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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 février 1999

• 0911

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): La séance est ouverte.

Je suis heureux de vous revoir tous. Bonjour, mesdames et messieurs.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la situation des dons d'organes et de tissus au Canada. Nous entendrons aujourd'hui des témoins que nous avons déjà rencontrés. Le témoignage de ceux que nous ne connaissons pas promet d'être intéressant.

Nous entendrons ce matin les coprésidents du Comité national de coordination pour le don et la distribution d'organes et de tissus. Il s'agit de Mme Elizabeth Barker, directrice des programmes de soins aigus au ministère de la Santé de la Nouvelle- Écosse, et du Dr Philip Belitsky, professeur d'urologie à l'Université Dalhousie. M. Belitsky est également directeur du programme de transplantation de reins au Centre des sciences de la santé Elizabeth II à Halifax et directeur du programme de transplantation multi-organes.

Les témoins comparaissant au nom de Santé Canada, dont vous connaissez certains, sont connus, sont M. André LaPrairie, représentant fédéral au sein du Comité national de coordination et gestionnaire du projet du sang, des tissus, des organes et de xénotransplantation, ainsi que M. Dennis Brodie, gestionnaire de la Division des politiques du Bureau des politiques et de la coordination.

Bienvenue.

Je tiens également à souhaiter la bienvenue à deux nouveaux membres du comité. L'un d'entre eux est déjà arrivé. Il s'agit de Mme Karen Redman.

Vous vous joignez au comité à un moment opportun parce que nous entreprenons d'étudier un tout nouveau sujet. Vous l'aborderez avec un regard neuf, ce qui sera utile au comité.

Le comité compte au moins un nouveau membre qui appartient au parti ministériel. J'attendrai son arrivée pour le présenter. En parlant de lui, voici qu'il arrive. Le Dr Bernard Patry a déjà fait partie du comité. Ceux d'entre vous qui siégeaient au comité au début de la dernière législature se souviendront de la contribution du Dr Patry à l'étude sur la santé des enfants.

Je souhaite la bienvenue aux deux nouveaux membres du comité. Je vais tout de suite permettre à Mme Elizabeth Barker et au Dr Philip Belitsky de nous faire leur déclaration préliminaire.

Je demanderai aux représentants du gouvernement de nous faire leur exposé après les témoins de l'extérieur. Vous avez déjà comparu devant nous, mais je crois que vous avez sans doute d'autres renseignements à nous communiquer.

• 0915

Je m'adresse maintenant à nos invités. Je ne sais pas si vous avez comparu à plusieurs reprises devant des comités, mais notre objectif est de favoriser le dialogue. Je vous demanderais donc de vous en tenir à un exposé de cinq minutes chacun. Je ne vous interromprai pas si votre exposé est un peu plus long, mais je vous demande de bien vouloir essayer de vous en tenir à cinq minutes pour que nous ayons suffisamment de temps pour vous poser des questions.

Madame Barker, je vous prie de bien vouloir commencer.

Mme Elizabeth Barker (coprésidente, Comité national de coordination pour le don et la distribution d'organes et de tissus): Je vous remercie.

Bonjour. J'aimerais remercier le comité permanent de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant lui. Je considère comme un privilège la possibilité de vous parler des dons de tissus et d'organes au Canada.

La science des transplantations a tellement progressé que les miracles médicaux sont maintenant presque courants. Il faut attribuer ces miracles à l'amélioration des techniques chirurgicales et des traitements aux agents immunosuppresseurs. Les transplantations permettent de pallier les défaillances de nombreux organes. Les transplantations continueront d'être un traitement de choix dans l'avenir. On estime qu'au cours du prochain siècle, jusqu'à 50 p. 100 des opérations chirurgicales effectuées dans les grands hôpitaux auront quelque chose à voir avec les transplantations de gros organes ainsi que de tissus.

Or, des gens meurent chaque année parce qu'il y a trop peu d'organes et de tissus pour les transplantations. Comme vous le savez, il existe un problème chronique de sous-approvisionnement et tout porte à croire que l'écart entre l'offre et la demande d'organes et de tissus ira en s'élargissant.

Le taux actuel de donneurs ne suffit nullement à répondre à la demande. Au 31 décembre 1997, le Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes estimait que 3000 Canadiens attendaient une greffe d'organes. Le déséquilibre entre le nombre de patients attendant une greffe et la quantité d'organes disponibles ne cesse de s'accentuer. Cette situation inquiète à juste titre les transplantologues, les groupes d'intervention et les patients qui ont désespérément besoin d'une transplantation.

Une étude commandée par le comité consultatif sur les services de santé cite un certain nombre de facteurs pour expliquer la pénurie d'organes et de tissus au Canada. Au nombre de ceux-ci, mentionnons: des pratiques hospitalières inefficaces en ce qui touche l'identification des donneurs; une connaissance inadéquate du processus de la part des fournisseurs de services de santé; des obstacles à la participation des hôpitaux et des professionnels au processus d'identification; et le fait que peu de membres du public font don de leurs organes bien que le principe des dons d'organes soit bien accueilli et que beaucoup de gens disent être prêts à faire don de leurs organes.

La même étude a fait état de problèmes systémiques relatifs aux pratiques de distribution des tissus et des organes au Canada, dont des normes nationales inadéquates, sauf pour ce qui est des foies, l'absence de formules uniformes pour la répartition des organes et des tissus entre les provinces ainsi que des systèmes d'information inadéquats. L'étude a également fait remarquer que les systèmes provinciaux et régionaux de collecte et de distribution des tissus et des organes pouvaient être améliorés.

Une stratégie nationale en 13 points a été établie à l'issue des consultations tenues à la suite de ce rapport. On me dit que vous possédez déjà beaucoup d'informations sur cette stratégie. L'accent a été mis sur quatre grands éléments; établissement d'algorithmes de partage nationaux, élaboration de normes pour un processus d'agrément mise au point et exploitation d'un système de repérage national et recherches plus poussées pour établir si l'accès est équitable entre les provinces.

Je suis sûre que vous savez que le Canada est le seul pays industrialisé à ne pas avoir de système national de distribution d'organes. Il est nécessaire de faire preuve de leadership à cet égard au niveau national. Par ailleurs, on semble ardemment souhaiter établir un système qui se fonde sur les acquis actuels. De nombreux particuliers et organismes dévoués oeuvrent à améliorer la situation, mais ils ont besoin d'aide.

• 0920

Le Comité national de coordination actuel, dont le mandat s'échelonne sur plusieurs années, regroupe des organismes tels que la Société canadienne de transplantation, l'Association canadienne de transplantation, le Conseil canadien d'agrément des services de santé, le RCITO, l'ICIS et la Fondation du rein.

On part du principe que les organisations qui oeuvrent déjà dans le domaine sont celles qui ont les connaissances et les compétences cliniques voulues pour édifier ce système. Je crois comprendre que les sous-ministres de la Santé considèrent cette initiative comme une initiative prioritaire.

Je tiens à faire remarquer qu'il n'existe pas de solutions magiques à ce problème. Il est absolument nécessaire qu'un organisme national fasse preuve de leadership pour améliorer les taux de dons d'organes et de tissus et surveiller les changements.

Il importe également de sensibiliser la population à l'importance des dons d'organes et de tissus. Toute initiative nationale doit reposer sur les principes de la collaboration, du partenariat et de l'adhésion. J'attends avec impatience l'issue des délibérations du comité permanent sur cette très importante question.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Vous vous en êtes tenue exactement aux cinq minutes que je vous avais accordées.

Docteur Belitsky.

Dr Philip Belitsky (coprésident, Comité national de coordination pour le don et la distribution d'organes et de tissus): Monsieur le président, les chirurgiens ont besoin d'outils pour pouvoir parler. Je vous demande la permission d'utiliser un rétroprojecteur.

Le président: Je n'y vois pas d'inconvénients. Nous devons cependant respecter la procédure. Votre exposé est-il dans les deux langues?

Dr Philip Belitsky: Non, mais nous avons un traducteur.

Le président: Ah oui? La difficulté, c'est que certains députés sont défavorisés lorsque les exposés ne sont pas traduits, ce qui peut entraver leur efficacité.

Je vais demander s'il y a consentement unanime pour que vous fassiez votre exposé.

Très bien. Docteur Belitsky, je vous prie de commencer.

Dr Philip Belitsky: Je vous remercie beaucoup.

J'aimerais vous parler des transplantations au Canada. Cette question comporte quatre volets. Le premier a trait à la procédure scientifique et à ses résultats. Le deuxième, à la collecte d'organes, c'est-à-dire au don d'organes. Le troisième, à la répartition des organes et le quatrième, à la sécurité.

Il importe de savoir d'entrée de jeu que la procédure scientifique et le résultat des transplantations sont aussi satisfaisants au Canada que dans le reste du monde. Il ne faut pas l'oublier dans nos discussions. Le système actuel donne de très bons résultats et se fonde sur des données scientifiques solides.

Notre mémoire traite de la question de la sécurité sur laquelle je ne m'attarderai pas parce que le temps manque.

J'aimerais vous parler de la collecte et de la répartition des organes. Je tiens à préciser qu'il s'agit de deux éléments entièrement distincts et indépendants qui dépendent de processus différents qui ne sont absolument pas liés entre eux si ce n'est que lorsque nous n'avons pas d'organes, il n'y a rien à répartir. Si, par ailleurs, il y avait abondance d'organes, la question de la répartition ne se poserait même pas. Il ne faut donc pas confondre ces deux questions.

Toutes les questions liées à la répartition des organes font intervenir les principes de l'utilité et de la justice. Le principe de l'utilité renvoie à l'avantage que représente la transplantation pour la société; celui de la justice, à celui qu'elle représente pour l'individu. Il s'agit de questions importantes.

• 0925

Par conséquent, les différences dans les algorithmes de répartition des organes au Canada ne sont pas attribuables au fait que les intérêts de certains sont protégés, mais à des différences dans le poids respectif accordé au principe de l'utilité par rapport au principe de la justice. Ces deux notions sont toujours au centre de la prise de décisions, et ce quotidiennement.

Hier, j'ai dû décider si je prendrais le vol que j'avais prévu de prendre pour venir comparaître devant le comité ou si j'opérerais une personne dont l'opération avait déjà été reportée deux fois pour des raisons indépendantes de sa volonté. Voilà un conflit entre le principe de l'utilité et celui de la justice. Je ne pouvais pas justifier le fait de reporter de nouveau l'opération de cette personne. J'ai donc reporté mon vol.

À ces différences de point de vue qui sont toutes justifiées et qui se fondent sur les convictions éthiques d'un individu s'ajoute le fait que certains organes comme le coeur survivent très peu longtemps en dehors du corps. Notre système de répartition doit donc tenir compte du type d'organe en cause, des moyens qui doivent être pris pour le préserver, de la distance qui sépare le donneur et le receveur ainsi que des moyens de transport.

Il importe que les processus de répartition, qu'ils soient régionaux, nationaux ou de plus petite envergure soient justes, équitables, transparents et ouverts et qu'ils soient établis en consultation avec les intervenants.

J'aimerais maintenant vous décrire le système actuel de collecte et de répartition des organes au Canada. Notre pays est une fédération. Le domaine de la santé est de compétence provinciale. Le gros des dépenses engagées dans le domaine de la santé sont financées par les provinces. Chaque province a des traditions, une économie et une démographie qui lui sont propres. Il existe des différences entre les provinces. Les taux de dons d'organes diffèrent d'une province à l'autre et d'une région à l'autre à l'intérieur d'une même province. Des efforts sporadiques et non coordonnés sont déployés de temps à autre avec une intensité variable afin de promouvoir les dons d'organes dans différentes parties des provinces et dans différentes parties du pays.

Compte tenu de cette situation, le taux national de dons d'organes est de 14 dons par million d'habitants par année. C'est l'un des taux les plus bas de tous les pays industrialisés.

Il est intéressant de noter que le Canada se retrouve en 1999 dans la même situation que se trouvait l'Espagne en 1989. L'Espagne est un pays fédéral où des provinces qui peuvent être considérées comme l'équivalent des nôtres ont compétence dans le domaine de la santé. Ces provinces, comme les nôtres, ont leurs propres traditions et leur propre économie. L'Espagne a décidé en 1989—comme nous l'avons décidé nous-mêmes—de changer son approche au don d'organes. J'aimerais vous faire part des mesures qui ont été prises en Espagne et des résultats qui en ont découlé.

Pour tenir compte de la structure politique et économique du pays ainsi que de sa géographie, on a créé en Espagne un système décentralisé et non bureaucratique, tant au point de vue structurel qu'au point de vue du processus de reddition des comptes. On a nommé un coordinateur national au niveau national, un coordinateur régional au niveau régional et un coordinateur des hôpitaux au niveau des hôpitaux. Cette structure administrative professionnelle ressemble beaucoup au comité au sein duquel Elizabeth Barker représente le gouvernement et je représente les membres de la profession.

La mise en oeuvre de ce modèle qui a pris un certain temps en raison de tous les facteurs dont on devait tenir compte a permis à l'Espagne de faire passer son taux de dons d'organes de 14,7 en 1989—notre taux actuel—à 27 par million d'habitants en 1995 et 29 par million d'habitants en 1997.

Par conséquent, l'Espagne est le seul pays occidental où il y a eu une diminution importante des temps et des listes d'attente pour les transplantations. La liste d'attente pour les transplantations de reins est passée de 6 000 personnes à 4 000 personnes au cours des huit dernières années, ce qui est un résultat sans précédent. Le taux de mortalité chez les personnes attendant une transplantation est maintenant en Espagne le plus bas au monde.

• 0930

Nous nous trouvons actuellement dans la même situation que se trouvait l'Espagne en 1989. Je recommande à votre comité que l'on adopte au Canada un modèle qui se rapproche du modèle espagnol compte tenu des résultats que l'Espagne a obtenus grâce à celui-ci.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Docteur Belitsky, je vous remercie beaucoup.

Avant de donner la parole aux membres du comité, j'aimerais que André LaPrairie et Dennis Brodie nous fassent le point sur la situation. Dennis dirige le Comité national de coordination, n'est- ce pas?

M. André LaPrairie (gestionnaire, Projet du sang, des tissus, des organes et de la xénotransplantation, Direction générale de la protection de la santé, ministère de la Santé): Je crois qu'il y a erreur. Le comité ne s'appelle pas le Comité consultatif national. Le comité que coprésident le Dr Belitsky et Mme Elizabeth Barker est le Comité national de coordination. Je suis simplement le représentant de Santé Canada au sein de ce comité.

Le président: Comme vous le voyez, moi qui me trompe rarement, je ne m'y retrouve pas dans la terminologie qui m'a été fournie.

André, pour ma gouverne,—étant donné que les membres du comité sont habituellement mieux renseignés que moi—pourriez-vous préciser qui fait partie de ce comité.

M. André LaPrairie: La liste des membres du Comité national de coordination figure dans les documents que nous vous avons donnés lors de notre dernière comparution. Ces renseignements se trouvent dans la partie 1. C'est dans cette partie qu'on le nomme à tort le Comité consultatif national. J'oublie si le nom du comité a changé ou s'il y a simplement confusion.

Outre les coprésidents du comité, soit le Dr Belitsky et Mme Elizabeth Barker, le comité compte des représentants gouvernementaux dont Anne Secord, de Saint John, Nouveau-Brunswick, Maurice Beaulieu, du ministère de la Santé du Québec, Mme Laura Pisko-Bezruchko, du ministère de la Santé de l'Ontario, et Mme Prudence Taylor de la Division des stratégies en matière de santé du ministère de la Santé de l'Alberta.

Le comité compte également des représentants d'organismes non gouvernementaux. Il s'agit de Mme Liz Anne Gillham-Eisen, de l'Association canadienne de transplantation; Mme Elma Heidemann, du Conseil canadien d'agrément des services de santé, du Dr David Hollomby, du Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes; du Dr Norman Kneteman, de la Société canadienne de transplantation; et de Mme Mary Catharine McDonnell, de la Fondation du rein.

Voilà la composition du Comité national de coordination.

Le président: Je ne voulais pas que nous changions de sujet. Je voulais simplement savoir qui composait le comité. Des représentants des provinces de l'Atlantique, du Québec, de l'Ontario, des provinces de l'Ouest et du gouvernement fédéral y siègent.

André, veuillez poursuivre.

M. André LaPrairie: Ai-je répondu à votre question?

Nous vous remercions de nous avoir invités de nouveau à comparaître devant le comité. Je pensais vous faire part des progrès qui ont été réalisés depuis notre dernière comparution. Comme la dernière fois, je laisserai à M. Dennis Brodie le soin de répondre aux questions difficiles.

Le président: Il l'a fait la dernière fois.

M. André LaPrairie: En effet, et il l'a fait de main de maître, et c'est pourquoi nous l'avons laissé revenir.

• 0935

L'Association canadienne de normalisation publiera sous peu une liste provisoire de normes portant sur la sûreté des organes et des tissus utilisés en vue de transplantations; ces normes pourront être examinées et commentées par tous les programmes de greffe et par les autres parties intéressées.

Le président: Quand vous dites «sous peu», cela veut-il dire avant la fin du mois?

M. André LaPrairie: D'ici mars, nous l'espérons. Je peux difficilement parler au nom de la CSA, qui a évidemment des fonctions de correction, mais nous nous attendons à ce que les normes nous parviennent sous peu, et nous les ferons tenir au comité.

Le président: Merci.

M. André LaPrairie: De plus, elles devront être traduites.

Dans le cadre du processus de renouvellement législatif de la Direction générale de la protection de la santé, sachez que le Canada se propose de moderniser toutes ses lois portant sur la protection de la santé. Cette démarche permettra de tenir compte des greffes humaines de façon que des définitions et des cadres réglementaires appropriés s'appliquent et remplacent ceux qui sont actuellement utilisés dans le cas des médicaments et des appareils médicaux.

Sachez, de surcroît, qu'un comité fédéral-provincial sur la facturation intraprovinciale de la transplantation doit publier son rapport sous peu, c'est-à-dire, encore une fois, d'ici la fin de mars. Nous ferons en sorte que le Comité national de coordination et que votre comité en reçoivent copie.

De plus, le programme des produits thérapeutiques vient de rendre public son rapport sur le Forum national sur la xénotransplantation. Ce rapport est actuellement distribué sur une vaste échelle afin qu'il soit commenté. Nous allons également diffuser les recommandations du Forum en des termes faciles à comprendre pour tous et de fournir de la documentation de fond sur les définitions et les enjeux de la xénotransplantation.

Nous allons également publier un avis d'intention portant clairement que, faute de règlements explicites en ce sens, les xénogreffes qui sont des transplantations de cellules vivantes, de tissus et d'organes de sources animales, seront considérées comme des produits thérapeutiques et seront donc assujetties aux règlements et aux dispositions de la Loi sur les aliments et drogues. Nous avons l'intention d'élaborer un cadre réglementaire s'appliquant aux xénogreffes qui traitera de la sécurité, de l'efficacité et d'autres questions de réglementation entourant le recours potentiel aux xénogreffes.

Quant aux prochaines étapes, il s'agit de continuer à consulter les parties prenantes et les provinces, au fur et à mesure que nous élaborerons les meilleures méthodes de vérification de la conformité aux normes s'appliquant aux organes et aux tissus. Nous continuerons à participer au Comité national de coordination et à ses stratégies destinées à améliorer la transplantation d'organes au Canada; enfin, nous continuerons à consulter les Canadiens au fur et à mesure que nous élaborerons une politique portant sur le recours possible aux xénogreffes.

Merci.

Le président: Y a-t-il des parties difficiles, monsieur Brodie?

M. Dennis Brodie (gestionnaire adjoint, Division des politiques, Bureau des politiques et de la coordination, ministère de la Santé): Pas encore.

Le président: Merci beaucoup.

Keith, voulez-vous poser vos questions en premier?

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci à tous nos témoins d'aujourd'hui. J'ai une ou deux petites questions.

Docteur Belitsky, vous avez mis le doigt de façon très succincte sur un des problèmes. Vous affirmez que si nous n'avions pas de pénurie d'organes disponibles, nous n'aurions pas de problème à les répartir. De plus, pourriez-vous dire au comité ce que vous pensez de l'éventualité de mettre sur pied une banque de données nationale des donneurs d'organes qui permettrait de regrouper à la fois les receveurs et les donneurs potentiels?

Que pensez-vous, de plus, d'une stratégie qui obligerait les Canadiens à se prononcer, par le truchement, par exemple, d'un formulaire rattaché à la déclaration d'impôt sur le revenu? Comme l'a mentionné Mme Barker, dans son excellent témoignage, vous avez illustré quatre points sur lesquels s'est déjà entendu le groupe d'étude fédéral-provincial, à savoir l'élaboration d'une stratégie nationale, l'élaboration d'un système national de repérage des donneurs, etc. Toutefois, ces suggestions ne contribuent en rien à régler le problème central qui est celui de la pénurie d'organes disponibles à des fins de transplantation.

Vous pourriez peut-être tous les deux nous dire ce que vous pensez de la proposition de demander aux contribuables de cocher une case dans le formulaire de déclaration de revenu, pour indiquer s'ils veulent être des donneurs ou pas. Cette façon de faire donnerait accès à un bassin beaucoup plus large de donneurs potentiels d'organes. Comme vous l'avez dit tous deux, tous les Canadiens s'entendent pour dire que donner ses organes, c'est la bonne chose à faire, mais ce ne sont pas tous les Canadiens qui remplissent leur formulaire de don d'organes, pour une raison ou pour une autre.

Merci.

Dr Philip Belitsky: Comme vous vous êtes adressé d'abord à moi, je répondrai en premier.

• 0940

Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, le don d'organes comporte une série d'étapes qui sont toutes importantes. Aucun système de don d'organes ne peut être efficace si les étapes ne sont pas toutes sur un pied d'égalité et si elles ne sont pas intégrées et coordonnées.

L'une des facettes importantes du système, ce serait un mécanisme qui permettrait de savoir qui souhaite devenir donneur. Un registre est peut-être la meilleure solution. Il faudrait, en tous les cas, mettre à l'épreuve cette solution et l'évaluer. Il peut y avoir des ratés dans n'importe quel système. De plus, tout système évolue même si on pense avoir tous les bons ingrédients, et vous voudrez peut-être y apporter des modifications au fur et à mesure que vous voudrez en assurer la qualité.

Le plus bel exemple de registre de donneurs est sans doute celui de la Colombie-Britannique. Il vaudrait la peine que nous allions voir comment il fonctionne, comment il évolue et quels conseils on peut nous donner sur la façon d'en mettre un sur pied. Il ne faut cesser d'encourager cette province dans cette initiative, car ce sont des leçons précieuses que nous tirerons de son expérience novatrice. Mais comme pour bien des initiatives qui ont beaucoup de mérite en soi, la mise en oeuvre peut parfois être difficile.

J'aime l'idée d'un registre de donneurs. J'aimerais tirer des leçons de ce qui se passe en Colombie-Britannique et pouvoir mettre progressivement sur pied le même système ailleurs au Canada pour voir quels en sont les résultats, ce qui permettrait en bout de piste d'en arriver à un réseau national comme celui que vous décrivez. Il est possible d'y parvenir de plus d'une façon grâce à la technologie d'aujourd'hui. Je ne sais pas quelle est la meilleure façon d'y arriver, mais le principe est tout à fait valable; on peut également tirer des leçons de l'expérience de ceux qui l'ont déjà implanté chez eux pour savoir quels en sont les résultats et comment faire mieux encore.

En ce qui concerne l'obligation de choisir, voilà une autre variation sur le même thème. C'est une autre façon d'aller chercher l'information, une parmi d'autres. Quant à l'inscrire sur un formulaire plutôt que sur un autre, je n'en sais trop rien. Mais il faut qu'il y ait un mécanisme qui permette de rendre disponible toute l'information à ceux qui ont pour tâche d'identifier les donneurs et à ceux qui ont pour autre tâche importante de demander la permission à la famille de prélever des organes. Ce serait un outil très utile pour eux que d'avoir en main cette information. Quant au mécanisme pour y parvenir, outre le registre, je ne sais pas trop. Pour l'instant, c'est ce qui semble le plus prometteur.

Le président: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Docteur Belitsky, je crois que vous faites partie du Comité consultatif national pour le don et la distribution d'organes et de tissus. Est-ce exact?

[Traduction]

Dr Philip Belitsky: Oui, madame, je copréside le comité.

[Français]

Mme Pauline Picard: Dans votre exposé de tout à l'heure, vous sembliez dire que le modèle ou le système qu'a adopté l'Espagne est le plus efficace et le plus sûr à vos yeux. Je m'excuse de ne pas avoir eu le temps de lire votre mémoire, mais j'ai compris qu'il existe actuellement un pays où le système fonctionne très bien et comporte des risques minimaux. Dans votre mémoire, avez-vous recommandé qu'on étudie le système qui existe actuellement en Espagne?

[Traduction]

Dr Philip Belitsky: Non. Mon mémoire visait simplement à identifier les grands enjeux du don et de la distribution d'organes et visait à suggérer le rôle que le gouvernement pourrait jouer dans certains secteurs.

• 0945

[Français]

Mme Pauline Picard: Est-ce que le comité consultatif avait le mandat de faire des recommandations en vue de mettre sur pied un système national en collaboration avec les provinces?

[Traduction]

Dr Philip Belitsky: Notre mandat, c'est de présenter des recommandations au CCSS qui a créé notre comité. Mais on nous a demandé de façon tout à fait indépendante de comparaître aujourd'hui, à la fois comme coprésidents du comité national et pour ma part, comme expert-conseil, étant donné mon expérience dans les greffes.

Dans mon mémoire, j'ai parlé des zones d'intervention possibles pour le gouvernement eu égard au système de dons et de distribution des organes, mais lorsque je réponds aux questions, je porte les deux casquettes.

[Français]

Mme Pauline Picard: Iriez-vous jusqu'à suggérer que le Comité permanent de la santé étudie le système qui existe en Espagne?

[Traduction]

Dr Philip Belitsky: Très certainement. Nous avons notamment demandé à notre Comité national de coordination, d'étayer toutes les recommandations découlant de ses délibérations avec des faits probants. En effet, nous avons tous nos préjugés et nos opinions. Or, étant donné l'importance de l'enjeu, il est essentiel que toute recommandation soit attestée par de l'information probante.

Je ne puis que réitérer cette recommandation à votre comité. Pour avoir vu ce qui se faisait dans un autre pays qui nous ressemble beaucoup du point de vue de la composition démographique et du régime politique, je crois qu'il nous revient d'étudier le système qui y est implanté avec beaucoup de soin pour pouvoir en tirer des leçons, pour pouvoir le développer en fonction de nos critères à nous et pour pouvoir créer notre propre système en partant de plusieurs des principes appliqués là-bas, principes qui nous seront utiles à nous aussi, car ils se fondent sur des faits.

L'Espagne a le taux de dons d'organes le plus élevé du monde. C'est le seul pays qui ait vu une réduction considérable de ses listes et des temps d'attente en vue d'une greffe, et c'est aussi le seul pays, comme je l'ai dit, qui ait un si faible taux de mortalité parmi les malades en attente d'une greffe. Il faut regarder ce qui s'y fait avec un oeil très critique et très averti, pour apprendre d'eux et pour adopter toute méthode qui pourrait fonctionner chez nous, en la modifiant en fonction de nos besoins.

On pourrait bien passer des mois et des années à nous demander ce qu'il faut faire, mais nous pouvons également puiser à même la plus grande expérience au monde et en tirer le plus grand avantage.

Mme Pauline Picard: Merci.

Le président: Madame Barker, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Elizabeth Barker: Je voudrais préciser le mandat du comité de coordination. Il a été mis sur pied en vue d'entreprendre quatre tâches spécifiques. On nous a également demandé de recommander au Comité consultatif sur les services de santé des options destinées à étayer la stratégie.

Le président: Merci.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Docteur Belitsky, pourrions-nous avoir une copie de vos acétates?

Dr Philip Belitsky: Certainement.

M. Lynn Myers: Vous m'avez intrigué lorsque vous avez dit que vous feriez appel aux contributions de trois milieux distincts, soit la population, ce qui est évident, les institutions et les professionnels de la santé.

• 0950

Vous avez dit deux choses qui m'ont frappé au sujet des professionnels de la santé. Vous avez d'abord parlé de gens qui devaient faire preuve de prise de conscience et d'acceptation, et ensuite de gens qui devaient acquérir les compétences nécessaires pour pouvoir remplir les rôles. Est-ce parce que vous avez l'impression que cela pose problème actuellement? Dans l'affirmative, comment le résoudre? Que faire pour le corriger, s'il existe réellement?

Dr Philip Belitsky: N'oubliez pas que lorsque vous avez à intervenir au niveau des soins intensifs, plusieurs préoccupations se font concurrence dans votre esprit.

Votre priorité la plus élevée, ce doit être de traiter le malade que vous avez entre les mains, qui est dans un état critique et qui requiert toute votre attention. Vous devez lui accorder toute votre attention et faire tout en votre pouvoir pour vous assurer que le patient s'en tirera. Si vous échouez, vous avez un sentiment d'échec, d'épuisement, d'être dépassé par les événements, sentiment auquel vous ne vous habituez jamais. Comme vous êtes submergé par tous ces sentiments à la fois, il vous est facile d'oublier que votre patient pourrait donner ses organes. De plus, certaines gens de mon milieu estiment que leurs responsabilités s'arrêtent à la mort du patient et que les transplantations éventuelles deviennent alors la responsabilité de quelqu'un d'autre.

Il faut tout faire pour éviter qu'il en soit ainsi, mais il faut aussi reconnaître que cela ne sera pas toujours possible et qu'il faut des processus qui permettent d'en tenir compte. Il faut pouvoir dire à l'autre: «Je comprends votre point de vue. C'est sûr que nous ne sommes pas d'accord, mais voyons s'il n'y a pas moyen de nous entendre. Si vous avez du mal à envisager les choses autrement, nous pouvons nous entendre pour que quelqu'un d'autre puisse intervenir au moment opportun pour s'en occuper, pour parler à la famille et prendre les mesures en vue d'un don d'organes.» Il faut qu'il y ait un mécanisme comme celui-là en place. Sinon, il n'y aura pas de don d'organes.

Le modèle espagnol est intéressant en ce sens qu'en mettant l'accent sur l'assurance de la qualité, on a constaté que, depuis la mise sur pied du système, les nouveaux donneurs étaient des personnes qui se trouvaient à l'hôpital et auxquelles on n'aurait pas pensé n'eût été le coordonnateur hospitalier, qui a pour tâche de repérer chaque jour les patients qui pourraient être des donneurs d'organes. Il s'agissait là d'une source inexploitée de donneurs qui explique en grande partie l'augmentation du nombre de donneurs.

Il faut, bien sûr, tenter de changer les mentalités, mais il faut aussi reconnaître que parfois c'est tout simplement impossible. Les personnes en cause font tellement bien leur travail qu'on ne peut pas les renvoyer ou encore les obliger, comme condition d'emploi, à favoriser les dons d'organes. Il faut qu'il y ait quelque autre mécanisme en place pour favoriser les dons d'organes. J'espère avoir répondu à votre question.

M. Lynn Myers: Vous y avez effectivement répondu, et vous l'avez fait très bien. Merci. Je vous en suis reconnaissant.

Monsieur le président, j'ai une autre question qui s'adresse soit à vous, docteur, soit à Mme Barker.

Il me semble que le comité aurait notamment un rôle à jouer en ce qui a trait à la sensibilisation et à l'éducation, en ce sens qu'il pourrait chercher à favoriser un élargissement des horizons à cet égard et à faire comprendre aux Canadiens qu'il s'agit d'une question très importante. J'ai été vraiment très intéressé par ce que vous avez dit au sujet de la nécessité de programmes efficaces d'éducation et de sensibilisation du public.

Vous avez notamment dit deux choses importantes: premièrement, il doit s'agir d'un effort soutenu et, deuxièmement, le tout doit être mesuré à l'aune du rendement et de l'assurance de la qualité. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Il me semble qu'il s'agit là d'un élément clé de notre discussion.

Mme Elizabeth Barker: La question de la sensibilisation du public est un élément clé. Il s'agit, encore là, d'une question à laquelle la Fondation du rein consacre beaucoup de ses efforts. Le comité pourrait faire une contribution des plus utiles en sensibilisant le public canadien à la question.

Il est également crucial de pouvoir mesurer les résultats, car l'effort doit être soutenu; il ne faut pas que l'élan initial s'estompe. Il serait très utile que la question demeure au premier plan des préoccupations du public.

Dr Philip Belitsky: Le modèle à privilégier sera, à bien des égards, celui de l'entreprise qui cherche d'abord à s'établir et ensuite à assurer sa croissance. Jamais une entreprise qui souhaite faire la commercialisation de ses produits ne se contenterait de mesures ponctuelles. Elle doit y aller d'un effort soutenu.

• 0955

L'effort doit comprendre une campagne de marketing entreprise par les vendeurs et les représentants de l'entreprise auprès de la population. Il doit comprendre une campagne de production, pour que les stocks du produit soient suffisants. Il doit également comprendre une campagne de distribution, afin que le produit puisse être acheminé le plus rapidement possible aux nouveaux clients que l'entreprise attirera. L'effort doit être constant.

Il en est de même pour nous. Nous savons ce qu'il y a à faire, mais jamais nous n'avons réussi à mettre tous les éléments ensemble. Nous n'avons pas eu jusqu'à maintenant d'action concertée, ciblée et soutenue à ce chapitre dont on attendrait des résultats concrets, qui seraient évalués régulièrement et qui feraient en sorte que les personnes en cause seraient évaluées en fonction de leur rendement, c'est-à-dire en fonction de l'évolution du don d'organes au cours de leur mandat. Nous n'avons jamais eu d'action soutenue comme cela. Il nous faut une action concertée, structurée et soutenue.

C'est ce qui explique l'efficacité du modèle espagnol. Sa réussite n'a rien de sorcier. C'est tout simplement que les Espagnols ont opté pour une approche concertée. Ils ont eu la sagesse de reconnaître que, étant donné les différences entre les diverses régions du pays, il leur fallait adapter leur action aux circonstances locales et que, pour ce faire, le mieux était d'assurer une certaine coordination nationale—pas une réglementation ni une mainmise nationale, mais bien une coordination nationale—le travail sur le terrain se faisant entièrement au niveau local, la coordination étant ensuite assurée au niveau local, régional et national, pour ce qui est de repérer les problèmes qu'il faut régler, les brèches qu'il faut colmater et les améliorations qu'il convient d'apporter au processus dans son ensemble.

C'est une action concertée et soutenue comme celle-là qu'il nous faut.

M. Lynn Myers: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Thompson.

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Merci beaucoup, Joseph. Je suis heureux de vous voir là.

C'est madame, mademoiselle ou docteure?

Mme Elizabeth Barker: C'est «madame».

M. Greg Thompson: Madame Barker, j'ai été impressionné par votre mémoire. J'ai eu l'occasion de le lire hier soir. Ma question concerne le lien qu'il pourrait y avoir entre la crise financière dans les soins de santé et la liste d'attente dont vous parlez. À la page 2, vous indiquez combien de patients attendent une greffe d'organes. Le problème, d'après ce que vous dites dans votre mémoire, serait en partie dû au manque d'organes. C'est bien cela?

Mme Elizabeth Barker: Oui.

M. Greg Thompson: Très bien. Y a-t-il un rapport entre le manque d'organes et la crise financière dans les soins de santé que nous connaissons à l'heure actuelle? Finalement, comme les greffes font appel à une technologie de pointe, il y a très peu d'établissements dans le Canada atlantique où elles peuvent être faites. N'est-ce pas?

Mme Elizabeth Barker: En effet.

M. Greg Thompson: Pour ce qui est de la masse critique de chirurgiens et d'autres professionnels dont on a besoin, Halifax est le seul endroit où il est possible de faire des greffes, n'est- ce pas?

Mme Elizabeth Barker: Oui.

M. Greg Thompson: Il n'est donc pas possible de faire des greffes d'organes dans l'Ile-du-Prince-Edouard, au Nouveau- Brunswick ou à Terre-Neuve.

Dr Philip Belitsky: Puis-je répondre à cette question? C'est là quelque chose que nous avons constaté il y a longtemps et la constatation nous a amenés à mettre sur pied un programme régional qui nous permet d'assurer des services de greffes d'organes au Canada atlantique tout entier. Nous avons structuré le programme autour d'un axe régional, si bien que nos politiques et nos pratiques sont élaborées en consultation avec des représentants des autres provinces de l'Atlantique. Nous nous présentons comme l'entonnoir par lequel passent les patients des autres provinces de l'Atlantique: elles viennent chez nous pour se faire greffer un organe, puis elles retournent dans leurs collectivités respectives.

C'est ce qui explique que nous ayons aussi des activités d'éducation médicale permanentes, des programmes d'éducation permanents et des mécanismes permanents de consultation avec les médecins et les autres professionnels qui s'occupent des greffés et des patients qui ont besoin de greffes dans les autres provinces de l'Atlantique. Nous avons essayé dans toute la mesure du possible de faire en sorte que le programme soit régional.

• 1000

Pour faire des transplantations sans qu'il en coûte trop cher, il faut disposer d'une masse critique de ressources, de services et de compétences. Le volume de greffes doit être assez élevé pour que chaque transplantation coûte le moins cher possible. Voilà ce que nous avons tenté de faire.

A un moment donné, le Nouveau-Brunswick voulait créer un programme, mais après que nous avons expliqué à ses représentants ce qu'il faudrait pour donner au public les services qu'il mérite et qu'il exige d'ailleurs, la province a décidé, après avoir fait le calcul, qu'il serait de toute évidence plus économique que les greffes se fassent à Halifax plutôt qu'au Nouveau-Brunswick.

Cela n'empêche pas pour autant les gens du Nouveau-Brunswick d'avoir des greffes. Notre bassin de donneurs provient de la même zone de recrutement que notre bassin de patients qui attendent des greffes. Si bien que tous les donneurs du Canada atlantique ont le droit de premier refus à Halifax, si vous voulez. Nous tentons de faire comprendre à la population que, comme le service est destiné à l'ensemble du Canada atlantique, les gens ont l'obligation et la responsabilité de donner des organes à leurs concitoyens même s'il ne se fait pas de greffes dans les autres provinces.

M. Greg Thompson: Merci, docteur.

Je reviens encore une fois aux chiffres que Mme Barker cite à la page 2 de son mémoire. Vous dites: «Au 31 décembre 1997, 3 072 patients attendaient une greffe.» Quelle est la capacité du système? S'agit-il là du nombre de patients dans tout le Canada? C'est bien cela?

Mme Elizabeth Barker: C'est pour tout le Canada.

M. Greg Thompson: Quelle est donc la capacité du système? En d'autres termes, si ces 3 000 personnes se présentaient chez vous demain matin, quelle serait alors la situation? Je veux de nouveau faire le lien entre le nombre d'organes disponibles et la capacité à réaliser des greffes, et je tente de savoir si nous avons les moyens de répondre aux besoins.

Le président: Docteur Belitsky.

Dr Philip Belitsky: Nous pouvons répondre aux besoins de tous ceux qui nécessitent une greffe.

Il n'y a presque personne au Canada qui se spécialise exclusivement dans les greffes d'organes car il est impossible de ne faire que cela. On fait des greffes quand des organes sont disponibles. Nous ne demanderions pas mieux que de pouvoir faire plus de greffes pour un plus grand nombre de personnes, car les services et les installations existent déjà et la science et la technologie modernes ont atteint un niveau tel qu'il serait possible de traiter tous ceux qui ont besoin de greffes.

En temps normal, les patients qui reçoivent un rein ne restent plus que de cinq à six jours à notre centre comparativement au séjour de deux semaines et demie qu'ils y faisaient auparavant. Les places ne sont donc pas occupées longtemps et les patients pourraient être traités en clinique externe ou renvoyés dans leurs collectivités.

Ce n'est pas là un problème important à mon avis. La question mérite qu'on s'y intéresse et c'est ce que nous faisons systématiquement. Nous sommes d'avis que, dans toutes les régions du pays, il serait possible de répondre à la demande à condition d'avoir des organes à greffer.

M. Greg Thompson: Ai-je droit à une autre question, Joseph?

Le président: Je reviendrai à vous.

M. Greg Thompson: Merci.

Le président: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Merci beaucoup. Je suis vraiment très heureuse de pouvoir participer à la discussion. J'ai beaucoup de questions à poser, alors je vous prierais de me dire à combien de temps j'ai droit.

Le président: Vous avez droit au même temps de parole que tout le monde. Je pourrai vous redonner la parole plus tard.

Mme Elinor Caplan: Je vous ai écoutés très attentivement. Je ne connais pas les détails du modèle espagnol, mais le fait est qu'il tient compte des différences régionales, ce qui le rend très attrayant à mon avis.

Si le modèle était retenu ici, proposeriez-vous, par exemple, que chaque province ait—et doive peut-être avoir—son propre registre de donneurs, s'il était possible de mettre les dossiers en commun, afin d'avoir une liste qui serait la même pour l'ensemble du pays? Est-ce bien ce que vous proposez?

Dr Philip Belitsky: Non. Je ne sais pas s'il est possible de répondre à cette question précise. La question n'a pas vraiment été étudiée. La mise sur pied d'un registre des donneurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, est une des composantes de l'ensemble et pourrait contribuer à réaliser l'ensemble. Il ne s'agit toutefois que d'un élément d'un tout, et s'il s'avère que, pour des raisons logistiques, financières ou pratiques, le mieux serait que chaque province ait son registre, rien n'empêche qu'il en soit ainsi. Si le mieux est d'avoir un registre régional, rien n'empêche non plus qu'il en soit ainsi. Ce qu'il faut éviter, c'est d'entraver notre liberté d'action.

• 1005

Mme Elinor Caplan: Vous voulez dire qu'il faut être souple...

Dr Philip Belitsky: Exactement.

Mme Elinor Caplan: ...dans la mesure où il est possible d'avoir accès aux différents registres ou d'en arriver à un consensus sur ce qui serait la solution la plus convenable pour chaque région du pays?

Dr Philip Belitsky: Les deux mots clés que vous avez utilisés sont «souple» et «consensus». Étant donné l'intérêt et la détermination de tous ceux qui souhaitent résoudre le problème, la flexibilité et le consensus ne devraient pas poser de difficulté. Il faudra beaucoup de travail et beaucoup de consultation, mais il devrait être possible d'y arriver.

Quand le processus a débuté en Espagne, on ne savait pas exactement ce qu'il en ressortirait, et on savait que la tâche ne serait pas facile. À certains égards, elle a été extrêmement difficile. Encore là, nous pouvons tirer parti de l'expérience des Espagnols.

Mme Elinor Caplan: Je voudrais que vous me disiez si vous savez quels sont certains des obstacles. D'après l'exposé que votre comité nous a présenté et le travail qu'il a fait à l'échelle du pays, il me semble qu'on a déjà beaucoup accompli. Y a-t-il des obstacles à la mise en oeuvre? Si vous aviez à faire une recommandation à notre comité—à part nous conseiller de demander aux Espagnols de nous expliquer comment ils s'y sont pris—que nous recommanderiez-vous de faire dans un premier temps pour qu'un modèle soit effectivement mis en oeuvre au lieu que nous ne continuions à étudier la question jusqu'à ce que nous en tombions tous d'épuisement?

Dr Philip Belitsky: Il faudrait tout d'abord un énoncé, puis une déclaration indiquant ce qu'il faudrait faire. Encore là, si je me prononçais comme simple citoyen qui se trouve à avoir l'occasion de s'adresser à votre comité à cause du poste de coprésident que j'occupe, il me semble que le gouvernement fédéral devrait dire: «Voici ce que nous voulons comme résultat et voici l'entité, le groupe de personnes, à qui nous confions le mandat de faire les consultations voulues en vue de la mise en oeuvre du système.»

Mme Elinor Caplan: Ce n'est pourtant pas ce que votre comité a fait.

Dr Philip Belitsky: Non. Notre comité en est encore à ses premiers balbutiements, tout comme vous. J'ose espérer, tout comme Elizabeth, que nous pourrons travailler ensemble et que nous pourrons profiter de vos délibérations en ce sens que nous aurons ainsi plus d'information et de connaissances à notre disposition et que nous pourrons confier différentes tâches à différentes personnes.

Pour vous aider à comprendre le cheminement que nous avons suivi, je vous dirai, comme l'a fait Elizabeth tout à l'heure, que parmi les 13 éléments jugés comme étant importants, nous avons retenu quatre éléments essentiels qui sont, à notre avis, les plus importants pour améliorer le don et la distribution d'organes. Premièrement, il faut voir ce qui se passe dans les hôpitaux. Deuxièmement, il faut voir comment fonctionnent les organismes de collecte d'organes et comment ils devraient fonctionner. Troisièmement, il faut déterminer comment les organes devraient être attribués. Quatrièmement, il faut trouver un moyen de relier le tout par voie électronique, mais avant de nous prononcer sur ce quatrième élément, nous voulons attendre de voir ce qui sera ressorti de l'examen des trois premiers éléments afin de déterminer ce qu'il faut attendre du quatrième élément.

Pour ce qui est du processus que nous suivons, divers organismes ont montré un intérêt tout particulier pour chacun des trois premiers éléments. Le comité s'est entendu pour inviter ces organismes à lui faire des propositions indiquant l'approche qu'ils prévoient de suivre, le coût et les modalités de fonctionnement. Nous pourrons ensuite passer des contrats avec les organismes que nous aurons retenus et réunir ensuite les recommandations dans un rapport final.

Mme Elizabeth Barker: Je voudrais simplement ajouter ici que la question du modèle espagnol sera à l'ordre du jour de la prochaine réunion du comité de coordination. Le modèle n'a pas encore fait l'objet d'une discussion détaillée. Je tiens toutefois à préciser que, si vous décidez d'examiner plus en profondeur le modèle espagnol pendant que notre comité poursuit ses délibérations et ses recherches, vous pourriez apporter une contribution très utile au travail de notre comité en nous signalant les avantages et les inconvénients du modèle. En tant que comité de coordination, nous pourrions profiter énormément des abondantes recherches que fera le comité permanent. Nous vous serions aussi très reconnaissants de tous les mémoires, documents et résultats d'analyse que vous voudrez bien nous communiquer.

Mme Elinor Caplan: Je crois que c'est là quelque chose qu'il convient de souligner, monsieur le président, à savoir que notre comité souhaite vraiment faire avancer les choses. Quand nous avons parlé de la possibilité d'entreprendre cette étude, non seulement nous voulions contribuer à sensibiliser le public à la question, mais nous espérions aussi contribuer à la mise en oeuvre d'un programme qui serait englobant et qui permettrait d'atteindre les buts et les objectifs que nous avons tous.

• 1010

J'ose espérer que le comité décidera, premièrement, de faire la recherche et, deuxièmement, d'en communiquer les résultats au comité de coordination mais aussi de chercher à être aussi utile que possible pour ce qui est de faire avancer les choses.

Me reste-t-il encore du temps?

Le président: Plus maintenant.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. Il était des plus intéressants. Je viens de la région de London et il s'agit certainement d'une question dont on parle dans les médias dans le sud-ouest de l'Ontario. Je lisais les notes d'information qu'a préparées la Bibliothèque du Parlement et dans lesquelles on disait que déjà au sixième siècle on faisait des transplantations d'organes, mais que ce n'est qu'aujourd'hui qu'elles sont considérées comme une intervention courante. Cela donne une nouvelle signification à l'expression «avancer à pas de tortue». Il est temps d'accélérer un peu le pas. Je remercie le ministère de cette information. J'ai trouvé cela très intéressant.

Dans un autre document, en ce qui a trait à la stratégie en 13 points, vous dites que votre comité n'appuie pas un système national officiel, que vous ne l'appuieriez pas financièrement. Si j'ai bien compris, vous êtes d'avis que chaque province devrait agir individuellement. Comment pourrons-nous obtenir un système national si chaque province agit individuellement?

Mme Elizabeth Barker: J'aimerais répondre à cette question. Cette observation se fondait sur certaines des entrevues que nous avons faites avec les principaux intervenants pour le rapport de 1996. L'une des questions que nous leur avons posées concernait la mise en place d'un comité national officiel. Cette étude remonte à environ 1995. Encore une fois, c'était il y a trois ou quatre ans. Les choses ont peut-être changé depuis. Il se peut fort bien qu'à la lumière de fortes indications, notamment si le modèle espagnol prouve effectivement qu'une forte coordination centrale fonctionne, l'opinion du public ou des professionnels ait changé au cours des dernières années.

Cette observation était certainement fondée sur les données de 1995. Comme pour toute autre chose, il vaut certainement la peine de revoir ces hypothèses. Dans le cadre d'une évaluation permanente pour, si vous voulez, améliorer constamment la qualité, nous devons examiner certaines des choses que nous avons dites pour voir si elles sont toujours vraies ou s'il existe une meilleure façon de faire les choses.

Mme Rose-Marie Ur: Pendant combien de temps devons-nous étudier et examiner? Cela est vraiment important. Je pense que cela se reflète dans ce que j'ai dit au début. Nous devons tenir pour acquis certaines études qui ont été faites dans le cadre du modèle espagnol et, comme le docteur l'a dit, les renseignements en ce qui concerne les donneurs en Colombie-Britannique. Une fois ces efforts déployés et les faits documentés, pendant combien de temps encore devons-nous soupeser les avantages et les inconvénients?

Mme Elizabeth Barker: Pas très longtemps encore, j'espère. Je suis certainement convaincue que le moment est venu de passer à l'action.

Mme Rose-Marie Ur: Exactement. C'est ce que je dis.

Mme Elizabeth Barker: C'est certainement le message que nous avons reçu.

Mme Rose-Marie Ur: Exact.

Vous avez mentionné la Colombie-Britannique, mais vous n'avez pas vraiment parlé du genre de système qu'ils ont mis sur pied. Vous avez été fort impressionnés par leur système là-bas. Pourriez- vous nous en parler davantage, docteur?

Dr Philip Belitsky: J'étais à Vancouver lundi dernier et j'ai passé l'après-midi avec Bill Barabble, le PDG de British Columbia Transplant, une organisation distincte de toute autre organisation du genre au pays. Ils ont examiné toute la question des dons d'organe et les différentes étapes du processus et tenté de les passer en revue systématiquement, tout comme nous en avons discuté précédemment, pour essayer de les intégrer, de les maintenir et de les surveiller pour pouvoir constamment améliorer le processus et obtenir le plus haut pourcentage possible de dons d'organe. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Encore une fois, à la lumière de l'expérience espagnole, ils ont constaté qu'il y avait une importante augmentation progressive de dons d'organes chaque année. Nous devons surveiller la façon dont cela va évoluer. Ce qui nous indique qu'une formule systématique fonctionne est l'expérience là où cela s'est produit.

Nous avons surtout parlé de ce qui s'est produit à l'échelle nationale car nous comparaissons devant un comité national, un comité du gouvernement national, mais les mêmes principes ont prévalu et ont mené au succès dans de plus petites organisations et de plus petits gouvernements où ils ont été appliqués.

• 1015

On peut regarder diverses régions aux États-Unis où les organismes de collecte d'organes, qui sont des entités distinctes, indépendantes, qui s'occupent de toute la logistique et des autres aspects relatifs aux dons d'organes, etc., ont adopté une approche systématique, ont assigné aux gens des responsabilités et ont fait un suivi en apportant constamment des modifications. Ils ont eu un succès remarquable.

Donc, que ce soit au niveau national, comme en Espagne, sans oublier qu'ils ont une approche décentralisée, non pas une approche nationale obligatoire, comme «vous devez faire ceci à Saskatoon» et «vous devez faire cela à Halifax»... Il s'agit de trouver ce qui fonctionne le mieux à chaque endroit. Au Texas, en Pennsylvanie et au Minnesota, dans les plus petits États où ils ont adopté une approche intégrée, systématique, cela a merveilleusement bien fonctionné. Il y a eu une augmentation remarquable des dons d'organes. Dans chaque hôpital où on a adopté une approche systématique, surveillée et soutenue, il y a eu une augmentation remarquable. Donc, pour que ce soit un succès, il faut s'intéresser à l'approche plutôt qu'à la géographie.

L'une des questions qui est constamment soulevée est la suivante: «Est-il nécessaire d'avoir une loi relative au consentement présumé? Est-il nécessaire d'avoir une loi disant que tout le monde est considéré comme étant donneur d'organes à moins que la personne ait exercé son droit de refus? A priori, aurons- nous ainsi un pourcentage plus élevé de dons d'organes?» Il s'est avéré que cela n'était pas le cas. Il y a 12 ou 15 pays qui ont introduit une telle mesure législative, et à l'heure actuelle cette mesure législative n'est en vigueur que dans quatre de ces pays: la Finlande, la Suède, le Portugal et l'Autriche. Dans d'autres pays où cette mesure législative a été introduite, elle n'est pas utilisée car la population ne veut pas l'accepter. Je ne l'accepterais pas, mais c'est mon point de vue, voyez-vous. Vous avez peut-être un point de vue différent.

La plupart des pays qui ont introduit une telle mesure législative ne l'utilisent pas. Ils obtiennent toujours le consentement de la famille. Si c'est ce qu'on veut faire, si c'est ce que les gens veulent, il faut avoir en place un système qui nous permette de déterminer comment identifier les donneurs et comment obtenir le consentement de la famille, etc.

Le président: Vous avez soulevé une question intéressante. Dans les documents bleus que nous avons tous reçus, je pense, il y a un cadre de gestion du risque, qui provient, je crois de Santé Canada.

Je me demande, pour revenir à la question que vous venez tout juste de soulever, où en est à l'heure actuelle le règlement fédéral relativement aux organes et aux tissus. Il y a des règlements en place pour le sang, pour l'insémination artificielle, etc., mais est-ce que cela suffit? Si la réglementation est suffisante, est-ce que cela ne veut pas dire alors que certaines des recommandations que nous nous attendons à recevoir de l'Association canadienne de normalisation sont moins pertinentes?

Dr Philip Belitsky: Je ne crois pas avoir l'information pour répondre à cette question, mais André peut répondre.

M. André LaPrairie: Vous voulez savoir si les normes qui sont proposées correspondraient à celles qu'ils envisagent de mettre en place.

Le président: Oui.

M. André LaPrairie: À l'heure actuelle, les normes portent sur la sécurité des organes et des tissus pour la transplantation. Elles décrivent les méthodes pour la sélection préalable des donneurs, les tests qui sont appliqués, l'assurance de la qualité qu'il faut mettre en place et les documents et les dossiers qu'il faut garder.

Le président: Ces normes sont-elles en vigueur à l'échelle provinciale également?

M. André LaPrairie: Pas à l'heure actuelle. Ce sont des normes proposées. On prévoit de faire un renvoi dans le règlement sur les aliments et drogues. Elles deviendraient ainsi loi. Alors tout le monde devra respecter ces normes, tout comme on le fait pour les banques de sang et de sperme. L'avantage d'avoir une norme, c'est qu'elle peut en fait inclure d'autres éléments qui ne pourraient être contenus dans le règlement fédéral. Il pourrait y avoir un article sur le consentement éclairé. En théorie, il pourrait y avoir des articles sur l'identification des donneurs et sur ce que les hôpitaux doivent faire.

• 1020

Nous pourrions faire un renvoi de ces articles dans le règlement sur les aliments et drogues, mais il y aurait des normes nationales et les provinces pourraient les utiliser pour dire aux hôpitaux: «C'est la norme nationale et vous devez démontrer que vous la respectez.»

Ou on pourrait utiliser le système actuel d'agrément du Conseil canadien d'agrément des services de santé. Cela fait partie du processus. Lorsqu'on examinerait le rendement d'un hôpital on dirait: «S'il y a une norme nationale disant qu'il faut avoir en place un comité pour appuyer les dons d'organes et de tissus, alors il faut vérifier les décès chaque année pour voir si certains donneurs vous échappent.» Ainsi, le processus d'agrément permettrait de déterminer si les hôpitaux se conforment ou non à la norme.

Le président: Pour résumer, êtes-vous d'avis ou est-ce l'avis général que les normes devraient être plus efficaces que, disons, le règlement, au niveau provincial ou fédéral ou aux deux niveaux?

M. André LaPrairie: Dennis pourra m'interrompre si j'oublie quelque chose.

Une des raisons pour lesquelles nous aimons la norme, c'est qu'une norme est plus facile à mettre à jour, particulièrement dans des domaines scientifiques. Par ailleurs, cela entraîne davantage la participation des intervenants. Cela résout bon nombre des problèmes dont a parlé Krever dans son rapport lorsqu'il a examiné le règlement relatif à la Loi sur les aliments et drogues. Il n'était pas clair. Il était écrit à des fins plutôt juridiques, non pas pour qu'on le suive comme tel. Pour de nombreuses raisons, nous estimons que la norme est une meilleure approche. Notre rôle en faisant référence à la norme signifie que nous donnons force de loi aux parties qui sont importantes. La sélection préalable des donneurs pour assurer le dépistage du VIH est certainement quelque chose sur laquelle on doit légiférer à un certain niveau.

Par ailleurs, la norme est également assez souple pour inclure des choses qui ne font pas partie d'une loi sur les aliments et drogues et qui portent sur la sécurité d'un produit, de sorte qu'elle peut porter sur le rendement et sur certains aspects qui ne relèvent pas du règlement. Encore une fois, il y a des avantages.

On pourrait avoir une norme pour faire en sorte que tous les hôpitaux identifient les donneurs éventuels et les renvoient à un comité de donneurs ou pour que tous les hôpitaux offrent une formation à leurs professionnels de la santé sur la façon d'aborder les familles. Il n'est pas nécessaire d'avoir une loi fédérale pour faire respecter une telle norme, mais il y a d'autres méthodes qui sont déjà utilisées pour s'assurer que les hôpitaux respectent les normes nationales grâce au processus d'agrément. Ce serait une façon de le faire.

Le président: Merci.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président.

J'espère que je n'aborderai pas une question qui a déjà été abordée. Je suis arrivée un peu en retard et je m'en excuse. Je voulais poser la question qui, je pense, a été soulevée au moins en partie ce matin concernant le rôle de notre comité relativement à la transplantation d'organes.

Il me semble que le Parlement a joué un rôle jusqu'à présent pour ce qui est de reconnaître qu'il y a un problème et en adoptant le projet de loi de Keith Martin, du moins à notre comité. Je pense que tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'une grave préoccupation. Il y a un comité consultatif national, dont vous êtes tous les deux les coprésidents, qui travaille activement avec les gouvernements fédéral et provinciaux, et nous avons une stratégie très détaillée, un plan en 13 points qui a été distribué au comité en décembre dernier.

Ma question est la suivante: quel est le rôle de ce comité? Est-ce que ce plan pose un problème? Devrions-nous le revoir? A-t-il été examiné de façon approfondie? Devons-nous faire encore plus de travail pour tout simplement élaborer un plan? Ou devons- nous supposer que ce plan a déjà été examiné et discuté en profondeur au niveau fédéral et provincial et qu'en fait ce dont on a besoin à l'heure actuelle, c'est que notre comité agisse et fasse pression auprès des différents paliers de gouvernement? Quel est notre rôle dans tout cela?

Dr Philip Belitsky: Le mandat ultime du comité dont Mme Barker et moi-même sommes les coprésidents est de présenter un rapport avec des recommandations. Les recommandations peuvent être acceptées en tout ou en partie. Elles peuvent être rejetées. Elles peuvent être mises sur une tablette pour y donner suite plus tard. Nous n'avons aucune idée de ce qui arrivera à ce rapport.

• 1025

Nous avions un échéancier de trois ans pour présenter ce rapport. Nous avons pensé que c'était peut-être un peu trop long. Nous l'avons réduit à deux ans car il y a du travail à faire. Malheureusement, si le rapport est approuvé et s'il y a ensuite une initiative pour y donner suite, il faudra encore quelques années de plus pour régler tous les détails après discussions et négociations pour en arriver à un consensus et faire en sorte que cela fonctionne partout au pays. On pourrait prendre cette approche et laisser le temps passer, et c'est peut-être ce que souhaite votre comité, ou votre comité souhaiterait peut-être recommander que les délibérations mènent à la mise en oeuvre.

Le président: Oui, il y a divers points de vue, docteur Belitsky. Si vous décidez de changer de carrière, vous pourriez très bien réussir dans le service diplomatique. Nous nous sommes habitués à notre comité à poser aux témoins qui comparaissent devant nous des questions au sujet de notre propre pertinence et vous y avez très bien répondu.

Madame Wasylycia-Leis, veuillez continuer.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai des questions à vous poser à la suite de la réponse que vous m'avez donnée. Vous n'avez pas répondu à ma question au sujet de la situation actuelle, au sujet de cette stratégie au niveau fédéral-provincial, ce plan en 13 points. Est- ce que cette stratégie pose des problèmes? Est-ce un point de départ que vous allez ensuite améliorer pour présenter des recommandations? Qu'est-ce qui cloche dans cette stratégie? Que devrions-nous examiner?

Dr Philip Belitsky: Les stratégies sont un point de départ. Rien n'a été fait au sujet des stratégies, sauf déterminer les quatre plus importantes et prendre des mesures pour entamer des délibérations à ce sujet et formuler des recommandations, à partir desquelles un rapport contenant des recommandations plus générales sera présenté à l'organisme qui a créé le comité, le Comité consultatif sur les services de santé, un comité composé des sous- ministres de la Santé des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Mme Elizabeth Barker: J'aimerais ajouter quelque chose. Des normes seront élaborées pour trois de ces domaines. Des fonds ont été alloués en vue de l'élaboration de ces normes avec les organismes. Ce sont dans ces domaines que seront conclues des ententes contractuelles. Mais lorsque les normes auront été élaborées—et l'élaboration de normes est tout un processus, comme André pourra vous le dire—elles doivent ensuite être appliquées dans les provinces. Voilà donc certaines des tâches spécifiques qui découleront initialement de ce rapport.

Il y a un certain nombre d'autres domaines, cependant, auxquels il faudra accorder notre attention, notamment pour soulever la question de la visibilité nationale, de l'attention du public, de la sensibilisation du grand public et de l'éducation et de la sensibilisation des professionnels. Il y a toute une gamme d'autres questions qui devront idéalement être soulevées en même temps, mais qui ne font pas partie à l'heure actuelle du mandat du comité, car il lui faut beaucoup de temps pour élaborer des normes et aider ces organismes à les élaborer. André peut vous parler aussi du travail que représente l'élaboration des normes.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Encore une fois je vous remercie d'être venus nous rencontrer ce matin. Ce n'est pas une question purement théorique pour moi. J'ai une petite fille qui aura peut-être besoin d'une greffe de rein sous peu, alors il s'agit certainement d'une question qui me préoccupe, et qui préoccupe bon nombre de Canadiens.

Quoi qu'il en soit, nos attachés de recherche nous ont fait un résumé de la chronologie de ce dossier, pour ce qui est des comités qui ont examiné la question, et il semble qu'un bon nombre de différents comités se sont déjà penchés sur la question et qu'il existe beaucoup d'information à ce sujet.

• 1030

Puisque c'est le cas—puisque beaucoup de gens ont déjà examiné la question au fil des ans et puisque nous avons de nombreuses données fermes sur la question, quel est l'obstacle? Quel est le principal obstacle qu'il nous faut surmonter pour que cela puisse fonctionner au Canada?

Dr Philip Belitsky: Le principal obstacle, c'est que personne ne possédant l'autorité nécessaire n'a jamais pris l'initiative et déclaré: «C'est un problème, un problème qu'il faut régler, il faut s'en occuper, faites ce qu'il faut.» Voilà l'obstacle.

M. Reed Elley: Quand vous dites «possédant l'autorité nécessaire», qui visez-vous?

Dr Philip Belitsky: Le gouvernement fédéral au niveau national et les gouvernements provinciaux au niveau régional, de même que les autorités de la santé à un niveau encore plus régional, les hôpitaux, à un niveau extrêmement local. Toutes les initiatives ont été prises par des gens travaillant dans le domaine de la transplantation.

Il y a eu d'innombrables réunions et conférences, d'interminables concertations. De ma fenêtre d'hôtel, je vois le centre de conférences, l'ancienne gare. La première conférence de concertation à laquelle j'ai jamais assisté a eu lieu dans cet immeuble, il y a probablement une quinzaine d'années. Pendant le petit déjeuner, je me disais que depuis lors les choses n'avaient pas beaucoup changé à l'exception de certaines initiatives locales qui ont été prises, des initiatives dont certaines qui ont eu des suites, d'autres qui ont été abandonnées, mais dans l'ensemble, le mouvement n'a pas été très dynamique. Je n'accuse personne, je dis simplement que...

M. Reed Elley: Cela ne fait rien, vous pouvez accuser, nous devons aller au fond de cette affaire.

Dr Philip Belitsky: ...ce n'est la faute de personne. C'est simplement qu'on n'a pas jugé cela suffisamment important pour que les diverses instances s'en occupent d'une façon concertée. Mais je le répète, à mon avis ce comité pourrait faire beaucoup avec ses recommandations.

M. Reed Elley: Et cela ne devrait pas être tellement long.

Dr Philip Belitsky: Effectivement, pas tellement, du moins je l'espère.

M. Reed Elley: Je l'espère aussi.

J'ai une autre question; docteur Belitsky, dans votre exposé vous avez cité le modèle espagnol. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce modèle, dire comment ces mesures ont été appliquées, nous parler de ce qui a été fait en plus des trois niveaux de coordination? Cela doit aller plus loin. Pouvez-vous développer?

Dr Philip Belitsky: Certainement. Pour commencer, ce ne s'est pas fait sans difficulté. Ce n'est pas facile à cause de la diversité de ce pays. Ce ne sera pas facile ici non plus car il y a beaucoup d'intérêts différents qui tous pensent avoir la meilleure solution. Tous vont défendre leur morceau. Cela va exiger beaucoup de discussions et de consultations.

Cela dit, il faut reconnaître avant tout que le travail important se fait au niveau local. Il faut coordonner les activités à travers les différents niveaux. Une des premières choses que les Espagnols ont constatées, c'est qu'ils devaient être flexibles, qu'ils devaient éviter la bureaucratie. Comme André l'a expliqué, toute bureaucratie suppose des règlements. Nous avons affaire ici à une situation où les règlements ne conviennent pas vraiment car il faut pouvoir s'adapter aux changements et lorsqu'on veut changer les règlements, cela prend du temps. Au niveau national, les Espagnols se sont rendu compte que la coordination nationale porterait sur des éléments communs à tous les domaines de compétence.

Par conséquent, au niveau national nous devons nous demander si nous pouvons élaborer des politiques, par exemple pour organiser un registre national de donneurs. Comment pouvons-nous adopter des normes nationales sur les types de donneurs auxquels il convient de faire appel? Quel genre de recherches simples pourrons-nous permettre d'améliorer le système?

Le coordonnateur national relève d'une personne du ministère national de la Santé. Au niveau régional—et pour nous cela peut être un point de départ, pas forcément, mais c'est une possibilité, qui assurerait plus de flexibilité—, ce coordonnateur régional relève de l'homologue du ministre ou du sous-ministre de la Santé au niveau provincial. De cette façon, on établit une chaîne de responsabilités horizontales. Au niveau hospitalier, le coordonnateur relève du directeur médical de l'hôpital.

• 1035

Cela permet donc d'établir une responsabilité horizontale, et cela facilite les opérations courantes, mais en même temps, il y a une coordination verticale. Au niveau régional ou provincial, il est facile de prévoir l'existence d'un groupe représentant tous les hôpitaux, un groupe où on peut poser la question: «Quels sont vos problèmes? Nous nous sommes heurtés à tel et tel problème et voilà ce que nous avons fait pour le résoudre». Cela permet ce genre de collaboration.

La représentation au niveau national se fait sur la base de chaque région, mais ce n'est pas une bureaucratie. Dans leur livre, ils décrivent les problèmes qu'ils ont eus lorsqu'ils ont voulu donner un titre à ces gens-là. Ils ont fini par les appeler des coordonnateurs à cause de la magnifique ambiguïté de ce terme. Ce ne sont pas des directeurs, et à titre individuel ils n'ont pas énormément de pouvoir, mais ils réussissent à faire fonctionner le système à cause de la façon dont ils l'ont organisé.

Ce que j'ai trouvé le plus utile, et mes collègues également, c'est un petit livret qu'ils ont publié dans lequel ils décrivent leurs tribulations, leurs principes, les problèmes auxquels ils se sont heurtés, comment ils les ont surmontés, comment ils se sont organisés, comment ils ont modifié le système avec le temps et comment ils ont évolué. Ce n'est pas une formule magique, et je ne suggère pas que nous copiions exactement ce qu'ils ont fait, mais d'un autre côté, leur démarche a été systématique, intégrée et persistante, et elle comporte une certaine structure qui leur a permis d'en arriver là où ils sont. Tout cela est fondé sur l'expérience.

M. Reed Elley: Je crois que Mme Barker souhaite dire quelque chose.

Mme Elizabeth Barker: À propos du modèle espagnol, il y a autre chose, l'existence d'une stratégie de marketing à l'intention du public. Cette stratégie s'est étendue au-delà de leurs frontières. Les Espagnols sont très fiers de leur cheminement. Ils en parlent également lors des conférences internationales. Ils restent dynamiques et ils sont fiers de ce qu'ils accomplissent; je pense que cette attitude donne des résultats positifs.

M. Reed Elley: Monsieur le président, serait-il possible de fournir un exemplaire du livre espagnol dont le Dr Belitsky parle à chacun des membres du comité? Il faudrait voir si le livre est disponible car cela pourrait nous être très utile. J'imagine que cela pourrait nous être aussi utile qu'à vous. Merci beaucoup.

Le président: Le problème, c'est qu'il n'existe que dans une seule langue.

M. Reed Elley: En espagnol seulement?

Le président: Non, en anglais.

Mme Elizabeth Barker: Il a peut-être paru dans d'autres langues, nous ne le savons pas. C'est un sujet multinational.

M. Reed Elley: Je suis certain que le livre existe en français.

Le président: Nous vous en fournirons des exemplaires dans toutes les langues que nous pouvons trouver si les membres du comité acceptent d'avoir le livre, quelle que soit la langue. Je pense que cela devrait être possible, madame.

Dr Philip Belitsky: Puisqu'Elizabeth dit qu'on en a beaucoup parlé sur la scène internationale, j'imagine que si le livre existe en anglais il doit exister également en français...

M. Reed Elley: J'en suis certain.

Dr Philip Belitsky: ...et en allemand, etc. Il suffira d'appeler cet organisme pour obtenir ces livres très rapidement.

Le président: Monsieur Elley, c'est une suggestion dont nous prenons note et notre personnel va essayer d'en obtenir suffisamment d'exemplaires pour les membres du comité.

M. Reed Elley: Merci.

Le président: Merci beaucoup pour ces questions très pertinentes.

Madame Redman, votre question inaugurale de nouvelle venue au comité.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. C'est un véritable plaisir d'être ici. Je suis nouvelle venue, et je n'ai pas lu la stratégie en 13 points, mais tout cela me semble fascinant.

Madame Barker, vous avez déjà répondu à l'une de mes questions qui portait sur la stratégie globale de marketing. J'imagine que les meilleures structures et les meilleurs procédés possible n'empêchent pas que nous avons besoin de gens pour signer ces cartes.

Avez-vous examiné des modèles autres que le modèle espagnol? Ce qui me frappe, c'est que vous semblez penser que notre situation et la leur sont analogues. Est-ce que vous avez examiné les éléments d'autres modèles?

Mme Elizabeth Barker: Pas récemment; nous venons tout juste de prendre connaissance du livre sur le modèle espagnol, et c'est la raison de notre enthousiasme. Cela semble être le modèle le plus exceptionnel sur le plan des résultats, et d'un autre côté, il a été développé d'une façon très comparable. En effet, le Canada se trouve aujourd'hui dans une situation très comparable à celle où ils se trouvaient jadis. C'est à cause de ces points communs que nous avons examiné ce modèle particulièrement attentivement.

Le président: Docteur Belitsky.

Dr Philip Belitsky: Je vais peut-être exagérer, mais à peine. Il n'y a pas d'autre modèle.

• 1040

Il n'y a pas tellement d'organismes, soit au niveau régional, soit au niveau national ou international, il n'y a pas beaucoup d'organismes, au Canada ou ailleurs. Au Canada, il y a Québec Transplant, le Programme de prélèvement et de greffe d'organes de l'Ontario et la British Columbia Transplant Society, en plus de ce que nous avons fait. Sur la scène internationale, il y a UNOS aux États-Unis, Eurotransplant, qui regroupe une demi-douzaine de pays, Scandia Transplant, qui regroupe tous les pays scandinaves, France Transplant, etc.

Tous ces organismes ont commencé par s'occuper non pas de dons d'organes ou d'acquisitions d'organes, mais plutôt de distribution et d'attribution d'organes. C'est un fait qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on traite avec ces organismes ou lorsqu'on les consulte. Au départ, c'était leur mandat. «L'encouragement des dons d'organes» est venu s'ajouter à ce mandat, mais presque accessoirement.

Vous ne trouverez aucun organisme qui soit uniquement responsable des dons d'organes. Toutefois, tous les petits organismes qui existent insisteront sur la nécessité d'avoir un système intégré, coordonné et permanent. Cela vaut pour des organismes comme le Life Gift Organ Donation Center, au Texas, ou un organisme équivalent en Pennsylvanie, ou encore pour Partnership for Organ Donation, un organisme américain sans but lucratif basé à Boston qui a aidé beaucoup de petites institutions, des hôpitaux et des agences de recherche d'organes.

Mme Karen Redman: Pour mon information personnelle, est-ce que votre mandat vous demande également d'examiner ce qui fonctionne bien au Canada? Nous n'en sommes pas encore où nous voudrions être, mais il me semble que nous avons tout de même fait des progrès. Est-ce que vous vous intéressez à cet aspect-là, à ce qui se fait actuellement? Je pense aux organismes de santé non gouvernementaux qui sont probablement plus avancés que le gouvernement à l'heure actuelle.

Mme Elizabeth Barker: Oui, et on le voit, là encore, dans la composition de notre comité. Nous avons des éléments non gouvernementaux comme la Société de transplantation et l'Association canadienne de transplantation. La Fondation du rein est à l'avant-garde de ce mouvement. La réponse est donc oui, et je le répète, nous examinons les modèles, et le but est d'intégrer et de compléter ce qui a déjà été fait. C'est également un des éléments du modèle espagnol.

Dr Philip Belitsky: J'ai deux choses à dire; pour commencer, ce qu'Elizabeth a dit est exact, mais aucune de ces activités n'est permanente, intégrée, organisée et coordonnée. D'un autre côté, chaque fois que nous avons demandé à des organismes de s'occuper des 13 stratégies que nous jugeons importantes, nous leur avons demandé de commencer à partir d'une ardoise complètement vierge.

Avant de faire quoi que ce soit, assurez-vous que vous savez ce qui existe déjà dans le monde, ici et ailleurs, assurez-vous que ce que vous recommanderez est fondé sur l'expérience dans toute la mesure de possible. Ce qu'on va rechercher, ce sont tous les rapports, toutes les publications, toutes les expériences vécues personnellement. Il faut espérer que tout cela donnera des résultats.

Mme Karen Redman: J'ai une dernière question: Est-ce que votre mandat vous demande de vous pencher sur le type de formation qu'on donne aux professionnels de la santé, de vous assurer qu'on parle de ces éléments-là aux étudiants, et qu'il s'agit de plus de trois heures de cours, comme c'est le cas de la nutrition pour certains étudiants en médecine?

Dr Philip Belitsky: Il faut espérer que cela figurera dans les recommandations.

Mme Karen Redman: Est-ce que nous savons ce qui se fait actuellement? Est-ce que quelqu'un se penche sur la question?

Dr Philip Belitsky: Cela dépend. Personne n'étudie cela spécifiquement, mais ce sera un élément considéré. Cela varie d'un endroit à l'autre dans le pays.

Le président: Docteur Martin.

M. Keith Martin: J'ai deux questions très courtes et une observation.

Je vous remercie infiniment d'avoir insisté sur les mesures à prendre et également d'avoir considéré la question sur le plan des nombreuses études qui ont été effectuées, de tous les accords qui ont été signés dans ce domaine au cours des 15 dernières années. Comme vous l'avez dit, docteur Belitsky, l'important, c'est de reconnaître que le besoin existe. En fait, il suffit de se pencher sur notre boule de cristal pour savoir que la crise de l'hépatite C aura des suites, qu'on va avoir besoin de plus en plus de foies et de reins, et que l'incidence du diabète va augmenter. Tout cela va devenir de plus en plus urgent au cours des prochaines années, et en même temps, le nombre des greffes devrait augmenter parce que, financièrement parlant, cela représente une économie.

J'ai deux questions très courtes. Pour commencer, la coordination était l'un des éléments du modèle espagnol, mais là- bas, il y avait plusieurs autres éléments. Peut-être l'un d'entre vous ou les deux pourrez nous expliquer très rapidement les autres éléments du modèle espagnol en plus des trois niveaux de coordination.

• 1045

D'autre part, comme Mme Redman l'a mentionné, au Canada nous avons eu d'excellentes initiatives. Au Québec, je crois qu'on a remboursé les hôpitaux qui fournissaient des organes. Une fois les coûts d'acquisition des organes remboursés aux hôpitaux, on s'est aperçu que le nombre des organes disponibles augmentait considérablement. Peut-être pourriez-vous développer cet aspect.

Dr Philip Belitsky: Je vais commencer par la dernière question. L'augmentation des dons d'organes au Québec a coïncidé avec cette nouvelle mesure, mais cela n'a pas duré. On s'est demandé si la décision de rembourser très modestement les hôpitaux de l'argent dépensé pour conserver en vie les donneurs avait véritablement joué un rôle dans ce regain d'activité passager.

Voilà la situation que nous constatons: les dons d'organes sont tout à fait imprévisibles. Chaque fois qu'il y a augmentation des dons, nous pensons qu'il faut l'attribuer à une mesure que nous avons prise, mais cela ne dure pas et nous nous demandons pourquoi. Vous penserez que je me répète sans cesse, mais je ne saurais insister trop sur cela: tout ce que nous avons entendu aujourd'hui confirme la nécessité de coordonner, d'intégrer et d'uniformiser la démarche à tous les niveaux. Peu importe qu'il s'agisse du modèle espagnol ou d'un autre modèle, de votre modèle ou du nôtre, l'intégration et la coordination, l'uniformité des efforts, voilà ce qui fait fonctionner le système. Ensuite, on peut considérer les divers éléments, les ajuster individuellement, chercher sans cesse à les améliorer. Voilà comment cela peut fonctionner.

Cela dit, vous pouvez probablement donner de meilleures informations au comité sur les autres aspects du modèle espagnol, à moins que nous n'ayons oublié quelque chose.

M. Keith Martin: Merci.

Mme Elizabeth Barker: Dans l'environnement actuel, à une époque où l'argent destiné à la santé est extrêmement limité, assujetti à de nombreuses pressions, je suggérerais respectueusement de faire très attention à tout ce qui pourrait imposer des pressions financières supplémentaires sur les provinces, qu'il s'agisse d'infrastructure ou d'autres choses. C'est certainement une considération pour les provinces.

Le président: Judy Wasylycia-Leis, après quoi nous terminerons avec Elinor Caplan.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir à une question dont le président a parlé, celle du cadre réglementaire qui régit les organes et les dons d'organes. Est-ce qu'on vous a consultés lors de la préparation d'un article intitulé Proposed Risk Management Framework to Address the Safety of Tissues and Organs for Transplantation in Canada? Sinon, est-ce qu'on vous a soumis cet article pour vous demander votre opinion?

M. André LaPrairie: Je peux probablement répondre à cette question. Le document a été envoyé au Comité consultatif sur les services de santé auquel on a demandé de faire des observations. Également, le document était disponible lors de la réunion préliminaire de ce Comité national de coordination. Les membres du comité ont donc eu la possibilité de le lire et de le considérer comme un élément de base pour le travail qu'ils accomplissent.

Autrement dit, si les provinces partagent les organes, si toutes ces autres activités envisagées par le Comité national de coordination doivent avoir des suites, la première chose à faire est d'établir des normes pour le tri des donneurs, l'établissement de dossiers, etc. Le document portait sur cela.

Dr Philip Belitsky: Cette initiative avait été prise avant la création de notre comité, c'était une chose à part.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ma question tient toujours: Est-ce que vous considérez que ce document fait partie de vos délibérations puisque, apparemment, on y recommande d'abandonner dans une large mesure la démarche de la prudence en ce qui concerne les organes et les greffes et de la remplacer par un modèle de gestion du risque qui fait retentir toutes sortes de mises en garde? Dans quelle mesure allez-vous donner votre opinion sur cette démarche et quel rapport cela a-t-il avec le travail que vous faites au nom de ce Comité national de coordination?

Dr Philip Belitsky: La création de ce document est un bon exemple de partenariat entre le gouvernement et les professionnels de la santé. Tous les membres du corps médical s'occupant de transplantations ont le plus grand respect pour les artisans de ce document.

• 1050

Nous l'examinerons, pas dans ses moindres détails, mais plutôt dans le but de l'intégrer dans un programme plus vaste relatif aux dons d'organes et de tissus.

Le président: Merci.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Il me reste beaucoup de questions à poser. L'exposé a été...

Le président: Il y a une minute...

Mme Elinor Caplan: Puis-je utiliser la minute supplémentaire?

Le président: ...mais Mme Wasylycia-Leis la veut.

Mme Elinor Caplan: En fait, c'est une question qui fait suite aux remarques que vous avez faites et à l'allusion à M. Martin. Quelle soit la démarche qu'on adopte, vous avez laissé tomber des éléments essentiels à la question de la reddition de comptes. Vous avez parlé d'intégration et de coordination, mais à mon avis, d'après l'expérience passée, on a souvent tendance à oublier l'obligation de rendre compte, ce qui, je l'espère, fera partie intégrante du modèle de contrôle de la qualité et d'amélioration constante dont vous avez parlé plus tôt.

Nous savons qu'il y a de bons exemples dans notre pays. Vous avez parlé de la Colombie-Britannique, dont nous devrions nous inspirer, d'après vous, car le système y fonctionne bien. C'est une approche régionale. En outre, je suis assez au courant du Programme de prélèvement et de greffe d'organes de l'Ontario, qui, d'après tous les renseignements dont je dispose, ne donne pas les résultats escomptés. Dans le contexte de la démarche d'amélioration constante, j'examine ce programme et me demande quelles leçons nous pouvons tirer de cette initiative bien intentionnée.

Je suis déçue de cet échec partiel car souvent, par le passé... Je vais répéter ce que vous avez dit. Vous avez déclaré que nous devrions dire: «Voilà ce que nous voulons faire, c'est notre priorité et laissez-nous faire», mais si on ne prévoit aucune obligation de rendre compte, comment pourrons-nous être certains que le programme en place atteint bien les objectifs poursuivis? Quelles leçons pouvons-nous tirer de la façon dont nous avons procédé par le passé ou des mesures que d'autres prennent, pour pouvoir intégrer au processus une mesure de reddition de comptes qui s'impose? Là encore, il s'agit de rendre des comptes aux Canadiens de toutes les régions du pays.

Les questions qui m'ont également paru intéressantes sont celles qui portent sur les initiatives que les hôpitaux sont susceptibles de prendre si on leur donne les fonds voulus. Ce sont pour moi des questions de valeurs. En effet, nous disposons de la technologie et de l'aptitude voulues pour offrir ce service aux gens. C'est un service très rentable. Non seulement les greffes de reins permettent de sauver des vies, mais les personnes transplantées peuvent même retourner au travail et mener une vie saine et productive, tandis que le coût de traitements par dialyse et la qualité de vie et tout le reste... Il ne fait aucun doute que la transplantation d'organes devrait être une priorité.

Comment faire accepter ces valeurs et créer ce genre de culture? Vous nous avez dit qu'il ne suffit pas d'injecter quelques dollars par-ci par-là, qu'il s'agit de bien faire comprendre aux gens qu'ils ont un rôle à jouer, et qu'ils doivent rendre des comptes. Je vous ai entendu le dire. Quels conseils pouvez-vous donner à notre comité quant aux recommandations que nous formulerons pour s'assurer que l'on tient compte à l'avenir de ces valeurs et de cette culture?

Dr Philip Belitsky: Dites-le. Si vous le dites, c'est ainsi que l'on procédera. La question de la reddition de comptes est de toute évidence très importante. Comme je l'ai dit plus tôt, il y a très peu de gens dans le pays, si même il y en a, dont l'évaluation professionnelle dépend du maintien d'un certain niveau de dons d'organes. Voilà sans nul doute un palier de reddition de comptes.

Il y a aussi l'obligation de rendre compte à la population. À mon sens, nous devons non seulement rendre des comptes, mais nous devons également mener nos activités avec une totale transparence. Nous devons pouvoir affirmer sans hésiter que nous travaillons dans le cadre de ce système et que nous sommes très fiers de ce que nous faisons.

Lors de mes visites dans des hôpitaux de petites localités en vue de promouvoir les systèmes de dons d'organes sur place, le personnel me demandait ce qui se passerait si l'on faisait un prélèvement au beau milieu de la nuit et que le préposé au nettoyage appelait la station de radio locale en disant: «Savez- vous ce qui se passe dans cet hôpital?» La réponse est simple. Une fois le système mis sur pied, il faut communiquer avec les journalistes. Il faut tenir une conférence de presse pour annoncer que vous faites partie du réseau et que vous en êtes fiers. Il faut faire valoir que c'est un service que vous allez rendre aux habitants de la collectivité qui ont besoin de greffes d'organe.

• 1055

Cette obligation de rendre compte, cette transparence et ce sentiment de fierté sont indispensables, et le succès engendre le succès. Nous le voyons partout. Au fur et à mesure que le système donnera des résultats positifs, ce succès fera boule de neige. En Colombie-Britannique, on a pris l'initiative. Comment les choses vont-elles évoluer? Je n'en sais rien. Mais au moins, les responsables ont fait quelque chose en vue de prendre une initiative intégrée, coordonnée et soutenue, tout en rendant compte de leurs actes.

Mme Elinor Caplan: Quelle est l'échéance réaliste pour la mise en place de ce système? J'ai entendu une chose qui m'a découragée, lorsque vous avez dit: «Nous n'en sommes qu'au tout début», alors qu'on nous a présenté une stratégie en 13 points. Vous dites que ce n'est que le début. Un certain nombre d'entre nous autour de la table espéraient que la mise en place pourrait se faire peu de temps après que le comité aura terminé ses travaux. Quelle est l'échéance réaliste pour la mise en oeuvre d'un programme qui facilitera l'accès des Canadiens aux dons d'organes, augmentera le nombre de donneurs et mettra en place le genre de système qui... Je ne parle pas de la date où tout sera terminé, mais je veux parler du début d'une campagne nationale.

Dr Philip Belitsky: L'unique rôle de notre comité est de présenter un rapport. Nous ne sommes pas chargés de mettre en oeuvre quoi que ce soit.

Mme Elinor Caplan: Disons dans trois ans?

Dr Philip Belitsky: Oui, deux ou trois ans pour présenter un rapport... Si vous me le demandiez, j'aimerais commencer dès demain, mais pour mettre en oeuvre ce genre de programme, il faut se rappeler qu'il y a toujours une évolution. La perfection n'est pas de ce monde. On n'obtient jamais exactement ce que l'on souhaite. Il faut toujours travailler à une amélioration.

Combien de temps cela prendra-t-il pour achever le programme? Il est impossible de répondre à cette question. Combien de temps faudra-t-il pour mettre le processus en branle une fois la décision prise? Cela se fera sans doute assez rapidement car il y a des intervenants qui sont extrêmement motivés.

En outre, il y a toute l'expérience acquise: une fois que l'on commence à se pencher sur un projet, on constate que certaines activités parallèles se déroulent pendant que l'on procède à son étude. Il faut espérer que lorsque viendra le moment du dépôt du rapport, ce dernier sera déjà désuet parce que tout le monde se sera mis à la tâche pour garantir le succès du programme. Je ne sais pas si ce sera le cas pour notre comité. J'aimerais pouvoir le croire. Je constate que des initiatives parallèles sont en cours dans différentes régions du pays et j'espère qu'elles se révéleront très efficaces avec le temps.

Mme Elinor Caplan: J'ai une brève question.

Le président: Je pensais que ce serait formidable de conclure sur une réponse aussi positive.

Mme Elinor Caplan: C'est une toute petite question. Seriez- vous insultés si notre comité recommandait que le vôtre devienne un comité de mise en vigueur plutôt qu'un comité chargé de présenter un rapport dans deux ou trois ans?

Dr Philip Belitsky: Je ne le pense pas, mais on ne peut pas prévoir les réactions de tout le monde.

Le président: Madame Barker, docteur Belitsky, monsieur LaPrairie et monsieur Brodie, merci beaucoup de votre patience. Nous avons commencé en retard. Vous nous avez fourni des réponses pertinentes—j'ai l'impression de vous remettre votre bulletin—et je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir répondre à nos questions. Je suis sûr que vos réponses se révéleront très utiles.

Nous allons, chers collègues, faire une pause de cinq minutes avant de poursuivre nos délibérations à huis clos.

[Les délibérations se poursuivent à huis clos]