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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 mars 1999

• 0912

[Traduction]

Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement de la Chambre, le comité reprend son étude sur la situation des dons d'organes et de tissus au Canada.

Nous accueillons aujourd'hui des témoins qui viennent partager avec nous leurs connaissances plus particulièrement en ce qui a trait aux normes. Il se peut que nous nous éloignions du sujet, mais telle est notre intention au départ.

Je dois dire aux collègues autour de la table que nous avons eu quelques annulations à la dernière minute. Des gens ont eu du mal à quitter Toronto et Montréal et il se peut donc que M. Gary Levey du Toronto General Hospital ne se joigne pas à nous. Il nous a téléphoné de l'aéroport. Mme Margaret Somerville de l'Université McGill pourrait avoir le même genre de problème. Il y a à peu près une heure, on se demandait si elle pouvait se rendre à Ottawa. De toute manière, son nom figure sur la liste du second groupe. S'il y a des changements dans la prochaine heure et demie, il se peut qu'elle soit avec nous.

Nous sommes, toutefois, heureux que d'autres aient pu se joindre à nous surtout quelqu'un qui vient d'aussi loin que Calgary. Nous accueillons aujourd'hui M. John Jarrell, le chef du service médical du Calgary Regional Health Authority. Bienvenue monsieur. Nous recevons également un représentant du Conseil canadien d'agrément des services de santé, le directeur général associé, M. Jules Martin. Bienvenue monsieur.

Nous comptons également parmi nous autres collègues de Santé Canada qui ont déjà comparu devant ce comité. Il s'agit de M. André LaPrairie, le gestionnaire du projet Sang, tissus, organes et xénotransplantation. Bienvenue André. En outre, nous recevons Dennis Brodie, le gestionnaire adjoint, de la Division des politiques du Bureau de la politique et de la coordination de la santé de la Direction générale de la protection de la santé. Il répond uniquement aux questions difficiles et nous sommes heureux de l'avoir ici.

• 0915

Comme certains membres de notre personnel accusent aussi un léger retard. Je vais commencer avec André et Dennis. Quant à vous, docteur Martin, vous serez le dernier. Je crois qu'au base-ball on parle du 4e frappeur. Nous allons donc préparer le terrain pour vous. Le frappeur de puissance sera M. John Jarrell. André, est-ce vous ou Dennis qui sera le premier?

M. André LaPrairie (gestionnaire de projet, Sang, tissus, organes et xénotransplantation, Direction générale de la protection de la santé, ministère de la Santé): Nous avons tiré à pile ou face et c'est Dennis qui a gagné.

Le président: D'accord. Vous avez la parole Dennis Brodie.

M. Dennis Brodie (gestionnaire adjoint, Division des politiques, Bureau de la politique et de la coordination, Direction générale de la protection de la santé, ministère de la Santé): Merci. Monsieur le président et membres du comité nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui. La rumeur a couru que je ne parlais pas de sorte qu'André a suggéré que je sois le premier violon aujourd'hui. On dit aussi qu'on nous appelle maintenant Butch et Sundance. Je ne suis pas trop sûr de ce que cela veut dire, mais nous allons essayer de nous montrer à la hauteur de cette réputation.

En fait, nous n'avons pas grand chose à dire ce matin. André fera une brève mise à jour simplement pour vous faire rapport des progrès que nous avons accomplis au cours des dernières semaines. Nous serons toutefois heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser sur le processus d'élaboration des normes, sur le projet de cadre de gestion du risque, sur tout ce qui concerne la réglementation des organes et des tissus au Canada.

Je vais donc céder la parole à mon acolyte qui vous donnera un bref aperçu de ce que nous avons accompli.

Le président: André.

M. André LaPrairie: Nous avons une norme générale canadienne touchant la sécurité des organes et des tissus destinés aux greffes et des sous-ensembles sur la transplantation des organes pleins, la banque de tissus, les tissus oculaires, les tissus reproducteurs et les cellules souches, ce qui inclut la moelle osseuse. L'Association canadienne des normes a maintenant rédigé la première ébauche des sous-ensembles. Un représentant de l'association viendra vous parler ce matin. Nous nous attendons à ce que les ébauches soient approuvées par notre comité d'experts et soient prêtes aux fins de distribution et de commentaires en avril prochain. En même temps, en tant qu'agent de réglementation des produits thérapeutiques, nous entreprendrons nos consultations sur le cadre réglementaire et les méthodes pour lesquels les hôpitaux et les banques de tissus devront présenter des preuves indiquant que leurs programmes sont conformes.

Le 6 février nous avons également publié un avis d'intention dans lequel nous précisons que nous allons mettre au point un cadre réglementaire pour les xénotransplantations. Nous avons également un groupe d'experts qui est en train de rédiger des normes sur le sujet, qui pourraient peut-être être utilisées pour les transplantations. Nous y signalons également que nous diffuserons d'autres renseignements et que les Canadiens pourront participer au processus par l'entremise de consultations publiques alors que nous élaborons les politiques touchant la xénotransplantation.

Je pense que c'est tout ce que nous avons à dire pour l'instant.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Jarrell.

Dr John Jarrell (chef du service médical, Calgary Regional Health Authority): Merci beaucoup.

Je viens des douces rives de Calgary où je n'ai porté un manteau qu'une seule fois cet hiver.

Le président: Y a-t-il une conspiration entre vous et M. Elley à savoir qui ira cueillir les jonquilles plus tard cet après-midi?

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): J'ai vécu neuf ans à Calgary et je peux attester que M. Jarrell dit la vérité.

Dr John Jarrell: C'est merveilleux là-bas.

Le président: Vous semblez vous serrer les coudes, je pense.

M. Reed Elley: Nous sommes collés ensemble

Dr John Jarrell: Même si je suis ici en ma qualité de chef du service médical de Calgary, mon rôle est celui de quelqu'un qui s'occupe de l'agrément des cliniques de fécondation au Canada depuis un certain nombre d'années, par l'entremise de la Société canadienne de fertilité et d'andrologie. J'aimerais vous remercier, au nom de la société, de nous avoir permis d'être ici aujourd'hui.

Mes observations porteront précisément sur la question suivante: la Société canadienne de fertilité et d'andrologie apporte-t-elle une contribution valable au domaine de la transplantation d'organes et de tissus humains? La société, fondée en 1954, regroupe plusieurs centaines de médecins, de scientifiques, d'infirmières, de techniciens et de citoyens. Elle s'est donné quatre missions principales: promouvoir l'étude, l'éducation et la recherche dans les domaines de la fertilité, de la stérilité et de l'andrologie; répondre aux besoins sociaux liés à la complexité de la reproduction humaine; offrir des services d'expertise en matière d'accréditation de thérapies cliniques et de thérapies en laboratoire dans le domaine des nouvelles technologies de reproduction et, enfin, établir des processus valides de mesure des résultats thérapeutiques.

• 0920

Nous sommes au courant des travaux de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction. C'est une sphère à laquelle nous avons pris part activement au cours des dernières années. Un grand nombre de nos membres ont participé aux travaux de la Commission entre 1986 et 1993. Ils l'ont fait à titre de chercheurs et d'experts-conseils. La société était consciente des préoccupations au sujet de la nécessité d'adopter une meilleure approche en matière de supervision de la reproduction humaine et de son traitement. C'est pourquoi elle a pris part aux activités de Santé Canada destinées à déterminer de meilleures approches de supervision. La Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction a recommandé la création d'une agence de réglementation nationale. Le projet de loi C-47 proposait la création d'une telle agence, mais il n'a pas été adopté. Cependant, on continue de déployer des efforts en ce sens et nous y souscrivons.

Dans ce milieu stimulant qu'a été période comprise entre 1993 et aujourd'hui, la société a reconnu la nécessité d'adopter des mesures en vue d'améliorer les soins offerts aux patients soumis à des traitements de reproduction. La société a entrepris une série d'initiatives, seule et en partenariat avec d'autres agences, afin de contribuer à l'élaboration de mécanismes de supervision adéquats. Cette participation s'est traduite dans un premier temps par l'élaboration en 1986, par la Société, de lignes directrices sur l'insémination thérapeutique par donneurs. Elles ont été ensuite modifiées à la lumière des inquiétudes concernant la transmission du VIH par le sperme humain. Ces lignes directrices ont servi de fondement à l'élaboration de la nouvelle Loi sur les aliments et drogues, loi qui a été adoptée en 1996.

Nous avons aussi établi certains partenariats importants et coentreprises. Même si la société a manifesté son désir de mettre son expertise au service de l'agrément dans le domaine des activités médicales, scientifiques et de laboratoire, elle reconnaît que cette expertise n'est pas très grande en ce qui a trait au processus actuel d'agrément. C'est pourquoi elle a établi un partenariat stratégique avec l'organisme que représente mon collègue à gauche, le Conseil canadien d'agrément des services de santé. Ce partenariat a été établi et accepté par leur conseil et a récemment été reconnu par le biais de contrats de services impartis par Santé Canada. D'autres coentreprises ont été crées avec l'Association médicale canadienne, le Collège canadien de généticiens médicaux et la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.

Nous avons produit des normes de médecine clinique relatives aux donneurs et aux receveurs de tissus reproducteurs—j'entends par là d'oeufs, de sperme et d'embryons—et des exigences relatives aux laboratoires. Ces normes, rédigées par des membres de la société, sont le fruit d'un processus consensuel. Elles ont été par la suite modifiées de manière à les faire coïncider avec les méthodes du Conseil canadien d'agrément des services de santé.

De concert avec le CCASS, nous avons mené un projet pilote de mise à l'essai des normes dans cinq hôpitaux d'enseignement universitaire faisant de la fécondation in vitro. Les administrateurs des cinq hôpitaux situés à London, à Calgary, à Halifax, à Ottawa et à Hamilton ont approuvé l'agrément facultatif. Le projet pilote a réalisé ses objectifs. Il a été recommandé qu'on procède à un nouvel examen de ces normes dans un établissement privé.

Une autre initiative a consisté à mener en 1996 un projet pilote dans une clinique privée, soit le Toronto Centre for Advanced Reproductive Technologies, qui est engagée dans tous les aspects de la greffe de tissus reproducteurs humains. Des dirigeants du Conseil canadien d'agrément des services de santé étaient présents, de même qu'un représentant de Santé Canada invité à titre d'observateur. De plus, cette visite d'agrément a permis de déterminer la possibilité de combiner les méthodes d'agrément et d'octroi de permis puisque le mandat des examinateurs consistait à déterminer la conformité au Règlement sur le traitement et la distribution du sperme destiné à la reproduction assistée de la Loi sur les aliments et drogues (c. F-27).

Une fois de plus, l'examen de ce processus a révélé que les résultats sont suffisamment satisfaisants pour aller de l'avant. Nous estimions aussi avoir été en mesure de cerner un processus qui permettrait d'avoir une méthode uniforme d'agrément et de réglementation. Nous avons pu vérifier que les deux processus d'amélioration constante, ainsi que l'inspection effectuée pour des raisons graves, pouvaient être menés simultanément.

• 0925

Septième initiative, nous avons demandé à Santé Canada des fonds pour réviser des normes, établir des indicateurs de rendement et mener un projet pilote de mise à l'essai de nouvelles approches. Cette demande a été bien accueillie. Cette année, c'est-à-dire en 1999, la société a reçu des fonds sous forme de contrats adjugés par Santé Canada en vue d'aider à l'exécution des travaux actuels relatifs aux normes et aux indicateurs de rendement. La société continuera de travailler en tandem avec le Conseil canadien d'agrément des services de santé en vue de faciliter la coordination liée à ces normes, en établissant un lien entre elles et les outils d'agrément dont se sert le conseil.

Enfin, huitième initiative, nous travaillons en partenariat avec le groupe travaillant à l'élaboration de normes générales canadiennes dont viennent de parler nos collègues. Nous faisons partie du projet pour ce qui est des tissus reproducteurs, et nous continuerons d'y participer.

La neuvième initiative a été prise en juin 1998 lorsqu'a eu lieu, à Toronto, la conférence consensuelle de tous les administrateurs d'établissements de fécondation in vitro du Canada. Ils étaient tous d'accord pour que l'on poursuive le processus d'agrément. Ils se sont aussi entendus pour partager toutes leurs données concernant les résultats.

En réponse à la question posée, soit de savoir si la Société canadienne de fertilité et d'andrologie fait une contribution valable dans le domaine des transplantations d'organes et des greffes de tissus humains, je dirais, à la réflexion, que les activités de la dernière décennie montrent bien que la société a été l'initiatrice de projets et qu'elle a pris des initiatives en vue de faire adopter une approche qui garantisse l'accès à des traitements sûrs et efficaces en cas d'infécondité. La société a travaillé en partenariat avec plusieurs organismes importants. Nous estimons que la société contribue à améliorer la situation, sur le plan des transplantations et des greffes, au moyen des connaissances de ses membres et de leur volonté de participer à un nouveau système qui permettra d'améliorer les services offerts aux Canadiens.

Nous avons deux recommandations à faire au comité permanent. La première, c'est que la Société canadienne de fertilité et d'andrologie souhaite participer avec le gouvernement à la planification, à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à la gestion de mécanismes de surveillance pertinents des greffes de tissus et des transplantations d'organes, particulièrement en ce qui concerne la reproduction. D'autre part, la Société canadienne de fertilité et d'andrologie souhaite offrir son expertise dans le domaine des activités médicales, scientifiques et de laboratoire liées à la médecine reproductive.

Voilà qui met fin à mon exposé.

Le président: Docteur Jarrell, je vous remercie.

[Français]

Docteur Martin, vous avez le micro.

Dr Jules Martin (directeur général associé, Conseil canadien d'agrément des services de santé): Monsieur le président, permettez-moi, dans un premier temps, de remercier le Comité permanent de la santé de procurer au Conseil canadien d'agrément des services de santé l'occasion de s'adresser à lui dans le cadre de cette discussion sur les dons d'organes au Canada.

Avant que je traite du sujet, permettez-moi de vous décrire succinctement qui nous sommes. Vous trouverez cette description aux pages 1, 2, et 3 du document Fact Sheet qui vous a été remis ce matin ou aux pages 4, 5 et 6 du document intitulé en français Le Portrait organisationnel.

En résumé, le Conseil canadien est l'organisme sans but lucratif mis sur pied en 1958 par des représentants du milieu de la santé dont la mission est d'élaborer un programme d'agrément permettant aux organismes de santé de procéder eux-mêmes à l'appréciation de leur niveau de rendement. Cette analyse du rendement est rendue possible grâce à un exercice d'autoévaluation que fait lui-même l'organisme de santé à l'aide d'un cahier de normes. Cette autoévaluation est ensuite validée, lors d'une visite faite par des experts, des pairs, par l'examen d'indices de rendement et par le degré de satisfaction exprimé par la clientèle qui utilise les services de l'organisme.

La valeur de l'agrément repose donc sur les points suivants, qui se trouvent en page 4 dans le document français et en page 2 de la Fact Sheet.

Le premier point porte sur le programme de normes nationales axées sur les processus et les résultats que veut élaborer le conseil. Je voudrais m'arrêter une minute sur le sens que nous donnons au mot «normes». Pour nous, Le mot «normes» recouvre non seulement la notion de normes essentielles, mais aussi celle de normes d'excellence. Les normes essentielles sont celles qui doivent être respectées immédiatement et en tout temps, alors que les normes d'excellence ou orientations peuvent n'être appliquées intégralement qu'après un certain nombre d'années.

• 0930

Nous parlons de normes d'excellence nationales dans le sens qu'elles sont définies, non pas par le siège social du Conseil canadien, mais bien par des comités d'experts invités à tour de rôle, à tous les trois ans, à les valider ou à les modifier. C'est pourquoi nous les appelons des normes nationales.

Nous préconisons, après que ce document a été mis au point, l'utilisation de l'autoévaluation, parce que dans le domaine de la santé, les procédures et les processus sont complexes. Personne n'est mieux placé pour évaluer ces processus que les intervenants en santé, ceux qui rendent ces services.

Bien sûr, on pourra dire que ceci peut devenir fortement subjectif. C'est pourquoi nous précisons, dans les points suivants, trois façons de valider cette autoévaluation: premièrement, une visite effectuée par des pairs, par des gens actifs dans le réseau de la santé et par des experts dans le même domaine; deuxièmement, l'examen d'indices ou d'indicateurs de rendement; et troisièmement, l'appréciation ou le degré de satisfaction de la clientèle. C'est par ces trois points que l'autoévaluation est validée.

C'est donc en raison de cette expertise développée par le Conseil canadien portant sur l'évaluation des services de santé que le groupe de travail mis sur pied par le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur les services de santé a demandé au Conseil canadien de participer aux travaux visant à élaborer et à implanter un programme fédéral-provincial de dons d'organes et de transplantations. Vous trouverez à la page 7 la description sommaire de ce comité de coordination ainsi que sa mission, qui a été élaborée par ce groupe de travail.

Parmi les étapes à suivre pour mener à bien ce projet, vous trouverez en page 8 le volet 2, qui porte entre autres sur l'identification du donneur potentiel d'organes ainsi que sur la collecte des organes. C'est notamment décrit dans le point 2.1: «Développer un objectif national des résultats ainsi qu'un cahier de normes portant sur l'identification du donneur potentiel ainsi que sur la collecte d'organes au sein des hôpitaux». Cela inclut la détermination des hôpitaux dans lesquels ces normes devraient s'appliquer; un mode d'évaluation du donneur potentiel; le taux de consentement requis; le rôle du personnel hospitalier nécessaire; l'évaluation du temps requis et du moment opportun où doit être prélevé l'organe; et, finalement, point très important, l'information qui doit être communiquée aux familles. Le point 2.3 explique comment ces normes doivent être intégrées au processus d'agrément et le point 2.4 explique la façon d'encourager ou inciter les hôpitaux cibles à implanter ce programme de prélèvement d'organes.

J'attire votre attention sur les «Considérations». En fait, pour l'intégration de ces étapes dans le cadre d'un programme de transplantation d'organes, la participation des services qu'on trouve habituellement dans les établissements de santé, dans les hôpitaux notamment, à savoir les salles d'urgence, les unités de soins intensifs et le personnel des sciences neurologiques, sera essentielle.

Ayant eu, depuis un certain nombre d'années, à procéder à l'évaluation de la coordination des activités de ces service que je viens de nommer, le Conseil canadien se trouve à notre avis très bien placé pour ajouter cette dimension à son rôle et pour inciter les établissements visités à procéder à leur autoévaluation quant à ces normes, tant essentielles que d'excellence.

C'est ainsi que le 7 décembre dernier, nous portions à l'attention des autorités du ministère de la Santé un document dont vous trouverez un court résumé aux pages 10 et suivantes. Ce document s'intitule Organ and Tissue Donation and Distribution. C'est une ébauche de proposition. Vous y trouverez, à la page 14, les objectifs que je vous ai énumérés, à savoir: élaborer un cahier de normes qui permette de définir des critères pour mieux identifier les donneurs; déterminer la façon de recueillir les organes sans délai dans les hôpitaux; et encourager les établissements à participer à un tel programme.

• 0935

Monsieur le président, je suis prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président: Merci, docteur Martin.

C'est maintenant au tour de M. Elley.

M. Reed Elley: Merci beaucoup, monsieur le président.

À nouveau, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à tous et à vous remercier d'avoir bravé les éléments. Après la réunion, Dr Jarrell et moi nous empresserons de rentrer le plus vite possible dans l'Ouest afin de retrouver des cieux plus cléments.

Docteur Martin, les suggestions et les objectifs que vous exposez à la page 14 de votre document m'intéressent. Une des questions qui donne du fil à retordre au comité est celle du consentement éclairé. La plupart d'entre nous ont la conviction profonde qu'il faut trouver une solution nationale. Il faudrait que les éventuels donneurs ainsi que leurs familles—à mon avis, il faut y inclure les familles—aient en main tous les faits avant de signer la carte ou le document quelconque autorisant le don.

Vous travaillez avec des hôpitaux en vue de mettre sur pied un processus d'agrément qui ferait en sorte qu'une norme nationale uniforme soit appliquée au prélèvement d'organes. Au bout du compte, ces normes seraient-elles quasi facultatives dans le processus d'agrément? Si elles l'étaient et qu'un scandale éclatait dans le cadre duquel il n'y avait pas de consentement éclairé, par exemple—supposons que la façon dont a été prélevé un organe pour un don fait scandale—, pourrait-on prendre des sanctions à l'égard d'un hôpital ou d'une équipe médicale si le protocole n'avait pas été respecté?

[Français]

Dr Jules Martin: Monsieur le président, je crois que oui, en ce sens que nous estimons devoir prendre toutes les mesures pour obtenir le consentement éclairé du patient ou de sa famille. J'estime qu'une équipe de soins ou un établissement sera toujours en faute s'il ne peut faire la preuve qu'il a pris les mesures nécessaires pour obtenir ce consentement éclairé.

Quand cela s'avère difficile, c'est là que nos normes ou clinical practice guidelines peuvent aider, en conseillant de réunir les meilleures conditions pour obtenir ce consentement. Il est difficile pour une équipe de soins d'aborder une famille et de lui demander de signer un consentement quand cette famille estime que nous devons toujours, en tant que thérapeutes, faire l'impossible pour sauver la vie du patient. Les membres de cette famille nous demanderont tout de suite si nous avons fait l'impossible et si nous sommes certains de notre diagnostic selon lequel la fin de la vie est toute proche.

Il n'y a pas de recette infaillible. Ce que nous voulons promouvoir, c'est la façon la meilleure par laquelle les équipes de soins peuvent arriver à obtenir ce consentement. Nous estimons que ce consentement doit être obtenu.

[Traduction]

M. Reed Elley: Je vous remercie, docteur Martin.

Voici une question qui s'adresse à quiconque souhaite y répondre. Quand nous examinons le meilleur moyen de le faire partout au Canada, c'est-à-dire de fixer une norme nationale de sorte que chaque compétence travaille concurremment avec les autres, avez-vous des préférences personnelles? Certains ont suggéré, bien sûr, que nous utilisions les déclarations d'impôt sur le revenu, les formulaires de recensement et d'autres moyens. L'un d'entre vous peut-il nous faire part de ses réflexions à ce sujet?

• 0940

[Français]

Dr Jules Martin: Je connais des provinces où on demande spécifiquement, par exemple sur le permis de conduire, de signer à l'avance, au moment où on est en bonne santé, une autorisation de prélever éventuellement un organe. Néanmoins, à mon avis, il doit y avoir un consentement ultérieur. Est-ce que je suis vraiment à l'article de la mort? À ce moment-là, je demande à ma famille d'agir en mon nom.

On demande aussi ce genre de première autorisation au moment du renouvellement de la carte d'assurance-maladie. Dans chacune des provinces, la même question est posée. On pourrait peut-être retrouver à l'endos de cette carte ce premier consentement du patient ou du citoyen à l'égard de l'éventuel don de ses organes.

[Traduction]

M. Reed Elley: Merci.

Docteur Jarrell, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Dr John Jarrell: Je suis certes en faveur d'accroître la sensibilisation des Canadiens au besoin de dons de tissus. Je suis également conscient qu'il importe au plus haut point de bien comprendre ce que cela engage. La signature apposée au bas d'une carte est un moyen. Je pense, comme le Dr Martin, qu'il y a encore beaucoup à faire avant d'en arriver à un consentement éclairé dans ce domaine.

Je connais aussi les complexités associées à un autre domaine de soins, c'est-à-dire aux soins intensifs, et les complexités associées aux dons d'organes et de tissus des personnes soignées dans ces services. C'est un domaine qui exige une réflexion profonde. La reconnaissance pertinente de ce qu'est un éventuel donneur doit relever de la compétence d'un médecin responsable qui participe à ce débat, sans quoi les décisions prises pourraient s'avérer fort difficiles et peu judicieuses. À mesure que nous avançons dans ce domaine particulier, il est très important, selon moi, de faire participer des médecins spécialisés dans les soins intensifs et de voir comment faire ces premiers choix très difficiles qui, tout en respectant la vie humaine, favorisent aussi les dons.

M. Reed Elley: D'autres membres du groupe ont-ils quelque chose à ajouter?

M. André LaPrairie: Vous avez probablement entendu l'avis de la plupart des experts qui travaillent vraiment en milieu hospitalier et qui sont confrontés aux questions de consentement éclairé. Ils semblent dire qu'ils continuent d'obtenir le consentement des familles, même si le donneur a déjà signé des documents. Le document signé sert surtout à sensibiliser les familles au fait que la personne souhaitait faire un don. Manifestement, cela aide beaucoup à obtenir le consentement.

Cela nous amène donc au choix du meilleur moyen à utiliser. Si vous cochez une case de consentement sur un formulaire de recensement ou sur la déclaration d'impôt, l'hôpital en obtiendra-t-il copie? Je suppose que c'est là la question à laquelle il faut répondre, mais j'ignore qui peut fournir la réponse. Il me semble moins probable que l'on puisse obtenir copie des déclarations d'impôt d'un contribuable que son permis de conduire. Le facteur déterminant, c'est de savoir quel système vous donnera cette information, pour que les familles puissent plus facilement prendre la décision.

M. Reed Elley: Je vous remercie.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis heureuse de constater que les deux représentants du ministère ont le sens de l'humour, ce matin. En fait, j'espère qu'ils pourront me dire que le changement d'appellation de leur service d'attache dans tous les documents officiels est une farce. Nous venons tout juste de recevoir le budget des dépenses qui ne mentionne nulle part la Direction générale de la protection de la santé. Si j'ai bien compris, votre bureau s'appelle maintenant Gestion des risques pour la santé. Ma première question est donc de savoir si vous êtes en train de changer l'appellation de votre service. Dans l'affirmative, nous aviserez-vous bientôt que vous travaillez maintenant pour la Gestion des risques pour la santé?

M. Dennis Brodie: Je n'étais certes pas au courant. Que je sache, nous travaillons toujours pour la Direction générale de la protection de la santé. Je crois que ce dont vous parlez dans le budget est ce qu'on appelle le secteur d'activité. Il existe un secteur Gestion des risques pour la santé dont fait partie la Direction générale de la protection de la santé. C'est du moins ce que j'en sais, mais je ne suis certes pas un expert.

• 0945

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vous sais gré de ce commentaire. Toutefois, si l'on compare le budget de cette année à celui de l'an dernier, on constate dans le document que le nom du secteur a changé, passant de Direction générale de la protection de la santé à Gestion des risques pour la santé.

Le président: Navré de vous interrompre, mais nous aurons l'occasion d'éplucher le budget plus tard.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Il y a un net rapport avec ce dont nous discutons, parce qu'en fait...

Le président: Je vous prierais donc de faire ressortir le lien.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Il devrait sauter aux yeux, monsieur le président. Il est question du cadre réglementaire à appliquer aux organes, aux tissus et à la recherche animale, surtout à la lumière du document qu'a présenté le ministère sur le sujet et qui s'intitule «Cadre de gestion des risques». Dans ce document, on met la population devant le choix d'avoir un cadre réglementaire ferme dont les modalités sont obligatoires et coercitives ou une approche normative, c'est-à-dire plus facultative. C'est le débat qu'il nous faut faire en tant que comité.

J'aimerais que les porte-parole du ministère me disent sur quoi ils se fondent pour recommander une approche normative plutôt qu'une approche réglementaire, beaucoup plus rigoureuse.

M. Dennis Brodie: L'approche normative est certes obligatoire. Ce qui arrivera, ce que nous proposons, c'est que les normes consensuelles élaborées par les experts et les consommateurs soient mentionnées dans le règlement, ce qui leur donnera en fait force de loi et les rendra obligatoires. C'est ce que nous proposons. Il n'y a aucune connotation facultative. On confond peut-être avec ce que fait le Conseil canadien d'agrément des services de santé. Ses exigences concernant l'agrément des hôpitaux sont certes d'adhésion facultative. Nous ne proposons pas que les normes soient facultatives. Leur non-respect contreviendrait à la Loi sur les aliments et drogues.

Le président: Docteur Martin.

[Français]

Dr Jules Martin: Pour tout vous dire, même si depuis plusieurs années, le programme d'agrément est volontaire, il faut bien voir qu'au cours des 10 dernières années, les médias et le public en ayant été informés, ils demandent de plus en plus aux établissements pourquoi ils participent ou ne participent pas au programme d'agrément.

Nous notons donc, dans l'ensemble du pays, une pression intense qui est faite sur les organismes de santé pour qu'ils participent à ce genre de programme. Nous ressentons nous-mêmes cette pression; comme nous ne voulons absolument pas que les établissements déclarent aux médias qu'ils ne participent pas au programme parce qu'ils ne le trouvent pas bon, nous devons constamment nous efforcer de fournir les meilleures normes d'excellence et de respecter aussi les normes essentielles. Je pense que les médias et la population sont en train de rendre obligatoire, d'une certaine façon, une approche qui était à l'origine volontaire.

[Traduction]

Le président: Docteur Jarrell.

Dr John Jarrell: Je vous remercie. L'approche normative gagne de plus en plus d'appuis dans le domaine de la reproduction. Manifestement, toutefois, la pratique de la médecine évolue constamment. Des progrès sont constamment réalisés.

Je suppose que l'expérience que nous avons vécue lors de l'évaluation du Toronto Centre for Advanced Reproductive Technologies a été avantageuse, en ce sens que nous avons en réalité fait les deux à la fois. Nous nous y sommes rendus pour évaluer une norme, le règlement sur le sperme. Nous avons aussi consacré beaucoup de temps à l'amélioration constante. Il est très difficile d'améliorer la qualité des soins en se bornant à vérifier la conformité. Les principes associés à l'amélioration constante—examen par les pairs et constante remise en question—sont aussi très précieux pour faire progresser la pratique et la base de connaissances. Les normes ne dicteront jamais la pratique de la médecine, mais elles feront en sorte que les soins médicaux soient d'une bonne qualité.

• 0950

Je suppose que je pourrais simplement arguer que, d'après notre expérience, les deux peuvent se faire simultanément dans un milieu où l'on tient vraiment à améliorer les soins.

Deuxième point, nous avons aussi étudié le HFEA, qui est l'instance de réglementation britannique. Nous sommes allés le visiter, et c'était fort intéressant. Il fonctionne sous la direction d'une instance très centralisée qui utilise un très petit nombre d'inspecteurs qui se tiennent au courant de ce qui se passe dans une clinique en passant par ce qu'ils appellent une personne responsable. Cette personne responsable est chargée non seulement de voir au maintien des normes relatives aux soins prodigués, mais également d'en améliorer la qualité et d'effectuer les changements qui s'imposent dans la pratique. Donc, le HFEA fait aussi d'une pierre deux coups. Je crois que les deux fonctions vont de pair.

Le président: Rose-Marie Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie des exposés que vous avez faits ce matin. Nous avons eu plusieurs réunions à ce sujet particulier, et sans vouloir parler en mal des exposés, on nous a présenté d'excellents programmes...

Me voilà en train de vous écouter ce matin et je me demande s'il n'y a pas trop de groupes qui font la même chose. Chaque groupe qui a fait un exposé savait où étaient les problèmes: un faible taux de dons, le prélèvement d'organes... Tout le monde sait ce qui pose problème, mais on voit apparaître tous ces groupes différents et l'on se demande si chacun d'entre eux ne fait pas du surplace. Tous savent où est le problème. Tous ces dollars versés à divers organismes satellites créent-ils un problème? Se livre-t-on une lutte pour voler la vedette, pour trouver la solution? J'espère me tromper.

Le président: Docteur Martin.

[Français]

Dr Jules Martin: Il est certain que nous estimons que l'approche par autoévaluation fait en sorte que les gens qui la pratiquent prennent conscience de leurs difficultés et mettent sur pied un plan d'action qui a beaucoup plus de chances d'être réalisé.

À notre point de vue, l'autoévaluation, bien sûr validée, est l'avenue tout indiquée pour encourager les établissements et les citoyens à avoir une bonne perception du don d'organes. Je ne sais pas si, par le passé, les associations qui se sont présentées devant vous ont parlé de cet effort qui est fait relativement à l'autoévaluation. Quant à nous, c'est notre point fort.

[Traduction]

Mme Rose-Marie Ur: Avez-vous quelque chose à dire, docteur Jarrell?

Dr John Jarrell: Je ne suis pas sûr que la solution soit toujours de mettre sur pied une structure unique qui prenne tout en charge. Un des plus grands avantages de la situation actuelle—et nous en avons discuté avec la Commission royale également, lorsque l'approche était d'avoir un seul organisme de réglementation national pour tout faire... Il est évident que l'on peut regrouper certaines choses en utilisant les installations existantes, même s'il existe une sorte de petit organisme de réglementation. Un des plus grands avantages, à mon avis, est en réalité ce qu'ont fait nos collègues, soit d'obtenir que tous adhèrent à ces normes générales canadiennes s'ils font des transplantations d'organes et des greffes de tissus, y compris tous les sous-ensembles. C'est là une norme vraiment nationale, et le gouvernement du Canada semble vouloir adopter cette voie. Savoir s'il faut confier cela à un organisme qui assume des responsabilités opérationnelles et qui a la capacité de gestion exige tout un débat, et je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire. Ce n'est plus du tout la même chose quand on opérationnalise toutes les transplantations d'organe et les greffes de tissu.

Mme Rose-Marie Ur: Je suis d'accord avec vous. En réalité, notre priorité numéro un devrait être l'Élaboration de normes nationales, puis la création d'un registre. La question suivante qui revient le plus souvent probablement est le véritable consentement. Comme vous le savez fort bien, on peut signer une carte, mais la famille peut annuler cette décision si elle le juge bon.

• 0955

Serait-ce l'ordre de priorité que vous établiriez pour réaliser des progrès?

Dr John Jarrell: Tout à fait. Je serais d'accord pour dire que la priorité numéro un dans ce domaine, soit les normes relatives aux soins, est absolument essentielle. Les divers aspects du consentement en découlent. Je crois que ce que nous faisons en ce moment, c'est un débat politique, car nous avons des convictions très profondes au sujet de cette question du consentement.

Mme Rose-Marie Ur: Fait-on beaucoup appel aux récepteurs à cet égard? Les récepteurs et leurs familles représenteraient selon moi un excellent moyen de faire vraiment valoir les vertus du don d'organes. Nous pouvons juger de l'extérieur, mais ils sont partie prenante au processus. Fait-on souvent appel à eux?

Dr John Jarrell: Probablement pas autant qu'il le faudrait.

Je dirige le personnel médical du Calgary Regional Health Authority. Cet organisme compte 1 700 médecins, quatre hôpitaux, quatre services de soins intensifs. Nous sommes d'ardents partisans des dons d'organes et de tissus, mais nous prenons aussi soin de ne pas nous cantonner dans cette seule optique. Il existe d'autres aspects aux soins.

J'ai mentionné les médecins qui se spécialisent dans les soins intensifs. Nous aimerions que les médecins qui sont responsables de repérer d'éventuels donneurs soient obligés de rendre des comptes au sujet de cette activité, sur le plan professionnel. Il le faut. Toutefois, il faut aussi que l'on prenne les bonnes décisions.

Nos médecins qui prodiguent les soins critiques sont très préoccupés par le fait que des pressions inappropriées qui n'aboutissent pas vraiment à un consentement éclairé puissent mener à une mauvaise utilisation des ventilateurs dans les services de soins intensifs. À leur avis, il est très important que la première décision soit prise en pleine connaissance de cause et que les médecins qui y participent assument leurs responsabilités et répondent de leurs décisions.

Leur argument est très convaincant. Cela montre bien la nécessité de faire un examen général de ce grave problème, plutôt que de simplement examiner le tout dans l'optique des transplantations et des greffes.

[Français]

Le président: Docteur Martin, je voudrais prendre la parole. À la page 13 de la version anglaise de votre présentation, au quatrième paragraphe, il est dit qu'on a l'impression que l'Ontario et le Québec ont un besoin moins grand

[Traduction]

de partager des organes, parce qu'ils peuvent répondre eux-mêmes à la plupart de leurs besoins. C'est peut-être le temps qu'il fait dehors, mais on dirait qu'il n'y a pas vraiment de problème en Ontario et au Québec. S'ils peuvent répondre à leurs besoins eux-mêmes, où manque-t-on d'organes?

[Français]

Dr Jules Martin: Je pense que c'est simplement une perception due au fait que la population est plus nombreuse dans ces deux provinces. C'est l'avis du Conseil consultatif sur les services de santé. Cependant, ce n'est pas le nôtre. Selon nous, ces deux provinces connaissent le même type de problèmes. À cause de la population plus nombreuse, la possibilité de recevoir des organes est plus grande, mais les besoins en matière de transplantation peuvent aussi être plus grands. Il y a plus de gens malades car ils sont plus nombreux. C'est une perception que nous ne partageons pas. Vous avez résumé une opinion d'autres personnes; ce n'est pas notre perception à nous.

[Traduction]

Le président: Je n'ai tout simplement pas vu que la perception était mauvaise.

Docteur Martin.

[Français]

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

La présence de deux Martin à la table rend les choses difficiles.

Le président: Il ne faudrait donc pas que nous vous appelions docteur Martin.

M. Keith Martin: Je vous remercie tous énormément d'être venus ici aujourd'hui.

Docteur Jarrell, on pourrait aller jusqu'à dire que les transplantations sont sans danger au Canada, actuellement. On pourrait aussi dire avec pas mal de certitude qu'on fait des transplantations en tant qu'interventions critiques pour ceux qui, s'ils ne reçoivent pas le nouvel organe, mourront probablement ou, au mieux, passeront le reste de leur vie branchés à un appareil de survie, par exemple de dialyse. J'affirmerais, monsieur, que, parce que l'intervention est sans danger et de par sa nature même, il ne faudrait pas attendre que soient arrêtées des normes nationales au Canada pour mettre sur pied quelque chose comme un registre national, qui pourrait être essentiel en vue d'accroître le nombre de dons qui nous manque si cruellement en ce moment.

• 1000

Si nous classons nos besoins actuels par ordre de priorité, nous avons désespérément besoin de plus d'organes. En fait, l'établissement de normes nationales peut attendre. J'ai lu l'entente fédérale-provinciale et pris conscience des normes nationales dans toute leur complexité—complexités dont il faut prendre connaissance. J'étais un peu attristé de savoir que, si nous attendons que l'on mette les points sur les i et les barres sur les t, de nombreux autres Canadiens mourront inutilement.

Voici ma question. Ne croyez-vous pas qu'il serait plus raisonnable de mettre en place un registre national de dons d'organes et d'autres mesures du genre plutôt que d'attendre l'adoption de normes?

Je voudrais aussi que M. LaPrairie me dise si, à son avis, il serait nécessaire d'imposer des mesures punitives aux hôpitaux qui ne répondent pas aux attentes. Je ne suis pas en faveur de mesures punitives à l'endroit des hôpitaux. Je pense que la meilleure façon de procéder est de les convaincre qu'il est dans leur meilleur intérêt et dans celui de la collectivité de participer à un processus de prélèvement d'organes.

Enfin, pour ce qui est des normes, les États-Unis ont des normes. Est-ce vraiment nécessaire de réinventer la roue? Pouvons-nous examiner ce que font les Américains et appliquer cela au contexte canadien?

L'un ou l'autre des participants peut répondre à ces questions. Merci.

Le président: Docteur Jarrell.

Dr John Jarrell: Je ne connais pas bien le processus d'approbation des normes. Ayant participé à l'établissement de normes générales canadiennes, je crois savoir que ce travail est assumé par les mêmes personnes qui ont déjà collaboré au dossier. Ces dernières se répandent. Les normes applicables à notre société professionnelle ont été appuyées par notre conseil d'administration.

C'est un processus évolutif. Je ne m'inquiète pas de l'échéancier en ce qui concerne le registre de donneurs et l'élaboration des normes parce qu'à mon avis, les normes élaborées par les divers groupes sont en train de s'implanter grâce à l'adhésion volontaire des sociétés professionnelles. Et le groupe des organes pleins tire parti de ces activités. Les intervenants souhaitent vraiment faire ce qu'il y a de mieux. Nous vivons dans un milieu où l'on offre des soins médicaux de très haut niveau. Par conséquent, je pense que les personnes qui s'intéressent vraiment...

Vous voulez savoir si nous devrions avoir un système d'observance et d'inspection à cet égard avant que vous ne donniez le feu vert au registre des donneurs. Non, je ne vois pas de problème.

M. Keith Martin: Non, je voulais savoir si nous devons attendre que soient mises en oeuvre ces normes nationales avant d'instaurer un registre national ou une stratégie autorisée de sélection. A mon avis, un tel registre permettrait de multiplier le nombre de donneurs possibles en très peu de temps et d'apporter un soulagement crucial aux personnes qui ont besoin d'une greffe d'organes maintenant, plutôt que de laisser 150 autres Canadiens mourir inutilement?

Dr John Jarrell: Non. Personnellement, j'ai l'impression que ces normes n'apparaîtront pas du soir au lendemain. Nous ne passerons pas soudainement de la pénurie à l'abondance. Il y a une pratique en voie d'évolution. Si l'on voulait lancer le processus de création d'un registre de donneurs, je n'y verrais pas d'objections.

M. André LaPrairie: Au sujet de la mise en oeuvre des normes, elles ont déjà été communiquées, sous forme d'ébauche, aux programmes de transplantation. Déjà, de nombreux programmes normalisent leurs pratiques de sélection des donneurs, de tests sanguins, de tenue de dossiers. Avant même que la norme soit finalisée, nous constatons un changement dans les pratiques, et c'est encourageant. L'important, c'est d'obtenir cet appui de la base en faveur des pratiques normatives.

Comme je ne suis pas avocat, je laisserai Denis répondre plus en détail au sujet des mesures punitives. Je suppose qu'il en faut, mais en dernier recours. Il est préférable de compter sur la pression des pairs et sur la volonté de respecter les normes au lieu d'avoir recours à des menaces d'emprisonnement. Je ne pense pas que qui que ce soit ait été jeté en prison pour infraction aux règlements concernant les produits sanguins. Est-ce vraiment la solution idéale?

• 1005

Si l'on compare les normes et le registre national, la question est de savoir dans quel délai un registre national peut être institué et faire une différence? Cela demeure un nouveau concept. Le défi pour tout projet de registre provincial ou national consiste à multiplier le nombre de donneurs. Une norme peut englober, outre les éléments de sécurité qui existent déjà, des directives concernant le repérage des donneurs dans les hôpitaux et la formation du personnel médical chargé d'évaluer les pratiques. Ces normes ne relèvent pas de la sécurité. On ne les retrouvera sans doute pas dans les règlements sur les aliments et drogues, mais elles font partie d'un processus d'agrément. Encore une fois, grâce à une norme, on peut atteindre de nombreux autres objectifs, en plus de garantir le caractère sécuritaire des greffes.

Voulez-vous dire quelques mots au sujet des mesures punitives?

M. Dennis Brodie: Je veux simplement dire que je suis d'accord avec André et le Dr Jarrell. Je pense que la meilleure façon d'aborder ce concept est de s'en tenir aux meilleures pratiques et à l'examen par les pairs. Lorsque les professionnels adhéreront à la norme et reconnaîtront que c'est la meilleure pratique, ils la respecteront. Au bout du compte, s'il y a un problème, chose certaine, si une norme est dénoncée aux termes de la Loi sur les aliments et drogues, le gouvernement fédéral aura à sa disposition tous les mécanismes d'exécution lui permettant de prendre les mesures qui s'imposent dans les circonstances. Qu'il s'agisse de retirer un permis, de déposer une injonction ou d'entamer des poursuites au criminel, toute la gamme des options sont disponibles. Quant à savoir ce qui est approprié dans les circonstances, c'est une question à laquelle nous ne pouvons répondre.

Le président: Veuillez laisser le Dr Martin répondre et ensuite, vous pourrez revenir.

M. Keith Martin: Je veux simplement obtenir une précision de la part du Dr Martin.

Le président: Allez-y, docteur Martin.

[Français]

Dr Jules Martin: Si je comprends bien la question à propos du registre national, je suis d'avis que mettre sur pied très rapidement un registre national de donneurs n'augmentera pas le nombre de donneurs disponibles tant et aussi longtemps que des actions ne seront pas prises concernant des normes pour inciter les donneurs à donner.

Un registre national établi aujourd'hui pourrait peut-être rendre plus facilement disponible un rein provenant de Terre-Neuve pour un patient de l'Alberta, mais cela n'augmenterait pas sur-le-champ le nombre de donneurs.

[Traduction]

M. Keith Martin: Je suis heureux, docteur Martin, que vous ayez mentionné cela. Cela vaut pour vous et M. LaPrairie.

Je précise. Je suis favorable à un registre national, mais parallèlement, il faut accroître les possibilités de devenir donneur d'organes. Lorsque j'ai mentionné les formules d'impôt, cela ne permettrait pas l'accès aux déclarations d'impôt sur le revenu des citoyens. On pourrait plutôt joindre à la formule de déclaration un feuillet distinct où le citoyen pourrait préciser s'il veut être donneur d'organes non. Tous les ans, les citoyens auraient l'occasion de remplir ce feuillet. Ils pourraient l'envoyer au registre national, par exemple. On pourrait y avoir accès par l'entremise du numéro d'assurance sociale ou du numéro de la carte-santé, surtout de ce dernier.

Du point de vue informatique, il n'y aurait pas de lien, mais cela accroîtrait la fréquence d'inscription possible comme donneur d'organes au lieu de le faire une fois tous les cinq ans en l'inscrivant sur son permis de conduire, ce qui est tout à fait insatisfaisant. En mariant ces deux formules, on pourrait augmenter le nombre potentiel de donneurs d'organes.

Le président: Heureusement que c'était une brève précision. Je ne suis pas sûr que cela exige une réponse. Si vous voulez...

M. Keith Martin: Peut-être une brève réponse.

Le président: Monsieur LaPrairie.

M. André LaPrairie: Je pense qu'il serait utile de savoir comment vous définissez un registre national—les ressources nécessaires, les coûts, le fonctionnement. Nous avons à tout le moins fait cela pour notre cadre de gestion des risques. Il serait beaucoup plus facile de répondre à ces questions si nous savions ce que vous entendez précisément. Comment utiliserait-on la déclaration d'impôt? Comment le registre serait-il établi? Comment un hôpital pourrait-il y avoir accès? Et combien cela coûterait-il?

Potentiellement, cela pourrait être avantageux. Cela permettrait de canaliser les dons. À l'heure actuelle, il y a de nombreuses questions sans réponse. Les choses seraient beaucoup plus faciles si nous avions un document énonçant les objectifs que vous espérez atteindre.

• 1010

Le président: Docteur Martin.

[Français]

Dr Jules Martin: Personnellement, je m'opposerais à ce qu'un consentement préliminaire de ma part soit inscrit dans un registre national. Entre ce consentement préliminaire et les faits, comme mon admission dans une unité de soins intensifs, l'appréciation par les médecins de mon état pathologique et l'endossement par ma famille d'une décision semblable, il y a beaucoup trop de points d'interrogation pour que mon nom soit placé tout de suite sur un registre national de donneurs potentiels.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur LaPrairie, vous venez de faire référence au cadre de gestion des risques et, dans ce cadre, vous mentionnez les normes générales. Vous en avez parlé de nouveau dans votre exposé et en réponse à M. Martin. Avez-vous communiqué ces documents au comité ou doivent-ils être rendus publics ultérieurement?

M. André LaPrairie: Nous attendons que les normes soient traduites et nous espérons qu'elles seront prêtes d'ici peu. C'est la seule chose qui nous a empêchés de vous les remettre. Nous pouvons vous fournir des exemplaires précédents qui ont été traduits pour que vous ayez une idée de ce dont il est question, si vous jugez que ce serait utile.

Le président: Je pense qu'il serait utile que le comité ait une idée de leur contenu car si je ne me trompe, votre échéancier est tel qu'elles risquent d'être rendues publiques une fois que le comité aura terminé son étude.

M. André LaPrairie: Nous allons faire en sorte que vous voyiez les ébauches précédentes et nous allons accélérer la traduction pour que vous puissiez prendre connaissance des ébauches finales.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan (Thorhill, Lib.): Merci beaucoup.

Au sujet d'un registre national, ce qui m'inquiète, d'après les témoignages que j'ai entendus, c'est que même si les donneurs sont repérés, il faut quand même pressentir les familles avec beaucoup de délicatesse. C'est bien beau d'avoir un registre, mais si notre démarche auprès des personnes concernées ne suscite pas une réponse positive, que la personne figure au registre ou non, nous ne verrons pas d'augmentation du taux de dons d'organes.

Dans le cadre du système en vigueur en Colombie-Britannique, on montre à la famille la signature de la personne. Je trouve ce modèle fort intéressant car le fait de pressentir les familles, de les aider à comprendre la volonté d'un être qui leur est cher contribue à améliorer le pourcentage de dons.

Personnellement, j'estime qu'il faut respecter les voeux de la personne, mais je suis aussi très consciente qu'il s'agit d'un moment très traumatisant pour les membres de la famille. Il faut donc traiter ces personnes avec beaucoup de délicatesse. Je ne voudrais pas que l'on mette sur pied un régime qui ne fasse pas participer la famille à cette importante décision.

Je crains qu'on s'imagine à tort régler le problème uniquement en créant un registre national. D'après les témoignages que nous avons entendus, je crois comprendre qu'à elle seule, cette mesure ne donnera pas les résultats souhaités.

Pouvez-vous nous dire quelles sont les différentes composantes nécessaires—le rôle du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial—pour multiplier les dons d'organes et faire en sorte que cette initiative donne des résultats concrets et ne soit pas que de la poudre aux yeux.

Dr John Jarrell: Je suis sensible à vos commentaires.

Le faible taux d'augmentation du nombre de donneurs pose la question de la responsabilité professionnelle des médecins traitants. Il y a lieu de se demander si nous avons exigé avec suffisamment de vigueur que la profession médicale rende des comptes au sujet de l'application d'une norme en matière de soins.

Que l'on opte pour des normes ou pour une banque de donneurs d'organes, il faut rehausser l'intégrité professionnelle des dispensateurs de soins. Cette démarche serait sans doute assumée au mieux par les collèges de médecins et chirurgiens des provinces. Chose certaine, il a été porté à notre attention qu'une frustration extrême existe lorsqu'un patient est détubé dans la salle d'urgence. Il aurait pu y avoir don, mais personne n'a pris le temps ou fait l'effort de contacter la famille. En tant que clinicien, je pense qu'il serait plus rentable d'essayer d'améliorer les pratiques des médecins concernés—au lieu d'essayer de contrôler la profession, ce qui ne fonctionne jamais pour la pratique de la médecine.

• 1015

Mme Elinor Caplan: Mais vous avez parlé de «responsabilité».

Dr John Jarrell: Oui.

Mme Elinor Caplan: Quels mécanismes de responsabilisation efficace envisagez-vous?

Dr John Jarrell: Ces mécanismes doivent s'inscrire dans la matrice complexe de la responsabilisation professionnelle associée aux centres hospitaliers, aux organismes sanitaires régionaux, au droit d'exercer, mais ce qui incitera la plupart des médecins à changer leurs pratiques, c'est qu'ils ne souhaitent pas être considérés comme un astérisque. Aucun médecin ne veut être perçu comme déviant énormément de la norme.

Mme Elinor Caplan: Par conséquent, des rapports officiels sur...

Dr John Jarrell: Assurer la responsabilisation, c'est faire des rapports sur les pratiques individuelles des médecins au sein de leurs services, c'est informer les intensivistes de la disponibilité des donneurs, c'est faire comprendre que c'est un dossier suffisamment important aux yeux du chef de service ou de département pour que cela marque le début d'un processus d'éducation. C'est donc un processus qui n'est pas uniquement le lot des équipes de transplantation, mais qui intéresse également les équipes de soins critiques, les urgentologues, en particulier les neurochirurgiens, par exemple.

Où s'inscrit l'éducation permanente et le perfectionnement professionnel dans ce projet? À mon avis, je pense qu'il est beaucoup plus valable d'opter une approche concertée que de créer un système policier.

M. André LaPrairie: Il est un peu injuste de critiquer trop vivement l'idée d'un registre national ou provincial. Les personnes les plus aptes à vous dire si cela fonctionne ou non sont en Colombie-Britannique. C'est là qu'on est le plus avancé. Les personnes compétentes pourront vous faire une description intéressante du système et vous en préciser le coût. Ce sont sans doute elles qui sont les mieux placées pour vous dire comment ce dossier pourrait évoluer.

On montre à la plupart des personnes que l'on aborde au sujet d'un don d'organes une carte de donneur. Si la carte de donneur est signée, les familles respectent habituellement la volonté de leur proche. La question est donc de savoir comment communiquer cette information de façon constante pour obtenir l'excellente moyenne au bâton que l'on recherche?

Le président: Monsieur Jackson.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Dans bien des instances, et non seulement au sein de notre comité, on entend dire que d'autres pays font telle ou telle chose, qu'il y a déjà eu des essais. Mais lorsque nous amorçons une étude comme celle-là, nous avons tendance à faire du sur place car on nous dit parfois qu'il faut procéder à des essais et convenir des pratiques appropriées avant que la Direction générale de la protection de la santé donne le feu vert à un nouveau médicament, une nouvelle technique ou quoi que ce soit d'autre.

Je veux savoir pourquoi on ne pourrait pas adopter la norme américaine ou la norme européenne, par exemple. Comment faire pour tirer nos propres conclusions? De quelle façon nos méthodes diffèrent-elles de celles des autres pays ?

M. André LaPrairie: Nous envisageons toujours la possibilité d'adopter des normes internationales et s'il y en a qui sont disponibles et qui répondent à nos critères, c'est-à-dire qu'elles ont été adoptées par consensus, qu'elles sont dans les deux langues officielles, etc., il est facile de s'y référer. En fait, dans le cas de nombreux produits pharmaceutiques, c'est qui arrive. On fait référence à une pharmacopée internationale.

Les États-Unis ne sont pas nécessairement plus avancés que nous dans l'élaboration de normes. Ils le sont sans doute sur le plan de la description des tissus relevant de leur contrôle et des instruments médicaux, mais je ne pense pas qu'ils soient plus avancés que nous pour ce qui est des normes, à tout le moins pas pour les tissus ou les organes transplantés. En fait, il semblerait que notre modèle leur plaise, particulièrement parce que nous normalisons tous les domaines.

Les Américains réglementent les greffes d'organes séparément des greffes de cellules souches et des transplantations de tissus et à l'heure actuelle, ils essaient de déterminer où insérer les tissus reproducteurs. Peut-être que s'ils devaient repartir à zéro, ils adopteraient une norme exhaustive, comme nous.

M. Ovid Jackson: Leur système est-il façonné par les exigences de l'industrie plutôt que par l'intérêt public national? Comment notre système se compare-t-il au leur à cet égard?

• 1020

M. André LaPrairie: Pour ce qui est des greffes d'organes pleins, le bien public a prévalu. Les Américains ont reconnu avoir un système de soins de santé différent qui auraient pu donner lieu à une répartition inéquitable des organes. Par conséquent, ils ont adopté une loi et créé dans tout le pays des organismes de prélèvement d'organes qui fonctionnent sur une base contractuelle sous l'égide du gouvernement fédéral. En l'occurrence, le bien public a eu préséance.

Pour ce qui des banques de tissus, étant donné qu'il y avait possibilité de recouvrement de coûts, c'est l'industrie qui a établi les normes à cet égard. En effet, les intervenants voulaient s'assurer de ne pas faire face à des concurrents qui coupent au plus pressé. Ils ont institué un processus d'agrément pratiquement indépendamment du gouvernement à l'origine, et maintenant, la FDA s'intéresse à cette pratique. Par conséquent, selon le genre de transplantation dont il est question, différents aspects entrent en jeu.

M. Ovid Jackson: Je ne veux pas aborder l'aspect éthique à savoir, qui reçoit les organes car c'est toujours un problème. C'est habituellement ma collègue Judy qui pose cette question. Mais ce qui arrive dans un système à deux vitesses comme celui-là, c'est que ce sont les personnes les plus nanties et les plus sophistiquées qui reçoivent les organes.

Avons-nous suffisamment de garanties pour s'assurer que cela ne se produise pas?

M. André LaPrairie: Notre système est différent de celui des Américains et comme nous avons déjà des hôpitaux gérés par les provinces, il n'y a pas de concurrence. Chose certaine, chaque province a sa propre liste de patients qui attendent des organes et les répartit sur la base d'un algorithme. D'autres experts vous en ont sans doute parlé. Je ne pense pas qu'on puisse affirmer qu'il existe un système à deux vitesses pour l'allocation d'organes.

Ce qui nous préoccupe, c'est que les différentes provinces ont des critères différents pour inscrire leurs patients sur la liste et allouer les organes; à cause de cela, le partage est difficile. Si un centre hospitalier décide que les patients de plus de 55 ans ne seront pas inscrits sur la liste des candidats aux greffes du coeur et qu'un autre décrète que la limite d'âge est 65 ou 70 ans, cela rend difficile le partage d'organes entre eux. Pourquoi partageriez-vous un coeur que vous n'auriez pas transplanté à ce patient dans votre propre hôpital? Voilà pourquoi on souhaite une certaine normalisation.

M. Ovide Jackson: Merci.

Le président: John, voulez-vous conclure cette partie?

Dr John Jarrell: À titre d'information, dans le domaine de la reproduction, il n'existe pas d'uniformité en matière d'assurance. En fait, la plupart des provinces ne paient pas. Il existe donc un système à deux vitesses pour ce qui est de l'accès à ces technologies au Canada. En Alberta, le régime ne paie pour aucune intervention mettant en cause des technologies de reproduction; en Ontario, certaines sont payées, d'autres non.

Pour répondre à votre question, il existe un système à deux vitesses pour ce qui est des techniques de reproduction.

Le président: Monsieur Vellacott, très brièvement.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Nous avons déjà abordé une fois ou deux la question de savoir comment intégrer cela à la formule de recensement national ou à la formule de déclaration d'impôt sur le revenu. Je continue de penser que nos recherchistes font faire état de la possibilité de poursuites criminelles, par exemple, en cas de refus de remplir intégralement la formule de recensement.

J'ai raté la première partie de la séance. A-t-on discuté de l'opportunité—ce qui n'est peut-être pas le terme approprié—d'inclure une case où l'on pourrait cocher que l'on veut être donneur dans une formule de recensement ou de déclaration d'impôt? Je ne sais pas comment on pourrait formuler la question. Il faudrait qu'elle soit précise et reposer, dans une certaine mesure, sur la perception du consentement en connaissance de cause. Chacun de vous peut-il répondre?

M. André LaPrairie: J'ai dit tout à l'heure qu'avant d'hasarder un commentaire, il nous faudrait avoir plus de détails sur la façon dont le recensement se ferait, dont les données seraient accessibles aux hôpitaux. À l'heure actuelle, cela semble une proposition intéressante, mais il est difficile de formuler une opinion qui vaille.

M. Maurice Vellacott: Docteur Jarrell.

Dr John Jarrell: Je suis du même avis que M. LaPrairie. Les modalités de fonctionnement d'un tel système sont très complexes. En théorie, je pense que cela pourrait sensibiliser les citoyens et augmenter le nombre de donneurs. Mais cela s'inscrit dans le domaine complexe de la pratique de la médecine. Voilà pourquoi tout est dans les détails. Parce que cela s'inscrit dans la pratique quotidienne.

Le fait d'avoir signé son nom signifie-t-il automatiquement qu'il y aura don d'organes en cas d'événement fâcheux? Je ne suis pas certain que cela se produira à chaque fois et que ce soit nécessairement la chose à faire. Voilà pourquoi le système, peu importe celui que vous recommanderez, devra prendre en compte la complexité des services médicaux dispensés.

• 1025

M. Maurice Vellacott: Êtes-vous en train de me dire que le fait de cocher cette case reviendrait à manifester un intérêt et qu'il faudrait, en cas d'accident, vérifier... Qu'il faudrait faire une vérification exhaustive pour s'assurer que c'est bel et bien la volonté de la personne et ainsi de suite?

Dr John Jarrell: Si on veut améliorer le taux de dons d'organes destinés aux greffes, il faut adopter une approche axée, entre autres, sur le perfectionnement professionnel des cliniciens, la sensibilisation des donneurs, ainsi de suite, mais il faut que cette approche soit vaste et globale. Il n'y a pas de solution unique au problème.

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur Jarrell, vous avez fait plus tôt un commentaire intéressant. Vous avez dit que ce pays semble de plus en plus privilégier une approche axée sur les normes, surtout en ce qui concerne les technologies de reproduction. À votre avis, y aura-t-il, un jour, un projet de loi qui va remplacer le C-47 dans ce domaine?

Le président: Madame Wasylycia-Leis, pouvez-vous nous expliquer le lien qui existe entre ce projet de loi et le don d'organes?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le président, je ne fais que reprendre un des points abordés par un de nos intervenants.

Le président: Il n'est pas question ici du projet de loi C-47. Tenons-nous en au sujet à l'étude.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Il est question ici de tissus et d'organes, et ma question porte précisément sur ce sujet. C'est un point que ma collègue Pauline Picard a soulevé à maintes reprises. Il mérite une réponse, et vous devriez nous permettre d'en discuter sans interruption, monsieur le président.

Le président: Je vais demander à M. Jarrell s'il veut répondre à la question, mais je ne vois pas l'utilité de se lancer dans un débat sur le projet de loi C-47. Allez-y.

Dr John Jarrell: Personnellement, je pense que Santé Canada est en train d'établir un cadre de réglementation, bien que je n'en connaisse pas les détails. Nous appuyons le concept, mais je ne sais pas dans quelle mesure cela influe sur les travaux de ce comité-ci. Nous devons vraiment coordonner nos efforts à ce chapitre. J'espère que nous aboutirons à quelque chose de mieux, parce que je trouve déplorable que, six ans après le dépôt du rapport de la Commission royale, rien n'ait encore été fait. Nous avons fait ce que nous pouvions en matière d'agrément, mais ce qui m'inquiète, c'est que les Canadiennes ne connaissent toujours pas le taux de réussite des interventions qu'effectue la clinique qu'elles consultent, alors qu'elles continuent de débourser des sommes énormes pour celles-ci. Je trouve inquiétant de voir que cette lacune existe toujours. Je suis donc en faveur de l'adoption d'un processus de réglementation, que ce soit dans le cadre d'un projet de loi qui découle du C-47, ou des travaux qu'effectuent mes collègues. L'important, c'est qu'on fasse quelque chose.

Mme Elinor Caplan: À votre avis, devrait-on connaître le taux de réussite des procédures qui existent?

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai encore quelques questions à poser. Puis-je terminer?

Le président: Madame Caplan et madame Wasylycia-Leis, je vais vous permettre de poursuivre la discussion sur ce sujet. Toute autre question sera jugée irrecevable. Allez-y.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir à un autre point qu'à soulevé M. Jarrell, à savoir que le comité doit s'efforcer d'adopter une approche équilibrée à l'égard des dons d'organes et de tissus. Je pense que tout le monde est d'accord avec cela. Ce qui m'inquiète, c'est que le cadre de gestion des risques qui a été proposé ne préconise pas ce genre d'approche. Il privilégie un modèle fondé sur des normes, et rejette l'option d'un modèle réglementaire. En fait, il laisse entendre que l'homologation et l'inspection des programmes de transplantation coûtent trop cher, et que nous devons explorer d'autres avenues.

Comme cette solution risquerait d'être mal accueillie par les Canadiens, je me demande s'il ne serait pas possible d'adopter un modèle fondé sur des normes—avec lequel tout le monde serait d'accord—et d'encourager en même temps le gouvernement à jouer un rôle plus actif dans ce domaine, à effectuer, du moins à l'occasion, des vérifications, des inspections, des suivis, pour que les Canadiens puissent être rassurés quant aux organes qui sont prélevés ou utilisés à des fins de transplantation.

Le président: Monsieur LaPrairie, vous avez une trentaine de secondes pour répondre.

M. André LaPrairie: Cette proposition vous donne à penser que nous ne ferons aucune des activités que vous venez de décrire, et c'est faux. Ce que nous essayons de faire, c'est de permettre l'accréditation par des tiers aux fins de l'évaluation de conformité, sauf qu'il y aurait toujours des inspecteurs qui effectueraient des vérifications. Ils pourraient même mener des inspections combinées dans le but de nous aider à trouver des solutions. Mais l'idée est de faire appel à des experts, d'avoir un système d'agrément qui englobe non seulement la sécurité des organes et des tissus, mais également la transplantation, et d'harmoniser ces deux éléments. Nous ne voulons donc pas consacrer toutes nos ressources aux inspections annuelles, mais effectuer plutôt des vérifications, des suivis, de la surveillance, et vous en entendrez peut-être parler dans les exposés qui vont suivre.

• 1030

Le président: Merci beaucoup.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai deux brèves questions à poser. J'aimerais avoir des précisions du Dr Martin. Est-il juste de dire, si je me fis à votre exposé, que votre modèle va coûter 150 000 $ sur trois ans?

[Français]

Dr Jules Martin: Je ne peux pas vous donner de renseignements là-dessus. Je pense que cela est en accord avec les sommes que Santé Canada dit nous avoir consenties pour mettre le programme en oeuvre. Je ne suis pas en mesure aujourd'hui d'élaborer davantage.

Cependant, je puis vous dire que cela fait habituellement partie de la recherche, de la mise sur pied de comité d'experts, de la cueillette de la documentation déjà mise au point par l'organisme régulateur, de la formation des experts pour les visites, de la formation des établissements à la façon de s'y prendre pour procéder à l'autoévaluation et, finalement, des visites.

Je ne peux pas faire la ventilation des sommes d'argent mentionnées, du moins pas aujourd'hui.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Merci.

Docteur Jarrell, vous avez tapé dans le mille quand vous avez dit qu'il fallait adopter une approche globale. Je suis d'accord avec vous. C'est ce que j'ai conclu en entendant les témoins.

À votre avis, mis à part les efforts de réglementation du gouvernement et le fait que nous puissions former et mettre en place des équipes dans les hôpitaux à l'échelle nationale, croyez-vous qu'il faudrait lancer une vaste campagne de sensibilisation auprès de la population canadienne? Que pourrait faire le gouvernement à cet égard, et qui serait l'organisme responsable dans ce cas-ci?

Dr John Jarrell: Je ne le sais pas, sauf que le gouvernement fédéral a donné le ton en mettant sur pied des campagnes sur la santé des jeunes, des programmes d'abandon du tabac, ainsi de suite. À mon avis, on pourrait lancer le même genre d'initiative dans ce domaine et obtenir des résultats probants.

Je ne sais pas qui agirait comme organisme responsable, puisque la santé relève des provinces. Il serait peut-être possible de parler aux... je crois qu'il faut exercer des pressions auprès des collèges provinciaux, élever les normes professionnelles dans notre milieu. Il existe des mécanismes pour cela.

Il faut, à mon avis, organiser une campagne pour sensibiliser tous les Canadiens à l'importance des transplantations. Les efforts déployés en matière d'homologation... si les gens savent que ce système existe, ils vont bien réagir. Mais vous ne pouvez pas surveiller la pratique de la médecine. Il faut faire plus, et c'est ce que mes collègues sont en train de dire.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Merci beaucoup au nom de tous mes collègues.

Mme Elinor Caplan: Puis-je poser une petite question?

Le président: Non.

Merci beaucoup docteur Martin, docteur Jarrell, messieurs LaPrairie et Brodie. Comme toujours, vos exposés, surtout les deux derniers, étaient très instructifs et utiles. Merci, et bon voyage de retour.

Nous allons prendre une pause de 90 secondes avant d'entendre le groupe suivant. Merci.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'aimerais que vous nous expliquiez dans quel ordre les questions seront posées, pour que les députés de l'opposition sachent quand ils pourront intervenir. Habituellement, nous posons des questions à tour de rôle, mais ce n'est pas ce qu'on a fait ce matin. Il y a cinq députés de l'opposition, et je pense qu'ils devraient avoir l'occasion de poser des questions. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

Le président: Oui. Vous êtes plutôt mal placée pour critiquer ma façon de procéder, madame Wasylycia-Leis, parce qu'il y a neuf personnes autour de la table aujourd'hui, et que vous êtes déjà intervenue à deux reprises. Au cours d'une de vos interventions, vous avez parlé pendant huit minutes, soit trois minutes de plus que les cinq minutes normalement allouées.

Selon la procédure établie, l'opposition a droit à deux questions. On passe ensuite aux députés du parti ministériel. Une fois les deux côtés satisfaits, je procède suivant l'ordre dans lequel les députés interviennent.

• 1035

Nous avons, dans un premier temps, accordé le droit de parole à votre parti, et au Parti réformiste. Le Bloc a laissé passer son tour. Les députés du parti ministériel sont intervenus à tour de rôle, et j'ai ensuite donné la parole aux autres députés qui voulaient intervenir. J'ai accordé la parole à M. Vellacott parce je veux que tous les députés aient l'occasion de poser des questions.

Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: J'aimerais poser ma question aux fins du compte rendu. J'accepterais que le témoin y réponde par écrit.

Le Dr Jarrell a indiqué les gens ne connaissent pas le taux de réussite des procédures. Je me demande s'il y a des endroits au pays où l'on peut...

Le président: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: ... obtenir des renseignements de ce genre sur...

Le président: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: Pourquoi ne puis-je pas poser une question?

Le président: Parce que cette partie-ci de la réunion est déjà terminée. Nous pouvons soumettre nos questions aux témoins par écrit.

Nous allons vous inviter à répondre à toute autre question par écrit. Merci.

Nous allons prendre une pause de deux minutes pour permettre aux autres témoins de se préparer.

• 1036




• 1040

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

Le président: ... de M. Antonio Giulivi, directeur adjoint du Bureau des maladies infectieuses, Division des agents pathogènes à diffusion hématogène, Laboratoire de lutte contre la maladie, Direction générale de la protection de la santé. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Giulivi.

De plus, nous accueillons, de Santé Canada, M. Brian Crowell, directeur du Secrétariat canadien du sang. Je vois que Mme Margaret Somerville, du Centre de médecine, d'éthique et de droit de l'Université McGill, est présente dans la salle. Nous avions peur qu'elle ne puisse se joindre à nous. Bienvenue. Je suis heureux de vous voir.

Nous accueillons également M. André Wisaksana, de l'Association canadienne de normalisation. M. Wisaksana est responsable, en tant que gestionnaire de projet, de l'élaboration des normes. Merci beaucoup.

Vous aurez chacun droit à cinq minutes environ, après quoi nous passerons aux questions. Certains d'entre vous ont assisté aux discussions, et vous allez constater que les députés attendent avec impatience de poser des questions.

Nous allons commencer par André Wisaksana.

M. André Wisaksana (gestionnaire de projet, Élaboration des normes, Association canadienne de normalisation (CSA)): Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à comparaître devant le comité.

J'aimerais d'abord vous dire quelques mots au sujet de la CSA, et du rôle qu'elle joue dans le domaine de l'élaboration de normes de sécurité pour les organes et les tissus destinés aux greffes.

La CSA est un organisme indépendant et sans but lucratif appuyé par plus de 8 000 membres. Il est un chef de file dans le domaine de l'élaboration de normes et de l'application de celles-ci par le truchement de la certification de produits et de l'inspection de systèmes de gestion. Toutes les normes CSA sont élaborées selon le principe du consensus par des comités techniques dont les membres représentent des groupes qui sont le plus susceptibles d'être touchés par une norme en particulier.

Généralement, le processus début lorsqu'un fabricant, une association d'industries, un groupe de consommateurs, un établissement d'enseignement ou un organisme gouvernemental souhaite résoudre un problème précis en matière de sécurité, de rendement ou de qualité. L'élaboration d'une norme repose sur un processus décisionnel consensuel, ouvert et transparent qui est fondé sur les principes énoncés dans les lignes directrices CSA concernant la normalisation. Il s'agit d'un code de bonne pratique pour la normalisation.

Ce processus nous permet de faire en sorte que les opinions de chacune des parties concernées sont adéquatement prises en compte, et que tous les efforts nécessaires sont déployés pour obtenir des solutions assurant l'élaboration d'une norme efficace, qui saura exprimer les préoccupations pertinentes des parties engagées dans le processus. Grâce à ce même processus, la CSA a élaboré des normes visant une vaste gamme d'activités dans le secteur de la santé et dans d'autres domaines. La CSA a décidé de s'engager dans l'élaboration de normes nationales en matière de transplantation à la suite d'une demande formulée par Santé Canada.

L'utilisation de normes nationales dans le but de résoudre des problèmes liés à la sécurité dans le domaine de la transplantation constitue une démarche tout à fait nouvelle, en raison de la participation d'un vaste groupe de parties intéressées. Le rôle de la CSA consiste à servir de forum permettant d'atteindre un consensus. Elle doit également gérer, faciliter et assurer l'intégrité du processus d'élaboration de normes.

Au total, six normes nationales visant la transplantation devraient être élaborées. La première est une norme générale qui comporte cinq sous-ensembles spécifiques. Nous n'en sommes encore qu'aux premières étapes du processus d'élaboration de normes visant la transplantation. À ce jour, le cadre administratif d'un comité technique a été établi et la réunion inaugurale est prévue pour juin 1999.

Le président désigné du comité technique est le Dr Paul Dubord, président du Canadian Eye Bank Committee et président du International Medical Standards and Accreditation Committee of the Eye Banking Association of America. Les membres du comité technique se serviront des documents provisoires élaborés par le groupe de travail d'experts de Santé Canada sur la sécurité en matière de transplantation de tissus et d'organes afin d'accélérer l'élaboration de ces normes, lesquelles, selon nous, devraient voir le jour d'ici décembre 1999.

Voilà qui termine mon exposé.

• 1045

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Mme Margaret Somerville.

Mme Margaret Somerville (professeure de droit (Gale), Centre de médecine, d'éthique et de droit de l'Université McGill): Merci, monsieur le président.

Je dois avouer que, en tant qu'éthicienne, j'ai eu beaucoup de difficulté à garder le silence pendant la discussion parce que vous avez soulevé beaucoup de points qui soulèvent des questions éthiques.

J'ai pensé, en vous écoutant, qu'il serait peut-être utile d'essayer d'établir une sorte de code d'éthique qui vous aiderait à examiner ces questions. Je ne peux pas le faire en cinq minutes aujourd'hui, mais il y a un document qui a été préparé pour la Stratégie canadienne de la biotechnologie, et qui essaie de définir les principes qui devraient sous-tendre un tel code. On peut obtenir des renseignements en consultant le site Web de la stratégie de la biotechnologie. Ce document de fond pourrait vous être utile.

En écoutant les questions ce matin, je me suis rendu compte, sauf votre respect, que vous devez considérer les questions micro-éthiques séparément. Par exemple, le consentement éclairé est essentiellement une question éthique fondamentale puisqu'elle définit le rapport entre le médecin et son patient. Elle agira, évidemment, sur d'autres plans, puisqu'elle servira de fondement à nos valeurs. Toutefois, quand on parle d'établir un régime de réglementation, on passe alors à des questions d'ordre institutionnel, et souvent, d'ordre sociétal. Les principes éthiques que vous allez appliquer dans ce cas-là ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux que vous allez appliquer au niveau de l'individu.

J'ai préparé un court exposé, et j'aimerais aborder avec vous les points qui sont mentionnés dans le texte. Je répondrai ensuite volontiers à vos questions.

D'abord, il faut toujours garder à l'esprit que la médecine, surtout s'il y a un traitement ou un processus particulier qui nous intéresse, fait partie d'un contexte plus large et qu'elle ne peut être considérée isolément. Quand une intervention faisant appel à des technologies de pointe voit le jour, comme cela a été le cas ces dernières années, nous essayons d'établir des règles, sans nous rendre compte que ces règles doivent être compatibles avec les principaux médicaux, éthiques et juridiques auxquels nous souscrivons. Voilà pour le premier point.

Deuxièmement, les gens s'identifient puissamment à la médecine, de sorte que tout ce qui est bon pour la médecine l'est aussi pour la société en général. Mais l'inverse est également vrai: les erreurs que nous commettons dans ce domaine ont des incidences très vastes qui ne se limitent pas uniquement à ce traitement particulier ou à la médecine.

Fait intéressant, la transplantation d'organes a toujours soulevé des questionnements éthiques dans le domaine de la médecine. En fait, la plupart des spécialistes en bioéthique considèrent que la première greffe du coeur a donné naissance à la bioéthique. Autre fait intéressant, après avoir longuement réfléchi à la façon d'aborder le problème, nous pensions avoir réglé toutes les questions que les premières greffes du coeur avaient soulevées. Nous avions évidemment tort, et les greffes d'organes ont continué de poser de nouveaux défis.

Il faut bien se rendre compte du caractère extraordinaire des questions qu'a posées la première greffe du coeur, questions qui se posent d'ailleurs toujours. Dans un sens, le comité est en train de refaire le même exercice. Par exemple, j'ai vu un article de journal qui faisait état des témoignages que vous aviez entendus sur la définition de la mort. Or, nous avons connu des moments très difficiles, notamment au moment de préparer un rapport à l'intention de la Commission de la réforme du droit du Canada, comme on l'appelait à l'époque, quand il a été question d'établir des critères devant servir à définir la mort. L'idée que nous allions définir des «critères» pour diagnostiquer un décès au lieu de définir la «mort» elle-même—et il existe une différence très importante et subtile entre les deux—n'avait pas encore été explorée à l'époque.

La controverse la plus récente dans ce domaine a été soulevée par la question de savoir s'il fallait retenir le critère de l'arrêt total des fonctions cérébrales, ce que nous exigeons au Canada, ou le critère de l'arrêt total des fonctions du cortex cérébral. Je crois qu'il faut opter pour l'arrêt total des fonctions cérébrales, et c'est ce que dit la loi actuelle du Canada. Nous avons assisté récemment à un revirement total d'opinion dans ce domaine par un groupe très puissant de médecins experts aux États-Unis.

Je sais également que certains témoins ont laissé entendre qu'il existe une grave pénurie d'organes à greffer sur de très jeunes enfants. On a proposé que les enfants anencéphaliques, c'est-à-dire les enfants nés sans encéphale, fassent partie d'une catégorie spéciale de donneurs d'organes et qu'ils soient considérés comme des enfants dépourvus de cerveau, et non des enfants en état de mort cérébrale. C'est ce qu'un groupe avait recommandé à un moment donné aux États-Unis. Cette proposition a été renversée à la suite du tollé qu'elle a suscité. Vous pouvez imaginer les considérations éthiques qu'une telle démarche soulève.

• 1050

D'autres questions soulèvent la controverse. Mentionnons, par exemple, le bien-fondé de passer du système axé sur l'autorisation d'utiliser des organes, à un système qui autorise le prélèvement d'organes à moins d'indication contraire. Cette question en soulève une autre très importante, et on en a parlé ce matin: quand une personne a signé une carte de don, les chirurgiens, dans la pratique, préfèrent toujours obtenir le consentement de la famille, si la famille est présente, mais est-ce que cette démarche est éthique et légale?

On s'interroge notamment sur l'opportunité de faire une telle demande à des parents qui viennent de perdre subitement un enfant, puisque cet enfant est susceptible d'être un donneur. Certains de ces parents—par exemple, les fondateurs du groupe The Silent Hearts, en Australie—ont mis sur pied des organisations de familles de donneurs afin de prévoir et de réduire les maux qui peuvent être causés dans de telles circonstances, se basant sur leurs propres expériences dans ce domaine. Or, ces efforts ne servent pas uniquement à réconforter les gens. En réduisant la souffrance des familles et en encourageant les dons d'organes par des moyens non coercitifs, on fait du prélèvement et de la transplantation d'organes une démarche moralement plus acceptable qu'elle ne le serait autrement. Il faut donc également considérer le caractère éthique des moyens non coercitifs.

En résumé, chaque fois que nous étions convaincus d'avoir aplani les obstacles soulevés par la greffe d'organes, d'autres interrogations surgissaient. Or, la question la plus récente posée à ce sujet—et je ne sais pas si on en a discuté devant le comité—concerne la xénotransplantation, qui consiste à prendre des organes d'animaux et de les transplanter dans des humains. Cette pratique soulève des considérations éthiques très profondes.

En effet, la xénotransplantation soulève toutes les questions éthiques qui se posent dans la recherche médicale sur des sujets humains en général, et elles sont très nombreuses. Toutefois, elle soulève également des questions éthiques particulières. J'aimerais en aborder certaines avec vous.

D'abord, il y a la transgénèse, processus qui consiste à introduire un gène humain dans un animal. Cette démarche soulève un problème éthique.

Ensuite, il y a l'utilisation d'animaux comme source d'organes et, notamment, la façon dont nous traitons les animaux dont les organes seront transplantés dans des humains. Cette pratique soulève elle aussi de très nombreuses questions.

Enfin, la xénotransplantation pose des risques non seulement pour les sujets visés par la recherche, mais également pour leurs partenaires sexuels et leur famille. On s'inquiète davantage des risques que présente cette pratique pour les sujets secondaires que dans la vaste majorité des autres domaines faisant l'objet de recherches médicales. Il faut tenir compte des contraintes d'ordre scientifique et éthique que pose la surveillance à vie des greffés, de leurs partenaires et de leur famille. Donc, il ne suffit pas seulement d'obtenir le consentement éclairé des intéressés pour la greffe elle-même. Il faut également obtenir leur accord pour le suivi qui devra être effectué à vie, accord qui n'est pas habituellement accordé.

Le consentement éclairé a ceci d'intéressant que vous pouvez le retirer à n'importe quel moment. Toutefois, le patient peut être isolé en cas de transmission d'un agent infectieux, et une autopsie devra obligatoirement être pratiquée une fois son décès constaté. Cela peut vous paraître simple, sauf qu'il y a certains groupes religieux qui refusent l'autopsie. Est-ce que cela veut dire que ces personnes ne pourraient faire l'objet d'une xénotransplantation si cette pratique était introduite? Il y a donc toutes sortes de considérations éthiques dont il faut tenir compte.

Il y a également le risque, et c'est le point le plus inquiétant, qu'un agent infectieux soit transmis à un greffé d'un organe animal, et ensuite à la population en général.

La xénotransplantation, de même que la transplantation d'organes en général, soulèvent une autre question: soit celle de l'attribution de ressources en matière de soins de santé. Le régime de soins de santé, à l'heure actuelle, subit énormément de pressions politiques qui, elles, sont exercées par des groupes d'intérêts. Mais nous avons des obligations à l'égard de la population, dont une grande partie n'est représentée par aucun groupe d'intérêt. Donc, l'attribution de ces ressources soulève d'importantes questions éthiques.

• 1055

J'aimerais, pour terminer, vous parler des principes éthiques qui régissent la participation du public aux décisions touchant la xénotransplantation. Bien qu'il y ait de solides arguments qui militent en faveur de la participation du public aux décisions d'ordre éthique intéressant la société, il existe un argument encore plus fort en ce qui concerne la xénotransplantation. Si cette pratique expose le public à des risques, alors en vertu des principes éthiques régissant la recherche médicale, le consentement éclairé des personnes exposées à des risques par la recherche doit être obtenu. De toute évidence, il est impossible d'obtenir le consentement de chaque citoyen. Toutefois, avant de procéder à des essais cliniques dans le domaine de la xénotransplantation, il faut d'abord tenir un débat public informé car, en bout de ligne, il appartiendra à la société canadienne de décider si la xénotransplantation doit être autorisée et, le cas échéant, dans quelles conditions.

La tenue d'un débat public en profondeur pose certes des problèmes. Par conséquent, au moment de mettre en place les moyens requis pour le faire, nous devrions appliquer le principe de prudence. Autrement dit, il reviendra aux personnes en faveur de la xénotransplantation de démontrer que cette pratique est raisonnablement sûre et acceptable sur le plan éthique. Elles devront également procéder à une évaluation des percées réalisées dans d'autres domaines qui rendraient la xénotransplantation inutile.

Merci.

Le président: Merci, madame Somerville.

Monsieur Antonio Giulivi.

M. Antonio Giulivi (directeur adjoint, Bureau des maladies infectieuses, Division des agents pathogènes à diffusion hématogène, Laboratoire de lutte contre la maladie, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada): Merci, monsieur le président.

Je pourrais aborder le problème sous deux ou trois angles différents maintenant que je m'occupe d'activités de surveillance, de maladies du sang, dont une nouvelle variante de la MCJ, auprès de Santé Canada. Je m'occupe également de programmes de transplantation depuis près de sept ans, et je travaille à l'élaboration de règlements non seulement au palier fédéral, mais également en collaboration avec les États-Unis.

Comme vous le savez, je travaille pour Santé Canada, mais j'assume également d'autres fonctions. Je suis le vice-président de la division de la réglementation auprès du Canadian Bone Marrow Transplant Group.

Les expériences vécues au cours des quatre dernières années montrent que nous pouvons collaborer avec différents groupes dans ce nouveau domaine qu'est la transplantation.

Vous savez que cette pratique, qui nécessite non seulement le consentement éclairé des intéressés et le recrutement de donneurs, soulève également des questions sur le plan de l'exercice de la médecine. Il s'agit là d'un facteur important. Si le chirurgien qui doit faire la transplantation ne sait pas comment aborder le patient ou la famille, une fois que le patient ou le donneur semble avoir accepté de donner un organe... Comment aborder le sujet sans nuire à la santé même de la personne concernée, voilà qui constitue un problème de taille.

Par ailleurs, comme je l'ai mentionné, le laboratoire que je dirige, à Ottawa, vient de demander volontairement l'accréditation, tout comme l'a fait notre collègue, qui travaille pour le compte d'un organisme membre d'une société internationale pour la recherche sur les cellules souches. Nous avons accepté de nous soumettre à ce processus, et nous avons obtenu de bons résultats. Nous avons opté pour cette démarche parce qu'elle démontre que les recherches en laboratoire et l'exercice de la médecine vont de pair, et qu'il n'est pas nécessaire d'avoir recours au genre de surveillance que certaines personnes préconisent. On pourrait mettre sur pied un programme de collaboration qui s'inspire de celui de Santé Canada, comme on vous l'a expliqué, un programme efficace qui englobe les nouvelles méthodes utilisées en médecines.

Tout comme dans le cas des maladies infectieuses, ce qui m'inquiète, c'est que nous devons également instituer un programme de surveillance et de suivi auprès des receveurs pour voir si la transplantation n'a pas causé, chez eux, de nouvelles maladies. C'est une question assez épineuse. Ces maladies pourraient être causées non seulement par un agent infectieux, mais également par la présence d'oncogènes, qui peuvent provoquer la formation d'un cancer, ainsi de suite.

Donc, ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il ne suffit pas tout simplement d'avoir un registre. Vous devez vous attaquer au problème de quatre ou cinq façons différentes.

Le président: Merci, monsieur Giulivi.

Monsieur Brian Crowell.

M. Brian Crowell (directeur, Secrétariat canadien du sang, Santé Canada): Merci, monsieur le président.

Je suis ici, essentiellement, pour aider M. Giulivi à répondre aux questions. M. Giulivi et moi travaillons ensemble depuis 1992. Je travaillais anciennement pour la Croix-Rouge canadienne, où j'étais responsable des programmes de R-D. J'ai quitté la Croix-Rouge en 1994 pour me joindre à Santé Canada en tant que directeur du Secrétariat canadien du sang. Je m'intéresse, en fait, aux questions touchant les tissus, les organes, le sang et la xénotransplantation. Je fais partie du conseil responsable du sang, des tissus, des organes et de la xénotransplantation au sein de la direction générale de la protection de la santé. Je siège également au comité interministériel sur la xénotransplantation.

• 1100

Le secrétariat est responsable essentiellement des questions touchant le sang. Il agit comme coordonnateur dans ce domaine. Il s'occupe d'autres questions, comme les organes, les tissus, et l'élaboration de politiques. Il vient également en aide aux personnes atteintes de l'hépatite C, du VIH et de la MCJ qui réclament des dommages-intérêts à l'État. Je suis donc ici pour aider M. Giulivi à répondre aux questions.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Crowell.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: J'aimerais d'abord adresser ma question à Mme Somerville.

Vous avez fait allusion à certains des témoignages qu'a entendus le comité, la veille, au sujet de la mort cérébrale. Un des témoins, M. John Dossetor, a dit que la notion de mort cérébrale, il y a quelques décennies, avait été définie comme étant synonyme de mort. Il a dit:

    Je m'oppose à l'élargissement de la «mort cérébrale» pour y inclure la perte permanente de toute fonction néocorticale (en présence de zones viables du cerveau postérieur et des fonctions du tronc cérébral). S'il en était ainsi, l'état neurovégétatif persistant serait inclus dans la définition de la «mort cérébrale». Il pourrait arriver, à l'avenir, que ces rares cas puissent être considérés différemment, mais notre société n'est pas encore arrivée à ce stade, selon moi.

Il s'agit là d'une déclaration plutôt intéressante. Je trouve cette idée plutôt troublante—et il y en a qui remettent en question le fait que mort cérébrale soit synonyme de mort. Mais il est question maintenant d'élargir cette définition pour y inclure d'autres notions plus vastes. Vous y avez fait allusion, et c'est donc ma première question.

Mme Margaret Somerville: Je suis d'accord avec M. Dossetor. Je ne sais pas si nous arriverons un jour à ce stade.

J'ai eu le privilège de travailler sur ce document avec la Commission de réforme du droit du Canada et je sais que la Commission en a conclu qu'il devrait s'agir de la mort cérébrale totale, soit le tronc cérébral et le cerveau supérieur, tandis qu'il est proposé que le décès soit déclaré au moment où le cerveau supérieur ne fonctionne plus, peu importe si le tronc cérébral fonctionne toujours. Cela voudrait dire en pratique—et c'est la raison pour laquelle nous avons pensé que c'était inacceptable—qu'une personne qui respire spontanément pourrait être considérée comme morte. Pour aller dans les plus horribles détails, cela signifie que vous pourriez amener un cadavre qui respire au crématorium. Je ne crois pas que quiconque au Canada puisse penser que c'est acceptable.

C'est un bon exemple, à mon avis, de la raison pour laquelle il faut toujours—dans ce cas en particulier—écouter autre chose que la raison scientifique. Même si scientifiquement, on peut tout aussi bien considérer cette personne comme morte, d'un point de vue culturel, religieux, traditionnel, affectif ou autre, cela n'irait pas. Cela n'est certainement pas acceptable en matière de valeurs.

M. Maurice Vellacott: Ce qui me donne le frisson, c'est la dernière partie de sa déclaration où il dit qu'il est possible à l'avenir de voir ces cas rares sous un jour différent, mais qu'en tant que société, on n'en est pas encore là. Il est sous-entendu que l'on pourrait bien aller dans ce sens, qu'il est possible de les voir sous un jour différent. Qu'en pensez-vous?

Mme Margaret Somerville: Oui.

On suit le processus de ce qu'on appelle la réaction éthique aux questions. On sait que les gens commencent par être totalement horrifiés, mais que graduellement, ils ne rejettent pas autant l'idée, passent à la neutralité et parfois à l'acceptation. On commence à penser qu'il faudrait surveiller les réactions de cette façon, car parfois, on peut facilement s'habituer à une situation sans aucune justification éthique. L'exemple des transplantations cardiaques est très bon. Lors de la première transplantation cardiaque, les gens n'en revenaient pas et pensaient que c'était la fin du monde. Aujourd'hui, c'est une procédure médicale courante et beaucoup de questions éthiques ont été réglées.

L'une des grandes difficultés c'est que, lorsque l'on aide une personne dont l'état de santé est très grave, il est difficile de ne pas penser que l'on veut faire tout son possible pour lui sauver la vie. Ce faisant, on peut parfois transgresser beaucoup d'autres valeurs nécessaires à la collectivité. C'est un exemple.

• 1105

M. Maurice Vellacott: En ce qui concerne la micro-éthique, la question du consentement éclairé—j'en ai parlé à M. Brodie, l'un de nos témoins—quelqu'un a sous-entendu que le fait de signer une carte de donneur sur un permis de conduire, un formulaire de recensement ou une déclaration d'impôt représente peut-être un intérêt, mais qu'il faudrait toujours obtenir un consentement éclairé, par la suite, à un moment plus rapproché du décès.

En votre qualité d'éthicienne ayant une formation juridique, en quoi consiste le consentement éclairé d'un point de vue juridique? Faudrait-il un film vidéo, une explication détaillée de ce qui peut se passer?

Mme Margaret Somerville: C'est à mon avis trop étendu.

Je suis fortement partisane du consentement éclairé, ce qui veut dire que la personne doit donner son consentement, après avoir reçu toutes les informations qui seraient pertinentes pour une personne raisonnable se trouvant dans la même situation, et après avoir compris ce qui va se passer ainsi que les conséquences de ce consentement.

Pour ce qui est du consentement à l'avance—la maternité de substitution étant un bon exemple—certains prétendent que la mère, tant qu'elle n'est pas confrontée à la situation, ne sait pas comment elle va réagir au moment où il va falloir qu'elle renonce au bébé; par conséquent, il est impossible de donner un consentement à l'avance. En fait, c'est ce qui s'applique aussi en matière d'adoption. Par contre, il faut toujours envisager les préjudices à long terme que peut entraîner un consentement peut-être moins étendu, et je crois que, en ce qui concerne la transplantation d'organes, les préjudices à long terme sont pratiquement minimes.

Les seuls préjudices que représente le prélèvement d'organes, sauf si l'on va à l'encontre de normes culturelles ou religieuses —et je laisse ce problème de côté—c'est que l'on manque en quelque sorte de respect envers le donneur et que l'on transmet aux autres cette impression d'irrespect tout en leur faisant craindre ce qui pourra leur arriver. Par contre, si on a le consentement de la personne, toutes ces craintes disparaissent. Cependant, le consentement n'est probablement pas aussi éclairé qu'on le souhaiterait s'il s'agit d'une procédure assortie de risques dont il faudra subir les conséquences, mais, très franchement, je ne crois pas que cela importe.

Il faut cependant prendre en compte les sentiments, les émotions, ainsi que les souffrances de la famille. Nous ne mourons pas en tant qu'individu, mais en tant que membre d'une famille et d'une collectivité, si bien qu'il faut tenir compte du mal que cela occasionne.

M. Maurice Vellacott: C'est ce que je voulais dire.

Le président: Merci, madame Somerville.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, monsieur le président. Madame Somerville, je suis très heureuse de vous voir ici, à ce comité. Vous avez une grande renommée et votre témoignage nous intéresse beaucoup. Les autres témoins ont aussi une vaste expérience et leur exposé a été aussi des plus intéressants.

Le comité a été quelque peu ébranlé cette semaine par toute la notion de mort cérébrale. Entre autres, je ne sais pas encore où j'en suis moi-même par rapport à toute la question. Certains des experts disent que la personne est encore vivante, d'autres disent que c'est admis. Je ne sais pas si vous pourrez ou si quelqu'un d'autre pourra nous éclairer et vraiment nous définir la mort cérébrale.

Ma question, docteure Somerville, porte surtout sur ce que vous avez dit au début de votre témoignage. Vous avez dit avoir entendu certains experts à qui, si vous en aviez eu la possibilité, vous auriez aimé poser des questions ou faire des commentaires. Quelles sont ces questions que vous n'avez pu poser et auxquelles vous auriez aimé avoir des réponses?

[Traduction]

Mme Margaret Somerville: Merci. Je vais essayer d'être aussi brève que possible.

Pour en revenir à la personne en état de mort cérébrale, je ne suis pas experte dans ce domaine, mais j'ai participé à de nombreuses discussions à ce sujet et j'ai deux observations à faire.

Tout d'abord, le corps meurt par étapes et certaines des cellules survivent bien après la mort reconnue comme telle. Il y a donc une différence entre la mort de la personne et la mort de chaque cellule du corps. Il s'agit véritablement d'un continuum entre l'état de vie et l'état de mort et une limite est en fait fixée entre la vie et la mort. Il s'agit donc de trouver les critères qui permettent de fixer cette limite. À mon avis, les critères actuellement en usage au Canada, qui sont les critères de la mort cérébrale, sont très bons. C'est ce que je crois.

Par ailleurs, je suis au courant des témoignages que vous avez entendus et dont il a été question dans les journaux, au sujet de personnes déclarées en état de mort cérébrale qui tout à coup se lèvent pour sortir de l'hôpital. C'est impossible. Si vous êtes véritablement en état de mort cérébrale, cela ne peut se produire.

Le New England Journal of Medicine a fait paraître une étude —je pourrais vous trouver la référence—faite par M. Ronald Cranford, neurologue et pour laquelle des critères très sévères en matière de mort cérébrale ont été utilisés. L'étude a porté sur 100 personnes environ, je crois; tous ces critères ont été appliqués et aucune de ces personnes ne s'est rétablie; elles étaient toutes mortes.

• 1110

Il faut être prudent en ce qui concerne les critères. Les journaux induisent parfois leurs lecteurs en erreur en écrivant: «La personne étant en état de mort cérébrale, on a décidé de débrancher le respirateur.» Eh bien, cette personne n'est probablement pas en état de mort cérébrale avant que le respirateur ne soit débranché. Cela dépend. De toute façon, c'est le premier point.

Pour ce qui est des autres questions, des normes, je dirais qu'il faut être très prudent et se demander tout d'abord si quelque chose est acceptable en soi au point de vue éthique; c'est seulement lorsque l'on en est convaincu que l'on peut fixer les normes. Dans le cas contraire, il ne faudrait tout simplement pas établir de normes ni prétendre qu'il suffit de les respecter pour arriver à cette acceptation éthique. Ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec moi à ce sujet.

Par ailleurs, les normes peuvent viser autant la sécurité que l'éthique, ce qui, à mon avis, est très important. Pour la plupart des gens, les normes sont simplement des normes physiques qui servent à contrôler les risques, mais il est possible d'avoir des normes qui facilitent les questions éthiques.

Je crois également que nous avons besoin d'approches multifactorielles, ce qui semble ressortir du débat. Ce n'est pas parce que des normes sont appliquées... elles sont nécessaires mais pas suffisantes, surtout pour assurer une bonne éthique.

On a également parlé de la responsabilité des médecins traitants qui doivent signaler les éventuels donneurs d'organes. Il faut toutefois être extrêmement prudent en ce qui concerne la micro-éthique, les soins personnels à prodiguer à chaque patient étant l'obligation principale du médecin; il ne faudrait pas établir de règles susceptibles de mettre ce médecin en situation de conflit d'intérêts; il ne faudrait pas qu'il pense davantage à obtenir des organes en vue de transplantation plutôt qu'à ce qui conviendrait le mieux pour son patient. Il ne faut pas perdre de vue cette réalité, car la confiance du patient en son médecin est essentielle à tous les soins médicaux de qualité, y compris les transplantations.

Ce sont certains des points qui ont été soulevés.

Le président: Merci, madame Somerville.

Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur: Je remercie tous les intervenants. Madame Somerville, je suis très impressionnée par votre exposé de ce matin qui est très clair. Comme l'a dit Pauline, nous attendions votre arrivée avec impatience et je suis heureuse de voir que le mauvais temps ne vous a pas empêchée de venir.

Dans votre déclaration, vous avez fait mention de la participation du public, de manière à assurer la transparence, l'ouverture. Je suis complètement d'accord. Ayant été infirmière dans une autre vie, je peux comprendre l'importance de la participation du public en matière d'éthique et, par ailleurs, vous traitez très bien de ce sujet.

Comment parvenir à un consensus et intégrer le public qui, j'en conviens, devrait l'être? Parallèlement à l'éthique médicale, il y a l'éthique affective. Parallèlement à la façon juridique d'envisager les choses, il y a une façon affective de les envisager et il est difficile de faire des compromis à cet égard.

Mme Margaret Somerville: Je crois que c'est possible. Je ne sais pas si nous parviendrons jamais à un consensus, mais ce n'est pas la même chose que d'exiger la participation du public dans la prise de décision.

J'ai par ailleurs commencé à réfléchir à ce que j'appelle pour l'instant l'acceptation scientifique et l'acceptation éthique. Pour l'instant, je crois que notre acceptation scientifique prend très peu de temps. Ce que je veux dire, c'est que grâce à la chirurgie moléculaire et à la nouvelle génétique, nous lisons tous les jours à la une de nos journaux le récit de découvertes extraordinaires, insoupçonnées jusqu'alors et cela pose d'énormes questions éthiques au niveau de la société; par contre, notre acceptation éthique prend pas mal de temps.

Je crois que la xénotransplantation tombe dans cette catégorie. Ceux qui veulent faire de la xénotransplantation veulent en faire maintenant, ce qui est normal du point de vue des scientifiques, des médecins et de tous ceux qui veulent sauver des vies. Il faut toutefois tenir compte de l'acceptation éthique, surtout lorsque le public doit participer à cette prise de décision initiale. Ce qu'il faut faire, c'est intégrer l'éthique dans la prise de décision et non prendre des décisions et par la suite s'occuper de l'éthique. Cela prend du temps, et je ne crois pas qu'au-delà d'un certain point, on puisse comprimer le temps dont on a besoin pour s'occuper de l'éthique.

Votre comité est un très bon exemple de la participation du public aux questions d'éthique au Canada, puisque c'est le sujet traité et que la séance est télévisée. Là encore toutefois, il faut des approches multiples. Je ne sais pas si on va parvenir à un consensus, mais je crois que l'on va arriver à des décisions plus éthiques que celles auxquelles on parviendrait si on ne procédait pas de la sorte.

• 1115

Mme Rose-Marie Ur: Pensez-vous que l'approche éthique a été véritablement davantage mise en évidence du fait que l'on a parlé de transplantation?

Mme Margaret Somerville: Absolument, parce que tout ce qui est nouveau et tout ce qui ébranle notre équilibre et nos habitudes, ce qui est le cas de la xénotransplantation, nous secoue et nous force à réfléchir. Ce qui est intéressant, c'est que le fait de réfléchir aux questions d'ordre éthique posées par les nouvelles découvertes renvoie très souvent aux questions d'ordre éthique des anciennes découvertes. Par exemple, le clonage humain nous force à réexaminer certains problèmes éthiques posés par les nouvelles techniques de reproduction que l'on pensait avoir réglés. Cela fait donc toujours réfléchir.

Mme Rose-Marie Ur: Vous n'avez peut-être pas la réponse à cette question, mais pensez-vous que les étudiants en médecine passent suffisamment de temps sur cette question?

Mme Margaret Somerville: Je dois dire que vous me mettez en situation de conflit d'intérêts.

Mme Rose-Marie Ur: Quelqu'un a-t-il le courage de répondre?

M. Antonio Giulivi: Vous avez raison, on n'y passe pas assez de temps. Actuellement, les études en médecine sont très concentrées les trois premières années. Les étudiants passent beaucoup de temps avec les patients, mais pour ce qui est de l'éthique—ce que j'ai connu ces quatre dernières années—non. La formation se fait sur le tas.

Mme Rose-Marie Ur: C'est peut-être l'un de nos petits problèmes.

M. Antonio Giulivi: Vous savez que l'ordre de chaque province—ainsi que le fédéral—va se pencher sur la question. Il faut prévoir des séminaires à ce sujet, car aucune formation de ce genre n'existe encore.

Le président: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président. J'aimerais commencer par poser des questions sur la xénotransplantation aux deux fonctionnaires de la Direction générale de gestion des risques pour la santé, ainsi nouvellement nommée.

Étant donné que plusieurs cochons transgéniques sont arrivés ici, de Grande-Bretagne, il a été proposé de faire une enquête pour savoir où ils se trouvent aujourd'hui et ce pour quoi ils sont utilisés. Vous a-t-on demandé de faire une telle enquête? Où en est-on au gouvernement à ce sujet?

M. Antonio Giulivi: Je m'occupe pour le gouvernement fédéral de la transfusion sanguine et du profil sanguin. Cette enquête a dû être demandée par d'autres fonctionnaires qui n'appartiennent pas à mon ministère.

M. Brian Crowell: Je ne suis pas au courant de cette demande. Je siège au sein du Comité interministériel sur la xénotransplantation et il n'en a pas encore été question. Il n'en a pas non plus été question au comité directeur chargé du projet du sang, du tissu, d'organes et de xénotransplantation.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Il a par ailleurs été également proposé qu'il y ait à Santé Canada une série de directives détaillées à propos de la recherche en xénotransplantation. Existe-t-il de telles directives? Si oui, pouvez-vous les remettre au comité?

M. Brian Crowell: Autant que je sache, il n'existe pas encore de directives sur la recherche.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Permettez-moi de poser une question à Mme Margaret Somerville, puisqu'elle a abordé ce sujet très important qui inquiète non seulement les défenseurs des animaux, mais aussi les Canadiens lorsqu'ils apprennent ce qui se passe.

Pour donner suite à ce que vous avez proposé, soit un débat public, on a suggéré d'imposer un moratoire sur toute la recherche en xénotransplantation. Qu'en pensez-vous?

Mme Margaret Somerville: À mon avis, il ne faudrait pas imposer un moratoire sur toute la recherche; ce qui nous inquiète, ce sont les essais cliniques sur l'homme, soit le prélèvement de tissus ou d'organes en vue de les transplanter chez l'homme. Je ne sais pas ce qui s'est passé dernièrement en Europe, mais autant que je sache—un rapport a paru dans Nature Medicine il y a deux semaines environ—le Comité de la bioéthique de la Communauté européenne a recommandé un moratoire sur les essais cliniques de la xénotransplantation en attendant que d'autres travaux de recherche soient effectués.

La semaine dernière, alors que j'étais en Allemagne, j'ai rencontré un Anglais qui m'a dit que l'élevage des cochons en question est assuré à l'Université de Cambridge et que sans doute, certains essais ont été faits en Angleterre. D'après lui, il va falloir beaucoup de temps avant d'obtenir une approbation—si, bien sûr, elle est donnée. Je n'en sais pas plus.

• 1120

Mme Judy Wasylycia-Leis: Quelle est l'importance de la recherche sur les essais précliniques et cliniques de xénotransplantation au Canada?

Mme Margaret Somerville: Je ne peux pas répondre à cette question. J'ai coprésidé un forum de deux jours pour Santé Canada en octobre 1997, et nous avions probablement l'information disponible à cette époque. Je n'ai pas eu de mise à jour depuis, mis à part le rapport du forum, qui n'en est pas vraiment une, puisqu'il s'agit simplement d'un rapport sur ce qui s'est passé au forum.

M. Antonio Giulivi: Je suis simplement au courant du forum de deux jours dont parle Mme Somerville. Je n'interviens pas directement dans le domaine de la xénotransplantation.

Le président: Madame Caplan.

Mme Elinor Caplan: À l'instar de mes collègues, j'aimerais dire que cette table ronde est fort intéressante vu les importantes questions qui y sont soulevées.

Nous avons parlé, entre autres, de la nécessité d'une responsabilité accrue. Je me demande si vous pourriez nous conseiller des mécanismes qui, selon vous, permettraient de donner aux Canadiens davantage d'informations afin de les aider à comprendre leur rôle. L'intervenant précédent a proposé, par exemple, de publier les taux de réussite et autres choses du genre. Il parlait des nouvelles techniques de reproduction, mais, autant que je sache, il n'y a pas d'information de ce genre sur les transplantations; nous n'avons qu'un pourcentage global. Je me demande simplement si vous pouvez penser à ce genre de mécanismes de responsabilité qui, selon vous, faciliteraient la discussion sur l'éthique et donneraient aux Canadiens l'information à laquelle ils sont en droit de s'attendre.

Mme Margaret Somerville: J'ai quelques idées à ce sujet, car c'est extrêmement important. Je crois que nous avons tiré beaucoup de leçons de la Commission Krever à cet égard.

Il ne faut pas oublier non plus que la médecine est une grande entreprise, surtout la biotechnologie. Bien sûr, nous savons qu'au Canada il faut se concentrer sur la biotechnologie qui jouera un rôle dans notre avenir économique et je crois que cela pose de nouvelles questions, notamment sur la façon dont le gouvernement va réagir.

Dans le cas du VIH dans le système sanguin, ce n'était pas le gouvernement qui était en cause, mais une grande institution, la Croix-Rouge. Nous avions également des organismes comme le Centre fédéral sur le SIDA où il y avait toujours une situation de conflit d'intérêts: fallait-il faire beaucoup de bruit et prendre ainsi des risques politiques ou fallait-il faire peur aux gens et rendre difficile la vie de nous tous.

Il faut bien sûr séparer ceux qui sont chargés du développement et de la promotion de ces technologies de ceux qui s'occupent de la direction et de la gestion de ces technologies et de ceux qui sont responsables de la réglementation de ces technologies. C'est indispensable si l'on veut éviter tout conflit d'intérêts. Dès qu'un organisme s'occupe de plus d'un de ces éléments, on crée un conflit d'intérêts inhérent qui n'est pas acceptable au plan éthique.

Par exemple, l'actuelle Stratégie canadienne en matière de biotechnologie d'Industrie Canada qui arrive avec succès à promouvoir la biotechnologie dans l'intérêt de beaucoup d'entre nous, doit agir seule; Santé Canada ne peut en faire la promotion en même temps. Il faut que le gouvernement prenne du recul et prévoie un système d'autocontrôle. Il faut s'assurer que ces institutions sont suffisamment éloignées les unes des autres de manière à pouvoir fonctionner et à assurer ce système d'autocontrôle dans le respect de l'éthique.

Ensuite, si quelque chose tourne mal, le public doit faire preuve de maturité et ne pas se contenter de dénigrer les politiciens qui avouent avoir commis une erreur. C'est la pire chose. Ne pas tirer les leçons des erreurs passées provoque une situation désastreuse au plan éthique, surtout lorsque la prise de décision dont nous parlons ici se fait dans une situation de grande incertitude. Au plan éthique, il faut révéler cette incertitude et, une fois l'erreur commise, révéler l'erreur. C'est cela la responsabilité.

• 1125

Mme Elinor Caplan: Qu'en est-il du rôle des organismes d'agrément et des organismes autonomes qui peuvent...

Mme Margaret Somerville: Ils sont tous très utiles, mais il faut éviter de ne pas confondre la fin avec les moyens. La fin consiste à assurer une réglementation et une utilisation éthiques et responsables de ces technologies, les moyens représentent, entre autres, l'agrément, l'examen par les pairs, etc.

Mme Elinor Caplan: À quel genre de responsabilité vous attendez-vous de la part des centres de transplantation, par exemple, dans le cadre de cette approche polyvalente?

Mme Margaret Somerville: Je crains donner un cours d'éthique, mais je crois que la première chose à faire, c'est... je pense également qu'on ne peut envisager de contrôle direct de la médecine. Cela ne marche tout simplement pas, car cela va à l'encontre de la culture médicale et n'entraîne pas la meilleure réponse éthique qui soit.

La chose la plus importante à mon avis, c'est la confiance, et il faut se demander comment l'accroître. Toute cette paperasserie parfois insignifiante qui, le croit-on, est une mesure de protection, est très souvent contre-productive. Il faut prévoir des rapports adéquats, mais il ne faut pas que cela se transforme en tracasseries administratives. Il faut la confiance qui doit être assortie de conséquences très graves en cas d'abus, cela s'appliquant autant aux bureaucrates, qu'aux politiciens, qu'aux médecins, etc.

Mme Elinor Caplan: Vous recommandez donc une approche de conformité plutôt qu'une approche d'inspection?

Le président: Merci, madame Caplan.

Monsieur Martin.

M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous tous d'être venus par ce temps si inclément.

Aux fins du procès-verbal, j'aimerais soulever un ou deux points qui ne se rapportent pas tant à cette table ronde qu'à la précédente: l'enképhaline et la mort cérébrale ne sont pas la même chose; par ailleurs, lorsqu'on s'occupe d'un patient qui est un donneur potentiel, on ne procède pas à un examen neurologique superficiel—seuil de la douleur profonde, réflexes cornéens et absence de thermogénèse—pour déterminer si cette personne est morte ou non. C'est ce qui a semblé ressortir d'une table ronde précédente, à tort et de façon trompeuse, d'après moi.

Le fond du problème, c'est que des gens meurent, parce qu'ils n'ont pas accès à des organes; le plus terrible, c'est que beaucoup de ces gens n'ont pas d'option.

J'aimerais aborder une question, madame Somerville, qui fait terriblement mal au coeur; je veux parler du trauma pédiatrique et de l'absence d'organes pour les enfants qui en ont désespérément besoin pour rester en vie. Pensez-vous qu'il soit bon, au plan éthique, pour des parents—car nous demandons aux adultes de le faire pour eux-mêmes—de décider à l'avance si leurs enfants devraient devenir des donneurs potentiels ou non au cas où ils seraient confrontés à la mort?

Le deuxième point que je veux soulever, c'est que, je crois qu'il existe une façon de s'en sortir sans pour autant avoir à confronter bien des questions éthiques épineuses—et beaucoup de témoins en ont parlé avec éloquence—si une personne décide d'être donneur et le fait savoir à ses proches au moment de sa décision, c'est dans 91 p. 100 des cas environ—et non dans 55 p. 100 des cas—que ses désirs sont respectés. Par conséquent, le fait d'encourager les gens à dire à leurs proches qu'ils ont décidé d'être donneurs—ou non—règle beaucoup de problèmes et évite beaucoup de ces questions éthiques difficiles dont vous nous avez parlé avec tant d'éloquence.

J'aimerais enfin parler des xénotransplants. Malgré la peur des encéphalopathies bovines survenues en Angleterre, des virus lents, du syndrome de Creutzfeldt-Jakob dont M. Giulivi a parlé, etc., malgré tout cela, d'après les expériences scientifiques, rien ne prouve que ces maladies sont transmises à l'homme par la xénotransplantation.

J'attire votre attention sur l'expérience américaine qui remonte à plus d'un quart de siècle. J'aimerais savoir ce que vous en pensez; est-elle valable et peut-on éviter de ne s'intéresser qu'à des questions administratives qui, en fait, empêchent les personnes qui ont besoin d'organes pour vivre de les obtenir. Elles n'ont tout simplement pas d'option. Merci.

• 1130

Le président: Madame Somerville, je dois vous prévenir que M. Martin a utilisé la plupart du temps prévu pour votre réponse. Je crains qu'il va vous falloir être très brève.

Mme Margaret Somerville: D'accord, je vais essayer de l'être, monsieur le président.

Tout d'abord, au sujet du consentement préalable pour les enfants, je dirais que, au plan éthique, le fait que l'on puisse prendre des décisions soi-même en tant qu'adulte sûr de soi et consentant, ne veut pas nécessairement dire qu'on puisse le faire pour d'autres. Je crois que prévoir donner les organes d'un enfant avant que quoi que ce soit n'arrive serait jugé macabre, si bien que je ne le conseillerais pas, simplement pour des raisons affectives.

En ce qui concerne les directives préalables transmises à ses proches, je dirais que c'est une excellente idée. Après la mort de la personne, on pensera surtout au respect de cette personne et de ses désirs. C'est tout le fondement des directives préalables en général, qu'il s'agisse du testament biologique, de procuration qui subsiste à l'incapacité, etc. C'est donc une excellente idée.

Pour ce qui est des xénotransplants, rien ne prouve la transmission d'agents infectieux, tout simplement parce qu'on n'a pas eu suffisamment de temps pour le vérifier. La xénotransplantation n'est pas assez courante. Par ailleurs, la question que vous soulevez nous amène à la charge de la preuve. Doit-on être autorisé à le faire tant qu'il n'a pas été prouvé que c'est dangereux, ou ne doit-on pas être autorisé à le faire tant que l'on n'a pas prouvé que c'est véritablement sûr et acceptable sur le plan éthique? Je suis pour la deuxième éventualité, car cela correspond à ce que l'on fait pour les médicaments. On ne peut mettre un médicament sur le marché avant d'être convaincu qu'il est raisonnablement sûr et efficace. C'est un renversement de la charge de la preuve et tout ce que je dis, c'est que la xénotransplantation devrait tomber dans la même catégorie.

Le président: Merci, madame Somerville.

Je me demande si je peux passer à M. Crowell pour quelques instants. Un peu plus tôt, Mme Somerville a parlé de la séparation des trois éléments que sont la promotion, la direction et la réglementation. Séparez-vous ces trois éléments dans votre secrétariat?

M. Brian Crowell: Oui. Par exemple, nous avons participé à la structure de la direction du nouveau système du sang. Cette initiative particulière, découlant du secrétariat, a été dirigée par le gouvernement fédéral. Le secrétariat s'est également occupé du côté politique, dans une autre cellule, si je puis dire. Toutefois, la liaison a été établie pour des raisons évidentes en matière de transfert de l'information, etc. Pour ce qui est de la réglementation, l'organe qui en est chargé a toujours dit qu'il devait être distinct des autres processus en cours, mais qu'il devait pouvoir puiser dans les informations au moment voulu afin de prendre des décisions éclairées.

J'aimerais simplement revenir sur ce qu'a dit Mme Somerville au sujet de la nécessité pour les sociétés de décider si la xénotransplantation pourra se faire au bout du compte. Le comité directeur chargé du projet du sang, des tissus, des organes et de la xénotransplantation, dont je suis membre, s'attaque en fait à cette question ainsi qu'à plusieurs autres. Nous venons d'approuver un plan en six étapes qui permettra la participation du public canadien. Depuis presque un mois et demi, nous réfléchissons à la façon de procéder. Les avis sont divergents. Comment concilier tout cet éventail d'intérêts au sein d'un groupe pertinent susceptible de faire des recommandations sur la façon de procéder dans ce domaine?

Je peux vous assurer, monsieur le président ainsi que les autres membres du comité, que nous prenons cette question très au sérieux. Je peux également assurer Mme Somerville qu'elle participera de très près à ce processus.

J'espère que mon intervention aura été utile.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Jackson.

M. Ovid Jackson: Pour revenir au problème éthique, madame Somerville, j'ai posé un peu plus tôt une question sur ce dont vous venez juste de faire mention. Lorsqu'un traitement médical est disponible, certains Canadiens, notamment ceux qui sont très malades, pensent qu'ils devraient en bénéficier tout de suite. Êtes-vous en train de dire que nous devons continuer à faire nos propres essais—à la canadienne—et que pour approuver tel ou tel traitement, il faut s'assurer que toutes nos pratiques éthiques sont connues? Pourrions-nous sinon adopter rapidement ce qui a déjà été approuvé en Allemagne, dans d'autres pays d'Europe ou aux États-Unis, par exemple?

Mme Margaret Somerville: Cela nous arrive. Comme certains témoins vous l'ont déjà dit, on se sert des résultats que d'autres ont trouvés ailleurs dans le monde, car la science ne relève pas d'une compétence en particulier; au contraire, la science et la science médicale sont universelles.

Il existe aussi dans les lois ce que l'on appelle des dispositions de dégagement pour des raisons humanitaires. Ces dispositions permettent à une personne en phase terminale—ou pour laquelle il n'y a pas d'autre traitement—d'avoir accès à ces nouveaux traitements. Cela a commencé au moment de la crise du sida, lorsque tant de personnes voulaient avoir accès à certains des nouveaux traitements annoncés. Au point de vue éthique, je crois qu'il faut avoir ces genres de dispositions.

• 1135

La xénotransplantation pose une question qui va plus loin que cela, cependant. Si c'est seulement le patient qui court un risque, j'ai beaucoup moins de problèmes à permettre à des mourants ou à de très grands malades d'obtenir ce qu'ils veulent. Ce n'est pas tout le monde qui est aussi libéral que moi à cet égard, mais je crois qu'ils ont le droit d'essayer.

Soit dit en passant, je suis heureuse de la décision prise ce matin au sujet de la marijuana; elle est excellente, selon moi. Le problème, c'est qu'en obtenant ce que l'on veut, on peut faire courir un risque au public. Décider quand on a de bonnes raisons de le faire est une autre question. Il est terriblement difficile de refuser un traitement à un mourant. C'est extrêmement difficile.

M. Ovid Jackson: D'accord. J'ai une autre question, monsieur le président.

Disons que j'ai un parent, que je suis complètement compatible avec lui et que je veux lui donner un rein. Qu'en pensez-vous au plan éthique? Vous y opposeriez-vous?

Mme Margaret Somerville: Pas du tout. On parle en ce moment de la transplantation d'organes animaux chez l'homme. On ne s'inquiète pas tant de la personne qui reçoit l'organe que de la transmission d'un agent infectieux dans la population humaine. C'est ce qui est le plus inquiétant.

M. Ovid Jackson: Vous avez dit qu'il faudrait procéder à une autopsie, dans le cadre d'un système d'autocontrôle?

Mme Margaret Somerville: Si l'on devait faire la recherche, cela voudrait dire que des personnes ont reçu des xénotransplants. Une bonne éthique exige, entre autres, une bonne science. Une bonne science exige que l'on fasse tout ce qu'il est possible de faire pour tirer le plus de leçons possibles du moins de cas possibles. Par conséquent, la surveillance, les tests et les autopsies font partie de la bonne science qui donne lieu à une bonne éthique.

M. Antonio Giulivi: Après la publication du rapport sur les maladies infectieuses et les xénotransplants... Il est vrai qu'aucun cas de maladie découlant de xénotransplantation n'a été signalé, mais on dispose de moyens naturels permettant de voir que cela pourrait se produire. La grippe qui a sévi l'année dernière à Hong Kong était le résultat de la fusion de deux virus, le virus du poulet et le virus de l'homme. Cela pourrait se produire dans les xénotransplantations. Ce que je dis donc, c'est que la xénotransplantation est valable, mais qu'il faut assurer un genre de surveillance—des enquêtes ou des autopsies—pour voir ce qui se passe. Comme l'a dit Mme Somerville, certaines personnes devraient en bénéficier, mais il faudrait alors les suivre de très près pour voir ce qui se passe et pour s'assurer que rien ne se transmet à la collectivité entière.

Le président: Avant de céder la parole à Mme Picard, vous avez dit il y a quelques instants, madame Somerville, que la science ne relève pas et ne devrait pas relever d'une compétence en particulier. Aux fins de notre discussion, dois-je interpréter les mots «science» et «médecine» comme voisins et synonymes?

Mme Margaret Somerville: Non.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Picard.

Mme Pauline Picard: J'aimerais m'adresser au Dr Giulivi et à M. Crowell.

On sait actuellement que la science va plus vite que la législation. On a eu, il y a six ans, la Commission d'enquête royale sur les nouvelles technologies de reproduction. On vient aussi d'avoir la Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada, dirigée par le juge Krever. Aucun cadre réglementaire n'a encore été adopté. Vous nous demandez de proposer la mise sur pied d'une autre commission qui étudierait la xénotransplantation.

Je me demande s'il ne serait pas possible d'adjoindre les techniques de xénotransplantation grâce aux études faites par les deux commissions durant les récentes années. Faut-il absolument établir une autre commission, alors qu'on est déjà en retard sur la manipulation génétique et les techniques de reproduction? Il y a aussi la transplantation des organes et des tissus. Je pense que le sang, selon le juge Krever, est aussi un tissu.

Comment se fait-il qu'on soit toujours à courir derrière la technique, qui nous semble toujours plus difficile? Il ne faudrait à en arriver à un autre scandale comme celui du sang contaminé qu'on vient de vivre actuellement.

• 1140

Je suis inquiète quand je pense qu'une autre étude serait à venir pour nous indiquer quel cadre réglementaire et quelles normes adopter par rapport à ces techniques. Quand pourra-t-on les déposer et pouvoir se dire qu'enfin nous pouvons rassurer le public et lui donner des soins de qualité?

[Traduction]

Le président: Monsieur Giulivi.

M. Antonio Giulivi: La science est en constante évolution. Je fais de la recherche dans le domaine des cellules souches, de la croissance des cellules, de la mort des cellules, etc. En général, on procède à la recherche, on progresse et les questions d'éthique se posent. Une multitude de questions se posent, ce qui est normal. La science va évoluer. Depuis dix ans que je travaille dans ce domaine, elle a complètement évolué.

D'après vous, la question est de savoir si l'on veut mettre un terme à tout cela et prévoir un cadre de réglementation. Je ne suis pas d'accord. À Ottawa, on a demandé aux gens—aux médecins, à ceux qui font des transplantations, à moi-même—de s'autoréglementer, de soulever ces questions et de se soumettre à un examen externe. C'est ce que l'on a fait pour l'examen général avec les Américains. On a réussi, et le laboratoire est maintenant accrédité. C'est la façon dont on procède, avec les pairs.

On a dit plus tôt que la médecine est assujettie à un système d'examen par les pairs. Si l'on y ajoute une réglementation, on bloque la technologie, alors qu'elle doit progresser. Vous dites ensuite que cela pourrait mener à d'autres risques. Effectivement, cela pourrait nous mener à d'autres risques, comme la transmission de virus, etc. On a toutefois tiré beaucoup de leçons du passé. Le VIH est un virus qui nous a fait comprendre il y a dix ans que l'exposition peut entraîner une maladie mortelle; on n'y avait pas pensé et le syndrome de Creutzfeld-Jakob l'a bien illustré. On est donc maintenant très ouvert aux questions que se posent les scientifiques chaque jour.

Le président: Madame Somerville, voulez-vous intervenir?

Mme Margaret Somerville: Madame Picard, je comprends votre frustration, mais deux choses sont importantes, je crois.

Tout d'abord, la Commission royale d'enquête sur les nouvelles techniques de reproduction n'est pas du temps perdu, même si aucune loi n'en a découlé. Il faut être prêt à s'engager dans ce processus qui est valable. Il n'est pas toujours nécessaire d'avoir un résultat tangible au bout du compte.

Deuxièmement, dans le domaine de l'éthique, en ce moment, car, comme le dit M. Giulivi, la science évolue rapidement, il faut à tout prix essayer—c'est la raison pour laquelle ce comité est si important—de poser le plus de bonnes questions possibles et de structurer un cadre à partir de ces mêmes questions de manière à les connaître, à savoir dans quels domaines elles se posent et pourquoi. Les réponses ne viennent pas toutes seules.

Ce que l'on cherche en fait, c'est utiliser les questions pour gérer l'incertitude, car l'incertitude est absolument incontournable. Il est impossible de faire des progrès scientifiques sans incertitude. Il faut tout faire pour que les risques de cette incertitude soient le moins grave possible sur le plan éthique.

Le président: Merci, madame Somerville.

Madame Ur, voulez-vous passer votre tour?

Mme Rose-Marie Ur: Oui, pas de problème.

Le président: Merci.

Mme Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

Permettez-moi de pousser la discussion plus avant, car c'est un véritable dilemme. Vous avez tous identifié les problèmes que pose la xénotransplantation—les questions de transgénèse, la transmission des maladies. Monsieur Giulivi, vous avez parlé des problèmes du virus du poulet à Hong Kong.

Tout cela nous amène à la question de savoir pourquoi, en tant que société, on n'impose pas un moratoire sur la recherche clinique et préclinique en matière de xénotransplantation, tant que l'on ne disposera pas de bonnes bases et tant qu'il n'y aura pas de débat public comme celui que tout le monde ne cesse de demander. Pourquoi ne pas imposer un tel moratoire?

M. Antonio Giulivi: Un moratoire empêchera de poser les questions. On pourrait faire des expériences scientifiques en utilisant d'autres... il n'est pas nécessaire d'utiliser des personnes, on peut utiliser les virus eux-mêmes, ou divers milieux de culture de cellules. Le problème, c'est que l'on a très peu d'expertise dans ce domaine; il y a peu de personnes. Il y a par ailleurs le public qui exige la xénotransplantation et il y a aussi les entreprises commerciales aux États-Unis.

• 1145

Je crois que le Canada est le seul pays qui ait tenu un forum du genre sur la xénotransplantation afin de montrer aux autres sociétés ce que l'on fait ici. On est également en train de développer la recherche dans ce domaine, au niveau du laboratoire.

Mme Margaret Somerville: Effectivement. Je ne serais pas aussi vague que vous. En effet, l'Europe va probablement imposer un moratoire. Les États-Unis ont eu un forum. Le NIH en a tenu un, mais il n'a pas rassemblé de représentants aussi divers que celui du Canada.

Par ailleurs, selon une règle générale d'éthique pour la recherche, on ne peut pas commencer à faire de la recherche sur des sujets humains tant que l'on n'a pas fait toute l'expérimentation animale possible. D'après ce que je sais à propos de l'Europe, il n'y a pas eu suffisamment d'expérimentation animale. Il se peut donc que l'on n'ait pas besoin de moratoire, car selon les règles d'éthique pour la recherche en usage au Canada, on ne pourrait le faire de toutes façons. Autant que je sache, personne au Canada n'a l'intention de le faire sans approbation officielle.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Il n'y a pas de moratoire dans notre pays et il n'y pas non plus eu de débat public. En même temps, nous avons appris aujourd'hui qu'il n'existe pas de directives établies, rigoureuses, à l'égard de la recherche. Ne devrait-on pas, au moins, avoir des directives précises de Santé Canada au sujet de la recherche clinique et préclinique en matière de xénotransplantation?

M. Antonio Giulivi: Comme l'a dit Mme Somerville, on ne pourrait le faire qu'en secret, car selon le système au Canada, les spécialistes de la transplantation sont réglementés par la province et tout le monde est au courant de ce qu'ils font. Ils ne vont donc pas transplanter des organes d'un cochon sur un homme. Cela ne va pas se passer. Il existe déjà des mesures au niveau provincial, si bien que cela ne peut pas se produire.

M. Brian Crowell: En fait, si vous permettez, monsieur le président, une lettre a été envoyée cette semaine, je crois, aux médecins et chirurgiens des hôpitaux pour leur indiquer que s'ils souhaitent prendre des mesures héroïques pour sauver la vie d'une personne et utiliser le foie d'un cochon ou les îlots pancréatiques d'un cochon en cas de diabète grave et aigu, cet essai clinique dépend de l'approbation du programme des produits thérapeutiques. Ils doivent donc obtenir l'approbation de la Direction générale de la protection de la santé pour procéder à cet essai. Cette lettre a été envoyée cette semaine.

On progresse donc rapidement dans ce domaine tout en essayant d'ouvrir le débat au public, débat qui doit être très étendu et toucher beaucoup de Canadiens.

Le président: Monsieur Crowell, je me demande si vous pourriez remettre cette lettre au comité. Il vous suffit de l'envoyer à la greffière et nous veillerons à ce que tout le monde la reçoive.

M. Brian Crowell: C'est entendu.

Le président: Merci.

Monsieur Jackson.

M. Ovid Jackson: Je n'ai pas de question. Je vais donner à l'Opposition—qui s'est plainte—la possibilité de poser d'autres questions.

Le président: Nous cédons donc la parole à M. Vellacott.

M. Maurice Vellacott: On a de toute évidence déterminé que les xénotransplants posent énormément de questions éthiques. Je crois que d'autres également se présentent à propos de la transplantation d'organes.

J'ai ici un excellent article de l'Association médicale canadienne qui indique que les chercheurs d'Ottawa en sont au dernier sprint dans la course au coeur artificiel. Cela se passe à Ottawa et il en a de nouveau été question dans les dernières nouvelles. Je me demande, madame Somerville, si un coeur artificiel, une fois qu'il sera inventé et approuvé, pose des questions éthiques.

Mme Margaret Somerville: La recherche médicale sur l'homme pose toujours des questions éthiques, et celles qui se posent au sujet du coeur ne sont pas différentes de celles qui se posent au sujet de n'importe quelle autre technologie médicale nouvelle ou de pointe. Cela peut se distinguer de la xénotransplantation.

Un point véritablement intéressant, et j'en reviens de nouveau au délai d'acceptation—j'en parle au dernier paragraphe du petit document que je vous ai remis—c'est qu'il existe une solution de rechange à la xénotransplantation, mais qu'elle est quelque peu éloignée; au plan éthique, comment justifier que l'on évite complètement le risque de la xénotransplantation en attendant la réalisation de ces nouvelles découvertes? Il ne s'agit pas simplement du coeur artificiel, mais il est également question—et M. Giulivi en a parlé—de cellules souches et du fait qu'elles pourraient servir à créer des organes en vue de transplantation. Ce sont des organes humains qui produiraient les tissus nécessaires. Cependant, cela pose d'autre graves questions éthiques au sujet de l'utilisation d'embryons humains pour la recherche, etc.

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M. Maurice Vellacott: Je pensais simplement que, dans des questions de ce genre, nous avons parfois tendance à limiter notre champ de vision à ce qu'on connaît déjà... et que nous avons presque besoin d'une mutation profonde dans nos pensées, nos perceptions et nos valeurs. Il s'agit donc de la nature de ma question.

Quant à mon autre question, il ne serait peut-être pas mauvais de la poser à tous les participants à la table ronde. En essayant de rester, d'une certaine manière, le plus impersonnel possible, à supposer que vous croyez qu'il faut prêcher par l'exemple, comme on dit, se trouverait-il quelque part dans ce pays une carte de donneur signée par André Wisaksana, Margaret Somerville, Antonio Giulivi, Brian Crowell—une carte de donneur signée. Vous en avez parlé à votre famille et vous avez consenti à donner des organes?

Mme Margaret Somerville: Voulez-vous dire par là que nous l'avons fait?

M. Maurice Vellacott: L'avez-vous fait?

M. André Wisaksana: Oui, j'ai signé la carte.

Mme Margaret Somerville: Non. Je ne l'ai pas signée pour une raison médicale.

M. Antonio Giulivi: Oui, je l'ai signée.

M. Brian Crowell: Je ne l'ai pas fait.

M. Maurice Vellacott: Vous ne l'avez pas fait. Je vais dorénavant poser cette question aux participants aux tables rondes, si le président m'y autorise.

Le président: Je vous sais gré de l'intérêt que vous portez à cette question, mais je ne suis pas sûr de pouvoir autoriser ce genre de question et c'est injuste pour les témoins.

M. Maurice Vellacott: Bien.

Le président: Je vous demanderais de ne pas le faire.

M. Maurice Vellacott: D'accord.

Le président: Merci.

M. Maurice Vellacott: Je peux poser la question à titre personnel, probablement entre deux pauses...

Le président: Plus tard.

M. Maurice Vellacott: Comme vous voudrez. C'est ce que je vais faire.

Le président: Merci. Je suis désolé d'avoir laissé le membre du comité poser la question au départ. J'aurais dû intervenir avant.

Madame Somerville, il n'est pas nécessaire d'apporter des précisions là-dessus à moins que...

Mme Margaret Somerville: J'aimerais ajouter quelque chose au sujet d'une étude de recherche très intéressante. On a interrogé un groupe de personnes pour savoir si elles croyaient aux dons d'organes aux fins de transplantation. Quatre-vingts pour cent d'entre eux ont répondu par l'affirmative; on leur a ensuite posé exactement la question que vous venez tout juste de formuler, à savoir avez-vous signé votre carte de donneur? Seulement 15 p. 100 l'avaient fait. On leur a ensuite demandé pourquoi ils avaient répondu qu'ils croyaient aux dons d'organes mais n'avaient pas signé leur carte de donneur? Ils ont alors dit qu'ils avaient pensé qu'on leur demandait s'ils accepteraient de donner les organes de quelqu'un d'autre.

M. Maurice Vellacott: Je ne pose pas cette question.

Le président: Monsieur Vellacott, nous sommes à la fin de la séance.

Merci beaucoup, madame Somerville. Je pense que nous terminerons sur une bonne note. M. Crowell, M. Giulivi, Mme Somerville—et M. Wisaksana—je suis désolé qu'on ne vous ait pas posé beaucoup de questions.

M. André Wisaksana: J'en suis plus qu'heureux.

Le président: Je suppose que les questions concernant les normes avaient été traitées auparavant. Je vous remercie malgré tout d'être venus et d'avoir partagé avec nous certaines de vos connaissances.

La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation de la présidence.