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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 février 1999

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.

Bienvenue à la troisième séance de l'étude qu'effectue le Comité de la santé sur la situation du don d'organes et de tissus au Canada.

• 0905

Nous accueillons aujourd'hui deux tables rondes. Dans le cadre de la première table ronde, je souhaite la bienvenue à Mme Madeleine Murphy, à Mme Lina Cyr, à M. James McLaren et à M. Bert Hoferichter.

Vous êtes tous les bienvenus aux audiences de notre comité. Je suis sûr que votre présence et votre contribution nous aideront dans notre réflexion sur les grands enjeux associés aux dons d'organes et à la transplantation. Nous vous remercions de nous faire part de votre expérience personnelle.

Laissez-moi vous expliquer comment nous fonctionnons en comité: nous vous demandons de vous faire un exposé d'environ cinq minutes, au cours desquelles nous ne vous interromprons pas. Après vos exposés à tous, les députés de l'Opposition et les députés ministériels pourront vous poser des questions. Nous essayons d'établir un dialogue, mais dans un cadre relativement structuré. Nous apprécierions que vous vous en teniez aux cinq minutes que je vous ai proposées.

Madame Murphy, voulez vous commencer?

Mme Madeleine Murphy (témoignage à titre personnel): Vous voulez que je commence? Bien.

Si je comparais ici, c'est parce que j'ai un fils qui est dialysé. Philip, qui est l'adjoint de l'un de vos collègues, ici même au Parlement, fait de longues journées de travail, tout comme vous; mais en plus, deux fois par semaine, il doit passer cinq heures de suite, en fin de journée, en dialyse. Enfin, il passe tous ses samedis après-midi rattaché à cette merveilleuse machine qui le garde en vie.

Philip, qui est assis derrière moi, pourra m'aider à répondre à certaines questions, car il une meilleure mémoire que moi.

Philip et moi avons consacré beaucoup de temps à lire ce qui se faisait sur les dons d'organes et à faire de la recherche là- dessus, et c'est pourquoi lorsqu'il m'a informé que M. Allan Rock avait décidé de renvoyer cette question au Comité de la santé, je me suis fait un point d'honneur d'assister à toutes vos séances à titre d'observatrice. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis de me familiariser avec les documents dont vous êtes saisis.

Même si le livre bleu propose une stratégie en 13 points, j'ai choisi de m'attarder plutôt à deux grandes notions. Toutefois, je tiens à préciser que j'espère que vous recommanderez au gouvernement de mettre en oeuvre au moins certaines des stratégies qui ont été proposées; cela vaut mieux que de ne rien recommander du tout. De plus, je suis convaincue que vous auriez tort de demander que l'on étudie plus à fond le sujet. Cela fait déjà 20 ans environ que l'on se penche sur cette question, et il est maintenant grand temps d'agir.

J'ai apporté une pochette de documents qui inclut la lettre que j'ai envoyée aux députés du comité, pour expliquer le tableau que j'ai créé et qui vous simplifiera, je l'espère, la tâche lorsque vous ferez vos recommandations.

Les deux grandes questions sur lesquelles je voudrais me pencher sont, en premier lieu, la déclaration des volontés du donneur et, en second lieu, le respect de la volonté du donneur déclaré.

Commençons d'abord par la déclaration des volontés du donneur. Comme vous le savez, les moyens utilisés pour déclarer nos volontés sont fragmentés: dans certains cas, il s'agit de la déclaration sur le permis de conduire, que certaines provinces ont abandonnée; dans certaines provinces, on coche la carte d'assurance-santé; et dans d'autres cas encore, on porte une carte de donneur fournie par des organisations, et dont la distribution est, au mieux, très sporadique. De plus, il n'est pas toujours possible de mettre la main sur ces documents au moment voulu.

À mon avis, la méthode la plus efficace consisterait à prévoir une case spéciale sur la déclaration de revenus fédérale. En effet, il suffirait de demander au contribuable de cocher l'un ou l'autre des trois choix suivants: (1) je souhaite donner mes organes/tissus à mon décès; (2) je ne souhaite pas faire de don; ou (3) je suis indécis.

Cette méthode aurait pour avantage supplémentaire de faciliter l'entrée de cette information dans un registre national des donneurs déclarés. Elle permettrait également aux contribuables de changer d'avis chaque année. Dans le cas des mineurs qui ne remplissent pas de déclaration de revenus, la décision reviendrait, comme il se doit, aux parents.

• 0910

Soit dit en passant, le formulaire de déclaration de revenus a déjà été utilisé à d'autres fins, dès l'année d'imposition 1997, par Élection Canada.

Je vous ai fait distribuer à chacun une pochette—je ne sais si vous l'avez déjà reçue—qui inclut une lettre d'accompagnement expliquant mon point de vue et un échantillon du formulaire de déclaration de revenus sur lequel vous pouvez voir l'encadré d'Élection Canada. Cet encadré est accompagné d'un encart jaune qui vous explique le recensement.

Dans la case du recto de la page, le contribuable peut signaler qu'il souhaite être recensé au moyen de ce formulaire. L'encart jaune qui accompagne le formulaire explique le recensement et, joint au formulaire de 1998, on trouve un autre encart qui rend compte des résultats et qui donne de l'information supplémentaire sur le recensement.

Quel outil parfait pour informer la population canadienne au sujet du don d'organes, puisque c'est là une de vos grandes stratégies du livre bleu. Cela permettrait également de sensibiliser la population canadienne chaque année sur un aspect différent du don d'organes.

En second lieu, j'aimerais revenir à l'importance de respecter les volontés des donneurs déclarés. Si nous avons entre les mains une déclaration très claire des volontés du décédé, nous avons le devoir de les respecter sans imposer le fardeau du choix à ses proches.

J'ai plusieurs raisons d'en être fermement convaincue. D'abord, il me semble redondant de demander la permission à la famille alors que les volontés du principal intéressé sont déjà enregistrées. Ensuite, le professionnel de la santé aurait la tâche beaucoup plus simple s'il pouvait informer la famille du décès de son patient, en faisant preuve comme il se doit de sensibilité et de compassion, et informer en même temps la famille que l'hôpital s'apprête à répondre à son désir de donner ses organes pour aider autrui. Il n'aurait pas à demander la permission à la famille, et à lui imposer le fardeau de la décision.

Je n'ai aucune preuve pour étayer ce que je vais vous dire, mais je suppose qu'il arrive parfois que l'on évite de prélever des organes, tout simplement parce que certains membres du personnel hospitalier hésitent, ce qui est compréhensible, à aborder la famille pour obtenir l'autorisation ou parce que certains hôpitaux n'ont pas de personnel formé pour demander l'autorisation.

Le personnel de l'hôpital serait délesté de ce fardeau de même que la famille. Je pourrais vous raconter quelques anecdotes qui illustreraient mon propos, mais permettez-moi de n'en citer qu'une seule, étant donné le peu de temps à ma disposition.

Lorsque mon beau-frère est décédé, ma soeur était trop sous le choc et trop fatiguée pour s'occuper des questions de don d'organes. Bien que l'hôpital l'ait pressentie, et qu'il lui ait posé plusieurs questions, elle a fini par refuser. Or, moins de 24 heures après le décès de son mari, elle m'a regardée avec angoisse et m'a dit qu'elle aurait bien voulu que l'hôpital prélève tous les organes qui auraient pu servir à d'autres, car elle savait que c'était la volonté de son mari.

Son mari avait pourtant donné son consentement sur son permis de conduire, voyez-vous. Il en avait même discuté avec elle, parce qu'il connaissait le cas de mon fils, son neveu. Aujourd'hui, non seulement ma soeur continue-t-elle à porter son deuil, mais elle doit aussi vivre avec le regret de n'avoir pas tout fait.

Merci.

Le président: Merci, madame Murphy.

Madame Cyr.

[Français]

Mme Lina Cyr (témoigne à titre personnel): Bonjour. Cela me fait plaisir d'être parmi vous. Je suis très heureuse que quelqu'un commence à penser aux dons d'organes. Vous avez fait un comité permanent et j'espère qu'il va rester.

En 1987, il y a 11 ans, j'ai subi une greffe hépatique. Par la suite, j'ai décidé de fonder l'Association des greffés du Québec pour regrouper des gens qui étaient en attente d'une greffe depuis longtemps. Vous savez que dans le cas d'une greffe, ce n'est pas comme dans le cas d'une personne qui souffre du cancer. Dans vos familles, une personne sur deux souffrira d'un cancer, tandis qu'il y a peut-être une personne sur 100 qui est en attente d'une greffe. C'est pourquoi il est nécessaire que les gouvernements s'impliquent.

• 0915

Nous sommes contents que les gouvernements s'impliquent parce qu'il y a environ une personne sur 100 qui va subir une greffe, alors qu'une personne sur deux souffrira d'une maladie cardiaque. C'est pourquoi le don d'organes est très difficile. Il y a beaucoup de tabous autour de cela et il va falloir travailler très fort pour que le don d'organes devienne une cause nationale, comme toute autre maladie.

J'ai fondé la Maison des greffés du Québec, à Montréal. Il n'y en a qu'une au Canada, et c'est la mienne. Ces gens-là ont besoin d'être encadrés quand ils sont prêts à recevoir leur greffe. Ils sont en attente pendant des mois et des mois. J'en connais un, M. Tremblay, qui attend une greffe de poumons à la maison depuis 18 mois. Je trouve ce délai excessivement long.

Donc, je suggérerais au gouvernement d'établir des comités très précis dans les hôpitaux. Cela commence là. C'est difficile, quand le moment critique de la mort est arrivé, quand on perd un parent cher, de se faire bousculer pour un don d'organe. Il devrait y avoir des comités et il devrait aussi y avoir de la sensibilisation dans les écoles, dans les cégeps. Il devrait y avoir des affiches et des messages télévisés pendant toute l'année, comme dans le cas d'autres messages.

On devrait sensibiliser beaucoup de gens à la cause. C'est la sensibilisation qui manque beaucoup. Comme le disait madame, il faut établir des comités de sensibilisation, qui expliqueraient qu'un organe, ce n'est pas quelque chose qui s'achète ou qui se prête, mais bien quelque chose qui se donne. Ayant reçu un don d'organe, nous savons de quoi nous parlons. Nous étions en phase terminale, près de la mort, et nous attendions que quelqu'un décède pour qu'on prélève ses organes.

On devrait en parler en famille. Le don d'organes, c'est la survie. Le jeune garçon qui est derrière nous, qui travaille ici et qui subit des traitements de dialyse trois fois par semaine pendant quatre heures n'a pas une vie de qualité. Nous avons beaucoup de personnes dans tout le Canada. Pourquoi ne sommes-nous pas capables de prélever des organes afin que le don vienne tout seul?

En Amérique, ils ont fait un timbre dont le thème est le don d'organes. Les Américains ont fait cela. Je pense que les gouvernements du Canada et du Québec devraient s'impliquer fortement dans le don d'organes. Merci.

Le président: Merci, madame.

[Traduction]

Monsieur McLaren, c'est votre tour.

M. James McLaren (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je suis très fier de comparaître ce matin à titre de greffé. Ceux qui ont reçu le don de vie grâce à une greffe sont certainement les mieux placés pour vous parler de la transplantation, car ils sont la preuve vivante du succès de cette méthode.

Je suis très heureux d'avoir eu un second regard sur la vie, et je suis heureux de pouvoir vous faire part de mes opinions, dans l'espoir qu'elles vous aideront lorsque vous songerez à mettre sur pied une campagne nationale et unifiée destinée à promouvoir le don d'organes au Canada.

Je suis fier d'être Canadien, et pourtant je suis blessé et sidéré lorsque j'entends dire de la part d'autres pays que le Canada est vraiment en retard dans le domaine des dons d'organes. Nous pouvons y remédier et reprendre le dessus.

Après ma convalescence, j'ai voulu aider le milieu de la transplantation et j'ai passé autant de temps que possible à promouvoir la sensibilisation au don d'organes. Il y a encore beaucoup à faire pour éduquer les Canadiens en ce sens, j'en suis convaincu.

Je porte un macaron qui dit: «J'ai subi une transplantation». Lorsque les gens me posent des questions, cela mène à une discussion sur les dons d'organes. La réaction des gens est parfois étonnante: «Ah non, c'est impossible, vous n'avez pas subi de transplantation cardiaque; vous avez l'air trop en forme». Eh bien, je vous le demande, ça ressemble à quoi un transplanté?

• 0920

C'est un élément sur lequel nous devons nous pencher. J'estime que c'est mon devoir de contribuer à la sensibilisation du public, en occupant les devants de la scène et en prenant la parole en tant que personne transplantée.

Je vous ai présenté un mémoire décrivant ce qui constitue à mon avis les principaux problèmes relatifs aux dons d'organes au Canada ainsi que des solutions possibles. Je suis convaincu qu'en consultant des profanes comme moi et des organismes professionnels, le comité pourra réunir un fonds d'informations et formuler des idées ainsi que des recommandations. Il s'agit d'une excellente occasion d'agir en vue de régler notre problème, et je suis persuadé que nos efforts porteront fruits. Je suis en faveur de toute mesure qui va permettre d'accroître le taux de dons d'organes au Canada.

Je vais répéter certaines choses qui ont déjà été dites. Le problème au Canada a trait à l'identification des donneurs éventuels. Il s'agit d'un grave problème qui découle de l'absence d'un système unifié au Canada. Chaque province a son système. Un bon nombre de ces systèmes présentent des lacunes sur le plan juridique, ce qui nous oblige à demander le consentement de la famille ou du plus proche parent. Cela entraîne parfois des refus qui vont à l'encontre de la volonté du donneur.

Des études réalisées au pays, et je crois ailleurs dans le monde, montrent que 90 p. 100 de la population est d'avis qu'il faut respecter la volonté du donneur. Malheureusement, on contourne la loi pour des raisons de protocole lorsqu'on demande l'autorisation de la famille, qui peut dire non. De toute évidence, si la famille en décide ainsi, aucun organe n'est prélevé. Le protocole l'emporte sur le droit.

À mon avis, la solution consiste à ne pas obliger la famille à prendre ce genre de décision. Je cite en exemple le répertoire des donneurs d'organes qui existe depuis un an en Colombie- Britannique.

Le donneur signe en outre un document juridique qui précise les organes qu'il accepte ou qu'il refuse de donner. Le donneur est identifié dans le répertoire grâce à son numéro d'assurance- maladie. Le document est numérisé. Lorsque l'hôpital identifie un donneur éventuel, il peut déterminer à partir de son nom s'il a un numéro de carte d'assurance-maladie. Ce numéro permet de savoir si cette personne est inscrite au répertoire. Le cas échéant, l'hôpital peut obtenir par télécopieur une copie du document juridique en quelques secondes. L'hôpital peut alors montrer ce document à la famille et lui dire: «Voici les volontés de l'oncle Georges». Elles sont écrites noir sur blanc.

Il n'est pas nécessaire de former du personnel spécialement à cette fin. C'est une tâche très difficile, mais si elle est exécutée correctement, il n'est pas nécessaire de demander l'autorisation de la famille, et on élimine pratiquement les possibilités de refus.

L'autre problème consiste à identifier les donneurs. Le système de déclaration obligatoire qui est en vigueur dans d'autres régions, notamment en Pennsylvanie dans le cadre du programme de transplantation de la vallée du Delaware, a donné des résultats spectaculaires depuis cinq ans. L'hôpital est tenu, en vertu de la loi, d'identifier tout donneur éventuel et de prévenir l'organisme de collecte des organes intéressé.

Si des employés sont spécialement formés pour appliquer ce système et parler à la famille, il sera possible d'identifier un nombre de donneurs et de prélever beaucoup plus d'organes.

Cela pourrait être très utile. Certaines statistiques montrent que 40 p. 100 des donneurs éventuels nous échappent, parce qu'on ne pose pas la question à la famille ou parce qu'ils ne sont pas identifiés.

Si elles étaient adoptées partout au Canada, ces pratiques simples—et je dis simples, mais elles ne le sont peut-être pas autant que je le crois—pourraient faire grimper considérablement le taux de dons d'organes au Canada. Ce que l'on constate, c'est que des Canadiens meurent alors qu'on pourrait leur sauver la vie en apportant de simples changements à notre système.

J'estime également qu'un programme de sensibilisation du public s'impose, surtout dans les écoles, afin que les enfants soient sensibilisés au don et à la transplantation d'organes à un jeune âge.

Le mémoire que je vous ai remis est beaucoup plus détaillé. Je crois que vous en avez tous reçu un exemplaire. Si quelqu'un a des questions au sujet du répertoire des donneurs d'organes en Colombie-Britannique—je crois qu'il s'agit d'un bon exemple à suivre à l'échelle nationale—je serai heureux de tenter d'y répondre.

Merci.

• 0925

Le président: Merci, monsieur McLaren.

Vous l'ignorez peut-être—les députés le savent—mais nous allons accueillir un peu plus tard des représentants de la Colombie-Britannique qui vont nous parler du répertoire.

Je crois que c'est une excellente occasion pour les députés de poser des questions à M. McLaren afin de se préparer à entendre les autres témoins.

Monsieur Bert Hoferichter, vous avez la parole.

M. Bert Hoferichter (témoignage à titre personnel): Bonjour, monsieur le président, chers compagnes et compagnons receveurs, et chères familles de donneurs.

J'estime que c'est tout un privilège de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui. Le coeur qui bat dans ma poitrine n'est pas le mien. Il m'a été prêté. Je me dois d'en prendre le plus grand soin. La famille d'un héros silencieux m'en a fait don, comme un geste d'amour à sa mémoire. Ce geste témoigne d'une profonde compréhension du plus beau cadeau que Dieu nous a donné: la vie.

J'ai reçu ce cadeau il y a deux ans, à l'âge de 57 ans, après une carrière très réussie en photographie. C'est grâce à cela que ma femme, mes trois enfants et mes petits-enfants peuvent continuer de jouir de ma présence.

Le don d'organes sauve des vies. Ici même à Ottawa, un homme a sauvé la vie de trois autres personnes. Brian Smith, ancien joueur de hockey de la LNH et chroniqueur de télévision, a été abattu à son lieu de travail par un déséquilibré. Sa femme et sa famille ont eu la force, le courage et la sagesse de faire don de ses organes pour que quelqu'un d'autre puisse continuer de vivre.

Le jeune Nicholas Green, âgé de sept ans, a été abattu d'une balle pendant les vacances familiales en Italie. Ses parents ont pris la décision à Messine, en Sicile, au chevet de l'enfant, de donner tous ses organes. Sept jeunes vies ont ainsi pu être sauvées, et Nicholas est devenu un héros national en Italie, en Europe et aux États-Unis.

En 1997, 1 578 transplantations ont été réalisées au Canada. Les listes d'attente comptaient 2 829 personnes, dont 150 sont mortes avant de recevoir un organe.

La transplantation d'organes est devenue le traitement privilégié dans les cas d'insuffisances cardiaques, rénales, pulmonaires, hépatiques et pancréatiques finales. Et c'est efficace. Le doyen des transplantés du foie a subi son opération en 1954.

Notre groupe, soit le groupe Heartlink de l'hôpital de Toronto, compte 183 transplantés cardiaques toujours en vie dont certains qui ont reçu leur nouvel organe au début du programme en 1986.

À une certaine époque, l'espérance d'un transplanté cardiaque était d'au plus cinq ans, ce qui nous satisfaisait. La situation a beaucoup changé.

L'absence de rigueur dans la loi en Ontario me laisse bouche bée. Il n'y a pas de règles claires et bien établies sur le don d'organes. Je parcours le pays, et la province, pour parler du don d'organes aux clubs philanthropiques. Pour la plupart d'entre nous, à cause de l'expérience que nous avons vécue, cela devient comme une religion. Nous nous transformons en pasteurs, et nous partons prêcher le don d'organes auprès des clubs philanthropiques et des particuliers.

Si je devais faire des recommandations au comité, je dirais que la quatrième partie de M-222, qui vise à respecter la volonté du donneur, est la plus importante. La plupart des gens disent qu'ils ont signé une carte de dons d'organes, mais lorsqu'arrive l'étape suivante, qu'un accident malheureux se produit, la famille dit non.

Au Canada, un pays qui compte quelque 30 millions d'habitants, 402 dons d'organes ont été enregistrés en 1997. C'est le taux le plus faible des pays civilisés. Dans d'autres pays comme la Belgique, on enregistre un excédent d'organes.

• 0930

Il faut se garder toutefois de ne pas tenir compte de la taille de notre pays. Pour transporter un organe de Vancouver à Toronto, il faut compter six heures d'avion, et le créneau pour effectuer une transplantation, qui était auparavant de quatre heures, est maintenant d'un maximum de huit heures. Il est très difficile d'établir des comparaisons avec les pays européens.

Le Canada se classe à l'avant-dernier rang des pays donateurs d'organes; et je crois que le temps est venu d'agir. La situation s'est améliorée depuis quelques années, mais nous sommes loin de profiter de tous les dons possibles. Nous devons nous assurer que la volonté du donneur est respectée.

La suppression des incitatifs financiers pour les hôpitaux me préoccupe. Du point de vue d'un profane, je crois que des coûts sont associés au transport d'un organe vers un autre hôpital—par exemple, un petit hôpital de North Bay, et à la transplantation comme telle. Si on élimine les incitatifs, je me demande si on ne sera pas tenté de ne pas fournir les organes.

Je pense qu'il faut conserver M-22, et en faire une loi afin qu'il soit plus accessible pour les centaines de personnes qui sont inscrites sur des listes d'attentes et pour les malades qui meurent dans l'attente d'un don d'organes.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Hoferichter.

Nous allons maintenant amorcer la période des questions, en commençant par M. Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci, monsieur le président.

Le président: Excusez-moi, monsieur Martin, mais j'ai omis de signaler à tous les députés que le sénateur Simard s'est à nouveau joint à nous, à titre d'observateur et de transplanté. Il a décliné mon hésitation à formuler des commentaires, mais il pourrait changer d'avis un peu plus tard.

Je suis désolé de vous avoir interrompu.

M. Keith Martin: Merci.

J'aimerais vous remercier tous de vous être déplacés aujourd'hui. Je remercie le sénateur Simard, qui a contribué à attirer l'attention du Parlement sur cette question. Il s'est avéré d'un grand secours, tout comme Mme Murphy et le reste d'entre vous. Je vous remercie de l'excellent travail que vous effectuez pour faire avancer ce dossier.

J'aimerais attirer votre attention sur quelques points.

Dans votre mémoire, monsieur McLaren, vous avez montré très clairement que si une personne prévient les membres de sa famille qu'elle a choisi de donner ses organes, la proportion dans laquelle cette volonté est respectée, c'est-à-dire lorsque la famille n'intervient pas pour empêcher le don d'organes, passe de 56 p. 100 à 96 p. 100.

M. James McLellan: C'est juste.

M. Keith Martin: Ainsi, si sur la déclaration de revenus, par exemple, il y avait une case où le contribuable peut indiquer s'il souhaite faire don de ses organes, et aussi une case où l'on demande au contribuable s'il en a discuté avec sa famille, croyez-vous que la volonté du contribuable serait respectée s'il venait malheureusement à décéder?

Je vais simplement finir de poser mes questions avant que vous commenciez à y répondre.

Monsieur Hoferichter, pourriez-vous nous parler de l'utilisation de l'Internet et nous dire si d'après vous le système balkanisé que nous avons aujourd'hui au Canada fonctionne et si nous avons besoin d'un répertoire national?

Madame Murphy, peut-être pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de l'utilisation de ce formulaire dans le système fiscal et nous parler de son efficacité éventuelle dans une base de données nationale.

Merci.

Le président: Monsieur Hoferichter, voulez-vous vous essayer le premier?

M. Bert Hoferichter: C'était très intéressant ce matin de rencontrer James McLaren. Par l'entremise de l'Internet, James m'a donné des conseils sur divers problèmes qu'éprouvent les personnes comme nous. Dans mon cas, il s'agissait tout particulièrement de mon taux de cholestérol, et du médicament à utiliser. James m'a suggéré, car il avait eu le même problème, de changer de médicament. Je l'ai fait, avec le consentement de mon médecin, et mon taux de cholestérol est passé de 12 à 5,5 en deux mois.

Il y a donc une grande interaction entre les greffés et les donneurs qui posent des questions. Je ne sais pas ce que je ferais si je ne disposais pas, au bout des doigts, quotidiennement, des médias électroniques. Quel que soit le problème, je pense que nous pouvons en apprendre plus, les uns des autres, que d'un médecin à la clinique.

• 0935

Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. James McLaren: Oui, merci.

Il est important de partager vos expériences avec les autres. Soyons honnêtes, aucun d'entre nous n'avait vécu une telle expérience auparavant. Il fait bon, sans doute, de raconter ses malheurs, mais je ne pense pas que Bert et moi ayons des malheurs. Maintenant, tout est merveilleux dans notre vie, grâce à nos donneurs qui nous ont donné cette possibilité.

En réponse à votre première partie de votre question concernant la famille, les chiffres que j'ai cités démontrent que lorsque les membres de la famille connaissent les désirs du mourant, ils sont beaucoup plus portés à donner leur consentement. Le plus important toutefois, c'est d'avoir en place un système où le problème du consentement ne se pose pas, en d'autres termes, il ne faut pas laisser cette décision aux membres de la famille.

Je pense que c'est ce que nous disons tous, bien que de façon différente. Il nous faut une méthode qui permette de respecter les désirs du donneur tout en voyant à leur exécution.

Lorsqu'on se penche sur les lois concernant les dons d'organes humains dans chacune des provinces, on constate que toutes ces lois énoncent très clairement qu'il faut respecter les désirs du donneur, mais à cause de tous ces systèmes différents, ce n'est pas le cas. Si nous devons demander la permission à la famille, nous aurons des refus et je pense que c'est un problème que nous pourrions surmonter si nous mettions le mécanisme approprié en place.

Encore une fois, le système en Colombie-Britannique n'a qu'un an, mais je suis persuadé que les statistiques révéleront, avec le temps, qu'un tel système élimine la nécessité de demander. Le taux de refus va diminuer et les dons vont augmenter. J'en suis convaincu.

Le président: Madame Murphy.

Mme Madeleine Murphy: Le Dr Martin a posé une question au sujet du formulaire de déclaration d'impôt. Je pense que je mentionne dans mon mémoire qu'Élection Canada a déjà créé un précédent en utilisant le formulaire pour autre chose que la déclaration d'impôt. C'est en première page du formulaire. Cela se prêterait aussi tout naturellement à l'inclusion de cette information dans une base de donnée nationale puisque Revenu Canada, entre de toute manière cette information.

Je mentionne également le fait que ce petit feuillet jaune accompagnait la déclaration de 1998 et celle de 1997, lors de son introduction. Cela nous donne un mécanisme parfait pour parler du don d'organes, pour informer la population. Nous pourrions même viser chaque année un aspect différent du don d'organes, puisque nous remplissons notre déclaration d'impôt tous les ans.

Cela répondrait donc à la nécessité d'avoir une déclaration ainsi qu'un registre national et une formation telle qu'envisagée dans notre livre bleu et dans la motion du Dr Martin.

Je crois aussi, comme le disait M. McLaren, que les gens sont vraiment horrifiés. Parce qu'on m'interroge sur la santé de mon fils, c'est une entrée en matière tout à fait naturelle à la question du don d'organes. Je mène ainsi un petit mini sondage depuis des années. Je demande aux gens s'ils savent que même s'ils ont écrit quelque part qu'ils souhaitent faire don de leurs organes, leur oncle ou leur père ou leur conjoint peut refuser de le faire. Sans exception, chaque personne que j'ai interrogée a été horrifiée de l'apprendre. On nÂarrive pas à y croire.

Si vous signez des documents attestant de votre désir de donner vos organes, on devrait honorer votre désir. La proche famille, comme je le dis dans mon mémoire, doit être traitée avec compassion et informée du décès, mais en même temps avertie que le processus de prélèvement est en cours.

Le président: Merci, madame Murphy.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Je voudrais d'abord remercier le Dr Martin d'avoir permis au comité d'étudier la question des dons d'organes. Merci beaucoup.

Je suis très émue de vous recevoir aujourd'hui à ce comité. Quelques-uns d'entre vous ont reçu des dons. Le fait que vous êtes en santé et en vie est vraiment miraculeux. Cela va peut-être permettre de sensibiliser la population à l'importance du don d'organes.

• 0940

Je voudrais poser ma première question à Mme Cyr. Je viens du Québec, comme vous. Vous avez parlé de la Maison des greffés du Québec. C'est la première fois que j'en entends parler. Cela prouve que nous ne sommes vraiment pas informés. Tant qu'on n'éprouve pas ce problème de santé, c'est quelque chose qui nous échappe. Nos émotions sont un peu sollicitées quand on parle de dons d'organes et qu'on voit, dans la publicité ou à la télévision, quelqu'un qui a été sauvé par un don d'organe, mais cela ne va jamais plus loin. Alors, c'est heureux que vous soyez ici aujourd'hui pour nous parler de la Maison des greffés. Quel est le but de la maison? Quel est son rôle?

Mme Lina Cyr: En 1987, quand j'ai reçu ma greffe hépatique, je vivais à Montréal et je voyais que ces gens-là avaient besoin d'hébergement à Montréal, parce que les greffes ne se font pas en région. La Maison des greffés a 27 chambres. Il y a des gens en attente de toutes sortes d'organes. Ils peuvent se parler, s'encourager et vivre un moment... Ce n'est pas tout le monde qui peut vivre cela.

Nous recevons. On parle beaucoup du don d'organes. Je suis greffée depuis 11 ans et je travaille pour le don d'organes depuis 11 ans. Nous avons fait une coalition. Nous avons créé Québec Transplant, à Québec. On travaille très fort, mais on n'a pas beaucoup d'écoute, comme on dit. Mais quand on frappe à une porte pendant des années, il y a quelqu'un qui finit par nous ouvrir.

Il y a plusieurs personnes qui me demandaient de l'hébergement parce que j'avais formé l'Association des greffés du Québec, qui regroupait tous ces gens-là. C'est pour cela que j'ai fondé cette maison. Elle est sur la rue Sherbrooke. Elle dessert tous les hôpitaux de Montréal et de Québec. Les gens y viennent de toutes les régions du Québec. C'est ma fondation, la Fondation Lina-Cyr, qui défraye les deux tiers des coûts de ces gens-là. Le résidant paye 15 $ par jour. Il est nourri, hébergé et conduit à l'hôpital. Il y a les activités, ainsi que les infirmières qui sont à la maison. C'est vrai qu'il y a peu d'implication des gouvernements.

Mme Pauline Picard: Est-ce que ce sont les gens qui ont reçu un don d'organe qui vont chez vous en convalescence, ou si ce sont ceux qui sont en attente d'un don d'organe?

Mme Lina Cyr: Ce sont les deux. Ils viennent attendre chez nous. Il y en a un qui attend une greffe des poumons depuis 18 mois. Ils attendent à la maison et ils viennent ensuite y faire leur convalescence.

Mme Pauline Picard: Quel est le rôle des travailleurs de la santé par rapport aux gens qui demeurent chez vous? Avez-vous une collaboration des hôpitaux? Est-ce qu'on s'adresse à vous pour savoir s'il y a des donneurs ou des receveurs?

Mme Lina Cyr: Les résidants sont envoyés chez nous par les hôpitaux. Ce sont les hôpitaux qui me les envoient. Le gouvernement avait donné le permis pour cela.

Mme Pauline Picard: Est-ce que ce sont des médecins? Est-ce que vous avez des psychologues? Qui sont les travailleurs de la santé qui communiquent directement avec vous?

Mme Lina Cyr: Si le malade est à l'Hôpital Royal Victoria, ce sont les travailleurs sociaux, les psychologues et les médecins de Royal Victoria qui s'en occupent.

Mme Pauline Picard: Quelle est actuellement la plus grande difficulté que vous vivez à la maison?

Mme Lina Cyr: La plus grande difficulté, c'est l'attente de ces gens. Ils sont loin de leurs familles. S'ils viennent de Val-d'Or, leur famille peut venir les visiter en fin de semaine, parce que la maison est faite en fonction de la famille, mais ils comptent beaucoup sur moi. Ils viennent chez moi et ils comptent beaucoup sur mon expérience. Ils voient que je suis greffée depuis 11 ans et que je suis toujours en vie. S'ils veulent avoir une greffe, ils savent qu'il y en a déjà une qui a survécu 11 ans à une greffe. La plus ancienne greffée du foie a reçu sa greffe il y a 15 ans. La plus ancienne greffée des poumons a reçu sa greffe il y a sept ans. Chez nous, on leur donne une vie de qualité. On essaie de leur donner tout ce qu'on peut, mais on aurait besoin d'aide des gouvernements pour en donner plus à ces gens.

• 0945

Mme Pauline Picard: Avez-vous de l'information qui vous parvient des autres provinces en ce qui concerne le don ou la recherche d'organes dont le Québec pourrait bénéficier? Le Québec pourrait aussi échanger de l'information avec d'autres provinces et d'autres hôpitaux.

Mme Lina Cyr: Nous avons Québec Transplant. Nous avons formé l'IDO il y a un an. C'est un comité proposé par le rapport Gélineau. On a beaucoup de documentation et on voyage beaucoup sur Internet avec Québec Transplant. Donc, c'est intéressant.

Mme Pauline Picard: Selon votre expérience, quelle serait la meilleure formule pour sensibiliser la population aux dons d'organes?

Mme Lina Cyr: La population est sensibilisée. La difficulté se pose dans les hôpitaux. Les médecins et les infirmières ont beaucoup, beaucoup de travail et n'ont pas le temps de s'arrêter pour demander aux familles le don d'organes. Donc, on essaie de former des comités dans les hôpitaux avec l'IDO pour former des gens qui travaillent exclusivement à cela, pour leur donner toute l'information dont ils ont besoin pour sensibiliser les familles aux dons d'organes.

Bien sûr, quand ce sont les gouvernements qui font de la publicité à la télévision, c'est mieux que quand c'est une petite organisation qui le fait. Donc, je recommande fortement qu'il y ait des comités dans les hôpitaux et de la publicité à la télévision, dans les écoles, partout.

[Traduction]

Le président: Merci, madame.

Vous venez de me faire penser à quelque chose. On peut lire dans certains documents, contrairement à l'opinion déjà exprimée par ce groupe et d'autres, que la question d'accepter ou de refuser n'est peut-être pas la plus importante ni la plus génératrice de dons d'organe. Le plus efficace semblerait d'avoir une équipe qui a la formation voulue et qui se dédie à la gestion et à la collecte d'organes.

En me fondant sur ce que vous avez dit il y a quelques instants, madame Cyr, je me demande si d'après votre expérience, il existe des équipes locales de collecte et de gestion et si leurs membres ont la formation voulue, comme le préconisent certaines personnes et plusieurs études.

[Français]

Mme Lina Cyr: Je fais partie de l'IDO et de Québec Transplant. Le rapport de Québec Transplant dit que les gens devraient être mieux formés en milieu hospitalier.

[Traduction]

Mme Madeleine Murphy: Puis-je ajouter quelque chose?

Le président: Certainement.

Mme Madeleine Murphy: C'est l'une des stratégies. L'identification du donneur est très importante, car sinon, une fois qu'il est dans un état comateux, à l'hôpital, il est trop tard. Le défunt est enterré, un point c'est tout. C'est donc un aspect très important du don d'organe.

Évidemment, on pourrait juger que c'est là une question de compétence provinciale, parce que cela se passe à l'hôpital. Je ne sais pas s'il y a lieu qu'un comité comme celui-ci recommande aux provinces que ce soit là un des critères d'accréditation, que tous les patients soient bien identifiés et que l'on rende compte de tous les patients qui sont en mesure de faire un don alors qu'ils sont aux soins intensifs.

C'est donc une bonne idée, puisque comme je l'ai dit, sans identification, il n'y a pas de don.

Je pense qu'au Canada, on est prêt à augmenter le taux de dons. Il y a de nombreuses choses que nous pouvons faire à cette fin. J'aimerais voir le Canada atteindre le même taux que les pays que nous utilisons comme modèle, mais je ne serais pas surprise si le Canada les surpassait même et devenait à son tour un modèle. Nous n'aurions plus à chercher ailleurs pour des modèles.

Le président: Merci beaucoup de votre confiance, madame Murphy. Les membres du comité qui sont ici sont déterminés à chercher une façon qui permette au gouvernement fédéral de jouer un rôle de leadership.

Madame Ur.

• 0950

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos exposés. Il doit vous être difficile de faire part de vos expériences, mais vous êtes de bons soldats et vous avez bien fait votre travail. J'ai été très touchée par vos exposés.

Monsieur McLaren, est-ce que vous savez comment l'équipe de greffe de la Pennsylvanie a contourné la loi sur la protection de la vie privée de cet État lorsqu'elle a mis en place son équipe de référence?

M. James McLaren: On a dû adopter une loi à cet effet. Je ne connais pas les chiffres de mémoire, mais on a dû adopter une loi.

Je ne connais pas tous les détails. Je suis en train de correspondre avec quelqu'un à Philadelphie qui tente de me faire part des détails à ce sujet.

Plus tard au cours des audiences, je suis persuadé que quelqu'un de la British Columbia Transplant Society pourra vous en dire plus long à ce sujet, car on tente la même chose en Colombie- Britannique. C'est essentiellement fondé en grande partie sur le programme de greffes de la Vallée du Delaware. Je suis persuadé que l'organisme de la Colombie-Britannique aura des renseignements plus à jour et professionnels sur cette question.

Mme Rose-Marie Ur: Très bien.

Dans votre document—c'est très bien présenté, en passant; je n'ai pas tout lu, j'en ai lu des extraits, mais vous mentionnez que le manque de consentement, ou comment la famille annule le consentement. Vous disiez que si nous avions un registre national, ce serait important pour les familles puisque la responsabilité ne serait plus autant la leur à une période difficile de leur vie.

Pensez-vous que c'est ainsi que l'on procède en Colombie- Britannique grâce au registre qui s'y trouve?

M. James McLaren: Il est plutôt difficile de tirer des conclusions après une année d'activité. De nombreuses données ne sont pas encore publiées ou ne me sont pas disponibles. Je pense cependant, et cela me semble raisonnable, que si on soulage la famille de cette terrible décision...

Soyons honnêtes; le moment ne saurait être plus mal choisi pour la famille qui doit prendre cette décision. De nombreuses familles qui ont refusé le don ont affirmé plus tard qu'elles regrettaient ne pas avoir pris une décision positive, mais elles ne pouvaient pas faire marche arrière.

Donc si la famille n'a pas à prendre cette décision, je pense que ce serait une façon très avantageuse d'augmenter le taux de dons.

Mme Rose-Marie Ur: Je pense que Mme Murphy a déclaré la même chose en ce qui concerne sa soeur. Les personnes qui ont perdu un être cher surmontent sans doute mieux leur deuil en aidant ceux qui vivent ces moments très douloureux, en allant parler à des gens qui vivent la même expérience.

Est-ce ce que fait votre soeur?

Mme Madeleine Murphy: Elle le fait à titre personnel. Elle n'a pas décidé de défendre cette cause. Elle a d'autres causes.

Toutefois, votre argument est valable. Si un être cher donne ses organes, cela aide à surmonter son deuil. Dans le cas de ma soeur, le système est tombé en panne. Elle a en fait dit qu'elle aurait souhaité qu'on prenne tout ce qui pouvait aider les autres. Elle serait plus heureuse aujourd'hui si on ne lui avait pas fait cette demande, parce qu'elle savait qu'il voulait donner ses organes. C'était tout simplement une période stressante.

Mme Marie-Rose Ur: Exactement.

Bien que cela relève probablement de la compétence provinciale, vu le coût des greffes, pensez-vous qu'il devrait y avoir une caisse distincte, une caisse pour le transport d'organes, dans les provinces? Est-ce que cela réglerait les problèmes? Peut- être un hôpital ne peut...

Mme Madeleine Murphy: Une caisse...?

Mme Rose-Marie Ur: Une caisse pour les greffes. Cela semble un peu dur, mais on a attiré notre attention sur le fait que certains hôpitaux éprouvent peut-être des difficultés financières à faire des prélèvements d'organe ou des greffes. Est-ce que ce serait avantageux à la lumière de certaines des préoccupations qu'on retrouve dans certains hôpitaux?

Mme Madeleine Murphy: Je n'y avais pas réfléchi de ce point de vue. J'ai plutôt pensé que les provinces devraient inclure cette procédure dans les régimes de santé, et rembourser les hôpitaux.

Je crois que c'est l'une des idées que vous avez mentionnées, Bert, qu'il devrait y avoir des incitatifs, et non le contraire, aux prélèvements dans nos hôpitaux. En effet, le coût du prélèvement peut dissuader d'identifier les donneurs et de prélever des organes.

• 0955

Quant à ce que l'on pourrait inclure dans le régime de santé, les chirurgiens qui font des appendicectomies sont remboursés ainsi que l'hôpital où se fait l'intervention; pourquoi pas pour le prélèvement d'organe?

En ce qui concerne une caisse spéciale, je ne sais pas. Je n'ai pas examiné la question.

Quelqu'un d'autre? Où est mon renfort?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Nous pourrons revenir à cette question plus tard, madame Murphy.

Mme Madeleine Murphy: Je ne l'avais pas envisagé, je ne sais pas.

Le président: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais commencer par remercier chacun de vous de sa présence ici ce matin. J'ai été très impressionné par ce que vous aviez à dire et votre façon de le dire. Cela nous aidera dans notre examen de cette question très importante.

Monsieur McLaren, j'aimerais passer à la page cinq de votre résumé. Au point 7 et 10, et c'est peut-être une question que je vais poser à chacun de nos témoins, vous parlez de publicité et de commercialisation et vous mentionnez «Un programme d'éducation publique exhaustif qui présente le don d'organes sous un jour positif».

Il me semble que notre comité doit absolument s'intéresser à toute cette question de l'éducation et de la prise de conscience du public; autrement dit, nous devons faire passer le message. Peut-être pourriez-vous commencer par cela et je demanderai aux autres de commenter également.

M. James McLaren: Évidemment, je peux seulement vous parler de la situation en Colombie-Britannique, la province où je vis. L'avènement du nouveau registre de donneurs d'organes s'est accompagné de toute une campagne publicitaire, mais je pense qu'il faut aller plus loin. On a diffusé des annonces publicitaires à la télévision, mais il ne faut nous leurrer, c'est le moment où les gens ont le nez dans leur réfrigérateur.

Quant aux annonces dans les journaux, il y a eu des affiches de personnes qui ont eu des transplantations avec un texte, par exemple: «Theresa, 44 ans, transplantation du coeur et des deux poumons».

Je ne sais pas dans quelle mesure cela a un effet. L'idée était de montrer au public que les receveurs sont des gens normaux, comme ceux qu'on voit dans la rue, des gens qui ont repris une vie normale dans la mesure du possible. J'ai tout à fait l'impression que le message passe beaucoup mieux, qu'il est bien mieux compris lorsqu'il vient d'un receveur.

Je suis convaincu de l'utilité d'avoir tous les receveurs, ou du moins tous ceux qui en sont capables ou qui en ont envie... il y a en qui ne voudront pas participer, ou qui ne le pourront pas, et je comprends cela. Mais pour ceux qui, comme moi, sont disposés à le faire, je pense qu'il est important de faire passer le message. C'est à nous d'aider à éduquer le public. C'est nous qui sommes passés par là. Je l'ai déjà répété interminablement, je le répéterai un million de fois l'année prochaine, j'en suis sûr: nous en sommes la preuve vivante. C'est cela qui est tellement important.

Il est choquant d'entendre la réaction de certaines personnes: «Comment se fait-il qu'il y ait une pénurie d'organes quand il y a tellement de gens qui meurent?» Je ne pense pas que les Canadiens, dans l'ensemble, se rendent compte que les dons d'organes sont assujettis à un critère de mort cérébrale, ce qui limite les stocks disponibles—si je peux utiliser un terme aussi grossier—à un pour cent des décès. Et à partir de là, les choses vont de mal en pis avec des facteurs comme les blessures ou la maladie. Et puis il y a les autres gros problèmes: identité non déterminée et absence de consentement.

La publicité force donc le public à prendre conscience de la situation, ce qui est indispensable pour le succès du programme. Quel que soit le système que nous adoptions au Canada, qu'il s'agisse d'un système national ou provincial, cela n'aura aucune importance si les gens ne suivent pas.

Quant au type de système, il pourrait être approuvé par absolument tout le monde dans le pays, mais si nous ne réussissons pas à identifier les gens, et si nous n'avons pas leur consentement, cela n'a aucune importance.

L'éducation est donc un élément particulièrement important, et cela doit être fait.

Le président: Monsieur Hoferichter.

M. Bert Hoferichter: Je pense que nous devrions nous inspirer très étroitement des modèles de certaines fondations du coeur—je ne me souviens plus de leur nom—qui, chaque mois, ont systématiquement une campagne révisée. Peu importe que cela soit fait au niveau provincial ou au niveau national. Je m'occupe de la question des dons depuis quatre ans, mais je ne pense pas avoir jamais vu quoi que ce soit à ce sujet à la télévision. Je ne me souviens pas d'avoir vu quoi que ce soit dans les médias, sinon quelque chose à propos d'un organe qui n'a pas pu être utilisé.

• 1000

Ce qu'on voit dans les médias, ce sont les cas où les choses vont mal, et non pas les bons résultats, et je crois que nous devons insister sur ce point-là.

Sur un autre sujet, vers 1950 ou 1954, l'Ontario avait adopté une loi sur la confidentialité des dons d'organes. Personne n'a demandé l'opinion des donneurs, mais personnellement, je serais enchanté de connaître mon donneur, de pouvoir embrasser les membres de sa famille et de les remercier.

Ce qui a été le plus difficile lorsque je suis rentré chez-moi après cinq mois d'hôpital, été d'écrire une lettre de remerciements à la famille du donneur. J'ai dû m'asseoir pour rédiger cette lettre, et j'ai trouvé cela extraordinairement difficile. Je ne sais pas pourquoi on entoure la question de toute cette mystique. Je suis sûr que la famille du donneur serait enchantée de vous rencontrer, et pour ma part, je ne demanderais certainement pas mieux, mais non, ce n'est pas permis. C'est une sorte de mystique, mais je ne veux pas m'appesantir sur la question.

Ainsi, je pense que nous obtiendrions peut-être de meilleurs résultats avec une campagne nationale de prise de conscience.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Puis-je poser une toute petite question?

Le président: Oui, d'accord. Il nous reste une minute, allez-y madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: C'est vraiment très court.

Je tiens à vous dire à quel point j'apprécie votre visite et tout ce que vous nous avez dit de votre expérience.

Vous avez dit que les familles ne devraient pas pouvoir revenir sur les décisions des gens qui avaient décidé d'être des donneurs. Le problème, lorsque nous légiférons, c'est qu'il faut traduire cela dans la loi. Comment est-ce possible?

À votre avis, quelles pénalités faudrait-il prévoir pour les familles ou les médecins qui ne respectent pas les souhaits des donneurs potentiels? En effet, vous nous dites que la loi devrait interdire cela, mais reste à savoir comment nous devons procéder.

Le président: Madame Caplan, c'est une question plus longue que je ne le pensais.

Je ne sais pas si vous allez vouloir répondre.

Allez-y, monsieur Hoferichter.

M. Bert Hoferichter: En fait, les lois ne sont déjà pas respectées. Je connais l'âge du coeur de mon donneur, mais légalement, je ne devrais pas le savoir. Je ne l'ai pas demandé, mais quelqu'un a laissé échapper cela dans la conversation.

À mon avis, le personnel médical, les chirurgiens, etc., sont tout à fait prêts à vous communiquer les bonnes nouvelles, à vous dire telle et telle chose. Par conséquent, c'est inconscient, mais les lois ne sont pas toujours respectées.

Le président: Mme Caplan vous demandait, je crois, quelle peine on devait prévoir lorsque les lois ne sont pas respectées, mais plutôt, comment dire, dans le sens négatif. Autrement dit, ce don de vie était prévu, mais d'une façon ou d'une autre, cette décision n'a pas été respectée.

C'est une question très difficile, je le comprends.

Madame Murphy, vous voulez essayer d'y répondre, n'est-ce pas?

Mme Madeleine Murphy: Non.

Pour commencer, c'est un domaine où, à mon avis, il ne faut pas imposer de sanction. Il suffirait de décider que le plus proche parent n'a pas le droit de refuser, et de cette façon, il ne serait pas possible d'ignorer la loi, quelle qu'elle soit. La possibilité n'existerait pas.

Là encore, si la loi existe et que le plus proche parent n'est pas consulté, et si la question se pose au moment du décès, je pense que la seule solution est d'abandonner. Mais dans la plupart des cas, cela ne serait pas un problème. Le plus souvent, le plus proche parent serait soulagé de ne pas être obligé de prendre une décision à ce moment-là.

Le président: Et vous reconnaissez qu'idéalement, il vaudrait mieux consulter le plus proche parent longtemps d'avance, bien avant le don, et que le problème se pose lorsque ce genre de consultation n'a pas eu lieu à l'avance.

Mme Madeleine Murphy: Quand vous parlez de «consulter le plus proche parent»...

Le président: Il arrive que les donneurs potentiels n'avertissent pas leur plus proche parent de leur intention de faire un don d'organe.

Mme Madeleine Murphy: C'est la raison pour laquelle il serait utile d'indiquer la volonté du patient sur un document quelconque, par exemple la déclaration d'impôt sur le revenu. Si aucune indication n'existe, de toute évidence il faut demander l'opinion du plus proche parent, et si celui-ci dit que non, à mon avis, il ne devrait pas y avoir de sanction.

• 1005

Mme Elinor Caplan: Si j'ai posé la question, c'est qu'il est important de savoir que notre travail est particulièrement difficile lorsque certaines personnes prétendent qu'on ne devrait pas pouvoir annuler les décisions des donneurs. Il y a aussi des gens qui sont mécontents à l'idée que leur souhait pourrait être ignoré. Je suis d'accord avec vous, je ne veux pas imposer de sanction, mais d'un autre côté, nous devons élaborer des politiques qui fonctionnent.

Il est très important que les gens en parle. Par contre, aucun de nous n'est convaincu qu'il faille adopter une loi qui oblige à respecter ces voeux.

Le président: Laissons monsieur Hoferichter faire une dernière observation.

M. Bert Hoferichter: Pourquoi cela doit-il être difficile? Dans mon portefeuille, j'ai une carte de don d'organes. Pourquoi, d'après nos lois, doit-on demander la permission à ma femme ou à mes enfants? J'ai déjà donné cette permission. J'ai déjà permis que l'on prélève mes organes. Il ne devrait pas être nécessaire de leur poser la question.

Mme Elinor Caplan: Eh bien, c'est là que se trouve le dilemme.

Le président: Madame Caplan, nous pouvons continuer à discuter...

Mme Elinor Caplan: Devrait-on imposer des sanctions si votre femme ou quelqu'un se trouvant dans cette situation refuse le don d'organes?

M. Bert Hoferichter: Non.

Le président: Merci à nos témoins. Malheureusement, notre temps est écoulé et nous devons entendre un autre groupe de témoins.

Les députés veulent continuer à poser des questions. Ils pourront poser ces questions à nos autres témoins ou quitter la table quelques instants pour continuer la discussion à l'extérieur de la salle.

Je remercie chacun d'entre vous d'être venu nous faire part de votre expérience sur cette question très délicate. En qualité de député, nous avons de toute évidence bien des choses à comprendre. Merci de nous avoir communiquer votre expérience. Cela nous permettra de palier à notre propre ignorance du domaine.

Monsieur Hoferichter, monsieur McLaren, madame Cyr et madame Murphy, merci beaucoup.

Nous entendrons le prochain groupe dans un instant. Faisons d'abord une courte pause.

• 1007




• 1013

Le président: Chers collègues, nous sommes maintenant prêts à entendre notre deuxième groupe de témoins.

Nous accueillons M. Ron Thompson, Mme Tina Colson-Burke, David Sklar, qui vient de célébrer sa bar mitzvah—mazel tov—et qui est accompagné aujourd'hui de son père, Murray Sklar, bien que je crois savoir que c'est surtout lui qui parlera. Nous accueillons également Denise et Larry Evans.

Bienvenue à tous. J'ai remarqué que vous étiez dans la salle lorsque nous avons entendu nos premiers témoins. Vous savez donc comment nous procédons. Chacun d'entre vous dispose de cinq minutes.

S'il y a des éléments qui ne sont pas traités dans votre exposé ou dans la période de questions et de réponses qui suivra et que vous vouliez nous en faire part, je vous invite à les communiquer par écrit à la greffière du comité. Les observations ou les idées que vous souhaiterez ajouter à votre témoignage seront ensuite distribuées de cette façon à tous les membres du comité.

• 1015

Considérez votre déclaration comme une introduction. Elle nous sera très utile à ce titre et tout ce que vous ajouterez par la suite viendra en prime.

J'ai commencé la dernière fois par le témoin qui était à ma gauche je commencerai donc cette fois-ci par celui qui est à ma droite.

M. Ron Thompson (témoignage à titre personnel): Je savais bien que cela tomberait sur moi.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Allez-y, Ron Thompson. Vous disposez d'un maximum de cinq minutes, bien que vous ne soyez pas obligé d'utiliser tout ce temps.

M. Ron Thompson: Merci, monsieur le président. Je serai aussi bref que possible.

Je tiens à remercier le comité ne serait-ce que parce qu'il existe, et tous les membres qui en font partie, y compris le Dr Martin, qui vient de ma région.

Le président: Mais il vient de Toronto.

M. Ron Thompson: Il représente Esquimalt.

Des voix: Oh, oh.

M. Keith Martin: Ça se trouve quelque part au milieu du pays.

M. Ron Thompson: Je représente devant vous aujourd'hui deux enfants qui attendent une greffe à Toronto.

J'avais espéré pouvoir recueillir des renseignements pour vous. En attendant que notre enfant reçoive sa greffe, ma femme et moi avons essayé d'utiliser notre temps de façon efficace pour vous fournir de l'information. Malheureusement, notre petit garçon a eu un arrêt cardiaque il y a deux semaines et nous avons dû passer beaucoup de temps à l'hôpital. La recherche d'information a perdu un peu de sa priorité. Je vous prie humblement de m'en excuser.

Mais j'ai amené une photo afin que vous puissiez jeter un coup d'oeil au plus joli bébé du monde.

Nous venons d'une petite localité située au coeur de l'île de Vancouver. On a découvert chez Robbie une maladie cardiaque appelée cardiomyopathie dilatée. Cette maladie est rare chez les bébés. Elle est un peu plus fréquente chez les adultes. La seule solution, pour Robbie, c'est une greffe cardiaque.

Nous sommes allés à Toronto, et nous vivons dans un studio, à la maison Ronald McDonald. Nous partageons la cuisine avec 20 autres familles. Nous sommes là depuis le premier septembre.

Robbie a subit une évaluation le premier septembre. Il a fallu huit jours pour l'examiner de pied en cap et déterminer s'il serait un bon candidat à la greffe. Les Drs Benson et West, qui sont des chefs de file des techniques de greffes pédiatriques au Canada, nous ont dit que Robbie serait un bon candidat à une greffe cardiaque, mais qu'il décéderait probablement avant que l'on trouve un donneur. Les derniers greffés de l'âge de Robbie ont attendu un an pour obtenir l'organe qui leur sauverait la vie.

Lorsque nous avons entendu cela, notre première réaction a été de demander pourquoi on offrait ce genre de traitement s'il existait une pénurie aussi critique d'organes. Nous avons beaucoup discuté des greffes chez les adultes. C'est chez les adultes que l'on trouve le pourcentage le plus élevé de personnes qui attendent des organes au Canada, mais si l'on dit qu'une personne sur quatre meurt en attendant des organes, quelles que soient les statistiques que l'on prenne, il faut multiplier ce chiffre par un facteur bien plus grand lorsqu'il s'agit des enfants.

À l'heure actuelle, une autre petite fille attend une greffe à l'hôpital. Elle s'appelle Sabrina, elle a 13 ans et elle attend qu'on lui greffe deux poumons et un coeur. On lui a dit qu'elle mourrait probablement avant que l'on trouve des organes compatibles.

Dans mon témoignage devant le comité, j'insiste sur le fait que trop d'enfants meurent au Canada parce qu'il n'y a pas d'organes disponibles. Nous vivons dans la meilleure collectivité au monde, chez nous dans l'île Vancouver. Bon nombre de gens ont communiqué avec nous et ont demandé ce qu'ils peuvent faire. Tout ce que nous leur avons demandé, c'est de discuter des dons d'organes dans leur famille. Il faut en parler avant d'être confronté à la situation, car c'est toujours lorsque les choses vont au plus mal qu'on vous demande une autorisation.

Nous ne cessons de nous étonner du manque d'information à ce sujet. Nous avons constaté, lorsque nous avons essayé de recueillir des renseignements sur le nombre d'enfants qui sont morts au Canada en attendant des organes au cours des dix dernières années, qu'il n'y a pas d'information disponible. Cela illustre très bien la situation des dons d'organes au Canada. Comment peut-on apporter des changements efficaces si nous n'avons même pas recueilli les données?

• 1020

Compte tenu de ce que sont les Canadiens, nous avons là l'occasion d'améliorer encore notre réputation internationale en ayant le taux de dons d'organes le meilleur au monde. J'en suis convaincu.

Je n'ai encore rencontré personne qui se soit dit opposé aux dons d'organes. Mais on peut toujours se demander pourquoi le taux des dons d'organes est-il si faible. Nous essayons d'être aussi proactifs que nous le pouvons et nous demandons aux gens de se poser une autre question, c'est-à-dire, pourquoi n'avons-nous pas le taux le plus élevé de dons d'organes au monde. Soyons proactifs, trouvons une solution.

Lorsque j'ai visité la petite Sabrina, samedi, c'est celle qui a 13 ans—elle était branchée à un respirateur—je lui ai demandé quel message elle voulait que je transmette au comité. Elle m'a répondu: «Vas-y et botte-leur les fesses». C'est donc ce que je fais.

J'exhorte le comité à ne pas tenir compte seulement des centaines d'adultes qui attendent une greffe, mais de se rappeler aussi des douzaines et des douzaines d'enfants, et de leurs familles, qui meurent faute d'organes.

Si vous voulez vous en convaincre, allez visiter l'hôpital des enfants de Toronto. Visitez l'unité des soins intensifs. Visitez la clinique. Rencontrez certains de ces enfants qui attendent. Ils ne souffrent pas de maladies pulmonaires parce qu'ils fument, ou de maladies cardiaques en raison de leur régime alimentaire ou de leur mode de vie. Aucun de ces enfants n'a choisi sa maladie.

Puis, dans un deuxième temps, rencontrez certaines familles qui ont vécu le miracle de la greffe. Observez-les lorsqu'elles essaient de modérer leurs enfants qui ont reçu un nouveau coeur, des poumons, un foie, un pancréas, des reins, et voyez comme ils sont heureux.

Agissons, je vous en prie.

Merci.

Le président: Merci, Ron. Vous direz à Sabrina, je l'espère, que vous avez bien fait ce qu'elle avait demandé. Cette réunion est télévisée, donc si elle ne vous croit pas, dites-lui de syntoniser CPAC et elle pourra s'en convaincre. Vos objectifs seront peut-être en partie atteints, puisque cette réunion sera diffusée partout au pays.

J'espère que les journaux parleront également de vos expériences afin de convaincre ceux qui n'ont pas réfléchi à la question de le faire.

Tina Colson-Burke.

Mme Tina Colson-Burke (témoignage à titre personnel): Merci.

Il y a plusieurs années de cela, on m'a demandé de faire don des cornées de mon mari qui venait de mourir. C'est le prêtre du service de Pastorale qui était de service à l'hôpital cette nuit-là qui m'a posé la question.

J'ai posé des questions sur la façon dont on procéderait, et on a répondu à toutes mes questions de façon très claire et succincte. J'ai signé le formulaire de consentement de bon coeur. Si l'on avait pu utiliser également d'autres organes de mon mari, je les aurais donnés bien volontiers.

J'ai sans doute eu beaucoup de chance, car à l'hôpital, l'oncologue et le psychologue me rencontraient tous les jours et me préparaient à l'inévitable. Ce faisant, ils m'ont aidée à prendre cette décision et si l'hôpital ne m'avait pas demandé d'autoriser un don d'organe, je l'aurais fait de mon propre chef. Après avoir vécu cette situation, je puis vous assurer que c'est la pensée la plus réconfortante que l'on puisse avoir dans une situation par ailleurs très sombre.

Mon mari n'avait jamais pris de décision sur ce qui adviendrait de ses organes. C'est vers la fin seulement qu'il a signé un testament biologique. J'ai dû ensuite résoudre des problèmes de toutes sortes quant aux soins de santé. Mais si mon mari avait décidé de faire don de ses organes, j'aurais respecté sa volonté même si je m'y étais opposée.

• 1025

Je crois par contre que les familles qui ne peuvent prendre cette décision et signer le formulaire d'autorisation ne devraient être ni jugées ni pénalisées par la loi ou par quiconque. Malheureusement, il faut avoir vécu cette situation pour savoir ce qu'il en est, mais je crois néanmoins que nous devons tous être mieux informés et mieux sensibilisés.

Souhaitons-nous donner nos organes? C'est une question à laquelle il faut continuellement répondre. Pour ma part, j'estime que cela relève du régime de soins de santé. Nous consultons tous un médecin et nous devons présenter notre carte d'assurance- maladie. Lorsque nous visitons notre médecin, la réceptionniste ou l'infirmière peut trouver dans le système informatique des renseignements à notre sujet. C'est à ce moment-là qu'on peut nous poser la question, si nous n'avons pas déjà pris la décision.

Si nous décidons de ne pas utiliser le régime de soins de santé pour cela, je dois avouer qu'à mon avis, les formulaires d'impôt ne sont pas la solution. Les formulaires d'impôt peuvent servir à toutes sortes de fins, mais pas à recueillir des renseignements sur des donneurs potentiels.

Je suis convaincue de l'importance de la publicité, de l'éducation, de l'affirmation et du renforcement constant de ce que le don d'organe est important et de ce chacun d'entre-nous est responsable d'autoriser ce don par écrit afin que ceux qui ont besoin d'organes aient droit à la vie lorsque la nôtre s'achève. C'est le plus grand don que l'on puisse faire à un autre.

Merci.

Le président: Merci.

David, je crois que tu veux partager tes cinq minutes avec ton père. Allez-y.

M. David Sklar (témoignage à titre personnel): Je n'ai pas su qui était mon donneur, et j'aurais aimé écrire une note à sa famille pour la remercier et lui dire à quel point j'apprécie ce don.

C'est tout.

Le président: Quand as-tu reçu ta greffe?

M. David Sklar: Il y a environ un an et demi.

Le président: Ton père souhaite peut-être nous en dire davantage à ce sujet. Merci, David.

M. Murray Sklar (témoignage à titre personnel): Merci, David.

Il y a un peu plus d'un an et demi, vers octobre 1997, David a reçu une greffe du foie. Je ne sais pas ce qui a causé la maladie de David. La maladie était chronique et comme elle n'avait pas d'antécédents, nous avons tous été stupéfiés.

Mais grâce à Dieu, grâce à l'aide énorme que nous a apportée l'hôpital et surtout grâce au donneur, à ce donneur anonyme, nous avons appris rapidement qu'un foie était disponible. Nous sommes parmi les rares chanceux qui ont pu recevoir un organe aussi rapidement.

Nous en sommes si reconnaissants—et David est un vivant témoignage du miracle qu'est une greffe du foie—que je souhaitais vous parler de notre expérience et de quelques-unes de mes opinions dans le temps limité dont nous disposons.

J'ai remarqué quelque chose, tout récemment, au Québec. Nous prenons le métro pour aller travailler et, dans les stations de métro, on voit de nombreuses publicités de Héma-Québec. On y voit les photos de jeunes enfants qui ont reçu de nombreuses transfusions sanguines. Vingt, trente ou cinquante transfusions. Cette publicité touche les émotions de tous.

Pourquoi ne fait-on pas une publicité semblable ou n'accorde-t-on pas un budget à une telle fin dans le cas des dons d'organes, sous l'angle de ceux qui font le don ou de ceux qui le reçoivent? Mon fils m'a fait remarquer à plusieurs reprises qu'il serait ravi de fournir sa photo à toute publication qui souhaiterait l'obtenir.

• 1030

Pourquoi ne pas user de ce moyen, comme l'ont mentionné bon nombre des autres témoins, comme autre façon de sensibiliser le public, de l'informer de la question d'une façon plus émotive et plus personnelle? L'exemple de jeunes enfants toucherait les gens. Il n'existe pas de meilleur moyen de procéder. On m'a dit que Héma- Québec avait reçu énormément d'appuis et énormément de dons de sang à la suite de cette campagne publicitaire.

Et puisqu'on parle d'incitatifs, la principale raison pour laquelle je suis venu témoigner devant votre comité, c'est pour vous faire part de mes opinions, en qualité de citoyen qui s'intéresse à la fiscalité. Pourquoi ne pas offrir un crédit d'impôt remboursable qui pourrait s'appliquer à la dernière déclaration d'impôt du défunt ou à celle d'un membre de sa famille immédiate, au titre de son don de vie? Je suis persuadé que le ministère des Finances pourrait, avec le ministre Rock, trouver un chiffre qui puisse s'appliquer à cela.

Je n'ai pas la prétention de proposer quel devrait être le montant, mais permettez-moi de vous citer un extrait d'une publication de la Commission de réforme du droit du Canada, le document de travail 1966, publié en 1992 et intitulé Prélèvement et utilisation médicale de tissus et d'organes humains. Je suis persuadé que vous l'avez lu déjà pour la plupart.

Je n'en citerai qu'un paragraphe, à la page 133:

    Troisièmement, le régime actuel de prélèvement de tissus et d'organes repose dans une large mesure sur l'éthique du don. La vente des organes et des tissus humains est, en règle générale, interdite au Canada. Toutefois, si la pénurie actuelle tient en partie au respect absolu du principe de l'altruisme, des mesures incitatives non altruistes, notamment le versement d'argent ou des avantages sociaux, pourraient faire augmenter l'offre. Étant donné les valeurs et les intérêts en cause, toute réforme du régime actuel revêtirait sans doute une importance nationale.

Je vous fais maintenant remarquer qu'une des recommandations de la Commission concernant les incitatifs fiscaux a été rejetée. Voici ce que dit l'auteur, à la page 189, en réponse à la question suivante: «Devrait-on donner au don charitable une valeur pécuniaire par l'entremise des lois fiscales?»:

    Même s'il n'est pas certain que ces mesures augmenteraient l'approvisionnement, il est probable que les déductions pour dons de charité profiteraient le plus aux contribuables à revenu élevé.

Pour cette raison, ce n'est pas le régime qui a été recommandé.

Mais ce que l'auteur n'a pas vu c'est qu'un crédit d'impôt intégralement remboursable éliminerait tous les obstacles financiers. Tous les donateurs auraient droit au même crédit, quel que soit le montant, indépendamment de leur tranche de revenu.

Voilà donc brièvement ma recommandation. C'est peut-être un peu controversé, je le sais, mais je pense qu'il est temps de prendre le taureau par les cornes. On n'attire pas les mouches avec du vinaigre et l'on devrait envisager des moyens non altruistes pour raccourcir la liste d'attente des greffes d'organes.

Merci.

Le président: Merci monsieur Sklar. Ne craignez pas la controverse. Nous sommes ici pour entendre toutes les suggestions, controversées ou non, et nous essayerons de voir entre nous lesquelles peuvent obtenir notre adhésion.

Merci beaucoup.

J'ignore qui d'entre vous veut commencer, Larry ou Denise. Denise, je pense que ce devrait être à vous.

Larry, allez-y.

M. Larry Evans (témoignage à titre personnel): Mesdames et messieurs les membres du comité, vous avez devant vous la photo d'une petite fille sur une balançoire. Je ne sais pas si vous l'avez.

Le président: Oui, c'est dans le mémoire.

M. Larry Evans: Il y a trois mois, le 9 novembre 1998, Denise et moi avons perdu notre petite fille, April. Elle était sur la liste d'attente pour une greffe du coeur à l'hôpital pédiatrique. Quatre jours après son premier anniversaire de naissance, on a appris qu'elle était atteinte de myocardiopathie. Cela signifie que le muscle cardiaque se raidit et ne peut plus ni se remplir ni ne pomper le sang correctement. Le sang refoule donc dans les autres organes.

• 1035

Dans ses bons jours, sa maladie ressemblait à une grippe et dans ses mauvais jours, elle avait les symptômes d'une insuffisance cardiaque globale. Même si elle était très malade, April était une fillette très heureuse. Elle adorait la balançoire. Elle adorait les glissades, les promenades à vélo, le patinage—n'importe quelle activité au grand air.

On nous a dit qu'il n'y avait pas de remèdes à sa maladie et que la greffe était la seule solution. Cela nous a atterrés, mais l'hôpital pédiatrique effectue une greffe par mois en moyenne. Les résultats sont très bons, ce qui nous a donné espoir.

April figurait à la tête de la liste des malades à greffer pour sa taille. On nous a renvoyés à la maison avec un téléavertisseur de secours en nous disant d'attendre. Nous avons attendu 6 mois. Elle était en tête de liste, mais on ne nous a pas appelé une seule fois. April a tenu le plus qu'elle a pu, six mois.

Évidemment, il est trop tard pour April, mais cette semaine au Canada il y a des gens qui vont mourir. Il faut faire quelque chose maintenant, avant que Robbie et Sabrina connaissent le même sort qu'April. Je pense que c'est dans les facultés de médecine qu'il faudrait commencer. Il faut dire aux médecins et aux infirmières toute l'importance du don d'organes.

Je pense qu'ils veulent vraiment être utiles; je ne vois pas pourquoi ce serait le contraire.

Il y a sept ans, l'Espagne avait le même piètre taux que nous, 14 donneurs d'organes par million d'habitants. Sept ans plus tard, après avoir formé ses médecins et les coordonnateurs des greffes sur la façon d'obtenir l'approbation des familles—cela se fait de façon systématique—l'Espagne a aujourd'hui le taux de donneurs le plus élevé au monde, trente par million.

Le choix de la personne qui fait la demande est très important. D'après certaines données, aux États-Unis et au Canada, le taux de consentement donné à quelqu'un qui n'est pas formé, d'habitude un médecin à l'occasion d'une seule conversation—est de 9 p. 100. Lorsque c'est un coordonnateur des greffes ou quelqu'un d'autre qui a reçu de la formation, le taux de consentement d'un membre de la famille varie entre 67 et 75 p. 100.

Je pense que l'ensemble des Canadiens veulent signer leur carte. Je ne sais pas quelle est la meilleure façon de les informer: sur la déclaration d'impôt, les permis de conduire ou la carte d'assurance-maladie. C'est quelque chose qu'il faut étudier soigneusement parce que c'est très important.

Je pense aussi que les parents ou les proches ont le droit de savoir qu'au moment de la mort, ils ont le choix. Ce choix ne se limite pas à débrancher le malade; ils peuvent donner le don de vie à quelqu'un d'autre.

Quelqu'un de plus de 18 ans qui signe sa carte de donneur a exprimé son choix. Comme Bert l'a dit, c'est sa décision et son choix doit être respecté.

Je ne sais pas si c'est conforme au droit, mais, moi, cela me semble sensé. À 18 ans, c'est une décision qu'on devrait pouvoir prendre seul.

L'autre chose qui importe, c'est d'éliminer les obstacles financiers. Pour moi, les greffes devraient être un acte médical comme un autre. Il serait bien que le système de santé relève du gouvernement fédéral, mais en Ontario en tout cas, cela devrait être couvert par l'OHIP, comme le sont les autres actes médicaux.

Le plus important aujourd'hui serait qu'un coordonnateur des greffes formé communique avec les membres de la famille d'un malade au Canada branché sur un système de réanimation. Rien que cela multiplierait sans doute par deux notre taux en très peu de temps—personne n'est oublié et c'est la bonne personne qui pose les bonnes questions.

• 1040

Il y a un autre problème qui se pose, même à l'hôpital pour enfants, qui est sans doute l'un des meilleurs hôpitaux au monde. À la mort d'April, tout ce qui a pu être prélevé sur elle, ce sont ses valvules cardiaques et ses cornées. Nous avons pu en faire don. Ils présentaient un risque d'infection—nous le savions—mais nous avons reçu une lettre de MORE deux mois environ après sa mort, nous disant que la Banque des yeux n'avait pas été contactée. Alors, vous voyez...

C'est tout ce que j'ai à dire.

Mme Denise Evans (témoignage à titre personnel): Larry et moi sommes ici aujourd'hui pour vous dire ce que nous savons du don d'organes au pays et des inquiétudes que nous éprouvons à ce sujet.

Nous avons lu le compte rendu de votre dernière séance, et nous savons qu'il a été dit qu'en moyenne 140 Canadiens par année meurent en attendant des greffons. Cela fait près de trois citoyens par semaine—trois personnes qui auraient pu recevoir le don de vie si le don d'organes était plus répandu au Canada.

Notre gouvernement pourrait empêcher quantités de ces morts inutiles en appliquant le mécanisme d'approbation nécessaire, qui est semblable au mécanisme d'orientation dont quelqu'un a parlé tout à l'heure. J'en parle dans ma lettre. Selon cette méthode, on communique avec tout le monde et personne ne peut être tout simplement débranché.

De cette façon, tout le monde a encore le droit de refuser un don d'organe, mais, ce qui est plus important, chacun a le choix de faire don des organes d'un être cher et de sauver la vie de ses concitoyens.

Il faut commencer à communiquer avec toutes les familles de malades branchés sur système de réanimation pour discuter du don d'organes, car elles ont le droit de savoir que les organes de leur proche peuvent sauver jusqu'à six personnes. Le don généreux d'une seule personne permet d'effectuer six greffes vitales.

Quand on pose la question aux Canadiens, 89 p. 100 d'entre eux se disent en faveur du don d'organe. Pourtant, les Canadiens ne le font pas. C'est en partie parce que traumatisés par la mort d'un être cher, les gens ne pensent pas au don d'organes, ils pensent plutôt à la mort tragique de leur père, de leur soeur ou de leur fille.

Je me suis retrouvée en salle d'urgence à espérer et à prier que mon enfant s'en tire, et cela vous fend le coeur et vous paralyse quand il n'y arrive pas. C'est à ce moment-là qu'il faut que quelqu'un communique avec la famille. Il va sans dire, pour des raisons évidentes, que nous sommes en faveur du don d'organes, mais ceux qui ne sont pas au courant ne vont pas y penser. Il faut que quelqu'un communique avec ces gens-là, parce qu'à l'hôpital pour enfants, on sait par expérience que ceux qui font un don d'organes en retirent beaucoup, tout comme les receveurs, il va sans dire.

Il faut aussi informer les citoyens pour faire disparaître certains mythes, comme par exemple celui que la greffe d'organe est encore au stade expérimental. Une des infirmières d'April m'a dit qu'elle et son mari ne feraient jamais don de leurs organes ou de ceux de leurs enfants parce que les greffes en sont encore au stade expérimental. C'est un membre du personnel soignant qui m'a dit cela, penché sur ma petite fille, qui allait mourir faute de greffe.

Après une greffe cardiaque, le taux de survie est de 85 p. 100. La qualité de vie est très bonne, sinon il n'y aurait pas de greffe. Il faut que les gens le sachent. Il y a des gens qui courent des marathons et font de l'escalade de montagne après une greffe du coeur.

Il y a une femme—je suis à peu près sûre qu'elle était du Québec—a gravi le Mont Fuji trois mois après sa greffe du coeur. Elle l'a fait pour sensibiliser les gens au don d'organes au Japon, où le taux est très bas.

April était atteinte de myocardiopathie congénitale, mais jusqu'à son premier anniversaire, lorsqu'elle a souffert d'insuffisance cardiaque, elle avait l'air en parfaite santé. Après un séjour de trois semaines à l'hôpital, son état s'est stabilisé et nous l'avons ramenée à la maison. Elle était de bonne humeur, toujours souriante, à se balader entre les meubles, à s'amuser avec ses jouets et à s'occuper comme le fait un enfant d'un an.

Elle était loin d'être la petite fille fragile, clouée au lit, à attendre une greffe. Elle était à la maison, avec une bonne qualité de vie en compagnie de son frère et de sa soeur. Elle était suffisamment en santé pour recevoir un coeur tout au long des six mois qu'elle a attendu. Ma fille aurait pu avoir une vie pleine et entière: Aller à l'école, se marier, avoir des enfants et des petits-enfants. April aurait célébré son deuxième anniversaire si l'intervention avait eu lieu. Au lieu de cela, Larry et moi allons nous coucher tous les soirs le coeur gros, avec la peur de voir se lever un autre jour sans elle.

• 1045

Le Canada dispose des services de greffe qui comptent parmi les meilleurs au monde, mais nous ne faisons pas le poids lorsqu'il s'agit du don d'organes. C'est comme si on créait la meilleure banque d'aliments au monde sans donner son adresse. Il nous manque des éléments essentiels ici, et il faut trouver les moyens de combler la pénurie critique d'organes. Il faut que le don d'organes au Canada se répande avant que d'autres Canadiens ne meurent et qu'un autre parent ne perde son enfant.

Vous posez une question à propos de la loi sur la protection de la vie privée en Pennsylvanie. Il n'y a pas que la Pennsylvanie qui exige aujourd'hui l'approbation; c'est un règlement fédéral qui s'applique à tout le territoire américain. Avant de débrancher quelqu'un qui dépend d'un respirateur, les spécialistes du prélèvement des organes—il y a sûrement différents organismes spécialisés aux États-Unis—doivent être contactés et ils envoient quelqu'un qui a de la formation, comme un coordonnateur, parler à la famille. Personne n'est débranché sans que les membres de la famille ne soient contactés.

Je pense que c'est l'idéal, parce que vous avez encore le droit de dire non. Mais tout le monde a le droit de faire un don d'organes.

Je voudrais lire quelques mots que j'ai lus dans le Globe and Mail pendant que nous attendions un coeur pour April. C'est tellement beau. Je lis:

    La mort est une partie inévitable de la vie. Sauver ou prolonger la vie de quelqu'un est le plus beau monument à sa mémoire.

C'est tout.

Le président: Merci, Denise. Je sais que je parle au nom de tous les membres du comité et je vous offre nos condoléances, même si c'est tardivement.

Vous avez tous exprimé un message très fort que nous allons bien analyser.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Sachez que vous n'êtes pas ici devant un groupe de gens insensibles à votre situation. Comme Ron Thompson, je viens d'une petite localité de l'Île de Vancouver. J'ai une petite fille qui n'a qu'un seul rein. Ce rein est grièvement atteint et je pense que très prochainement, à moins d'un miracle, elle aura besoin d'une greffe. C'est triste d'envisager le fait que vous allez peut-être perdre votre enfant. C'est donc dire que je vous comprends.

C'est tout simplement terrible qu'il nous ait fallu autant de temps au Canada pour nous attaquer à ce très grave problème auquel je dirais que nous devrons sans doute sous une forme ou une autre tous faire face, que ce soit pour nous-mêmes, un membre de notre famille, un ami intime ou une simple connaissance. C'est un problème qui concerne tous les Canadiens.

Nous n'avons donc pas le droit d'abdiquer nos responsabilités à cet égard. Les membres de notre comité ne voudraient certainement pas se démettre de leurs responsabilités à cet égard. Cependant, nous sommes dans cette situation depuis très longtemps et il a fallu des années pour nous attaquer au problème.

Ron, vous nous avez dit quelque chose qui m'a beaucoup surpris. Je ne sais pas pourquoi je ne le savais pas déjà, mais peut-être que la plupart des Canadiens ne le savent pas non plus. Il semble y avoir un certain secret entourant, par exemple, le nombre d'enfants qui sont décédés pendant qu'ils attendaient un don d'organe.

Pourquoi? Est-ce parce que nous ne voulons pas parler d'échec dans notre pays? Avez-vous rencontré d'autres cas comme celui-ci?

M. Ron Thompson: J'aimerais bien pouvoir venir ici vous proposer toute une série de solutions. Le défi que nous devons relever est énorme. Nos conversations avec différents organismes et médecins...

Vous devez comprendre que notre famille n'est certainement pas dans le meilleur état d'esprit pour faire la recherche. Nous avons l'esprit occupé ailleurs.

Je pense qu'il y a très souvent un problème de conflit d'intérêts. Je sais que les cardiologues doivent faire très attention lorsqu'ils parlent de don d'organes, car les gens se font souvent des idées fausses à ce sujet. Je pense que c'est un problème très important qu'il faut régler.

• 1050

En ce qui concerne les données, je pense que cela symbolise vraiment la situation en ce qui concerne les dons d'organes au Canada. Nous n'avons pas d'organisme national qui s'occupe de recueillir de bonnes données brutes et précises afin de pouvoir prendre de bonnes décisions.

J'ai beaucoup de chance; j'ai passé ma vie à travailler dans le domaine de la technologie de l'information et je suis en fait très surpris des lacunes au niveau de la technologie de l'information dans le domaine médical au Canada.

Je ne peux donc pas vous donner de réponse à cette question. Je ne sais pas pourquoi nous n'avons pas de données. J'aimerais bien avoir la réponse, car j'aurais bien aimé venir ici et vous dire qu'un nombre X d'enfants meurent chaque année alors qu'ils attendent un don d'organe, et que si autant d'enfants mourraient à cause des sacs gonflables dans un certain type de voiture, on interdirait certainement ce genre de voiture au Canada. Malheureusement, les médecins n'ont pu me fournir cette information à temps.

Alors je ne sais pas. J'aurais bien aimé avoir les données.

M. Reed Elley: Je pense que ce que vous tentez de nous dire—je crois que Larry et Denise y ont fait allusion également, et David a dit qu'il lui ferait plaisir que sa photo apparaisse dans n'importe quelle publicité qui pourrait faciliter le processus—c'est qu'il est nécessaire d'attirer l'attention du grand public sur cette question et de faire en sorte que tous les Canadiens soient conscients qu'ils peuvent faire don de la vie dans certaines situations qui pourraient survenir.

Y a-t-il quoi que ce soit que notre comité puisse faire pour faciliter le processus, le simplifier, afin que cela puisse être possible au Canada?

Je pose la question à toutes les personnes qui sont venues ici ce matin s'entretenir avec nous.

M. Ron Thompson: Je serais ravi d'aborder la question, si vous le voulez bien.

Je travaille dans les médias. Malheureusement, la télé est l'une de nos meilleures voies de communication, et nous recevons beaucoup de renseignements de personnes qui se demandent pourquoi cette information n'est pas diffusée dans tout le pays. Il s'agit d'un problème national et je pense qu'il est possible de faire une campagne d'information très efficace à la télévision et dans la presse afin de dissiper les cinq principaux mythes concernant les dons d'organe. Les gens nous posent toujours les mêmes questions. Ce sont toujours les mêmes. Nous pouvons éliminer toute erreur d'appellation expérimentale. Nous pouvons expliquer ce qu'est un candidat qualifié. Nous pouvons commencer à donner des chiffres.

Les Canadiens veulent être fiers et notre pays a certainement acquis une réputation de générosité par le passé. Les gens veulent aider. Tous les jours, nous recevons des appels téléphoniques de gens qui veulent aider un peu partout au pays.

Le président: Denise Evans.

Mme Denis Evans: Je suis d'accord avec Ron au sujet de la publicité. En fait, à l'heure actuelle quelqu'un est en train de préparer une publicité dans laquelle paraît April. Quelqu'un qui avait lu à son sujet dans le Toronto Star est venu nous voir pour faire une annonce publicitaire. Le type qui travaille dans l'industrie cinématographique et qui est venu nous voir a reçu un rein vivant d'un donneur vivant, et il est tout à fait en faveur des dons d'organe. Ils ne sont pas rémunérés pour faire cela. Il y a une agence qui travaille là-dessus. Ils vont montrer des vidéoclips domestiques d'April et dire jusqu'à quel point cela a été important en fin de compte, et que c'est ce qui se fait.

Je pense qu'il est très important que les gens voient des images, et ils le savent. Je sais que tous les gens qu'a touchés April au cours de sa courte vie sont tout à fait en faveur des dons d'organe aujourd'hui. Ils se rendent compte qu'elle aurait pu vivre longtemps s'il y avait davantage de donneurs d'organes.

Je pense donc que les annonces publicitaires sont une excellente idée. Prenez par exemple les publicités pour le recyclage, pour l'alcool au volant; elles ont été très efficaces.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais dire que j'ai trouvé tous les témoignages très convaincants et vos suggestions très constructives. Je vous en remercie.

Madame Colson-Burke, vous nous avez décrit quelqu'un qui est venu vous parler; je crois qu'il s'agissait du psychologue. En un sens, cela est essentiel, particulièrement lorsqu'il s'agit d'enfants qui ne font pas de déclaration d'impôt sur le revenu et qui n'ont pas de permis de conduire. Naturellement, la décision doit être prise par un parent ou un tuteur.

Pouvez-vous nous parler un peu de l'équipe ou de la personne qui est venue vous parler?

• 1055

Mme Tina Colson-Burke: Oui, certainement. Ce que je voudrais dire, c'est que malheureusement, à cause des nombreuses compressions qu'a subies notre régime de soins de santé, bon nombre de gens qui auraient pu jouer le rôle du psychologue ont quitté le système hospitalier. Il y a donc là une lacune qu'il faudrait combler.

Essentiellement, le rôle qu'a joué la psychologue a été de me parler afin de me préparer psychologiquement au décès de mon mari car, même si nous savons que nos êtres chers sont très malades et qu'ils ne retrouveront pas la santé, nous espérons tous secrètement un miracle.

Donc, en venant me parler et en découvrant qui je suis, mes croyances, la relation que j'avais avec mon mari, elle et moi avons pu parler de certaines choses. Ce faisant, j'ai non seulement pu me préparer à accepter et à dire tout haut qu'il allait mourir—c'est ce qui est le plus difficile, admettre que son conjoint ou la personne que l'on aime ne va pas se rétablir—mais j'ai pu également, en parlant de me préparer à laisser aller, aborder d'autres questions et réfléchir sérieusement à ce que je voulais faire.

Le don d'organe est quelque chose que j'ai toujours voulu faire, personnellement, et j'estime que s'il est possible de sauver quelque chose, alors aussi bien en faire don à quelqu'un. Malheureusement, il n'y avait pas grand chose à sauver, mais cela a tout de même profité à deux personnes qui ont reçu le don de la vue.

Mme Karen Redman: C'est formidable.

J'aurais une autre question.

Monsieur Thompson, vous avez dit que vous travaillez dans les médias. Lorsque vous parlez des statistiques, voulez-vous dire que notre pays devrait dire: «Très bien, voilà notre objectif et nous cherchons à être les meilleurs au monde ou à faire aussi bien que l'Espagne»? Vous avez parlé du fait que c'était convaincant pour les gens d'avoir ce genre d'information.

M. Ron Thompson: Oui. Pendant les fêtes nous avons envoyé à nos centaines d'amis et de parents cette lettre disant comment Robbie se portait et comment nous faisions face à la situation. Les trois quarts de cette lettre contenaient des faits concernant les dons d'organes au Canada.

Nous étions loin de nous douter que cette petite lettre aurait un tel impact. Les gens nous ont répondu, et bon nombre d'entre eux étaient en fait assez furieux devant certains faits: notamment, que les hôpitaux ne sont pas remboursés pour l'extraction, par exemple. Les gens n'en revenaient pas, et n'arrivaient pas à croire que le pourcentage de dons d'organes soit aussi peu élevé.

Si nous pouvions tout simplement mettre cela à l'écran pendant 15 secondes au cours de la Soirée du hockey, je pense que tout le pays réagirait.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard: Merci d'être là. Vos témoignages sont très touchants. Vous nous avez vraiment amenés au coeur du problème des dons d'organes.

Monsieur Thompson, croyez-vous qu'il existe encore dans la population des mythes par rapport aux dons d'organes, par exemple au niveau religieux? Étant jeune, je pratiquais une religion chrétienne dans laquelle on croyait à la résurrection des corps, et une espèce de mythe s'était installé. À ce moment-là, je n'étais peut-être pas assez consciente pour dire que cela n'avait pas d'allure, mais pour certaines gens, le don des organes d'un être cher peut faire l'objet de plusieurs mythes. Croyez-vous que cela existe encore et qu'il serait temps de sensibiliser la population et de l'inviter à regarder cela d'un oeil très positif en disant que quelqu'un disparaît, mais qu'on donne la vie?

• 1100

[Traduction]

M. Ron Thompson: Oh, c'est certain. Je pense que l'un des articles les plus sensationnels que j'ai lu dans les journaux récemment est celui où l'on disait que les dirigeants de différents groupes confessionnels avaient signé leur carte de donneurs d'organes en public. Je pense que c'était un geste très brave de leur part. Les communautés ethniques et religieuses peuvent certainement jouer un rôle clé à cet égard.

Je suis sûr que le comité sait déjà que ceux pour qui la greffe représente le plus gros défi sont les groupes minoritaires à cause des transfusions sanguines, et très souvent ce sont eux qui hésitent le plus à faire un don d'organes. Il s'agit donc uniquement de les sensibiliser.

Nous n'avons pas encore trouvé de religion ou de culture qui dise que le don d'organe est une mauvaise chose. Je pense que Larry et Denis ont de l'information à ce sujet.

Mais je suis d'accord avec vous; je pense qu'il faut montrer aux gens que la transplantation est une façon de vivre aujourd'hui et que cela affectera de plus en plus de gens à l'avenir, à l'aube du troisième millénaire.

[Français]

Mme Pauline Picard: Merci.

J'aimerais poser une question à David. David, j'aimerais que tu nous racontes l'expérience que tu as vécue quand tu as appris que tu pouvais recevoir un don. Comment les choses se sont-elles passées? Qu'ont fait les gens qui t'ont entouré? Est-ce que cela te faisait peur? Est-ce qu'on t'a rassuré? Est-ce qu'on t'a dit comment cela se passerait?

[Traduction]

M. David Sklar: Eh bien, j'étais tellement malade et je devenais de plus en plus malade, alors que je ne me rappelle pas le moment où on m'a dit que j'aurais une greffe du foie. Je me rappelle que ma mère me l'a dit. C'était la veille et je me préparais. J'étais si malade que je ne me rappelle pas du moment exact, ou de ce qui s'est passé.

Je ne m'en rappelle pas; j'étais malade.

[Français]

M. Murray Sklar: Puis-je ajouter quelque chose?

Mme Pauline Picard: Oui.

M. Murray Sklar: C'est arrivé assez vite. Il est tombé malade vers la fin de septembre. Au début, les médecins ne connaissaient pas la source de sa maladie. Finalement, il a commencé à avoir la jaunisse. C'était assez évident qu'il s'agissait d'une espèce d'hépatite. Les médecins ne savaient pas encore de quel type d'hépatite il s'agissait, mais sa fonction hépatique continuait de diminuer. Ils ont fait une biopsie et ils ont vu que c'était une maladie assez grave du foie. Au début, on parlait seulement de la possibilité d'une transplantation, mais à la fin, c'était devenu une nécessité. Finalement, grâce à l'intervention des médecins, surtout du Dr Jean Tchervenkov de l'Hôpital Royal Victoria, dont je veux reconnaître publiquement le travail... David était le premier sur la liste au Québec, et deux ou trois jours plus tard, après l'appel téléphonique du Dr Tchervenkov, il était devenu le premier au Canada. Il a reçu la greffe assez vite grâce à Dieu et grâce à l'intervention des médecins.

Mme Pauline Picard: Avez-vous reçu du soutien des professionnels de la santé?

M. Murray Sklar: Oui. Évidemment, nous, de la famille, étions en état de choc. Je me souviens d'une infirmière. J'étais en pleurs. Je me suis mis à pleurer quand j'ai appris qu'il aurait certainement besoin de cette transplantation. Je me souviens d'une infirmière qui m'avait amené dans une petite salle et m'avait assuré qu'on allait trouver un organe pour la greffe et m'a dit que nos médecins étaient parmi les plus compétents. Elle m'avait dit: «Ayez confiance, on va trouver un organe assez vite.» Heureusement, c'est ce qui est arrivé.

Mme Pauline Picard: Avez-vous pu avoir du soutien avant et après l'opération? Est-ce que le personnel est en mesure de vous donner toute l'information et tout le soutien nécessaires dans ce genre de situation?

M. Murray Sklar: Oui, surtout après. À l'Hôpital pour enfants de Montréal, ils ont été magnifiques. Les transplantations pour les enfants sont assez rares à cet hôpital. La plupart des transplantations se font à l'Hôpital Royal Victoria. Ils avaient une salle privée pour David. Il était évidemment en isolation et il avait une infirmière 24 heures sur 24, surtout après l'opération mais aussi avant. Cependant, au début, les choses se sont passées tellement vite qu'on a su que la transplantation serait nécessaire seulement trois ou quatre jours avant le fait.

• 1105

Mme Pauline Picard: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, madame.

[Traduction]

Monsieur Martin.

M. Keith Martin: Merci beaucoup.

Je vous remercie tous d'être venus ici aujourd'hui et d'avoir eu le courage de venir témoigner dans des circonstances très difficiles.

Ron, nous espérons certainement que Robbie et Sabrina recevront les greffons dont ils ont besoin.

Vous nous avez tous très bien expliqué les énormes obstacles qui existent à l'heure actuelle, particulièrement lorsqu'on parle de greffe pour enfants et du fait que les parents doivent prendre certaines décisions, peut-être à l'avance, pour leurs enfants.

Je voudrais poser une question à Mme Colson-Burke. Cela concerne ce qu'a dit M. Sklar tout à l'heure.

À mon avis, le problème n'est pas dû au fait que les Canadiens ne veulent pas donner leurs organes. Le gros problème actuellement, c'est que les gens négligent d'indiquer qu'ils sont prêts à donner leurs organes. Nous devons trouver une façon de faire en sorte que davantage de gens l'indiquent. Ce n'est pas tout le monde qui va chez le médecin. Il y a bien des gens qui n'y vont que très rarement. Lorsqu'ils vont voir leur médecin, c'est qu'ils ont un problème particulier, et ils ne veulent peut-être pas parler de dons d'organes.

Pourquoi ne seriez-vous pas d'accord, par exemple, pour que les gens aient la possibilité chaque année d'indiquer sur leur formulaire de déclaration d'impôt sur le revenu qu'ils veulent être donneur d'organes? En tant que responsables des enfants, les adultes de la famille peuvent peut-être également indiquer s'ils veulent ou non que leurs enfants soient des donneurs d'organes. Ils peuvent en discuter en famille à ce moment-là.

Mme Tina Colson-Burke: Pour commencer, vous avez tout à fait raison; tout le monde n'est pas obligé d'aller chez le médecin. Malheureusement, tout le monde ne remplit pas une déclaration d'impôt sur le revenu, et parfois les gens qui le font ont peut-être des impôts à payer et ne les paient peut-être pas nécessairement non plus, monsieur.

Donc, même s'il s'agit essentiellement d'une suggestion, je pense qu'en pratique cela risque de ne pas fonctionner pour cette raison et aussi pour d'autres.

Par ailleurs, je n'aimerais pas beaucoup que les parents donnent leur permission sur un document comme un formulaire de déclaration d'impôt sur le revenu. Les déclarations d'impôt sur le revenu sont présentées une fois par an. Malheureusement, il y a parfois éclatement en séparation de la famille. Si le parent qui produit une déclaration n'a pas la garde de ses enfants et indique quand même sur le formulaire qu'il a donné sa permission, l'un de ses enfants devait mourir et que ses organes étaient utilisés pour des greffes, quelles pourraient être les conséquences juridiques?

Je pense que même si on doit fournir de l'information sur les formulaires de déclaration afin de confirmer que certains impôts doivent être payés et ou certains crédits fiscaux accordés, l'objectif du formulaire est de déclarer son revenu, et verser son impôt ou obtenir des crédits, selon le cas. Je pense que bien des gens auraient de la difficulté à accepter qu'une déclaration d'impôt serve de guichet unique. Les contribuables estiment peut-être que Revenu Canada a déjà accès à beaucoup trop d'information quand on songe aux questions qui sont posées sur la déclaration.

L'autre question—ou problème, peut-être—c'est que Revenu Canada deviendra une agence. Nous ne savons pas ce qu'il adviendra dans plusieurs années des déclarations de revenu ou des renseignements qu'elles contiennent. Nous ne savons pas où ces renseignements risquent de se retrouver, ni quel genre de contrôle pourra ou non exister. Je pense que c'est un grave problème.

Par ailleurs, au moment où le contribuable moyen produit sa déclaration d'impôt, Revenu Canada est extrêmement occupée à traiter toutes ces déclarations à temps. Chaque année, Revenu Canada embauche des gens pour une période bien précise. Ce ne sont pas des employés permanents, mais ils sont embauchés en renfort. Plus tard au cours de l'année, il y a une période où on s'occupe des nouvelles cotisations. C'est une autre période de l'année qui est extrêmement occupée.

• 1110

Il est tout à fait possible, en supposant que le formulaire soit utilisé pour donner son consentement aux dons d'organes, que les renseignements puissent être oubliés, étant donné que l'on est très pressé de traiter la déclaration d'impôt proprement dite.

Par ailleurs, la rationalisation est un fait courant de nos jours. Je ne vais pas entrer dans ce débat, mais cela signifie qu'il y a moins de gens pour faire le même travail ou même encore plus de travail.

Donc, personnellement, j'ai certaines réserves. Je ne suis pas sûre que de tels contrôles puissent être mis en place afin de protéger les droits des particuliers—et du point de vue juridique—pour s'assurer que l'information est bien recueillie et utilisée de façon opportune.

Par ailleurs, qu'arriverait-il si quelqu'un produit une déclaration d'impôt et décide ensuite de ne plus être donneur? Quel autre moyen cette personne aurait-elle pour retirer son consentement?

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voulais revenir à Mme Colson-Burke, tout simplement parce que tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent, à partir des témoignages précédents jusqu'à ce matin, naturellement, semble revenir à un certain nombre de choses. Il y a entre autres la question de l'information dans tout le pays, de sensibiliser les gens au fait que nous n'en sommes pas au stade expérimental. Il y a aussi la question d'exposer les gens au concept, ou même de les amener à songer à la possibilité de signer leur nom quelque part ou de donner leur permission. Par ailleurs, naturellement, on pourrait avoir dans les hôpitaux une équipe de spécialistes qui puissent parler aux proches qui attendent le décès de la personne pour les amener à songer à cette possibilité. Ce sont des étapes qui me semblent être très importantes.

J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet des médecins de famille. On sait que les enfants ne peuvent apposer leur signature sur une carte d'assurance-maladie, ou sur d'autres cartes encore. Il faut donc toujours demander l'autorisation aux parents.

Revenons aux médecins. Les enfants qui naissent sont suivis par un pédiatre. Au cours de leur enfance, ils finissent toujours par aller chez le médecin parce qu'ils ont la grippe ou pour une autre raison. Même si les adultes peuvent se passer de médecins pendant deux ou trois ans, les enfants, eux, ont tendance à voir les médecins beaucoup plus souvent.

Pensez-vous que le médecin de famille, qui connaît relativement bien la famille, devrait être celui qui aborde le sujet? C'est évidemment une question très délicate, mais le parent d'un enfant sain ne souhaite évidemment pas en discuter; mais je crois que du point de la sensibilisation, le médecin pourrait jouer un rôle en informant les parents, de façon à ce que s'ils se trouvent un jour à l'hôpital devant une équipe de gens formés pour les pressentir sur le don d'organes de leurs enfants, ce ne sera pas la première fois de leur vie qu'ils en entendront parler.

Bien sûr, les parents seront sous le choc, mais ils en auront au moins déjà parlé avec un professionnel de la santé. Personne n'aime aborder ces sujets, mais cela fait partie de la vie.

Pensez-vous que l'on devrait proposer aux médecins un protocole—qui ne serait pas nécessairement obligatoire—qu'ils pourraient suivre avec leurs patients adultes ou avec les parents de leurs patients mineurs.

Que dites-vous de ce protocole?

Mme Tina Colson-Burke: Cela pourrait être tout à fait approprié. Tout au long de la vie, nous devons être constamment sensibilisés au fait qu'il est nécessaire d'être solidaires et de partager le don de vie les uns avec les autres. Il faut en être conscient tout au long de la vie.

Dans mon cas, la question a été abordée avec moi de façon très compatissante et avec beaucoup d'attention. Je ne me suis jamais sentie offensée par la façon dont on m'avait traitée ou pressentie. Le ministre du culte, qui est venu me voir pour me parler de mon consentement, l'a fait d'une façon si délicate que je ne m'en suis jamais senti offensée.

Il est possible de le faire avec tout autant de sensibilité et de compassion. C'est uniquement parce que nous craignons la mort que nous hésitons à en parler.

• 1115

Il s'agit d'informer la population, et nous pouvons tous, nous et tous ceux qui dispensent les soins médicaux, jouer un rôle très actif.

Mme Maris Minna: Une dernière question, monsieur le président?

Monsieur Sklar, je dois avouer que je réagis assez mal à votre proposition d'un incitatif fiscal. Votre proposition est en effet controversée.

Je veux bien que l'on offre des incitatifs fiscaux dans certains domaines, mais le don d'organes me semble être une question trop personnelle. La première question que je me pose, c'est comment établir la valeur d'un organe? Le coeur et le foie valent plus cher que le rein, la cornée ou un autre tissu? On pourrait en débattre à l'infini. Encore l'autre jour, nous avons entendu parler de l'utilisation de toutes sortes de parties de l'anatomie humaine.

Votre proposition me chiffonne, à cause de cela. Je ne sais pas comment on pourrait la concrétiser.

De plus, j'ai l'impression que cela pourra laisser croire qu'un organe est taxable et qu'il est associé à de l'argent.

Pourriez-vous nous en parler un peu plus, car j'imagine que vous y avez mûrement réfléchi?

M. Murray Sklar: Oui, je sais que cela peut chiffonner. La semaine prochaine, je vais être bouclé dans la salle de presse avant l'annonce du budget. J'ai une certaine expérience car ce n'est pas la première fois que j'y vais, et je puis vous dire ceci: si vous voulez vraiment informer les Canadiens rapidement, voire instantanément, et en faire un processus pédagogique, et si vous voulez offrir un incitatif particulier aux Canadiens qui souhaiteraient faire des dons d'organes postmortem, le budget est à mon avis l'outil idéal pour faire transmettre toute l'information pertinente à tous les plus grands cabinets d'experts comptables des villes canadiennes. Tous les journaux qui disséqueront le budget vont reprendre l'information, ce qui en soi sensibilisera et informera les Canadiens.

Oui, la question des montants est un peu délicate. Il est difficile d'établir un montant. Mais il pourrait peut-être y avoir un montant arbitraire fixe de tant de milliers de dollars sur la dernière déclaration d'impôt de la personne décédée.

Si le gouvernement canadien a pu donner 400 $ à chaque étudiant par le biais du programme pour les étudiants dans le dernier budget, pourquoi ne pouvons-nous pas établir une somme de tant de milliers de dollars pour un don d'organes, de n'importe quel organe? Qu'avons-nous à perdre? Nous avons même tout à gagner, la vie pour nos enfants, par exemple. On donne à cet enfant, cet adulte, la possibilité de recevoir un organe et de continuer à vivre, de contribuer à la société pour rembourser en quelque sorte le cadeau que représente ce don d'organes. Pour moi, c'est quelque chose de positif.

On n'attire pas les mouches avec du vinaigre. Si vous êtes une famille qui attendez un don d'organes, ce n'est pas l'incitatif financier qui vous inquiétera. Vous serez si content d'avoir un organe que cet aspect—qui pourrait déranger certaines personnes—ne vous préoccupera pas du tout. Tout parent qui attend un don d'organes pour son enfant comprend très bien ce que je veux dire.

Le président: Merci, monsieur Sklar.

Cela nous amène à la fin de cette réunion. J'aimerais remercier tous nos témoins d'être venus et d'avoir partagé des expériences très personnelles. Mes collègues et moi-même avons été très touchés par vos témoignages.

Larry et Denise, vous avez notre appui et nos condoléances. Merci beaucoup d'être venus.

Murray et David, merci beaucoup. David, vous avez de la chance, et tout a très bien marché. J'espère qu'on en verra beaucoup d'autres comme toi à l'avenir. Alors bonne chance.

Tina Colson-Burke, merci beaucoup de votre témoignage et de vos excellentes recommandations.

Ron, j'espère que tout marchera bien pour Robbie. Nos amitiés à Sabrina.

À notre prochaine réunion, nous recevrons les agences de collecte d'organes. Certaines questions soulevées aujourd'hui seront donc soulevées encore une fois la semaine prochaine, d'un point de vue différent. Au nom de tous les membres du comité, merci beaucoup.

Le comité a encore quelques points à discuter. Je vais donc suspendre la séance pendant quelques minutes. C'est le bon moment pour une conversation privée, mais il ne faut pas qu'elle dure plus de deux minutes.

Merci beaucoup.

• 1120




• 1128

Le président: Prenez place, s'il vous plaît. Le comité reprend ses délibérations.

J'aimerais remercier les membres de la presse et les médias. Nous serons heureux de vous revoir à la prochaine réunion—jeudi, à la même heure dans la même salle.

J'aimerais remercier tous les membres du comité d'avoir démontré tant de patience. Je n'ai pas voulu bousculer nos témoins. Étant donné l'importance de nos travaux, il fallait que les médias aient le temps d'entendre ce que nos témoins avaient à dire. Certains ont exprimé un message très fort, et il fallait d'après moi donner au public le temps de comprendre les questions qui se posent.

J'ai deux motions devant moi. Maintenant il faut décider si le comité passera à huis clos. Ce sont les membres du comité qui devront me guider.

• 1130

Les deux motions sont recevables. J'ai reçu une des motions au début de la semaine passée, et l'autre vers la fin de la semaine. Mais j'hésite à commencer une discussion maintenant, pour que quelqu'un me demande au milieu de la discussion de passer à huis clos. Cela couperait nos discussions en deux.

M. Lynn Myers: Monsieur le président, je propose que nous passions à huis clos. D'après moi, il serait bon de le faire.

M. Reed Elley: Monsieur le président, si je ne m'abuse, Beauchesne stipule qu'il faut donner un préavis de 24 heures avant de passer à huis clos. Il n'y a pas eu de préavis.

Le président: C'est peut-être vrai. Mais notre expert ici nous dit que si le comité est d'accord, nous pouvons passer à huis clos quand la question se pose.

Que nous passions à huis clos ou non, notre discussion va mener à certaines décisions. Le comité devra décider si ces discussions seront publiques. Les décisions seront évidemment publiques. Je ne sais pas si quelqu'un aimerait que ces décisions soient publiques. Il n'y a aucune raison pour qu'elles ne soient pas publiques, mais les discussions pourraient comprendre certaines négociations. C'est pour cela qu'on passe à huis clos, d'ailleurs.

Monsieur Elley, j'espère que vous acceptez mon interprétation.

J'accepte la motion de M. Myers, que le comité passe à huis clos. La motion n'a pas besoin d'être appuyée.

Qui est pour la motion de M. Myers?

    (La motion est adoptée)

[Les délibérations continuent à huis clos]