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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 26e séance du Comité permanent de la science et de la recherche de la Chambre des communes.
La séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 23 juin 2022. Les membres y participent en personne dans la salle et à distance par l'entremise de l'application Zoom.
Conformément à l'article 108 du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 26 septembre 2022, nous poursuivons l'étude sur les programmes internationaux ambitieux.
Je voudrais formuler quelques observations à l'intention des témoins et des députés. Veuillez attendre que je vous accorde la parole avant de parler. Les personnes qui participent à la séance par vidéoconférence doivent activer leur micro en cliquant sur l'icône de microphone et le mettre en sourdine quand ils ne parlent pas. Pour entendre l'interprétation sur Zoom, elles ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais et le français. Les personnes dans la salle peuvent utiliser leur oreillette pour sélectionner le canal désiré.
Souvenez-vous que toutes les interventions doivent s'adresser à la présidence. Les députés dans la salle qui veulent prendre la parole doivent lever la main, alors que ceux qui participent à la séance par l'application Zoom doivent utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi-même gérerons l'ordre des interventions de notre mieux, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
J'informe le Comité que, conformément à notre motion de régie interne, tous les témoins ont procédé aux tests de connexion requis avant la séance. Le greffier avisera la présidence si certains témoins n'ont pas effectué le test.
Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à nos deux témoins d'aujourd'hui, soit Mme Young, qui témoigne en ligne pour la Stratégie canadienne de recherche sur le cerveau; et M. Blais, de l'Université de Sherbrooke. Bienvenue à vous deux.
Chacun d'entre vous disposera de cinq minutes pour faire son allocution d'ouverture.
Nous commencerons par Mme Young.
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Je vous remercie, monsieur le président et distingués membres du Comité, du travail et de l'attention que vous accordez à la cause scientifique.
Je suis née à Labrador City et j'ai grandi à Fort McMurray, en Alberta. Jamais je n'aurais rêvé d'avoir l'occasion de m'adresser à vous tous aujourd'hui.
Je m'appelle Jennie Zin-Ney Young et je suis responsable de la direction générale de la Stratégie canadienne de recherche sur le cerveau. Titulaire d'un doctorat en neuroscience de l'Université de l'Alberta, j'ai travaillé pendant 14 ans aux États-Unis au MIT à titre de cheffe scientifique du personnel pour le lauréat du prix Nobel Susumu Tonegawa et pour le directeur actuel de l'institut Picower Li‑Huei Tsai. Je suis revenue au Canada pour relever le défi consistant à comprendre le cerveau de manière différente, et j'espère que ce que vous entendrez aujourd'hui vous permettra de comprendre pourquoi.
Nos cerveaux sont au centre de tout ce que nous faisons et ce que nous sommes. Ils conservent nos souvenirs, créent nos passions, produisent notre art et notre commerce, et édifient nos sociétés. Les lésions et les déficiences du cerveau peuvent avoir des répercussions sur tout ce qui fait ce que nous sommes, qu'il s'agisse de ce que nous percevons et ressentons ou de la manière dont nous pensons, planifions et agissons en interaction avec les autres et le monde.
La triste réalité, c'est que presque toutes les familles canadiennes comptent un membre atteint d'un trouble neurologique, d'une lésion cérébrale, d'une maladie mentale ou d'une dépendance. Vous-mêmes connaissez probablement quelqu'un qui a un tel trouble. De plus en plus, nous voyons des gens comme Lou, un résidant d'Ottawa. Il fait partie des nombreuses personnes auxquelles nous avons parlé lors de l'élaboration de la stratégie nationale. Lou est atteint de la maladie de Parkinson. Un de ses enfants est autiste et il prend soin d'un parent atteint de démence précoce.
À mesure que notre population vieillit, le fardeau des troubles cérébraux ne fera que croître. Pour la vaste majorité des troubles cérébraux, y compris les maladies mentales, les options de traitement sont malheureusement limitées, voire inexistantes. Dans bien des cas, il n'existe aucun traitement.
Chaque Canadien mérite d'avoir un cerveau sain pour l'aider à réaliser son plein potentiel au cours de sa vie. Nous avons besoin d'une stratégie nationale de recherche sur le cerveau, car le défi est le suivant: chaque cerveau humain est composé de 100 milliards de cellules — soit autant qu'il y a d'étoiles dans notre galaxie — reliées entre elles par 1 000 billions de connexions neuronales. Chaque connexion façonne notre expérience et notre génétique particulières, et chacune change constamment. Il peut sembler impossible de comprendre le système biologique le plus complexe jamais connu, mais nous devons relever le défi, car plus nous comprenons comment un système fonctionne, mieux nous pouvons le réparer quand il fait défaut. Ce n'est qu'en étoffant nos connaissances grâce à la recherche que nous pouvons espérer trouver des traitements et des remèdes.
Nous sommes sur le point de réaliser des progrès remarquables dans la compréhension du cerveau, des progrès qui pourraient, de notre vivant, permettre à nos familles de bénéficier des traitements et de remèdes. Les neuroscientifiques et les chercheurs en maladie mentale canadiens — notre pays figure parmi les cinq meilleurs du monde — sont sur le point de faire un pas de géant, un bon audacieux dans le domaine de la recherche sur le cerveau. De nouvelles technologies, comme l'intelligence artificielle, ont le potentiel de changer radicalement ce qui est possible dans ce domaine, et les nouvelles données sur le cerveau s'accumulent plus rapidement que jamais dans l'histoire.
Imaginez les répercussions d'une percée concernant une maladie comme l'Alzheimer. Imaginez les économies de coût et l'allègement du fardeau sur notre système de soins de santé quand on peut améliorer la santé de millions de Canadiens parce qu'ils ont de meilleurs traitements et des cerveaux plus sains.
Les troubles cérébraux coûtent 61 milliards de dollars par année à l'économie canadienne, et ce chiffre va croissant. Pour un pourcentage infime de ce montant, nous pouvons mettre en œuvre maintenant une stratégie nationale pour tirer parti des forces uniques à notre écosystème de recherche sur le cerveau et, surtout, améliorer le bien-être à long terme de nos citoyens, de nos familles et de nos communautés.
L'esprit humain est notre ressource la plus précieuse au monde. Les États-Unis ont investi dans leur initiative nationale BRAIN, et l'Union européenne, la Corée, le Japon et la Chine ont pris des mesures semblables. Qu'il s'agisse de l'Amérique du Sud, de l'Afrique ou de l'Océanie, de nombreux autres pays sont en train d'élaborer des initiatives de recherche sur le cerveau, mais le Canada a devant lui une occasion incroyable et unique d'être à la tête d'un changement de paradigme mondial dans la recherche sur le cerveau.
La Stratégie canadienne de recherche sur le cerveau est un effort pancanadien dirigé par la communauté qui unit une coalition vaste et diversifiée dans l'écosystème de recherche sur le cerveau. Le Comité a entendu certains de nos chefs de file scientifiques et reçu 13 mémoires de la part d'organisations sans but lucratif et organismes caritatifs du secteur de la santé faisant partie de notre coalition. Cette stratégie repose également sur l'apport d'intervenants autochtones, de patients et de leurs familles. Plus de 25 organisations finançant la recherche sur le cerveau sont aussi mises à contribution, et nous tendons la main à des partenaires de l'industrie.
Fort d'un réseau, de partenariats et d'une vision unifiée et consolidée, nous avons la responsabilité de changer la donne au chapitre de la santé et de la maladie du cerveau pour tous les Canadiens et pour le monde.
Je vous remercie.
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Bonjour, et merci de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
[Traduction]
Selon moi, les programmes ambitieux peuvent aider le Canada à jouer un rôle de chef de file sur la scène mondiale dans des domaines d'importance stratégique. Dans les minutes qui suivent, je traiterai de certains éléments qui, à mon avis, peuvent contribuer au succès des programmes ambitieux, ainsi que de certains aspects auxquels il faut porter attention. Mes propos s'appuient sur l'expérience que j'ai acquise en participant aux efforts à grande échelle déployés par le Canada, l'Europe et les États-Unis dans le domaine de la recherche quantique.
Sachez d'abord que la recherche inspirée par la curiosité est à l'origine de l'innovation. Si les fondateurs de la physique quantique avaient mis l'accent sur l'innovation au lieu de chercher à comprendre les rouages internes de la nature à l'échelle de l'atome, ils auraient probablement investi leurs efforts pour améliorer le télégraphe ou la cire à chandelle, auquel cas les technologies qui ont transformé la société et dont le développement reposait sur la physique quantique, comme les ordinateurs, les lasers et les GPS, n'auraient pu voir le jour. En résumé, les révolutions technologiques sont le résultat de la recherche inspirée par la curiosité, et tout programme ambitieux devrait en tenir compte.
En outre, par définition, les programmes ambitieux ont des objectifs ambitieux aux grands horizons. Le niveau et, surtout, la durée du financement devraient être établis en conséquence.
Je citerai, comme exemple de programme existant qui fonctionne bien à cet égard, le Fonds d'excellente en recherche Apogée Canada, ou FERAC, qui offre du soutien pendant sept ans. Le financement du FERAC a eu un effet transformateur à l'Université de Sherbrooke. Sa durée de sept ans nous a permis d'adopter une vision à long terme pour le développement de la science et de la technologie quantiques, et d'agir en fonction de cette vision.
Je recommande également que le financement des programmes ambitieux soit souple. De fait, la plupart des occasions de financement laissent peu de place aux idées nouvelles sur la manière optimale d'utiliser les fonds une fois que la subvention commence à être versée. Les initiatives à grande échelle et à long terme devraient avoir la latitude nécessaire pour utiliser le mieux possible les fonds accordés.
Dans le cas du financement que le FERAC accorde à l'Université de Sherbrooke, la souplesse et la nature à long terme du programme nous ont permis de prendre des mesures qui ont débouché sur la création d'une zone d'innovation en science quantique dans la région de Sherbrooke afin d'appuyer de jeunes pousses sherbrookoises et d'attirer des entreprises étrangères. En bref, le FERAC a permis à l'Institut quantique d'avoir une incidence allant bien au‑delà de la création d'une science excellente. Cela a été rendu possible grâce à la longue durée et à la souplesse du financement.
Cet exemple nous a également appris que le soutien des centres d'excellence peut avoir une incidence considérable. Ces centres peuvent permettre de créer la capacité d'attirer le talent et de rallier les efforts de toute la communauté de recherche pour que nous puissions réaliser des projets ambitieux.
Dans le cadre des projets ambitieux, il faut également faire des choix. Pour avoir une incidence, ils doivent concerner des enjeux canadiens et se fonder sur nos forces. Les exemples qui me viennent à l'esprit sont ceux du vieillissement, de la biodiversité, des changements climatiques et des sciences quantiques.
En ce qui concerne les sciences quantiques en particulier, il existe dans d'autres pays des exemples de programmes dont nous pourrions nous inspirer. Dans tous les cas que je connais, les programmes n'étaient pas prescriptifs quant aux objectifs scientifiques et technologiques, qui étaient plutôt définis par l'ensemble des acteurs universitaires, industriels et gouvernementaux.
De façon plus générale, les programmes ambitieux peuvent contribuer à inspirer la prochaine génération de scientifiques et d'innovateurs. En appuyant ces programmes, le Canada peut montrer aux jeunes qu'il peut être fascinant de travailler dans les domaines de la science et de l'innovation, et les encourager à y faire carrière.
Permettez-moi maintenant d'aborder quelques aspects auxquels il faut porter attention.
D'abord, les occasions de financement mettent habituellement l'accent soit sur les opérations, soit sur les infrastructures. C'est notamment le cas du FERAC, qui finance les opérations, et de la Fondation canadienne pour l'innovation, qui finance les infrastructures. Cependant, les efforts de grande envergure ont besoin des deux. Il faudrait intégrer les deux formes de financement dans le programme ou, à tout le moins, assurer la coordination entre les organismes de financement.
En outre, la collaboration internationale sera certainement importante dans tout programme ambitieux. La circulation transfrontalière des fonds accordés à la recherche peut s'avérer difficile, mais les programmes devraient prévoir des manières d'encourager les acteurs internationaux clés à contribuer à ces efforts.
Il importe également d'attirer le talent au Canada, y compris des chercheurs établis et des étudiants. Cependant, malgré la pénurie de main-d'œuvre, il semble que cela devienne plus difficile que plus facile à faire.
Enfin, la formation constitue un élément crucial. Par exemple, c'est un fait que nous ne formons pas suffisamment d'étudiants et de postdoctorants dans le domaine de la science et de la technologie quantiques. Un programme ambitieux dans ce domaine — et c'est probablement vrai pour tout programme ambitieux — devrait soutenir les établissements universitaires afin de former plus d'étudiants et d'élaborer des programmes novateurs pour contribuer à constituer des bassins de talents compétents pouvant combler les besoins des programmes ambitieux et de l'écosystème de jeunes pousses qui se formera autour de ces programmes.
En résumé, un programme ambitieux aiderait le Canada à être à la fine pointe de la science et de la technologie. Les programmes ambitieux devraient porter sur les enjeux canadiens et s'appuyer sur nos forces.
La souplesse et le soutien à long terme sont essentiels. L'aide accordée aux centres d'excellence contribuera à la réussite des programmes ambitieux.
Je vous remercie.
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Oui. Je vous remercie de la question.
Permettez-moi de vous expliquer les choses ainsi.
[Français]
Au moment de déposer la demande de subvention, on doit indiquer de quelle façon les dépenses vont être effectuées au cours des années couvertes par la subvention. On doit aussi indiquer le nombre d'étudiants et d'étudiants postdoctoraux ainsi que l'équipement qui sera utilisé, entre autres. Or, comme on vient de le mentionner, en réalité, il est difficile de prédire le rythme du progrès de la science et les besoins d'une année à l'autre. Il faut absolument que les programmes nous permettent, par exemple, d'acquérir du nouvel équipement au lieu d'embaucher comme prévu un certain nombre d'étudiants. C'est ce qui va vraiment changer la donne.
On développe des écosystèmes dans le cadre des programmes internationaux ambitieux. Par exemple, à Sherbrooke, nous en développons par l'intermédiaire du Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada. Pour cela, nous avons besoin d'excellents talents en science, c'est-à-dire des chercheurs et des chercheuses, ainsi que des étudiants. Cependant, nous avons aussi besoin de personnel qui s'occuperait de la gestion de la recherche. Or, très peu de subventions majeures — voire aucune — permettent de subventionner ce personnel de recherche, sans lequel la productivité diminue de façon draconienne.
Ma réponse est donc la suivante: nous avons besoin de flexibilité pour décider à quoi seront affectés les budgets et pour embaucher plus de personnel, ce que les subventions de recherche typiques n'offrent pas.
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Je vous remercie, monsieur le président.
[Français]
Je remercie les deux témoins, Mme Young et M. Blais, de leur présence.
Madame Young, vous nous avez soumis un mémoire en février 2022 dans le cadre de notre étude « Réussites, défis et opportunités pour la science au Canada ».
Aujourd'hui, vous avez parlé de l'esprit, du cerveau humain et de tout ce que cela peut signifier. Vous avez donné des exemples en lien avec l'autisme, la maladie de Parkinson, le syndrome d'Asperger et d'autres maladies mentales. Vous avez aussi parlé d'un objectif « démence zéro » d'ici 2050, et des maladies liées au vieillissement.
S'est-on donné des objectifs pour chaque maladie dégénérative? Pouvez-vous nous expliquer brièvement le processus qui permet de faire des prédictions sur 25 ans dans le cas de la démence, mais pas pour l'autisme ou le syndrome d'Asperger?
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Ce qui sous-tend et résume les six initiatives, c'est la nécessité d'investir dans les personnes, et comme l'a mentionné M. Blais, la stabilité et la souplesse du financement. Au lieu de se concentrer sur une question scientifique donnée, il faut plutôt rehausser l'ensemble de l'écosystème. Il faut renflouer les effectifs dans le milieu des neurosciences dans toutes les disciplines universitaires, dans l'industrie et ailleurs. Il faut être en mesure de renforcer la recherche sur le cerveau aussi bien dans les petits centres de recherche que dans les grands complexes scientifiques.
Les six initiatives présentent des moyens précis de promouvoir les activités liées à la recherche sur le cerveau collaborative, transdisciplinaire et ouverte. Le Canada détient la force qu'il faut pour y parvenir. Moi qui ai travaillé dans de grands centres de recherche aux États-Unis, je peux dire que cette capacité est unique au Canada. Voilà la seule manière dont nous pouvons contribuer de façon significative à l'étude de quelque chose d'aussi complexe que le cerveau.
Certaines des initiatives renferment le concept de science ouverte, c'est‑à‑dire le partage de données, de protocoles et de matériel. La culture du partage de données est très présente au Canada. Nous savons tous que la recherche est un milieu qui peut être très compétitif en ce qui a trait aux demandes de subventions, mais au Canada, nous préconisons le partage de données. Nous offrons des plateformes de recherche et nous mettons en commun les ressources.
Lors de sa comparution devant le Comité, le Dr Guy Rouleau a dit que son équipe avait réussi à attirer un chercheur qui avait présenté sa candidature à un poste en Allemagne et qui s'était vu offrir une subvention de 10 millions d'euros. Le candidat est venu à McGill parce qu'en Allemagne, il faut 10 millions d'euros pour mettre sur pied un laboratoire, tandis que McGill offre des ressources et des infrastructures partagées. Les installations n'appartiennent pas à l'université; elles sont partagées et la recherche est collaborative.
Nous voulons reproduire ce système dans l'ensemble de l'écosystème au Canada. Le pays compte 30 chefs de file de la recherche et directeurs d'institut, que ce soit dans de grands centres comme Toronto, ou encore à Lethbridge et à l'Université Carleton, ici à Ottawa. Nous voulons utiliser à bon escient cette excellence en recherche.
Voilà ce sur quoi portent nos priorités. Nous voulons que l'excellence essaime partout au pays avec le concours de tous. Cette culture spéciale et unique est propre au Canada.
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Je vous remercie de la question.
Comme vous l'avez dit, l'Institut quantique de Sherbrooke bénéficie d'investissements importants, à la fois fédéraux et provinciaux. Au cours des dix dernières années, nous avons développé une vision, à savoir un écosystème qui permet à nos étudiants d'utiliser de belles idées issues de la recherche fondamentale et de créer leur propre entreprise. Cela a mené à l'apparition de plusieurs jeunes entreprises dans le domaine quantique à Sherbrooke.
Avec le soutien du gouvernement du Québec, cela a fini par mener à la création d'une zone d'innovation en sciences quantiques. Vous y avez fait allusion plus tôt. On parle ici d'un investissement majeur de plus de 200 millions de dollars, qui soutient ces entreprises en démarrage en plus d'attirer des compagnies de l'extérieur, dont plusieurs ont déjà commencé à s'établir à Sherbrooke.
Dans notre ville, tout comme dans la plupart des endroits au pays où il y a des centres importants dans le domaine quantique, notre produit d'exportation numéro 1 était auparavant le talent. Nous formions des gens, qui allaient ensuite travailler à l'extérieur du pays pour les grands comme Google, IBM, et ainsi de suite. Or, grâce aux efforts que nous avons faits au cours des dernières années, nous réussissons maintenant à garder ces talents à Sherbrooke. Nous investissons dans la formation de ces personnes et pouvons profiter de leur savoir-faire pendant les années productives de leur carrière.
Comme je l'ai dit dans mon allocution, c'est vraiment le fait de recevoir un financement stable, à long terme et flexible qui nous a permis de développer cette vision et de progresser de façon agile vers cette idée.
La Stratégie quantique nationale, qui représente un investissement de 360 millions de dollars sur sept ans, a été annoncée il y a seulement quelques semaines. C'est un excellent premier pas.
Par contre, cette première stratégie, si je peux utiliser ce terme, utilise les programmes existants pour distribuer l'argent de façon très uniforme, mais aussi de façon aléatoire, en réponse à de petites demandes de subvention faites par de petits groupes d'un peu partout au pays. Avec cette approche, on va faire de la belle recherche, mais elle ne sera pas coordonnée, ce qui l'empêchera d'en faire un programme ambitieux. Il est donc temps de se montrer un peu plus stratégique.
C'est pourquoi j'aime beaucoup l'idée des programmes ambitieux. Ce qui est important, c'est de soutenir les centres d'excellence en recherche quantique, qui sont peu nombreux au pays. Ils peuvent vraiment aider à rassembler la communauté. Grâce à leur écosystème et à leur excellence en recherche, ils sont capables de produire les résultats nécessaires à la réalisation de programmes ambitieux. Cela nécessite des ressources, évidemment.
Bref, mon message consiste à dire qu'il faut mettre un peu plus de stratégie dans la Stratégie quantique nationale.
Je vais permettre à M. Blais de continuer sur le même thème. Je voulais de toute façon poser une question à ce sujet à un moment donné. Je la pose donc tout de suite.
Au Comité et ailleurs au Parlement, nous entendons souvent dire, ces derniers temps, que le financement dans la formation de nouveaux talents, que ce soit des étudiants ou des chercheurs postdoctoraux, est insuffisant. Le nombre de bourses octroyées par les trois conseils n'a pas augmenté depuis 20 ans.
Les programmes ambitieux et les idées novatrices, tout cela est très bien, mais ce que je trouve intéressant dans ce que vous avez dit, c'est votre description de ce que nous devons faire pour assurer le succès de ces programmes ambitieux.
Sur ce point en particulier, que devrions-nous faire, selon vous, pour que les étudiants acquièrent leur formation au Canada? Quelles mesures aideraient à mettre sur pied des laboratoires et des programmes de recherche? Il est important d'accroître le financement pour permettre aux chercheurs qui travaillent sur ces programmes très importants de vivre décemment.
Il y a beaucoup de choses à dire ici et je vais donc me limiter à quelques idées.
Premièrement, les bourses étudiantes n'ont pas augmenté depuis plusieurs années, ce qui fait qu'en ce moment, les étudiants vivent carrément sous le seuil de la pauvreté. C'est donc une chose qu'il faut absolument changer.
Attirer plus de jeunes en science et technologie devrait être notre mission à tous, et c'est difficile de le faire en ce moment. Les bourses à elles seules ne permettront pas d'y parvenir. Il faut aussi commencer très tôt et, pour cela, nous avons besoin d'un programme national afin d'éveiller l'intérêt des jeunes aux sciences et aux technologies. Sans cela, nous ne nous en sortirons pas.
J'ajouterais que ce n'est pas la première fois que le domaine quantique change la société ou s'apprête à la changer. Il l'a fait avec le laser et les ordinateurs actuels. Sans le domaine quantique, nous ne pourrions pas nous parler aujourd'hui par l'entremise de Zoom.
En observant les résultats de cette première révolution quantique, qui s'est faite autour des années 1950, on constate que le Canada n'a pas les industries requises, notamment celle des semiconducteurs, ni d'entreprises comme Apple, Facebook et compagnie. En recherche, le Canada était là dès le début de cette révolution, mais, par la suite, ces industries n'ont pas pris leur place au pays et se sont plutôt implantées aux États‑Unis, puis maintenant en Corée et à Taïwan.
Il faut donc investir plus en recherche, mais de façon stratégique. Il faut être ambitieux et faire des choix. On ne peut pas être excellent en tout. C'est pour cela que j'apprécie beaucoup l'idée des programmes ambitieux. On doit choisir les programmes spécifiques dans lesquels on excellera. De plus, il faudrait privilégier l'ensemble de la chaîne, de la recherche fondamentale jusqu'à la commercialisation.
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Merci de votre excellente question.
La science ouverte pose de nombreux défis. Au Canada, en dépit de la concurrence, il existe une culture de collaboration et de partage de données. Pourtant, les chercheurs qui veulent partager leurs données se butent souvent à des obstacles qui ne sont pas vraiment de nature culturelle, contrairement à ce qui existe dans des milieux vraiment compétitifs tels que le MIT, où je me trouvais. Ces difficultés sont dues à l'infrastructure.
M. Blais a également souligné le manque de personnel dans la gestion des données de recherche. Les nombreux postes liés au partage de données ne sont pas soutenus par du financement. C'est surtout le cas dans les petits centres. Ce sont eux pourtant qui ont le plus besoin de partager leurs données et de participer à la recherche. Voilà quelques-uns des défis inhérents à la science ouverte.
Je sais que le gouvernement a établi une feuille de route fédérale pour la science ouverte, ce qui est formidable, et que les trois conseils prennent des mesures pour instaurer cette pratique pour toutes les subventions octroyées par des organismes de recherche fédéraux. C'est tout à fait logique, car la recherche financée par des fonds publics devrait être rendue publique.
[Français]
Je vous remercie de la question.
Un des aspects importants de cette stratégie consiste à utiliser des programmes existants, en particulier ceux du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, et des subventions Missions d'Alliance, qui favorisent le lien entre les laboratoires universitaires et l'industrie. Environ la moitié des ressources proviennent donc du Conseil et visent la commercialisation. Il y a aussi beaucoup d'argent consacré aux stages en industrie comme les stages Mitacs.
Par contre, comme je l'ai dit dans une de mes réponses précédentes, je pense qu'il y a place à davantage de stratégie dans la Stratégie quantique nationale du Canada, notamment pour soutenir les centres d'excellence et favoriser la collaboration entre eux, par exemple sous la forme d'un programme ambitieux. Cela pourrait nous aider à aller encore plus loin que le permet cette première mouture de la Stratégie.
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Je vous remercie de la question.
Comme Mme Young en a parlé un peu dans une de ses réponses, cela met en cause plusieurs questions, dont certaines en lien avec la propriété intellectuelle.
Il faut que les ententes de propriété intellectuelle soient claires. Elles se négocient généralement une université à la fois et, à ma connaissance, il n'y a pas de directive nationale à cet égard. Cela peut donc rendre les choses un peu plus complexes, car, s'il y a plusieurs partenaires universitaires, chacun aura ses façons de faire en matière de propriété intellectuelle.
Cela dit, je pense que le programme de subventions Alliance est un bon début, parce qu'il permet aux entreprises de collaborer avec l'industrie.
Par contre, dans le domaine quantique, il ne faut jamais oublier qu'il ne faut pas que travailler avec l'industrie. Il y a encore des découvertes fondamentales à faire. Si on ne soutient que la recherche effectuée par les laboratoires universitaires et l'industrie, on risque de passer à côté de nombreuses recherches fondamentales qui sont nécessaires au développement des technologies. Il est important de surveiller cela, mais il ne faut pas seulement investir dans le domaine de la recherche.
Je reviens sur l'attraction et la rétention des talents. J'ai dressé la table plus tôt en mentionnant l'insuffisance des investissements du Canada. Normalement, quand on se compare, on se console. Dans ce cas-ci, par contre, on se désole assurément. En effet, le Canada est en queue de peloton des pays du G7 pour ce qui est des investissements en recherche-développement.
Vous avez dit qu'on se fondait sur un modèle basé sur l'attrait, mais qu'on s'assurait maintenant d'investir également des efforts dans la rétention des talents. Le Canada est pourtant le seul pays du G7 à avoir perdu des chercheurs au cours des six dernières années. Je souligne les efforts de l'Université de Sherbrooke et de certaines universités, mais, pour ce qui est de la diplomation aux études supérieures, le Canada est encore une fois en queue de peloton des pays du G7.
On peut bien créer des stratégies quantiques nationales, d'autres stratégies et des programmes ambitieux, mais, si on ne dispose pas des investissements nécessaires, comment peut-on s'assurer d'avoir les meilleurs talents au sein de nos établissements et de centres de recherche comme le vôtre?
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Lorsque vient le temps de se comparer aux autres pays, il est naturel de le faire avec les États-Unis. Leur initiative BRAIN, qui devait aller de 2014 à 2024, a été prolongée. En janvier dernier — il y a un peu plus d'un an —, les États-Unis y avaient investi 2,4 milliards de dollars. Ces investissements se chiffreront à plus de 5 milliards de dollars au terme de la période de 10 ans.
La différence, c'est que le financement est réparti en 1 100 bourses octroyées à des centaines de chercheurs. Nous ne pouvons pas concurrencer ce niveau de financement au Canada, mais nous possédons d'autres forces que nous pouvons utiliser pour faire des investissements stratégiques judicieux. Voilà un point de comparaison.
Les pays de l'Union européenne ont également mis en œuvre en 2013 une initiative sur le cerveau d'une durée de 10 ans. Ils en sont en ce moment à leur dernière phase d'investissement dans les infrastructures, et ce, à hauteur de presque 1 milliard d'euros. Le Japon a lui aussi lancé son initiative en 2014. La Chine et la Corée ont leur propre initiative sur le cerveau, qui ont toutes deux démarré à peu près en même temps.
Des initiatives sur le cerveau prennent forme également en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Finlande. Même les pays qui ne sont pas membres de l'OCDE, en Amérique latine et dans les Caraïbes, mettent sur pied la leur. Il en est de même en Afrique.