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SHUR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 mai 1998

• 0908

[Traduction]

La présidente (Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international. Nous allons commencer avant que tout le monde ne soit arrivé étant donné que nous avons un horaire très chargé ce matin.

Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de l'Association des juristes canadiens pour le respect des droits de la personne dans le monde. Il s'agit de MM. Salim Fakirani, Robert Young, et Jarat Chopra. Ils sont ici pour nous parler du Sahara occidental.

Afin que nous ayons le temps d'entendre vos exposés et de vous poser des questions, nous allons débuter tout de suite la séance. Qui veut commencer?

M. Salim Fakirani (membre, Association des juristes canadiens pour le respect des droits de la personne dans le monde): Je vais commencer.

La présidente: Très bien.

M. Salim Fakirani: Bonjour, madame la présidente et membres du comité.

Au nom de l'Association des juristes canadiens pour le respect des droits de la personne dans le monde, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à vous faire part des événements survenus récemment au Sahara occidental.

Notre association est un organisme non gouvernemental sans but lucratif établi pour promouvoir et protéger les droits de la personne au niveau international par l'entremise des institutions juridiques. Notre association a été fondée en 1992 et son siège se trouve à Ottawa. Elle est enregistrée comme organisme de bienfaisance.

L'Association des juristes canadiens pour le respect des droits de la personne dans le monde croit que la reconnaissance des droits humains fondamentaux est essentielle à la dignité inhérente de l'individu et forme la base de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Notre association a joué un rôle actif dans le monde entier, notamment en Afrique du Sud, au Pérou, au Salvador et en Guyana. Elle participe également au programme de jeunes stagiaires internationaux du gouvernement fédéral.

• 0910

En 1994, notre association a mis sur pied le projet du Sahara occidental, un projet mené par des bénévoles qui vise à assurer, grâce à une analyse juridique et une meilleure supervision internationale, la tenue d'un référendum libre et impartial au Sahara occidental. Nous n'avons pas pris position au sujet des résultats du référendum. Nous jouons plutôt un rôle non sectaire.

Je voudrais maintenant vous présenter deux personnes qui ont participé de façon intensive aux efforts déployés pour résoudre le conflit au Sahara occidental.

Nous avons la chance d'avoir avec nous Jarat Chopra, un Canadien qui travaille maintenant comme chercheur et chargé de cours en droit international au Watson Institute for International Studies de Brown University, aux États-Unis. Il se spécialise dans le droit international et les opérations de paix et il a acquis une très vaste expérience sur le terrain. Il est le plus grand expert dans ce domaine et il a beaucoup publié sur ce sujet. Le professeur Chopra a comparu devant des commissions du Congrès ainsi que la quatrième commission de l'Assemblée générale des Nations Unies pour discuter de la question du Sahara occidental.

Notre troisième présentation sera faite par Robert Young, qui a contribué à l'élaboration de ce projet en 1994. M. Young est un avocat du cabinet Nelligan Power, à Ottawa et c'est lui qui dirige le projet du Sahara occidental. Il a déjà travaillé pour la Commission d'enquête sur la Somalie, le ministère de la Justice, et la Croix-Rouge canadienne. Il est membre-fondateur de notre association et membre de l'exécutif du conseil d'administration du Conseil canadien de droit international.

Comme vous le savez, je suis Salim Fakirani, et je suis membre du conseil d'administration de l'Association des juristes canadiens pour le respect des droits de la personne dans le monde. J'ai terminé mon diplôme en droit et je suis actuellement le cours d'admission au Barreau du Haut-Canada. Je termine également ma maîtrise à la Norman Paterson School of International Affairs. Je travaille à ce projet depuis 1996.

Je commencerai par vous présenter le contexte de ce conflit. Le professeur Chopra vous parlera de l'évolution du processus de paix au cours de l'année écoulée en insistant sur les ingrédients manquants au plan de paix. M. Young fera valoir ce que le Canada pourrait faire dans le cadre du processus de paix pour éviter qu'il n'échoue.

Des renseignements détaillés sur les origines du conflit se trouvent dans un mémoire que nous avions adressé par écrit au comité l'année dernière. Je reviendrai toutefois sur certains points afin de vous fournir le contexte de notre présentation. Si vous avez besoin de plus de précisions, n'hésitez pas à les demander lorsque nous passerons aux questions.

Depuis notre dernière comparution devant le comité, en mars 1997, d'importants progrès ont été réalisés pour résoudre le conflit. Malgré la progression du processus de paix, il reste des obstacles à surmonter au cours des huit à 12 prochains mois pour parvenir à un règlement pacifique et durable.

Les deux principales parties en cause sont le Royaume du Maroc et le Front Polisario, un mouvement de libération national qui représente les Sahraouis, le peuple du Sahara occidental.

Comme vous le savez, la principale question à résoudre dans ce conflit est le droit à l'autodétermination de la population du Sahara occidental. Selon le droit international et un jugement rendu par la Cour internationale de justice, les Sahraouis ont le droit de choisir entre l'indépendance ou l'intégration au Maroc par voie de référendum.

À la fin des années 70 et au cours des années 80, les parties se sont engagées dans un conflit armé. Ces années de conflit ont fait des milliers de morts et des milliers de réfugiés. Un cessez- le-feu est entré en vigueur en 1991 grâce à un plan de paix négocié par les Nations Unies.

La MINURSO, la Mission des Nations Unies sur le référendum du Sahara occidental, a été établie pour réaliser le plan de paix. Néanmoins, de 1991 à 1997, en raison d'un désaccord entre les parties quant aux critères d'admissibilité des électeurs, cet organisme n'a pas réussi à organiser le référendum prévu.

En 1997, le nouveau secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, désignait l'ancien secrétaire d'État américain, James Baker, comme représentant spécial chargé de négocier un règlement. En septembre 1997, le secrétaire Baker concluait des négociations directes entre les parties, à Houston et la date du référendum fut fixée pour décembre 1998. Ce référendum allait toutefois être retardé une fois de plus à cause d'un désaccord au sujet de l'inscription des électeurs de certains groupes tribaux.

Dans son rapport d'avril 1998, le secrétaire général recommandait que, s'il n'était pas possible de résoudre dans les trois mois les problèmes concernant l'inscription des électeurs, il faudrait reconsidérer la viabilité du mandat de la MINURSO.

• 0915

L'impasse ne peut pas durer indéfiniment. Encore une fois, nous en sommes à un stade critique du processus de paix. La communauté internationale doit agir et le Canada a un rôle à jouer.

Je vais maintenant demander au professeur Chopra de vous fournir davantage de précisions sur le processus qui a conduit à l'accord conclu à Houston et de souligner les ingrédients manquants pour la mise en oeuvre du plan de paix.

Professeur Chopra.

M. Jarat Chopra (agrégé de recherche et chargé au cours en droit international au Thomas J. Watson Jr. Institute for International Studies, Brown University): Merci madame la présidente et membres du comité. Je voudrais simplement vous lire une très brève déclaration, après quoi je me ferai un grand plaisir de répondre à vos questions ou de vous fournir plus de précisions sur les sujets qui vous intéressent.

Les négociations intensives qui se sont déroulées au cours de l'été 1997 ont permis de conclure une nouvelle série d'ententes quant aux modalités du plan de paix original pour le Sahara occidental. Si les accords dits de Houston sont mis en oeuvre, la nomination d'un nouveau représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies devra être suivie d'une reconstruction de la mission, MINURSO, sur le terrain, de même que de la nomination de nouveaux membres du personnel qui seront chargés d'interpréter et d'appliquer le code de conduite des parties et dont dépendra également le succès ou l'échec de tout ce projet.

Le négociateur, l'ancien secrétaire d'État américain James Baker, a joué en quelque sorte le rôle de cour d'appel en cas de désaccord sur un aspect quelconque de la mise en oeuvre. Mais M. Baker n'aurait pas dû être disponible uniquement de façon sporadique. Au cours des négociations de l'année dernière, il a créé un centre de gravité et il aurait fallu en créer un autre pour la mise en oeuvre, ce qui ne s'est certainement pas produit.

Au niveau technique, la mission n'a pas de plan de campagne permettant de s'assurer que chaque élément de l'opération, que ce soit les efforts de rapatriement, la sécurité ou l'organisation du référendum, fonctionne de façon intégrée plutôt que séparément comme c'est le cas. La tentative faite pour organiser une réunion préparatoire a échoué en décembre dernier.

L'engagement direct et permanent des États membres des Nations Unies tels que le Canada était également indispensable. Étant donné les dispositions spéciales du code de conduite régissant la liberté de mouvement des ONG, les divers groupes devraient se rendre dans la région pour observer et vérifier l'objectivité du processus, ce qui a posé un sérieux problème par le passé.

Sans ces ingrédients, je dirais qu'une deuxième impasse diplomatique risque de paralyser la MINURSO et même d'y mettre fin. Comme cela indique que le conflit n'a pas été réglé, les hostilités risquent inévitablement de reprendre.

Je voudrais aujourd'hui retracer brièvement les événements qui se sont produits depuis un an environ pour vous donner une idée de la situation actuelle.

Le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale ayant affirmé leur volonté politique, le nouveau secrétaire général a présenté son premier rapport sur le Sahara occidental en février 1997. Cette réaction rapide, si peu de temps après l'élection de Kofi Annan, indiquait la place importante qu'il accordait à cette question. D'une part il réaffirmait qu'en pratique il était parfaitement possible de reprendre et de terminer l'inscription des électeurs. D'autre part, il ajoutait que les progrès seraient possibles uniquement si les deux parties s'engageaient entièrement à mettre en oeuvre le plan de règlement, en joignant le geste à la parole.

Laissant entrevoir ses intentions, il concluait dans son rapport sur trois grandes questions: Le plan de règlement peut-il être mis en place sous sa forme actuelle? Dans la négative, y a-t- il des changements acceptables pour les deux parties qui permettraient de le mettre en oeuvre? Sinon, existe-t-il d'autres moyens, pour la communauté internationale, d'aider les parties à résoudre ce conflit? Chaque question représentait les divergences d'opinion au sein du Secrétariat des Nations Unies quant à la possibilité de mettre entièrement en oeuvre les dispositions du plan de paix.

Craignant ce qu'une autre solution pourrait représenter, le représentant permanent du Maroc aux Nations Unies, Ahmed Senoussi, adresse une lettre au président du Conseil de sécurité dans laquelle il souligne en ces termes le fait que le Maroc tenait au plan de règlement:

    Il considère que le plan a été long et difficile à préparer et que sa modification, qui obligerait nécessairement à réviser toutes les mesures d'application adoptées par les divers organismes participant au processus, pourrait être une démarche encore plus longue et plus complexe.

Soudain, en mars 1997, on annonce la nomination de James Baker comme envoyé spécial de Kofi Annan au Sahara occidental. Les deux parties en sont extrêmement surprises. Pourquoi a-t-on choisi Baker? Mais surtout, pourquoi a-t-il accepté? Baker est-il l'homme qui va sauver le coûteux processus de paix ou y mettre fin, comme le laissait entendre la troisième question?

• 0920

Dans un communiqué, Baker explique qu'il a reçu pour instructions de faire une nouvelle évaluation du conflit et d'explorer toutes les solutions viables, y compris la mise en oeuvre du plan de règlement actuel ou de toute nouvelle initiative permettant de mettre fin à l'impasse.

En avril, Baker visite la région et rencontre les parties en cause et les gouvernements voisins. Il voyage en compagnie de Chester A. Crocker, l'ancien secrétaire d'État adjoint aux Affaires africaines, qui avait été l'architecte du processus de paix en Namibie. Il y a donc là une excellente combinaison d'experts de l'édification de coalitions diplomatiques et politiques, mais vont- ils pouvoir réaliser au Sahara occidental ce que l'un avait fait pendant la guerre du Golfe et l'autre en Afrique du Sud?

Leur visite semble avoir fait l'objet d'une campagne de désinformation. Selon le message transmis par les autorités onusiennes, qui se sont exprimées à la condition de garder l'anonymat, Baker est venu négocier l'autonomie des Sahraouis comme option intermédiaire entre l'intégration et l'indépendance. Les journaux laissent entendre que le Front Polisario doit considérer ce genre d'offre de la part du roi.

C'est faux. Baker dit clairement aux parties qu'il ne veut pas seulement surmonter le problème de l'inscription des électeurs. Il veut savoir ce qu'il faut faire pour mettre en oeuvre les diverses étapes d'un plan de règlement, y compris le rapatriement des réfugiés, le confinement des troupes, la conduite de la compagne électorale et la passation des pouvoirs à l'administration nouvellement élue. Baker relie sa participation à l'ensemble du processus et non pas à l'un des éléments, mais l'autonomie n'a jamais été sérieusement envisagée.

À Rabat, le ministre de l'intérieur, Driss Basri, passe un certain temps à expliquer à Baker que le Maroc va gagner le référendum. Il faut comprendre non pas que les chiffres sont en sa faveur, mais plutôt que le Maroc fera tout en son pouvoir pour gagner à tout prix. Basri aurait déclaré par la suite: «Il n'y a pas de négociations sur l'autonomie; le référendum porte uniquement sur l'intégration ou l'indépendance».

Lors de rencontres près de Tindouf, en Algérie, avec le secrétaire général du Polisario, Mohamed Abdelaziz, il est clair que l'autonomie ne sera pas et ne peut pas être négociée. Baker est accueilli par une bannière disant «Remember Big Fish versus Small Fish». C'était une allusion à ses mémoires qui décrivaient le sentiment ressenti lorsque l'Iraq avait envahi le Koweit, quant à la vulnérabilité des petits pays qui se faisaient avaler par leurs gros voisins. La comparaison entre l'agression de 1990 et l'occupation du Sahara occidental par le Maroc aurait dû être claire. Une autre bannière demande: «Iraq non, Maroc oui. Pourquoi?» Et une autre adresse ce reproche: «L'ONU n'a pas de crédibilité; seulement une complicité».

De nouveaux documents sont envoyés à Baker pour clarifier la position finale des parties. Il s'agit de voir si Baker va profiter de ses talents de rassembleur pour établir un mécanisme offrant des garanties. Il est au moins accompagné de l'autorité implicite de Washington de même que du soutien explicite de l'administration Clinton, ce qui lui permet d'user de l'influence unificatrice des États-Unis.

Il est donc important que Baker réunisse les parties à Londres, au début de juin de l'année dernière, avec les gouvernements de l'Algérie et de Mauritanie comme observateurs, pour examiner comment mettre en oeuvre le plan de règlement. La réunion est organisée en collaboration avec le Bureau des affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, ce qui engage un État en grande partie impartial qui est également un membre permanent du Conseil de sécurité et qui représente les intérêts européens. Tels sont les premiers ingrédients pour l'établissement d'un mécanisme légitime et efficace en vue de la décolonisation du Sahara occidental.

Cette combinaison même limitée permet de faire une percée, du moins en apparence. Baker rencontre séparément les ministres des Affaires étrangères du Maroc et du Polisario de même que leurs homologues algérien et mauritanien. Même s'il n'y a pas de contacts réels entre les parties, Baker les informe que le référendum pourra seulement résulter de négociations directes menées sous ses auspices. Il explique qu'il faut mener une discussion point par point. Avec leur consentement, il invite les parties et les observateurs à se réunir à Lisbonne à la fin juin.

Dans un communiqué, Baker confirme que les pourparlers n'incluent pas une autonomie limitée. Au lieu de proposer une autre solution, il définit les mesures de succès en fonction de la réalisation concrète du plan de paix. À Lisbonne, au cours de négociations face à face entre les parties, il présente des propositions en vue d'y parvenir et, en juillet à Londres, un compromis est adopté pour l'inscription des électeurs.

• 0925

Le Polisario ayant accepté des témoignages verbaux en plus des pièces d'identité, une question depuis longtemps en litige, le Maroc accepte de laisser tomber de 50 000 à 60 000 noms contestés. Une semaine plus tard, à Lisbonne, les négociateurs entament la discussion sur un code pour la conduite du référendum, ce qui se traduit par une série d'ententes conclues à Houston, en septembre.

Pour mettre en oeuvre ces accords, une mission d'évaluation technique est dépêchée dans le secteur d'opération des Nations Unies, en octobre. C'est la première fois, depuis le déploiement de 1991, qu'il est possible de se livrer à un examen approfondi des mesures à prendre pour que la MINURSO puisse s'acquitter de son mandat. Néanmoins, le plan et le calendrier proposés pour la mise en oeuvre se fondent, selon Kofi Annan, «sur le scénario le plus optimiste». Cette supposition se révélera désastreuse, non seulement pour la MINURSO, mais pour la plupart des autres opérations de l'ONU.

En fait, dans leurs déclarations d'octobre et de novembre, Driss Basri, le parti de l'opposition, l'Istiqlal et les autres partis politiques ainsi que le roi Hassan continuent de traiter le référendum comme un moyen de confirmer les droits du Maroc sur ce territoire. Des efforts énergiques sont également déployés pour préparer les cheiks placés sous le contrôle du Maroc à profiter de la nouvelle admissibilité des témoignages verbaux. C'est là un autre obstacle à surmonter pour terminer l'inscription des électeurs. À la table de négociation, les autorités marocaines ne sont pas prêtes à contester l'autorité personnelle de Baker. Mais sur le terrain, sans vouloir offenser l'honorable représentant de l'ambassade du Maroc qui se trouve ici aujourd'hui, je dirais que le Maroc continue d'être mieux placé pour manipuler et saboter les modalités générales convenues comme il l'a fait avec tellement de succès par le passé.

Un nouveau président de la Commission d'inscription, Robin Kinloch, du Royaume-Uni, remplace Erik Jensen, qui a fait l'objet de critiques et l'ancien arabiste du Département d'État des États- Unis, Charles Dunbar, devient le nouveau représentant spécial du secrétaire général en décembre 1997. Un nouveau commissaire de la police civile est nommé, le surintendant en chef, Peter Miller, du Canada.

Néanmoins, sans cadre légitime et efficace pour agir sur le terrain, le centre de gravité créé par la participation de Baker sur le front diplomatique, il est prévisible que l'intransigeance des parties fera de nouveau dérailler rapidement le processus. L'inscription est suspendue temporairement à la fin de février 1998 en raison d'un désaccord continuel au sujet des tribus contestées, ce qui a pour effet de compromettre le calendrier fixé. En mars, Baker doit songer à reconvoquer les deux parties pour qu'elles réaffirment les engagements qu'elles ont pris quelques mois plus tôt.

Selon le calendrier établi l'année dernière, l'inscription des électeurs aurait dû être terminée en juin de cette année et la MINURSO devait alors passer à la phase suivante de la mise en oeuvre dont elle n'avait jamais pu s'approcher depuis sept ans. Il est maintenant peu probable que cela se produise. Je dirais que la distance qui sépare la table de négociation des opérations sur le terrain n'a pas été comblée.

Je cède maintenant la parole à Robert Young qui va vous faire quelques recommandations.

M. Robert Young (membre, Association des juristes canadiens pour le respect des droits de la personne dans le monde): Merci, madame la présidente et membres du comité. Je voudrais aborder brièvement, en quelques minutes, certaines des mesures que le Canada peut prendre pour contribuer au règlement de ce conflit. Je citerai, à quelques reprises, mon mémoire qui est assez court.

Mais avant, je mentionnais que l'intérêt que notre association porte au Sahara occidental est un intérêt pour la primauté du droit, au Canada et dans le monde entier. Nous ne pouvons plus nous tranquilliser en nous disant que le conflit comme celui du Sahara occidental, ou ceux qui ne font pas la mention des journaux ou dont CNN ne parle pas quotidiennement ne nous touchent pas.

Dans mon mémoire, je parle d'abord de la participation récente du Canada. Mais je pourrais d'abord mentionner que nous sommes de plus en plus solidaires des autres pays et que nous subissons les effets des problèmes qui surviennent même dans des régions très éloignées comme le Sahara occidental.

Vous savez peut-être qu'au départ, le Canada avait des observateurs militaires qui participaient à la MINURSO. Le Canada s'était également engagé à envoyer un contingent militaire plus important. Quand le processus de paix a avorté au Sahara occidental, au début des années 90, on a décidé de ne pas envoyer sur place, comme prévu, le Régiment canadien aéroporté. Par la suite, ce régiment a été déployé en Somalie et c'est peut-être une ironie de l'histoire, car si le processus de paix s'était déroulé comme prévu au Sahara occidental, nous aurions peut-être évité l'expérience somalienne qui a causé tellement de difficultés aux Forces canadiennes, au gouvernement et aux Canadiens de tout le pays.

• 0930

Ces petits conflits, ou ce qui semble être de petits conflits, ont des ramifications dans le monde entier. Il est toujours logique d'apporter sa modeste contribution au lieu de laisser ces conflits dégénérer ce qui finit par coûter plus cher tant sur le plan de l'argent, que du personnel et finalement, de la qualité et de la dignité de la vie humaine.

En ce qui concerne certains événements récents, je parlerai brièvement de la mission de notre organisation dans cette région et de ce que nous appelons la phase I qui a eu lieu il y a un peu plus d'un an. C'est ce que nous appelons la phase I de notre mission parce que nous avons l'intention de mener la phase II au Maroc et dans certains secteurs du Sahara occidental, pour voir les choses du point de vue opposé. Cela nous paraît important et un ONG canadien peut jouer un rôle important à cet égard.

Cette mission s'est déroulée il y a un an et nous avons présenté notre rapport de mission à votre comité il y a un peu plus de 12 mois. Nous en avons la copie ici pour ceux d'entre vous qui ne l'avez pas lu.

Pour poursuivre sur une note un peu plus encourageante, pour ce qui est du petit rôle que le Canada peut jouer, le chef actuel des forces de police civiles, qui comprennent la nouvelle MINURSO, est un canadien, le surintendant en chef de la GRC Peter Miller. Il est parti là-bas avant Noël 1997 pour diriger la force de police civile de la MINURSO et je crois que les Canadiens peuvent en être fiers.

Également, depuis décembre 1997, des agents de la GRC et d'autres policiers canadiens jouent un rôle dans la région en tant que membres de la force de police civile de la MINURSO. En fait, en juin, de nouveaux policiers canadiens iront prendre la relève de leurs collègues.

Encore une fois, c'est une contribution modeste, mais dont les Canadiens peuvent tirer fierté. La plupart des gens ignorent qu'il y a actuellement cinq policiers canadiens dans les rangs de la MINURSO, mais il s'agit d'une contribution importante et qui pourrait être accrue.

Notre association se réjouit d'avoir participé à la séance d'information des membres canadiens de la MINURSO qui se rendent dans la région pour faciliter le processus et, encore une fois, nous sommes fiers de ce rôle modeste que nous jouons. Nous sommes en mesure de partager l'information que nous avons accumulée depuis 1994 avec les Canadiens qui aujourd'hui risquent leur vie en participant aux missions de maintien de la paix dans ce secteur.

Le mois prochain, notre association présentera des documents à une conférence sur le maintien de la paix qui aura lieu au Centre de maintien de la paix Pearson, à Cornwallis, en Nouvelle-Écosse. Il s'agit d'une conférence du Conseil des affaires universitaires sur les systèmes des Nations Unies. C'est un examen important du maintien de la paix et nous nous réjouissons de pouvoir y contribuer et participer au débat quant à la possibilité d'entreprendre des opérations efficaces de maintien de la paix.

Nous croyons que le Canada devrait continuer à intervenir, au niveau multilatéral, dans un dossier comme celui du Sahara occidental. Cela ne l'empêche pas pour autant de prendre des initiatives pour soutenir les processus multilatéraux.

Je voudrais dire quelques mots au sujet des autres efforts déployés par d'autres pays, qui pourraient servir d'exemples et donner des idées aux membres du sous-comité quant au rôle que le Canada peut jouer.

Aux États-Unis, le Congrès a adopté, l'automne dernier, une résolution appuyant l'initiative Baker et les ententes de Houston ainsi que ce processus de paix renouvelé.

Plutôt cette année, le Congrès a constitué un caucus pour permettre à ses représentants de travailler ensemble et d'échanger des renseignements au sujet du Sahara occidental et d'assurer la supervision de la tâche très importante que représente la mise en oeuvre du nouveau processus de paix de Houston.

Également, une quarantaine de sénateurs et de représentants du Congrès des États-Unis ont écrit au président américain pour demander la nomination d'un envoyé spécial chargé de participer à la mise en oeuvre du plan de paix de Houston.

James Baker a réalisé des progrès extraordinaires depuis l'été dernier, mais il ne peut pas faire avancer le processus à lui seul. Bien entendu, il faut que les parties soient désireuses de le voir aboutir, mais la communauté internationale peut également jouer un rôle et le Canada peut aussi faire quelque chose pour soutenir le processus multilatéral.

La Suède a prêté à la MINURSO des experts en déminage. Cela pose un problème très réel sur le terrain. Pour pouvoir retourner chez eux voter, les nombreux réfugiés qui vivent à l'extérieur du Sahara occidental doivent traverser des champs qui ont été minés dans le cadre du conflit armé qui a débuté il y a 20 ans. Malheureusement, le processus a été retardé parce que les Nations Unies n'ont pas suffisamment d'argent pour déployer des experts en déminage. Le travail a maintenant commencé, mais ce retard est regrettable.

• 0935

Le Pakistan a également prêté des experts en déminage, mais sur une période de 20 ans, d'innombrables mines ont été posées et constituent une barricade tangible qui s'oppose au rétablissement de la société civile dans cette région.

La Suède a aussi offert un plus grand appui aux réfugiés et surtout, elle a offert publiquement d'envoyer des observateurs dans le secteur.

La France y envoie une mission constituée d'une délégation du Sénat. C'est l'une des initiatives prises par les assemblées nationales et les assemblées législatives pour aller constater, de leurs propres yeux, ce qui se passe là-bas et assurer la transparence et la supervision du processus des Nations Unies.

Le Royaume-Uni a, depuis de nombreuses années, un groupe pluripartite sur le Sahara occidental. Des motions ont été adoptées récemment pour appuyer le processus de paix. Les motions ne régleront pas la situation à elles seules. C'est une situation complexe dont les origines remontent à de nombreuses années, mais ces initiatives font partie du processus et permettent aux parlementaires de signaler aux parties que la paix est préférable.

Le Parlement européen a adopté des résolutions pour appuyer la tenue d'un référendum libre et équitable et il a établi un groupe du Sahara occidental pour attirer l'attention sur cette question.

J'ai ici quelques chiffres datant du début du mois, du 7 mai 1998, quant aux contributions des divers pays à la MINURSO sur le plan du personnel. Je ne les citerai pas tous, mais vous verrez que la Chine a envoyé 16 personnes, l'Égypte 21, la France 25 et les États-Unis, 15.

Comme je l'ai déjà dit, au début du mois, le Canada n'avait affecté que cinq ou six personnes à la MINURSO. C'est un domaine dans lequel le Canada pourrait peut-être faire plus.

Pour conclure, je voudrais présenter au sous-comité quelques recommandations, fondées sur nos observations des quatre dernières années, quant à la façon dont le Canada pourrait jouer un rôle plus important.

Nous les avons réparties en trois catégories. Bien entendu, pour commencer, il s'agit de soutenir davantage les initiatives multilatérales. Nous croyons que le Canada devrait accroître sa participation à la MINURSO. Nous pensons qu'il peut jouer un rôle en consolidant la mise en oeuvre des accords de Houston grâce à une intervention diplomatique permanente. Comme je l'ai dit tout à l'heure, James Baker a réalisé d'énormes progrès, mais si l'on n'y donne pas suite, le plan de Houston, les beaux plans qui visent à assurer une mise en oeuvre rapide du processus, ne se réaliseront pas.

Deuxièmement, nous croyons que le Canada peut jouer un rôle proactif et qu'il s'agit d'un rôle crucial. Il peut suivre l'exemple de certains autres pays et du Parlement européen en prenant certaines initiatives.

Nous croyons que des résolutions parlementaires, qui pourraient peut-être commencer au niveau de votre sous-comité, indiqueraient que le Canada s'intéresse au processus et désire voir s'établir la paix plutôt qu'un retour à un conflit armé, ce qui pourrait seulement contribuer à l'instabilité dans tout le Maghreb, toute l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

Les parlementaires canadiens pourraient peut-être examiner la possibilité de constituer un groupe de travail ou un comité pluripartite qui assurerait une liaison permanente.

Nous croyons qu'une collaboration avec d'autres parlementaires serait très utile. Il y a quelques mois, certains parlementaires britanniques se sont dits très intéressés à participer à une mission dans la région avec des parlementaires canadiens. Nous avons des précisions à ce sujet et nous nous ferons un plaisir de vous fournir les noms de parlementaires d'autres pays qui s'intéressent déjà à la question.

Nous croyons nécessaire d'effectuer une révision annuelle de la politique canadienne en ce qui concerne ce secteur et de veiller à ce que les contributions et les activités du Canada soutiennent les efforts multilatéraux visant à établir la paix.

Nous croyons également qu'il est temps d'envoyer une mission parlementaire visiter la région. Notre association se ferait un plaisir de travailler avec les membres du comité pour organiser cette mission qui leur permettrait de voir le processus à l'oeuvre.

À notre avis, il ne suffit pas d'attendre la tenue d'un référendum. La tâche essentielle qui consiste à établir qui votera à ce référendum sur l'autodétermination exige une supervision, un examen et de la transparence étant donné que les parties ont de nombreux défis à relever à cet égard.

Enfin, pour ce qui est de notre troisième recommandation, le Canada devrait soutenir le travail des ONG. À notre humble avis, c'est l'une des pièces manquantes du casse-tête. Contrairement aux opérations multilatérales passées comme au Cambodge ou en Namibie, les ONG participent très peu au règlement de ce conflit au Sahara occidental.

À notre avis, leur absence est peut-être un des facteurs qui empêchent le processus d'avancer. Nous croyons, et nous espérons que vous partagez cet avis, que les ONG sont des intervenants rentables qui peuvent aider à assurer la transparence du processus électoral en ce qui concerne le rapatriement des réfugiés et qui peuvent aider à promouvoir la primauté du droit dans ce secteur pour permettre la tenue d'un référendum libre et équitable. Nous croyons également nécessaire d'apporter une aide humanitaire supplémentaire pendant cette période de transition.

• 0940

Enfin, comme nous l'avons déjà mentionné, notre association espère entreprendre la phase II de sa mission dans la région pour surveiller le déroulement des événements.

Pour conclure, je reviendrai sur les propos de mon collège de l'association, Salim Fakirani. Il a mentionné l'avis consultatif de la Cour internationale de justice. Cette décision a été rendue en 1975. La Cour internationale de justice a alors déclaré que la population du Sahara occidental devait tenir un référendum pour déterminer son avenir. Vingt-cinq ans plus tard, ce référendum n'a toujours pas eu lieu. À notre humble avis, cela témoigne d'un manque de respect de la loi tout à fait déraisonnable. Chacune de ces entorses qui ont lieu à l'autre bout du monde contribue à créer une communauté mondiale où la loi n'est pas respectée suffisamment et uniformément et nous estimons que cela empêche la paix, la stabilité et la prospérité de se propager dans le monde.

La différence qui existe entre les théories et la réalité sur le terrain est peut-être la même différence qu'entre la loi dans une salle de tribunal et la loi dans la rue. Comme notre invité de Brown University l'a déclaré ce matin, il y a une grande distance entre la table de négociation et les opérations sur le terrain.

En tant qu'avocats, les membres de notre association s'inquiètent de cet écart. Nous espérons qu'en tant que législateurs, vous partagerez nos préoccupations et nous comptons bien travailler avec vous pour que le conflit dans le Sahara occidental soit réglé de façon pacifique, suivant le principe de la primauté du droit.

Merci beaucoup de votre attention.

La présidente: Merci. Le centre international de Montréal s'intéresse-t-il au Sahara occidental?

M. Robert Young: Le centre international de Montréal, le CIDPDI, connu avant sous le nom de Centre Broadbent et maintenant sous le nom de Centre Allmand, soutient depuis longtemps notre association, en ce sens qu'il est au courant des efforts que nous déployons dans ce secteur. Je suppose qu'on peut dire qu'il les appuie.

Je ne crois pas que la coordonnatrice de notre association, Susan Isaac, soit ici.

Je ne pense pas que le CIDPDI soutienne directement le projet. J'aimerais l'inciter à le faire et nous serions prêts à nous joindre à vous pour l'y encourager.

M. Salim Fakirani: Il ne s'intéresse pas à cette question.

La présidente: Merci.

Nous allons essayer de nous limiter à des tours de cinq minutes étant donné le peu de temps dont nous disposons. Peut-être pourrons-nous faire deux tours de table.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente. Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui.

Je vais poser brièvement ma question et si vous pouvez me répondre le plus brièvement possible, vous allez m'éclairer.

J'ai constaté que vous n'aviez pas mentionné l'OUA. Je me demande quel est son rôle, quelle est sa position au sujet du conflit au Sahara occidental et quel est, selon vous, le rôle des pays voisins. Le principal obstacle à la tenue du référendum est-il l'inscription des électeurs ou n'est-ce qu'un prétexte pour retarder la date et empêcher qu'une décision ne soit prise? Est-ce le plus gros obstacle?

Enfin, quelle est actuellement la situation des réfugiés sahraouis en Algérie? Sont-ils touchés par la crise actuelle en Algérie ou est-ce une population stable?

M. Jarat Chopra: Pour ce qui est de la première question concernant l'OUA, je suis content que vous l'ayez soulevée. C'est un point important. L'OUA a coparrainé au départ le plan de paix, mais malheureusement, le Maroc a estimé qu'elle manquait d'objectivité en raison de son histoire. Le sujet de controverse était, bien entendu, l'admission de la République arabe sahraouie démocratique au sein de l'OUA malgré l'opposition du Maroc, ce qui a amené le Maroc à se retirer de l'OUA. Lorsque le plan de règlement a finalement été accepté entre 1988 et 1991, le Maroc a fait davantage confiance à l'ONU. L'OUA a donc joué un rôle très minime dans tout le processus de paix.

• 0945

La crise est peut-être survenue lorsque l'inscription a été entreprise en 1994 et que le Maroc n'a pas permis aux observateurs de l'OUA d'avoir accès aux lieux d'inscription. Ce problème devait être réglé.

Depuis, l'OUA a certainement joué le rôle d'observateur, mais son influence a été minime, surtout à cause des dimensions géopolitiques de la situation. Néanmoins, il y a des gens de l'OUA, surtout à ses bureaux de New York, qui sont d'excellents analystes de la situation et qui ont de très bonnes propositions à formuler pour résoudre le conflit.

Intellectuellement, l'OUA est donc critiquée. Politiquement, elle est quelque peu affaiblie, à cause du passé, mais il est très important qu'une organisation régionale et l'ONU participent ensemble à ce processus. Quelle que soit la force de l'OUA, c'est une bonne chose, non seulement dans ce cas particulier, mais pour ce genre d'opérations en général.

Votre deuxième question concernait l'inscription des électeurs et vous demandiez si c'était un prétexte ou non. Tout dépend de ce que vous entendez par là. Cette question a certainement constitué un véritable obstacle en ce sens que le résultat dépendra de qui votera.

Il est difficile de déterminer qui appartient aux diverses tribus. Je vais essayer de résumer très brièvement le problème. Lorsque la question de l'inscription est tombée dans une impasse c'était parce qu'au départ il y avait eu un recensement espagnol selon lequel 74 000 Sahraouis vivaient dans ce secteur. C'était juste avant que les Espagnols ne s'apprêtent à tenir un référendum, mais ce référendum n'a jamais eu lieu. Lorsque la communauté internationale est intervenue, c'est sur cette base qu'a été défini le «statu quo ante».

On a reconnu que la liste des électeurs devrait être mise à jour, mais sous quelle forme? En fin de compte, la controverse a porté sur l'appartenance au Sahara occidental. Sur cette liste de 74 000 personnes, il y a des gens qui représentent diverses tribus. Le Polisario a finalement convenu que si, disons, 70 p. 100 des membres d'une tribu figurent sur la liste électorale, il accepterait les 30 p. 100 restants de membres de la tribu qui n'étaient pas inscrits sur la liste. Selon le Polisario, ce n'était pas la même chose que d'accepter, comme le voulait le Maroc, que toute une tribu soit autorisée à voter si seulement trois ou quatre de ses membres étaient inscrits sur la liste.

La détermination des tribus qui habitaient le territoire en question est finalement l'obstacle qui n'est toujours pas réglé. Comme je l'ai mentionné, le Maroc a accepté de laisser tomber de 50 000 à 60 000 noms—en fait, c'était 65 000—au cours des négociations de l'année dernière. Selon le dernier rapport du secrétaire général, daté du 18 mai, cette question reste litigieuse. Par conséquent, ce qui avait été accepté à la table de négociation semble toujours poser un problème sur le terrain.

Cette question de l'inscription a paralysé le processus. Que le problème ait été réel ou, en vérité il a paralysé le processus. Et c'est l'un des divers éléments qui pouvaient avoir cet effet. Il y a d'abord eu le cessez-le-feu, puis l'inscription, puis un grand nombre d'autres questions telles que le confinement des troupes et la réduction des troupes présentes dans le secteur, qui est censée être importante au cours des prochains moins, mais qui ne semble pas vouloir se faire.

Un certain nombre de facteurs risquent donc d'entraîner l'échec de la mission. Quant à savoir s'il s'agit d'une raison légitime, tout dépend si vous considérez qu'il s'agit d'une simple manoeuvre ou que ce sont des problèmes réels. Les options sont tellement définies, soit l'indépendance ou l'intégration, que le résultat dépendra de qui votera. L'inscription des électeurs déterminera donc qui remportera le référendum.

La troisième question concernait les réfugiés sahraouis. Ils n'ont pas été nécessairement touchés par les conflits en Algérie. À un moment donné, les fondamentalistes islamistes les ont courtisés et le Polisario vous dira qu'il s'est rendu compte qu'une alliance avec les fondamentalistes lui rapporterait moins à court terme qu'elle ne lui coûterait à long terme. Il a donc rejeté leurs avances.

Ce qu'il y a surtout d'intéressant, pour le moment, c'est le rapatriement des réfugiés. Ils n'acceptent pas d'aller dans les régions sous contrôle marocain parce que leur sécurité n'est pas garantie. Cela veut dire qu'ils vont s'installer dans les secteurs sous le contrôle du Polisario où il n'y a ni nourriture ni eau. C'est donc un cauchemar logistique pour ce qui est du processus du rapatriement.

• 0950

Comme je l'ai mentionné, en raison de l'absence de mécanisme de coordination efficace, le processus de rapatriement fonctionne séparément de l'élément de sécurité et du processus de négociation diplomatique.

Nous assistons donc à une fragmentation fonctionnelle de la mission. C'est une chose regrettable.

M. Keith Martin: Merci.

La présidente: Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bonjour, messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité. J'ai de très courtes questions, mais elles seront peut-être un peu plus précises que celles qu'on vous a déjà posées.

La dernière information que nous avons eue concernant les accords de Houston, c'est que les deux parties en étaient arrivées à une modalité qui faisait en sorte qu'on avait inscrit entre 80 000 et 85 000 noms sur la liste. Il semblait que les parties en étaient arrivées à ce consensus après l'ajout par le Maroc sur les listes des 74 000 noms qu'avait présentés le Polisario au départ. Pourquoi cela n'a-t-il pas fonctionné? Qu'est-ce qui fait en sorte qu'après qu'on se soit entendu sur quelque 80 000 à 85 000 inscriptions, tout à coup ça ne fonctionne plus? Est-ce qu'il y a d'autres exigences de la part du Maroc ou du Polisario qui seraient en jeu? Le Maroc semble avoir émis un certain nombre de réserves à la présence d'observateurs étrangers pendant la période d'inscription et pendant le référendum lui-même. Est-ce que des facteurs autres que cette fameuse liste d'inscription sont entrés en jeu? On semblait en être venu à un consensus là-dessus avec M. Baker.

Si le référendum qui devait avoir lieu en décembre 1998 est reporté, j'imagine que c'est entre autres à cause des problèmes dont vous nous avez parlé. Je ne sais pas si vous serez en mesure de répondre à la prochaine question. Est-ce qu'on permettra à la plupart des 145 000 personnes qui sont dans des camps de réfugiés de voter sur place ou est-ce qu'elles devront se déplacer dans leur pays d'origine pour aller voter? Vous souleviez plus tôt la question du problème des mines terrestres. Est-ce qu'il ne serait pas possible de prévoir un mécanisme faisant en sorte que ces gens puissent voter dans les camps de réfugiés?

Je me préoccupe des réfugiés dans les camps près de Tindouf dont la plupart sont là depuis 20 ans. Ma préoccupation n'est pas d'ordre juridique, mais plutôt humain. Je me demande si vous serez en mesure d'y répondre, mais j'imagine que oui, étant donné que vous avez examiné la situation de très près. Comment est-il humainement possible, après 20 ans, de déplacer tous ces réfugiés et de les ramener au Sahara occidental, dans leur patrie d'origine? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'en débattre dans le cadre des négociations entre les deux parties et l'Algérie, puisque ces réfugiés sont en grande partie en Algérie? C'est ma principale interrogation: comment déplacer 145 000 ou 150 000 personnes après 20 ans d'appartenance à un territoire pour les retourner dans leur patrie d'origine? Je pense entre autres aux enfants qui sont nés dans les camps de réfugiés. Leur patrie, elle est là, dans le fond. Ce sont peut-être des interrogations philosophiques, mais ces questions me préoccupent.

[Traduction]

M. Jarat Chopra: J'aimerais que nous ayons plus de temps pour discuter des questions philosophiques, car elles sont très intéressantes sur le plan sociologique et autre. Mais j'essaierai de répondre très brièvement à chacune des questions que vous avez soulevées.

• 0955

Pour ce qui est de la première concernant le consensus obtenu à Houston, il n'y a pas vraiment eu de consensus quant à un chiffre de 80 000 à 85 000 personnes. Le Maroc a accepté de réduire de 65 000 les 170 000 noms qu'il avait proposés en plus des 74 000.

Dans son communiqué, Baker a déclaré qu'à son avis le nombre définitif serait de 80 000 à 85 000. C'est une estimation qu'il a faite publiquement dans un communiqué. Cela ne faisait pas partie des accords; c'était son impression.

Il reste une marge importante entre les 74 000 noms et le chiffre supplémentaire de 110 000 ou 120 000 noms. Telle est donc l'entente. Même si l'écart est grand, c'est une question qui reste à régler.

Ce sur quoi on s'est mis d'accord, et qui pose toujours un problème, ce sont les 65 000 noms des tribus qui n'avaient que quelques noms sur les listes, mais que le Maroc désire inclure dans le processus d'inscription. C'est ce qui a été convenu à Houston, mais le problème ne semble pas réglé.

Mais entre le consensus et la mise en oeuvre, il y a toute une marge. Il n'y a pas vraiment eu de consensus à propos des 85 000 noms. Deuxièmement, l'écart reste très important entre les 74 000 noms et ce qui a été convenu à Houston.

En fait, environ 111 000 personnes ont été identifiées, ce qui laisse 50 000 personnes à identifier et dont l'admissibilité n'est pas contestée, mais aussi 65 000 pour lesquelles on n'est pas du tout d'accord. Je crois que ce problème va ralentir énormément les choses.

La deuxième question que vous avez soulevée concernait le vote. Le référendum doit avoir lieu en décembre prochain, en décembre 1998 plutôt qu'en décembre dernier, même si je doute que ce soit réaliste.

Quant à savoir où le vote devrait avoir lieu, malheureusement, les ententes stipulent que même si les électeurs peuvent être enregistrés en Algérie ou dans les pays voisins, ils doivent voter au Sahara occidental. À moins que cette disposition ne soit renégociée, il faudra malheureusement s'en accommoder.

Peut-être faudrait-il réviser ces questions compte tenu du cauchemar logistique que représente le déplacement de ces personnes dans une région qui n'est pas très hospitalière. Je crois que cela représente une question diplomatique distincte que personne n'a vraiment soulevée pour le moment.

La troisième question est une chose dont nous pourrions discuter longtemps, mais je dirais simplement qu'il était inévitable qu'au bout de 20 ans les habitants des camps de réfugiés commencent à mener une vie sédentaire. On a commencé à voir émerger, en plus des tentes, des structures de béton, des structures fixes. En même temps, la vie dans les camps était très transitoire. Le Polisario a fait de gros efforts pour que les enfants ne soient pas exposés uniquement à la guerre. L'été, il essaie de les envoyer en Europe ou dans les autres pays qui sont prêts à les accepter, simplement pour exposer ces enfants à une façon de vivre différente.

Toute une génération est née et a grandi dans les camps, mais je ne suis pas certain que ces camps soient devenus une sorte de patrie. Les réfugiés ont toujours le sentiment d'être de passage dans un territoire plus hostile, sur le plan environnemental, que n'est le Sahara occidental, qui est plus verdoyant. Ce n'est pas un endroit où l'on voudrait finir ses jours, surtout si l'on tient compte des problèmes que connaît l'Algérie.

Je ne pense pas que le rapatriement des réfugiés soit quelque chose d'impossible. Ils n'ont pas nécessairement le choix de rester. C'est là le problème. La situation est légèrement différente de celle du Tibet en ce sens qu'il y a maintenant une diaspora tibétaine dans plusieurs pays et que le rapatriement des Tibétains serait très difficile. Mais je ne pense pas que la situation soit la même ici.

Merci.

La présidente: Merci.

C'est maintenant le tour de Mme Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci, madame la présidente. Comme je vois qu'il se fait tard, je serai brève. J'ai deux questions.

• 1000

Je voudrais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue au comité. Vous avez soulevé une question importante. Pourquoi cette faible participation de la part du Canada jusqu'ici? Pourriez-vous en parler? Et deuxièmement, pourquoi ce faible niveau de participation de la part des ONG?

M. Robert Young: Merci. Je peux en parler brièvement.

Je crois que si la participation du Canada est limitée, c'est pour des raisons pratiques. Comme je l'ai mentionné, ce n'est pas le genre d'histoire qui fait les manchettes. Des centaines de milliers de gens sont touchés, mais ce n'est pas ce qui attire l'attention de CNN. Ces gens sont dans des camps de réfugiés depuis des années et cela ne fait pas la une des journaux.

Le gouvernement canadien continue de surveiller la situation. Nous rencontrons régulièrement les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. Je crois que l'un d'entre eux est ici. Ils se tiennent au courant de la situation, mais il faut bien dire que les agents responsables du Sahara occidental sont également responsables de l'Algérie et que les graves difficultés que connaît ce pays sont beaucoup plus immédiates que le problème plutôt insoluble du Sahara.

Pour ce qui est de la participation des ONG, elle n'a pas été très importante au Canada, mais en Europe et, dans une moindre mesure aux États-Unis, il y a des douzaines d'ONG qui apportent une aide humanitaire et qui font, ce que j'appellerais du travail de solidarité pour essayer d'attirer davantage l'attention sur le problème.

Au Canada, nous avons fait ce que nous pouvions. Nous connaissons d'autres groupes et d'autres organisations. Salim a rencontré, il y a deux semaines, un cinéaste canadien du Québec qui espère faire un documentaire sur la région. Nous espérons pouvoir le soutenir de notre mieux, précisément en attirant davantage l'attention des Canadiens sur cette situation. Nous croyons que les Canadiens doivent être mieux informés.

M. Jarat Chopra: Je voudrais ajouter une chose. L'accès aux régions sous contrôle marocain, en particulier, pose un problème. Un grand nombre d'ONG ont visité jusqu'ici les camps du Polisario et je crois que plusieurs personnes ont visité les deux côtés. Un seul ONG, à ma connaissance, a réussi à se rendre des deux côtés et c'est Human Rights Watch. Il a publié un rapport en 1995.

L'un des objectifs de notre association devrait être de visiter les deux côtés, d'autant plus que les accords de Houston et le code de conduite établi pour le référendum permettent la libre circulation des ONG. Je crois donc que c'est très important. Mais le problème est de pouvoir aller des deux côtés. Il n'est pas difficile d'aller du côté du Polisario, mais il est assez compliqué d'aller du côté marocain pour voir ce qui se passe.

M. Salim Fakirani: J'ajouterais une chose de plus. L'Afrique du Nord est actuellement le plus gros marché d'exportation que nous ayons sur le continent africain pour nos biens et services. Le Canada a donc intérêt, sur le plan commercial, à assurer la stabilité de cette région.

La présidente: Merci beaucoup.

Le groupe suivant est prêt. Merci de votre présentation.

La séance est levée.