Passer au contenu
Début du contenu

HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 mars 1998

• 0912

[Français]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte.

Cette réunion est la 30e du Comité permanent de la santé. Nous poursuivons notre étude sur les produits de santé naturels.

Bienvenue à nos témoins de ce matin. Nous accueillons parmi nous Gerry Reasbeck et Bruce Bowen, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous avons également demandé que quelqu'un de Santé Canada vienne à la réunion au cas où il y ait des questions qu'il nous faille lui renvoyer. Représentent donc ici aujourd'hui Santé Canada, Harry Conacher et John Salminen. Ils sont ici au cas où des membres du comité voudraient poser des questions de recoupement, mais c'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments que nous sommes véritablement venus ici entendre.

Monsieur Reasbeck.

M. Gerry Reasbeck (directeur, Division des produits alimentaires, Agence canadienne d'inspection des aliments): Merci, madame la présidente.

J'aimerais vous présenter mon collègue, M. Bruce Bowen, qui est biologiste des aliments et agent des programmes alimentaires à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Il va m'aider aujourd'hui dans le cadre de nos discussions.

M. Harry Conacher (directeur intérimaire, Bureau d'innocuité des produits chimiques): Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs.

Mon collègue, John Salminen, dirige le groupe chargé de faire les évaluations des risques liés à ces produits de santé naturels.

Nous avons déjà comparu ici et avons expliqué ce que nous faisons et comment nous nous y prenons. Comme l'a dit la présidente, nous sommes ici aujourd'hui pour étayer la présentation faite par l'agence et pour répondre à vos questions en découlant.

M. Gerry Reasbeck: Madame la présidente, nous avons une brève déclaration que nous aimerions vous faire ce matin. Nous pensons que cela pourrait vous fournir beaucoup d'éléments de réponse à certaines des questions qui ont peut-être été soulevées dans le cadre de réunions antérieures du comité.

Nous sommes heureux de la possibilité qui nous est offerte de rencontrer le comité pour lui exposer la position de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) à ce sujet et de l'aider dans toute la mesure du possible dans son examen de ces questions.

Manifestement, ce dossier est d'un grand intérêt pour le public canadien et d'une grande importance pour de nombreux consommateurs. Dans notre bref exposé d'aujourd'hui, nous aborderons deux éléments. Premièrement, nous comptons décrire le rôle général de l'Agence canadienne d'inspection des aliments relativement à l'inspection et à la réglementation de tous les aliments, y compris, bien sûr, les produits médicinaux à base d'herbes et de plantes et autres produits naturels de santé qui sont présentés et vendus comme des aliments. Deuxièmement, nous aimerions esquisser les types de problèmes de réglementation associés aux produits médicinaux à base d'herbes et de plantes, les principales exigences de la législation fédérale que l'agence applique pour protéger les consommateurs canadiens et les mesures d'inspection que prend actuellement l'agence.

• 0915

Comme vous le savez sans doute, l'Agence canadienne d'inspection des aliments est un nouvel organisme. Elle a officiellement ouvert ses portes le 1er avril 1997 et, ce faisant, elle a entrepris la tâche considérable d'exécuter tous les programmes fédéraux d'inspection des aliments et les activités connexes dont elle a hérité de quatre ministères d'attache: Agriculture et Agro-alimentaire Canada, Pêches et Océans Canada, Santé Canada et Industrie Canada.

Il s'agit d'un très gros groupe de travail. Nous devons veiller à l'application d'environ 13 lois fédérales et ensembles de règlements connexes, ne traitant pas tous directement de l'inspection alimentaire, et c'est une lourde exigence législative pour nous.

Les responsabilités de l'agence englobent plusieurs milliers d'aliments qui, par rapport aux ressources d'inspection limitées dont celle-ci dispose, exigent une stratégie rigoureuse d'établissement des priorités, afin d'assurer que les mesures de conformité de l'agence auront les plus grandes retombées possibles pour le public.

L'agence vient de commencer l'élaboration d'une stratégie qui sera basée sur l'identification, l'évaluation et l'établissement de l'ordre de priorité des risques relatifs que présentent les divers types de menaces pour le public comme les risques pour la santé ou la sécurité, les risques découlant de la tromperie et de la fraude et les risques liés au commerce. C'est dans ce contexte que l'agence doit considérer l'orientation et l'ampleur des efforts d'inspection à consacrer à divers aspects réglementaires comme la conformité des produits à base d'herbes et de plantes par rapport à la conformité de tous les autres aliments de base.

Comme d'autres témoins vous l'ont dit plus tôt, plusieurs produits à base d'herbes sont utilisés depuis longtemps en médecine traditionnelle. Toutefois, l'intérêt croissant que le public porte à ces produits est un phénomène relativement récent. Nous sommes conscients que, historiquement, les activités d'application de la législation de Santé Canada à cette catégorie de produits se sont faites largement au cas par cas en ce qui a trait aux risques potentiels de produits à base d'herbes.

Au Canada, l'intérêt croissant des consommateurs pour les produits à base d'herbes est à l'origine d'un marché qui prend de l'ampleur et auquel répondent de plus en plus d'importateurs et de distributeurs, y compris de grosses compagnies pharmaceutiques. Nombre de ces produits sont maintenant largement commercialisés dans les magasins d'alimentation et les pharmacies grand public.

Toutefois, cette expansion du marché comporte des risques accrus que le public soit exposé à des produits insalubres, toxiques ou mal identifiés, de même que des risques de pertes économiques pour les consommateurs à la suite de pratiques et de revendications frauduleuses.

J'aimerais souligner ici qu'en ce qui concerne les produits à base d'herbes et de plantes, le mandat de l'agence en matière d'inspection ne s'applique que là où ces produits sont présentés et vendus comme aliments, conformément aux définitions données dans la Loi sur les aliments et drogues. D'autre part, des représentants de Santé Canada ont déjà informé le comité que le ministère est responsable des mesures de conformité quand ces produits sont présentés au public comme des drogues.

Comme vous le savez, il est crucial de savoir si des produits à base d'herbes particuliers doivent être traités comme des aliments ou comme des médicaments. En vertu de la législation actuelle, ils doivent appartenir à l'une ou l'autre catégorie. Habituellement, les aliments sont considérés comme des produits nutritifs et sûrs, peu importe la quantité consommée.

Par contre, les drogues sont considérées comme des produits pour traiter des maladies, des désordres ou des conditions physiques anormales. Elles contiennent des ingrédients pharmacologiques actifs et on s'attend normalement à ce qu'elles soient vendues sous forme posologique, qu'elles soient accompagnées de réclamations thérapeutiques et qu'elles soient assorties de renseignements relativement à leur utilisation, aux contre- indications, etc. Plusieurs de ces produits sont considérés comme toxiques s'ils sont consommés en trop grande quantité.

Malheureusement, d'un point de vue conformité, le principal problème en ce qui concerne les produits à base d'herbes et de plantes est la difficulté d'établir une distinction nette entre aliments et drogues. Bien que ces produits soient le plus souvent présentés aux consommateurs comme des aliments du point de vue de l'étiquetage, importateurs, distributeurs et détaillants en font la promotion active comme remèdes médicinaux. En résumé, ces produits sont souvent vendus comme des drogues ou comme ayant des propriétés thérapeutiques, en contravention directe de la Loi sur les aliments et drogues. Il faut donc apporter des clarifications pour assurer que ces produits sont bien réglementés.

• 0920

J'aimerais maintenant aborder les questions de conformité pour l'Agence canadienne d'inspection des aliments relativement aux produits à base d'herbes et de plantes. Je préciserai que ces questions de conformité valent pour tous les aliments. Nous traitons de ce genre de questions dans le domaine de l'alimentation tout entier.

Avant d'aborder cet aspect, donc, j'aimerais souligner que si les herbes et les produits botaniques prennent de plus en plus d'importance pour plusieurs consommateurs, ils constituent, lorsqu'ils sont vendus comme des aliments, une infime proportion de l'ensemble des aliments auxquels les Canadiens ont accès. On considère aussi que ces produits représentent un faible risque pour la santé et la sécurité de la population canadienne en général comparativement à plusieurs autres questions liées à la transformation, à la fabrication, à l'importation, à la distribution et à la consommation d'aliments de base. C'est pourquoi l'agence continue, comme le faisait Santé Canada, d'accorder une priorité d'inspection plus faible à ces produits.

Pour l'agence, les trois principaux sujets de préoccupation sont les suivants: la vente d'aliments insalubres, l'utilisation d'allégations sur les produits qui sont interdites et les infractions en matière d'étiquetage et la fraude économique.

En ce qui concerne la vente d'aliments insalubres, l'élément le plus important pour nous est, certes, la santé et la sécurité et aussi la question de savoir si l'un ou l'autre de ces produits, lorsqu'ils sont vendus comme aliments, seraient susceptibles de poser un risque pour la santé des humains et si la vente devrait en être interdite. Santé Canada a déjà informé le comité que les décisions concernant tous les aliments sont prises par la Direction des aliments, Direction générale de la protection de la santé, et que l'agence se fonde sur ces décisions pour orienter sa politique de santé. Santé Canada vous a également décrit le dossier difficile de l'annexe 705 qui devait, en partie, comprendre une liste de produits à base d'herbes et de plantes ne devant pas être vendus comme aliments en raison de risques potentiels pour la santé. Comme vous le savez, cette liste n'a jamais obtenu de statut réglementaire et n'est bien sûr pas appliquée.

Le ministère a également déjà dit qu'avant l'initiative concernant l'annexe 705, il avait fourni au fil des ans un certain nombre d'opinions au cas par cas à des inspecteurs, des consommateurs, des importateurs ou des fabricants relativement à l'innocuité de produits spécifiques à base d'herbes. Les documents dont nous disposons, et dont nous avons hérité de Santé Canada, en même temps que celui-ci nous a cédé certaines responsabilités, indiquent que neuf herbes ont été identifiées lors de ces évaluations comme étant potentiellement dangereuses pour les consommateurs, et l'agence continue d'agir relativement à ces produits.

Toutefois, en assumant cette nouvelle responsabilité et en vue de déterminer le statut de ces produits sur le plan sécurité, l'agence a demandé récemment à Santé Canada de reconfirmer, à des fins de conformité, les produits qui sont considérés comme inacceptables pour la vente au public canadien. On nous a dit, par la suite, que Santé Canada considère aujourd'hui qu'il y a 16 produits qui pourraient présenter des problèmes. Je pense que le comité a reçu copie de ces renseignements de Santé Canada.

En plus de ces derniers conseils que nous avons reçus, nous avons demandé à Santé Canada qu'on nous fournisse plus de précisions et un encadrement concernant certains aspects clés de ce dossier. L'une des questions est celle de savoir si ces aliments sont dangereux en soi lorsqu'ils sont vendus en tant qu'aliments, ou peut-être lorsqu'ils sont vendus comme ingrédients ou comme composantes de produits alimentaires à ingrédients multiples. Il est certain que nombre de ces produits sont disponibles également sous cette forme.

Nous avons également l'impression qu'avant que l'agence ne puisse appliquer des mesures de conformité à ces sept produits supplémentaires, notamment à la lumière des audiences en cours et en attendant des recommandations, Santé Canada devra tenir d'autres consultations avec les parties intéressées. Entre-temps, nous avons entrepris une enquête nationale pour déterminer dans quelle mesure les 16 produits identifiés sont actuellement disponibles sur le marché canadien comme aliments, en vue d'établir, selon les besoins, une stratégie appropriée de suivi aux mesures de conformité.

• 0925

Il y a aussi une autre source de complications et de confusion, particulièrement pour le public: plusieurs de ces produits comme l'éphédra, le séné, la cascara, la sagrada et la prêle sont vendus aussi aux consommateurs comme drogues, et, par conséquent, ils portent des numéros d'identification légitimes émis par la Direction des produits thérapeutiques.

Peu importe le nombre de produits à base d'herbes dont la consommation comme aliment sera jugée dangereuse par Santé Canada, la Loi sur les aliments et drogues donne à l'agence l'autorité nécessaire pour intervenir lorsqu'il y a des aliments potentiellement dangereux, y compris les produits à base d'herbes et de plantes. Plus particulièrement, les paragraphes 4 a) et b) de la loi interdisent la vente de tout aliment qui contient une substance toxique ou délétère ou qui est impropre à la consommation humaine.

Passant maintenant aux allégations interdites, la législation canadienne interdit depuis plusieurs années toute allégation de traitement de maladies par les aliments. On estimait que ces prétentions n'avaient pas été prouvées et qu'elles pourraient augmenter les risques pour la santé du public en incitant les consommateurs à se soigner eux-mêmes avec des remèdes incertains et à peut-être négliger de suivre des conseils ou des traitements médicinaux approuvés.

Les paragraphes 3(1) et 3(2) de la Loi sur les aliments et drogues interdisent la publicité ou la vente auprès du grand public de tout élément à titre de traitement ou de mesure préventive d'une maladie, d'un désordre ou d'un état physique anormal énumérés dans le règlement.

Par conséquent, les activités de promotion, de publicité ou de vente de produits à base d'herbes ou de plantes présentés comme des aliments à titre de remèdes médicinaux potentiels pour des maladies ou des troubles contreviennent à l'article 3 de la Loi sur les aliments et drogues et sont sujettes à des mesures de conformité de la part de l'agence.

À l'examen de ces produits sur les tablettes des détaillants, on peut noter que les étiquettes ne font pas état de prétentions relativement à des maladies parce que ces produits sont présentés comme des aliments. Si les allégations étaient présentes, il leur faudrait soit être admissibles en tant que drogues et se faire attribuer un numéro d'identification de drogue et suivre ce cheminement-là... Mais en fait, nombre de ces produits sont offerts en tant que remèdes à base d'herbes ou de traitements médicinaux et sont présentés comme étant des aliments du fait qu'ils ne sont pas accompagnés de prétentions de ce genre.

Les allégations problèmes sont, cependant, souvent faites oralement aux consommateurs ou dans des publicités, du matériel promotionnel, des dépliants et des publications. Bien que cela vienne compliquer notre tâche en ce qui a trait aux mesures de conformité, l'agence prend des mesures au cas par cas à l'endroit des produits à base d'herbes et de plantes qui contreviennent à l'article 3.

J'ajouterai également qu'Internet vient compliquer nos vies en posant de nouveaux défis. Bien que ce médium soit une mine d'or de renseignements et permette de fournir des renseignements utiles au public, il peut aussi être une source majeure de prétentions exorbitantes et trompeuses au sujet de la santé et du traitement et de la prévention de maladies relativement grâce à des produits à base d'herbes.

Vous trouverez des exemples de ce type de prétentions dans votre trousse. Certaines de ces prétentions sont vraiment époustouflantes. Il y a vraiment lieu de se demander quels produits à base d'herbes l'on devrait utiliser, puisque tous sont vantés comme étant extrêmement bénéfiques.

Enfin, troisièmement, je vais traiter des infractions en matière d'étiquetage et de la fraude économique en général. En vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur les aliments et drogues, il est interdit d'étiqueter, d'emballer, de traiter, de préparer ou de vendre un aliment ou d'en faire la publicité de manière fausse, trompeuse ou mensongère ou susceptible de créer une fausse impression quant à sa nature, sa valeur, sa quantité, sa composition, ses avantages ou sa sûreté. Comme vous pouvez le constater, cette disposition est très vaste ce qui nous est extrêmement utile dans notre lutte contre toute la gamme de fausses déclarations possibles au sujet d'aliments.

Les règlements sur les aliments et drogues prévoient aussi, comme vous le verrez, l'étiquetage bilingue et l'inscription de données fondamentales applicables à tous les aliments vendus au Canada. Cela comprend des renseignements comme le nom courant du produit, la liste des ingrédients, les additifs alimentaires, la quantité nette, le nom et l'adresse du fabricant ou de l'importateur responsable, etc.

Les produits à base d'herbes et de plantes, lorsqu'ils sont vendus comme aliments, sont assujettis à ces règlements. Nous avons constaté que de nombreux produits à base d'herbes, surtout importés, contreviennent largement aux exigences canadiennes en matière d'étiquetage et d'information. À l'heure actuelle, les consommateurs ne peuvent pas avoir la certitude qu'ils obtiennent le produit à base d'herbes désiré. Des erreurs peuvent survenir et surviennent dans l'industrie, et il est toujours possible qu'il y ait des substitutions et des altérations délibérées de produits. L'agence prend des mesures correctrices en fonction des ressources disponibles et des priorités d'inspection.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments attend avec intérêt le résultat des travaux et les recommandations du comité permanent et elle fera bon accueil à l'encadrement que pourra lui fournir le travail continu de la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada et son comité consultatif relativement au cadre réglementaire futur pour ces produits. Dans l'intervalle, nous continuerons de mettre en oeuvre la législation et les politiques actuelles afin de protéger le public canadien dans la distribution et la vente de ces produits alimentaires.

• 0930

Madame la présidente, voilà qui met un terme à nos observations préliminaires. J'espère que ce bref aperçu de notre perspective fournira une base utile pour les discussions de ce matin. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

J'aimerais vous poser une question, car vous venez de lire quelque chose que je n'ai pas compris. Vous dites, à la page 6 de la version française du mémoire, «les règlements sur les aliments et drogues prévoient aussi l'étiquetage bilingue et l'inscription de données fondamentales applicables à tous les aliments». J'achète des aliments depuis 50 ans et je n'ai jamais vu d'étiquette sur quoi que ce soit. Il y en a très peu. Vous dites qu'ils sont tenus d'indiquer «le nom courant du produit, la liste des ingrédients et des composants, les additifs alimentaires, la quantité nette, le nom et l'adresse du fabricant responsable».

M. Gerry Reasbeck: Oui. Tous les aliments à ingrédients multiples, et les aliments de façon générale, doivent porter des étiquettes fournissant certains renseignements obligatoires et ces étiquettes doivent être bilingues. Une liste d'ingrédients, par exemple, doit être fournie pour tous les aliments. Elle doit être bilingue. Le nom courant de l'aliment doit lui aussi être fourni dans les deux langues. Presque tous les produits alimentaires vendus dans le commerce affichent ces renseignements.

La présidente: Je vais revenir là-dessus, mais ce n'est pas le cas dans les magasins où je fais mes courses. J'imagine que je ne fréquente pas les bons magasins.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci, madame la présidente.

L'une des choses que nous avons entendues dans des témoignages précédents est que des produits identiques seraient inspectés et par votre agence et par la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada. En fait, quelqu'un est venu avec un petit contenant et le contenant correspondait au même lot, pour le même jour. La différence entre les deux était tout simplement que sur un contenant il y avait une déclaration que le produit aiderait en cas de nez bouché. Il ne m'apparaît pas logique que les deux organismes inspectent le même produit dans le même magasin. Je me demande si vous trouvez cela approprié.

M. Gerry Reasbeck: Je dirais que oui. Je pense que vous évoquez là le coeur même du problème que nous avons, soit que les définitions et exigences prévues dans les règlements sur les aliments et drogues pour les aliments versus les drogues requièrent véritablement des éclaircissements. Nous croyons qu'il est important que ces définitions soient précisées.

Je pense qu'il est vrai qu'une revendication, ou que l'absence d'une revendication au sujet d'un produit, peut intéresser l'une ou l'autre ou les deux agences. Nous comprenons que la Direction générale des produits thérapeutiques de Santé Canada soit prête à intervenir dans les cas où, conformément aux lignes directrices—et je pense que celle-ci a déposé ses lignes directrices auprès du comité—, elle ferait une évaluation ponctuelle pour voir si un produit du genre est en fait une drogue et relèverait par conséquent d'elle et nécessiterait un numéro d'identification de drogue. À l'inverse, s'il s'agit d'un aliment, elle nous dirait que ce n'est qu'un aliment, ce qui exige...

M. Grant Hill: Vous avez répondu à ma question. Vous ne pensez pas que ce soit logique et vous aimeriez que ce soit changé.

M. Gerry Reasbeck: Je pense que cela mérite qu'on s'y penche.

M. Grant Hill: Vous avez également dit que cela n'a pas été très prioritaire pour vous dans le contexte de vos activités d'inspection. Or, il y a des gens de l'industrie qui sont venus nous dire qu'ils ont le sentiment d'être poursuivis, presque persécutés. Serait-ce l'affaire de votre division ou bien de la Direction générale de la protection de la santé?

M. Gerry Reasbeck: Il m'est difficile de répondre à cette question.

M. Grant Hill: Les gens de l'agence y interviennent donc?

M. Gerry Reasbeck: Oui.

M. Grant Hill: Cela me suffit. Je ne voudrais pas prolonger la discussion là-dessus.

Vous dites que vos principaux sujets de préoccupation sont les aliments insalubres, les allégations interdites ainsi que les infractions en matière d'étiquetage et la fraude économique. Ce sont là les trois questions sur lesquelles vous concentrez vos efforts. L'actuelle loi vous offre-t-elle des recours suffisants? La loi est-elle claire et simple et adaptée au travail que vous faites relativement à ces trois sujets de préoccupation?

M. Gerry Reasbeck: Oui. En gros, ces trois articles, les articles 3, 4 et 5 de la Loi sur les aliments et drogues, sont très clairs dans le contexte de nos fins. Ce sont là des articles que nous appliquons universellement à tous les produits présentés comme étant des aliments.

La difficulté survient lorsqu'il s'agit de déterminer si ces produits de santé naturels sont des aliments ou des drogues. Les articles de loi eux-mêmes prévoient des interventions suffisantes et ne posent généralement pas de problème lorsque nous les appliquons à tous les autres produits alimentaires.

M. Grant Hill: Il y en a qui disent qu'il y a un vide sur le plan législation, lois ou règlements. À votre avis, cela n'est-il pas vrai? Êtes-vous d'avis que les textes de loi sont clairs, simples et faciles à comprendre?

• 0935

M. Gerry Reasbeck: En ce qui concerne les interdictions actuelles prévues dans la Loi sur les aliments et drogues—et, comme je l'ai dit, elles s'appliquent à tous les aliments—celles-ci sont tout à fait applicables et ne posent absolument aucun problème pour nous.

Comme je l'ai déjà dit, et comme vous l'avez vous-même mentionné, le problème ici est celui de déterminer si un produit à base d'herbes ou de plantes relève de la catégorie aliments.

S'il peut être classé sous la rubrique aliments, nous n'avons aucun problème quant à l'application de la loi.

M. Grant Hill: Très bien. Vous avez expliqué le problème, et nous avons assez souvent entendu cela. Pourriez-vous passer au stade suivant et nous dire dans quelle direction nous devrions aller de l'avis de l'Agence d'inspection des aliments? Vous avez écouté le comité; c'est formidable. Mais, si vous le pouvez, donnez-nous votre solution.

M. Gerry Reasbeck: Très bien. Premièrement—et vous avez vous- même soulevé cette question—il y a la question des drogues versus les aliments. Les définitions existantes contenues dans la Loi sur les aliments et drogues sont raisonnablement claires. Mais il y aurait peut-être lieu de clarifier leur application aux produits à base d'herbes et de plantes. Cet éclaircissement serait utile à l'Agence canadienne d'inspection des aliments ainsi qu'à la population canadienne.

M. Grant Hill: Votre ministère compte-t-il des experts dans ce domaine? Y a-t-il des gens chez vous qui pourraient nous conseiller à cet égard? Avez-vous au sein de l'agence des experts en matière de produits naturels?

M. Gerry Reasbeck: Nous avons beaucoup de compétences dans le domaine des aliments en général. Pour ce qui est des produits à base d'herbes et de plantes, je dirais que nous sommes sur une courbe d'apprentissage, comme c'est le cas de nombreux autres intervenants dans cette industrie nouvelle en développement.

C'est un nouveau domaine pour nous aussi, alors nous n'avons pas encore énormément de compétences en la matière.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais revenir sur la question des inspections. Nous avons entendu des témoignages selon lesquels il arrive souvent que plusieurs inspecteurs rendent visite en même temps aux mêmes détaillants, importateurs, ou autres. J'aimerais savoir s'il y a de la coordination à ce niveau. Y a-t-il quelqu'un qui ouvre le bal dans ce domaine? Y a-t-il au sein du système un certain pouvoir discrétionnaire? Dans l'affirmative, qui le détient ce pouvoir?

M. Gerry Reasbeck: Comme nous l'avons souligné tout à l'heure, il y a deux agences qui interviennent—il y a les gens qui s'occupent des produits thérapeutiques et nous autres—et il y a une certaine liaison sur le terrain. S'il surgit des questions qui concernent de façon durable des problèmes de réglementation, alors des discussions sont organisées avec le personnel chargé des inspections dans les régions. Si des discussions sont engagées, c'est une façon d'éviter ce genre de situation.

Quant à notre propre intervention là-dedans, nous ne sommes pas très actifs dans l'application de règlements aux produits à base d'herbes et de plantes. J'ai déjà dit que ce n'est pas une question très prioritaire pour nous. L'on ne peut donc pas dire qu'on se croise souvent chez des détaillants ou dans des usines de fabrication. Nous sommes principalement intéressés par les produits alimentaires de base et par la question de savoir si les aliments en vente satisfont les exigences des règlements.

En ce qui concerne le détail, le gros de notre travail d'exécution de la loi est réactif et vise principalement l'inspection des importations, le contrôle des frontières. Je dirais que ce travail compte pour 68 p. 100 de nos activités. Je peux vous dire qu'entre le 1er avril 1997 et mars de cette année, 68 p. 100 de nos interventions ont eu lieu à la frontière, avec des importations. Seul 1,8 p. 100 de nos interventions ont visé le détail.

Nous nous intéressons également à la distribution et à la fabrication, mais nos interventions ici se limiteraient à environ 18 p. 100 au niveau de la fabrication et 12 p. 100 au niveau de la distribution.

Il est donc très peu probable que l'on s'obstine les uns les autres lorsqu'il s'agit de décider si un produit donné est ou non conforme aux exigences.

M. Lynn Myers: Merci. J'aimerais maintenant discuter un instant de nos bonnes pratiques de fabrication. Rappelez-le-moi encore: y a-t-il au niveau des BPF des normes différentes pour les aliments et les drogues?

• 0940

M. Gerry Reasbeck: Dans le cas des aliments, il n'y a pas de loi ou de règles en place établissant des BPF. Il y a des lignes directrices produites il y a quelques années par Santé Canada. Y sont données des dispositions générales destinées à être suivies par les fabricants de produits alimentaires et le personnel d'inspection, mais il n'y a pas de règles précises dont le respect est contrôlé. Il s'agit de lignes directrices volontaires.

En plus de ces lignes directrices pour les aliments, il y a diverses bonnes pratiques de fabrication volontaires et plus précises visant des produits particuliers, comme par exemple les conserves à faible taux d'acidité, etc.

En ce qui concerne les produits thérapeutiques, je ne peux rien vous dire au sujet de BPF en particulier.

M. Lynn Myers: Toujours au sujet de cette question, en réponse à une question précédente à la deuxième page, vous dites que des éclaircissements s'imposent et que la situation est devenue confuse quant à la distinction entre les aliments et les drogues. Vous avez répété cela il y a un instant.

Vous avez poursuivi en disant qu'une clarification de l'application s'imposait. Cela inclut-il la nécessité d'une troisième catégorie, ou bien n'êtes-vous pas prêt à vous prononcer là-dessus?

M. Gerry Reasbeck: Eh bien, je pense que nous attendons avec impatience les résultats des délibérations du comité. Un certain nombre d'autres groupes consultatifs sont actifs au sein de Santé Canada. Je pense que nous voudrions nous réserver de rendre une décision relativement à une troisième catégorie.

Comme le sait sans doute le comité, les États-Unis ont une troisième catégorie, qui a été établie en vertu d'une loi spéciale en 1994. L'expérience américaine intéresserait peut-être le comité. J'ignore si le comité serait désireux d'entendre des témoignages de représentants américains.

À l'heure actuelle, nous sommes à la recherche d'un régime qui fonctionne. Nous sommes à la recherche d'un régime qui fonctionnera et qui facilitera nos activités d'exécution de la loi.

M. Lynn Myers: J'ai été intéressé par le paragraphe au milieu de la page 6 de la version française du mémoire, sur les infractions en matière d'étiquetage et la fraude économique. Vous dites que l'agence prend des mesures correctrices. Pourriez-vous nous expliquer un peu mieux cela à la lumière des témoignages que nous avons entendus de personnes qui ont dit, écoutez, il nous faut savoir s'il y a des contre-indications, s'il y a des problèmes. Nous aimerions que l'étiquetage nous aide à cet égard.

Pourriez-vous nous expliquer l'actuel système et la façon dont vous vous proposez de le changer ou bien les mesures correctrices qui sont en train d'être prises? Pourriez-vous nous expliquer un petit peu mieux cela?

M. Gerry Reasbeck: D'accord. Les mesures correctrices—et ceci concerne les fausses déclarations et la fraude en général—que nous sommes en train de prendre à l'égard de produits à base d'herbes et de plantes sont essentiellement les mêmes que celles que nous prenons dans le cas d'autres aliments vendus sur le marché.

S'il y a des plaintes ou si des inspecteurs constatent qu'il y a présentation trompeuse d'un produit ou fraude, nous faisons une enquête. Nous examinons le produit. Nous examinons l'étiquette. Nous rendrons peut-être visite aux installations où le produit a été manufacturé pour déterminer si les renseignements qui figurent sur l'étiquette correspondent en fait à l'analyse du produit.

Notre rôle ici est donc le même que pour n'importe quel autre produit alimentaire. Nous menons une enquête pour déterminer si le produit est bien ce qu'il paraît être.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments ne serait aucunement en mesure d'assurer le contrôle de la qualité ou la surveillance pour cette industrie. La production alimentaire est essentiellement comme tout autre processus. Notre rôle est de veiller à ce qu'il y ait conformité et d'assurer une certaine surveillance, mais non pas d'assurer un quelconque contrôle de la qualité ou un processus de tests analytiques.

M. Lynn Myers: À l'heure actuelle, compile-t-on au Canada des données sur les effets négatifs d'herbes? Êtes-vous au courant de quelque chose du genre?

M. Gerry Reasbeck: Effets négatifs?

M. Lynn Myers: Réactions indésirables.

M. Gerry Reasbeck: Pas que je sache. Je pourrais adresser la question à mon collègue, M. Conacher.

La présidente: Monsieur Myers, aimeriez-vous que M. Conacher vous fournisse une réponse?

M. Lynn Myers: Oui. Je serais intéressé par toute donnée sur des réactions indésirables constatées par suite de la consommation de produits à base d'herbes.

La présidente: Je vous demanderai de répondre brièvement.

M. Harry Conacher: Il n'y a en place aucun système de cueillette de tels renseignements, pas plus qu'il n'en existe pour un quelconque autre aliment.

Évidemment, lorsque nous faisons nos analyses des risques pour la santé de ces produits, nous comptons très largement sur le genre de renseignements dont vous parlez. Des renseignements épidémiologiques peuvent venir du Canada ou d'ailleurs, et ces renseignements sont intégrés à nos évaluations de risque. Mais il n'y a au Canada aucun système de cueillette de renseignements sur les réactions indésirables provoquées par des herbes et des plantes vendues comme aliments.

M. Lynn Myers: Devrait-il y en avoir un?

• 0945

M. Harry Conacher: Ce serait bien d'avoir en place un tel système pour tous les aliments afin que l'on puisse déterminer à quoi attribuer une réaction indésirable.

Vous avez peut-être entendu que la Direction générale de la protection de la santé est en train de se renouveler. Dans le cadre de ce processus de renouvellement, il est question d'envisager la possibilité d'élaborer des systèmes de surveillance pour rapporter les maladies humaines et en retracer l'origine, qu'il s'agisse d'aliments ou d'autres choses. Cela est en train d'être envisagé dans le cadre de la réorganisation en cours de la Direction générale de la protection de la santé, et c'est un processus de trois ans. La première année est terminée, et nous entamons la période des deux années suivantes. Nous espérons qu'à l'issue du processus un système sera en place.

La présidente: Merci.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci.

Comme vous le mentionnez dans votre mémoire, la création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments est assez récente. Si j'ai bien compris, cela s'inscrit dans une restructuration générale qui s'est opérée au sein du gouvernement et qui a été en partie amenée par la nécessité d'assurer une meilleure efficience et de réaliser des économies.

L'on a épisodiquement entendu des questions au sujet de la capacité actuelle de notre système de garantir véritablement la sécurité de nos aliments. Par conséquent, la question de savoir si nous avons en place l'infrastructure nécessaire pour vraiment garantir que les produits qui arrivent dans ce pays sont en tout temps sûrs se rapporte directement à ce que nous devons faire en tant que comité en ce qui concerne les produits de santé naturels.

On a l'impression que le processus que nous avons à l'heure actuelle est plutôt réactif. Nous n'aurions pas un nombre suffisant d'inspecteurs pour intervenir de façon non sollicitée. La sécurité des aliments est en grande partie déterminée en fonction de la satisfaction de certains critères sur papier.

Les gens ont l'impression que l'on a perdu quelque chose d'important quant à notre capacité de repérer les problèmes avant qu'ils ne surviennent et de pouvoir intervenir tout de suite au lieu d'attendre que quelque chose arrive. Certains ont dit que nous n'avons même pas dans ce pays la capacité de nous occuper d'un problème comme celui qui est survenu en Chine avec le poulet. J'ignore si c'est là une exagération. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la capacité que nous avons à l'heure actuelle.

Toujours dans ce même contexte, les gens ont fait état de certaines inquiétudes qu'ils ont à l'égard de produits alimentaires qui sont aujourd'hui sur le marché et qui ont été génétiquement modifiés. Nous n'avons pas de système qui exige un étiquetage spécial ou qui s'appuie sur une masse de travaux de recherche et qui garantisse la sécurité des aliments.

Vient s'ajouter à cela une question que j'ai soulevée la semaine dernière au sujet de l'hormone de croissance bovine. J'en ai discuté avec un certain nombre de producteurs de lait, et ce que j'ai compris est que ce produit est en fait largement utilisé à l'heure actuelle, bien qu'il n'ait pas été approuvé.

Je soulève toutes ces questions dans le but de cerner la capacité que nous avons à l'heure actuelle pour ce qui est des aliments et des transformations survenues dans les produits alimentaires, afin que nous comprenions mieux ce qu'il nous faut faire à l'égard des produits naturels de santé.

M. Gerry Reasbeck: Merci. Vous soulevez plusieurs très importantes questions.

Premièrement, oui, l'agence est nouvelle. Elle est la consolidation des activités de quatre agences fédérales. Il est certain que des questions d'efficience et d'économies d'échelle ont compté parmi les principaux motifs de cette initiative.

L'une des autres raisons principales était que l'on voulait abandonner le système d'inspection alimentaire qui s'appuyait sur quatre organes distincts, pour les réunir tous en une seule et même entité, dans le but de résoudre les différences d'interprétation, les différences dans l'application des règles, etc., qui s'étaient immiscées dans le système au fil des ans. Comme vous le savez, certaines de ces agences étaient vieilles de 75 ans.

Nous avons donc maintenant une nouvelle agence. Cela nous offre une bonne occasion pour nous occuper de ce genre de questions et du genre de choses qui vous préoccupent. Nous avons maintenant la capacité de faire intervenir ces ressources de manière à, par exemple, mettre davantage l'accent sur la surveillance des importations et l'application efficace des règles.

Vous avez demandé si nous sommes réactifs plutôt que proactifs. Dans l'histoire canadienne de l'inspection alimentaire, il n'a jamais été possible pour les agences de réglementation d'être partout et d'inspecter tous les aliments. Il y a certainement un nombre important d'établissements enregistrés et non enregistrés dans le pays ainsi qu'un grand nombre d'importateurs.

Par conséquent, l'agence a toujours, et continuera sans doute toujours d'identifier les mauvais joueurs grâce à un processus d'inspection, grâce à des plaintes et grâce au service de renseignements sur le marché. Nous concentrerons alors nos efforts sur ces mauvais joueurs et veillerons à ce que leur situation soit corrigée.

• 0950

Nous ne pouvons pas être partout. Nous nous efforçons de passer par le processus d'inspection du système, des établissements de fabrication et des importateurs. Nous nous efforçons cependant de viser certains secteurs en particulier.

Le HACCP a été identifié comme étant l'une des voies du futur pour veiller à ce que l'industrie prenne elle-même les mesures appropriées pour protéger le public. Étant donné que nous ne pouvons pas être partout et que nous n'en avons de toute façon pas les moyens, l'introduction du HACCP...

Le HACCP est le système des points de contrôle critiques pour l'analyse des dangers. Ce sont les entreprises qui cerneront les points de contrôle critiques au sein de leurs opérations de transformation. Elles seront dotées d'un plan pour les contrôler et l'agence veillera à ce que tout cela se fasse. Il s'agit donc d'un moyen qui nous permettra peut-être d'étendre notre marge de manoeuvre en veillant à ce que ces entreprises se dotent de systèmes adéquats.

Je vais maintenant passer à la question de l'étiquetage par suite d'interventions biotechnologiques. Il s'agit, certes, d'une question très controversée. En ce qui concerne l'étiquetage, l'Agence canadienne d'inspection des aliments est responsable de l'élaboration de l'approche canadienne et de la consultation du public sur l'orientation que nous devrions emprunter.

Nous avons jusqu'ici eu trois consultations d'envergure. Ces consultations ont fait intervenir la quasi-totalité des parties prenantes au Canada. Comme ce sera le cas dans ces consultations, les deux extrémités de la courbe en cloche interviennent: il y a ceux qui disent que la meilleure chose est de laisser faire et que l'on n'a pas besoin de beaucoup d'étiquetage et il y a ceux qui prônent l'étiquetage systématique, pour couvrir toutes les possibilités.

De façon générale, ce qui s'est passé dans le cadre du processus de consultation... c'est une position que nous avons communiquée à l'échelle internationale par l'intermédiaire de la Commission Codex Alimentarius. Le comité du Codex sur l'étiquetage des aliments se penche en fait sur cette question et, si j'ai bien compris, on vous a fait une présentation sur le système Codex.

La démarche que nous proposons à l'heure actuelle vise le problème de santé ou de sécurité qui survient, par exemple, lorsqu'on introduit un allergène alimentaire d'une arachide dans une tomate. Dans un tel cas, il faudrait qu'il y ait étiquetage, car certains éléments de la population canadienne seraient sensibles à ce genre de choses.

La deuxième démarche est que s'il y a des changements nutritionnels ou de composition très importants dans des aliments traditionnels ou conventionnels, alors ici encore les consommateurs canadiens ont le droit et la nécessité de le savoir. Supposons que vous avez un produit qui est traditionnellement faible en matière grasse monoinsaturée. Si par suite d'une modification génétique, le produit se retrouve avec une forte teneur en matière grasse saturée, alors le profil des acides gras a changé et les consommateurs doivent le savoir.

Nous nous concentrons donc sur les questions clés qui touchent la santé et la sécurité, au lieu de préconiser un étiquetage systématique. L'une des raisons pour lesquelles nous ne sommes pas en faveur d'un étiquetage systématique est qu'il y a un grand nombre d'aliments qui ont été modifiés. Dans le cas d'un aliment à ingrédients multiples, il pourrait y avoir multiplication des étiquettes, le marché pourrait en être recouvert, car même si l'ingrédient ou la composante n'est présent dans le produit qu'en quantité infime, il faudrait néanmoins qu'il soit identifié.

L'Europe est elle aussi confrontée à cette question, et il serait peut-être intéressant... je songe au comité du Codex sur l'étiquetage des aliments qui va se réunir en mai. Nous allons l'accueillir au Canada. Le comité va de nouveau être saisi de cette question en mai.

En ce qui concerne l'hormone de croissance bovine, nous aimerions bien savoir qui utilise ce produit. Sa vente et son utilisation ne sont en tout cas pas autorisées dans ce pays. Ce produit n'a pas été approuvé par Santé Canada. Alors si quelqu'un dispose de renseignements là-dessus, cela nous intéresserait de les avoir car nous pourrions y donner suite.

La présidente: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci de votre présentation, monsieur Reasbeck. La question de l'étiquetage semble être fondamentale dans le contexte de ce dont est saisi le comité. Si vous me le permettez, j'aimerais que vous me disiez un petit peu... je vais vous poser quelques petites questions rapides.

En dépit de la consolidation, etc., qui me paraît logique, êtes-vous prêt à confirmer au comité que la philosophie, les fondements ou les principes appliqués en matière d'étiquetage, etc., sont identiques ou resteront en harmonie entre Agriculture Canada et Santé Canada?

• 0955

M. Gerry Reasbeck: Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir compris votre question.

M. Paul Szabo: Chantons-nous la même chanson?

M. Gerry Reasbeck: En ce qui concerne la collaboration relativement à l'élaboration de règlements et à l'établissement de politiques, l'établissement de politiques relatives à la santé et à la sécurité est du ressort et de la responsabilité de Santé Canada. Nous sommes très intéressés par l'élaboration de ces politiques et avons un vif et actif intérêt dans les délibérations en cours relativement aux produits à base d'herbes et de plantes. Nous avons et avons toujours eu une solide relation de coopération avec Santé Canada, et nous nous attendons à ce que cela se poursuive.

M. Paul Szabo: Très bien.

Ce que vous avez dit renforce une préoccupation que j'ai: il existe le risque qu'un élément de l'inspection des aliments ou de la santé des Canadiens soit poussé par un programme et qu'au sein d'un autre ministère ce soit quelque chose de tout à fait différent, ce qui pourrait déboucher sur des normes et des principes différents.

En ce qui concerne l'étiquetage, vous avez parlé «du droit et de la nécessité de savoir» des consommateurs, et vous avez parlé de la santé et de la sécurité. Lorsque vous parlez de l'étiquetage, parlez-vous tout simplement de renseignements au sujet des ingrédients, du contenu, etc., ou bien incluez-vous également vos exigences, avertissements ou mises en garde donnés sur les étiquettes pour avertir les consommateurs de problèmes potentiels en cas d'utilisation d'un produit donné d'une certaine façon?

M. Gerry Reasbeck: Encore une fois, le partage des responsabilités entre Santé Canada et nous-mêmes doit être clairement explicité. Lorsque l'agence a été créée, Santé Canada a conservé son pouvoir absolu en matière de santé, d'établissement de politiques et d'adoption de règlements relativement à la santé. Quant aux avertissements du genre «peut contenir de l'arachide» ou «peut contenir un allergène alimentaire potentiel», c'est à lui qu'il revient de décider s'ils sont nécessaires. C'est à lui qu'il revient de décider, dans l'intérêt de la protection de la santé et de la sécurité du public, si une telle mise en garde sur une étiquette est nécessaire. C'est lui qui prendrait la décision et c'est nous qui l'appliquerions.

M. Paul Szabo: Santé Canada va donc continuer d'être la racine, si je peux dire.

M. Gerry Reasbeck: Oui.

M. Paul Szabo: Très bien.

L'alcool est-il un aliment ou une drogue?

M. Gerry Reasbeck: C'est un aliment.

M. Paul Szabo: C'est un aliment?

M. Gerry Reasbeck: Voici. La Division 2 des règlements relatifs aux aliments et aux drogues établit des normes pour les boissons alcoolisées et il y a également des exigences en matière d'étiquetage applicables aux boissons alcoolisées. Lorsque nous sommes dans le mode exécution, nous vérifions que les renseignements essentiels figurent sur l'étiquette et nous cherchons à veiller à ce que le produit soit ce qu'il est censé être. De notre point de vue, donc, nous imposons ces dispositions dans le contexte de la reconnaissance de l'alcool comme étant un aliment.

M. Paul Szabo: Monsieur Reasbeck, au tout début de votre déclaration, vous avez décrit ce qui constitue un aliment et ce qui constitue une drogue. Vous avez dit que les aliments ne posent aucun risque quelle qu'en soit la quantité consommée, tandis que les drogues sont toxiques si on en consomme trop. Sur la base de ce que vous avez dit au comité, l'alcool est une drogue et non pas un aliment, mais vous venez de nous dire qu'il s'agit d'un aliment. Quelle direction devons-nous emprunter ici?

M. Gerry Reasbeck: Je ne suis pas certain que ce soit à moi qu'il revienne de décider s'il s'agit d'un aliment ou d'une drogue. Ce que je peux vous dire c'est qu'il y a des normes en matière de composition qui sont établies pour les boissons alcoolisées dans le cadre des règlements visant les aliments et drogues. Il y a également des règles en matière d'étiquetage applicables aux boissons alcoolisées. L'Agence d'inspection des aliments s'occupe de faire respecter ces règles. Ce n'est pas à nous de décider si une boisson alcoolisée peut avoir des caractéristiques ou des propriétés comparables à celles d'une drogue. Il s'agit là d'une décision que devra prendre Santé Canada.

M. Paul Szabo: Vous avez parlé de la consultation du public sur ses perceptions. Je pense que cela est utile. Un sondage a été effectué dans le cadre de la stratégie nationale sur les drogues... Si je me souviens bien, lors du dernier sondage, près de 70 p. 100 des Canadiens interrogés ont dit être favorables à l'idée d'étiquettes d'avertissement-santé sur les contenants de boissons alcoolisées. Or, Santé Canada n'exige pas que de telles étiquettes soient apposées sur les contenants de boissons alcoolisées, malgré le fait que l'appui du public soit très fort—extrêmement fort, compte tenu du caractère intrusif de ce genre d'étiquette.

• 1000

Étant donné l'actuelle politique relative à l'étiquetage des boissons alcoolisées, dans quelle mesure pensez-vous qu'il soit pertinent de consulter les Canadiens si Santé Canada n'intervient même pas lorsque l'appui public atteint les 70 p. 100?

M. Gerry Reasbeck: Je ne pense pas vouloir me prononcer sur les activités de Santé Canada ni sur la question de savoir si la consultation que ce ministère a menée a été ou non efficace. Nous n'avons pas vraiment participé à cela.

M. Paul Szabo: Enfin, en ce qui concerne la question des produits génériques, pensez-vous que l'étiquetage qui sera peut- être requis pour les remèdes non conventionnels et tous les autres produits génériques sur lesquels le comité est en train de se pencher... à votre avis, l'étiquetage serait-il avantageux, non seulement en ce qui concerne le contenu, mais, ce qui est plus important, en ce qui concerne d'éventuels avertissements ou mises en garde?

M. Gerry Reasbeck: Encore une fois, il s'agit là d'une décision dont la responsabilité revient à Santé Canada.

M. Paul Szabo: Très bien.

La présidente: Je vais utiliser ma prérogative pour poser une question.

La raison pour laquelle je vous ai interrogé sur ce que vous avez dit tout à l'heure... à la page 6, vous parlez de tous les aliments, mais vous entendez par là tous les aliments empaquetés, n'est-ce pas? Lorsque je vous ai interrogé tout à l'heure au sujet du deuxième paragraphe à la page 6 de la version française du mémoire, tous les aliments empaquetés... Je ne pense pas que pour le raisin on indique que des pesticides ont pu être utilisés. Voulez-vous parler de tous les produits alimentaires empaquetés?

M. Gerry Reasbeck: Oui, tous les produits alimentaires empaquetés.

La présidente: Très bien.

M. Gerry Reasbeck: Vous songez aux aliments vendus en vrac.

La présidente: Je songe au raisin qui a été traité avec des pesticides, lorsqu'il est importé, et ainsi de suite. Lorsque vous avez dit «tous les aliments», j'ai été confuse, car je n'ai jamais vu d'étiquette sur le raisin que j'achète.

Y a-t-il moyen ou avez-vous les ressources nécessaires pour vérifier l'étiquetage pour des choses comme, par exemple, tous les additifs qui entrent dans la composition d'un produit alimentaire? Je songe à la santé de Canadiens qui consomment ces produits, qui sont peut-être allergiques aux additifs, aux saveurs artificielles, aux colorants et aux hormones que l'on retrouve dans les aliments pour animaux. Nous ne savons pas ce qui arrivera aux gens qui consomment de la viande prise sur les carcasses d'animaux qui ont été traités aux hormones. Je songe également aux antibiotiques dont sont aspergés des aliments et qui sont donnés aux bêtes, je songe aux fruits et aux agents de conservation...

Avez-vous les ressources nécessaires et pensez-vous qu'il y ait moyen de vérifier ce genre de choses? Pouvez-vous envisager une façon d'étiqueter ces produits afin que les Canadiens sachent, lorsqu'ils achètent de la viande, ce que ces animaux ont consommé? Il y a des résidus de pesticides sur les aliments qui entrent au pays. Nous pouvons les interdire ici, mais ces pesticides sont sur les aliments que nous consommons.

Je vous pose ces questions car elles ont été soulevées par des personnes qui ont des allergies et autres choses du genre et qui ne savent pas ce qu'elles mangent. Par ailleurs, le sentiment général chez les gens qui utilisent des produits à base d'herbes est que certains de ces produits traités pourraient avoir des effets néfastes sur tous les habitants de la planète d'ici quelques années. Or, il ne semble pas que l'on soit en train de se bousculer pour retirer tous ces produits du marché du fait qu'ils contiennent quelque chose qui pourrait nuire aux femmes enceintes ou aux générations futures.

Vous semblez être très zélé quant au contrôle des produits à base d'herbes mais vous n'êtes pas très préoccupé par ces grosses choses qui pourraient nous affecter tous, non pas parce que nous achetons un produit à base d'herbes mais parce que nous mangeons tous les jours des aliments de tous les jours.

Je sais que je vous bombarde de questions. Cela pourrait sans doute faire l'objet d'une étude sur quatre ans, mais ces gens comparaissent devant nous et disent qu'on s'attaque à eux alors qu'il y a tous ces autres gros problèmes auxquels on ne s'intéresse semble-t-il pas. Y aurait-il moyen pour vous d'intervenir là- dedans?

Voilà une grosse question pour vous.

M. Gerry Reasbeck: Tout d'abord, il y a, et ce depuis de nombreuses années, des programmes de surveillance continue visant des choses comme les résidus de produits chimiques. Nous avons des laboratoires qui font des analyses et nous gérons des projets d'analyse permanents visant ces domaines où il pourrait y avoir des problèmes potentiels: résidus de produits chimiques, résidus de pesticides et ainsi de suite.

• 1005

La présidente: Il y a eu beaucoup d'études de faites par beaucoup de gens dans beaucoup de pays, mais nous autres consommateurs ne sommes pas au courant de ces choses. Rien n'est étiqueté. Y a-t-il...

M. Gerry Reasbeck: Nous n'entreprenons pas d'étiqueter—la difficulté est que le règlement sur les aliments et drogues s'applique aux ingrédients, composantes ou additifs alimentaires qui se trouvent dans le produit alimentaire lui-même. La difficulté ici est que faire s'appliquer le règlement sur les aliments et drogues à quelque chose qui a peut-être été fait pendant la croissance d'une culture donnée ou la production d'un animal donné afin que cela figure sur une étiquette... l'actuel règlement sur les aliments et drogues ne prévoit pas cela.

La présidente: Même si l'on sait que c'est mauvais pour nous ou que ce pourrait l'être?

M. Gerry Reasbeck: La question est de savoir si c'est universellement reconnu comme étant mauvais au point où une loi ou un règlement devrait être mis en place.

Par exemple, le règlement sur les aliments et drogues prévoit depuis longtemps des seuils de tolérance maximum pour les résidus ou les produits chimiques qui sont présents dans les produits alimentaires. Le règlement établit de très bonnes marges de sécurité et nous faisons ce genre d'analyses.

La présidente: Combien de personnes se consacrent à cela dans tout le pays?

M. Gerry Reasbeck: Nous avons 51 personnes dans quatre laboratoires répartis dans le pays. Il me faudrait demander les chiffres exacts pour vous pour ce qui est de... Vous parlez des personnes qui travaillent dans les laboratoires?

La présidente: Juste les personnes qui se préoccupent de ma santé.

M. Gerry Reasbeck: Nous nous préoccupons tous de votre santé.

La présidente: Je n'en suis pas convaincue.

Poursuivons. C'est une question vaste et vague.

M. Gerry Reasbeck: Je regrette, mais je n'arrive peut-être pas au coeur de votre question.

La présidente: Il y a beaucoup de mauvaises choses qui ne semblent pas beaucoup préoccuper les gens.

M. Gerry Reasbeck: Je peux voir que vous, vous êtes très préoccupée.

La présidente: Monsieur Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci, madame la présidente.

Imaginons que je décide de devenir propriétaire d'un magasin de produits naturels et qu'après avoir constaté une forte demande de la part du public, je décide de vendre dans mon magasin de la pommade à la progestérone. Que m'arriverait-il?

M. Gerry Reasbeck: De la pommade à la progestérone...?

M. Harry Conacher: De la pommade à la progestérone... J'imagine que la Direction générale des produits thérapeutiques discuterait de cela avec vous.

M. Reed Elley: Que feraient-ils? Quelles mesures prendriez- vous?

M. Harry Conacher: Je pense qu'il vous faudrait poser ces questions à la Direction générale des produits thérapeutiques. Nous représentons ici le programme de produits alimentaires, et pour Santé Canada et pour l'agence. Pour ce qui est de ce genre de questions, d'après ce que j'ai compris, c'est traité comme une drogue, mais il vous faudrait poser ce genre de questions à Dann Michols et à ses collègues.

M. Reed Elley: Vous n'auriez donc rien à voir avec cela du côté des inspections des aliments.

Voyons maintenant la liste qui a été annexée à votre mémoire. Herbes aromatiques et préparations d'herboristerie évaluées par la Direction des aliments et considérées ne pas convenir pour des aliments consommés sans restriction—vous avez une liste de neuf produits, puis il y a des additions plus récentes à la liste. Ces sept produits sont-ils aujourd'hui interdits?

M. Harry Conacher: Les neuf produits et les sept produits constituent ensemble les 16 dont j'ai discuté la dernière fois que j'ai comparu devant vous. Je vous ai également donné un exemple, en utilisant l'un d'eux, de la façon dont nous menons une évaluation du risque. J'ai également expliqué que selon les résultats des délibérations du comité et à supposer que ces produits ne soient pas classés comme étant des drogues, nous entreprendrions des consultations avec les parties prenantes, relativement non seulement à ces 16 produits, mais également à ceux qui figurent aux annexes 705 et 64, ce dans le but d'exprimer nos préoccupations relativement à leur consommation en tant qu'aliments et à ce qui pourrait peut-être être fait dans le contexte de la situation dans son ensemble.

• 1010

C'est ce que nous envisageons de faire suite aux délibérations du comité, quel qu'en soit le résultat. Si ces produits ne sont plus considérés comme étant des aliments, alors nous n'interviendrons pas. Ce serait alors à la Direction générale des produits thérapeutiques qu'il reviendrait de faire le gros du travail.

M. Reed Elley: Si quelqu'un vendait ces produits dans un magasin de produits de santé naturels, des gens de chez vous iraient-ils dans le magasin pour en discuter avec les gens?

M. Gerry Reasbeck: Il est certain que si nous repérions ce produit, nous attirerions là-dessus l'attention de la Direction générale des produits thérapeutiques.

M. Reed Elley: Celle-ci entreprendrait-elle une confiscation à ce stade-là?

M. Gerry Reasbeck: Il lui faudrait décider des mesures à prendre.

M. Reed Elley: Si j'ai bien compris, la plupart des neuf premiers ont été portés à l'attention de Santé Canada sur la base de renseignements anecdotiques. Savez-vous s'il existe au sujet de ces neuf premiers produits des études exhaustives indiquant qu'ils poseraient un risque grave pour les Canadiens?

M. Harry Conacher: Je ne dirais pas que le dossier de tous ces produits s'appuie sur des renseignements anecdotiques.

M. Reed Elley: Des études ont donc été faites.

M. Harry Conacher: Certaines études ont été faites... Pas forcément par Santé Canada, mais ailleurs. Je pense avoir dit que nous recueillons des renseignements dans des documents scientifiques et dans des rapports de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ainsi qu'auprès d'inspecteurs qui communiquent directement avec nous relativement à leurs préoccupations. Nous recueillons un maximum d'informations auprès de toutes les sources disponibles. Nous appuyons notre évaluation sur ce que nous avons, et dans bien des cas, nous ne disposons pas de beaucoup de renseignements.

M. Reed Elley: Ce sont là les renseignements dont je dispose... que le gros des renseignements de Santé Canada relativement aux neuf premiers ne sont pas le fruit d'études approfondies, de gros travaux ou de constats de risques graves pour la santé. Il s'agit pour la plupart de renseignements anecdotiques, et c'est le cas surtout pour le chaparral et l'éphédra. D'après certains renseignements dont je dispose, il y aurait plus d'éphédra dans un produit comme le Dristan, qui est en vente libre dans les pharmacies, qu'il n'y en a dans l'éphédra que vous achetez au magasin de produits de santé naturels.

Je pense qu'il y a de graves contradictions dans la façon dont on s'occupe de certaines choses dans ce pays. Nous sommes en train d'examiner ces contradictions et nous espérons en arriver à quelque chose qui nous permette de sortir de cette situation ridicule dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle dans ce pays.

Je sais que je fais l'impression d'un vieux disque, mais je reviendrai au cas du beurre d'arachide, à titre d'exemple. J'ai une fille qui est très allergique au beurre d'arachide. Si elle en consomme, elle s'effondre dans un état anaphylactique, mais je n'ai encore jamais vu de pot de beurre d'arachide portant ce genre d'avertissement dans ce pays. Je pense que c'est là une honte. Cela fait ressortir qu'il y a des illogismes dans notre démarche vis-à- vis des aliments et de leurs effets néfastes possibles pour les Canadiens. J'ignore comment nous allons résoudre le problème, mais il nous faut faire quelque chose.

M. Harry Conacher: Je répondrai de façon générale à cette question en disant qu'il y a environ sept ans nous avons reconnu que les allergènes alimentaires étaient un problème potentiel. Nous n'en savions pas grand-chose à l'époque.

Nous avons lancé un programme de recherche au sein de mon bureau. Nous avons créé un groupe de travail entre l'Agence d'inspection des aliments et nous-mêmes et nous l'avons chargé d'examiner la possibilité que soient étiquetés les produits alimentaires contenant non seulement des arachides mais tout autre allergène alimentaire ayant été identifié comme posant problème. Nous avons établi une liste d'allergènes que nous considérions comme étant prioritaires, surtout ceux qui provoquaient l'anaphylaxie. C'est un programme qui est en place depuis six ou sept ans et auquel un rang de priorité élevé a été accordé par nos ministères respectifs.

Je soulignerai que nombre des rappels de produits alimentaires survenus au cours des quatre ou cinq dernières années ont été liés à la détection de traces d'allergènes. Je ne parle pas ici du beurre d'arachide. Je parle de quantités minuscules de produits qui sont liés à des maladies et à des décès. Je peux donc dire que nous nous en occupons. Cela s'est certainement vu accorder dans le volet aliments de Santé Canada un rang de priorité supérieur à celui accordé aux produits à base d'herbes et de plantes.

• 1015

M. Gerry Reasbeck: J'aimerais ajouter un certain nombre de points.

La question des allergènes alimentaires est extrêmement importante et c'en est une que l'agence reconnaît clairement comme étant pressante.

Ma propre organisation intervient vraisemblablement dans 90 p. 100 des rappels de produits alimentaires. Il s'agit là d'une tâche dont nous avons hérité de Santé Canada et nous nous occupons de questions de traces de contaminants et de contaminants non déclarés qui sont des allergènes alimentaires.

Le comité du Codex sur l'étiquetage des aliments se penche lui aussi sur une exigence visant la déclaration, sur toutes les étiquettes de produits alimentaires, de la présence des huit allergènes clés qui provoquent l'anaphylaxie. Le Canada et nous- mêmes sommes très proactifs quant à la déclaration formelle sur les listes d'ingrédients d'allergènes alimentaires à haut risque, et nous défendons ce point de vue à l'échelle internationale au comité du Codex sur l'étiquetage des produits alimentaires.

M. Reed Elley: Je pense qu'il y aurait lieu d'inscrire le tabac, et surtout le tabac à chiquer, dans la même catégorie.

M. Gerry Reasbeck: Le tabac à chiquer—c'est là un produit auquel nous pourrions réfléchir.

M. Reed Elley: Nous n'en interdisons pas la vente.

La présidente: Lynn Myers.

M. Lynn Myers: Merci, madame la présidente.

J'avais encore une autre question pour M. Reasbeck.

Dans le courant de nos audiences, nous avons entendu beaucoup de gens de l'industrie et de consommateurs parler des effets économiques de l'inscription des produits de santé naturels dans la sphère des produits réglementés et notamment du versement des aliments à la catégorie des drogues.

J'aimerais savoir si votre agence ou vous-même savez si d'autres données ont été recueillies. Votre agence ou une quelconque autre agence a-t-elle recueilli des données? Y a-t-il d'autres données sur l'incidence économique que subiraient les gens de l'industrie par suite d'exigences en matière de licences ou que constateraient les consommateurs du fait de la hausse du coût de ces produits? Avez-vous fait des études en ce sens, ou bien en connaissez-vous?

M. Gerry Reasbeck: Non, pas vraiment, et ce n'est pas une chose qui nous a beaucoup occupés.

Certes, si un règlement a été mis en place, il faudrait en faire une analyse de l'impact. Il faudrait qu'il y ait une évaluation de l'incidence du règlement proposé. Cela ferait partie des projets de règlement, alors cela tiendrait compte des incidences de ce genre.

M. Lynn Myers: Est-ce qu'y participerait votre agence ou vous- même?

M. Gerry Reasbeck: Sans doute pas. Ce serait vraisemblablement Santé Canada.

M. Lynn Myers: Très bien. Merci beaucoup.

La présidente: Grant Hill.

M. Grant Hill: J'aimerais poursuivre la discussion au sujet de votre définition de base de ce qui est approuvé, et qui serait un produit que vous prendriez couramment pour vous nourrir et qui ne poserait pas de risque quelle qu'en soit la quantité consommée. Cela pose dans mon esprit un problème de taille. Prenez le son, par exemple, qui est un aliment. Ce peut-être très néfaste de consommer des quantités excessives de flocons de son.

Si c'est là votre définition, l'alcool pose problème—et je ne vais pas vous demander de vous prononcer là-dessus, c'est tout simplement une déclaration que je fais—et je ne pense pas que votre définition tienne.

M. Gerry Reasbeck: Puis-je faire un commentaire?

M. Grant Hill: Vous pouvez en faire un, à condition qu'il soit court.

M. Gerry Reasbeck: Non, je ne pense pas que vous devriez faire une interprétation littérale de ce que j'ai dit. Bien sûr, si quelqu'un mangeait beaucoup trop de compote de pomme, il se pourrait...

M. Grant Hill: En effet.

M. Gerry Reasbeck: Il ne faudrait pas interpréter ce que j'ai dit trop littéralement.

M. Grant Hill: Je ne vais pas interpréter cela trop littéralement.

J'aimerais maintenant bifurquer sur la question des additifs alimentaires. Nous acceptons depuis longtemps dans ce pays l'ajout d'iode au sel. Nous acceptons l'ajout aux céréales de vitamines et de minéraux. Nous nous attendons à ce que ceux-ci figurent sur les étiquettes, et vous avez dit ne pas avoir la capacité d'assurer un contrôle de la qualité. Vous présumez que l'industrie s'en chargera. Vous surveillez, vous contrôlez, mais c'est l'industrie elle-même qui réglemente cela. Cela est-il juste?

M. Gerry Reasbeck: En vertu des règles fédérales, l'industrie est responsable de suivre les exigences et de s'y conformer. C'est elle qui est en dernier lieu responsable. Le gouvernement n'administre pas de programme de contrôle de la qualité pour l'industrie.

M. Grant Hill: Précisément. Or, lorsqu'on parle de produits de santé, vous semblez vous diriger vers un régime beaucoup plus restrictif. Je ne sais pas très bien pourquoi, et c'est pour cette raison que je pose la question. Je pense que cette industrie est tout à fait capable de faire exactement la même chose que ce que vous attendez des fabricants de céréales, soit contrôler les quantités de vitamines qui sont ajoutées. Vous pourriez très bien vous présenter et leur demander de vous montrer leurs dossiers. C'est une simple déclaration que je fais là.

• 1020

L'autre chose qui me préoccupe est qu'il y a un nouveau mouvement en faveur de ce que j'appellerais les jus de fruit enrichis. Ces jus sont disponibles dans certains autres endroits. Un jus de fruit enrichi, par exemple, pourrait être un jus de fruit auquel on a ajouté du calcium, et le calcium est bénéfique pour les femmes ménopausées qui ont des problèmes de densité des os.

Au Canada, il semble que nous soyons très réticents à cet égard, et je ne sais pas très bien pourquoi. C'est un continuum, si vous voulez, passant d'un jus de fruit très naturel à quelque chose de fortifié, au produit alimentaire de santé. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi au Canada on est réticent à l'idée d'emprunter ce chemin?

M. Gerry Reasbeck: Je pense que je vais laisser mon collègue, M. Conacher, répondre.

M. Harry Conacher: Je pense que la réticence s'appuie principalement sur la même question que celle que vous souleviez tout à l'heure. Est-ce la dose qui fait que c'est un poison? Vous êtes préoccupé non seulement par la quantité de calcium qui et requise pour votre santé, mais également par le risque d'absorber trop de calcium. Il vous faut donc faire une évaluation du risque, encore une fois au niveau supérieur, en vue de déterminer combien de calcium vous pouvez absorber. Une fois que vous commencez à ajouter tous ces éléments à toutes sortes d'aliments, vous commencez à craindre d'en absorber trop.

L'on tient compte de ce genre de considérations, et il faut du temps pour établir une politique appropriée en la matière. Voilà le genre de considération qui entre en ligne de compte.

M. Grant Hill: Je veux bien, et il me semble qu'un agent de réglementation raisonnable ferait précisément ce que vous venez de dire. S'il existe des preuves qu'il pourrait être néfaste de prendre trop... Il faudrait qu'il y ait un avertissement, voire un désistement.

M. Harry Conacher: Encore une fois, cela soulève une autre question. Voulez-vous ajouter expressément quelque chose à un aliment? Vous risquez de vous trouver confronté à un problème potentiel et de devoir y apposer une mise en garde. La question devient très complexe.

Toute notre politique d'accréditation des aliments est en train d'être revue à l'heure actuelle, et il s'agit d'un processus permanent. Cela commence avec le calcium, puis c'est autre chose, et encore autre chose. La question n'est pas du tout facile.

J'ignore si j'ai répondu à votre question.

M. Grant Hill: Très bien. La question n'est manifestement pas facile, sans quoi vous ne seriez pas ici.

M. Harry Conacher: Non, pas du tout.

M. Grant Hill: À mon avis, le consommateur éclairé est toujours un bien meilleur juge, une personne qui a accès à Internet—et on nous a expliqué à quel point Internet est devenu beaucoup plus disponible—peut s'y promener et vérifier pour elle- même. C'est l'individu qui est certainement ici le juge en bout de ligne. Si les gens donnent quelque chose à leurs enfants et qu'il y a un risque potentiel, ils seront prudents, beaucoup plus prudents que les agents de réglementation.

La présidente: Je vais poser encore une autre question. J'ai ici des recherchistes qui posent eux aussi des questions dans le but de combler les trous.

Vous avez mentionné le travail fait par le comité du Codex sur l'étiquetage des aliments. Vous semblez être en faveur de ce que font les neuf pays, et peut-être que certaines choses que j'ai mentionnées, comme par exemple les aliments génétiquement modifiés, seront examinées par eux. Quand pensez-vous obtenir le rapport, allez-vous attendre de recevoir le rapport avant de rendre des décisions sur ce que nous allons faire avec les étiquettes- avertissement sur les aliments, et ces étiquettes-avertissement pourraient-elles être utilisées par le secteur des produits de santé naturels?

M. Gerry Reasbeck: Pour prendre vos questions dans l'ordre inverse, peut-être, les étiquettes-avertissement relèvent toujours de la responsabilité de Santé Canada lorsqu'on parle de risque potentiel.

En ce qui concerne le comité du Codex sur l'étiquetage des aliments, il y a un certain nombre de questions très importantes qu'examinent ces 152 pays. Compte parmi celles-ci l'étiquetage des aliments transgéniques. Une autre question est celle de la déclaration proactive de la présence d'allergènes alimentaires. Une troisième question, bien sûr, est celle des produits organiques.

Si vous connaissez le Codex, vous savez que son travail tend à avancer relativement lentement. Obtenir qu'un nombre important de pays s'entendent sur une règle internationale en matière d'étiquetage, par exemple, pour la déclaration de la présence d'allergènes alimentaires, va demander du temps. Cependant, il y a en ce moment une entente générale de principe quant à la nécessité de déclarer la présence d'allergènes.

Il y a un comité mixte d'experts sur les additifs alimentaires et les contaminants qui a été chargé de voir comment on ferait des ajouts à la liste et comment on en retirerait des éléments. En d'autres termes, y a-t-il une démarche internationale quant à la détermination de ce qui devrait et de ce qui ne devrait pas figurer sur la liste de produits visés?

Lors de la dernière réunion que nous avons eue, il y a eu beaucoup de discussions. Les Australiens ont demandé qu'on inscrive sur la liste la gelée royale, qui leur pose des problèmes. D'autres ont voulu qu'on y inscrive les graines de sésame.

• 1025

Nous constatons que les allergènes ont tendance à varier selon la population étudiée. Ils ont tendance à varier selon le genre et la nature des aliments que consomment les gens. En Amérique du Nord, il y a beaucoup d'allergènes avec l'arachide. Il n'y en a pas tant que cela en Europe.

En gros, je ne pense pas qu'il faille s'attendre à une décision immédiate. Nous sommes nous-mêmes très proactifs. Nous nous poussons. Nous n'avons pas à attendre le Codex. Nous pouvons, en vertu de nos propres lois nationales, mettre en place des règles sans le Codex. Mais il est bon, surtout dans le contexte actuel, d'assurer une parité par rapport à l'orientation internationale.

La présidente: Si vous en aviez la volonté, vous pourriez aller de l'avant et le faire. Nous pourrions le faire ici.

M. Gerry Reasbeck: Oui.

La présidente: Très bien.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Madame la présidente, veuillez excuser mon retard. Messieurs, bonjour.

Monsieur Conacher, je voudrais vous poser une question. Vous connaissez le fameux produit naturel qu'on appelle la mélatonine, une hormone de synthèse naturelle qui, selon les expertises ou les études qu'on en a faites, remplacerait le valium, l'Ativan et plusieurs autres produits qui aident à la détente. On dit aussi que c'est un antidépresseur.

La mélatonine est vendue partout aux États-Unis, sur les tablettes. Les gens peuvent s'en procurer facilement. C'est un produit que les Américains apprécient parce que, justement, il remplace les produits chimiques.

Ici, au Canada, la mélatonine est interdite. Comme vous dites que vos études sont basées sur d'autres études, d'autres expertises faites à l'étranger, notamment aux États-Unis, j'aimerais que vous me disiez qui a décidé que ce produit-là n'entrerait pas au Canada, pourquoi il a été refusé et quelles raisons les inspecteurs invoquent à la frontière pour le refuser.

J'aimerais savoir également si vous pensez comme moi sur le point suivant. Comme des milliers de gens, surtout des personnes âgées, lesquelles sont de plus en plus nombreuses, se font prescrire du valium et de l'Ativan, cela devient très payant pour les entreprises pharmaceutiques. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que les entreprises pharmaceutiques productrices de produits chimiques de ce genre ont un lobby très puissant qui influence énormément Santé Canada?

[Traduction]

M. Harry Conacher: Encore une fois, madame Picard, il m'est difficile de répondre à cette question étant donné que la mélatonine est considérée par les responsables de notre programme de produits thérapeutiques comme étant une drogue et s'inscrivant dans le programme des aliments. À ma connaissance, nous ne nous sommes jamais occupés de la mélatonine.

Il faudrait poser votre question à Dann Michols, qui est responsable du programme des produits thérapeutiques.

Je regrette, mais c'est là la seule réponse que je puis vous donner.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente: Madame Picard, avez-vous terminé?

Souhaitez-vous enchaîner là-dessus, monsieur Szabo?

M. Paul Szabo: Ce genre de question fait précisément ressortir le dilemme qui me préoccupait tout à l'heure. Il s'agit à certains égards d'une responsabilité partagée, mais il s'agit également d'une responsabilité unique. Si nous voulons que les entreprises puissent faire leur travail, ce n'est pas en les envoyant à un ministère pour qu'elles se fassent dire qu'il leur faut s'adresser à quelqu'un d'autre que cela va fonctionner, et je pense que c'est cette frustration que vont vivre les Canadiens et les entreprises s'ils ne parviennent pas à obtenir de réponses où qu'ils aillent.

Je ne suis pas certain que ce soit utile de ne pas savoir ou de ne pas être en mesure de transmettre la réponse. C'est comme si l'on parlait de responsabilités juridictionnelles, et je ne sais comment résoudre le problème, madame la présidente.

Nous parlons toujours d'étiquetage, et je ne sais pas très bien si le volet avertissements relève de Santé Canada et si le volet renseignements relève, lui, de l'Agence d'inspection des aliments. Mais pour ce qui est de l'étiquetage de façon générale, vous devez avoir certains travaux de recherche, certaines données ou une politique du ministère qui vous donnent la certitude que les consommateurs lisent et comprennent les étiquettes et que celles-ci servent bel et bien la fin prévue. Avez-vous des preuves ou des renseignements quelconques sur la recherche traitant de l'utilité et de l'efficacité de l'étiquetage?

• 1030

M. Gerry Reasbeck: Il y a certainement des études permanentes là-dessus. Je sais que l'Institut national de nutrition a fait une étude relative à l'étiquetage sur les qualités nutritionnelles.

Comme vous le savez, l'étiquetage sur les qualités nutritionnelles, dans la perspective américaine, est une exigence très proactive, tandis qu'au Canada l'étiquetage nutritionnel fournit surtout des renseignements en réaction à une revendication de propriété. Si vous dites que votre produit est faible en matière grasse, alors vous êtes tenu d'indiquer sur l'étiquette la quantité de matière grasse qui est présente dans le produit, mais vous n'êtes pas tenu de parler des glucides, des protéines ou d'autre chose.

Je sais qu'ils ont fait des études sur le niveau de compréhension et de sensibilisation des consommateurs en matière d'étiquetage nutritionnel.

Quant à notre propre service, je ne connais pas d'étude qu'il ait faite récemment, mais je peux vous dire que dans le cadre de l'examen de la réglementation, qui s'inscrit dans l'examen continu des exigences de la réglementation, que les ministères ont été chargés d'entreprendre il y a de cela plusieurs années, il y a eu énormément de consultation auprès du public canadien sur l'exigence de la fourniture de renseignements pour des choses comme, par exemple, les listes d'ingrédients; on a demandé aux consommateurs s'ils voulaient plus de renseignements ou moins de renseignements. Les consommateurs sont intervenus; toutes les parties prenantes ont participé. Nous continuons d'apporter des changements réglementaires pour donner suite aux exigences exprimées par les consommateurs.

Un exemple que je pourrais vous donner est que la liste des ingrédients, en vertu des règles canadiennes, prévoit certaines exemptions de catégories. Au lieu d'identifier toutes les huiles qui peuvent entrer dans la composition d'un produit donné, vous pouvez tout simplement dire qu'il s'agit d'huiles végétales, tandis qu'aux États-Unis il vous faut dire de façon précise quelles huiles végétales sont présentes.

La suppression de ce genre d'exemptions, l'inscription de mentions «à consommer de préférence avant le» sur les produits ayant une durée de vie supérieure à 90 jours... voilà le genre de choses que nous avons entendues lors des consultations que nous avons menées dans le cadre de notre examen de la réglementation.

La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'aimerais revenir sur les questions de la sécurité et de la surveillance scientifiques afin de mieux comprendre cela.

Je comprends ce que vous avez dit tout à l'heure relativement à l'impossibilité qu'il y ait des inspecteurs qui vérifient chaque aliment et chaque produit en vente dans ce pays. Il devient de ce fait plus critique de comprendre quels processus sont en place pour veiller à ce que les produits qui sont vendus sur le marché ne posent pas de danger.

La première question est la suivante: quel processus est en place pour autoriser un nouveau produit sur le marché? Est-ce là une autre façon dont le HACCP est utilisé, ou bien le HACCP est-il strictement limité à l'inspection des produits une fois que ceux-ci sont sur le marché?

Dans tout ce contexte, si et quand un problème survient—et je songe ici non seulement à l'exemple d'un cas de salmonellose, que vous inspecteriez et dont vous vous occuperiez, mais également à quelque chose de plus complexe avec, peut-être, un élément d'inconnu, peut-être une interaction entre un aliment et un autre, entre un aliment et une drogue, ou entre un aliment et un produit de santé naturel—quelle capacité avons-nous de nous attaquer à la racine du problème pour ensuite mettre en place les mécanismes nécessaires à son règlement?

Toujours dans ce même contexte, si et quand le moratoire imposé à la Direction générale de la protection de la santé est levé, et si sont maintenues les coupures visant le bureau de recherche alimentaire, qui fera ce travail? Comment ce travail sera-t-il accompli? À qui vous adresseriez-vous avec un problème comme ceux-là en vue de leur résolution?

M. Gerry Reasbeck: Je pense qu'il me faudra demander à M. Conacher de se prononcer là-dessus. Ils ont en place des processus appelés évaluations du risque pour la santé, et qui sont utilisés pour examiner les cas de risques potentiels pour la santé du genre de ceux que vous venez d'évoquer.

Monsieur Conacher, pourriez-vous répondre?

• 1035

M. Harry Conacher: Oui. Je pense que la meilleure façon pour moi de répondre serait de vous donner un exemple. L'une des situations les plus difficiles dans lesquelles nous nous soyons trouvés, et vous vous en souviendrez peut-être, remonte à il y a quelques années: je veux parler du contaminant affectant les moules de l'Île-du-Prince-Édouard. C'était un contaminant naturel qui apparaissait dans les moules et qui a provoqué la maladie et la mort chez des centaines de personnes, et nous ne savions pas de quoi il s'agissait.

À ce stade-là, les ressources de tous les ministères fédéraux qui avaient un rôle à jouer relativement aux aliments ou aux produits de la mer avaient été réunies pour s'attaquer au problème. La première chose était de l'identifier. Il a fallu environ deux mois pour identifier le composant et il y a eu beaucoup de confusion pendant cet intervalle de deux mois. Il est très difficile de mettre en place des mécanismes de contrôle lorsque vous ne savez pas à quoi vous avez à faire.

Une fois le contaminant identifié, on a commencé à mettre en place les mesures de contrôle. Une fois le composé identifié, on a commencé à l'examiner. Il s'est avéré que c'était un composé connu, un composé naturel. Une fois terminée l'évaluation du risque, nous étions en mesure d'établir un niveau applicable aux moules ou à un quelconque autre produit de la mer auquel il n'y aurait aucun risque pour la santé humaine. En d'autres termes, en dessous de ce seuil, il n'y aurait pas de problème.

Nous avons ensuite élaboré une méthodologie nous permettant de déterminer si le composé était en dessous ou au-dessus du niveau. C'est alors que vous pouvez mettre en place votre processus de réglementation pour contrôler la situation. Des programmes de surveillance ont ensuite été mis en place par le ministère des Pêches et Océans d'alors pour veiller à ce que les produits contenant de trop grosses quantités du composé n'aboutissent pas sur le marché. Une fois ces programmes de contrôle en place, on pouvait déceler les augmentations, car le problème survenait naturellement du fait qu'il y avait eu dans les eaux une augmentation du plancton. Dès que l'on voyait les niveaux augmenter dans les moules, on n'en vendait plus. Le système a été appliqué non seulement aux moules canadiennes, mais également aux moules importées.

Il s'agit de faire cerner un problème par une multitude de personnes. En fait, le groupe qui a été principalement responsable de ce travail a été le Conseil national de recherches, conjointement avec nous-mêmes. Une fois le problème identifié par le conseil, alors les mécanismes réglementaires réguliers tombaient en place.

Voilà comment nous nous occupons de ce genre de situation au Canada. Dans de nombreux cas, nous savons quel est le contaminant et le problème est assez facile à régler. Dans les cas où l'on ne sait pas ce qui cause le problème, il survient alors des difficultés. Peu importe de quel pays l'on parle; l'on ne dispose jamais de suffisamment de ressources.

J'ignore si j'ai répondu à votre question.

Mme Judy Wasylycia-Leis: En partie. Je m'inquiète cependant toujours de savoir si nous aurions la capacité de réagir en cas de situation critique ou d'urgence si l'on réduisait en fait la capacité de recherche de la Direction générale de la protection de la santé. Je m'inquiète toujours de savoir si l'on serait en mesure de réunir les ressources nécessaires et d'intervenir si l'orientation proposée précédemment est maintenue. Peu importe si le Conseil national de recherches sur la santé mène le bal; il nous faut toujours cette capacité au sein du gouvernement.

Si je vous pose la question c'est que je me demande ce qui se passera si l'on décide de classifier tous les produits de santé naturels comme étant des aliments. Quelle capacité aurions-nous alors pour réagir en cas de problème? Que se passera-t-il si la présidente tombait gravement malade après avoir pris du zinc et de l'échinacée? Qui interviendrait? En cas de situation grave, qui ferait ce travail? De quelle capacité aurions-nous besoin au sein du gouvernement? Il me faudrait être davantage renseignée là- dessus.

La première partie de ma question visait à savoir quels processus nous avons à l'heure actuelle pour approuver les nouveaux aliments arrivant sur le marché. Est-ce comme pour les drogues, pour lesquelles il y a une évaluation, la compagnie paie des frais et le produit est approuvé à condition de satisfaire un certain nombre de critères, ou bien est-ce différent dans le cas d'aliments?

M. Harry Conacher: Encore une fois, vous posez là plusieurs questions. Permettez-moi de répondre tout d'abord à celle portant sur les coupures qui devaient se faire à l'intérieur de la Direction générale des aliments, du programme des aliments. Ce programme n'a pas été différent des autres lorsqu'il a fallu faire des coupures dans le cadre de l'examen des programmes.

Il y a eu un travail d'établissement des priorités et certains projets ont été identifiés comme étant moins prioritaires que d'autres. Lorsqu'il est question de sécurité des aliments ou de sécurité dans quelque autre domaine, c'est un travail très difficile, mais ce processus s'est néanmoins soldé par l'établissement d'une liste de projets considérés comme moins prioritaires. Il s'est trouvé que ces projets relevaient des domaines de la nutrition, des additifs alimentaires, des contaminants chimiques, etc.

• 1040

Suite à l'annonce de ces coupures au personnel en juillet 1997, un processus a été enclenché en vue de la fermeture de laboratoires et de la réaffectation des employés touchés. Les employés n'allaient pas se retrouver sans travail, mais il nous fallait leur trouver des postes. Ce fut un exercice très désagréable.

Par la suite, constatant les réactions véritablement extrêmes à ces coupures des journalistes, au sein du ministère et chez les chercheurs eux-mêmes, le ministre—et je suis certain que le ministre, M. Rock, vous l'a dit—a imposé un moratoire en matière de nouvelles compressions. Il a ordonné le rétablissement de tous les projets touchés et a créé le Conseil consultatif sur les sciences, qui a pour mandat de conseiller le ministère sur les genres de programmes de recherche qui devraient être entrepris et sur les domaines auxquels consacrer nos efforts à l'avenir. Comme vous le savez sans doute, le Conseil consultatif sur les sciences a depuis été établi, sous la présidence de Mme Bondar. Encore une fois, il s'agit là d'un processus continu.

En ce qui concerne les coupures, si ma mémoire est bonne, 90 p. 100 des secteurs visés au départ ont depuis été rétablis. Il n'est pour l'heure aucunement prévu d'effectuer d'autres réductions, à moins que le Conseil consultatif sur les sciences ne nous le recommande.

En ce qui concerne les ressources que nous avions avant les compressions, nous en disposons toujours à l'heure actuelle. Par conséquent, nous sommes aujourd'hui dans la même position quant à notre possibilité d'intervenir en cas de crise qu'avant les coupures. Nous pouvons toujours faire le travail. Nous disposons des mêmes ressources, des mêmes installations et des mêmes compétences.

À cet égard, en tout cas au sein du programme des aliments—et je ne peux parler que de cela—, je ne pense qu'il y ait de problème à l'heure actuelle.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Qu'en est-il des deux autres questions que j'ai posées? Premièrement, si nous devions modifier la façon dont nous traitons les produits de santé naturels, quelle capacité nous faudrait-il pour assurer ce genre de vérification de sécurité et de surveillance scientifique? Je suppose qu'il vous faudrait quelque chose d'équivalent à la capacité de recherche que nous avons dans le domaine des aliments s'il est question d'élargir quelque peu cela.

D'autre part, que faisons-nous à l'heure actuelle du côté des aliments avant qu'ils n'arrivent sur le marché? Y a-t-il un processus en vertu duquel... ou bien est-ce qu'on attend tout simplement que ces produits arrivent sur le marché pour ensuite réagir?

M. Harry Conacher: Vous parliez tout à l'heure d'aliments transgéniques. Ce n'est pas vraiment mon domaine, mais...

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je veux parler de n'importe quels aliments.

M. Harry Conacher: ...les aliments transgéniques sont de nouveaux aliments. Nous avons un bureau de biotechnologie et une procédure de notification. Si quiconque au Canada ou ailleurs veut mettre sur le marché un aliment génétiquement modifié, il lui faut en aviser le bureau de la biotechnologie. Suite à cela, il y a une évaluation exhaustive de l'innocuité du nouveau composant.

Interviennent dans ce processus des biologistes des molécules et le complément habituel de toxicologues, de chimistes et de nutritionnistes, qui décident ensemble si l'aliment en question diffère de l'aliment non génétiquement modifié. Il se fait donc une évaluation exhaustive de l'innocuité du produit.

Je pense que mon collègue a parlé tout à l'heure de la question de savoir pourquoi, s'il n'y a pas de différence entre le produit transgénique et le produit tel qu'il existait au départ, il faudrait une quelconque étiquette. À notre avis, il ne serait nécessaire d'apposer une étiquette que s'il y a eu un changement, en dehors de ce qu'on recherche dans l'aliment concerné, susceptible de poser un risque pour certains éléments de la population—par exemple, des allergènes. Il y a donc en place un processus pour les produits transgéniques.

En ce qui concerne les produits à base d'herbes et de plantes utilisés comme aliments, il n'est à l'heure actuelle prévu aucun mécanisme d'autorisation pré-commercialisation. Il n'y a rien du tout du genre. Rien dans la loi n'exige que ces aliments soient vérifiés avant leur mise en marché.

En gros, ce qu'il nous faut faire, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est réagir aux rapports—les rapports scientifiques qui ont été publiés, qui viennent de nos inspecteurs ou de nos collègues aux États-Unis—selon lesquels certains produits posent peut-être problème. Nous nous efforçons alors de recueillir les renseignements dont nous avons besoin pour en faire l'évaluation de l'innocuité.

• 1045

S'il nous fallait faire des évaluations pré-commercialisation de composés de phyto-préparations, je ne suis pas convaincu qu'il nous faille augmenter notre composante recherche. Ce qu'il nous faudrait peut-être augmenter c'est notre composante évaluation, par opposition à notre composante recherche, car si c'était le cas, il nous faudrait demander à ceux et celles qui cherchent à obtenir l'approbation de certains produits de nous fournir beaucoup plus de renseignements que ce que nous obtenons à l'heure actuelle. En effet, nous n'en recevons pas à l'heure actuelle. Il n'y a aucune exigence en la matière.

Je ne sais trop si j'ai répondu à votre question.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Cela suscite beaucoup d'autres questions, mais je crains que...

La présidente: Oui. Nous aurions sans doute dû réserver trois heures pour ceci.

Juste avant de conclure, si le comité devait recommander un bureau ou un organe ou une catégorie distincte, si nous faisions cela, qui se chargerait du contrôle d'application? Serait-ce Santé Canada, responsable des médicaments, ou bien l'Agence canadienne d'inspection des aliments, responsable de la nourriture? Quels inspecteurs, à votre avis, seraient les mieux qualifiés, du point de vue de leur formation et de leur connaissance des produits de santé naturels? Ou bien faudrait-il former tout un nouveau corps d'inspecteurs pour cela?

Monsieur Reasbeck, puisque vous effectuez les inspections...

M. Gerry Reasbeck: Vous avez certainement mis le doigt sur des questions très fondamentales quant à ce qui pourrait résulter de ces discussions. La réponse à votre question dépend en partie de la création ou non d'une troisième catégorie et...

La présidente: Si nous devrions ou voudrions...

M. Gerry Reasbeck: Si vous devriez, oui...

La présidente: Si nous le faisions.

M. Gerry Reasbeck: La décision de le faire ou non dépendra des recommandations que formulera votre comité.

La présidente: Mais si nous le faisions, comment vous y prendriez-vous pour effectuer les inspections?

M. Gerry Reasbeck: Si nous faisions cela, il serait probablement sage que la réglementation de ces produits soit confiée à un seul organisme afin que les mécanismes de contrôle et de formulation de règles soient regroupés sous un même toit. Il faudra se demander si cela est possible avec la structure actuelle scindée en deux ministères.

La présidente: Bien. Je vous remercie grandement d'être venu. Si nous avons besoin de vous revoir avant de prendre nos décisions finales, nous vous le ferons savoir.

M. Gerry Reasbeck: Merci beaucoup. Je suis ravi d'être ici.

La présidente: Nous allons faire une pause de deux minutes.

• 1047




• 1101

La présidente: Nous allons reprendre la séance, je vous prie.

Nous avons un témoin comparaissant à titre individuel, un expert du groupe LDI, qui est directeur général de la Utah Natural Health Products Association, M. Lorne Israelson. Du Centre de recherches pour le développement international, nous avons Roger Finan, Gilles Forget et Chusa Ginés. Nous commencerons dans cet ordre.

Monsieur Israelson, essayez d'être relativement bref car les membres souhaitent pouvoir poser leurs questions.

M. Lorne Israelson (comparution à titre individuel): Je vous remercie, madame la présidente. Membres du comité, je suis ravi d'être ici.

Afin de me situer brièvement, cela fait 20 années que je travaille dans l'industrie botanique. J'ai été président de Nature's Way Products, qui est l'un des grands producteurs de produits médicinaux aux États-Unis et j'ai collaboré de près à la rédaction et à l'adoption de la DSHEA.

J'ai également eu l'occasion de lire tous les témoignages antérieurs faits à ce comité, ce qui a pris un moment mais m'a été très utile. J'ai ainsi une idée des différents points de vue exprimés. La principale leçon que j'en retire, c'est que tous les enjeux et toutes les passions qui se font jour ici sont virtuellement identiques à celles exprimées aux États-Unis avant l'adoption de la DSHEA et, pour cette raison, je pense pouvoir apporter quelques enseignements utiles au comité.

Je pense que je devrais faire d'abord un tour d'horizon rapide de la DSHEA. On y a souvent fait référence dans vos délibérations, pas toujours avec exactitude, et je pense qu'il est important que je fasse deux choses pour vous, dont l'une est de passer en revue rapidement l'article de la loi où un certain nombre de constats sont énoncés. Cet article est souvent oublié, mais il est extrêmement important, car il énonce les raisons pour lesquelles cette loi a été promulguée.

Je vais rapidement vous lire ceci. Vous avez deux exemplaires, que j'ai remis au greffier. Vous pourrez vous y reporter plus tard si vous voulez, mais voici ce que le Congrès a déclaré en adoptant cette loi:

    L'amélioration de la santé des citoyens américains est l'une des grandes priorités nationales.

    Les suppléments diététiques se sont avérés utiles pour la prévention des maladies chroniques, et leur bon usage contribuera à limiter la fréquence des maladies chroniques et les coûts sanitaires à long terme.

    Il faut permettre aux consommateurs de choisir en connaissance de cause entre les programmes de prévention sanitaire, sur la base d'études scientifiques relatives aux suppléments diététiques.

    Les consommateurs ont davantage recours aux thérapies non traditionnelles en raison du coût élevé des services médicaux traditionnels.

    Le gouvernement fédéral ne doit pas imposer de barrières réglementaires déraisonnables ayant pour effet de limiter ou de ralentir l'offre de produits sûrs et la dissémination aux consommateurs de renseignements exacts (mais devrait agir rapidement contre les produits dangereux).

    Une action législative est nécessaire pour protéger le droit d'accès du consommateur à des suppléments diététiques sûrs et promouvoir le mieux-être.

Et enfin:

    Un cadre fédéral rationnel doit être mis en place en remplacement de la multitude actuelle de règlements ponctuels relatifs aux suppléments diététiques.

Cela me paraît très similaire à la problématique avec laquelle vous vous débattez aussi.

Notre solution a été la DSHEA, et tout le monde n'en est pas satisfait. Je dois vous dire que celle-ci a été le sujet le plus débattu dans le public dont le Congrès américain ait eu à connaître depuis la guerre du Viêt-Nam. Cela signifie que davantage de consommateurs ont téléphoné, écrit ou parlé à un membre du Congrès sur cette question de la réglementation des plantes médicinales et suppléments que sur n'importe quelle autre depuis la guerre. C'est étonnant, mais c'est aussi révélateur de l'importance fondamentale de cette question aux yeux de beaucoup de gens. Je crois que cela nous a appris que les Américains croient très fondamentalement à leur droit de faire des choix personnels en matière de santé. En gros, ils refusent que le gouvernement empiète sur leur droit de faire ces choix personnels.

Cela souligne également la notion que les pouvoirs publics, l'industrie et les consommateurs doivent collaborer pour assurer que les produits soient effectivement sûrs et que tous les renseignements disponibles soient véridiques et non trompeurs.

• 1105

À cet effet, la DSHEA contient les dispositions suivantes: elle a créé une définition de «supplément diététique» qui englobe les vitamines, les minéraux, les plantes médicinales, les acides aminés et toute une série d'autres ingrédients pouvant être consommés pour améliorer ou compléter le régime alimentaire; elle a créé une catégorie de sécurité spéciale et différente pour les produits phytothérapeutiques et d'autres suppléments diététiques; elle a créé une catégorie spéciale de renseignements pouvant être communiqués aux consommateurs pour accroître le flux d'information, afin que les consommateurs puissent effectuer des choix meilleurs et plus sages; elle a créé notre fameuse classe d'allégation relative à la structure ou fonction, qui permet de décrire sur l'étiquette d'un produit de quelle manière un supplément diététique ou un produit phytothérapeutique etc. peut influer sur la structure ou la fonction de l'organisme ou les mécanismes organiques influant sur les structures et fonctions de l'organisme; elle a créé une nouvelle norme de bonnes pratiques de fabrication, excluant expressément le système HACCP, soit le système des points de contrôle critiques pour l'analyse des dangers, une approche différente de la méthode BPF; elle a créé une commission présidentielle chargée de réfléchir plus avant à la manière de présenter l'information sur les étiquettes des suppléments diététiques—et cette commission a récemment remis ses conclusions au Congrès et au Président; enfin, elle a créé un bureau des suppléments diététiques, à titre de centrale d'information et de collaboration avec les autres organismes gouvernementaux, car on a jugé que l'information est par trop disparate et insuffisamment coordonnée et que des ressources sont ainsi gaspillées.

La loi elle-même est considérée à bien des égards comme un énorme succès. Elle a donné aux consommateurs un accès très large aux suppléments diététiques et elle a certainement accru le flux d'information. La croissance de l'industrie des suppléments diététiques aux États-Unis, qui connaît actuellement un taux d'expansion de l'ordre de 18 à 20 p. 100 par an pour un chiffre d'affaires actuel d'environ 9 milliards de dollars, en témoigne. C'est une croissance remarquable et qui prouve certainement à quel point les consommateurs attachent d'importance à ces produits.

Si je puis vous faire part de quelques enseignements que nous avons retirés et de ce qu'ils peuvent signifier pour votre comité, le premier est que la dichotomie aliment/médicament est largement fictive. Les consommateurs ne voient pas le monde selon nos définitions juridiques et réglementaires d'«aliment» et de «médicament». Ils achètent et consomment des produits sur la base de leurs bienfaits et, franchement, peu leur importe comment nous les appelons. Ils s'en moquent totalement. Un aspect amusant de notre loi est que certains membres du Congrès pensaient qu'en plaçant sur les étiquettes une mise en garde disant: «Ce produit n'a pas été évalué par la Food and Drug Administration», cela découragerait les consommateurs d'utiliser le produit. En réalité, l'effet a été exactement l'inverse.

Comme je l'ai dit, les gens ne veulent pas voir le gouvernement s'ingérer dans leurs affaires personnelles en matière de santé. Cela pose la question fondamentale de savoir comment une démocratie devrait fonctionner: le gouvernement doit-il prendre des décisions pour le compte des citoyens à la manière paternaliste, ou bien faut-il donner aux citoyens les outils pour qu'ils fassent leurs propres choix et les laisser en assumer les conséquences?

À mes yeux, un aspect crucial ici est la notion d'évaluation des risques et avantages. À mon sens, cette équation repose sur deux prémisses: premièrement, que les avantages sont une affaire de choix et de décision personnels—ce n'est pas une décision gouvernementale, c'est une décision personnelle; et deuxièmement, que le risque est une décision conjointe des pouvoirs publics, de l'industrie et des consommateurs. Lorsqu'on combine les deux, à mon sens, cela amène à pécher en faveur de la liberté des consommateurs de choisir les produits et l'information et de l'évaluation du risque conformément au principe fondamental consistant à laisser les gens décider pour eux-mêmes ce qui est bon pour eux.

En outre, le rôle du gouvernement n'est pas de surimposer son jugement sur ce qui est bénéfique. C'est aux consommateurs de prendre cette responsabilité et c'est là que le flux d'information devient particulièrement important. À cet égard, il est très important que la Direction générale de la protection de la santé ou Santé Canada ait la capacité de déceler si l'industrie triche. C'est une chose que nous avons apprise: avant la DSHEA, la Food and Drug Administration ne connaissait tout simplement pas assez les produits phytothérapeutiques pour déterminer si une substance était de la luzerne ou de l'héroïne, pour prendre un exemple extrême. La FDA a maintenant acquis une grande expertise, a lourdement investi et organisé nombre de conférences et de symposiums ouverts au public ou non, pour faire sa propre éducation et celle de l'industrie.

Une prémisse fondamentale dans mon esprit est aussi que l'industrie elle-même, celle qui vend les produits médicinaux et les suppléments diététiques, a la responsabilité fondamentale de vendre des produits sûrs qui soient correctement étiquetés et fabriqués selon de bonnes normes de fabrication. En effet, tous les produits de la nature ne sont pas inoffensifs. Je sais que c'est un sujet de controverse dans l'esprit de beaucoup, mais je crois qu'il faut établir une distinction entre la camomille et la morphine. Les deux devraient, et doivent, être traités différemment. La question est de savoir où, dans ce continuum, il convient de tirer les traits.

• 1110

Cela semble être un thème récurrent devant ce comité. Il y a ceux qui préconisent la liberté de choix absolue et qui ne veulent aucune réglementation d'aucune sorte, et il y a ceux qui pensent que l'État devrait être responsable d'à peu près tout ce qui est vendu aux consommateurs.

Un certain nombre de propositions ont été soumises à votre comité. Je suis persuadé que l'un des modèles les plus utiles est celui d'un continuum de risque relatif. Il met en jeu toute cette notion de risque et avantage. Si l'on oublie cette distinction entre aliment et médicament, on peut aborder le fond de la question, à savoir: que sont réellement ces choses?

Le café est vendu comme aliment et largement consommé comme une drogue. Son usage est celui d'un stimulant. Même chose pour le jus de prune. Nous vivons réellement dans un monde irréel si nous choisissons de réglementer les deux en tant qu'aliment alors que nous savons très bien que chacun est consommé comme quelque chose d'autre.

Toutes les sociétés font ces jugements de valeur. Nous autorisons la vente de tabac et d'alcool parce que ce sont des choix culturels que nous avons effectués.

Quoi que fasse le Canada sur le plan de la réglementation ultérieure de ces produits, je vous exhorte à faire plusieurs choses.

La première est de considérer les modèles élaborés ailleurs dans le monde. Je suis au milieu d'un voyage sur quatre continents et je traite avec les gouvernements de ce même sujet. Je peux vous dire que vous n'êtes pas les seuls à avoir du mal à déterminer quoi faire, si cela peut vous consoler.

On a cité l'Allemagne et le système de la Commission E. Cela fonctionne très bien en Allemagne, mais la culture allemande est très différente de celle du Canada ou des États-Unis.

On a cité l'Australie, qui possède un excellent programme qui fonctionne très bien là-bas, particulièrement en ce qui concerne le contrôle des bonnes pratiques de fabrication. Je vous recommande de l'examiner. Ce mécanisme de contrôle est très bon.

Aux États-Unis, bien entendu, nous avons la DSHEA. Elle donne de bons résultats pour les Américains. Nous avons une conception différente des droits et libertés personnels.

Je pense que vous auriez intérêt à prendre ce qu'il y a de mieux dans chacun de ces systèmes et de construire ainsi quelque chose qui soit bien adapté à votre situation, car vous avez votre propre culture. Vous êtes également un pays très multiculturel et vous devez reconnaître qu'un certain nombre de sous-cultures et populations, en quelque sorte, possèdent des traditions anciennes et très élaborées d'utilisation de plantes médicinales.

Personnellement, je trouve qu'il est inapproprié que le gouvernement surimpose son propre ensemble de valeurs à des gens qui utilisent ces plantes depuis des centaines ou des milliers d'années. Ils savent ce qu'ils font, ils n'ont vraiment pas besoin de l'aide du gouvernement. C'est ce que j'ai constaté dans le monde entier.

Je suis ravi d'être ici et me ferai un plaisir de vous renseigner ou de vous aider plus avant. Une grande masse d'information a été produite aux États-Unis depuis l'adoption de la DSHEA. Je pense que le rapport de la commission présidentielle serait pour vous un outil très précieux car il peut vous guider sur beaucoup de ces questions avec lesquelles vous vous débattez vous- mêmes.

Nous avons également, au niveau de l'industrie, rédigé un ensemble de bonnes pratiques de fabrication des suppléments diététiques. Nous reconnaissons qu'il y a des différences entre vitamines, minéraux et produits phytothérapeutiques, en ce qui concerne les procédés de fabrication et toute cette sorte de choses. Le Food Advisory Committee, un comité consultatif auprès de la Food and Drug Administration, a formé plusieurs sous-comités qui vont maintenant commencer à évaluer les perceptions des consommateurs concernant la manière dont ils utilisent ces suppléments et pour quelles raisons.

Nous nous pencherons également plus avant sur les bonnes pratiques de fabrication et la question de la surveillance post- commercialisation. L'une des questions qui continuent de nous troubler est celle-ci: savons-nous réellement ce qui se passe lorsque les gens utilisent ces produits? Y a-t-il une façon de saisir des données et des renseignements qui puisse nous alerter si ces produits ont des effets néfastes que nous ignorons? Que faisons-nous si tel est le cas?

Permettez-moi de conclure en disant que je considère personnellement, sur la base de mon expérience propre, que le Congrès avait raison de croire que les suppléments diététiques peuvent être et sont utilisés de manière sûre par des millions de consommateurs dans le monde chaque jour. Il n'est réellement pas nécessaire que le gouvernement intervienne et réglemente à l'excès, mais il est important et approprié d'évaluer le risque relatif de ces produits et d'intervenir et de prononcer des jugements dans les cas où le public ne peut tout simplement pas le faire lui-même.

J'estime donc, avec tous les éléments en votre possession et ceux encore à venir, que le Canada a la possibilité de créer ce qui sera peut-être le système de réglementation des suppléments le mieux conçu. Mais je soupçonne que cela exigera une réforme assez fondamentale de la législation et de la politique actuelles.

Ce sera controversé. Ce sera un voyage intéressant, mais qu'il vaut la peine d'entreprendre, parce que le recours aux produits naturels, et aux plantes médicinales en particulier, n'est pas une mode, à mon avis; c'est une tendance durable. Des millions de gens estiment que ces produits sont très importants pour leur santé personnelle.

• 1115

Le système de soins aigus que nous appelons médecine moderne fonctionne très bien dans certains cas, mais il ne répond pas aux besoins de ceux qui se préoccupent de leur santé à long terme.

Nous en savons franchement trop. Nous pouvons maintenant connaître notre histoire génétique et avons idée des maux qui nous affligeront probablement au fur et à mesure que nous avancerons en âge.

C'est là où le soin de soi-même devient important. Les produits phytothérapeutiques naturels en sont un élément très important. Je vais m'en tenir là. Merci beaucoup de votre invitation à comparaître.

La présidente: Merci beaucoup. Je suis sûre que quantité de questions vous seront adressées dans quelques minutes.

Nous allons entendre M. Forget, du Centre de recherches pour le développement international. Vous pourriez peut-être commencer par nous expliquer qui vous finance et ce que vous faites afin que nous puissions politiquement vous situer.

[Français]

M. Gilles Forget (administrateur de programme, Centre de recherches pour le développement international): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Le Centre de recherches pour le développement international, le CRDI, est une société publique créée par le Parlement du Canada afin d'aider les chercheurs et les régions du monde en développement à résoudre leurs problèmes d'ordre social, économique et environnemental. Le CRDI s'efforce de tisser des liens entre les personnes, les institutions et les idées afin de faire en sorte que les résultats de la recherche à laquelle il apporte son soutien soient équitablement répartis parmi tous ses partenaires, du Nord et du Sud.

[Français]

Le CRDI reconnaît l'importance des plantes médicinales et des herbes officinales pour le bien-être social et écologique des régions en développement et encourage la recherche dans ce domaine complexe depuis 1974. À l'heure actuelle, dans le cadre de l'initiative «Utilisation durable de la biodiversité», le CRDI a élaboré un programme global et multidisciplinaire d'aide à la recherche sur les plantes médicinales.

[Traduction]

Dans ce contexte, j'aimerais mettre en évidence trois aspects qui m'apparaissent cruciaux pour le programme du CRDI d'aide à la recherche sur les plantes médicinales et qui ont des répercussions directes pour nos partenaires en recherche du Sud.

Premièrement, il y a des considérations éthiques de sécurité et d'efficacité, qui sont d'importance prépondérante sur le plan de l'utilisation des plantes médicinales.

Deuxièmement, il convient de fixer des stratégies orientées vers la conservation et la gestion durable des ressources biodiverses qui alimentent le marché des plantes médicinales.

Troisièmement, il faut établir des pratiques équitables de partage des bénéfices entre l'industrie et les collectivités locales, pratiques donnant acte de l'apport des savoirs autochtones et des pratiques traditionnelles dans la mise au point de produits phytothérapeutiques.

Pour en revenir au premier point, il est désormais de notoriété publique que les plantes médicinales constituent des sources accessibles et particulièrement adaptées sur le plan culturel en vue de la prestation de soins de santé primaires à une majorité des habitants du monde. Les couches marginalisées de la population, qui ne peuvent accéder aux réseaux officiels de la santé pour des raisons financières ou logistiques, sont particulièrement tributaires des plantes médicinales.

Ainsi, les gouvernements du Sud qui éprouvent des difficultés à supporter les coûts des produits pharmaceutiques manifestent de plus en plus d'intérêt pour la valeur et l'efficacité des plantes médicinales et les systèmes de santé locaux comme moyen de répondre à leurs besoins actuels et futurs en matière de santé.

Malheureusement, les gens emploient parfois un remède à base d'herbes officinales sans en connaître les effets potentiellement nocifs ni être informés des propriétés thérapeutiques véritables. Le CRDI a ainsi fait place aux préoccupations éthiques qui accordent la priorité aux critères de sécurité et d'efficacité et appuie les travaux scientifiques qui valident les préparations et l'emploi des médicaments dont il est attesté qu'ils ne mettent pas la santé en péril et qu'ils ne font miroiter aucun avantage pour la santé non fondé.

[Français]

Un projet financé par le CRDI, qui a connu un vif succès dans la mise en application de cette approche, est le projet TRAMIL. Traditional Medicine for the Islands est un réseau de recherche multidisciplinaire, basé dans les Antilles, qui prône l'emploi populaire des plantes médicinales fondé sur l'apport de la recherche scientifique appliquée.

Au moyen d'analyses de laboratoire normalisées et d'une abondante analyse de la documentation publiée dans ce domaine, le réseau TRAMIL établit scientifiquement les propriétés médicinales, curatives et toxiques d'un médicament à base d'herbes en fonction du dosage et de l'emploi traditionnels. Le réseau ne recommande que les remèdes à base de plantes qui s'avèrent non toxiques et aptes, sur le plan biochimique, à traiter une condition de santé spécifique. Ces traitements conviennent typiquement aux soins des maladies communes et ne visent pas les affections d'une grande gravité tels le sida, le diabète, le paludisme ou le cancer qui peuvent menacer la vie.

La diffusion et l'application des résultats de la recherche à l'échelon des collectivités et au palier national sont des aspects clés du programme TRAMIL. À ce jour, les résultats des travaux de recherche de TRAMIL ont été incorporés aux stratégies nationales des soins de santé primaires de Cuba et du Nicaragua ainsi qu'aux programmes scolaires des facultés de médecine et des sciences infirmières de l'Université nationale autonome du Honduras.

• 1120

Dans le contexte africain, d'un autre côté, un appui plus substantiel doit être consenti aux chercheurs du continent pour mener à bien des études sur les formulations et les applications traditionnelles et en publier les résultats afin de fournir aux organismes réglementaires compétents les renseignements appropriés en vue d'une intégration des médicaments mis au point sur place dans les stratégies sanitaires nationales.

[Traduction]

Le deuxième aspect qui nous préoccupe est la nécessité de protéger et de faire une utilisation avisée de ce capital biologique de l'humanité. De nombreuses espèces et populations locales de plantes médicinales sont menacées d'extinction par une perte de l'habitat et des récoltes incontrôlées. La demande mondiale accrue dans le domaine de la phytothérapie a intensifié l'urgence d'engager une politique et des mesures de conservation aux échelons local, national et international.

Toutefois, outre la satisfaction de la demande locale, des quantités de plus en plus importantes de plantes utilisées dans la mise au point de produits phytothérapeutiques font l'objet d'échanges, aussi bien par des voies légales qu'illégales, entre le Sud et les marchés européens et nord-américains. Il résulte de l'abondance d'une telle récolte incontrôlée et non viable une dégradation de l'environnement énorme, notamment du fait que le niveau de puissance des sources spontanées est censé être plus élevé que celui des espèces cultivées.

Qui plus est, compte tenu de la difficulté croissante d'obtenir certaines de ces plantes, des substances altérées et falsifiées font leur apparition sur le marché, ce qui a pour effet d'entraîner une contamination et une toxicité éventuelles et une qualité inférieure des produits élaborés.

Le CRDI appuie la recherche qui conforte les stratégies communautaires de gestion durable de ces richesses biologiques diverses, y compris les méthodes de conservation in situ qui s'avèrent pertinentes.

Le programme des plantes médicinales et aromatiques du CRDI en Asie, le PPMAA, a appuyé activement la recherche sur ces questions, particulièrement pertinentes dans le contexte de l'Asie du Sud. De même, les politiques des pays du Nord, dont le Canada, qui réglementent les échanges et l'emploi des plantes médicinales ou des herbes officinales peuvent avoir des impacts directs sur la production locale et la subsistance des producteurs à petite échelle du Sud et, à ce titre, méritent d'être prises en compte.

Enfin, j'aimerais souligner le besoin de promouvoir des pratiques de partage équitable des bénéfices. Nombre de médicaments à base de plantes médicinales se fondent sur le savoir ancestral ou découlent des connaissances, des innovations et pratiques des collectivités locales et autochtones. Toutefois, ces collectivités, dont les conditions de vie sont souvent précaires, n'obtiennent qu'une part minime et parfois nulle des bénéfices économiques tirés du développement et du commerce des produits à base de plantes médicinales.

L'industrie et les consommateurs doivent reconnaître le rôle des connaissances locales et autochtones dans le développement de ces remèdes ainsi que le droit des populations locales à se protéger contre toute tentative de breveter les composants des remèdes traditionnels ou des variétés de plantes, ou bien d'en partager les fruits.

Une telle reconnaissance comprend des pratiques de partage justes et équitables dans lesquelles les avantages tangibles et non tangibles découlant de la mise au point des médicaments à base de plantes médicinales sont répartis entre l'industrie et les collectivités. Il convient que les politiques nationales et internationales régissant les plantes médicinales appuient des échanges commerciaux fondés sur des critères d'éthique et de justice.

Le CRDI appuie la recherche qui vise à établir des modèles de substitution prônant des pratiques équitables de partage de bénéfices et autres dispositifs propres à encourager les collectivités locales à entretenir, évaluer et continuer à approfondir la connaissance des plantes médicinales.

En conclusion, j'aimerais porter à l'attention du comité que les décisions prises en matière de développement et de réglementation des plantes médicinales au Canada peuvent avoir non seulement des répercussions au Canada, mais affecter aussi directement les populations du Sud.

J'espère que le comité voudra tenir compte des trois questions dont j'ai traité aujourd'hui: les préoccupations de nature éthique concernant la sécurité et l'efficacité des médicaments ainsi que la contribution de la validation scientifique des préparations locales et de l'emploi des plantes médicinales aux stratégies des soins de santé primaires; les incidences de la commercialisation et des échanges de plantes médicinales sur l'accès des populations locales aux ressources de la biodiversité et à leur utilisation; enfin, la nécessité de promouvoir des pratiques de partage équitable entre l'industrie et les collectivités locales afin que soit reconnue la contribution de ces populations au développement des médicaments à base de plantes médicinales.

Mes collègues, Chusa Ginés, qui est le chef d'équipe de l'initiative Utilisation durable de la biodiversité au CRDI et Roger Finan, qui est notre directeur régional pour l'Asie du Sud, se feront un plaisir de répondre à vos questions, tout comme moi. Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley: Je vous remercie, madame la présidente.

Merci encore à vous tous d'être venus pour vous entretenir avec nous de ce sujet très important.

J'ai été particulièrement intéressé par ce que vous nous avez dit, monsieur Israelson. Du fait que vous vous situez en dehors de l'expérience canadienne, il vous est possible parfois de faire preuve de plus d'objectivité que nous qui sommes pris dans les passions suscitées par ce genre de sujet.

• 1125

J'ai été très intéressé par la manière dont le gouvernement américain s'est attaqué à cette question. J'aimerais vous poser quelques questions à cet égard.

Nous avons longuement débattu autour de cette table de l'opportunité de créer une troisième catégorie. J'aimerais savoir si vous considérez s'il est nécessaire de faire cela dans la législation que nous finirons par élaborer dans notre pays.

J'ai une autre question. Après l'adoption de la DSHEA, est-il devenu plus facile pour le consommateur d'acquérir ces produits phytothérapeutiques ou bien cela est-il devenu plus difficile?

La troisième question est de savoir comment la DSHEA, sur le plan pratique, intègre des systèmes culturellement aussi divers que la médecine chinoise, la médecine hindoue, la médecine amérindienne, ce genre de choses, qui sont présentes dans nos deux pays?

Voilà les trois questions que je vous adresse, pour commencer.

M. Lorne Israelson: Au sujet d'une troisième catégorie, j'ai eu à en débattre moi-même. Dans la DSHEA, les suppléments diététiques ne constituent pas une troisième catégorie. Ils sont classés dans les aliments. Donc, aux États-Unis, nous n'avons toujours que deux catégories, les aliments et les médicaments. C'est donc une idée fausse, bien que répandue, de croire que les suppléments diététiques forment une troisième catégorie distincte. Ce n'est pas le cas.

M. Reed Elley: Et cela vous convient?

M. Lorne Israelson: La DSHEA représente une transformation fondamentale de la loi. Elle s'accompagne de tellement d'autres choses que la simple création d'une sous-catégorie d'aliments que cette dernière devient presque une troisième catégorie. De fait, sur le plan du contrôle d'application pratique, c'est réellement une troisième catégorie, parce que s'appliquent à elle des normes différentes sur le plan de la sécurité, des allégations thérapeutiques et du flux d'information, qui divergent de celles applicables aux aliments conventionnels. À cet égard, à toutes fins pratiques, nous avons une troisième catégorie. Mais du point de vue juridique, nous n'en avons toujours que deux.

Cela dit, les suppléments diététiques sont reconnus comme à part dans l'article 201 du Federal Food, Drug, and Cosmetic Act, qui les définit officiellement comme une catégorie. C'est là l'origine de la confusion qui fait que les gens pensent qu'ils sont devenus une troisième catégorie.

À mon sens, vous n'êtes pas obligés d'avoir une troisième catégorie pour que le nouveau régime fonctionne, mais vous devez reconnaître ces produits et les aborder avec un ensemble de règles et de conceptions distinctes. Cela pourrait se faire au moyen d'une troisième catégorie ou bien au moyen d'un continuum, je pense, dans lequel vous démantelez en fait la structure actuelle pour la reconstruire. Plusieurs façons de le faire ont été proposées ici. Vous évalueriez les produits sur la base de leurs risques et avantages relatifs. À toutes fins pratiques, cela vous amènera à trois catégories, je pense.

Cela me plairait. Personnellement, je suis attiré par la notion de catégorie distincte.

Pour ce qui est de la deuxième question, le prix de ces produits a diminué, pour autant que je puisse en juger, en partie parce qu'il y a davantage de concurrence sur le marché. Normalement, cela fait baisser les prix et tel est effectivement le cas. Il est très facile d'acheter des suppléments. Ils sont largement disponibles. Les chiffres de vente dans les commerces de détail grand public ont considérablement augmenté.

M. Reed Elley: Pourrais-je vous poser une question complémentaire à ce sujet? Vous dites que les prix à la consommation ont baissé. Pourquoi? Vous parlez de concurrence accrue. Que s'est-il passé dans l'industrie depuis l'adoption de cette loi qui rende cela possible?

M. Lorne Israelson: Il s'est produit deux ou trois phénomènes commerciaux d'ordre pratique. L'un est simplement le volume de la consommation. Lorsque vous achetez plus, vous achetez mieux, pour moins cher. Lorsque vous produisez plus, le coût de production baisse. Ces économies sont répercutées sur le prix. Dans un marché hautement concurrentiel, c'est inévitablement ce qui se passe. Davantage de fabricants se disputent le même client, ils sont donc obligés d'offrir quelque chose de meilleur, de nouveau ou de moins cher; et un prix réduit est certainement un attrait pour le consommateur.

• 1130

Le deuxième élément est que les coûts de distribution ont diminué avec l'arrivée de ces produits dans les canaux de distribution de masse. Les marges bénéficiaires normalement perçues par les magasins de produits naturels sont relativement élevées parce que c'est un marché à faible volume. Ces marges ont baissé, si bien qu'un produit qui était vendu 10 $ dans un magasin de produits naturels peut aujourd'hui être vendu 6 $ dans un supermarché.

C'est un enjeu important dans notre industrie car on craint pour la survie des commerces d'aliments naturels tels que nous les connaissions. Mais le fait est que les prix ont baissé, à mon sens. Ils se sont stabilisés à un niveau qui me paraît durable. Les prix ont baissé d'un cran et je pense qu'ils sont relativement proches de leur niveau à long terme.

M. Reed Elley: Donc, vous n'avez pas constaté de restrictions au niveau de la consommation après l'adoption de cette loi.

M. Lorne Israelson: Non. Le marché s'est ouvert.

M. Reed Elley: Il s'est considérablement ouvert.

La dernière question portait sur l'intégration des médecines traditionnelles.

M. Lorne Israelson: Nous nous sommes débattus avec cet aspect. Il y a ceux qui aimeraient une reconnaissance officielle de la médecine traditionnelle chinoise, par exemple. La médecine ayurvédique n'est pas importante aux États-Unis mais gagne en popularité.

Tous ces produits, quelle que soit leur origine culturelle, sont maintenant vendus comme suppléments diététiques sous le régime de la DSHEA. Donc, qu'il s'agisse d'un médicament chinois traditionnel, d'une préparation ayurvédique ou d'un produit amérindien d'une sorte ou d'une autre, en fin de compte c'est classé comme supplément diététique, car c'est la seule catégorie où on puisse les ranger.

Il y a deux ou trois études qui pourraient vous intéresser dans les documents que j'ai remis au greffier. D'aucuns souhaitent créer une catégorie MVL pour les médicaments traditionnels.

La présidente: Qu'est-ce que cela signifie?

M. Lorne Israelson: Cela signifie médicament en vente libre. Ce serait fait au moyen d'une série de monographies. Cela ressemble davantage à la méthode de la Commission E en Allemagne. Les plantes médicinales font l'objet d'une monographie et si vous produisez un produit conforme à la monographie, vous pouvez le mettre directement sur le marché. Vous n'avez pas besoin d'une autorisation administrative.

Certains milieux sont très intéressés à établir ce système, qui permet de faire des revendications thérapeutiques plus franches sur la nature de ces produits qui sont vendus depuis des milliers d'années dans diverses parties du monde comme médicaments traditionnels. Nous ne savons pas quel sort sera fait à cette idée aux États-Unis. Peut-être n'ira-t-elle pas loin, peut-être aboutira-t-elle.

M. Reed Elley: Bien, je vous remercie.

La présidente: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je ne connais pas très bien le CRDI. Vous excuserez mon ignorance. Je voudrais savoir si vous dépendez d'une agence gouvernementale de développement international comme l'ACDI. Ou encore, êtes-vous une entreprise autonome qui agit, dans ses recherches dans les différentes parties du monde, dans des États de l'Asie, de l'Afrique ou de l'Amérique centrale? Est-ce que vous pourriez répondre tout de suite à cette question?

M. Gilles Forget: Le CRDI est une société de la Couronne qui dépend directement du Parlement. Il ne dépend pas d'un ministère directement, mais il utilise quand même les bons offices du ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur comme porte-parole. Nous dépendons directement du Parlement.

Mme Pauline Picard: Vous dites que les recherches communautaires que vous faites peuvent influencer les objectifs stratégiques nationaux et internationaux. Dans le domaine de votre expertise, de votre savoir actuel, de quelle façon bénéficie-t-on de vos recherches ici, au Canada?

M. Gilles Forget: Le CRDI est une agence qui finance la recherche. Nous ne faisons pas de recherche nous-mêmes. Nous sommes une agence de financement qui permet aux chercheurs et aux institutions du tiers monde de faire eux-mêmes la recherche qui leur permet de régler leurs problèmes de développement.

En ce sens, le Canada, dans sa politique extérieure, a pour objectif de consacrer de 15 à 20 p. 100 de ses ressources affectées à l'aide extérieure aux besoins humains essentiels. Une large proportion de la recherche que nous subventionnons touche directement ces besoins humains essentiels.

Mme Pauline Picard: Est-ce qu'on vise seulement les besoins des populations du tiers monde? Si vous trouviez une plante, comme l'aloès qui nous vient du Mexique et qui est bon pour les grands brûlés, votre mission vous dicterait-elle de nous communiquer ici, au Canada, ce résultat d'une recherche que vous auriez financée?

• 1135

Vous devez exercer un suivi des laboratoires que vous subventionnez. Que faites-vous quand ils trouvent des plantes ou des médecines qui pourraient être bénéfiques pour la santé des Canadiens et de la population du monde entier?

M. Gilles Forget: Je vais vous répondre indirectement. Une des choses les plus importantes que nous faisons est d'assurer la diffusion et la publication, même au niveau scientifique, de la recherche que nous subventionnons. C'est une recherche de haut niveau, qui mérite donc d'être publiée, et nous faisons tout en notre pouvoir pour que ce soit fait. Nous facilitons aussi la diffusion de ces résultats partout, y compris au Canada. Il y a certains organes qui utilisent le CRDI pour faciliter cette diffusion des résultats.

D'autre part, en ce qui concerne les plantes médicinales, je n'ai pas d'exemple spécifique, bien qu'il y en ait certainement. Dans plusieurs domaines subventionnés par le CRDI, la recherche se fait souvent en collaboration avec des institutions canadiennes, ce qui facilite ce retour vers le Canada des données ou des résultats de la recherche effectuée dans le tiers monde.

Mme Pauline Picard: Merci beaucoup.

[Traduction]

Mme Chusa Ginés (chef d'équipe, Direction des programmes d'utilisation durable de la biodiversité, Centre de recherches pour le développement international): En ce qui concerne la collaboration avec les Canadiens dont Gilles vient de parler, les avantages sont mutuels. Par exemple, si des chercheurs de l'Université d'Ottawa collaborent avec des chercheurs du Mexique pour étudier les propriétés de la goyave dans le traitement de la diarrhée, c'est avantageux pour la commercialisation, la distribution et la normalisation de ce remède végétal au Mexique, où la diarrhée est très fréquente, mais ces renseignements sont utiles également au Canada, où la goyave a été maintenant introduite et où les gens en consomment.

De même, vous avez peut-être entendu parler de la «griffe de chat». La griffe de chat devient un remède très populaire, et c'est un immunostimulant. Là encore, des chercheurs de l'Université d'Ottawa ont étudié les effets toxicologiques et biologiques de ce composé. Les résultats seront publiés dans un journal scientifique très prochainement, ce qui permettra de mieux renseigner le public sur les effets et l'innocuité de ce produit. C'est une plante qui pousse dans le Sud, particulièrement dans les Andes amazoniennes, mais le produit est aujourd'hui importé.

Cette collaboration est donc mutuellement bénéfique.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Je vous remercie, madame la présidente. Je voudrais commencer par M. Israelson.

J'ai été intéressé par ce que vous avez dit sur l'évaluation risque-avantage. Je veux m'assurer de bien comprendre. Vous dites que le gouvernement n'a pas de rôle à jouer pour ce qui est des avantages, de ce qu'un produit prétend pouvoir faire. Est-ce bien cela?

M. Lorne Israelson: Non. À mon avis, il y a évidemment des substances qui exigent étude et agrément avant d'être vendues au public. C'est plutôt au sujet de produits intermédiaires que les consommateurs, en formulant des choix d'aliments conventionnels, formulent des jugements de valeur sur les avantages. Ils choisissent certaines choses et non certaines autres, et ils ont pour cela leurs raisons. Qu'il s'agisse d'aliments à faible teneur en matière grasse ou en cholestérol ou qu'ils choisissent de manger plus de fruits ou plus de céréales, c'est sur la base d'un jugement de valeur. Lorsque vous suivez ce continuum jusque dans la zone intermédiaire des plantes médicinales et vitamines et minéraux à dose thérapeutique, le ratio avantages augmente dans l'esprit du consommateur. Ils en attendent davantage. Mon avis est que le gouvernement ne doit pas surimposer son appréciation des avantages sur celle des consommateurs.

Je m'inscris dans la mentalité américaine. Que le consommateur veuille acheter un cachet de vitamines C de 500 milligrammes ou de 1 000 milligrammes, c'est son choix. Les pouvoirs publics—c'est vrai dans beaucoup de pays du monde—choisissent de traiter cela comme un médicament, pour des raisons qui, franchement, m'échappent. Il n'y a réellement pas de problème de sécurité avec la vitamine C dosée à 500 milligrammes ou 1 000 milligrammes. C'est cela que je considère comme une évaluation de l'avantage par le gouvernement, lorsqu'il choisit de rendre ce produit plus coûteux et moins facilement disponible, pour ses raisons propres en subordonnant votre jugement au sien.

Je ne pense pas que dans le cas de nouveaux médicaments ou de médicaments réellement puissants cette approche de libre marché de l'évaluation risque-avantage devrait s'appliquer. C'est trop dangereux.

M. Lynn Myers: Permettez-moi d'aborder le volet risque pendant une minute. Vous dites qu'il devrait y avoir un continuum.

M. Lorne Israelson: Oui.

• 1140

M. Lynn Myers: Qui décide du placement du risque sur ce continuum? Qui fait cela?

M. Lorne Israelson: C'est évidemment la question en or.

M. Lynn Myers: Y a-t-il une réponse?

M. Lorne Israelson: Réellement, selon moi, cela suppose... en fin de compte, le gouvernement doit jouer un rôle, l'industrie doit jouer un rôle, de même que le consommateur. La DSHEA représente une sorte de fusion de tout cela. Mais, dans notre cas, cela a représenté une sorte de révolution de palais. Le gouvernement a été relégué dans un rôle secondaire et l'industrie et les consommateurs ont obtenu un rôle plus important à cet égard.

Cela a été fait de plusieurs façons. On a prononcé le jugement fondamental que les suppléments diététiques sont généralement sûrs—et c'est un jugement réellement fondamental—et que par conséquent ils devaient être largement disponibles. Le risque a été estimé assez faible. L'absorption de la plupart des suppléments diététiques ne présente vraiment guère de risque.

L'industrie a choisi de ne pas vendre un certain nombre de plantes médicinales, simplement parce qu'elles sont trop dangereuses pour le consommateur. C'était un choix délibéré de l'industrie. Pour préserver son droit de continuer à vendre quantité de choses, elle a convenu de ne pas en vendre un petit nombre. C'était réellement une initiative de l'industrie.

Au Canada, il y a une liste de plantes médicinales considérées comme trop dangereuses pour être vendues comme aliments. Aux États- Unis, nous admettons aussi que certains de ces produits ne devraient pas être vendus comme aliments. Je sais que d'aucuns considèrent que toutes les plantes médicinales devraient être largement disponibles. Personnellement, je ne pense pas que ce soit sage, pour deux raisons. Il y a beaucoup de nouveaux consommateurs de ces produits à base de plantes et c'est leur demander beaucoup de prononcer des jugements de valeur alors qu'ils sont insuffisamment informés.

M. Lynn Myers: À cet égard, comment les gens aux États-Unis apprennent-ils l'existence de ces produits? Est-ce simplement le bouche à oreille ou...

M. Lorne Israelson: Le bouche à oreille, certainement. Il y a aujourd'hui quantité de sources d'information. Les médias nationaux ont fait des produits naturels et des plantes médicinales leur chouchou. Il y a eu récemment une longue émission sur le millepertuis commun qui a eu un retentissement national.

M. Lynn Myers: Vous avez également évoqué des effets nocifs, dont on ne sait tout simplement pas ce qu'ils sont ou que l'on n'a pas, je suppose, quantifiés. Est-ce que réellement...

M. Lorne Israelson: C'est une question que j'ai posée. C'est une question rhétorique que l'on pose souvent. Les critiques de la DSHEA et des suppléments diététiques en général posent toujours cette question. Ils disent que l'absence de mécanisme permettant de saisir ces données auprès des consommateurs signifie qu'il peut y avoir quantité d'effets néfastes que nous ignorons complètement. Je n'en suis pas convaincu personnellement, mais c'est une question importante à poser si...

M. Lynn Myers: Il n'existe donc pas un ensemble de connaissances quantifiées à ce sujet aux États-Unis. Je vous remercie.

J'aimerais vous poser la question suivante très rapidement, monsieur Forget. J'ai été réellement intéressé par ce que vous avez dit du mouvement des plantes du Sud vers le Nord. Par curiosité, y a-t-il un mouvement dans le sens inverse?

M. Gilles Forget: J'aimerais référer cette question à ma collègue, Chusa.

Mme Chusa Ginés: Je vous remercie. Oui, absolument. Il y a eu un mouvement traditionnel, si vous voulez, de plantes que les colonisateurs ont découvertes dans les Amériques. La liste est longue de ces plantes, y compris le tabac, le café et quantité d'épices.

Ce mouvement a lieu encore aujourd'hui. L'exemple typique est l'if de la côte Ouest canadienne, mais le composant actif a maintenant été synthétisé—le taxol—et c'est sous cette forme que la substance est maintenant commercialisée. Ce n'est pas tant ces plantes... mais il y a d'autres exemples. Je ne les ai pas ici, mais je pourrais vous les communiquer, si vous le voulez.

M. Lynn Myers: J'aimerais bien voir une liste. Cela m'intéresse.

Monsieur Forget, votre remarque au sujet du savoir, des innovations et des pratiques des collectivités autochtones et locales est judicieuse. Je me demande comment vous recueillez ce savoir. Vous avez mentionné la pharmacopée antillaise et je suppose que ce n'est là qu'un exemple. Y en a-t-il d'autres? Comment vous y prenez-vous pour recueillir ce genre de savoir?

M. Gilles Forget: Permettez-moi de répondre à votre question sur les Antilles. Dans ce cas particulier, tout ce projet est axé sur des entretiens avec les familles, c'est-à-dire que ce que l'on recueille n'est pas tant le savoir des praticiens traditionnels que le savoir familial, celui des pères et des mères, par exemple ce qu'ils utilisent lorsqu'ils ont des maux de tête ou lorsque leur enfant a des furoncles, des choses de ce genre. Le genre de renseignements recueillis au niveau communautaire, familial.

Quant à ce que nous recueillons actuellement comme connaissances traditionnelles d'une collectivité, qui peuvent être détenues par les guérisseurs ou praticiens traditionnels, je pense que là encore Chusa pourrait mieux répondre que moi.

• 1145

Mme Chusa Ginés: L'approche suivie par le CRDI est largement déterminée par des considérations éthiques, si bien que la plupart des recherches que nous subventionnons portent sur le savoir commun. Cependant, des éléments de ce savoir commun peuvent être très nouveaux.

Par exemple, s'agissant des populations afro-antillaises d'Amérique centrale, sur lesquelles porte ce programme, le TRAMIL, on constate qu'il y a toute une variété de plantes endémiques locales qui sont traditionnellement utilisées par ces populations mais qui ne sont pas connues dans le Nord.

Parce que ces chercheurs ont pour principe de publier ces renseignements, par exemple par le biais de la pharmacopée, le Nord y a accès très facilement. Ainsi, nous dans le Nord, au Canada et en Amérique du Nord, avons accès à des renseignements nouveaux sur de nouvelles plantes qui peuvent être utilisées comme remède sûr pour des maux courants.

Il y a aussi, bien entendu, d'autres travaux, surtout en Afrique, où la connaissance réside plus fréquemment chez des chamans et des guérisseurs locaux. C'est donc par ce biais que nous travaillons, par le biais d'associations de guérisseurs locaux. L'accent dans ce cas n'est pas tant mis sur la découverte de nouvelles plantes que sur l'amélioration de leurs pratiques, afin qu'elles deviennent plus sûres et plus accessibles.

Je vais vous donner un exemple qui illustre bien, à mon avis, l'importance de ce savoir. Vous avez peut-être entendu le nom Shaman Pharmaceuticals. C'est une société très connue—pour ceux qui vivent dans la région—aux États-Unis, qui part du principe que si l'on travaille avec ces chamans ou guérisseurs traditionnels ou peuplades autochtones isolées qui utilisent de longue date des remèdes traditionnels, surtout à base de plantes médicinales, on peut réduire considérablement les recherches requises pour découvrir de nouveaux médicaments.

Ordinairement, il faudrait passer au crible 10 000 plantes pour trouver celle que vous cherchez. Pour une application donnée—mettons un médicament antiviral—en mettant à profit ce savoir autochtone, on escomptait un rapport de un à 100 au lieu de un à 10 000.

En réalité, on peut descendre jusqu'à un à six pour découvrir une plante présentant un potentiel énorme dans l'application visée, telle qu'un antiviral. Cela vous donne une idée de la valeur réelle de ce savoir.

L'élément critique est celui-ci: comment rémunérer la population locale pour ce savoir, pour cette contribution qu'elle a apportée, soit collectivement soit dans certains cas individuellement, au fil des ans? Nous subventionnons donc aussi certains travaux pour trouver des formules justes et équitables. Mais il ne s'agit pas tant de rémunération financière, qui est très difficile à estimer... Bien entendu, plusieurs accords ont déjà été signés entre, mettons, une compagnie pharmaceutique et une collectivité autochtone, ou un pays, etc., et il y a un pourcentage standard des royalties qui est versé, et ainsi de suite. Il y a beaucoup de travail à faire sur la manière dont ces accords fonctionnent, et il y a bien sûr aussi l'élément équité.

La présidente: Cette réponse vous suffit-elle, monsieur Myers?

M. Lynn Myers: Oui, c'est très intéressant.

La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci beaucoup, et je veux remercier tout le monde d'avoir accepté de venir nous rencontrer aujourd'hui.

Je veux adresser mes questions aux représentants du CRDI, car je pense qu'ils ont ouvert toute une perspective nouvelle dont le comité n'avait pas encore parlé. En lisant votre mémoire et en écoutant vos réponses, il m'apparaît que si l'on considère l'ensemble de ce domaine—car il croît sur le plan commercial, les forces du marché jouent de plus en plus et c'est une opportunité lucrative—nous devrions, en tant que comité, commencer à réfléchir à des questions telles que la durabilité, la conservation, la récolte des plantes elles-mêmes, les emplois que les populations locales auront ou n'auront pas par suite de ces forces du marché, et les bénéfices et l'accès à ces produits. Ils font toujours partie de l'approche des soins payés par tous.

• 1150

Mes questions sont de portée très large. J'espère avoir mis le doigt sur les enjeux, rectifiez si ce n'est pas le cas. Que peut faire le Canada concrètement pour appliquer le paragraphe 8(j) de la Convention sur la diversité biologique? Y a-t-il une organisation internationale qui se penche sérieusement sur ces questions? Le Canada y joue-t-il un rôle, ou devrait-il jouer un rôle?

Enfin, dernière question, il me semble que tout ce que nous avons entendu à l'échelle internationale vise l'harmonisation des normes au profit de ces grandes sociétés qui veulent exploiter au maximum cette opportunité lucrative, plutôt que d'appliquer des normes internationales qui soient dans l'intérêt de ces peuples autochtones et de notre environnement naturel. Si tel est le cas, que pouvons-nous faire pour y remédier?

M. Gilles Forget: En ce qui concerne la Convention sur la biodiversité et l'action du Canada, je demanderais à Chusa de répondre. Mais d'abord, j'aimerais faire une mise en garde: au fur et à mesure que nous épuisons la diversité naturelle, que nous commençons à récolter à l'excès les plantes sauvages qui entrent dans ces remèdes naturels, on s'aperçoit—et je pense que ce sera de plus en plus le cas—que les praticiens ou les cueilleurs du Sud qui récoltent ces choses pour l'exportation font du remplissage, ajoutent des plantes de la même famille qui ont la même apparence, mais qui ne contiennent pas nécessairement les principes actifs que nous recherchons. C'est quelque chose qui doit réellement nous préoccuper car cela pourrait retentir directement sur ce qui est importé au Canada. On pourrait pallier ce problème en protégeant la biodiversité et en évitant la surexploitation et la surproduction de ces plantes.

Je vais maintenant demander à Chusa de nous parler de la Convention sur la biodiversité.

Mme Chusa Ginés: Je vous remercie.

Je dois dire que vous avez très bien saisi la situation. Pour ce qui est de savoir ce que le Canada peut faire pour appliquer le paragraphe 8(j), le Canada participe très activement aux discussions sur la Convention sur la diversité biologique. Une réunion, la COP-4, une conférence des parties, doit avoir lieu en mai, à laquelle cet article figurera en très bonne place.

Le Bureau canadien de la convention sur la biodiversité, par le biais du ministère de l'Environnement, a lancé un vaste processus de consultations internes, particulièrement auprès des représentants des groupes autochtones, pour présenter une perspective jugée assez progressiste. De fait, le Canada a négocié ou amené la création du poste de responsable des relations autochtones au Secrétariat de la Convention sur la biodiversité, qui a son siège à Montréal. Je dirais donc que le Canada s'est montré généralement plutôt actif et prend sa responsabilité au sérieux.

Pour ce qui est de l'action internationale à cet égard, il en est question dans le cadre de la convention, mais également à l'OMC parce que l'accord GATT APIC porte sur la responsabilité des États de réglementer la préparation des plantes. Ce sont des régimes de droit de propriété intellectuelle et c'est le paragraphe 27 a) qui prévoit soit un système de brevet soit une législation appropriée.

Le CRDI a appuyé très activement des discussions pluripartites sur les répercussions de ces accords et l'harmonisation des différentes conventions. Je peux dire que nous avons fait oeuvre de pionnier, en quelque sorte, pour ce qui est de promouvoir ces discussions et de formuler des recommandations de politique, afin que les décideurs au Canada et à l'étranger disposent d'un large éventail d'options et soient bien informés des avantages et inconvénients de chacune.

• 1155

Pour ce qui est de l'harmonisation de la norme applicable aux compagnies locales, c'est évidemment une question de très haute importance. Encore une fois, il s'agit de décider ce que nous voulons. Dans notre cas, et étant donné notre mandat de protéger les intérêts des collectivités marginalisées du Sud, l'approche que nous avons suivie avec nos recherches est de veiller à ce que ces collectivités aient le droit à l'information sur l'utilisation sûre et efficace de ces plantes.

Il faut en effet craindre que les grandes compagnies pharmaceutiques réclament les droits de propriété intellectuelle sur certains de ces remèdes, ce qui empêcherait les populations du Sud d'accéder à ces remèdes dont ils dépendent pour leurs soins de santé primaires.

C'est donc un aspect à prendre en considération.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

La présidente: Nous avons encore deux autres personnes voulant poser des questions.

Monsieur Szabo et monsieur Hill.

M. Paul Szabo: Je vais aborder directement ma question.

À l'évidence, monsieur Israelson, dans le débat sur cette question, il y a un certain nombre de groupes ayant des intérêts à protéger. Le débat est réellement fascinant et ils ont tous quelques arguments intéressants.

L'expérience américaine est évidemment de grand intérêt pour le Canada. Je pense qu'il importe que nous déterminions quelles différences peuvent exister, que ce soit dans l'attitude gouvernementale ou dans les mentalités, lorsqu'on aborde des problèmes comme celui-ci.

Par exemple, l'armée américaine a une approche très intéressante lorsqu'il s'agit d'éprouver la sécurité des produits etc. Elle prend un échantillon statistique, et c'est très... Un exemple plus direct est le cas de la Pinto, où l'on a décidé de laisser en circulation une voiture quelque peu dangereuse car le coût des explosions était moindre que celui de la réfection des voitures pour les rendre sûres.

Y a-t-il une différence entre l'attitude canadienne et l'américaine, les États-Unis faisant preuve d'un peu plus de laxisme en matière de contrôle? Ma crainte est que si le Canada ouvrait les vannes, en quelque sorte, au nombre de produits que les gens voudraient acheter, notre système ne serait pas suffisamment préparé pour assurer le contrôle ou se défendre et s'exposerait à des poursuites en justice massives et toutes sortes d'autres difficultés.

Le Canada et les États-Unis sont-ils suffisamment différents du point de vue de leur culture fondamentale que cette approche des médicaments de remplacement ne puisse être facilement transférée?

M. Lorne Israelson: Je pense que les cultures des deux pays sont très similaires. S'il est deux pays qui se ressemblent, ce sont bien les États-Unis et le Canada. La grande différence, premièrement, c'est que vous avez ce genre de processus de délibération. Cela n'a pas été le cas aux États-Unis. La FDA avait coutume de jeter l'industrie par l'escalier—pour parler familièrement—refusant de parler de ces questions, dictant sa volonté à l'industrie et disant: «Voici ce que nous voulons. Vous ne pouvez vendre ceci. Fin de la conversation».

Cela en dépit de toutes les interventions de l'industrie, et c'est ce qui a finalement amené ce sursaut du public, qui s'est traduit par une solution législative et non administrative.

J'aimerais croire que votre processus représente une approche beaucoup plus réfléchie, sachant que si vous ouvrez le marché des suppléments aux consommateurs, vous pourrez déterminer le coût pour le gouvernement, quelles ressources seront requises à la DGPS, en particulier, et vous préparer à cela.

Cela a été l'expérience de la FDA; elle a été prise de court par la DSHEA. Il lui a fallu trois ans et demi pour se remettre et comprendre ce que cette loi signifie et commencer à s'adapter.

En résumé, non, je ne pense pas qu'il y ait des différences culturelles significatives entre les Américains et les Canadiens. Je pense que leurs intérêts essentiels sont les mêmes du point de vue de leur désir d'accéder à ces produits. La différence que je vois, c'est dans la manière dont le gouvernement aborde la question.

Du côté américain, cela n'a pas été une expérience très heureuse pour l'autorité réglementaire. Chez vous, en dépit de la controverse qui transparaît des témoignages, je pense que vous avez un outil merveilleux pour déterminer ce qu'il conviendra de faire si vous ouvrez ce marché.

• 1200

La présidente: Monsieur Hill.

M. Grant Hill: Monsieur Israelson, vous avez indiqué que la commission sur l'étiquetage vient de présenter ses conclusions au Congrès et au Président. Pourriez-vous nous donner un petit indice de ce que sont ces conclusions? Le savez-vous?

M. Lorne Israelson: Certainement. Je connais très bien le rapport.

Je n'en ai pas apporté d'exemplaire. J'aurais dû le faire, mais je n'y ai pas pensé. Je vous en ferai tenir un.

La présidente: Si vous pouviez l'envoyer au greffier, il nous le remettra.

M. Lorne Israelson: Je le ferai.

La commission a affirmé un certain nombre de choses. Premièrement, il faut continuer à faire preuve de diligence pour assurer l'innocuité des suppléments diététiques. C'est la question fondamentale à ses yeux et elle met en jeu l'innocuité inhérente de la substance, de même que les procédés de fabrication et l'étiquetage. Voilà les trois volets. Elle affirme que si des produits sont tout simplement trop dangereux pour être vendus en tant que suppléments, cette décision doit être prise conjointement par le gouvernement et l'industrie.

Elle a affirmé également que l'étiquetage doit être clair et explicite afin que les consommateurs sachent ce qu'ils font—je partage ce point de vue—et que les bonnes pratiques de fabrication sont essentielles. Elle affirme en outre que la FDA devrait examiner toute la question du statut MVL de certaines plantes médicinales et médicaments traditionnels. Quant à ce que le système structure-fonction permet de faire, elle estime que certaines allégations doivent pouvoir être formulées sur les étiquettes, par exemple que la valériane facilite le sommeil réparateur. Manifestement, au Canada, ce serait considéré comme une revendication réservée aux médicaments. Aux États-Unis, c'est une allégation structure-fonction, que l'on peut apposer sur un supplément diététique vendu comme aliment. La commission estime que lorsque de telles allégations sont faites, elles doivent être étayées par des justificatifs. La commission s'est penchée sur la manière de recueillir et de gérer cette corroboration. Elle a formulé quelques idées précises sur la manière dont les compagnies devraient le faire, sachant que c'est un système axé sur la confiance, en quelque sorte.

Elle a formulé quelques recommandations sur l'évaluation des attitudes des consommateurs, les raisons et la manière dont ils usent des suppléments diététiques, afin que l'on puisse répondre à leurs attentes.

C'est un rapport intéressant. Comme vous, la commission a tenu une série d'audiences publiques et, mon Dieu, ils ont entendu de tout.

M. Grant Hill: Ma dernière question porte sur l'envergure de la FDA et l'importance des ressources qu'elle a consacrées à ce domaine. Vous avez parlé de bouleversement. C'était presque comme si quelqu'un avait jeté un bâton de dynamite dans le tas. Qu'est-il advenu sur le plan des effectifs et de l'expertise de la FDA dans ce domaine?

M. Lorne Israelson: Deux choses se sont produites. La FDA est scindée en un volet aliments et un volet médicaments, comme la plupart des administrations de cette nature. Du côté aliments, on a créé un bureau des nutritifs spéciaux qui a été chargé des suppléments diététiques. Celui-ci a engagé des experts, des gens qui ont une connaissance plus large de la nutrition et qui ont beaucoup appris sur la manière dont l'industrie fonctionne. Ils sont responsables de la saisie et de l'évaluation des avis structure-fonction. Cela a accaparé pas mal de ressources. Ils vous diront qu'ils manquent terriblement d'effectifs et ne parviennent tout simplement pas à suivre le rythme des nouvelles données qui leur sont présentées.

Il n'y a pas réellement eu d'augmentation de l'effectif total; simplement, le même personnel remplit des fonctions supplémentaires et il s'estime surchargé de travail.

Du côté médicaments, il y a eu des changements beaucoup plus profonds, pour deux raisons. À l'heure où nous parlons, la FDA est saisie de 25 nouvelles demandes d'agrément de médicaments à base de plantes, si bien que la FDA doit étudier chacune de ces demandes très volumineuses en vue de l'homologation comme nouveau médicament.

Par ailleurs, la FDA a engagé beaucoup de ressources pour étudier le rôle des plantes médicinales en tant que médicaments potentiels ou produits thérapeutiques. Je crois qu'elle a coparrainé cinq conférences au cours des deux dernières années, et elle dépêche normalement entre 50 et 75 membres de son personnel à chacune. Ces conférences sont organisées et gérées par la FDA elle- même. Il aurait été inconcevable il y a cinq ans que la FDA organise une rencontre pour discuter de plantes médicinales et de sa politique future.

La raison pour laquelle elle fait tout cela est qu'elle doit publier prochainement un énoncé de politique établissant les obligations de l'industrie sur le plan de la soumission de données et de demandes à l'égard des produits phytothérapeutiques. Ce sujet suscite un intérêt de toutes parts—pas seulement dans l'industrie des suppléments, mais dans le monde entier. Toutes sortes de gens voudraient vendre maintenant aux États-Unis des produits à base de plantes présentant à leur avis une valeur thérapeutique.

• 1205

La question est de savoir ce que la FDA fera maintenant qu'elle a acquis toutes ces connaissances nouvelles et la capacité de les exploiter? Cela exigera beaucoup plus de ressources que ce qu'elle a fait jusqu'à présent. Elle n'a pas reçu de crédits additionnels ni de personnel supplémentaire pour administrer la DSHEA. Elle considère cela comme un lourd fardeau qu'il lui a fallu assumer avec son budget existant.

M. Grant Hill: Vous avez dit qu'il y a des détracteurs de la DSHEA. Vous considérez la loi comme satisfaisante, dans son ensemble. Qui sont les détracteurs, en gros?

M. Lorne Israelson: Il y a une conception idéologique, si vous voulez. Ce sont des gens qui sont convaincus que les suppléments, en général, sont inutiles et que si l'on a un régime alimentaire équilibré il n'est pas nécessaire d'avaler en plus des vitamines et des minéraux. Pour eux, c'est un gaspillage d'argent. Il y a ceux qui pensent que les plantes médicinales n'ont tout simplement pas leur place dans la société moderne. Je pense que c'est très idéologique.

La présidente: Merci beaucoup. J'ai quelques brèves questions auxquelles les attachés de recherche aimeraient avoir la réponse.

Est-ce que les préparations homéopathiques sont couvertes par la DSHEA?

M. Lorne Israelson: Non. Elles sont considérées comme des médicaments.

La présidente: Bien. Pourriez-vous expliquer la différence entre les allégations structure-fonction et les allégations intéressant un médicament en vente libre?

M. Lorne Israelson: Une allégation structure-fonction vise à expliquer comment un supplément diététique influe sur une structure ou fonction de l'organisme. C'est une expression curieuse. Elle a été conçue d'après la Loi sur les aliments. Tout le monde admet que les aliments influent sur la structure et la fonction de l'organisme. En l'occurrence, on franchit un pas de plus et l'on explique de manière plus explicite quelle est cette action.

Pour vous donner un éventail, vous pouvez dire que le lait fortifie les os. Vous pouvez aller plus loin et dire que le chou palmiste nain contribue à la santé de la prostate. C'est là une allégation structure-fonction typique qui décrit en termes généraux comment cette baie influe sur la prostate ou comment la valériane améliore le sommeil. Voilà le genre d'allégations qui étaient envisagées. Elles ne sont pas censées aborder la symptomologie ou une thérapie en soi. Elles ne peuvent aller aussi loin que cela.

La présidente: Cela répond peut-être à la deuxième question. Est-ce que les deux types d'allégations devraient être évaluées de la même façon?

M. Lorne Israelson: Qu'entendez-vous par les deux types?

La présidente: L'allégation structure-fonction et l'allégation MVL.

M. Lorne Israelson: Elles ont des aboutissements différents. Les allégations MVL font état de symptômes et d'une posologie à court ou moyen terme. Mais là encore, je dois dire qu'à mon avis cette distinction entre aliment et médicament est une fausse réalité. Lorsque vous regardez l'ensemble, vous voyez des suppléments diététiques avec des allégations structure-fonction et des médicaments MVL faisant des allégations propres aux médicaments. Dans la pratique, il est difficile de voir la différence.

C'est pourquoi je pense que les consommateurs s'en contrefichent. Si l'un dit: «contribue à un sommeil réparateur» et l'autre dit: «aide à bien dormir la nuit», c'est la même chose dans l'esprit de la plupart des consommateurs.

La présidente: D'accord. Je vous remercie tous d'être venus. Désolée d'avoir commencé avec un peu de retard.

La séance est levée jusqu'à nouvel ordre.