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SCRA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CORRECTIONS AND CONDITIONAL RELEASE ACT OF THE STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

SOUS-COMITÉ SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION DU COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 15 février 1999

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui est un sous-comité du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous avons des témoins à entendre.

Avant de commencer, j'aimerais demander aux membres du comité, s'ils sont disponibles, de rester quelques instants après que nous aurons entendu les témoins, pour que nous puissions discuter des arrangements à prendre en vue de notre voyage au cours de la première semaine de mars.

Nous entendrons aujourd'hui M. Graham Stewart, de la Société John Howard du Canada; Mme Kim Pate, de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry; et Mme Elizabeth White, de la Société Saint-Léonard du Canada. Je pense que les témoins se sont entendus pour que ce soit M. Stewart qui commence; il sera suivi de Mme White, puis de Mme Pate.

Je demanderais aux témoins de limiter leurs présentations à une dizaine de minutes, de manière à ce que les membres du comité aient assez de temps pour leur poser des questions par la suite.

Monsieur Stewart, vous voulez commencer?

M. Graham Stewart (directeur exécutif, Société John Howard du Canada): Merci beaucoup. Je suis heureux d'avoir l'occasion de discuter de cette loi avec vous aujourd'hui.

La Société John Howard est une organisation bénévole nationale implantée dans 65 localités. Les lois comme celle qui nous intéresse aujourd'hui sont très importantes pour nous. En effet, nos services et nos préoccupations relatives à la justice pénale découlent souvent de l'application de cette loi.

J'ai déjà soumis—je suppose que vous les avez reçus—deux mémoires; le premier porte plus particulièrement sur les dispositions concernant le maintien en incarcération, tandis que le deuxième englobe toute une série d'autres questions liées à la LSCMLSC. Si nous avons décidé de vous présenter deux mémoires, c'est en partie parce que, même si l'examen de ces deux volets a été combiné, nous jugions important que la question du maintien en incarcération ne soit pas noyée dans l'examen plus général des autres dispositions de la loi. Il s'agit d'une question fondamentale, mais pas...

[Note de la rédaction—Difficultés techniques]

Je vais vous parler d'abord du maintien en incarcération, après quoi je vous ferai part de quelques considérations générales sur la loi, de même que des observations et des suggestions contenues dans notre mémoire.

Je tiens à souligner tout d'abord que nous sommes d'accord, de façon générale, avec l'objectif et le principe de la LSCMLSC. Essentiellement, c'est une bonne loi, bien qu'elle pose certains problèmes. L'objectif que la loi prévoit pour le système correctionnel nous convient tout à fait, à savoir qu'il faut mettre l'accent sur des mesures de garde et de surveillance sûres et humanitaires, et que la réadaptation des délinquants et leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois sont le principal moyen de garantir la sécurité de la population.

Bon nombre des problèmes qui affligent aujourd'hui le système correctionnel découlent tout autant des pratiques actuelles que de la loi elle-même; il n'est donc pas possible de régler tous ces problèmes par voie législative. C'est dans cet esprit que je voudrais vous parler du maintien en incarcération.

Il est important de souligner que le maintien en incarcération n'a pas pour but de punir plus sévèrement les délinquants, mais bien de mieux protéger la population. La loi met l'accent sur le comportement futur des gens plutôt que sur leurs gestes passés, ce qui est toujours problématique pour un système de justice pénale fondé sur l'application régulière de la loi, la présomption d'innocence et d'autres notions du même genre.

Lorsque les dispositions sur le maintien en incarcération ont été soumises à la Chambre, les députés, les membres de votre comité, les sénateurs et d'autres avaient demandé—et obtenu—des garanties que ces dispositions ne seraient appliquées que rarement, et seulement quand la nécessité en serait absolument démontrable, qu'elles ne viseraient que les délinquants visiblement dangereux et qu'elles permettraient en fait d'améliorer la sécurité publique.

Le recours à la détention préventive impose un fardeau relativement lourd à ceux qui voudraient se servir de ces dispositions afin de veiller à ce que celles-ci soient appliquées correctement, et selon les mécanismes prévus. L'examen en cours est très important à cet égard parce que les données recueillies jusqu'ici ont démontré que le maintien en incarcération était un échec à tous points de vue. Tout examen sérieux des dispositions qui s'y rapportent débouchera à peu près inévitablement sur la conclusion qu'elles ne sont pas efficaces, qu'elles ne peuvent pas être améliorées et qu'elles ont fait plus de tort que de bien.

L'examen des dispositions sur le maintien en incarcération devrait reposer sur un certain nombre de questions clés.

Premièrement, il faut se demander comment ces dispositions ont été appliquées jusqu'ici. En réalité, leur utilisation a dépassé de loin ce qui était prévu au moment où la loi a été adoptée. À l'époque, les fonctionnaires estimaient que ces dispositions seraient appliquées dans une centaine de cas par année et que la moitié environ des personnes visées seraient effectivement gardées en détention, tandis que l'autre moitié tomberaient sous le coup des autres dispositions prévues.

• 1540

Si les porte-parole du gouvernement de l'époque ont tellement insisté, pendant les séances du comité et du Sénat, sur le fait que ces dispositions seraient appliquées très rarement, c'est probablement parce qu'ils jugeaient ces assurances nécessaires à cause des autres problèmes potentiels associés à cette loi.

Le taux de maintien en incarcération a été relativement stable pendant les trois premières années d'application de la loi, mais il a augmenté en flèche depuis; ces dernières années, il a atteint à peu près cinq fois le taux maximum prévu au moment où ces témoignages ont été présentés. Il est passé de 4,2 à 10,7 p. 100 des détenus admissibles à une libération d'office.

Le recours aux autres options disponibles, par exemple la mise en liberté surveillée unique et l'assignation à résidence, a par ailleurs diminué substantiellement en faveur du maintien en incarcération. Par rapport à l'ensemble des décisions, le maintien en incarcération est passé de 29,7 p. 100 en 1986 à 91,3 p. 100 en 1995-1996.

Ce taux a diminué d'environ 20 p. 100 depuis quelques années, mais cette baisse est généralement attribuable à l'application d'une assignation à résidence au moment de la libération d'office. En fait, cette légère diminution du nombre de cas de maintien en incarcération s'en traduite par l'assignation à résidence dans 845 cas supplémentaires.

Pour mettre ces chiffres en perspective, il convient de souligner que 12 p. 100 des personnes libérées d'office commettent de nouveaux crimes, tandis que 26 p. 100 des détenus sont soit maintenus en incarcération, soit assignés à résidence parce qu'ils sont jugés particulièrement dangereux. Donc, en fait, les personnes identifiées comme étant particulièrement dangereuses sont plus de deux fois plus nombreuses que celles qui commettent des crimes, quels qu'ils soient.

Deuxièmement, il faut se demander si l'identification des personnes à maintenir en incarcération a été bien faite. J'ai déjà soulevé des doutes à ce sujet, et le Service correctionnel du Canada a effectué une étude approfondie sur les infractions commises par des personnes ayant été maintenues en incarcération, comparativement à celles qui avaient bénéficié par exemple d'une libération conditionnelle totale ou d'une libération d'office.

Or, le recours accru au maintien en incarcération ne semble pas justifié puisqu'il a été établi que les personnes visées par cette mesure ne sont pas celles qui, collectivement, présentent le risque le plus élevé. L'étude réalisée par le Service correctionnel a démontré que les personnes qui ont été maintenues en incarcération risquaient moins de commettre des crimes que celles qui avaient été remises en liberté à la date prévue pour leur libération d'office.

En fait, la Commission nationale des libérations conditionnelles a pris de mauvaises décisions dans au moins 85 p. 100 des cas examinés depuis l'adoption de cette loi, si on en juge par les infractions commises après la libération. Voici ce qu'en disent les auteurs de l'étude du Service correctionnel du Canada:

    La comparaison des taux de récidive chez les personnes qui avaient bénéficié d'une libération d'office et chez celles qui avaient été maintenues en incarcération, pendant une période de suivi de deux ans, indique que ce taux était de 37 p. 100 dans le cas des personnes libérées d'office et de 17 p. 100 dans le cas de celles qui avaient été maintenues en incarcération jusqu'à la date d'expiration du mandat qui les visait. Au chapitre des récidives avec violence (Annexe 1, meurtre), le taux était de 16 p. 100 pour les délinquants qui avaient été maintenus en incarcération et de 19 p. 100 pour ceux qui avaient été libérés d'office.

Il apparaît donc que l'augmentation marquée du nombre de personnes maintenues en incarcération, compte tenu du fait que ce groupe semble le moins susceptible de récidiver, n'a pas été dictée uniquement par le risque que présentent ces personnes. Cette constatation est extrêmement préoccupante puisque c'est clairement contraire à l'intention de la loi.

Troisièmement, il faut se demander également s'il aurait été possible d'obtenir de bien meilleurs résultats en modifiant la loi ou les pratiques relatives au maintien en incarcération. La vérité, c'est qu'avec ou sans dispositions en ce sens, le nombre de délinquants dangereux qui bénéficient d'une libération est aussi élevé aujourd'hui qu'avant l'adoption de la loi.

La durée moyenne du maintien en incarcération est de 400 jours. Ce qui veut dire que, après la libération de la première cohorte, soit 410 jours environ après l'entrée en vigueur de la loi, le nombre de personnes libérées est redevenu le même. Les peines sont plus longues, mais le taux de libération est le même qu'avant. La loi a donc amélioré la sécurité de la population pendant 410 jours, en 1987-1988. Le risque global pour la société aurait été identique, même si les prédictions relatives à la violence s'étaient réalisées.

• 1545

La vérité, c'est que la Commission nationale des libérations conditionnelles et le Service correctionnel du Canada ont eu dix ans pour faire de la recherche, pour réviser leurs politiques et leurs pratiques et pour modifier ces pratiques afin d'obtenir de meilleurs résultats, et qu'ils ne l'ont pas fait.

Les erreurs dans les décisions relatives au maintien en incarcération ne sont pas simplement une question de degré, et il ne suffira pas d'améliorer les pratiques pour y remédier. Ce sont des erreurs grossières, et très difficiles à comprendre en ce sens qu'un processus décisionnel qui devait viser les délinquants les plus dangereux touche en fait le groupe le moins susceptible de récidiver.

La quatrième question qu'il faut se poser, c'est si le coût d'application de ces dispositions n'a pas miné sérieusement les avantages du maintien en incarcération. Le processus correctionnel en place au Canada est fondé sur la notion selon laquelle la libération graduelle est la formule qui sert le mieux l'objectif de réinsertion des délinquants dans la société en tant que citoyens respectueux de la loi. Or, le maintien en incarcération annule le principe de la libération graduelle pour les personnes visées, qui sont justement celles qui auraient probablement le plus besoin d'une libération graduelle.

Cette situation a un certain nombre d'implications très sérieuses. Quand nous maintenons une personne en incarcération, non seulement nous renonçons à la possibilité de la superviser et de l'aider par la suite, mais nous la décourageons de faire des projets concrets et rationnels en vue de sa libération. Elle refuse parfois de participer à d'autres traitements en prison, s'ils sont disponibles, et craint de se lancer dans un programme de counseling prélibératoire. La possibilité d'une identification publique rend potentiellement dangereuse la planification de la libération avec l'agent chargé de la gestion du cas.

Souvent, les personnes maintenues en incarcération ont déjà participé à des programmes spéciaux visant à assurer un suivi dans la communauté après leur remise en liberté. La période de maintien en incarcération avant cette remise en liberté interrompt leur traitement ou y met fin, et les possibilités de suivi dans la communauté sont perdues.

Quand la Commission nationale des libérations conditionnelles maintient une personne en incarcération parce qu'elle craint que cette personne commette un meurtre ou d'autres crimes graves avant l'expiration de sa peine, il n'est pas étonnant que les policiers soient particulièrement inquiets quand ils se rendent compte que cette personne va être remise en liberté dans leur communauté. Ils doivent accepter cette évaluation sans poser de questions, en sachant que la personne à qui on a apposé une étiquette aussi infamante est libérée sans aucune supervision, et sans être obligée de participer à quelque traitement que ce soit.

Le président: Monsieur Stewart, pourriez-vous conclure votre présentation? Votre temps est écoulé.

M. Graham Stewart: D'accord.

Il s'agit d'une loi très volumineuse, dont il est difficile de résumer les principaux points en dix minutes.

Le président: Je comprends, mais nous voulons laisser du temps pour les questions. Vous pourrez parler des autres points en répondant à ces questions.

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Monsieur le président, lui avez-vous dit que son mémoire allait être versé au compte rendu?

Le président: Oui, nous avons le mémoire au complet, mais le témoin pourra aussi faire d'autres commentaires pendant la période des questions.

M. Graham Stewart: Je vais sauter certaines choses, mais j'aimerais prendre une minute pour vous parler de ce qui me préoccupe au sujet de quelques autres aspects de la loi.

Nous présentons un certain nombre de recommandations au sujet de l'enquêteur correctionnel et nous proposons un mécanisme d'arbitrage en cas de différends non résolus.

Il serait important à notre avis que les enquêtes internes du Service correctionnel du Canada soient confiées à des gens qui ont une formation particulière et qui ne font pas partie de l'échelle hiérarchique.

Nous préconisons en outre un mécanisme décisionnel indépendant relativement au placement en isolement.

Nous estimons par ailleurs que la libération d'office assortie d'une assignation à résidence n'a pas donné les résultats escomptés et qu'il faudrait y avoir recours dans des circonstances beaucoup plus limitées.

Enfin, nous proposons un ensemble de critères qui permettraient de fonder les décisions relatives à la mise en liberté graduelle sur une série de présomptions positives. Actuellement, lorsque les détenus sont libérés, 88 p. 100 des décisions sont prises à partir du principe selon lequel ils doivent être libérés en l'absence de certains facteurs donnés. C'est en fait un bon modèle, et il serait possible d'élaborer un meilleur système en tenant compte de ce principe. Nous proposons à la fin de notre mémoire les critères qui permettraient à notre avis de donner corps à ce modèle.

Le président: Merci, monsieur Stewart.

Maintenant, madame White, pourrais-je vous demander de limiter votre présentation à une dizaine de minutes, si possible?

Mme Elizabeth White (directrice exécutive, Société Saint-Léonard du Canada): Je vais faire de mon mieux.

La Société Saint-Léonard du Canada se réjouit d'avoir l'occasion aujourd'hui d'exprimer son point de vue sur cette loi, et elle vous en remercie.

• 1550

L'examen en cours va offrir aux législateurs la possibilité d'apporter au fonctionnement de ces dispositions législatives des améliorations bien nécessaires. Cette loi a chaque jour des effets sur la liberté et la sécurité de nos clients. Elle offre un cadre logique de gestion du système judiciaire pénal après la condamnation. Elle établit le contexte d'un cadre juridique où l'on s'efforce de gérer notre système pénal en tenant compte des individus, et où l'on se soucie d'interventions aboutissant à un changement favorable.

Les principes énoncés à l'article 4 sont conformes à l'objectif de la loi et doivent être maintenus. Les problèmes que pose la loi, à notre avis, découlent généralement de deux causes: les difficultés de mise en oeuvre et les modifications législatives préparées en réponse à la perception selon laquelle le public désire voir des réactions plus punitives à la criminalité. Nous allons traiter plus loin de certains points spécifiques.

Au sujet de cet article, nous recommandons de réaffirmer l'objet et les principes de la loi, et de promouvoir ses dispositions appuyant une intégration communautaire réelle.

En ce qui concerne les questions de fond, je voudrais vous parler tout d'abord du placement à l'extérieur. La valeur des dispositions de l'article 18 réside dans le fait qu'il s'agit d'un outil qui prépare les détenus à élaborer et à mener à bien leur plan de libération conditionnelle. Par elle-même, la peine ne fait rien pour réduire les risques de récidive en offrant aux détenus les moyens de réussir leur vie dans la collectivité. Par conséquent, pour certains détenus, l'établissement de plans structurés de contact avec la formation et le travail favorise l'acquisition d'habitudes qui leur seront utiles pour réussir leur vie dans la collectivité. Plus particulièrement dans le cas des personnes condamnées à vie ou à une longue peine, ainsi que pour celles qui ont d'importants déficits d'employabilité, le placement à l'extérieur est bénéfique.

Le problème qui se pose à notre avis est celui de la limite de temps. La loi prévoit une limite de 60 jours sous l'autorité du directeur, avec une possibilité de prolongation de 30 jours sur ordonnance du sous-commissaire régional. Les programmes sont conçus en fonction d'un délai légèrement inférieur à 60 jours pour tenir compte des fins de semaine, des déplacements et de divers autres facteurs. Il faudrait modifier légèrement la loi de manière à supprimer cette limite de temps, ou encore modifier le règlement pour permettre au directeur de prolonger le délai à sa discrétion. Ces changements augmenteraient l'efficacité des programmes de placement à l'extérieur.

L'autre option proposée consisterait à établir pour chaque programme un délai réaliste devant être soumis à l'approbation du directeur s'il est inférieur à 60 jours, et du sous-commissaire s'il dépasse cette limite. Nous préférerions que la responsabilité en soit confiée au directeur, qui est le mieux placé pour savoir ce qui convient tant au détenu qu'à la collectivité.

Passons maintenant aux programmes d'emploi en général. L'emploi a pris récemment une importance considérable dans les priorités du SCC, en collaboration avec Corcan. Lors de la mise au point de nouvelles initiatives en matière d'emploi, il est important de viser l'acquisition de compétences durables dans un environnement communautaire réaliste. Les organismes du secteur bénévole offrent de nombreuses occasions de formation professionnelle de base et de perfectionnement aux clients en libération conditionnelle. Dans chaque cas, ces programmes ont été conçus pour répondre aux besoins des clients et de la collectivité.

La valeur de la participation d'organismes non gouvernementaux à l'exécution de ces programmes peut se résumer comme suit: premièrement, l'approche communautaire facilite l'intégration dans la collectivité; deuxièmement, les services complets offerts aux clients par les organismes bénévoles font en sorte que les facteurs criminogéniques sont pris en compte, que l'emploi ait été défini comme facteur contributif ou non; troisièmement, les programmes communautaires sont propices à la collaboration entre les diverses entités gouvernementales; et enfin, la collectivité se trouve plus en sécurité, du fait de la conception et de la prestation de programmes qui favorisent la réintégration à la vie communautaire de personnes compétentes et capables de trouver et de conserver un emploi. Ces considérations permettent de croire que l'emploi pendant la période d'incarcération ne doit pas primer sur la nécessité d'acquérir des aptitudes et de suivre des programmes qui faciliteront la réintégration communautaire. L'établissement carcéral ne pourra jamais imiter l'environnement de travail communautaire.

L'expérience de la Pallet Company de la Société Saint-Léonard à Brantford fait ressortir le type de succès que peuvent connaître les programmes fondés sur la collectivité. La Pallet Company, qui dessert actuellement chaque année environ 50 jeunes et adultes en conflit avec la loi, ainsi que 90 autres participants aiguillés d'autres sources, affiche un taux moyen de placement de 73 p. 100. Cette expérience offre une excellente préparation réaliste à l'emploi. Nous espérons par conséquent que le comité confirmera la valeur et l'importance des programmes d'emploi issus de la collectivité.

• 1555

L'isolement préventif a fait l'objet d'un examen en profondeur. Nous allons nous limiter ici à deux brefs commentaires à ce sujet.

Premièrement, nous sommes déçus de voir que le SCC a choisi de ne pas se doter d'une capacité externe de supervision ou d'examen, malgré les recommandations qui ont été faites en ce sens. Nous sommes d'avis qu'il faudrait à tout le moins mettre en place un programme pilote.

Il apparaît en outre que l'isolement a un effet disproportionné sur les femmes. Malgré une étude pilote réalisée à Edmonton et un suivi constant, nous croyons qu'il faudrait un examen plus complet afin de mieux comprendre les effets actuels de l'isolement, à la fois pour les femmes qui sont ainsi isolées et pour celles qui demeurent dans la population carcérale en général.

Brièvement, au sujet des questions féminines, nous nous contenterons de souligner que la nomination d'une sous-commissaire aux femmes, en 1996, et la préparation de programmes à l'intention des nouveaux établissements carcéraux pour femmes représentent des progrès importants. Nous demeurons toutefois préoccupés par la situation des femmes confinées dans des établissements à sécurité maximale. Moyennant du personnel et des installations appropriés, nous estimons que ces femmes peuvent—et doivent—vivre dans des prisons régionales. Nous savons que cette question a fait l'objet de nombreuses discussions depuis un certain temps; nous aimerions qu'elle soit finalement réglée.

Nous recommandons par conséquent que les femmes dites «à sécurité maximale» soient placées dans des prisons régionales et que ces prisons soient dotées des programmes et du personnel appropriés. Il faudrait également créer un groupe consultatif officiel sur les questions féminines et fermer enfin—et pour de bon—la prison des femmes de Kingston.

Pour ce qui est des permis d'absence temporaire sans escorte pour certains programmes de développement personnel, les dispositions du paragraphe 116(6) offrent aux clients la possibilité de vivre dans la collectivité et d'y avoir accès à des programmes qui leur donneront de meilleures chances d'obtenir une libération conditionnelle. De nombreuses recherches penchent en faveur de la mise en place de programmes dans la collectivité, considérée comme le cadre le plus efficace pour ces programmes. L'actuel délai de 60 jours, même s'il peut être prolongé, ne convient pas à la longueur habituelle des programmes. Une période de 90 jours serait plus utile.

De plus, nombre de programmes communautaires fonctionnent difficilement selon un calendrier régulier parce que le bassin des clients susceptibles d'y participer est insuffisant. Les permis d'absence temporaire sans escorte pour développement personnel offrent la possibilité d'élargir légèrement ce bassin pour faire en sorte que les programmes communautaires puissent se dérouler régulièrement. Il serait ainsi possible de réduire les listes d'attente dans les établissements et de fournir plus rapidement aux délinquants des programmes utiles.

Ce que nous recommandons, c'est que le délai limité applicable aux permis d'absence temporaire sans escorte aux fins de programmes spécifiques de développement personnel soit remplacé par un délai discrétionnaire, à fixer d'après la durée du programme, ou encore par une période de 90 jours. Nous espérons en outre que le comité favorisera le recours accru à ces permis d'absence temporaire.

En ce qui concerne le maintien en incarcération, la Société Saint-Léonard du Canada appuie les positions énoncées par la Société John Howard du Canada. Il vaudrait mieux, sur le plan des décisions correctionnelles, travailler de façon intensive avec les personnes visées, dans un environnement communautaire, afin de maximiser leurs possibilités de réinsertion.

Passons maintenant à la libération d'office avec assignation à résidence. L'introduction, avec le projet de loi C-45, de la capacité d'imposer des exigences de résidence au moment de la libération d'office a obligé certaines personnes qui ne le souhaitaient pas à participer à des programmes assortis d'assignation à résidence. Les résultats, prévisibles, ont été très regrettables: ces détenus perturbaient les activités de ceux qui avaient choisi de s'engager dans ces programmes, et ils n'ont pas réussi à vivre dans ce cadre.

Certaines mesures ont été prises pour redresser la situation. Le recours à la libération d'office avec assignation à résidence est maintenant moins fréquent, ce qui est une bonne chose. Nous tenons toutefois à dire au comité que nous ne sommes pas certains qu'il faille éliminer complètement cette option. Pour certains détenus ayant un faible potentiel de réintégration, une période d'assignation à résidence peut être utile. Nous voudrions toutefois que cette période soit limitée dans le temps et assortie de critères, de sorte que la condition serait supprimée lorsque ces critères seraient atteints; il n'y aurait pas de seconde audience, et la condition serait tout simplement levée une fois les critères respectés.

• 1600

Au sujet de la libération conditionnelle, je voudrais vous faire deux brèves observations. Comme l'ont indiqué Brian Grant et Marlo Gal, du service de recherche du SCC, dans leur rapport de février 1998, la libération conditionnelle de jour est dans l'ensemble un programme efficace pour aider à la réintégration, en raison des programmes communautaires recommandés ou du travail accompli sous supervision dans la collectivité. Ce sont les deux facteurs qui facilitent la réintégration et la réinsertion dans la communauté.

Le programme de libération conditionnelle a suscité de nombreux commentaires dans les médias et fait l'objet de diverses modifications législatives. Les libérations conditionnelles anticipées, les libérations conditionnelles de jour anticipées et les dispositions de la LSCMLSC ont fait que la libération conditionnelle, et plus particulièrement la libération conditionnelle de jour, a suscité beaucoup d'intérêt et de confusion au cours des dix dernières années. Malgré l'adoption de nouvelles méthodes de libération, le public ne semble pas comprendre beaucoup mieux le système. D'ailleurs, c'est un système très complexe et difficile à comprendre.

La Société Saint-Léonard est d'avis que le moment serait mal choisi pour limiter les options de libération conditionnelle offertes par le système. Nous appuyons à la fois les processus de type présomptif comme la libération conditionnelle anticipée et la libération conditionnelle de jour anticipée, et les méthodes plus traditionnelles rattachées à la libération conditionnelle de jour. Nous aimerions que la libération conditionnelle de tous les détenus fasse l'objet d'un examen le plus tôt possible. Nous aimerions également qu'on ait recours plus souvent à la libération conditionnelle avec assignation à la résidence personnelle. Les éléments essentiels sont la supervision et l'activité utile, et non l'endroit où les gens posent leur tête chaque soir. Il faut adopter des moyens beaucoup plus créatifs d'appliquer les conditions de la libération conditionnelle selon les besoins individuels.

Je vais maintenant passer immédiatement aux questions d'application. La loi repose sur le principe que l'intégration communautaire est nécessaire; cependant, dans la pratique, le rôle du secteur bénévole dans la prestation des services est souvent mal compris par le personnel. Les rapports entre les organismes sans but lucratif et le Service correctionnel se compliquent en raison de l'usage fréquent de marchés de prestation de programmes et de services directs d'aide postcarcérale. Il y a trop souvent des conflits entre les deux parties quant aux meilleurs moyens d'offrir le service. De plus, les interprétations divergent souvent en ce qui a trait à l'obligation de rendre compte. Les discussions continues sur ces points sont essentielles pour faire en sorte que le système et la loi fonctionnent le mieux possible.

L'intérêt actuel pour le rôle du secteur bénévole, tant au Bureau du Conseil privé qu'au ministère, est le signe très prometteur d'une sensibilisation à l'importance de ce secteur et à l'importance de la création et du maintien de bons rapports avec lui. Mais quand on parle du secteur bénévole, il est important de reconnaître qu'il est extrêmement difficile pour lui d'avoir des rapports d'égal à égal avec un organisme comme le SCC, qui est énorme et qui détient le mandat législatif relatif à la prestation de la plupart des services directs.

Les établissements résidentiels dans les collectivités ont dû se contenter pendant des années de ressources insuffisantes et d'ententes de dernière minute. Par conséquent, certains de ces établissements ont disparu. Tout le monde sait à quel point il est difficile d'obtenir l'autorisation de la municipalité pour ouvrir une maison de transition, et pourtant, nous avons clairement besoin aujourd'hui de ces ressources additionnelles. Il faudra une collaboration très proactive entre le SCC et le secteur bénévole pour les mettre en place. La solution aux problèmes ne réside pas dans l'utilisation des grands établissements gouvernementaux en remplacement des résidences communautaires permettant la réintégration des détenus.

Le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles remplissent bien mieux leur mandat lorsqu'ils collaborent avec la collectivité. Quand les relations sont bonnes, la population comprend mieux la situation et les récidives se font moins nombreuses. Des recherches récentes indiquent clairement que, même si les citoyens pensent vouloir des peines sévères, ils sont prêts à souhaiter un recours moins fréquent au maintien en incarcération, et davantage d'interventions axées vers la réintégration, quand on leur fournit des faits sur les méthodes qui ont fait leurs preuves et sur les coûts humains et monétaires des autres méthodes, et quand on leur présente les accusés comme des êtres humains plutôt que comme des monstres anonymes.

L'examen en cours offre l'occasion d'insister davantage sur la sensibilisation du grand public et la diffusion d'information. Il donne au gouvernement la possibilité de travailler plus étroitement et plus ouvertement avec tous les membres de la collectivité, notamment ceux qui sont intéressés, engagés et désireux de servir.

Nous savons bien qu'il n'existe pas de méthode sans risque en matière correctionnelle, mais nous avons déjà fait des progrès dans la reconnaissance des meilleures pratiques, et la LSCMLSC continue de nous fournir une base solide et un outil efficace de gestion des peines.

Merci.

• 1605

Le président: Merci, madame White.

Je voudrais maintenant préciser aux membres du comité que Mme Pate m'a indiqué qu'elle n'avait pas encore rédigé son mémoire, mais qu'elle allait nous en soumettre un sous peu; comme les autres, il sera versé au compte rendu.

Vous avez donc une dizaine de minutes, d'accord?

Mme Kim Pate (directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry): Oui, merci beaucoup.

Permettez-moi tout d'abord, au nom de notre organisation, de remercier le sous-comité de son invitation à comparaître. Je voudrais également vous présenter les excuses de deux membres de notre conseil d'administration. Deux de ces membres bénévoles espéraient pouvoir venir, mais ils ont dû retourner plus tôt que prévu à Montréal et à Saskatoon, respectivement, en raison d'obligations professionnelles. Je m'en excuse. Quant à moi, je suis théoriquement en congé de maternité, mais j'ai accepté de les remplacer au pied levé. Merci beaucoup de nous avoir invités.

Je voudrais vous exposer brièvement nos recommandations, après quoi j'espère avoir l'occasion de vous en dire plus long pendant la période des questions.

L'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry s'intéresse évidemment à ce domaine depuis longtemps. Nos mémoires ont toujours mis l'accent sur certains points en particulier, comme vous le verrez dans celui que nous allons vous faire parvenir bientôt. Nous allons bien sûr y parler tout particulièrement de la loi et de son historique, mais également de l'historique des services correctionnels pour femmes au Canada, surtout depuis le rapport du groupe de travail sur les femmes détenues sous responsabilité fédérale et celui de la commission Arbour. Les questions que nous allons soulever se rattachent en bonne partie aux conclusions contenues dans ces deux documents.

L'une de nos premières recommandations porte sur la modification de l'article 11 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'interdire l'incarcération des femmes dans les pénitenciers fédéraux pour hommes. Comme l'a indiqué ma collègue Mme White, de la Société Saint-Léonard, le fait que des femmes soit actuellement détenues dans des prisons pour hommes équivaut en fait à un isolement préventif; c'est un des points qui nous préoccupent tout particulièrement et nous avons préparé des recommandations à ce sujet. Nous tenons à signaler au comité que c'est une question qui a non seulement été examinée par les tribunaux, mais qui a également fait l'objet de commentaires de madame la juge Arbour.

À la suite des incidents survenus à la prison des femmes en avril 1994, six femmes de cet établissement ont été transférées au pénitencier pour hommes de Kingston, précisément dans l'unité où elles devaient être transférées à nouveau en 1997. À l'époque, l'affaire avait été portée devant les tribunaux, qui avaient jugé que la détention de femmes dans des prisons pour hommes ne pouvait pas être autorisée tant que la loi ne serait pas modifiée en ce sens.

Donc, pour être certains que cette pratique ne se poursuivra pas et qu'elle ne sera jamais reprise plus tard, nous aimerions que l'article 11 de la loi soit modifié; nous demandons instamment aux membres du sous-comité de refuser d'envisager toute modification législative qui permettrait d'incarcérer des femmes dans les pénitenciers pour hommes.

Le tribunal a statué—et madame la juge Arbour a confirmé cette conclusion—que c'était en fait illégal en vertu du régime législatif en vigueur. Mais pour que les choses soient bien claires, nous voudrions que ce soit précisé expressément à l'article 11.

Par ailleurs, nous espérons que vous aurez l'occasion au cours de votre tournée de visiter certaines des unités à sécurité maximum dans lesquelles des femmes sont incarcérées. Ce sont, d'ouest en est, le pénitencier de la Saskatchewan à Prince Albert, le centre psychiatrique régional de Saskatoon, l'établissement de Sainte-Anne-des-Plaines, au Québec, et l'établissement de Springhill, en Nouvelle-Écosse.

Dans les régions de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, les femmes ne sont pas détenues dans les pénitenciers pour hommes. En Colombie-Britannique, c'est dans le cadre d'une entente d'échange de services, tandis qu'en Ontario, c'est à la suite d'une décision de la Cour d'appel de l'Ontario, qui a rejeté certaines motions du Service correctionnel du Canada, lequel a alors décidé de renoncer à son action en justice et de laisser les femmes à la prison des femmes.

Nous aimerions aussi que la prison des femmes soit fermée; à notre avis, toutes les détenues devant être placées dans un établissement à sécurité maximale, ou toutes les femmes désignées comme telles actuellement, devraient être envoyées dans des prisons régionales, conformément au plan élaboré par le Service correctionnel du Canada et approuvé par le Solliciteur général en 1990. Ce plan figurait d'ailleurs dans le rapport du groupe de travail sur les femmes détenues sous responsabilité fédérale, et il a été exposé et confirmé une nouvelle fois par le Service correctionnel du Canada devant la commission Arbour en 1995.

Nous recommandons également la modification de l'article 16, qui régit les ententes d'échange de services entre provinces et permet de conclure des marchés avec les autorités provinciales au sujet de la prestation de services aux détenus sous responsabilité fédérale. Les femmes détenues sous responsabilité fédérale ne devraient être placées dans des prisons provinciales que quand le choix se pose entre la détention dans un établissement provincial et la détention dans un établissement fédéral.

• 1610

C'est cette disposition qui a donné lieu à la construction de prisons régionales pour femmes et à l'entente d'échange de services dans la région du Pacifique, où les femmes détenues sous responsabilité fédérale n'ont pas d'autre choix que d'être incarcérées dans une prison provinciale. Elles sont donc détenues au Centre correctionnel pour femmes de Burnaby.

Encore une fois, si vous avez l'occasion d'ajouter la visite de ce centre à votre tournée des établissements fédéraux, je pense que ce serait utile pour voir dans quelles conditions ces femmes vivent. Elles sont détenues dans une prison qui a été conçue comme un établissement de détention provisoire et ne peuvent pas bénéficier des droits accordés aux détenues sous responsabilité fédérale partout ailleurs au pays. Il s'agit donc d'une violation très claire, à notre avis, des droits consacrés par la Charte. D'ailleurs, il y a actuellement deux contestations judiciaires en cours, à l'initiative de certaines détenues.

Nous aimerions donc que l'article 16 soit modifié de manière à préciser que le placement dans ces établissements devrait se faire sur une base volontaire.

En ce qui concerne les dispositions relatives au classement des détenus selon le niveau de sécurité, l'article 30 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition stipule que les détenus incarcérés dans les pénitenciers fédéraux doivent faire l'objet d'un classement de sécurité, même si le Service correctionnel du Canada reconnaît depuis longtemps que le régime actuel à ce chapitre comporte des lacunes et qu'il est nettement discriminatoire envers les femmes et les détenus autochtones, comme en témoigne le fait que, même si les femmes autochtones comptent pour 18,7 p. 100 de la population totale des femmes détenues sous responsabilité fédérale, elles forment la moitié des femmes dites «à sécurité maximale».

Nous avons préparé un autre document, que je me ferai un plaisir de fournir au comité en annexe à notre mémoire, sur la question du classement carcéral des femmes. Nous y exposons plus précisément certains des aspects discriminatoires des pratiques actuelles en la matière pour les femmes et les détenus autochtones.

Nous sommes donc d'avis, étant donné le caractère discriminatoire de l'article 30 tel qu'il est appliqué actuellement, qu'il serait approprié de modifier la loi afin d'y ajouter une clause d'exclusion touchant les femmes et les Autochtones.

Nous aimerions également que soit ajouté à l'article 31 de la loi, qui porte sur l'isolement préventif, une définition plus claire de ce que cette mesure devrait représenter. Par déduction, on pourrait croire qu'il existe en fait divers degrés et divers types d'isolement préventif, comme c'est le cas pour l'isolement disciplinaire. Cependant, ce n'est pas précisé clairement dans la loi.

Il faut clarifier ces dispositions parce qu'elles ont malheureusement pour effet de nous priver d'un moyen efficace, consacré par voie législative, pour examiner les conditions de cet isolement et, par conséquent, pour demander des comptes au Service correctionnel du Canada dans les cas où nous percevons des violations de ces conditions.

Par exemple, il y a actuellement dans l'unité d'isolement du pénitencier de la Saskatchewan des femmes qui sont détenues... Lors de ma dernière visite, 12 femmes y étaient gardées en isolement. Et non seulement elles étaient dans une unité isolée, séparée des autres, mais elles étaient en plus réparties dans cinq secteurs cellulaires différents. Donc, il y a constamment des femmes qui sont gardées en groupes de deux, trois ou quatre, et il y en a même une qui a été placée en isolement dès son arrivée au pénitencier de la Saskatchewan, ou à peu près.

Le Service correctionnel du Canada ne considère toutefois pas que ces femmes sont en isolement préventif. Pourtant, leurs conditions de vie et leur isolement, non seulement par rapport à l'ensemble de la population carcérale, mais les unes par rapport aux autres, répondraient certainement à la définition de l'isolement ou du moins à notre définition implicite de ce que doit être l'isolement préventif, si on considère que toute personne qui est séparée de l'ensemble de la population de l'établissement est en isolement préventif. Pourtant, ces femmes ne sont pas considérées comme étant en isolement préventif, ce qui fait qu'elles ne bénéficient d'aucune protection quand elles se plaignent du manque d'accès aux programmes, aux services, aux activités organisées, aux loisirs, et ainsi de suite.

Nous vous encourageons donc à envisager de définir ce concept et d'inclure cette définition dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

De plus, bien que les articles 33 et 34 de la loi prévoient un mécanisme officiel pour surveiller l'isolement involontaire des détenus placés en isolement préventif, l'expérience a prouvé que ce mécanisme n'était absolument pas efficace pour obliger le Service correctionnel du Canada à respecter les critères prévus dans la loi au sujet du placement des détenus en isolement préventif.

• 1615

D'ailleurs, madame la juge Arbour était elle aussi de cet avis. En fait, à la suite des témoignages qui lui ont été présentés pendant son enquête, en particulier par des employés du Service correctionnel du Canada, elle a indiqué qu'il faudrait adopter des lignes directrices claires et faire intervenir des forces de l'extérieur pour permettre un processus décisionnel indépendant.

Ses recommandations se trouvent principalement à la page 198 de la version anglaise de son rapport. Si le sous-comité n'a pas accès facilement à ce rapport, nous nous ferons un plaisir de vous aider à vous le procurer. Nous croyons que ses recommandations seraient particulièrement instructives pour le comité.

Le président: Nous les avons.

Mme Kim Pate: En réponse aux recommandations de madame la juge Arbour, le Service correctionnel du Canada a créé un groupe de travail sur l'isolement, chargé d'examiner la situation au SCC. Tous les membres de ce groupe de travail, sauf trois, étaient des employés du Service correctionnel du Canada.

Après avoir examiné la situation relative à l'isolement dans l'ensemble du pays, tous les membres du groupe ont recommandé la mise en place d'un processus décisionnel indépendant à ce sujet. Ils ont également recommandé que la situation des femmes détenues sous responsabilité fédérale soit étudiée séparément parce que, même si le mandat de la commission Arbour découlait évidemment de la situation à la prison des femmes, le groupe de travail n'avait pas étudié lui-même la question. Ses membres ont donc recommandé que ce soit fait, et j'encourage moi aussi le sous-comité à présenter des recommandations à cet égard.

Madame la juge Arbour a recommandé que les cas où des détenus avaient été placés en isolement pendant plus de 30 jours consécutifs, ou plus de 60 jours au total en un an, soient examinés par l'appareil judiciaire. Ce que nous recommandons, nous, c'est que la LSCMLSC soit modifiée de manière à inclure un examen judiciaire sous une forme ou sous une autre, étant donné tout particulièrement les conclusions du groupe de travail sur les cas d'isolement, l'absence de suivi par le commissaire du SCC et le fait que la décision a déjà été prise, à savoir qu'il n'est pas nécessaire de procéder à un examen indépendant des décisions en matière d'isolement.

En outre, la juge Arbour avait recommandé la nomination d'un arbitre indépendant, par exemple un avocat de l'extérieur, qui serait chargé d'examiner les décisions d'imposer l'isolement après la limite prévue de cinq jours. Ces deux modèles comportent la même caractéristique essentielle, à savoir la mise en place d'un processus indépendant tant pour répondre aux voeux de ceux qui surveillent ce qui se passe au Service correctionnel du Canada que pour montrer à la population que les activités du SCC font l'objet d'une surveillance indépendante.

Nous recommandons par conséquent que les articles 33 et 34 soient modifiés de manière à y inclure l'un ou l'autre des deux modèles d'examen des cas d'isolement recommandés par madame la juge Arbour.

Pour en revenir à ce que j'ai dit tout à l'heure, l'article 37 porte sur les situations dans lesquelles les détenus peuvent être placés en isolement préventif. Actuellement, les impératifs de sécurité sont une des principales raisons possibles. Nous recommandons que cette disposition soit retirée de l'article en question parce qu'il n'existe clairement, pour le moment, aucune norme définissable permettant de mesurer la limitation des droits des détenus; en effet, l'expression «impératifs de sécurité» contenue dans la loi actuelle est trop vague et n'est pas définie.

Vous pourriez aussi essayer d'élaborer une définition, mais si vous examinez la vaste gamme de questions que cela recouvre, vous vous apercevrez que c'est très vaste. Les impératifs de sécurité peuvent englober à peu près n'importe quoi, depuis la crainte que quelqu'un jure devant un gardien jusqu'à des risques majeurs et assez évidents, par exemples des bris de prison ou d'autres choses du genre.

Le président: Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît, madame Pate?

Mme Kim Pate: C'est notre dernière série de recommandations.

L'article 77 de la loi indique clairement qu'il devrait y avoir des consultations régulières avec les groupes de femmes et les autres personnes compétentes au sujet des questions touchant les femmes détenues sous responsabilité fédérale. Et l'article 80 contient des dispositions similaires au sujet des détenus autochtones.

• 1620

Une des recommandations de notre organisation porte sur l'abrogation du paragraphe 77b) et son remplacement par un nouveau paragraphe 77b) qui établirait un comité consultatif national sur les femmes. Ce serait conforme aux dispositions de l'article 82, qui porte création d'un Comité consultatif autochtone national.

Nous estimons également que, puisque le groupe de travail sur les femmes détenues sous responsabilité fédérale était coprésidé par mon prédécesseur et par un représentant du Service correctionnel du Canada, ce comité consultatif devrait être coprésidé par un membre du SCC et un membre de l'ACSEF, ou présidé seulement par un membre de l'ACSEF. Toutefois, étant donné qu'il s'agirait d'un organisme consultatif, il serait préférable que la présidence en soit confiée à quelqu'un de l'extérieur.

Nous recommandons également que la loi soit modifiée de manière à ce qu'il soit possible d'y ajouter des dispositions semblables à celles que contiennent actuellement les articles 81 et 84 de la loi au sujet des détenus autochtones, et qui autorisent en gros le Service correctionnel du Canada à confier des détenus autochtones à la garde des communautés autochtones. La loi doit prévoir les mêmes options de libération dans la collectivité pour les femmes détenues sous responsabilité fédérale. Il serait possible par exemple d'adopter une disposition qui permettrait à certaines femmes de purger leur peine dans un établissement spécialisé ou avec l'aide d'une organisation offrant des services aux femmes, par exemple un centre de désintoxication ou de traitement.

Certains des membres du comité le savent sûrement, mais d'autres ignorent peut-être qu'il y a seulement trois provinces canadiennes, celles des Prairies, où on retrouve actuellement des maisons de transition réservées aux femmes. Dans les sept autres provinces et les deux territoires, de même que dans le troisième territoire qui va voir le jour dans un mois et demi environ, il n'y a aucun service réservé aux femmes. Nous recommandons donc la création de services de ce genre.

Pour finir, en ce qui concerne les femmes détenues sous responsabilité fédérale ayant des besoins particuliers en matière de santé mentale, il faudrait modifier l'article 87 pour interdire que ses dispositions soient appliquées au détriment des détenues atteintes d'incapacité mentale. Le comité doit savoir qu'en réalité, la majorité des détenues souffrant de troubles mentaux ou d'incapacités graves sont actuellement considérées comme étant à risque et sont envoyées soit à la prison des femmes de Kingston, soit dans deux des unités à sécurité maximum pour hommes, ce qui est clairement contraire là encore aux garanties offertes par l'article 15.

Nous recommandons également que l'enquêteur correctionnel soit directement responsable devant le Parlement et que le paragraphe 179(3) soit modifié de manière à ce que le commissaire du Service correctionnel du Canada et le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles soient tenus de donner suite à toute conclusion ou recommandation de l'enquêteur correctionnel au sujet des violations de la loi. À l'heure actuelle, comme vous le savez, ils sont tenus uniquement de présenter des recommandations.

Notre dernière recommandation se rattache à celle de madame la juge Arbour au sujet des détenus dont la peine a été illégalement ou injustement modifiée par les conditions de détention qui leur ont été imposées. Nous recommandons qu'une nouvelle disposition soit ajoutée à la loi afin de remédier aux situations dans lesquelles les interventions du Service correctionnel du Canada qui modifient l'intégrité de la peine vont à l'encontre des intentions du juge qui a imposé cette peine, tant en termes de durée que de conditions de détention. Il faudrait adopter une nouvelle disposition autorisant les détenus qui vivent des situations de ce genre à présenter une requête au tribunal pour faire réduire une peine de durée déterminée ou, si la peine était assortie d'un minimum obligatoire, pour obtenir une déclaration selon laquelle la peine a été administrée illégalement ou injustement.

Voilà ce que nous recommandons. Merci. Je m'excuse d'avoir dépassé le temps qui m'était alloué.

Le président: Merci.

Nous allons devoir limiter les rondes de questions à sept minutes. Encore une fois, si vous pouvez garder vos questions et vos réponses aussi concises que possible, nous pourrons couvrir un plus grand nombre de sujets.

Monsieur Gouk, vous avez sept minutes.

M. Jim Gouk: Merci.

Je suis convaincu que vous cherchez tous à rendre le système plus efficace. C'est louable. Mais, si nous devons nous tromper dans un sens ou dans l'autre, particulièrement dans le cas des criminels violents, je vous dirai bien franchement et sans aucune hésitation que je préférerais me tromper de manière à protéger la sécurité du grand public plutôt qu'à aider un criminel violent, si j'ai à choisir entre les deux.

Il faut faire des distinctions. J'ai l'impression que vous nous dites que nous ne devrions pas imposer de limites quant à la libération des gens, que ce soit dans le cadre de programmes de placement à l'extérieur, d'absence temporaire, de libération conditionnelle ou, pour finir, de libération d'office. Mais il faut faire la différence entre quelqu'un qui a été condamné pour cambriolage, par exemple, et un violeur ou un meurtrier.

• 1625

Si on laisse sortir un cambrioleur et qu'il récidive, les conséquences de cette erreur sont bien moins graves que si on laisse sortir un violeur ou un meurtrier, et qu'il récidive. Il faut donc privilégier plutôt la sécurité publique.

Ma première question s'adresse en particulier à M. Stewart. Vous avez dit qu'il fallait adopter une approche positive plutôt que négative. Je vous dirais que ce sont les deux faces d'une même médaille. Vous affirmez qu'il faut libérer les gens à moins de pouvoir prouver qu'ils ont un problème, plutôt que de les garder en dedans à moins qu'ils puissent prouver, eux, qu'ils n'en ont pas. C'est presque la même chose, à mon avis.

Supposons que je dise à un détenu: «J'hésite beaucoup à vous laisser sortir parce que vous avez commis des crimes à caractère sexuel et que vous n'avez pas participé à beaucoup de programmes ou de traitements qui auraient pu vous être utiles; je pense donc que vous ne voulez pas sérieusement recouvrer votre liberté. Vous devez me prouver que je devrais vous libérer.» Ou alors, supposons que je dise: «Un instant! Vous avez un sérieux problème. J'en suis convaincu, et je le resterai à moins que vous réussissiez à me faire changer d'idée.» Est-ce que ce n'est pas à peu près la même chose, en définitive?

M. Graham Stewart: Permettez-moi de répondre d'abord à votre question sur les risques liés aux décisions sur la libération.

Nous avons parfois tendance à croire que nous ne pouvons prendre qu'un seul genre de risque, c'est-à-dire celui de libérer les gens. Mais il y a également un risque à ne rien faire. L'objectif ultime des interventions correctionnelles—c'est d'ailleurs ce que dit la loi, et c'est certainement conforme à notre façon de voir les choses—est d'offrir de nouvelles possibilités. C'est une occasion de modifier les comportements à long terme.

C'est seulement en modifiant les comportements à long terme que nous pourrons garantir la sécurité du public. Autrement, nous abandonnons les avantages potentiels à long terme au profit d'avantages à très court terme, pendant la période d'incarcération. Nous sommes d'avis qu'on augmente en fait les risques réels pour la société quand on renonce à la libération graduelle dans le but d'allonger la peine, alors que tout indique que cette libération graduelle est le meilleur moyen de réduire les risques.

Un des problèmes qui se posent, cependant, à cause de cette perception selon laquelle il y a un risque uniquement pendant la durée de la peine, c'est que le processus décisionnel peut être très intimidant pour les décideurs, parce qu'ils ne sont critiqués que s'il y a récidive pendant la durée prévue de la peine, et non après.

Par conséquent, en raison de la nature actuelle du processus décisionnel, surtout en ce qui concerne la mise en liberté sous condition, pour laquelle le processus repose sur une présomption négative en ce sens que la personne ne peut pas sortir à moins d'avoir prouvé qu'elle en est capable, le résultat est que la pression va uniquement dans un sens. Alors, les décideurs passent très rapidement des stratégies de réduction des risques à des stratégies d'évitement des risques.

Le public jette de hauts cris quand les choses tournent mal, ce qui est compréhensible jusqu'à un certain point. Ce que nous disons, c'est que lorsqu'il y a une présomption négative au sujet de la libération, les risques associés à la décision reposent entièrement sur les épaules des décideurs, plutôt que de découler de la loi elle-même.

À notre avis, si la loi établit—à juste titre, d'ailleurs—que la libération graduelle représente la meilleure mesure de protection à long terme, un système décisionnel négatif isole dans une certaine mesure les décideurs. La base du processus décisionnel en est élargie, et le fardeau se déplace tout au long de la peine, mais le principe de la présomption négative ne fait que protéger les décideurs.

M. Jim Gouk: Mme White a parlé de la libération conditionnelle et de la nécessité de l'accorder le plus tôt possible. Elle a dit que si une personne travaille fort et coopère et que si tout va bien, au diable les délais, presque; il faudrait qu'elle soit mise en liberté conditionnelle et réintégrée le plus rapidement possible, compte tenu de sa coopération au programme.

Ne risquerait-il pas d'arriver qu'une personne qui aurait reçu la peine qu'elle méritait—une peine de dix ans disons—retrouve sa liberté au bout d'une période extrêmement courte si elle se repentait et disait «j'éprouve beaucoup de remords et je vais travailler fort pour montrer que je ne recommencerai jamais plus»? Cette personne pourrait retrouver sa liberté au bout d'un an, un an et demi. Est-ce que ça pourrait arriver dans le meilleur des cas?

Mme Elizabeth White: Je ne recommandais pas qu'on modifie les délais que renferme la loi pour les demandes de libération conditionnelle. Ce que je voulais dire, c'est que nous avons le devoir de libérer un détenu à la première occasion prévue par la loi.

• 1630

À l'heure actuelle, beaucoup trop de détenus dépassent leur date d'admissibilité à la semi-liberté et leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale parce que les papiers n'ont pas été remplis ou parce qu'ils n'ont pas suivi les programmes voulus en prison à cause des listes d'attente.

Pour ce qui est du deuxième point, ça ne me dérangerait pas tellement qu'une personne purgeant une peine de dix ans retrouve sa liberté, sous surveillance, après une courte période de temps si elle suivait des programmes qui l'aidaient à s'insérer le plus efficacement possible dans la société—qu'elle devra de toute façon réintégrer à la date d'expiration du mandat.

M. Jim Gouk: Une de mes préoccupations est la perception qu'a la société, et il est important de ne pas perdre ce facteur de vue.

Nous avons, par exemple, à l'heure actuelle une personne reconnue coupable d'un meurtre très brutal qui vit en prison beaucoup mieux qu'un grand nombre de citoyens honnêtes et travailleurs. Il y a des chômeurs qui ne demanderaient pas mieux que d'avoir le temps et l'argent qu'il faut pour suivre des cours qui les aideraient à se perfectionner. Ils sont incapables de le faire alors même que nous dépensons de l'argent pour des gens qui ont enfreint la loi, enfreint les règlements.

N'avons-nous pas perdu le sens des proportions? En nous montrant humains, en offrant des programmes de formation, des cours et toutes sortes d'autres choses du genre, en réalité, nous traitons des gens qui ont enfreint la loi mieux que les autres.

Mme Elizabeth White: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on ne guérit pas le mal par le mal. Il est déplorable que le filet de sécurité sociale de notre pays se soit autant détérioré au cours des 15 dernières années. Cela ne veut pas dire que nous devrions donc, parce que nous avons fait une erreur, aggravé le problème en refusant à ceux qui sont les plus vulnérables dans notre système, ces prisonniers, la possibilité de faire des choses qui les empêcheront de commettre de nouveaux crimes.

Nous avons tous le même but: nous ne voulons pas qu'ils récidivent.

M. Jim Gouk: Les mesures punitives ont-elles une valeur quelconque...

Le président: Je dois vous interrompre, monsieur Gouk, votre temps de parole est écoulé.

[Français]

Monsieur Marceau, sept minutes.

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Je voudrais d'abord remercier nos témoins d'être venus ici aujourd'hui pour les présentations. J'espère, madame Pate, recevoir bientôt votre texte, que je lirai avec attention.

J'aimerais formuler une petite demande à M. Stewart. J'ai reçu la version française de votre document. Malheureusement, les tableaux que vous avez faits sont reproduits, mais sans les courbes. Comme je suis très visuel, j'apprécierais que vous me les fassiez parvenir si c'était possible.

[Traduction]

M. Graham Stewart: Je me suis aperçu ce matin seulement que ces courbes manquaient et j'en ai donné des copies au greffier.

M. Richard Marceau: C'est parfait.

M. Graham Stewart: Elles sont maintenant disponibles.

[Français]

M. Richard Marceau: Parfait. Merci beaucoup. Je vais les regarder plus tard.

C'est toujours intéressant pour moi de parler après mes collègues du Parti réformiste. Il y a une différence de philosophie assez importante entre vous-mêmes et eux. En revanche, il y a un point sur lequel je pense que le Parti réformiste a un peu raison. C'est qu'il y a une perception de la réalité qui n'est pas nécessairement exacte, mais qui est quand même là. Vos organismes sont présents partout au Canada, d'après ce que je peux comprendre. J'aimerais savoir si ces différences de perception varient de région en région au pays. Si oui, comment pourrait-on faire en sorte que la loi tienne compte de ces différences de perception ou de ces différences philosophiques? Est-ce possible dans l'application de la libération conditionnelle? On essaie évidemment de faire accepter la réhabilitation, etc. N'est-il pas plus facile de le faire quand on tient compte du niveau d'acceptation de la réhabilitation dans les différentes régions?

[Traduction]

Mme Elizabeth White: Pour répondre à la première partie de votre question, je préfère que la loi conserve un caractère national. J'espère que nous arriverons par nos campagnes d'information de l'opinion publique et par nos campagnes de sensibilisation à l'importance de l'engagement et de la participation communautaires à amener les régions qui semblent moins bien saisir les avantages des programmes de réadaptation au même niveau que celles qui semblent mieux les comprendre.

• 1635

[Français]

M. Richard Marceau: Vous parlez de...

[Traduction]

Mme Elizabeth White: Bien sûr.

[Français]

Bien sûr.

M. Richard Marceau: Je peux comprendre qu'on veuille avoir une loi nationale, mais n'y aurait-il pas moyen de dire dans cette loi que certaines conditions ou certaines susceptibilités locales devraient être prises en compte?

[Traduction]

M. Graham Stewart: Je vais essayer de répondre à cette question.

Tout d'abord, vous avez tout à fait raison de dire que les perceptions et les attitudes varient d'une région à l'autre du pays. Un certain nombre de thèmes se reflètent dans les attitudes du public et aussi dans les façons de faire. L'utilisation du maintien en incarcération, par exemple, varie considérablement d'une région à l'autre. Dans certaines provinces, on ne s'en sert pas du tout, comme au Québec. Dans d'autres provinces, on y a assez souvent recours. Ce n'est pas parce que la loi n'est pas la même partout. La façon de faire reflète plutôt les valeurs et les attitudes des gens de ces régions du pays.

Donc, sous le régime de la même loi, parce qu'elle confère un immense pouvoir décisionnel aux responsables, il y a dans certains cas des variations considérables.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci. Il serait peut-être intéressant, monsieur le président, que nous ayons ces variations régionales. En tout cas, je serais très curieux de les voir.

Le président: On va demander aux recherchistes s'ils peuvent trouver quelque chose.

M. Richard Marceau: Oui. Je suis désolé de vous donner plus de travail. Ils aiment le travail? Eh bien, on va leur en donner.

Madame Pate, dans votre présentation, vous avez fait allusion à maintes reprises au rapport Arbour, qui a été publié en 1996. Je voudrais savoir s'il y a des parties de ce rapport sur lesquelles vous n'êtes pas d'accord.

[Traduction]

Mme Kim Pate: Nous souscrivons aux recommandations de Madame le juge Arbour et avons en fait exhorté le Service correctionnel du Canada à les adopter intégralement. Nous avons indiqué qu'il y a des endroits où nous aurions apporté des améliorations, mais, dans l'ensemble, non, il n'y a aucune partie du rapport sur laquelle nous ne sommes pas d'accord.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci. Madame Pate, je vous ai peut-être mal comprise tout à l'heure, lorsque vous disiez que des femmes qui devaient normalement être dans un pénitencier fédéral se retrouvaient dans un pénitencier provincial ou quelque chose de semblable. J'ai une simple question de non-expert. Qu'est-ce que cela change qu'une femme soit dans une prison provinciale ou dans une prison fédérale? Qu'est-ce que cela change en réalité?

[Traduction]

Mme Kim Pate: En fait, la différence se situe au niveau des mesures de protection qui sont offertes et au niveau des droits. Une femme qui purge une peine fédérale a accès aux services et aux programmes, peut avoir la permission de sortir, a souvent la possibilité d'être mise en liberté dans la collectivité et a aussi accès à l'Enquêteur correctionnel ou au mécanisme des griefs, et ainsi de suite.

Je faisais surtout allusion à la situation des femmes de la région du Pacifique de la Colombie-Britannique, en raison d'une entente d'échange de services qui a été conclue en 1990 et qui doit de nouveau être revue en avril 2000. Cette entente prévoit que toutes les femmes purgeant une peine fédérale seront logées au pénitencier provincial, le Burnaby Correctional Centre for Women, et relèveront donc des autorités provinciales.

Ces femmes n'ont pas accès aux mêmes mesures de protection lorsqu'elles sont placées en isolement, malgré les questions que nous avons soulevées au sujet de l'isolement en vertu de la Loi sur le système correctionnel. Elles n'ont aucune protection. Elles n'ont pas accès à l'Enquêteur correctionnel; elles n'ont pas accès aux mêmes programmes ou services.

Elles-mêmes se sont plaintes et, comme je l'ai indiqué, il y a actuellement deux procès en cours.

[Français]

M. Richard Marceau: Malheureusement ou heureusement, selon les points de vue, un effort de restreinte budgétaire a été fait par tous les gouvernements du Canada. La solution à ce problème ne serait-elle pas de faire en sorte que les services qui sont normalement offerts aux personnes qui sont dans un pénitencier fédéral soient aussi disponibles dans un pénitencier provincial? On pourrait conclure des accords administratifs qui feraient épargner de l'argent non seulement aux provinces mais aussi au gouvernement fédéral. Ne serait-ce pas une solution à envisager?

• 1640

[Traduction]

Le président: Pourriez-vous répondre très brièvement, s'il vous plaît, madame Pate? Le temps est écoulé.

Mme Kim Pate: D'accord.

Un problème peut se poser, c'est vrai, mais ça pourrait être une solution, parce que les conditions dans les pénitenciers provinciaux sont souvent inférieures à ce qu'elles sont dans les pénitenciers fédéraux. Ce que nous recommandons, toutefois, c'est que les femmes aient le choix—et les hommes aussi, bien sûr.

Lorsqu'il existe des ententes d'échange de services, les gens ont généralement le choix. Je pense, par exemple, à l'entente d'échange de services qui a été signée au Québec, avant celle de Burnaby, selon laquelle les femmes pouvaient demeurer à la Maison Tanguay et avoir accès à des services en français. Elles pouvaient également choisir d'aller à la Prison des femmes.

À l'heure actuelle, les femmes de la région du Pacifique n'ont pas le choix. Certaines femmes pourraient choisir de rester, mais elles ne peuvent pas pour le moment aller dans un pénitencier fédéral.

Le président: Merci.

Monsieur Wappel, vous avez sept minutes.

M. Tom Wappel (Scarborough Sud-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais remercier les témoins d'être venus nous rencontrer et de nous avoir fait leurs recommandations. C'est toujours utile.

Je vais commencer par M. Stewart.

Nous sommes entre autres ici aujourd'hui pour savoir comment la loi a fonctionné dans la pratique. Vous avez fait un commentaire, monsieur Stewart, il y a à peu près six ans, jour pour jour, qui dénotait une grande clairvoyance, mais je vais vous le rappeler pour que vous me disiez si vous pensez qu'il est encore aussi juste aujourd'hui. Vous avez dit au sujet du projet de loi:

    Nous ne croyons pas qu'il permettra vraiment de maintenir les délinquants violents en incarcération plus longtemps qu'à l'heure actuelle et nous ne pensons pas non plus qu'il accélérera la libération des délinquants non violents. Il pourrait en fait avoir l'effet contraire dans les deux cas.

Êtes-vous toujours du même avis six ans plus tard? Maintenant que nous pouvons juger du fonctionnement de la Loi sur le système correctionnel, ce que je viens de vous lire correspond-il à l'expérience que vous en avez?

M. Graham Stewart: J'ai de la difficulté à me rappeler le contexte, mais il me semble que je faisais alors allusion à un certain nombre de dispositions de la loi.

M. Tom Wappel: Je me reprends. D'après votre expérience, les délinquants violents séjournent-ils aujourd'hui plus longtemps en prison qu'avant?

M. Graham Stewart: Nous avons un plus grand nombre de détenus violents dans nos prisons aujourd'hui, parce qu'ils purgent des peines plus longues, parce qu'ils se trouvent regroupés là, comme on pouvait s'y attendre. Ainsi, par exemple, la population des condamnés à perpétuité n'a pas cessé d'augmenter depuis qu'on a rallongé les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Par ailleurs, les dispositions relatives à la détermination de la peine et certaines pratiques concernant les délinquants sexuels ont fait augmenter leur nombre. Ils sont donc proportionnellement plus nombreux au sein de la population carcérale.

Quant aux mécanismes qui ont été introduits par la loi pour expédier la libération des délinquants non violents, rien ne prouve qu'ils ont eu une incidence majeure, exception faite peut-être de la procédure d'examen expéditif.

M. Tom Wappel: Très bien, merci.

Vous dites dans votre premier document, je pense, «Review of the Detention Provisions of the CCRA», à la page 1 du résumé, au paragraphe 3, une chose que j'aimerais comparer à une observation faite par la Société Saint Léonard à la page 11 de son mémoire, sous la rubrique «Maintien en incarcération». Je vais vous lire les deux phrases. Il n'y a peut-être aucune différence, mais j'aimerais que vous m'expliquiez tous les deux, si vous le pouvez, pourquoi j'en vois une.

Vous dites:

    Les recherches ont montré que ceux qui sont maintenus en incarcération ne risquent pas plus de récidiver que ceux qui ne le sont pas.

La Société Saint Léonard dit:

    D'après les données, les libérés conditionnels affichent un taux de récidive inférieur à celui des détenus libérés d'office.

• 1645

J'ai l'impression que ces deux phrases ne disent pas la même chose. Qu'en pensez-vous?

M. Graham Stewart: Pour moi, elles disent la même chose, c'est-à-dire que ceux qui ont été maintenus en incarcération ont un taux de récidive inférieur à celui de ceux qui ont été libérés.

M. Tom Wappel: Ne trouvez-vous pas que c'est curieux?

M. Graham Stewart: Oui, je trouve ça curieux.

M. Tom Wappel: Quelle est votre explication?

M. Graham Stewart: Malgré notre pessimisme au sujet de cette loi, nous n'aurions jamais imaginé que les résultats auraient pu être aussi différents de ce à quoi on aurait pu s'attendre. La seule explication que j'ai entendue ou qui pourrait être plausible, c'est qu'en réalité ce ne sont pas les délinquants dangereux qui sont maintenus en incarcération.

Personne n'irait jusqu'à dire qu'il n'y a pas de criminels dangereux dans les prisons, mais ils ne sont pas sélectionnés par ce processus. Ceux qui sont sélectionnés sont ceux qui sont les plus impopulaires, si vous me permettez le terme, et ce sont principalement des délinquants sexuels. On a l'impression en général que tous les délinquants sexuels ont un taux de récidive élevé, mais ce n'est pas le cas. Il y en a, bien sûr, mais pas tous.

À cause des mythes que le public entretient, il y a à mon avis un grand nombre de détenus qui, comme groupe, ont en réalité un taux de récidive très bas. Par conséquent, la petite poignée d'individus particulièrement dangereux se perd dans un groupe composé d'un grand nombre de détenus qui risquent peu de récidiver, d'où le phénomène que le groupe considéré comme particulièrement dangereux s'en tire mieux que le groupe considéré comme moins dangereux.

M. Tom Wappel: Et cela ne pourrait pas s'expliquer par le fait qu'ils sont demeurés en prison plus longtemps et ont pu suivre les programmes plus longtemps?

M. Graham Stewart: Je ne pense pas que ce soit le cas. En raison de la nature de tout le processus de sélection, ce sont des gens qui sont considérés comme réfractaires au traitement, à moins que nous pensions que ce soit juste un autre...

M. Tom Wappel: Je pensais que c'était parce qu'ils pouvaient présenter un danger pour la société.

M. Graham Stewart: Oui, et c'est en partie à cause de la notion...

M. Tom Wappel: N'est-ce pas ce que vous avez dit—que vous devez essayer de voir s'ils peuvent causer un tort considérable?

M. Graham Stewart: Le critère est de savoir s'ils ont causé un tort considérable, mais aussi...

M. Tom Wappel: Ou s'ils peuvent causer un tort considérable s'ils sont mis en liberté hâtivement. C'est le critère, n'est-ce pas?

M. Graham Stewart: Oui.

M. Tom Wappel: Et bien, ce n'est pas ce que vous avez dit.

M. Graham Stewart: Il faut aussi se demander s'ils ont suivi un programme de traitement et s'ils y ont réagi.

M. Tom Wappel: Oui.

M. Graham Stewart: Je ne m'y retrouve plus. Je ne suis pas certain...

M. Tom Wappel: Je vous ai demandé s'il n'était pas possible que les détenus qui purgent des peines plus longues... Le fait qu'ils soient maintenus en incarcération plus longtemps et aient la chance de continuer à suivre les programmes qui leur sont offerts ne pourrait-il pas expliquer le taux de récidive plus bas?

M. Graham Stewart: Non.

M. Tom Wappel: Parfait. C'est une réponse.

Le président: Mme Pate voulait elle aussi répondre à cette question.

Mme Kim Pate: Vous serez peut-être intéressé de savoir que nous nous sommes également servis des deux études sur le maintien en incarcération auxquelles mes deux collègues ont fait allusion pour examiner tout le système de classement utilisé en ce moment par le Service correctionnel du Canada.

Il n'y a pas de doute que pour les femmes qui ont été maintenues en incarcération, c'est précisément comme mes collègues l'ont dit: tout nous porte à croire que ce sont celles qui sont impopulaires qui peuvent résister au traitement, ainsi qu'aux avances en général faites par le Service correctionnel du Canada pour qu'elles se soumettent à son autorité. Que ça nous plaise ou non, elles sont portées à défier l'autorité et à dénoncer plus particulièrement les abus de pouvoir.

Je pense à deux cas où des femmes ont contesté leur isolement, par exemple, et un certain nombre d'autres choses. Elles sont devenues des détenues impopulaires et ont été maintenues en incarcération plus longtemps que d'autres. Certains employés du Service correctionnel du Canada ne comprennent pas le système qu'ils utilisent et ont essayé de les leurrer en leur offrant, par exemple, la semi-liberté alors même qu'elle n'est pas possible pour une détenue.

Je vous encouragerais donc à examiner cette question de pair avec celles qui entourent le classement.

M. Tom Wappel: C'est bien. Nous nous assurerons aussi de leur poser ces questions lorsqu'ils comparaîtront devant nous.

Le président: Merci.

Nous allons faire un deuxième tour de table.

Vous avez trois minutes, monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Je n'ai que deux questions qui devraient être assez courtes.

Ma première a trait à l'expérience de travail par opposition à la discipline. L'acquisition de compétences professionnelles est très importante. J'ai une entreprise où les travailleurs n'ont pas à être hautement qualifiés, mais nous les formons et ils sont pourtant nombreux à ne pas rentrer au travail le lendemain de la paye ou quelques jours après avoir été payés. Ils arrivent au travail en retard ou se lassent de travailler et quittent leur emploi.

• 1650

Est-il possible d'inculquer une certaine forme de discipline, d'enseigner ce que vous appelez probablement la dynamique de la vie? Est-ce qu'il est possible d'acquérir une certaine discipline personnelle en même temps qu'une expérience de travail, d'obtenir un placement à l'extérieur? Est-ce à votre avis un élément important de la réadaptation?

Mme Elizabeth White: Tout à fait. Les programmes de préparation à l'emploi sont actuellement assez populaires dans l'ensemble du pays. Ils sont essentiellement offerts par des organismes communautaires et permettent aux gens qui n'ont pas tellement d'aptitudes au travail d'acquérir de bonnes habitudes. Cependant, un programme de ce genre n'aura pas à lui seul un impact durable s'il n'est pas combiné à une expérience de travail pertinente.

M. Jim Gouk: Pensez-vous que les besoins... En fait, je vais laisser cette question de côté, parce que j'en ai une autre à vous poser. S'il me reste du temps, nous y reviendrons.

Je sais que vous détestez probablement la désignation de «criminel dangereux». Lorsque nous parlons de criminels dangereux, nous parlons de gens qui ont causé des lésions corporelles, qu'il s'agisse d'un meurtre, d'une agression, d'une agression sexuelle, ou peu importe—certainement pas la première fois, parce que vous espérez qu'ils seront remis en liberté à un moment donné et pourront se réintégrer. S'ils commettaient de nouveau le même genre de crime, songeriez-vous à utiliser la désignation de criminel dangereux pour la deuxième fois; sinon, quand?

M. Graham Stewart: Nous avons actuellement la Loi sur les délinquants dangereux qui comporte tout un éventail de critères. Il n'est pas nécessaire qu'une personne commette un deuxième crime pour être déclarée délinquant dangereux en vertu de la loi actuelle au Canada. Elle est très vaste. Nous avons aussi des dispositions relatives à la santé mentale. Donc, dans le contexte actuel, il serait très difficile de trouver un moyen d'élargir ces critères.

M. Jim Gouk: Je ne dis pas que nous devrions les élargir. Ma question est la suivante: Y a-t-il de la place pour la protection de la société au moment de la deuxième infraction ou d'une infraction subséquente? À quel moment dit-on à un délinquant violent ou à un prédateur sexuel «tu es un criminel dangereux; tu vas rester en prison pour la protection de la société»? Une telle désignation a-t-elle sa place?

M. Graham Stewart: Oui. Nous voulons cependant être très prudents, parce que chaque fois que nous concevons un système qui permet de maintenir des détenus en incarcération sur la base de prédictions, nous nous trompons. Le taux d'erreur est très élevé et si nous avons donc quelque hésitation que ce soit à utiliser les pouvoirs de l'État...

M. Jim Gouk: Mais une deuxième ou une nouvelle infraction n'est-elle pas plus qu'une prédiction?

M. Graham Stewart: Comme je le disais, la loi actuelle ne l'exige même pas. C'est généralement le cas, mais nous passons par un tribunal; il faut avoir des preuves psychiatriques et avoir procédé à un examen sérieux avant de prendre ce genre de décision. C'est la meilleure façon de procéder.

Je ne serais pas en faveur de règles arbitraires, parce qu'une infraction sexuelle ou même une infraction avec violence peut avoir de nombreuses ramifications et que son impact peut varier énormément. Ce genre de processus peut donner lieu à toutes sortes d'erreurs. Par exemple, la loi des «trois prises» en Californie a montré que 80 p. 100 de ceux qui sont emprisonnés à vie ne sont pas des délinquants violents.

Nous devons donc nous méfier de toute tentative de définition de catégories arbitraires, mais je dirais que la loi que nous avons aujourd'hui est très vaste.

Le président: Merci.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Il y a une chose qui me trouble. Nous parlons de libération conditionnelle et de libération d'office, puis nous comparons des taux de récidive. Cela me pose un problème, parce que la libération conditionnelle veut dire qu'on est gardé en laisse, n'est-ce pas? Dans le cas de la mise en liberté d'office, le détenu est tout simplement libéré et abandonné à lui-même; on lui claque la porte dans le dos.

M. Graham Stewart: Non.

Mme Kim Pate: On le tient également en laisse.

M. Graham Stewart: En ce qui concerne la surveillance, la libération d'office et la libération conditionnelle sont généralement assez semblables. Dans les deux cas, on finit de purger sa peine sous surveillance dans la collectivité. Le degré de surveillance dépend en partie de l'évaluation faite par le surveillant du risque que le délinquant présente.

Ce sont ceux qui sont maintenus en incarcération qui sont libérés tout court. On les libère lorsqu'ils ont fini de purger leur peine...

M. Ivan Grose: Je n'avais pas fait la différence.

M. Graham Stewart: ...parce que la peine a été purgée et aucune surveillance, aucun contrôle ni aucune assistance n'est disponible.

M. Ivan Grose: Je vois. Je pense quand même que la libération d'office intervient lorsqu'on a purgé une certaine partie de sa peine et qu'on doit être libéré à moins d'avoir fait quelque chose d'horrible en prison. On est mis en liberté sous condition lorsque arrive la date d'admissibilité à la libération conditionnelle et qu'on réussit à impressionner la Commission des libérations conditionnelles.

• 1655

M. Gouk a dit une chose qui m'ennuie toujours. Il a parlé du même coup d'un délinquant sexuel et d'un cambrioleur. À mon avis, il faut faire une distinction entre les deux parce qu'on a dans un cas un délinquant sociologique et, dans l'autre, une personne qui a un problème mental. Il ne sert à rien de mettre les deux dans le même sac.

J'ai été surpris aussi lorsque vous avez dit que les délinquants sexuels peuvent être réintégrés. C'est la première fois que j'entends une chose pareille, et ça m'ennuie. J'avais l'impression qu'on emprisonnait les délinquants sexuels à vie et qu'on leur fournissait des victimes lorsqu'ils étaient en liberté. C'est ce que j'ai déduit de toutes mes lectures.

M. Graham Stewart: J'ai deux choses à dire à ce sujet. Il y a une différence entre ceux qui ont commis un crime contre les biens et ceux qui ont un problème psychologique. Je pense qu'il s'en trouverait peu pour dire le contraire.

En réalité, si vous regardez les crimes commis par ceux qui sont maintenus en incarcération, vous vous apercevrez qu'ils n'ont commis pratiquement aucune infraction contre les biens. Le taux des infractions avec violence n'est pas plus élevé que pour l'autre groupe, mais les infractions contre les biens sont beaucoup, beaucoup moins nombreuses. Cela donne à penser que vous avez raison, et l'approche est donc différente.

Le programme de traitement administré par le Service correctionnel du Canada a montré qu'il est possible de réduire considérablement le taux de récidive des délinquants sexuels. Et il est certainement dans notre intérêt de le faire lorsque nous le pouvons. Le problème, c'est que les infractions sexuelles constituent une catégorie très vaste qui englobe toute une série de comportements. La probabilité de récidive varie énormément selon chaque groupe.

Lorsqu'on parle de délinquants sexuels, on a tendance à penser surtout aux pédophiles homosexuels qui, nous le savons, affichent un taux de récidive assez élevé, mais il y a toutes sortes d'autres groupes qui ont un taux de récidive très bas. Par exemple, le taux de récidive est très bas dans le cas de l'inceste.

Le problème, c'est que la catégorie des délinquants sexuels englobe tout un éventail de comportements et nous avons tendance à nous arrêter aux cas extrêmes. Le public a donc l'impression que tous les délinquants sexuels ont un taux de récidive élevé, mais ce n'est pas le cas. C'est ce qu'ont montré année après année les données du Service correctionnel du Canada de même que les recherches sur ses programmes de traitement.

M. Ivan Grose: Merci de m'avoir corrigé. C'est la raison pour laquelle je suis ici.

Le président: Merci, monsieur Stewart.

M. Jim Gouk: J'ai une objection à formuler, monsieur le président, pour mémoire, parce que la séance est enregistrée et sera retranscrite. Je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu, car il se peut que M. Grose ait mal compris ce que je disais. Je tiens à préciser à l'intention de ceux qui ne liraient qu'un extrait de la transcription que je ne mettais pas dans un même sac les cambrioleurs, les meurtriers et les délinquants sexuels; je disais en fait que nous devons établir des distinctions à cause des conséquences qu'une erreur pourrait avoir.

Le président: Merci, monsieur Gouk.

[Français]

Monsieur Marceau, s'il vous plaît.

M. Richard Marceau: Non, ça va.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Tout d'abord, je ne sais pas si j'ai bien entendu, mais est-il exact que vous avez un bébé depuis deux semaines?

[Traduction]

Mme Kim Pate: Oui.

M. Jacques Saada: Je pense que nous devrions féliciter cette jeune mère.

Des voix: Bravo!

Mme Kim Pate: Merci.

M. Jacques Saada: La tendance générale est à l'individualisation des programmes alors même que nous sommes confrontés au dilemme du crime organisé. Nous avons tendance à considérer tous les délinquants de la même manière dès que nous nous apercevons qu'ils sont mêlés au crime organisé.

Étant donné tout ce que vous avez dit cet après-midi—et, intuitivement, j'ai l'impression de pouvoir comprendre la plus grande partie de ce que vous avez dit—pensez-vous que cette solution serait valable dans le cas des gens qui sont dans un établissement parce qu'ils sont associés au crime organisé, en plus d'avoir commis un crime? Tiendriez-vous le même raisonnement pour les gens qui entreraient dans cette catégorie de crimes?

M. Graham Stewart: Si on croit en la réadaptation, c'est toujours sur le plan individuel. On ne peut pas réadapter une classe de délinquants. Cependant, les risques et les difficultés associés à une personne sont liés de très près aux circonstances sociales auxquelles elle est mêlée et dans lesquelles elle vit et, si elle est impliquée dans le crime organisé, alors de graves problèmes se posent de toute évidence.

Une des raisons pour lesquelles nous sommes en faveur d'une libération graduelle est qu'elle permet de parer à certains facteurs de risque qui sont associés à la situation sociale. La prédiction du risque en ce qui concerne la décision de mise en liberté conditionnelle est fondée principalement sur le profil psychologique, les attitudes et les valeurs de l'individu. Mais son mode de vie est un facteur au moins aussi important en ce sens qu'il peut contribuer aux activités criminelles futures.

• 1700

Prenons, par exemple, le cas d'une personne qui a un problème d'alcool et qui vit avec des alcooliques; ses facteurs de risque augmentent. Si on peut changer son environnement, ça aide. De même, dans le cas d'une personne qui a des associés ou qui est impliquée dans certaines activités, la réintégration sous surveillance peut être la solution la plus efficace, parce qu'on peut bénéficier d'une période de temps dans la collectivité pour s'assurer qu'elle trouve une façon différente de vivre. Sinon, il y a matière à suspension et à révocation.

M. Jacques Saada: Je vous pose cette question, parce que Mme White a répondu tout à l'heure que vous ne demandiez aucun changement aux périodes d'admissibilité à la libération conditionnelle. Une des questions que nous avons à étudier est celle de la libération automatique au sixième de la peine.

Bien des témoins et bien des gens de votre entourage, j'en suis certain—vous pouvez en discuter vous aussi—croient qu'il ne devrait pas y avoir un examen automatique des cas admissibles à la libération conditionnelle au sixième de la peine pour les gens qui sont associés au crime organisé. Vous dites, si j'ai bien compris, que vous n'êtes pas d'accord avec eux.

M. Graham Stewart: J'aurais deux remarques à faire.

On utilise souvent le mot automatique et c'est malheureux, parce qu'il faudrait plutôt utiliser le mot expéditif. Il s'agit d'une procédure d'examen expéditif qui comporte des critères différents.

Non, je ne serais pas d'accord, parce que le principe est que si vous avez une personne qui satisfait aux autres critères et qu'on peut surveiller dans la collectivité pendant une période de temps plus longue pour s'assurer qu'elle ne se livre pas à ce genre d'activités criminelles, alors on a de meilleures chances d'obtenir des résultats à plus long terme. Par ailleurs, si cette personne demeure en prison et n'a qu'une très courte période de surveillance, sinon aucune, alors il y a de plus fortes chances qu'elle reprenne ses activités criminelles.

M. Jacques Saada: Kim, vous avez parlé des femmes qui ont des problèmes de santé mentale. Nous savons que de plus en plus de services sont offerts sur place, dans les pénitenciers, par opposition à d'autres établissements publics. Avez-vous une idée de l'incidence de cette tendance?

Mme Kim Pate: Oui et nous avons effectivement recommandé au Service correctionnel du Canada de ne pas développer ces ressources sur place uniquement. De toute évidence, il est nécessaire que des ressources soient disponibles pour les prisonnières qui ne peuvent pas avoir accès aux ressources communautaires. D'abord et avant tout, nous recommanderions l'accès aux ressources communautaires et leur mise en valeur.

Nous avons d'abord constaté l'incidence de cette tendance à Terre-Neuve où il n'existe presque plus de ressources en santé mentale. En fait, lorsque j'y suis allée à l'été 1995, le jour où j'y étais, on a fermé une autre aile de l'hôpital Waterford, l'hôpital psychiatrique de St. John's (Terre-Neuve). L'administrateur de la prison locale a alors dit: «Autant prendre un camion, y faire monter ces femmes et les amener ici, parce que c'est ici qu'elles s'en viennent.»

En réalité, nous avons constaté cette tendance. Nous avons d'abord vu un grand nombre de femmes des Maritimes entrer dans le système. Nous constatons maintenant la même chose dans d'autres régions du pays, ce qui n'est pas surprenant, étant donné l'éviscération des services de santé mentale dans l'ensemble du pays.

Historiquement, les femmes ont été placées dans des hôpitaux psychiatriques où elles étaient surreprésentées tandis qu'elles étaient sous-représentées dans les prisons, où nous commençons à les voir entrer. Nous avons également entendu des juges et même des avocats, des avocats de la défense, dire que les femmes devraient être envoyées en prison pour y être traitées.

La situation nous préoccupe et c'est pourquoi nous essayons de travailler avec le Service correctionnel du Canada pour y remédier de sorte que ces services ne soient pas offerts sur place uniquement, seulement dans les établissements correctionnels, encourageant ainsi implicitement les femmes à y entrer plus rapidement.

À l'heure actuelle, la majorité des femmes qui ont des problèmes de santé mentale souffrent souvent aussi d'incapacité mentale—il arrive fréquemment qu'elles ne comprennent pas où elles sont et qu'elles ne savent pas qu'elles sont en milieu carcéral.

Le président: Monsieur Wappel, vous aviez d'autres questions?

M. Tom Wappel: Oui, merci.

J'ai deux questions à vous poser, monsieur Stewart, et j'aimerais, si vous le pouviez, que vous y répondiez en trois minutes. Je vais d'abord vous poser la plus facile. Avez-vous des statistiques sur le taux de récidive des délinquants qui ont purgé leur peine et ne sont plus en liberté conditionnelle?

M. Graham Stewart: Oui. Le Service correctionnel du Canada a produit ces statistiques.

M. Tom Wappel: Quelles sont-elles?

M. Graham Stewart: Je ne peux pas vous donner les chiffres exacts, mais, ce que je peux vous dire, c'est que ceux qui ont purgé leur peine, ceux qui ont été libérés d'office, ont un taux de récidive beaucoup plus élevé que ceux qui étaient en liberté conditionnelle lorsqu'ils ont fini de purger leur peine.

M. Tom Wappel: Ce que je veux savoir, c'est quel est le taux de récidive de ceux qui ont tout fait—commis une infraction, purgé leur peine, été libérés conditionnellement—une fois qu'ils sont sortis du système? Le savez-vous?

• 1705

M. Graham Stewart: Voulez-vous parler de ceux qui sont maintenus en incarcération?

M. Tom Wappel: Non, je veux parler, en général, des personnes qui ont commis une infraction, purgé leur peine et été libérées conditionnellement. Est-ce qu'il leur arrive de commettre de nouveau un crime?

M. Graham Stewart: Oui.

M. Tom Wappel: Quel est le taux de récidive?

M. Graham Stewart: Tout dépend du groupe. Les données que...

M. Tom Wappel: Je ne les veux pas par groupe. Je les veux pour chaque personne qui a commis un crime, purgé sa sentence et vécu sa liberté conditionnelle.

M. Graham Stewart: D'accord. Ce que je peux vous dire, c'est qu'environ 30 p. 100 de ceux qui sont sortis d'établissements fédéraux se sont retrouvés en prison après avoir commis une infraction dans les cinq années suivantes. Le pourcentage de ceux qui retournent en prison après cinq ans est très mince.

M. Tom Wappel: Est-il plus élevé ou plus bas depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ou est-il demeuré le même?

M. Graham Stewart: Je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais je m'attendrais à ce que les pourcentages soient les mêmes.

M. Tom Wappel: Donc, en ce sens, la loi n'a rien changé?

M. Graham Stewart: Je pense que non.

M. Tom Wappel: C'est parfait.

Au sujet de votre recommandation 6...

Le président: Je suis désolé, monsieur Wappel. Mme Pate a quelque chose à ajouter.

Mme Kim Pate: Pour les femmes, le taux de retour est d'environ 28 p. 100 dans l'ensemble pour infraction aux conditions de la libération et perpétration de nouvelles infractions.

Ce qui a augmenté, cependant—et je suppose que les chiffres ont augmenté pour les hommes également, mais comme je ne travaille plus avec des hommes depuis à peu près huit ans maintenant, je n'ai pas ces données—c'est le nombre de femmes qui retournent en prison pour infraction aux conditions de la libération par opposition à de nouvelles infractions. J'encouragerais le comité à demander des informations à jour sur la situation, mais je dirais que pour les femmes du moins le taux de récidive pour les nouvelles infractions est d'environ 2 p. 100 ou moins tandis que le taux de récidive global est d'environ 22 p. 100 si on tient compte des infractions aux conditions de la libération, et ce chiffre représente une augmentation depuis l'entrée en vigueur de la loi.

M. Tom Wappel: Les pourcentages ont donc augmenté depuis l'entrée en vigueur de la loi?

Mme Kim Pate: C'est exact; pas le taux de récidive comme tel—il est demeuré à peu près constant, mais le nombre d'infractions aux conditions de libération.

M. Tom Wappel: D'accord, merci.

Le président: Monsieur Wappel, ce sera votre dernière question.

M. Tom Wappel: Je vais passer et attendre le prochain tour. C'est trop long pour une seule question.

Le président: Non, c'est le dernier tour de table.

M. Tom Wappel: Pourquoi, monsieur le président?

Le président: Parce que personne d'autre n'a de questions à poser.

M. Tom Wappel: J'en ai beaucoup.

Le président: Allez-y, alors.

M. Tom Wappel: Nous passons en revue la loi et j'aimerais poser des questions, à moins que les témoins doivent nous quitter.

Le président: S'ils peuvent rester...

M. Ivan Grose: Monsieur le président, les questions de M. Wappel me fascinent. Il peut avoir mon temps de parole s'il le veut.

Le président: D'accord, si les témoins sont disponibles.

M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.

Votre sixième recommandation se lit comme suit:

    Étant donné que la mise en liberté graduelle est le meilleur moyen de réduire les risques, le fait qu'une personne pose un risque grave n'est pas une raison pour la lui refuser.

Est-ce que je dois en déduire que même si tout le Service correctionnel pense qu'il est quasi certain que la personne va poser un risque sérieux pour le public, elle va quand même être mise en liberté graduellement?

M. Graham Stewart: Ce que je veux dire, c'est que la grande majorité des prisonniers finissent par être libérés; ils purgent une sentence déterminée qui prend fin un jour. La question à se poser est alors la suivante: quel est le meilleur moyen de libérer ces personnes pour atténuer les risques à long terme? Nous croyons qu'il ne serait pas rationnel de ne pas utiliser dans le cas de ceux qui présentent les risques les plus élevés les programmes qui sont les plus susceptibles de réduire ces risques.

C'est tout simplement que nous croyons—et les recherches l'ont confirmé selon nous—que la mise en liberté graduelle est la meilleure solution. Pourquoi? Parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, peu importe l'évaluation qu'on puisse faire de ces individus, ce n'est que lorsqu'ils sont en liberté sous surveillance qu'on peut exercer un certain contrôle sur leur environnement. Plus longtemps ils sont dans cet environnement, meilleures sont nos chances à long terme qu'ils ne commettent pas une nouvelle infraction.

M. Tom Wappel: Merci.

Madame Pate, vous avez recommandé quelque chose au sujet de l'article 30 et je n'ai pas très bien compris votre témoignage; j'aimerais avoir plus de précisions. Vous dites que l'article 30 est discriminatoire, d'après mes notes, et vous voulez une clause d'exclusion. Que renferme une clause d'exclusion et que proposez-vous au juste?

Mme Kim Pate: Étant donné que l'article 30 exige qu'un niveau de sécurité, minimale, moyenne ou maximale, soit attribué à chaque détenu et étant donné que le régime de classement actuel utilisé pour arriver à cette désignation s'est de toute évidence avéré discriminatoire en raison de son incidence...

Je suis désolée d'avoir été aussi brève; je ne vous ai donné qu'un exemple.

M. Tom Wappel: Vous aviez bien sûr des contraintes de temps. C'est pourquoi je vous pose la question.

• 1710

Mme Kim Pate: D'accord.

Il en est question dans le document que je vais vous envoyer avec notre mémoire. Nous avons examiné la mesure dans laquelle le système de classement est discriminatoire envers les femmes, les personnes démunies, les personnes qui viennent de régions différentes du pays et les Autochtones. Il comporte des éléments discriminatoires.

On s'en aperçoit particulièrement dans le cas des femmes autochtones, et c'est l'exemple que j'ai donné: 50 p. 100 des femmes purgeant une peine fédérale classées comme détenues de niveau de sécurité maximale sont des Autochtones, même si elles ne sont de toute évidence pas les plus dangereuses et les plus violentes des Canadiennes. À notre avis, cela est l'exemple le plus flagrant de la discrimination.

On le reconnaît depuis longtemps. Le Service correctionnel du Canada lui-même, récemment, de même que la Commission Arbour à l'hiver 1995, ont recommandé qu'il y ait un nouveau système de classement pour les femmes et nous sommes d'accord. C'est la recommandation qu'a faite le Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale.

Étant donné qu'à l'heure actuelle le processus utilisé est le même que pour les hommes, nous pensons que parce que le système est discriminatoire, il devrait y avoir une clause d'exclusion à l'article 30 pour préciser que l'exigence d'une cote minimale, moyenne ou maximale ne s'applique pas aux femmes.

M. Tom Wappel: Donc, il n'y aurait pas de classement pour les femmes?

Mme Kim Pate: C'est exact.

M. Tom Wappel: Et vous pensez qu'il ne devrait pas y avoir non plus pour les délinquants autochtones?

Mme Kim Pate: Ce que nous pensons, c'est qu'il devrait y avoir une exclusion à cause de la discrimination dans ce cas-là également.

M. Tom Wappel: Qui restera-t-il après que vous aurez exclu tout le monde?

Mme Kim Pate: Ce que nous proposons, c'est que vous examiniez les dispositions. Je vais surtout me faire ici la porte-parole des femmes. Quand on sait qu'il n'y a pas de prisons...

L'existence d'un niveau de sécurité minimale, moyenne ou maximale a à voir avec le placement en établissement. De toute évidence, nous ne pensons pas que les femmes devraient être envoyées dans des prisons pour hommes, comme c'est le cas actuellement. La seule option pour les femmes serait donc d'être envoyées dans des prisons régionales, auquel cas la désignation d'un niveau de sécurité minimale, moyenne ou maximale constituerait un fardeau administratif et une responsabilité pour l'établissement, qui pourrait aussi individualiser le système.

On pourrait utiliser, au lieu d'un système à trois niveaux, d'autres mécanismes pour déterminer quand une détenue devrait obtenir un laissez-passer et ainsi de suite. C'est d'ailleurs ce que recommandait le Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale. Parce que les femmes sont si peu nombreuses, c'est la recommandation qu'ont faite les experts internationaux convoqués par la Commission Arbour. Dans une juridiction de l'Australie, on a adopté un système selon lequel les femmes sont toutes classées au niveau de sécurité minimale à moins qu'on ait des raisons évidentes de vouloir les entourer d'une plus grande sécurité, auquel cas on le fait en prenant des mesures de sécurité supplémentaires à l'intérieur de l'établissement, parce que, je le répète, le nombre des prisonnières est tellement peu élevé.

M. Tom Wappel: Allez-vous proposer dans votre document une autre solution que la clause d'exclusion?

Mme Kim Pate: L'autre option serait d'avoir d'autres dispositions. Idéalement, nous aimerions qu'il y ait une disposition d'exclusion et qu'on modifie l'article 11 pour préciser que les femmes ne devraient pas être placées dans des prisons pour hommes et que toutes les femmes devraient être envoyées dans des prisons régionales.

M. Tom Wappel: Parfait. Je serais très curieux de savoir pourquoi le Service correctionnel pense que les femmes devraient être envoyées dans des prisons pour hommes. Je trouve que c'est un point très valable.

Enfin, madame Pate, à l'alinéa 77(b), vous recommandiez...

Mme Kim Pate: L'abrogation de l'alinéa actuel.

M. Tom Wappel: Oui et son remplacement par ce que vous avez appelé, je pense, un comité consultatif national pour les femmes semblable au comité consultatif autochtone.

Mme Kim Pate: C'est exact.

M. Tom Wappel: Pourquoi?

Mme Kim Pate: Parce que même s'il y a eu deux réunions depuis la mise en oeuvre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et même si des membres de notre organisation, d'autres groupes et moi-même avons rencontré le Service correctionnel du Canada, les groupes comme le nôtre n'ont pas eu à assumer les mêmes responsabilités et n'ont pas participé aux travaux d'aussi près que dans le cas du Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale.

Le Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale a recommandé que soit créé un organisme consultatif national et qu'il y ait des organismes consultatifs régionaux, qui engloberaient des groupes comme le nôtre et d'autres groupes qui travaillent directement avec les détenues.

L'article 77 a été inclus dans la loi parce qu'on reconnaissait que le Service correctionnel du Canada n'avait pas l'expertise voulue sur place. Nous estimons que le même problème continue à se poser. Nous le constatons, même si nous sommes heureuses...

M. Tom Wappel: Je suis désolé, madame Pate. Pourquoi l'abroger? Pourquoi ne pas simplement dire au Service correctionnel d'accélérer les choses, de lire la loi et de faire ce qu'il est censé faire?

• 1715

Mme Kim Pate: Nous préconisons une abrogation et un remplacement, l'adoption d'une nouvelle disposition qui permettrait de créer un comité consultatif national pour les femmes.

M. Tom Wappel: Pourquoi pensez-vous qu'un comité national aurait plus de poids que des groupes de femmes compétents, comme la Société Elizabeth Fry, qui viennent en aide depuis longtemps aux détenues? Pourquoi pensez-vous qu'on écouterait un groupe plus que l'autre?

Mme Kim Pate: Je proposerais d'inclure une disposition selon laquelle le groupe ferait rapport au Solliciteur général et au Parlement par votre entremise et celle du Solliciteur général. Il y aurait un...

M. Tom Wappel: Et c'est aussi ce que dirait l'alinéa 77(b)?

Mme Kim Pate: C'est exact.

M. Tom Wappel: Parfait, j'ai compris.

Je vous remercie, monsieur le président et chers collègues, de votre indulgence.

Le président: Merci.

[Français]

Y a-t-il d'autres questions?

M. Jacques Saada: Ce n'est pas une question, mais quelque chose que je veux dire rapidement.

[Traduction]

La Commission nationale des libérations conditionnelles célèbre aujourd'hui son quarantième anniversaire. Le succès de cet organisme peut être attribué en grande partie à l'aide qu'il a reçue d'organisations non gouvernementales du genre des trois que nous avons devant nous aujourd'hui. Je tenais à vous dire que j'ai fait une déclaration en ce sens aujourd'hui à la Chambre, en guise de conclusion.

Le président: Merci.

J'aimerais remercier les témoins. Nous nous excusons des contraintes de temps, mais nous avons pris bonne note de vos mémoires que nous examinerons lorsque nous les aurons reçus. Merci beaucoup.

Si les députés pouvaient attendre, j'aurais quelques mots à leur dire au sujet de notre programme de voyage pour la première semaine de mars.

[Le comité poursuit ses travaux à huis clos]