demande à « tous les gouvernements d'éliminer les lacunes et les négligences relatives au champ de compétence qui entraînent des services [inappropriés ou] refusés ». Votre rapport demande au gouvernement fédéral de prendre l'initiative de s'attaquer à ces problèmes relatifs au champ de compétence et de combler les lacunes.
Je pense que l'absence de mesures coûte des vies. En fait, je sais que cela coûte la vie à des femmes autochtones et à des personnes de diverses identités de genre de ma circonscription. Je me demande si vous pouvez formuler des observations à ce sujet.
Je me réjouirais certainement d'entendre toutes les observations que ma collègue, Mme McGregor, pourrait formuler.
Je vis à Thunder Bay, en Ontario. Je suis également très consciente des défis auxquels les femmes et les filles autochtones font face lorsqu'elles tentent de trouver un endroit sûr au sein de leur communauté. Bon nombre d'entre elles doivent partir et se rendre dans des centres urbains, où elles doivent parfois affronter des difficultés.
Lorsque nous parlons de la disparité dans le financement accordé à ces organisations qui fournissent des services aux communautés des Premières Nations, il y a une grande différence dans le financement qu'elles obtiennent et il y a aussi une disparité très perceptible du point de vue des infrastructures. Ce sont là certains des problèmes que nous essayons de régler. De nombreux documents et données probantes montrent que cette lacune particulière doit être comblée.
Madame McGregor, je ne sais pas si vous souhaitez ajouter quoi que ce soit d'autre.
Meegwetch.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
C'est toujours difficile d'intervenir lorsqu'il s'agit de questions et de sujets d'une telle importance, mais je vais faire de mon mieux.
Monsieur Jaffe, ce que vous avez dit aujourd'hui m'a beaucoup impressionnée. Il y avait beaucoup de gens qui secouaient la tête ici — je ne sais pas si vous pouviez le voir — lorsque vous avez parlé, et en particulier lorsque vous avez abordé la question de l'éducation publique.
L'une des grandes choses que j'aimerais voir se produire, et je suis curieuse de savoir ce que vous en pensez, ce serait de miser sur le côté prévention afin de stopper le cycle des traumatismes. En ce qui concerne les enfants qui ont subi un traumatisme extrême, je serais curieuse de savoir quelles interventions et quels traitements pourraient, selon vous, aider les enfants à se remettre.
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Les enfants ont besoin de recevoir du counselling en matière de traumatisme, et ils n'en reçoivent pas beaucoup. Il n'y a pas de programme universel au Canada. Je travaille avec des enfants qui ont été témoins d'un homicide familial. Or, cela relève du destin ou de la chance — selon leur situation géographique et la qualité du suivi des services d'aide aux victimes — s'ils reçoivent une sorte de counseling approprié. Disons que cet enjeu devrait être une priorité.
Si vous êtes un enfant qui vit dans un foyer où il y a de la violence, vous risquez non seulement de répéter le cycle à l'avenir, mais aussi d'avoir de graves problèmes émotionnels, comportementaux et cognitifs. Ces enfants devraient recevoir de l'aide immédiatement.
Je pense que chaque communauté ou chaque région doit avoir accès à des ressources spécialisées pour les enfants qui sont exposés à de la violence en milieu familial. Ils sont très exposés. Qu'il s'agisse de bébés ou d'adolescents, nous savons, grâce à la recherche, que les enfants sont touchés à tous les stades de leur développement, et nous continuons à le nier et à sous-estimer la gravité de la situation. Cela devrait être une valeur par défaut en matière de soins de santé. Les médecins de famille devraient poser cette question dans le cadre de leur travail de tous les jours avec les familles, et les pédiatres devraient aussi la poser. Je crois que nous devons intégrer cela à un plan d'action.
Nous avons également besoin de sensibilisation. Les enfants sont ignorés, et cela me rend triste de voir qu'en 2022, nous devons encore et toujours soulever ce problème.
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D'accord, et ensuite je vous cède la parole, madame Hewison.
Encore une fois, merci de cette question.
Absolument, nous voyons souvent des femmes qui arrivent au centre d'accueil avec des traces de violence conjugale. Or, en travaillant avec ces femmes et en creusant davantage, nous découvrons des indices qui renvoient à la traite de personnes, alors nous commençons à regarder dans cette direction.
Du reste, tous nos partenaires sont formés dans ce domaine. Ils savent donc quoi chercher, mais notre collectivité a la chance d'avoir une stratégie régionale aux termes de laquelle nous venons d'ouvrir notre premier centre de lutte contre la traite des personnes, un centre de collaboration pour répondre aux symptômes des survivantes de la traite des personnes. Encore une fois, nous travaillons en étroite collaboration avec les services d'aide aux victimes, Elizabeth Fry, Our Place Peel et la police régionale de Peel afin d'être en mesure de vraiment répondre aux besoins en la matière, et de permettre aux victimes et aux survivantes d'obtenir le soutien dont elles ont besoin pour composer avec leurs traumatismes.
Il est certain que nos collègues de la police régionale de Peel ont fait un travail extraordinaire en menant une stratégie à l'échelle de la collectivité axée sur la sensibilisation et la formation de nos gens à cet égard. Ce que nous voulons, c'est que les parents, les enseignants et les pourvoyeurs de soins soient en mesure de reconnaître les signes et d'intervenir rapidement.
Madame Hewison, allez‑y.
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Merci, grande cheffe adjointe.
En ce qui concerne la violence entre partenaires intimes et la violence à l'égard des femmes autochtones, nous savons que les causes profondes sont beaucoup plus importantes et que pour remédier à cela, il ne suffit pas de trouver des programmes qui fonctionnent, etc. Non, cela a vraiment à voir avec la pauvreté et le manque de logement, le manque d'infrastructures et le manque d'eau potable, des problèmes que nos peuples connaissent depuis des décennies.
Il y a un manque de logements et les infrastructures sont inadéquates. Nos familles et nos peuples ont vécu dans la pauvreté pendant si longtemps. Ils n'ont eu aucun moyen d'assurer la sécurité dans nos communautés. Tout cela plaide en faveur du fait d'assurer un revenu de base garanti et de faire en sorte que nos familles, et nos femmes en particulier, puissent se sortir de la pauvreté et être en mesure de reprendre leur rôle au sein de leur communauté.
Tout cela est interconnecté. Je suis certaine que tout le monde le sait. Les enjeux sont plus vastes que le simple examen des programmes destinés aux femmes victimes de violence. C'est beaucoup plus vaste et tous les aspects sont liés entre eux. Évidemment, c'est lié au colonialisme et à la violence systémique que subissent nos peuples.
Meegwetch.