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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 1er décembre 1998

• 0907

[Traduction]

Le vice-président (M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.)): Bonjour. Je m'excuse d'être en retard, car j'ai appris il y a quinze minutes seulement qu'on me demandait de présider la séance.

En l'absence de notre président habituel, Joe Volpe, je voudrais solliciter le consentement unanime du comité pour passer à la présentation de notre rapport même s'il n'y a pas quorum. Merci.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin des membres du Conseil de recherches médicales du Canada, notamment le Dr Henry Friesen, président du CRM.

Docteur Friesen, auriez-vous l'obligeance de présenter les membres de votre groupe qui interviendront ce matin? Nous vous inviterons ensuite à commencer votre exposé. Je vous souhaite la bienvenue, nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.

Dr Henry Friesen (président, Conseil de recherches médicales du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs. Nous sommes heureux d'être ici pour vous parler du CRM.

Je suis accompagné ce matin de membres du groupe de la gestion supérieure: Dr Mark Bisby, directeur des Programmes; M. Guy D'Aloisio, directeur des Services de gestion; et Dr Howard Dickson, expert-conseil invité. Le Dr Dickson participe à un programme innovateur dans le cadre duquel des personnes qui ont une grande expérience de la recherche décident de passer quelque temps au CRM. Il vient de terminer un mandat de douze ans à titre de vice-doyen à la recherche de la Faculté de médecine de l'Université Dalhousie. Il s'intéresse à la question de l'éthique et il abordera le sujet quand des questions surgiront à cet égard. Je suis accompagné également de M. Marc LePage, notre directeur de l'Expansion des affaires. Et, avec votre permission, monsieur le président, je voudrais vous demander de permettre au Dr Alex MacKenzie, de l'Université d'Ottawa, d'exposer comment les applications de la recherche changent quelque chose dans la vie des enfants.

Avec votre permission, voilà donc les personnes qui seront disposées à aborder divers sujets de discussion et à répondre aux questions.

Le vice-président (M. Reed Elley): Nous sommes très heureux d'accueillir également le Dr MacKenzie.

Je vous remercie beaucoup. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous ce matin pour nous faire un exposé. Veuillez commencer.

Dr Henry Friesen: Le Conseil de recherches médicales du Canada est l'un des trois conseils subventionnaires fédéraux. C'est le principal organisme qui finance la recherche dans le domaine des sciences de la santé. Notre mandat est simple et direct: favoriser, aider et entreprendre des recherches pures, appliquées et cliniques dans le domaine des sciences de la santé, de même que conseiller le ministre.

• 0910

Le conseil a été créé en 1960 en tant que section ou ramification du Conseil national de recherches du Canada. Comme c'est le cas de nombreux organismes, le conseil a changé et évolué considérablement depuis ce temps. On m'a fait l'honneur de me confier la direction des affaires du conseil en 1991, et l'organisme a par la suite connu une importante réorientation stratégique à la suite de vastes consultations.

Le conseil avait une fière tradition de soutien de la recherche biomédicale pure. Étant donné l'avis que nous avons obtenu à l'issue de nos consultations, il nous a semblé que nous devions élargir l'éventail de la recherche dans notre organisme afin d'embrasser l'ensemble de la recherche en santé; que nous devions poursuivre notre quête de l'excellence dans le soutien des sciences reliées à la santé; mais que nous devions également nous appliquer à évaluer soigneusement tout ce que nous faisons. En conséquence, étant donné surtout les nouvelles réalités auxquelles tous les gouvernements étaient confrontés, nous avons reconnu que le gouvernement ne pouvait faire les choses seul, que nous faisions en fait partie d'un monde qui était interdépendant et interrelié—un monde interrelié sur le plan des sciences, mais aussi sur le plan des possibilités de financement qu'offrent notamment les organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé, les organismes provinciaux et le gouvernement fédéral, de même que, de plus en plus, le secteur de l'industrie des soins de santé.

Marc LePage est entré au conseil et a insisté sur la valeur et l'effet de levier que les partenariats pourraient nous procurer. Dans notre plan d'entreprise, nous avons exposé une vision selon laquelle nous pourrions utiliser le financement de base fourni par le gouvernement fédéral pour développer les possibilités de financement en partenariat avec les organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé et en partenariat avec l'industrie. C'est ainsi que nous avons réussi depuis cinq ans à mobiliser plus de un milliard de dollars pour soutenir la recherche.

Le programme le plus innovateur a peut-être été le Fonds de découvertes médicales canadiennes, une initiative inspirée par le CRM à l'origine, qui est maintenant l'investisseur le plus important dans les sciences de la vie au Canada. Il a recueilli auprès de plus de 70 000 Canadiens d'un bout à l'autre du pays près de 300 millions de dollars qui sont maintenant investis dans de jeunes entreprises, qui font effectivement partie du secteur en pleine croissance de l'industrie des soins de santé au Canada—dont bénéficient des talents canadiens développés sur place et des découvertes canadiennes exploitées et développées pour la première fois à cette échelle grâce à une initiative menée par le CRM. Une bonne partie du mérite doit en être attribué à Marc LePage qui a développé cette activité.

Le Conseil exerce ses activités d'un océan à l'autre. Il s'occupe d'une question d'une importance cruciale pour les Canadiens: leur santé. Il est important que le comité reconnaisse que la recherche est le pilier de notre système de santé et de la santé des Canadiens. Je veux parler des nouvelles connaissances qu'elle produit et qui informent les Canadiens et les aident à faire de bons choix en termes d'habitudes de vie. La recherche fournit également la force de renouveau qui introduit de nouvelles thérapies efficaces et elle les évalue sur une base scientifique de sorte que l'on prenne de bonnes décisions en termes d'interventions dans le système de santé.

Quand on compare le conseil d'aujourd'hui à ce qu'il était à sa création en 1960, on est étonné de constater les changements. Le Conseil a été créé deux ans après que j'ai obtenu mon diplôme de médecine. Il est stupéfiant de voir ce qui existait alors par rapport à ce qui existe aujourd'hui. Comme nos connaissances étaient rudimentaires! Il serait vraiment impossible de gérer notre système de santé aujourd'hui si nous faisions encore face à toutes les pressions de l'époque, si rien n'avait changé. Les Canadiens le comprennent intuitivement et le reconnaissent.

Lors d'un sondage que nous avons effectué récemment, les deux tiers des Canadiens qui ont répondu ont mis l'investissement dans la recherche en santé au deuxième rang de leurs priorités, juste derrière l'investissement dans le système de santé. Cela nous a étonnés. Mais quand on songe un instant à la générosité avec laquelle les Canadiens contribuent aux organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé, on ne peut qu'y voir l'expression suprême de leur confiance et de leur sentiment intuitif que la recherche a vraiment une incidence importance sur la vie de leur famille et sur leur vie propre.

• 0915

Les fonds du CRM sont distribués d'un océan à l'autre, à quelque 150 institutions centrées dans certaines de nos grandes universités. Notre portefeuille nous permet de subventionner environ 2 400 scientifiques. Le nombre des techniciens et travailleurs de soutien qui collaborent à leur travail doit probablement tourner autour de 10 000. Dans un sens, nous sommes donc le principal bailleur de fonds pour environ 10 000 personnes engagées dans la recherche en santé au Canada.

L'année dernière, après plusieurs années de compressions budgétaires, nous avons obtenu, dans le cadre d'une révision des programmes, une importante augmentation de nos crédits qui s'est révélée très utile. Cela a constitué un très bon premier pas, comme l'a reconnu notre ministre, car cela nous a permis de financer toute une gamme de nouveaux produits. Cette intervention a vraiment été bien accueillie, car nous éprouvions énormément de difficultés à tâcher de gérer un système qui faisait l'objet de fortes pressions du fait que le financement avait diminué.

Au moment où nous nous apprêtons à entrer dans un siècle nouveau, nous croyons que le Canada tient une occasion de faire des affaires différemment—et c'est différemment d'une manière qui est importante. Nous voyons l'occasion de faire l'inventaire de tous les actifs dont se compose l'activité de recherche en santé et de les mailler ou relier ensemble pour servir à une fin nationale afin de faire de la recherche en santé un pilier de notre système de santé, et constituer un réseau que nous avons appelé les Instituts canadiens de recherche en santé. Il s'agit d'une occasion, à mon avis, de mobiliser les ressources existantes. Il ne s'agit pas d'édifier de nouvelles structures, mais de voir de nouvelles possibilités avec des yeux neufs et de profiter pleinement de ces possibilités pour le bien des Canadiens et de leur santé.

Cela dit, mes collègues et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir à nous poser.

Le vice-président (M. Reed Elley): Merci beaucoup, docteur Friesen. C'est avec beaucoup d'intérêt que nous écoutons tous ce que vous avez à dire. Nous aurons sûrement tous des questions à vous poser.

Comme j'ai moi-même la fierté de dire que j'investis dans le FDMC, je tiens beaucoup à entendre parler de ses activités. Je suis avec beaucoup d'intérêt ce que le Dr Cal Stiller et d'autres font avec l'argent que j'y investis. Pouvez-vous me parler un peu de ce que fait actuellement le FDMC, et de certains des projets auxquels il participe?

Dr Henry Friesen: Je vais présenter le sujet, puis je céderai la parole à Marc LePage. Il connaît parfaitement bien l'arrangement de partenariat que nous avons avec le fonds.

L'initiative a vraiment reconnu que nous avions à notre compte de très bonnes découvertes au Canada, mais que ces découvertes canadiennes étaient malheureusement trop souvent mises en valeur par des capitaux américains. Cela constituait souvent la première étape pour attirer des talents canadiens aux États-Unis, où étaient mises au point certaines de ces idées brillantes dont la découverte avait été financée par les Canadiens. Il nous fallait ensuite racheter, à des prix gonflés, certaines de ces découvertes une fois mises au point. Nous avons demandé au Boston Consulting Group d'examiner cette question pour nous, et ces consultants nous ont dit à l'époque—c'était en 1992—qu'il y avait au Canada un manque de capital de risque à cette étape initiale de la découverte. Cela nous a alors amenés à travailler avec d'autres, dont le Dr Stiller, les syndicats et l'Institut professionnel de la fonction publique. Nous y avons trouvé un fonds de capital de risque de travailleurs qui nous a permis de créer le Fonds de découvertes médicales canadiennes.

Pour faire ce que la loi qui a créé le fonds de capital de risque de travailleurs visait à faire, soit fournir des capitaux de risque pour financer des projets de développement canadiens—le fonds s'est employé avec beaucoup de dynamisme à trouver des projets de développement partout au Canada. Le Dr MacKenzie est d'ailleurs un bénéficiaire de l'une de ces possibilités d'investissement que le FDMC a identifiées. Ce dernier a formé une petite entreprise. Marc et Alex peuvent peut-être vous raconter un peu comment cela fonctionne et même comment cela a préparé le terrain pour d'autres investissements que le FDMC a effectués.

M. Marc LePage (directeur, Expansion des affaires, Conseil de recherches médicales du Canada): Pour compléter peut-être ou pour conclure cette intervention, je suppose qu'en votre qualité d'investisseur, vous avez reçu récemment votre rapport annuel.

Le vice-président (M. Reed Elley): Je ne voulais cependant pas transformer cette séance en réunion d'actionnaires.

Des voix: Oh, oh!

M. Marc LePage: Le sommaire du rapport annuel nous a rappelé que le FDMC fonctionne depuis trois ans. Il s'agit encore d'une expérience très nouvelle. Ce qui est frappant à ce propos, c'est qu'après trois ans de fonctionnement, il a réussi à recueillir beaucoup d'argent, d'une part—ce qui est très important, car la recherche coûte cher.

• 0920

Le fonds a été très fructueux. Il compte 70 000 actionnaires, soit plus que la Banque Royale ou la Banque de Montréal ou les autres banques. Cela représente une très vaste et très nombreuse participation. Le portefeuille regroupe environ 40 entreprises. Beaucoup d'entre elles en sont à la phase initiale de leur développement, beaucoup d'autres aussi en sont à la phase intermédiaire et quelques-unes seulement en sont à la dernière phase de leur développement. L'idée à la base du FDMC était d'intervenir réellement à la phase initiale, celle où les entreprises éprouvent le plus de difficultés.

Plus intéressant encore peut-être est ce que le FDMC a mis sur pied récemment et qui augure vraiment bien pour l'avenir, à savoir les investissements de capitaux de démarrage. Il a formé deux sociétés, l'une appelée University Medical Discoveries Inc., qui couvre tout le Canada sauf le Québec, et l'autre Medtech, qui couvre le Québec. Elles font des investissements de l'ordre de 50 000 $ à 250 000 $, qui sont problématiques pour tout le monde. Ces investissements se font en un sens avant même la création d'une entreprise, au moment où il s'agit encore d'un projet de recherche, mais qui présente un potentiel commercial. Ces deux sociétés regroupent environ 25 investissements à l'heure actuelle, et le mouvement s'accélère. Ils correspondent à autant d'entreprises que nous verrons naître d'ici un an. Il s'agit d'un très riche pipeline, tout à fait unique au Canada.

En songeant à l'avenir, je pense que nous avons connu un très bon départ. Il y a beaucoup d'énergie et de dynamisme à l'oeuvre dans le secteur. On peut probablement anticiper une certaine consolidation. Il y a beaucoup de petites entreprises et il y a un certain nombre d'initiatives stratégiques en cours. On pourrait s'attendre à voir dans les mois à venir quelques fusions et un effort pour atteindre une masse critique. Il y a des entreprises qui auraient suffisamment de poids pour soutenir la concurrence à l'échelle internationale, car il ne s'agit pas d'être les meilleurs au Canada; il faut être les meilleurs au monde. On n'a pas le choix de se classer deuxièmes; il faut être les premiers.

Sur ces mots, je pourrais peut-être céder la parole au Dr MacKenzie, qui a à relater l'histoire très typique d'un effort de commercialisation à l'étape initiale.

Dr Alex MacKenzie (pédiatre et directeur, Laboratoire de génétique moléculaire, Hôpital des enfants de l'Est de l'Ontario): Bonjour. Je m'appelle Alex MacKenzie. Je suis généticien et pédiatre à l'Hôpital des enfants, ici à Ottawa. Je m'exprimerai en réalité d'un point de vue de clinicien et de scientifique, car je ne peux pas vraiment parler autant de l'aspect financier.

En 1991, j'ai reçu ma première subvention du Conseil de recherches médicales, d'un montant de 57 000 $, sauf erreur, pour étudier une maladie appelée amyotrophie spinale. Il s'agit d'une maladie mortelle chez les nourrissons. C'est une maladie désastreuse qui cause la mort au cours des 12 premiers mois. C'est l'équivalent, en pédiatrie, de la maladie de Lou Gehrig, ou de la SLA, la sclérose latérale amyotrophique. Nous avons entrepris de chercher le gène à l'origine de cette maladie. En 1995, nous avons eu la bonne fortune de trouver le gène qui constitue, pensons-nous, un important modificateur lié à ce problème. Il s'est révélé que c'est un gène qui garde les cellules nerveuses en vie. En fait, c'est Marc qui a signalé qu'un gène qui garde les cellules nerveuses en vie peut présenter un avantage commercial. Grâce aux efforts surtout de mon collègue, Bob Korneluk, ce dernier et moi avons lancé une petite entreprise de biotechnologie, appelée Apoptogen Inc., qui cherche des moyens d'activer ces gènes qui auraient le potentiel de traiter les attaques d'apoplexie, la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson, de même que l'amyotrophie spinale.

Dans un sens, je m'estime incroyablement chanceux. Nous avons vraiment gagné à la loterie avec le clonage de ce gène. Je ne m'y connais pas vraiment en matière de finances et de bénéfices, mais, en tant que pédiatre, je sais qu'à partir de l'investissement initial des 57 000 $ auxquels se chiffrait la première subvention du CRM, nous disposons maintenant d'une mise de fonds de 20 millions de dollars pour découvrir comment ces gènes pourraient fournir une thérapie permettant de traiter ce problème foetal chez les nourrissons. Le simple fait de regarder à travers cette lentille a eu un effet extraordinairement positif sur nous. Il y a beaucoup d'excellents travaux scientifiques qui ont été effectués ici au Canada—pas à San Diego, pas à Boston, pas en Angleterre—et cela, d'un point de vue économique, constitue une bonne nouvelle, tout autant que d'un point de vue scientifique et clinique.

Le vice-président (M. Reed Elley): Merci beaucoup.

Auriez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Dickson?

M. Howard Dickson (expert-conseil invité, Conseil de recherches médicales du Canada): Si on me le permet.

Je viens de l'extérieur, pour ainsi dire. Le Dr Friesen a dit que j'étais un expert-conseil invité au CRM. J'y suis depuis trois mois. Au cours de la période où j'ai exercé les fonctions de vice-doyen à l'Université Dalhousie, j'ai observé une transformation absolument formidable de la culture au sein des centres médicaux universitaires. Vous devriez savoir quel changement énorme des gens comme Marc LePage et Henry Friesen ont apporté en transformant cette culture. J'irais jusqu'à dire qu'à l'époque où je suis devenu vice-doyen à l'Université Dalhousie, il ne devait pas y avoir plus d'une ou deux personnes dans toute notre faculté de médecine qui auraient compris qu'il est important de protéger leur propriété intellectuelle et, plus encore, comment s'y prendre pour le faire.

• 0925

Au cours des 12 années où j'ai été vice-doyen, il s'est produit un changement extraordinaire dans cette culture. Les gens comprennent vraiment l'importance de leurs travaux et ils tiennent à ce que les fruits des recherches qu'ils entreprennent aient des répercussions économiques pour le Canada de même que des répercussions sous l'angle des soins de santé. Il s'est donc produit un énorme changement, et l'exemple que le Dr MacKenzie nous a décrit n'est pas un cas isolé. Des exemples comme celui-là se produisent maintenant partout au Canada.

Le vice-président (M. Reed Elley): Merci.

Judy, avez-vous une question?

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): J'ai quelques questions.

Je suis désolée, j'ai manqué la première partie de votre exposé, Dr Friesen. Vous avez donc peut-être déjà répondu à certaines de mes questions.

J'aimerais avoir des précisions sur ce que nous devrions surveiller et tâcher d'obtenir en pensant au budget fédéral, en ce qui a trait à la recherche médicale. Bon nombre d'entre nous commencent à bénéficier d'une pétition sous forme de cartes postales qui se déroule d'un bout à l'autre du pays pour demander que 1 p. 100 du budget des soins de santé soit investi dans la recherche médicale. Où en sommes-nous quant à l'objectif fondé sur la hausse consentie dans le dernier budget et qui nous a ramenés au niveau de financement de 1994, si je me souviens bien? Pour ce qui est d'en arriver à 1 p. 100, que devons-nous espérer? Est-ce réaliste? Est-ce une possibilité dans le prochain budget fédéral? Quels conseils pourriez-vous nous donner quant aux pressions que nous devrions exercer pour atteindre un objectif acceptable?

Dr Henry Friesen: Merci beaucoup de me poser cette question. Je n'en ai pas parlé précisément, mais j'ai insisté sur la possibilité que nous avons dans notre pays.

Tant le premier ministre que le ministre des Finances... Je me souviens en particulier des paroles du ministre des Finances quand il a conclu son exposé économique. Il avait signalé qu'il y en avait qui se contenteraient d'une deuxième place, mais que lui et le gouvernement entrevoyaient la possibilité que nous devenions les meilleurs du monde, et que c'était bien sûr souhaitable. Dans la recherche sur la santé, je pense que nous pouvons aspirer à devenir les meilleurs. Le système de soins de santé du Canada est le programme le plus apprécié et le plus louangé, et cela devrait aller de pair avec, à la base, le meilleur régime de recherche.

Dans le cadre mondial, et surtout face aux États-Unis, le monde de la recherche est devenu très attrayant, compte tenu de l'importance du financement dont jouissent nos collègues américains. Il y a à peine trois ou quatre semaines, quand le Congrès a adopté son budget équilibré, notre homologue américain, les National Institutes of Health, a obtenu 2 milliards de dollars de plus. Cet organisme recevait probablement déjà quatre fois plus que nous par habitant. Ces conditions intéressantes incitent fortement les meilleurs du Canada à émigrer au Sud. C'est donc un enjeu d'importance.

Cela me préoccupe beaucoup, quand je lis le rapport de l'Institut C.D. Howe au sujet de l'exode des cerveaux, de constater que c'est très réel et très coûteux. C'est coûteux parce que, si l'on pense uniquement au secteur de l'éducation, ces départs représentent une perte de 400 millions de dollars pour l'économie canadienne.

Ce qui est malheureux, c'est que, si nous ne rendons pas nos conditions assez intéressantes pour que les Canadiens expatriés aient envie de revenir, sans compter les Canadiens ayant des diplômes de niveau postdoctoral qui pourraient choisir de rester ici, nous courons le risque de perdre ce capital intellectuel.

La semaine de sensibilisation à la recherche sur la santé, à laquelle vous avez fait allusion, avec l'objectif de 1 p. 100, a été organisée par les hôpitaux universitaires de tout le pays. On en compte au moins 70 ou 75. Les hôpitaux ont réclamé, dans cette perspective, une situation qui permettrait d'effacer les frontières scientifiques et d'intégrer le réseau des Instituts canadiens de recherche en santé, de créer des liens géographiques et institutionnels, de faire en sorte que ces instituts soient intégrés au système de soins de santé et qu'ils en fassent partie intégrante. Ainsi, les chercheurs seraient unis dans le but commun d'améliorer la santé des Canadiens. C'est l'objectif à viser. C'est l'initiative que nous devrions vouloir financer au moyen du réinvestissement de 1 p. 100 du coût des soins de santé.

• 0930

En tant que vaste coalition de groupes d'intérêts, regroupant les organismes de charité voués à la santé, les hôpitaux universitaires, les organismes de santé provinciaux, le conseil des sciences sociales et les intéressés de ce domaine ainsi que l'industrie, bref en tant que coalition d'intérêts sans précédent dans le domaine de la santé, nous avons rencontré le ministre le 30 octobre. Nous lui avons présenté cette perspective. Après nous avoir entendus, il a dit qu'il défendrait énergiquement cette initiative. C'était une affirmation résolue. Je pense qu'il comprenait à quel point il importe d'avoir des fondements solides en recherche pour assurer la santé de la population et étayer notre système de soins de santé—en fait, pour constituer une force de changement dans ce domaine.

L'objectif est de 1 p. 100, ce qui représenterait 750 millions de dollars. C'est une somme très substantielle, mais si on y pense par rapport au coût du système de soins de santé, soit 78 milliards de dollars, c'est vraiment un niveau approprié que le gouvernement fédéral pourrait considérer comme un investissement dans un domaine incontesté, en tant que responsabilité fédérale, dans le secteur des soins de santé. Si nous visions cet objectif... On ne dit pas que tout cela devrait se produire dès la première année, mais que cela devrait être considéré comme un objectif approprié pour notre pays. Je crois que c'est adéquat. Actuellement, le financement de la recherche représente environ 0,33 p. 100.

C'est un défi majeur. Ce ne sera pas facile. C'est une question de priorités et de choix, mais dans un monde moderne qui s'apprête à entrer dans le XXIe siècle, si la santé doit figurer dans le budget, je pense que la plupart des gens reconnaîtraient facilement que la recherche doit inévitablement constituer un élément important.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai d'autres questions, mais je peux...

Le vice-président (M. Reed Elley): Oui, merci.

Mme Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci beaucoup.

Je vous remercie d'être venus nous rencontrer. Je sais que vous êtes tous très occupés, et nous apprécions que vous ayez pris le temps de venir pour nous en dire un peu plus sur le travail important du Conseil de recherches médicales.

J'ai beaucoup de questions à poser, mais celles qui m'intéressent particulièrement ont trait aux résultats de la recherche.

Même si nous savons, par exemple, que les États-Unis dépensent beaucoup plus que nous, les résultats des recherches du CRM et leurs retombées ainsi que les emplois créés m'impressionnent beaucoup, parce qu'ils sont très importants. J'avais pensé vous donner une chance d'en parler un peu, puis de parler de l'efficacité du travail que vous faites.

Les gens veulent en savoir plus au sujet de ce qu'ils obtiennent pour leur argent. Franchement, je pense que nous en avons beaucoup plus pour notre argent, au Canada, que les Américains. Est-ce vrai? Je pense que les faits le prouveraient.

Dr Alex MacKenzie: Au moment présent, je devrais être à une réunion d'un comité d'examen en génétique. Je fais l'école buissonnière. Nous étudions 50 demandes.

Vous avez absolument raison. Les résultats sont fantastiques, mais une importante proportion des demandes de subventions que nous examinons maintenant et que nous jugerons très bonnes ou même excellentes n'obtiendront pas de financement.

Laissons les autres parler des résultats fantastiques. Je suis très conscient des difficultés que connaissent des chercheurs très qualifiés—et je ne parle pas des barbes grises comme moi. Je parle de chercheurs de 32 ans, qui commencent tout juste leur carrière. Ils en sont à leur première, deuxième ou troisième année de recherche et, quand ils demandent le renouvellement de leur subvention, ils essuient un refus. L'offre qu'ils ont reçue des États-Unis leur semblera d'autant plus attrayante.

Je ne veux pas vous contredire, mais il y a beaucoup de recherches qui manquent de financement, actuellement, à mon humble avis.

Dr Henry Friesen: Je vais commencer, puis j'inviterai le Dr Bisby, notre directeur des programmes, à expliquer davantage par des exemples.

Hier soir, au téléjournal, nous avons appris la merveilleuse histoire du Dr Lorne Tyrrell, qui a découvert le premier vaccin antiviral de l'hépatite B. Le Dr Tyrrell est le doyen de l'Université de l'Alberta, et il poursuit toujours son programme de recherche.

• 0935

Il y a environ 10 ans, nous avons versé une petite subvention au Dr Tyrrell. Je crois que c'était 50 000 $. Le Dr Tyrrell avait pensé que, s'il pouvait cultiver des cellules de foie de canard, ce serait un très bon outil de dépistage des agents antiviraux, des agents anti-hépatite, parce que le virus de l'hépatite est difficile à cultiver. Il avait raison. Il a dépisté toute une série de composés, et la même molécule exactement que BioChem Pharma avait synthétisée s'est avérée être l'agent le plus efficace pour traiter l'hépatite. La molécule 3TC—la même qui vient d'être approuvée par Santé Canada, la semaine dernière, et qui est mise en marché sous le nom de lamivudine—est le premier agent efficace contre l'hépatite B. Cela changera la vie de millions de personnes dans le monde entier.

Certains d'entre vous le savent probablement, le 3TC est un élément clé dans le traitement du SIDA. Il génère plus d'un milliard de dollars de ventes aux quatre coins du monde. BioChem Pharma est la troisième société de biotechnologie en importance dans le monde, et emploie 1 500 Canadiens. C'est aussi grâce à une subvention du conseil, versée il y a 14 ans, que la société a fait cette découverte remarquable, qui a d'énormes répercussions. On estime maintenant que la vente de l'agent de lutte contre l'hépatite B générera des ventes peut-être encore plus importantes que le 3TC. C'est un exemple.

Le deuxième exemple que je pourrais donner a trait aux techniques du génie. Nous avons, pendant un certain nombre d'années, vu avec intérêt le Dr Keon appliquer de nouvelles découvertes importantes dans le domaine de la chirurgie cardiaque. Avec ses collègues, il a mis au point le premier coeur artificiel implantable dans l'organisme. C'est l'une des sociétés pionnières, qui a maintenant capitalisé 20 ou 30 millions de dollars je crois...

M. Marc LePage: Près de 100 millions de dollars, maintenant.

Dr Henry Friesen: Cent millions de dollars. Encore une fois, cela donnera à des personnes souffrant d'insuffisance cardiaque globale une chance d'avoir une meilleure qualité de la vie, si les événements se déroulent comme nous le prévoyons.

On pourrait citer de nombreux exemples, dans différents domaines. Dans le domaine des maladies infectieuses, le Dr Plummer et ses collègues de Winnipeg ont fait des découvertes extraordinaires relativement à certains mécanismes de résistance qui ont pour effet de protéger contre le VIH, semble-t-il. Ces études n'ont pas été réalisées au Canada. Les premiers travaux ont été réalisés grâce à la collaboration d'un groupe sous la direction du Dr Ronald, à Nairobi, au Kenya. La science est une activité internationale. La maladie ne connaît pas de frontières, et dans ce monde où les voyages sont tellement rapides, ces maladies nous menacent tous de plus en plus. Nous devons donc avoir des conditions qui nous permettent de détecter tant les risques que les dommages potentiels.

Il y a un domaine où je remarque qu'il faudrait faire plus, c'est celui des maladies du prion, par exemple la maladie de la vache folle. Dans ce domaine, la science a fait des progrès, mais les connaissances sont toujours relativement rudimentaires. Si nous n'investissons pas davantage en tant que pays, nous courons les mêmes risques que l'Angleterre. L'industrie du boeuf est très importante chez nous. Si nous ne sommes pas armés, équipés et préparés, nous pourrions avoir de graves problèmes dans notre pays, et nous serions pris au dépourvu. Bien sûr, certains de ces domaines ont des conséquences également pour notre système d'approvisionnement en sang, qui devient donc une dimension importante du besoin de s'assurer que nos travaux de détection des risques environnants sont adéquats, afin que les Canadiens soient protégés contre les risques, là où la science nous permet de les détecter et de les prévenir.

Le cancer du sein et de la prostate sont d'autres exemples. Nous avons, dans notre pays, une sommité mondiale dans ce domaine, le Dr Fernand Labrie, à Québec. Il travaille sur les hormones, dans le domaine de l'endocrinologie. C'est aussi mon domaine de recherche. Je connais donc passablement bien le sujet.

• 0940

Selon le Dr Labrie, si l'on peut bloquer complètement toute activité de fabrication d'oestrogènes avec des inhibiteurs et synthétiser des molécules appropriées qui seraient meilleures que les agents actuels, on pourrait trouver des agents plus efficaces. Ses travaux ont permis l'utilisation expérimentale d'une nouvelle molécule qui pourra encore une fois, à mon avis, remplacer avantageusement le tamoxifène dans le traitement du cancer du sein à un stade avancé. Cette maladie touche trop de Canadiennes.

Le cancer de la prostate est un énorme problème. C'est l'équivalent, pour les hommes, du point de vue de son incidence, de son importance et du taux de mortalité qu'on lui attribue. L'investissement dans ce domaine est très insuffisant au Canada, compte tenu de l'importance de la maladie. Le Dr Labrie a, encore une fois, mis au point une méthode de traitement complètement nouvelle qui est maintenant appliquée dans le monde entier. Il a aussi créé une société, un peu comme le Dr MacKenzie, qui a grandi en taille et en importance. Je crois qu'elle embauche maintenant quelque 700 à 800 personnes.

Dr Alex MacKenzie: Nous devrions avoir cette chance.

Dr Henry Friesen: Quand je voyage, je suis impressionné de constater la vitalité des recherches en santé, surtout au Québec. Je crois que nous pouvons en tirer des leçons utiles. Nous avons essayé d'appliquer certaines de ces leçons dans l'ensemble du pays.

La collaboration est très évidente au Québec, et c'est une performance impressionnante. Le réseau établi entre les chercheurs s'est développé à un point qui, selon moi, peut servir de modèle et d'exemple pour le reste du pays. Ses résultats sont impressionnants.

Mark.

M. Mark Bisby (directeur des programmes, Conseil de recherches médicales du Canada): Je veux présenter d'autres exemples un peu différents qui expliquent pourquoi le conseil finançait surtout, autrefois, la recherche biomédicale. Beaucoup des exemples que le Dr Friesen a donnés étaient d'ailleurs dans ce domaine de recherche.

En 1993, à la suite de la planification stratégique dont le Dr Friesen a parlé, le conseil a élargi son mandat pour s'intéresser à tous les domaines de recherche en santé. Nous avons maintenant des comités d'examen par les pairs qui peuvent évaluer des demandes de subventions dans les domaines des services de santé, de la recherche, de la santé publique ainsi que dans le domaine plus vaste des facteurs de santé psychosociaux et comportementaux.

Je vais présenter quelques exemples d'études que nous finançons dans ces domaines pour vous donner un aperçu du mandat élargi du conseil et de l'impact que cela peut avoir sur la santé des Canadiens.

Comme vous le savez, beaucoup de personnes âgées ont des problèmes. Elles tombent et se fracturent une hanche. Cela entraîne généralement de longs séjours à l'hôpital et de longues périodes de rééducation. Susan Jaglar, de l'hôpital Sunnybrook de l'Université de Toronto, étudie un programme qui permet à ces patients de sortir plus vite de l'hôpital et d'avoir leurs séances de rééducation dans le confort et la sécurité de leur foyer.

Je pense que vous pouvez comprendre que, si ce programme est jugé fructueux, il présentera des avantages appréciables pour les hôpitaux, en matière de coûts, et pour les personnes âgées qui sont victimes de ces fractures, dont la qualité de vie s'en trouvera améliorée, parce qu'elles préfèrent nettement être chez elles que dans le milieu aride des hôpitaux.

De la même façon, Gina Brown, infirmière à l'université McMaster, étudie un programme conçu pour permettre au personnel infirmier qui soigne les patients à la maison, après leur sortie de l'hôpital, d'avoir accès à plus d'information. On constate que quelque 20 p. 100 de ceux qui sont réadmis à l'hôpital après en être sortis une première fois y reviennent en raison d'un problème quelconque lié aux médicaments. Le problème le plus courant est une combinaison de médicaments qui ne convient pas.

Gina étudie un programme qui enseignerait au personnel infirmier comment mieux informer les patients au sujet des médicaments qu'ils prennent. Elle croit qu'environ 50 p. 100 de ces réadmissions pourraient être évitées si le personnel infirmier chargé des soins à domicile était mieux préparé. On voit encore une fois le potentiel d'économies directes pour le système de santé et d'amélioration de la qualité de la vie.

• 0945

Judith Chipperfield, de l'Université du Manitoba, étudie les stratégies que les personnes âgées handicapées ou souffrant de divers problèmes chroniques utilisent pour accomplir les tâches quotidiennes. À partir d'un échantillon de la population, elle essaie de démêler les stratégies qui donnent aux patients le sentiment de maîtriser leur propre vie de celles qui leur donnent l'impression de dépendre des autres. Je suis sûr que vous comprendrez que, si elle peut trouver quelles sont les stratégies gagnantes et les enseigner à l'ensemble des personnes âgées, cela permettra d'améliorer grandement leur qualité de vie.

Bien sûr, d'autres recherches montrent que, quand les gens ont davantage l'impression de maîtriser leur propre vie, ils sont plus en santé. Il y a un lien direct entre la santé et la maîtrise de sa vie.

Ce ne sont que quelques exemples des recherches ayant trait à la santé que le conseil finance maintenant. Je pourrais poursuivre encore longtemps, mais ce n'est probablement pas nécessaire. Je pense que vous êtes en mesure de comprendre que, outre les recherches dans le domaine biomédical, qui ont souvent des effets très importants sur la santé à plus long terme, ces études dans le domaine de la santé peuvent avoir un effet immédiat, à court terme et non négligeable sur la santé des Canadiens.

Le vice-président (M. Reed Elley): Je vous remercie monsieur Bisby.

Je pense que M. Jackson a une question.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vais probablement aborder la question sous un angle différent en raison de mon expérience. Je sais que Bill Gates dépense près de 3 milliards de dollars par an et il ne sait même pas si ça mènera à une découverte. Donc, ce n'est pas le montant qui compte, mais bien la façon dont l'argent est dépensé.

J'aimerais vous poser deux questions. Les Américains réussissent très bien parce qu'ils attirent des jeunes du monde entier. Tout le monde veut aller aux États-Unis, y compris les Canadiens. Je voudrais donc que vous me disiez comment garder nos jeunes ici. C'est ma première question: Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire de plus?

Deuxièmement, est-ce que nos universités se débrouillent aussi bien que les universités américaines? Je sais que les membres de la Ivy League ont un système de recrutement dans le cadre duquel ils vont dans le monde entier chercher des jeunes qui ont des talents spéciaux et leur offrent des bourses. Est-ce que nous faisons suffisamment de recrutement pour nous assurer une juste part des découvertes nouvelles? Je pense que c'est très important pour les Canadiens.

Dr Henry Friesen: Ce sont des questions importantes. J'ai rencontré hier soir des membres du Groupe consultatif sur l'évaluation par les pairs. Ce sont des chercheurs qui, comme Alex, se portent volontaires pour évaluer les demandes de subventions de recherche que nous recevons. Nous en étudions près de 2 000 par an et nous accordons entre 400 et 600 subventions par an. C'est une tâche très lourde.

L'un de ces chercheurs se lamentait de la situation actuelle. En effet, auparavant, les jeunes diplômés qui travaillaient dans son laboratoire, ou ceux qui étaient plus avancés et qui cherchaient à se perfectionner ou à poursuivre des études postdoctorales, et qui pour ce faire allaient aux États-Unis, prenaient pour acquis qu'ils reviendraient ensuite au Canada. Mais ces dernières années, il s'est aperçu de plus en plus souvent que beaucoup d'entre eux y trouvent l'environnement plus attrayant qu'ici. Quand on leur fait une offre pour revenir, ils l'étudient et, comme dans le sport, je suppose, si ce qu'on leur offre aux États-Unis est plus intéressant, ils décident de rester et d'accepter le meilleur contrat. Je pense que c'est une question de possibilités.

Selon une analyse de ces questions faite par l'Institut C.D. Howe, c'est une question de possibilités, particulièrement dans le domaine de la santé et des sciences—contrairement à celui de la gestion où les salaires et les impôts revêtent une importante dimension. Est-ce que les gens dont la passion est la recherche pensent qu'ils peuvent poursuivre des travaux de recherche de calibre international dans ce pays? Si la réponse est oui, ils sont heureux de revenir même pour un salaire moindre parce que la qualité de vie est meilleure ici.

Il y a donc des facteurs autres que le salaire. Pour un chercheur, la possibilité de faire de la recherche de calibre international est un élément important.

Nous avons un bon exemple de cela dans la personne d'un jeune homme qui, à mon avis, est l'un des trésors du Canada dans le domaine de la génomique. Il vit entre McGill et Boston où il va toutes les semaines. Il est canadien, a fait ses études à McGill, puis il est allé à l'Institut de technologie du Massachusetts à Boston où il a acquis de l'expérience dans le domaine de la génomique, l'une de ces sciences de pointe. Il est très fidèle à son pays. Nous lui avons offert une subvention de 100 000 $ à 200 0000 $—ce qui est énorme au Canada—mais aux États-Unis il a de 3 à 4 millions de dollars et toute une équipe à sa disposition. C'est pourquoi il fait l'aller et retour toutes les semaines. Je crains qu'un jour Tom Hudson en ait assez de ce manège et je m'inquiète pour tous ceux qui sont dans la même situation.

• 0950

Donc, dans les domaines stratégiques, nous devons faire des choix stratégiques. Si nous voulons jouer à ce jeu, il faut que nous soyons aussi bons que les meilleurs. Il faut que l'environnement soit attrayant. M. Bisby a fait une analyse. Il a suivi 160 Canadiens qui étaient partis aux États-Unis. Sur ces 160, je pense que 7 ou 20...

M. Mark Bisby: Le ratio était de 6 à 1 environ. Il en partait six pour chacun qui revenait.

Dr Henry Friesen: Un autre exemple se trouve dans le Burroughs Wellcome Fund; ce concours est ouvert aux Canadiens comme aux Américains. Dix-huit des récipiendaires du Canadian Burroughs Wellcome Fund avaient une adresse aux États-Unis et seulement quatre étaient domiciliés au Canada.

M. Mark Bisby: Si je puis répondre aussi à votre question de savoir si nos gens sont à la hauteur dans ce concours très distingué qui s'adresse à des jeunes qui entreprennent une carrière scientifique, je dirai que le taux de succès des candidats canadiens était de deux à trois fois plus élevé que celui des candidats américains.

Dr Henry Friesen: Ils sont donc bel et bien à la hauteur.

Une autre mesure de la qualité—Mme Caplan a parlé de la qualité—est le Howard Hughes Institute, qui appuie des programmes dans le monde entier. La moitié des récipiendaires étrangers était au Canada.

Vous demandez si les universités sont agressives et entrepreneuriales et si elles offrent le genre de stimulants qui assurent que les Canadiens poursuivent leurs études ici. Je perçois un changement considérable d'approche et d'attitude de la part des universités. En un sens, elles vont maintenant chercher la clientèle étudiante. À une réception en l'honneur d'anciens de l'Université de Toronto, j'ai entendu le président mettre l'auditoire au défi non pas de donner de l'argent à l'université, mais d'envoyer leurs enfants à l'Université de Toronto, en disant qu'elle offrait le meilleur enseignement au monde, de même que les meilleurs mécanismes d'assistance possibles en fait de bourses d'études.

À la question de savoir si les universités font preuve d'imagination pour s'assurer que les Canadiens poursuivent leurs études au Canada, je crois que la réponse est oui. Des innovations très importantes surviennent dans ce secteur.

Le vice-président (M. Reed Elley): Merci, Dr Friesen. Je crois que Mme Wasylycia-Leis a une question à poser.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je voudrais revenir sur la question de l'exode des cerveaux. Vous avez dit tout à l'heure que celui-ci nous coûte 400 millions de dollars. S'agit-il du prix que nous payons en possibilités et en retombées perdues pour notre économie ou de ce qu'il en coûte à notre pays pour former des scientifiques?

Dr Henry Friesen: Il s'agit de ce dernier coût, de l'investissement dans le capital intellectuel des Canadiens, que nous exportons malheureusement aux États-Unis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Pour ce qui est de la question concernant le budget général que j'ai posée, si je vous ai bien compris, nous aurions besoin, pour que le budget de la recherche médicale soit équivalent à 1 p. 100 du budget des soins de santé en général, de quelque 750 millions de dollars additionnels.

Dr Henry Friesen: Il faudrait 500 millions de dollars, plus les 250 millions de dollars du budget du CRM, pour atteindre ce but. Il s'agit donc de 500 millions de dollars en fonds nouveaux.

Mme Judy Wasylycia-Leis: C'est 500 millions de dollars d'argent nouveau.

Dr Henry Friesen: Oui.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Et vous dites que tant qu'on s'engage à répartir cela sur deux ou trois ans...

Dr Henry Friesen: Nous estimons qu'une période de trois à cinq ans est un objectif tout à fait raisonnable. C'est un défi, mais il est valable, je crois. Ma foi, il est tout d'abord valable par comparaison avec les États-Unis. Il est aussi valable comparativement avec ce qui se fait dans le Royaume-Uni. Outre le budget du CRM au Royaume-Uni, le système national des soins de santé a décidé, il y a quatre ou cinq ans, de viser à accorder 1 p. 100 du coût du système national des soins de santé à la recherche. Cela commencerait à donner au Canada une position concurrentielle au plan international en créant un environnement qui garderait les Canadiens au Canada.

Mme Wasylycia-Leis: Cet objectif couvrirait-il vos propositions ou la nouvelle notion que vous avancez autour des ICRM? Est-ce que cela fait partie de l'objectif général?

• 0955

Dr Henry Friesen: Oui car, à leur base même, les Instituts canadiens pour la recherche médicale supposeraient une approche intégrée au financement de la recherche. C'est ainsi que l'appui fédéral à la santé et à la réalisation de programmes dans un secteur incontesté de la santé, à savoir la recherche, pourrait se manifester dans tout le pays d'une manière que les Canadiens reconnaîtraient. Cela fait partie de l'environnement qu'approuveraient les Instituts canadiens de la recherche médicale. C'est un réseau virtuel d'instituts qui relie les Canadiens au-delà des thèmes, des frontières scientifiques et des disciplines et qui vise deux objectifs.

Le premier objectif consiste à améliorer la santé des Canadiens. Il ne s'agit pas seulement de recherche médicale, mais de santé et de recherche médicale. La distinction est importante. Mais vous devriez aussi voir le produit de cet investissement, à savoir la plate-forme de connaissances ou de découvertes qui encourage la croissance et les possibilités économiques. Bien sûr, nous estimons que cela pourrait créer au Canada jusqu'à 40 000 à 50 000 emplois de grande valeur et bien rémunérés.

Mme Wasylycia-Leis: La notion d'ICRM vise donc non seulement à intégrer les activités de recherche au Canada, mais aussi, pour employer vos propres mots, à étendre le mandat de ce qui est depuis toujours considéré comme de la recherche. Nous commencerons donc au Canada à établir des liens plus proactifs entre la maladie et les facteurs déterminants de la santé, à savoir les facteurs économiques et sociaux qui influent sur la santé et le bien-être, etc. Est-ce bien cela?

Dr Henry Friesen: Oui, c'est exact. Nous estimons qu'il faut absolument reconnaître l'importance des facteurs déterminants de la santé. Ils font partie de cette activité. Le Canada jouit d'une avance importante dans ce domaine, compte tenu du travail important de Fraser Mustard et de ses collègues à l'Institut canadien des recherches avancées. Les facteurs déterminants de la santé sont absolument vitaux.

On a aussi l'occasion d'essayer de comprendre les liens biologiques qui existent entre les déterminants sociaux et la santé. Ces liens ne sont pas compris. On a donc l'occasion de lier la recherche en sciences sociales et la recherche fondamentale.

Quatre domaines sont envisagés. Il y a le domaine des sciences sociales. Il y a la recherche en services de santé qui permet de s'assurer que ce qui se passe dans le système de santé est efficace. Des essais cliniques doivent être menés pour recueillir des faits afin que notre système de soins de santé repose davantage sur des faits. En outre, bien évidemment, il faut investir dans la recherche fondamentale. Ces quatre thèmes feraient partie de ce réseau.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Espérez-vous réserver une partie du budget général du Conseil de recherches médicales à cette nouvelle notion?

Je m'explique. J'ai une raison pour poser ces questions. Une des lettres que j'ai reçues est adressée au premier ministre par un professeur de l'Université du Manitoba qui dit s'attendre à ce que 150 millions de dollars soient alloués dans le budget de février à la notion d'ICRM. En plus de cela, cette notion nécessiterait 300 millions de dollars et 500 millions de dollars respectivement pour les deux années subséquentes.

Je me demande seulement si cela est conforme à votre position. Est-ce bien ce que nous devrions insister pour avoir? Comment cela se justifie-t-il?

Dr Henry Friesen: Je crois que le gouvernement décidera du rythme et de l'importance des versements en fonction de toutes les autres pressions budgétaires. Je crois important de fixer un objectif. Le groupe de travail qui a piloté cette initiative a présenté ces recommandations et ces propositions. Mais je crois qu'il a reconnu aussi que le rythme peut être dicté par des considérations autres que celles-ci.

Il importe beaucoup de se décider à faire que notre pays soit vraiment concurrentiel au plan international. Cette initiative nous rapprocherait de cet objectif.

Le vice-président (M. Reed Elley): Merci, Dr Friesen.

J'ai été plutôt indulgent pour ce qui est de l'attribution de temps, comme vous vous en êtes probablement aperçu. Mais nous avons d'autres personnes qui désirent poser des questions. Je soupçonne qu'il nous reste probablement 15 minutes ici et je veux m'assurer que tout le monde pourra poser ses questions.

• 1000

M. Nault, vous avez une question à poser.

M. Robert D. Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai probablement quatre ou cinq questions à poser, mais il semble que je n'aurai pas le temps de les poser toutes. Je m'en tiendrai donc à seulement deux.

La première concerne le financement. Disons que vous cherchez un projet de recherche et que des subventions sont accordées à une personne en particulier, le Dr MacKenzie, par exemple. Je ne veux pas m'en prendre à lui aujourd'hui, mais comme il est ici, pourquoi pas? Disons que le gouvernement et vous faites un premier investissement. Qu'il s'agisse de 60 000 $ ou de 6 millions de dollars, le gouvernement fédéral aura-t-il des intérêts financiers dans l'affaire? Si vous dites au gouvernement que vous voulez 700 millions de dollars de plus, quels intérêts financiers le gouvernement fédéral tirera-t-il de projets de recherche particuliers qui finiront, inévitablement ou dans certaines conditions, par engendrer une entreprise très riche? Notre placement rapportera-t-il des dividendes?

Vous pouvez soutenir que vous créez des emplois, mais si, en fait, vous voulez accroître les moyens dont le gouvernement dispose pour participer à cet effort, si vous voulez optimiser les dépenses, pourquoi le gouvernement du Canada ne prendrait-il par une participation dans des projets qui permettent à certains de devenir très riches? Dans votre intervention, vous avez donné des exemples de gens qui ont très bien réussi non seulement au plan des découvertes médicales, mais aussi au plan commercial.

Tout d'abord, je voudrais que vous m'expliquiez comment les choses fonctionnent, selon vous. Est-ce que d'autres pays s'y prennent différemment pour susciter une activité plus intense? Le gouvernement du Canada investit, mais il n'obtient qu'un rendement minime, si l'on fait abstraction de l'emploi, pour dire les choses assez crûment.

L'autre question, que j'essaie de soulever à presque toutes les séances de comité auxquelles j'assiste, est celle du monde autochtone. Que faites-vous de ce côté? Il se trouve que je représente 51 premières nations. Ce que j'ai constaté, au cours de mes déplacements dans le nord de l'Ontario, c'est que les populations autochtones sont aux prises avec des difficultés particulières que nous les négligeons.

Je songe à deux choses. La première est le problème de l'inhalation de solvants, d'essence et d'autres produits semblables. Il semble se faire assez peu de recherche sur les effets de ce phénomène. L'autre problème est le taux de suicide, qui est très préoccupant. C'est une question de santé mentale. Dans vos documents, je ne vois aucune recherche appliquée là-dessus, à moins qu'il ne s'agisse de la filière pharmaceutique. Je me préoccupe des différences culturelles et de ce genre de facteurs sur lesquels les médicaments sont sans effet.

Voilà mes deux questions, l'une sur l'investissement, l'autre sur la question autochtone.

Merci, monsieur le président.

M. Marc LePage: Je vais répondre à la question qui concerne l'investissement. Notre approche a consisté à nous concentrer sur la croissance, pour que l'industrie progresse très rapidement. Nous sommes plus ou moins engagés dans une course contre le reste du monde. La biotechnologie fait ses premiers pas. Il est plus important d'acquérir la masse critique pour que nous ayons une industrie autonome de la biotechnologie et des instruments médicaux.

Nous avons accompli beaucoup de progrès. Je dirais que nous avons adopté la formule Équipe Canada. Les autres joueurs de notre équipe sont Revenu Canada et le ministère des Finances. Ce que nous n'arrivons pas à obtenir directement par une participation, nous l'obtenons au plan de l'emploi et des recettes fiscales. Le moyen que nous avons employé pour garantir tous ces avantages au Canada, c'est surtout le Fonds de découvertes médicales canadiennes. Nous avons aussi fait appel à d'autres fonds associés dont le mandat se résume à faire des investissements au Canada. Nous savons que ce qui va se faire va se faire au Canada. La commercialisation ne se fera pas à l'étranger.

Dr Alex MacKenzie: Les universités sont également partie prenante.

M. Marc LePage: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais, dans notre cas...

M. Robert Nault: Permettez-moi de donner un exemple pour m'expliquer. Revenons à ce pauvre Dr MacKenzie, qui sera quelqu'un de prospère, un jour. Je l'espère pour lui. Ce n'est qu'un exemple.

Disons pour les besoins de la cause que le gouvernement du Canada accorde 100 000 $ au Dr MacKenzie pour qu'il commence ses recherches. Il connaît une éclatante réussite. Pour cela, il signerait un contrat disant qu'il cédera en retour au gouvernement du Canada une participation de 1 p. 100. J'accepterais volontiers cette participation de 1 p. 100. S'il finit par avoir 2 000 employés, tant mieux pour lui, mais j'obtiendrai 1 p. 100 pour le gouvernement du Canada. Cet argent peut être réinjecté dans la recherche appliquée. Il y a donc là un élément de politique sociale, et le taux de participation est équitable.

• 1005

C'est ce que nous faisons avec les entreprises dans le domaine du développement régional. Nous prenons régulièrement des participations. Quelle est la différence entre ces entreprises et celles du domaine de la santé qui réussissent très bien? Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose dans le cas du Conseil?

M. Marc LePage: Nous envisageons certainement la chose. Nous y avons songé. Cela dépend probablement du degré de maturité de l'industrie. C'est une question qui va prendre de plus en plus d'importance à l'avenir. Nous pourrions sans doute aller plus loin de ce côté.

C'est en 1994-1995 que nos efforts sur ce plan ont commencé. Aux États-Unis, où le gouvernement fédéral exerçait un contrôle central sur la propriété intellectuelle, on a constaté qu'il y avait effectivement un contrôle absolu sur la participation, mais que les transferts technologiques se résumaient à fort peu de chose. Il y avait donc un contrôle absolu sur un bien petit gâteau. Lorsque le régime a été libéralisé, il y a eu une croissance exponentielle, une croissance bien plus rapide.

Jusqu'à maintenant, nous avons adopté cette attitude. Libéralisons donc le régime. Que les progrès se fassent le plus rapidement possible ! Dans les années à venir, lorsque l'industrie prendra de la maturité, nous pourrions intervenir. Pour l'instant, je crois pour ma part que nous ralentirions probablement le processus. Vous auriez peut-être une participation, mais il y aurait moins d'entreprises, à mon avis.

M. Robert Nault: Mettons que je suis un homme d'affaires dans le domaine de la santé. Je suis le Dr MacKenzie, et j'ai besoin de 1 million de dollars pour faire démarrer mon entreprise. Supposons que je ne peux pas trouver l'argent dans le secteur privé. Je m'adresse au gouvernement du Canada ou au Conseil: si vous me donnez 1 million de dollars, je vous céderai une participation de 1 p. 100. Je saisirais tout de suite cette occasion, parce que le rendement serait fort alléchant. On ne trouve l'équivalent nulle part ailleurs dans le secteur privé.

Avec le temps, lorsque le Conseil parviendra à s'autofinancer... Cela fait partie du processus. On demande aux gouvernements de réduire les impôts et de faire une foule de choses. Mais, comme la recherche est importante, il doit y avoir un certain réinvestissement dans le système sans qu'on demande sans cesse de l'argent frais au ministre des Finances pour soutenir la concurrence des entreprises des États-Unis ou d'ailleurs.

Dr Alex MacKenzie: C'est ce que nous faisons en cédant une participation à l'université. Mais nous pourrions appliquer cette logique jusqu'au bout. Ce sont les universités qui demandent les subventions. Mais nous pourrions dire que, en plus de l'université, il y aurait 1 p. 100 qui va au conseil subventionnaire. L'idée ne me répugne pas.

Dr Henry Friesen: Il y a deux ans, nous avons été les hôtes d'une réunion internationale portant sur les mécanismes de financement au XXIe siècle. L'un des documents qui ont été déposés à cette réunion portait justement sur cette approche. L'idée a suscité un vif intérêt.

Comme Marc l'a dit, nous avons pour le moment adopté une certaine position au sujet des Canadiens et des institutions canadiennes, publiques ou privées. Alex l'a dit, l'université, qui est une institution publique en un sens, détient une participation de plus en plus importante. C'est différent de ce qui a souvent été le cas par le passé, où la formule préférée était celle des frais de licence. À long terme, une participation au capital est probablement une formule qui rapporte plus, pourvu qu'on soit patient. Mais les universités n'ont pas souvent été patientes. La question va donc rester à l'étude.

Votre deuxième question portait sur la population autochtone et les importants problèmes de santé qui la touchent. J'y ajouterais le problème du diabète. Certains de ces problèmes font ressortir l'importance des déterminants sociaux de la santé. Un certain nombre de ces facteurs se rapportent au milieu social qui influe sur les choix que font les membres des collectivités autochtones.

C'est une question importante à nos yeux. Nous avons certains programmes qui portent sur les déterminants sociaux de la santé. Ils concernent certains aspects que vous avez énumérés, par exemple le syndrome de l'alcoolisme foetal. C'est un problème extrêmement important pour la collectivité autochtone.

Les problèmes du suicide et de l'usage des solvants ne sont pas abordés dans l'optique particulière de la collectivité autochtone. Au bout du compte, il faudra que des chercheurs travaillent avec la collectivité autochtone. Comme vous le comprendrez, compte tenu de vos propres antécédents, de votre expérience et de votre intérêt en la matière, la collectivité autochtone doit participer à l'élaboration du programme de recherche et s'approprier ce programme. Il faut que des chercheurs soient en prise là-dessus. C'est un défi.

• 1010

De plus en plus d'autochtones commencent à acquérir ou ont déjà acquis les compétences nécessaires pour mener les programmes de recherche dont vous parlez. C'est un dossier que nous surveillons de très près.

En ce qui concerne le diabète, de très importants programmes sont déjà en route, avec un accent particulier sur le diabète chez les autochtones, où l'incidence est beaucoup plus élevée que dans le reste de la population.

Le vice-président (M. Reed Elley): Merci beaucoup, docteur Friesen.

Nous allons laisser M. Myers poser la dernière question et vous aurez ensuite le dernier mot, messieurs.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai été rassuré de vous entendre dire, docteur Friesen, que la recherche va au-delà du biomédical; elle porte sur la santé en général. Vous avez parlé à un moment donné de l'intégration et des systèmes qui sont inhérents à ceci ou à cela.

Je m'intéresse aux soins infirmiers. J'ai examiné les subventions d'exploitation par domaine de recherche en 1997-1998. En y jetant un rapide coup d'oeil, on est porté à penser que ce secteur est au dernier rang de vos priorités. Pourriez-vous expliquer quelle aide vous accordez aux sciences infirmières? Elle semble se limiter à 0,2 p. 100. Pourquoi en est-il ainsi? Vous pourriez peut-être expliquer maintenant?

Dr Henry Friesen: La question des sciences infirmières, ainsi qu'elle est définie dans le tableau, dépend en partie de la désignation retenue. Je pourrais poser une question plus fondamentale: qu'est-ce que la recherche en sciences infirmières? Celle qui est faite par des infirmières? Je crois que c'est la définition employée dans ce tableau.

Ces recherches subissent une rapide transformation, comme toute la profession infirmière. Il n'y a pas si longtemps, Mary Ellen Jeans, directrice générale du Programme national de recherche et de développement en matière de santé, ancienne doyenne à McGill et aujourd'hui directrice générale de l'Association canadienne des infirmières et infirmiers, me disait qu'elle avait été la première ou la troisième, ce qui est bien peu, à décrocher un doctorat en sciences infirmières.

Le nombre des détenteurs de doctorat en sciences infirmières a commencé à augmenter très rapidement, et cela commence à se traduire par une augmentation du nombre de demandes de bourses de recherche présentées par des infirmières. Comme nous avons élargi notre portefeuille et que nous avons maintenant trois comités qui s'occupent des services de santé—questions psychosociales et comportementales et santé de la population—nous nous attendons à une augmentation substantielle du nombre de demandes des infirmières qui font de la recherche.

Je me suis entretenu il y a une quinzaine de jours avec la Canadian Association of University Nursing Teachers, si le titre est exact, au sujet de la conception, de la structure des instituts canadiens de recherche en santé. Je leur ai carrément lancé un défi: proposez votre idée d'institut de recherche en sciences infirmières dans ce cadre-là. De quoi cela aurait-il l'air? Quelles seraient les exigences, pour ouvrir des possibilités? Deuxièmement, compte tenu des divers instituts—qu'il s'agisse de recherche sur les maladies cardiaques, sur la santé de l'enfant ou de la mère—comment la recherche en sciences infirmières pourrait-elle s'intégrer, comme composante de tous ces instituts, tout comme cela s'est fait pour les sciences sociales, qui sont présentes dans tous les instituts?

Parmi les professionnels de la santé, les infirmières sont, et de loin, le groupe le plus important. Mais je crois que le développement universitaire des programmes atteint rapidement un niveau de maturité auquel la recherche biomédicale est parvenue il y a quelques dizaines d'années. Il s'agit de créer les capacités voulues.

Les infirmières me disent que le problème de trouver du temps libre devient de plus en plus grave. Elles sont tellement prises par les programmes d'enseignements que le temps et les possibilités font défaut, étant donné les compressions salariales. Dans la structure des instituts canadiens de recherche en santé, je crois qu'il y a possibilité de verser des salaires à des personnes des différents domaines qui veulent faire de la recherche.

• 1015

Je prends note de ce que vous dites sur la rareté des recherches en sciences infirmières. C'est un point de vue valable. Mais il me semble très probable que cet élément du programme se développera.

M. Mark Bisby: J'ajouterai que la participation réelle des infirmières à notre programme de recherche est bien supérieure à ce que le tableau donne à penser. La proportion des personnes subventionnées qui sont des infirmières, qui ont un diplôme et des compétences dans ce domaine, est d'environ 2 p. 100. C'est près de dix fois plus que le nombre de subventions effectivement désignées comme consacrées à la recherche en sciences infirmières. De la même manière, dans nos comités d'examen par les pairs, environ 2 p. 100 détiennent des titres de compétence en sciences infirmières.

M. Lynn Myers: Il est certain que les infirmières et les infirmiers sont le groupe le plus imposant dans le domaine de la santé. Il importe de le souligner. Comme vous le savez, il y a d'énormes questions qui se posent à propos des normes de services infirmiers, de l'intégration, des données, de l'évolution des statistiques sur les infirmières, de la disponibilité de leurs services, etc. Il est très important de ne pas perdre cela de vue.

Docteur Friesen, pourriez-vous nous dire combien de demandes vous avez rejetées l'an dernier, dans ce domaine?

Dr Henry Friesen: Je ne connais pas les chiffres par coeur. Mark les connaît peut-être, mais, si nous ne les avons pas, nous pourrons certainement vous les communiquer sous peu.

M. Mark Bisby: Vous voulez parler des demandes en général?

M. Lynn Myers: Non. Je parle des infirmières. C'est encore aux sciences infirmières que nous nous intéressons ici.

M. Mark Bisby: Nous pourrons vous trouver ces renseignements.

M. Lynn Myers: Ce serait utile.

Les membres du comité le savent certainement, certaines infirmières voudraient que nous les financions séparément. Dans les grands plans d'ensemble, il faudrait envisager cette possibilité. Dans le contexte de ce que vous faites ou ne faites pas, c'est une considération qui a peut-être sa place.

Le vice-président (M. Reed Elley): Merci beaucoup, messieurs, de votre témoignage de ce matin. Je suis persuadé que nous avons tous trouvé cela très éclairant et stimulant.

Nous allons faire une brève pause, après quoi nous nous réunirons de nouveau.

[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos.]