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Je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de la première réunion du Comité permanent des langues officielles de l'année 2023.
Je vous souhaite la bienvenue à la quarante-sixième réunion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Gladu, une nouvelle membre à part entière de notre merveilleux comité, ainsi qu'à M. Martel, qui est ici pour remplacer M. Godin.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 30 mai 2022, le Comité reprend l'examen du projet de loi .
Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les députés ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion. Cependant, dans ce cas-ci, presque tout le monde est présent; c'est la première fois que cela se produit depuis très longtemps.
Nous reprenons l'étude article par article du projet de loi C‑13.
Je rappelle aux députés que les amendements soumis par les membres du Comité sont confidentiels jusqu'à ce qu'ils soient proposés en comité.
Je souhaite d'abord la bienvenue aux fonctionnaires de Patrimoine canadien; d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; et du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui sont ici pour répondre aux questions plus techniques des membres du Comité.
Du ministère du Patrimoine canadien, nous accueillons Mme Julie Boyer, sous-ministre adjointe, Langues officielles, patrimoine et régions; M. Jean‑François Roussy, directeur principal, Politiques et recherche, Direction générale des langues officielles; et M. Jean Marleau, directeur, Modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Nous accueillons également M. Alain Desruisseaux, directeur général au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, Politiques en immigration francophone et langues officielles. Nous l'avons rencontré à la dernière réunion.
Enfin, du Secrétariat du Conseil du Trésor, nous recevons M. Carsten Quell, directeur exécutif, Centre d'excellence en langues officielles, Personnes et culture, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines.
Je vais répéter ce que j'ai dit sur la procédure lors de la première réunion sur l'étude article par article, parce que c'est très important. Je ne le ferai pas à chaque réunion, mais, puisque c'est la première réunion du Comité en 2023 et que nous sommes un peu rouillés, je me permets de vous dire ce qui suit.
À titre de rappel, j'aimerais donner des explications aux membres du Comité sur la façon dont les comités procèdent à l'étude article par article d'un projet de loi.
Comme son nom l'indique, cet exercice sert à examiner, dans l'ordre, tous les articles d'un projet de loi. Je vais mettre en délibération chaque article, un par un, et chacun peut faire l'objet d'un débat avant d'être mis aux voix.
Si un amendement est proposé à l'article en question, je vais donner la parole au député qui le propose, qui peut l'expliquer s'il le désire. L'amendement peut alors faire l'objet d'un débat, puis mis aux voix lorsque aucun autre député ne désire prendre la parole. Les amendements sont examinés dans l'ordre où ils apparaissent dans la liasse que les membres ont reçue de la greffière.
Il est important de noter que tous les amendements et sous-amendements doivent être soumis par écrit à la greffière du Comité.
Les amendements doivent être rédigés correctement sur le plan juridique, mais ils doivent aussi être conformes à la procédure. La présidence peut être amenée à juger un amendement irrecevable s'il contrevient au principe du projet de loi ou s'il en dépasse la portée — le principe et la portée ayant été adoptés en même temps que le projet de loi par la Chambre, à l'étape de la deuxième lecture — ou si l'amendement empiète sur l'initiative financière de la Couronne. Si vous voulez retirer un article du projet de loi, vous devez voter contre l'article lorsqu'il est mis aux voix, plutôt que proposer un amendement pour le supprimer.
Comme il s'agit d'une première expérience pour plusieurs députés, la présidence procédera lentement, de manière à ce que tous et toutes puissent bien suivre les délibérations.
Chaque amendement a un numéro, dans le coin supérieur droit, qui indique quel parti l'a présenté. Pour qu'un amendement soit proposé, un appuyeur n'est pas requis. Une fois qu'un amendement a été proposé, il faut le consentement unanime de tous les membres du Comité pour le retirer.
Pendant un débat sur un amendement, les députés peuvent proposer des sous-amendements. Ceux-ci n'ont pas besoin d'être approuvés par le député qui a proposé l'amendement. Un seul sous-amendement peut être examiné à la fois. On se souviendra que, dans un certain cas, nous nous étions un peu perdus dans les sous-amendements. Alors, je vais être très strict là-dessus. De plus, le sous-amendement ne peut pas être modifié.
Lorsqu'un amendement fait l'objet d'un sous-amendement, c'est le sous-amendement qui est mis aux voix en premier. Un autre sous-amendement peut alors être proposé, et seulement à ce moment-là. Sinon, le Comité peut revenir à l'amendement principal ou le mettre aux voix.
Une fois que tous les articles ont été mis aux voix, le Comité tient un vote sur le titre et le projet de loi proprement dit. Le Comité doit également donner un ordre de réimpression du projet de loi pour que la Chambre dispose d'une version à jour lors de l'étape du rapport.
Enfin, le Comité doit demander à la présidence de faire rapport du projet de loi à la Chambre. Ce rapport contient uniquement le texte des amendements adoptés, le cas échéant, et une indication des articles supprimés, s'il y a lieu.
Je remercie les députés de leur attention, et je souhaite au Comité une étude article par article productive du projet de loi .
Cela étant dit, nous reprenons l'étude article par article. La dernière fois, nous débattions de l'article 2.
Monsieur Beaulieu, vous aviez un amendement à proposer, soit l'amendement BQ‑0.1. Vous avez la parole.
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J'aimerais préciser que la loi 96 et la loi 101 font en sorte de maintenir les services en anglais offerts aux anglophones. Cela a toujours été le cas, et rien dans ces lois ne menace leurs droits.
Il ne faut pas oublier que le Québec est minoritaire au Canada. La majorité est formée de Canadiens anglophones. Pour assurer la survie du français au Québec et dans les autres régions, il faut intégrer les nouveaux arrivants. C'est mathématique. Si le taux des transferts linguistiques vers le français n'atteint pas 90 %, on accentue notre position minoritaire. C'est d'ailleurs ce qui est en train de se produire.
Toutes les études prévisionnelles, même celles de Statistique Canada, indiquent un déclin rapide, parce qu'on ne réussit pas à franciser suffisamment les nouveaux arrivants, à les intégrer. Personnellement, je pense que c'est crucial. Ce n'est pas parce que le Québec est une minorité qu'il doit se faire écraser.
Nous avons le droit d'assurer la survie du français et son épanouissement. C'est ce que l'on appelle le droit à l'autodétermination des peuples. Même l'Organisation des Nations unies, ou ONU, reconnaît que les anglophones du Québec ne sont pas une minorité au sens de la Charte internationale des droits de l'homme. L'ONU a même précisé que, dans une province, ceux qui forment la majorité peuvent revendiquer les droits de la minorité, si cette dernière a le statut de minorité sur le plan national. À mon avis, c'est essentiel et cela aurait dû être fait.
En 1969, les francophones hors Québec n'avaient pas le droit de fréquenter les écoles francophones. C'est aberrant, mais il y a eu une assimilation programmée et volontaire relativement au français.
On trouve 90 % des francophones au Québec. On a néanmoins décidé de renforcer l'anglais. La majeure partie du financement a, au départ, été destinée au renforcement des établissements d'enseignement anglophones alors que ceux-ci étaient déjà surfinancés.
Selon moi, c'est une question fondamentale, et il faut que le français soit la langue commune si l'on veut réussir à intégrer les immigrants. Je parle du français et de la langue commune ailleurs au Canada. Un grand nombre de francophones n'a pas accès à des services en français, et les transferts linguistiques des nouveaux arrivants se font à plus de 99 % vers l'anglais. Le taux d'assimilation des francophones hors Québec se situe un peu au-delà de 40 %.
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Cette proposition va elle aussi dans le sens d'une approche différenciée et on y laisse tout ce qui touche les francophones hors Québec. Je vais maintenant présenter notre amendement.
Au point a) de notre amendement, plutôt que de dire que toute personne a la possibilité d'apprendre une deuxième langue, nous proposons que le gouvernement fédéral reconnaisse « l'obligation de donner à toute personne » la possibilité d'apprendre une deuxième langue. Au Québec, l'apprentissage de l'anglais est obligatoire. Nous pensons que cela devrait être la même chose au Canada et que tout le monde devrait pouvoir apprendre le français.
Ensuite, concernant le point b), le thème des lignes 23 à 30 est repris plus loin, comme vous le verrez. La partie qu'il reste à enlever concerne la Société Radio-Canada, dont c'est le mandat de servir, entre autres, les minorités francophones un peu partout.
Au point c) de notre amendement, nous proposons de remplacer le texte suivant du projet de loi:
qu'il reconnaît l'importance de la contribution de l'immigration francophone pour favoriser l'épanouissement des minorités francophones, et le fait que l'immigration est l'un des facteurs qui contribuent au maintien ou à l'accroissement du poids démographique de ces minorités;
par
qu'il reconnaît l'importance de remédier au déclin du poids démographique des minorités francophones, notamment en assurant le rétablissement et l'accroissement de celui-ci;
qu'il reconnaît l'importance de l'immigration francophone pour favoriser l'épanouissement des minorités francophones, notamment en assurant le rétablissement et l'accroissement de leur poids démographique;
Les deux lignes supprimées par le point d) de notre amendement, soit « qu'il reconnaît que des minorités francophones ou anglophones sont présentes dans chaque province et territoire », sont reprises plus loin. L'article 2 du projet de loi continuerait alors avec le texte qui suit:
qu'il reconnaît la diversité des régimes linguistiques provinciaux et territoriaux qui contribuent à la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne, notamment :
que la Constitution accorde à chacun le droit d'employer le français ou l'anglais dans les débats des chambres de la Législature du Québec et de celles de la Législature du Manitoba et le droit d'utiliser le français ou l'anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux [...]
Au point e) de notre amendement, nous proposons de reformuler la phrase voulant que la Charte de la langue française du Québec dispose que le français est la langue officielle du Québec en ajoutant « et commune » après le mot « officielle ». Ceci ferait du français une langue commune permettant à tous les citoyens de communiquer ensemble, un facteur essentiel pour la cohésion sociale, selon moi.
Au point f) de notre amendement, nous proposons de remplacer les trois derniers paragraphes du paragraphe 2(3) du projet de loi par ce qui suit:
qu'il reconnaît que des minorités francophones ou anglophones sont présentes dans chaque province et territoire et que la minorité anglophone du Québec et les minorités francophones des autres provinces et territoires ont des besoins différents;
qu'il reconnaît que l'existence d'un foyer francophone majoritaire dans un Québec où l'avenir du français est assuré est un objectif légitime et une prémisse fondamentale du régime fédéral des langues officielles;
Ainsi, nous revenons un peu sur ce que nous disions plus tôt. Si le français ne survit pas et ne s'épanouit pas au Québec, cela touche toute la francophonie canadienne, nord-américaine et, au fond, toute la diversité linguistique. Je pense qu'il est important de le reconnaître.
Voilà, je viens de vous résumer notre amendement.
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Cela nous amène à l'amendement LIB‑1, qui se trouve à la page 5 de la liasse de documents.
Avant que nous débattions de cet amendement, il est important de mentionner que, si l'amendement LIB‑1 est proposé, l'amendement LIB‑2 ne pourra pas l'être, car il y est identique.
En outre, si l'amendement LIB‑1 est adopté, les amendements NDP‑1 et CPC‑3, qui se trouvent aux pages 7 et 8, ne pourront pas être proposés en raison d'un conflit de lignes.
Par souci de cohérence, je souhaite signaler aux membres du Comité que les amendements LIB‑1, LIB‑2 et NDP‑1 traitent des mêmes mesures, mais recourent à une terminologie différente. Les mots utilisés diffèrent donc d'un amendement à l'autre, particulièrement dans les versions anglaises.
Ces amendements sont aussi liés à plusieurs amendements ultérieurs, dont certains proposent des définitions différentes du terme « rétablissement ». Il s'agit des amendements LIB‑8, page 23, LIB‑9, page 24 et NDP‑4, page 26.
En résumé, si l'amendement LIB‑1 est adopté, les amendements NDP‑1 et CPC‑3 ne pourront plus être proposés ultérieurement. Par ailleurs, dans d'autres amendements qui seront proposés, il y aura des différences dans la terminologie employée pour le terme « rétablissement » et « restoring ». Il y a une différence entre « reestablishing » et « restoring ».
Cela étant dit, pour l'amendement LIB‑1, y a-t-il des commentaires?
Madame Ashton, vous avez la parole.
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D'accord. Merci beaucoup, monsieur le président.
Je propose cet amendement parce que je crois que le Canada est un pays diversifié sur le plan linguistique, et le fait d'avoir le français et l'anglais comme langues officielles contribue de façon exceptionnelle à attirer de nouveaux arrivants, tant francophones qu'anglophones, qui ont beaucoup de choses à apporter à nos communautés et à notre économie. Il est important qu'on veille à protéger la vitalité du français dans les communautés hors Québec et que notre gouvernement fasse des efforts pour y parvenir.
Les francophones hors Québec représentent à peu près 3,3 % de la population canadienne, selon les données du recensement publiées le 17 août par Statistique Canada. Dans les données de 2016, la communauté francophone hors Québec représentait 3,6 % de la population canadienne. Il y a donc eu un recul de 0,3 point de pourcentage, ce qui démontre que nous avons beaucoup de travail à faire pour répondre à la situation.
Notre gouvernement continue de prendre des mesures nécessaires pour répondre à ce recul malgré les difficultés que nous continuons de constater. Notamment, nous essayons de faire avancer ce projet de loi dans ce comité. Nos communautés s'attendent à ce que nous prenions toutes les mesures nécessaires pour pouvoir répondre à ce genre de recul, surtout pour les Franco‑Ontariens, mais aussi pour tous les autres Franco‑Canadiens hors Québec.
Récemment, le a annoncé que nous avions atteint notre objectif de 4,4 % d'immigration francophone à l'extérieur du Québec. Il s'agit d'une bonne nouvelle, mais nous avons encore beaucoup de travail à faire pour assurer la vitalité de nos communautés francophones à l'extérieur du Québec, que ce soit au chapitre des garderies, des établissements d'enseignement ou de tout autre service indispensable nécessitant l'utilisation des langues officielles.
Comme vous le savez, je suis également membre du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Dernièrement, dans le cadre d'une étude que nous faisions, nous avons eu l'occasion de discuter avec plusieurs leaders dans différentes communautés linguistiques en situation minoritaire. Je veux souligner un commentaire qu'un leader de la communauté haïtienne a fait quand on lui a posé une question sur la migration haïtienne. Le Comité s'intéressait aux raisons pour lesquelles bon nombre de migrants haïtiens se rendent au Canada, alors que les États‑Unis se trouvent entre Haïti et le Canada. Il a répondu que la principale raison est que le Canada offre la chance de vivre en français, ce qui en fait un pays de prestige pour les communautés qui parlent français.
Une autre personne représentant la communauté burundaise a fait le même constat, disant que les migrants du Burundi se rendent au Canada, et non aux États‑Unis, parce qu'ils ont le choix d'y vivre dans leur langue première, qui est le français.
C'est donc dire que, si on continue à rendre les services accessibles aux francophones un peu partout au Canada, on va continuer de voir cette croissance.
Les témoins entendus ont aussi mentionné que parmi les arrivants de ces pays se trouvent des docteurs, des enseignants et plusieurs personnes qui contribuent aujourd'hui d'une façon très positive à nos communautés canadiennes et à notre économie.
Les francophones hors Québec forment 3,3 % de la population, après un recul de 0,3 point de pourcentage. Nous avons beaucoup de travail à faire pour continuer de faire croître ces communautés. C'est dans le but d'augmenter l'immigration francophone que je propose cet amendement aujourd'hui.
Au cours des nombreuses études du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, nous avons entendu plusieurs personnes mentionner que 60 % des francophones du monde entier se trouvaient en Afrique. Si nous continuons de mettre en place des ressources qui nous aident à aller chercher ces immigrants, nous allons pouvoir répondre à ce recul que nous voyons hors Québec, surtout dans les communautés franco-ontariennes et acadiennes.
Je vais m'arrêter ici. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre veut ajouter des commentaires.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du Comité de me donner la chance de m'exprimer sur l'amendement LIB‑4. Je ne vais pas nécessairement m'exprimer rapidement, c'est-à-dire que je vais essayer de donner un peu de détails sur l'amendement LIB‑4, mais je ne vais pas le faire pour tous les autres amendements.
Comme je l'ai dit plus tôt, l'esprit de la Loi sur les langues officielles demande que nous tenions une discussion là-dessus. Je crois qu'il y a un large consensus au sein du Comité pour appuyer et favoriser les droits des francophones de partout au pays, y inclus au Québec. Il faut trouver des moyens de soutenir le français d'un bout à l'autre de ce merveilleux pays. Or, je crois qu'il y a deux différentes philosophies. Je ne suis pas en faveur de l'idée selon laquelle c'est la communauté anglophone du Québec, une communauté complètement distincte et à part des autres anglophones du Canada, qui fait que le français ne s'épanouit pas. Malheureusement, les références à la Charte de la langue française causent des problèmes. Je l'ai d'ailleurs soulevé plus tôt lorsque j'ai posé des questions aux représentants officiels.
[Traduction]
Même si nous ne pouvons pas parler des amendements à venir, nous avons déjà entendu un certain nombre d'amendements visant à faire diverses choses. Ils visaient à éliminer l'engagement du gouvernement du Canada de favoriser la vitalité et l'épanouissement de la minorité anglophone du Québec. Comme je l'ai mentionné, il s'agit d'une pierre angulaire de la politique des langues officielles depuis l'époque où Pierre Elliott Trudeau était premier ministre. Ce n'était pas seulement les gouvernements libéraux; c'était les gouvernements libéraux et conservateurs.
Encore une fois, je reconnais que le dernier renouvellement important de la Loi sur les langues officielles remonte à l'époque où Brian Mulroney — un Québécois anglophone — était premier ministre. Il a proposé de modifier la Constitution afin que le gouvernement fédéral ait l'obligation d'appuyer la vitalité et le développement de la minorité anglophone au Québec et de la minorité francophone à l'extérieur du Québec.
Ensuite, il y a des amendements qui visent à introduire la Charte de la langue française dans la loi fédérale. L'amendement que je propose vise à retirer une référence plutôt anodine, mais qui est néanmoins là. Lorsqu'on reconnaît qu'on veut non seulement intégrer à la loi des références de ce genre, mais qu'on propose aussi de se référer à la Charte de la langue française du Québec pour interpréter cette loi, pour interpréter les droits des Québécois anglophones en vertu de la loi, pour dire que cela a préséance, dans certains cas, à la Loi sur les langues officielles, nous avons un véritable problème.
[Français]
Je ne suis pas surpris du tout que le Bloc québécois présente des amendements en ce sens, parce que c'est depuis toujours sa philosophie, et je respecte cela. Sa philosophie a toujours été claire, à savoir que nous, les anglophones du Québec, ne sommes pas vraiment une minorité, étant donné que nous faisons partie de la majorité anglophone du pays.
Selon le Bloc québécois, le gouvernement fédéral devrait laisser le Québec légiférer en matière de langue et il ne devrait pas s'interposer. C'est la position du Bloc québécois, qui a toujours été honnête là-dessus. Je comprends et respecte cela, mais je ne partage pas ce point de vue.
[Traduction]
La grande majorité des Québécois anglophones est totalement contre cette position aussi.
C'est une question de philosophie. Est‑ce que nous pensons qu'il est juste que le Comité introduise dans la loi des références à la loi 96 qui vient d'être adoptée par l'Assemblée nationale du Québec, qui, bien qu'elle ait l'appui d'une majorité de Québécois, est presque entièrement rejetée par la communauté linguistique minoritaire de la province? S'il s'agissait du Manitoba, le ferions-nous si la communauté francophone du Manitoba s'opposait complètement à une loi provinciale? Approuverions-nous l'inclusion de ce concept dans la loi fédérale sachant que l'ensemble de la communauté en situation minoritaire est contre? Il en va de même pour l'Ontario ou toute autre province d'origine des gens qui sont ici.
Ce n'est pas juste, et ce n'est pas nécessaire.
[Français]
Comme c'est mentionné dans mon amendement, on peut reconnaître que l'Assemblée nationale a déterminé que le français était la langue officielle du Québec. Dire cela ne me pose aucunement problème. Toutefois, il est important de préciser que c'est dans ses champs de compétence, et non dans le champ de compétence fédérale. Je crois que nous, au fédéral, avons le devoir de veiller à l'égalité des deux communautés partout au pays.
[Traduction]
Nous savons tous que la loi 96 n'a pas l'appui de la communauté minoritaire. Laissez-moi vous expliquer un peu pourquoi.
Premièrement, permettez-moi aussi de souligner qu'aucune autre loi provinciale n'est mentionnée dans la Loi sur les langues officielles. Si nous faisions référence à une multitude de lois provinciales différentes garantissant des services en français dans d'autres provinces, je comprendrais certainement la raison d'être d'une référence à la loi linguistique du Québec, mais ce n'est pas le cas.
Nous ne faisons pas référence à la loi de la Colombie-Britannique qui sert la communauté francophone de cette province. Nous ne faisons pas référence à la Loi sur les services en français de l'Ontario. Nous ne faisons pas référence aux lois du Nouveau-Brunswick qui, en fait, est à la fois au service de la communauté anglophone et de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick. On ne fait référence qu'à une seule loi provinciale, celle du Québec. Dans ce cas, il convient de se demander pourquoi. À ce moment‑là, la question se pose: pourquoi faisons-nous cela? Pourquoi est‑ce nécessaire, alors que nous ne faisons référence à aucune autre loi provinciale?
Deuxièmement, lorsque nous faisons référence à une loi provinciale dans une loi fédérale et que nous y attribuons des pouvoirs, nous renonçons à notre compétence. Cela revient à dire que le gouvernement fédéral n'applique plus la volonté du Parlement du Canada, mais qu'il applique plutôt les décisions d'une législature provinciale. Nous renonçons à nos responsabilités. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, pour quelque loi que ce soit.
Pouvez-vous imaginer un autre cas où une province utiliserait la disposition de dérogation pour restreindre les droits de sa minorité francophone, et où ce comité suggérerait d'intégrer cela à la loi fédérale? Je ne peux imaginer une telle situation.
L'autre chose que je tenais à souligner — et c'est vraiment important —, c'est que la disposition de dérogation fait partie de la Charte des droits. Je ne l'aime pas et je pense qu'elle n'aurait jamais dû exister, mais je la respecte. Cela faisait partie d'un compromis historique. Elle existe.
Ceux qui ont adopté la Charte n'ont jamais envisagé que la disposition de dérogation soit utilisée de façon préventive, que ce soit dans le contexte des droits des travailleurs en Ontario ou des droits linguistiques au Québec. Il était entendu qu'une loi serait adoptée, que les tribunaux en seraient saisis, puis qu'une décision serait rendue par le tribunal en question, par exemple la cour supérieure d'une province, la cour d'appel d'une province ou la Cour suprême du Canada. Il y aurait un important débat de société, puis, si une province voulait recourir à la disposition de dérogation, elle pourrait le faire. Toutefois, la province et sa population, surtout, sauraient parfaitement que les tribunaux estiment qu'il y a violation de la Charte, qu'il s'agit d'une suspension ou d'une restriction d'un droit qui n'est pas raisonnable, dans une société libre et démocratique, en vertu de l'article 1.
À mon avis, ne pas appuyer cela revient essentiellement à dire que nous approuvons le recours préventif à la disposition de dérogation, ce que le Parlement fédéral n'a jamais adopté. Au moins deux partis au Parlement fédéral s'opposent sans réserve au recours préventif à la disposition de dérogation. Le a dit, dans le cas de la loi 21, que nous contesterions cela devant la Cour suprême. Qui sait? Nous pourrions faire un renvoi.
Si notre soutient que le recours préventif à la disposition de dérogation est inconstitutionnel, dans quelle mesure la possibilité que les gouvernements provinciaux puissent faire valoir qu'on y fait référence de manière positive dans la loi fédérale affaiblirait‑il notre cause ou nos arguments dans le cadre du renvoi de l’affaire de la loi 21 devant la Cour suprême? Pour moi, c'est un enjeu de taille. Je ne vois pas comment cela pourrait aider la cause du fédéral. En faisant cela, nous nuisons à nos recours possibles.
La loi 96 a également un autre effet important. À mon avis, la loi 96 enfreint l'article 133 de la Loi constitutionnelle. Au Québec et au Manitoba, l'utilisation de l'anglais et du français dans une assemblée législative et les tribunaux jouit d'une protection constitutionnelle. Aux termes de la loi 96 du Québec, une société ou un organisme sans but lucratif doit, avant de pouvoir entreprendre tout recours en anglais devant un tribunal, faire traduire ses documents en français par un traducteur juridique agréé et les déposer. Cela dissuade les sociétés et les organismes à but non lucratif d'intenter quelque recours que ce soit en anglais. Elle dit que la décision d'exiger le bilinguisme d'un juge ne relève pas de la magistrature, mais du ministre de la Justice du Québec. Un tribunal du Québec a déjà accordé une injonction préliminaire, car, à mon avis, cela va manifestement à l'encontre de l'esprit de l'article 133.
En cautionnant cette loi, encore une fois, nous nous nuisons à nous-mêmes, dans le contexte d'une éventuelle contestation devant les tribunaux de l'utilisation à mauvais escient de l'article 133. Nous le faisons non seulement pour le gouvernement du Canada, mais aussi pour les plaignants. Ce serait la même chose si le gouvernement d'une autre province agissait ainsi. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
En outre, nous devons nous demander quelle est la voie à suivre. Lors de la dernière réunion, j'ai mentionné que la communauté anglophone du Québec s'est retrouvée quelque peu en état de siège suite à l'adoption de la loi 96. La communauté se tourne maintenant vers le Parlement fédéral et cherche à savoir s'il maintiendra ou non sa politique de longue date d'égalité pour les deux communautés linguistiques en situation minoritaire.
[Français]
Est-ce un nouveau virage? Va-t-on maintenant changer complètement l'esprit de la Loi sur les langues officielles, qui a toujours été basée sur une égalité réelle?
Je crois que le Comité devrait décider, dès le départ, s'il va accepter ou non que le projet de loi fasse référence à une loi provinciale, à savoir la Charte de la langue française.
[Traduction]
Si oui, et si nous décidons de conserver cette référence — et que beaucoup d'autres s'ajoutent par la suite —, la Loi sur les langues officielles sera une loi complètement différente.
Encore une fois, le Bloc a toujours fait connaître ce en quoi il croit. M. Beaulieu a toujours dit ce qu'il pensait, et je respecte cela parce qu'il est honnête. J'essaie d'être honnête. Nous sommes d'accord les uns avec les autres. Nous sommes honnêtes l'un envers l'autre. Nous ne faisons pas de politique avec des gants blancs.
Je pense qu'il est important de reconnaître qu'une telle décision signifierait que pour la première fois, la Loi sur les langues officielles irait dans le sens souhaité par le Bloc québécois depuis son entrée au Parlement en 1993 plutôt que dans la direction adoptée traditionnellement par les partis libéral, conservateur et néo-démocrate.
Je plaide auprès de mes collègues. J'y laisse tout de même exactement ce que nous voulions dire.
[Français]
L'intention, ici, est d'énoncer que le français est la langue officielle du Québec. Je garde les mots « le français est la langue officielle du Québec ». Tout ce que j'enlève, c'est la référence à la Charte de la langue française, qui n'est pas nécessaire du tout pour dire que le français est la langue officielle du Québec, selon ce qu'a déterminé l'Assemblée nationale du Québec.
Je laisse cela à mes collègues.
Je vous remercie de m'avoir accordé de votre temps.
[Traduction]
Je promets également que je ne répéterai aucun de ces arguments pour les autres amendements afin de ne pas ralentir le processus. Je tenais simplement à le dire une fois.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
En réponse à une question posée par ma collègue, Mme Gladu, je pense que c'est une question très importante, car tout au long de l'étude de ce projet de loi, il nous est arrivé un moment donné d'examiner la Charte de la langue française du Québec et d'y faire référence, mais à l'époque, le projet de loi 96, qui est maintenant devenu loi, n'avait pas été adopté.
Pendant ce temps, nous vivions au Québec. Je peux vous dire, en tant qu'anglophone, que j'ai vécu la majeure partie de ma vie avec la loi 101, la Charte de la langue française du Québec, qui n'avait pas les articles qui seront très préjudiciables à la communauté anglophone en situation minoritaire du Québec pour toutes les raisons qui ont été mentionnées par mon collègue, M. Housefather.
En outre, à l'heure actuelle, cette loi a été promulguée, mais nous ignorons les règles et règlements connexes, comme nous ignorons tout de son adoption et de sa mise en œuvre. Aux dernières nouvelles, le gouvernement du Québec compte consulter la population. Donc ce n'est pas définitif. J'ai de la difficulté à comprendre qu'on puisse intégrer une loi provinciale dans une loi fédérale.
Nous avons entendu les observations du juge Bastarache, qui est aussi d'avis que nous ne devrions pas faire référence à une loi provinciale dans une loi fédérale. Un rapport publié par le Sénat était également sans équivoque à cet égard. On y indique essentiellement que les références à la Charte de la langue française devraient être retirées de ce projet de loi, craignant que cela ne vienne légitimer une approche restrictive du gouvernement fédéral envers les communautés linguistiques en situation minoritaire.
Je n'ai pas l'intention de répéter les propos de mes collègues, mais je pense qu'il est important d'examiner cette question et de nous situer dans le contexte. Lorsque nous avons examiné cette mesure législative, l'ébauche présentée au début faisait référence à la Charte de la langue française, celle avec laquelle nous vivons depuis de nombreuses années, et non pas à la loi 96, qui a des conséquences complètement différentes.
Je vous remercie.