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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 février 1999

• 1540

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.

Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude sur la situation des dons d'organes et de tissus au Canada. Nous en sommes à notre sixième—certains d'entre vous pensent que c'est la cinquième—session là-dessus.

Certains des témoins prévus aujourd'hui se sont désistés.

Je propose donc que les témoins présents forment une grande table ronde. Je demanderai donc à chacun d'entre eux de nous présenter son point de vue pendant cinq minutes environ, après quoi nous passerons à la période de questions de la part des membres du comité.

J'espère que cela vous conviendra.

Laissez-moi d'abord vous les présenter rapidement.

Le Dr Stuart John Smith est le directeur médical de la Clinique d'insuffisance cardiaque de la Société canadienne de cardiologie.

Le Dr Jean Tchervenkov est directeur du Programme de transplantation au Centre universitaire de santé de McGill.

Le Dr Bill Wall est directeur de l'Unité de transplantations multiples d'organes au Centre des sciences de la santé de London.

Le Dr Paul Greig est directeur au Service de transplantation du foie à l'Hôpital général de Toronto.

Je suis content de voir quelqu'un de chez moi qui a accepté de quitter quelque temps la grande ville pour venir à Ottawa...

Le Dr Kevork Peltekian est professeur adjoint à l'Université Dalhousie, spécialiste en hématologie au Centre des sciences de la santé Reine Elizabeth II, et directeur médical du Programme de transplantation du foie dans la région de l'Atlantique, à l'Hôpital général Victoria. C'est là qu'il travaille actuellement.

Enfin, nous accueillons le Dr Wilbert Keon, un de nos collègues de la Chambre haute. Le Dr Keon est directeur général à l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa.

Nous accueillons encore une fois aujourd'hui, à titre d'observateur, le sénateur Simard.

Bienvenue à tous nos témoins dont la participation sera sans doute appréciée par nous tous.

Je pourrais faire preuve d'esprit de clocher et demander à notre témoin torontois de prendre la parole en premier, mais on m'en voudrait. Voilà pourquoi j'inviterais d'abord le Dr Stuart John Smith à témoigner.

Dr Stuart John Smith (directeur médical, Clinique d'insuffisance cardiaque, Société canadienne de cardiologie): Merci beaucoup.

Je vous remercie de me permettre de vous parler, au nom de la Société canadienne de cardiologie, des transplantations cardiaques et des stratégies nécessaires en vue d'augmenter le nombre de donneurs d'organes.

La Société canadienne de cardiologie est un organisme médical à but non lucratif créé en 1947.

On vous distribuera une pochette donnant des renseignements détaillés sur la Société.

Depuis 1981, on a effectué au Canada plus de 2 000 greffes cardiaques. Or, depuis 1993, le nombre de ces greffes s'est maintenu d'une année à l'autre, et n'a pas dépassé les 160 à 180 par année.

Toutefois, pendant ce temps, le nombre de personnes dans l'attente d'une greffe cardiaque n'a fait qu'augmenter de façon constante. Cette augmentation du nombre de receveurs potentiels est due à deux éléments: d'abord, l'élargissement des critères pour les receveurs; et ensuite, l'incidence et la fréquence accrues des insuffisances cardiaques terminales. Toutefois, le nombre de donneurs n'a pas changé au cours de la dernière décennie et a même légèrement diminué. Par conséquent, les programmes de greffes cardiaques au Canada ont dû s'adapter au fil des ans pour faire face à un écart croissant entre l'offre et la demande.

Cet écart entre l'offre et la demande de dons d'organes a été étudié à maintes reprises, lors de diverses conférences et lors de réunions de comités. Or, si l'on regarde les procès-verbaux de ces comités, on ne peut s'empêcher de remarquer que les causes de l'écart n'ont pas changé au fil des ans.

Les raisons qui expliquent le nombre insuffisant d'organes à transplanter incluent notamment:

(1), l'inefficacité des pratiques permettant d'identifier les donneurs potentiels dans les hôpitaux;

(2), l'insuffisance des connaissances de la part du personnel soignant en matière d'admissibilité des organes ou de leur aiguillage;

(3), l'insuffisance des connaissances du personnel soignant en matière de mort cérébrale ou de son diagnostic, ou incapacité de leur part à expliquer au profane la mort cérébrale, etc.;

(4), désintérêt de la part du personnel soignant à participer à l'identification des donneurs et à l'aiguillage des dons pour des raisons de manque de temps, de conflit d'intérêts, de risque de poursuites et de surcroît de stress émotionnel;

(5), le manque de connaissances de la part du personnel soignant en matière de techniques leur permettant d'aborder les familles en vue d'un don éventuel;

(6), l'insuffisance des connaissances du personnel soignant quant à la gestion des dons avant le prélèvement des organes;

(7), les obstacles ou facteurs dissuadant l'hôpital et les professionnels de la santé à participer à l'identification des donneurs et au processus de collecte des organes;

(8), la restructuration des hôpitaux, les problèmes financiers et un nombre moindre de lits dans l'unité des soins intensifs;

(9), l'ignorance des membres de la famille du désir de l'un d'eux de faire don de ses organes;

(10), un moins grand nombre de campagnes d'éducation du public; et

(11), l'absence d'un organisme indépendant national qui assurerait la coordination et s'occuperait de l'information, tout en faisant des recommandations aux Canadiens et au personnel soignant sur les questions de dons d'organes.

• 1545

À la lumière des grands problèmes qui ont été identifiés, nous proposons plusieurs stratégies pour faire augmenter le taux de dons d'organes au Canada.

En premier lieu, il faut créer une organisation nationale qui chapeaute tous les aspects de la greffe d'organes au Canada. Actuellement, la collecte d'organes est une activité régionale. Chacun des groupes établis a ses propres responsabilités et ses propres algorithmes régionaux.

L'organisme national qui chapeauterait toutes les facettes de la greffe d'organes serait chargé de ce qui suit:

(1), identifier les donneurs dans les hôpitaux secondaires et tertiaires, notamment repérer les donneurs potentiels que l'on omet souvent de considérer pour les fins de la transplantation;

(2), former, dans les hôpitaux secondaires et tertiaires, une équipe spéciale qui connaîtrait les techniques nécessaires en vue d'aborder les familles endeuillées;

(3), former en gestion des dons le personnel soignant et mettre au point des algorithmes de gestion des dons;

(4), élaborer des programmes d'information destinés au personnel soignant et à la population en général traitant de dons d'organes, de la démarche à suivre en vue de faire un don, et des résultats des greffes;

(5), élaborer des algorithmes nationaux en vue d'une allocation optimale des organes; et

(6), maintenir une liste nationale des receveurs éventuels regroupant les patients en attente d'une greffe.

Une deuxième stratégie consisterait à former le personnel soignant en matière d'identification des donneurs potentiels, de gestion des dons et des avantages des greffes.

La troisième stratégie consisterait à informer la population canadienne de l'importance du don d'organes et des avantages des greffes.

Une quatrième stratégie viserait à rouvrir le dossier du consentement présumé. Malgré la présence de programmes éducatifs dans des pays comme le Canada, où on adhère volontairement aux dons d'organes, le nombre d'organes disponibles en vue de greffes n'a pas suivi l'augmentation de la demande. De nombreux pays ont abandonné la politique de l'adhésion volontaire au profit de la politique du retrait, ce qui s'est traduit par une augmentation des dons d'organes dans la mesure où cette stratégie s'accompagnait d'autres initiatives.

Les préoccupations formulées au sujet de cette forme de dons d'organes ne se sont pas concrétisées. Au lieu d'opter pour la politique du consentement présumé pour le don d'organes, on pourrait toujours choisir d'élaborer un registre national des dons d'organes.

En cinquième lieu, nous proposons d'appuyer financièrement les initiatives de dons d'organes. Pour qu'un programme de dons d'organes soit couronné de succès, il faut qu'il soit accompagné d'une aide financière à l'échelle de l'hôpital et à l'échelle nationale, afin de soutenir les entreprises d'ordre national.

Pour résumer, plus de 2 000 greffes cardiaques ont été effectuées au Canada depuis 1981. Pendant des années, le nombre de greffes cardiaques a augmenté de façon constante, et ce jusqu'au début des années 1990, époque à laquelle le nombre de greffes de coeur plafonnait à 160 à 180 par année. Toutefois, au cours de cette même période, le nombre de receveurs potentiels augmentait de façon constante en même temps que diminuait le nombre de donneurs compatibles.

Personne ne conteste que le don d'organes peut sauver des vies. Il saute également aux yeux qu'aucune cause n'explique à elle seule la pénurie de dons d'organes au Canada. Par conséquent, aucune stratégie ne pourra à elle seule résoudre le problème, et aucune organisation ne réussira à elle seule à faire renverser la vapeur.

On a cerné trois grands facteurs qui posent problème. En premier lieu, il y a la nécessité de sensibiliser sérieusement la population et le personnel soignant à tous les enjeux entourant le don et la greffe d'organes.

En second lieu, il faut qu'un organisme national chapeaute tous les aspects de la greffe d'organes au Canada, tout en mettant l'accent sur la sensibilisation aux dons d'organes.

Enfin, répétons à quel point il est nécessaire de soutenir financièrement les programmes éducatifs ainsi qu'une organisation nationale de greffes.

Pour clore, j'aimerais citer le témoignage d'une personne ayant comparu en 1990 au Congrès des États-Unis:

    Ce qui distingue nettement la transplantation, ce n'est ni la technologie à laquelle elle fait appel, ni ses coûts, mais ses fondements moraux. La transplantation est le seul secteur des soins de santé qui ne puisse exister sans la participation de la population. En effet, elle n'est possible que si le citoyen—lorsqu'il est encore en vie, ou après sa mort, dans le cas des organes vitaux—donne ses organes ou ses tissus à des fins de transplantation. Faute de gens qui soient prêts à donner leurs organes ou leurs tissus, la transplantation disparaîtra.

N'oublions jamais que les dons et les greffes commencent avec la société et se terminent avec elle, et que les citoyens en sont la force motrice de même que leurs grands bénéficiaires. Les professionnels de la santé ont évidemment un rôle à jouer, étant donné que donateurs et receveurs ne peuvent communiquer d'eux-mêmes les uns avec les autres, mais n'oublions jamais que, dans le théâtre de la transplantation, les professionnels n'ont qu'un rôle d'intermédiaires et qu'ils n'en seront jamais les protagonistes principaux.

Nous devons avoir pour objet principal d'optimiser les dons et les transplantations afin de remédier à la pénurie de dons d'organes. La meilleure façon de faire n'est-elle pas de créer une organisation nationale de greffes chargée de l'identification, l'aiguillage, et la distribution équitable des organes dans tout le Canada?

Merci beaucoup.

Le président: Merci, docteur Smith. J'ai pensé un instant que votre citation durerait plus longtemps que votre exposé.

Docteur Tchervenkov.

Dr Jean Tchervenkov (directeur, Programme des greffes, Centre de la santé de l'Université McGill): Mesdames et messieurs du comité et messieurs de la table ronde, je vous remercie de m'avoir invité à être le porte-parole de mon programme à l'Université McGill.

• 1550

Je suis chirurgien transplantologue, et cela fait maintenant 10 ans que je participe directement au prélèvement des organes. En tant que chirurgien directeur du programme de l'Université McGill, je me suis heurté à bon nombre des problèmes qui ont été signalés aujourd'hui et au cours des dernières séances de votre comité. J'aimerais en profiter pour en discuter avec vous.

Je ne m'attarderai pas sur certains des problèmes qui ont été signalés, car je ne ferais que répéter ce qui a déjà été dit. Vous les retrouverez dans mon mémoire, si vous voulez les lire. Je souscris, de plus, aux commentaires du Dr Stuart Smith.

D'entrée de jeu, j'aimerais brosser un tableau plus rose de la situation que celui qui vous a été dépeint. En effet, je ne suis pas convaincu que les greffes d'organes soient dans une situation aussi catastrophique qu'on veut bien le dire au Canada. Je crois plutôt que le milieu de la transplantation et mes collègues transplantologues du Canada ont fait un travail magnifique. Nous pouvons nous targuer d'avoir, si ce n'est les meilleurs résultats du monde, presque les meilleurs, et nous ne devrions courber la tête devant aucun autre pays, quel qu'il soit.

Toutefois, je crois que le manque de financement des dernières années, conjugué à certains des problèmes signalés par Dr Smith, nous ont empêchés de faire des progrès.

Nous savons tous que le nombre de donneurs par million d'habitants au Canada n'a pas changé depuis dix ans, tandis que le nombre de personnes en attente d'une greffe qui leur sauverait la vie n'a cessé d'augmenter. Nous souffrons donc de la comparaison avec d'autres pays dont un grand nombre ont réussi à faire doubler leur taux de dons d'organes et dont certains, tels que l'Espagne, la Belgique, l'Autriche et les Pays-Bas, ont réussi à dépasser 30 dons par million d'habitants.

J'ai plusieurs commentaires et des propositions à faire en vue d'essayer de résoudre le problème. Toutefois, avant de trouver des solutions, il faut définir les problèmes. Il y a certainement bien des façons de faire, mais il faut se demander, en premier lieu, comment l'hôpital ou le système de santé identifie les donneurs potentiels; en deuxième lieu, ce que nous faisons du donneur potentiel; et, en troisième lieu, comment nous prélevons les organes en vue d'une transplantation.

On définit habituellement le donneur d'organes comme étant un patient dont on a déclaré la mort cérébrale à la suite d'un traumatisme, d'un accident cérébrovasculaire, d'une asphyxie ou de la plupart des maladies s'attaquant au cerveau, dont les tumeurs cérébrales. Lorsqu'ils sont toujours en vie, les patients sont soignés de façon active par une équipe de médecins, de neurochirurgiens, de neurologues et d'intensivistes, de même que par de nombreux autres professionnels de la santé. C'est ce que nous appelons l'équipe de soins actifs.

Devant l'imminence de la mort cérébrale, l'équipe des soins actifs a tendance à réduire le niveau des soins, ce qui implique qu'elle ne maintient pas la pression sanguine du patient, qu'elle débranche le patient des ventilateurs mécaniques—avec le consentement de la famille—, et qu'elle cesse la gestion active de ses fonctions cardiaques, respiratoires et rénales.

Il saute aux yeux que ces démarches entre directement en contradiction avec le protocole qui permet de gérer un don d'organes, puisque, si l'on veut garder des organes de bonne qualité en vue d'une transplantation éventuelle, il faut maintenir la pression sanguine du patient et veiller au bon fonctionnement de tous les organes vitaux.

La transition entre les soins que l'on dispense activement à un patient vivant et les soins que l'on dispense à un patient dont la mort cérébrale a été déclarée et qui devient un donneur d'organes éventuel est très difficile pour beaucoup d'équipes de soins intensifs; et c'est justement là que se trouve l'un des conflits les plus importants du processus du don d'organes au Canada et ailleurs dans le monde.

• 1555

Les pays qui ont un taux de dons d'organes exemplaire considèrent ce problème comme étant le plus important pour eux et ont choisi de solutionner le problème en créant des équipes de gestion des dons. Ces pays ont retiré d'entre les mains de l'équipe de soins actifs l'étape suivante, soit la décision de pressentir la famille en vue d'un don d'organes, et ont réussi à créer des équipes professionnelles regroupant des médecins, des professionnels de la santé, des membres du clergé et même des éthiciens qui ont pour tâche de pressentir activement les familles pour qu'elles optent pour le don d'organes. Cette façon de faire donne de bons résultats.

Je vous propose de créer la même chose au Canada. Il arrive souvent que les équipes de soins actifs se sentent mal à l'aise d'aborder les familles pour leur demander, après avoir activement travaillé à maintenir la personne en vie, de donner les organes de leur proche. C'est délicat. Cette démarche devrait être laissée à des personnes qui ont été formées dans le domaine du don d'organes. Peut-être devrions-nous former des gens à cette fin.

Au Québec, à la suite du rapport de la commission Gélineau, on a exigé de tous les grands centres de traumatisme qu'ils désignent une équipe de personnes s'y connaissant en soins intensifs et chargées d'identifier les donneurs potentiels d'organes, d'aborder les familles en vue du don d'organes et de gérer les soins dispensés aux donneurs potentiels.

En août 1998, l'Université McGill embauchait une personne ayant de l'expérience en neurochirurgie et dans les unités de soins intensifs en vue de lui demander de gérer notre système hospitalier de dons d'organes. Il est peut-être trop tôt pour se prononcer, mais cette personne a déjà réussi à faire changer notre taux de dons d'organes. Au cours de la dernière année, le nombre de donneurs potentiels est passé de 28 à 41 et le nombre de donneurs réels de 8 à 24.

Nous espérons que cette tendance se maintiendra. Actuellement, très peu d'hôpitaux au Canada, le Québec compris, ont mis sur pied un tel système.

En vue d'améliorer la situation du don d'organes au Canada, je propose que nous mettions sur pied des équipes de gestion des dons dans tous les grands centres de transplantation ou de traumatologie au Canada et de les financer convenablement.

De plus, on devrait obliger tout médecin soignant un patient dont la mort cérébrale est à la veille d'être déclarée à consulter l'équipe de gestion des dons qui prendra alors le cas en main et abordera la famille en vue d'un don d'organes. Cette dernière démarche ne devrait pas être imposée à l'équipe de soins actifs.

La nouvelle équipe de gestion des dons devrait inclure des éthiciens, peut-être même des membres du clergé, qui sauront alors aborder la famille avec tact, compassion et dignité.

En outre, je souscris à la proposition du Dr Smith de mettre sur pied à l'échelle nationale une organisation et un système de partage et de collecte des organes, ce qui nous permettrait de colliger des données pour tout le pays et d'inscrire tous nos patients en attente d'une greffe sur une liste nationale; ainsi, nous pourrions plus facilement trouver des receveurs au Canada même, ce qui nous éviterait d'avoir à exporter certains de nos organes, comme cela s'est déjà produit à l'occasion.

En guise de conclusion, je remercie le comité de m'avoir invité et de m'avoir permis de lui présenter mon point de vue.

Je cède maintenant la parole au Dr Wall.

Merci.

Le président: Docteur Wall, on vient de vous tendre la perche. Profitez-en.

Dr Bill Wall (directeur, Unité des transplantations multiples d'organes, Centre des sciences de la santé de London): Merci, monsieur Volpe.

Je remercie les membres du comité de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de la transplantation et des dons d'organes au Canada.

C'est un privilège pour moi que de travailler dans le domaine de la transplantation depuis maintenant 25 ans. Je suis heureux de faire partie de ceux qui réussissent à soigner les patients dont les organes font défaillance par un traitement merveilleux qui leur sauve la vie. J'ai observé directement les progrès énormes accomplis au cours des 20 dernières années grâce à l'utilisation de meilleurs médicaments pour contrôler le rejet des greffons, ce qui se traduit aujourd'hui par un excellent taux de survie à une greffe d'organes.

Les résultats d'aujourd'hui sont meilleurs qu'ils ne l'ont jamais été. L'une des plus grandes réussites de la médecine moderne, c'est de pouvoir greffer des organes à des patients, dont beaucoup sont à l'article de la mort, de façon à leur permettre de mener à nouveau des vies riches et productives au sein de leur collectivité. Comme l'affirmait le Dr Tchervenkov, nous pouvons en effet être fiers de ce que nous avons accompli.

• 1600

Mais ces succès ont eu un effet négatif sur la greffe d'organes, à savoir que l'offre actuelle d'organes ne permet plus de répondre à la demande croissante des patients inscrits sur les listes d'attente.

En particulier, les patients en dialyse rénale doivent attendre deux à quatre ans avant de pouvoir bénéficier d'une greffe du rein, lorsqu'ils peuvent en obtenir une. Environ 15 à 20 p. 100 des patients qui attendent la greffe d'un organe vital comme le foie ou le coeur meurent sur la liste d'attente.

Les problèmes ne font que s'aggraver. L'hépatite C à elle seule va avoir des effets dévastateurs au cours des 10 prochaines années pour un grand nombre de patients qui vont avoir besoin d'une greffe du foie.

Le nombre des patients en dialyse rénale augmentent chaque année de 4 à 6 p. 100 au Canada.

Les maladies de l'artère coronarienne dans la population vieillissante vont nécessiter davantage de services de cardiologie, notamment de greffes.

Il en résulte que chaque année, l'écart entre l'offre et la demande d'organes s'accentue.

Jusqu'à maintenant, les taux de dons d'organes ont toujours été médiocres au Canada. Personnellement, je considère que si le gouvernement veut agir véritablement en faveur des greffes d'organes, il doit avant tout porter son attention sur l'amélioration du taux des dons d'organes au Canada, ce qui aurait l'effet le plus important et le plus immédiat pour tous les patients qui attendent la greffe d'un organe vital.

Les sondages indiquent que bien que la majorité des Canadiens soient favorables au don d'organes, un sur quatre ou cinq d'entre eux seulement est prêt à s'y soumettre. Quelles en sont les raisons? Les Canadiens ne sont pas conscients des besoins en matière de dons d'organes. Ils ne connaissent pas les succès remportés grâce aux greffes. Ils ne savent pas que la greffe d'organes, qui était autrefois une procédure expérimentale à haut risque, permet désormais de saveur des vies.

Mais même lorsqu'on demande aux personnes favorables au don d'organes de signer une carte de donneur, la moitié seulement d'entre elles réagissent positivement. Bon nombre d'entre elles s'interrogent sur la procédure de don d'organes. Elles ont des idées fausses concernant les effets du don d'organes sur les funérailles, ou s'imaginent même que le don d'organes entraîne des frais pour le patient ou pour sa famille.

La solution passe évidemment par l'éducation; il faut informer les Canadiens des besoins en organes et des avantages de la greffe d'organes. Le Dr Stuart Smith vient de vous donner une liste de 11 obstacles qui ont été identifiés, et dont sept, à mon avis, tiennent avant tout à un manque d'éducation.

La greffe d'organes au Canada se fait actuellement par le biais d'un ensemble disparate de régions et d'organismes de prélèvement qui travaillent avec les centres de transplantation; ceux-ci font de leur mieux pour améliorer l'image de marque de la greffe d'organes et ils représentent les nombreux patients inscrits sur les listes d'attente, mais on ne trouve aucun effort national concerté et persistant pour faire face à la pénurie d'organes dans ce pays.

Il faudrait un véritable partenariat entre les organismes gouvernementaux et les organismes spécialisés, comme la Société canadienne de greffe et l'Association canadienne de transplantation, pour que ce pays atteigne le taux le plus élevé possible de don d'organes.

Par rapport aux pays qui ont les taux les plus élevés—on a déjà parlé de l'Espagne, par exemple—nous voyons que le Canada se situe à 50 p. 100 seulement. Si nous pouvions doubler notre taux de dons d'organes, nous pourrions améliorer de façon extraordinaire la situation des milliers de patients dont l'existence est assombrie par les machines de dialyse, et on réduirait des deux tiers en une seule année la liste d'attente des greffes du foie.

Les centres de transplantation, où l'on trouve les personnes les plus dévouées et les plus déterminées, ne peuvent pas tout régler à eux seuls. Il faut libérer les ressources pour créer un organisme national dont le mandat principal sera de promouvoir le don et la greffe d'organes.

Il existe également des lacunes dans les connaissances des processionnels, ainsi que des obstacles professionnels qu'il faut abattre. Les sondages montrent que la majorité des infirmiers et infirmières et des médecins des services de soins intensifs sont mal à l'aise lorsqu'il faut s'adresser à la famille d'un donneur éventuel. La plupart d'entre eux ne savent pas comment procéder en matière de don d'organes.

Il faut aussi un contingent de professionnels de la santé spécialisés, en plus de ceux qui existent déjà, et qui se consacrent aux dons et aux greffes d'organes. À cet égard, le Canada a beaucoup à apprendre des pays qui ont des taux de dons d'organes supérieurs aux nôtres.

• 1605

L'éventuel fardeau financier pour les hôpitaux donateurs qui n'ont pas de programme de transplantation doit être éliminé, de façon que ces institutions ne soient pas pénalisées indûment par les conséquences financières de leurs efforts en matière de transplantation.

Je suis d'accord avec votre collègue, M. Martin, qui a présenté une motion officielle. Ces dépenses peuvent avoir un effet dissuasif pour les institutions qui pourraient participer à un don d'organes, en particulier aujourd'hui, compte tenu des restrictions financières imposées à la plupart des hôpitaux.

Depuis 15 ans, il y a eu de nombreux groupes de travail, comités consultatifs, groupes d'experts, etc. qui ont rédigé des documents sur la transplantation d'organes pour le gouvernement. Certaines questions ont été évoquées à maintes reprises, comme la nécessité d'une campagne nationale d'éducation du public sur les besoins en dons d'organes et sur les succès des transplantations, la nécessité d'un organisme national qui assurerait la coopération avec tous les établissements où le don et la greffe d'organes se pratiquent au quotidien, ainsi que la création d'une carte universelle de don d'organes dont on ferait la promotion dans tout le pays.

J'aimerais conclure en disant que nous avons ici une occasion extraordinaire de sauver des vies grâce à la transplantation d'organes, c'est-à-dire une procédure médicale fondée sur la générosité, la compassion et l'altruisme. Il faut saisir cette occasion pour les Canadiens. Il est temps que le gouvernement accorde à ce sujet l'importance qu'il mérite pour améliorer et sauver les vies de milliers de Canadiens qui attendent actuellement, et des milliers d'autres qui vont attendre un jour une transplantation d'organe.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, docteur Wall.

Le docteur Greig.

Dr Paul Greig (directeur du Département de greffe du foie, Hôpital général de Toronto): Monsieur le président Volpe, je voudrais moi aussi remercier le comité de me permettre de présenter mon point de vue sur l'état actuel du don d'organes au Canada.

Je voudrais me faire l'écho des propos des Drs Smith, Tchervenkov et Wall.

Je suis chirurgien spécialiste de la greffe du foie. Même si je travaille au niveau local à la promotion du don d'organes, je vais essayer de penser au niveau mondial et de présenter une perspective nationale à partir de mon expérience de président sortant de la Société canadienne de greffe et représentant actuel de la Coalition canadienne de sensibilisation au don d'organes, d'ancien coprésident du Programme pancanadien d'échanges d'organes, une initiative qui visait à augmenter le taux des dons d'organes au Canada, de président suppléant d'un groupe d'experts chargés de conseiller Santé Canada sur l'adoption de normes concernant les greffes d'organes et de tissus, et de membre du groupe de consultation Links to Success, créé par la Fondation canadienne du rein pour faire la promotion du don d'organes dans ce pays.

Je commencerai en disant qu'à mon avis, le don d'organes est la priorité numéro un en matière de transplantation à l'heure actuelle.

Parmi les questions relevées par le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur les services de santé, où figuraient notamment les listes d'attente et les normes applicables aux greffes d'organes et de tissus, la question du don d'organes est de toute évidence la priorité absolue.

On vous parle depuis longtemps du faible taux des dons d'organes au Canada. Ce taux est particulièrement bas à Toronto, et ce pour diverses raisons. Aux fins de mes recommandations, je les regrouperai en deux catégories: tout d'abord, les motifs liés au non-déclenchement de la procédure de don d'organes, notamment le fait que le donneur éventuel n'est pas sollicité ni référé, et deuxièmement, les motifs liés à l'impossibilité d'obtenir le consentement de la famille.

Mais avant cela, je considère fondamentalement que le mauvais taux des dons d'organes au Canada est dû au fait que tout le système est fondé sur l'altruisme; non pas uniquement l'altruisme de la famille qui consent au don d'organes, mais plus encore sur l'altruisme de l'intensiviste, de l'infirmier ou infirmière du service des soins intensifs et de l'établissement de santé.

Si l'altruisme est un sentiment louable et essentiel en matière de don d'organes, une activité médicale d'une importance aussi fondamentale que la greffe d'organes, qui sauve des vies, ne peut pas se contenter de bonne volonté. Elle a besoin d'un organisme bien financé, ainsi que de responsabilisation aux niveaux national, provincial et local.

Parmi les obstacles au déclenchement d'une procédure de don d'organes, mes collègues ont signalé le fait que dans les services de soins intensifs, le temps des médecins et des infirmiers et infirmières est accaparé par d'autres exigences et d'autres priorités qui entrent en conflit avec le don d'organes. Il faut de toute urgence rattraper le retard des patients qui doivent être admis aux soins intensifs et organiser immédiatement la sortie de ceux chez qui la mort cérébrale a été constatée. Une dissuasion financière s'exerce sur les services de soins intensifs, dont les ressources diminuent, et qui doivent assumer les coûts du don d'organes.

• 1610

On a beaucoup parlé cet après-midi d'un manque possible de sensibilisation à l'importance du don d'organes chez le personnel des services de soins intensifs. Ce personnel se consacre à des patients présentant des problèmes de santé aigus, et non pas à d'éventuels receveurs dans un centre de greffes. Pour résoudre ce problème d'absence de déclenchement du processus, je voudrais faire quatre recommandations.

La première, c'est qu'il faut une procédure automatique d'aiguillage. Notre pays a besoin d'une politique concernant l'aiguillage de tous les cas de décès constaté ou imminent vers l'organisme local de prélèvement d'organes, comme celle que vient d'adopter la Pennsylvanie. Je considère que ce système doit être créé par une loi nationale. Il devrait comporter la vérification de toutes les activités de don d'organes et de tissus dont les établissements de prélèvement sont responsables. Il devrait aussi comporter des pénalités financières en cas de non-respect de la loi, mais il aura besoin d'un soutien local et de l'encadrement apporté par un organisme national de greffe.

Deuxièmement, je crois qu'il faut éliminer les éléments financiers dissuasifs, aussi bien pour l'établissement de santé que pour les médecins.

Troisièmement, je crois qu'il faut alléger les pressions sur les services de soins intensifs et sur les salles d'opération en finançant spécifiquement des lits de soins intensifs destinés aux donneurs d'organes, en plus du financement accordé actuellement aux services de soins intensifs et aux salles d'opération, de façon que les cas de transplantation d'urgence n'entrent pas en conflit avec les autres interventions chirurgicales essentielles.

Finalement, il faut une version canadienne du modèle espagnol pour sensibiliser le personnel des soins intensifs, c'est-à-dire une personne affectée aux soins intensifs qui soit responsable non seulement de l'éducation du personnel au plan local, mais qui soit également tenue de faciliter le processus de don d'organes.

En ce qui concerne la difficulté d'obtenir le consentement de la famille, on nous a dit à quel point il est important d'avoir une personne hautement qualifiée, qui saura s'adresser à la famille avec compassion. Si la plupart de nos intensivistes ont les qualifications nécessaires pour s'acquitter de cette tâche, ils n'ont pas nécessairement les connaissances indispensables, et d'après les données disponibles actuellement, il semble que des professionnels de la transplantation qui s'adresseraient aux familles permettraient d'améliorer les taux des dons d'organes.

Je crois également que l'absence d'indications de la part du défunt à la famille constitue aussi un obstacle important. Les gens font rarement part de leurs souhaits à leur famille, et au moment du décès, dans le contexte familial, chaque membre de la famille a un droit de veto. Tout sentiment d'insécurité de la part de l'un des membres de la famille se traduit souvent par un veto ou par un refus de la famille.

Finalement, des considérations culturelles doivent parfois être prises en compte sur une base locale. J'aurais trois recommandations à ce sujet.

Tout d'abord, je crois que le Canada a besoin d'un registre national des dons d'organes semblable à celui qui a été créé en Colombie-Britannique. Je recommande qu'il soit associé à la carte provinciale d'assurance-maladie, et qu'il permette de constituer une base de données accessible au personnel des hôpitaux, et grâce à laquelle on pourra donner de l'information à la famille du donneur pour l'informer de ses désirs.

Deuxièmement, le système doit disposer de spécialistes des dons d'organes, de personnes spécialisées et parfaitement formées capables de s'adresser à la famille et de lui venir en aide dans une période d'épreuve psychologique. Ces personnes peuvent relever du centre local de prélèvement d'organes ou du service de soins intensifs.

Finalement, il faut des normes sur les dons d'organes, semblables à celles qui sont en cours de création pour les greffes d'organes et de tissus.

Je vais résumer les cinq domaines dans lesquels les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent nous aider.

Tout d'abord, nous avons besoin d'une loi fédérale définissant les modalités d'aiguillage requises au moment du décès. Cette loi devrait être mise en oeuvre et appuyée financièrement par les initiatives locales et provinciales visant à faciliter le succès de l'opération et à déclencher une vérification engageant notre responsabilité.

Deuxièmement, il faut prévoir un remboursement adéquat des activités de dons d'organes; le financement provincial est indispensable pour les hôpitaux et les intensivistes, de même que pour le personnel des services de soins intensifs qui doivent répondre des dons d'organes et pressentir les familles.

Quatrièmement, il faut que le gouvernement fédéral finance un registre national des donneurs d'organes.

Finalement, comme l'ont dit tous mes collègues, le Canada a besoin d'un organisme national de transplantation qui soit responsable des dons d'organes, de l'attribution des organes ainsi que de la tenue à jour et l'application des normes. Un tel organisme devra avoir des mandats aux niveaux fédéral, provincial et territorial pour ces activités et devra répondre de leurs issues. À défaut d'un tel organisme, nous ne pourrons avoir ni activités, ni normes applicables ni responsabilisation pour cet élément essentiel des soins de santé. Je ne pense pas que les greffes d'organes et de tissus puissent continuer à dépendre de l'altruisme.

Je vous remercie de m'avoir permis de m'exprimer.

Le président: Merci, docteur Greig.

Messieurs, ce n'est pas que je veuille vous annoncer qu'il y aura de nombreuses interruptions, mais pour le cas où des députés viendraient à se lever et à se déplacer, ne vous en formalisez pas et ne vous laissez pas distraire. Cela risque fort de se produire.

Cela étant dit, au revoir, madame Redman.

• 1615

Docteur Peltekian, on me signale que votre document est disponible dans les deux langues.

Dr Kevork M. Peltekian (directeur médical, Programme de greffe du foie du Canada Atlantique): Oui. J'y ai travaillé il y a deux jours.

Le président: Vous êtes donc bilingue.

[Français]

Dr Kevork Peltekian: Oui. Très bien; je parle un peu le français mais je le comprends bien.

[Traduction]

Le président: Eh bien, vous avez une longueur d'avance sur nous.

M. Kevork Peltekian: Je m'appelle Kevork Peltekian et je suis spécialiste du foie à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Vous comprenez pourquoi je n'indique plus mon prénom à mes patients.

Des voix: Ah, ah!

Dr Kevork Peltekian: C'est comme Kevorkian: c'est son nom combiné à mon prénom. En fait, j'ai été surpris de recevoir un appel m'invitant à parler des greffes d'organes. Je ne pensais pas que ce comité voulait qu'on lui en parle.

Mais revenons à des choses plus sérieuses. Je m'occupe toujours de choses sérieuses, puisque je suis le directeur médical du Programme de greffe du foie du Canada atlantique. La situation risque davantage d'empirer que de s'améliorer. Le Dr Wall a déjà parlé de l'hépatite C, qui constitue un facteur important en matière de greffe du foie.

Au cours des prochaines minutes, je vais m'efforcer de vous convaincre de la nécessité d'un organisme national non seulement pour des dons d'organes, mais également pour la gestion des dons d'organes et de tissus au Canada. Je voudrais vous soumettre quelques éléments.

Tout d'abord, voyons les différentes étapes que franchit la personne qui fait don d'organes. La première étape c'est un feu rouge, indiquant que la vie va s'arrêter. C'est effectivement ce qui se produit. On a parlé de la mort cérébrale. Ensuite viennent les formulaires de consentement, et on doit s'assurer que les organes donnés sont tous en bon état.

Un aspect important de la procédure concerne l'état de santé des organes. On ne peut pas greffer sur un receveur des organes qui ne sont pas sûrs. Il y a donc toute une procédure de vérification lorsque les feux sont à l'orange.

Ce n'est qu'après toutes ces précautions que les feux passent au vert et qu'on peut procéder au don d'organes. C'est là qu'intervient le chirurgien spécialiste des greffes, qui prélève les organes, et au moment où une vie se termine, au moins trois ou quatre vies se mettent à s'améliorer grâce à ces procédures.

Il est important de préciser que ce sont là trois phases et trois étapes différentes du processus. Ces trois phases ne peuvent être assurées par la même personne. On ne peut les confier toutes à l'intensiviste. En fait, on ne peut même pas s'attendre à ce qu'il se charge des deux premières. La vocation de l'intensiviste, c'est de s'occuper des vivants.

En effet, imaginez-vous dans une salle d'attente, près d'un être cher qui est aux soins intensifs. Tout le monde s'affaire à le maintenir en vie. Soudain, quelqu'un du service change de chapeau et vous dit: «Eh bien maintenant, l'être cher se transforme en donneur d'organes.»

Les choses ne peuvent se passer ainsi. Il est absolument essentiel de recourir à un intermédiaire.

Cet intermédiaire est un protagoniste du modèle espagnol. Je suppose que le comité en a entendu parler. Dans chaque hôpital de plus de 150 lits, on trouve l'un de ces spécialistes qui organise la médiation.

L'autre élément de ces feux qui passent au rouge, à l'orange, puis au vert, c'est qu'on ne peut pas s'attendre à ce que le chirurgien chargé de la greffe au moment du feu vert fasse le travail de l'intermédiaire. Ce sont deux fonctions différentes. Il faut donc deux organismes différents. On ne peut pas demander à l'organisme de greffe du Canada Atlantique de s'occuper des donneurs.

On ne procède pas de cette façon-là pour les transfusions sanguines. Lorsqu'un service a besoin de sang, le chirurgien ne va pas commencer à chercher des donneurs de sang. Il y a un autre groupe qui s'en charge et qui l'approvisionne en sang pour qu'il puisse opérer.

• 1620

Cela nous amène à un autre élément. Vous devez vous demander où je veux en venir et pourquoi je suis en train de vous parler de sang.

C'est pourtant important. Regardez ce logo. En dehors du Québec, la plupart des gens vont se demander ce qu'il signifie. Il représente un don de sang. C'est vous qui avez amorcé le phénomène à l'automne 1998, en déposant le projet de loi qui l'a enclenché.

Savez-vous ce que j'aimerais que vous fassiez? Supprimez le mot «sang» et pensez maintenant aux organes et aux tissus.

Dans les documents qui vous ont été remis, il y a des pages que j'ai trouvées sur le site web de la CBS ou Société canadienne du sang. C'est un énoncé de mission et de valeurs. Il s'agit là d'information publique, que j'ai donc pu la copier et la distribuer dans les deux langues, en anglais et en français. Prenez-en connaissance.

Puis-je en avoir un exemplaire moi-même? Je n'ai pas tout retenu.

Je vous invite à lire ce document, notamment l'énoncé de mission. J'aimerais que vous réfléchissiez à cela: il s'agit d'un organisme qui devra constituer, «dans les meilleures conditions de sécurité, de fiabilité et de rentabilité, des réserves suffisantes» d'organes, de tissus et de substituts, notamment pour la xénotransplantation. Je suis sûr que ce comité en a entendu parler.

Dans la suite de l'énoncé de mission, on verrait que ce système national indépendant d'approvisionnement en organes et en tissus devra fonctionner «de manière à susciter et préserver la confiance, le respect et la pleine adhésion de tous les Canadiens et Canadiennes», y compris les donneurs, les familles des donneurs, les receveurs et leurs familles.

C'est donc une question importante; on peut visualiser ainsi l'ensemble de l'organisme, avec un mandat semblable à celui qui a été énoncé dans le cas du sang.

Cela étant dit, revenons-en à votre tâche. Vous avez entendu bien des choses aujourd'hui et au cours des dernières semaines. Vous avez là une liste d'éléments.

Évidemment, tout le monde a à l'esprit le budget présenté hier, mais on parle également d'un registre national d'organes. Je n'ai pas entendu parler aujourd'hui de la carte santé. Pourtant, l'honorable ministre de la Santé en a parlé. Je crois qu'il est important d'ajouter ici une ligne pour dire que les taux de dons d'organes devraient faire partie du rapport sur la carte santé.

Mais cette liste est déjà longue, et je ne suis pas sûr que nous puissions tout faire dès maintenant. En particulier, vous devrez trouver de quoi regagner la confiance des Canadiens. C'est très important.

Je propose donc que vous mettiez en place un organisme national de gestion des dons d'organes et de tissus. C'est essentiel si nous voulons donner aux Canadiens la possibilité d'améliorer les taux de dons d'organes et réduire le nombre des décès de patients en attente d'une greffe.

Je vous remercie de m'avoir écouté. J'espère ne pas vous avoir dérangés avec toute la technologie que j'ai utilisée.

Le président: Je suis heureux que vous l'ayez utilisée; merci.

Je vais maintenant demander au Dr Wilbert Keon, un collègue de l'autre endroit, de faire son exposé.

Dr Wilbert J. Keon (directeur général, Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa): Merci, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à participer à cette très importante audience.

Je voudrais tout d'abord féliciter le Dr Keith Martin d'avoir évoqué ce sujet à l'autre endroit et de l'avoir porté à l'attention de tous. Je voudrais également féliciter le ministre Rock d'avoir créé un comité ayant pour mandat d'étudier cette importante question. Je suis sûr qu'il en résultera quelque chose d'utile.

Le président: Pour ceux qui ne savent pas, «cet endroit» est la Chambre des communes et «l'autre endroit», c'est le Sénat. C'est de cette façon que les sénateurs appellent la Chambre des communes: «l'autre endroit».

Mme Elinor Caplan (Thornhill, Lib.): Est-ce que c'est docteur sénateur ou sénateur docteur?

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est un peu comme un juge.

Par ailleurs, le comité fixe lui-même le programme de ses travaux. Parfois, le ministre lui soumet une demande, mais le plus souvent, c'est lui qui décide.

• 1625

En l'occurrence, les intentions du comité coïncidaient parfaitement avec la demande du ministre, si bien que vos commentaires concernant son initiative et celle du comité sont tout à fait pertinents.

Je le signale à l'intention des députés de l'opposition.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Allez-y, docteur Keon.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Est-ce que j'aurai autant de temps?

Le président: Non, vous monopolisez déjà trop le temps de parole.

Dr Wilbert Keon: Je suis également heureux d'intervenir ici aujourd'hui alors que le budget de la santé a été annoncé hier. J'ai eu le privilège de faire partie d'un certain nombre de comités consultatifs auprès du ministre au cours des dernières années. L'un d'entre eux portait sur les systèmes informatiques de santé et un autre, évidemment, était le comité consultatif de la santé sur les sciences. J'ai trouvé très encourageant de voir qu'une bonne partie des recommandations et des propositions de ces comités apparaissaient dans le budget d'hier.

On a assisté, en fait, à un pas de géant en faveur de la santé, des sciences et de la médecine au Canada. Grâce à la structure mise en place par ce budget, nous allons avoir l'occasion d'agir de façon très positive dans le contexte des exposés qui viennent de vous être présentés par tous ces spécialistes des greffes. Nous allons avoir une structure qui nous permettra de progresser et de mieux mettre à profit les ressources fédérales et provinciales.

Je crois que les obstacles et les problèmes que nous avons rencontrés jusqu'à maintenant en matière de greffe d'organes provenaient de la tradition canadienne et de la façon curieuse dont on procède lorsqu'il s'agit de définir les rôles du fédéral et des provinces. Une bonne partie de ces curiosités est en train de disparaître.

Je ne vais pas lire mon mémoire, parce qu'il reprend les arguments des intervenants précédents, mais je voudrais faire quelques remarques pour renforcer certains éléments qu'ils vous ont présentés.

Je crois qu'il nous faut des solutions à court et à long terme pour résoudre le problème. Je suis un chirurgien spécialiste des greffes et je suis très inquiet de voir la diminution du nombre des dons d'organes. Je crois qu'il nous faut une solution à court terme par l'éducation, la publicité et la sensibilisation, puis il nous faudra aussi une solution à long terme, qui vous a été présentée, je pense, par tous les intervenants précédents. Cette solution à long terme comporte la création d'un organisme national qui fera la promotion du don d'organes et qui pourra coordonner l'action des excellents organismes provinciaux qui existent déjà, comme le Programme de prélèvement et de greffe d'organes de l'Ontario, et les organismes en place au Québec, en Colombie-Britannique et ailleurs.

Il nous faut unir nos forces pour créer et appliquer des pratiques courantes et des normes, d'enregistrement et d'identification des donneurs potentiels, veiller à ce les organes soient équitablement répartis, vérifier les résultats des greffes et en faire rapport, étudier et gérer les problèmes liés aux greffes et veiller à ce que ces greffes soient réalisées selon les normes techniques et déontologiques les plus élevées.

Par ailleurs, il faut également créer une carte universelle de dons d'organes. On vous a fait ici de bonnes propositions. Par l'intermédiaire de cet organisme national, il faudrait créer une carte universelle de dons d'organes qui soit simple, facilement compréhensible et d'application universelle dans l'ensemble du pays, de façon que tout le monde comprenne la nécessité.

Il y a déjà au Canada de très bons modèles. Nous nous laissons parfois décourager par certains éléments de notre système de santé, mais nous avons tort. Il y a au Canada d'excellents modèles dont nous pouvons nous inspirer, même si l'on nous conseille aussi de regarder à l'étranger.

• 1630

Par exemple, la B.C. Transplant Society, créée en 1985, constitue un module de travail de dimension modeste, mais très efficace. Je suis sûr que mes collègues seront d'accord avec moi. On pourrait peut-être reprendre certains de ses principes au niveau national.

Par ailleurs, il est indispensable de s'entendre avec les provinces pour qu'elles acceptent les recommandations de l'organisme national en matière d'indemnisation des petits hôpitaux qui participent à des dons d'organes et qui ont à en subir les inconvénients. Cela n'arrive que très rarement. Ils ne savent pas comment procéder. Ils n'ont aucun moyen pour faire face au problème. Ils ont besoin de l'expertise d'un organisme national-provincial qui puisse entrer très rapidement en contact avec eux.

Grâce aux progrès de la technologie, c'est désormais possible. Cet organisme pourrait les aider à traverser une période difficile et veillerait à ce qu'ils soient indemnisés pour les services qu'ils ont rendus et pour les inconvénients qu'ils ont subis à cette occasion.

Je voudrais axer mon intervention sur une recommandation très simple. On vous en a fait un certain nombre d'excellentes, mais je pense qu'il faut insister sur la façon dont on va créer un organisme national. Il peut s'agir d'un organisme coopératif national-provincial des dons d'organes, qui assurera un contrôle de qualité, qui veillera au partage des organes et qui mettra au point une carte universelle de dons d'organes.

Il n'agit pas là d'une tâche herculéenne. C'est une question d'engagement et de détermination.

Je le répète, les structures sont déjà en place. Nous pouvons travailler à l'intérieur des structures dont nous disposons en cette période très positive des relations fédérales-provinciales.

Merci.

Le président: Merci, docteur Keon.

Nous allons maintenant donner la parole aux députés. Je tiens à remercier tous les participants de leur patience, en particulier les témoins qui ont assisté à tous les exposés.

J'espère que vous êtes toujours avec nous.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Merci beaucoup.

Je voudrais poser quelques brèves questions aux témoins. Tout d'abord, j'ai reçu un courrier électronique d'un couple de Colombie-Britannique, et je suppose que d'autres l'ont reçu également.

Ce couple évoque ses sentiments de malaise—leur fils a été donneur d'organes en Alberta en 1994—et fait certaines recommandations, notamment de ne pas demander, avant le décès, à la famille de s'engager, même oralement, à accepter le don d'organes.

Ils écrivent ceci:

    C'est ce qui nous est arrivé. Nous avons eu l'impression, par la suite, que notre fils avait été traité davantage comme un donneur potentiel une fois la mort cérébrale prononcée. D'autres nous ont confirmé qu'ils avaient partagé cette impression.

Le couple parle également de la situation où il se trouvait au moment où leur fils, sous anesthésie, était relié à un appareil respiratoire et que son coeur battait, etc.

Je pourrais continuer, mais je voulais simplement insister sur le fait que ces gens-là ne s'opposent pas aux dons d'organes; ils ont par contre des préoccupations très précises.

Quelqu'un voudra peut-être donner son avis là-dessus. Ces personnes recommandent de ne pas pressentir les parents d'un donneur potentiel au sujet d'un don d'organes avant sa mort cérébrale. Je suppose que cela créerait certaines difficultés.

J'aimerais bien entendre l'avis du Dr Tchervenkov à ce sujet. Il faudrait que l'équipe de soins actifs n'ait d'autre rôle que de s'occuper de traiter le patient. Une autre équipe serait chargée de pressentir les parents du donneur potentiel.

Les discussions que j'ai eues avec diverses personnes au sujet du don d'organes font ressortir le fait qu'il soulève diverses questions religieuses et morales. Je crois que nous en convenons tous. Je me demande si le simple fait de remplacer l'équipe de spécialistes en soins actifs par une équipe de gestion des dons d'organes y changera quelque chose. Je vous pose la question.

• 1635

Vous semblez être d'avis, docteur Wall, que la solution à tout ce problème passe par l'éducation du public.

Je dois dire que je ne suis pas aussi optimiste que vous. J'aimerais vraiment savoir si vous pensez vraiment que l'éducation du public fera disparaître les questions religieuses et morales que soulève le don d'organes. Je me demande vraiment si les connaissances des gens sur cette question correspondaient à notre époque plutôt qu'à l'époque du Moyen Âge, si je peux m'exprimer ainsi, cela résoudrait vraiment le problème.

Il est vrai qu'on ne peut pas comparer ce genre de dons aux dons du sang ou d'un rein puisque la personne qui fait ce don continue de vivre.

J'aimerais poser une brève question complémentaire, mais j'aimerais d'abord que vous me disiez si vous pensez que la création d'une équipe de gestion des dons d'organes permettrait de calmer les inquiétudes des gens.

Dr Jean Tchervenkov: C'est évidemment dans la bonne direction. La création d'une telle équipe ferait en sorte que l'équipe des soins actifs qui peut se rendre compte que la mort cérébrale du patient est imminente ne serait plus placée dans une situation aussi délicate. Une scintigraphie cérébrale peut indiquer à l'équipe des soins actifs que la mort cérébrale est imminente.

À l'heure actuelle, personne ne sait vraiment comment agir. Les équipes de soins actifs peuvent faire face à cette situation qu'une, deux ou trois fois l'an. Voilà pourquoi elles ne savent pas toujours ce qu'il convient de faire.

Si, comme vous le recommandez, ces équipes de gestion des dons comportent des représentants des collectivités ethniques, cela ne peut qu'améliorer la compréhension de cette question au sein des collectivités ethniques qui semblent avoir des réserves au sujet du don d'organes dont elles bénéficient cependant au même titre que les autres Canadiens.

M. Maurice Vellacott: Dans ce cas, je m'attends à ce que nous soyons respectueux de leurs réserves sur le plan ethnique, religieux ou culturel et que nous ne cherchions pas à leur imposer notre point de vue d'Occidentaux.

Dr Jean Tchervenkov: Il ne s'agit pas de leur imposer quoi que ce soit. Il s'agit plutôt d'éduquer les gens.

M. Maurice Vellacott: Très bien.

Docteur Wall.

Dr Bill Wall: La question que vous soulevez est l'une des plus délicates auxquelles nous avons à faire face comme médecins, à savoir la constatation du décès, la fin des soins et la demande d'un don d'organes à une famille qui ressent la très grande souffrance d'avoir perdu un être cher. C'est le moment le plus difficile pour une famille.

Voilà pourquoi nous avons besoin de faire appel à des professionnels qui ont la formation voulue et qui font preuve de la compassion et du tact nécessaires. Bien des professionnels de la santé ne se sentent pas à l'aise pour parler du don d'organes parce qu'ils n'ont pas la formation voulue.

En Espagne, c'est maintenant la pratique courante. L'agent de collecte d'organes, ou l'agent des dons d'organes si vous préférez, est spécialement formé pour savoir comment s'y prendre dans ces situations délicates et pour savoir comment tenir compte des différences culturelles, ethniques ou religieuses. La solution au problème est de former des gens qui sauront exactement ce qu'il convient de dire et quand il faut le dire.

Il faut évidemment que les gens comprennent que l'équipe des dons d'organes n'a absolument rien à voir avec la constatation de décès ou les soins qui sont administrés aux malades. Ces deux processus sont absolument distincts.

Voilà ce qui explique la méfiance d'une partie de la population au sujet des dons d'organes. Certaines personnes utilisent cependant ce prétexte pour ne pas signer leur carte de dons. Ces personnes craignent que l'équipe médicale ne fasse pas tout en son pouvoir pour leur sauver la vie si elles devaient se retrouver dans une situation critique.

C'est évidemment de la foutaise. Cela n'arriverait jamais dans ce pays.

• 1640

Voilà pourquoi la création d'organismes nationaux et l'adoption des mesures que nous préconisons permettraient de rassurer le public sur l'obligation de rendre compte et la transparence du processus ainsi que sur les normes déontologiques auxquelles souscrivent les professionnels de la santé.

Voilà le type d'éducation auquel je faisais plus tôt allusion. Je n'essayais pas du tout de cette façon d'esquiver le problème.

M. Maurice Vellacott: Non, je comprends.

Dr Bill Wall: À mon avis, il faut insister sur l'éducation de la population et des professionnels de la santé.

M. Maurice Vellacott: En effet.

Le président: Un instant, monsieur Vellacott.

Docteur Wall, le fait que tant de témoins, et notamment des témoins que nous avons entendus aujourd'hui, insistent sur l'importance de faire la distinction entre l'équipe des soins actifs et l'équipe des dons d'organes donne à penser que ce n'est pas ce que l'on fait à l'heure actuelle.

Dr Bill Wall: À moins que vous ne me donniez un exemple précis, je ne pourrais pas vous dire si c'est le cas ou non. C'est cependant la règle depuis longtemps dans notre établissement.

On nous signale à l'occasion des cas problématiques. Nous sommes toujours désolés lorsque la question des dons d'organes n'est pas présentée comme elle le devrait. Le don d'organes doit être altruiste et être un gage de compassion. C'est un acte noble. Lorsque l'accent n'est pas mis sur la noblesse de cet acte, c'est qu'il y a un problème.

Le président: Je crois que Dr Greig voulait répondre à votre première question, Maurice.

M. Maurice Vallacott: J'allais dire...

Le président: Permettez-lui de répondre à votre question. Je vous redonnerai la parole plus tard, monsieur Vellacott.

Dr Paul Greig: Je ne pourrais pas répondre à la question de façon plus élégante que l'a fait Dr Wall, mais j'ajouterais que cette question a fait l'objet d'études. Il s'agit de convaincre la famille que tout a été fait pour sauver le malade et que les deux processus, celui des soins au patient et celui des dons d'organes, ne sont pas liés.

Ce n'est pas nécessairement la règle. Il y a des membres d'équipes de soins actifs qui estiment qu'ils sont les mieux placés pour parler du don d'organes avec la famille. Il n'est pas déraisonnable que ces personnes fassent partie de l'équipe chargée de pressentir la famille, mais des études révèlent, en particulier des études provenant de la coalition pour le don d'organes, the Partnership for Organ Donation, que les familles sont davantage prêtes à consentir aux dons d'organes si elles sont pressenties à ce sujet par des professionnels compatissants qui ont les connaissances voulues.

Le président: Docteur Smith.

Dr Stuart John Smith: J'aimerais revenir sur certains points qui ont déjà été abordés.

Je crois que le cas de cette famille souligne les problèmes qui peuvent se poser. Il semblerait qu'on ait demandé à la famille d'autoriser un don d'organes avant la mort cérébrale du patient.

Nous insistons sur le fait que ce processus n'est pas lié au processus des soins. Il faudrait que ce soit un groupe de l'extérieur qui pressente la famille. Le premier problème qui se pose a donc trait à l'approche qui est adoptée.

Le deuxième problème qui ressort de votre exemple a trait aux préoccupations ethniques...

M. Maurice Vellacott: J'ai plutôt parlé de préoccupations morales.

Dr Stuart John Smith: De préoccupations religieuses.

M. Maurice Vellacott: Oui.

Dr Stuart John Smith: Je crois que la plupart des leaders religieux, à quelques exceptions près, qu'ils soient musulmans, juifs ou d'une autre confession religieuse, vous diraient que la transplantation d'organes ne pose pas de problèmes du point de vue religieux. Dans tous les cas, on veut s'assurer que tout est fait pour sauver la vie du malade. Les leaders religieux ne sont pas contre le don d'organes.

Il y a aussi la question de la mort cérébrale. Encore une fois, j'ai l'impression qu'on ne comprend pas tout à fait ce qu'on entend par mort cérébrale.

L'exemple que vous donnez fait ressortir la nécessité de faire appel à une équipe de collecte des dons.

On vous a signalé ce cas parce que les choses ne se sont pas passées comme elles auraient dû se passer.

Le président: Elinor Caplan.

Mme Elinor Caplan: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais d'abord dire combien j'ai été heureuse que le ministre donne ce mandat au comité. J'appuie sans réserves ce mandat qui est d'établir quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral non seulement en ce qui touche aux dons d'organes, mais aussi aux programmes de transplantation. Je vous remercie donc tous d'être venus aujourd'hui.

J'aimerais vous poser quelques questions au sujet des difficultés que soulèvent les dons d'organes.

• 1645

La première question que j'aimerais vous poser porte sur un sujet sur lequel on a attiré mon attention lorsque j'occupais d'autres fonctions en Ontario. Lorsque Graham Scott, président du Programme de prélèvement et de greffe d'organes de l'Ontario—MORE—, a comparu devant le comité, il a dit qu'il existait deux MORE. Je me demande comment cela s'explique.

Dr Greig, il semblerait que vous apparteniez à ces deux organismes.

Dr Paul Greig: MORE Ontario est l'organisme qui regroupe les organismes représentant les cinq régions de l'Ontario. Chaque région a un coordonnateur. Il y a MORE London, MORE Hamilton, MORE Toronto, MORE Ottawa et MORE Kingston. Les responsables de la promotion du don d'organes collaborent avec l'organisme parapluie qu'on appelle MORE Ontario.

Mme Elinor Caplan: Il n'y a donc pas deux MORE. Il n'y a pas de MORE pour l'hôpital de Toronto.

Dr Paul Greig: Non. Les coordonnateurs des dons d'organes dans la région de Toronto, y compris ceux de l'hôpital St. Michael's, l'Hôpital pour enfants et les hôpitaux de la région collaborent avec MORE Toronto et entretiennent des liens avec leurs collègues de London et d'Ottawa par l'intermédiaire de MORE Ontario.

Mme Elinor Caplan: J'ai cru comprendre des témoignages portant sur la création d'un registre national des donneurs qu'il existe actuellement un registre de ce genre à l'hôpital de Toronto. L'objectif est de faire en sorte que MORE Ontario coordonne ce programme au nom de tous les centres de transplantation au pays.

Dr Paul Greig: Je crois que vous faites allusion à la liste d'attente nationale pour les receveurs d'organes, madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Oui.

Dr Paul Greig: Toronto a établi une liste quasi nationale. Cette liste est mise à jour tous les vendredis après-midi et est transmise aux divers hôpitaux. Le jeudi suivant, elle est périmée. C'est le mieux que nous puissions faire pour l'instant.

Nous avons essayé d'établir une liste d'attente nationale qui serait diffusée sur Internet, mais nous ne sommes pas encore parvenus à le faire parce qu'il n'existe pas d'organisme national pour les transplantations. Il y a aussi la question du mandat de cet organisme, du problème de la sécurité et de la protection de la vie privée. Enfin, il n'existe pas de processus de reddition de comptes.

Le problème est réglé dans la mesure où London, Ontario, a accepté de s'occuper de cette initiative jusqu'à ce qu'une liste d'attente en temps réel puisse être établie. Nous n'avons cependant encore pu le faire.

Mme Elinor Caplan: Je comprends. J'ai reçu des exemplaires des communications que Dr Wall a fait parvenir aux centres de transplantation et je remercie tous ceux qui s'efforcent d'établir cette liste. Nous essayons de voir quels sont les obstacles à l'établissement de cette liste et quel pourrait être le rôle d'un organisme national.

Nous reconnaissons tous que les provinces doivent avoir les coudées franches dans ce domaine, mais il faudrait trouver un moyen de favoriser la collaboration entre les provinces. Je pense que c'est ce à quoi vous songiez lorsque vous avez parlé de la nécessité de créer un organisme de coordination nationale.

Dr Paul Greig: Les transplantations se distinguent de tous les autres aspects des soins de santé. On peut faire des pontages aorto-coronarien dans toutes les villes du pays, mais comme nous partageons les organes, nous devons établir des critères analogues pour les listes d'attente. Après tout, lorsqu'un foie quitte la région de Toronto, il est rassurant de savoir que le receveur aurait pu être soigné à Toronto.

Nos critères doivent donc être uniformes et il doit y avoir une répartition équitable des organes entre les diverses provinces. Le programme doit être d'envergure nationale puisque la transplantation d'organes se distingue de tous les autres aspects du système de prestation de soins de santé.

Mme Elinor Caplan: Vous insistez sur la nécessité d'une vérification et d'un processus de reddition des comptes. Je sais que le sénateur Keon appuie sans réserve ce principe.

J'aimerais savoir si vous pensez que la vérification et la reddition de comptes doivent être des composantes d'un programme national.

Dr Paul Greig: J'en suis convaincu.

Mme Elinor Caplan: Quelqu'un pense-t-il autrement?

Des voix: Non.

Dr Kevork Peltekian: L'énoncé de mission et de valeurs de la Société canadienne du sang mentionne ce principe. Tout ce que nous avons dit au sujet de la sécurité des organes, de la vérification et de l'assurance de la qualité figure dans cet énoncé.

Mme Elinor Caplan: Si vous êtes tous d'accord sur ce principe, pourquoi ce programme n'existe-t-il pas?

Dr Kevork Peltekian: L'infrastructure voulue n'existe pas et il faudrait des fonds pour la mettre sur pied. C'est aussi simple que cela.

• 1650

Nous procédons de façon très fragmentaire. Savez-vous combien de personnes s'occupent de la transplantation d'organes dans l'ensemble de l'Atlantique? Trois personnes. Tout est coordonné à partir du bureau d'un hôpital. Ces gens font de l'excellent travail, mais nous pouvons améliorer l'infrastructure avec les fonds voulus.

Dr Stuart John Smith: Les programmes sont mis en oeuvre à partir de nos bureaux. Il existe des groupes de collecte d'organes et des ententes locales dans l'Atlantique, en Ontario, et en Colombie-Britannique, mais il faut établir les algorithmes pour la répartition des organes si l'on veut assurer le succès d'un programme national. Les besoins ne sont pas les mêmes partout.

Il arrive parfois qu'on nous appelle la nuit de Winnipeg, par exemple, pour nous offrir un organe. Or, nous savons que la veille nous avons fait deux transplantations et que la cote des patients est quatre, la cote la plus grave lorsqu'on attend une greffe. Nous recevons deux appels de deux parties différentes du pays pour nous offrir des organes. Lorsque nous leur demandons ce qu'il en est des patients qui ont la cote quatre, et qu'on leur demande pourquoi ils n'utilisent pas ces organes, on nous répond qu'on ne connaissait pas la situation.

Il n'y a pas de communication entre ces algorithmes régionaux. Nous faisons de notre mieux, mais la plupart de nos discussions ont lieu au milieu de la nuit.

Le président: Docteur Greig.

Dr Paul Greig: C'est quelque chose que nous faisons déjà dans une certaine mesure. Les spécialistes de la greffe du foie se réunissent chaque année, comme vous le savez parce que nous estimons qu'il est important de nous rencontrer. Les directeurs des programmes examinent les critères d'inscription sur les listes. Nous examinons l'algorithme. Nous demandons à un de nos coordonnateurs de nous présenter les statistiques afin de pouvoir déterminer les délais d'attente et les décès qui pourraient se produire.

À vrai dire, nous n'avons aucun mandat en ce sens. Nous ne sommes pas habilités à faire cela. Nous essayons de réunir les fonds nécessaires et nous prenons de notre temps pour nous occuper de cela, malgré nos nombreuses activités cliniques et de recherche, car nous estimons qu'il en va de notre devoir.

Mme Elinor Caplan: N'était-ce pas le mandat de MORE Ontario de faire cela? Chaque province devait financer ses propres activités, mais n'est-ce pas que la structure a été mise en place quand MORE Ontario s'est vu confier un mandat en ce sens en 1988, je crois?

Dr Paul Greig: C'est effectivement MORE qui s'occupe de cela en Ontario, mais à l'échelle nationale, le travail se fait uniquement grâce... à vrai dire, c'est parce que les médecins et les coordonnateurs des greffes croient que cela doit être fait. Ils le font, du moins dans le cas des greffes du foie.

Cette année, à l'occasion de l'assemblée générale annuelle de l'ACT/SCG, chacun des quatre principaux groupes de greffe se réunira afin d'établir des algorithmes pour l'échange national.

Encore là, nous n'avons aucun mandat en ce sens. Il n'existe aucun mandat fédéral à cet égard. Nous n'avons aucun fondement juridique. Nous croyons faire pour le mieux. Nous avons quand même une certaine formation en déontologie. Nous faisons une bonne oeuvre.

Nous nous disons simplement que c'est la chose à faire, mais il vaudrait mieux, beaucoup mieux qu'il y ait un mandat fédéral-provincial-territorial à cet égard.

Le président: Avant que nous passions à la personne suivante sur la liste, docteur Keon, vous avez quelque chose à dire.

Dr Wilbert Keon: Oui.

Madame Caplan, vous avez posé une excellente question—à savoir, si tout le monde est d'accord, pourquoi la chose ne se fait-elle pas? Si cela ne se fait pas, c'est qu'il n'existe tout simplement pas de milieu à l'intérieur duquel cela pourrait se faire.

MORE Ontario a très bien fonctionné après sa création, pendant quelques années. Puis, nous nous sommes retrouvés avec des situations comme celle que le Dr Smith a décrite l'autre soir, qui s'était produite à l'Institut de cardiologie, où deux coeurs étaient offerts en même temps. Un certain nombre de personnes ont commencé à établir des liens par téléphone à l'échelle du pays.

Il n'y a pas de mauvaise intention, mais chacun semble agir de façon indépendante à l'extérieur du système.

Mme Elinor Caplan: La situation peut-elle être attribuable à l'absence de comptes à rendre ou à un manque de vérification?

Dr Wilbert Keon: Oui. Elle peut être attribuable à un manque de reddition de comptes, à un manque de leadership. Elle résulte d'un manque de centralisation, de reddition de comptes, de vérification—tout cela.

Si l'on avait un système central—et ce serait très facile d'en établir un, étant donné qu'il existe déjà de bons systèmes dans les provinces—qui pouvait faire le lien entre tous les systèmes, l'on aurait alors l'obligation de rendre compte et tout le reste, il me semble.

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

J'ai plusieurs questions à poser. Je vais commencer par poser une question au Dr Wall au sujet d'une remarque qu'il a faite.

Je crois que bien des membres du comité sont d'accord avec vous pour dire que nous avons plein d'études sur la question et qu'elle a fait l'objet de nombreuses enquêtes mais nous n'avons toujours pas réussi à la faire mettre en tête de liste des priorités politiques, à cause notamment des problèmes qui se posent sur le plan du financement et aussi de la collaboration fédérale-provinciale nécessaire.

• 1655

Que pouvons-nous faire cette fois-ci pour empêcher que nous ne nous retrouvions tout simplement avec une autre étude qui viendrait s'ajouter à toutes celles que nous avons déjà?

Dr Bill Wall: Comme on l'a déjà dit, nous sommes ravis que le ministre de la Santé Allan Rock ait porté cette importante question à l'attention des Canadiens. Le public canadien y est maintenant sensibilisé, et vous aussi, et il me semble qu'il faut maintenant passer à l'action.

En notre qualité de professionnels de la santé, qui avons le privilège de participer à ces activités, nous vous demandons de parrainés les efforts en ce sens, de les appuyer, de les concrétiser et de prévoir les ressources voulues. Ceux qui sont ici à la table, tout comme beaucoup de nos collègues, ne demanderaient pas mieux que de siéger au Comité national de la transplantation—si c'est là le nom pour lequel vous optez...

Le président: Vous ne vous êtes pas du tout consultés les uns les autres au préalable, n'est-ce pas?

Des voix: Ah, ah!

Dr Bill Wall: ...afin de veiller à élaborer un mandat qui vous convienne et de faire en sorte qu'il y ait à la fois reddition de comptes et crédibilité. Car, si nous demandons à tous les Canadiens de participer à cette entreprise et à y souscrire comme nous voudrions qu'ils y souscrivent, nous devons leur rendre des comptes.

Nous devons être très conscients aussi de l'avenir des transplantations. À l'heure où nous nous parlons, il se peut bien qu'à l'avenir, avenir qui est peut-être plus rapproché qu'on ne le pense, la xénotransplantation, c'est-à-dire la greffe d'organes animaux sur des êtres humains, soit possible. C'est là la solution à bon nombre des problèmes dont nous venons de parler.

Le moment venu, il sera extrêmement important que tous les Canadiens aient une confiance absolue dans la xénotransplantation, qu'ils aient l'assurance qu'il s'agit d'une opération sans danger, assortie des garanties nécessaires. Si jamais la xénotransplantation devient réalité, ce sera le moment le plus important de toute l'histoire de la transplantation au Canada.

En notre qualité de spécialistes des greffes, nous espérons que ce moment viendra et, s'il vient, ce sera alors merveilleux d'être un spécialiste des greffes. Les questions qui se poseront alors sur le plan social, éthique, moral et juridique seront les plus graves auxquelles nous nous sommes heurtés pendant toute l'histoire de la transplantation.

Il faut que nous soyons perçus comme ayant des comptes à rendre à cet égard. Il faudrait qu'il y ait un organisme national—pas fédéral ni provincial ni interprovincial, mais national—qui englobe tous les éléments des ententes interprovinciales qui existent à cet égard dans le domaine des soins de santé.

Je ne crois pas me tromper en disant qu'il existe une petite brasserie à Fernie, en Colombie-Britannique, qui produit une excellente bière, mais qui ne peut pas vendre une seule de ces bouteilles de bière en Ontario aujourd'hui. La loi ne nous le permet pas, parce que la brasserie n'a pas de brasserie homologue ici en Ontario.

Or, si ce soir, à Montréal, un enfant est sur le point de mourir d'une maladie du foie et qu'il y a un donneur à Vancouver, il suffit d'un ou deux appels téléphoniques pour prendre les dispositions nécessaires et faire envoyer le foie du donneur de Vancouver au Québec afin de sauver la vie de cet enfant qui est en train de mourir. Tout cela peut se faire sans aucune démarche législative, et je trouve cela formidable.

La transplantation a fait son chemin dans de petits îlots d'activités, dans de petits centres d'excellence, et nous nous retrouvons maintenant à devoir sortir de nos limites respectives et travailler ensemble à cause de l'échange d'organes, à cause de toutes les lignes directrices auxquelles nous devons nous conformer. Nous aimerions avoir un mandat national en ce sens, une organisation nationale comme celle dont le Dr Keon a parlé, qui serait chargée de surveiller tous les aspects de la transplantation—les questions relatives à la sécurité et les questions relatives aux lignes directrices afin de veiller à ce que nous répondions aux normes déontologiques les plus élevées possible. Nous espérons que le Canada deviendra un chef de file mondial de la transplantation.

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai une autre question à poser, même si je n'ai peut-être pas beaucoup de temps.

Il m'a semblé qu'il y avait une différence entre ce que disait le Dr Greig et ce que tous les autres semblaient dire quant à la nécessité de légiférer en la matière. J'ai cru entendre le Dr Greig dire que la loi devrait imposer certains choix, qu'elle devrait exiger la déclaration. Ce n'est pas ce que j'ai entendu dans les propos des autres témoins.

Je me demande s'il y a une différence et ce que les autres témoins pensent que l'idée du Dr Greig.

Dr Jean Tchervenkov: C'est quelque chose que j'ai effectivement dit, moi aussi. J'ai dit dans mon exposé qu'il devrait y avoir consultation obligatoire avec l'équipe chargée de demander des dons d'organes, ce qui revient pas mal à dire ce que disait le Dr Greig.

• 1700

Il est temps de passer d'une optique purement altruiste, pas en ce qui concerne les familles des patients—je crois que l'altruisme est toujours de rigueur de ce côté-là—mais en ce qui a trait à la détermination des médecins qui ne font pas de transplantations, à une optique créant l'obligation de faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que chaque patient qui peut devenir donneur le devienne.

Le président: Docteur Peltekian.

Dr Kevork Peltekian: J'ai en fait donné le nom d'un article à remettre aux membres du comité où il est question de ces différents types de consentement, de la façon d'obtenir le consentement et le reste.

Au bout du compte, ce n'est pas au chirurgien transplantologue de décider ce qu'il faut faire. C'est plutôt à la société qu'il revient d'en décider. Il s'agit d'une décision de société. Il s'agit de questions de vie et de mort. Il y a des émotions en cause.

Enfin, nous aimons tous l'idée. Nous voudrions tous avoir des chiffres élevés, mais c'est à vous qu'il appartient d'aller demander au public ce qu'il veut, de lui donner l'heure juste.

Nous aimons bien l'idée du consentement présumé, mais si les Canadiens n'en veulent pas, on ne peut pas leur demander d'y adhérer. C'est là votre rôle, d'aller poser la question au public, Enfin, nous allons le proposer, mais...

Dr Jean Tchervenkov: Il y a toutefois différentes questions qui entrent en ligne de compte ici, Kevork—présumer le consentement de la famille et obliger les médecins et les intensivistes à faire leur devoir pour ce qui est de permettre à un organisme de demander le don d'organes. Je crois qu'il s'agit là de deux questions différentes.

Dr Kevork Peltekian: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le président: Docteur Wall.

Dr Bill Wall: Je ne suis guère enthousiaste à l'idée de légiférer pour amener les gens à faire certaines choses. D'après les sondages qui ont été réalisés sur le consentement présumé, sur l'examen consigné, etc., le grand public ne souscrit pas à cette façon de faire. La plupart d'entre nous estiment avoir certains droits indéniables. Nous estimons notamment avoir le droit de pouvoir disposer de notre corps.

Il n'y a qu'à voir les régions du Canada qui ont les taux de dons les plus élevés, ou encore les régions des États-Unis les plus propices aux dons d'organes—Lifelink, en Floride, par exemple—ou les pays qui ont les taux les plus élevés de dons d'organes. Ils n'ont pas de loi en ce sens, et n'en ont pas eu besoin pour accomplir ce qu'ils ont accompli.

Nous tirons une certaine fierté du fait que, dans le sud-ouest de l'Ontario, nous avons un taux de dons d'organes qui varie chaque année entre 22 et 26 p. 100, moyenne qui dépasse de beaucoup la moyenne canadienne. Il n'existe pas de loi en ce sens dans le sud-ouest de l'Ontario. La transplantation y a toutefois une certaine visibilité. On est sensible à la chose. Le public en est conscient.

C'est d'ailleurs ce que le Dr Keon a accompli à l'Institut de cardiologie d'Ottawa; c'est ce qui explique le taux de dons d'organes à Ottawa. C'est parce que les gens comprennent l'importance de la transplantation. Ils ont confiance. Ils en voient les effets.

Il n'est donc pas nécessaire, selon moi, d'obliger les gens à faire certaines choses pour favoriser les greffes. Deuxièmement, j'estime que de bien meilleurs moyens pourraient être pris, comme de sensibiliser les personnes concernées au processus, afin de dissiper les craintes et les anxiétés.

Je ne dirais pas que je suis contre l'idée de légiférer, mais c'est une idée qui ne m'enthousiasme guère. Je crois qu'il y a de bien meilleures approches qui se sont révélées efficaces.

Le président: Merci, docteur Wall.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis ravie de constater que tous les témoins que nous accueillons aujourd'hui, surtout le Dr Wall—j'avoue un léger parti pris—, sont du sud-ouest de l'Ontario.

Votre cher ami, le Dr Cal Stiller, fait aussi partie de l'équipe, si je ne m'abuse.

Le Programme MORE a-t-il été lancé avec l'équipe initiale qui a été mise en place dans le sud-ouest de l'Ontario? Je sais qu'il y a des participants dans la région de Strathroy qui cherchaient à organiser un groupe. Ils avaient rallié tout le monde, évêques et gens d'Église, puis London s'est jointe à eux.

Dr Bill Wall: Non. Il y avait quelque chose qui s'appelait le Programme de prélèvement et de greffe d'organes de Toronto. Cet organisme existait avant Ontario MORE, l'acronyme MORE désignant la même réalité.

Il y a environ 11 ans, l'organisation provinciale a été créée avec pour mandat de veiller à assurer un accès juste et équitable aux organes dans la province et d'aider à faire la promotion des dons d'organes. C'était une organisation indépendante.

London s'est aussi mise de la partie, tout comme Hamilton et Kingston, parce que nous nous trouvions à être dans l'une des cinq régions géographiques de la province. Nous avons aussitôt souscrit à Ontario MORE parce que nous nous trouvions dans la région.

• 1705

Vous mentionnez le rôle de Cal Stiller. Comme le Dr Keon, on ne reconnaît pas suffisamment son action. Ce sont des pionniers de la transplantation au Canada.

Je me réjouis que vous ayez mentionné son nom, car il mérite d'être mentionné. Si l'on constate les effets de la transplantation dans le sud-ouest de l'Ontario, c'est en grande partie grâce à lui et à l'engagement qu'il a pris, il y a 30 ans, vis-à-vis des dons d'organes et de la transplantation.

Mme Rose-Marie Ur: J'ignore ce qu'il en est, mais je voudrais savoir si tous les médecins sont pour la transplantation. Certains patients se sentent-ils mal à l'aise à l'égard des donneurs d'organes? Certains médecins ne sont pas aussi enthousiastes que vous, messieurs. L'attitude peu positive de certains médecins limite-t-elle le nombre d'organes que nous pouvons obtenir?

Dr Stuart John Smith: C'est une bonne question. Si vous posez la question au grand public et aux médecins, le pourcentage d'appui pour la transplantation est le même, soit d'environ 90 p. 100. Quand vous demandez aux mêmes médecins s'ils sont prêts à pressentir les familles, le nombre diminue nettement, aux environs de 55 p. 100.

Cela tient à certaines des raisons que j'ai citées. C'est une chose que d'appuyer la transplantation d'organes, mais c'en est une autre que de devoir contacter les familles des donneurs. Il y a donc un tas de raisons à cela.

D'autre part, c'est aussi une question de formation. Les programmes d'enseignement des médecins ou des infirmières abordent très peu le sujet si bien que la plupart des médecins sont à peine plus au courant que le grand public du succès des transplantations.

Je suis sidéré, quand je fais le tour de mes collègues en cardiologie, de voir combien d'entre eux répondent, lorsqu'on leur demande quel est le taux de survie pour la transplantation cardiaque au bout d'un an, qu'il se situe aux alentours de 60 p. 100. Ils citent ce chiffre comme si c'était la règle, alors qu'il n'en est rien. En réalité, il est de 92 p. 100.

La plupart des médecins me paraissent mal informés et si c'est le cas, ils diffusent de mauvais renseignements à leurs collègues et au grand public. Je crois donc très important d'entreprendre un programme éducatif à l'intention du personnel médical à tous les niveaux.

Comme je l'ai dit, en principe, les médecins sont pour, mais pour ce qui est de leur propre compréhension de la mort cérébrale, de la façon d'aborder les familles, du succès des transplantations et de tous ces autres aspects, ils sont à peine mieux informés que le grand public.

Mme Rose-Marie Ur: Je suis tout à fait pour le principe de l'équipe de soins aigus et de recrutement des donneurs. Cette dernière devrait être composée de professionnels de la santé, bien entendu, mais comme le Dr Wall et le Dr Greig l'ont dit, nous avons grand besoin de gens aux grandes qualités de coeur et compétents dans ce domaine, qui ne seront pas nécessairement des médecins. C'est ainsi que ce grand projet obtiendra le respect du public. Nous devons certainement l'appuyer.

Docteur Greig, vous avez dit, je crois, que les États-Unis avaient des statistiques encourageantes quant au nombre de donneurs d'organes. Emploient-ils certaines méthodes que nous pourrions utiliser chez nous?

Dr Paul Greig: Le Partnership for Organ Donation a étudié de près un grand nombre d'États américains dont certains ont un excellent taux de dons d'organes tandis que d'autres n'ont qu'un taux très médiocre. Cet organisme a également aidé certains d'entre nous au Canada. Je sais qu'il joue un rôle très actif en Colombie-Britannique. Il a travaillé également à Toronto.

Le Dr Wall a raison de dire que certaines régions ont toujours eu un excellent taux de dons d'organes et ceux d'entre nous qui n'ont qu'un taux très médiocre aimeraient beaucoup savoir comment elles font. Comme vous l'avez entendu dire aujourd'hui, ce n'est pas aussi simple.

Nous savons tous qu'une personne bien intentionnée et bien placée qui travaille dans un hôpital peut être à l'origine d'un taux de dons d'organes exceptionnel ou qu'un programme très visible dont toute la collectivité est extrêmement fière peut exercer une profonde influence dans une région.

Je n'essaie pas de trouver là des excuses. Certaines des recommandations que j'ai formulées aujourd'hui viennent de ce que Partnership in Organ Donation a reconnu, à savoir que le découplage du processus est important.

Personnellement, je ne crois pas que nous puissions compter sur la formation des gens, du personnel médical de l'unité de soins intensifs, pour lancer le processus. Il y a certaines des divergences d'opinions au sujet de cette question.

J'aimerais pouvoir dire que nous avons tiré la leçon de l'expérience américaine. Les Espagnols ont un modèle différent.

• 1710

Mme Rose-Marie Ur: Peut-être devrions-nous cloner le Dr Cal Stiller et le placer un peu partout.

Dr Paul Greig: Ce serait bien.

Dr Bill Wall: Ce serait efficace.

Le président: Docteur Smith.

Dr Stuart Smith: Pour répondre à votre question, il y a un système de déclaration obligatoire dans certains grands États américains, n'est-ce pas? Ce n'est peut-être pas partout, mais cela veut dire qu'à l'arrivée d'un donneur potentiel, vous devez au moins le déclarer. Cela n'ira peut-être pas plus loin, mais vous avez au moins identifié un donneur potentiel.

Il y a aussi le modèle du consentement présumé, comme en Espagne, et le nôtre, celui de la participation volontaire.

Le président: Cela concerne ma région, docteur Greig, mais je crois vous avoir entendu dire au début que le pourcentage de donneurs avait baissé à Toronto. Comment cela se fait-il? Si j'ai bien compris, le taux de dons est très faible.

Dr Paul Greig: Il est très faible. Je n'ai pas vu les chiffres pour 1998, mais je crois qu'ils sont inférieurs à ceux de 1996-1997.

Si vous prenez les données des cinq à dix dernières années, qui ont été diffusées par le Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes, de même que MORE, nous ne dépassons pas 12,4 p. 100, 12,6 p. 100 ou 12,2 p. 100. Ce chiffre reste stable. L'année dernière, il était de 11,9 p. 100 et nous avons ensuite franchi la barrière des 12 p. 100.

Ce chiffre reste stable, à un niveau médiocre. Je ne constate aucun changement malgré l'excellent travail réalisé, tous les efforts de sensibilisation que nous déployons au niveau local et les changements apportés à MORE, en Ontario, avec la mise en place de coordonnateurs de MORE à Toronto, que nous appelons maintenant les «spécialistes de donneurs d'organes», qui jouent un rôle actif dans les unités de soins intensifs. Rien de tout cela n'a fait bouger les choses.

Le président: D'accord.

Je suis désolé de vous avoir interrompu, docteur Tchervenkov, alors que vous vouliez dire quelque chose. Je sais que ce n'est pas en rapport avec la question que je viens de poser, mais allez-y.

Dr Jean Tchervenkov: Je voulais seulement répéter ce que le Dr Smith a dit au sujet de la déclaration obligatoire. Ce que je préconise revient à peu près au même, c'est-à-dire une consultation obligatoire avec une équipe bien établie et bien formée chargée de demander des dons d'organes et de les gérer.

Je ne saurais donc trop insister sur le fait que cela contribuerait sans doute dans une large mesure à améliorer le pourcentage de dons, en plus de l'éducation du public et des professionnels de la santé.

Le président: Merci.

Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.

Tout ce que nous avons entendu dire jusqu'ici, que ce soit aujourd'hui ou les autres jours, soulignait la nécessité d'avoir une structure nationale de même que des compétences en milieu hospitalier, l'octroi ou l'absence de rémunération, selon les témoins, et une formation pour tout le monde, y compris les professionnels de la santé.

Je voudrais revenir à vous, docteur Greig. Vous parliez tout à l'heure de sanctions financières si la procédure n'était pas respectée. Vouliez-vous parler des hôpitaux ou de...? Je voudrais que vous le précisiez. Je n'ai pas très bien compris ce que vous envisagiez.

Dr Paul Greig: Il faut des mesures vraiment efficaces. La législation de la Pennsylvanie, qui s'est révélée particulièrement efficace, sans doute en raison de l'infrastructure mise en place dans les hôpitaux en plus de la loi, prévoit une amende en cas de non-respect. Ces dispositions n'ont pas été invoquées jusqu'ici et je suppose qu'elles ne le seront pas d'ici longtemps.

Je voudrais vivre dans une société où il serait entendu que chacun de ses membres a l'intention de céder ses organes à son décès. Je crois que nous n'en arriverons pas là avant une ou deux générations. En attendant, il faudrait développer chez les gens la présence d'esprit voulue et un appel téléphonique, au moment du décès, pourrait développer ce réflexe chez le personnel de la santé, les gens en première ligne. Voilà le but que je recherche.

Je pense qu'il faut inclure une pénalité dans la loi, car sinon... C'est ce qui a été constaté pour toutes sortes de lois. Si la loi n'est pas appliquée, il faudra compter à nouveau sur la bonne volonté du médecin ou de l'infirmière.

S'il n'y a pas d'application, s'il n'y a pas de vérification, si personne n'a de comptes à rendre, il faudra de nouveau se fier à la bonne volonté des gens. Selon moi, cela ne semble pas efficace.

Mme Maria Minna: Cela nous ramène à ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet de l'inclusion d'une déclaration obligatoire dans la législation fédérale. C'est la même chose.

Étant donné que notre système de soins de santé est administré par les provinces, même s'il est financé par le gouvernement fédéral, je ne vois pas exactement comment ce dernier pourrait légiférer à cet égard. Comment le faire en pratique?

• 1715

Comprenez-vous ce que je veux dire? Si le gouvernement fédéral présente un projet de loi qui revient à imposer un certain comportement aux hôpitaux, ce sera assez difficile étant donné la façon dont notre gouvernement est structuré.

Avez-vous une suggestion?

Dr Paul Greig: Oui, je crois. Pour l'établissement des normes visant la transplantation d'organes et de tissus au Canada, ou la technique utilisée, les normes seront mentionnées dans la loi, mais elles resteront à part. Par conséquent, si vous voulez modifier les normes, vous n'auriez pas à modifier la loi.

Si les normes s'appliquant à la transplantation d'organes et de tissus qui ont été établies au niveau fédéral exigeaient la mise en place d'un mécanisme de déclaration, chaque province pourrait être obligée d'adopter sa propre loi, en même temps que sa propre version d'une loi sur les dons de tissus humains.

Ce serait donc un mécanisme à envisager, mais je ne suis pas...

Mme Maria Minna: C'était seulement là un paradoxe intéressant.

Désolée; je ne préside pas ce comité.

Dr Jean Tchervenkov: Si vous le permettez, je crois qu'il ne faudrait pas pénaliser les gens pour leur inaction. Souvent, un hôpital ou un spécialiste des soins intensifs n'interviendra pas à cause des pénalités financières auxquelles il s'exposerait en le faisant. C'est une des particularités de notre système de santé.

Si nous voulons appliquer la loi, je crois qu'il faudrait prévoir à la fois des récompenses et des pénalités. Les récompenses vont sans doute inciter davantage les gens à agir.

Le président: Docteur Smith.

Dr Stuart John Smith: Je pense qu'il y a deux autres solutions. Cela nous ramène à la mise en place d'un organisme national et d'équipes de donneurs d'organes. L'un des rôles de ces équipes consisterait à identifier des donneurs potentiels qui arriveraient à l'hôpital ou dans un autre établissement. De cette façon, on ne se heurterait plus aux questions de compétence ou de législation.

Il y a ensuite le consentement présumé. Ce n'est pas un consentement présumé du point de vue de la famille; les gens devraient pouvoir donner leur consentement dans leur déclaration d'impôt sur le revenu et pouvoir apporter des modifications chaque année. Encore une fois, cela nous ramène au principe d'une organisation nationale.

Le président: Merci, docteur Smith.

Deux autres personnes désirent poser des questions, mais je sais que certains d'entre vous ont un avion à prendre. J'ai l'intention de lever la séance vers 17 h 30. Si c'est trop tard pour vous et si vous devez partir, faites-le, et acceptez, au nom du comité, mes remerciements pour être venus.

Dr Kevork Peltekian: Merci beaucoup. J'ai beaucoup apprécié.

Le président: Merci, docteur Peltekian.

Je reviens à M. Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Pour faire suite aux questions que j'ai posées tout à l'heure, je voudrais évoquer un problème. Peut-être pourriez-vous écouter patiemment la première partie, car, que vous le vouliez ou non, c'est une question à laquelle vous serez confrontés. J'avais commencé à l'aborder.

Je veux parler du milieu dans lequel...tout ce qui a été dit au sujet de l'information notamment. J'ai apprécié les informations qui ont été formulées à ce propos.

Dans le Globe and Mail de samedi, il y avait un article concernant un rapport sur l'euthanasie en Hollande. Je suppose que vous l'avez lu. Les lignes directrices ne sont pas suivies et il y a plus de cas d'euthanasie non volontaire qu'on ne le pensait au départ. Les Hollandais le reconnaissent. C'est le système qu'ils ont mis en place.

Nous avons également entendu parler un eu partout au pays, ces dernières semaines, de deux frères qui sont devant les tribunaux parce que le code «pas de réanimation» avait été inscrit dans le dossier de leur père, contrairement aux désirs des fils. Il y a aussi l'affaire Sawatzky, à Winnipeg et nous pourrions en citer bien d'autres.

Je souhaiterais que ce problème disparaisse, mais étant donné que la première vague de baby-boomers commence à vieillir, je ne pense pas que les choses vont s'améliorer. Nous verrons sans doute davantage de cas de ce genre dans les médias. Vous ne serez pas nécessairement d'accord avec moi.

Cela dit, n'est-ce pas le genre de problèmes auxquels vous serez confrontés et qui peut mettre en question la confiance du public vis-à-vis des hôpitaux et surtout de la transplantation d'organes? Comment pensez-vous l'éviter?

Docteur Greig, j'apprécie votre passion pour ce que vous faites, mais quand nous constatons qu'il n'est plus possible de compter sur l'altruisme et qu'il faut appliquer la loi de façon très énergique—comme d'autres personnes ici l'ont mentionné—en se servant de toute la rigueur de la loi, je me demande ce que vous comptez faire?

• 1720

Je ne dis pas cela pour vous; je dis seulement que vous allez devoir faire face à ce problème. Je ne pense pas qu'il disparaîtra; vous y serez confrontés davantage étant donné la limitation des ressources pour la santé et le reste.

Peut-être pourriez-vous répondre rapidement à cela après quoi j'aurai une autre question.

Le président: Monsieur Vellacott, vous pourriez également poser rapidement cette question, car nous manquons de temps.

M. Maurice Vellacott: D'accord, je vais poser mon autre question, même si on en a déjà parlé.

L'un des éléments de la motion—même si ce n'est pas dans notre mandat—qui a mis notre comité en branle, portait sur le consentement présumé, à savoir que vous ne pouvez pas annuler les désirs d'un être cher si ces désirs ont déjà été exprimés. Il a également été question d'une base de données nationale établie à l'occasion du recensement, des déclarations d'impôt, ou par d'autres moyens.

Pour ce qui est de ces deux éléments de la motion qui a déclenché cet examen, qu'avez-vous à répondre? Vous pourrez peut-être même dire que vous n'êtes pas d'accord avec moi et que cela ne posera pas de problème, malgré la rareté des ressources, l'expérience hollandaise de l'euthanasie, etc.

Le président: Docteur Smith.

Dr Stuart John Smith: Tout d'abord, vous entendez toujours parler de ces cas dans les journaux, mais pas de tous les autres. Je crois que ce sont des circonstances très rares. Un grand nombre de ces cas...

M. Maurice Vellacott: Mais ils se retrouvent dans les médias.

Dr Stuart John Smith: Je comprends cela, mais en réalité, il y a beaucoup plus de patients qui sont beaucoup plus reconnaissants, mais dont vous n'entendez jamais parler. Nous entendons seulement parler des cas problèmes.

Par conséquent, pour ce qui est de cas dont vous parlez, la plupart du temps, c'est que la famille n'a pas été abordée comme elle aurait dû l'être. La façon dont on a procédé est sans doute à l'origine de la réaction des journaux.

Si vous lisez les publications sur le sujet, vous verrez que les gens qui font un don d'organes ont de bonnes raisons de le faire. C'est parce qu'elles veulent qu'il ressorte quelque chose de positif d'un événement tragique. Les gens qui refusent de faire un don d'organes ne comprennent pas le principe de la mort cérébrale ou ne font pas confiance à leur médecin ou à l'équipe soignante.

Encore une fois, cela se ramène à la façon dont l'équipe soignante est présentée au patient. La plupart des patients qui quittent l'hôpital éprouvent une grande confiance. Ce sont les quelques patients... mais nous ne pourrons jamais convaincre ces personnes.

Je ne pense donc pas que le problème soit aussi grave que vous l'avez laissé entendre, mais il va certainement se poser.

Votre deuxième question portait sur le consentement présumé. Le consentement présumé ne vous oblige pas nécessairement à renoncer à tout. Vous pouvez toujours vous désister. Ce n'est qu'une forme de consentement présumé.

Par conséquent, si vous prenez certains centres...

M. Maurice Vellacott: Je n'ai peut-être pas employé la bonne expression. Je veux parler du cas où un donneur dit de son vivant qu'il désire faire don de ses organes mais dont la famille annule ensuite la décision...

Dr Stuart John Smith: Exactement.

M. Maurice Vellacott: ...la motion disait en partie que la famille n'en avait pas le droit, que cette décision était irrévocable.

Dr Stuart John Smith: Cette question a également été examinée dans d'autres pays. Cette disposition a rarement été invoquée. C'est seulement dans moins de 10 p. 100 des cas que la question du consentement présumé se pose.

Il faut donc examiner l'expérience des autres pays qui ont utilisé ce...

M. Maurice Vellacott: J'emploie sans doute la mauvaise expression, désolé.

Le président: Quelqu'un d'autre a-t-il des observations à formuler? Docteur Greig.

Dr Paul Greig: À mon avis, les Canadiens doivent avoir parfaitement confiance dans leur système de don d'organes et de transplantation et confiance dans le système de santé même si nous n'avons pas l'habitude de faire confiance au «système» en général.

J'ai toujours cru aux normes et à l'établissement de normes pour les greffes d'organes et de tissus au Canada. Santé Canada est toujours en train de travailler à leur mise en place par l'entremise de la CSA, l'Association canadienne de normalisation.

Lorsqu'elles seront bien établies, elles contribueront dans une large mesure à garantir aux Canadiens qu'elles seront respectées et qu'il y aura pour cela des inspections, un agrément et des permis. Cela devrait servir de modèle pour d'autres éléments des soins de santé.

Je crois donc aux normes. Je pense que cela devrait remédier au problème.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Ma question est en deux parties, mais je vais la poser d'un seul coup.

Un consensus très marqué s'est dégagé de tous nos groupes de témoins. Je puis vous dire que, dans une large mesure, vous prêchez la bonne parole à des convertis. Je suppose que vous vous en rendez compte.

L'établissement d'un registre des donneurs, de normes et d'une certaine uniformité d'un bout à l'autre du pays sont des éléments qui sont clairement ressortis des discussions. Je voudrais savoir comment nous allons donner suite à cela.

• 1725

Je veux dire que tout cela a un coût, mais avez-vous vu des chiffres indiquant combien le gouvernement devrait investir pour que ce système soit mis en place?

Deuxièmement, nous avons entendu les associations qui s'intéressent au foie et au rein dire qu'elles obtenaient sans doute les meilleurs résultats en ce qui concerne les dons et qu'elles faisaient figure de chef de file. Quel serait l'équilibre idéal entre les organismes non gouvernementaux et les associations qui font déjà ce travail dans la collectivité et les initiatives gouvernementales?

Le président: Docteur Keon.

Dr Wilbert Keon: Allez-y, Bill.

Le président: Tout le monde est tellement poli. Je ne comprends pas.

Allez-y, docteur Wall.

Dr Bill Wall: Je ne sais pas si je peux répondre à la dernière question. Des organismes comme la Fondation des maladies du coeur du Canada, la Fondation canadienne du rein et la Fondation canadienne des maladies du foie, qui sont surtout composées de bénévoles, font un excellent travail pour les groupes qu'ils représentent. Nous avons souvent travaillé en collaboration très étroite avec les groupes de transplantation, car la greffe est le seul remède à certaines maladies.

Je pourrais peut-être dire une chose quant à mes hésitations à l'égard d'un registre national des donneurs. Il s'agit en fait d'un réseau informatique qui enregistrera environ 30 millions de gens, étant donné que même un enfant de deux ans peut donner son consentement par l'entremise de son père jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge requis. C'est donc une chose qui va occuper une place extrêmement importante.

Comme je l'ai dit à propos des régions et des pays qui ont les meilleurs pourcentages de dons, ils n'ont pas de registres des donneurs. Ces registres n'existent pas dans les pays où la proportion de dons est la plus importante. Ce n'est pas nécessaire.

Voilà ce que j'en pense. L'idée peut sembler bonne, mais si vous obligez les gens qui ne sont pas suffisamment informés sur la transplantation à prendre une sage décision à l'égard des dons d'organes... Bien entendu, si vous leur donnez la possibilité de se désister, c'est ce qu'ils feront. Par conséquent, quand je dis qu'une personne sur quatre ou sur cinq s'oppose au don d'organes, si vous leur demandez d'indiquer leur désir, elles vont refuser. Vous excluez ainsi automatiquement 25 p. 100 de la population qui ne fera jamais de don d'organes parce qu'elle n'aura pas été informée de la procédure suivie et des raisons d'être des dons ni de ce qui constitue la bonne chose à faire.

Pour ce qui est de l'autre situation—et je m'excuse de revenir à ce sujet, mais M. Vellacott a dit quelque chose de très important—il est vrai que, du point de vue juridique, si une personne a signé une carte de donneur exprimant ainsi son désir, en tant que spécialistes de la transplantation, nous pourrions défendre, devant les tribunaux, notre droit de prélever ces organes, quoi qu'en dise la famille. C'est vrai et telle serait l'opinion des juristes. Néanmoins, nous ne le ferions jamais. Aucun programme de transplantation n'irait à l'encontre des désirs de la famille, parce que c'est toute notre crédibilité, toute la noblesse du geste et tout ce qui se rapporte à la transplantation qui seraient compromis.

La solution au problème que vous avez soulevé se trouve, encore une fois, dans ces sondages révélant que la moitié des gens à qui l'on demande s'ils connaissent les désirs de leurs parents les plus proches répondent qu'ils l'ignorent; 63 p. 100 des familles n'ont jamais discuté de la question.

Si les gens le faisaient, s'ils savaient que leur père voulait faire don de ses organes, je crois que toute personne raisonnable respecterait ce désir. Le problème se pose parce qu'ils ne connaissent pas ses intentions. Ils peuvent avoir leurs propres opinions au sujet de la transplantation, mais cela entraîne une situation délicate.

Il n'y a donc pas de solution facile à la situation que vous avez évoquée. J'hésiterais beaucoup à légiférer pour ordonner aux médecins de prélever les organes alors que les plus proches parents s'y opposent. Je le déconseillerais. C'est une idée qui me met mal à l'aise.

Désolé, docteur Keon; je vous ai interrompu et j'ai été trop long.

Dr Wilbert Keon: J'allais sans doute dire la même chose.

Je ne pense pas que nous ayons besoin de légiférer pour le moment. Il nous faut un organisme national qui pourra coordonner les ressources provinciales.

• 1730

Vous parliez des coûts d'un tel système. Je ne crois pas que les coûts soient prohibitifs, étant donné les ressources disponibles à Santé Canada. On prévoit déjà des fonds pour l'établissement du système d'information sur la santé, et je pense qu'il serait possible d'y intégrer cet élément sans occasionner des coûts importants. Je ne voudrais pas donner de chiffres, mais il ne s'agit pas à mon avis de dizaines de millions de dollars.

Comme on l'a déjà dit, si on évite de légiférer, il est plus simple de confier la mise en oeuvre du système aux provinces, ce qui m'amène à la question du chevauchement entre l'euthanasie et la mort cérébrale. L'euthanasie est très clairement définie dans le Code criminel. C'est absolument interdit au Canada. C'est un crime.

Donc ça, c'est très clair, et je ne pense pas qu'on ait à s'en préoccuper. À mon avis, la population canadienne n'a pas à s'inquiéter à ce sujet.

Selon moi, cette étude doit aboutir à la promotion d'une organisation nationale de coordination qui ressemble beaucoup—et je lance cette idée pour la troisième ou la quatrième fois—à l'infrastructure en matière de santé; cette organisation pourrait travailler en collaboration avec les provinces et les organismes locaux, coordonner ce qui existe déjà, et distribuer des cartes universelles de dons d'organes, comme Bill l'a proposé, plutôt que de compiler une liste dans un ordinateur de tous les Canadiens en indiquant pour chaque personne si elle est un donneur. Ce serait un travail énorme.

Le président: Docteur Tchervenkov, voulez-vous être le dernier intervenant sur ce point?

Dr Jean Tchervenkov: Si j'avais 10 millions de dollars ou 15 millions de dollars, que je voulais dépenser de façon efficace pour promouvoir les dons d'organes, j'établirais une équipe de gestion des donneurs, en y consacrant les ressources financières nécessaires, et je la mettrais en oeuvre dans des hôpitaux où le nombre de cas le justifie. Je créerais aussi une organisme national pour favoriser la transparence et analyser les données et les résultats.

J'appuie aussi la suggestion du Dr Paul Greig. Moi aussi, je crois que les centres de transplantation ont besoin de fonds pour ouvrir des salles d'opération et des lits dans des unités de soins intensifs afin de séparer la transplantation d'organes des activités habituelles des salles d'opération et des unités de soins intensifs. Il y aurait des installations prévues à cette fin.

C'est tout.

Le président: Merci, docteur Tchervenkov.

Avant de conclure, j'aimerais poser une question. Si vous estimez que c'est une question brillante, le mérite m'en reviendra. Sinon, je vais blâmer les attachés de recherche.

Le Dr Peltekian, dans son exposé, nous a demandé de prendre en considération les Services canadiens du sang et de remplacer le mot «sang» par «organes», tout en conservant la même structure. Personne d'autre n'a fait de commentaires à ce sujet, et je me demande si, ensemble, ou individuellement, vous avez songé que cette «agence nationale» pourrait servir de modèle pour l'organisation nationale que vous avez proposée.

Dr Bill Wall: Je ne peux pas faire de commentaires, parce que malheureusement je ne suis pas assez familier avec les Services canadiens du sang.

Le président: Ça se comprend. C'est une nouvelle organisation.

Dr Bill Wall: Cependant, si le Dr Peltekian a fait cette proposition, j'ai tendance à penser qu'elle est bonne.

Le président: D'accord.

Dr Paul Greig: Je travaille en collaboration avec Santé Canada à l'élaboration des normes dans le domaine des dons d'organes et de tissus; on a proposé au début d'adopter les normes conçues pour les dons de sang. En raison de la mauvaise réputation que les services de sang ont acquise au cours des cinq dernières années, nous préférons traiter les organes et les tissus quelque peu à part. Après tout, les dons de sang constituent une ressource renouvelable, etc.

• 1735

Comme le Dr Wall, je ne connais pas bien la structure des Services canadiens du sang. J'ai une vision personnelle de ce que devrait être une organisation nationale de transplantation. Je soupçonne que les enjeux sont sensiblement les mêmes que pour les services de sang.

Je dirais donc que le modèle serait valable, à condition de mieux connaître les détails.

Le président: D'accord. C'est une réponse valable.

Docteur Wall, vous avez apporté une sorte de médaillon. Je crois que vous vouliez le décrire dans le contexte de cette discussion. Je m'excuse de ne pas vous avoir donné d'occasion plus tôt d'en parler.

Dr Bill Wall: Je l'ai bien apporté, monsieur Volpe; merci de l'avoir mentionné. J'ai cru que ma collègue, Jane Drew, coordonnatrice des greffes de London, vous l'avait présenté de façon officielle.

Nous avons fait frapper cette médaille il y a un peu plus d'un an. C'est un artiste, M. Bill Johnson, qui l'a créée à titre bénévole.

Depuis longtemps, nous avons la forte conviction que les donneurs d'organes et leurs familles ne reçoivent pas la reconnaissance qu'ils méritent pour avoir offert ce don de vie à d'autres, et nous voulions souligner leur geste de façon concrète.

Nous avons donc fait frapper cette médaille, après avoir beaucoup réfléchi à son aspect. L'avers montre une feuille d'érable et une silhouette au fond, ce qui peut être interprété de façon différente—le passage de la vie, une à l'arrière-plan, l'autre au premier plan, etc. C'est ce que nous recherchions.

La feuille d'érable est unique au Canada. Tout ce dont nous avons parlé aujourd'hui est canadien, fait par les Canadiens pour les Canadiens, en général pour des inconnus canadiens. C'est un geste noble qui mérite d'être reconnu. L'inscription se lit «Le don de la vie en reconnaissance» et il y a de la place au revers pour une inscription choisie par la famille.

Nous avons tenu une séance en avril dernier au cours de la semaine de sensibilisation aux donneurs d'organes, et nous avons offert cette médaille à des familles de donneurs. C'était une soirée touchante. Comme vous pouvez l'imaginer, l'atmosphère était chargée d'émotion.

Nous aimerions que le gouvernement, le pays, adopte ce modèle comme étant une médaille de donneurs qui serait offerte tout comme les médailles de guerre sont accordées pour des actes de courage. C'est un geste noble qui, à notre avis, mérite l'attention et la reconnaissance du gouvernement.

Si le gouvernement voulait embarquer dans ce projet, cela comblerait le besoin. De plus, cela ferait beaucoup pour sensibiliser la population aux dons d'organes. Si le gouverneur général en distribuait une poignée lors d'une cérémonie une fois par année pendant la semaine spéciale, je crois que ce serait quelque chose de très bien.

Un certain nombre de programmes de collecte et de transplantations ont fait cela l'an dernier. Je sais que le Dr Keon l'a fait à Ottawa. Cela a été quelque chose de très utile, et je crois qu'on prévoit de le refaire cette année. Edmonton et Vancouver, ainsi que certains groupes à Toronto vont le faire. Montréal s'y intéresse aussi.

Nous aimerions donc que cette médaille canadienne reçoive l'appui du gouvernement fédéral et qu'il y ait une reconnaissance nationale.

Merci de m'avoir permis d'en parler.

Le président: D'accord.

Docteur Wall, docteur Greig, docteur Keon, docteur Tchervenkov, docteur Smith, et, bien sûr, docteur Peltekian, j'aimerais dire au nom de tous les membres du comité que nos discussions aujourd'hui ont été fructueuses. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous communiquer vos expériences. Vos idées seront reflétées, je crois, dans les recommandations du comité.

Vous avez pu constater qu'il semble y avoir de plus en plus de volonté politique d'agir dans ce domaine. Quant aux actions qui seront prises, bien sûr, seul le temps le dira.

Merci beaucoup.

La séance est levée.