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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 novembre 1998

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib)): La séance est ouverte.

Nous allons aujourd'hui nous pencher sur la motion M-222, qui nous est présentée par M. Keith Martin, connu dans sa vie antérieure sous le nom du Dr Keith Martin, sur la transplantation d'organes. La Chambre a été saisie de cette motion au printemps dernier. Notre comité en a été saisi à son tour pendant très peu de temps, et il a été décidé que l'on étudierait cette motion aujourd'hui.

Je crois que vous avec tous ce cahier bleu-ci. Il a été livré à vos bureaux. Vous y trouverez la réponse initiale du ministère à une demande du comité, qui voulait plus d'information pour prendre connaissance des arguments et de la motion de Keith.

Nous avons avec nous ce matin quelques fonctionnaires du ministère. Ils nous expliqueront la documentation que nous avons et répondront à toutes nos questions, le cas échéant.

J'ai autre chose à vous apprendre, faisant suite aux discussions que nous avons eues la semaine dernière, qui a trait au sujet de la séance d'aujourd'hui. Le ministre a été informé des délibérations du comité de la semaine dernière. Vous vous rappellerez que nous avons discuté, je crois, de cinq questions qui pourraient faire l'objet d'une étude en comité, et ce, après que nous aurons expédié les affaires de la présente session. L'une de ces questions avait trait à la motion de Keith Martin.

• 0915

Il s'agit en tout cas d'une lettre du ministre. J'espère que vous la recevrez tous dans le même esprit positif que je l'ai reçue. La lettre est adressée au président et se lit ainsi:

    Le Comité permanent de la santé va se pencher aujourd'hui sur la question des dons d'organes, comme le propose le Dr Keith Martin, député, dans la motion M-222.

    Il faut féliciter le Dr Martin

... ça, c'est de la partisanerie...

    pour la clairvoyance qu'il a démontrée en proposant cette motion. Le don d'organes est une question très sérieuse qui mérite, à mon avis, une étude en profondeur que pourrait mener le Comité permanent de la santé.

Voilà ce qui arrive quand on a des espions.

    J'aimerais donc que le Comité permanent de la santé me donne son avis sur le rôle que le gouvernement fédéral pourrait jouer pour améliorer la situation du don d'organes au Canada et ainsi sauver des vies. Dans cette optique, je vous propose le mandat suivant:

      Que le Comité permanent de la santé procède à une consultation et à une étude, et m'adresse ses recommandations concernant les dons d'organes et de tissus au Canada;

      Que le comité permanent procède à une vaste consultation auprès de tous les intervenants, ce qui comprendrait, mais sans qu'on s'y limite, les provinces, les centres de transplantation, le personnel médical, les patients, les familles, les organismes chargés du prélèvement d'organes et de tissus ainsi que des experts internationaux;

      Que le comité permanent songe au rôle que le gouvernement fédéral pourrait jouer dans la définition de normes nationales relatives à la sécurité, au processus et aux résultats, dans le contexte des dons d'organes et de tissus, ainsi que dans la sensibilisation du public et des professionnels de la santé aux dons, à l'acquisition et à la transplantation d'organes et de tissus;

      Que le comité permanent examine les régimes législatifs et réglementaires qui régissent les dons d'organes et de tissus dans d'autres pays;

      Que le comité soumette son rapport au plus tard le 30 avril 1999, et si la Chambre des communes ne siège pas à ce moment, le rapport sera considéré comme ayant été déposé le jour où il sera remis au greffier de la Chambre des communes.

    Je vous sais gré à l'avance de l'attention que vous accorderez à ma requête. C'est avec plaisir que je prendrai le conseil du comité sur cette question et sur les autres questions relatives à la santé au cours du mandat de notre gouvernement.

      Bien à vous,

      Allan Rock, CP, député, ministre de la Santé.

Comme je vous l'ai dit, vous allez recevoir une copie en règle de cette lettre. J'en remettrai une copie à chacun lorsque je l'aurai reçue. J'ai pensé que vous souhaiteriez à tout le moins en prendre connaissance avant d'entendre Keith Martin.

Keith, j'ai la certitude que le ministre ne voulait nullement vous couper l'herbe sous le pied, et en vous lisant sa requête, je ne voulais pas non plus en faire autant, à vous ou aux fonctionnaires qui sont venus expressément nous expliquer cette documentation. J'espère que vous y verrez une bonne nouvelle.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Monsieur Volpe, je n'aurais pu souhaiter de meilleures nouvelles.

Le président: J'espère que les autres membres du comité en pensent autant.

Si vous voulez m'excuser un moment de plus, Keith, je vais m'adresser de nouveau aux membres du comité et attirer leur attention sur le verbe «songer», et c'est tout ce que le ministre nous demande de faire. Je ne crois pas que nous ayons à prendre une décision aujourd'hui quant au suivi que nous donnerons à sa requête. Mais, chose certaine, si nous voulons y donner suite, je pense que tout ce qui sera dit aujourd'hui, et toutes les informations que les membres du comité obtiendront en posant des questions au ministère, devraient être pris en compte dans la décision que nous prendrons concernant votre motion.

Plus précisément, voici les options que j'ai relativement à la procédure: premièrement, nous étudions votre motion, nous prenons une décision aujourd'hui et faisons rapport à la Chambre; ou deuxièmement, nous prenons connaissance de vos arguments et de votre motion aujourd'hui, ce à quoi nous ajouterons les informations que nous aurons réunies aujourd'hui et qui nous permettront de décider si nous allons mener cette étude, et nous unissons votre motion à cette étude, auquel cas, au nom du comité, je ne ferai pas rapport à la Chambre tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas complété notre étude.

Je le dis maintenant parce que vous pouvez avoir votre propre avis à ce sujet, même si vous n'êtes pas membre du comité, mais c'est le comité qui devra prendre la décision. Je pense qu'il est important que tout le monde comprenne bien que si nous devons discuter de votre motion, il nous faudra ou bien faire rapport à la Chambre et lui demander de décider ce qu'elle veut en faire, ou décider de ne pas faire rapport et d'incorporer votre motion dans une étude que nous allons entreprendre. Vous pouvez en décider plus tard; nous pouvons en décider vers la fin de la séance.

Ovid.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Il s'agit d'une motion et non d'un projet de loi. Est-ce ainsi que nous allons procéder?

Le président: Oui.

• 0920

Très bien. J'ai déjà expliqué à Keith la procédure habituelle que nous observons au comité. Je lui ai également dit que nous pourrions montrer un peu plus de souplesse pour ce qui est de l'emploi du temps. Chose certaine, je veux lui donner la possibilité de donner un exposé aussi complet que possible. Nous tâcherons de montrer la même diligence au cours de la période des questions.

Allez-y, Keith.

[Français]

M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

J'espère que chacun a reçu ce cahier bleu. Les textes sont en français et en anglais. Veuillez vous en procurer un parce que vous allez constater que l'essentiel de ce que j'ai à dire aujourd'hui se retrouve dans ces documents.

Monsieur le président, je ne pouvais espérer meilleures nouvelles de la part du ministre. Chose certaine, j'espère que les membres du comité vont donner suite à sa requête avec le zèle voulu parce que c'est, à mon avis, l'une des questions les plus brûlantes relativement à la santé publique, une question qu'on a mise sous le boisseau pendant plusieurs années au détriment d'un grand nombre de personnes et de leurs familles. Si un membre de votre famille a besoin d'un organe, vous allez voir que c'est une question qui touche non seulement le patient lui-même mais qui a aussi un effet dramatique sur la famille entière et qui bouleverse complètement la vie familiale. Les membres du comité peuvent difficilement imaginer l'effet dramatique que peut avoir un don d'organe sur la vie de cette personne.

La situation dans notre pays à cet égard est très malheureuse, mais on peut y remédier. Au cours des quelques dernières années, on a vu un écart se creuser. Même si le nombre de transplantations d'organes a augmenté de 16 p. 100 de 1991 à 1995, on constate que le nombre de personnes qui ont besoin d'organes a augmenté de 40 p. 100.

Cet écart va se creuser au fil du temps, et ce, pour diverses raisons. Premièrement, nous avons moins de ressources. Deuxièmement, il y a plus de gens qui souffrent de maladies chroniques et du diabète en particulier, ce qui a une incidence dramatique sur la nécessité des dialyses parce qu'un bon nombre de ces personnes souffrent de maladies rénales avancées, autrement dit, les reins cessent tout simplement de fonctionner, et la seule option qui demeure est la dialyse. Plus le temps passe, plus cette situation s'aggrave.

Un regard sur l'expérience d'autres pays nous apprend des choses très intéressantes. On voit que dans les pays qui ont mis en oeuvre quelques éléments de solutions qui se trouvent dans la motion M-222—qui a été adoptée, comme l'a dit M. Volpe, à l'unanimité par la Chambre—on assiste à une forte augmentation du nombre de transplantations, ce qui a deux effets, l'un sur le receveur qui en tire des avantages évidents, l'autre, sur le contribuable, en espèces sonnantes et trébuchantes.

Si l'on prend le cas des reins, par exemple, le coût d'une transplantation, avec tout ce que cela coûte sur une période de cinq ans, est d'environ 50 000 $. Le coût de la dialyse est d'environ 250 000 $ pour la même période. Donc, pour chaque patient qui profite d'une transplantation, le contribuable économise d'emblée 200 000 $. Et l'on ne tient même pas compte du gain évident qu'il y a à voir le receveur réintégrer la société à titre de travailleur et de contribuable, ni même bien sûr des avantages évidents qu'il y a pour la famille, lesquels sont incalculables.

La motion que j'ai proposée compte quatre volets. Je pense qu'il faut l'étudier dans le contexte de l'excellent travail qui a été accompli par la stratégie fédérale-provinciale, à savoir lorsque le fédéral et les provinces se sont réunis et se sont dit: nous avons un problème, alors réglons-le. Ils ont uni leurs efforts et proposé déjà 13 mesures qui peuvent être mises en oeuvre, et cela améliorerait considérablement notre système de dons d'organes et faciliterait de beaucoup le travail du comité si l'on décidait d'adopter cette motion, parce que ce train de mesure n'existait pas il y a un an. À mon avis, ces 13 mesures peuvent être mariées au quatre volets de ma motion parce que, chose certaine, elles se rejoignent en plusieurs points.

Le fait est qu'un bon nombre de ces mesures sont réalisables dès aujourd'hui. J'espère que vous le verrez tout de suite si vous décidez de procéder à cette étude, étant donné qu'un bon nombre de ces questions ont déjà été débattues et étudiées pendant plusieurs années, et ce qu'il faut faire aujourd'hui, c'est agir et non pas étudier plus avant.

Cela dit, si l'on considère la situation au Canada, notre taux de dons d'organes est d'environ 12 par million. Comparez cela à des pays comme l'Espagne, où le taux est de 21,7, ou à l'Autriche, où il est de 25,2.

• 0925

L'expérience espagnole est intéressante parce que, depuis que l'Espagne s'est dotée d'une base de données nationale et de quelques autres éléments, le taux de dons d'organes a pratiquement doublé, ce qui représente une augmentation spectaculaire. Il est triste que notre pays, qui a une si longue expérience et qui a été un chef de file dans la science des transplantations d'organes pendant tant d'années, marque le pas lorsqu'il s'agit de faire profiter les Canadiens des avancées de cette science.

La première mesure que j'ai suggérée et la création d'une base de données en temps réel qui relie touts les établissements de santé. Essentiellement, ce que vous retrouveriez dans cette base de données, qui est très facile à établir, ce serait les noms des donneurs et des bénéficiaires. Par exemple, si quelqu'un est tué sur la route, vous prenez son numéro d'assurance sociale, par exemple, vous l'inscrivez dans la base de données et vous savez tout de suite si cette personne est un donneur d'organe ou non. Ça peut se faire très facilement. Cela permettrait d'éviter un tas de situations comme celles que l'on a maintenant, où les équipes de transplantation d'organes, qui sont provinciales, perdent un temps précieux à chercher les receveurs potentiels.

La création de cette base de données centrale constituerait une amélioration considérable, et comme je l'ai dit, cela pourrait se faire dès demain. Lorsque cette base de données a été créée en Espagne, on a assisté à une augmentation de 89 p. 100 virtuellement du jour au lendemain.

Deuxième chose, la stratégie autorisée indiquant le choix, que l'on peut mettre en oeuvre en se servant de la déclaration d'impôt sur le revenu fédérale. Un des problèmes que nous avons depuis fort longtemps tient au fait que même si la plupart des Canadiens reconnaissent la nécessité des dons d'organes et sont disposés à en faire, les gens ont tendance à oublier de cocher cette case, pour une raison quelconque, et cela comprend même les professionnels de la santé, où le taux de participation est relativement bas, de l'ordre de 65 à 67 p. 100 pour ceux qui sont disposés à donner leurs organes ou à tout le moins cocher la case. Mais un pourcentage beaucoup plus élevé est prêt à faire ce don. Si l'on peut indiquer ce choix sur la déclaration d'impôt sur le revenu, on rejoindrait plus de gens de manière permanente, et cela nous permettrait aussi de réunir ces informations dans un lieu central.

Troisième chose, la suppression des obstacles financiers, ce qui est tout à fait faisable. À l'heure actuelle, les hôpitaux qui assument la responsabilité de prélever les organes ne sont pas indemnisés financièrement, ce qui a un effet dissuasif, croyez-le ou non. Il y a une situation où l'on rembourse l'hôpital... Le Québec en est un exemple; c'est-à-dire que la province de Québec a donné l'exemple dans ce domaine, et en conséquence, a réussi à augmenter le nombre de donneurs d'organes en adoptant cette simple mesure. Indemnisez simplement les hôpitaux qui prélèvent des organes et vous allez assister tout de suite à une augmentation du nombre de donneurs.

Pour ce qui est des droits de la personne qui donne son consentement, je dirais que c'est un aspect très important. C'est également un aspect qui suscite une certaine controverse, mais voyez l'expérience dont font état diverses études, voyez ce que des chefs religieux ont fait dans notre pays, et voyez ce que dit le grand public canadien, c'est-à-dire une part importante du public canadien—81 p. 100 d'après un sondage récent—qui dit que la famille ne devrait pas faire obstacle aux voeux du donneur. Malheureusement, cela arrive de nos jours lorsque, traumatisés par la perte d'un être cher, ce qui est compréhensible, des membres de la famille font obstacle. Ils ne veulent pas que l'un de leurs êtres chers donne ses organes. Et pourtant, si on leur pose la question en un moment qui n'est pas critique, 81 p. 100 des Canadiens disent que la famille ne devrait pas pouvoir faire obstacle à ce voeu.

Le respect juridique du consentement de la personne qui veut donner ses organes est, à mon avis, très important si l'on veut qu'il y ait davantage de dons d'organes.

Enfin, chers collègues, j'attire votre attention sur le cahier bleu. Le ministère a fait ici un très bon travail. Ce cahier est très complet. On y énumère toute une série de bonnes mesures, particulièrement dans des domaines comme l'éducation et l'établissement de normes qui transcendent les frontières fédérales-provinciales. J'espère que vous en prendrez connaissance et que vous associerez son contenu à celui de la motion M-222.

Dernière chose: s'il se produisait une situation dans notre pays qui entraîne 140 décès chaque année, s'il y avait un écrasement d'avion ou une catastrophe ferroviaire, on constituerait une commission d'enquête, on ferait des études, et on mettrait ensuite en oeuvre des mesures efficaces pour remédier à ce problème. Dans ce cas-ci, ça ne s'est jamais fait.

Et malheureusement, même si cette question ne semble pas faire controverse, et même si les Canadiens disent depuis des années qu'il faut faire quelque chose, ce dossier n'avance pas. Nous faisons des études, nous avons en main de bonnes solutions, et tout à coup, tout cela nous glisse des doigts. Et les mesures que l'on propose aboutissent dans une sorte de purgatoire législatif, si on me passe l'expression.

• 0930

Et au moment où 140 Canadiens meurent chaque année, cette situation ne fait que s'aggraver. Pour le bien de ces gens, pour le bien de l'économie, pour le bien de notre système de santé publique, et particulièrement pour le bien des familles, j'espère que vous allez réfléchir à cette question, que vous allez examiner la substance de la stratégie fédérale-provinciale, que vous allez étudier cette motion et bâtir des ponts entre tous ces éléments.

Enfin, je tiens également à remercier Philip Murphy, dont la collaboration exceptionnelle m'a permis de réunir ces informations.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Martin.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci.

Keith, il me semble qu'il manque quelque chose dans votre rapport, c'est-à-dire que l'Australie dispose d'une banque de données nationale, et pourtant c'est un pays où le nombre de dons par million d'habitants est l'un des plus faibles. Y a-t-il un autre facteur qui intervient en Australie?

M. Keith Martin: Je ne peux pas répondre à votre question. J'en ignore la réponse. Mais c'est une bonne question. La seule chose que j'ai vue, c'est que dans les pays où il y a des bases de données nationales—et j'attire votre attention sur le cas de l'Espagne—on a assisté à des augmentations spectaculaires. En fait, voyez les pays comme les États-Unis et tous ceux de l'Europe occidentale, et voyez la plupart des pays occidentaux, tous disposent d'une base de données nationale. Nous sommes l'un des très rares pays qui n'en a pas. Mais pour ce qui est précisément du cas de l'Australie, j'ignore la réponse à cette question. C'est une bonne question. Si le comité décide de l'étudier, il pourra peut-être trouver la réponse.

M. Grant Hill: Deuxièmement, on propose ici que le gouvernement fédéral indemnise les hôpitaux qui prélèvent les organes. Ne croyez-vous pas que cela causera un conflit de compétences?

M. Keith Martin: Le fédéral peut procéder de diverses façons. Il peut accorder cette indemnisation par le biais du Transfert social canadien et augmenter les fonds relatifs à cette mesure, donnant ainsi aux provinces un montant d'argent supérieur qu'elles pourront utiliser à l'intérieur de leur budget de santé, et ensuite les provinces pourront verser cet argent aux hôpitaux eux-mêmes, ou il pourrait s'agir d'un financement direct de la part du fédéral.

Cela serait matière à discussion entre le fédéral et les provinces. Ayant pris connaissance du contenu de la stratégie nationale-provinciale, je constate la bonne volonté générale et un grand désir de coopération. J'espère que cela ne sera pas considéré comme un obstacle. J'espère au contraire qu'on y verra un geste de bonne volonté de la part du gouvernement fédéral si celui-ci décide de remédier à la situation d'une manière très importante et très efficace en finançant directement les hôpitaux qui prélèvent des organes.

M. Grant Hill: Merci.

Le président: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions. Tout d'abord, je note dans votre conclusion que 138 Canadiens sont décédés en 1994. Je me demande si vous n'avez pas des informations plus récentes, pour 1997 peut-être, ou 1996.

M. Keith Martin: Monsieur Myers, je peux vous citer les données pour 1998. Du 1er avril au 30 juin 1998, soit une période de trois mois, 35 personnes sont décédées. Si vous extrapolez cette donnée sur une période d'un an, vous vous retrouvez avec 140 personnes. Et 18 de ces personnes étaient des adultes qui attendaient un rein, alors que quatre attendaient un foie. En fait, si vous regardez le nombre des personnes qui attendent des organes, environ 82 p. 100 ont besoin d'un rein; les autres attendent un foie, après quoi suivent ceux qui attendent un coeur, un coeur et des poumons, et un pancréas. C'est à peu près la hiérarchie des transplantations d'organes.

Et que l'on nous permette d'attirer l'attention du comité sur un fait: pour ce qui est des économies dont j'ai parlé, il s'agit vraiment des reins. Il est plus difficile de quantifier les économies que l'on fait avec des transplantations du foie, du pancréas, du coeur, du coeur et des poumons, parce qu'on n'a pas d'autre choix. Il n'existe pas de technique comme la dialyse dans ces domaines. On n'a pas d'autre choix que d'effectuer une transplantation. Mais dans le cas des reins, la transplantation n'est qu'une option. Cela peut changer pour le coeur, parce qu'on a accompli des progrès très considérables dans la création d'un coeur artificiel, particulièrement ici à Ottawa, mais pour le moment, ce n'est pas vraiment une option clinique réalisable.

M. Lynn Myers: Deuxièmement, quand j'ai parlé aux gens de la Fondation du rein au printemps dernier, j'ai été frappé par le manque de sensibilisation à ce genre de problème chez les gens qui savent exactement ce qui se passe ou ce qui devrait se passer dans ce domaine. Dans les pays que vous avez examinés—et il est évident ici que d'autres pays présentent des états de service meilleurs que les nôtres—y avait-il un programme de sensibilisation qui vous a frappé et qui permettrait de faire connaître aux gens l'importance de ce genre de chose?

• 0935

M. Keith Martin: Bonne question. L'Espagne a mis de l'avant une initiative très intéressante. Elle a nommé des coordonnateurs des dons d'organes, qui ont en fait ajouté un volet éducatif important à ce qu'ils faisaient déjà. Cela a certainement été utile.

À mon avis, il ne s'agit pas d'ignorance ici au Canada. Des études montrent clairement que lorsqu'on demande aux gens s'ils veulent être donneurs d'organes et s'ils pensent que le don d'organes est une bonne chose, les réactions sont extrêmement positives. C'est plus de 80 ou 85 p. 100.

Cela transcende également les différences religieuses. En fait, ici même à Ottawa, les dirigeants d'au moins quatre grandes confessions: juifs, catholiques romains, musulmans et... Je crois qu'il y en a une quatrième, mais je ne m'en souviens pas. Lors d'une conférence de presse, les quatre ont signé leur carte de donneur d'organes pour bien montrer que la religion ne faisait pas obstacle au don d'organes.

Il faut secouer les gens. Ils y pensent, mais ils n'y pensent pas assez.

Chose certaine, on a voulu remédier à cela dans le cadre de la stratégie fédérale-provinciale. On a fait ici d'excellentes suggestions concernant la sensibilisation publique. Mais je pense que si on posait la question à beaucoup de gens, ils vous répondraient qu'ils sont prêts à faire don de leurs organes.

M. Lynn Myers: Si vous le permettez, monsieur le président, une petite question supplémentaire.

Dans le scénario de la déclaration d'impôt sur le revenu que vous avez mentionné—où l'on cocherait une case ou quelque chose du genre—vous attendez-vous à ce qu'on ajoute des dépliants ou des informations afin d'expliquer aux donneurs potentiels le pour et le contre, ou s'agirait-il simplement d'un formulaire annexé à la déclaration d'impôt sur le revenu et où on répondrait oui ou non?

M. Keith Martin: Ce que j'ai imaginé, ce serait un formulaire annexé à la déclaration d'impôt sur le revenu, comme celui qu'on reçoit aujourd'hui avec le permis de conduire. D'ailleurs, on songe maintenant dans certaines provinces à en faire autant avec la carte-santé. Il serait inscrit sur votre carte-santé que vous êtes disposé à faire don de vos organes.

À mon avis, l'intérêt de l'utilisation de la déclaration d'impôt sur le revenu, c'est qu'elle permet de changer d'idée. Disons, par exemple, que vous n'êtes pas sûr cette année, alors vous dites que vous ne savez pas. Puis, si vous avez reçu davantage d'information au cours de l'année qui suit, vous pourriez cocher l'année suivante la case indiquant que l'on veut faire don de ses organes.

Comparez cela à votre permis de conduire, qui est renouvelé à tous les cinq ans. C'est un document dont l'utilisation est plus statique.

Cependant, dans le contexte de la déclaration d'impôt sur le revenu, vous pourriez avoir un formulaire sur le don d'organes qui permettrait beaucoup plus aisément de marier ces deux documents à chaque année. À mon avis, ce serait un excellent moyen de communiquer ces informations à des tas de gens, et il en coûterait probablement beaucoup moins cher.

M. Lynn Myers: Merci.

La présidente: Monsieur Jackson.

M. Ovid Jackson: Je ne sais pas si vous pouvez répondre à ma question, Keith. Il y a dans l'Ouest maintenant un cas très intéressant concernant la détermination du moment où une personne décède légalement si on ne la réanime pas. J'imagine, à cause de l'urgence à l'hôpital, que c'est important pour obtenir l'organe, qu'il provienne d'une personne qui est décédée dans un accident de motocyclette ou d'une dysfonction ou d'un traumatisme quelconque au cerveau.

Est-ce que vous suivez cette affaire? Est-ce que les médecins dans notre pays ont un critère qui leur permet de déterminer quand une personne est légalement décédée s'il y a eu mort cérébrale?

M. Keith Martin: Il existe des critères fondamentaux qui déterminent la mort cérébrale. Ce n'est pas une question juridique, c'est une définition médicale. Quand on hospitalise quelqu'un qui a eu un accident, il y a tout un protocole qui permet d'établir la mort cérébrale. C'est très compliqué et ça prend du temps. Il faut faire un EEG pour prouver que le cerveau est mort, entre autres choses. C'est essentiel. On ne peut pas déterminer que quelqu'un est en état de mort cérébrale ou que son cerveau est mort si l'on ne respecte pas ces critères.

Il y a donc des critères pour établir la mort neurologique qu'il faut observer avant de pouvoir dire que c'est le temps, et il faut observer un protocole. Donc il y a des tests qu'il faut faire, et il faut établir une documentation. Ça prend du temps. Tant que la mort cérébrale n'est pas confirmée, la personne est maintenue en vie.

M. Ovid Jackson: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Bigras.

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Avant de venir à la réunion, j'ai essayé de regarder les chiffres qu'on avait à notre disposition, particulièrement pour l'année 1995 au Québec.

• 0940

J'ai constaté qu'en 1995, 375 personnes ont bénéficié d'un don d'organe et 117 personnes ont consenti à donner un organe à ces 375 personnes. J'ai aussi constaté—vous avez probablement des chiffres plus à jour—que 500 personnes étaient toujours en attente d'une greffe.

J'ai relu aussi quelques notes d'un ancien rapport de Québec Transplant. Ce rapport dit que le problème fondamental, c'est que parmi toutes les personnes qui décèdent, il n'y en a qu'une infime partie qui rencontrent les critères de donation. En d'autres mots, malgré tous les décès, très peu d'organes peuvent être greffés à des personnes qui en ont besoin. Je ne veux pas tirer de conclusions trop hâtives, mais la solution à ce problème serait d'augmenter l'offre, si je ne me trompe pas.

J'ai lu rapidement votre document. Ne croyez-vous pas qu'il serait important d'insister fortement sur l'augmentation des programmes de sensibilisation au don d'organes pour augmenter l'offre, puisque seulement une infime partie des organes peuvent être prélevés lors de décès? Je voudrais avoir vos commentaires sur l'importance d'augmenter l'offre au moyen de différents programmes de sensibilisation, en tenant compte de la situation que je viens de décrire.

[Traduction]

M. Keith Martin: Vous avez raison de dire, monsieur Bigras, qu'il fait augmenter le bassin, et c'est justement le but de cette motion. D'ailleurs, le but de la stratégie fédérale-provinciale vise partiellement à faire cela aussi. Il faut que cela soit fait dans le respect de certaines normes pour s'assurer que les organes sont transplantés de la bonne façon, que l'on a tenu compte de toutes les considérations relatives à la santé, et qu'on ne se retrouve pas dans une situation comme celle de la crise du sang, la crise de la Croix-Rouge.

Ma motion en fait justement la suggestion et signale, comme je l'ai déjà mentionné, que l'on peut faire appel à plusieurs outils. On sait, notamment, que la province de Québec a été un chef de file en la matière, en s'assurant que les budgets étaient donnés aux hôpitaux qui prélèvent des organes, ce qui a permis au taux de dons d'organes d'augmenter au Québec.

Il y a plusieurs façons d'élargir le fonds d'organes disponibles. On pourrait, comme le signalait M. Myers, mieux informer le personnel des hôpitaux pour s'assurer qu'ils sont plus conscients de la nécessité d'aller chercher des organes, ce qui est problématique. En effet, au moment même du drame, le personnel de l'hôpital hésite énormément—cela va de soi, à pressentir la famille qui vient de perdre un être cher pour lui demander de faire un don d'organe. C'est effectivement très difficile.

Mais il y a d'autres facteurs, tels que la base nationale de données et la stratégie sur la déclaration du choix, l'octroi de crédits aux hôpitaux qui prélèvent des organes et une stratégie de consentement qui respecte les souhaits des personnes décédées. Tous ces éléments aideraient à augmenter le nombre d'organes disponibles.

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.

Je remercie Keith Martin de tous les efforts qu'il a déployés sur cette question pour présenter sa motion à la Chambre, puis s'assurer qu'elle serait renvoyée à notre comité. Il a fait un travail acharné. On peut voir également, grâce au dossier qui nous a été présenté aujourd'hui, que beaucoup de travail a été effectué sous les hospices de Santé Canada sur cette question.

Monsieur Martin, que pensez-vous du document de septembre 96 intitulé «Don et distribution d'organes et de tissus au Canada»? Dans ce document, on suggère une stratégie en 13 points et un plan d'action. Qu'en pensez-vous?

M. Keith Martin: Madame, merci de votre question. J'ai pu lire le document avec grand soin et en tirer les grandes lignes, il y a de cela quelques mois déjà. Le document contient d'excellents éléments.

Toutefois, j'ai l'impression que l'on va encore piétiner et perdre du temps. Certains de ces 13 points ne peuvent être mis en oeuvre du jour au lendemain, mais il y en a d'autres par contre qui pourraient être d'ores et déjà mis en oeuvre aujourd'hui et qui sauveraient de nombreuses vies.

• 1945

Il faut, en effet, faire la distinction entre les deux groupes de suggestions: d'une part, il y a celles qui peuvent être mises en oeuvre dès aujourd'hui et, d'autre part, il y a celles qui devront attendre, car il faudra du temps pour nous assurer qu'elles peuvent être concrétisées. Ce serait le cas des normes. Ces normes sont très importantes et prendront un certain temps à fixer, mais il existe déjà de bonnes relations de travail entre le gouvernement fédéral et les provinces, ce qui est prometteur.

On dit quelque part dans le document qu'il n'est pas souhaitable d'avoir une organisation nationale unique, car elle introduirait un palier supplémentaire dans la hiérarchie. Au contraire, je pense que nous pourrions avoir un lieu central qui s'occuperait d'une grande partie des dossiers, et les organisations provinciales pourraient relever de cette banque de données centrale.

Je ne crois pas que toutes les organisations provinciales qui existent actuellement soient obligées de continuer à fonctionner de façon autonome. En effet, cela provoque des chevauchements, et il y a plus d'intervenants que nécessaire. Comme le signalait M. Jackson, dans le cas des dons d'organes, il est essentiel de faire vite, pour que les organes disponibles soient greffés dans le délai requis; il faut donc apprendre à gagner du temps. Par conséquent, il faut absolument une stratégie nationale, tout comme une banque de données nationale et un lieu de réception central, qui permettent d'apparier les donneurs à des receveurs potentiels.

Si le comité choisit de s'intéresser au dossier, j'espère qu'il le fera dans l'intention de rationaliser une bonne partie de ce qui se fait déjà. Je sais que les représentants du ministère de la Santé auront beaucoup à dire là-dessus. Je les écouterai avec grand intérêt, mais je pense que, dès le départ, on peut centraliser l'information en un seul endroit et lancer le projet d'une banque de données centrale. Cela me semble essentiel. N'hésitez pas à regarder ce qui s'est fait dans d'autres pays.

Le président: Avez-vous une autre question?

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'en ai beaucoup d'autres. De combien de temps est-ce que je dispose?

Le président: De cinq secondes.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je voudrais être inscrite sur la liste du prochain tour.

Le président: Judy, vous êtes vraiment spéciale. Allez-y, posez une autre question.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Dans la foulée de votre réponse, monsieur Martin, vous avez dit vous-même qu'il est essentiel de faire vite. Avons-nous justement besoin de beaucoup de temps pour étudier cette question à fond? N'avons-nous pas déjà ce qu'il faut pour commencer la mise en oeuvre du plan d'action, grâce au travail que vous avez effectué vous-même et grâce au travail effectué au palier fédéral-provincial? Pourquoi faudrait-il que le comité se lance dans une longue étude qui nous mènerait à la fin d'avril prochain, comme le recommande le ministre? Ne pourrions-nous pas d'ores et déjà...? Combien de séances faut-il organiser et combien de témoins de plus faut-il entendre pour faire avancer le dossier et pour recommander quelque chose au ministre de façon spécifique?

M. Keith Martin: Ce dossier a fait l'objet de plusieurs études. Pour paraphraser Rosemarie Kuptana, qui comparaissait au Comité de la santé pour nous parler de la santé des Autochtones, il faut cesser de faire des études, car le temps est venu d'agir. Nous pourrions reprendre cette phrase à notre compte: cessons d'étudier et agissons.

Il y a eu tant d'excellent travail effectué par le ministère et par d'autres encore que le comité serait des plus efficaces s'il suggérait un plan d'action. Finies les études: il faut plutôt avoir la volonté de concrétiser par des gestes ces belles paroles. Ce faisant, notre comité réussirait enfin à démolir la barrière invisible qui existe depuis tant d'années. Nombreux sont les Canadiens qui veulent voir le problème résolu. On a l'impression de se diriger vers la barrière invisible, qu'on essaye de la surmonter, mais qu'on abandonne tout aussi vite. Au contraire, il faut la renverser carrément, cette barrière.

Le président: D'accord?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui.

Le président: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Comme je l'ai déjà dit l'autre fois, j'ai l'intime conviction que ce dossier-ci est important pour les Canadiens, et qu'il représente une occasion en or pour le comité d'agir comme catalyseur.

Ce qui me perturbe beaucoup, à la lecture du dossier, c'est de constater que cela fait déjà longtemps qu'on en parle au Canada et que certaines provinces ont déjà mis sur pied différentes initiatives.

• 0950

Je vous renvois à la page 1 du document de 1996, qui est celui dont je m'inspire, où on peut lire que le projet pancanadien d'échange d'organes fut dissout en 1995. Puis, à la page 7, on constate que «le Canada reste à la traîne, puisqu'il n'a ni mandat ni réseaux nationaux officiels». Enfin, on nous parle à la page 11, du manque de responsabilisation des organismes ou programmes et de prise en considération de l'opinion publique, ce qui me semble important à citer:

    Un certain nombre des personnes consultées ont souligné le peu de comptes à rendre de la part des organismes ou programmes, et le peu de participation du public à l'établissement de mécanismes équitables de distribution. Par exemple, on ignore toujours dans quelle mesure la population canadienne est en faveur de l'établissement d'un système national de répartition par opposition à un système provincial ou régional. Plusieurs des répondants au sondage ont dit croire que le grand public avait—à tort—l'impression qu'il y avait déjà en place un système national qui répartissait les organes objectivement en fonction des «besoins» individuels.

Au fil du document et des ses principes, je me suis demandé pourquoi on n'avait pas réussi et pourquoi on n'avait pas bougé sur ce dossier. J'ai ensuite remarqué la liste des différentes activités dans les diverses provinces, et j'ai constaté que je connaissais certains des problèmes. Notre comité pourrait jouer un rôle très important en exposant ce qu'ont été ces problèmes, en expliquant quels sont les obstacles qui nous empêchent d'avancer, en regardant ce qu'ont fait les provinces et en leur demandant à quels obstacles elles se sont heurtées. Qu'est-ce qui nous empêche d'avancer? Qui doit agir et qui doit en assumer la responsabilité? Comment peut-on encourager tous les intéressés à travailler de concert dans l'intérêt de tout le Canada?

Voilà le rôle que peut jouer le gouvernement fédéral: il peut sensibiliser la population et mieux l'informer; et je ne parle pas uniquement des citoyens canadiens mais aussi des organisations qui sont partie prenante, ainsi que des provinces; le gouvernement fédéral peut être le catalyseur.

Notre comité existe, mais ce dossier traîne déjà depuis longtemps. Je sais que l'Ontario a lancé certaines initiatives au cours des 10 dernières années, mais qu'elle n'a pas réussi à atteindre les objectifs qu'elle s'était fixés.

Voilà pourquoi notre comité peut jouer un rôle des plus importants en se demandant pourquoi d'autres pays réussissent et par quels moyens ils y parviennent. Faut-il songer à des mesures législatives? Peut-être que oui, peut-être que non. En sensibilisant la population et en informant les Canadiens des lacunes qui existent dans notre système, ne pourrait-on pas favoriser le type de mesure que nous tous, autour de la table, souhaitons voir instaurer?

Soit dit en passant, il ne faut pas de sectarisme politique dans ce dossier. D'une province à l'autre, les gouvernements de divers partis essaient tous de s'attaquer au problème. Le travail du comité pourrait servir à définir quels sont les obstacles qui nous empêchent d'agir et à définir le plan d'action qui nous permettrait de sauver de nombreuses vies de façon à adhérer aux valeurs qui sont si chères aux Canadiens et à définir le rôle approprié du gouvernement fédéral dans ce dossier.

M. Keith Martin: Madame Caplan, vous avez raison de dire que de nombreuses études ont déjà été entreprises sur ce sujet. Il s'agissait déjà d'un dossier épineux lorsque j'étais à la faculté de médecine dans les années 80, et déjà, à l'époque, on se blâmait mutuellement en se reprochant de ne pas agir. Quand cessera-t-on d'attendre Godot? Nous voulons tous faire bouger les choses, mais rien ne bouge.

Si le comité pouvait concrétiser ces belles paroles, comme le souhaitait Judy, ce serait de l'inédit, et tous les Canadiens en sortiraient gagnants.

• 0955

À la fin de 1996, 3 340 Canadiens souffraient d'une insuffisance rénale terminale, ce qui représentait une augmentation de 28 p. 100 en 15 années. Ces chiffres ne cessent d'augmenter, et c'est pourquoi nous devons agir. Le plus tragique, ce serait de laisser s'empoussiérer tout ce travail effectué partout au Canada...

Mme Elinor Caplan: Puis-je poser une autre question?

Le président: Vous voudrez peut-être attendre au prochain tour de questions.

Mme Elinor Caplan: Bien.

Le président: Comme M. Martin me semble prêt de devenir le défenseur d'un autre point de vue, il voudra peut-être reprendre son fauteuil après sa comparution, s'il veut bien.

Une dernière question de la part de M. Lynn Myers.

M. Lynn Myers: Ce n'est pas tant une question qu'un commentaire, et je pourrais peut-être le réserver pour plus tard.

Le président: En effet, ce serait mieux. Si vous voulez rester dans le même ordre d'idée, nous pourrions peut-être demander aux représentants du ministère de se présenter à la table. Comme nous semblons vouloir approfondir le document, il vaudrait peut-être mieux que nous nous adressions directement à eux. Ne vous inquiétez pas de cette interruption, car le comité se poursuit, et vous pouvez interroger les représentants du ministère.

Monsieur Martin, puisque vous vous joignez à nous, vous pourrez poser vous aussi des questions aux fonctionnaires. Monsieur Martin, nous vous donnons quelques secondes pour vous joindre à nous.

M. Keith Martin: Merci de m'avoir écouté.

Le président: Merci de votre témoignage, monsieur Martin.

Le ministère de la Santé est représenté par M. André LaPrairie, gestionnaire par intérim du projet du sang, des tissus, des organes et de la xénotransplantation; et par M. Dennis Brodie, gestionnaire par intérim, Division des politiques, Bureau des politiques et de la coordination. Bienvenue, messieurs. Je crois qu'on vous a déjà présentés aux membres du comité.

Nous accordons généralement cinq minutes à nos témoins qui veulent faire des déclarations. Vous n'êtes pas obligé d'en faire, si vous souhaitez répondre d'emblée aux questions. Comme vous avez assisté à nos délibérations de la dernière heure, vous savez mieux comment nous fonctionnons, et les députés pourront vous poser des questions d'entrée de jeu.

Monsieur LaPrairie, que souhaitez-vous?

M. André LaPrairie (gestionnaire par intérim de projets, Projet du sang, des tissus, des organes et de la xénotransplantation, Santé Canada): Puis-je vous expliquer en cinq minutes ce que contient le document?

Le président: Bien sûr.

M. André LaPrairie: D'abord, j'aimerais vous remercier de toutes les bonnes paroles que notre ministère et ses diverses directions ont reçues au sujet de notre cartable. C'est inusité, mais cela fait plaisir.

Nous comparaissons de matin pour vous expliquer les activités du ministère de la Santé concernant la transplantation, et notre rôle au sein du Comité national de coordination et dans l'élaboration de normes de sécurité régissant les organes et les tissus, dans un cadre de gestion du risque reposant sur les normes.

Comme le signalait M. Martin, les actes médicaux faisant appel à la greffe d'organes et de tissus ont non seulement réussi à réduire considérablement la morbidité et la mortalité associées avec de nombreuses défaillances terminales de tissus et d'organes, mais ont réussi, de concert avec un système de santé exemplaire, à entraîner une pénurie d'organes et de tissus disponibles au Canada. Cette pénurie a donné lieu à un intérêt accru dans des stratégies désignées à la fois à améliorer les taux de dons d'organes et de tissus et à mettre au point un système de distribution de tissus et d'organes plus équitables et efficaces au Canada, et elle a suscité également un intérêt accru envers l'utilisation d'organes et de tissus animaux destinés à la transplantation chez des humains.

Le rythme rapide des découvertes scientifiques a également étendu le rôle des autorités de réglementation en biotechnologie, notamment dans le domaine de la transplantation, et les dossiers connexes, comme ceux du VIH, de la maladie de la vache folle, et l'arrivée de nouvelles technologies, ont amené les Canadiens à exiger une plus grande intervention des organes de réglementation.

Il saute aux yeux que la pénurie d'organes et de tissus constitue un problème critique et permanent, comme on l'a entendu dire ce matin, et malheureusement, le taux de don d'organes au Canada plafonne à 12 à 14 par million d'habitants. Autrement dit, alors que les taux de dons d'organes sont constants depuis plusieurs années, la demande n'a cessé d'augmenter, tandis que les techniques de greffe s'amélioraient, mais en même temps, d'autres interventions telles que l'imposition par le gouvernement d'une loi obligeant de porter la ceinture de sécurité, diminuaient le nombre de donneurs d'organes en état de mort cérébrale.

• 1000

En septembre 1996, le Comité consultatif sur les services de santé publiait un document que vous trouvez à l'onglet 3 de votre cartable; dans ce document, on recommandait d'instaurer une stratégie fédérale-provinciale-territoriale pour définir les grands objectifs politiques du don d'organes. On y trouvait notamment les résultats d'un sondage effectué auprès d'un grand nombre de professionnels de la santé et de spécialistes des greffes, qui s'étaient penché sur certaines lacunes du système canadien. Puis, en décembre 1996, les sous-ministres de la Santé des paliers fédéral, provincial et territorial reconfirmaient leur engagement à l'égard de la stratégie et élaboraient un plan de mise en oeuvre que vous trouverez à l'onglet 2 de votre cartable, assorti d'un budget évalué à 350 000 $ sur trois ans en vue de soutenir des activités spécifiques de mise en oeuvre; on y trouvait également une somme de 150 000 $ répartie sur trois ans destinée à soutenir le Comité national de coordination dont vous trouverez la liste des membres à l'onglet 1 du cartable.

Le Comité national de coordination s'est réuni de façon préliminaire en mai dernier pour préciser les grands enjeux, pour définir son mandat et pour recommander de choisir un coprésident du secteur parapublic. C'est le professeur Phil Belitsky, médecin spécialisé dans les greffes à Halifax et qui y dirigeait naguère le programme de dons d'organe, qui fut choisi.

Avant le début des travaux du comité, les participants du secteur parapublic souhaitaient régler la question de l'indemnisation du coprésident, le professeur Belitsky, ce qui avait son importance dans la foulée de la Commission Krever. On voulait également s'assurer que les médecins participants soient indemnisés pour tous les efforts qu'ils déployaient. En effet, jusqu'à maintenant, les participants avaient toujours donné de leur temps bénévolement, que ce soit au sein du projet de partage d'organes au Canada ou au sein de la Fondation canadienne du rein. Autrement dit, chaque fois qu'ils manquaient une journée de travail pour assister à une réunion, ils devaient quand même payer le personnel de leur bureau et réaménager leur temps de clinique.

Ce sont donc des activités importantes, dont il va être fréquemment question et qui, à notre avis, ne se limitent pas aux greffes. Il y avait un problème important à résoudre, et il l'a été.

Le Dr Belitsky et sa coprésidente Elizabeth Barker ont écrit au comité pour évoquer le passage aux étapes suivantes. Leur lettre vous a été distribuée ce matin. Ils apportent la preuve de leurs efforts comptants; un délai de deux mois a été fixé pour passer des contrats avec les différents intervenants en matière de greffes, qui devront présenter des propositions concernant les éléments décrits dans la partie 2.

Comme l'indiquait le Dr Martin, la lettre fait également référence à 13 éléments stratégiques. C'est beaucoup pour une étude aussi brève. Les auteurs de la lettre considèrent que l'élément deux concernant le repérage des donneurs en milieu hospitalier, l'élément trois, concernant les algorithmes de partage par organe, l'élément quatre, concernant l'amélioration du rendement des hôpitaux en matière de repérage des donneurs et l'élément huit, concernant un système national de pistage, devraient devenir les quatre priorités de ce comité.

Dans le même domaine, Santé Canada a commandité en 1995 une conférence nationale consensuelle sur la sécurité des organes et des tissus lors des transplantations. À l'issue de cette réunion, on a constitué un groupe de travail d'experts qui comprenait plusieurs membres de l'Ordre du Canada, des médecins, des déontologues, etc., et qui devait définir une norme canadienne générale de sécurité des organes et des tissus, comprenant des dispositions spécifiques sur les organes entiers, les tissus oculaires, les greffes de moelle osseuse, les tissus reproductifs et les xénotransplantations. Le document présenté à l'onglet 4 de votre classeur propose une structure descriptive de gestion du risque qui fait appel à cette norme pour améliorer les greffes au Canada. C'était l'élément stratégique numéro 1 du comité national de coordination, puisque tous les programmes devaient sélectionner leurs donneurs de la même façon, consigner toutes les données pertinentes, etc., pour qu'il y ait un véritable partage et qu'on améliore les taux de dons d'organes dans l'ensemble du pays.

Je ne veux pas dépasser mes cinq minutes.

Santé Canada fait oeuvre de pionnier dans la définition de normes nationales de sécurité des organes et des tissus. Cette initiative est considérée aux plans national et international comme une approche réglementaire efficace en matière de greffes, et l'application de normes pourrait s'étendre au-delà du seul domaine de la sécurité des organes et des tissus. On pourrait envisager de l'appliquer au repérage des donneurs, aux pratiques hospitalières et à de nombreux sujets qui, normalement, ne relèvent pas de la Loi sur les aliments et drogues ni du domaine de la réglementation, comme le consentement éclairé. Je le répète, la structure d'orientation complète s'harmonise bien avec ce comité national de coordination et avec la stratégie d'amélioration des dons d'organes et de tissus au Canada.

• 1005

Voilà pour mon numéro de cinq minutes.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Monsieur Brodie, est-ce que M. LaPrairie a parlé en votre nom ou voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Dennis Brodie (gestionnaire par intérim, Division des politiques, Bureau des politiques et de la coordination, ministère de la Santé): Il m'a amené ici pour que je réponde aux questions difficiles.

Le président: Je suis toujours heureux de retrouver Butch Cassidy et le Kid.

Ma première question, si vous permettez, va nous ramener au sujet de tout à l'heure. C'est le même ordre d'idée.

Madame Caplan, voulez-vous terminer votre question, ou êtes- vous satisfaite?

Mme Elinor Caplan: J'aimerais demander s'il y a eu une analyse des problèmes non résolus dans certains organismes canadiens. À défaut d'une telle analyse, est-ce qu'on s'est demandé, par exemple, pourquoi les taux du Manitoba sont presque deux fois plus élevés que ceux des autres provinces canadiennes? Est-ce que quelqu'un a étudié ces éléments?

M. André LaPrairie: Je crois qu'une réponse partielle à cette question figure dans le document de septembre 1996 sur les dons et la distribution des organes et des tissus. Dans le cadre de cette étude, on a fait un sondage auprès des hôpitaux et des spécialistes du domaine pour obtenir leur point de vue sur les atouts et les faiblesses du système. C'est un instantané qui manque quelque peu de détails. Je crois qu'on a interrogé 26 organismes différents pour voir si des améliorations étaient possibles, et vous y trouverez peut-être le meilleur indice de la situation actuelle dans ces domaines.

Vous remarquez qu'on trouve dans certaines provinces une brusque anomalie, avec un taux bien supérieur aux années précédentes et suivantes. Les provinces prennent elles-mêmes du recul pour s'interroger sur ce qu'elles peuvent continuer à faire. Ainsi, le Québec a commencé à indemniser les hôpitaux donneurs en leur accordant des fonds pour couvrir le coût des soins intensifs, etc. On a assisté à une augmentation, et il s'agit de savoir si elle correspond aux incitatifs financiers ou simplement à l'attention prêtée aux problèmes. Ce n'est jamais très clair.

Mme Elinor Caplan: Nous n'avons pas eu l'occasion de lire intégralement ces documents. Il y a quand même une recommandation selon laquelle l'information concernant le consentement des donneurs devrait figurer sur les cartes d'assurance-santé. On indique ce qui existe actuellement dans chacune des provinces en matière de consentement. Par exemple, je sais que dans ma province, le consentement était indiqué autrefois sur le permis de conduire. Je crois que ce n'est plus le cas, et j'aimerais savoir comment on procède dans chaque province. Quels ont été les résultats des changements? J'aimerais savoir si on a de l'information à ce sujet.

M. André LaPrairie: Au départ, on faisait figurer le consentement sur le permis de conduire parce qu'on insistait à l'époque sur les donneurs victimes d'accident. De toute évidence, on ne procède plus de cette façon. La plupart des donneurs d'organe entiers, par exemple, ne se trouvent plus nécessairement parmi les victimes d'accident. On constate que bien souvent, les victimes n'ont pas leur permis de conduire sur elles au moment de l'accident, ce qui oblige à s'interroger sur la valeur de cette formule. À quoi sert de signer une carte si l'entourage n'en est pas informé? En définitive, c'est aux membres de la famille que l'on demande un consentement. À mon avis, c'est pour cela que les provinces ont choisi d'autres moyens, notamment la carte d'assurance-maladie.

Le problème est toujours de savoir comment on peut accéder à cette information. Aucun système, que ce soit les cartes d'assurance-maladie, un registre national ou provincial, ne peut se passer d'une infrastructure qui va informer le public et lui faire comprendre le mode de fonctionnement du système. Les gens doivent avoir confiance en ce système, ils doivent avoir la garantie que les renseignements ne seront pas divulgués et qu'ils ne seront utilisés que dans les circonstances appropriées. Les patients ne veulent pas avoir à craindre que lors d'une hospitalisation, on va considérer avant tout qu'ils sont donneurs d'organe, avant même de les soigner. C'est donc un problème très complexe.

Mme Elinor Caplan: Ai-je le temps de poser une autre question? Je peux céder la parole à quelqu'un d'autre, quitte à poser une autre question plus tard.

Le président: Allez-y.

• 1010

Mme Elinor Caplan: À mon avis, les questions que nous posons ici font partie intégrante des travaux du comité. Je vois que vous faites référence à certaines questions de déontologie. On recommande ici qu'il y ait un déontologue au sein du comité interne. J'aimerais savoir s'il existe des experts dans ce domaine que notre comité pourrait consulter sur les règles à adopter.

Si je comprends bien, il va y avoir deux bases de données. La première concernera les donneurs, et il y en aura une autre consacrée aux receveurs éventuels, une fois qu'un organe sera disponible. Il faut veiller à mettre en place des algorithmes—je crois que c'est le mot juste—ou des normes pour veiller à ce que les organes disponibles soient répartis de façon appropriée. Cette répartition risque de poser bien des problèmes. Est-ce que ce sont là les deux seuls éléments du système, ou y a-t-il autre chose?

M. André LaPrairie: S'il y avait une panacée, je suppose qu'on l'aurait déjà découverte. On entend souvent parler de ce qu'a fait l'Espagne pour augmenter les taux de dons d'organes. Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'aller en Espagne ni de demander aux Espagnols ce qu'ils ont choisi de faire pour augmenter leurs taux de don d'organes. C'est la méthode qui importe en définitive. Les Espagnols ont dû étudier leur système de santé et les idées qui prévalaient auprès du public en matière de don d'organes, ainsi que le point de vue des professionnels qui pratiquaient les transplantations, et ils ont élaboré une méthode intégrée qui a donné de bons résultats dans leur pays. C'est ce que nous envisageons de faire également au Canada.

La question de la répartition des organes à l'échelle nationale n'est pas aussi simple qu'il y paraît à première vue. Les organes ont souvent une durée utile très courte une fois qu'ils ont été prélevés. Pour le coeur, c'est six heures au maximum; par conséquent, une répartition au niveau national n'est pas envisageable à cause des délais de transport. Plus on allonge la période d'ischémie froide de l'organe, plus on risque de raccourcir la durée de sa demi-vie chez le receveur.

Il n'est jamais facile de répondre à ces questions. Si ce comité national a un rôle positif à jouer dans la recherche de certaines solutions, c'est certainement de donner à tous ceux qui participent à ces activités l'espoir que leurs solutions seront mises en oeuvre. C'est précisément ce qui a déçu de nombreux chirurgiens et médecins. Ils peuvent entreprendre des études, proposer des solutions, que ce soit un registre des donneurs, une amélioration des taux de répartition ou des campagnes d'éducation en milieu hospitalier, mais à moins que ces propositions ne soient mises en oeuvre, à moins que leur travail ne bénéficie d'un appui quelconque, ils risquent eux aussi de se décourager.

Mme Elinor Caplan: Évidemment, la mise en oeuvre des solutions s'est heurtée à des obstacles considérables au Canada, puisque nous constituons une anomalie dans le monde occidental.

M. André LaPrairie: Nous constituons une anomalie parce que nous fonctionnons dans les limites provinciales. Chaque province a son propre système et nous constituons une anomalie à deux égards. Nous avons un système national de santé et les besoins de chaque Canadiens sont pris en charge. Nous avons tous accès à des soins, et c'est là, probablement, une anomalie positive. Mais il y a aussi une anomalie négative, à savoir qu'il est plus difficile de partager les organes entre les provinces et il est plus difficile d'arrêter une stratégie nationale puisque chaque province a sa propre façon de procéder.

Le président: Est-ce qu'il existe, au sein de l'Union européenne, une initiative visant à centraliser les registres des donneurs et des receveurs? Avez-vous de l'information à ce sujet?

M. André LaPrairie: Cela fait un certain temps que je ne me suis pas entretenu avec des représentants de l'Union européenne. Il n'est jamais simple de déterminer s'il faut s'adresser au Conseil de l'Europe, à l'Union européenne ou à quelque autre organisme subalterne. Je crois que plusieurs pays d'Europe ont un système coordonné de repérage des donneurs et un système parallèle, en fait, pour les tissus. C'est une bonne façon de procéder et on aurait dû en parler dans ce document—je crois qu'on y fait un peu référence—mais je ne sais pas si l'on envisage autre chose cette année au sein de l'Union européenne.

Le président: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, je voudrais encore une fois vous demander s'il y a lieu de poser des questions ou de faire des commentaires concernant l'orientation de nos travaux. Je ferais peut-être mieux...

Le président: Je préférerais que vous gardiez cette question pour la fin.

M. Lynn Myers: D'accord, merci.

Le président: Si votre question porte sur le même sujet, nous y reviendrons plus tard.

Monsieur Jackson.

• 1015

M. Ovid Jackson: Pour reprendre les propos de Mme Caplan, je m'intéresse aux bases de données; tout le monde cherche des résultats. Il me semble qu'on en trouve une multitude dans chaque province ou dans chaque organisme. J'aimerais savoir si vous vous êtes mis d'accord sur un régime approprié d'imputabilité.

On parle beaucoup, vous le savez, de toutes sortes de choses, comme l'assurance-emploi. On dit qu'il faudrait faire des vérifications auprès des personnes qui passent la frontière. Le gros problème, c'est que les ordinateurs ne communiquent pas entre eux. L'interconnectivité pose un problème dans tous les programmes du gouvernement. Comment rejoindre tous les groupes sans utiliser une multitude de programmes différents et de techniques différentes?

Connaissez-vous les modèles ou les régimes utilisés ailleurs dont on pourrait se servir ici pour assurer la prestation de services?

M. André LaPrairie: Voilà une remarque intéressante. Dans certaines provinces, par exemple, on se contente de classer les fiches des patients dans une boîte à chaussures. En revanche, d'autres provinces ont des systèmes informatisés très perfectionnés qui permettent de retrouver les patients et de consulter leur dossier médical. On se sert de ces systèmes pour attribuer les organes et les tissus.

Chaque système a sans doute ses avantages. Je ne veux pas dire que la boîte à chaussure n'a pas donné de bons résultats dans le cadre de son programme.

S'il existe un problème que l'on n'a pas encore résolu de façon satisfaisante, c'est bien la constitution d'une liste nationale de patients, exception faite des greffes du foie qui ont fait l'objet d'une certaine coopération entre les différents programmes. On a au moins produit une liste qui est transmise chaque semaine par télécopieur. Mais ce n'est pas encore la solution idéale.

Par ailleurs, il reste que les hôpitaux et les villes n'ont pas tous des programmes de transplantation pour leurs patients en pédiatrie, par exemple. Comme faire pour repérer un donneur pédiatrique dans un centre qui ne fait pas de greffe?

Il faut savoir où envoyer les organes, il faut savoir s'il y a des patients en attente dans une autre ville ou une autre province. On constate donc depuis longtemps une insuffisance très nette à ce niveau.

M. Ovid Jackson: Le comité peut-il intervenir? Tout le monde demande des interventions et à mon avis, c'est l'un des principaux obstacles si l'on veut...

Il faut agir très rapidement. Dans certains cas, une province peut disposer d'un organe dont elle n'a pas besoin, alors qu'une autre province en a besoin; la rapidité d'action est donc très importante.

M. André LaPrairie: Voilà qui pourrait être utile au Comité national de coordination qui délibère sur les systèmes informatiques et les aspirations des Canadiens, plutôt que sur les projets hospitaliers. Je crois que cela lui serait très utile.

Le président: Keith.

M. Keith Martin: Monsieur LaPrairie et monsieur Brodie, je vous remercie très sincèrement pour le travail que fait votre ministère dans ce domaine. C'est tout à fait exceptionnel.

J'aurais quelques questions à poser. Le document insiste beaucoup sur le fait qu'il ne faut pas mettre en place de base de données nationale ni de groupe de coordination. J'aimerais savoir pourquoi ce ne sont pas de bonnes idées, à votre avis, en particulier dans le contexte de ce que vous venez de dire à M. Jackson.

Vous exposez très clairement les problèmes actuels de coordination entre les provinces, les différences d'une province à l'autre, la difficulté d'évaluer les candidats receveurs et d'assurer la concordance entre receveurs et donneurs.

Vous ne pensez donc pas qu'il y ait lieu de constituer une base de données nationales où l'on trouverait à la fois les candidats receveurs et les donneurs? Dans le cadre de la stratégie de choix obligatoire, j'avais présenté une motion pour permettre l'expression du consentement sur les formulaires de déclaration de revenu et pour centraliser toute l'information. On pourrait ainsi résoudre le problème. Par exemple, si quelqu'un décède à Vancouver et que le meilleur dossier de receveur se trouve à Calgary, on pourrait trouver toute l'information pertinente dans cette base de données centrale, alors qu'actuellement, c'est impossible.

Deuxièmement, laquelle des 13 propositions qui figurent dans votre document pourrait être mise en oeuvre dès aujourd'hui sans problème?

M. André LaPrairie: Pour votre première question, concernant les raisons pour lesquelles on n'envisage pas de traiter le problème des greffes au Canada à un autre niveau, c'est parce que la plupart des intervenants se fondent sur l'expérience des États-Unis, où on a créé le United Network Organ Sharing à un palier supérieur pour assurer la répartition des organes et des tissus dans l'ensemble du pays. On a constaté à l'usage que c'était un organisme très bureaucratique qui ne répondait pas à son mandat initial.

• 1020

La plupart des spécialistes du domaine des greffes estiment que l'on dispose déjà des ressources nécessaires dans les provinces, mais qu'il faudrait faire le lien entre ces ressources. Pourquoi créer un registre supplémentaire? Il y en a déjà dans chaque province. Pourquoi ne pas se mettre d'accord sur des normes de présentation de l'information, qui seraient ensuite mises à la disposition de toutes les provinces?

Au lieu de créer un palier supplémentaire et superflu, il est préférable de se servir plus efficacement de ce qui existe.

M. Keith Martin: Ce que je propose, c'est de se débarrasser des registres provinciaux et d'en constituer un seul au niveau national.

M. André LaPrairie: Cela pourrait poser des problèmes, du moins pour les programmes provinciaux qui fonctionnent bien, et qui auraient du mal à accepter ce registre national. Je crois que ce serait difficile. Peut-être que...

Le président: Vous n'avez pas à répondre davantage...

M. André LaPrairie: Oh, oh.

Le président: ... à cette question.

M. André LaPrairie: Bien, merci. Et en fait...

Le président: Je voulais simplement savoir combien de temps il vous faudrait.

Mme Elinor Caplan: On pourrait atteindre les objectifs de M. Martin en se mettant d'accord sur l'établissement de liens entre les provinces et en définissant des normes nationales ainsi qu'un principe d'imputabilité.

M. André LaPrairie: J'irai même un peu plus loin pour dire que les provinces seraient prêtes à collaborer si elles savaient qu'à défaut de collaboration, l'autre solution consisterait à les éliminer et à mettre en place un système national; je ne sais pas.

Si votre proposition concernant l'utilisation des formulaires de déclaration de revenu ne figure pas dans ce document, c'est sans doute parce que d'habitude, on ne pense pas aux déclarations de revenu dans le contexte des greffes d'organe. Les polices d'assurance-vie seraient peut-être préférables. Je ne sais pas.

La deuxième question concernait la stratégie qu'on pourrait mettre en oeuvre immédiatement.

M. Keith Martin: Oui, dès aujourd'hui. Parmi les treize recommandations qui figurent dans votre document, quelles sont celles qu'on pourrait appliquer dès aujourd'hui, et quelles sont celles qui nécessitent d'autres recherches?

M. André LaPrairie: Je ne sais pas s'il y en a qu'on pourrait mettre en oeuvre immédiatement, ni si elles permettent d'obtenir le résultat que vous recherchez. La plupart des spécialistes dans ce domaine estiment que l'on n'a pas prêté suffisamment attention à la formation professionnelle et aux mesures d'encouragement.

Comme vous l'indiquez, les Canadiens sont tout à fait disposés à donner des organes. D'après de nombreux sondages, on a presque 100 p. 100 d'avis favorables. Les autorités religieuses reconnaissent, comme tout le monde, que les dons d'organe sont une bonne chose.

Dans ce cas, pourquoi nos résultats sont-ils si faibles? C'est parce que les gens qui répondent à un sondage n'ont pas à faire face au décès d'un proche; et qui s'adresse à eux en cas de décès? Qui a la formation et l'expérience voulues pour s'adresser à la famille et pour dire: «nous sommes désolés qu'un membre de votre famille soit décédé. Êtes-vous prêt à envisager un don d'organe?» C'est donc un domaine où il faut toujours un soutien supplémentaire qui a fait défaut jusqu'à maintenant.

Le président: Merci.

Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras: J'aimerais faire un commentaire qui va un peu dans le sens de ceux de M. Jackson et M. Martin. Je relisais le document fédéral-provincial. Au fond, les 13 orientations stratégiques, si on les résume, sont divisées en trois: d'une part, la normalisation, d'autre part, l'organisation et la gestion et, finalement, toute la question de l'éducation. Dans l'organisation et la gestion, on inclut la collecte, la distribution d'organes, l'éducation, la sensibilisation et l'information du grand public.

Vous avez abordé un peu la question que je veux poser. Sur le plan de l'efficacité, est-ce qu'une gestion et une organisation plus provinciales permettraient d'augmenter notre efficacité dans la mesure où nous réussirons, comme je l'ai dit tout à l'heure, à augmenter l'offre? Je ne suis pas un spécialiste de la question et je n'ai pas étudié la question comme Keith, mais si on a de la difficulté actuellement à répondre à la demande et s'il y a des listes d'attente, c'est qu'on n'est pas capable d'augmenter l'offre. Si on était capable d'avoir une stratégie plus efficace, est-ce que ça nous permettrait de répondre à la demande?

Sur le plan technologique, est-ce qu'il y a un problème à répondre à la demande? Comme M. Jackson l'a dit tout à l'heure, le problème du temps est fondamental dans les questions qu'on étudie aujourd'hui. Je me permets de poser la question sans vraiment connaître le dossier: Y a-t-il un problème de distance? S'il y avait un organe disponible, par exemple, en Colombie-Britannique et qu'il y avait une demande à l'Île-du-Prince-Édouard, est-ce que la technologie nous permettrait de répondre à cette demande? C'est une question que je pose sans connaître la réponse. Je la pose bien humblement.

• 1025

[Traduction]

Le président: Je crois, Dennis, que c'est là l'une des questions difficiles pour lesquelles André vous a fait venir ici.

Des voix: Oh, oh!

M. Dennis Brodie: C'est une question facile.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Vous n'avez pas de chance, André, c'est encore à vous.

M. André LaPrairie: Je sais, je sais.

Je cru comprendre qu'il y avait deux questions. La première porte sur les stratégies des provinces, et en fait, l'argument du député est excellent. C'est peut-être parce qu'un organisme national aurait bien du mal à infléchir la pratique en milieu hospitalier.

La plupart de ces opérations se passent en milieu hospitalier, que ce soit le repérage des donneurs, l'approvisionnement en organes et en tissus, et même la répartition et les greffes. Ces activités sont réalisées en milieu hospitalier et à bien des égards, un organisme national n'aurait que peu de pouvoir direct pour faire évaluer les pratiques hospitalières.

La deuxième question porte sur les distances. C'est aussi un élément important. Pour certaines greffes d'organe entier, ou le délai entre l'obtention et la transplantation est très court, la distance est un élément décisif. Pour les greffes de poumon et de coeur, la distance à couvrir pose un problème logistique.

Pour les autres greffes, comme les reins, où la période d'ischémie froide peut dépasser 24 heures alors que pour le foie, je crois, il est de 14 heures, c'est toujours un problème, mais il n'est pas aussi critique.

Pour les transplantations de tissu, comme les valvules cardiaques humaines en cas de malformation congénitale, pour les greffons osseux et pour les opérations de la hanche, les tissus peuvent, dans certains cas, être conservés indéfiniment, si bien que le facteur temps n'entre pas en ligne de compte. Je pourrais aussi citer l'exemple des greffes de moelle osseuse.

Mais les provinces ne sont pas toutes dotées d'une banque de moelle osseuse ou d'un programme de valvules cardiaques. Il est donc essentiel d'assurer la coordination entre l'offre et la demande. Chaque organe et chaque tissu posent des problèmes spécifiques de logistique qui doivent impérativement être résolus.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci.

En parcourant sommairement votre rapport, je constate que vous évoquez différentes stratégies. J'ai aussi vu quelque part, je crois, qu'il y a eu des réunions entre sous-ministres. Je suppose qu'il s'agit de réunions fédérales-provinciales.

Où en sont les discussions ou les négociations concernant l'adoption éventuelle de normes nationales? Il s'agit sans doute de créer un organisme national-provincial qui pourrait assurer électroniquement la liaison entre les ressources disponibles, ou trouver les systèmes nécessaires pour constituer des banques d'organes.

Comme vous l'avez dit, il faudrait en créer dans les provinces qui n'en ont pas actuellement. Par ailleurs, il s'agirait également de définir les protocoles destinés aux hôpitaux, même si c'est un domaine de compétence provinciale. Néanmoins, toute l'aide envisageable pour mettre en place une infrastructure permettant d'assurer les communications... Est-ce de cela qu'il est question dans les rencontres entre sous-ministres? Est-ce qu'ils envisagent la création d'une infrastructure et l'adoption de normes?

Si l'on établit des liens de communication et si tout le monde est d'accord sur le principe, nous aurons un système utilisable; autrement, aucun progrès n'est possible, et dans cinq ans, nous en serons encore à la case départ. Est-ce de cela que l'on discute actuellement?

M. André LaPrairie: Les provinces attendent les recommandations du comité national de coordination sur un certain nombre des sujets auxquels vous avez fait référence. Je ne pense pas...

Mme Maria Minna: C'est l'impression que j'ai eue d'après ce que j'ai lu, d'après les renseignements qui figurent au document; c'est une question... Je pensais que les sous-ministres avaient déjà amorcé le dialogue. Il semble du moins que l'information soit déjà disponible. Il s'agit de savoir comment en tirer partie et de créer quelque chose. Je voulais savoir si les discussions allaient au-delà...

M. André LaPrairie: Il y a eu des discussions. L'objectif de ce comité n'est pas d'entreprendre de nouvelles études, mais de voir comment on pourrait réaliser les aspirations des Canadiens.

Les 13 éléments correspondent à ces aspirations...

Mme Maria Minna: Comment les mettre en pratique?

M. André LaPrairie: ... et comme on l'a vu, il y a des problèmes logistiques qui rendent cette mise en oeuvre très complexe. Alors, quelles sont les solutions pour y parvenir.

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

• 1030

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

Je voudrais vous poser quelques questions concernant le projet de cadre de gestion des risques évoqué dans votre document. Je crois que c'est un élément très important pour l'orientation de la stratégie fédérale-provinciale concernant la disponibilité des organes et des tissus, car en fait, si l'on s'intéresse à cet aspect du problème et si l'on s'efforce d'augmenter le nombre des donneurs au Canada, mais sans prendre les mesures nécessaires en matière de sécurité, on risque de se retrouver à la case départ.

Ce document recommande une stratégie de gestion des risques ou un modèle de réglementation fondé sur des normes; il rejette le modèle hautement réglementé. Pour reprendre précisément la formulation du document,

    Le PTT a également rejeté l'option d'un modèle hautement réglementé. Ce modèle prévoyait l'homologation et l'inspection de tous les programmes de transplantation par le PTT.

Il me semble que dans le domaine des tissus et des organes, plus que dans tout autre domaine, il faut fixer les normes de sécurité les plus élevées possibles. Le document rejette cette formule et recommande une formule de gestion des risques, qui suppose un appareil bureaucratique et la fixation de normes; celles-ci devront être respectées au plan administratif, par opposition à un régime proactif de licence, de réglementation et d'inspection. Je me demande pourquoi vous faites cette recommandation dans le domaine essentiel des tissus et des organes.

Votre document fait référence au juge Krever, selon lequel le défi, en matière d'approvisionnement en sang, est d'assurer la plus grande sécurité possible. Il me semble que le juge Krever a préconisé le modèle hautement réglementé et non pas la formule de gestion du risque. Et je pense que son avis serait le même dans le cas des tissus et des organes. Comment se fait-il que ce sujet figure à l'ordre du jour des discussions?

M. Dennis Brodie: Nous reconnaissons que les normes de sécurité doivent être aussi hautes que possible. Votre question porte sur la façon de garantir le respect de ces normes. On peut envoyer des équipes d'inspecteurs fédéraux dans tout le pays pour étudier chaque programme de greffe d'organe et vérifier s'il est conforme aux normes ou on peut s'en remettre aux systèmes déjà en place—il existe déjà des programmes d'accréditation—sans y rajouter une infrastructure et des coûts exorbitants.

L'essentiel, ce sont les normes de sécurité. C'est l'élément critique, et nous nous interrogeons sur la façon d'assurer le respect de ces normes. Comme je l'ai dit, il y a différentes possibilités. Nous ne sommes pas convaincus de l'efficacité d'une équipe d'inspecteurs qui sillonneraient le pays, alors qu'une bonne partie de ce travail est déjà fait. Notre rôle est davantage d'assurer la mise en oeuvre des normes appropriées.

Le président: Madame Judy Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Mais n'est-on pas ici en présence d'un problème semblable à celui de l'approvisionnement en sang? Il a été établi que l'on ne peut garantir la sécurité des approvisionnements en sang en l'absence de mécanismes spécifiques, que ce soit des inspections régulières ou des vérifications ponctuelles. À défaut, on court un risque, en particulier dans le cas de produits désormais considérés comme lucratifs. La question des dons rémunérés de sang se pose très concrètement aujourd'hui, et la possibilité de donner des organes ou des tissus contre rémunération est elle aussi tout à fait réelle. Il faut s'en préoccuper dès aujourd'hui. Dans ce contexte, n'y a-t-il pas lieu, pour le gouvernement, de veiller à ce que le produit soit le plus sûr possible?

• 1035

Je reconnais que nous parlons ici de risque. Chacun sait que toute greffe d'organe comporte toujours un élément de risque, mais je ne pense pas que dans l'esprit des Canadiens, ce risque puisse également être lié à la qualité du donneur, à ses antécédents et à sa fiabilité. Voilà la question que je soulève. Dans un domaine comme celui-là, comment peut-on envisager une formule passive de gestion du risque face à une question de vie ou de mort?

M. Dennis Brodie: Ce n'est pas une formule passive. Nous avons toujours la possibilité de prendre toutes les mesures nécessaires et, au besoin, d'interdire un programme de greffe, s'il ne respecte pas les normes. Ce que nous proposons, c'est que les organismes en place peuvent veiller eux-mêmes à ce que tous les programmes de greffe soient conformes aux normes sans que le gouvernement fédéral y consacre des ressources supplémentaires. Nous pensons que ce n'est pas une façon efficace d'assurer le respect des normes.

Le président: Une dernière question très courte, Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Nous avons eu une discussion semblable l'année dernière sur les produits de santé naturels, et lorsque nous avons posé des questions concernant la qualité du produit, notamment à propos d'une herbe naturelle de Chine pour savoir s'il s'agissait d'un produit authentique, on nous a dit qu'en envoyant des inspecteurs dans les usines en Chine, on s'assurait de la qualité du produit et que nous n'avions plus à nous en préoccuper. Pourquoi faudrait-il se contenter d'une solution moindre à propos du sang, des organes et des tissus? N'est-il pas préférable de renforcer la réglementation, d'inspecter les installations et d'appliquer un strict régime de licence, de façon à réduire le risque en cas de transplantation de tissu ou d'organe?

M. Dennis Brodie: Je ne pense pas qu'il s'agisse, pour Santé Canada, d'envoyer un inspecteur en Chine pour vérifier la qualité des produits. Le contrôle de la conformité aux normes canadiennes passe par une tierce partie, en l'occurrence un inspecteur en Chine, le cas échéant. Voilà comment on peut utiliser les ressources déjà en place pour assurer le respect des normes, et c'est assez semblable à ce que nous proposons ici.

Le président: Madame Caplan, voulez-vous revenir sur le même sujet?

Mme Elinor Caplan: Oui, et je voudrais faire quelques commentaires.

La question de l'imputabilité vis-à-vis des Canadiens est essentielle pour le gouvernement, et pour assurer cette imputabilité, il faut tout d'abord mettre en place des normes permettant de mesurer les résultats obtenus. Je pense donc que le travail que nous faisons ici constitue une première étape très importante, étant donné que les greffes sont généralement réalisées dans les hôpitaux universitaires—car je ne pense pas qu'on réalise des greffes dans les hôpitaux communautaires, du moins pas à ma connaissance, et j'aimerais qu'on me dise si la réalité est différente—et chaque hôpital fixe ses propres normes; or, on constate que si l'information est partagée, si l'on fixe des normes nationales et si l'on mesure les résultats, la qualité des soins s'en trouve améliorée, qu'il s'agisse de greffes ou de toute autre intervention chirurgicale.

On a publié, la fin de semaine dernière, un article très intéressant sur un rapport concernant le traitement du cancer en Colombie-Britannique par rapport à ce qui se fait dans le même domaine en Ontario. La lecture de cet article m'a suggéré un certain nombre de questions importantes auquel il est impératif de répondre. J'espère que l'imputabilité et les engagements du gouvernement serviront à sensibiliser les Canadiens à la nécessité de mesurer les résultats obtenus, et je pense que les propositions formulées ici vont tout à fait dans le même sens. Une fois qu'on a fixé des normes nationales, on peut exercer un véritable contrôle.

• 1040

Il faut ensuite se demander comment on va exercer ce contrôle. Nous savons qu'il existe un certain nombre d'organismes, notamment des groupes d'accréditation, qui s'intéressent à la question dans les ministères provinciaux. Le facteur essentiel, à mon avis, c'est le partage de l'information au niveau national, pour que tous les Canadiens soient informés des résultats.

Nous nous contentons de mots. Nous dépensons aussi beaucoup d'argent. J'espère donc que ce que nous allons recommander sera conforme au désir profond du gouvernement fédéral qui veut mettre en place dans tout le pays des mécanismes d'imputabilité pour gagner la confiance de tous les Canadiens et pour identifier les problèmes.

Je pourrais sans doute occuper toute la durée de cette séance pour poser des questions sur ces rapports, car je pense que cela fait partie du travail que doit faire ce comité.

On peut effectivement s'interroger sur les mérites de la gestion du risque ou d'une norme nationale et sur le rôle que le gouvernement fédéral peut jouer à cet égard. Je considère personnellement que la formule de la gestion du risque n'est acceptable que si elle s'accompagne de mécanismes d'imputabilité.

Le président: Madame Caplan, est-ce que vous voulez bien reprendre votre souffle?

Mme Elinor Caplan: Excusez-moi. C'est une question qui me tient à coeur.

Le président: Tout le monde s'en rend compte. Mais vous ne posez pas de questions à nos témoins. Vos propos relèvent d'une discussion que je voulais garder pour plus tard. M. Myers attend de pouvoir y participer.

N'y a-t-il pas d'autres questions pour nos témoins?

Je voudrais remercier André LaPrairie et Dennis Brodie d'avoir pris le temps de nous présenter ce rapport. Merci beaucoup, messieurs.

Nous allons prendre un instant pour reprendre notre souffle, puis nous passerons au sujet que j'ai annoncé au tout début. Si vous voulez boire quelque chose, allez-y, mais vous n'avez qu'une minute.

• 1042




• 1046

Le président: Mesdames et messieurs, j'ai demandé à notre attaché de recherche de vous distribuer la lettre que m'a adressée le ministre. Je ne l'ai pas en français. J'espère que les membres du comité, qui savent que nous devrions déjà l'avoir en français, se contenteront d'en recevoir une version française plus tard. Sinon, nous allons être privés de sujets et nous devrons nous en remettre à...

[Français]

M. Bernard Bigras: Je comprends, monsieur le président, mais je souhaiterais qu'à l'avenir, si cela est possible, avant de distribuer un document en anglais, vous attendiez d'avoir le document en français. Je pense que ce sont les règles qui sont établies dans tous les comités.

Pour ce cas, je vais l'accepter, mais la prochaine fois, j'aimerais que les documents soient en français. Je suis convaincu que Mme Picard est intervenue à ce sujet antérieurement. Je n'empêcherai toutefois pas que la lettre soit distribuée aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Merci. Je prends note de votre intervention et j'entends y donner suite. Merci d'avoir accepté ma demande.

Nous pouvons procéder tel que je l'avais proposé. Le ministre nous demande d'étudier cette question et j'ai pensé que nous pourrions étudier officiellement sa demande ici même, étant donné que les membres du comité avaient proposé d'inscrire ce sujet à leur programme de travail au cours de la dernière session. Lors de la dernière réunion, nous n'avons pas fixé les priorités et nous n'avons pris aucune décision, mais quatre thèmes ont été proposés. Il y en aurait même cinq, si l'on tenait à subdiviser l'un des quatre premiers.

Celui-ci en fait partie. Il ne devrait pas accaparer tout le temps du comité. Le délai envisagé par le ministre pour le dépôt d'un rapport est le 30 avril; je vous le signale à toutes fins utiles.

J'ai consulté sommairement la greffière et les attachés de recherche. Compte tenu du calendrier parlementaire, il faudrait que nous terminions nos travaux au plus tard à la fin de mars pour préparer ensuite un rapport, rédiger une ébauche et présenter le rapport à la Chambre. Si l'on s'en tient au calendrier actuel, nous pouvons compter sur deux semaines en février et sur trois à quatre semaines en mars pour notre étude, à condition d'y consacrer tout notre temps.

N'oublions pas que d'autres interventions vont être faites auprès du comité. Nous pouvons soit prévoir des séances supplémentaires—nous ne sommes pas obligés de nous en tenir aux mardis et aux jeudis—soit créer un sous-comité à cette fin.

Nous procéderons comme vous l'entendez, et je ferai preuve de la plus grande souplesse, mais si le comité décide, d'ici cinq minutes, qu'il souhaite consacrer son attention à ce sujet, il serait utile de garder ces considérations d'ordre logistique à l'esprit pour prendre une décision.

Pour lancer officiellement la discussion, il me faut tout d'abord une motion qui va permettre à notre comité d'entreprendre cette étude.

Est-ce que quelqu'un propose cette motion? Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: C'est ce que je propose, monsieur le président.

• 1050

Le président: Est-ce que quelqu'un appuie la motion?

C'est inutile? D'accord. On me tape encore sur les doigts.

Quelqu'un veut intervenir. Monsieur Myers, je vous ai dit que je vous donnerais la parole en premier, parce que vous soulevez une question urgente.

M. Lynn Myers: Merci, monsieur le président. Je veux dire d'emblée qu'à mon avis, plus nous entendons parler de ce sujet très important, plus il semble évident que le comité doit entreprendre les travaux qui ont été proposés.

J'ai été frappé par deux des arguments de M. LaPrairie. Tout d'abord, la nécessité de donner espoir. Il a parlé de la nécessité de donner espoir non seulement aux gens qui travaillent dans ce domaine, mais aussi aux receveurs. Si le comité peut faire avancer les choses, il doit intervenir et jouer fièrement son rôle dans ce processus.

Ensuite, M. LaPrairie a fait référence à l'Espagne. Il a dit qu'on pouvait parler de l'exemple espagnol, mais que l'Espagne a des valeurs et des méthodes différentes. J'espère que je ne déforme pas trop ses propos. Il a dit aussi que nous avons au Canada une culture politique, déontologique et sociale que le comité devrait analyser de façon très détaillée dans l'intérêt de tous les Canadiens.

À cette fin, le ministre de la Santé propose—en ce qui concerne les structures qui existent actuellement, si je comprends bien, que l'on consulte les intervenants avant d'arrêter l'orientation de nos travaux. Il faudrait également se renseigner sur ce qu'ont fait les autres pays. Finalement, il faudrait envisager le rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral dans tout ce processus, car c'est très important. À mon avis du moins, on voit bien ici l'importance des travaux que va entreprendre le comité et de l'orientation qu'il va choisir. C'est un très vaste sujet, qui préoccupe fondamentalement tous les Canadiens. Nous devons donc l'aborder de façon logique.

Je dois vous dire que je me suis inquiété lorsque vous avez parlé des délais—et Nancy a protesté quand vous avez parlé de la fin mars—car il s'agit d'un délai beaucoup trop serré pour se renseigner sur ce genre de sujet. Je ne sais pas si vous avez prévu de faire voyager le comité. Peut-être devrons-nous voyager. Du moins, il faudrait voir si c'est possible.

Je considère que le sujet est d'une importance telle qu'en voyageant dans tout le pays, on pourrait même élever le niveau de conscientisation du public sur la question. C'est une chose à considérer lorsque nous parlerons du programme du comité. Le comité a notamment pour tâche de sensibiliser le public et de lui faciliter la compréhension du sujet. Que l'on ait recours à un formulaire, à la déclaration de revenu ou à quelque autre support, il va falloir de toutes façons informer la population pour lui faire comprendre ce que veut le comité. Je le signale pour que nous en prenions note.

Monsieur le président, vous avez dit au début de la séance qu'il y avait deux façons d'aborder le problème à la lumière de la motion de M. Martin. J'ai trouvé très intéressante votre deuxième proposition, qui consiste à intégrer ce que M. Martin nous a présenté ce matin dans la démarche globale du comité. Voilà ce que je recommande à partir de la motion que j'ai présentée. J'espère que nous agirons en conséquence.

Je le répète et j'insiste, il s'agit-là d'un sujet très vaste et très important, non seulement pour les membres du comité, mais pour tous les Canadiens.

La présidente: Merci, monsieur Myers.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin: Monsieur le président, je pense que ce qu'a dit M. Myers à propos de la conscientisation des Canadiens est très important. Le comité peut jouer un rôle fondamental dans ce domaine. Il peut aussi jouer un rôle extraordinaire dans une perspective nationale, puisque nous venons tous des différentes régions du pays.

En ce qui concerne les délais, une bonne partie de ce que demande le ministre Rock a déjà été réalisée. En fait, la tâche n'est peut-être pas aussi lourde qu'il y paraît à première vue. Une partie du travail a déjà été réalisée par le ministère et, si nous pouvons en faire la synthèse, nous aurons les réponses à plusieurs des questions de M. Rock. Nous pourrons aussi répondre aux autres questions, comme celles de Mme Caplan.

En définitive, j'espère que le comité réussira à regrouper toutes les recommandations formulées dans l'ensemble des études et à les traduire en mesures concrètes. S'il réussit et s'il peut conseiller le ministre sur la façon de concrétiser ces solutions très constructives, nous aurons crevé ce plafond qui nous étouffe depuis 15 ans et nous sauverons un grand nombre de vies.

• 1055

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Wasylycia-Leis: Merci beaucoup.

Je pense que nous convenons tous que c'est l'une des questions importantes auxquelles nous sommes confrontés dans le domaine des soins de santé. Comme comité, nous devons trouver une façon de vraiment examiner certaines des autres suggestions faites à la réunion précédente du comité. Il s'agissait de questions tout à fait essentielles. Je propose donc que nous convenions, soit de constituer un sous-comité qui recommandera une stratégie de mise en oeuvre des recommandations des nombreuses études faites sur les greffes d'organes ou que nous nous en tenions à un examen d'un mois.

Si je fais cette proposition, ce n'est pas parce que la question n'est pas importante, car nous reconnaissons tous je pense qu'elle l'est. Mais je sais, à la lumière des discussions antérieures tenues ici que nous avons abordé plusieurs des questions essentielles et notamment la plus importante, l'avenir de l'assurance-maladie et l'incidence de toute la situation financière et de la question des paiements de transfert sur nos régimes de soins de santé provinciaux. En fait, je pense que nous savons que si nous n'examinons pas ces questions, il ne servira pas à grand- chose de nous pencher sur celle des greffes d'organes.

Il suffit de regarder ce qui se passe aux États-Unis pour ceux qui veulent et ont besoin de greffes d'organes. Je me souviens très bien du cas d'une mère de famille qui avait besoin d'une transplantation du foie. Sa famille a dû payer 150 000 $ pour la faire inscrire sur la liste d'attente. Lorsque la première greffe n'a pas donné les résultats voulus, il a fallu trouver encore 60 000 $ pour la faire inscrire sur une deuxième liste. Cette femme a fini par mourir et sa famille a dû assumer des coûts de plus de 500 000 $.

Cela montre bien, je pense, pourquoi nous devons examiner les questions fondamentales qui touchent notre régime de soins de santé, pourquoi nous devons réévaluer les principes de l'assurance- maladie avant d'aller plus loin. Nous reconnaissons tous que le régime est dans une situation précaire. Notre comité doit placer cette question en tête de sa liste de priorités.

Deuxièmement, je pense que...

Le président: Un instant, Judy. Excusez-moi, j'essaie de suivre ce que vous dites, mais qu'est-ce que vous voulez placer en tête de liste?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je songeais à l'état de notre régime de soins de santé, dont nous avons parlé à la dernière réunion, et je pensais que nous pourrions suivre les suggestions d'Ovide et examiner quelques situations comparables, ainsi que ce qui menace l'assurance-maladie ici au Canada.

Également, il est important pour nous de dire que tout en reconnaissant que la question des transplantations a une grande importance puisque 130 décès par année y sont liés, nous devons aussi songer sérieusement à examiner toute la question du tabac qui provoque 40 000 décès par année. Je pense que nous devons trouver une façon de fixer des priorités, de faire tout le travail nécessaire, sans oublier nos responsabilités comme comité. Je propose donc ou bien de constituer un sous-comité pour examiner la motion M-222 et la mise en oeuvre d'une stratégie telle que proposée par le groupe de travail fédéral-provincial, ou bien de limiter notre étude à une période d'un mois.

Le président: Avant de passer à Bernard, j'aimerais obtenir une précision sur quelque chose que vous avez dit précédemment, puisque vous venez de mentionner encore la période d'un mois.

Lorsque j'ai parlé d'une période de quatre semaines jusqu'au 30 avril, cela ne signifie pas que le comité ne fera rien d'autre au cours du mois d'avril. Je disais que c'était l'échéance pour l'examen, la publication, l'impression, etc. Le comité peut faire autre chose pendant cette période et je ne veux pas donner l'impression que tout le mois d'avril sera réservé à cette seule question. En fait, il en va de même pour tous les rapports que nous allons préparer.

Je tenais à apporter cette précision sur la logistique, Judy. Voilà tout.

Très bien, Bernard.

[Français]

M. Bernard Bigras: Vous avez raison, monsieur le président, il ne faut pas se méprendre. Par contre, la réalité, c'est que toute la question que nous avons étudiée ce matin est une importante question. Celle de l'impact des transferts sur notre système de santé en est une aussi, et il faut le reconnaître. C'est tout l'état du système de santé qu'il faut étudier. Si ce n'est pas une grande question, monsieur le président, je ne vois pas ce que cela peut être, parce que cela couvre beaucoup de choses. À un moment donné, il faut prioriser.

• 1100

Je suis d'accord avec Judy à ce sujet. Je ne dirais pas qu'on s'est entendus la semaine dernière sur cette question, mais il s'agit de tout l'impact de la réduction des transferts sur notre système de santé et sur la façon dont les soins de santé sont dispensés. C'est une priorité.

M. Myers a dit qu'on pourrait voyager partout au Canada pour voir ce qui se fait ailleurs. Je crois qu'il y a moyen d'étudier la question en sous-comité sans se lancer en voyage. Effectivement, on a un rôle de sensibilisation, mais je pense que c'est un rôle de leadership qu'on veut donner à notre comité.

Je regarde les 13 orientations stratégiques regroupées en trois thèmes: normalisation, gestion et éducation. Ce n'est pas clair qu'il y a nécessairement un rôle de leadership important, autant dans l'organisation que dans l'éducation qui est donnée au gouvernement fédéral. C'est mon opinion.

Je verrais très mal notre comité voyager partout au Canada sur cette question. Je suis d'accord avec Judy sur le fait qu'on pourrait étudier la question dans un sous-comité; cela nous permettrait d'en faire le tour. L'enjeu fondamental de ce comité est: comment se porte notre système de santé et quel a été l'impact des transferts fédéraux sur le système de santé?

Il y a d'ailleurs eu une motion de l'opposition à la Chambre des communes la semaine dernière. Tous les partis s'entendaient sur cette question. On a voté hier, je vous le rappelle. À tout le moins, on pourrait voter. Tous les gens s'entendaient sur cette question, sauf, naturellement, ceux du parti ministériel. Ce serait peut-être bon d'en discuter au comité.

[Traduction]

Le président: Madame Caplan?

Mme Elinor Caplan: En fait, je suis très surprise par ces propos, monsieur le président, bien que je ne devrais peut-être pas l'être. Membre de ce comité depuis plus d'un an maintenant, je sais que nous pouvons vraiment effectuer ici du travail important qui aura une incidence directe sur les Canadiens. Compte tenu du fait que le ministre a demandé au comité d'effectuer cette étude, je suis un peu ennuyée que deux de mes collègues d'en face ne voient pas que le comité a une contribution à faire.

La motion de M. Martin, je pense, était un excellent catalyseur. Le comité aura ainsi l'occasion de faire quelque chose de vraiment important et significatif. On a discuté de ces questions au Canada, mais on n'a rien fait. Franchement, cela s'explique par plusieurs raisons de poids, mais le comité peut faire une différence réelle au niveau de l'éducation du public, si nous parlons au public. La seule façon de susciter de l'intérêt pour cette question c'est d'aller dans les provinces, d'apprendre ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, quels sont les obstacles, quels sont les problèmes, et quel doit être le rôle approprié du gouvernement fédéral. La population canadienne aimerait vraiment savoir pourquoi le Canada est une anomalie dans le monde occidental.

Maintenant, que pouvons-nous faire pour jouer le rôle de catalyseur. Il suffirait peut-être de simplement de créer un point de mire, si on peut dire. Si nous mettons en relief ce sujet sur lequel les fonctionnaires ont fait des études, peut-être cette lumière rejaillira-t-elle, ce qui signifiera que ce comité aura fait une différence énorme pour ceux qui attendent des transplantations et qui meurent tout simplement parce que le taux de transplantation et le nombre de donneurs au Canada est extrêmement faible.

La responsabilité des provinces est claire. Personne ne propose de s'ingérer dans les compétences provinciales. Cependant, que ce soit par l'éducation du public, par la création de normes nationales convenues par consensus, par le partage de l'information ou par une procédure qui permet aux provinces, par consensus, d'en arriver à des politiques appropriées, uniformes, porteuses de meilleurs résultats... Ce comité peut apporter une contribution énorme.

• 1105

Les propos des deux députés de l'opposition nuisent énormément à tous les Canadiens. Je pense que nous devons sauter sur l'occasion donnée à ce comité et par M. Martin et par le ministre.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'invoque le règlement.

Le président: Un instant. Attendez un instant, madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Non, je suis tout à fait bouleversée parce que...

Le président: Il y a un rappel au règlement.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le président, je pense que Mme Caplan cite les propos de Bernard et de moi-même hors contexte afin d'appuyer la recommandation du ministre au comité. Nous tentions simplement de faire valoir que plusieurs questions essentielles ont été confiées au comité et que celles-ci méritent un examen approfondi. Tous les membres du comité devraient pouvoir proposer des sujets à étudier.

Nous avons déclaré clairement que nous considérons la question des greffes d'organes et de tissus comme grave. Il y a aussi d'autres questions essentielles et nous avons recommandé de commencer au tout début, c'est-à-dire par la question de l'avenir de notre régime de soins de santé universel. Nous ne voulons pas rejeter, saper ou minimiser les suggestions faites ici, mais nous voulons reconnaître tout simplement la contribution de tous les membres du comité et donner à chacun la même latitude de façon à assurer une approche équitable dans la préparation du plan de travail du comité.

Le président: Je vous remercie.

Madame Caplan, pourriez-vous terminer?

Mme Elinor Caplan: Quel est était l'objet du rappel au Règlement, monsieur le président?

Le président: La députée voulait simplement défendre sa position.

Mme Elinor Caplan: Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.

Le président: Adressez-vous à moi.

Mme Elinor Caplan: J'attache personnellement beaucoup d'importance à cette question. Je l'ai dit la semaine dernière. Comme certains renseignements ont déjà été recueillis, je crois qu'une occasion est donnée au comité de jouer un rôle de catalyseur. J'espère que le comité décidera d'entreprendre cette étude, monsieur le président, car je conviens que nous nous préoccupons tous au plus haut point du bien-être des Canadiens.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna: Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais que nous nous reportions à ce qui a été dit lors de la dernière réunion puisque c'est ce dont il semble s'agir. J'oublie si c'est bien M. Jackson qui a présenté la motion, mais je suppose qu'il nous le dirait si ce n'était pas le cas. Il a proposé que le comité examine les paiements de transfert versés aux provinces au titre des soins de santé. Je croyais qu'il proposait une étude comparative à l'échelle internationale. Je ne me souviens pas que le comité ait convenu d'étudier la question des paiements de transfert.

Si, comme on nous le donne à entendre, le gouvernement met l'accent sur la santé dans le budget, peut-être conviendrait-il de voir ce que cela donnera. Je vois mal comment nous pourrions évaluer la mise en oeuvre du régime d'assurance santé dans tout le pays étant donné que nous n'avons même pas établi quelles devraient être les normes nationales à cet égard. Il n'existe pas de mécanisme ou de système qui nous permettrait d'évaluer la situation. Certains s'opposent d'ailleurs aux normes nationales. Il faudrait d'abord s'entendre sur ces normes avant d'entreprendre ce genre d'étude. Il faudrait que nous puissions nous reporter à un modèle.

Si je ne m'abuse, M. Jackson a recommandé lors de la dernière séance du comité que celui-ci examine les différents régimes de soins de santé en place dans le monde. Le Forum national sur la santé a mis trois ans à préparer un rapport sur les soins de santé au Canada. Ce groupe indépendant a tenu des audiences et a consulté des groupes témoins dans chaque province.

Je crois que nous tournons en rond et que nous cherchons des moyens... Le sujet d'étude qu'on nous propose constitue un élément fondamental du régime de soins de santé. Nous savons déjà dans une large mesure quels sont les problèmes qui se posent dans ce domaine. Je pense que l'occasion nous est vraiment donnée de faire progresser le débat. Nous devrions concentrer nos efforts sur un domaine où nous pouvons réellement exercer une influence. Quel est le problème qui se pose? Pourquoi ne pouvons-nous pas étudier tous ces éléments du système en même temps?

Le président: Je veux donner à chacun l'occasion de pouvoir s'exprimer.

Ovid.

• 1110

M. Ovid Jackson: Nous cherchons tous assurément à améliorer la santé des Canadiens. Tous ces beaux discours à saveur politique ont tendance à nous le faire oublier.

M. Martin est député et il a proposé une bonne idée. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas s'attaquer en même temps aux problèmes majeurs ainsi qu'aux problèmes secondaires. Je ne pense pas qu'on l'ait jamais fait.

Je vois mal comment nous pourrions créer un sous-comité. Notre charge de travail est déjà très lourde. Pour recueillir l'information voulue, il faudrait que les deux comités entendent en même temps des témoins différents pour établir un plan de travail. Je ne sais pas si cela s'est déjà fait.

Je suis un type très pratique. J'aime voir des résultats. Si nous voulons poser un geste concret et sauver des vies grâce à la coopération avec les provinces, nous devrions commencer par nous-mêmes. Autour de la table ici avons-nous tous signé le document qui indique que nous voulons faire don de nos organes, ou en parlons-nous simplement parce que c'est une bonne chose à faire?

Cela fait partie de ce que nous voulons, et chaque voyage commence par un petit pas. Si vous ne sortez jamais du lit, vous n'accomplirez rien. Vous pourriez décider de mettre cela de côté. Le Dr Martin, qui est médecin, dirait: «Voilà quelque chose qui est laissé de côté. Nous en avons des bribes ici et là.» Nous pourrions agir très rapidement, à mon avis.

Puis nous avons cette autre initiative plus générale qui regroupe un grand nombre d'autres mesures que nous devons examiner pour améliorer notre système. C'est la raison de ma présence ici. Je ne veux donc pas argumenter avec des gens à propos de priorités politiques.

Le président: Je vous remercie, Ovid.

Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras: Pour répondre à la question de M. Jackson, oui, j'ai signé ma carte de don d'organes.

Madame Minna, je ne sais pas si vous étiez là jusqu'à la fin du comité...

Mme Maria Minna: J'étais là, oui.

M. Bernard Bigras: Vous étiez là?

Mme Maria Minna: Oui, j'étais présente.

M. Bernard Bigras: Effectivement, je suis d'accord avec vous que la proposition initiale de M. Jackson portait sur une étude comparative des systèmes de santé. Dans la deuxième partie du comité, on s'était pourtant entendus pour qu'il n'y ait pas d'étude comparative...

Mme Maria Minna: Non.

M. Bernard Bigras: Je me rappelle une intervention de Judy.

[Traduction]

Le président: Je ne peux pas entendre plus d'un interlocuteur à la fois.

[Français]

M. Bernard Bigras: Oui, je comprends, mais est-ce que je peux m'exprimer?

[Traduction]

Le président: Un instant.

[Français]

M. Bernard Bigras: Est-ce que je peux m'exprimer, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Un instant. Un à la fois, s'il vous plaît. Il a la parole, il a le micro, laissez-le parler. Je vous remercie.

Allez-y, Bernard.

[Français]

M. Bernard Bigras: J'ai deux commentaires à faire. Premièrement, dans la deuxième partie du comité à la suite, entre autres, d'une intervention de Judy et de moi-même, j'avais modifié la motion de Judy pour qu'elle soit conforme à l'étude de l'impact des transferts sur le système de santé. Je me rappelle très bien cela.

Mon deuxième commentaire est le suivant. Je suis tout à fait d'accord avec M. Jackson: on peut étudier de façon concurrente les deux questions, et l'idée d'un sous-comité vient de là. Pourquoi un sous-comité ne se pencherait-il pas sur cette question fondamentale et sur laquelle on s'entend tous? La greffière pourrait peut-être nous renseigner. Est-il possible que le comité permanent forme un sous-comité sur la question et que le comité permanent commence à étudier l'impact des transferts? Cela nous permettrait de nous ranger à l'idée de M. Jackson, soit d'étudier les deux thèmes de façon concurrente. On pourrait ainsi faire avancer le débat.

[Traduction]

Le président: C'est une proposition constructive, Bernard. Merci beaucoup.

Vous savez, comme vous je suis membre de ce comité et je n'ai entendu personne s'opposer à ce qu'on fasse cette étude. Je pense que là où nous nous sommes heurtés à certaines difficultés, c'était pour déterminer la priorité à lui accorder dans un plan de travail que nous avions demandé à nos attachés de recherche d'établir pour nous tous à partir des propositions qui avaient été faites; un plan de travail que j'ai demandé à un attaché de recherche de préparer pour ce comité d'ici la fin de la semaine prochaine parce que je tenais à ce qu'il s'inscrive dans un calendrier méthodique et soigneusement élaboré. Quoi qu'il en soit, nous l'avons.

Parmi les questions qui ne font pas l'unanimité figure une motion d'un député qui est un membre associé de notre comité. Le comité des procédures a établi l'une des priorités, et nous avons aussi une question sur laquelle le ministre est d'accord avec un député qui n'est pas un député ministériel et qui correspond tout à fait aux priorités dont le comité a discuté. Donc nous avons trois éléments qui peuvent être facilement regroupés comme nous l'avons constaté ce matin. On nous a donné de plus l'occasion de concrétiser certains de ces objectifs au plus vite, sans modifier notre plan de travail.

• 1115

Bernard a proposé notamment de constituer un sous-comité qui ferait ensuite rapport à l'ensemble du comité. Judy a proposé que nous n'oublions pas l'une des autres considérations sur laquelle reviendra le comité une fois que notre plan de travail sera terminé, mais elle n'a pas manifesté d'objections. Elle envisage la question des priorités.

J'espère que je transmets fidèlement ce que j'ai entendu.

Keith a indiqué que toutes les autres questions dont vous parlez sont importantes, mais que celle-ci est immédiate et urgente. Elle devrait être englobée avec toutes les autres, mais il faudrait commencer par cela. Je pense que c'est plus ou moins ce que vous avez dit plus tôt, Keith, même si c'était il y a une demi-heure.

Et Ovid—j'espère que je rends justice à votre exposé—a essentiellement dit la même chose: essayons de voir si nous pouvons faire preuve de sens pratique à ce sujet pendant un instant et décider de ce que nous voulons faire. Les deux autres députés ministériels ont également indiqué leurs préférences. Leur position n'est pas moins valable que celle de qui que ce soit ici, surtout lorsque nous considérons le contexte dans lequel cette proposition a été formulée. Elle ne sort pas de nulle part. Elle a découlé de nos propres discussions avec le ministre qui réagissait à certaines de ces propositions. L'impulsion avait été donnée par la proposition de l'un des membres du comité de la législature précédente qui est maintenant membre associé du comité. Ce n'est donc pas comme si cela émanait d'une quelconque éminence grise en coulisse. Cela a émané directement d'ici.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

Le président: Non, le ministre de la Santé aurait pu indiquer s'il le voulait ou non. Cela était déjà prévu dans nos plans. Si le ministre n'était pas d'accord, tant pis. Si c'était l'une des priorités, c'est ce que nous allions faire. Je pense que c'est la démarche qui avait été adoptée.

J'étais ici toute la semaine dernière aussi, et lorsque je revois mes notes, la question était d'établir ensemble un plan de travail et de déterminer comment nous allions procéder dans certains cas, c'est-à-dire si nous allions étudier les questions en même temps ou l'une après l'autre. Mais ce sont les quatre points qui se sont dégagés, et nous n'avions pas déterminé quelle serait la priorité. La priorité allait être établie dans le plan de travail dont nous serions saisis. J'ai pensé que ce serait une façon pratique de procéder. C'était une façon sérieuse et non partisane de traiter de ces questions—des questions qui d'ailleurs me semblaient, surtout en fonction de la proposition d'Ovid, avoir l'appui de tous. Judy et Grant avaient manifesté leur appui; tout le monde a manifesté son appui. Il y avait peut-être une légère différence dans la façon dont la chose a été présentée. Toutes les questions présentées ont reçu un appui généralisé. Voilà comment je vois les choses. Le fait que le ministre soit aussi favorable à cette mesure que nous envisageons pourrait être un atout. Cela laisse entendre qu'il y aurait de plus fortes chances qu'on y donne suite immédiatement parce qu'un ministre manifeste son accord au début plutôt qu'à la fin.

J'aimerais faire une petite digression. Je disais à la greffière et à l'attaché de recherche ce matin que sur la chaîne Newsworld, à 8 h 30, on présentait certains des produits naturels destinés aux enfants. Bien qu'un grand nombre d'entre nous étions sceptiques quant à l'importance du comité et de son travail, saviez-vous que les spécialistes avaient devant eux le rapport du comité? C'était le document de référence utilisé pour presque la presque totalité de la discussion.

Je ne sais pas si nous devrions nous en féliciter, mais le fait est que le rapport de notre comité est pris au sérieux, et je pense qu'il est pris au sérieux tant par le public que par les décideurs au sein du ministère. Je ne dis pas cela pour encourager qui ce soit ni par paternalisme, mais simplement pour vous donner une indication.

• 1120

J'aurais peut-être tendance à être du même avis qu'Ovid. Toute grande ambition débute par un petit pas. Je ne crois pas que quiconque ici présent ait des objections à faire ce petit pas. Il y a peut-être un problème au niveau pratique et en ce qui concerne l'établissement des priorités—je le reconnais sans difficulté—mais je n'ai entendu personne émettre des objections. Si j'aurais dû entendre une objection, dites-le-moi.

Aurais-je dû entendre un «non» de vous deux?

[Français]

Une voix: Non.

M. Bernard Bigras: Vous nous posez une question. Est-ce qu'on peut...

[Traduction]

Le président: C'était plutôt une question pour la forme.

[Français]

M. Bernard Bigras: Ce que j'aimerais dire, c'est qu'il ne faut pas sous-estimer les sous-comités. Je pense entre autres à une question...

[Traduction]

Le président: Je n'ai pas dit que je n'étais pas d'accord, Bernard.

[Français]

M. Bernard Bigras: D'accord. Je pense, par exemple, à toute la question de l'enlèvement international des enfants, qui a été étudiée par un sous-comité du Comité des affaires étrangères et du commerce international. Des femmes et des hommes, des femmes surtout, qui se font enlever leur enfant se retrouvent dans des pays qui n'ont pas signé de convention internationale. C'est une question importante. Elle a été étudiée par un sous-comité du Comité des affaires étrangères et du commerce international. Le sous-comité s'est penché sur cette question.

C'est donc la preuve que des questions fondamentales comme celles-ci, qui portent sur l'avenir des personnes, peuvent être étudiées en sous-comité. Ce n'est pas parce que c'est étudié en sous-comité que c'est moins important.

Peut-on étudier cette question dans un sous-comité et étudier une question plus large qui touche...

[Traduction]

Le président: Bernard, pour ne pas nous éterniser sur cette question, je conviens avec vous que vous avez fait une proposition très positive. Tout ce que je voulais dire, c'est que je n'ai entendu personne indiquer qu'il ne valait pas la peine d'étudier cette question. Là où il semble y avoir une certaine divergence de vues—et j'insiste sur le verbe «semble»—, c'est sur l'aspect pratique de la chose.

J'aimerais donc aborder une chose à la fois. Je voulais seulement savoir si nous sommes d'accord pour procéder ainsi. C'est tout. C'est une question très simple.

[Français]

M. Bernard Bigras: Je suis d'accord avec vous et je pense qu'on s'entend tous sur ce sujet. J'ai d'ailleurs bien aimé votre résumé de chacune de nos interventions. Par contre, je suis comme M. Jackson: je suis très concret et très pratique. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire? On s'entend tous sur le fait qu'il faut étudier la question, mais on se demande où on va l'étudier.

[Traduction]

Le président: Si vous le permettez, Bernard, cela signifie que nous pourrions sortir du lit, mais que va-t-il se passer avec les milliers d'autres pas que nous allons faire pendant la journée, je fais un pas à la fois.

Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre étant donné que nous ne sommes pas sûrs de ce que vous voulez dire lorsque vous demandez si nous voulons que cela soit étudié par le comité. En fait, c'est sujet à interprétation. Cela pourrait devenir un important projet d'étude pour le comité ou une question qui pourrait être réglée en quelques semaines d'audiences et de conclusions. Je trouve très difficile...

Le président: Permettez-moi de répondre à votre question avant d'aller plus loin, afin que vous sachiez où je veux en venir.

La semaine dernière, le comité a présenté quatre questions. J'ai demandé aux attachés de recherche de nous préparer un plan de travail à partir duquel nous pourrions établir un calendrier. Ce que je propose de faire, si nous voulons adopter la motion dont nous sommes saisis, c'est de nous débarrasser de tous les aspects pratiques qui se rattachent à la motion, puis de l'inscrire dans notre plan de travail à notre retour mardi prochain. Lorsque nous recevrons ce plan de travail, nous tiendrons une séance à huis clos. Nous examinerons alors le plan de travail et déciderons de la façon de procéder. Il n'y a pas de sombre complot là-dedans.

Nous sommes saisis d'une motion. Voulons-nous faire l'étude en question? La question est très simple. Nous nous préoccuperons des détails par la suite.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le président, je ne crois pas que ce soit approprié à ce stade, étant donné que cela va à l'encontre de ce que vous essayé de dire, à savoir que toutes les propositions sont valables et devraient être incluses dans le plan de travail. Nous devrions examiner les propositions et prendre nos décisions en conséquence. La question que je vous adresse est la suivante. Pourquoi, lorsque d'autres propositions constructives ont été présentées au comité, n'avez-vous pas procéder à un vote pour voir ce qu'en pensaient les membres? Je pense que la seule façon de procéder qui soit appropriée...

Le président: Je suis désolé, Judy, mais nous l'avons fait.

Mme Judy Wasylycia-Leis: ... consiste à recueillir toutes les propositions qui ont été faites et à nous présenter ensuite un plan de travail. Nous pourrons alors évaluer les priorités et l'attention qui devrait être accordée à chaque domaine. Il serait très fâcheux et injuste que vous nous demandiez maintenant notre opinion, alors que tout le monde s'entend pour dire que c'est une question importante. Mais nous ne pouvons pas indiquer de façon définitive que ce sera effectivement le principal thème de discussion du comité au cours des six prochains mois.

• 1125

Le président: Judy, vous risquez de voir la décision prise par le comité. J'espère qu'il y aura consensus. J'ai dit qu'on prépare actuellement pour nous un plan de toutes les autres questions, qui nous indiquera les priorités au sujet desquelles nous devrons prendre des décisions.

Aujourd'hui, nous sommes saisis d'une motion; nous n'avions pas de motion la semaine dernière. Donc je propose simplement un compromis. J'ai constaté qu'il y avait consensus la semaine dernière. Et j'ai pensé que c'était aussi le cas ce matin sur cette question en particulier. La dernière chose que nous avons dite la semaine dernière—je tiens à rafraîchir la mémoire de tout le monde à ce sujet—c'est que l'étude d'une question n'excluait pas forcément l'étude d'autres questions. Nous avons indiqué que nous pourrions étudier plusieurs questions en même temps.

Qu'est-ce que cela signifie? Si le comité en décidait ainsi, on pourrait créer deux ou trois sous-comités qui étudieraient en même temps différents sujets. Je ne voudrais cependant pas préjuger de la décision du comité. Nous pourrons prendre cette décision lorsque nous saurons à quoi nous en tenir au sujet du plan de travail.

Ce plan de travail n'existe pas encore. Nous sommes cependant saisis d'une motion qui demande au comité s'il approuve ou non la création de ces sous-comités pour qu'ils puissent commencer leurs travaux. J'aimerais qu'un consensus se dégage à ce sujet et que la décision qui sera prise cadre avec ce qui a été dit la semaine dernière.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Dans ce cas, je propose que nous reportions la mise aux voix de la motion jusqu'à ce que nous ayons le plan de travail.

Le président: C'est possible. Vous pouvez le proposer.

Keith.

M. Keith Martin: Ces questions ne s'excluent pas. Je sais que je suis un membre associé du comité, mais voyons ce qui peut être fait. Je pense qu'il importe de battre le fer pendant qu'il est chaud. Le comité a maintenant l'occasion de vraiment contribuer au débat.

Si cette étude est reportée de quatre ou de six mois, elle ne sera pas aussi pertinente que si elle était entreprise maintenant. Il faudrait surmonter cet écueil... Je crois que nous nous entendons tous pour dire qu'il s'agit d'un sujet important.

Nous convenons tous, je pense, que les sujets abordés par Bernard et Judy sont aussi importants. Il ne serait peut-être pas possible de les étudier en même temps, mais on pourrait tout de même recueillir de l'information sur la question plus vaste du financement des soins de santé. Il serait peut-être possible de le faire pendant que le comité étudie la question des dons d'organe.

Tous ces sujets pourraient donc être abordés parallèlement. On pourrait rassembler de l'information qui pourrait être utile au comité sur ces deux sujets en même temps. Les travaux du comité porteraient cependant sur la question des dons d'organe. Comme je l'ai dit, c'est maintenant ou jamais qu'il faut étudier ce sujet.

Le président: Ovid.

M. Ovid Jackson: Monsieur le président, je pense qu'il sera possible d'établir nos priorités une fois que nous connaîtrons le plan de travail. Voilà où nous en sommes. Peut-être pourrons-nous prendre une décision éclairée lorsque nous aurons vu le plan de travail.

Le président: Bernard.

[Français]

M. Bernard Bigras: J'ai un commentaire très bref à faire par rapport à ce que Keith vient de nous dire.

C'est difficile de traiter de deux questions importantes au comité sans en échapper. J'étais membre du comité avec Charles Caccia, qui était président. Il a l'habitude d'amener beaucoup de sujets en comité. C'est un travailleur acharné. Cependant, mon expérience me dit que deux grandes questions comme celles-là ne peuvent pas être étudiées au comité, car on ne peut pas tout faire en même temps. On ne peut pas mâcher de la gomme et marcher en même temps. C'est impossible. Je pense qu'il faut travailler sur une priorité. Je continue à appuyer la proposition de Judy, soit d'étudier en sous-comité la question des dons. Je n'ai pas de problème avec cela et ça va me faire plaisir de participer aux délibérations du sous-comité. Il faut vraiment que le comité se penche sur une seule question, sinon on va se perdre. C'est mon opinion. Il faut aussi être efficaces. C'est tout ce que je voulais dire.

• 1130

[Traduction]

Le président: Comme certains l'ont dit de façon beaucoup plus éloquente, les questions qui ont été soulevées ce matin se recoupent.

Vous avez peut-être raison de dire que nous devrions étudier un sujet à la fois. Certains comités étudient des millions de choses à la fois. Je préfère concentrer mon attention sur une question à la fois.

Quelqu'un veut-il intervenir une dernière fois? Personne. Voulez-vous reporter la mise aux voix de cette motion jusqu'à la semaine prochaine ou voulez-vous—nous débattons toujours la motion—approuver cette étude?

Ma suggestion vise à régler les problèmes qui se posent. Nous pourrons nous entendre sur les détails une fois que nous aurons examiné la motion.

Je ne sais pas trop ce qu'il convient de faire. Peut-être pourrais-je laisser mon bras ou ma jambe en otage. Je m'excuse, cette blague était sans doute de mauvais goût.

Y a-t-il consensus là-dessus?

Judy, je sais que je peux toujours compter sur vous.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Puisque nous sommes saisis de cette motion, je propose l'amendement suivant: que le comité étudie le sujet des greffes d'organe après avoir étudié l'état du système de soins de santé au Canada et après avoir consulté, dans le cadre de cette étude, les intervenants pour connaître leurs points de vue sur les paiements de transfert fédéraux au titre de la santé.

Le président: Un instant, Judy. J'aimerais faire une remarque avant que vous ne proposiez votre amendement.

Si je ne m'abuse, la façon dont votre amendement est formulé préjuge de la décision que prendra le comité au sujet de ce qu'il fera la semaine prochaine. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Je ne pense pas que vous le pensiez non plus. Peut-être voulez-vous reformuler votre amendement. Je ne crois pas qu'il reflète votre intention. J'espère du moins que ce n'est pas le cas.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je veux faire en sorte, monsieur le président, que tous les enjeux soient traités de façon équitable. Cette motion déterminera nos travaux futurs dans une certaine mesure. Je préférerais qu'on traite de la même façon toutes ces questions. Si vous insistez pour mettre la motion aux voix, je devrais m'abstenir de participer au vote parce que je ne peux pas faire une distinction entre cette question et les priorités du comité.

Le président: Je précise que je n'ai pas proposé la motion.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien.

Le président: Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée, Judy.

Je n'ai pas d'intention cachée. J'ai été très clair. Je ne n'essaye pas d'influencer qui que ce soit. J'ai mis un certain temps à accepter d'autres motions. Je ne compte pas essayer d'amener des gens à abandonner l'idée que le comité se penche sur certaines questions sur lequel il a déjà convenu de se pencher selon le plan de travail qui serait établi. Nous avons déjà demandé à notre personnel d'établir ce plan. Je ne vois pas pourquoi je l'empêcherais de le faire.

Si vous voulez vous abstenir de participer au vote, c'est peut-être la meilleure chose que vous ayez à faire. Nous pourrons ensuite prendre une décision lorsqu'on nous aura soumis tous les plans de travail. Si c'est l'approche que vous comptez prendre, je reviendrai sur la motion en délibéré.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le président, si cela peut faciliter les choses, je retirerai mon amendement à la motion en espérant que vous comprendrez les raisons qui m'ont incité à le présenter.

Le président: Tout à fait.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je veux m'assurer que nous accordions la même importance à toutes les options.

Le président: Je le comprends très bien.

Bernard, je suppose que vous êtes du même avis.

M. Bernard Bigras: Oui.

Le président: Dans ce cas, la motion est-elle adoptée?

(La motion est adoptée)

Le président: Je note qu'il y a deux abstentions.

Je vous remercie. Pour que nous puissions faire tout ce que nous voudrions faire la semaine prochaine...

Mme Elinor Caplan: Je voudrais, monsieur le président...

Le président: Un instant, je vous prie.

En prévision de nos travaux de la semaine prochaine, je dois vous demander d'approuver deux ou trois autres motions. Je peux cependant attendre pour le faire qu'on nous ait présenté le plan de travail.

Vous avez la parole, madame.

• 1135

Mme Elinor Caplan: Je voulais apporter une précision au sujet du plan de travail. Si je ne m'abuse, ce que le comité a décidé de faire, comme l'a suggéré Ovid, est de comparer les différents régimes de santé en place dans le monde pour voir si cette information peut être utile au comité.

M. Ovid Jackson: Peut-être pouvons-nous demander à la greffière de bien vouloir vérifier le compte rendu.

Mme Elinor Caplan: D'après ce que Mme Wasylycia-Leis nous a dit aujourd'hui, c'est la préférence qu'elle avait émise la dernière fois. Aucun consensus ne semble se dégager à ce sujet. À mon avis, les membres du comité s'étaient entendus pour accepter la suggestion de M. Jackson. J'aimerais qu'il n'y ait pas de malentendu à la prochaine réunion, lorsqu'on nous soumettra le plan de travail, sur la nature de cette suggestion. Les attachés de recherche savent-ils ce qu'était cette suggestion?

Le président: Vous vous souvenez bien de ce qui s'est passé. J'ai moi-même demandé aux attachés de recherche d'établir un plan de travail correspondant à chacune des suggestions. Je pensais que cela serait utile au comité qui pourrait, de cette façon, étudier plusieurs suggestions en même temps et pas seulement celle de M. Jackson.

Mme Elinor Caplan: Très bien.

Le président: J'ai pensé que nous saurions tous à quoi nous en tenir.

J'espère ne pas avoir offensé qui que ce soit. Comme je l'ai dit il y a quelques instants, je n'essaie pas d'influencer qui que ce soit. J'essaie simplement de faire en sorte que le comité dispose de l'information voulue pour prendre une décision éclairée.

Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: À ce sujet, je pense qu'il convient de mettre les pendules à l'heure. Lors de la dernière réunion, un certain nombre d'entre nous avons fait des suggestions dont Ovid. Il a proposé qu'on fasse une étude comparative des divers systèmes de soins de santé dans le monde. J'ai fait trois suggestions. Je les ai même faites par écrit. Bernard a proposé qu'on étudie la légalisation de la marijuana à des fins médicales. Il a été aussi question de la greffe d'organes.

D'après le règlement qui régit le comité, toutes ces suggestions sont toutes aussi valables les unes que les autres. Il n'y a pas eu de vote. Aucune suggestion n'a fait l'objet d'un consensus. Par esprit de coopération, on a dit que l'idée d'Ovid et la mienne se complétaient bien. Je crois que Bernard l'a dit, ainsi que Grant Hill.

C'est là où nous en sommes restés. Les suggestions n'ont pas été classées dans un ordre quelconque et n'ont fait l'objet d'un vote. Voilà l'équité dont je parle, monsieur le président.

Le président: Judy, je ne vois pas pourquoi vous vous fâchez. Je viens de confirmer tout ce que vous avez dit.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je réagis à ce qui a été dit autour de la table.

Le président: Judy, je vous demande de vous en tenir à ce que je vous ai dit puisque je n'ai pas changé de position. J'ai dit—et je m'adressais aussi aux députés ministériels—qu'un plan de travail serait établi pour chacune des suggestions qui avaient été faites et pas seulement pour celle de M. Jackson. Cela vaut donc pour vos trois suggestions et celles de Keith Martin et de Bernard.

Une fois que ces plans de travail seront connus, nous pourrons prendre une décision éclairée qui, je l'espère, reposera sur un consensus. Je ne voudrais pas que la majorité impose son idée à la minorité.

Je ne pense pas m'être écartée du tout de cette ligne de conduite, Judy. Vous avez le droit d'exprimer la position de votre parti, mais le comité comprend également le président et le personnel. Vous pouvez me faire confiance.

Mme Elinor Caplan: J'aimerais soulever un dernier point avant que le comité ne suspende ses travaux. Il y avait quelques personnes dans la salle ici aujourd'hui. Je leur ai parlé. Je ne les avais jamais rencontrées. Je ne les connaissais pas. Je leur ai demandé quel était le sujet qui les intéressait. Elles m'ont dit qu'elles s'intéressaient à la question des greffes d'organes. J'ai pensé que M. Martin les avait invitées.

Ma collègue est allée se présenter à ces mêmes personnes. Elle leur a demandé comment elles avaient appris que le comité se réunissait aujourd'hui. Elles ont dit qu'elles avaient consulté l'Internet. C'est de cette façon qu'elles ont appris que cette réunion serait publique. Elles sont venues voir si le comité comptait étudier la question des dons et des greffes d'organes. Quelqu'un qui leur est cher attend une greffe du rein. J'ai pensé que ce renseignement intéresserait les membres du comité.

• 1140

[Français]

M. Bernard Bigras: Je tiens à ajouter, cependant, qu'il y a effectivement une partie qui est publique, mais il y a aussi une partie qui aurait dû être à huis clos, soit celle dont on vient de parler, l'étude de nos travaux. On aurait pu faire cela entre nous parce que, naturellement, à huis clos, on peut discuter d'éléments qui nous amènent à être à fleur de peau et c'est normal. À mon avis, la deuxième partie des travaux aurait dû être à huis clos, ce qui n'a pas été le cas.

[Traduction]

Le président: Eh bien, nous n'avions pas de motion pour passer à huis clos, alors j'ai simplement demandé aux gens de partir à moins que le sujet ne les intéresse. Très franchement, je n'avais pas prévu que nous passerions tant de temps sur cette question. J'avais cru que nous pourrions la régler assez rapidement. Mais pour la première fois depuis Noël 1972, j'ai eu tort.

Des voix: Oh, oh!

Le président: De toute façon, la séance est levée jusqu'à nouvelle convocation du président. Merci chers collègues.