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SHUR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 20 novembre 1997

• 1535

[Traduction]

La présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Cet après-midi, j'ai le plaisir d'accueillir trois invités, dont deux du ministère de la Justice et un du ministère des Affaires étrangères. M. Gore Pardy travaille aux opérations consulaires au ministère des Affaires étrangères. M. Denis Kratchanov est conseiller juridique, Politique du droit public, au ministère de la Justice; et Sandra Zed Finless, des Services juridiques du ministère de la Justice, travaille à l'unité des Services juridiques au ministère des Affaires étrangères.

Je vous souhaite la bienvenue. La procédure habituelle consiste à présenter un exposé d'environ 10 minutes pour passer ensuite à la période des questions. Je pense que Denis va commencer.

M. Denis Kratchanov (conseiller juridique, Politique du droit public, ministère de la Justice): Merci, madame la présidente. Comme vous l'avez dit je travaille à la Section de la politique du droit public du ministère de la Justice, qui s'occupe de toutes les questions de droit international privé, y compris la Convention de la Haye sur les enlèvements d'enfants. Je parlerai de cette convention dans mon exposé.

[Français]

Je peux commencer par un court historique. Au cours des années 1970, on a constaté une augmentation du nombre de violations des ordonnances de garde à caractère transfrontalier, et il était très difficile, voire parfois impossible, de faire respecter un droit de garde à l'étranger. De plus, les États étaient réticents à coopérer entre eux pour résoudre les cas d'enlèvements transfrontaliers.

En 1976, à l'instigation du Canada, la Conférence de La Haye sur le droit international privé a mis à son programme la rédaction d'une Convention sur les effets civils de l'enlèvement international d'enfants.

[Traduction]

Ces efforts ont abouti à la conclusion, en 1980, de la Convention de la Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, qui est en vigueur au Canada depuis 1983, et que 48 états ont ratifié à ce jour. C'est la plus réussie de toutes les conventions de la Haye.

La convention est fondée sur le principe que l'on protège les intérêts des enfants en veillant à ce qu'ils retournent promptement dans leur pays de résidence habituelle. Elle ne porte pas sur le bien-fondé des demandes de garde concurrente. Elle ne vise que la question de compétence relativement à ces demandes.

Afin de promouvoir la coopération entre les États, la convention prévoit la création d'autorités centrales responsables de son application dans chaque pays où elle est en vigueur.

Il existe une autorité centrale au niveau fédéral et une autorité centrale dans chaque province et territoires. Ma collègue Sandra Zed Finless vous parlera du rôle de l'autorité centrale fédérale dans quelques instants.

Pour demander le retour d'un enfant, il faut prouver que ce dernier a été emmené ou retenu à l'extérieur de son pays de résidence habituelle.

Le concept de résidence habituelle est fondé sur des faits et non pas sur le droit, et il est différent de celui de domicile. La pratique des États signataires de la convention est d'établir la résidence habituelle d'après le «centre de gravité de la vie» de l'enfant. En vertu de la convention, les décisions concernant la garde d'un enfant doivent être prises sans égard à son lieu de naissance et à citoyenneté.

[Français]

Certaines conditions doivent exister pour qu'un parent canadien puisse faire une demande en vertu de la Convention. La Convention doit évidemment être en vigueur dans le pays où l'enfant a été amené au moment de l'enlèvement; l'enfant doit être âgé de moins de 16 ans; il doit y avoir eu un déplacement ou non-retour de l'enfant considéré comme illicite en vertu du droit canadien; et une période de moins d'un an doit s'être écoulée entre l'enlèvement et l'introduction de la demande.

Cette demande peut être présentée soit à l'autorité centrale de la province où l'enfant avait sa résidence habituelle, soit auprès de l'autorité centrale du pays dans lequel l'enfant a été enlevé, ou directement auprès de l'autorité judiciaire ou administrative de ce pays.

Certaines exceptions, qui ont toujours été interprétées de façon restrictive, permettent de passer outre à l'obligation de retourner l'enfant dans l'État de sa résidence habituelle. Parmi ces exceptions, on compte d'abord le fait que le retour exposerait l'enfant à un risque grave de danger physique ou psychique; le fait que l'enfant s'oppose à son retour et a la maturité nécessaire pour que l'on tienne compte de son opinion; le fait que le parent demandeur ait acquiescé au déplacement ou au non-retour; finalement, le fait que le retour contrevienne aux droits fondamentaux de l'État requis pour la sauvegarde des droits de la personne ou des libertés fondamentales.

• 1540

[Traduction]

Afin de promouvoir la convention et d'assurer son application sans heurs, la conférence de la Haye de droit international privé organise des réunions périodiques pour en examiner le fonctionnement. Trois réunions de ce genre ont été organisées jusqu'ici, la dernière ayant eu lieu en mars dernier. À la dernière réunion, plus de 48 États étaient représentés, et bon nombre d'entre eux n'avaient pas encore ratifié la convention. Beaucoup d'autres organisations et associations internationales étaient également représentées.

Maintenant, je passe le microphone à ma collègue.

Mme Sandra Zed Finless (Services juridiques, Affaires étrangères, ministère de la Justice): Je suis conseillère juridique au ministère de la Justice, affectée à la direction des services juridiques du ministère des Affaires étrangères et du commerce international. À ce titre, je conseille le ministère des Affaires étrangères sur diverses questions d'ordre juridique. En outre, je suis la représentante fédérale pour la Convention de la Haye sur les aspects civils des enlèvements internationaux d'enfants.

Tandis que la responsabilité politique de la convention incombe à mon collègue M. Kratchanov, la direction des services juridiques à laquelle je suis affectée assume la responsabilité opérationnelle de la Convention de la Haye.

Personnellement, je m'occupe du dossier de la convention depuis un an et demi environ. Sur le plan pratique, le rôle de l'autorité centrale fédérale est assumé par un avocat qui consacre près de 25 p. 100 de son temps aux questions relatives à la convention de la Haye.

Ce n'est par hasard que l'autorité centrale fédérale a été logée à la Direction des services juridiques-Justice du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Elle a été installée dans un endroit stratégique pour être proche des services des Affaires étrangères, le ministère auquel font souvent appel les provinces, les territoires et les parents dans les affaires d'enlèvement.

Je vais aujourd'hui vous décrire le rôle de mon service, qui fait office d'autorité centrale fédérale pour les besoins de la convention. Comme mon collègue M. Kratchanov l'a déjà dit, l'autorité centrale est l'instrument créé par la convention qui permet au pays de coopérer. Chaque administration canadienne a désigné une personne-ressource chargée de représenter le procureur général de la province ou du territoire en question.

Il faut tout d'abord bien préciser que l'autorité centrale n'instruit pas elle-même les demandes faites en vertu de la convention de La Haye. Ce sont les représentants de chaque administration canadienne qui s'en chargent au nom de l'auteur de la demande dont l'enfant a été emmené sur son territoire ou en a été retiré. Pourquoi? Parce que c'est la province ou le territoire qui a compétence en matière de garde d'enfants. Chaque administration a sa propre façon de traiter les demandes qu'elle reçoit ou qu'elle envoie.

Il est aussi utile de signaler qu'il n'est pas nécessaire que les demandes en vertu de la convention passent par l'autorité centrale canadienne. Une demande peut être déposée directement auprès de l'autorité centrale du pays étranger ou directement devant un tribunal étranger.

Mon service a tout simplement pour rôle d'aider les provinces et les territoires ainsi que les autorités centrales des autres États contractants qui en font la demande. Nous prêtons également main forte à la population en général en offrant des renseignements de nature générale sur la convention et en mettant les citoyens en rapport avec les divers intervenants qui peuvent les aider en cas d'enlèvement.

La convention stipule que les autorités centrales ont le devoir de collaborer entre elles, de promouvoir la coopération entre les autorités compétentes de leurs États respectifs, d'obtenir le retour rapide des enfants et de réaliser les autres objectifs de la convention. Ces devoirs sont exposés en détail à l'article 7 de la convention. C'est le mandat général de toutes les autorités centrales.

Je ne vais pas énumérer toutes les obligations prévues à l'article 7. Je crois savoir que vous les avez sous les yeux. Une simple lecture vous convaincra toutefois de l'ampleur de ces obligations; elles dépassent largement les capacités d'un seul service, d'un ministère donné ou même d'un pays. De par leur nature, elles supposent des liens entre une multitude d'intervenants comme les organismes d'aide à l'enfance ou les corps policiers. C'est ce qui fait qu'en matière d'enlèvement d'enfants, tous les intervenants dépendent absolument les uns des autres.

Je vais maintenant vous donner des exemples concrets de l'aide que nous apportons.

Depuis un an et demi que je m'occupe de la convention, il m'est arrivé souvent que les autorités centrales des provinces me demandent d'intervenir officieusement pour m'occuper des choses suivantes: obtenir qu'une ambassade à l'étranger remette en mains propres une demande que l'on a eu du mal à transmettre; obtenir des renseignements sur les raisons d'un retard dans le cas d'un demandeur à la recherche d'aide juridique dans un pays étranger; aider les autorités centrales à compléter les formalités relatives aux passeports des enfants renvoyés en vertu de la convention; compiler une liste d'avocats dans les pays étrangers à l'intention des demandeurs canadiens; organiser des appels conférence entre les autorités centrales provinciales et les fonctionnaires des directions générales géographiques des affaires étrangères, source de renseignements précieux sur le mode de fonctionnement de tel ou tel pays; et, à un niveau plus concret, lorsque la demande est faite et lorsque la situation s'y prête, rédiger des lettres au nom de l'autorité centrale fédérale pour joindre notre voix à l'autorité centrale, provinciale ou territoriale, par exemple, lorsque l'on juge que les obligations de la convention sont battues en brèche ou pour les aider à obtenir des renseignements lorsqu'ils tardent à venir.

• 1545

Il arrive souvent, quand me parvient d'une autorité centrale étrangère une demande imprécise sur l'endroit où pourrait se trouver l'enfant ou son kidnappeur au Canada, que je la communique directement au Bureau d'enregistrement des enfants disparus, qui entreprend une recherche. Au même moment, je communique avec les autorités centrales provinciales et fédérales du pays et j'essaie d'obtenir de l'autorité d'origine des indices supplémentaires sur les allées et venues d'un enfant. C'est l'échange constant de renseignements de part et d'autre et la coopération qui règne qui nous aide à trouver les enfants.

Notre service est aussi un carrefour qui permet de d'échanger de l'information et de parler de problèmes communs. À quelques reprises, nous avons organisé des rencontres entre ceux qui s'occupent des enlèvements d'enfants au Canada, à savoir surtout les autorités centrales canadiennes. Toutefois, nous invitons souvent nos partenaires, comme le ministère des Affaires étrangères et la GRC.

Nous diffusons aussi le plus d'information possible sur la convention. Vu nos moyens limités, nous avons circonscrit nos efforts pour être le plus efficace possible. Par exemple, nous donnons de l'information à tous ceux qui veulent publier des renseignements sur la convention, lorsqu'on nous en fait la demande. Je pense aux éditeurs privés qui essaient de disséminer de l'information sur la convention, les chercheurs qui travaillent dans le domaine et les avocats qui rédigent des documents qui serviront aux cours d'inscription au barreau partout au pays.

Nous avons aussi un classeur maître de renseignements sur la convention de La Haye. On y trouve des documents importants comme la liste actualisée des pays signataires de la convention et d'autres renseignements importants que nous fait parvenir le bureau permanent de La Haye, comme le nom des contacts, l'adresse, le numéro de téléphone et le numéro de télécopieur de chaque autorité centrale.

Chaque jour, on nous demande de communiquer ces renseignements à la population et aux intervenants qui s'occupent des enlèvements d'enfants. Nous communiquons régulièrement avec les provinces et les territoires au sujet des nouveaux pays signataires et pour leur communiquer les demandes de renseignements que nous recevons des autres autorités centrales désireuses de savoir comment nous procédons ici.

Notre service rassemble également de l'information à l'intention de commissions extraordinaires qui se tiennent à La Haye tous les quatre ou cinq ans pour passer en revue le fonctionnement de la convention, la dernière s'est tenue en mars de cette année, comme M. Kratchanov vient de le dire.

Pour terminer, je dirai que la coopération jusqu'à présent à été fructueuse et à servi les enfants. Rien que le fait que la convention de La Haye existe est un signe de l'existence de la coopération internationale. Même si l'application de la convention présente de nombreuses difficultés, elles ne sont pas insurmontables. C'est le dialogue franc et ouvert et la coopération entre les diverses autorités qui nous permettront de réaliser des progrès.

Merci beaucoup.

Monsieur Pardy.

M. Gar Pardy (Affaires consulaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, madame la présidente, de l'occasion qui nous est offerte de comparaître.

Je suis à la tête d'un groupe aux Affaires étrangères appelé le service consulaire. C'est une appellation trompeuse qui signifie seulement que nous prêtions assistance aux Canadiens à l'étranger qui rencontrent des difficultés. Il suffit de lire tous les jours son journal pour voir ce que nous faisons: quelqu'un est arrêté, il y a une tempête quelque part, ou quelqu'un se fait tuer en Égypte ou au Salvador... C'est essentiellement nous qui nous occupons de ces situations.

• 1550

Ce que nous constatons—et c'est je crois ce qui explique l'intérêt du comité—c'est que les problèmes concernant les enfants sont de plus en plus notre pain quotidien. Il ne s'agit pas uniquement d'un parent mécontent ou en rogne qui décide d'emmener son enfant à l'étranger illégalement pour disparaître dans la nature. Il y a toute une série de problèmes relatifs aux enfants qui surviennent sur la scène internationale.

Avant de passer à la question des enlèvements, je veux que vous sachiez bien que le phénomène des enlèvements a ses racines quelque part. Parce que l'enfant éprouve des difficultés quelconques à l'école ou dans son milieu, il arrive souvent que la famille décide de l'envoyer à des membres de sa famille au Ghana ou au Pakistan. Les parents pensent que cela fera du bien à l'enfant de travailler aux travaux de la ferme. Le plus souvent, c'est un échec, et l'enfant se retrouve dans nos bureaux à l'étranger.

Nous comptons actuellement environ 250 bureaux; c'est donc dire que notre réseau à l'étranger est très étendu. Rares sont les pays où nous n'avons pas de bureaux.

L'autre catégorie de problèmes concernant les enfants... Souvenez-vous des manchettes il y a environ deux mois. Une jeune femme d'Ottawa s'est mariée au Bangladesh avec des conséquences tragiques. Elle était très jeune. Ce sont des choses que nous rencontrons tous les jours.

Troisièmement, et c'est le thème à l'étude au comité, il y a les enlèvements d'enfants emmenés dans un pays étranger. Je vous signale toutefois que l'enlèvement proprement dit ne représente qu'un genre de cas dans ce domaine. L'autre, c'est ce que nous appelons les cas internationaux de garde d'enfants. Il y a une distinction entre les deux, et il est très important que le comité la fasse.

Nous avons préparé cette brochure il y a environ deux ans. C'est un succès de librairie parce que beaucoup de citoyens canadiens sont touchés par ce phénomène. C'est ce que nous avons fait de mieux. C'est un effort collectif qui a fait intervenir la GRC, le ministère de la Justice et nous-mêmes. Nous voulions donner aux parents canadiens le plus de renseignements possibles pour qu'ils comprennent bien les problèmes.

En ce concerne l'enlèvement des enfants, nous représentons le dernier recours. Quand tout le reste a échoué pour les parents, c'est chez nous que le dossier échoue. Lorsqu'il nous parvient... si un parent décide d'emmener son enfant et de disparaître dans un autre pays, vous pouvez imaginer son amertume et sa colère. Nous avons donc bien peu de moyens de lui faire changer d'avis. Bien sûr, nous essayons, mais notre taux de réussite est très bas. Je suis le premier à l'admettre.

Ce n'est pas faute d'essayer. Le problème, c'est qu'il y a tant d'amertume que c'est chose impossible. Le plus facile dans ce cas, c'est lorsque les parents reconnaissent eux-mêmes qu'il serait raisonnable pour eux de régler les problèmes. Cela réussit en de rares occasions, mais le plus souvent c'est un échec.

On vient de vous parler de la Convention de La Haye, qui à l'heure actuelle est le seul instrument international multilatéral dans ce domaine. Comme on l'a dit, à peine 47 pays ont signé la Convention. C'est le total à l'heure actuelle, je crois. Cela signifie en moyenne qu'environ trois pays par an signent le traité.

Nos problèmes ici c'est que beaucoup de pays estiment que ce texte n'est pas la solution, que ce soit à cause de leurs lois, de leurs usages ou de leurs religions ou d'autres considérations de cet ordre. Un grand nombre de pays estiment ne pas pouvoir adhérer au traité.

En partie pour cette raison, nous nous sommes dit qu'il serait peut-être bon de conclure des traités bilatéraux. Lorsque M. Axworthy s'est rendu en Égypte la semaine dernière, il a signé le premier de ces traités bilatéraux pour nous. Celui-là était avec l'Égypte. Nous sommes actuellement en négociation avec le Liban pour conclure le même genre de traité.

Pour ce qui est de la convention de La Haye elle-même, l'une de nos obligations à l'étranger consiste à nous rendre sur place régulièrement et à convaincre les autres pays de signer ce traité. Tâche rebutante. Lorsque j'ai commencé dans ce secteur il y a environ quatre ans, 42 pays avaient adhéré à la convention. Quatre ans plus tard, cinq autres pays s'y sont ajoutés.

• 1555

Il n'y a pas que le Canada qui le fasse. Plusieurs pays signataires de la convention de La Haye se rendent sur place régulièrement pour convaincre d'autres pays d'y adhérer.

J'étais en Chine récemment pour y négocier un autre traité. J'ai essayé à plusieurs reprises de convaincre la Chine de signer ce traité parce que nous pensons qu'il pourrait y avoir plusieurs cas de ce genre dans ce pays. Il n'y en a eu qu'un seul jusqu'à présent, mais étant donné le grand nombre de ressortissants chinois qui immigrent au Canada, nous en aurons sûrement d'autres. Hong Kong, de son côté, a signé le traité tout récemment, ce qui constitue un cas unique dans tout cela. Mais à notre avis, il faut avoir une vue d'ensemble des choses.

Ce qui se passe à l'échelle internationale est le résultat final. Mais c'est vraiment au Canada qu'il faut commencer à travailler, et il faut envisager la question en tant que processus, parce que la prévention dans ce genre de chose est absolument essentielle. Il faut empêcher un parent mécontent d'amener son enfant à l'étranger—et si vous pouvez empêcher cela au Canada, c'est ce qu'il y a de mieux.

Deuxièmement, si une personne décide de quitter le Canada avec l'enfant, pouvez-vous mettre en place des mesures qui rendront ce genre de choses plus difficile que maintenant?

Troisièmement, si le parent fuit à l'étranger et qu'il s'agit d'un pays signataire de la convention de La Haye, nous pouvons peut-être faire quelque chose dans un contexte comme celui-là, mais s'il s'agit d'un pays qui n'a pas adhéré à la convention de La Haye, cela nous complique énormément la tâche.

Nous allons nous arrêter ici.

La présidente: Merci. Je pense que nous avons plusieurs questions pour vous, mais c'est M. Martin qui va commencer.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Thank you very much, Madam Chair.

Je vous sais gré d'être des nôtres aujourd'hui.

Étant donné que nous avons plusieurs questions, j'irai droit au but.

Nous savons tous que la convention de La Haye et les autres conventions sont de jolis textes, mais ils leur manquent de bons mécanismes exécutoires. Dans quelle mesure a-t-on pu faire respecter la convention entre pays signataires, entre le Canada et les pays non signataires, et entre le Canada et les États-Unis? J'ignore si les États-Unis ont adhéré à cette convention, mais je sais qu'ils n'ont pas ratifié la convention relative aux droits de l'enfant.

Deuxièmement, pourquoi les États-Unis n'ont-ils pas adhéré à la convention relative aux droits de l'enfant?

Troisièmement, dans quelle mesure les autorités des autres pays collaborent-elles avec les nôtres pour rapatrier les enfants?

Enfin, vous avez parlé de prévention. Avez-vous des suggestions qui nous permettraient de prévenir ces tragédies chez nous?

M. Denis Kratchanov: Les États-Unis ont signé la convention, mais plusieurs années après le Canada. Pour ce qui est de savoir pourquoi les États-Unis n'ont pas signé la convention relative aux droits de l'enfant, je me garderai bien d'hasarder une opinion.

Pour en revenir à votre première question, la convention de La Haye comporte des mécanismes exécutoires pour le rapatriement d'un enfant. Sur ce point, c'est très différent de la convention relative aux droits de l'enfant, qui ne comporte pas ces mêmes mécanismes exécutoires.

Donc la convention de La Haye comporte des obligations nettes pour les États signataires relativement au rapatriement de l'enfant. Dans quelle mesure a-t-on pu rapatrier des enfants au Canada? Je pense que la convention a donné d'excellents résultats. Ce n'est pas parfait, bien sûr, et ce, pour plusieurs raisons. Cela dépend souvent des tribunaux ou des régimes administratifs des autres pays qui sont chargés d'appliquer les dispositions de la convention. Il intervient ici des traditions juridiques, sociales et culturelles, qui sont nombreuses et différentes, qui font que l'application de la convention diffère d'un pays à l'autre.

Pour ce qui est des pays où l'on retrouve le plus grand nombre d'enfants canadiens enlevés, ce sont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Australie et l'Allemagne, et je pense que la convention donne de très bons résultats dans la plupart des cas. Pour ce qui est des autres pays qui ne présentent pas les mêmes structures juridiques que les nôtres, ou des pays comme la Bosnie, qui est un État signataire mais qui a, de toute évidence, des problèmes plus pressants à régler, il est plus difficile de rapatrier les enfants. De manière générale, même si je n'ai pas de chiffres sur le nombre d'enfants rapatriés, chose certaine, on a réussi à en rapatrier plusieurs du fait que cette convention existe.

• 1600

M. Gar Pardy: Quelques mots à ce sujet, il existe des chiffres, et je pense que le ministère de la Justice pourra fournir des statistiques au comité.

Pour chaque enfant qu'on rapatrie, et je pourrais vous parler ici des tragédies associées à ce genre d'affaires, nos succès se mesurent au nombre d'enfants qu'on rapatrie. Il est très important que le comité le sache.

Je pense qu'il y a méprise. La Convention de la Haye ne s'applique que lorsque deux pays sont signataires. Si l'autre pays n'est pas signataire, la Convention de la Haye ne peut pas s'appliquer.

Ce qu'il faut dire également au sujet de la Convention relative aux droits de l'enfant, c'est qu'elle est agrémentée de beaucoup d'éloquence dans la mesure où l'on y énonce une série de normes auxquelles les pays signataires promettent d'adhérer pour ce qui est du traitement des enfants chez eux. Même s'il existe ici un mécanisme de rapports aux Nations Unies elles-mêmes, il n'existe pas de mécanismes exécutoires en ce sens.

Nos difficultés nous viennent des pays qui ne sont pas signataires, c'est là où on assiste à une augmentation du nombre de cas à l'heure actuelle. Ce sont ces pays qui ont décidé de ne pas signer la Convention pour diverses raisons qu'on pourrait considérer comme légitimes. D'ailleurs, nous devons envisager des mécanismes qui nous permettraient d'intervenir en l'occurrence.

La Convention de la Haye est un instrument très utile dans chaque cas. On travaille en étroite collaboration avec les pays. Certains ont de meilleurs états de services que d'autres, mais encore là, on travaille en étroite collaboration avec tous dans l'espoir qu'avec le temps, cette Convention sera mieux respectée dans les pays signataires. Chose encore plus importante, nous espérons gagner plus d'adhérents à ce traité dans le monde.

M. Keith Martin: Avez-vous des suggestions relativement à la prévention?

M. Gar Pardy: Pour ce qui est de la prévention au Canada, il faut commencer dans la famille—désolé, on ne peut rien faire d'autre—et dans la collectivité où la famille évolue. Nous avons aussi des enlèvements d'enfants entre provinces au Canada, donc c'est presqu'au niveau communautaire qu'il faut travailler.

On peut voir des signes chez des parents eux-mêmes. Les signes sont visibles chez le parent qui perd l'enfant, et il s'agit ici d'informer les parents. Plusieurs personnes nous ont demandé la brochure que voici, et nous essayons de faire comprendre aux parents les signes précurseurs de l'enlèvement d'un enfant. De même, la capacité de la police d'intervenir dans ce genre de choses est extrêmement importante.

Lorsque les membres de la GRC comparaîtront la semaine prochaine, ils vous diront quels efforts ils font pour collaborer avec les services de police locaux dans ce genre de choses. Il y a d'autres travailleurs communautaires qui sont là aussi pour aider les parents.

Pour ce qui est des gens qui sont décidés à quitter le Canada avec leurs enfants et qui sont prêts à y consacrer de l'argent, je ne pense pas qu'il existe un seul mécanisme qui les empêche de faire à l'heure actuelle. Il n'y a pas de contrôle de sortie au Canada.

Vous avez déjà pris le tunnel de Détroit. Des centaines de milliers de personnes passent par là. Nous travaillons en étroite collaboration avec les lignes aériennes pour surveiller les personnes qui voyagent avec des enfants. On en rattrape ainsi quelques-uns lorsque les lignes aériennes trouvent qu'une situation a l'air louche et qu'elles communiquent avec nous.

Pour bien des gens qui ont la double citoyenneté—ce qui fait intervenir ici le contrôle des passeports—chose certaine, nous travaillons en étroite collaboration avec le Bureau des passeports pour nous assurer que ces personnes n'obtiennent pas de passeports canadiens, mais dans plusieurs cas, elles ont accès aux passeports d'un autre pays. Ces personnes peuvent les obtenir parce qu'il y a plusieurs cas où la double citoyenneté intervient. Nous n'avons pas de contrôle de ce côté.

La présidente: Merci.

Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Madame, messieurs, bienvenue à notre comité. J'ai quatre courtes questions à vous poser.

La première concerne l'entente bilatérale avec l'Égypte, dont vous avez parlé. Vous avez mentionné, si j'ai bien compris, qu'un traité bilatéral avait été signé avec l'Égypte.

Or, avant-hier, le 18 novembre, le Bloc québécois a posé une question en Chambre à M. Axworthy lui demandant, puisqu'il revenait d'Égypte, s'il avait discuté du cas de Mme Robitaille, entre autres, et s'il avait conclu un accord sur la reconnaissance des jugements canadiens. La réponse du ministre ne nous dit pas s'il a conclu un accord. Elle nous dit tout simplement qu'il a fait des représentations auprès du président Moubarak et que celui-ci a promis d'examiner le cas immédiatement, etc., pour faire preuve d'une attitude positive.

Je voudrais savoir si le ministre est au courant qu'un accord bilatéral a été signé. Ce n'est pas clair.

• 1605

Voici une deuxième question. Ici, au Canada, on sait que l'enlèvement des enfants est criminalisé. On sait que, dans d'autres pays, ce ne l'est pas. Dans certains cas, cela relève du droit civil; dans d'autres, ce l'est. J'aimerais connaître les raisons—il en existe certainement—pour lesquelles les pays refusent de criminaliser l'enlèvement d'enfants comme le font le Canada et certains autres pays.

Quelle est la différence entre une convention ratifiée et une autre à laquelle un pays accède? Il y a une nuance dont l'explication n'apparaît nulle part dans nos documents.

Enfin, nous avons une feuille de statistiques qui nous a été remise et dont j'aimerais connaître le sens. On parle de demandes de retour reçues et envoyées. Je ne sais pas si c'est un extrait de la troisième réunion de la commission spéciale qui s'est tenue du 17 au 21 mars 1997 qui nous donne la liste des principaux pays demandeurs ou receveurs et des demandes de retour reçues et envoyées, incluant le nombre d'enfants.

Je vais vous remettre cette feuille, parce qu'en la regardant, je n'ai pas très bien compris le sens des données qu'elle nous donne.

C'est tout pour le moment.

[Traduction]

M. Gar Pardy: À titre d'observation, je dirais—sans vouloir vous blesser—que vous savez probablement que la période des questions n'est pas le meilleur véhicule qui soit pour transmettre des informations.

[Français]

Mme Maud Debien: Il faudrait quand même avertir le ministre.

[Traduction]

M. Gar Pardy: Oui, et il va probablement m'en vouloir de le dire.

Mais non, M. Axworthy a signé l'accord avec l'Égypte lorsqu'il était là-bas avec M. Moussa, le ministre des Affaires étrangères égyptien. M. Axworthy connaît très bien la question, et il sait qu'il manquait quelque chose ici au niveau de la communication de l'information.

Il est très important de se rappeler qu'il ne s'agit pas d'un accord dans la mesure où la Convention de la Haye impose des obligations juridiques aux pays signataires. Comme nous ne pouvons obliger aucun pays à signer la Convention de la Haye, nous nous sommes rabattus sur l'option qui restait. Ce que nous avons essayé de faire ici, c'est de conclure un accord, où l'Égypte nous dit et où nous disons à l'Égypte, que nous allons nous entraider pour résoudre ces cas dans une certaine mesure. Aux termes de l'accord, on créera un comité binational qui discutera de ces questions. L'accord a été signé la semaine dernière, et nous partons justement pour l'Égypte afin d'assister à la première réunion. Nous avons une dizaine ou une quinzaine de cas en Égypte, et nous voulons aller là-bas afin de mettre au point des procédures qui nous permettront de les régler.

Le cas tragique de Mme Robitaille est évidemment du nombre et le ministre en a saisi son homologue et le président. Comme vous le savez, nous avons déjà fait ce genre de choses, et ce sera le premier cas à l'ordre du jour lorsque le comité binational se réunira. Nous espérons que la première réunion aura lieu avant Noël. Comme vous le savez, le gouvernement égyptien a fort à faire. Nous n'en sommes pas sûrs, mais nous réclamons la tenue de cette rencontre avant Noël.

Nous parlons à Mme Robitaille tous les deux ou trois jours, et son cas est tragique. Nous avons rencontré les enfants et nous leur avons apporté des cadeaux et d'autres choses, mais le fait est que nous ne pouvons pas convaincre—et le gouvernement égyptien a essayé aussi—le père de coopérer ici.

Cela m'amène en partie à votre deuxième question...

[Français]

Mme Maud Debien: Vous n'oublierez pas le cas de Mme Tremblay, car il y a aussi le cas de Mme Tremblay.

[Traduction]

M. Gar Pardy: Ah, le cas Tremblay. Non, exactement. Comme je l'ai dit, il y a 10 à 15 cas. Pardonnez-moi si je ne me les rappelle pas tous. J'ai avec moi Jean-Marc Lesage, qui, tous les jours, s'occupe de tous ces cas. C'est le cas le plus tragique ici, et je tiens à vous assurer que nous n'en oublions aucun.

Pour la gouverne des autres membres du comité qui ne connaissent pas l'affaire, le cas Tag el Din—comme nous l'appelons, même s'il s'agit de Mme Robitaille—est celui du père qui a emmené avec lui en Égypte ses cinq enfants il y a trois ans. Le père se trouve à Alexandrie, et nous avons tout essayé ici.

Ce qui m'amène à votre deuxième question au sujet de la criminalisation de cet acte au Canada. Cet acte est criminalisé. C'est un article qu'on a ajouté assez récemment au Code criminel du Canada. Je pense que c'est l'article 282. Auparavant, cela ne constituait pas un acte criminel au Canada non plus. La question est de savoir à quelle vitesse les pays changent à cet égard?

• 1610

Nous devons vous dire que la criminalisation en soi ne fait rien en fait de nouveau et, quelquefois, n'aide pas à régler le problème. On essaie de voir si l'on peut ramener les enfants au Canada. C'est à cela qu'on mesure le succès.

Dans bien des cas, nous invitons les parents à veiller à porter plainte contre leur conjoint ravisseur. Nous utilisons comme moyen de pression contre le parent qui se trouve à l'étranger le fait que l'on a porté plainte contre lui car, dans bien des cas, les procureurs de la Couronne sont tout à fait disposés à se fonder sur une accusation criminelle dans les négociations qu'ils entreprennent pour encourager le père—ce sont dans la plupart des cas les pères qui ont ravi leurs enfants, même si les mères le font aussi de plus en plus souvent—à renvoyer les enfants au Canada. Nous avons réussi de cette façon-là dans certains cas. Beaucoup de pays, pour tout un éventail de motifs religieux, sociaux, légaux, ne considèrent pas cet acte comme un acte criminel. Là encore, je vous rappelle que ceci est également récent au Canada.

[Français]

M. Denis Kratchanov: Je vais revenir à votre deuxième question et je répondrai ensuite à la troisième.

Lors de la réunion de la commission spéciale de La Haye, au mois de mars, la criminalisation de l'enlèvement parental a été discutée de façon assez approfondie. Ce qui est ressorti du discours des pays qui considéraient que ce ne devait pas être criminalisé, comme la Belgique, l'Autriche, la Suisse, l'Italie, des pays qui ne sont pas du tiers-monde ou si différents du nôtre, c'est que la criminalisation de l'enlèvement parental pouvait créer à long terme un mauvais climat familial et qu'il était préférable de régler ces questions selon le droit purement civil et non pas criminel. On considérait que l'enfant devait pouvoir maintenir une relation avec l'un et l'autre de ses parents, peu importe ce qui avait pu se passer. C'est la position que ces pays mettaient de l'avant.

Évidemment, au Canada, on a adopté une position un peu différente depuis ce temps-là. Peut-être devrais-je ajouter que de plus en plus de pays empruntent la même direction que le Canada. En effet, lors de la commission spéciale, plusieurs pays, dont l'Irlande, l'Australie et l'Afrique du Sud, ont indiqué qu'ils étaient sur le point de criminaliser l'enlèvement parental ou qu'ils y songeaient. Ils viendraient s'ajouter à des pays comme le Danemark, les États-Unis, la France, Israël, l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui ont déjà adopté une loi semblable à celle qui existe au Canada.

Pour ce qui est de votre troisième question, la distinction entre la ratification et l'accession est en fait assez technique. Il existe une différence. Lorsqu'un pays ratifie la Convention, celle-ci s'applique automatiquement entre ce pays et le Canada sans que ce dernier ait eu à accepter ce pays. Et lorsqu'un pays accède à la Convention, pour que celle-ci s'applique entre ce pays et le Canada, le Canada doit l'accepter et fournir la preuve de cette acceptation à La Haye.

Maintenant, pourquoi cette différence existe-t-elle? C'est que seuls les pays qui étaient membres de la Conférence de La Haye en 1980, moment où la Convention a été signée, peuvent ratifier la Convention. À ce moment-là, on a considéré que les pays qui étaient présents se connaissaient, que leurs systèmes juridiques en place étaient acceptables et qu'ils pouvaient ratifier la Convention sans qu'on ait à les accepter.

Maintenant, la raison pour laquelle on a réservé un traitement différent aux autres pays, c'est que la Convention n'est pas à sens unique, mais va dans les deux sens; c'est-à-dire qu'une fois la Convention en vigueur entre un pays et le Canada, non seulement peut-on obtenir le retour de nos enfants qui ont été emmenés dans le pays en question, mais le Canada doit également renvoyer dans ce pays-là les enfants qui ont été enlevés et emmenés ici. C'est une façon de contrôler où les enfants seront envoyés.

Maintenant, cela étant dit, le Canada n'a jamais refusé l'accession d'un nouveau pays.

Mme Maud Debien: Merci. Et qu'en est-il des données statistiques dont je vous parlais?

• 1615

[Traduction]

Mme Sandra Zed Finless: Je crois que c'est moi.

Tout d'abord, je dois dire, très franchement, que nous n'avons pas de données nationales exactes concernant le nombre de cas touchés par la convention de La Haye. Il y a plusieurs raisons à cela. Je vais vous expliquer les choses à l'aide du tableau.

Ce tableau ne donne qu'un chiffre estimatif du nombre total de demandes soumises en vertu de la convention de La Haye qui sont traitées par les provinces et les territoires du Canada. Il peut y en avoir d'autres qui ne passent pas par les autorités centrales.

Vous vous rappelez peut-être que nous avons signalé dans nos observations liminaires qu'il n'est pas nécessaire de passer par les autorités centrales pour présenter une demande en vertu de la convention de La Haye. On peut le faire directement si bien que nous n'avons pas de mécanismes qui nous permettent de réunir les données voulues sur les cas qui ne passent par les autorités centrales.

Les provinces et territoires ont leurs propres statistiques. On a reconnu, lors de la réunion de la commission spéciale en mars, qu'il serait nécessaire de trouver un moyen pour que tous les pays présentent de la même façon ces données et statistiques.

Pour ce qui est du tableau lui-même—je suppose que vous avez tous ce tableau sous les yeux—pour 1993, 1994, 1995 et 1996, dans la première colonne, on donne le nombre total de demandes d'accès aux autorités centrales provinciales et territoriales au Canada. Cela signifie qu'en 1993-1994, les autorités centrales provinciales ou territoriales du Canada ont été saisies de 34 demandes.

Quant au nombre de demandes de retour au cours de la même période, il y en a eu 168. Ces demandes peuvent être présentées à d'autres pays ou venir d'autres pays. Si une autorité centrale étrangère venait au Canada dire qu'un enfant enlevé est arrivé dans son pays et demander que cet enfant soit rapatrié, c'est ce que l'on appellerait une demande venant de l'extérieur. Par contre, une demande allant à l'extérieur est le fait d'une autorité centrale provinciale ou territoriale qui s'adresse à une autorité étrangère en présentant une demande au nom d'une personne ayant déclaré qu'un enlèvement s'est produit sur son territoire.

Ces données ne sont pas parfaites. Elles présentent un tableau approximatif du niveau d'activité au sein des autorités centrales. C'est tout.

Quant à la dernière colonne, les principaux pays qui présentent ou auxquels on présente des demandes, il ne s'agit là que des chiffres estimatifs qui nous sont fournis par les autorités provinciales et centrales. Ce sont donc les principaux pays qui demandent de renvoyer des enfants au Canada ou les principaux pays auxquels les provinces et territoires demandent de renvoyer les enfants ou de donner accès à ces enfants.

La présidente: Vous dites que vous ne connaissez pas les chiffres. Est-ce que tout ne passe pas finalement par les autorités fédérales.

Mme Sandra Zed Finless: Habituellement, les gens s'adressent aux autorités provinciales ou centrales. Ils passent par la province parce que l'on peut ainsi les renseigner sur les conditions de la convention, sur la façon de remplir les demandes et ce genre de choses, mais, légalement, aux termes des dispositions de la convention, ceci n'est pas obligatoire. Je peux me présenter à l'autorité centrale et celle-ci pourrait en fait décider de ne pas s'occuper de mon cas parce qu'elle ne pense pas qu'il puisse être couvert par la convention. Je peux alors décider de m'adresser directement au tribunal étranger ou à une autorité centrale étrangère. Rien ne m'empêche de le faire. Ainsi, moi, autorité centrale fédérale qui essaie de compiler des données, par exemple, ne serait pas au courant d'une personne comme moi qui aurait présenter sa propre demande. Cette donnée ne figurerait parmi les données compilées par l'État.

La présidente: Bien. Merci.

Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je vais poser trois questions très simples, tout simplement parce qu'elles m'ennuient.

Tout d'abord, qu'est-ce qu'un État-refuge et quels États sont considérés comme des États-refuges?

• 1620

À propos du traité bilatéral, pourquoi l'Égypte signerait-elle un traité bilatéral plutôt que la convention? Quels sont les avantages ou les inconvénients de part et d'autre? Pourquoi le Canada veut-il signer des traités bilatéraux plutôt que d'utiliser l'influence et des forums tels que l'APEC ou le Commonwealth, ou autre, pour obtenir la ratification ou la signature de ces autres pays plutôt que de signer des traités bilatéraux?

M. Denis Kratchanov: En réponse à votre première question sur les États-refuges, ce que cela signifie, me semble-t-il, c'est que c'est un État où vont les gens parce qu'ils ne seront pas poursuivis ou qu'on ne les obligera pas à renvoyer l'enfant. Je ne connais pas d'État particulier où iraient des parents ravisseurs parce qu'ils se sentiraient plus en sécurité que...

Mme Jean Augustine: Il n'y en a pas?

M. Denis Kratchanov: D'après les cas dont j'ai eu connaissance, habituellement, les parents ravisseurs vont dans un pays où ils ont des relations ou de la famille, que cet État ait signé la Convention de La Haye ou non. Il est possible que certains aillent délibérément dans un État signataire mais je ne connais pas d'État qui soit connu comme présentant plus de sécurité pour un parent ravisseur.

M. Gar Pardy: Je suis du même avis. Je ne connais pas de tel pays. Dans pratiquement tous les pays où nous avons plus d'un ou deux cas, c'est essentiellement qu'il y a des liens de famille pour le parent ravisseur et c'est la principale raison pour laquelle celui-ci choisit ce pays plutôt qu'un autre.

Là encore, ce n'est pas du tout la même chose que les États-refuges dans le contexte de l'extradition, lorsqu'un criminel essaie d'échapper à la justice. Il y a des États qui n'autorisent pas l'extradition vers certains pays et ces États attirent évidemment les criminels. Cela ne joue pas du tout dans ce domaine, du moins à ma connaissance.

Maintenant, quant à savoir pourquoi l'Égypte et le Canada ont convenu de signer un traité bilatéral, c'est parce qu'il était tout à fait évident que l'Égypte n'allait pas signer la Convention de La Haye. Beaucoup de pays décident de signer ou non une entente internationale. Le Canada a refusé de signer certaines ententes internationales pour tout un éventail de raisons.

Dans le cas de la Convention de La Haye, et je ne voudrais pas dans l'ensemble critiquer le processus mais, lorsqu'elle a été négociée, je ne pense pas que l'on ait suffisamment tenu compte des préoccupations de beaucoup de pays dont les systèmes sociaux et religieux sont différents de ceux de la région nord-atlantique, par exemple. Quand vous considérez les 47 pays signataires, cela s'élargit un peu, mais, de façon générale, la majorité de ces pays pourraient être considérés comme des États de l'Atlantique Nord. Il y a quelques exceptions et la liste allonge. Mais nous avons estimé que, dans ces circonstances, l'Égypte n'allait pas signer et qu'il nous fallait un autre mécanisme pour essayer de faire avancer l'étape impliquant l'Égypte.

Pour l'Égypte, la différence entre ce traité et la Convention de La Haye est que notre traité ne comporte pas, si vous voulez, de mécanisme de mise en application lorsqu'un parent au Canada détient une ordonnance de garde émise par un tribunal canadien. Il n'y a pas de mécanisme par lequel cette ordonnance canadienne peut être exécutée en Égypte. Le mécanisme consiste simplement à user de moyens administratifs pour obtenir le retour des enfants au Canada et vice-versa car nous avons des cas où des parents en Égypte ont enlevé des enfants pour les emmener au Canada et nous avons traité un ou deux cas semblables dernièrement de la même façon.

La présidente: Et dans la situation inverse, le gouvernement canadien serait-il invité à renvoyer ces enfants en Égypte bien que nous n'ayons pas de...?

M. Gar Pardy: Non, nous ne sommes pas obligés de le faire. En fait, ce que nous faisons, c'est essayer de faciliter les contacts éventuels. Nous avons un cas en particulier à l'heure actuelle à Winnipeg, si je ne m'abuse, et je crois que l'on a finalement réussi par rapprocher les parents. Les parents sont parvenus à se mettre d'accord sur toute la question. C'est d'ailleurs souvent la façon dont beaucoup de ces cas se règlent.

• 1625

La présidente: Je voulais simplement que l'on précise une chose. Considérons le rôle du Canada en Égypte, par exemple. Je crois qu'une partie du problème que pose l'Égypte est la loi islamique qui ne donnerait aucun droit à la mère.

M. Gar Pardy: Non, ce n'est pas vrai. La mère a au contraire beaucoup de droits.

La présidente: Je suis désolée, j'ai mal choisi mon exemple. Essentiellement, c'est la famille du mari qui a le contrôle de ces enfants dans cette religion.

Si mon enfant était enlevé dans une telle situation, si je réussissais à sortir mes enfants de ce foyer et à les faire entrer à l'ambassade du Canada, l'ambassade pourrait-elle alors m'aider?

M. Gar Pardy: Oh, oui, nous pourrions même vous aider avant cela. Il est très important que vous compreniez l'un des principes fondamentaux de la loi shariah, la loi musulmane. La mère, dans le cas d'enfants de sexe masculin, a l'autorité suprême jusqu'à l'âge de sept ans. Pour les filles, je crois que c'est jusqu'à neuf ans dans certains pays et onze ans dans d'autres. De ce fait, il y a une période pendant laquelle la loi musulmane, la loi shariah, reconnaît en fait les droits de la mère. Ce sont des droits exclusifs. Mais, à certains âges, ce contrôle est inversé, et va au père.

Pour les parents qui prennent eux-mêmes des dispositions pour un enfant, des dispositions entre eux, nous avons facilité le retour de beaucoup d'enfants dans ces circonstances.

En fait, il ne faut pas les amener à l'ambassade du Canada parce que c'est là que tout le monde vient les chercher. On s'arrange au contraire pour faire en sorte qu'ils ne viennent pas à l'ambassade du Canada. À partir de ce moment on peut faire certaines choses. C'est arrivé dans plusieurs cas.

La présidente: D'accord, mais vous dites que notre ambassade aiderait dans de telles circonstances.

M. Gar Pardy: Oui.

La présidente: Madame Augustine.

Mme Jean Augustine: Je vous demandais aussi pourquoi on n'userait pas plutôt de l'influence que nous avons au sein de la francophonie, de l'APEC, du Commonwealth, etc.

M. Gar Pardy: Cela joue aussi.

Mme Jean Augustine: Encore une petite chose—que personne ne rit—quand nous disons «enfants», c'est jusqu'à quel âge? Jusqu'à 11 ans, 12 ans, ou 13 ans.

M. Gar Pardy: Je vais vous répondre pour les cas dont nous nous occupons. Normalement, nous considérons l'âge de la majorité aux termes de la loi ontarienne. Cela nous donne certaines bases d'action. C'est là-dessus que nous nous orientons.

Mme Jean Augustine: Est-ce 16 ou 18 ans?

M. Gar Pardy: Cela dépend.

M. Denis Kratchanov: Dans la convention, c'est 16 ans.

M. Gar Pardy: Seize ans, en effet.

M. Denis Kratchanov: La convention ne s'applique qu'aux enfants de moins de 16 ans.

M. Gar Pardy: Oui, mais dans certains autres pays, c'est 18 ans l'âge de la majorité. Il y a beaucoup de cas dans lesquels nous avons attendu que l'enfant ait l'âge de la majorité dans ce pays pour le ramener au Canada.

Nous venons d'avoir un cas où l'enfant a passé, je crois, neuf ans à l'étranger. Nous savions où elle était. Nous l'avons alors aidée dès qu'elle a eu 18 ans et nous l'avons ramenée au Canada. C'était d'ailleurs dans la région d'Ottawa.

L'autre question que je voudrais peut-être examiner est celle de savoir si l'enfant peut donner son consentement, à ce que l'on peut considérer un enlèvement, en connaissance de cause. Nous avons eu des cas, aux termes de la loi, on a considéré qu'il s'agissait d'enlèvement, alors que l'enfant a un âge où il estime qu'il ne veut pas revenir au Canada. Il s'agit de plus en plus d'enfants qui ont environ 10, 11 ou 12 ans. En fait, on reconnaît de plus en plus que les enfants eux-mêmes peuvent donner leur avis quant à ce qu'ils souhaitent. Tout récemment, nous avons eu un cas au Moyen-Orient pour lequel nous avons mis la mère en contact direct avant l'enfant.

L'enfant avait 11 ans et cela s'est fait clandestinement. L'enfant a dit à sa mère qu'elle ne voulait pas revenir au Canada et la mère a accepté.

M. Denis Kratchanov: Il y avait un autre élément à la question de Mme Augustine, à savoir l'influence que nous avons auprès d'autres pays dans le contexte d'organisations multilatérales comme la francophonie ou le Commonwealth. En fait, nous utilisons ces forums du moins de façon officieuse pour parler de la convention lorsque les ministres de la Justice des pays du Commonwealth ou de la francophonie se réunissent. Je sais qu'il y a eu une réunion en Égypte cet automne des ministres de la Justice.

M. Gar Pardy: En effet.

• 1630

M. Denis Kratchanov: Un des points sur lesquels on nous a demandé de préparer des notes d'information pour les représentants du ministère de la Justice qui assistèrent à cette réunion était justement celui-ci. Je sais qu'on l'a déjà fait à l'occasion de réunions du Commonwealth. On en discute lors de ces rencontres même si ce n'est pas officiellement à l'ordre du jour.

Lorsque j'étais à La Haye en mars dernier pour la commission spéciale, beaucoup de pays étaient là, qui ne sont pas des États signataires, et cela m'a permis de soulever la question avec eux. La délégation canadienne se trouvait à côté de la délégation chinoise ce qui m'a donné la possibilité de leur poser directement la question. Il y avait des gens du Maroc qui ont participé à la commission spéciale et, très franchement, ils m'ont donné une réponse plus positive que je ne l'attendais, c'est-à-dire qu'ils ne m'ont pas répondu carrément non, ils ne m'ont pas dit qu'ils ne signeraient jamais. Ils ont dit ma foi, peut-être un jour.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): C'est une réponse très culturelle.

M. Gar Pardy: Toujours à ce sujet, le ministre de la Justice de la Chine sera en ville la semaine prochaine et cette question est à l'ordre du jour de votre ministre et de notre ministre. C'est un élément qui revient constamment à l'ordre du jour dans ce genre de réunions.

M. Jean Augustine: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Je ne veux pas sous-estimer l'importance de l'aspect juridique de ce sujet extrêmement important. Cependant, les dernières remarques touchaient à l'aspect culturel ou religieux et c'est justement à ce sujet que je voulais poser la question.

Je suis heureuse que vous ayez mis l'accent sur cet aspect-là. Il est bien évident pour toutes les personnes qui connaissent bien ce genre de cas que l'aspect religieux ou l'aspect culturel, que j'appellerais même religioso-culturel, est fondamental dans bien des cas. Je ne sais pas quel est le pourcentage, mais j'ai l'impression qu'il est assez élevé.

Je voudrais vous poser deux questions. La première concerne cet aspect. Dans quelle mesure est-ce qu'on pourrait amener certains pays à revoir la Convention de La Haye par rapport à leur propre climat social ou à leur propre religion, surtout en ce qui concerne l'Islam?

La deuxième question sera peut-être, en ce qui nous concerne, à la fois plus facile à considérer et plus importante. Je vais prendre un cas hypothétique mais assez concret si vous le voulez bien. Supposons que le père musulman s'en aille avec les enfants. Il s'en va dans un pays où l'Islam n'est pas nécessairement la religion d'État mais pas très loin, et la mère, qui n'est pas musulmane, demeure au Canada. Pensez-vous que dans un cas comme celui-là, il serait possible—et avez-vous déjà envisagé cette possibilité—de faire entrer les autorités religieuses dans chacun des pays, ce qui permettrait de faire le lien non seulement entre les autorités civiles mais également entre les autorités religieuses, qui pourraient être des parties importantes de la médiation entre les deux parents et les deux gouvernements? Merci.

[Traduction]

M. Gar Pardy: Je serai tout à fait franc. Je ne pense pas qu'il y ait une chance quelconque que nous ayons un pays essentiellement musulman qui signe la convention de La Haye telle qu'elle est actuellement. C'est une réalité que nous ne pouvons ignorer et ce n'est pas parce que nous n'essayons pas de les convaincre de le faire.

Ce que nous faisons, actuellement, c'est de trouver un pays où il y a un élément musulman important et d'essayer de le faire s'impliquer dans le processus de La Haye. Nous pensons à plusieurs pays semblables et je ne veux pas les nommer parce que cela risquerait... Mais je puis très bien vous en parler.

Cela pourrait nous servir d'exemple ou rassurer certains pays à ce sujet. Là encore, chaque jour...

Nous ne sommes pas le seul pays à le faire, d'ailleurs. Les Australiens, les Britanniques, les Français, les Américains le font régulièrement. Nous essayons de rassurer les pays quant à la portée de ce traité car, en fin de compte, tout le monde comprends qu'une convention multilatérale est absolument essentielle pour régler ce genre de problème. C'est évident.

Vous avez 47 pays—et combien y en a-t-il aux Nations Unies à l'heure actuelle?—193?—cela ne représente pas beaucoup plus de 20 p. 100, et c'est ça, la réalité.

• 1635

Quant à l'autre question, vous avez mentionné la possibilité de faire appel aux autorités religieuses. C'est ce que nous avons fait, et nous n'avons pas eu de succès.

Nous faisons appel aux autorités religieuses dans une communauté en particulier au Canada et nous leur demandons de contacter leurs homologues dans l'autre pays. Un dialogue a été établi, mais jusqu'à présent, nous n'avons pas réussi à récupérer un enfant grâce à ces bons offices. Il n'y a pas de mécanisme que nous ne soyons près à utiliser pour obtenir ce genre de choses.

Nos avons eu un cas il y a environ deux mois en Malaisie; une mère avait enlevé un enfant au Canada et l'avait ramené en Malaisie. Le père, un Canadien s'est adressé aux tribunaux malaysiens et ceux-ci lui ont donné la garde de l'enfant et la permission de le ramener au Canada. Nous l'avons aidé à toutes les étapes du processus.

Il y a donc certaines raisons d'espérer, mais ce n'est pas suffisant.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Si vous permettez, madame la présidente, j'aurais une question sur ce que le témoin vient de dire.

En ce qui concerne les autorités religieuses d'un pays ou de l'autre, j'ai quelque chose à dire. Vous nous dites que vous avez fait beaucoup d'efforts, mais je crois, pour avoir beaucoup oeuvré dans ce domaine avant d'arriver ici à Ottawa, sur la Colline, qu'il y a un travail énorme qui doit être fait et qui peut être fait si on construit une relation réelle de confiance entre les protagonistes. Mais cette relation ne peut se construire que progressivement au cours des années. Il ne faut pas baisser les bras. Même si vous n'avez pas de bons résultats pour le moment, cela ne veut pas dire que vous n'en aurez pas dans quelques années, pour autant que vous ayez élaboré une relation de confiance et d'amitié avec ces gens-là. C'est une chose qui peut paraître très naïve, mais qui est extrêmement importante pour ces groupes. Je parle en connaissance de cause.

Sur la question de La Haye—c'est une question qui nous dépasse et dépasse le mandat de ce comité très certainement—, j'ai eu un exemple qui m'a semblé très important hier, à la Chambre. L'exemple dont je parle concerne l'article 93 de la Constitution du Canada à propos du Québec. Quand arrive le moment où on a vraiment besoin de défaire quelque chose qui ne fonctionne plus pour les personnes qui en ont besoin, on peut s'en défaire très rapidement.

Par rapport à l'article 93, je n'aurais jamais pensé—et je viens du Québec—qu'il pouvait être défait aussi rapidement et avec si peu de sang dans la rue, pour utiliser une image colorée.

Je pense aussi au Mur de Berlin. C'est un peu dans le même sens parce qu'on n'aurait jamais pensé que ce mur pouvait tomber jusqu'au moment où il est tombé tout d'un coup.

Ce que je vois par rapport à la Convention de La Haye, c'est qu'il faut travailler sur cet aspect culturel et religieux. C'est une convention qui a été signée pour des pays occidentaux qui sont plus ou moins chrétiens, et je pense qu'il faut travailler à l'élargir à des pays qui suivent d'autres religions afin que chacun puisse avoir accès à cette convention et lui faire confiance. En effet, ce n'est pas parce que cela ne fonctionne pas en ce moment que cela ne fonctionnera jamais. Il faut garder l'espoir que cela fonctionnera un jour.

Ce n'est pas une leçon que je vous fais là, monsieur Pardy; au contraire, c'est simplement pour donner un espace plus large, si vous voulez. Merci.

M. Denis Kratchanov: Je voudrais vous faire remarquer qu'il y a quand même du progrès. J'ai mentionné tout à l'heure le Maroc. À La Haye, il y a un an, une nouvelle convention sur la responsabilité parentale a été négociée. La convention n'est pas encore en vigueur, mais le Maroc a participé au processus de négociation et signé cette convention lors de sa conclusion, ce qui est une première. Et la convention sur la responsabilité parentale, dans sa forme actuelle, fait une place à des concepts de droit islamiques. Dans ce sens-là, il y a déjà des efforts qui sont faits.

Cependant, le fait que le Maroc ait signé la convention ne veut pas dire qu'il deviendra nécessairement un État contractant de cette convention lorsque celle-ci entrera en vigueur. Mais on peut voir qu'il est possible de faire bouger les choses. Nous espérons que cela va être possible également pour la Convention sur l'enlèvement international d'enfants.

• 1640

[Traduction]

M. Gar Pardy: J'aimerais ajouter quelque chose. Je suis d'accord avec tout ce que le député a dit, et j'aimerais beaucoup pouvoir vous parler des contacts que vous avez là-bas, peut-être en dehors de ce comité. Je suis tout à fait d'accord quand vous dites que nous devons exploiter ce genre de contacts, les utiliser beaucoup mieux que nous le faisons dans de nombreux cas.

Mme Raymonde Folco: Merci.

La présidente: M. Mills a attendu patiemment, et au risque de faire un mauvais jeu de mots, je dirais que ce sujet-là, c'est son «bébé».

Mme Raymonde Folco: J'espère que le bébé restera au Canada.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf): Vous avez soulevé un très grand nombre de questions, et nous en avons fait pas mal le tour, mais il y une chose qui m'inquiète très fort, c'est le nombre de gens qui ont des problèmes et qui ne viennent pas vous voir. Apparemment, on voit ce genre de choses pratiquement tous les jours.

Hier soir, vers 19 heures, j'ai reçu un coup de téléphone d'une mère extrêmement agitée. Son mari venait de lui téléphoner des Philippines pour lui annoncer qu'il ne reviendrait pas avec leurs enfants. Ce coup de téléphone a été un véritable choc. Évidement, sa réaction a été influencée par un article de journaux qu'elle avait lu où on parlait de ces enfants. C'était en Alberta.

Cela est si fréquent et des députés de tous les partis sont venus me voir et m'ont dit que c'était un énorme problème. Je me dis qu'il est impérieux de s'occuper de cette question.

Mme Augustine a parlé de l'APEC ou de la francophonie; combien de pays qui sont aidés par l'ACDI n'ont pas encore signé? On parle de la méthode du bâton et des négociations; est-ce que c'est réaliste?

Vous dites également que la convention de La Haye date d'une autre ère. La solution évidente serait donc de la mettre à jour, et c'est peut-être sur cela que nous devrions insister. S'il y a quelque chose qui ne va pas, essayons de l'arranger.

Il y a toujours des moyens d'exercer des pressions. Je pense à l'APEC. Je sais que c'est un organisme principalement économique, mais on aurait de bonnes raisons... J'en ai parlé à l'ambassadeur de Chine, par exemple, et les possibilités d'adoption d'enfants chinois par des Canadiens l'intéressent énormément.

Mme Raymonde Folco: D'adoption de filles?

M. Bob Mills: Nous n'avons pas parlé du sexe des enfants.

Ce genre de communication est donc une possibilité. Je ne suis pas certain que nous utilisions tous les leviers qui pourraient être utiles.

C'est un énorme problème. Pouvons-nous mettre à jour la Convention de La Haye? Pouvons-nous utiliser l'aide que nous distribuons pour exercer plus d'influence?

M. Denis Kratchanov: Pour commencer, est-il possible de mettre à jour la Convention de La Haye?

Lors d'une réunion de la commission spéciale qui a eu lieu en mars dernier, pas un seul pays n'a soulevé la possibilité de modifier ou de changer la convention. De toute évidence, nous pourrions le proposer, mais nous n'avons certes pas le pouvoir de l'imposer.

Avant de nous aventurer dans cette voie, avant d'essayer de convaincre les autres pays, nous devons avoir une idée très claire de ce qui doit être modifié. D'après ce que nous entendons dans ces pays-là, il n'est pas certain que la Convention puisse être changée tout en restant une convention acceptable, pour obtenir le retour de nos enfants.

Pour l'instant, il est peu probable, à mon avis, que la convention soit changée. C'est possible, mais je ne pense pas que cela soit probable dans l'immédiat.

• 1645

Quant à l'autre question, je ne m'occupe pas des programmes du Canada pour ces pays-là dans le cadre de La Haye, mais aux termes de cette convention, les pays doivent centraliser la responsabilité et s'assurer que le système fonctionne bien. Forcer un pays à faire quelque chose qu'il ne veut pas vraiment faire n'est pas forcément la meilleure façon de parvenir au résultat souhaité.

Dans certains pays signataires de la Convention de La Haye, les autorités responsables... J'ai parlé de la Bosnie tout à l'heure. Même si ce pays voulait centraliser la responsabilité, il resterait de graves problèmes d'ordre pratique. Si les autorités du pays en question n'ont pas l'intention d'appliquer la convention, elle a beau exister sur le papier, nous ne récupérerons pas les enfants qui sont là-bas.

C'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente: D'un autre côté, il ne faudrait pas édulcorer la Convention de La Haye en essayant de faire plaisir à toutes les parties et de tenir compte de tous les besoins.

M. Bob Mills: Il n'est tout simplement pas acceptable de dire que nous n'y pouvons rien. Nous ne devons certainement pas nous en laver les mains. Nous devons examiner toutes les possibilités et ne jamais perdre de vue les intérêts de l'enfant. Je suis sûr que dans certains cas les enfants sont mieux là où ils se trouvent, mais c'est aux tribunaux d'en décider et pas à nous. Une fois qu'un tribunal a décidé de la meilleure solution pour l'enfant, c'est à nous d'essayer de trouver les moyens. C'est la raison d'être de toute cette entreprise.

La présidente: Avez-vous une autre question?

M. Bob Mills: Non, c'est tout, merci.

La présidente: Madame Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Je voudrais revenir sur la question de la Convention de La Haye, parce que je ne suis pas sûre qu'il n'y ait pas d'autres groupes quelque part dans le monde qui se disent, peut-être pour d'autres raisons, qu'ils voudraient eux aussi revoir la Convention en fonction d'autres besoins. Je me demande aussi si ce comité, et on pourrait peut-être en discuter plus tard, ne devrait pas faire une recommandation auprès du ministre sur la position du gouvernement du Canada quant à la révision de la Convention de La Haye, non seulement en fonction des besoins des enfants, mais de façon générale, afin de la rendre plus acceptable pour d'autres pays qui n'ont peut-être pas les mêmes cultures ou religions que les nôtres.

Je pense qu'il ne faut pas considérer cette convention comme une chose fixe et rigide. Comme pour notre Constitution canadienne, il faut faire des recommandations en espérant qu'un jour on pourra apporter des changements. Il faut espérer que chaque petite goutte d'eau qui s'ajoute fera grossir la rivière.

Cette discussion concerne les enfants principalement, mais elle concerne aussi d'autres sujets qui s'y rapportent. Merci.

[Traduction]

La présidente: Nous pouvons certainement faire une recommandation à cet effet.

[Français]

Madame Debien.

Mme Maud Debien: Je voudrais dire quelque chose suite à l'intervention de Mme Folco concernant la réouverture des différentes conventions internationales, dont la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention de La Haye.

Il me semble, madame la présidente, que l'année passée vous siégiez au comité sur le travail des enfants. Vous devez vous rappeler les nombreux témoignages que nous avons eus des différents organismes venant de toutes les parties du Canada, qui nous disaient de ne pas toucher, surtout en ce moment, aux différentes conventions et de ne pas demander la réouverture de certaines conventions. À ce moment-là, il était question en particulier de la Convention de l'ONU sur les droits de l'homme.

Tout le monde était unanime pour dire, madame Folco, que vu l'état d'esprit de conservatisme qui règne actuellement dans le monde, le fait de vouloir rouvrir les conventions nous faisait courir vers un échec. Presque tous les organismes à vocation internationale qui sont venus ici nous ont systématiquement recommandé de ne pas toucher aux conventions, de ne pas faire de recommandations et surtout de ne pas demander la réouverture des conventions.

• 1650

On a parlé tout à l'heure des pays islamiques, et pas seulement des pays islamistes. Il faut tenir compte du fait que l'intégrisme religieux se développe de plus en plus, et c'est pourquoi il serait très risqué de demander en ce moment la réouverture des conventions pour des motifs religieux, de coutumes ou des motifs sociaux. Je pense que ce serait les rouvrir à la baisse. Il faut donc être très prudent quand on fait ce genre de recommandation.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie d'avoir soulevé la question de l'intégrisme, parce que c'est justement ce dont nous parlons, et non pas de n'importe quel groupe religieux.

[Français]

Mme Maud Debien: Et voilà.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Pardy, vous aviez quelque chose à ajouter.

M. Gar Pardy: M. Mills a parlé de la méthode du bâton pour encourager certains pays à agir. C'est une possibilité qu'on mentionne toujours, mais dans ce genre de choses, dès qu'on menace un pays qui n'est pas très bien disposé, dès qu'on mentionne le bâton, c'est pratiquement un pays perdu pour notre cause.

Aucun pays ne changera une position qui a une importance fondamentale sur le plan de la famille et de la religion. En fait, nous aurons beau envoyer quelques millions de dollars d'aide à un pays, ce qui nous permettra d'avoir gain de cause dans une affaire, mais dès le lendemain matin, la bonne volonté aura disparu, et il faudra recommencer à zéro pour essayer d'obtenir la coopération de ce pays.

En fait, nous réussissons à obtenir la coopération de suffisamment de pays pour que cela suffise à nous encourager. Nous ne sommes pas du tout prêts à abandonner. Il suffit de poursuivre ces efforts. Il s'agit de créer le climat propice et on peut faire quelque chose dans le cas de ces enfants, pas suffisamment j'en conviens.

Une question sur laquelle le comité pourrait se pencher est le fait que, la plupart du temps—je parle des pays non visés par la Convention de La Haye—le parent concerné a le droit de s'adresser aux tribunaux du pays en question. J'ai cité, il y a quelques instants, l'exemple de la Malaisie. C'est une procédure très coûteuse pour les parents. Si une aide pouvait être apportée...

Je crois qu'Aggie Casselman, de Service social international, est sur la liste de vos témoins de la semaine prochaine. Mme Casselman a déjà parlé de l'aide à apporter aux parents pour qu'ils puissent s'adresser aux tribunaux étrangers. Et il n'est pas si rare que les tribunaux étrangers prennent la bonne décision et veillent à ce que l'enfant revienne au Canada.

La présidente: Également, pour ce qui est de se servir de l'aide extérieure, nous économiserions beaucoup d'argent à l'ACDI si nous enlevions notre aide extérieure à tous les pays qui ne respectent pas les mêmes valeurs humaines que nous. En fait, ce serait peut-être la solution pour toute notre économie.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Madame Debien, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

Mme Maud Debien: Vous m'avez enlevé les mots de la bouche, madame la présidente. Effectivement, pour faire suite à la proposition de M. Mills concernant l'ACDI, je pense que l'aide liée, particulièrement dans ce cas-là puisque cela touche les enfants—et ce serait la même chose dans le cas du travail des enfants que nous avons examiné l'année dernière—, serait certainement l'outil principal qui obligerait ces pays-là à signer pour le moins des ententes bilatérales et à reconnaître les jugements de la Convention.

J'ai juste une dernière question. Quand vous avez parlé tout à l'heure de l'entente bilatérale qui avait été signée entre l'Égypte et le Canada, je crois avoir compris que cette entente portait sur la création d'un comité. Cela n'avait rien à voir avec la reconnaissance des jugements canadiens. C'est bien ça?

[Traduction]

M. Gar Pardy: Absolument.

La présidente: J'ai seulement une très brève question à vous poser. Je remarque ici que l'Inde, par exemple, n'a pas signé la Convention de LaHaye et pourtant je crois que nous avons conclu avec elle un traité d'extradition.

M. Gar Pardy: Oui.

La présidente: Par conséquent, au lieu d'invoquer la Convention de La Haye, comme cela fait l'objet d'accusations criminelles au Canada, un parent pourrait-il se prévaloir de notre entente d'extradition, étant donné qu'un acte criminel a été commis au Canada, pour faire revenir chez nous le père et l'enfant?

M. Gar Pardy: Une partie du manuel traite de ce sujet, mais en principe, pour que l'extradition puisse avoir lieu, il faut qu'il s'agisse d'un «délit de droit commun» dans les deux pays.

La présidente: Je vois.

• 1655

M. Gar Pardy: Que nous ayons ou non... c'est là l'un des aspects à considérer. L'Inde est un pays inhabituel en raison de sa composition culturelle et religieuse, mais c'est un pays que nous n'avons absolument pas renoncé à convaincre de signer la Convention de La Haye.

Vous mentionnez d'autres traités très importants que nous avons négociés avec l'Inde. Nous entretenons de bonnes relations et c'est un des pays que nous espérons voir signer la Convention.

La présidente: Merci.

Y a-t-il d'autres questions?

M. Denis Kratchanov: Un autre expert du ministère de la Justice sur la question de l'extradition pourrait dire quelques mots. Il s'agit de M. Bill Corbett.

La présidente: Pourriez-vous vous présenter au comité, s'il vous plaît.

M. William H. Corbett (avocat-conseil général, Section du droit pénal, Direction du droit pénal, ministère de la Justice): Oui. Je m'appelle Bill Corbett et je travaille à la direction du droit pénal du ministère de la Justice. Nous nous occupons des cas d'extradition pour le ministre, pour le Canada en fait, et cela comprend notamment les cas d'enlèvement d'enfants par un parent.

J'aurais deux choses à dire au sujet de l'extradition en général. Elle n'assure pas le retour des enfants. Elle ne vise pas non pas à obtenir leur retour, mais celui des parents qui les ont enlevés.

La présidente: Mais les enfants constituent certainement la preuve. N'est-ce pas le cas? Ne sont-il pas considérés comme la preuve?

M. William Corbett: En réalité, cela donne souvent des résultats. Dès que vous faites une demande d'extradition, les enfants ne sont généralement pas bien loin.

La présidente: Oui.

M. William Corbett: L'extradition a tendance à donner des résultats, mais elle n'est pas conçue pour ramener les enfants au pays.

Il faut que la police ait fait enquête et porté des accusations criminelles et que le procureur général de la province soit prêt à poursuivre pour enlèvement d'enfant par le père ou la mère. Nous avons eu 20 dossiers de ce genre depuis quatre ans et j'ai l'impression qu'environ 17 d'entre eux étaient justifiés.

Nous travaillons surtout avec les États-Unis. Les extraditions que nous faisons pour enlèvement d'enfant se font surtout entre le Canada et les États-Unis, dans un sens ou dans l'autre. Nous avons plusieurs cas de ce genre chaque année. Des mesures énergétiques sont prises à cet égard.

Cela vise à avoir un effet dissuasif sur les enlèvements d'enfants, sans pour autant les ramener au Canada. De nombreux pays refusent d'extrader leurs ressortissants. Les pays européens refusent leur extradition. Ils jettent les étrangers dehors et appellent cela une extradition.

C'est avec le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis que nous avons de bonnes relations de travail. Mais de nombreux parents qui enlèvent un enfant l'emmènent aux États-Unis; il semble que ce soit l'endroit où aller.

La présidente: Cela a été extrêmement...

Mme Raymonde Folco: Puis-je poser une question?

La présidente: Très rapide, parce que la séance touche à sa fin.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Merci de votre indulgence, madame la présidente.

Vous venez de nous parler, monsieur Corbett, de pays comme le Canada qui reconnaissent la double nationalité de personnes qui sont nées à l'extérieur et qui ont la citoyenneté de l'Italie, de la France ou d'un autre pays. Je me demande s'il serait possible d'étudier cette question dans le cadre de l'entente qui existe entre le Canada et cet autre pays. Pourrait-on envisager la possibilité pour le Canada de s'entendre avec cet autre pays pour émettre des conditions auxquelles s'appliquerait cette double nationalité?

Je ne sais pas si ce que je viens de dire est clair, mais c'est une idée qui m'est passée par la tête pendant que je vous écoutais. La double nationalité pourrait être applicable pour autant que le pays étranger reconnaisse que les ressortissants doivent revenir au Canada pour comparaître.

Il faut dire que par le passé, lorsque cette double nationalité a été accordée, il n'existait pas vraiment de problème d'enfants enlevés. En tout cas, le problème n'était pas aussi grave qu'aujourd'hui. Je me demandais donc si on ne pourrait pas ajouter une condition. Est-ce que vous pensez que c'est possible?

[Traduction]

M. William Corbett: En principe, ou bien vous extradez ou bien vous poursuivez. Les pays qui refusent d'extrader leurs ressortissants les poursuivent. Ce sont généralement les Français, les Allemands et les Italiens. Dans certains pays, la constitution interdit d'extrader un ressortissant et, dans ce cas, cela ne va pas plus loin.

Nous avons constaté qu'ils n'intentent pas des poursuites très énergiques. Cela ne les intéresse pas vraiment alors qu'ils protègent très énergiquement leurs ressortissants dont on réclame l'extradition. Les Américains ont eu un peu de chance avec d'autres pays, mais pas nous. Je pense que les Italiens ont autorisé, pour certains délits, l'extradition de ressortissants italiens vers les États-Unis, mais certainement pas pour les enlèvements d'enfants. C'est un domaine qui pose des problèmes.

• 1700

M. Gar Pardy: Pour revenir sur ce qui a été dit au sujet de la double nationalité, il s'agit souvent d'un sérieux problème dans bien des cas. La plupart des pays en cause ne reconnaissent pas la double nationalité et c'est là l'un des problèmes. L'Inde, par exemple, a des lois très strictes et s'efforce de les faire jouer contre la double nationalité, mais en réalité, il n'est pas possible d'appliquer efficacement ces lois.

Même les États-Unis ont tenté d'interdire la double nationalité jusqu'en 1990, après quoi ils ont décidé de modifier leur législation parce qu'il n'était pas possible de l'appliquer. Si vous imposez des interdictions en ce qui concerne... Comme vous le savez, le Canada n'a pas reconnu la double citoyenneté avant 1977. Nous avons alors modifié notre loi pour l'autoriser. Mais cela pose un problème. Je dirais que dans probablement 80 p. 100 des cas de rapts d'enfants, le parent a la double nationalité, et c'est là un facteur très important.

Mme Raymonde Folco: Je vais parler à ces messieurs en privé.

La présidente: D'accord.

Merci beaucoup d'être venus. C'était extrêmement intéressant. Comme vous pouvez le voir, nous avons un tas d'autres questions à vous poser et peut-être que Mme Folco pourra en discuter avec vous plus tard. Encore une fois, je vous remercie.

La séance est levée.