Passer au contenu
Début du contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 juin 1998

• 1122

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): Je déclare la reprise de la séance.

Nous allons entendre plusieurs témoins aujourd'hui, mais un un ordre un peu différent que prévu. Permettez-moi donc de vous présenter les témoins dans l'ordre de leur tour de parole.

Nous avons le chef Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières nations.

Nous vous souhaitons la bienvenue, chef Fontaine.

Nous avons ensuite Graham Chance, président de l'Institut canadien de la santé infantile, puis Robert Baldwin, du Congrès du travail du Canada.

M. Baldwin, je crois comprendre que vous allez prendre la parole en premier au nom de votre groupe.

M. Robert Baldwin (directeur national, Division politique sociale et économique, Congrès du travail du Canada): C'est exact.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): C'est bon.

Nous avons Hugh MacKenzie, des Métallurgistes unis d'Amérique, Buzz Hargrove, président du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, et Bill Murnigham, représentant national du même syndicat.

Nous avons ensuite Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada et, représentant le Syndicat canadien de la fonction publique, Richard Balnis, directeur de la recherche, et Stan Marshall, recherchiste en chef.

Soyez les bienvenus, messieurs.

Chef Fontaine, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?

Chef Phil Fontaine (chef national, Assemblée des premières nations): Tout d'abord, je vous remercie d'avoir donné à l'Assemblée des premières nations l'occasion de comparaître devant ce comité.

Comme tous les Canadiens, les peuples des premières nations se réjouissent que le gouvernement fédéral soit parvenu à équilibrer le budget et qu'il s'attende maintenant à avoir un excédent. Comme d'autres Canadiens, nous sommes impatients de présenter nos suggestions quant à la façon de dépenser cet excédent.

Comme vous le savez, la situation socio-économique dans les collectivités des premières nations au Canada est bien inférieure à la moyenne nationale. Il a fallu 130 pour parvenir à une économie canadienne dans laquelle un taux de chômage de 10 p. 100 est considéré comme une calamité susceptible de provoquer la chute du gouvernement, mais la dure réalité économique des autochtones dérange à peine les gens.

Le taux moyen de chômage chez les peuples des premières nations si situe autour des 50 p. 100 et, en fait, la réalité est probablement pire. Notre revenu moyen correspond à 60 p. 100 de celui des autres Canadiens et est proche de celui du seuil national de pauvreté. Aucune collectivité canadienne ne tolérerait la disparité économique qui existe dans nombre de nos collectivités.

Il faut considérer en outre les coûts sociaux de l'exclusion du partage de la richesse nationale. Pour les autochtones, les probabilités de se retrouver dans une prison fédérale ou provinciale sont cinq fois supérieures comparativement aux autres Canadiens, celles du suicide sont de trois fois supérieures et celles du décrochage scolaire, deux fois.

• 1125

J'ouvre maintenant une parenthèse à propos des suicides. Dans le nord de l'Ontario—où il y a une cinquantaine de collectivités— le nombre des suicides au cours des cinq dernières années s'élève à 164, je crois. Dans une collectivité de 500 habitants au Manitoba, il y a eu 17 suicides au cours des 24 derniers mois. C'est une crise nationale. Une situation pareille, toutes proportions gardées, à Toronto, à Winnipeg ou à Vancouver serait considérée comme une tragédie nationale. But cela se passe dans des collectivités des premières nations. Ce qu'on ne voit pas, on ne s'en soucie guère. C'est pourquoi je suis obligé de parler de ce problème.

Nous collaborons avec le gouvernement fédéral afin de résoudre ces problèmes. Cependant, c'est difficile de collaborer quand on nous dit constamment que les ressources sont limitées et qu'il n'y en a pas assez pour relever tous les défis socio-économiques qui se posent aux collectivités des premières nations.

Nous ne proposons pas qu'il nous donne tout l'excédent. Nous recommandons que l'argent soit investi là où les avantages sont les plus grands pour les collectivités des premières nations. En fait, nous demandons seulement au Canada de s'acquitter de ses obligations, y compris celles prévues dans les traités.

En nous préparant à comparaître devant le comité, nous avons sollicité l'avis de nombreuses personnes. Les problèmes que je vais mentionner sont ceux qui, selon nous, exigent une attention immédiate.

La situation du logement dans de nombreuses collectivités des premières nations est déplorable. À mon avis, la façon la meilleure et la plus efficace de résoudre les problèmes de la pauvreté infantile et du décrochage scolaire dans ces collectivités est de leur fournir des logements décents et de qualité.

En règle générale, le nombre de personnes par habitation chez les peuples des premières nations est supérieur à la moyenne nationale, qui est de 2, 7. Il est de 3,7 à 6 personnes par habitation et le Québec, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta connaissent les densités les plus élevées. Des logements à l'intérieur des réserves, la Société canadienne d'hypothèques et de logement estime que 65 p. 100 sont inférieurs à la norme. Au Manitoba, le pourcentage est de 74 p. 100. Des logements à l'intérieur des réserves, 25 p. 100 n'ont pas de salles de bain utilisables. En fait, moins de 50 p. 100 de nos foyers ont l'eau courante.

Quant à l'état de ces logements, d'après les rapports de 1996- 1997 des Affaires indiennes, des 88 443 unités d'habitation à l'intérieur des réserves, 52 p. 100, soit 41 885 unités, sont adéquates, 48 p. 100 ont besoin de rénovations mineures ou majeures ou d'être remplacées et 20 p. 100, soit 16 089 unités, sont surpeuplées.

Il faut mettre sur pied un mécanisme innovateur qui permette aux premières nations d'avoir accès aux autres ressources afin de pouvoir construire des complexes plus grands. Il existe des techniques de construction innovatrices qui permettent aux premières nations de construire à moindre coût des unités d'habitation de qualité qui sont autonomes, saines et écologiques. Fournir de meilleurs logements aux collectivités des premières nations est une priorité. Nous devons ensemble veiller à ce que ces collectivités aient des ressources suffisantes pour pouvoir le faire.

En ce qui concerne la santé, les sondages montrent que les Canadiens sont très en faveur de dépenser le prochain excédent budgétaire au profit des soins de santé et de l'assurance maladie. Les indicateurs de la santé des peuples des premières nations sont les plus bas au Canada. En fait, les collectivités du Manitoba et du nord de l'Ontario risquent de connaître une crise.

On estime que l'incidence du diabète est de 3,3 p. 100 chez les Canadiens en général alors qu'elle est de 9,9 p. 100 chez les autochtones, où elle est trois fois plus élevée que chez les autres Canadiens. En février 1997, une étude de l'hôpital Mount Sinai révèle que Sandy Lake, en Ontario, était la collectivité qui avait l'incidence de diabète de type II la plus élevée au Canada et la troisième plus élevée au monde.

La tuberculose a presque disparu chez les Canadiens en général, mais parmi les immigrants et les autochtones, son incidence s'est accrue. En 1994, on relevait parmi les peuples des premières nations 47 cas par 100 000 habitants, soit sept fois plus que dans la population canadienne en général où l'incidence était de 7 cas par 100 000 habitants. On attribue la propagation de cette maladie à la détérioration des conditions sociales et environnementales, telles que la suroccupation des habitations et le manque d'aération qui en découle.

• 1130

Le nombre des décès causés par la tuberculose était de 2,2 fois plus élevé chez les hommes autochtones que chez les Canadiens en général et de 4,1 fois plus élevé chez les femmes autochtones que chez les Canadiennes en général pendant la période allant de 1982 à 1997.

On estime que les autochtones sont plus à risque pour attraper le VIH que les autres Canadiens. Selon Santé Canada, le risque de voir une épidémie de VIH/SIDA dans les collectivités autochtones est bien réel.

À propos, quel est mon temps de parole?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): De cinq à dix minutes. Ça va?

Le chef Fontaine: Je vais essayer de terminer. Arrêtez-moi quand mon temps de parole touche à sa fin.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Bien. Merci.

Le chef Fontaine: Le plafonnement actuel du financement fédéral des soins de santé pour les peuples autochtones va à l'encontre des objectifs déclarés du gouvernement de relever le niveau de santé des peuples des premières nations pour le rendre comparable à celui de la moyenne nationale. En conséquence des potentialités d'épidémie du VIH/SIDA, des taux élevés de tabagisme, de la réforme des régimes provinciaux d'assurance maladie et des conflits de compétence non encore résolus entre Ottawa et les provinces sur la question de la santé des premières nations, nos citoyens se trouvent être laissés pour compte. Il existe certes des services de santé qui fonctionnent avec succès, mais ils ont de la difficulté à maintenir le statu quo et encore moins à améliorer la santé des citoyens des premières nations.

Développement économique. L'Assemblée des premières nations doit chercher activement des solutions aux défis économiques qui se présentent actuellement à nos collectivités. Beaucoup de premières nations n'ont pas accès aux capitaux pour démarrer les entreprises et pour soutenir le développement économique communautaire. Il faudra faire un effort concerté pour augmenter le niveau des capitaux accessibles aux gens d'affaires et aux entreprises des premières nations. Il est impératif de trouver des moyens d'augmenter la quantité de capital risque accessible aux entreprises des premières nations.

Le Canada se prépare pour le prochain millénaire en lançant de nouvelles initiatives comme le Fonds des bourses d'études du millénaire. Les premières nations doivent aussi se préparer pour le prochain millénaire. Le rapport de la commission royale prévoit qu'il faudra créer 80 000 nouveaux emplois si on veut combler l'écart actuel entre les autochtones et les autres Canadiens en matière d'emploi. En outre, il nous faudra créer 220 000 emplois supplémentaires d'ici l'an 2016 juste pour faire face à cet afflux. Nous devrons faire preuve d'ingéniosité.

Les collectivités des premières nations, parce qu'elles sont tellement dispersées partout au pays, participent à une myriade d'entreprises et de secteurs économiques. La plupart des entreprises sont de petite envergure et ont besoin d'être soutenues. Un nouvel environnement doit être créé et l'Assemblée des premières nations est déterminée à faire son possible pour y arriver. Tous les partenaires doivent adopter une approche énergique et agressive pour améliorer de façon spectaculaire les conditions de vie économique. Je suppose, bien sûr, que nous avons des partenaires—le gouvernement, les milieux d'affaires, entre autres.

À mon avis, des mesures doivent être prises afin que l'un des pays les plus prospères du monde ne continue pas d'avoir un tiers monde à l'intérieur de ses frontières. Une solide base économique est indispensable à l'avenir des peuples des premières nations. Nous devons sortir une fois pour toutes de la dépendance à l'égard de l'aide sociale et réaliser un développement économique efficace.

Éducation. Il faut accroître le financement de l'enseignement postsecondaire à l'intention des étudiants des premières nations. L'Assemblée des premières nations reçoit régulièrement des demandes de financement supplémentaire de la part des collectivités des premières nations. Beaucoup de ces collectivités ont des étudiants sur des listes d'attente et elles aimeraient bien recevoir un financement supplémentaire. Selon le rapport de la commission royale, le nombre d'étudiants autochtones au niveau postsecondaire est limité en raison de l'absence d'aide financière. L'insuffisance du financement des études était l'une des préoccupations les plus pressantes que des jeunes et de nombreux dirigeants ont présentées à la commission.

La recommandation 3.5.21 du rapport de la commission royale demande au gouvernement fédéral d'assumer les coûts de l'éducation postsecondaire pour les étudiants des premières nations et de mettre en place des ressources supplémentaires pour atténuer les effets de l'augmentation des coûts au fur et à mesure que les établissements postsecondaires adopteront de nouvelles politiques et pour répondre à l'accroissement prévu de la demande de services d'éducation postsecondaire.

L'un des principaux objectifs mentionnés par le ministère des Affaires indiennes dans le budget des dépenses de 1998-1999, partie III, Rapport sur les plans et les priorités, vise l'augmentation du nombre d'étudiants des premières nations au niveau postsecondaire. L'éducation des peuples des premières nations est la toute première priorité puisque, dans la nouvelle ère, il faut posséder un vaste savoir et des compétences élevées pour obtenir un emploi, mener une vie enrichissante et contribuer au bien-être de la communauté.

Le gouvernement fédéral établira et financera un Fond de bourses d'études du millénaire avec une mise de fonds initiale de 2,5 milliards de dollars à dépenser en dix ans. Ainsi, chaque année, 325 millions de dollars seront disponibles pour des bourses d'études, plus de 100 000, qui seront accordées aux étudiants à temps plein et à temps partiel.

• 1135

Nous essayons actuellement de mettre au point une stratégie pour obtenir l'aide du fonds du millénaire. À cette fin, nous avons besoin de l'appui du gouvernement parce que, d'après ce que nous croyons comprendre, le fonds du millénaire ne prévoit pas des secteurs comme la collectivité autochtone qui recevront un pourcentage déterminé des bourses du millénaire. Par conséquent, il faudra trouver de nouveaux moyens qui garantissent que nous avons accès aux ressources du fonds du millénaire sur une base équitable.

En conclusion, l'économie du Canada s'améliore. Les taux d'intérêt sont aujourd'hui plus bas que lorsque nos parents ont acheté leur première maison. L'inflation se fait à peine sentir et le chômage est en baisse. Pourtant, les peuples autochtones souffrent encore de grandes injustices et les défis paraissent formidables. Pour corriger la situation, nous devons combler l'écart économique qui existe entre les peuples des premières nations et les autres Canadiens.

J'ai fini.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Je vous remercie beaucoup, chef Fontaine.

M. Chance.

Dr Graham Chance, (président, Institut canadien de la santé infantile): Je vous remercie, madame la présidente. Permettez-moi d'abord de vous remercier d'avoir invité l'Institut canadien de la santé infantile à comparaître devant cet important comité.

Je ne prétends pas me pencher sur le détail de la vie économique, mais plutôt signaler les grandes possibilités d'ordre économique et social que nous réserve l'avenir si nous soutenons les familles qui ont de jeunes enfants. À l'heure actuelle, il coûte environ par an 40 000 dollars pour élever un enfant et 110 000 dollars pour garder un adolescent en prison. Selon les données de Statistique Canada et comparativement à d'autres pays, le Canada semble avoir la proportion la plus élevée de détenus adolescents du monde industrialisé.

En outre, un jeune adolescent sur quatre au Canada, surtout chez les filles, a des problèmes cliniques de santé mentale. Les abus sexuels commis sur la personne des enfants sont plus que communs et le suicide chez les jeunes, comme nous venons de l'entendre, atteint un niveau record. Il est manifeste que ces statistiques sont très inquiétantes et il faut les faire baisser afin nos enfants et nos jeunes puissent avoir une vie plus enrichissante pour eux-mêmes et plus productive pour la société.

Certes, les enfants et les jeunes actuellement en difficulté méritent notre aide et notre attention, mais la solution pour l'avenir réside dans la prévention. Pour cela, il faut améliorer les chances de développement des nourrissons et des jeunes enfants, une approche qui ne comporte que des avantages puisque les mêmes mesures servent aussi bien à préparer l'enfant à un monde en rapide évolution qu'à développer ses capacités en vue de la future main- d'oeuvre qualifiée dont le Canada aura besoin pour prospérer.

Je voudrais vous entretenir du développement du cerveau. Les études récentes du développement aux premiers stades de la vie montrent que les gènes et l'environnement sont tous deux importants et que leur importance relative dépend de l'âge. Chez l'enfant, le cerveau se développe plus rapidement que tout autre organe.

À la naissance, le nouveau-né possède environ 100 milliards de neurones avec un nombre relativement peu élevé de connexions. La création de ces connexions se déroule à un rythme effréné au cours des trois premières années de sorte que l'enfant de trois ans possède 1 000 billions de connexions. Chaque neurone peut avoir jusqu'à 15 000 connexions. Ces chiffres sont effarants, mais il est important de se les rappeler.

Il se produit aussi au cours du développement mais surtout durant l'adolescence un élagage des connexions qui ne sont pas utilisées de sorte que le cerveau de l'adulte possède moins de connexions que celui de l'enfant de trois ans, soit environ 500 billions. Tout indique que l'influence de l'environnement par l'intermédiaire de nos cinq sens joue un rôle clé dans le contrôle de cet étonnant processus d'établissement des connexions. La répétition des stimulations renforce les connexions entre les neurones. La sous-utilisation de ces connexions entraînera à terme leur disparition par élagage. On perd l'usage de ce qu'on n'utilise pas assez.

Dans certaines parties du cerveau, le moment du développement peut être critique. Le système limbique du cerveau, où se trouve notre faculté de former des relations fondamentales, crée la plupart de ses connexions durant les deux premières années de la vie. Les événements positifs qui contribuent au développement du cerveau assurent l'équilibre affectif de l'enfant, la sécurité affective étant indispensable à l'apprentissage et au développement ultérieur des relations avec autrui.

Les événements négatifs, surtout s'ils sont fréquents et répétitifs, créent aussi de fortes connexions entre les neurones. Au sujet de la réaction de lutte ou de fuite, qui réside dans le système limbique, l'enfant qui reçoit des soins attentionnés au cours de son développement réussira à maîtriser cette réaction instinctive. Privé de tels soins, l'enfant est voué à entretenir cette réaction de sorte que la crainte ou l'agression peuvent devenir les réactions normales à toute difficulté ou à tout ce qui est perçu comme une menace. Plus la stimulation est fréquente et longue et plus il est difficile de réadapter l'enfant. Il y a cependant de l'espoir que dans de nombreux cas des contacts prolongés avec un adulte attentionné et affectueux peuvent aider un tel enfant. Malheureusement, environ 5 p. 100 des enfants gardent leur personnalité antisociale une fois qu'ils l'ont acquise.

• 1140

Non seulement c'est par le cerveau que nous acquérons des connaissances et établissons des rapports avec autrui, mais notre santé dépend aussi fortement de lui.

Comme l'environnement dans lequel grandit l'enfant est si essentiel pour l'issue de son développement, il est important pour nous de reconnaître que l'enfant n'a aucun contrôle à cet égard. Aucun bébé n'a le choix de sa naissance.

Ce qui m'amène aux défis qui se posent aux familles ayant des jeunes enfants. Les enfants ont besoin des facultés de socialisation, de compréhension et de souplesse pour s'adapter au monde d'aujourd'hui et pour profiter des possibilités offertes par l'éducation. Ces facultés s'acquièrent le plus efficacement dans un milieu familial, mais de nos jours les familles ont rarement le temps nécessaire à ce processus.

Les données de l'Institut Vanier de la famille montrent que la grande majorité des familles d'aujourd'hui doivent dépendre de deux revenus pour pouvoir joindre les deux bouts. En outre, même avec deux parents qui travaillent, beaucoup de jeunes familles canadiennes ne gagnent pas assez pour subvenir à leurs besoins. La plupart des familles avec un seul revenu, souvent des familles monoparentales, vivent sous le seuil de la pauvreté. Les données de l'Institut Vanier montrent que, quelles que soient les situations de travail des parents, beaucoup d'enfants n'ont pas accès aux chances d'éducation et de loisir à cause de la situation financière de leurs parents.

À l'heure actuelle, 21 p. 100 des enfants vivent dans la pauvreté et ce pourcentage risque de doubler rapidement si tous les deux parents ne travaillent pas.

La plupart des mesures des troubles physiques et émotionnels montrent que leur incidence est deux fois plus élevée chez les enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté. Pour presque toutes les mesures, il y a une corrélation manifeste entre l'incidence et le revenu. Comme le Dr Fraser Mustard le souligne, ce qui importe est la pente de la courbe représentant cette corrélation. Plus la pente est raide et plus la disparité des chances est grande. La courbe révèle qu'aucun enfant n'est invulnérable, mais s'il appartient à une famille à faible revenu, ses risques d'avoir des problèmes sont plus grands.

Dans ces conditions, comment pouvons-nous donner aux enfants des chances égales de connaître un développement optimal? Tant que nous tolérons d'importantes différences en ce qui concerne ce qui peut être offert aux enfants depuis le début de leur vie, pareille égalité des chances est impossible. Pour y parvenir, des transformations sont nécessaires dans l'attitude de tous les niveaux de la société.

Certes, la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant affirme que la responsabilité incombe en premier lieu aux parents, mais elle reconnaît que d'autres, surtout les gouvernements, ont aussi leurs responsabilités. Cela est certainement vrai de nos jours quand la plupart des parents, comme nous l'avons vu, n'ont tout simplement pas le temps ni les ressources pour s'acquitter seuls de ces responsabilités.

Nous souscrivons au but visé par la prestation fiscale pour enfant, mais comme les autres ONG nous maintenons une certaine réserve. La prestation touche seulement un tiers environ des familles vivant dans la pauvreté et même de manière minimale. Il faut l'indexer si on veut qu'elle ne disparaisse pas à la longue.

Même si les possibilités de réinvestissement dans les provinces sont encourageantes, on voit à travers les actes de certains que le système prévoit peu de reddition de comptes.

Quant au programme d'action nationale pour les enfants, nous n'en savons rien pour ainsi dire, car il n'y a eu ni consultation ni discussion avec les ONG depuis l'hiver dernier. Ce programme ne peut pas attendre l'aboutissement des discussions sur l'union sociale. Il existe déjà, dans les systèmes fédéraux-provinciaux de prestation de services, des mécanismes de soutien aux familles qui, une fois améliorés, permettront de renforcer les capacités de façon globale dans l'ensemble du pays.

Nous vous exhortons donc à accroître la recherche et à en mesurer les résultats, c'est-à-dire à affecter des fonds à un programme national de recherche pour les enfants en collaboration avec les secteurs intéressés, à établir des centres d'excellence qui ont été proposés pour les enfants et les jeunes en collaboration avec ces secteurs et à maintenir un système de déclaration de manière à pouvoir suivre les effets des changements qui touchent la santé des enfants.

Nous vous exhortons également à augmenter l'aide au développement de l'enfant—comme nous l'avons vu, le développement à un âge précoce a une influence extrêmement importante sur l'avenir de l'enfant—et à accroître leurs chances de développement en augmentant l'offre de places en garderie, surtout à l'intention des enfants en bas âge.

Vu la connaissance actuelle du développement du cerveau, il faut que la garde des enfants soit axée sur leur développement et soit de bonne qualité. Comme il a été démontré, de telles garderies peuvent remplacer efficacement les soins fournis par les parents.

Selon des données récentes, seulement 20 p. 100 des places de garderie offertes aux enfants âgés de 0 à 11 ans le sont par des garderies réglementées.

D'après ce que nous savons du développement du cerveau, les enfants qui vivent dans un foyer où la violence existe et qui sont exposés à ce que montre habituellement la télévision ne peuvent que difficilement éviter de devenir agressifs et d'être insensibles à la violence. Ainsi donc, il est très important pour nous de reconnaître que les parents ont des choix difficiles à faire dans ce qu'ils offrent à leurs enfants.

• 1145

Nous vous exhortons à soutenir le développement et la participation communautaires grâce aux programmes fédéraux existants tels que le Programme canadien de nutrition prénatale, le Programme d'action communautaire pour les enfants et le programme Bon départ. Tous ont des caractéristiques vraiment intéressantes et uniques.

Étant donné que tous les enfants aujourd'hui doivent être considérés comme étant exposés à certains risques en ce qui concerne leur santé affective et mentale, les programmes doivent être plus facilement accessibles. Les programmes qui donnent de bons résultats doivent être offerts à un plus grand nombre d'enfants.

Nous recommandons aussi d'accroître le soutien communautaire en faveur des 10 p. 100 d'enfants plus âgés qui sont à risque à cause des problèmes de développement, soit les enfants en institutions et en prison.

Nous recommandons aussi de prévoir des mécanismes de promotion du développement communautaire, lequel est indispensable si nous voulons faciliter les changements susmentionnés. Il existe de bonnes initiatives communautaires, mais elles fonctionnent souvent dans l'isolement. Il n'y a souvent pas de coordination, chacune protégeant son propre domaine et la plupart fonctionnent de façon traditionnelle en appliquant des consignes venant d'en haut. Les dirigeants communautaires ont besoin qu'on les aide à établir une collaboration venant de la base et entre les programmes.

Enfin, nous vous recommandons de renforcer la collaboration entre le secteur gouvernemental et le secteur bénévole, notamment en ayant une loi sur les services bénévoles, en mettant en oeuvre une politique nationale et un cadre de financement pour soutenir le secteur bénévole et en tenant compte des besoins des enfants, c'est-à-dire en examinant les répercussions de tous les programmes et activités du gouvernement sur les enfants et les jeunes.

En conclusion, nous soulignons que les mesures rationnelles que nous proposons ne sont pas très coûteuses, qu'elles auraient une grande influence sur le développement des enfants, qu'elles permettraient de réaliser rapidement des économies, qu'elles s'avéreraient rentables. Elles prépareront les enfants pour le prochain millénaire et créeront une main-d'oeuvre adaptée à l'ère de l'information. En outre, elles aideront à construire la société de demain.

Nous croyons que le Canada adulte se doit de faire au moins cela pour ses jeunes. Ce qui est très encourageant, c'est que nous possédons le savoir-faire nécessaire. Ce dont les enfants ont besoin, c'est votre appui.

Merci.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Madame la présidente, permettez-moi d'invoquer le Règlement, s'il vous plaît.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Oui?

M. David Iftody: Nous avons neuf témoins et jusqu'ici chacun prend en moyenne une dizaine de minutes. Je crois comprendre que nous allons ajourner à 13 heures et, selon la procédure normale du comité, je ne suis pas certain que ses membres vont avoir suffisamment de temps pour poser des questions.

Je me demande si nous devrions discuter de cette question. J'apprécie la qualité des témoignages, mais je crois que nous allons manquer de temps, madame la présidente. Pouvez-vous examiner la question?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Certainement. Ce sera aux témoins de décider s'ils veulent réserver du temps pour des questions. S'ils choisissent de consacrer tout leur temps aux exposés, libre à eux.

Oui?

Le chef Phil Fontaine: Pourquoi nous avez-vous tous convoqués en même temps? Pourquoi ne nous avez-vous pas donné le temps pour que chacun de nous, dans son propre domaine d'intérêt, puisse présenter son point de vue. Nous avons besoin du temps et nous avons beaucoup de choses à dire. Vous ne nous donnez pas suffisamment de temps pour exposer tout ce que chacune des organisations présentes considère important.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Permettez-moi de préciser que nous avons six groupes de témoins. Avec un maximum de sept à dix minutes pour chaque groupe, cela nous donne, en fait, une heure pour les exposés et une heure pour les questions. Je prends note de vos suggestions et je les transmettrai au président et au greffier pour les témoins à venir.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): J'invoque le Règlement.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Oui, M. Riis?

M. Nelson Riis: Merci. Comme nous l'a dit l'AMC tout à l'heure, je crois, nous lui avions demandé de nous parler aujourd'hui de la fuite des cerveaux et elle a indiqué dans son exposé qu'elle reviendrait discuter du financement des soins de santé à une autre séance. Je crois donc qu'il est important que vous, madame la présidente, à ce titre, vous indiquiez aux groupes ici présents que ceci n'est pas la seule occasion pour eux de présenter leurs points de vue.

Je pense que le chef a raison, à savoir qu'il faudrait probablement consacrer une séance entière au soutien, au financement et au développement des premières nations. Cela pourrait n'être qu'une première étape et les intervenants pourraient revenir plus tard, pour une discussion plus approfondie.

J'aimerais connaître votre point de vue sur cette question.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Vous avez tout à fait raison M. Riis. Le comité est chargé d'examiner les questions sociales. C'est aux membres du comité de décider s'ils veulent effectuer une étude plus approfondie de toute question au cours de la session d'automne. Je leur saurais gré de dire s'ils souhaitent tenir une autre série d'audiences.

M. Iftody.

M. David Iftody: Merci, madame la présidente.

J'ai soulevé cette question parce que le Grand conseil des Cris a aussi demandé à comparaître devant le comité aujourd'hui. J'ai reçu la demande à mon bureau. J'allais en faire part au chef Fontaine. En fait, chef Fontaine, hier le greffier m'a assuré que, dans le cadre des consultations prébudgétaires, il y aurait à compter de septembre des audiences qui porteraient expressément sur les questions autochtones. Par conséquent, peut-être que ce...

• 1150

Le chef Phil Fontaine: Si c'est le cas, je ne vais pas prendre la parole maintenant, mais plutôt attendre de comparaître devant le comité.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Tant que nous continuons à débattre de cette question à ce moment-ci, nous utilisons le temps limité dont nous disposons.

En fait, les Cris ont été informés qu'ils auraient la possibilité de se faire entendre en septembre. Étant donné que l'on s'est efforcé de limiter les groupes à quatre ou cinq témoins par séance afin d'avoir amplement le temps de poser des questions et d'obtenir des réponses, nous avons invité les Cris à venir à l'automne.

M. Hargrove, vous aviez la main en l'air pour obtenir la parole. Je ne sais pas si vous voulez prendre la parole ou si vous voulez que M. Baldwin poursuive.

M. Buzz Hargrove (président national, Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada)): Je veux simplement préciser qu'il n'y a que quatre représentants du mouvement ouvrier ici.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, M. Hargrove. M. Baldwin.

M. Robert Baldwin: Merci beaucoup madame la présidente et membres du comité. Nous sommes heureux d'avoir été invités à présenter nos vues sur le budget de l'exercice 1999-2000. Je suis aussi heureux que vous teniez des audiences suffisamment à l'avance, de façon que votre rapport puisse, on l'espère, avoir une incidence sur le contenu de ce budget.

Mon rôle ici consiste simplement à dire quelques mots sur le mémoire qui vous a été présenté par le CTC, et à expliquer comment s'intègrent les divers exposés que vont vous faire les représentants syndicaux au cours de la prochaine demi-heure.

Le mémoire du CTC donne un aperçu des vues des travailleurs sur le budget fédéral pour l'exercice 1999-2000. Notre document traite de la marge de manoeuvre qui existe dans le budget à venir, de la nécessité de continuer à donner la priorité à la création d'emplois, et de certains changements qui devraient être apportés au processus d'élaboration du budget afin de rendre celui-ci plus ouvert et plus transparent. Lorsque j'aurai terminé, mon collègue Andrew Jackson traitera de ces points précis.

Le mémoire du CTC fait valoir qu'une augmentation des dépenses dans le secteur de la santé est la meilleure utilisation qui puisse être faite de l'excédent budgétaire. Les autres priorités mentionnées à cette fin sont l'assurance-emploi, la formation et l'enseignement postsecondaire. Nous sommes d'avis qu'une augmentation des dépenses fédérales, plutôt qu'une diminution de la dette ou des impôts, est la meilleure façon de favoriser la création d'emplois. L'augmentation des dépenses aidera aussi à réparer le tort causé par les compressions fédérales des dernières années.

Après mon collègue Andrew, le représentant des Métallurgistes unis d'Amérique, Hugh Mackenzie, présentera notre point de vue sur la marge de manoeuvre qui existe dans le prochain budget. Buzz Hargrove, du TCA, traitera de la création et de la préservation des emplois, ainsi que de l'assurance-emploi et la formation. Richard Balnis et Stan Marshall, du SCFP, décriront certains des dommages causés aux programmes publics et individuels par les compressions budgétaires des dernières années, et ils traiteront de la nécessité d'augmenter les dépenses dans le secteur de la santé.

Pris collectivement, nos exposés reflètent un large consensus entre les syndicats quant aux priorités du prochain budget. C'est particulièrement vrai en ce qui a trait aux points fondamentaux, notamment le fait que l'excédent budgétaire doit d'abord servir à augmenter les dépenses publiques dans le secteur de la santé et qu'il faut continuer à insister sur la création d'emplois.

Nous espérons que les répercussions de toutes les propositions budgétaires, y compris celles du gouvernement, seront soigneusement examinées par le comité du point de vue de leur incidence sur le revenu et les perspectives d'emploi des travailleurs. Il faut porter une attention particulière à l'impact de ces mesures sur les femmes, les membres des minorités visibles, les peuples autochtones et les personnes handicapées.

Cela dit, Andrew va maintenant traiter de certains points mentionnés dans le mémoire du CTC.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): M. Jackson.

M. Andrew Jackson (représentant du Congrès du travail du Canada): Madame la présidente, je veux seulement préciser deux ou trois points.

En ce qui a trait à la priorité qui, selon nous, doit être accordée à la création d'emplois, il convient de souligner que même si les taux de création d'emplois ont été bons au cours de la dernière année, il n'y a pratiquement aucun conjoncturiste qui s'attend à ce que le taux de chômage national baisse en dessous de 8 p. 100 cette année ou l'an prochain. Les taux de chômage continuent d'être très élevés chez les jeunes, dans toutes les provinces à l'est de l'Ontario, ainsi que dans de nombreuses régions. Nous sortons aussi d'une décennie caractérisée par des niveaux de sous-emploi très élevés et par des emplois à temps partiel involontaires, notamment des emplois indépendants ou des contrats de travail qui paient de très faibles salaires.

Il y a lieu de noter qu'au cours de l'année écoulée, l'augmentation réelle des salaires des travailleurs s'est chiffrée précisément à 0,1 p. 100. Lorsque vous comparez ce pourcentage aux augmentations qui ont été accordées aux cadres, vous constatez que les salaires de la plupart des travailleurs restent au même niveau ou baissent, et qu'il y a une augmentation considérable de l'inégalité créée par la croissance de types de travail mal rémunérés.

• 1155

Par conséquent, si l'on veut faire une priorité de la création d'emplois, il faut tenir compte des points qui suivent et retenir un bon nombre des propositions formulées dans le budget fédéral de remplacement.

Premièrement, nous continuons d'insister sur la nécessité, pour le gouvernement, de fixer des objectifs officiels de création d'emplois, parallèlement aux autres objectifs de la politique économique. Nous pensons que la Banque du Canada doit jouer un rôle de premier plan pour ce qui est d'établir ces objectifs et de les atteindre, et celle-ci ne devrait pas hausser les taux d'intérêt alors que nous redescendons vers un taux de chômage de 8 p. 100, que la Banque considère toujours comme une barrière.

En second lieu, si l'on veut faire de la création d'emplois une véritable priorité, il faut affecter l'excédent budgétaire aux programmes, plutôt qu'à la réduction de la dette ou des impôts. Toute la documentation pertinente—et notre mémoire renferme même des extraits tirés d'une analyse effectuée par le FMI—montre que si nous nous intéressons à la croissance et à la création d'emplois à long terme, des investissements publics bien ciblés sont un levier beaucoup plus puissant que la réduction de la dette ou des impôts.

Puisqu'on a déjà fait allusion à la réduction des impôts, permettez-moi d'apporter une précision. Jusqu'à un certain point, il est très bizarre de croire qu'il faut réduire les taux d'impôt s'appliquant aux revenus les plus élevés afin d'empêcher les travailleurs de quitter le pays, alors que nous sommes aux prises avec des taux de chômage et de sous-emploi extrêmement élevés.

À cet égard, je souligne au comité qu'une récente enquête sur les postes vacants menée par Statistique Canada révèle que si tous les postes vacants au Canada—c'est-à-dire ceux qui ne sont pas dotés depuis au moins trois mois—étaient comblés, le taux d'emploi global augmenterait de moins de 0,3 p. 100. Lorsque vous examinez la situation de plus près, vous constatez que c'est dans le secteur des métiers spécialisés et de la construction qu'on trouve le plus grand pourcentage de postes vacants. L'opinion voulant qu'il y ait un exode des cerveaux dans notre pays et que les travailleurs éprouvent des difficultés à doter les postes vacants est, à franchement parler, davantage fondée sur des impressions plutôt que sur des données concrètes.

J'ai une dernière remarque à formuler au sujet des réductions d'impôt. Le comité est au courant du rapport du comité Mintz et il a tenu des audiences relativement à celui-ci. Ce rapport est utile du fait qu'il signale de nombreuses dépenses fiscales corporatives. Toutefois, vous savez aussi que la recommandation principale du rapport porte que ces dépenses devraient servir à réduire les taux d'imposition des sociétés, sans augmentation générale des recettes.

Nous continuons d'insister énormément sur le point central du budget parallèle, à savoir qu'il est possible de réduire les impôts pour les contribuables à revenu faible et à revenu moyen, ainsi que d'augmenter la prestation fiscale pour enfants, sans qu'il soit nécessaire de miner le potentiel fiscal du gouvernement fédéral pour favoriser l'équité fiscale.

Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, M. Jackson.

Nous allons maintenant écouter M. MacKenzie.

M. Hugh MacKenzie (directeur de la recherche, Métallurgistes unis d'Amérique): Merci.

Je veux commencer ce matin en discutant des chiffres sur lesquels vous allez vous pencher, compte tenu de l'importance des données budgétaires au cours des dernières années pour ce qui est de délimiter le débat sur les options quant à l'avenir du Canada.

Depuis le budget de 1995-1996, on constate une nette tendance de la part du gouvernement à sous-estimer ses recettes et à surestimer les coûts liés au service de la dette. Ces surestimations et ces sous-estimations donnent une idée très trompeuse des options qui s'offrent aux Canadiens. Le gouvernement a en fait manipulé les données budgétaires afin de cacher la rapidité avec laquelle le déficit disparaissait, de façon à éviter tout débat politique sur les possibilités qui s'offrent.

La tendance persiste malgré le nouveau contexte économique. Vous vous rappelez tous que, lors de la campagne électorale, les prévisions du gouvernement faisaient état d'un déficit de 10 à 12 milliards de dollars pour l'exercice qui s'est terminé à la fin de mars. Ces chiffres ont suscité la controverse au sein d'à peu près toute la classe politique. Les plus récentes données, publiées il y a environ trois semaines, montrent que l'exercice 1997-1998 n'a pas été caractérisé par un déficit de 10 à 12 milliards de dollars, mais plutôt par un budget équilibré.

• 1200

Le même processus se poursuit. L'automne dernier, nous avons été témoins d'un mini-débat sur ce que le gouvernement devrait faire avec un excédent budgétaire qui, selon le ministre des Finances, était de l'ordre de 1,2 milliard de dollars. Le fait d'avoir calculé l'excédent à ce niveau a eu pour effet de limiter le débat quant aux options budgétaires du Canada, de telle sorte que l'on a eu un débat houleux sur ce qu'il y avait lieu de faire avec, somme toute, un montant relativement peu élevé, comparé aux recettes que le gouvernement était en fait en train de percevoir.

Le budget comme tel prévoit la répartition à peu près égale d'un excédent de 3,5 milliards de dollars entre les dépenses de programmes et les allégements fiscaux, ainsi qu'une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars pour le remboursement de la dette. Même en supposant que les prévisions budgétaires sont exactes, la situation présentée par le ministre des Finances ne correspond pas tout à fait celle qui, selon lui, existait. Même en tenant compte du montant de 2 milliards pour les nouvelles initiatives, les dépenses de programmes seront inférieures de 1,5 milliard de dollars en 1998-1999 à ce qu'elles étaient en 1997- 1998. Une somme de 3 milliards est affectée à la réduction de la dette, tandis qu'un montant de 1,5 milliard est consacré à des allégements fiscaux.

Toutefois, les prévisions renfermées dans ce budget ne sont pas plus honnêtes que celles qui ont été faites dans les budgets antérieurs. Nous avons effectué une nouvelle estimation des recettes du gouvernement et des coûts du service de la dette. En se servant des prévisions de KPMG—qu'on ne peut certes pas qualifier d'organisme radical—qui font l'objet d'un consensus dans le secteur privé, nous prévoyons que les recettes dépasseront de 2,2 milliards de dollars les prévisions du gouvernement en 1998-1999, et de 5,2 milliards de dollars en 1999-2000.

Nous avons aussi examiné les prévisions du gouvernement en ce qui a trait au service de la dette et nous avons constaté que les chiffres avaient été manipulés d'une manière assez évidente, de façon à ce que la situation budgétaire paraisse bien pire qu'elle ne l'est en réalité. Le gouvernement prévoit que les coûts du service de la dette passeront de 7,12 p. 100 en 1997-1998 à 7,46 p. 100 en 1998-1999, puis à 7,72 p. 100 en 1999-2000.

Ces chiffres sont franchement incroyables, compte tenu qu'une partie des emprunts contractés à des taux d'intérêt très élevés a été remboursée et remplacée par de nouveaux emprunts faits à des taux beaucoup moins élevés. À l'heure actuelle, rien ne permet de croire que les taux d'intérêt feront l'objet d'une pression à la hausse importante.

Ces chiffres sont importants. Alors que des réserves de 3 milliards de dollars sont prévues pour la réduction de la dette en 1998-1999 et en 1999-2000, les prévisions plus réalistes font état d'excédents. Même en tenant compte des initiatives dans les secteurs de la fiscalité et des dépenses qui sont annoncées dans le budget, ces estimations réalistes font état d'excédents de plus de 8 milliards de dollars pour cette année et de 13,5 milliards pour l'an prochain, c'est-à-dire l'exercice 1999-2000, sur lequel porte votre étude.

Ces chiffres justifient un débat public beaucoup plus large sur la politique gouvernementale future du Canada. Ils confirment que nous avons amplement les ressources budgétaires nécessaires pour entreprendre de façon sérieuse de réparer le tort—attribuable à notre obsession à l'égard du déficit—causé aux secteurs de la santé et de l'éducation, ainsi qu'à d'autres volets du réseau des services sociaux au Canada, de même que pour mettre en place un régime d'assurance-emploi digne de ce nom.

J'ai une dernière observation à faire concernant l'assurance- emploi. On a beaucoup entendu dire que l'excédent budgétaire correspond en fait à l'excédent dans la caisse d'assurance-emploi. Ce n'est pas tout à fait vrai. Si l'on se fie aux prévisions budgétaires pour l'exercice 1999-2000, l'excédent dans la caisse d'assurance-emploi sera de 5,8 milliards de dollars. Or, selon nos propres calculs, cet excédent devrait atteindre environ 13,5 milliards de dollars.

Ce qui est plus pertinent, c'est que, selon nous, cet excédent ne prouve pas que les cotisations à l'assurance-emploi sont trop élevées, mais plutôt que le programme comme tel est inadéquat. Si vous avez besoin de preuves, jetez simplement un coup d'oeil au faible pourcentage de Canadiens en chômage qui sont admissibles à l'assurance-emploi. Il n'y en a qu'entre 35 p. 100 et 40 p. 100.

Nous avons quelques suggestions à faire au comité. Premièrement, obtenez des avis impartiaux relativement à la véritable situation budgétaire, de façon à éviter d'avoir un débat qui soit limité de façon artificielle quant aux options possibles. Deuxièmement, parrainez un débat national sur la façon de restructurer les services publics, en commençant par le système de santé. Troisièmement, insistez sur l'élément important du régime d'assurance-emploi, soit le programme comme tel et non les cotisations.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, M. Mackenzie.

M. Hargrove, je pense que c'est votre tour.

• 1205

M. Buzz Hargrove: Merci beaucoup madame la présidente et membres du comité de m'avoir donné la possibilité d'être ici. Mon exposé sera court et une partie de celui-ci vise à appuyer les propos formulés ce matin par le chef Fontaine. Je pense que, compte tenu des besoins des collectivités autochtones et de tous les problèmes que le chef Fontaine a mentionnés, le gouvernement se doit d'étudier très attentivement son prochain budget.

En ce qui a trait à l'exposé fait au nom des enfants, étant donné que j'ai des petits-enfants dans ce groupe d'âge, j'appuie sans réserve les propos qui ont été formulés. Mes collègues du mouvement syndical, de même que le travail accompli par les employés du Congrès du travail du Canada, les métallurgistes, le SCFP et d'autres intervenants, peuvent apporter une contribution importante au débat public, alors que nous voulons réorienter le gouvernement et l'engagement national vers les Canadiens.

Pour ce qui est de l'excédent, je pense que les réductions d'impôt devraient s'appliquer aux personnes à revenu faible et à revenu moyen. Si l'on veut réduire les impôts, c'est à ce niveau qu'il faut le faire.

Par ailleurs, les gens d'affaires discutent beaucoup de la diminution des cotisations d'assurance-emploi, eux qui ont tellement à gagner et dont les chiffres de production atteignent des niveaux record. Si vous avez lu le Ottawa Citizen de ce matin, vous savez que l'utilisation de la capacité globale de l'industrie de fabrication est à son plus haut niveau depuis plus de 20 ans. Les profits, les salaires des cadres et les primes sont plus élevés que jamais. Nous entendons encore des gens dire qu'il faut prévoir des façons d'encourager ces personnes à rester au pays. Personnellement, j'ai bien de la difficulté à croire que cela soit nécessaire.

D'autre part, on dit qu'il faut décourager les gens ordinaires d'être en chômage en ne leur versant pas de prestations d'assurance-emploi. À l'heure actuelle, trois personnes sur cinq qui perdent leur emploi ne touchent absolument rien pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Quant à ceux qui touchent des prestations, celles-ci sont moins élevées qu'auparavant et elles sont versées pendant une période plus courte. Il faut songer à remettre l'argent dans les poches des Canadiens en chômage qui en ont désespérément besoin. Le Canada est l'un des pays industrialisés où les charges sociales sont les moins élevées. Rien ne justifie que l'on accorde d'autres allégements aux entreprises.

On parle beaucoup du programme de sécurité de la vieillesse et de la disposition de récupération fondée sur le revenu familial. À mon avis, cette mesure n'est pas correcte. Il est injuste que des personnes qui ont travaillé toute leur vie et qui ont économisé quelques dollars se voient enlever de l'argent après avoir contribué au programme durant des années par le biais de leurs impôts. J'entends plus parler de cette question au pays que de tout autre dossier. Il n'y a pas de travailleurs qui demandent que l'on réduise les cotisations d'assurance-emploi, et il y en a très peu qui souhaitent des réductions d'impôt.

Ces derniers veulent plutôt que le gouvernement augmente les dépenses publiques dans les secteurs qui sont importants pour les Canadiens et leurs familles, notamment ceux des soins de santé, de l'éducation et des services sociaux. Tous les sondages récents montrent que 85 p. 100 des gens sont en faveur de la mise sur pied d'un programme national de garderies.

En ce qui a trait à l'assurance-médicaments, il faut éliminer la quote-part que doivent verser les personnes âgées, alors qu'elles arrivent à une époque de leur vie où elles ont besoin de médicaments. Qu'elles les utilisent ou non, ces personnes n'ont pas le choix. Un certain nombre de provinces sont maintenant en train d'instaurer un tel régime. Ce sont là certaines des questions sur lesquelles il faut se pencher.

Les dépenses directes dans les services publics sont l'une des meilleures mesures de création d'emplois qu'une nation peut avoir. Nous avons désespérément besoin des services publics. En outre, une telle mesure aurait pour effet de donner du travail à un grand nombre de personnes. Je pense que c'est dans cette direction que nos efforts devraient porter.

Je veux juste faire mention brièvement des travailleurs du secteur public, y compris des députés, bien que ceux-ci ne soient pas tout à fait aussi désavantagés que les autres. Aucun pays au monde ne traite ses fonctionnaires comme le fait le Canada. Voilà cinq, six ou sept ans quÂils n'ont pas eu d'augmentation de traitement. On parle de l'exode des cerveaux, mais il y a un grand nombre de travailleurs qui gagnent très peu, qui fournissent beaucoup de services utiles, et qui méritent d'être aidés, au moment où nous nous dirigeons vers un excédent budgétaire.

Je veux mentionner quelques points qui révèlent l'existence de crises. Si je suis ici aujourd'hui, c'est avant tout pour exhorter le comité, qui fera rapport au ministre des Finances, de ne pas attendre jusqu'au budget pour s'occuper d'une crise incroyable qui touche les gens à Terre-Neuve, au Labrador et, dans une mesure moindre mais de plus en plus préoccupante, tout le secteur des pêches sur la côte Ouest.

• 1210

Nous avons demandé au gouvernement d'étendre la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique et d'élargir son mandat de façon à accorder un traitement juste aux résidents de Terre-Neuve et du Labrador, et à ceux de la côte ouest du Canada qui comptent sur les pêches et qui, sans que ce soit de leur faute, constatent que les stocks sont en train de disparaître.

Nous avons formulé une proposition générale qui traite du droit de rachat, de l'indemnité de départ, de la retraite anticipée, et du soutien du revenu pour les travailleurs des deux côtes qui s'adonnent à la pêche ou qui travaillent dans des usines de transformation du poisson. Ces personnes ont désespérément besoin d'aide.

J'exhorte le comité à demander au ministre des Finances de s'occuper immédiatement de ce dossier et de ne pas attendre le dépôt d'un budget. Notre avons un excédent énorme dans notre caisse d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi—selon le nom que vous voulez lui donner. Cet excédent pourrait aider ceux qui sont terriblement dans le besoin. Il faut aussi prévoir une stratégie industrielle à long terme dans ces provinces pour appuyer les collectivités le long des côtes de Terre-Neuve, du Labrador et de la Colombie-Britannique.

Enfin, une crise s'est manifestée au cours des dernières semaines lorsque la compagnie Boeing, à Malton, a annoncé qu'elle allait fermer son installation et licencier 2 000 de nos syndiqués. La réponse donnée par John Manley est inacceptable pour quiconque éprouve un tant soit peu de sollicitude. Le premier ministre de l'Ontario, M. Harris, ne s'est lui aussi pas formalisé de la perte de ces 2 000 emplois, non plus que des préoccupations de ces travailleurs, de leurs familles et de leurs collectivités. Il a rejeté le fait que, si le Canada veut se doter d'une économie fondée sur le savoir, sur la forte valeur ajoutée et sur la haute technologie, nous ne pouvons nous permettre de laisser disparaître des emplois axés sur la forte valeur ajoutée et sur la haute technologie sans essayer de trouver une solution.

Je dis au comité en toute sincérité qu'il est possible de transformer une mauvaise nouvelle en une bonne nouvelle. Si, au lieu de faire preuve d'un manque de sensibilité en disant que c'est là l'une des conséquences inévitables de la mondialisation, les gens s'assoyaient avec ceux qui connaissent l'industrie, y compris les membres de notre syndicat qui travaillent à cette usine, ils se rendraient compte que l'installation de Malton emploie des producteurs de pièces aérospatiales qui sont parmi les plus spécialisés, les plus compétents et les moins chers au monde.

Il existe de grandes possibilités au sein de la société Boeing qui ne sont pas liées aux MD-11, MD-80 et MD-90 qu'on a cessé de produire. Toutefois, l'appui du gouvernement est nécessaire afin de pouvoir exploiter ces possibilités. Dans tous les pays où elle existe, l'industrie aérospatiale jouit du soutien des gouvernements, parce que ceux-ci sont non seulement conscients que cette industrie crée des emplois axés sur la forte valeur ajoutée et la haute technologie, mais savent aussi que ses retombées incroyables pour le reste de l'économie, en font un secteur tout à fait unique.

Madame la présidente et membres du comité, des subventions peuvent être accordées. Chaque État des États-Unis et chaque pays d'Europe prévoient des subventions et des plans d'approvisionnement gouvernementaux de façon à profiter des forces de cette industrie, au lieu de s'en balancer publiquement, comme l'ont fait M. Manley et M. Harris du gouvernement de l'Ontario.

Je termine en demandant au comité de voir un peu ce qui se passe dans cette installation. Il est possible d'empêcher la fermeture de cette usine, comme on l'a fait dans le cas de la société de Havilland. À l'époque, le gouvernement conservateur n'avait pas voulu intervenir, de sorte que le gouvernement néo- démocrate de Bob Rae avait investi 200 millions de dollars dans cette entreprise. Celle-ci a maintenant remboursé cette somme. L'usine, qui comptait 1 300 employés et qui s'en allait à sa perte, emploie maintenant plus de 5 000 personnes et continue de prendre de l'expansion.

Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup, M. Hargrove.

M. Richard Balnis va maintenant prendre la parole au nom du SCFP.

M. Richard Balnis (directeur intérimaire de la recherche, Syndicat canadien de la fonction publique): Merci. Je suis accompagné par Stan Marshall, notre agent principal de recherche en matière de soins de santé.

Nous avons déposé deux mémoires. L'un d'entre eux est le texte de nos propos, en anglais seulement, que je vais résumer rapidement, compte tenu du temps limité dont nous disposons. Le deuxième mémoire, auquel je vais me reporter, est un rapport publié par le Conseil canadien de développement social intitulé Les coupures de personnel du secteur public: L'impact sur la qualité de l'emploi au Canada.

Le SCFP représente plus de 460 000 travailleurs canadiens d'un océan à l'autre. Nous avons des membres dans toutes les administrations provinciales ainsi que dans la fonction publique fédérale. Ceux-ci travaillent pour des municipalités, des conseils scolaires, des hôpitaux et des foyers de soins infirmiers, des bibliothèques, des universités, des organismes de services sociaux, des services publics, des compagnies aériennes et de nombreuses autres institutions qui fournissent des services importants aux Canadiens.

Le SCFP appuie le mémoire présenté par le Congrès du travail du Canada, mais nous voulons simplement porter quatre autres préoccupations à votre attention.

La première est le contexte budgétaire. Dans les questions qu'il nous pose, le comité nous demande de nous pencher sur une ère et une économie nouvelles découlant des mesures prises par le gouvernement libéral en place et de son budget équilibré. L'envie de regarder vers l'avenir ne doit pas nous faire oublier le bilan de l'actuel gouvernement fédéral, ni celui du gouvernement conservateur Mulroney qui l'a précédé, relativement aux services sociaux et aux emplois dans le secteur public. Nous ne pouvons oublier l'énorme préjudice causé par la nouvelle économie libérale aux travailleurs du secteur public, à leurs emplois, à leur gagne- pain, ainsi qu'aux services fournis par ceux-ci.

• 1215

Les pages 2, 3 et 4 de notre mémoire font état de ces bilans, en commençant par celui du gouvernement conservateur Mulroney, au bas de la page 2, où l'on fait état de coupes qui, à la fin de 1994-1995, avaient entraîné une perte de 13,3 milliards de dollars pour le régime d'assurance-maladie et l'enseignement postsecondaire. Le bilan du gouvernement Chrétien n'est pas meilleur. Comme vous pouvez le voir au haut de la page 3, des compressions ont été imposées dès l'adoption du premier budget, en 1994. Le nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux est ensuite entré en vigueur en 1996 et les transferts pécuniaires aux provinces ont été réduits de plus de 30 p. 100 en deux ans, soit de 7,5 milliards de dollars. Voyons un peu l'ampleur de ces compressions. Pendant la première année du gouvernement Chrétien, 179 hôpitaux ont été fermés, soit un hôpital sur sept au Canada. Près de 16 000 lits ont été supprimés. De 1993 à 1996, 62 000 emplois dans le secteur de la santé ont été éliminés. Ceux qui ont encore un emploi dans ce secteur doivent accomplir plus de tâches, sans avoir la formation nécessaire ou sans toucher un traitement en conséquence. Pendant ce temps, les entreprises privées font des profits grâce aux services de laboratoire, d'alimentation, de lavage et d'entretien qui sont confiés à contrat, sans oublier les services médicaux désassurés.

Ceux qui ont pris la parole avant moi ont fait allusion aux transferts mais, contrairement à ce que prétend le gouvernement fédéral, le dernier budget fédéral ne renferme pas de nouveaux crédits et n'augmente pas les transferts. Il fait simplement relever le montant de base des transferts pécuniaires. Les compressions dans le secteur de la santé continuent. En 1998-1999, les transferts dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux seront encore inférieurs de 6,7 milliards de dollars à ce qu'ils étaient en 1995-1996. Le SCFP est d'avis que, si l'on veut établir des priorités fondamentales, il faut d'abord et avant tout réparer le tort considérable causé par les gouvernements fédéraux qui se sont succédé depuis 1986.

Je cède maintenant la parole à Stan Marshall, qui va faire un exposé sur les soins de santé.

M. Stan Marshall (agent principal de recherche, Syndicat canadien de la fonction publique): Le gouvernement fédéral doit rétablir la confiance du public dans le régime des soins de santé. Cette confiance est minée, et tous les sondages montrent que les Canadiens sont très préoccupés par le régime public de soins de santé. Par conséquent, le gouvernement doit renouveler l'engagement de fournir un régime de soins de santé qui soit financé, administré et dispensé par le secteur public.

J'ai quatre recommandations précises à formuler à ce sujet. La première est que le gouvernement doit créer un fonds distinct pour les soins de santé. La méthode actuelle qui consiste à accorder des transferts aux provinces ne permet pas au gouvernement fédéral de s'assurer que les sommes ainsi transférées sont effectivement affectées aux soins de santé dans les provinces. Le montant de base actuel n'est pas un incitatif suffisant pour que les provinces continuent à respecter les principes qui sous-tendent la Loi canadienne sur la santé. Les provinces peuvent éviter d'assumer leurs propres responsabilités financières en matière de soins de santé, étant donné que les coupes effectuées dans les transferts fédéraux font que le gouvernement central est devenu une cible facile sur laquelle les provinces peuvent faire porter le blâme pour leurs propres compressions. Il est temps d'arrêter de faire des soins de santé un petit jeu politique et de créer un fonds distinct pour les soins de santé.

Il est aussi temps de réinvestir dans les services de santé en rétablissant les paiements de transfert pour la santé. En plus des fonds fédéraux déjà affectés aux soins de santé dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le nouveau fonds pour la santé devrait obtenir des crédits supplémentaires. À cet égard, nous pensons que des transferts pécuniaires fédéraux de 3 milliards de dollars sont nécessaires pour commencer à rétablir la confiance du public.

Notre troisième recommandation est que le gouvernement doit établir un programme national de soins à domicile. Le Forum national sur la santé a recommandé très clairement la mise sur pied d'un programme national de soins à domicile qui serait financé par le secteur public.

• 1220

En mars 1988, le gouvernement fédéral, par l'entremise de Santé Canada, fut l'hôte d'une conférence nationale sur les soins à domicile, à Halifax. Le message à l'issue de la conférence était très clair: il faut créer un programme national de soins à domicile. En fait, les participants à la conférence étaient pratiquement unanimes quant à la nécessité d'une telle initiative, et il semble que le gouvernement fédéral soit le dernier à vouloir emboîter le pas.

Nous sommes toutefois encouragés par certaines mesures prises récemment par le gouvernement, qui continue d'examiner le dossier des soins à domicile. Nous demandons au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour adopter une loi sur les soins à domicile qui serait semblable à la Loi canadienne sur la santé, et en vertu de laquelle les soins à domicile seraient assujettis à des principes et à des lignes directrices appropriés, et seraient dispensés par un réseau public de centres de santé communautaire, sans imposer de frais aux usagers et sans exiger une justification fondée sur les moyens. Afin d'amorcer le processus d'établissement d'un programme national de soins à domicile, nous recommandons qu'un montant de 2 milliards de dollars soit investi au départ.

Notre dernière recommandation a trait à un régime national d'assurance-médicaments. Il n'est guère utile d'avoir un programme national de soins à domicile si l'on n'amorce pas en parallèle la création d'un programme national d'assurance-médicaments. Les personnes reçoivent leur congé d'hôpital de plus en plus tôt, alors qu'elles sont encore malades, et elles devront payer pour leurs médicaments, ce qui n'aurait pas été le cas si elles étaient restées dans des établissements de soins actifs.

Il est évident que les médicaments sont nécessaires du point de vue médical, et le financement public est la seule façon raisonnable de favoriser l'accès universel et de contrôler les coûts, comme le mentionne le rapport du Forum national sur la santé. Notre dernière recommandation est donc que le gouvernement fédéral devrait, dans un premier temps, affecter un milliard de dollars à la mise sur pied d'un programme national d'assurance- médicaments.

Je cède maintenant la parole à Richard, qui va conclure.

M. Richard Balnis: Nous avons remis au comité, dans les deux langues officielles, des exemplaires du rapport du CCDS sur l'impact de la réduction des effectifs dans la fonction publique. Cette étude, parrainée par le SCFP, révèle qu'entre 1992 et 1996, 121 000 emplois dans le secteur public au Canada ont été éliminés. Depuis le début de 1997, jusqu'à la fin d'avril 1998, il y a des pertes additionnelles de 70 000 emplois directs dans le secteur public.

Si ces pertes d'emplois s'étaient produites dans n'importe quel autre secteur de l'économie, on aurait parlé de récession, voire de dépression, mais dans ce cas-ci la plupart des politiciens—pas tous cependant—sont fiers du nombre d'emplois qu'ils ont éliminés dans le secteur public.

Si vous jetez un coup d'oeil à la page 12 de notre mémoire, vous aurez une idée des répercussions profondes des pertes d'emplois dans le secteur public. Des services sont éliminés, une source de bons emplois disparaît, sans parler des conséquences négatives qui s'ensuivent pour l'ensemble de l'économie.

Lorsqu'on fait passer des emplois du secteur public au secteur privé il y a des perdants, particulièrement chez les femmes. Il y a aussi des débouchés qui disparaissent pour les groupes défavorisés.

Le SCFP demande par conséquent que l'on mette fin à l'élimination de bons emplois productifs du secteur public et que l'on prenne des mesures pour compenser les compressions qui ont été imposées dans les récents budgets fédéraux, que ce soit directement ou indirectement par les réductions visant les transferts de paiement à d'autres gouvernements.

À la page 14—mais surtout à la page 15—nous montrons l'ampleur du phénomène de la pauvreté croissante et des inégalités dans notre société, par suite des compressions budgétaires continues du gouvernement.

Au printemps de 1997, le Conseil national du bien-être continuait de croire qu'il était possible de gagner la lutte contre la pauvreté. Selon nous, le premier petit pas que le gouvernement doit faire à cet égard est de mettre fin à la réduction continue des dépenses. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

Comme vous pouvez le constater, le timbre est en train de sonner à la Chambre, même si les lumières ne clignotent pas dans la pièce. Nous essayons de savoir ce qui se passe. Nous pensons que c'est le timbre des 30 minutes, mais on nous a demandé de quitter immédiatement.

• 1225

En attendant que la situation soit clarifiée, nous allons demander à M. Ritz de poser la première question. J'invite ceux qui vont poser des questions—et cela vaut pour tous—de le faire le plus succinctement possible, et je demande à ceux qui vont répondre à ces questions de suivre la même règle, afin que nous puissions poser le plus grand nombre de questions possible.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, madame la présidente. Nous discutons de questions fondamentales. Il est difficile de le faire de façon précipitée.

Messieurs, je vous remercie des exposés que vous avez faits ce matin. J'ai une question précise à poser au chef Fontaine.

L'une des bandes dans ma circonscription, soit celle de Thunderchild dans le centre de la Saskatchewan—que vous connaissez peut-être—m'a fait part d'un problème qu'elle a éprouvée relativement à ses fonds liés aux droits de propriété issus de traités. La bande achète les terres qu'on lui a dit d'acheter, mais voilà que, maintenant, la province et le gouvernement fédéral changent constamment de position et font des histoires au sujet du statut de réserve de ces terres.

Pendant ce temps, la bande détient les terres, mais elle ne peut obtenir le statut de réserve à leur égard en raison des redevances au fédéral et aux provinces pour les droits relatifs au pétrole, au gaz, à la coupe, etc. La bande ne sait pas à quoi s'en tenir. Elle se trouve dans une situation où on lui dit «hâtez-vous puis attendez». La bande voudrait bien assurer sa durabilité et elle a publié une brochure qui lui permettra d'atteindre cet objectif d'ici une génération, ce qui est extraordinaire. Comment faire pour régler les formalités administratives entre les provinces et le fédéral de façon à permettre à la bande de prendre les moyens d'atteindre son objectif?

Dans votre exposé, vous avez parlé de réaffectation de fonds. Y a-t-il des choses que l'on peut faire avec le financement actuel? Y a-t-il un modèle d'autonomie gouvernementale qui pourrait être appliqué afin que ces choses puissent se produire?

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Chef Fontaine.

Chef Phil Fontaine: Ce problème n'est pas propre à la première nation de Thunderchild. La situation existe aussi au Manitoba—en fait partout où il y a une entente de règlement d'une revendication.

À mon avis, la façon la plus facile, efficace et pratique de régler ce problème, lorsqu'il est question d'accorder le statut de réserve à des terres indiennes, consisterait à adopter une loi concernant les premières nations. Le meilleur exemple que je pourrais utiliser pour illustrer cette possibilité nous vient du Manitoba, où nous avons signé une entente avec le gouvernement fédéral en 1994 aux termes de laquelle tous les pouvoirs sont conférés aux premières nations. Ainsi, les collectivités seraient en mesure de désigner leurs propres terres comme des terres jouissant du statut de réserve indienne.

Autrement, la seule solution qui s'offre à nous consiste à négocier un processus avec les deux ordres de gouvernement, ce qui, comme vous l'avez signalé, peut être très long.

Par ailleurs, il faut obtenir un certain engagement de la part des dirigeants politiques. Il faut que les deux ordres de gouvernement y mettent de la bonne volonté.

M. Gerry Ritz: Je comprends cela, mais je me demande comment nous pourrions accélérer le processus. La bande qui nous a signalé le problème ne vit pas, comme vous l'avez dit, une situation unique. Elle est réduite à utiliser les fonds qu'elle a obtenus en vertu des droits fonciers issus de traités pour payer les taxes municipales sur ces terres, parce qu'elles n'ont pas encore obtenu le statut de réserve. Plus le processus est long, plus la viabilité de la bande est menacée, puisqu'elle dépense son argent sans rien acheter.

Donc, comme vous le dites, les dirigeants politiques doivent prendre un engagement dans ce domaine, oui.

Une autre petite question...

La vice-président (Mme Paddy Torsney): Deux secondes.

M. Gerry Ritz: Très bien.

Si nous devions enregistrer un excédent de plusieurs milliards de dollars l'an prochain, quelle proportion devrait être consacrée, selon vous, au service de la dette, à la réduction des impôts et au rétablissement des programmes sociaux?

M. Buzz Hargrove: La création d'emplois réglerait le problème de la dette. Si nous pouvions redonner du travail aux gens, ils paieraient des taxes et des impôts qui contribueraient à enrayer la dette. Les services sociaux ont, eux aussi, désespérément besoin de financement. Voilà les deux domaines sur lesquels le gouvernement devrait se concentrer, cela et les réductions d'impôts au niveau inférieur. Nul besoin de sacrifier une grosse part de l'excédent si vous ciblez les contribuables à revenu faible ou moyen.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

Monsieur Fontaine, voulez-vous répondre ou laisser M. Chance le faire?

Dr Graham Chance: Oui, et il faut également appuyer le développement des jeunes enfants. Il est crucial que notre pays s'attaque à ce problème.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Comme personne d'autre ne veut répondre, je dois signaler à mes collègues et aux témoins que nous devons suspendre la séance pour participer à un vote dans environ neuf minutes. Nous pouvons laisser nos effets personnels ici, puisque la salle sera surveillée.

J'espère que les témoins seront en mesure de demeurer avec nous et nous prolongerons la séance pour récupérer le temps nous aurons consacré au vote, qui devrait avoir lieu, du moins je l'espère, peu après 13 h.

Si cela vous cause des ennuis, veuillez vous adresser à Carol en notre absence et nous verrons ce que nous pourrons y faire. Je vous invite toutefois à rester, puisque nous serons de retour bientôt.

Merci. La séance est suspendue.

• 1230




• 1302

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Collègues, nous reprenons la séance, avec M. Riis qui veut poser des questions.

M. Nelson Riis: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je commencerai par dire que nous sommes très contents qu'on nous ait enfin annoncé que l'excédent prévu pour l'exercice financier en cours sera d'environ 8 milliards de dollars, ce qui devrait modifier quelque peu la dynamique de nos discussions.

Étant donné que l'excédent atteindra 8 milliards de dollars, ma première question s'adresse à M. Chance. Vous soulignez l'importance particulière que revêt le développement du cerveau chez l'enfant. C'est le Syndicat canadien de la fonction publique, je crois, qui nous fait remarquer que près de 1,5 million d'enfants vivent dans la pauvreté. Quelques années après nous être engagés à éliminer la pauvreté d'ici l'an 2000, il semble que la situation continue d'empirer.

Je pensais, à l'origine, poser la question au chef, parce qu'il a décrit la situation épouvantable que vivent les premières nations, situation qui serait source d'embarras pour tout pays industrialisé.

Toutefois, jusqu'à maintenant, on nous a dit que nos priorités devraient certainement consister à réduire la dette, à réduire l'impôt sur les sociétés, à accorder des réductions générales de l'impôt personnel, à appuyer considérablement l'industrie aérospatiale, etc. Quelle serait votre priorité, si le pays enregistrait un excédent de 8 milliards de dollars, comme cela devrait se produire cette année?

Dr Graham Chance: De toute évidence, toutes les suggestions que nous vous avons faites seraient nos priorités. Essentiellement, si nous pensons aux enfants et à leur santé actuelle et future, il faudrait mettre l'accent sur le développement des jeunes enfants et ensuite sur les familles et les enfants.

Les recommandations que nous avons formulées, particulièrement le besoin de services de garderies améliorés et axés sur le développement, c'est-à-dire de services de qualité... Je le répète, seulement 27 p. 100 des services de garde d'enfants sont réglementés. Cela ne veut pas dire que tous les services non réglementés ne sont pas adéquats, mais la plupart ne sont pas ce que nous voudrions qu'ils soient.

Je le répète, si nous insistons surtout sur les services de garderie et le développement des jeunes enfants, c'est que bien des familles ont peu de temps à consacrer aux enfants. La plus grande pression que subissent les familles à deux parents et les familles monoparentales tient au fait qu'elles manquent de temps. Gagner un revenu suffisant pour subvenir aux besoins des membres de leur famille est la grande priorité de la plupart de ces gens. Dans la vaste majorité des familles à deux parents, les deux conjoints travaillent. Ce n'est pas qu'ils y tiennent nécessairement, mais qu'ils doivent le faire. Les données diffusées par l'Institut Vanier confirment le fait que la plupart des gens voudraient travailler et qu'ils le font...

• 1305

Puisqu'on reconnaît que le développement sain en bas âge est essentiel pour que l'enfant puisse évoluer en bonne santé mentale et physique et partir du bon pied dans la vie, il faut donc accorder une importante toute particulière à ce domaine.

M. Nelson Riis: Au fil des ans, monsieur Chance, les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont promis d'accorder la priorité à l'établissement d'un réseau national de garderies. Selon les dernières informations que nous avons reçues à ce sujet, ou les avant-dernières, dès que les fonds seront disponibles, le feu vert sera donné. Il semblerait que, avec un excédent de 8 milliards de dollars, le temps est venu d'agir. J'ai remarqué que, dans la dernière phrase de votre exposé, tant dans votre allocution que dans votre mémoire, vous vous demandez si nous avons la volonté d'agir dans ce sens. Nous demander en quoi consiste notre priorité serait donc le test ultime, celui sur lequel tout repose. Je ne peux m'imaginer que quelqu'un pourrait affirmer que le développement de nos enfants ne devrait pas être notre priorité, alors je vous demande ce que vous en pensez.

Dr Graham Chance: Il y a juste un autre point que je veux faire valoir: nous devons mesurer ce que nous faisons. Il faut vraiment évaluer et mesurer ce que nous faisons. C'est l'aspect associé à la recherche.

M. Nelson Riis: Je reconnais que les observations que vous avez faites pendant votre exposé tiennent de l'anecdote, mais d'après les critères d'évaluation que nous pouvons y voir, notre rendement est loin d'être de ce qu'il devrait être.

Je pense qu'il serait bon encore une fois de remercier le Syndicat canadien de la fonction publique pour nous avoir décrit une table ronde qui a eu lieu précédemment et qui portait sur la crise dans notre réseau de santé. Ceux qui se demandent ce qui a pu provoquer cette crise n'ont qu'à consulter la page 3 de votre mémoire où vous mentionnez la fermeture de 179 hôpitaux, la fermeture de 15 600 lits d'hôpitaux et la perte de 62 000 emplois dans le secteur de la santé. Rien d'étonnant à ce que le réseau canadien de soins de santé soit en pleine crise! Vous en attribuez la faute aux réductions des paiements de transfert imposé par le gouvernement fédéral. Encore là, je crois qu'il s'agit d'une question que nous devrions examiner. Le défi consiste à corriger la situation en songeant à l'excédent qui sera enregistré.

J'aurais une question toutefois—et je ne suis pas sûr à qui je devrais l'adresser—au sujet du fonds d'assurance-emploi. D'innombrables intervenants nous ont déjà dit que, étant donné l'excédent considérable qu'enregistre ce fonds, il serait tout à fait opportun de réduire les cotisations.

Personne n'a encore proposé autre chose jusqu'à maintenant, sauf M. Hargrove, qui a signalé aujourd'hui le nombre épouvantable de gens qui contribuent au régime, sans toutefois pouvoir en profiter.

Pourriez-vous nous décrire certains changements précis qui ont été apportés au régime d'assurance-emploi et qui font que les conditions d'admissibilité à l'assurance-emploi au Canada sont similaires aujourd'hui aux conditions imposées dans l'État de l'Alabama? Nous conviendrons tous, je crois, que l'État de l'Alabama aux États-Unis offre l'un des pires exemples du traitement à accorder aux travailleurs ayant perdu leur emploi. Et voilà que nous traitons nos chômeurs comme cet État américain.

Que signifie tout cela? Comment se fait-il que près de 60 p. 100 des gens qui devraient recevoir des prestations d'assurance-emploi n'en reçoivent plus?

M. Robert Baldwin: Bien. Comme il l'a mentionné, le pourcentage des chômeurs qui touchent des prestations d'assurance- emploi a diminué, passant d'environ 87 p. 100 au début des années 90 à moins de 50 p. 100 aujourd'hui. Une faible part de cette baisse est attribuable à certains changements touchant à la nature du chômage lui-même, mais la diminution s'explique essentiellement par le resserrement des critères d'admissibilité, c'est-à-dire par l'augmentation des semaines ou des heures de travail qu'une personne doit effectuer avant de devenir admissible. De plus, la période pendant laquelle une personne peut toucher des prestations a également diminué. Dans l'ensemble, ce sont les changements apportés aux critères d'admissibilité et aux semaines de prestations qui ont fait diminuer la proportion des chômeurs touchant des prestations d'assurance-emploi.

Il convient également de reconnaître que les modifications apportées à la loi il y a environ deux ans se font encore sentir, si l'on peut dire. Un certain nombre de ces changements limiteront l'admissibilité à l'assurance-emploi et cela deviendra de plus en plus évident au fil des ans. Auparavant, les prestations étaient assez simples à calculer et correspondaient à 60 p. 100 du revenu avant chômage. Désormais, le montant des prestations, exprimé en pourcentage du revenu avant chômage, diminuera considérablement et pourrait varier, selon nos calculs, entre un maximum de 55 p. 100 et environ 25 p. 100 dans certains cas. Donc, nous réduisons non seulement la proportion des chômeurs qui touchent des prestations d'assurance-emploi, mais également le montant des prestations.

Je veux ajouter deux points. Premièrement, c'est malheureux, mais c'est la vérité, le régime est devenu presque totalement incompréhensible, ce qui signifie que, comme programme de sécurité et de protection des chômeurs, il est problématique, non seulement parce que les travailleurs ont du mal à satisfaire aux critères d'admissibilité et que les travailleurs admissibles ne reçoivent que de maigres prestations, mais également parce qu'ils ont du mal à comprendre simplement ce à quoi ils ont droit.

• 1310

À vrai dire, le gouvernement a du mal, lui-même, à gérer le nouveau régime, la complexité du programme causant bien des ennuis aux fonctionnaires.

Enfin, je tiens à dire que les motifs invoqués pour justifier les plus récentes compressions étaient complètement farfelus, et je serai heureux d'en discuter plus longuement avec vous. En fait, lorsque vous faites le lien avec les déclarations que faisaient le ministère fédéral des Finances et la Banque du Canada à propos du TCIS et du fait qu'il était impossible de ramener le taux de chômage à moins de 8 p. 100 sans accélérer l'inflation, vous comprenez que l'objet de l'exercice consistait véritablement à exercer sur les salaires une pression à la baisse—et c'est ce qu'accomplit le régime.

M. Nelson Riis: J'ai une question connexe. M. Jackson a mentionné le rapport Mintz. Dans ce rapport, on proposait des taux variables, afin de tenir compte, semblait-il, du caractère saisonnier de certains emplois. Ainsi, dans le cas d'un groupe particulier de travailleurs qui, de toute évidence, réclament plus de prestations que d'autres, leurs cotisations seraient plus élevées étant donné qu'ils ont plus souvent recours au régime. Que pensez-vous de cette suggestion?

M. Andrew Jackson: Mes collègues voudront peut-être intervenir à ce sujet. Il y a deux ou trois points qui méritent d'être mentionnés.

Lorsque les plus récents changements ont été apportés au régime d'assurance-emploi, certaines études ont été menées, dont une en particulier par Gordon Betcherman, des Associés de recherche Ekos, qui a examiné les répercussions de la fixation de taux particuliers des cotisations versées par les employeurs et les a comparées à l'expérience vécue aux États-Unis. Ce que je trouve très étrange dans le rapport Mintz, c'est qu'il ne mentionne aucune des recherches effectuées dans ce domaine. L'expérience tentée aux États-Unis nous apprend que les répercussions importantes et positives sont très rares. Le rapport Mintz signale rapidement un gain de 1 p. 100 du PIB grâce à ce changement, ce qui semble grandement exagéré.

J'ai remarqué toutefois que certains ont observé une autre répercussion qu'a eue le régime en vigueur aux États-Unis. Ils ont remarqué que cette modification au régime encourageait, dans une certaine mesure, les employeurs à embaucher des travailleurs à contrat, à créer des emplois temporaires, à faire appel à des agences de placement temporaire plutôt qu'à embaucher des employés permanents et à courir le risque d'avoir à les mettre à pied. Voilà peut-être ce qui explique en partie la croissance beaucoup plus forte de l'emploi aux États-Unis grâce au recours des agences de placement temporaire.

Au-delà de ces considérations, il reste encore à savoir en fonction de quels critères les taux particuliers seraient fixés. Vous pourriez peut-être justifier le fait d'établir des taux particuliers pour une entreprise de pâte à papier en Colombie- Britannique par rapport à une autre, si l'une d'elles est beaucoup plus susceptible de mettre à pied ses travailleurs. Toutefois, je n'arrive pas à comprendre pourquoi les cotisations devraient être ajustées dans le cas d'une entreprise touristique de l'Île-du- Prince-Édouard en fonction de la moyenne nationale. Inévitablement, cela fera augmenter de façon considérable les cotisations exigées dans certains secteurs saisonniers, comme la construction, et menacera certains emplois.

Mes collègues ont peut-être d'autres choses à ajouter.

M. Hugh Mackenzie: Je voudrais faire une observation à propos de la fixation de taux particuliers. Nous avons déjà une forme brutale de fixation de taux particuliers qui s'applique aux prestations, parce que les gens qui occupent des emplois précaires et qui doivent avoir plus souvent recours au régime que d'autres en paient déjà le prix, puisque les critères d'admissibilité dans leur cas sont plus sévères et que les prestations sont réduites. Je le répète, cela est une forme incroyablement brutale de fixation de taux particuliers.

Je n'ai pas remarqué une baisse notable du nombre de travailleurs qui se licencient eux-mêmes. Je le dis en riant, parce que c'est étrange: c'est une forme brutale de fixation de taux particuliers qui vise les gens qui n'ont aucun contrôle sur leur situation.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, monsieur Mackenzie. Merci, monsieur Riis.

Il reste encore quatre noms sur ma liste de questionneurs et je veux clarifier la situation avant que M. Mackenzie ne nous quitte.

M. Desrochers, M. Brison, Mme Redman, M. Szabo, avez-vous des questions pour M. Mackenzie?

• 1315

Vous en avez, monsieur Szabo? Donc, nous vous cédons la parole afin que M. Mackenzie puisse répondre. Ensuite, nous reprendrons l'ordre régulier des intervenants.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): D'accord. J'ai une question pour le docteur Chance, mais je la poserai plus tard.

Monsieur Mackenzie, pendant votre intervention, vous avez parlé de «l'honnêteté» du budget—c'est le terme que vous avez utilisé—et du fait que l'excédent prévu était beaucoup plus élevé que ce que le ministre des Finances avait inscrit dans le budget, etc.

Les syndicats ont comparu devant le Comité des finances au cours de la dernière ronde de consultations avec le dépôt du budget pour se prononcer sur la question suivante: «Approuvez-vous l'approche prudente selon laquelle il est préférable d'utiliser des taux de croissance inférieurs aux prévisions du secteur privé et des taux d'intérêts, à court terme et à long terme, inférieurs aux prévisions du secteur privé et selon laquelle, si nous enregistrons des taux supérieurs, c'est tant mieux, et si nous devons établir un budget, il vaut mieux utiliser des estimations prudentes?» Les syndicats ont appuyé cette approche, mais aujourd'hui, vous dites que le budget est malhonnête, parce que nous avons enregistré des taux supérieurs à ce que prévoyait le budget.

Le budget actuel renferme, lui aussi, des estimations prudentes—un taux de croissance inférieur de 0,5 p. 100, des réductions similaires appliquées aux prévisions du secteur privé en ce qui concerne les taux d'intérêt et les objectifs mobiles à prévoir. À la lumière de ces estimations, pensez-vous qu'il est malhonnête de diffuser des chiffres fondés sur les estimations prévues dans le budget ou pensez-vous qu'il est préférable d'utiliser les prévisions les plus optimistes et d'annoncer les programmes auxquels sera consacré l'excédent qui devrait être enregistrer, sans avoir la certitude que nous attendrons un jour ces objectifs?

M. Hugh Mackenzie: Tout d'abord, la «prudence» des hypothèses dans ce cas-ci est vraiment démesurée. Le taux d'intérêt implicite sur la dette publique qui figure dans les prévisions du gouvernement quant à ses coûts d'emprunt est de trois dixièmes de 1 p. 100 supérieur cette année à ce qu'il était l'année dernière, et l'année prochaine, le coût d'emprunt implicite se situe au plus haut niveau atteint au cours des six ou sept dernières années. Je pense qu'on va vraiment trop loin pour ce qui est de se montrer prudent.

Ce que je veux dire également, c'est que nous faisons sans cesse preuve de prudence, pour reprendre votre terme, car M. Martin a également prévu un fonds pour éventualités de 3 milliards de dollars. Si c'était simplement nous qui, tout à coup, réalisions que nous avons davantage d'argent, si nous avions un débat raisonnable sur la façon de l'utiliser, ce serait une chose, mais les données sont présentées de façon à réduire la portée de tout débat sur les options qui s'offrent aux Canadiens.

Si on examine le tableau, dans le budget, qui renferme les projections financières, on s'aperçoit qu'il montre très adroitement qu'on parviendra à l'équilibre budgétaire au cours des trois prochaines années si on utilise un fonds pour éventualités de 3 milliards de dollars. Si on ne l'utilise pas, il y aura alors un excédent de 3 milliards de dollars.

Lorsque nous avons fait nos propres prévisions financières, je n'ai pas pris le plus élevé des chiffres dans les prévisions du secteur privé. J'ai pris un chiffre moyen. Lorsqu'il y a ce type d'écart entre une prévision pour l'année qui vient d'un déficit de 3 milliards de dollars d'un côté et un montant de 13 milliards de dollars de l'autre, je pense qu'on dénature complètement le débat public en présentant ce type de chiffres.

Bob était ici, en fait, lorsque le mouvement ouvrier s'est engagé à faire preuve de prudence, et il voudra peut-être formuler des observations là-dessus.

M. Robert Baldwin: Je n'étais pas là, en fait, mais je suis désolé si cela devient simplement un débat sur l'honnêteté ou la malhonnêteté.

Je voudrais ajouter deux ou trois choses. Tout d'abord, il y a un prix à payer pour une prudence excessive également. Ce prix, ce sont les mesures que vous n'entreprenez pas parce que vous avez peur, parce que vous craignez de perdre votre coussin.

• 1320

Je voudrais également revenir sur un point que Hugh a soulevé dans des observations préliminaires lorsqu'il a dit que beaucoup de ces questions, surtout celle de l'ampleur de l'excédent, sont très techniques et difficiles à comprendre pour vous ou nous. Je voudrais simplement souligner sa suggestion selon laquelle le comité doit, dans certains de ces domaines, pour aborder certaines questions, obtenir les conseils d'experts qui ne viennent pas de témoins ordinaires ou du gouvernement lui-même.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

M. MacKenzie, vous devez partir. Merci d'avoir été avec nous aujourd'hui.

M. Jackson, vous vouliez formuler une observation.

M. Andrew Jackson: Pour mettre les choses au point, je suis certain à 99 p. 100 que lorsque nous avons comparu l'année dernière au sujet de cette question, on a dit alors qu'il était raisonnable de maintenir une réserve pour éventualités, mais pas d'ajouter une réserve pour éventualités à des hypothèses délibérément conservatrices sur les taux d'intérêt et la croissance. Tout le monde devrait savoir que l'autre grand facteur arbitraire dans les derniers budgets réside dans le fait que le solde de la caisse d'assurance-chômage a été automatiquement sous-estimé par plus d'un milliard de dollars pour chacun des deux derniers exercices. En fait, dans ses hypothèses, le gouvernement s'est montré prudent dans plusieurs domaines. Il a toujours été question d'avoir un fonds pour éventualités au besoin, mais pas à ce point là.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, M. Jackson.

[Français]

Monsieur Desrochers.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Merci à tous les panélistes qui ont bien voulu revenir à la suite du vote.

Il est difficile de suivre la logique du ministre des Finances, M. Martin, depuis trois ans. On sait que pour la troisième fois en l'espace de deux ans, le vérificateur général lui a rappelé qu'il ne respectait pas les normes comptables. On a toujours de la difficulté à savoir quelles sont ses véritables prévisions budgétaires, son surplus ainsi que le montant de la caisse d'assurance-emploi. Bref, il est difficile de voir où le ministre s'en va. Une chose est claire, cependant: il maintient ses coupures dans les paiements de transfert aux provinces et il continue de puiser dans les surplus de la caisse d'assurance-chômage.

Notre formation politique mène une bataille au sujet l'assurance-chômage depuis quelque temps. Comment verriez-vous une réduction du taux? Il a été réduit de 10 ¢ récemment, mais de combien faudrait-il le réduire encore pour faire en sorte que les entreprises demeurent concurrentielles?

Ma prochaine question s'adresse aux représentants syndicaux, qui veulent qu'on fasse des engagements et qui parlent beaucoup de normes nationales. Vous savez que la santé est de juridiction provinciale et vous voulez qu'on crée un fonds pour un programme de médicaments. Comment allez-vous agencer ces normes nationales compte tenu des juridictions provinciales et de ce qu'on a déjà au Québec?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Qui voudrait intervenir, M. Baldwin, M. Balnis ou M. Jackson?

M. Robert Baldwin: Je vais revenir sur la question au sujet des cotisations d'assurance-chômage. Je parlerai aussi des soins de santé, et j'invite également mes collègues du SCFP à donner plus de détails là-dessus.

En ce qui concerne les cotisations d'assurance-chômage, comme nous l'avons précisé dans notre mémoire, nous pensons que la priorité à court terme consiste à accroître les prestations d'assurance-chômage plutôt qu'à réduire les cotisations. Même si ce n'est pas la politique officielle du Congrès du travail du Canada, je ne crois pas qu'une réduction des cotisations d'assurance- chômage aura de grandes répercussions sur les coûts totaux de la main-d'oeuvre ou sur la compétitivité. Nous pouvons nous pencher sur les raisons qui expliquent cela.

Nous avons également dit que nous étions en faveur, en principe, du souhait du gouvernement de stabiliser les cotisations d'assurance-chômage durant les cycles économiques, mais depuis maintenant cinq ans, nous attendons que le gouvernement nous dise exactement comment il veut stabiliser les taux sur une période de cinq ans. Nous sommes d'accord pour dire, en principe, que cela doit être fait. Si on adoptait notre point de vue, l'excédent de la caisse d'assurance-chômage disparaîtrait, surtout à la suite d'une amélioration des prestations. Nous avons le sentiment qu'en définitive, il y aurait encore de la place pour une réduction des cotisations.

• 1325

En ce qui concerne le financement des soins de santé, nous avons toujours été les premiers à signaler que les arrangements financiers avec le Québec dans un certain nombre de domaines doivent être différents peut-être des accords financiers avec d'autres provinces.

De plus, je pense qu'il est juste de signaler, en fait, que nous n'aurions jamais pu envisager la mise en oeuvre de programmes nationaux d'assurance-maladie sans la volonté du gouvernement fédéral de jouer un rôle de premier plan. Je dis que, malgré l'initiative prise en Saskatchewan de nombreuses années avant l'intervention du gouvernement fédéral dans le domaine, il est intéressant de noter que les initiatives à ce chapitre ne se sont jamais étendues à d'autres provinces que la Saskatchewan jusqu'à ce que le gouvernement fédéral soit prêt à s'occuper de la question financière.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

M. Marshall.

M. Stan Marshall: En plus de ce que Bob vient de dire, en ce qui concerne les nouvelles normes et lignes directrices qui seraient établies dans les domaines des soins à domicile et de l'assurance-médicaments, je pense qu'elles peuvent fonctionner d'une façon très semblable à la Loi canadienne sur la santé à l'heure actuelle. Une loi sur les soins à domicile, par exemple, établirait ce type de principes et de lignes directrices. Des ententes de partage des coûts et certains encouragements financiers seraient certes en place pour veiller au respect de ces principes et lignes directrices.

En ce qui concerne les soins à domicile, au Québec, à l'heure actuelle, ils sont surtout assurés par un système de centres publics de santé communautaire ou CLSC. Cela servirait de modèle au reste du pays.

En ce qui a trait à l'assurance-médicaments, nous aurions certaines lignes directrices qui iraient dans le sens, au départ, des besoins aux termes des soins à domicile.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, M. Marshall.

M. Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci de vos exposés aujourd'hui.

J'ai une question pour le Dr Chance. J'ai vraiment apprécié votre exposé sur les programmes Bon départ et d'intervention précoce. Je pense que c'est une question qui peut, en toute franchise, faire disparaître les lignes de parti et les barrières idéologiques. Il n'est pas question d'une politique de gauche, de droite ou centriste. C'est simplement une bonne politique gouvernementale.

Est-ce que des subventions de démarrage de 2,5 milliards de dollars pour une chose comme un programme Bon départ aideraient, dans une large mesure, à mettre sur pied un programme national Bon départ?

Dr Graham Chance: Nous estimons que 2,5 milliards de dollars permettraient de financer toutes les propositions que je présente.

M. Scott Brison: Le budget précédent prévoyait 2,5 milliards de dollars pour un régime de bourses d'études du millénaire qui sera mis en oeuvre en l'an 2000 et profitera à 6 p. 100 des étudiants voulant poursuivre des études supérieures.

Pensez-vous qu'un investissement dans une intervention précoce apporterait bien davantage à la société que cet argent dépensé au niveau postsecondaire?

Dr Graham Chance: Je ne vais pas monter un groupe contre l'autre. Les étudiants ont certes besoin de prêts, mais si on regarde les coûts et les avantages, et on procède à une analyse économique de tout cela, il ne fait aucun doute qu'un investissement dans une intervention précoce serait plus rentable que toute autre mesure que nous pourrions prendre.

Lorsqu'on a effectué l'analyse économique du projet au centre préscolaire Perry, qui consistait à prendre des enfants grandement défavorisés et à améliorer leur développement au départ grâce à leur famille et à leur éducation, les rendements sur 28 ans ont dépassé ceux des 500 entreprises les mieux cotées de Standard et Poor's. Rien d'autre de ce que nous avons discuté ne peut faire cela.

Les résultats à long terme sont tout à fait incroyables du point de vue des enfants pour ce qui est de réduire leurs démêlés avec la loi, leurs tendances à l'agressivité et à la violence, et, du point de vue des familles, en ce qui concerne l'amélioration de leur santé.

• 1330

Le débat précédent m'a intéressé. Le taux d'absentéisme au travail est extrêmement élevé à cause des gens inquiets pour la santé de leurs enfants. Selon le Conference Board du Canada, cela représente une perte d'environ 12 milliards de dollars par année. C'est beaucoup d'argent.

M. Scott Brison: Étant donné que les programmes d'intervention précoce cibleraient les situations à risque élevé, ils permettraient, dans une large mesure, de répondre aux besoins, par exemple, des collectivités autochtones.

Dr Graham Chance: Oui.

M. Scott Brison: Le chef Fontaine était ici plus tôt.

En fait, en répondant à la question, vous avez dit que vous ne vouliez pas monter un groupe d'intérêt contre un autre. Nous avons reçu un partisan d'investissements accrus dans l'enseignement postsecondaire. Il venait de l'Université de Toronto. J'ai oublié son nom. C'est un grand expert universitaire de l'enseignement postsecondaire. Son nom m'échappe, mais il était ici il y a quelques semaines et je lui ai posé la même question. Il m'a répondu sans équivoque que les programmes d'intervention précoce et Bon départ étaient le meilleur endroit pour investir.

Dr Graham Chance: Je suis d'accord.

M. Scott Brison: Vous devriez donc être à l'aise avec cela.

Ma question au comité porte sur la création d'emplois. On se demande comment on peut le mieux créer des emplois et si oui ou non un gouvernement peut mieux réussir à ce chapitre grâce à des dépenses directes ou à des réductions d'impôt ou une combinaison des deux, en ciblant des investissements sociaux ou stratégiques avec des initiatives comme un programme Bon départ, par exemple, avec des réductions d'impôt destinées à stimuler l'économie pour créer des emplois. Je reconnais que l'argument voulant que les réductions d'impôt ne créent pas d'emplois est basé sur l'idée selon laquelle les gens épargnent de l'argent et cela ne favorise pas vraiment la croissance. Cependant, étant donné que les gens investissent cet argent, normalement en achetant des fonds mutuels ou d'autres véhicules de placement ou en investissant dans des entreprises, des petites entreprises et des domaines porteurs, n'est-ce pas un argument plutôt spécieux que de dire que l'argent épargné par les Canadiens ne sera pas directement investi dans la création d'emplois, peut-être à un taux plus élevé et avec une plus grande efficacité que dans le cas des dépenses gouvernementales?

M. Andrew Jackson: Qu'on me comprenne bien, je pense qu'une réduction d'impôt peut très bien créer des emplois. Cela ne fait aucun doute. Ainsi l'argument est celui-ci: si on s'inquiète de la création d'emplois et de la croissance économique à long terme, quel est le moyen le plus efficient pour parvenir à cet objectif?

Je suppose que les arguments se situent à un certain nombre de niveaux. Comme dans une sorte de modèle keynésien, on soumet ces choses à un modèle économique normal, comme celui du ministère des Finances ou de n'importe qui d'autre. Dans la mesure où l'argent est épargné plutôt que dépensé, il est inévitable que les répercussions prennent un certain temps à se faire sentir.

Mais il y a plus. Cela pose vraiment des problèmes en ce qui concerne la mesure dans laquelle toute augmentation des épargnes entraîne une augmentation des investissements réels et ainsi, des emplois, en fin de compte. En un certain sens, tout comme dans le cas de la mobilité des capitaux entre les pays, rien ne permet de croire que le niveau national d'épargne est égal au niveau national d'investissements. Sans entrer dans une sorte d'argument théorique, la notion selon laquelle l'épargne égale l'investissement est extrêmement controversée.

Voici le troisième point que je veux présenter. Les membres du comité voudront peut-être donner suite à l'étude à laquelle on fait allusion dans le tableau établi par le Fonds monétaire international. Je pense que c'est une sorte d'analyse documentaire qui vient d'une source qu'on peut considérer comme assez neutre.

Eh bien, je ne suis pas certain que je dirais cela, mais les membres pourraient.

L'argument central, c'est que si on s'inquiète de la croissance économique à long terme, alors, des investissements publics bien ciblés, et il est juste de dire qu'on met l'accent sur le fait qu'ils soient bien ciblés, vont avoir des répercussions plus nettes sur la capacité productive à long terme de l'économie.

Je suppose que des investissements dans l'éducation à la petite enfance et l'enseignement postsecondaire sont des exemples de cela. Ils ont des répercussions importantes sur la croissance à long terme. Il est beaucoup moins certain que le taux de croissance à long terme soit relié au taux d'imposition.

Faisons le tour des pays du monde. On ne peut absolument pas établir un lien direct entre de faibles taux d'imposition et des taux de croissance à long terme. Ainsi, durant la majeure partie de l'après-guerre, nous avons eu, en fait, une croissance aussi forte ou plus forte que celle des États-Unis, même si durant une bonne partie de cette période, nos taux d'imposition étaient quelque peu supérieurs.

• 1335

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): M. Chance.

Dr Graham Chance: En ce qui concerne l'aspect fiscal, il est évident que s'il s'agit d'une réduction d'impôt générale, alors, ceux qui en ont vraiment besoin seront les moins avantagés. Ceux qui sont au plus bas de l'échelle salariale profiteront le moins de réductions d'impôt. Si on investit dans les enfants plutôt que de réduire les impôts, les résultats seront nettement supérieurs aux emplois qui pourraient être créés, selon moi.

M. Scott Brison: J'ai une autre question.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Si cela ne prend pas trop de temps.

M. Scott Brison: En ce qui concerne les programmes d'assurance-chômage, on a effectué au Royaume-Uni une étude dont on a parlé dans une des sections économiques de la revue The Economist il y a environ cinq mois. J'ignore si vous connaissez bien cette étude. Fondamentalement, dans le cadre de cette étude, on a établi diverses solutions de rechange à des programmes d'assurance-emploi. En fin de compte, les auteurs ont recommandé un programme dans le cadre duquel les gens investiraient dans un compte individuel, un compte d'assurance-emploi, qui leur appartiendrait au moment de leur retraite, en fonction du montant qu'ils ont retiré de ce compte. Il y aurait un certain soutien assuré par un programme de protection ou par le gouvernement. Cela serait destiné à ceux qui retirent trop de ce compte. En définitive, on encouragerait les gens qui cotisent peut-être à l'assurance-emploi toute leur vie et ne touchent jamais aucune prestation.

C'est une étude intéressante. En fin de compte, au moment de leur retraite, les gens auraient un petit peu d'argent dans ce compte. Ce ne serait pas un merveilleux investissement, mais au moins les gens auraient quelque chose. La société et les gens, à titre individuel, seraient encouragés à investir dans ce compte plutôt que de retirer de l'argent, surtout dans le cas d'industries saisonnières comme les pêches. On pourrait dire que l'assurance- emploi a aidé à accroître le nombre de gens dans la région de l'Atlantique qui travaillent dans le secteur de la pêche, par exemple. Ce genre de programme pourrait peut-être remédier à cela. J'ignore si vous êtes au fait de cette étude ou pas, mais j'apprécierais de connaître votre opinion sur ce concept. Je serais surpris que vous ne soyez pas quelque peu au courant de cela.

M. Robert Baldwin: Je ne connais pas la proposition précise, mais je pense que la protection offerte par le soutien du revenu pour les travailleurs au chômage durant leur vie active et les pensions de retraite exigent la mise en commun des risques entre les travailleurs. Il me semble que ce programme tourne autour, en fait, d'une notion selon laquelle d'une façon ou d'une autre, les gens doivent assumer la responsabilité de leur propre chômage durant leur vie active et assurer leur propre retraite ensuite. Je ne pense pas que des programmes comme celui-là donnent de très bons résultats pour la plupart des gens.

Je trouve cela intéressant à la lumière de la question posée plus tôt par M. Riis au sujet des taux particuliers, alors que, fondamentalement, on propose de ne pas partager les risques reliés au chômage entre tous les employeurs, mais plutôt de faire une distinction entre les divers employeurs et d'imposer des taux différents aux employeurs. Je trouve cela intéressant. Je pense, soit dit en passant, que la façon la plus directe de faire cela est d'avoir recours à des normes du travail. Si on veut vraiment que les employeurs supportent individuellement le coût du chômage, il faut modifier les règles concernant les avis de licenciement, les indemnités obligatoires de départ, plutôt que de se donner la peine de mettre sur pied tout un appareil pour administrer des taux particuliers. Cependant, je pense qu'en fin de compte, on souhaite, dans le régime de retraite et le régime d'assurance-chômage, un fort degré de mise en commun des risques entre les employeurs et les travailleurs, et c'est fondamentalement ce que nous faisons à l'heure actuelle.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci. Je voudrais juste éclaircir une chose avant de donner la parole aux gens de l'autre côté.

M. Chance, en ce qui concerne les 2,5 milliards de dollars consacrés aux bourses d'études du millénaire, on va, bien entendu, dépenser cette somme sur dix ans et il y a au départ une injection de 2,5 milliards de dollars par le gouvernement. Demandiez-vous 2,5 milliards de dollars une fois ou tous les ans?

Dr Graham Chance: Le coût total de toutes les propositions que je soumets est de 1,695 milliard de dollars, mais cette somme serait versée tous les ans. On ne pourra pas s'arrêter une fois qu'on a commencé à aider les enfants à bien se développer. Ce serait tout à fait inacceptable.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci beaucoup de cet éclaircissement.

• 1340

Nous donnons ensuite la parole à M. Szabo, à M. Pillitteri et à Mme Redman.

M. Paul Szabo: Merci. Je voulais poser mon autre question au Dr Chance au sujet du développement à la petite enfance. Je me suis familiarisé avec votre programme intitulé «Les premières années durent toute la vie» et je pense que cela vient corroborer les travaux que l'Institut Carnegie a entrepris il y a un certain nombre d'années. Nous constatons des choses merveilleuses en ce qui concerne le développement des neurones durant la première année de vie d'un bébé.

Cela soulève cependant une question grave, et j'ignore au juste si oui ou non votre organisation s'est penchée là-dessus. Je pense que je sais comment j'aborderai la question. Il s'agit de savoir si oui ou non on peut acheter des soins de qualité d'une tierce partie, étant donné que même dans les garderies détenant un permis, le ratio des enfants aux fournisseurs de soins est de trois pour un au minimum. Les experts affirment que si l'enfant a un engagement sûr et durable avec un adulte engagé et dévoué, et pas nécessairement le parent... c'est l'aspect «amour» qui n'est pas présent lorsqu'on achète les services de quelqu'un pour s'occuper d'un enfant. Il n'y a aucun amour dans cette relation.

Dans le dernier budget, l'allégement fiscal le plus important accordé était l'augmentation de 2 000 $ de la déduction pour frais de garde d'enfants, ce qui signifie que les Canadiens peuvent maintenant obtenir une déduction de 7 000 $ par année pour subventionner les dépenses qu'ils doivent faire pour charger quelqu'un de s'occuper de leurs enfants, alors que les parents qui choisissent de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants à la maison n'obtiennent rien, en plus du fait qu'ils renoncent à la possibilité de gagner de l'argent en faisant partie de la main- d'oeuvre active[...] Il est question de travail non rémunéré.

Je voudrais savoir si vous jugez qu'il est extrêmement important d'offrir les choix les plus souples possible aux parents pour qu'ils puissent déterminer la meilleure qualité de soins disponibles pour leurs enfants, et si vous croyez que, une des discriminations à laquelle on doit s'attaquer, c'est le manque de soutien accordé à ceux qui choisissent de s'occuper de leurs enfants à la maison et, en fait, offrent eux-mêmes, directement, des soins de qualité à leurs enfants.

Dr Graham Chance: Je pense qu'il ne fait aucun doute que les données montreront que ce sont les parents aimants qui peuvent donner les meilleurs soins possibles. De nombreux parents souhaiteraient pouvoir le faire. Malheureusement, la situation économique est telle que relativement peu d'entre eux peuvent se le permettre.

Si, en fait, les parents ont les ressources voulues et la volonté de s'occuper eux-mêmes du développement de leurs propres enfants, on devrait les encourager pleinement. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Cela ne veut pas dire qu'on doit laisser entendre que les membres d'un certain sexe devraient retourner dans la cuisine, comme on l'a déjà dit autour de cette table.

Si nous insistons sur ce type d'approche, alors les femmes qui veulent rester à la maison avec leurs enfants devraient recevoir tout l'appui voulu et les femmes qui veulent agir autrement devraient également être pleinement appuyées. Il en va de même des pères.

Je pense que les données ne font aucun doute. Les données de recherche montrent que de bons soins donnés aux enfants à la garderie peuvent pratiquement équivaloir à une bonne éducation familiale. Je me demande également si ceux qui sont intensivement et professionnellement dévoués aux soins des enfants toute leur vie[...] Beaucoup d'entre eux aiment, sans aucun doute, les enfants dont ils s'occupent. Ils ne peuvent pas aimer comme un parent, mais ils aiment le travail qu'ils font et ils aiment les enfants qu'on leur confie.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): M. Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci, messieurs, d'être venus ce matin. Je pense que certains d'entre vous auraient dû être ici plus tôt pour entendre les témoins qui vous ont précédés et qui ont demandé des réductions d'impôt pour tous, et non pas pour un groupe en particulier.

Il vaudrait peut-être mieux, madame la présidente, que plusieurs groupes de témoins comparaissent en même temps plutôt que séparément pour pouvoir entendre le point de vue des autres.

Évidemment, je me souviens que M. Buzz Hargrove a dit qu'il devrait y avoir des réductions d'impôt ciblées. M. Hargrove a dit aussi, quand il a comparu devant nous l'an dernier, si je ne m'abuse—car il le fait tous les ans—qu'on ne payait pas assez d'impôts. Je me demande s'il peut maintenant faire des observations sur les réductions d'impôts et sur qui en profiterait, outre le fait qu'elles ne profiteraient qu'à un seul parti politique; non pas qu'il n'y aurait pas de réductions d'impôt si on disposait des fonds.

• 1345

Parfois, on parle de chômage et de ce qu'il faudrait faire pour créer plus d'emplois au Canada. On fait toujours des comparaisons avec les États-Unis, où le taux de chômage est plus bas qu'au Canada, soit 4.5 p. 100 comparativement à 8,4 p. 100 chez nous au Canada.

Je traite de plusieurs questions ce matin, mais je me souviens d'un projet de loi relatif au travail que nous avons adopté et qui, évidemment, n'aurait jamais été adopté aux États-Unis. Au Canada, la législation du travail est bien plus permissive et protège davantage les syndicats et le mouvement syndical. D'autre part, seriez-vous prêts à sacrifier la protection qui est accordée aux syndicats au Canada et à adopter des lois semblables aux lois américaines afin de créer des emplois? Aux États-Unis, évidemment, les syndicats ne jouissent pas de la même protection qu'ici.

Vous pourriez peut-être faire des observations là-dessus, M. Jackson. Pour créer davantage d'emplois, je me demande s'il faut adopter des lois semblables aux lois américaines.

M. Andrew Jackson: J'ai quelques observations à faire, et je suis convaincu que mes collègues voudront intervenir également.

Je suppose que, dans les éditoriaux du Globe and Mail, notamment, on avance souvent l'argument que, si l'on veut des taux de chômage comparables aux taux américains, il faut que notre marché du travail fonctionne comme le marché du travail américain, où les taux de syndicalisation sont faibles, où les normes d'emploi sont relativement timides, etc. Je crois que c'était également l'argument central de l'étude de l'OCDE sur l'emploi. C'est un argument très persuasif, mais je pense qu'il cloche à plusieurs égards.

Quand on observe ce qui s'est passé récemment aux États-Unis, on se demande pourquoi ils ont apparemment si bien réussi à diminuer le taux de chômage. Je pense qu'un important facteur passant souvent inaperçu dans l'analyse, c'est que les États-Unis ont bien réussi sur un plan où nous avons échoué. Durant les années 80 et au début des années 90, quand les économistes de droite disaient qu'on aurait de graves problèmes avec l'inflation si le taux de chômage tombait en dessous d'un certain niveau, la politique monétaire américaine était, en pratique, bien mieux adaptée à de tels niveaux. Le taux de chômage est donc tombé bien en dessous des niveaux où l'on croyait qu'il y aurait de l'inflation, et c'est en repoussant ces limites que l'on a réussi à diminuer le taux de chômage.

J'estime que l'aspect macro-économique est vraiment important quand on compare la situation américaine à la situation européenne, compte tenu de l'union monétaire européenne, entre autres choses.

En deuxième lieu, si on ne fait que comparer la situation canadienne à la situation américaine, l'argument ne tient pas vraiment parce que ce n'est en fait qu'après Crow et le resserrement de la politique monétaire au Canada à la fin des années 80 que nous avons commencé à nous démarquer de façon notable des États-Unis.

En fait, durant les années 80 et 70, le taux de création d'emplois était généralement plus élevé au Canada qu'aux États- Unis, de sorte que l'écart entre les taux de chômage canadien et américain est relativement récent.

Le troisième point que je voulais soulever, c'est qu'il existe des pays où le taux de syndicalisation est élevé, où les normes d'emploi dont plus strictes, mais où le taux de chômage est faible. Ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus facile à faire, mais c'est certainement possible. Les Pays-Bas, l'Autriche, la Norvège, le Danemark et un certain nombre de plus petits pays européens ont de très faibles taux de chômage, mais n'ont pas eu à déréglementer le marché du travail pour y parvenir.

• 1350

Notre argument de base, c'est que si nous voulons non seulement plus d'emplois, mais encore plus d'emplois de qualité, ce qui est sans doute un objectif auquel tous devraient souscrire en définitive, il nous faut alors un marché réglementé, une politique macro-économique expansionniste et, probablement, un degré élevé de coopération sociale pour faire de la création d'emplois une vraie priorité dans notre société également.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

Dr Chance.

Dr Graham Chance: Les salaires doivent être suffisants pour permettre aux travailleurs de subvenir aux besoins de leur famille. Le taux de pauvreté aux États-Unis s'élève maintenant à 30 p. 100, contre 21 p. 100 au Canada. Si le taux de chômage est plus faible aux États-Unis, il est clair par contre que le revenu d'emploi américain ne suffit pas à subvenir aux besoins de plus de familles qu'au Canada.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci, Dr Chance.

Mme Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vais poser trois questions très rapidement et j'espère que personne ne remarquera qu'il s'agit en fait de trois questions.

Dr Chance, dans votre exposé, vous avez soulevé un sujet que je trouve vraiment incontournable et nécessaire pour un gouvernement, à savoir les points de référence et les mesures. Pouvez-vous nous dire quel organisme est le mieux placé pour faire des évaluations? Y a-t-il un moyen pour le faire?

Dr Graham Chance: Oui, on peut le faire en recueillant des données d'une variété de sources—les provinces, Statistique Canada—, mais il faut disposer d'un fonds spécial pour pouvoir faire des évaluations de façon constante de la santé des enfants.

L'Institut canadien de la santé infantile a entrepris l'établissement du troisième profil de la santé infantile. Je sais que tous les députés ont reçu le deuxième profil. Ce n'est essentiellement qu'un début. Mais ce n'est pas suffisant, tant s'en faut.

L'étude longitudinale nationale est une bonne étude. Nous en apprendrons beaucoup sur un segment—que l'on suppose représentatif—de la population. Mais si on regarde les chiffres, on n'obtiendra en fait que des renseignements limités sur des groupes particuliers pour ce qui est des chiffres plus bas.

On a donc besoin d'un organisme national chargé de la collecte des données et de leur analyse. Pareil organisme n'existe pas actuellement.

Mme Karen Redman: Est-il approprié que le gouvernement fédéral finance un tel organisme?

Dr Graham Chance: Le financer oui, mais pas faire le travail.

M. Karen Redman: D'accord.

Il a été beaucoup question de l'assurance-emploi au cours de la présente séance, notamment. Il faut reconnaître que c'est un compte national, que les recettes de l'assurance-emploi sont versées au Trésor, et je pense que tous conviendront que nous avons besoin d'un fonds de réserve pour les ralentissements économiques. Je me demandais simplement si des syndicats ou des représentants syndicats voulaient faire des observations sur les avantages, s'il en est, de la création d'un fonds particulier pour cela. Quel genre de fonds de réserve ou de mesure de prudence préconisez-vous?

Je vais poser rapidement ma troisième question? Il y a quelques semaines, Jack Mintz a publié un rapport sur l'abaissement des taux d'impôt sur le revenu des sociétés par l'élargissement de l'assiette. Je me demande si l'un d'entre vous peut nous dire si, à son avis, cette proposition se traduirait par la création d'emplois et de nouvelles possibilités pour les Canadiens.

M. Andrew Jackson: Je vais répondre à la question concernant le rapport Mintz. En fait, si cela vous intéresse, nous avons eu l'occasion de présenter des observations à cet égard à l'occasion de la conférence de l'Association canadienne d'études fiscales. Il s'agissait d'observations très préliminaires.

Le rapport Mintz renferme une foule d'analyses et de renseignements intéressants qu'il faut vraiment chercher à comprendre, mais, sans vouloir l'écarter du revers de la main, je dois dire que ce rapport renferme une contradiction en son coeur même. D'une part, on lit dans le rapport que, dans le nouvel environnement mondialisé, il faut réduire les taux d'imposition des sociétés pour créer des emplois. D'autre part, dans ses propositions pour supprimer les échappatoires afin de relever les taux, les secteurs qui seraient touchés par les plus fortes hausses sont ceux de la fabrication et des ressources, soit précisément les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale. Par conséquent, les deux principales propositions du rapport ne vont pas tellement bien ensemble.

En réponse à cela, d'abord, je dirai qu'il y a un vrai problème dans le régime fiscal des sociétés quand on a des sociétés qui exercent leur activité dans plus d'un territoire. Il ne fait pas de doute qu'elles tenteront de déclarer leurs revenus là où les taux sont les plus bas. Nous avons donc un problème d'observation des lois fiscales et de vérification dans la mesure où nos taux d'impôt s'écartent de façon substantielle des taux américains, c'est ce genre de problème.

• 1355

La preuve que le taux réel d'investissement et, partant, de création d'emplois, est déterminé par le niveau des taux d'impôt est très discutable, et cet argument énoncé dans le rapport n'est pas bien fondé. Par exemple, un certain nombre d'études ont été réalisées aux États-Unis sur les effets des différents taux d'impôt pratiqués par les États. C'est très difficile d'en tirer des conclusions. On note beaucoup de variations dans les niveaux d'investissement dans les États américains, selon les taux d'imposition. La marge de manoeuvre, en ce qui concerne l'établissement de nos taux d'imposition des sociétés pour augmenter les recettes, est bien plus grande que ne le suggère le rapport Mintz. Il y a un problème d'observation que nous devons résoudre.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): M. Baldwin.

M. Robert Baldwin: En ce qui concerne la question sur l'assurance-chômage, si j'ai bien compris, vous vouliez savoir s'il devrait y avoir un facteur de prudence dans l'établissement du taux de cotisation de l'assurance-chômage.

M. Karen Redman: Je voulais en effet avoir des précisions à cet égard, mais ma question portait surtout sur le fait que les recettes de l'assurance-chômage sont versées au Trésor et que l'on a proposé d'établir un fonds spécial pour ces dernières. Je voulais simplement savoir si, à votre avis, cela est une bonne idée ou si cela est souhaitable.

M. Robert Baldwin: A la question ayant trait à la prudence, je réponds brièvement qu'il faut prévoir un facteur de prudence. Comme je l'ai déjà dit, à l'automne 1994, nous avons dit: «Nous sommes d'accord avec le gouvernement, en principe. Nous voulons que les cotisations d'assurance-chômage soient gérées de manière à être stables durant tout un cycle économique. Montrez-nous comment vous pensez y parvenir.» Nous attendons toujours la réponse à notre demande.

Je voudrais toutefois ajouter que le taux de chômage, pour une bonne partie des dernières années, a en fait été supérieur aux estimations du TCIS, taux de chômage à inflation stationnaire, du ministère des Finances et de la Banque du Canada. On aurait cru que, durant une telle période, le régime aurait affiché un déficit plutôt qu'un excédent. Je disais cela en passant à titre d'information.

L'inscription des cotisations, des recettes et des dépenses de l'assurance-chômage dans les comptes du Trésor, ce qui n'est arrivé qu'en 1986, a certainement modifié la politique du régime d'assurance-chômage d'une manière qui n'a guère été utile. La gestion du régime d'assurance-chômage depuis 1986 a été intimement liée à la lutte contre le déficit et, si ce n'était que pour cette raison, je serais heureux que les deux comptes soient séparés. Cela est également lié à mon point de vue que le régime devrait être géré de façon plus indépendante du gouvernement du Canada.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

M. Szabo, vous vouliez poser une brève question.

M. Paul Szabo: S'il y avait un compte séparé pour l'assurance- chômage, je comprends maintenant, en cas d'excédent, on aurait cette flexibilité. Qu'arriverait-il en cas de déficit et comment exactement réagiriez-vous à cela? Le gouvernement n'aurait rien à gagner, mais tout à perdre.

M. Robert Baldwin: En pratique, depuis 1986, quand le régime d'assurance-chômage était déficitaire et que de fortes pressions politiques s'exerçaient en faveur de la réduction du déficit, cela a accentué les pressions pour la diminution des prestations.

M. Paul Szabo: Je vous citerai l'an prochain.

La vice-présidente (Mme Paddy Torsney): Merci.

Messieurs les témoins, M. Marshall, M. Balnis, M. Jackson, M. Baldwin et Dr Chance, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui en tenant compte de notre calendrier.

Chers collègues, M. Ritz, M. Desrochers, M. Riis, M. Brison et, de notre côté, M. Pillitteri, M. Szabo et Mme Redman, je vous remercie beaucoup de votre patience et d'être restés jusqu'à la toute fin.

De toute évidence, ces audiences se poursuivront cette semaine et dans tout le pays à l'automne. Je vous invite à communiquer tout nouveau renseignement au comité. Quant aux auditeurs, ils peuvent aussi communiquer des renseignements au comité, s'ils le veulent.

Je vous remercie infiniment. Le comité s'ajourne à 9 heures demain.