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Bonjour à toutes et à tous.
Je déclare la séance ouverte.
Pour commencer, je remercie les témoins qui se joignent à nous par l'application Zoom.
Je vous souhaite la bienvenue à la seizième réunion du Comité permanent de l’industrie et de la technologie.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 1er mars 2022, le Comité se réunit pour étudier la question de l'informatique quantique.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté à la Chambre le jeudi 25 novembre 2021. Les députés peuvent participer à la réunion en personne ou par l'application Zoom. Je demande à celles et à ceux qui assistent à la réunion en personne de se conformer aux règles sanitaires en vigueur.
Avant d'entendre les témoins qui sont ici aujourd'hui, j'aimerais simplement régler une petite question relativement aux affaires du Comité.
Nous devons adopter deux budgets. L'un concerne notre étude sur l'informatique quantique et l'autre concerne notre étude sur les minerais critiques. Cela permettra au greffier d'engager les dépenses.
Ai-je le consentement unanime des membres du Comité pour approuver les deux budgets?
Je vois que tous les membres du Comité sont d'accord.
Sans plus tarder, je vous présente donc les témoins.
Nous recevons M. Gilles Brassard, professeur titulaire au Département d'informatique et de recherche opérationnelle de l'Université de Montréal; Mme Shohini Ghose, professeure à l'Université Wilfrid Laurier; Mme Kimberley Hall, professeure de physique au Département de physique et des sciences de l'atmosphère de l'Université Dalhousie; M. Jaron Chong, président du Comité permanent sur l'intelligence artificielle de l'Association canadienne des radiologistes; Mme Marie‑Pierre Ippersiel, présidente-directrice générale de PRIMA Québec; et M. Olivier Gagnon‑Gordillo, directeur exécutif de Québec Quantique.
Je remercie tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
Monsieur Brassard, vous avez la parole pour cinq ou six minutes.
Je m'appelle Gilles Brassard. Je suis professeur au Département d'informatique et de recherche opérationnelle, à l'Université de Montréal.
[Traduction]
Permettez-moi de vous faire part de mon parcours professionnel pour que vous en sachiez un peu à mon sujet. J'ai commencé à m'intéresser à l'informatique quantique, ou quantum information, vers la fin des années 1970. Je suis donc la première personne au Canada à avoir travaillé dans ce domaine. Avec Charles Bennett, de IBM, j'ai inventé la cryptographie quantique au début des années 1980, ainsi que la téléportation quantique.
Cela étant dit, je considère que l'informatique quantique, ou quantum information, devrait constituer une priorité pour le gouvernement sur les plans du financement et de R‑D. Le Canada a là une occasion en or de demeurer un chef de file. Je le répète: je collaborais déjà avec Charlie Bennett alors qu'il n'y avait essentiellement personne d'autre qui effectuait ce genre de recherche dans le monde. D'entrée de jeu, donc, le Canada était un chef de file dans cette discipline.
Je veux vous expliquer pourquoi il est crucial de développer l'informatique quantique dans toutes ses manifestations. D'abord, l'informatique quantique constitue une menace gravissime à la sécurité. Je suis convaincu que vous l'avez déjà entendu, mais je le répéterai: quand les ordinateurs quantiques auront été construits et que nous disposerons enfin d'un ordinateur quantique en bonne et due forme au lieu des jouets qui existent actuellement... Ce sont des réussites technologiques formidables, mais pour l'instant, ils ne font rien de plus que ce que feraient des ordinateurs classiques. Une fois que nous disposerons d'ordinateurs quantiques en bonne et due forme, toutefois, tous les dispositifs de sécurité sur lesquels repose Internet — pas seulement Internet, mais essentiellement toute l'infrastructure cryptographique dont nous dépendons — s'effondreront en raison d'un algorithme inventé par Peter Shor qui décrypte essentiellement toute la cryptographie utilisée actuellement sur Internet.
Permettez-moi d'être plus précis au sujet de l'établissement de clé. Une fois qu'une clé est établie, elle est utilisée dans un nombre toujours croissant de systèmes traditionnels. Ce ne sont pas tant ces derniers que la clé qui est menacée. Si cette menace est si grave, c'est que dès que cela se produira, ce n'est pas qu'il ne sera plus possible de communiquer de manière sécuritaire: c'est que toutes les communications antérieures deviendront vulnérables, car rien n'arrête ce que nous appelons la stratégie « recueillons l'information et décryptons‑la ensuite », laquelle consiste à recueillir et à entreposer toute l'information sur Internet, même si elle ne peut pas encore être décryptée, et à la décrypter rétroactivement une fois qu'on dispose d'un ordinateur quantique. Autrement dit, tout ce qui a été envoyé sur Internet essentiellement depuis le début des temps deviendra un livre ouvert quand un ordinateur quantique existera. Il est donc inutile de tenter de protéger le passé. Il est fini à jamais; oublions‑le. Par contre, nous pouvons encore espérer protéger l'avenir, mais ce n'est que si nous réalisons l'importance des communications sécuritaires quantiques que nous y parviendrons.
Nous pouvons procéder de deux manières. La première consiste à utiliser la cryptographie ordinaire classique en espérant qu'elle résistera à l'informatique quantique, ce que nous ne réussirons jamais à prouver. Tout ce que nous savons, c'est que les systèmes que nous utilisons actuellement sont vulnérables. Certains systèmes en développement pourraient être sécuritaires, mais nous ne pourrons jamais le prouver.
Nous pouvons également utiliser la cryptographie quantique. Bien entendu, je m'y intéresse vivement, puisque je l'ai inventée, mais je n'ai aucun intérêt commercial à cet égard. En cryptographie quantique, on utilise la physique plutôt que les mathématiques pour protéger l'information d'une manière inconditionnellement sécuritaire et prouvable, peu importe la puissance et la technologie de pointe dont dispose l'intercepteur. La cryptographie quantique est sûre même contre un ordinateur quantique et devrait être envisagée très sérieusement.
La Chine est en train de déployer un réseau de cryptographie à grande échelle et dispose déjà d'un réseau reliant Pékin à Shanghai, qu'elle utilise déjà réellement grâce à un satellite qu'elle a lancé pour mener des expériences avec la cryptographie quantique spatiale à longue distance. La Chine considère la cryptographie quantique très sérieusement. Il existe un réseau semblable, mais de moindre envergure, en Europe. Cette technologie est bien moins répandue en Amérique du Nord et existe à peine aux États-Unis. Je pense que le Canada devrait reprendre la tête dans ce domaine afin de sécuriser les communications, car notre société en a besoin.
Les ordinateurs quantiques peuvent également servir à de nobles fins en accomplissant toutes sortes de merveilles — sur le plan de la mise au point de nouveaux médicaments, par exemple —, mais c'est une autre histoire.
Mon temps est écoulé. Je m'arrêterai donc là.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'appelle Shohini Ghose, et toute ma vie, j'ai été dévorée par une curiosité insatiable sur la manière dont l'univers fonctionne. Dans mon bureau, j'ai disposé une affiche indiquant: « Il n'existe pas de remède à la curiosité. » Cette curiosité m'a immanquablement menée dans l'étrange monde des sciences quantiques, et maintenant, en qualité de professeure de physique et d'informatique à l'Université Wilfrid Laurier, je dirige une équipe de recherche diversifiée qui explore l'informatique quantique. Je rêve à la téléportation — que je remercie M. Brassard d'avoir inventée — et à la manière dont elle peut être utilisée dans un futur Internet quantique. Je me sens réellement comme dans Alice au pays des merveilles.
Mon équipe a été la première à observer une connexion entre la théorie du chaos et l'intrication quantique. C'est un phénomène appelé « effet papillon quantique ». Je suis également collaboratrice émérite TED, ce qui me donne accès à une plateforme mondiale. Si vous avez 10 minutes de libres, je vous invite à regarder ma conférence TED sur l'informatique quantique, qui est la plus regardée dans le domaine.
Je suis un bon exemple de Canadienne connectée à l'écosystème quantique en action. Même si je ne travaille pas dans une grande université de recherche, je collabore avec des chercheurs à l'œuvre dans les centres de recherche quantique de Calgary et de Waterloo, ainsi qu'avec des collègues de l'Université Ryerson et de l'industrie.
Mes collègues chercheurs vous ont déjà donné un aperçu du potentiel colossal des technologies quantiques dans un éventail de secteurs. Ces technologies présentent des occasions, mais aussi des défis au Canada. La question la plus pressante, comme vous l'avez déjà entendu, est celle de la sécurité des données, dont nous parlerons certainement pendant la période de questions. Pour l'instant, je voudrais traiter principalement de trois domaines, soit ceux de l'éducation, de la collaboration et de la communication.
En ce qui concerne l'éducation, même si tous les détenteurs d'une majeure en physique du Canada choisissaient de faire carrière en informatique quantique, ils ne combleraient probablement pas les besoins futurs en main-d'œuvre du secteur. Il est donc essentiel de développer le talent dans des domaines adjacents. Il n'est nul besoin de détenir un doctorat en physique pour travailler en technologie quantique. En fait, l'informatique quantique se situe à la croisée de la physique, de l'informatique, des mathématiques, de la chimie, du génie et même de la biologie. Par exemple, depuis une décennie, je donne un cours de premier cycle très populaire sur l'informatique quantique offert à tous ceux qui font une majeure en sciences. Il n'est pas nécessaire de posséder préalablement des connaissances en mécanique quantique. Des cours semblables sont maintenant offerts dans d'autres établissements.
Il faut déployer un effort structuré pour élaborer un programme d'enseignement multidisciplinaire unique qui offre plusieurs cheminements de carrière en informatique quantique. Cela pourrait rendre la main-d'œuvre canadienne souple et attirer les meilleurs talents d'ailleurs. Ce genre d'effort pourrait rapporter des dividendes, qu'une technologie quantique donnée réussisse ou échoue.
En outre, il existe un immense bassin de talents inexploité ici même, au Canada, et dans le monde. Les femmes, les minorités de genre et les personnes de couleur restent sous-représentées dans les disciplines scientifiques, particulièrement en physique, où les femmes ne constituent qu'un cinquième du corps étudiant. En outre, on n'a recensé aucune enseignante noire ou autochtone en physique au Canada.
Je suis titulaire d'une des cinq chaires de recherche du Canada destinées aux femmes en sciences et en génie financées par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, et les cinq titulaires travaillent ensemble pour accroître la participation des femmes dans les domaines des sciences, de la technologie, du génie et des mathématiques. Je suis aussi la première représentante canadienne à faire partie du groupe de travail sur les femmes en physique de l'Union internationale de physique pure et appliquée, laquelle a ratifié la charte en matière de diversité et d'inclusion de Waterloo, lancée ici, au Canada. En 2019, j'ai été la première personne de couleur à présider I'Association canadienne des physiciens, et je m'emploie à rendre le milieu de la physique plus diversifié et plus inclusif au Canada.
Je suis convaincue que la révolution quantique offre au Canada une occasion sans pareille d'être un chef de file afin d'accroître l'excellence grâce à l'inclusion dans ce secteur. Nous savons comment former une communauté au Canada et nous pouvons montrer au monde comment le faire. Cela rapporterait également des dividendes, peu importe la technologie quantique dont il est question. En outre, on parle de plus en plus de l'éthique dans le domaine de l'intelligence artificielle, mais à peine dans celui des technologies quantiques. Il me semble y avoir là une lacune importante qu'il faut combler.
J'ajouterais qu'il est difficile de prédire où une nouvelle technologie sera utilisée et qu’elles seront les nouvelles applications. Voilà pourquoi un écosystème quantique doit comprendre non seulement des ingénieurs en matériel informatique et en logiciels, mais aussi des experts de la santé, des finances, de l'énergie et de l'éthique afin d'établir les besoins de l'industrie et trouver des solutions quantiques réalistes. L'expertise et la formation interdisciplinaires seront sont essentielles.
En terminant, je ferais remarquer que l'informatique quantique suscite un vif intérêt, un grand enthousiasme et une soif de savoir au sein de la population. L'institut Perimeter de Waterloo, avec lequel je suis affiliée, a offert de nombreuses conférences sur le sujet, et les places se sont toutes envolées en quelques instants. Mes propres exposés en ligne sur les technologies quantiques ont été vus plus de cinq millions de fois.
Maintenant plus que jamais, la culture scientifique et la mobilisation de la population jouent un rôle clé dans le futur progrès sociétal. Les scientifiques quantiques canadiens sont déjà considérés comme des chefs de file et peuvent donc jouer un rôle de premier plan en inspirant des esprits curieux.
On dit qu'on meurt de curiosité, mais la véritable curiosité ne s'éteint jamais.
Je vous remercie.
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Il sera difficile de faire suite à un tel exposé.
Je m'appelle Kimberly Hall et suis professeure de physique à l'Université Dalhousie depuis 18 ans. Au cours de ma carrière, mes recherches ont porté sur divers domaines de la technologie quantique, qu'il s'agisse de l'électronique basée sur le spin, de la spectroscopie quantique des matériaux énergétiques ou du développement de ce qui s'appelle les émetteurs quantiques.
Dans mon groupe, nous utilisons des lasers spécialisés — des impulsions lasers très courtes que nous concevons — pour étudier la manière de contrôler ces systèmes de façon optimale quand nous les appliquons, par exemple, à l'initialisation de l'état quantique ou à la simulation quantique en effectuant un contrôle optique de systèmes qubits avec semi-conducteurs à l'état solide.
J'ai bénéficié des investissements substantiels que le Canada a initialement effectués dans le domaine quantique, au titre du Programme des subventions à la découverte, de la Fondation canadienne pour l'innovation et des chaires de recherche du Canada, par exemple. J'ai collaboré avec l'industrie dans le cadre de contrats accordés par l'entremise de programmes de compensation avec Lockheed Martin et Rockwell Collins. Un de mes étudiants diplômés a lancé une entreprise il y a plusieurs années pour appliquer certaines des données quantiques que nous avons recueillies sur la technologie des cellules solaires.
Je viens de l'Université Dalhousie, qui fait partie du Regroupement des universités de recherche du Canada. Elle se démarque dans des domaines comme les sciences océaniques et la génération et le stockage d'énergie, mais dans le domaine quantique, elle a beaucoup de chemin à faire. Je figure parmi les trois seuls membres de la faculté qui étudient ce domaine. Les deux autres — Peter Selinger et Julien Ross — travaillent au développement d'algorithmes quantiques, soit dans un domaine très différent du mien. Avec MM. Selinger et Ross, je suis un exemple du très grand nombre de chercheurs quantiques du Canada qui font figure de chefs de file mondiaux dans leurs domaines, mais qui ne travaillent pas dans l'un des trois principaux établissements œuvrant dans le domaine quantique canadien.
Il s'est déjà dit à maintes reprises que le rôle le plus important de la stratégie consiste à soutenir l'ensemble de l'écosystème quantique. Pour ce faire, nous devons garder à l'esprit que la recherche fondamentale et l'innovation commerciale sont liées beaucoup plus étroitement dans le domaine quantique que dans tout autre secteur, et ce, parce que les applications se développent au même rythme que la compréhension des principes physiques qui les sous-tendent. Des entreprises sont fondées autour de concepts prometteurs, mais qui ne sont pas encore bien définis dans certains cas et qui évoluent fondamentalement à mesure que la science évolue.
En finançant cet écosystème, il est essentiel de soutenir la collaboration entre le milieu universitaire et les secteurs industriels. Un grand nombre de domaines cruciaux de la science quantique recèle un grand potentiel d'innovation future, mais la recherche n'en est pas encore rendue à une étape permettant d'établir des liens directs avec l'industrie. Ces liens doivent être soutenus également.
Je vous donnerai un exemple. En collaboration avec des groupes des quatre coins du monde, nous sommes en train de découvrir et de développer de nouveaux matériaux bidimensionnels. Il s'agit de couches atomiques simples d'un matériau qui, une fois simplement étendu en très mince couche sur un minuscule pilier, crée ce qui s'appelle un émetteur quantique. C'est une source de photons uniques, lesquels sont essentiels dans de nombreux domaines de la technologie quantique. Ce qui est intéressant, c'est qu'on peut déposer cette couche d'atomes en utilisant quelque chose qui ressemble beaucoup à du ruban adhésif. Nous pouvons ainsi créer tout un circuit photonique en utilisant la technologie dont nous disposons maintenant et introduire des fonctions quantiques simplement en retirant et en appliquant ces couches.
Il pourrait s'agir d'une étape cruciale nécessaire pour porter les circuits photoniques quantiques à l'étape commerciale, mais pour le moment, nous retirons et appliquons simplement divers genres de matériaux pour la première fois en tentant de comprendre pourquoi ces émetteurs se forment. Voilà un exemple de technologie qui est fort prometteuse, mais qui n'est manifestement pas prête à être utilisée dans une entreprise.
Je veux également faire remarquer que plus il y aura d'excellents scientifiques et chercheurs qui s'intéressent à ce domaine au Canada, plus il se créera d'idées, d'entreprises et de produits formidables au pays. Deux têtes valent mieux qu'une, et nous avons besoin de beaucoup plus que deux têtes. Les excellentes idées peuvent jaillir de partout au pays, d'établissements de toute taille ou de personnes appartenant à un éventail de cultures et de groupes visiblement distincts différents. Un écosystème quantique sain doit reposer sur une large assise afin de nous préparer aux 20 prochaines années d'innovation, et le financement doit soutenir cette assise.
À cet égard, il est vrai que notre pays investit moins que d'autres dans le domaine quantique. Il a donc beaucoup été question du besoin de dépenser les fonds de manière stratégique lors de vos séances. Peu importe les sommes que vous accorderez au début, vous devrez en réserver une partie pour soutenir la large assise, à défaut de quoi l'écosystème ne sera pas sain et nous y perdrons tous au change à long terme.
Nous devons faire mieux que cela. La clé consiste à lancer des concours publics fondés sur l'excellence et à éviter les obstacles artificiels que peut engendrer la structure du programme de financement que nous choisissons. Par exemple, je pense que l'ajout d'un volet en matière de technologie quantique au Programme des subventions à la découverte permettrait de mobiliser d'excellents chercheurs dans un éventail beaucoup plus large de contextes que certains autres programmes qui ont été explicitement proposés dans la stratégie. Cet ajout accroîtrait également le nombre d'étudiants en science quantique. Les programmes Défi du Conseil national de recherches sont également excellents.
Enfin, je voulais dire qu'il est formidable que vous teniez ces séances et que vous ayez tous l'occasion de partager ce que vous apprenez avec vos électeurs.
Il est crucial que le public, à défaut de comprendre comment la technologie quantique fonctionne, comprenne au moins pourquoi il importe d'investir dans ce domaine. Ce n'est pas facile, car les gens pensent qu'ils disposent déjà d'ordinateurs rapides. Le temps d'expliquer ce qu'est un problème NP‑dur, bon nombre de ceux qui ne s'intéressent pas aux mathématiques et aux sciences ont perdu l'intérêt. Il est beaucoup plus facile de se rappeler des exemples comme ceux des capteurs de champ magnétique — grâce auxquels on n'aura pas à entrer dans une chambre étouffante qui occupe la moitié d'une pièce et qui consomme beaucoup d'énergie lors d'un examen d'imagerie par résonnance magnétique —, des capteurs gravitationnels qui permettront de voir si un ponceau est bloqué sans devoir creuser le sol, ou des capteurs photoniques qui permettront de voir derrière les coins.
Nous savons tous que c'est pour des raisons de sécurité nationale et non pour ces autres applications que des sommes substantielles sont investies dans ce domaine, mais ce n'est pas le principal intérêt quand vient le temps de faire de la sensibilisation. Le fait est que peu importe les mots que vous choisissez pour décrire la valeur de la technologie quantique, semez-les à tout vent.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et collègues témoins, je suis M. Jaron Chong. Je suis le président du Comité permanent sur l'intelligence artificielle de l'Association canadienne des radiologistes. Je suis également professeur adjoint de radiologie à l'Université Western, ici à London, en Ontario, et j'oeuvre dans les services d'imagerie corporelle à l'hôpital Victoria.
L'ACR représente les radiologistes canadiens, soit près de 2 900 membres qui offrent des services d'imagerie médicale à des millions de patients de partout au Canada. La radiologie est au premier plan de l'innovation technologique en médecine et repose beaucoup sur les contributions et la mise au point de technologies de pointe pour améliorer les soins aux patients.
Ces percées dans le secteur de la technologie et de la recherche en imagerie ont donné lieu à une croissance quasi exponentielle des données d'imagerie au cours des dernières décennies, qui ont ensuite été appliquées aux questions et aux flux de travail dans le domaine des soins de santé, et en particulier dans le domaine de l'intelligence artificielle plus récemment.
En 2017, l'ACR a mis sur pied un comité permanent sur l'intelligence artificielle pour délibérer sur les pratiques, les politiques et les enjeux relatifs aux soins aux patients en lien avec la mise en œuvre de l'intelligence artificielle dans l'imagerie médicale. Grâce à une série de livres blancs très cités, à des contributions à des tribunes scientifiques et à l'engagement auprès des décideurs politiques au Canada et à l'étranger, l'ACR a été un chef de file dans la conversation internationale sur l'intelligence artificielle.
En disant tout cela, je prends conscience que c'est une séance sur l'informatique quantique, et je ne suis pas un expert en mécanique ou en informatique. Ce que je représente, toutefois, c'est ce que nous espérons sera l'une des applications finales de l'informatique quantique, en particulier en ce qui concerne l'intelligence artificielle, pour contribuer à optimiser les soins de santé et l'imagerie médicale.
Du point de vue des soins de santé, l'informatique quantique ne résoudra pas forcément de nouvelles catégories de problèmes qui ne sont pas actuellement résolus par l'informatique conventionnelle, mais elle peut considérablement accélérer la vitesse de calcul de nos projets de formation et de nos expériences les plus NP‑difficiles à résoudre, et élargir considérablement la taille et la portée des problèmes cliniques auxquels nous nous attaquons. En fait, nous constatons que le calcul numérique conventionnel et le calcul quantique sont mutuellement complémentaires et coexisteront presque certainement pendant très longtemps.
Cependant, ce qui nous enthousiasme le plus, c'est que nous prévoyons que la vitesse à laquelle nous pouvons former des algorithmes s'améliorera par ordre de grandeur. Imaginez la formation d'un réseau neuronal pour détecter un cancer du poumon sur une tomodensimétrie en quelques minutes au lieu de quelques jours à quelques mois, ou — comme on l'a mentionné précédemment — la mise au point d'une nouvelle molécule de chimiothérapie pour une production de masse en simulation, plutôt que de réaliser des expériences en laboratoire pendant des années et des années.
S'il y a une leçon que la radiologie a tirée de l'intelligence artificielle au cours des cinq dernières années, c'est que le calcul et les algorithmes peuvent changer d'année en année et de semaine en semaine. Toutefois, les ensembles de données utilisés pour former ces algorithmes constituent un investissement à beaucoup plus long terme, si bien que la conservation minutieuse des ensembles de données est restée utile de 2017 à 2022 et au‑delà.
Que vous pensiez à l'informatique conventionnelle ou quantique, la quantité de données triées et étiquetées exploitées pour optimiser tous ces résultats pour les patients, garantir des soins appropriés et améliorer l'efficacité de l'ensemble du système est une métaphore du type « à données inexactes, résultats erronés ». Nos travaux actuels en matière d'intelligence artificielle sont parfois davantage entravés par le temps qu'il faut pour épurer et traiter de bonnes données que par la capacité de calcul. Je vais faire une métaphore: une voiture plus rapide ne vous permet pas d'arriver à destination plus rapidement si vos routes sont toujours pleines de nids‑de‑poule.
Ce sur quoi nous devons nous interroger dès maintenant, ce sont les politiques à long terme et les investissements dans de meilleures données qui permettront au Canada d'être créatif, compétent et compétitif pour répondre aux besoins de demain en matière d'intelligence artificielle dans le domaine de la santé, ainsi que pour l'intelligence artificielle quantique.
Nous estimons que, lors de la dernière révolution de l'intelligence artificielle, les investissements dans les centres d'excellence et les sciences fondamentales ont permis au Canada de jouer un rôle de chef de file international qui était largement disproportionné par rapport à notre taille et à notre population. Le véritable défi consiste à maintenir notre avantage concurrentiel et à conserver les bénéfices de nos investissements à court terme de manière cyclique, mais les avantages en aval de ces investissements étaient souvent difficiles à réaliser pleinement pour les Canadiens à l'échelle de la population à long terme.
D'un point de vue des soins de santé, nous devons accepter la probabilité très réaliste que la majorité des applications de l'intelligence artificielle dans les soins de santé utilisées pour les patients canadiens n'aient pas été élaborées ou formées à partir de données canadiennes. Le cas échéant, sommes-nous prêts à accepter les conséquences de l'importation de distorsions favorables, l'échec de la performance ou de la généralisation, ou même l'importance économique de l'importation et non pas uniquement de l'exportation des applications?
Dans un contexte d'informatique post-quantique, on pourrait s'attendre à ce que les forces et les faiblesses de l'infrastructure des données soient amplifiées. Ceux qui ont les pipelines seront plus rapides. Ceux qui n'en ont pas accuseront un retard ou se retrouveront peut-être à acheter à un autre.
Si vous êtes un décideur, nous voulons que vous sachiez que nous croyons toujours qu'il y a un besoin considérable d'investissements dans la numérisation et la collecte de données. Nous devons nous assurer que les données que nous recueillons sont de bonnes données qui répondent à nos besoins actuels et futurs. Nous devons également améliorer notre infrastructure des données pour faciliter l'échange de données afin d'accorder plus de pouvoir aux chercheurs, tout en préservant les droits des patients et la vie privée.
Nous devons continuellement investir dans la recherche fondamentale et les sciences de base qui contribueront à faire en sorte que la promesse de l'informatique quantique dans les soins de santé et les applications du monde réel ne soit pas hors de portée. Les efforts déployés précédemment pour faire progresser l'intelligence artificielle ont montré que le Canada possède le talent et le savoir-faire technique nécessaires pour être un chef de file dans ce domaine et dans bien d'autres. Ce qui fera la différence pour les patients canadiens et le système de soins de santé, c'est que nous puissions trouver un moyen d'inciter les innovateurs à concevoir et à mettre en oeuvre leurs technologies ici, chez nous.
Je répondrai volontiers à vos questions, et j'ai hâte à la discussion qui va suivre et qui, je l'espère, sera très intéressante.
Merci beaucoup.
:
Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité.
Je dirige PRIMA Québec, qui est le pôle de recherche et d'innovation en matériaux avancés.
[Traduction]
PRIMA est un groupe de recherche industriel sectoriel. Il en existe neuf au Québec dans différents secteurs, qui sont mandatés par le gouvernement du Québec pour faciliter et soutenir l'écosystème des matériaux de pointe par l'entremise de l'innovation axée sur la collaboration.
[Français]
Nous faisons donc le pont entre le milieu de la recherche et celui de l'industrie en favorisant l'innovation collaborative. Autrement dit, nous favorisons la création de relations entre les acteurs du domaine de la recherche et ceux de l'industrie, et nous soutenons l'élaboration de projets, que nous sommes en mesure de financer par la suite.
Concrètement, ces projets permettront aux entreprises de profiter de l'expertise en recherche pour innover, pour être plus concurrentielles et, surtout, pour se démarquer éventuellement sur les marchés.
Au cours des cinq dernières années, nous avons soutenu plus de 90 projets d'une valeur totale de près de 90 millions de dollars, qui ont associé 190 partenaires de l'industrie et 26 partenaires du milieu de la recherche. Cela a surtout permis de former plus de 120 étudiants à la maîtrise et plus de 275 doctorants et postdoctorants qui, vous le savez pertinemment, vont constituer du personnel hautement qualifié et fort utile pour l'industrie.
En ce qui a trait à l'informatique quantique, huit projets d'une valeur de 8 millions de dollars ont été mis sur pied au cours des deux dernières années, ce qui permettra de cultiver le talent.
[Traduction]
Le professeur Alexandre Blais, de l'Université de Sherbrooke, qui a comparu le 25 mars, a fait le lien entre l'informatique quantique et les matériaux de pointe.
Permettez-moi de dire quelques mots sur les matériaux de pointe, qui jouent un rôle stratégique dans tous les secteurs économiques. Les matériaux de pointe sont des matériaux nouveaux ou considérablement améliorés qui fournissent un avantage substantiel en termes de performance, physique ou fonctionnelle, par rapport aux matériaux conventionnels.
[Français]
Par performance physique, on entend des matériaux qui permettent une meilleure conductivité électrique et thermique ainsi que des matériaux ayant des propriétés magnétiques.
Par performance fonctionnelle, on entend des revêtements hydrophobes, glaciophobes et biodégradables ainsi que des matériaux autoréparants et intelligents.
En parallèle, je tiens à insister sur le rôle de l'équipement de pointe pour le développement des matériaux avancés, qui joue un rôle déterminant pour ce qui est de la capacité d'innovation des entreprises.
Le secteur des matériaux avancés est principalement constitué de petites et moyennes entreprises, ou PME, innovantes, qui, bien qu'elles soient actives en recherche-développement, ne disposent pas toujours des ressources internes nécessaires pour effectuer des tests de caractérisation, de synthèse de matériaux, de traitement de surface ou de mise à l'échelle.
De ce fait, l'accès à l'équipement et à l'expertise associée est essentiel non seulement pour valider le passage de la technologie à l'innovation, mais aussi pour aider les entreprises à accéder à différents marchés.
Tout ce contexte et l'accès à l'équipement de pointe sont tout aussi prédominants dans le secteur des technologies quantiques.
[Traduction]
Enfin, en ce qui concerne le centre d'intérêt du Comité, la recherche quantique est considérée comme étant une force habilitante et un moteur dans la découverte et la mise au point de nouveaux matériaux, de processus qui intègrent des matériaux, ou dans la conception d'équipement pour leur production ou leur caractérisation. En termes simples, la recherche quantique accélère les simulations et nous permettra de combiner toutes sortes de propriétés et de fonctionnalités que nous voulons obtenir, et ce, plus rapidement.
[Français]
Les grands joueurs industriels, particulièrement ceux dont les applications et les produits s'appuient sur une maîtrise de moyens de simulation, de fabrication et de caractérisation de nouveaux matériaux, doivent, pour continuer de répondre aux besoins de leurs clients, s'investir dans la modélisation, dans le développement de nouveaux matériaux et dans l'optimisation des procédés pour mettre en œuvre ces matériaux.
Comme certains l'ont déjà mentionné, il faudra néanmoins sensibiliser davantage ces joueurs industriels aux bienfaits des technologies quantiques.
Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Je vous remercie de votre attention.
Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
Je m'appelle Olivier Gagnon‑Gordillo, et je suis responsable de l'initiative Québec Quantique, qui a pour mission de faire des sciences et des technologies quantiques un levier de développement économique et social pour le Québec.
[Traduction]
Québec Quantique a débuté ses activités il y a environ un an et demi. L'idée originale et fondamentale est de catalyser et d'assurer une action concertée parmi les intervenants locaux et de faire en sorte que l'écosystème québécois rayonne à l'extérieur de notre province avec une marque collective, facilitant la mise en relation avec des entreprises, des investisseurs, des chercheurs et des talents intéressés par une collaboration avec les acteurs de notre écosystème.
Aujourd'hui, je vais me concentrer sur deux sujets principaux qui, selon moi, présentent un intérêt pour la stratégie quantique nationale, et je vous ferai part de quelques exemples de ce que le Québec fait en lien avec ces sujets. Premièrement, je parlerai de la formation, de la rétention et de l'attraction des talents. C'est un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre ces derniers temps. Deuxièmement, je parlerai de l'adoption des technologies quantiques par l'industrie.
Premièrement, commençons avec deux exemples d'initiatives actuelles au Québec qui se penchent sur ces sujets. Le premier exemple est l'Institut quantique de Sherbrooke, qui a été annoncé plus tôt en février. La récente annonce du centre d'innovation quantique de Sherbrooke est un excellent exemple d'une initiative qui doit être soutenue par le gouvernement fédéral. Le centre est un projet de 435 millions de dollars, dont 131 millions sont injectés directement par le gouvernement du Québec pour soutenir 13 projets au sein du centre, y compris l'achat d'un ordinateur quantique IBM, le quatrième à l'extérieur des États-Unis.
Ce centre facilitera la création de nouvelles entreprises de démarrage dans le domaine quantique, tout en favorisant la collaboration à plusieurs niveaux entre les établissements professionnels, les collèges et l'université, où l'apprentissage par les problèmes et l'approche par projet serviront de cadre de référence pour mettre au point des situations d'apprentissage innovantes. Cette initiative jouera un rôle clé pour attirer et retenir les talents dans les entreprises, tout en stimulant les investissements directs de l'étranger.
Le deuxième exemple ici est Québec Quantique, dont je suis le directeur. Cette initiative a vu le jour pour aborder, entre autres, les sujets que j'ai soulevés ici aujourd'hui, mais à l'échelle provinciale. Nous sommes plus que désireux de collaborer avec le reste du Canada afin de devenir plus cohérents avec les collaborations internationales. Certaines initiatives auxquelles nous participons, par exemple, sont des missions à l'étranger. Nous étions récemment à New York avec une mission québécoise, et nous sommes sur le point d'aller en Europe avec la mission fédérale en Allemagne. Nous mènerons une mission québécoise ce printemps ainsi qu'en France et aux Pays-Bas.
Nous organisons un grand marathon de programmation quantique en juin 2022 qui vise à combler, ou du moins à explorer, le fossé entre les solutions techniques et commerciales. Il est ouvert à tous au Canada, et des éditions semblables auront lieu à Chicago et en France avec QuantX. Nous avons également offert de la formation aux représentants de la délégation québécoise et leur avons fourni des outils de communication pour promouvoir le secteur à l'étranger. Nous sommes prêts à faire de même pour les ambassades canadiennes. Québec Quantique offre une marque commune et un centre de communication central pour les renseignements éducatifs de base, les nouvelles, les événements et même les postes ouverts au Québec dans le secteur.
Je vais maintenant aborder mon premier sujet, le talent.
Le véritable avantage dans le domaine quantique réside dans le talent disponible au sein d'un écosystème. Nous devons nous assurer de former, de retenir et d'attirer des personnes talentueuses dans le secteur quantique au Canada. À l'heure actuelle, bien que les universités fassent un excellent travail pour former la main-d'oeuvre de demain dans ce domaine, beaucoup de ces talents ne restent pas au Canada. Ils partent souvent vers des marchés plus importants qui offrent des conditions plus intéressantes. Le gouvernement fédéral peut aider en parrainant des programmes qui visent à atténuer les risques dans la voie vers l'entrepreneuriat pour les étudiants du secteur. Cela permettrait également de soutenir la création de nouvelles entreprises dans ce secteur.
[Français]
Le gouvernement du Canada a un taux élevé de rejets quant aux demandes de visa dans de nombreux marchés prioritaires, notamment en Afrique francophone. Les politiques et les processus d'immigration doivent être adaptés pour devenir des facilitateurs de la mobilité internationale plutôt que des obstacles à cette mobilité.
La communauté des sciences et des technologies quantiques doit d'ailleurs combler un manque flagrant de diversité. Le recrutement d'étudiants et de travailleurs internationaux doit être au cœur de l'initiative visant à remédier à la pénurie de talents au Canada.
[Traduction]
Le talent doit également être considéré dans un secteur plus vaste, car il concerne des personnes, comme moi, qui n'ont pas de formation universitaire liée aux sciences quantiques, mais qui peuvent apporter de la valeur au secteur. Les entreprises et les écosystèmes ne pourront pas prospérer uniquement grâce aux doctorats, et un effort pour accroître les connaissances de base des chefs d'entreprise est essentiel pour accélérer l'adoption des technologies quantiques par les industries.
Je vais maintenant passer à mon deuxième sujet. Pour inciter les entreprises à lancer des projets liés aux technologies quantiques, il faudrait mettre en évidence les applications possibles et les industries qui pourraient bénéficier d'une participation dans ce domaine. Des cas d'utilisation avec une approche commercialisable plutôt qu'une approche où des technologies sont imposées sont indispensables pour attirer les entreprises dans ce secteur. Outre les chefs d'entreprise, les sociétés et les utilisateurs potentiels ont besoin d'employés capables de comprendre ce que la technologie quantique peut réellement signifier pour eux et de les aider à l'intégrer dans leurs activités. Les entreprises externes au secteur sont plus ou moins conscientes des possibilités des technologies quantiques pour leur secteur.
Les entreprises de démarrage souhaiteraient qu'un effort soit déployé pour démocratiser le sujet et, ainsi, faciliter la façon dont ils pressentent des clients et fournisseurs potentiels. Certaines se heurtent à des problèmes liés à une meilleure compréhension de leur marché potentiel, à la connaissance des acteurs du secteur et à l'établissement de leurs premiers clients.
Pour conclure, la Stratégie nationale quantique du Canada arrive juste au moment où les secteurs public et privé accroissent leurs investissements. Le Canada doit faire preuve d'agilité et il doit prendre les bonnes décisions stratégiques s'il veut demeurer pertinent et rester au premier plan des sciences et des technologies quantiques. Continuer à investir dans les programmes existants est un bon point de départ, mais il faut en faire plus. Il faut financer les efforts déployés par les provinces et il faut investir dans la création d'un écosystème canadien commun.
Le Canada compte actuellement un grand nombre d'acteurs importants et d'initiatives intéressantes en matière de technologies quantiques. Toutefois, pour accroître l'influence du Canada sur la scène internationale, il faut renforcer la cohésion entre les provinces et les divers écosystèmes locaux. Le Canada se classe souvent parmi les cinq meilleurs pays dans le domaine de l'informatique quantique, mais si nous n'investissons pas suffisamment dans le secteur, nous risquons de perdre notre place. En prenant les bonnes décisions aujourd'hui, on fera en sorte que le Canada bénéficie des retombées sociales et économiques du développement de ce secteur prometteur pendant plusieurs générations.
Comme Raymond Laflamme l'a mentionné durant une réunion la semaine dernière, la course mondiale aux technologies quantiques est un marathon et non un sprint, et elle nécessite des investissements à long terme suffisants.
Pardonnez-moi si j'ai parlé très vite.
Je vous remercie chaleureusement de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.
:
Dans le secteur des finances, les fuites de données confidentielles représentent une menace sérieuse; j'aurais dû le dire avant.
Toutefois, si les données peuvent être décryptées plus tard, ce n'est pas nécessairement grave, car s'il faut attendre 10 ans pour décrypter l'information envoyée aujourd'hui, le risque n'est peut-être pas sérieux. Il y a seulement menace si l'information est décryptée pendant qu'elle est encore pertinente. Dans le secteur des finances, cette période peut être relativement courte, si je comprends bien votre monde. Dès qu'on disposera d'un ordinateur quantique, les transactions financières qui devraient demeurer confidentielles pourraient devenir un livre ouvert pour la concurrence, ce qui représente une menace sérieuse, surtout si d'autres pays sont impliqués.
L'informatique quantique pourrait avoir une incidence positive sur le secteur des finances. Il se peut que les algorithmes quantiques soient en mesure de résoudre des problèmes de ce secteur plus efficacement que les ordinateurs traditionnels. Les ordinateurs quantiques ne sont pas mauvais en soi. En fait, c'est plutôt le contraire, tant qu'ils sont utilisés à de bonnes fins, comme la plupart des choses. Aujourd'hui, on craint qu'ils soient utilisés à de mauvaises fins, mais à long terme, ils ont le potentiel de faire beaucoup plus de bien que de tort.
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Je vous remercie de la question.
Je ne suis pas spécialiste des matériaux, mais je peux compter sur une équipe spécialisée dans ce domaine. L'informatique quantique permettra essentiellement d'accélérer le développement de nouveaux matériaux. Il ne faut surtout pas perdre cela de vue. Il y a 20 ans, le développement de matériaux pouvait prendre de 10 à 15 ans. J'exagère un peu, mais vous voyez l'étendue du problème. L'informatique quantique — et le domaine quantique en général — accélérera le processus de découverte de matériaux.
De la même façon, on sera en mesure de cerner les propriétés physiques ou fonctionnelles que l'on souhaite découvrir pour de nouveaux matériaux. Grâce à l'informatique quantique, on va pouvoir partir de cela pour accélérer le développement des nouveaux matériaux. Je pense que c'est un grand avantage.
Je reviens encore à l'équipement de pointe, parce que c'est une question qui nous est très chère, chez PRIMA Québec. L'équipement de pointe est important. Il y en a dans plusieurs départements des universités et dans les collèges au Canada. Toutefois, il faut non seulement être en mesure de l'avoir, mais il faut aussi avoir le personnel possédant les compétences nécessaires pour l'utiliser. Cet équipement permet de mettre au point des procédés et des recettes. Cela vaut pour les matériaux que je qualifierais de classiques, qui sont développés par le truchement de mesures et de moyens existants, mais également pour le secteur de l'informatique quantique.
Cela répond-il à votre question?
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Je dirais, pour en faire une métaphore efficace, que les types de calculs qui posent de tels risques de sécurité dépendent du problème en soi. Cela peut être considérablement accéléré, comme indiqué précédemment.
Dans toute expérience, tout développement de nouveau produit et tout nouveau développement en intelligence artificielle, il y a toujours une composante dédiée au calcul, mais pas uniquement, comme créer un système en appuyant sur un bouton. L'expérimentation, l'optimisation des hyperparamètres et l'application de divers paramètres pour un modèle donné lors de la phase d'apprentissage sont toutes des choses qui requièrent beaucoup d'énergie et de temps.
Selon certains travaux théoriques, aborder certains problèmes d'entraînement des réseaux neuronaux comme un problème de calcul quantique permettrait l'application des avantages qui existent pour le déchiffrement d'un message chiffré à l'entraînement d'un réseau neuronal. Cela permettrait d'exécuter plusieurs calculs simultanément et d'accélérer considérablement le temps d'entraînement.
Dans notre déclaration, j'ai insisté sur le fait que ce n'est qu'un élément, mais un élément important, dans le champ d'application plus vaste des soins de santé. Certaines de ces ressources, certains de ces calculs, ne sont accessibles qu'aux institutions publiques et aux entreprises privées importantes et mieux financées.
La capacité d'accélérer considérablement — de plusieurs ordres de grandeur — ce genre de calculs facilitera ce qui était auparavant difficile, et rendra possible ce qui était auparavant impossible.
Pour m'éloigner brièvement du domaine de la radiologie, beaucoup d'aspects comme la recherche en protéomique et en génétique nécessitent des activités beaucoup plus poussées en matière d'analyse, de découverte et de développement de médicaments, notamment le repliement des protéines. Les activités et applications de ce genre, qui sont extrêmement coûteuses et très difficiles à réaliser aujourd'hui, pourraient devenir beaucoup plus rapides, ce qui favoriserait la création d'une toute nouvelle génération de traitements et de systèmes d'intelligence artificielle potentiels.
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Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
Je vais commencer par M. Brassard, puis je demanderai aux autres témoins de commenter eux aussi.
Je m'intéresse à la cybersécurité. Actuellement, certaines entreprises et même certaines institutions publiques versent des rançons pour obtenir du matériel, et nous n'avons aucune loi à cet égard. Il n'existe aucune obligation de divulgation des cas de piratage, des paiements, etc.
J'aimerais avoir un portrait général de la question et savoir ce qui peut être changé. Je sais que cela frappe plus l'imaginaire, et je peux le comprendre. J'inviterais les autres témoins à prendre la parole après M. Brassard. J'aimerais en savoir plus à ce sujet, car j'accorde beaucoup d'importance à la cybersécurité, comme à la fraude et à diverses choses du genre.
Monsieur Brassard, pouvez-vous lancer la discussion à ce sujet, s'il vous plaît?
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Étant théoricien, je suis très à l'aise avec votre question.
La réponse courte, c'est que ce dont j'ai longuement parlé, la stratégie qui consiste à recueillir l'information maintenant et à la décrypter plus tard, ne représente aucune menace pour les rançongiciels, car cela nécessite une action immédiate. Ce n'est pas comme si on pouvait attendre 10 ans, lorsqu'il sera possible de décrypter les messages envoyés aujourd'hui, pour revenir en arrière et demander une rançon à des gens qui sont déjà passés à autre chose.
Pour demander une rançon, il faudrait vraiment être capable — aujourd'hui, dans l'immédiat — de décrypter les messages et obtenir des informations permettant de faire du chantage, par exemple, mais pour ce faire, il faudrait que les ordinateurs quantiques soient déjà disponibles. Ce n'est pas un danger pour le moment, puisqu'il n'y en a pas, mais cela deviendra un risque lorsqu'ils seront disponibles.
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Je vous remercie beaucoup, madame Ghose.
Monsieur Gagnon-Gordillo, vous avez dit tantôt faire partie d'une grappe industrielle importante dans la région de Sherbrooke en ce qui a trait au développement de l'informatique quantique au Québec. Vous avez aussi dit que vous vous apprêtiez à acheter un ordinateur quantique.
Je vous demanderais de m'éclairer, car, d'une part, on dit qu'il faut inventer l'ordinateur quantique, mais, d'autre part, que l'on va en acheter un parce que cela existe. Je suis un peu confus.
Pourriez-vous nous fournir des explications à ce sujet?
Monsieur Brassard, j'aimerais aussi avoir vos observations par la suite.
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Lorsque les gens font allusion aux ordinateurs quantiques, plusieurs parlent d'en acheter, alors que d'autres parlent de simulation. En fait, ce que l'on achète, ce n'est pas tant un ordinateur que l'accès à un prototype d'ordinateur quantique.
Celui dont on parle est le modèle EAGLE System One d'IBM, qui est muni d'un processeur de 127 qubits. Ce que l'on achète, c'est un accès spécialisé à cet ordinateur, ce qui permet plus d'accès pour pouvoir tester des algorithmes. Par la suite, l'accès à l'espace IBM quantique, qui existe déjà à l'Université de Sherbrooke, va continuer d'exister. L'accès à cet espace n'est pas spécialisé, mais partagé. Ainsi, même si IBM sort de nouveaux modèles, nous allons continuer d'avoir cet accès.
Encore une fois, lorsque l'on parle d'un ordinateur quantique, on parle en fait d'un prototype.
Je vais maintenant céder la parole à M. Brassard, qui pourra compléter ma réponse.
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Je vous remercie, monsieur Gagnon-Gordillo.
C'est très bien ce que vous venez de dire.
Effectivement, il existe en ce moment des prototypes que nous pouvons acheter. Nous pouvons aussi louer du temps d'accès spécialisé. Ces prototypes fonctionnent avec un nombre relativement petit de qubits, ou bits quantiques, par exemple 127 qubits. Si nous voulons vraiment appliquer les algorithmes à large échelle, par exemple pour briser les cryptographies contemporaines, nous avons besoin de beaucoup plus de qubits. À notre connaissance, aucun ordinateur quantique ne nous permet actuellement de faire cela. Par contre, il existe des prototypes qui nous permettent de commencer à faire des expériences et à voir jusqu'à quel point cela fonctionne bien à petite échelle.
Nous pouvons louer un prototype chez IBM, mais il existe aussi une entreprise montréalaise, Anyon Systems, qui fabrique des ordinateurs quantiques. Nous pouvons même passer une commande, et un ordinateur quantique nous sera livré d'ici un an ou deux. Nous pouvons donc acheter un ordinateur quantique fabriqué au Québec en ce moment.
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Je vais d'abord expliquer pourquoi c'est important. Les raisons sont nombreuses. Qu'on parle de justice sociale ou de progrès économique, il faut savoir que si nous voulons réellement nous démarquer dans les technologies quantiques, dans d'autres domaines des STIM, de l'intelligence artificielle ou de nombreux autres domaines où les femmes sont sous-représentées, nous n'exploitons tout simplement pas l'ensemble des talents disponibles.
Comme des études l'ont déjà démontré, il n'y a aucune raison fondamentale pour que les femmes ne puissent contribuer dans ces domaines. En fait, elles l'ont déjà fait, mais elles n'ont tout simplement pas eu les mêmes occasions ou les mêmes ressources. De ce point de vue, on peut dire qu'il n'est pas très efficace ou optimal d'exploiter seulement une partie de l'ensemble de la main-d'œuvre, ce qui représente des possibilités perdues sur le plan des idées, sur le plan des progrès économiques. C'est aussi une question de justice sociale, bien entendu. Voilà pourquoi il s'agit d'une question importante.
Concernant l'ACS+, je sais que le CRSNG, par exemple, insiste désormais sur cet aspect pour toute demande de financement. Des mesures supplémentaires sont aussi en place pour la formation du personnel hautement qualifié, comme on l'appelle, c'est-à-dire les étudiants et les étudiants au postdoctorat, essentiellement: toute demande de financement doit comprendre des efforts axés sur une inclusion accrue. Je pense toutefois que ces efforts demeurent symboliques et que nous devons être beaucoup plus proactifs à cet égard, car le fait est que les choses n'ont pas beaucoup évolué depuis plus d'une décennie.
Nous essayons de promouvoir une approche beaucoup plus structurée et scientifique, soit mettre en œuvre des cadres exhaustifs; établir des objectifs; encourager, valoriser, célébrer et financer ce genre de travail. En fin de compte, c'est un objectif comme un autre; il faut y consacrer des ressources et de l'argent.
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Je vous remercie de la question, monsieur Lemire.
Je constate que vous avez bien lu nos documents.
Je rappelle que, au Québec, 450 entreprises — ce sont essentiellement des PME — sont associées au secteur des matériaux avancés. Cela représente 45 000 emplois. Je parle du Québec, mais cela vous donne une idée de ce que cela représente à l'échelle du Canada.
Il ne faut pas oublier que le secteur des matériaux avancés est transversal. On y retrouve des applications dans différents secteurs, que ce soit l'environnement, la chimie, le transport ou l'énergie. Bref, c'est très vaste.
Comment le gouvernement du Canada, ou le gouvernement d'une province, peut-il augmenter les investissements privés?
La formule que déploie PRIMA Québec est de favoriser les projets d'innovation collaborative. Il faut comprendre qu'un projet obtiendra toujours du financement du gouvernement du Québec. Il peut aussi obtenir du financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG. L'entreprise ou les entreprises doivent aussi injecter de l'argent dans le projet. Grâce à cette formule d'innovation collaborative, les dépenses intérieures en recherche‑développement que mettent en avant les entreprises permettent d'augmenter cette donnée qui — vous êtes probablement au courant — tend à diminuer ces dernières années.
Reconnaître davantage le rôle stratégique des matériaux avancés pourrait très certainement être utile. Ce que l'on remarque souvent, c'est que l'on va raisonner sous l'angle de produits finis. Je vous donne l'exemple des technologies propres. Plusieurs d'entre elles ne pourraient exister sans l'utilisation de matériaux avancés. On peut penser à des capteurs, à des membranes et à des filtres. À mon avis, cette reconnaissance est très importante.
Comme je l'ai mentionné dans mon allocution d'ouverture, les matériaux avancés ont un rôle important à jouer dans le secteur quantique, dans la production d'équipement, notamment. Les matériaux à l'état quantique ont des propriétés assez inusitées. On peut penser, par exemple, aux supraconducteurs, qui permettent de n'avoir aucune perte d'énergie thermique. Je crois que c'est très important.
Je suis d'avis que les matériaux avancés devraient être davantage mis en avant par les gouvernements, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux, mais aussi dans les différentes politiques. Que ce soit sur le plan de la Stratégie quantique nationale, de la Stratégie relative à l'hydrogène ou de toutes les approches relatives à la carboneutralité ou aux changements climatiques, les matériaux avancés ont un rôle à jouer.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais inclure M. Chong dans la discussion.
Concernant l'informatique quantique et l'intelligence artificielle, pouvez-vous donner des exemples concrets des progrès auxquels on peut s'attendre dans ces domaines?
Je pense que c'est une partie du problème. Lorsque je parle de l'industrie des télécommunications, j'évoque souvent la nécessité d'adopter une politique adéquate pour la vente aux enchères du spectre. Les gens prennent alors un air absent, ils baillent aux corneilles, ne comprennent pas, et la conversation s'arrête là.
Pouvez-vous nous donner une idée un peu plus précise de ce que cela signifie pour le quotidien des gens et, peut-être, pour leur travail?
:
Oui, d'accord. Je le répète, nous parlons constamment de l'idée d'accélération. On a aussi employé à quelques reprises le terme technique « problème NP‑dur. » Nous avons énormément de mal à communiquer l'aspect informatique de façon terre à terre parce qu'il faut pratiquement être aux premières loges du développement et de la formation pour comprendre combien de temps et quelle quantité d'énergie cet aspect nécessite.
On peut faire une métaphore avec les vaccins récents de la COVID‑19, alors qu'on lisait des reportages sur Pfizer, AstraZeneca et tous les médicaments qui ont été conçus pour se protéger du virus. Certaines de ces plateformes ARNm étaient en mesure de générer des molécules candidates dans un délai approximatif de 48 à 72 heures. Pourtant, le récent déploiement des vaccins s'est calculé en mois et en années. Une grande partie des délais était attribuable à la phase de validation.
Si vous ne vous y connaissez pas en développement de molécules ou de médicaments, sachez qu'il est extrêmement inhabituel qu'une molécule candidate puisse être prête en 48 heures pour des essais potentiels. Par le passé, il fallait des années pour développer des vaccins. On peut prendre l'exemple de la polio et du délai qu'il a fallu pour développer le vaccin. C'est en quelque sorte une transformation. Pour nombre d'entre nous, et pour les professionnels du milieu médical aussi, les percées qui ont eu lieu représentent d'une certaine manière le summum de la technologie de pointe.
Pour revenir à cette métaphore où on développe une molécule candidate en 48 heures pour les vaccins, on peut ensuite appliquer cette capacité à pratiquement tout le reste. Pour effectuer des tests moléculaires chimiques à l'heure actuelle, normalement in vivo ou in vitro — soit de façon expérimentale, — il faut compter des années de développement. C'est le cas des nouveaux médicaments ou molécules pour la chimiothérapie ainsi que des molécules antimicrobiennes. La recherche exige beaucoup de coordination, d'efforts, d'énergie et d'investissements de la part des secteurs privé et public. Si on transforme le processus et qu'on élimine cette partie très ardue en l'accélérant, les applications changeront grandement.
Prenons l'exemple de la reconnaissance vocale: je peux dire un mot pour activer la fonction sur mon téléphone intelligent et me mettre à parler à un ordinateur. Je me souviens avoir essayé de faire fonctionner la reconnaissance vocale sur mon ordinateur lorsque j'étais un jeune élève du secondaire. Je pouvais prendre place devant mon ordinateur pour lui parler pendant trois heures, et la précision était épouvantable. Le fait que nous pouvons maintenant parler à notre téléphone et faire fonctionner la reconnaissance en criant ciseau... la transition a été graduelle, mais l'application est maintenant concrète.
La discussion en comité est axée sur les répercussions liées à la sécurité et sur les effets négatifs potentiels, mais l'accélération entraînera aussi des avantages. Certains des procédés qui demandent énormément de temps et d'efforts seront grandement accélérés et, lorsque ce sera chose faite, il y aura des effets positifs et négatifs. Nous espérons que nous pourrons contrôler les effets négatifs et optimiser les effets positifs pour qu'ils représentent une part égale des retombées possibles. Nous espérons également que le Canada prendra part à cette discussion. Nous espérons que les changements dont nous avons été témoins en informatique dans les 10 à 15 dernières années seront aussi reconnus pour leurs effets positifs. Ainsi, nous pourrons exploiter les innovations majeures qui verront le jour et les utiliser pour aider un grand nombre de personnes.
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J'ai deux réponses. Une option est de se servir de la cryptographie quantique qui, ici encore, est démontrée inconditionnellement sécuritaire mais nécessite une infrastructure qui n'est peut-être pas disponible pour ces applications.
L'autre option est de se servir de systèmes purement conventionnels qui sont en train d'être développés. En fait, certains d'entre eux sont complètement développés, mais font l'objet d'un examen pour l'évaluation de leur sécurité. Des efforts d'envergure sont déployés au sein de l'Équipe nationale de soutien au renseignement militaire — ou NIST —, aux États-Unis, pour tenter de normaliser la soi-disant cryptographie post-quantique. La NIST a reçu des propositions de partout dans le monde, puis il y a eu quelques cycles où...
Le processus était public et complètement ouvert à toute la communauté. Les personnes intéressées ont soumis leurs propositions à l'Équipe nationale de soutien au renseignement militaire, qui étaient toutes publiques. Certaines personnes, habituellement les mêmes, ont tenté leur chance avec les propositions d'autrui, alors bon nombre de propostions ont été écartées. Certaines existent encore. On s'attend à ce que la NIST recommande non pas un gagnant, comme elle l'a fait pour la norme de chiffrement avancé, mais quelques candidats prometteurs. Je le répète, nous savons qu'on ne peut absolument pas espérer prouver le niveau de sécurité qu'offrent ces systèmes purement conventionnels.
Lorsque la NIST recommandera quelles solutions privilégier, il faudra se demander si nous voulons suivre la recommandation d'un gouvernement étranger, aussi amical soit‑il, ou si nous voulons nous doter, comme je le recommanderais, de plus d'expertise canadienne. Nous ne devrions pas suivre la recommandation de la NIST au pied de la lettre et nous en servir sur-le-champ. Il faudrait aussi l'évaluer dans le contexte canadien.
Mais si c'est urgent, il faut bien comprendre que la sécurité est nécessaire dès maintenant même si la NIST n'a pas encore formulé ses recommandations. J'imagine que la voie à privilégier est celle que Mme Simmons a proposée, soit d'utiliser plusieurs systèmes. Nous ne savons pas quels systèmes sont sécuritaires; il est possible qu'aucun système ne le soit. Toutefois, si on utilise plusieurs d'entre eux pour des applications très sécurisées et pour établir des clés secrètes, puis qu'on combine ces clés de façon sécurisée — ce que nous sommes capables de faire — la clé ainsi créée sera aussi sécuritaire que le système le plus fort de l'ensemble. C'est un cas inhabituel où la sécurité de l'ensemble est égale au maillon le plus fort — pas le plus faible, — ce qui est très rassurant.
Il faut garder à l'esprit que cela ne peut se faire sur Internet pour le citoyen moyen; une transaction normale prendrait beaucoup trop de temps. Mais pour une application de sécurité nationale, ce pourrait être la voie à privilégier pour l'instant, jusqu'à ce que nous saisissions mieux quels systèmes sont les plus sécuritaires et devraient donc être utilisés.
Pour l'instant, c'est le mieux qu'on puisse faire si on combine la solution à la cryptographie quantique — si on en a les moyens et si on détient l'infrastructure pour l'utiliser.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais d'abord remercier tous les témoins. Au fur et à mesure où nous en apprenons davantage sur l'informatique quantique, grâce aux réunions précédentes, je constate que nos questions sont plus pertinentes, ainsi que les témoignages. Nous en apprenons encore plus sur le sujet aujourd'hui.
Avant d'oublier, je veux mentionner que je suis entièrement d'accord avec Mme Hall par rapport à un programme de formation national conjoint.
À ce sujet, madame Ghose, je crois vous avoir entendu dire que vous enseignez l'informatique quantique au premier cycle universitaire. Pouvez-vous acheminer au Comité, à une date ultérieure, des détails sur votre programme, comme la liste des cours et le nombre d'étudiants intéressés à fréquenter votre établissement? Ce serait très utile.
Vous avez aussi parlé brièvement du fait que les questions éthiques sur l'IA ont fait couler beaucoup d'encre, mais qu'il n'en est pas de même pour les questions d'éthique quantique. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails? Qu'est‑ce que l'éthique quantique a d'unique? A‑t‑elle des similitudes avec l'éthique liée à l'IA?
Tout d'abord, il me fera plaisir de vous acheminer les détails sur mon cours.
Deuxièmement, un grand nombre de questions sur l'éthique en IA — l'éthique liée à la technologie et à son utilisation en général — peut bien entendu s'appliquer à l'informatique quantique. Je pense que c'est important de le garder à l'esprit.
En outre, je crois que le domaine offre de nouveaux types d'applications potentielles que nous n'avons même pas encore imaginées. Nous avons à tout prix besoin d'une structure pour ne pas être pris de court par ce qui se produira à l'avenir. Il nous faut un système en place pour comprendre de quoi devront être composées les structures qui sous-tenderont le lancement de la technologie.
L'aspect de la sécurité constitue un deuxième volet. En fait, comme M. Brassard l'a énoncé, la distribution quantique des clés offre une sécurité qui a été démontrée pour être impossible à pirater. Disons que ce modèle devient la norme et que tout le monde détient des systèmes complètement chiffrés et sécurisés. Dans cette réalité, les acteurs malveillants auront aussi l'outil en mains. Je pense qu'il faudra répondre à de nombreuses questions sur la réglementation et les politiques entourant l'utilisation de cette technologie et définir en quoi consistera une utilisation acceptable.
Il faudra répondre à ces questions très prudemment.
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Désolé. Pour répondre à votre question, dans l'état actuel des choses, certaines cryptomonnaies, comme le bitcoin, mordront complètement la poussière dès l'avènement de l'ordinateur quantique, et ce pour deux raisons.
Premièrement, ce type de cryptomonnaie utilise fondamentalement des signatures numériques, qui ne sont pas nécessairement brisées par l'informatique quantique si la mise en œuvre se fait adéquatement, mais, si je ne m'abuse, il s'agit de signatures numériques de type RSA. Ce type de signature est brisé par un ordinateur quantique. L'ensemble de la chaîne de blocs se brisera dès qu'un ordinateur quantique sera disponible, puisque son pilier est protégé par des signatures de type RSA. C'est le premier enjeu.
Deuxièmement, les cryptomonnaies sont basées sur la notion de preuve de travail. On prétend qu'il faut travailler pendant un certain temps pour le minage de monnaie et qu'il existe une obligation fondamentale de travailler pendant tant de temps ou de faire tant de travail pour le minage d'une nouvelle monnaie. Ce n'est pas vrai, car l'informatique quantique nous permettrait de faire du minage de monnaie beaucoup plus efficacement, même si c'est seulement de façon quadratique. Cela nous ramène à la question du NP‑difficile. Cela dit, les ordinateurs quantiques briseraient l'hypothèse de base de la preuve de travail que sous-tend la plupart des cryptomonnaies.
Cela ne signifie pas que c'est la fin des cryptomonnaies, mais la méthode de mise en œuvre actuelle deviendra chose du passé avec l'arrivée d'un ordinateur quantique.
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Je n'ai jamais loué quoi que ce soit de ce genre. Personnellement, je n'ai jamais fait d'expériences sur un ordinateur quantique réel. Je sais que je pourrais le faire si je le voulais, mais je ne l'ai jamais fait.
Il est possible de louer du temps d'utilisation sur une machine quantique auprès d'entreprises, notamment IBM et Rigetti. Plusieurs entreprises américaines permettent de louer du temps d'utilisation sur une machine quantique. Pour des fins de recherche, le temps d'utilisation est même gratuit, dans une certaine mesure, pour les plus petites opérations.
En ce qui concerne Anyon Systems, je ne sais pas si son premier ordinateur quantique est déjà disponible. Je sais que l'entreprise y travaille et qu'elle prévoit, d'ici un an ou peut-être deux, tout au plus, de mettre sur le marché des ordinateurs quantiques que l'on pourra acheter. En fait, on peut déjà passer une commande.
En toute honnêteté, je ne connais pas assez bien cette entreprise pour pouvoir en parler de façon plus précise.
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Je peux vous donner un exemple de projet non confidentiel, qui associe SBQuantum, qui se spécialise dans les technologies liées aux magnétomètres, et Solmax, une entreprise évoluant dans le secteur de l'environnement. L'objectif du projet est de recourir aux technologies liées aux magnétomètres quantiques pour accroître la fiabilité de la détection de failles dans différentes structures enfouies pouvant contenir des contaminants. Selon moi, c'est un beau projet, dans lequel le gouvernement du Québec a investi 747 000 $ sur un budget total de 1,5 million de dollars. Les deux entreprises ont aussi investi des sommes dans ce projet. C'est donc un bel exemple de projet financé dans le cadre d'un appel de projets du gouvernement du Québec.
Les appels de projets sont très intéressants parce qu'il en existe différents volets. En effet, il est possible de soutenir une entreprise en démarrage, une PME, un projet associant deux entreprises comme celui dont je viens de vous parler, ou un projet associant une ou plusieurs entreprises au milieu de la recherche.
Je sais que ce n'est pas très séduisant, mais j'ai ici une liste assez importante de titres de projets. Elle comprend notamment un projet de développement de procédés de synthèse du diamant pour des applications dans le domaine de la technologie quantique. Cela se fait toujours à température ambiante, car on a compris que le diamant pouvait être un matériau quantique.
C'est donc le genre de projets que nous avons. Je vous invite à visiter le site Web de Québec Quantique. Comme le sait très bien M. Gagnon‑Gordillo, pour chacun des projets financés, notamment entre deux entreprises ou entre des centres de recherche et des entreprises, il existe une espèce de fiche qui vulgarise l'objectif, le problème à résoudre et les sommes investies.
Pour certains des projets, il y a parfois une contrepartie, au-delà de l'investissement du gouvernement du Québec, c'est-à-dire un financement complémentaire provenant d'organismes subventionnaires comme le CRSNG.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais aussi remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui. Vous dressez un tableau de plus en plus lisible d'un enjeu très complexe, et nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous avons beaucoup entendu parler de sécurité, parfois de façon plutôt sinistre, et je voudrais changer un peu cela.
J'aimerais m'adresser à vous, madame Hall. Je suis heureux de vous voir. J'ignore si je suis votre député, mais je suis le député de l'Université Dalhousie et je suis très heureux de vous voir parmi nous aujourd'hui.
J'ai consulté votre site Web de recherche avant la réunion d'aujourd'hui et j'ai été ému par les jeunes avec lesquels vous travaillez et par leur nombre, leurs sourires et l'intérêt qui transparaît dans les photos que vous y avez publiées. Il est évident que leur imagination a été sollicitée. Ils pensent à l'avenir. Ils cherchent à atteindre un but précis. Cela m'a fait penser à l'exposition universelle de New York de 1964, où GE présentait « The World of Tomorrow », soit une vision de l'avenir, sur la façon dont l'électricité, l'essence et les voitures allaient changer le monde.
Je me demande si nous pourrions adopter une vision plus optimiste. Comme vous l'avez dit, madame Hall, il n'est peut-être pas nécessaire que les Canadiens comprennent la technologie, mais peut-être devraient-ils par contre comprendre son importance. Les témoins peuvent-ils nous parler un peu de la recherche de l'avenir intérieur et de la direction que cela prend, ainsi que de la façon dont l'informatique quantique ou les résolveurs hybrides vont améliorer nos vies?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Gagnon‑Gordillo, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
Au mois de novembre, M. Luc Sirois, l'innovateur en chef du Québec, a accordé une entrevue au magazine Québec Science au cours de laquelle il a dit que nos entreprises peinaient à effectuer des investissements en recherche‑développement.
Des propos similaires ont été avancés à ce comité, notamment par M. Alain Lamarre, dans le cadre de l'étude sur la capacité de produire des vaccins contre la COVID‑19, et par M. Alexandre Blais, dans le cadre de la présente étude.
Selon vous, le gouvernement fédéral peut-il jouer un rôle pour attirer davantage d'investissements privés en recherche‑développement, particulièrement au Québec?
Qu'est-ce qui doit être fait, selon vous?
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C'est une question très large. Je vais essayer d'y répondre du mieux que je peux, mais je ne promets rien.
En ce qui concerne les investissements, si l'on prend l'exemple du Fonds pour les technologies profondes de la Banque de développement du Canada, ou BDC, qui est quand même une société d'État, il s'agit de 200 millions de dollars, et les technologies quantiques peuvent représenter une bonne part de cette somme.
Ce qui se passe au Canada est quand même connu depuis plusieurs années. Il y a un peu de fonds aux stades du préamorçage et de l'amorçage d'entreprises. On lance des projets, on les sort des universités et on démarre des entreprises. Cela commence à bien fonctionner, mais, dès que l'on veut passer du stade de démarrage à celui de l'expansion, on manque d'argent. C'est généralement à ce moment que des investisseurs étrangers, principalement des États‑Unis, engagent un capital de risque dans ces entreprises, et on les perd.
Il y a vraiment quelque chose à faire à cet égard, surtout au-delà de la série A, c'est-à-dire quand il s'agit de sommes beaucoup plus importantes en capital de risque, comme dans les séries B et C. Il y a de l'argent à investir là-dedans, et le gouvernement fédéral peut certainement jouer un rôle à cet égard.
Par ailleurs, lorsqu'il s'agit des technologies quantiques, le processus est long. Auparavant, pour obtenir du financement pour le capital de risque, cela pouvait prendre souvent de sept à dix ans, surtout pour les entreprises dans le nuage, comme Facebook et Airbnb. Pour les technologies quantiques, la période est plutôt de 15 ans. Le développement d'une entreprise dans ce secteur prend donc beaucoup plus de temps et il faut être plus patient quant aux types d'investissement qui y sont faits. C'est un facteur à considérer. Si l'on avait un peu plus d'appui du gouvernement fédéral, cela pourrait changer les choses de façon importante.
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Il s'agit là encore d'une question fort intéressante.
Je n'ai pas eu vent de telles mises à jour. Tout le monde pense à cette notion d'un jour J qui se produira à un moment donné, lorsque tous nos systèmes de chiffrement à clé publique seront désactivés ou compromis d'une certaine façon, mais nous n'avons pas encore vu une telle chronologie ou même la possibilité d'un tel exploit. Cela est très poussé, mais je n'ai pas constaté de politique à cet égard.
Je pense que l'évolution des renseignements sur les soins de santé ou les technologies de l'information ressemble beaucoup à celle des systèmes financiers. Pensons aux débuts, et à la façon dont le chiffrement à clé publique et le SSL ont aussi été incorporés dans les transactions bancaires en ligne... Je me souviens d'une époque où on ne faisait pas ses transactions bancaires en ligne. On n'avait pas de téléphone intelligent; on utilisait plutôt un télécopieur. Nous avons évolué et en sommes arrivés à un point où il est possible d'effectuer ces opérations en toute sécurité sur un ordinateur.
Je peux facilement imaginer que ces mêmes réglementations qui ont évolué dans le milieu des finances s'appliqueront très facilement au milieu des soins de santé. Si l'on instaure un réseau chiffré quantique ou des normes semblables, ou si l'on adopte certains algorithmes ou une résistance quantique, tout cela évoluera de la même manière.
Ce que j'aimerais voir du côté du gouvernement ou des organismes de réglementation en ce moment... Lorsque nous aurons une indication que des exploits potentiels pourraient se produire — et que certaines industries et certains domaines à haut risque ou critiques seront, tout d'abord, classés comme tel — il faudrait avoir une synchronisation des diverses réglementations. Je pense que cela profiterait à d'autres industries dans le milieu des communications et des technologies de l'information, et nous pouvons tous apprendre des choses des diverses industries ensemble.
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En fait, je suis d'accord sur ce que la professeure Hall et la professeure Ghose ont évoqué.
Il y a certes la recherche, mais il faut également doser le financement entre la recherche fondamentale, qui est essentielle et dont les retombées se produisent toujours plus tard, et la recherche appliquée. On doit être capable de soutenir cette dernière et de s'assurer que la question de l'adoption des technologies quantiques est abordée, d'une certaine façon. En effet, si l'on n'a pas d'utilisateurs au bout du compte, cela n'aidera pas.
Il y a aussi toute la question du soutien de l'écosystème au complet. Un écosystème désigne notamment le milieu de la recherche, les entreprises, les jeunes pousses, les PME, les financiers, les utilisateurs potentiels, qui peuvent être de grands donneurs d'ordre.
Tantôt, M. Gagnon‑Gordillo parlait de la Banque de développement du Canada et du Fonds pour les technologies profondes. Cela est également important pour soutenir tout ce qui concerne l'équipement de pointe.
Est-ce que la somme de 360 millions de dollars est suffisante? Si l'on compare à ce qui se fait ailleurs, je pense que ce n'est pas suffisant.
Enfin, il y a toute la question de la propriété intellectuelle. Il faudra trouver le moyen de bien la soutenir afin que la recherche développée ici puisse être brevetée et qu'elle ne parte pas à l'étranger.