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SCRA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CORRECTIONS AND CONDITIONAL RELEASE ACT OF THE STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

SOUS-COMITÉ SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION DU COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mars 1999

• 0930

[Traduction]

Le président (M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Il s'agit d'une réunion du Sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Notre premier témoin est Mme Verna Ryan de la prison de l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme Verna Ryan (directrice, Centres correctionnels provinciaux, Prison de l'Île-du-Prince-Édouard): Je vous remercie, monsieur le président, et je souhaite la bienvenue dans les Maritimes au sous-comité. J'apprécie le temps que vous me consacrez ce matin.

Je vais limiter mes commentaires à trois questions définies dans le mandat. La première a trait à la réintégration des contrevenants.

À l'Île-du-Prince-Édouard, nous travaillons en étroite collaboration avec le Service correctionnel du Canada relativement aux services que nous offrons aux contrevenants. Nous avons conclu une convention de services prolongés avec le gouvernement fédéral, de sorte que nous hébergeons des détenus sous responsabilité fédérale aussi bien que des détenus sous responsabilité provinciale.

Nos efforts ont surtout porté sur l'évaluation, la planification et la gestion des cas de même que sur la planification des mesures de redressement et les programmes. De concert avec le Service correctionnel du Canada, nous avons tenté de reproduire la situation en vigueur dans les établissements fédéraux: à cette fin, nous nous efforçons de porter nos programmes au niveau uniforme des leurs. Nous avons notamment comme objectif de fournir à la Commission nationale des libérations conditionnelles des renseignements sur les contrevenants hébergés chez nous, qu'ils soient sous responsabilité fédérale ou provinciale, qui correspondent à ceux que leur fournissent des établissements fédéraux.

Imaginons, par exemple, qu'un contrevenant a suivi un programme de maîtrise de la colère à Springhill: notre intention est de faire en sorte que, à supposer qu'il s'inscrive à un programme de maîtrise de la colère dans l'établissement provincial, la Commission puisse compter sur le même contenu et la même prestation.

À cette fin, nous recommandons que la province et le SCC poursuivent leurs efforts communs dans les domaines de l'évaluation, de la planification et des programmes, au niveau des établissements aussi bien qu'à celui des collectivités, et que la Commission le reconnaisse. Nous recommandons également que le Service correctionnel du Canada accrédite les programmes offerts au niveau provincial.

Pour faire en sorte que la Commission obtienne les renseignements dont elle a besoin, l'établissement d'un mécanisme ou d'un outil uniforme nous serait également très utile. Nous avons mis au point une procédure en vertu de laquelle nous transmettons des renseignements à la Commission, mais nous n'avons pas reçu beaucoup de commentaires concernant l'utilité effective de cette procédure quant aux décisions prises au sujet des condamnations avec sursis.

La deuxième question a trait aux libérations conditionnelles. Une fois de plus, nous collaborons avec le SCC dans le dossier des détenus mis en liberté à l'Île-du-Prince-Édouard. Notre établissement provincial a été désigné à titre d'établissement de logement communautaire, de sorte que nous accueillons des personnes en semi-liberté et des personnes libérées d'office assignées à résidence. Nous accueillons également des personnes qui ont contrevenu aux conditions de leur libération conditionnelle et d'autres encore dont la libération conditionnelle a été révoquée.

L'un des défis que nous devons relever a trait à l'information concernant la gestion de ces contrevenants. À notre avis, les deux régimes bénéficieraient au plus haut point de l'établissement d'un système automatisé auxquels auraient accès les autorités provinciales et fédérales—relativement à l'évaluation des risques que présentent les contrevenants et au placement de ces derniers par les établissements, particulièrement ceux qui ont contrevenu aux conditions de leur libération conditionnelle. À court terme, on en viendra à considérer que ces derniers représentent un risque plus élevé que c'est le cas en réalité, du seul fait qu'on ne dispose pas de tous les renseignements les concernant.

Nous recommandons également que la province continue d'explorer le rôle que nous jouons de concert avec le Service correctionnel du Canada, en mettant des ressources à la disposition des contrevenants qui réintègrent la société. Nous recommandons enfin l'établissement d'un système automatisé commun de gestion des dossiers à l'usage des autorités provinciales et fédérales.

• 0935

La troisième question que je souhaite soulever a trait à la notification des victimes. Les détenus sous responsabilité fédérale que nous hébergeons en vertu d'une convention d'échange de services et les détenus sous responsabilité provinciale ont accès à notre programme d'absence temporaire sans escorte. Il s'agit d'un programme que nous encourageons et auquel nous tenons beaucoup. À l'heure actuelle, nous mettons tout en oeuvre pour prévenir les victimes avant qu'une autorisation d'absence temporaire ne soit donnée. Nous demandons leur avis, et leurs commentaires peuvent avoir pour effet de renverser la décision.

Nous aimerions toutefois avoir des éclaircissements quant aux efforts qui doivent être déployés pour répondre aux exigences de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Nous attendons simplement de nouvelles précisions. C'est donc ce que nous recommandons dans ce dossier.

Voilà qui met un terme à mes commentaires.

Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Ryan.

[Français]

Nous pouvons passer aux questions. Monsieur Gouk, vous avez trois minutes.

[Traduction]

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président. En fait, je n'ai pas de questions. Le mémoire complète bien les témoignages entendus ce matin. Les questions soulevées s'ajoutent à celles que nous allons devoir départager et examiner.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): On nous vante les mérites d'une coopération assez étroite entre le Service correctionnel du Canada et les provinces dans plusieurs situations.

Sur papier, la coopération entre le Service correctionnel du Canada et les provinces semble être une bonne chose si on regarde cela de loin. Nous sommes toutefois allés à quelques endroits, notamment au Nouveau-Brunswick. Dans les faits, la situation n'est pas aussi belle qu'on le dit. Il semble y avoir certains problèmes dans le cas des prisonniers provinciaux qui sont dans des institutions fédérales. La direction de ces institutions ainsi que les prisonniers nous ont indiqué que la situation n'était pas très rose et que ça n'allait pas très bien.

Je voudrais connaître votre opinion à cet égard. Premièrement, est-ce que la coopération fédérale-provinciale que vous vantiez à plusieurs reprises dans votre mémoire est aussi bonne que vous le dites?

Deuxièmement, quelles seraient les choses à améliorer pour éviter certains dérapages qui peuvent se produire?

[Traduction]

Mme Verna Ryan: Notre situation est tout à fait différente de celle du Nouveau-Brunswick. Les accords que nous avons conclus sont différents de ceux conclus par le Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, les contrevenants sous responsabilité provinciale reconnus coupables d'une infraction à caractère sexuel et condamnés à une peine d'emprisonnement de plus de six mois sont automatiquement confiés à un établissement fédéral. De la même façon, les contrevenants sous responsabilité provinciale condamnés à une peine d'emprisonnement de plus de un an sont automatiquement confiés à un établissement fédéral. Chez nous, la situation est tout autre.

Nous tentons précisément de faire le contraire. Nous nous efforçons de garder les détenus provinciaux dans la province, ce qui, grâce au maintien des liens familiaux, facilite leur réintégration. Nous n'avons pas l'intention de confier des détenus à des établissements fédéraux. Nous souhaitons plutôt modifier nos programmes de façon qu'ils répondent aux normes du SCC, qui aura ainsi l'assurance que les contrevenants sous responsabilité fédérale ont droit aux mêmes services à l'Île-du-Prince-Édouard. Notre système est donc très différent de celui du Nouveau-Brunswick.

• 0940

[Français]

M. Richard Marceau: Merci.

Le président: Merci, monsieur Marceau.

[Traduction]

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. J'ai un commentaire et une question.

À la lumière de ce que nous avons constaté dans d'autres provinces, il nous apparaît évident que les systèmes fédéral et provinciaux ont du mal à s'arrimer. Au Nouveau-Brunswick, la situation n'est guère reluisante. Je me demande si vous n'auriez pas plutôt intérêt à vous engager sur une autre voie et à coordonner ou encore à fusionner votre programme avec celui d'une autre province ou d'autres provinces, ce qui vous conférerait une taille suffisante pour administrer vos propres programmes, tandis que les responsables fédéraux administreraient les leurs, comme on l'a fait dans des provinces comme la Colombie-Britannique, l'Ontario, etc. Ainsi, vous vous heurteriez moins à des problèmes de cette nature.

Dans les grands systèmes, la situation n'est pas non plus tout à fait rose, mais je vois mal comment le système fédéral sera en mesure de s'adapter aux petites provinces, comme l'Île-du-Prince-Édouard. C'est la réalité.

Mme Verna Ryan: En ce qui concerne votre premier commentaire, qui portait sur le regroupement de provinces, je souligne que nombreux sont les établissements provinciaux qui, sur le plan de la gestion et des programmes, accusent du retard par rapport au SCC. Quant à nous, nous avons déployé beaucoup d'efforts à ce chapitre.

Le problème tient au fait que c'est le bureau de Moncton de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui nous assure des services. Il en va de même pour les détenus provinciaux et les ententes d'échange de services. Nous avons donc le sentiment de devoir fournir à la Commission les renseignements dont elle a besoin pour prendre des décisions relatives à la planification des mises en liberté sous une forme qu'elle connaît bien. Voilà pourquoi nous déployons des efforts en ce sens.

M. Ivan Grose: Je comprends. Comme toujours, rien n'est aussi simple qu'il y paraît à première vue.

Mme Verna Ryan: Non.

M. Ivan Grose: Je vous remercie beaucoup.

Mme Verna Ryan: J'aimerais également dire un mot de la situation en vigueur à Terre-Neuve, en particulier à Clarenville, où l'organisme fédéral, le SCC, est allé encore plus loin. En fait, il a mis la main sur une partie de l'établissement. Ce dernier compte 30 lits qui lui sont réservés, et l'organisme a investi dans les programmes et les ressources humaines pour répondre à ses besoins.

M. Ivan Grose: Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Madame Ryan, pourriez-vous décrire brièvement la situation des établissements de l'Île-du-Prince-Édouard—les maisons de transition et la répartition des détenus sous responsabilité fédérale et provinciale dans les établissements et dans les maisons? Avez-vous accès à l'enquêteur correctionnel?

Mme Verna Ryan: À l'Île-du-Prince-Édouard, on retrouve deux centres pour adultes. L'un d'eux est très petit: on y retrouve 27 lits. L'autre en compte 96. En fait, ils sont tous les deux relativement petits. En vertu de l'entente d'échange de services, dix lits sont réservés pour les contrevenants sous responsabilité fédérale. Ce nombre fluctue au cours de l'année. À l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y a pas de maisons de transition. En réalité, on a fait de notre établissement provincial un établissement de logement communautaire parce qu'il n'y a pas de centre purement communautaire.

Pour répondre à votre dernière question, nous n'avons pas accès à l'enquêteur correctionnel fédéral, même si nous avons assuré la formation des membres de notre personnel, qui, de toute évidence, ne sont pas indépendants, à l'aide de formateurs du SCC spécialisés dans les enquêtes.

Le président: Comment décririez-vous la situation des détenus de sexe féminin et des détenus autochtones?

Mme Verna Ryan: En ce qui concerne les détenus autochtones, on n'observe pas à l'Île-du-Prince-Édouard une surreprésentation comparable à celle qu'on retrouve dans le reste du Canada, probablement en raison de leur petit nombre.

Quant aux détenus de sexe féminin, je pense qu'un certain nombre de problèmes se posent ici. Notre centre est mixte. Il compte 96 lits, dont une unité pour femmes.

• 0945

La situation des femmes pose à coup sûr des problèmes. De toute évidence, elles vont à Nova et, à leur retour dans la collectivité, utilisent l'Addiction Centre for Women comme point de ralliement. Une fois de plus, cependant, nous collaborons avec le comité de réintégration des femmes du SCC pour mettre au point des solutions de rechange communautaires. Dans les régions rurales en particulier, nous devons impérativement trouver des moyens nouveaux et créatifs d'aider ces femmes à réintégrer la société.

Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Ryan. Merci également pour votre mémoire. Il sera utile au comité et à nos recherchistes. Merci enfin d'avoir accepté notre invitation.

Mme Verna Ryan: Je vous remercie beaucoup de m'avoir reçue. J'apprécie l'occasion qui m'a été donnée.

Le président: Nous accueillons maintenant Ann Sherman, de la Community Legal Information Association of Prince Edward Island.

Madame Sherman, vous disposez de cinq à dix minutes, après quoi les membres vous poseront des questions.

Mme Ann Sherman (directrice exécutive, Community Legal Information Association of Prince Edward Island): J'ai beaucoup l'occasion qui m'est donnée de me faire entendre.

Ma situation diffère légèrement de celle de tous les autres témoins que vous entendrez ce matin. Je ne fais pas partie du système correctionnel. Je travaille pour le compte d'un groupe communautaire qui s'intéresse à la justice au sens large. Essentiellement, la Community Legal Information Association est une association d'éducation et d'informations juridiques publique financée par le ministère fédéral de la Justice, le ministère provincial de la Justice, le Procureur général de l'Île-du-Prince-Édouard et la fondation MORE. Nous avons pour but de fournir aux insulaires des renseignements utiles et compréhensibles concernant nos lois et notre appareil judiciaire. Notre travail repose sur la coopération entre des membres de groupes communautaires, d'associations d'avocats, de ministères et de membres du public intéressés.

Ce matin, j'aimerais attirer particulièrement votre attention sur deux questions. Bien entendu, la première a trait à la sensibilisation du public, ce qui, je crois, fait partie du premier enjeu que vous étudiez, à savoir l'administration des peines et la préparation des détenus à un retour éventuel au sein de la collectivité. De façon plus précise, cette question a trait à la mesure dans laquelle le processus garantit à la fois la sécurité des collectivités et la réintégration des détenus.

La troisième question que j'aimerais soulever, en ma qualité de membre du Victim Services Advisory Committee de l'Île-du-Prince-Édouard, concerne les victimes. Il s'agit de la quatrième question à l'étude pour vous, à savoir les victimes et leurs préoccupations quant au Service correctionnel et à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

En ce qui concerne la sensibilisation du public, j'ai eu la chance d'assister à la ronde antérieure de consultations, et j'ai été très encouragé de constater que, dans le rapport issu de ces consultations, la nécessité de sensibiliser le public, mieux et davantage, fait consensus. À mon sens, nous devons consacrer du temps, de l'argent et des efforts pour sensibiliser les Canadiens à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ces derniers doivent savoir ce qu'on fait, comment et pourquoi. Pour se convaincre de l'utilité de l'éducation juridique publique, il suffit de se pencher sur la façon dont la Loi sur les jeunes contrevenants était perçue au sein de la collectivité: en fait, de nombreux articles de cette loi étaient mal compris, et on peut certes en dire tout autant des principes fondamentaux qui la sous-tendaient.

La détermination de la peine est une question complexe. À mon avis, les citoyens ne comprennent pas vraiment pourquoi nous infligeons une peine aux personnes reconnues coupables d'une infraction pénale, ni comment la peine est déterminée, ni encore ce qu'on espère accomplir de cette façon. Les Canadiens, qui ne voient dans la détermination de la peine qu'une démarche punitive, se concentrent exclusivement sur les aspects punitifs de même que sur la sécurité de la collectivité.

À mon avis, l'éducation publique revêt une importance capitale pour l'acceptation et le soutien futurs de cette loi. J'ai avec moi quelques exemples de documents d'information écrits. Loin de moi l'intention d'affirmer que rien n'est fait au titre de l'éducation du public. J'insiste simplement sur la nécessité d'une éducation plus poussée et de meilleure qualité.

• 0950

J'ai reçu le feuillet d'information que voici il y a quelques semaines. Il provient du Solliciteur général. On y retrouve des articles qui peuvent être découpés et collés ou reproduits dans des publications à l'aide d'un scanner. On y confronte les mythes et les réalités, et c'est précisément ce genre de renseignements qu'il est très utile d'inclure dans d'autres documents écrits. Il est très important qu'on multiplie les documents de ce genre. Les renseignements écrits sont très importants.

Je voulais également mettre en lumière cette autre publication produite à l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agit d'un guide portant sur le système correctionnel et les libérations conditionnelles à l'Île-du-Prince-Édouard. Il a été publié en 1994 par la division des services communautaires et correctionnels de la Health and Community Services Agency, en coopération avec le Service correctionnel du Canada, la Commission nationale des libérations conditionnelles et Justice Canada. Il a été conçu à l'intention des personnes appelées à répondre à des questions—qu'elles soient posées par des victimes de crime, des contrevenants ou encore des citoyens. Il s'agit d'un document des plus utiles pour l'orientation des nouveaux employés de même que pour les bénévoles qui travaillent au sein du système correctionnel. Au sein de mon organisation, nous avons également constaté que les documents de cette nature sont également très appréciés par les professeurs de droit, d'autres personnes que nous appelons des intermédiaires, par exemple celles qui travaillent auprès des victimes au sein de la collectivité, et les membres du public en général.

On peut produire un tel document à bon compte. Il suffit d'utiliser les rudiments de la rédaction en langage clair. Le document est tout à fait compréhensible. On procède par questions et réponses, et on oriente vers des ressources additionnelles les personnes qui n'ont pas obtenu une réponse à leurs questions.

À mes yeux, ces documents écrits revêtent une très grande importance. Cependant, nous devons également nous pencher sur la diffusion d'information par des moyens autres que l'écrit. Ainsi, nous devons envisager le recours aux médias électroniques, utiliser la radio au maximum et présenter des exposés à des groupes communautaires.

Au cours des dernières semaines, Ole Ingstrup, commissaire du Service correctionnel du Canada, Cleve Cooper, commissaire adjoint aux marchés communautaires et à la police autochtone et Art Robson, directeur de la Commission nationale des libérations conditionnelles dans la région de l'Atlantique, ont tous fait des exposés dans des clubs Rotary de la région de l'Atlantique. Cette démarche s'inscrit dans le cadre des efforts concertés déployés pour sensibiliser la collectivité dans le cadre d'un projet auquel j'ai été mêlé au comité de coordination de l'Atlantique pour la prévention du crime et la sécurité communautaire. Nous avons déployé des efforts concertés pour inviter des conférenciers prestigieux et chevronnés à se rendre dans la collectivité pour parler de la réintégration des détenus et d'autres sujets de préoccupation au sein du système correctionnel.

À l'Île-du-Prince-Édouard, je participe toutes les deux semaines à une émission de radio du réseau anglais de la SRC—l'émission est diffusée en direct. Il s'agit d'une brève émission de dix minutes au cours de laquelle l'animateur et moi abordons diverses questions. L'émission, diffusée en après-midi sur les ondes du réseau anglais de la SRC, rejoint environ 30 p. 100 des personnes qui, sur l'île, écoutent la radio. Il s'agit d'un moyen en or de diffuser de l'information.

Les tribunes publiques, particulièrement celles qui se concentrent sur des questions d'intérêt pour les collectivités locales, constituent un autre très bon moyen de diffuser de l'information. Dans la région de l'Atlantique, on compte certaines lignes ouvertes radiophoniques des plus populaires. La question de la criminalité et du système correctionnel constitue toujours un sujet brûlant d'actualité, et on peut toujours compter sur un débat fort animé.

J'aimerais également vous montrer une trousse d'information que nous avons conçue sur l'île à l'intention des médias. Le document a été produit par mon association grâce à des fonds du Service correctionnel du Canada. Il s'agit d'un document fort peu coûteux. On y retrouve une liste de personnes ressources, des numéros de téléphone, des noms ainsi que des adresses électroniques. On y met l'accent sur certaines des questions qui, au moment de la rédaction, préoccupaient les insulaires. Nous nous sommes donc penchés sur le problème de la criminalité chez les jeunes. À l'occasion d'une séance, nous retenons les idées d'articles qui sont positives plutôt que négatives parce qu'une bonne part de la publicité qui entoure le service correctionnel porte sur nos échecs et très peu sur nos réussites.

Il ne faut pas beaucoup d'argent pour diffuser de l'information, et on peut le faire de nombreuses façons. La Commission nationale des libérations conditionnelles fait déjà beaucoup au chapitre de l'éducation publique. J'aimerais qu'on fasse davantage. J'aimerais qu'on procède peut-être de façon plus officieuse, et j'aimerais aussi qu'on agisse en coopération avec un comité consultatif communautaire ainsi qu'avec des organismes communautaires comme le mien.

• 0955

Dans une version provisoire du mémoire qu'elle a présenté au comité, l'Association canadienne de justice pénale écrit:

    Une déclaration simple et succincte énumérant les avantages de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour le bénéfice des citoyens, des victimes, des employés du service correctionnel et des contrevenants serait des plus éclairante et des plus instructive, en plus de contribuer à accroître la confiance du public dans le système correctionnel fédéral.

Je pense que l'ouverture et l'éducation constituent les plus sûrs moyens d'accroître la confiance du public.

En ce qui concerne les victimes, je siège, comme je l'ai indiqué, au Victim Services Advisory Committee de l'Île-du-Prince-Édouard, et les membres de ce comité m'ont demandé de soulever quelques questions auprès de vous aujourd'hui.

La première a trait à la justice réparatrice. Je tiens à préciser que nous sommes très en faveur de la justice réparatrice. Nous sommes en faveur des procédures et des processus axés sur les victimes et sensibles aux besoins de ces dernières: dans le cas contraire, en effet, on perd l'aspect réparateur. Nous pensons également qu'il faut convenir que, dans certains cas, le processus réparateur ne donnera aucun résultat et que rien ne peut réparer le tort causé. Il s'agit de cas d'une extraordinaire gravité. Même dans ces cas, on peut associer la victime à un processus qui favorise la guérison, sans se concentrer exclusivement sur la vengeance.

J'aimerais citer les propos d'un ancien procureur général de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Mitch Murphy. À propos des victimes, il a déclaré ce qui suit:

    [...] la plupart des victimes veulent qu'on les traite de façon sensible (et) ont besoin de renseignements présentés de façon opportune et compréhensible. Elles tiennent à ce qu'on respecte les renseignements personnels qui les concernent. Elles tiennent à ce qu'on intervienne de façon efficace auprès du contrevenant; par-dessus tout, elles ne veulent pas être victimisées à nouveau par le contrevenant, par d'autres contrevenants ou encore par un système de justice qui, par moments, peut sembler insensible.

Nous aimerions également que les contrevenants versent un dédommagement et une amende supplémentaires pendant leur détention, particulièrement lorsqu'ils bénéficient d'un placement à l'extérieur et qu'ils sont rémunérés. À notre avis, le versement d'un dédommagement et d'une amende supplémentaire pourrait compter parmi les facteurs pris en considération le moment venu d'accorder une libération conditionnelle. Nous savons également que la peur, en plus de constituer une grande motivation, constitue un obstacle de taille. Bon nombre de victimes et d'autres membres de la collectivité qui aimeraient fournir de l'information à l'occasion d'audiences de la Commission nationale des libérations conditionnelles hésitent à le faire par peur de représailles de la part du contrevenant. Nous sommes favorables à toute modification qui permettrait d'étudier la possibilité de garder confidentielle la source de telles informations.

Dans les régions rurales, particulièrement sur l'Île, les victimes jugent difficile d'assister aux audiences de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui se tiennent ailleurs sur le continent, en raison des frais de déplacements. Nous aimerions qu'on intègre dans la loi une disposition portant que les victimes dans le besoin qui assistent à de telles audiences auront droit au remboursement de leurs frais de déplacement.

Nous pensons qu'il faut fournir des renseignements aux victimes. On pourrait faciliter les choses en prenant des dispositions au moment où la décision est rendue. À notre avis, le contact avec les victimes, c'est-à-dire le contact personnel, est important dans la mesure où l'information écrite ne tient pas compte des problèmes d'analphabétisme ni des cas où la langue pose problème.

En terminant, je répète que je suis tout à fait favorable aux mesures qui touchent la justice réparatrice. J'appuie le mémoire déposé par le Conseil des églises pour la justice et la criminologie, dans lequel on fait valoir que, en allongeant, même en doublant une peine, on tombe dans le piège qui consiste à s'en remettre à la détermination d'une peine pour que justice soit faite et à établir le nombre d'années qui convient pour satisfaire à ce qui ne pourra jamais être satisfait, surtout pas dans un tribunal ni dans un établissement pénitentiaire. À mon avis, il est très important d'en tenir compte, particulièrement dans le cadre des délibérations qui entourent le nouveau projet de loi d'initiatives parlementaires sur les peines consécutives.

J'espère que vous saurez faire preuve de la sagesse de Salomon dans l'étude de ces questions, qui sont extraordinairement difficiles. J'apprécie beaucoup le temps que vous m'avez consacré ce matin.

Le président: Merci beaucoup, madame Sherman, de votre mémoire détaillé.

Je me demandais si vous auriez l'amabilité de laisser les documents auxquels vous avez fait allusion à titre d'information pour nos recherchistes?

Mme Ann Sherman: Avec plaisir, oui.

• 1000

Le président: Merci.

Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Merci beaucoup, monsieur le président. Je n'aurai qu'un commentaire.

Madame Sherman, il ne fait aucun doute que vous nous avez communiqué certaines informations précieuses. Il est bon de savoir ce qu'on fait dans les collectivités dans ce dossier: en effet, on aura beau élaborer tous les textes de loi et toutes les procédures qu'on voudra, l'ignorance du public est l'un des principaux obstacles auxquels nous sommes confrontés.

Mme Ann Sherman: Vous avez raison.

M. Jim Gouk: Au fur et à mesure que nous avançons dans nos travaux, nous en prenons de plus en plus conscience. Nous faisons des constats avec lesquels, au départ, je n'étais pas d'accord en principe, et j'en viens à changer d'opinion. Souvent, nous nous sommes dit: comment allons-nous convaincre les citoyens du bien-fondé de ce que nous faisons? Il est évident que le service que vous offrez nous sera utile en ce sens.

Le comité a pour mandat précis d'étudier les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Nous avons pour mandat d'étudier les aspects de la loi qu'il faut améliorer pour faire en sorte qu'elle fonctionne mieux. Je pense que nous allons devoir nous pencher sur toute la question de la sensibilisation du public. Je vois mal comment on pourra intégrer cette obligation dans la loi elle-même, mais nous allons à coup sûr nous pencher sur cette question et tenter de trouver des moyens de rendre la loi plus efficace sans perdre ce facteur de vue.

Mme Ann Sherman: Oui, je comprends. À mon avis, cependant, il est très important que, tandis qu'on élabore et qu'on présente la nouvelle loi, on prévoie un mécanisme qui permettra d'élaborer de l'information et de la diffuser dans la collectivité: en dernière analyse, en effet, c'est le soutien de la collectivité qui assurera la réussite de la loi ou son échec.

Voici un exemple: très souvent, les plaintes qui entourent la détermination de la peine tiennent au fait que ces dernières sont trop clémentes. Or, cette impression repose habituellement sur un compte rendu médiatique très court et incomplet, qu'il s'agisse d'un reportage radiophonique de deux minutes ou, dans un journal, d'un entrefilet qui n'entre pas dans les détails. En discutant avec des citoyens, j'ai été à même de constater que la collectivité, mise au courant des renseignements dont disposait le juge au moment de la détermination de la peine, imposerait une peine encore plus clémente.

Ce qui fait défaut, et j'ignore comment vous pourriez corriger la situation, ce sont les renseignements complets qui sous-tendent le résultat. Trop souvent, on aboutit aux résultats finaux par l'intermédiaire des médias, sans avoir d'information quant au processus ou aux circonstances qui y ont conduit.

M. Jim Gouk: Vous avez tout à fait raison, mais, hélas, on est aussi confronté à quelques cas qui vont tout à fait dans le sens contraire et qui ont l'heur de susciter l'outrage du public. Or, il suffit de deux ou trois cas de cette nature pour gâter tous les autres.

Mme Ann Sherman: C'est vrai. On dit que les cas difficiles se soldent par l'adoption de mauvaises lois. Nous devons donc nous rappeler de ne pas fonder nos lois sur les rares échecs et cas difficiles que nous connaissons.

Le président: Je vous remercie, monsieur Gouk.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Vous nous avez présenté brièvement votre organisation sans nous dire le nombre de personnes qui en sont membres. Lorsqu'on parle d'une association, on parle de personnes. À part les employés qui sont subventionnés par les deux niveaux de gouvernement, soit deux employés à temps plein et une employée à temps partiel, combien comptez-vous de membres au sein de votre association?

[Traduction]

Mme Ann Sherman: Notre association ne se compose pas vraiment de membres. Au départ, nous étions subventionnés par le Fonds d'accès à l'information juridique du ministère de la Justice, lequel soutient des organismes comme le mien dans l'ensemble des provinces et des territoires du Canada.

[Français]

M. Richard Marceau: Pour ma deuxième question, je vais reprendre là où M. Gouk a laissé.

Vous avez mentionné le problème de la méconnaissance du public, le problème du clip de 30 secondes. C'est aussi notre problème à nous, politiciens, lorsque nous essayons d'expliquer des enjeux qui sont souvent compliqués. Nous ne pouvons pas le faire en 30 secondes. C'est un problème qui est assez général.

Une des questions que se font souvent poser les membres du comité lorsqu'ils retournent dans leurs comtés est la suivante: «Vous avez visité un peu les prisons. Comment était-ce?» Pour reprendre une expression de mon ami Ivan Grose, les gens nous demandent: «Comment était le centre de villégiature que vous avez visité?» Nous nous faisons poser cette question. C'est cela qu'on nous demande. Jim Gouk a dit que ce qu'il avait vu l'avait amené à changer un peu les idées préconçues qu'il avait.

• 1005

Quelles suggestions pourriez-vous nous faire pour améliorer la connaissance du public? Évidemment, celui-ci s'intéresse à la personne qui est en libération conditionnelle et qui décide de faire un massacre. Toutefois, en réalité, dans la plupart des cas, ce n'est pas cela qui se produit. Ce n'est pas du tout cela. Comment le gouvernement pourrait-il contribuer à mieux renseigner le public sur ce qui se passe réellement dans le système correctionnel canadien?

[Traduction]

Mme Ann Sherman: Vous pouvez utiliser à bon escient la CPAC, c'est-à-dire la chaîne parlementaire. À ma connaissance, des documentaires ont été préparés pour cette chaîne. Il s'agit d'une bonne ressource.

Sur l'île—il est vrai qu'il n'y a pas ici d'établissements pénitentiaires fédéraux—, nous organisons des journées «portes ouvertes». En réalité, ce sont des visites. Pour la Journée du droit, les élèves des écoles secondaires ont l'habitude de visiter les prisons locales, les établissements pour les contrevenants adultes de même que les établissements pour les jeunes contrevenants.

Les établissements sont adéquats. À mon avis, on n'a pas à s'excuser de loger les détenus dans des endroits convenables. Au sein d'une société civilisée, le fait de détenir des personnes dans des établissements bien tenus constitue en quelque sorte un critère fondamental.

Ce que les citoyens ne comprennent pas parfaitement bien, c'est que les détenus n'ont aucune autonomie: on leur dit quand se lever, quand se coucher, quand éteindre les lumières, quoi manger, quand manger, comment manger... Si vous vous rendez dans un établissement pour jeunes contrevenants, vous constaterez qu'il est impossible ne serait-ce que de déplacer une chaise et que les détenus ne sont pas libres de leurs mouvements, que des restrictions sont imposées quant aux rapports qu'ils ont avec les autres. Voilà qui pose bien le problème de la liberté et de ce que perdent les personnes qui sont incarcérées.

Je sais bien que certaines personnes parlent des établissements comme de camps de vacances, mais il s'agit, à mon avis, d'une réaction au fait que les coûts de la construction et de la dotation de tout type d'établissement sont extraordinairement élevés.

Si, dans le contexte de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, nous pouvions étudier des moyens de sortir les détenus de ces établissements pour les réinsérer dans la collectivité, tout en préservant la sécurité et la confiance de cette dernière et en l'invitant à participer au processus, nous serions moins témoins, je crois, de réactions négatives face à l'idée que les prisons ne sont pas assez punitives et qu'elles sont des lieux presque accueillants où on vient se reposer.

Nous devons également admettre que le fait de placer des personnes dans des établissements se traduit par une forme d'institutionnalisation. J'ai souvent été témoin de ce phénomène chez les jeunes contrevenants. J'ignore s'il en va de même pour les contrevenants adultes parce que je ne travaille pas au sein du système, mais je sais que, pour certains jeunes contrevenants, l'établissement constitue probablement l'endroit le plus sûr qu'ils aient jamais habité. C'est probablement l'endroit où la discipline est la plus poussée qu'ils aient jamais connue. Au sein de l'établissement, ils savent au moins à quoi s'en tenir. La vie en établissement est artificielle: pour certaines personnes, il est beaucoup plus facile de vivre en établissement que dans la collectivité au sens large.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Marceau.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer à M. Grose.

M. Ivan Grose: Je vous remercie, monsieur le président.

Madame Sherman, je tiens à vous remercier de votre témoignage. Il est excellent et bien conçu, et vos réponses sont elles aussi réfléchies. Nous avons déjà entendu bon nombre de choses que vous nous avez dites, mais c'est précisément ce que nous recherchons, à savoir un consensus.

Si vous pensez que les citoyens ne savent rien de la Loi sur les jeunes contrevenants, vous devriez vous mettre à notre place. Il y a des gens qui m'agressent avec véhémence en me disant que c'est une plaisanterie, que la situation doit changer qu'on doit durcir la loi. En les interrogeant, je constate qu'ils ne savent rien de la loi. Mais c'est la vie.

• 1010

Votre mémoire est aussi excellent, mais je vous demanderais à vous et aux autres personnes appelées à comparaître devant nous de bien vouloir nous faire parvenir ces documents écrits deux ou trois semaines à l'avance. Ainsi, nous aurons l'occasion de les examiner avant la comparution, de sorte que nous n'aurons pas à tenter de les parcourir tout en écoutant ce que les témoins ont à dire. Nous qualifions ces documents de lectures de chevet, et c'est exactement ce que nous faisons: la veille de l'audience, nous les lisons, et nous sommes préparés. Nous savons sur quoi porte votre mémoire. En agissant de la sorte, vous nous rendriez un fier service.

Vous avez fait allusion aux peines consécutives, sujet qui me tracasse beaucoup. Que pensez-vous de la modification des dispositions relatives aux peines consécutives, conformément au projet d'initiative parlementaire? En quelques mots.

Mme Ann Sherman: Je me disais aussi que je n'aurais rien dû dire à ce sujet.

Si nous recourons aux peines consécutives, comme on le fait aux États-Unis, je pense qu'on aboutira à des peines complètement ridicules et démesurées. Je comprends qu'on veuille abolir les peines concurrentes dans le cas d'infractions en série très graves, où on a affaire à de multiples victimes de meurtre, d'agression sexuelle et de viol. Si, en revanche, on en vient à imposer des peines d'emprisonnement de 150 ou de 200 ans, on passe complètement à côté du problème, me semble-t-il.

Il doit bien y avoir un moyen de réagir à tous les actes criminels sans tourner en dérision ce qui est arrivé aux victimes. En se concentrant uniquement sur un cas et en y accolant un nombre d'années données, on donne à de nombreuses victimes, je crois, le sentiment de ne pas tenir compte de ce qui est arrivé; non seulement on ne leur a pas donné l'occasion de prendre part au processus, mais en plus on a fait fi de leur situation particulière en se concentrant sur une autre.

Je pense qu'on doit faire preuve de la plus grande prudence dans ce dossier. J'ai bien peur de n'avoir aucun conseil à vous donner, sinon celui de faire preuve de prudence.

M. Ivan Grose: Je vous remercie. C'est ce que j'ai entendu jusqu'ici.

Soit dit en passant, il est intéressant de noter que les peines d'emprisonnement à vie imposées aux États-Unis durent en moyenne une année de moins que celles qu'on impose au Canada, même si on tient compte des peines de 150 ans. En réalité, ce n'est que de la frime.

Mme Ann Sherman: Exactement. Les peines de cette nature sont encore moins significatives dans la mesure où les personnes condamnées à purger une peine d'emprisonnement de 150 ans sont libérées sous condition, au même titre que les Canadiens.

M. Ivan Grose: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Un mot à propos de ce que vous dites des victimes dans votre mémoire, madame Sherman. Avez-vous été associée aux travaux faits par le comité permanent l'année dernière et à notre rapport sur les victimes?

Mme Ann Sherman: Non. C'est le coordonnateur des services aux victimes qui s'en est occupé.

Le président: D'accord. En fait, on a produit un rapport majeur sur...

Mme Ann Sherman: Oui.

Le président: ... Et il en sortira probablement un texte de loi.

J'aimerais vous poser une brève question. Vous nous avez dit être membre du comité consultatif communautaire de l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme Ann Sherman: Non, il n'y a pas de comité consultatif communautaire proprement dit à l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai été associée à des groupes communautaires qui préconisent une certaine forme de justice réparatrice. Nous étudions la possibilité de créer des tribunes juridiques communautaires, mais nous envisageons également de créer des cercles de soutien à la suite d'un incident survenu l'année dernière. Je me suis employée à sensibiliser des groupes communautaires à cette question et à mettre au point les processus, à savoir l'identification des bénévoles, leur formation et l'établissement de cercles de soutien.

Le président: Dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, on retrouve une disposition qui confère au directeur de chacun des établissements le pouvoir discrétionnaire de constituer un comité consultatif communautaire. À deux ou trois reprises, on nous a recommandé de rendre cette disposition obligatoire, et non plus discrétionnaire. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

Mme Ann Sherman: Pour ma part, j'y serais favorable. J'ai été en contact avec Walter Brown, du Nouveau-Brunswick, qui dirige le comité consultatif de citoyens de Miramichi, je crois, encore qu'on pourra peut-être me corriger sur ce point. Nous avons échangé des renseignements. J'aimerais bien qu'un tel modèle soit importé sur l'île.

Le président: Très bien. Merci beaucoup, madame Sherman. Nous apprécions beaucoup votre présence parmi nous.

[Français]

Merci beaucoup encore une fois.

Mme Ann Sherman: Merci.

[Traduction]

Le président: Nous allons maintenant entendre M. Brian Saunders, directeur exécutif de la Société John Howard du Nouveau-Brunswick.

• 1015

Soyez le bienvenu, monsieur Saunders. Je vous invite à présenter un exposé de cinq à dix minutes, ce qui nous laissera le temps de vous poser des questions.

M. Brian Saunders (directeur exécutif, Société John Howard du Nouveau-Brunswick): Je vous remercie beaucoup.

Je dois d'abord vous présenter toutes mes excuses. Je n'ai pas apporté d'exemplaires additionnels de mon mémoire—qui est bref, soit dit en passant, mais j'en suis à ma première comparution devant un comité parlementaire. Je ferai mieux la prochaine fois.

Le président: Ce n'est rien. Je vous prierais simplement de nous laisser votre texte quand vous aurez terminé.

M. Brian Saunders: D'accord.

Je suis très heureux de l'occasion qui m'est donnée de venir discuter avec vous du texte de loi et de l'impact qu'il aura.

La Société John Howard du Nouveau-Brunswick est un organisme de bienfaisance composé de bénévoles qui, à l'échelle nationale, est présent dans 55 collectivités. Je suis ici au nom de la Société John Howard du Nouveau-Brunswick, qui est membre de la Société John Howard du Canada.

La Société John Howard du Nouveau-Brunswick est un groupe de personnes qui prônent l'établissement de collectivités justes, paisibles et sécuritaires grâce à la compréhension et au règlement des problèmes du système de justice pénale. Au Nouveau-Brunswick, l'organisme compte cinq bureaux locaux qui assurent des services à quelque 5 000 clients chaque année. Nous mettons à la disposition des adultes et des jeunes à risque un large éventail de programmes et de services correctionnels communautaires. Au Nouveau-Brunswick, nous dispensons des services depuis 50 ans. À l'heure actuelle, notre organisme compte environ 200 bénévoles et quelque 80 employés répartis aux quatre coins de la province.

Pour nous, des textes de loi comme la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition revêtent une importance cruciale. Par l'entremise de notre réseau de service et de partenariats, nous avons chaque jour affaire à des personnes touchées par ce texte de loi et le système de justice dans son ensemble.

J'ai passé en revue tous les documents présentés au Comité permanent de la justice et des droits de la personne par la Société John Howard du Canada, le 15 février, les mémoires sur la détention qu'ils ont présentés au comité, l'examen de la loi que l'organisme a réalisé et, enfin, le document de consultation sur la loi élaboré par le Service correctionnel par le Service correctionnel du Canada. Dans le peu de temps qui nous est imparti, je me propose aujourd'hui de souligner un ou deux points essentiels tirés de ces documents, en plus de vous dire un mot de la perspective particulière que nous avons ici dans les Maritimes. D'abord et avant tout, je tiens à préciser que nous sommes de façon générale d'accord avec l'objet et les principes de la loi. Cette dernière est pour l'essentiel raisonnable, bien que certains problèmes se posent.

Nous sommes tout à fait favorables à l'objet du système correctionnel, tel qu'on le présente de la loi, c'est-à-dire la garde et la supervision sûre et humaine. Quant à la réhabilitation des contrevenants et à leur réintégration contrôlée dans les collectivités à titre de citoyens respectueux des lois, nous y voyons le meilleur moyen d'assurer la sécurité du public.

Nous sommes également d'avis que bon nombre de problèmes que pose le système correctionnel canadien tel que nous le connaissons aujourd'hui ont tout autant trait à la pratique qu'aux dispositions législatives, de sorte que la loi ne peut apporter de solution à tous les problèmes. Comme on vous l'a déjà indiqué, nous pensons, avec la Société John Howard du Canada, que l'utilisation abusive de la détention constitue un des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

En ce qui concerne la détention, nous recommandons que l'objet et les principes de la loi soient affirmés. Il faut aussi promouvoir et maintenir les dispositions qui ont pour but l'établissement de collectivités plus sûres grâce à une réinsertion efficace dans la collectivité.

Sur le plan de la mise en application, la loi repose sur la nécessité de la réintégration communautaire contrôlée, mais, en pratique, il arrive souvent que le gouvernement comprenne mal le rôle du secteur des bénévoles, dont nous faisons partie, dans la prestation de services. Le recours fréquent à des marchés et à des appels d'offre aux fins de la prestation et de l'exécution de services et de programmes d'aide postpénale complique la relation que les organismes sans but lucratif entretiennent avec les divers ministères gouvernementaux, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, par exemple le Service correctionnel du Canada.

Il arrive souvent que ces deux parties aient des vues divergentes quant à la meilleure façon d'assurer les services nécessaires. On note également des interprétations différentes de la notion de reddition de comptes. À notre avis, il est essentiel de discuter en permanence de ces questions pour assurer le bon fonctionnement du système et de la loi.

J'aimerais vous citer le Nouveau-Brunswick à titre d'exemple de ce qu'on peut faire lorsque, dans le système judiciaire et correctionnel, on agit dans un esprit de partenariat et de responsabilité collective. Au cours des cinq dernières années, on a, dans la province, procédé à une série de réformes qui ont produit l'effet suivant: le système correctionnel provincial met l'accent non plus sur les établissements, mais bien plutôt sur les collectivités. Les taux d'incarcération ont chuté. Les taux de criminalité ont chuté. Les taux de récidive ont chuté. Au niveau local, on se dote d'une capacité correctionnelle communautaire, et les collectivités sont mieux équipées pour faire face aux crimes et aux conflits au niveau local. Au sein du système provincial, on a également fermé en permanence des établissements pénitentiaires, lesquels n'ont pas été remplacés—très peu d'administrations nord-américaines peuvent en dire autant.

Au cours des cinq dernières années, nous avons été en mesure, au Nouveau-Brunswick, de réduire de 50 p. 100 le nombre d'adultes détenus dans des établissements pénitentiaires provinciaux, et de 40 p. 100, le nombre de jeunes contrevenants gardés en milieu fermé, tout en réduisant les taux de criminalité.

• 1020

Selon notre expérience, les contrevenants proviennent des collectivités et, tôt ou tard, y reviendront tous, ou peu s'en faut. Voilà pourquoi nous sommes d'avis que le meilleur moyen d'assurer la protection à long terme de nos collectivités consiste à libérer progressivement les contrevenants, tout en assurant la supervision, le contrôle et le soutien nécessaires, et non simplement à les garder en prison jusqu'à la date d'expiration du mandat, après quoi on se contente de les remettre en liberté, fin seuls et sans soutien.

À notre avis, la réinsertion progressive de tous les contrevenants dans la collectivité est le véritable moyen de prévenir la criminalité. Il s'agit de notre collectivité. En l'absence d'un mécanisme de réinsertion progressive assorti de mesures de soutien et de supervision adéquates, comme le prévoit la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, pour tous les détenus élargis, particulièrement ceux dont les besoins sont les plus grands et pour qui l'aide est la plus nécessaire, nous n'aurons d'autre choix que d'aller vers une version quelconque du système punitif américain, essentiellement assimilable à la mise au rebut d'êtres humains, ce qui, dans le contexte canadien, produirait des résultats plutôt terrifiants.

En d'autres termes, nous sommes d'avis que la prévention du crime au moyen du développement social et d'un engagement communautaire plus poussé assure une meilleure protection du public. Or, c'est précisément la mission que s'est donnée notre organisme.

La seule façon de réduire vraiment la criminalité consiste à établir des collectivités en santé. La seule façon d'avoir des collectivités en santé consiste à avoir des familles en santé. La seule façon d'avoir des familles en santé consiste à avoir des enfants en santé. Tous ces facteurs sont interreliés et fonction l'un de l'autre. Nous devons comprendre que rien ne prouve hors de tout doute que le fait d'imposer des peines d'emprisonnement plus longues se traduit à plus long terme par des collectivités plus sûres. Voilà pourquoi nous devons établir une distinction entre les quelques contrevenants qui doivent être séparés de la collectivité et de la société et ceux dont on peut s'occuper en toute sécurité de façon plus efficace au sein de la collectivité. Voilà qui est conforme à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la mission de la Société John Howard.

Nous vous encourageons donc à tenter d'établir, au sein du système fédéral, un meilleur équilibre entre l'incarcération et la supervision et les programmes communautaires. En effet, nous avons besoin d'un système qui fonctionne. Nous avons besoin d'un système capable de réparer les torts causés par les crimes et les conflits au sein de nos collectivités, et non d'un système qui se contente d'ajouter à la souffrance et au carnage, aujourd'hui ou à l'avenir. À la lumière de nos croyances et de notre expérience, nous sommes convaincus que c'est ce que, au bout du compte, les citoyens demandent.

En conclusion, je tiens à préciser qu'on dispose de données abondantes quant à ce qui donne de bons résultats dans le système correctionnel. On peut réduire les taux de récidive de façon considérable et quantifiable. Certains des chercheurs les plus compétents dans ce domaine, où que ce soit dans le monde, ainsi que certains des praticiens de premier plan, dans le domaine des services correctionnels et des services correctionnels communautaires, sont des Canadiens qui travaillent ici. Je suis fier de dire que certains d'entre eux sont issus des Maritimes. Au moment où on se parle, il y a ici un solide bagage de connaissances et de compétences.

En conclusion, j'aimerais citer des propos tenus par un éminent politicien de notre passé sur cette question générale.

    L'humeur du public face au traitement qu'il convient de réserver au crime et aux criminels constitue l'un des plus sûrs moyens de mesurer le degré de civilisation d'un pays. Une reconnaissance calme et détachée des droits de l'accusé face à l'État, et même des personnes reconnues coupables d'un crime face à l'État, un souci constant de compassion de la part de tous les responsables de l'administration des châtiments, une volonté et un désir de réhabiliter ceux qui ont payé leurs dettes à la dure école du châtiment, des efforts incessants consacrés à la recherche de méthodes de guérison et de régénération et une croyance inébranlable dans la présence d'un trésor dans le coeur de tout homme, pour peu qu'on se donne la peine de le chercher—voilà autant de symboles qui, dans le traitement réservé au crime et aux criminels marquent et mesurent la force vive d'une nation et sont le signe et la preuve de la vertu qui l'anime.

Ces propos, Winston Churchill, de la Chambre des communes britannique, les a tenus en juillet 1910.

Nous savons que c'est possible. Cette hypothèse sous-tend notre action ici, au Nouveau-Brunswick. On note des résultats positifs. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est un texte de loi important pour nous tous. Corrigeons ce qui doit l'être et allons de l'avant.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Saunders.

[Français]

Nous allons passer à la période de questions.

[Traduction]

Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Je vous remercie, monsieur le président.

Au tout début du processus, je comptais probablement parmi ceux pour qui l'incarcération constitue un moyen d'assurer la protection du public, et je m'inquiétais, au nom du public, des peines trop clémentes aussi bien que des libérations anticipées. À ce stade-ci, j'ai quelque peu modifié ma position. Je pense qu'on doit pouvoir compter sur des endroits où tenir les personnes dangereuses à l'écart du public, lorsqu'on n'est pas en mesure d'obtenir des changements de comportement. Pour d'autres, je pense qu'on doit pouvoir compter sur une forme de réinsertion intégrée.

L'un des problèmes qui se pose tient au fait qu'il est inutile d'ouvrir la porte à un détenu qui bénéficie d'une permission de sortir ou d'un placement à l'extérieur si, au sein des collectivités, rien n'est en place pour lui. Ce qui arrive souvent, c'est que les prisons se trouvent dans des régions où le nombre d'emplois disponibles est limité, même pour les personnes qui y vivent.

Étant donné la nature de votre société, j'aimerais que vous me parliez des mesures que vous prenez pour favoriser les permissions de sortir et les placements à l'extérieur, de façon que les intéressés puissent réintégrer la société en toute sécurité.

• 1025

M. Brian Saunders: Au Nouveau-Brunswick, nous bénéficions d'un véritable avantage. Ce que je vais vous dire vous paraîtra peut-être bizarre, mais il s'agit d'un endroit tout petit, sur le plan physique aussi bien que démographique. Au Nouveau-Brunswick, le tissu social est quelque peu différent. Pour l'essentiel, la province se compose de collectivités rurales et de petites villes. En ce qui concerne les solutions arrêtées du point de vue de l'infrastructure, le Nouveau-Brunswick fait depuis longtemps la démonstration de sa capacité.

Il n'y a pas de solution unique. En réalité, il s'agit d'un ensemble d'éléments de réponse qui dépendent d'un grand nombre de personnes qui travaillent de concert et communiquent bien.

Je vais me référer à l'exemple de Miramichi. Dans la collectivité, on a constaté l'existence d'un problème de criminalité et de crainte de la criminalité, de sorte qu'on a constitué un conseil correctionnel communautaire dont la composition était très représentative. On y retrouvait des représentants du monde de l'éducation, du monde de la santé, de Développement des ressources humaines Canada et des bureaux de DRHC au Nouveau-Brunswick. Ils ont été à même de constater que bon nombre de personnes avec qui ils travaillent, qu'ils croyaient différentes, leur ressemblaient plutôt, et ils ont réuni d'abondantes ressources communautaires pour répondre aux besoins et s'occuper des intéressés.

De la même façon, nous nous tirons beaucoup mieux d'affaire au chapitre de la détermination des besoins des personnes qui sortent du système. On peut faire bien davantage au chapitre du ciblage de programmes répondant aux besoins définissables, et on dispose de nombreuses recherches qui militent fortement en faveur de l'établissement d'une capacité suffisante pour répondre à ces besoins et réduire les risques au fur et à mesure qu'on s'avance dans ce processus.

M. Jim Gouk: Comme vous le savez sans doute, nous avons pour mandat, relativement au texte de loi, d'étudier les modifications qui doivent être apportées à la loi, à la loi en particulier, afin d'assurer un meilleur fonctionnement du système. Si, par conséquent, votre organisme a une idée des modifications qui pourraient être apportées à la loi pour l'aider dans sa tâche, il serait utile que vous nous les communiquiez.

M. Brian Saunders: Oui. Nous nous sommes principalement occupés de la création de l'infrastructure nécessaire pour assurer le fonctionnement du texte de loi et d'autres, quelque part dans la Loi sur les jeunes contrevenants. On note parfois un décalage entre les textes de loi et la capacité des collectivités d'y répondre de façon positive, ce qui engendre beaucoup de frustration, en plus de condamner la collectivité et la société à l'échec, et c'est précisément ce que nous voulons éviter. Nous voulons des résultats.

Nous appuyons, je crois, les mémoires qui ont été présentés. À notre avis, le texte de loi ne comporte pas de défaut majeur; les problèmes ont plutôt trait à la façon dont nous pouvons traduire ces principes en actions au niveau communautaire. Nous sommes chaque jour confrontés à ces difficultés.

Dans le secteur non gouvernemental, en tout cas, le financement représente un problème très épineux—ce qui fait défaut, ce n'est donc pas les idées, mais bien plutôt les ressources.

M. Jim Gouk: On le répète souvent.

M. Brian Saunders: Oui.

Le président: Merci, monsieur Gouk.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Je veux d'abord vous remercier de votre présentation et d'avoir pris la peine de venir jusqu'à Halifax pour nous rencontrer.

J'ai posé tout à l'heure à Mme Ryan une question concernant les ententes fédérales-provinciales. Comme je le lui disais, il y a des choses qui m'ont frappé dans les Maritimes, dont les ententes fédérales-provinciales qui existent au Nouveau-Brunswick. Sur papier, elles semblent excellentes. On ne peut être contre la vertu. Toutefois, lorsqu'on se rend sur place, on se rend compte qu'il y a plusieurs problèmes au niveau des détenus. Il y a a un certain antagonisme entre eux. On observe des problèmes au niveau de la direction et au niveau des employés. Il y a des problèmes pour à peu près tout le monde qui est impliqué dans le système.

Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Est-ce que ces ententes sont une bonne ou une mauvaise chose? Si ces ententes sont une bonne chose mais qu'elles doivent être améliorées, comment peuvent-elles l'être? Je voudrais avoir vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

M. Brian Saunders: Nous n'avons pas participé aux négociations qui ont précédé l'initiative Canada-Nouveau-Brunswick annoncée il y a environ un an, si je me rappelle bien, quoique les résultats me soient bien connus.

Nous sommes favorables à l'objectif de l'initiative, laquelle vise, selon ce qu'on nous a rapporté à l'époque, à permettre à chacun des ordres de gouvernement, le fédéral et le provincial, de faire ce qu'il fait le mieux. L'idée, c'était que les représentants du fédéral se tiraient particulièrement bien d'affaire dans le dossier des établissements—en particulier, les programmes destinés aux contrevenants sexuels—, tandis que la province, qui excellait dans les programmes communautaires ou le développement de l'infrastructure communautaire, allait s'engager plus résolument dans cette voie.

• 1030

À mon avis, nous en sommes au stade embryonnaire. Si nous avons appuyé l'initiative, c'est parce que la province allait réaliser des économies et qu'elle avait l'intention d'investir les ressources ainsi dégagées dans la création d'une infrastructure sur le terrain. L'idée nous a donc semblé excellente.

Nous avons aussi compris que, dans le réseau provincial, les détenus ne demeuraient pas longtemps dans les établissements. Plus vite nous les intégrions dans les programmes communautaires, et mieux nous étions à même de créer un continuum de programmes avec la collectivité et de les aider dans leur réinsertion.

Sur le plan fédéral, je n'ai jamais entendu parler de conflits liés à la provenance des détenus. Je craignais qu'on ait à régler toutes sortes de problèmes organisationnels touchant les responsabilités fédérales et provinciales. Les problèmes de cette nature ne sont pas rares, quel que soit le royaume dans lequel on se trouve, mais tout n'est pas fini. Jusqu'ici, on n'a eu encore aucune preuve sérieuse de réinvestissement dans le système. Ce n'est guère étonnant lorsqu'on considère que le premier exercice n'est pas encore terminé. À l'usage, nous verrons ce qui en est.

Dans ce contexte, je qualifierais donc mon attitude d'«optimisme prudent».

[Français]

Le président: Merci, monsieur Marceau.

[Traduction]

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Saunders, je connais bien votre travail et la philosophie de votre organisme. Au sein de ma collectivité et de ma circonscription, c'est-à-dire Oshawa, la Société John Howard est très active.

M. Brian Saunders: Excellent.

M. Ivan Grose: En fait, j'ai compté, il y a de nombreuses années, parmi les clients de votre service de surveillance des personnes qui bénéficient d'une libération conditionnelle. De ce point de vue, je connais donc très bien votre travail.

Pourquoi ne pas nous donner quelques exemples précis de ce que vous faites au Nouveau-Brunswick? Nous constatons que l'ensemble du système, et même le système fédéral, est à maints égards quelque peu unique au Nouveau-Brunswick—d'une bonne façon, incidemment. Y a-t-il dans la province des maisons de transition? Offrez-vous aux contrevenants des programmes de formation et de recyclage, dont certains programmes fédéraux?

Vous avez dit tenir compte du fait que les jeunes contrevenants purgent des peines relativement brèves. Franchement, d'autres organismes ne font aucun cas d'eux. Si vous vous occupez de ces jeunes personnes après qu'elles ont purgé leur première peine, il y a de bonnes chances pour que ça soit aussi la dernière.

M. Brian Saunders: Bien sûr.

M. Ivan Grose: Pourriez-vous nous donner une idée précise de ce que vous faites?

M. Brian Saunders: Au Nouveau-Brunswick, nous exerçons nos activités par l'entremise de nos cinq bureaux locaux. Nous avons une maison de transition à Saint John. Nous avons un foyer collectif pour jeunes contrevenants à Saint John et un centre analogue à Fredericton.

Nous avons des programmes d'alphabétisation. Certains des premiers programmes d'alphabétisation jamais mis sur pied dans la province du Nouveau-Brunswick étaient parrainés par la Société John Howard, en partenariat avec la province du Nouveau-Brunswick, il y a environ 12 ans.

Nous proposons des programmes de développement de l'emploi pour les personnes qui font face à d'importants obstacles à l'emploi. Dans le secteur, nous agissons à Saint John et à Fredericton depuis environ 15 ans. Nous avons survécu à la cession des budgets de formation de la main-d'oeuvre du niveau fédéral au niveau provincial, et nous poursuivons notre travail. Nous faisons beaucoup pour répondre aux besoins de clientèles particulières du point de vue de l'emploi et de la dynamique de la vie, ce qui compte pour une part importante de nos activités.

Nous exploitons des écoles de rue. Nous offrons des programmes de justice réparatrice. Nous proposons des programmes de visite dans les établissements. Nous faisons beaucoup au chapitre de la défense des intérêts et des relations avec les médias. Nous organisons des conférences d'envergure. Nous avons organisé une série de tribunes publiques et de conférences communautaires au Nouveau-Brunswick sur cette même question, au sens général, c'est-à-dire le traitement que le système correctionnel réserve aux contrevenants adultes et aux jeunes contrevenants.

Je crois avoir dit que nous assurons des services à quelque 5 000 clients par année. Pour quantifier ce que nous faisons sur le plan pécuniaire, je dirais que, par l'entremise de nos partenariats, nous effectuons un travail d'une valeur d'environ 2,5 millions de dollars dans la province. L'organisme existe depuis près de 50 ans.

Dirigé par des conseils de bénévoles, il a d'abord et avant tout pour but de répondre aux besoins communautaires. Ainsi, les collectivités décident ce dont elles ont besoin, puis nous tentons de trouver des moyens d'organiser des réseaux capables de soutenir ces activités et de créer les réseaux nécessaires pour faire ce qui doit être fait.

M. Ivan Grose: Je vous remercie beaucoup.

Vous avez répondu à ma dernière question en faisant état de votre groupe d'alphabétisation.

M. Brian Saunders: Oui. En fait, je compte parmi les membres fondateurs du New Brunswick Literacy Circle, collectif qui oeuvre dans le domaine de l'alphabétisation.

M. Ivan Grose: Je connais très bien l'organisme. Mon épouse en fait partie, et j'ai reçu l'ordre de demander à tout groupe qui s'occupe de la formation de préciser s'il offre ou non un programme d'alphabétisation.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Dans votre mémoire, monsieur Saunders, vous faites allusion à l'incarcération.

M. Brian Saunders: Oui.

Le président: Pourriez-vous nous dire quelles seraient vos recommandations quant aux dispositions de la Loi touchant l'incarcération. Devraient-elles être conservées ou abrogées?

• 1035

M. Brian Saunders: Dans le dossier de l'incarcération, c'est la réinsertion contrôlée par la collectivité qui constitue la solution la plus efficace pour les personnes dont les besoins sont les plus aigus. Voilà la réponse la mieux appropriée. Les personnes qui ont les besoins les plus aigus sont celles qu'on doit soutenir et superviser de la façon la plus poussée. Naturellement, nous ne pouvons rien, sur le plan pratique, pour les personnes incarcérées jusqu'à la date d'expiration du mandat. Ce faisant, on empêche l'intéressé de commettre une erreur pendant qu'il fait partie du système, de sorte qu'on ne pourra imputer au système la responsabilité de l'échec à l'expiration du mandat, mais, ce faisant, on n'aura pas nécessairement réduit le risque de récidive au moment où la personne aura recouvré la liberté.

Nous sommes très préoccupés par le principe qui s'applique dans tout le reste de la Loi concernant la réadaptation et la réinsertion contrôlée, lequel est très important. Nous devons déterminer si une personne, à la sortie du système, peut survivre dans la collectivité.

Le président: La question à 64 millions de dollars est donc de savoir que faire des personnes à risque qui refusent de participer à l'un ou l'autre des programmes offerts par l'établissement. Que fait-on dans ces cas?

M. Brian Saunders: Notre sentiment est que le phénomène ne concerne pas toutes les personnes incarcérées. Nous accueillons des détenus qui participent volontairement aux programmes et qui sont des criminels notoires. Dans notre mémoire, nous affirmons qu'il convient d'incarcérer les personnes qui refusent de participer aux programmes et qui n'ont pris aucune part à l'établissement de leur propre plan de réinsertion. Ces personnes seraient toutefois peu nombreuses. Il existe un mécanisme d'auto-motivation inhérent.

Le président: Vous ne proposez donc pas l'abolition pure et simple des dispositions touchant l'incarcération. Vous nous proposez plutôt d'examiner...

M. Brian Saunders: On ne devrait pas aller au-delà de ce qui a été prévu au moment de la mise en place de la Loi il y a cinq ans. On a eu recours à ces dispositions beaucoup plus qu'on l'avait prévu ou planifié à l'époque—dans une proportion quatre ou cinq fois supérieure, je crois. Même si, depuis, on a assisté à une certaine stabilisation, voire un léger fléchissement, nous redoutons toujours au plus haut point toute forme d'élargissement de ce genre d'application. C'est là réinsertion contrôlée qui donne de bons résultats.

Le président: Je vous remercie, monsieur Saunders. Nous apprécions beaucoup votre présence parmi nous.

M. Brian Saunders: Je vous remercie.

Le président: Nous vous saurions gré de bien vouloir nous laisser une copie de votre mémoire écrit.

M. Brian Saunders: Je n'y manquerai pas. Je vous remercie beaucoup de votre temps, et j'en profite pour vous souhaiter la bienvenue dans les Maritimes.

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant accueillir le Mi'kmaq Justice Institute. Je crois comprendre que Mme Heidi Marshall est maintenant parmi nous et qu'elle reçoit des directives au moment même où nous nous parlons. Bienvenue parmi nous, madame Marshall. Peut-être pourriez-vous nous présenter un exposé de cinq à dix minutes, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.

Mme Heidi Marshall (Mi'kmaq Justice Institute): D'accord, très bien. Je dois d'abord préciser qu'on m'a prévenue il y a très peu de temps. Ce sont les vacances d'hiver, et je suis en congé cette semaine. Le président de l'Institut m'a téléphoné pour me demander d'assister à la réunion. Je sais qu'elle porte sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, de sorte que je vais évoquer l'effet que la Loi aurait sur les Autochtones et ce que, à mon avis, les Micmacs de la Nouvelle-Écosse attendent des libérations conditionnelles pour la communauté autochtone.

Je sais que la Loi a une large portée et qu'elle a une incidence sur tous...

Le président: À titre d'information, nous sommes un sous-comité du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, et nous étudions la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Au moment de son adoption, en 1992, la loi contenait une disposition portant que le Parlement devait la réviser après cinq ans. C'est ce que nous faisons aujourd'hui à propos du système correctionnel et de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

• 1040

Mme Heidi Marshall: Très bien. Je comprends.

J'ai discuté avec le président de l'Institut hier soir, et il m'a mise au courant de l'objet de la séance. J'étais à Regina. Vous voudrez bien excuser mes questions et autres commentaires du genre. J'étais en déplacement professionnel pendant deux semaines, et j'ai décidé de profiter de la semaine de relâche. Ce n'est que depuis deux ou trois jours que je sais que je dois comparaître devant le comité.

En ce qui concerne l'examen de la loi et de l'effet qu'elle a sur les Autochtones, j'aimerais qu'on crée un programme de réinsertion à l'intention des communautés autochtones de la Nouvelle-Écosse et du Canada. J'aimerais également, dans l'hypothèse où on procéderait à une réforme du texte de loi, qu'on associe un programme de guérison autochtone à tout type d'examen ou d'intervention.

Je pense que nous devons nous pencher sur le nombre d'Autochtones incarcérés. Dans ce domaine, le nombre de personnes incarcérées, particulièrement dans des établissements fédéraux, n'est pas aussi élevé qu'il l'est dans l'Ouest, même s'il est relativement élevé. J'ai consulté les statistiques pour les établissements pénitentiaires fédéraux de la région, et je sais qu'on retrouve dans les établissements pénitentiaires de la région de l'Atlantique un nombre relativement élevé d'Autochtones qui purgent une peine fédérale. En fait, le nombre d'Autochtones incarcérés dans ces établissements est relativement élevé, plus que je le pensais. Il y en a, je crois, plus de 100 dans les établissements de Springhill, Westmoreland et Dorchester. Si on ne tient compte que de ces établissements, il y en a entre 80 et 100. Je sais que les cycles ont été par moments relativement élevés.

À mon avis, il y aurait lieu de renforcer le programme de liaison autochtone. À l'heure actuelle, il ne répond pas aux besoins des Autochtones. Je sais que l'Institut reçoit de nombreux appels de la part de détenus concernant les problèmes auxquels ils sont confrontés dans les établissements. Voilà un des problèmes sur lesquels nous devons nous pencher.

En ce qui concerne la mise sur pied d'un programme de réinsertion, je pense qu'il est très important que les Autochtones conçoivent le leur, parce que nous tenons à mettre l'accent sur la guérison et sur la réinsertion des intéressés dans nos communautés. Voilà le genre de problème qui me préoccupe, particulièrement en ce qui concerne les contrevenants sexuels ou les détenus qui ont commis des délits plus graves et leur réinsertion dans la communauté. À leur sortie, nous aimerions qu'ils soient pris en charge par des cercles de justice ou des programmes de ce genre. Je pense qu'il est très important que nous nous efforcions de jouer un rôle dans la réinsertion.

On connaît bien, je crois, la justice réparatrice telle qu'on la pratique en Nouvelle-Écosse et l'exemple que la Nouvelle-Écosse est en voie de donner dans ce dossier. La communauté autochtone est favorable aux initiatives touchant la justice réparatrice prises ici en Nouvelle-Écosse, et nous faisons partie du comité de direction de la justice réparatrice.

Cependant, il est important que les Autochtones exercent un certain contrôle sur les programmes. Les Autochtones tiennent à être consultés dans le cadre de toute réforme du droit ou de tout examen des dispositions législatives, qu'elles aient trait aux libérations conditionnelles ou à toute autre question, au Canada aussi bien qu'en Nouvelle-Écosse. La consultation revêt une très grande importance dans le cadre de tout type d'examen.

Comme je l'ai indiqué, je connais mal la loi telle qu'elle a été adoptée il y a cinq ans. J'occupe ce poste depuis peu. L'Institut a ouvert ses portes il y a deux ans. Relativement à toute disposition législative ayant une incidence sur les Autochtones, la consultation, ainsi que je l'ai indiqué, constitue la voie à suivre.

À mon avis, nous devons également examiner le système pénal, l'effet qu'il a sur les Autochtones et son orientation vers la guérison. Dans l'ensemble des établissements pénitentiaires et du système de justice en général, on parle de la justice réparatrice et de la guérison des détenus.

Relativement à tout programme mis en place à l'intention des détenus ou des personnes bénéficiant d'une libération conditionnelle ou d'une mesure de ce genre, on doit veiller à ce que les programmes destinés aux Autochtones soient conçus du point de vue des Autochtones.

• 1045

Comme je l'ai indiqué, la communauté autochtone devrait être consultée, et nous devrions pouvoir concevoir nos propres programmes et participer à l'élaboration de tout programme qui nous est destiné. Je pense par exemple aux pavillons de ressourcement, aux sueries et aux pratiques traditionnelles utilisées dans les établissements pénitentiaires ou au moment de l'élargissement de détenus autochtones. C'est là un autre aspect très important.

Voilà le genre de solution que l'Institut examine à l'heure actuelle. Nous mettons au point des programmes de guérison et des modèles de justice pour notre peuple—à la fois pour les contrevenants et les personnes détenues dans des établissements. Je pense que c'est très important.

Comme je l'ai indiqué, j'insiste sur le volet «réinsertion». J'aimerais également faire ressortir certaines ressources offertes dans la communauté autochtone. Par exemple, comment intégrons-nous ou mettons-nous en place des maisons de transition pour Autochtones? Je sais qu'il y en a une à Montréal. À ma connaissance, elle s'autosuffit pour l'essentiel. Elle assure son propre financement. Essentiellement, on impute des frais aux résidents. Les utilisateurs doivent acquitter des frais de service.

J'aimerais qu'on m'indique la voie à suivre pour obtenir que le système correctionnel ou les intervenants politiques compétents étudient la possibilité de créer des pavillons de ressourcement ou des maisons de transition pour Autochtones à l'intention des personnes qui sortent des établissements pénitentiaires ou des prisons. Il est très important que nous participions à la conception et à la mise en oeuvre des programmes.

Voilà essentiellement mes préoccupations. Comme je l'ai indiqué, je n'ai pas eu le temps de me préparer. J'ai été mise au courant il y a quelques jours seulement, et, officiellement, je suis en vacances.

Le président: Très bien.

Je pense que nous allons maintenant passer aux questions des membres. Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie d'être venu discuter de vos idées avec nous. Nous ne vous avons pas donné un grand préavis.

Nous avons visité un établissement particulier à Edmonton. Il s'agissait d'un établissement du Service correctionnel du Canada, mais qui avait été mis sur pied essentiellement pour les détenus autochtones pour que des programmes spécialement conçus pour eux puissent être appliqués. J'en ai conclu qu'il existe deux grandes difficultés que nous devons essayer de surmonter.

Premièrement, il ne s'agit pas d'un processus de guérison qui s'adresse à un groupe autochtone en particulier; c'est des Autochtones dans leur ensemble dont il est question. Les croyances et les coutumes des divers groupes autochtones varient d'une bande à l'autre, de sorte qu'on peut se retrouver subitement devant un aîné qui a ses propres convictions, et il y a toutes ces personnes différentes. Soit que les gens abandonnent leurs us et coutumes propres et personnels afin d'intégrer l'ensemble et d'en faire partie, soit qu'ils en sont comme exclus.

L'autre question qui me préoccupe, et cela vaut particulièrement pour cet établissement, c'est la marginalisation des Autochtones. Je n'en ai pas de preuve directe, mais j'ai presque l'impression que l'aîné autochtone leur disait qu'une bonne part de leurs difficultés provenait du fait qu'ils avaient abandonné leurs usages autochtones et qu'ils s'étaient rangés du côté des Blancs—le côté non autochtone. Il cherchait à faire en sorte qu'ils retrouvent leurs racines—qu'ils soient Autochtones, pour qu'au moment de leur départ, ils soient entièrement Autochtones, qu'ils retournent à leur village et à leur communauté, et qu'ils adoptent le mode de vie autochtone sous tous ses aspects.

S'il y a des occasions à saisir dans ces villages, c'est bien, mais s'il n'y en a pas, nous sommes peut-être en train de créer un problème plus grand que celui que nous avions au départ—si on marginalise d'abord ces gens et ensuite qu'il n'y a rien là pour eux.

Pourriez-vous aborder l'une ou l'autre de ces deux questions?

Mme Heidi Marshall: D'abord et avant tout, j'aimerais corriger un peu votre vocabulaire, monsieur. Nous n'habitons pas des villages indiens. On les appelle «communautés des Premières nations» partout au Canada de nos jours.

Je sais de quoi vous parlez et je sais exactement là où vous voulez en venir. Je crois qu'un grand nombre de ces aînés et des gens qui vivent dans nos communauté essaient seulement d'aider nos gens, comme vous le dites, sans se connaître vraiment eux-mêmes et ainsi de suite. De toute façon, ces gens sont marginalisés en prison et à l'extérieur aussi. Cela ne les touche probablement pas autant que vous le pensez, car on les marginalise où qu'ils se trouvent. La marginalisation existe dans les prisons, dans la société canadienne, dans les communautés.

• 1050

Pour ce qui est de ramener les gens à leurs coutumes, à leurs racines, il importe que nos gens soient fiers de leur identité en tant qu'Autochtones. On essaie seulement d'inculquer ces valeurs à nos gens—qu'ils soient fiers d'eux-mêmes et qu'ils acceptent qui ils sont.

Nous avons supporté de nombreuses injures. Les pensionnats nous ont dérobé notre culture, notre langue et notre patrimoine. La justice n'a absolument aucun respect pour notre façon de concevoir l'identité autochtone ou notre point de vue.

Devant toutes ces difficultés, il faut que les gens soient mieux renseignés. Les responsables de l'appareil judiciaire, du système correctionnel et du système pénal doivent connaître rigoureusement le point de vue des Autochtones. Je crois qu'il est très important que tout le monde, et notamment les gens qui travaillent auprès des Autochtones dans les pénitenciers, aient une formation interculturelle.

Nous devons nous pencher aussi sur ce qui arrive exactement aux femmes dans ce système. C'est très important, et j'avais oublié d'en parler.

Pour ce qui est des aînés qui arrivent et qui essaient d'imposer de force leurs croyances, je ne crois pas que ce soit le cas du tout. Les gens sont libres de faire leurs propres choix.

Je vois le problème pour ce qui est des différentes nations autochtones qui nourrissent des croyances différentes. Nous devons essayer de concevoir des modèles, et c'est là qu'il nous faut nous appliquer nous-mêmes, selon moi. Le réseau des prisons a aussi besoin d'élaborer certains programmes. Comment élaborer un modèle qui permettra de venir en aide à tous les détenus autochtones? C'est sur cela qu'il nous faut nous pencher, plutôt que de dire que cela n'aidera pas vraiment les gens et que cela force les gens à respecter ce genre de tradition; cela forcera les gens à s'installer dans les communautés. Je crois qu'il nous faut une forme quelconque de politique ou de réforme là-dessus.

Le système carcéral peut peut-être concevoir une politique qui dira ce que les gens doivent faire et la façon dont on élaborera des programmes pour les Autochtones dans les pénitenciers. Ce sont des questions sur lesquelles la communauté autochtone et les responsables du système peuvent travailler ensemble.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Marceau, la parole est à vous.

M. Richard Marceau: Madame Marshall, j'aimerais vous remercier d'être venue nous rencontrer ce matin.

Je dois vous dire que je découvre, à mesure que se déroulent les travaux de ce comité parlementaire, la richesse des cultures des différentes nations autochtones du Canada. Il est dommage que je le fasse en prison, mais je découvre quand même des richesses incroyables. C'est l'un des éléments que je retiendrai de ce voyage.

Je voudrais revenir un peu sur ce dont parlait M. Gouk, c'est-à-dire le problème des aînés. Lorsque j'ai commencé le voyage, je trouvais cela fantastique. Je me disais que c'était bon. Nous pouvions compter sur l'apport de certaines personnes, de certains prisonniers et aussi sur l'équipe de direction des différentes prisons. J'ai pensé cela jusqu'à ce que nous tenions des audiences semblables à Vancouver, où nous avons rencontré des autochtones qui nous ont dit: «Ce n'est pas si rose que ça. On a certains problèmes. Par exemple, les sweat lodges qu'il y a maintenant en Colombie-Britannique ne sont pas du tout une tradition des peuples de la Colombie-Britannique.» Des personnes de la Colombie-Britannique disaient: «Cela ne correspond pas du tout à nos traditions. Des gens d'une autre nation viennent nous enseigner leurs croyances.» Pour établir un parallèle, ce serait comme dire à un Québécois francophone qui se retrouve en prison qu'on va lui envoyer un enseignant écossais ou italien pour essayer de le remettre en contact avec ses racines.

• 1055

Ces personnes m'ont aussi dit que le système de sélection des aînés n'était pas aussi bon qu'on le dit. Il y a même eu des cas de gens qui avaient été expulsés de leur communauté dans l'est du Canada, qui se sont retrouvés en Colombie-Britannique et qui agissent maintenant à titre d'aînés alors qu'ils n'ont aucune formation pour le faire.

Je voudrais donc avoir votre opinion à ce sujet. Est-ce que le fait d'avoir des aînés fonctionne bien? Est-ce que cela devrait fonctionner d'une façon différente? Est-ce qu'il devrait y en avoir plus? Ce n'est pas si rose que cela. J'aimerais bien entendre votre opinion là-dessus.

[Traduction]

Mme Heidi Marshall: Je dois dire que je suis d'accord avec vous sur certains points. Oui, je suis bel et bien d'accord sur certains points. Je tiens aussi à vous dire qu'il est vrai que tous les groupes autochtones ne sont pas pareils.

Je sais qu'en Colombie-Britannique, on utilise le potlatch et la longue maison davantage que la suerie, et qu'il y a certaines communautés autochtones où les gens croient au christianisme sur toute la ligne. Ce sont des choses dont nous devons tenir compte.

Je crois que le Service correctionnel et la communauté autochtone doivent assumer la responsabilité de mieux choisir les aînés, d'aller dans les communautés et de demander si les aînés en question sont crédibles, si ce sont des gens qui ont été choisis parmi les aînés de la communauté.

Je crois qu'il y a des choses pour lesquelles le système et les Autochtones doivent assumer l'entière responsabilité pour ce qui est de savoir qui on envoie en prison. Je crois que ce qui se passe avec la justice, et j'en sais quelque chose pour avoir travaillé dans le domaine depuis quelques années, la justice a comme... les gens ne veulent pas s'engager à l'échelle communautaire. Les hommes politiques dans les communautés autochtones disent qu'il faut laisser la justice faire son oeuvre, qu'il faut laisser les établissements du secteur juridique s'occuper des programmes juridiques pour les Autochtones. C'est vraiment une zone grise. Je veux dire: on parle de l'idée de guérir les contrevenants, on parle de l'idée de venir en aide aux gens, et qu'en est-il alors des victimes?

Des choses comme cela arrivent dans nos communautés. Et nos communautés sont très, très petites. Je crois donc que la communauté autochtone doit assumer une bonne part de responsabilité pour ce qui est de savoir qui elles envoient en prison. Pour ce qui est des évaluations, je crois que cela revient au Service correctionnel du Canada et aux Autochtones à la fois. Je crois que nous devons élaborer une forme quelconque de protocole ou de politique pour ce qui est de la façon de faire cela.

Je crois que cela vaut vraiment la peine—pour le comité, pour l'appareil judiciaire ou pour le Service correctionnel, quel que soit celui qui a la responsabilité—de commencer à concevoir une sorte de protocole pour ce qui touche les aînés qui interviennent dans tel ou tel programme pour les Autochtones dans les établissements. Nous devrions peut-être choisir une façon plus individuelle, plutôt que de dire: «Eh bien, voici tous ces Autochtones», alors qu'il y a peut-être des gens dans une prison en Colombie-Britannique qui sont originaires de l'est du Canada, ou du Yukon, ou d'une communauté inuit. Pourquoi doivent-ils prendre part à ce programme particulier? Et je sais que cela va être très coûteux, de faire en sorte qu'un aîné d'une communauté inuit soit dépêché sur les lieux. Comment résoudre ce problème?

Comme je l'ai déjà dit, je crois que ce sont là des choses sur lesquelles nous devrons travailler ensemble, la communauté autochtone et le Service correctionnel. J'espère que j'ai répondu à votre question et que j'ai fait voir un peu ce que je ressens par rapport à cela.

Le président: Merci, madame Marshall.

[Français]

Merci, monsieur Marceau.

[Traduction]

Bienvenue, monsieur MacKay. Vous avez pu vous joindre à nous.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

Le président: Nous allons essayer de nous en tenir à des rondes de trois minutes.

• 1100

M. Peter MacKay: Je vais faire de mon mieux pour ne pas dépasser la limite.

Le président: Merci.

M. Peter MacKay: Madame Marshall, je tiens à vous remercier d'être venue comparaître devant nous. Votre témoignage est très utile à nos délibérations.

Je suivais le fil de vos remarques et les questions posées par mes collègues. Il me semble que l'une des préoccupations doit concerner la diversité qui existe, non seulement dans l'appareil judiciaire, mais aussi au sein de la communauté autochtone. Un des défis, du point de vue des programmes, que ce soit à l'intérieur des établissements ou à l'extérieur—le suivi dans la collectivité—doit consister à appliquer non pas une approche sérielle, mais plutôt, en tenant compte tenu des facteurs culturels ou raciaux, l'approche la plus humaine possible pour favoriser la réadaptation.

Je crois qu'on ne se trompe pas en disant—et tout le monde le reconnaîtra—que l'appareil judiciaire a tiré un avantage énorme ces tout derniers temps des modèles autochtones: les cercles de détermination de la peine dont nous avons parlé, les modèles de réadaptation faisant appel aux aînés au sein de la communauté. D'autres techniques encore ont été appliquées. Cela m'en rappelle une qui, je crois, ne se voit pas beaucoup dans l'est du Canada, mais qui sert dans les provinces de l'Ouest: la notion de bannissement. Savez-vous si cela a déjà été appliqué ou essayé, ou encore s'il y a un mouvement en faveur de cela dans l'est du Canada?

Mme Heidi Marshall: Cela n'a pas été aussi loin que le bannissement. Nous venons de commencer à utiliser les cercles de détermination de la peine. Le système juridique est en place depuis deux ans, et nous avons tout juste commencé cette année à prendre en charge les peines à imposer aux adultes. Nous avons travaillé auprès de jeunes contrevenants et nous avons essayé de mettre au point tous nos programmes. Tout récemment, nous avons tenu des cercles de détermination de la peine dans des cas très graves, par exemple pour voies de fait graves, pour agression sexuelle. Nous nous sommes donc penchés sur des affaires très graves dans le contexte des cercles de détermination de la peine.

Je n'ai pas vraiment réfléchi à la question du bannissement. Je ne me suis pas vraiment fait une opinion là-dessus. Je crois que cela poserait certaines difficultés. Je sais qu'il a été question dans l'une des communautés de bannir un adolescent, et nous avons eu dans cette communauté des pourparlers pendant trois à quatre semaines, probablement, pour ce qui est de faire savoir ce que nous pensions de cela. Je ne pourrais dire que j'étais tout à fait contre. Tout de même, si nous allons bannir quelqu'un de la communauté, bannir un jeune, enfin, alors je crois que nous devons l'aider à se réadapter, l'aider à guérir un peu. Je crois que ce sont là des choses très importantes.

Je crois que le bannissement est une façon de favoriser la guérison dans la mesure où les bons programmes et les bons conseils sont là pour la personne bannie. Si vous êtes bannie de la communauté et que vous devez aller sur une île et faire ce qu'il faut faire, je crois qu'il devrait y avoir là des gens pour vous aider, par exemple un aîné, si vous devez vivre du fruit de la terre, un aîné pour vous aider à accepter la responsabilité de vos actes. Je crois qu'il faut mettre des mesures comme cela en place avant d'envisager même le bannissement ou une chose du genre. Je crois que le bannissement doit s'accompagner d'une forme quelconque de guérison pour la personne.

M. Peter MacKay: Ce serait une mesure assez extrême, à mon avis, et pour certains genres d'acte criminel, cela ne conviendrait évidemment pas.

Vous avez parlé du financement; vous en avez fait mention plusieurs fois. Serait-il juste de dire qu'un certain montant des sommes destinées à la communauté autochtone est prévu pour les questions relatives à la justice, ou encore la décision se prend-elle à l'échelon communautaire quant à savoir quelle part du financement sera réservée aux programmes comme ceux des cercles de détermination de la peine ou, plus particulièrement, pour les contrevenants qui reviennent et réintègrent la communauté?

Mme Heidi Marshall: Je vais vous dire comment fonctionne notre système ici, en Nouvelle-Écosse. C'est le seul dont je peux parler, car je travaille seulement pour la communauté néo-écossaise pour ce qui touche la justice et les Autochtones.

Le problème auquel nous faisons face en ce moment concerne un manque de ressources. C'est que la communauté n'a pas de source de financement pour la justice. Nous sommes entièrement dépendants du financement gouvernemental. Notre financement provient du ministère fédéral de la Justice et du ministère provincial des Affaires autochtones. C'est une formule de partage des frais pour tout programme que nous entreprenons. Nos communautés n'ont pas la stabilité financière nécessaire pour financer des programmes, de sorte que nous comptons entièrement sur les fonds gouvernementaux. Si bien qu'à l'heure actuelle nous organisons des cercles de détermination de la peine et nous nous occupons d'imposer des peines aux adultes sans bénéficier de financement.

• 1105

Nous recevons des fonds pour le projet concernant les jeunes contrevenants. Ce projet englobe les mesures de rechange, le service communautaire, le programme d'ordonnances, le programme des cercles de détermination de la peine et le programme du modèle juridique pour les jeunes Autochtones en Nouvelle-Écosse.

Nous venons d'étendre cela à la partie continentale. Nous avons organisé plus de 120 cercles depuis deux ans, et nous passons maintenant au cas des adultes. Nous allons avoir besoin de ressources supplémentaires pour nous occuper des adultes. Cela nous coûte très cher de nous déplacer pour organiser ces cercles, car la consultation préalable prend au moins quatre semaines.

Une fois que la Couronne et la défense s'entendent pour dire qu'une question doit être décidée grâce au cercle, il appartient alors à l'institut de procéder à la consultation préalable auprès du contrevenant, auprès des victimes, de choisir qui doit prendre part au cercle, de déterminer ce que représentera exactement le protocole et ainsi de suite.

M. Peter MacKay: Puis-je vous interrompre un instant pour vous poser une question à ce sujet?

Mme Heidi Marshall: Oui.

M. Peter MacKay: À propos des cercles de détermination de la peine, arrive-t-il souvent que vous puissiez compter sur, je n'arrive pas à trouver de mot meilleur, des autorités judiciaires reconnues qui président aux travaux du cercle—c'est-à-dire un juge, un avocat de la Couronne, un avocat de la défense? Si j'ai bien compris, ces gens se retrouvent parfois là à titre d'observateurs, mais ce sont les aînés qui, en fait, dirigent les choses.

Mme Heidi Marshall: Parfois, ils ne viennent pas. Nous venons tout juste de commencer ces cercles, en vérité. C'est notre toute première année—nous faisons des essais et apprenons de nos erreurs, et ainsi de suite. Il est arrivé une fois qu'un avocat de la défense soit présent à la séance d'un cercle, et cela a créé toutes sortes de difficultés. Je suis moi-même avocate, et je sais très bien le genre de choses que cela peut créer.

Le président: Le comité ici présent entend dire cela très souvent, que les avocats créent des problèmes.

Mme Heidi Marshall: Oui.

Ce qui est arrivé, c'est que nous avons dû rappeler constamment à l'avocat de la défense qu'il s'agissait d'un cercle de détermination de la peine, et non pas d'un procès. Il interrompait sans cesse et essayait de prendre en main la démarche du cercle et d'influencer les aînés, et d'influencer les gens qui se trouvaient là pour ce qui est de genre de peine qu'il voulait voir imposer. J'ai trouvé que cela perturbait vraiment la démarche du cercle.

Pour répondre à la question, «non»—il n'y a pas eu de juge. Il faut dire que nous rencontrons tout de même le juge. En ce moment, il y a une affaire de pêche qui est en cause, une affaire très controversée mettant en jeu le MPO. C'est une affaire très importante, si bien que le juge a suspendu l'instance pour que l'établissement puisse appliquer dans l'intégralité un cercle de justice, plutôt que seulement un cercle de détermination de la peine. J'ai rencontré le juge trois fois, et nous essayons d'organiser cela depuis décembre. Nous voici en mars, et la séance du cercle aura lieu la semaine prochaine. Le juge y prendra part.

De la façon dont les choses se passent habituellement, nous établissons les recommandations voulues et nous organisons le cercle, et le juge fixe la date où la sentence sera prononcée.

Le président: Merci, madame Marshall. Nous allons devoir céder la parole à M. Grose, qui n'est pas avocat et qui ne donnera donc pas de difficulté au comité.

Mme Heidi Marshall: Voilà qui est bon.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Croyez-moi, il faisait une blague.

Je tiens d'abord à vous offrir mes compliments. Vous faites un excellent travail pour un substitut de dernière minute. Mais ensuite, j'ai découvert que vous étiez avocate, et les avocats...

Mme Heidi Marshall: Je n'aurais probablement pas dû dire cela.

M. Ivan Grose: Non, je n'ai que des éloges.

Mme Heidi Marshall: Oui.

M. Ivan Grose: Soit dit en passant, votre nom évoque bien une justice qui déraille au Canada. C'est un exemple que je n'oublierai jamais.

De la façon dont je vois le financement du programme, vous mettez sur pied le programme et vous commencez à l'appliquer, puis je fais tout ce que je peux pour vous obtenir des fonds. Cela vaut pour tous les groupes culturels que je connais. Apparemment, le programme marche comme sur des roulettes. Enfin, sur quelques roulettes, du fait qu'il manque de fonds.

Mme Heidi Marshall: Oui.

M. Ivan Grose: Bon. C'est à ce moment-là que vous méritez le financement. Si cela fonctionne, tant mieux.

Au cours de nos voyages au Canada—nous avons visité les deux côtes et, maintenant, nous nous retrouvons pour ainsi dire au milieu du sandwich—nous constatons qu'il y a tout ce mouvement concernant les Autochtones et le système de justice. Dieu merci, il y a mouvement. Bon, le mouvement n'est pas toujours dans la bonne direction, selon ce que nous voyons, mais au moins il y a un mouvement. C'est mieux que rien.

Continuons à travailler là-dessus et approchons-nous du but. L'État n'arrive jamais à trouver tout à fait la bonne solution, mais on ne peut s'attendre à mieux. Tout de même, continuez à travailler là-dessus.

• 1110

Je m'intéresse particulièrement au travail que vous accomplissez auprès des jeunes, auprès des jeunes contrevenants. J'aimerais intervenir auprès d'eux avant qu'ils ne commettent un acte criminel, mais si nous n'y arrivons pas, essayons d'intervenir dès le premier coup. Si nous pouvons faire cela, je crois que nous allons réduire la proportion de gens qui se trouvent en prison, quel que soit le groupe.

Que faites-vous précisément pour les jeunes qui ont eu des démêlés avec la loi?

Mme Heidi Marshall: Qui ont eu des démêlés avec la loi ou qui sont des jeunes contrevenants en puissance?

M. Ivan Grose: Non, les cas confirmés.

Mme Heidi Marshall: En ce moment, nous avons un excellent programme en Nouvelle-Écosse: le projet pour jeunes contrevenants micmacs. Il y a un directeur de programme, un aide juridique familial travaillant auprès des jeunes, un agent de liaison juridique auprès des jeunes pour le Cap-Breton et un autre agent qui travaille auprès des jeunes dans la partie continentale. Le projet pour jeunes contrevenants est né avant l'institut. C'était l'un des projets de l'Union des Indiens de la Nouvelle-Écosse et de l'Alternative Measures Society of Nova Scotia-Cape Breton.

Ils ont constaté que les jeunes Micmacs n'étaient pas dirigés vers ce système, ils passaient simplement par les tribunaux ordinaires. On a donc conçu ce programme, dont le titre est projet pour jeunes contrevenants micmacs, où il est question de mesures de rechange dans le contexte d'une ordonnance de services communautaires. Une fois que l'institut a pris les choses en main... nous voici rendus à notre troisième année. Nous entamons tout juste notre troisième année; nous avons pris les choses en main en juillet. Je crois que cela fera trois ans en juillet, ou deux. Nous avons toujours organisé des cercles pour les jeunes, mais il nous fallait garder cela dans les limites de l'Alternative Measures Society et de ce qu'on faisait là. Mais plutôt que de recourir à un comité, nous avons pu organiser un cercle et ainsi de suite. Maintenant, nous prenons en charge des jeunes contrevenants qui ont commis des crimes plus graves et non seulement des délinquants qui en sont à leurs premières armes. Nous avons pu travailler avec ce programme et, maintenant, nous apportons des modifications nous-mêmes.

Je crois qu'il est vraiment important de simplement foncer et faire les choses, plutôt que d'attendre une politique gouvernementale ou une quelconque réforme législative.

M. Ivan Grose: Mon Dieu.

Mme Heidi Marshall: J'ai foncé et j'ai agi, simplement. Ce qui arrive, c'est que nous avons des problèmes, mais nous les tuons dans l'oeuf immédiatement. Si le ministère de la Justice a un problème, nous rencontrons ses représentants. Je demande: que puis-je faire pour que cela fonctionne et comment faire pour que tout le monde soit heureux? Si les communautés ne sont pas heureuses de notre travail, je rencontre le chef et le conseil de bande, et je détermine exactement quels sont les problèmes.

Nous faisons toujours de la prévention des crimes auprès des jeunes. Je viens d'obtenir des sommes du service de mobilisation pour faire de la prévention. Pour ce qui est des jeunes, nous organisons des cercles. Nous avons aussi un volet culturel à 50 p. 100 dans le cadre des ordonnances de services communautaires, qui fait que les jeunes touchés doivent aller travailler avec des aînés, qu'il s'agisse de faire des paniers ou de ramasser des cendres pour un aîné en vue de faire un panier. Notre programme comporte un volet culturel auquel ils doivent adhérer, qu'il s'agisse d'aider un aîné à dépecer un orignal ou d'autre chose. Nous avons donc un programme comme cela.

M. Ivan Grose: Merci. C'est le genre de chose que je voulais savoir et que je n'avais pas inclus.

Et, soit dit en passant, à la décharge de M. Gouk, pour une bonne part de ma vie, j'ai habité dans un village. Merci.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Merci beaucoup, madame Marshall. C'est tout à votre honneur d'avoir si bien fait en remplaçant quelqu'un à la dernière minute.

J'ai une question courte à vous poser. A-t-on déjà essayé ici, en Nouvelle-Écosse, de tenir des audiences sur la libération conditionnelle avec le concours d'aînés? Avez-vous déjà vu cela?

Mme Heidi Marshall: Je n'ai jamais eu affaire au système de libération conditionnelle. Je sais qu'il y a des gens de la Nouvelle-Écosse à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je crois que ce n'est qu'une personne. Je ne sais pas très bien s'il est encore là, mais c'était Dale Silliboy. Il était là à temps partiel.

Le président: D'accord.

Mme Heidi Marshall: Je ne sais pas s'il est encore là, mais je crois qu'il y a des aînés. Je crois que les aînés devraient toujours prendre part à un système de libération conditionnelle s'il est question de gens qui peuvent obtenir une liberté conditionnelle. Mais je crois aussi qu'il importe que la communauté participe. Je crois que la communauté autochtone a participé aux travaux de la Commission nationale des libérations conditionnelles à titre de membre. Je crois savoir que quelques membres provenaient de notre région.

Le président: Bon. Merci beaucoup.

Mme Heidi Marshall: Merci beaucoup d'avoir pris le temps de m'écouter et de m'avoir donné l'occasion de vous parler.

Le président: Maintenant, nous accueillons Mme Rhonda Crawford, de la section «continentale» de la société Elizabeth Fry de Nouvelle-Écosse.

Madame Crawford, nous vous saurions gré de nous entretenir pendant cinq à dix minutes. Cela nous laissera du temps pour poser des questions.

• 1115

Mme Rhonda Crawford (société Elizabeth Fry, section continentale de la Nouvelle-Écosse): D'accord.

Le président: Merci.

Mme Rhonda Crawford: La société Elizabeth Fry, section continentale de la Nouvelle-Écosse, travaille auprès des femmes et au nom des femmes qui ont des démêlés avec la loi. C'est le cas aussi des femmes dites à risque. Notre société, fondée en 1982, est devenue membre de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry en 1984. La section locale de notre société s'occupe de programmes d'orientation, de défense d'intérêts et d'information. De même, elle s'occupe de visites, en prison. Nous visitons l'établissement de Springhill, l'unité isolée à Springhill qui abrite quelques rares femmes, et aussi la Nova Institution for Women, à Truro.

Il y a plusieurs questions dont j'aimerais discuter concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. J'aimerais commencer par parler du placement pénitentiaire.

L'article 11 de la Loi confère au SCC un pouvoir discrétionnaire absolu lorsqu'il s'agit de décider de placer un prisonnier dans un pénitencier quelconque. L'article 11 devrait être modifié de manière à interdire que les femmes soient incarcérées dans des pénitenciers fédéraux pour hommes.

La petite histoire des femmes et du système correctionnel fédéral commence avec l'incarcération des femmes au pénitencier de Kingston. Jusqu'en 1934, elles étaient détenues dans les conditions les plus oppressantes et les plus restrictives. La reconnaissance de ces conditions intolérables a conduit à la construction de la Prison des femmes en 1934. Étant donné les lacunes que celle-ci comportait, un groupe de travail formé pour étudier la situation des femmes purgeant une peine fédérale a recommandé en 1990 que la prison soit fermée et que soient construites des prisons régionales pour ces femmes.

Le groupe de travail a conclu qu'il fallait de nouvelles prisons régionales pour fournir les programmes voulus à ces femmes et leur donner l'accès à leur collectivité. On n'a jamais envisagé que certaines catégories de femmes seraient exclues des nouvelles prisons.

Avant l'ouverture des nouvelles prisons, le domaine du service correctionnel en tant qu'il s'applique aux femmes a connu un recul en 1994. À ce moment-là, six femmes ont été transférées dans une partie isolée du pénitencier de Kingston, peu après l'incident survenu à la Prison des femmes.

Suivant la décision de la division générale de la Cour de l'Ontario, les femmes ont dû être transférées ailleurs qu'au pénitencier de Kingston. Le tribunal a affirmé qu'il fallait une modification législative pour emprisonner les femmes dans un établissement pour hommes. Le transfèrement en question faisait partie des éléments à l'étude dans l'enquête de la commission Arbour. Après avoir étudié le transfèrement de 1994 dans le pénitencier de Kingston, la commission Arbour en est venue à la conclusion suivante:

    Lorsqu'une femme est placée dans une prison pour hommes, comme cela a été fait dans le cas qui nous occupe, il y a toutes sortes de difficultés, ne fût-ce, entre autres, que l'apparence d'oppression, dans le fait de placer les femmes dans un établissement qui comptera inévitablement un grand nombre de délinquants sexuels. C'est particulièrement vrai dans le cas du Centre régional de traitement. Ce qui est plus troublant, à mon avis, c'est que le fait de placer un petit groupe de femmes dans une prison pour hommes veut dire inévitablement qu'elles ne pourront avoir d'interaction avec la population générale de l'établissement. Si le transfèrement se traduit inévitablement par l'isolement, la décision de transférer devrait tenir compte des limites imposées à l'usage permis de l'isolement préventif.

Indépendamment des conclusions de la commission Arbour, de la décision de la division générale de la Cour de l'Ontario et des antécédents de privations imposées aux femmes dans les prisons pour hommes, il y a encore aujourd'hui des femmes purgeant une peine fédérale qui sont isolées dans quatre prisons fédérales pour hommes au Canada.

En 1997, un projet visant le transfèrement d'un groupe de femmes au pénitencier de Kingston n'a été stoppé qu'une fois intentée une action judiciaire de la part des prisonnières touchées. L'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry est intervenue à ce moment-là. Le SCC a décidé de ne pas procéder au transfèrement, compte tenu de l'action intentée en justice.

Les conditions de vie auxquelles les femmes sont assujetties dans les prisons pour hommes sont sévères, punitives et restrictives. À l'établissement de Springhill, les femmes purgeant une peine fédérale sont confinées à une zone très restreinte et ont seulement un accès très limité à l'aire de loisirs, étant donné qu'il faut séparer les hommes et les femmes. Elles n'ont droit qu'à peu de programmes, et n'ont pas accès à un emploi digne de ce nom ni ne peuvent acquérir des compétences.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de visiter l'unité pour femmes...

Le président: Oui.

Mme Rhonda Crawford: Vous avez donc visité l'unité pour femmes. Voilà qui est excellent.

Étant donné une pratique historique qui est encore maintenue de nos jours et qui consiste à confiner les femmes dans des conditions oppressives dans les prisons pour hommes, nous croyons qu'il est essentiel d'intégrer à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition une disposition interdisant expressément l'incarcération de femmes dans des pénitenciers pour hommes.

La deuxième question que je souhaite aborder concerne les femmes purgeant une peine fédérale et ayant des problèmes de santé mentale. Selon l'article 87 de la Loi, il faut tenir compte de l'état de santé et des besoins en soins de santé du prisonnier, ce qui comprend les soins de santé mentale, dans toute décision touchant le prisonnier, y compris le transfèrement, l'isolement préventif, l'exécution des programmes et la préparation à la libération conditionnelle.

Cet article s'applique aux femmes purgeant une peine fédérale et désignées comme ayant un problème de santé mentale, d'une manière qui leur nuit. Le SCC a pour pratique d'isoler les femmes ayant des problèmes de santé mentale du reste de la population carcérale féminine, et de les assujettir à des conditions opprimantes et déshumanisantes dans des prisons pour hommes. Or, leur liberté est sévèrement restreinte dans ces établissements, et les programmes dont elles peuvent bénéficier sont peu nombreux, voire inexistants.

• 1120

Nous croyons que les autorités devraient permettre que ces femmes purgent leur peine dans les prisons régionales pour femmes tout en leur offrant le soutien thérapeutique dont elles ont besoin.

Dans une étude réalisée en 1996 pour le compte du SCC, Mme Margo Rivera a déterminé que les femmes identifiées par le SCC avaient les besoins les plus aigus en matière de soins de santé mentale. Elle a conclu que, parmi toutes les femmes purgeant une peine fédérale dans les prisons fédérales, huit seulement avaient besoin d'une surveillance, d'un soutien et d'un traitement supplémentaires pour réintégrer l'ensemble des détenues des prisons régionales. On pourrait établir dans les prisons régionales une unité résidentielle à part, où il y aurait une surveillance mieux structurée et où travailleraient des conseillers qualifiés aptes à dispenser les programmes thérapeutiques.

Une telle approche, qui permettrait de répondre aux besoins en soins de santé mentale tout en maximisant l'accès qu'ont les femmes à ce à quoi ont droit les autres membres de la population carcérale, représente le genre de solution qui doit relever de l'article 87 selon l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Il faut y voir une mesure corrective plutôt qu'une disposition justifiant le fait d'assujettir les plus vulnérables parmi les femmes purgeant une peine fédérale aux traitements les plus sévères. L'isolement des femmes ayant des problèmes de santé mentale dans les prisons pour hommes, ou encore dans des conditions restrictives dans la Prison des femmes à Kingston, est contraire à l'esprit de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui favorise la réadaptation et l'insertion dans la collectivité aussi bien que la prise en considération de besoins particuliers.

Nous estimons que l'article 87 devrait être modifié de manière à interdire que son application ait des conséquences défavorables pour les prisonnières ayant des difficultés liées à leur santé mentale.

Ma prochaine préoccupation concerne la procédure d'examen expéditif. Le paragraphe 125(3) de la Loi prévoit que les prisonniers qui en sont à leur première peine devant être servie dans un établissement pénitencier, hormis le cas de ceux qui sont exclus en raison même de l'infraction pour laquelle ils sont condamnés, doivent se voir accorder la liberté conditionnelle totale à moins que la Commission nationale de libération conditionnelle ne soit convaincue qu'ils vont commettre une infraction violente avant l'expiration de leur peine. Le paragraphe 125(3) exige de la Commission nationale des libérations conditionnelles qu'elle fonde sa décision sur plusieurs facteurs, dont les antécédents sociaux du prisonnier.

Les «antécédents sociaux» englobent la pauvreté, la scolarité, les antécédents d'emploi, le contexte culturel et la race. Les antécédents sociaux des prisonniers ne peuvent être liés rationnellement à la probabilité de violence. Toutefois, on peut présumer à tort, selon les stéréotypes établis, de la propension de certaines personnes à cet égard, compte tenu de leurs origines. L'inclusion des antécédents sociaux parmi les facteurs qui indiquent d'une manière ou d'une autre une propension pour la violence représente une préoccupation particulière dans le cas des femmes purgeant une peine fédérale, qui, en tant que groupe, ont été plus défavorisées socialement que même les prisonniers de sexe masculin. Pour éviter que le problème ne soit exacerbé, nous croyons que le paragraphe 125(3) devrait être modifié de manière que le terme «antécédents sociaux» ne figure plus parmi les facteurs que doit prendre en considération la Commission nationale des libérations conditionnelles.

La dernière question dont je veux traiter concerne les recommandations de l'enquêteur correctionnel. L'article 178 de la Loi autorise l'enquêteur correctionnel, une fois son enquête achevée, à formuler une recommandation à l'intention du commissaire du Service correctionnel ou du président de la Commission nationale des libérations conditionnelles. L'enquêteur correctionnel peut fonder sa recommandation sur le fait qu'il y ait une mesure contraire à la loi ou à une ligne de conduite établie dans le cas du SCC ou de la Commission nationale des libérations conditionnelles, que la décision soit déraisonnable, injuste, oppressante ou abusivement discriminatoire, ou encore qu'elle repose sur une erreur de droit ou de fait. Le paragraphe 179(2) précise que le SCC et la Commission des libérations conditionnelles ne sont pas liés par les recommandations de l'enquêteur correctionnel. Nous sommes d'avis que, tout au moins, le SCC et la Commission nationale des libérations conditionnelles devraient être tenus d'appliquer les recommandations dans les cas où il s'agit d'une mesure contraire à la loi.

La commission Arbour a permis de constater qu'il y a un mépris général des obligations juridiques au SCC. Dans les cas où le SCC agit de manière contraire à la loi qui s'applique, il est presque impossible pour les prisonniers touchés d'obtenir réparation à eux seuls. Dans la plupart des régions du pays, le programme d'aide juridique ne prévoit pas d'aide concernant les questions carcérales. La procédure de grief est un processus interne qui ne s'est pas révélé efficace à cet égard, soit parce que le SCC ne reconnaît pas que ses obligations légales restent lettre morte, soit parce qu'il estime qu'il y a là une justification quelconque. La commission Arbour a permis de constater que les griefs relatifs à des conditions manifestement illégales de détention étaient régulièrement écartés du revers de la main.

Pour protéger les droits des prisonniers et assurer le respect de la loi, il faudrait modifier le paragraphe 179(3) de manière à exiger que le commissaire du Service correctionnel ou le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles soit tenu de prendre des mesures correctives si l'enquêteur correctionnel conclut à une violation de la loi. Nous recommandons que la Loi soit modifiée de manière que l'enquêteur correctionnel fasse rapport directement au Parlement.

Voilà les questions dont je voulais traiter.

• 1125

Le président: Merci beaucoup, madame Crawford.

Auriez-vous l'obligeance de nous laisser un exemplaire de votre mémoire?

Mme Rhonda Crawford: De fait, il est inclus dans le mémoire de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, que présente l'association canadienne.

Le président: D'accord. Merci.

[Français]

En l'absence de M. Gouk, monsieur Marceau, vous avez la parole.

M. Richard Marceau: Je veux tout d'abord vous remercier.

Je suis un peu étonné de votre présentation, cela pour la raison suivante. À moins que je ne me trompe, vous n'avez pas fait mention de l'institution de Truro, qui est celle où se retrouvent les femmes. Il me semble que vous n'avez pas fait allusion à l'institution que nous avons visitée hier, qui est à une heure de route d'ici, soit l'institution Nova.

Le président: Oui, à Truro.

M. Richard Marceau: À Truro. Je voudrais donc savoir ce que vous pensez de cette institution. J'ai été assez impressionné par la façon dont elle fonctionnait. Est-ce que c'est la voie de l'avenir? Est-ce comme cela que les pénitenciers pour les femmes devraient être pensés et construits? De plus, est-ce que ce genre d'institution pourrait, selon vous—je sais que cela dépasse un peu le cadre de votre étude—, fonctionner également pour les hommes?

[Traduction]

Mme Rhonda Crawford: J'ai bien mentionné au départ que notre société se rend à l'occasion à l'établissement Nova. Ce dernier a été inauguré en 1985, et lorsque les premières femmes ont été transférées de la Prison des femmes, il y a eu un grand nombre de difficultés, ce qui vaut aussi pour l'établissement d'Edmonton, des difficultés concernant des ordres permanents qui n'étaient pas appliqués et aussi des membres du personnel qui n'étaient pas dûment formés, et ainsi de suite. L'établissement de Nova a fait beaucoup de chemin depuis son ouverture, mais il y a encore là des difficultés.

Le président: C'est seulement pour corriger un aspect de ce que vous avez dit. Vous avez dit 1985. Je crois que l'établissement a ouvert ses portes en 1995.

Mme Rhonda Crawford: En 1995. Je m'excuse.

Je me rends à l'établissement de Nova au moins deux fois par mois. Les sociétés Elizabeth Fry dans la région de l'Atlantique s'y trouvent «l'autre semaine», de sorte qu'il y a toujours une société Elizabeth Fry présente à l'établissement, une fois par mois, pour aider les femmes à planifier leur liberté conditionnelle et aussi pour aider les femmes à régler tout problème, au besoin. Nous avons, par exemple, aidé à créer le comité des détenues de l'établissement de Nova. À Nova, la nouvelle directrice de l'établissement, Mary Ennis—on la considère toujours comme nouvelle—a considérablement amélioré l'ambiance. Ayant discuté des choses avec les femmes, je crois qu'il y a encore du travail à faire.

Le fondement même du rapport La création de choix, la raison d'être de ces prisons, l'habilitation, le respect et la dignité, la prise de décisions éclairées, tout cela a joué un rôle à Nova. Et nous espérons que cela va continuer, pour qu'il n'y ait plus de difficultés, car durant la dernière période de troubles à l'établissement de Nova, on transférait des femmes à l'établissement de Springhill.

Certaines des difficultés connues à l'établissement de Nova surviennent parce que—à l'inverse du cas des hommes, où on distingue les établissements à sécurité maximale, à sécurité minimale et à sécurité moyenne—les femmes détenues de niveau de sécurité minimale sont détenues dans les mêmes conditions que les femmes détenues de niveau de sécurité moyenne. On envisage de construire un nouveau bâtiment à l'établissement de Nova, et nous recommandons quant à nous que les autorités n'aménagent pas un espace à l'intérieur même de la prison, nous préconisons qu'ils construisent une maison à sécurité minimale à l'extérieur de la prison, pour que les femmes considérées comme étant détenues de niveau de sécurité minimale et qui ont travaillé pour que cette cote soit diminuée soient davantage encouragées à le faire. Et nous recommandons que les femmes classées parmi les détenues de niveau de sécurité maximale soient détenues dans les prisons régionales, et que les détenues ayant des problèmes de santé mentale vivent dans des conditions mieux structurées.

[Français]

M. Richard Marceau: Vous n'avez pas répondu à ma question. Selon vous, est-ce que c'est un concept qui pourrait fonctionner pour les hommes?

• 1130

[Traduction]

Mme Rhonda Crawford: Je crois que le SCC doit aplanir toutes ces difficultés. S'il est question d'un peu plus de 300 femmes et qu'il y a encore des difficultés, je crois que les autorités doivent mettre au point un système pour que les choses fonctionnent mieux dans l'éventualité que d'autres femmes soient ajoutées au nombre. Je ne crois pas qu'il y ait de raisons pour lesquelles cela ne pourrait pas fonctionner pas dans le cas des prisonniers de sexe masculin.

Le président: Merci, madame Crawford.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci beaucoup, madame Crawford, d'être venue témoigner. Votre exposé nous a beaucoup éclairés.

J'ai quelques questions d'ordre statistique à vous poser. J'espère que vous pourrez me répondre. Vous avez parlé de quatre prisons canadiennes où on détient en ce moment des femmes qui se trouvaient auparavant dans un établissement pour femmes. L'établissement de Springhill en est une. Quelles sont les trois autres?

Mme Rhonda Crawford: Le pénitencier de la Saskatchewan, le centre psychiatrique régional et celui du Québec. Il me semble que c'est Sainte-Anne-des-Plaines.

M. Peter MacKay: Joliette?

Mme Rhonda Crawford: Non, la prison de Joliette est la prison pour femmes. Il me semble que c'est Sainte-Anne-des-Plaines.

M. Peter MacKay: Le centre psychiatrique régional—où est-il?

Mme Rhonda Crawford: Il est à Saskatoon.

M. Peter MacKay: En répondant aux questions de M. Marceau et durant votre témoignage, vous avez traité particulièrement de la nécessité d'insister sur les questions de santé mentale dans le cas des femmes détenues. J'imagine que la difficulté réside dans le fait qu'il n'y a pas suffisamment de programmes à l'extérieur de l'établissement pour celles qui ont des problèmes de santé mentale. De fait, nombre d'observateurs affirmeraient que, du moins dans le cas des détenues qui ont actuellement des problèmes de santé mentale, la personne ne se trouve pas du tout au bon endroit; elle devrait être dans un hôpital quelconque. Que dites-vous en réponse à cet argument? Je suis sûr que vous avez déjà eu à discuter de la situation.

Mme Rhonda Crawford: À un moment donné, la région de l'Atlantique comptait le pourcentage le plus élevé de femmes ayant des problèmes de santé mentale. Il semble qu'il y avait toute une série de femmes qui venaient de Terre-Neuve, et c'était en raison de la fermeture des services de santé mentale dans les hôpitaux et ainsi de suite. Il y a des femmes qui passaient entre les mailles du filet et qui, aux prises avec le système de justice pénale, étaient détenues dans un établissement fédéral.

À l'établissement de Nova, on a essayé d'aménager une unité résidentielle structurée où une ergothérapeute travaillerait auprès des femmes, car certaines des femmes avaient un fonctionnement si déficient qu'il fallait leur dire de se brosser les dents et leur montrer comment faire un lit.

Malheureusement, tout le reste allait mal dans les prisons régionales. C'est le moment choisi qui est en cause, car l'unité résidentielle structurée semble fonctionner, mais les femmes ayant des problèmes de santé mentale ont été regroupées avec les femmes désignées comme détenues de niveau de sécurité maximale et ont été transférées à Springhill. On n'a pas bien pris le soin d'étudier le fonctionnement de l'unité, de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Je conviens du fait qu'un grand nombre des services ne sont pas offerts dans la collectivité, mais une des choses dont il faut tenir compte, c'est que, si les femmes doivent être détenues, le rôle du SCC consiste à leur offrir des programmes et des services pour qu'elles puissent réintégrer efficacement la collectivité. Au début, elles avaient accès à un thérapeute à Nova, un psychologue, et un psychiatre. Maintenant, elles comptent sur deux psychologues, ce qui permet à l'un d'entre eux de consacrer plus de temps aux femmes et qui autorise une programmation plus structurée. Mais il faut mettre des ressources dans ces installations. Nous regardons ce qu'il en coûte au Service correctionnel du Canada pour mettre au point toutes ces unités isolées. Il aurait été plus efficace d'utiliser cet argent pour accroître les ressources dans les prisons régionales.

M. Peter MacKay: J'aimerais poser une dernière question courte, si vous me le permettez, monsieur le président.

Le président: Une question courte, une réponse courte.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Si je comprends bien, vous dites pour l'essentiel que les autorités n'ont pas vraiment appliqué les recommandations du rapport Arbour.

Ensuite, j'aimerais obtenir une précision. Dans l'état actuel des choses, en ce qui concerne le réseau des prisons pour femmes, n'y a-t-il pas un isolement prévu de la sécurité maximale jusqu'à la sécurité minimale, en passant par les divers degrés de sécurité moyenne? Des femmes détenues considérées comme de niveau de sécurité maximale purgent-elles une peine dans des prisons pour hommes?

• 1135

Mme Rhonda Crawford: Oui.

M. Peter MacKay: C'est bien le cas? Toutes les femmes de niveau de classification maximale?

Mme Rhonda Crawford: Oui, et il y en a de sécurité minimale et moyenne dans les prisons régionales. Et puis il y a la possibilité qu'une femme, considérée comme détenue de niveau de sécurité moyenne, soit transférée. Si elles commettent tel ou tel acte dans la prison régionale, elles passent à la cote de sécurité maximale.

Nous avons aussi eu des difficultés dans le cas des femmes classées comme détenues de niveau de sécurité maximale, mais qui ont travaillé pour faire baisser cette cote; à ce moment-là, la tâche ardue consiste à les faire transférer à nouveau dans la prison régionale.

M. Peter MacKay: Cette désignation est-elle établie d'abord par le juge qui impose la peine, selon la période d'incarcération, ou la classification relève-t-elle du SCC?

Mme Rhonda Crawford: Oui, cela tient au placement pénitentiaire.

Le président: Nous allons devoir passer à la personne suivante.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Limitons-nous à un sujet: les maisons de transition.

Mme Rhonda Crawford: D'accord.

M. Ivan Grose: Nous avons eu droit à trois commentaires négatifs.

Mme Rhonda Crawford: Oui. Voulez-vous que je parle de cela?

M. Ivan Grose: Oui, je vous en prie.

Mme Rhonda Crawford: Dans la région de l'Atlantique, en ce moment, il n'y a pas de maison de transition réservée aux femmes, et les femmes ne fonctionnent pas très bien dans les établissements mixtes.

Des femmes ont affirmé que les programmes offerts dans les maisons de transition ne sont pas orientés vers les femmes et, en ce moment, la société Elizabeth Fry de la région continentale de la Nouvelle-Écosse et celles d'autres régions, dans la région de l'Atlantique, essaient de remédier au problème. Nous envisageons la possibilité d'ouvrir une maison de détention réservée aux femmes à Halifax, et les autres régions—Terre-Neuve, le cap Breton et le Nouveau-Brunswick—envisagent des bureaux satellites pour aider à la transition des femmes. Il faut financer les maisons de transition. Les chiffres que nous regardons sont plus petits, car partout au pays, les femmes comptent pour un pourcentage nettement plus faible des détenus que les hommes.

Le besoin est là. Nous avons effectué des recherches auprès des prisonnières aux établissements de Nova et de Springhill, et au centre correctionnel de Halifax, notre établissement provincial, à propos de la nécessité d'établir une maison de transition réservée aux femmes. Notre questionnaire a été distribué en décembre, de sorte que les résultats sont très récents, et l'écrasante majorité souhaitait que nous ouvrions une maison de transition réservée aux femmes et que nous offrions des programmes améliorés aux femmes, plus particulièrement en ce qui touche les traumatismes, les mauvais traitements et les toxicomanies, aussi bien que l'exploitation de réseaux avec d'autres organismes communautaires, pour que les femmes puissent accéder aussi à d'autres programmes dont elles ont besoin.

M. Ivan Grose: Merci.

Il s'agit manifestement d'un besoin pressant. Comme dans l'immobilier, on dit que l'emplacement fait foi de tout. Or, j'ai entendu dire que l'emplacement où se trouvent les femmes en ce moment n'est pas très bon.

Mme Rhonda Crawford: C'est un très mauvais emplacement.

M. Ivan Grose: Vous en êtes donc consciente, et vous essayez de trouver un meilleur emplacement.

Mme Rhonda Crawford: À coup sûr, c'est une question prioritaire pour nous.

Nous envisageons d'établir la maison de transition à Halifax, où les femmes auraient accès aux circuits d'autobus et se retrouveraient près des ressources de la collectivité, et aussi dans une zone où les femmes auraient de bonnes chances, une fois le seuil de la porte franchi, de ne pas être mises si rapidement devant certaines des tentations qui les ont emmenées en conflit avec la loi au départ.

M. Ivan Grose: Cela me semble être une question très prioritaire; si vous avez donc besoin d'un avis quelconque, laissez-nous le savoir.

Mme Rhonda Crawford: D'accord.

M. Ivan Grose: Merci.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Madame Crawford, j'ai une courte question à vous poser. À Nova, hier, nous nous sommes réunis avec le comité des détenues. Je crois que le comité était impressionné en général par l'établissement, qu'il le jugeait progressiste et ainsi de suite, mais une des femmes a fait une observation qui nous a un peu choqués. Elle a dit qu'elle préférerait se trouver à la Prison des femmes de Kingston. Elle souhaitait presque qu'on en revienne à ça, où elle se trouvait auparavant, car elle croyait qu'il y avait plus de programmes, de meilleures règles pour les effets personnels et ainsi de suite. Avez-vous quelque chose à dire à propos de ce genre de chose...?

Mme Rhonda Crawford: Cela a tendance à varier, selon le temps que les femmes ont passé à la Prison des femmes. Cela tient au fait qu'il semble y avoir des mesures très inconstantes dans la prison. Des femmes ont affirmé qu'elles savaient ce à quoi on s'attendait d'elles à la Prison des femmes—non pas que les conditions étaient nettement meilleures, mais qu'elles savaient ce qu'on attendait d'elles, de sorte qu'elles n'avaient pas besoin de deviner ce que l'on attendait qu'elles fassent à la prison. Je crois que c'est cela qui arrive lorsque...

• 1140

La présidente du comité des détenues à l'établissement de Nova n'occupe pas le poste depuis longtemps, de sorte qu'elle est en train d'apprendre. De même, lorsque le comité des détenues estime parfois qu'il n'est pas efficace, qu'il n'obtient pas de réponses, qu'il essaie de porter à l'attention de l'administration les dossiers qui touchent la population carcérale et qu'il y a des retards, ou encore si l'administration de la prison adopte une mesure, mais que le personnel ne l'applique pas et qu'il y a de l'inconstance, c'est à ce moment-là qu'on entend des observations comme «J'aimerais mieux être retournée à la Prison des femmes. Au moins, je savais ce que l'on attendait de moi là-bas.»

Le président: D'accord. Encore une fois, merci beaucoup. Nous apprécions le fait que vous ayez pu comparaître devant nous aujourd'hui.

Mme Rhonda Crawford: D'accord. Merci.

Le président: Le prochain nom sur notre liste est celui de M. Phil MacNeil, dont il est dit qu'il témoigne à titre individuel, mais maintenant, on me dit qu'il travaille pour le compte de l'aide juridique en Nouvelle-Écosse. Est-ce bien cela, monsieur MacNeil?

M. Phil MacNeil (Nova Scotia Legal Aid): Tout à fait. On est toujours là à titre individuel, tout de même. Personne ne se trompe là-dessus.

Le président: Voilà. C'est de là que nous partons tous, n'est-ce pas?

Monsieur MacNeil, si vous pouviez...

M. Phil MacNeil: Déployer ma bannière?

Le président: ... vous en tenir à cinq ou dix minutes environ, ce qui permettra aux membres du comité de poser quelques questions.

M. Phil MacNeil: En guise de préface à mon exposé, je dirais que je travaille pour le compte de l'aide juridique en Nouvelle-Écosse. Je travaille pour ce service depuis 1978. Je ne suis pas avocat. Je ne sais pas si c'est là une bonne chose ou non. Parfois c'est bon, parfois c'est mauvais.

Le président: C'est tout un débat pour les membres de notre comité.

M. Phil MacNeil: En ce moment, je gère l'aide juridique pour le comté de Cumberland, en Nouvelle-Écosse. Je suis aussi chargé des services d'aide juridique aux prisonniers de l'établissement de Springhill. Je m'occupe de la prestation de services d'aide juridique à des détenus depuis 1973.

Mon exposé aujourd'hui porte sur un des aspects de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. La partie II de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit les pouvoirs nécessaires pour déterminer la libération conditionnelle, la détention et la surveillance de longue durée aussi bien que la révocation d'une liberté conditionnelle. L'objet de la mise en liberté sous condition est énoncé comme suit à l'article 100:

    La mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois.

Pour atteindre l'objectif voulu, les autorités chargées de la mise en liberté sous condition se fient aux principes énoncés à l'article 101 de la Loi, plus précisément au paragraphe 101a): «la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas».

Même si la protection de la société est le critère déterminant, la Loi ajoute en guise de contre-poids au paragraphe 101d) que «le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible» et, au paragraphe 101f), que «de manière à assurer l'équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser».

Il existe, malheureusement, des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition où les principes directeurs ne sont pas appliqués. Selon le paragraphe 135(9.1), la libération conditionnelle ou d'office est révoquée lorsque le délinquant se voit imposer une peine d'emprisonnement supplémentaire. Le paragraphe en question a la formulation suivante:

    Lorsque la libération conditionnelle ou d'office d'un délinquant n'a pas été révoquée ou qu'il n'y a pas été mis fin et que celui-ci est réincarcéré pour une peine d'emprisonnement supplémentaire pour une infraction à une loi fédérale, sa libération conditionnelle ou d'office est révoquée à la date de cette nouvelle incarcération.

Lorsqu'une libération conditionnelle ou d'office est automatiquement révoquée, les autorités ne cherchent pas à déterminer si la protection du public exige la révocation de la libération conditionnelle. Elle ne cherche pas à déterminer si la révocation de la libération conditionnelle représente la décision la moins restrictive possible compte tenu de la protection de la société. Rien n'est prévu pour que le détenu puisse faire réviser la décision de révocation ou pour assurer l'équité et la clarté du processus. Le délinquant va directement en prison. Il n'a pas le droit à la libération d'office avant d'avoir purgé les deux tiers de la période restant à courir. Son cas ne peut être examiné en vue d'une libération conditionnelle durant l'année suivant la révocation de la libération conditionnelle ou d'office.

• 1145

On pourrait conclure rapidement à ce sujet que tout délinquant qui se voit imposer une peine supplémentaire au moment où il est en liberté conditionnelle ou d'office pose forcément un risque inacceptable pour le public, mais ce n'est là qu'une présomption. Étant donné les conséquences très sérieuses que comporte la révocation de la libération, seul un examen soigneux des faits en cause dans chaque cas permet de déterminer si la présence du délinquant dans la collectivité pose un risque inacceptable.

Au paragraphe 135(9.2), le législateur essaie de prévenir la révocation automatique de la libération conditionnelle ou d'office dans les cas où la peine supplémentaire n'est pas à purger à la suite de la peine en cours et concerne une infraction commise avant que la peine en cours ne soit entamée:

    Le paragraphe (9.1) ne s'applique pas si la peine supplémentaire n'est pas à purger à la suite de la peine en cours et se rapporte à une infraction commise avant le début de l'exécution de cette dernière.

Rares sont les tribunaux, les procureurs et les avocats spécialisés en droit pénal qui connaissent bien la disposition de révocation automatique prévue dans la Loi ou l'exception établie au paragraphe 135(9.2). Si un tribunal n'est pas conscient de cette disposition, il ne peut déterminer de façon éclairée s'il doit imposer une peine qui entraînerait automatiquement la révocation ou dispenserait le délinquant d'une telle sanction.

Même dans les cas où le tribunal est conscient des dispositions prévues au paragraphe 135(9.2) et qu'il tente d'imposer une peine d'emprisonnement qui n'entraînerait pas de révocation automatique, une formulation imprécise sur le mandat de dépôt peut entraîner encore la révocation.

Cela est arrivé au cours des deux dernières années. Un détenu de l'établissement de Springhill a fait transférer plusieurs accusations de l'Ontario en Nouvelle-Écosse. Il a comparu devant le tribunal provincial, à Springhill, et a plaidé coupable. L'imposition de la peine a été reportée pour deux mois en attendant le rapport présentenciel. Avant la date du prononcé de la sentence, il a été mis en semi-liberté encadrée, à Halifax, en application des dispositions de la Loi concernant la mise en liberté expéditive. À l'audience de détermination de la peine, le tribunal a été mis au fait des dispositions relatives à la révocation automatique et de l'exception prévue à cet égard. L'agent de liberté conditionnelle a informé le tribunal du fait que le délinquant avait trouvé un travail à temps plein et a fourni des renseignements concernant d'autres facettes de son plan de libération conditionnelle.

En imposant au délinquant une peine globale concurrente, le tribunal a établi certaines peines consécutives par rapport aux peines imposées ce jour-là, mais il a affirmé clairement que toutes les peines devaient être purgées en même temps que la peine d'emprisonnement imposée auparavant.

Le Service correctionnel du Canada a décidé d'adopter une interprétation stricte des mandats de dépôt. Il a conclu que toute allusion à une peine d'emprisonnement consécutive faisait que le délinquant n'aurait pas le droit de se prévaloir de l'exception prévue au paragraphe 135(9.2), même s'il était convaincu que le tribunal avait imposé une peine globale concurrente. La mise en liberté sous condition du délinquant a été révoquée automatiquement, non pas du fait d'une intention clairement manifestée par le tribunal ou d'une analyse qui établissait que le délinquant représenterait une menace pour la société, mais plutôt parce que c'était là l'interprétation de son mandat de dépôt.

Le délinquant pouvait recourir à la Cour fédérale pour faire réviser l'interprétation faite des mandats de dépôt—il s'agirait de faire réviser l'interprétation qu'adopte le SCC des mandats de dépôt à la Cour fédérale—, mais le temps qu'il faut pour cela est tel que le délinquant n'aurait pas de la facilité à garder son emploi ou à continuer à se prévaloir des programmes au sein de la collectivité.

Étant donné le soutien ferme de son agent de liberté conditionnelle et les faits uniques en cause, le directeur de l'établissement de Springhill a permis au délinquant de se prévaloir du programme de placement à l'extérieur de manière à pouvoir conserver son emploi et présenter une nouvelle demande de libération conditionnelle. La Commission nationale des libérations conditionnelles a acquiescé par la suite à sa demande de semi-liberté.

Ce délinquant a été chanceux. Grâce à l'intérêt et au soutien de son agent de liberté conditionnelle, à l'intervention du directeur de l'établissement de Springhill et à celle de la Commission nationale des libérations conditionnelles, il a pu éviter les effets graves d'une révocation automatique de sa libération conditionnelle.

• 1150

Ni la chance ni la malchance ne devraient faire partie des facteurs qui déterminent si une libération doit être révoquée ou non. Une telle décision doit seulement être prise après un examen soigneux des faits en cause. Il ne devrait pas y avoir de révocation automatique de la libération conditionnelle ou de la liberté surveillée. Or, cela peut se produire par inadvertance, comme dans le cas que je viens de décrire, ce qui est contraire à l'objet et aux principes directeurs de l'article 100 et de l'article 101 de la Loi. Je propose que cette disposition soit supprimée de la Loi sur le système correctionnel et sur la mise en liberté sous condition.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacNeil. Vous nous avez présenté un exposé très clair et très précis sur cette question. Voilà une question que nous allons certainement pouvoir examiner à fond à l'aide de nos recherchistes.

À la lumière de ce propos, je demanderais aux membres d'être aussi précis que possible dans les questions qu'ils poseront durant ce volet.

Monsieur Gouk.

Jim Gouk: Merci, monsieur le président.

Je veux simplement qu'une chose soit éclaircie, malgré les observations qu'ait pu formuler le président à propos de la clarté. À moins que je ne comprenne mal, votre argument principal concernait un détenu en liberté conditionnelle, ou une forme quelconque de liberté, qui a commis un acte criminel, qui a été condamné ultérieurement à une peine d'emprisonnement et qui a vu sa liberté conditionnelle révoquée.

Mais l'exemple que vous avez présenté alors concernait une personne sur qui pesaient des accusations pour une période antérieure, dans le cas où il y a une exception clairement prévue dans la loi, et on n'a pas respecté l'esprit de la loi, voire la lettre de la loi. J'ai vraiment de la difficulté à admettre cela, je dois le dire, à moins que je ne comprenne mal. Êtes-vous en train de dire que la personne qui a braqué un magasin, qui a purgé sa peine et qui s'est prévalue de ses programmes et qui est maintenant libérée sous une forme ou une autre, qui braque encore un magasin ne devrait pas voir sa libération conditionnelle révoquée?

M. Phil MacNeil: Je ne dis pas que quiconque ne devrait pas voir sa libération conditionnelle révoquée. J'affirme que personne ne devrait voir sa libération conditionnelle révoquée automatiquement, sans que la Commission nationale des libérations conditionnelles ait examiné l'affaire. Mon exemple portait sur une personne dont les infractions étaient antérieures au moment de sa libération conditionnelle, avant que...

M. Jim Gouk: Je comprends cela, et j'admets que c'est une chose distincte. Mais l'élément principal de la première partie de votre exposé, si je ne m'abuse, c'est de dire que si quelqu'un commet une infraction au moment où il est en liberté conditionnelle, sa libération conditionnelle ne devrait pas automatiquement être révoquée.

M. Phil MacNeil: Oui, je l'affirme haut et fort. Cela ne devrait pas se faire automatiquement. Il est très facile de songer à un exemple où la personne fait un vol, commet une infraction grave. J'imagine que la personne se verrait imposer une peine d'emprisonnement consécutive très lourde. Mais qu'en est-il de la personne qui commet une infraction très mineure? Et de la personne qui se voit imposer une peine d'emprisonnement consécutive d'un jour pour une infraction mineure? Cela entraînerait automatiquement la révocation de la libération conditionnelle. La personne retournerait en prison et n'aurait pas droit à la libération conditionnelle avant d'avoir purgé les deux tiers de ce qu'il reste de sa peine d'emprisonnement.

M. Jim Gouk: Lorsque vous expliquez les choses ainsi, je suis davantage porté à l'admettre. Cette question particulière a déjà été soulevée. La recommandation, c'était que les accusations ne relevant pas de l'annexe 1 ou 2 ne devraient pas avoir pour effet d'entraîner une révocation automatique; cela a été défini clairement. Pour être franc, jusqu'à ce que vous disiez cela, je ne faisais pas le lien entre les deux, mais nous allons pouvoir regarder cela dans ce contexte.

M. Phil MacNeil: Oui. Même les accusations portées sous le régime des annexes 1 et 2 peuvent être d'une nature très mineure. Une accusation de voies de fait—il y a toute une série de faits ou de degrés de gravité à cet égard. J'imagine que l'auteur de l'infraction dont il est question à l'article 266 est coupable d'un acte criminel en application de l'annexe. Dans le contexte, on présumerait que l'infraction est plus grave, mais ce n'est pas toujours le cas.

Une infraction comme celle dont il est question à l'article 266—c'est-à-dire les voies de fait simples—peuvent faire l'objet d'une poursuite par procédure sommaire ou par voie de mise en accusation. Il existe un délai qu'il faut respecter dans le cas des poursuites par procédure sommaire, et si l'accusation est portée plus de six mois après le moment où l'infraction est commise, la Couronne doit procéder par voie de mise en accusation. Il ne faut donc pas conclure que, comme il s'agit de voies de fait simples dont l'auteur est coupable d'un acte criminel, il s'agirait forcément d'une infraction de nature plus grave. Même moi, j'ai commencé à penser que: «eh bien, ce sont des choses qui doivent être plus graves, car les autorités doivent procéder par voie de mise en accusation.» Or, il peut s'agir d'une mise en accusation qui se fait par défaut, simplement parce que la dénonciation faite sous serment a lieu plus de six mois plus tard.

• 1155

M. Jim Gouk: Merci.

Le président: Merci, monsieur Gouk.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Dans le même ordre d'idées, monsieur MacNeil, votre exposé initial me pose une certaine difficulté. Mais même dans le contexte où vous l'avez expliqué, je dois dire que, lorsqu'il s'agit d'une personne qui a été libérée sous condition, on présume automatiquement qu'elle purge une peine moindre que ce qui avait été imposé à l'origine. Donc, essentiellement, on lui donne une chance. La personne ne jouit pas d'une liberté entière et totale dans la collectivité. Elle doit se plier aux conditions fixées, dont une serait, il est à présumer, de ne pas commettre d'autres actes criminels.

Ce que vous dites lorsque vous parlez d'infraction mineure me pose problème. Une infraction mineure n'est pas susceptible de mener à l'incarcération, qui déclencherait l'application de cet article concernant la révocation automatique de la libération conditionnelle. Même en cas de voies de fait, pour reprendre votre exemple, ce qui est plutôt anormal si l'avocat de la Couronne porte une accusation de voies de fait en raison de l'expiration du délai un juge reconnaîtrait certainement que, pour une infraction mineure, pour reprendre ce terme, selon l'interprétation juridique, mais de gravité mineure, une infraction mineure n'est pas susceptible d'être considérée comme un acte criminel à moins que le contrevenant ait déjà un épais casier judiciaire, ce qui mènerait manifestement à une interprétation judiciaire au moment de la détermination de la peine.

De donner l'impression que, en quelque sorte, révoquer automatiquement la libération conditionnelle d'une personne parce qu'elle a commis une autre infraction tandis qu'elle était libérée et qu'elle s'est retrouvée incarcérée en raison de son dossier antérieur ou en raison de la gravité de l'infraction—et vous connaissez tous les critères qui mènent à l'incarcération d'une personne—, je trouve que ça heurte notre sensibilité, que cela ne devrait pas se produire. Nous parlons d'une personne qui s'est déjà retrouvée dans un établissement fédéral et qui a été libérée avant la fin de sa peine. Je n'arrive pas à voir pourquoi on pourrait imaginer que la libération conditionnelle ne devrait pas être automatiquement révoquée.

M. Phil MacNeil: Puis-je répondre?

Le président: Absolument.

M. Phil MacNeil: Je ne pense pas qu'elle devrait être révoquée automatiquement, pour un certain nombre de raisons. Le tribunal a infligé la peine appropriée pour l'infraction en question, mais par application automatique de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, une peine supplémentaire—et j'utilise le terme «peine» dans son sens large—est imposée. La peine est la suivante: non seulement le contrevenant doit-il purger la peine d'emprisonnement prévue pour l'infraction en cause, mais il doit aussi purger les deux tiers de ce qui restait de sa peine au moment où elle a été révoquée automatiquement. Cela peut entraîner une peine beaucoup plus lourde que ce qui est prévu pour l'infraction qui a tout déclenché.

M. Peter MacKay: Ah oui? En quoi la peine est-elle plus dure? Je m'excuse de vous interrompre, mais je tente de suivre votre raisonnement. Nous ne parlons manifestement pas d'une personne qui en est à sa première infraction.

M. Phil MacNeil: Non.

M. Peter MacKay: Il s'agit d'une personne en libération conditionnelle, qui a été soumise à l'application de la loi, a reçu une peine pour laquelle, pour une raison ou pour une autre, la commission des libérations conditionnelles lui a, de concert avec le SCC, accordé une libération conditionnelle. Maintenant qu'elle est en liberté conditionnelle, elle commet une autre infraction criminelle si grave qu'elle lui vaut une autre peine d'emprisonnement.

Je pense que nous ne nous entendons pas sur une question de principe, mais à mon avis, une personne qui est en liberté sous condition n'a pas le droit de présumer qu'elle n'aura pas à payer pour ses péchés antérieurs parce qu'on lui a donné une chance dans le premier cas de reprendre sa liberté et qu'elle en profite pour commettre une autre infraction.

M. Phil MacNeil: Évidemment, je ne veux pas dire que leur mise en liberté ne doit pas être révoquée; je dis simplement qu'il s'agit d'une décision qui devrait être laissée à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

• 1200

C'était le cas avant l'ajout de ces paragraphes, avant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et l'ancienne Loi sur la libération conditionnelle. Seule la Commission nationale des libérations conditionnelles déterminait si la mise en liberté sous condition devait être révoquée ou annulée ou si l'on devait en suspendre l'application et relâcher la personne. La commission des libérations conditionnelles jouit toujours de ce pouvoir pour des bris beaucoup moins graves des conditions rattachées à la mise ne liberté sous condition, par exemple la violation d'un couvre-feu. Manifestement, il y a une audience très sérieuse pour des bris de mise en liberté sous condition qui pourraient être, en définitive, jugés comme très mineurs. Mais lorsqu'on a affaire à quelque chose qui semble plus grave, on ne prévoit pas une chose aussi équitable qu'une audience.

M. Peter MacKay: Mais vous parlez d'un processus totalement différent. Le non-respect d'une condition rattachée à une libération conditionnelle est manifestement traité d'une façon différente de ce dont nous parlons ici, c'est-à-dire qu'il y a révocation automatique s'il y a une autre infraction criminelle qui débouche sur une incarcération. Il y a selon moi un gros trou dans votre argumentation: vous dites que la commission des libérations conditionnelles devrait prendre la décision. Le jugement de cette commission ne sera-t-il pas immédiatement remis en question si elle a libéré une personne qui commet ensuite une autre infraction criminelle?

M. Phil MacNeil: Voilà une chose facile à dire après coup. Non, la commission des libérations conditionnelles prend la meilleure décision qui soit en fonction de l'information dont elle dispose tout comme, si une personne devait commettre une nouvelle infraction, elle devrait prendre la meilleure décision qui soit quant à savoir s'il faut, en définitive, ajouter à la peine... ce peut même être une peine à purger de façon concurrente. Nous avons parlé de cela, d'une infraction commise par une personne en libération conditionnelle, et le tribunal dit que, tout bien considéré, il lui inflige une peine d'emprisonnement à purger de façon concurrente. Il y aurait quand même une révocation automatique.

Le président: Merci, monsieur MacNeil.

La parole est à M. Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Ayant déjà été moi-même en liberté conditionnelle, je m'oppose tout à fait à ce que dit M. MacNeil. Mais comme nous sommes limités par le temps, je ne pense pas que ce soit le moment ni l'endroit pour défendre ma position. Merci.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Manifestement, certains membres du comité m'ont mal compris. Lorsque je disais «plus clair», je ne voulais pas dire «acceptable». Peut-être M. MacNeil peut-il, pour le bénéfice du comité, nous dire de quelles infractions il parlait dans son exemple.

M. Phil MacNeil: Si je me souviens bien, il y a eu un certain nombre de fraudes commises par une personne pour laquelle on avait fondamentalement porté un diagnostic de troubles bipolaires. Lorsque cet homme traverse une mauvaise période, il se livre à la fraude. Je ne me souviens pas à quand ça remonte. Probablement à un ou deux ans. Il a demandé à être jugé en Nouvelle-Écosse et a plaidé coupable. Il s'est alors retrouvé aux prises avec cette révocation automatique de la libération conditionnelle. Normalement, on ne s'attacherait même pas à la question, parce qu'elle aurait déjà été prise en considération avant toute libération conditionnelle. C'est certainement un cas où il a perdu automatiquement son droit à la libération conditionnelle, même si le tribunal n'a jamais voulu que cela se produise et qu'il était parfaitement conscient de ces dispositions. Il l'a perdu automatiquement.

Le président: Merci, monsieur MacNeil. Je le répète, nous allons, en compagnie de nos recherchistes, examiner soigneusement la question au moment de l'examen de nos rapports. Merci beaucoup.

Le prochain témoin est M. Terry Carlson, de la John Howard Society of Newfoundland and Labrador. Monsieur Carlson, si vous pouviez limiter à cinq à dix minutes la durée de votre exposé, les membres du comité auraient le temps voulu pour vous poser des questions.

M. Terry Carlson (John Howard Society of Newfoundland and Labrador): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président et messieurs les membres du comité, je suis vraiment heureux d'avoir l'occasion de venir vous parler aujourd'hui. C'est le 100e anniversaire de la libération conditionnelle au Canada et le 50e anniversaire de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération. Il est ironique mais approprié que cet examen de la Loi sur le système correctionnelle et la mise en liberté sous condition se déroule en ce moment.

• 1205

Lorsque nous avons adhéré à la Confédération en 1949, nous avons eu des débuts très prometteurs en ce qui touche le premier texte législatif fédéral concernant les délinquants: la Loi des libérations conditionnelles du gouvernement fédéral, qui a précédé la Loi sur les libérations conditionnelles. En octobre 1949, la loi a été appliquée pour la première fois lorsque le gouverneur général a réduit de huit mois une peine d'emprisonnement d'abord établie pour deux ans parce que le prisonnier avait eu un comportement honorable en sauvant la vie d'un autre détenu au camp pénitentiaire de Salmonier, établissement à sécurité minimale situé juste à l'extérieur de St. John's. Et depuis cette époque, nous avons l'impression que la loi fédérale qui régit les libérations conditionnelles a généralement continué à bien servir notre province.

J'aimerais formuler quelques commentaires sur certains aspects de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Je représente la John Howard Society of Newfoundland, organisme bénévole communautaire non gouvernemental dont la mission est de réduire la criminalité en offrant des occasions de réhabilitation aux contrevenants et en prônant les réformes au moyen de programmes fructueux, de campagnes d'éducation publique, de stratégies de prévention de la criminalité et de l'application de principes de justice réparatrice. Nous avons des bureaux à St. John's, à Stephenville et à Corner Brook.

J'aimerais d'abord formuler une déclaration générale. La John Howard Society of Newfoundland appuie le concept de libération conditionnelle graduelle, car elle estime qu'il s'agit de l'outil le plus efficace pour réintégrer des contrevenants dans la collectivité. Nous croyons qu'un suivi approprié en milieu communautaire au moyen de solides programmes de mise en liberté graduelle sont des éléments essentiels de la protection durable de la société, particulièrement lorsqu'on souhaite réhabiliter des contrevenants à risque élevé.

Nous remarquons le taux de succès élevé de certaines mesures—taux de succès de 99 p. 100 pour les permissions de sortir, de 96 p. 100 par la semi-liberté et de 92 p. 100 pour la pleine libération conditionnelle, mais nous notons que leur usage diminue, ce qui nous préoccupe. Même la libération d'office connaît un taux de succès relativement élevé de 87 p. 100.

Nous sommes préoccupés par la condition de résidence rattachée à la libération d'office. Elle est utilisée de plus en plus fréquemment et est maintenant imposée dans une libération d'office sur cinq. Pour le détenu, c'est parfois une situation imprévue. Elle est à la source d'une hostilité et d'un ressentiment considérables lorsque les personnes touchées doivent se rendre dans une maison de transition, sans qu'il y ait d'audience de libération conditionnelle, et s'il n'y a pas de lit de disponible, elles peuvent parfois devoir se rendre dans un autre établissement. Un détenu amer qui ne veut pas suivre le programme perturbe souvent le milieu résidentiel, et il arrive parfois qu'il entrave les progrès des autres résidents.

Nous appuyons la recommandation de la John Howard Society of Canada concernant la libération d'office avec exigence de résidence. Elle se lit comme suit:

    Si l'exigence de résidence doit être maintenue comme une condition de la libération d'office, elle devrait être imposée après une audience devant la Commission nationale des libérations conditionnelles qui aurait lieu au moins six mois avant la date d'expiration du mandat, et ne devrait être imposée qu'en fonction de critères particuliers qui révèlent que la personne pose un risque sérieux de crime violent; une fois imposée, la condition ne devrait pas s'appliquer durant plus de quatre mois; de plus, elle ne devrait être imposée que dans la collectivité où la personne prévoit se rendre.

En ce qui concerne les programmes, nous estimons qu'il est important de faire fond sur la réussite de la libération conditionnelle grâce à des programmes efficaces établis d'après la documentation sur «ce qui fonctionne».

Nous avons de graves préoccupations quant à la détention. Même si le taux de détention a augmenté de façon constante depuis qu'on a commencé à le mesurer en 1986 et qu'il dépasse toutes les prévisions, une étude effectuée par le Service correctionnel du Canada révèle que les personnes qui ont été détenues sont moins susceptibles de commettre une infraction criminelle que les personnes qui ont été libérées sur parole ou que celles qui profitent d'une libération d'office.

La détention des contrevenants ne permet pas de prévenir les activités criminelles; au mieux, elle les retarde. Elle dissuade les contrevenants de s'améliorer lorsqu'ils sont à l'intérieur et les prive de soutien lorsqu'ils sont à l'extérieur. Elle accroît leur hostilité et leur anxiété. Ironiquement, les détenus qui ont besoin d'un soutien et d'une supervision critique au moment de leur libération n'y ont plus accès le moment venu.

• 1210

La détention contribue également à faire connaître le détenu au public. À Terre-Neuve, il est arrivé que des détenus doivent fuir la ville. Dans un cas, un homme a été forcé de déménager à trois occasions, car des actes de vandalisme ont été commis au domicile de sa famille. Même si la plupart des provinces, dont Terre-Neuve, peuvent maintenant compter sur des comités consultatifs d'information communautaire, l'information est quand même publiée et cause des ravages. Les avis publics ne procurent aucun avantage connu au chapitre de la réduction des récidives.

En détenant la personne jusqu'à l'expiration du mandat, nous laissons de côté un outil efficace: la libération graduelle accompagnée de supervision, de mesures de contrôle et d'un programme de traitement, et nous laissons aux organismes communautaires et religieux le soin de réunir tant bien que mal les ressources voulues pour offrir un soutien aux contrevenants et faire la liaison avec les gens du voisinage.

La John Howard Society estime que si le contrevenant a accès à une supervision et à des mesures de contrôle intensives, ainsi qu'à un soutien communautaire avant l'expiration du mandat, l'intérêt public est mieux servi que si on libère l'intéressé sans supervision, contrôle ni soutien. Par conséquent, nous estimons que la détention ne devrait s'appliquer que dans le cas des détenus qui refusent de participer à des programmes de libération conditionnelle graduelle.

Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais formuler rapidement quelques commentaires sur les Terre-Neuviens qui purgent une peine dans des prisons fédérales. Quel que soit le moment, environ 160 à 175 Terre-Neuviens sont incarcérés. Il s'agit surtout d'hommes, et ils sont emprisonnés dans l'un des cinq établissements pénitentiaires du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Loin de leur famille et de leurs amis, les détenus terre-neuviens ont des problèmes et des besoins plus grands en raison de leur isolement géographique. Notre organisme aimerait donc recommander le maintien et l'élargissement des programmes actuels de services familiaux de liaison dans les prisons fédérales ainsi que de visites familiales annuelles des prisons afin de maintenir le lien vital qui unit le contrevenant et sa famille, de contribuer à la préparation de sa libération et de réduire l'iniquité qui résulte d'une incarcération dans un lieu si éloigné du domicile.

Grâce à un accord sur l'échange des services, près de 35 détenus fédéraux terre-neuviens peuvent demeurer au centre correctionnel de la côte ouest, à Stephenville. Cette installation héberge des détenus fédéraux peu dangereux en échange d'une indemnité quotidienne, et des programmes y sont offerts pour satisfaire aux normes fédérales. D'autres personnes sont détenues dans d'autres établissements correctionnels répartis un peu partout dans la province. En tout, de 65 à 75 détenus fédéraux sont hébergés dans des établissements carcéraux provinciaux à Terre-Neuve. Nous aimerions recommander le maintien et, au besoin, l'augmentation des ressources pour faire en sorte que les contrevenants fédéraux détenus à Terre-Neuve aient pleinement accès dans la province à des programmes de traitement de qualité qui respectent intégralement les normes fédérales.

Le nombre de détenus provinciaux libérés sous condition a diminué de façon marquée à Terre-Neuve, et cette situation est partiellement attribuable au temps nécessaire au traitement. Certains contrevenants n'acceptent pas la libération conditionnelle lorsqu'elle est accordée presque à la fin de leur peine, et il arrive parfois qu'ils ne la demandent même pas. Alors nous recommandons que des efforts soient déployés pour veiller à rationaliser encore davantage les méthodes administratives afin d'éliminer toute paperasse inutile et de favoriser la prise de décisions opportunes pour la libération conditionnelle de détenus provinciaux peu dangereux.

En terminant, j'aimerais formuler un commentaire de portée générale. Évidemment, c'est le public qui est en définitive responsable des lois, et il y a beaucoup d'idées fausses au sujet du crime, des criminels et du système de justice. De par sa nature même, le domaine des services correctionnels est marqué par les mauvaises nouvelles et les échecs occasionnels. On peut affirmer sans se tromper que ses réussites ne font pas la manchette. Cependant, les sondages d'opinion ont révélé que lorsqu'on explique les choses au public, il est réceptif aux programmes de réhabilitation et aux solutions de rechange à l'incarcération. La mise en liberté graduelle a connu, selon nous, beaucoup de succès, et celui qu'a connu la libération conditionnelle et d'autres aspects de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition devrait être présenté au public dès que l'occasion se présente.

• 1215

Nous répétons notre soutien à la libération conditionnelle graduelle. Nous sommes d'accord avec l'objectif du système correctionnel décrit à l'article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. En ce qui concerne les contrevenants, même si la capacité de prédire une activité criminelle future est limitée et qu'on ne saurait garantir le comportement d'une personne, nous savons à coup sûr qu'une libération graduelle en milieu communautaire, accompagnée des mesures de contrôle nécessaires et de programmes efficaces axés sur les besoins de chaque contrevenant débouche sur la protection la plus durable et la plus réaliste pour la collectivité.

Nous espérons que la libération conditionnelle, avec ses mesures de contrôle, de supervision et de soutien, sera offerte aux contrevenants fédéraux qui sont prêts à y participer au moment de réintégrer la collectivité. Selon nous, c'est la solution qui offre la meilleure protection à long terme. Nous sommes très préoccupés par le fait que des contrevenants sont libérés sans soutien, sans supervision, sans mesures de contrôle et ainsi de suite.

Nous connaissons les difficultés associées à un texte législatif exhaustif et substantiel comme la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, mais nous tenons absolument à souligner aujourd'hui que nous appuyons la libération conditionnelle graduelle assortie de mesures de contrôle, de supervision et de soutien ainsi que de programmes. Nous sommes toujours inquiets quand nous voyons un détenu être libéré dans la collectivité sans y avoir accès.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Carlson.

Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Merci, monsieur le président.

J'aimerais éclaircir un point. Il est déjà arrivé dans le passé à Ottawa que des groupes viennent nous dire que même si une personne a été condamnée pour un crime avec violence et que nous croyons fermement que cette personne commettra un autre crime violent lorsqu'elle sera libérée, parfois parce que c'est la personne elle-même qui le dit, nous devrions quand même libérer cette personne de façon graduelle parce que, si nous ne le faisons pas, nous ne ferons que retarder l'inévitable. Est-ce là le principe général auquel vous adhérez?

M. Terry Carlson: Nous croyons—et nous pensons que les données étayent cet argument—qu'il est préférable de libérer graduellement une personne dans la collectivité en lui donnant accès à un soutien et à une supervision efficaces plutôt que de la relâcher quelques mois plus tard sans les mesures de soutien, de supervision et de contrôle qui, estimons-nous, ne peuvent que l'aider dans sa réinsertion. Oh, nous ne nous faisons pas d'illusions: il y a des gens dans le réseau qui auront beaucoup de difficultés à en sortir ou qui témoigneront de la résistance et ainsi de suite. Mais nous pensons simplement que toutes les fois où on peut recourir à la mise en liberté sous condition, il en va de l'intérêt collectif à court et à long terme que des mesures de supervision et de contrôle aient été instaurées.

M. Jim Gouk: Depuis que je me suis joint au sous-comité et que nous avons commencé cette tournée, ma position face à la valeur réhabilitante de la libération conditionnelle et de tout ce qui l'accompagne a beaucoup changé. En fait, alors que je la voyais comme un privilège pour le prisonnier, je la considère avec de plus en plus de confiance comme un véritable outil pour le Service correctionnel du Canada.

Mais dans le cas de ceux qui ont commis des crimes avec violence, lorsqu'il existe des données qui permettent de croire qu'ils sont susceptibles de récidiver, et que ces données sont parfois aussi flagrantes qu'un aveu en ce sens de la part du détenu, alors je suis contre l'idée de relâcher cette personne dans la société plus tôt qu'il ne le faut. En fait, j'aimerais trouver une façon de maintenir une personne sous garde si l'on peut voir clairement qu'elle est susceptible de commettre une récidive ou qu'elle refuse de participer à des programmes qui permettraient de mieux la réhabiliter.

Je suis un politicien élu. Je suis comptable à l'ensemble des Canadiens en général, mais à 100 000 personnes directement. J'aimerais que vous me disiez ce que je devrais leur répondre si j'appuyais un système qui relâche sciemment des criminels violents avant qu'ils aient purgé leur peine, quand les risques de récidive sont élevés et qu'elles récidivent effectivement. Que devrais-je répondre à ces 100 000 personnes?

M. Terry Carlson: Je pense que le principal argument que nous soulevons à cet égard, c'est qu'avec les mesures de soutien, de supervision et de contrôle voulues, cela est bien préférable pour les intérêts à long terme de la société. Évidemment, il arrive parfois que des échecs se produisent. Tout le domaine des services correctionnels suppose toujours la prise de certains risques calculés. Nous avons toujours eu l'impression qu'il en va des intérêts à long terme de la société de libérer graduellement les détenus, sous certaines conditions. Nous savons que cela est source de dilemme, mais nous avons l'impression que c'est la méthode la plus efficace que nous ayons à notre disposition.

• 1220

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau: Au début de votre présentation, vous disiez croire fermement au système de libérations conditionnelles. Il semble que ce soit la prémisse sur laquelle vous avez basé votre argumentation. Ce matin, je lisais un article dans le journal National Post et je me demande si vous l'avez aussi lu.

[Traduction]

M. Terry Carlson: Non.

[Français]

M. Richard Marceau: Je vais vous le lire:

[Traduction]

    [...] le Centre canadien de la statistique juridique a constaté que le prisonnier moyen d'un établissement fédéral est un homme dans le début de la trentaine et que les femmes ne forment que 5 p. 100 des détenus. La plupart des détenus (83 p. 100) étaient des récidivistes, et environ la moitié d'entre eux présentaient un risque élevé de récidive.

[Français]

Si 83 p. 100 des prisonniers sont des contrevenants à répétition et qu'on sait qu'ils risquent de commettre d'autres crimes, ne devrait-on pas être davantage critiques face au système de libérations conditionnelles?

[Traduction]

M. Terry Carlson: Je pense qu'il faut toujours prendre des précautions et que nous devons toujours rechercher d'abord et avant tout l'intérêt public, c'est-à-dire la sécurité et la protection de la collectivité. Je pense que nous ne devons pas oublier que tous les contrevenants qui sont incarcérés sortiront un jour et que la planification de leur libération et les programmes axés sur leurs besoins spécifiques ainsi que la supervision et le soutien devront être intégrés à leur libération dans la collectivité, qui est inévitable. La grande majorité d'entre eux sortiront un jour, et je pense qu'il nous faut faire preuve de prudence et planifier cette libération en instaurant le plus de programmes et de services possible s'ils se sont révélés efficaces pour réhabiliter le contrevenant, parce que c'est la réhabilitation du contrevenant qui réduit la victimisation et qui, en définitive, fait de la collectivité un endroit meilleur et plus sûr où vivre.

[Français]

M. Richard Marceau: Il est dommage que nous ne disposions que de trois minutes. Je passerai donc rapidement à ma prochaine question.

Le témoin qui vous a précédé, M. MacNeil, disait que si une personne en libération conditionnelle commettait un crime, elle ne devrait pas automatiquement perdre son privilège d'être en libération conditionnelle. Cette affirmation a suscité chez mon collègue à ma droite et mon collègue à ma gauche certaines interrogations et certaines objections qui sont fort compréhensibles. Est-ce que vous êtes d'accord sur le point de vue exprimé par M. MacNeil?

[Traduction]

M. Terry Carlson: En ce qui concerne un contrevenant, auriez-vous l'obligeance de répéter cet aspect clé.

[Français]

M. Richard Marceau: M. MacNeil disait qu'une personne en libération conditionnelle qui commet un autre crime ne devrait pas, comme le prévoit la loi actuelle, perdre son privilège d'être en libération conditionnelle pour un bon bout de temps. Il soutient qu'on devrait laisser à la Commission nationale des libérations conditionnelles la possibilité de garder la personne en prison ou de la mettre encore une fois en libération conditionnelle. Est-ce que vous êtes d'accord avec M. MacNeil?

[Traduction]

M. Terry Carlson: Oui.

[Français]

M. Richard Marceau: C'est tout. Merci.

Le président: Merci, monsieur Marceau.

[Traduction]

Monsieur MacKay.

• 1225

M. Peter MacKay: Monsieur Carlson, nous apprécions votre témoignage et sommes sensibles au fait que vous avez voyagé pour venir nous rejoindre. Certaines de vos déclarations invitent à réflexion.

Vous avez déclaré au cours de votre témoignage devant nous—et à juste titre, selon moi—que la loi prévoit que le SCC et la commission des libérations conditionnelles privilégient d'abord et avant tout l'intérêt public. Il me semble implicite, d'après vos commentaires, qu'une grande part des préoccupations concernant la libération graduelle et la libération sans condition éventuelle est fonction de la disponibilité des ressources et de la surveillance. Je ne me rappelle plus les termes que vous avez utilisés dans votre exposé, mais vous sembliez insister sur le fait que lorsqu'une personne est libérée pour la première fois d'un établissement, il doit y avoir, du moins en apparence, une surveillance et un contact très constants et très intensifs, particulièrement lorsque, comme c'est souvent le cas, les détenus sont relâchés dans la localité d'où ils viennent. Je présume qu'il doit être terriblement difficile d'abord et avant tout, de retrouver un ancien mode de vie et des visages connus lorsque c'est cela qui a mené à l'incarcération.

Mais que faire devant l'insuffisance de ressources affectées à ce type de surveillance? Bien sûr, la John Howard Society fait du bon travail, mais le système proprement dit semble souffrir de graves lacunes, tant pour les prisonniers que pour les prisonnières, pour ce qui touche les maisons de transition et les programmes prévus à l'extérieur.

Alors, en définitive et lorsqu'on regarde les résultats, et qu'on tient compte en plus de l'intérêt et de la protection du public, est-il préférable de libérer une personne, sachant qu'on n'a pas les ressources voulues avant l'expiration... pas nécessairement de leur peine toute entière? Est-il préférable, sachant cela, d'établir des programmes de libération accélérée? Selon moi, c'est presque de la négligence pour les responsables de libérer des prisonniers lorsqu'ils savent que les ressources et les systèmes de soutien n'existent pas.

M. Terry Carlson: Tout d'abord, si nous examinons les systèmes de soutien et les ressources dans la collectivité et que nous tenons compte des coûts d'une incarcération, je pense qu'on voit tout de suite qu'il faudrait injecter plus de ressources dans la collectivité. La recherche est très claire à ce sujet: même s'il y a de bons programmes dans les pénitenciers, les programmes communautaires doivent être encore plus efficaces.

Ensuite, pour répondre à la première partie de votre question, je pense qu'il nous faut injecter davantage de ressources dans la collectivité et recourir aux moyens les plus éprouvés pour réintégrer les contrevenants, et nous devons faire preuve de toute la créativité possible pour faciliter la réinsertion des délinquants.

Ce qui me préoccupe le plus, c'est que ces contrevenants sortent sans rien, peut-être quelques mois plus tard qu'en temps ordinaire, mais ils sortent sans rien, sans soutien, sans supervision, sans mesure de contrôle. Cela me préoccupe, et je pense que la société est mieux servie si elle peut compter sur des programmes appropriés de libération graduelle, si elle peut cibler les besoins des contrevenants et appliquer ce qui, selon les ouvrages spécialisés, fonctionne. On peut le faire de façon rentable, d'une manière qui sert bien les intérêts de la collectivité.

Le président: Merci, monsieur Carlson. Nous devons continuer.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Ce mémoire donne encore une fois de la valeur à mon argument selon lequel nous devrions obtenir les documents avant le jour de l'audience. Je le répète, on peut parler là de livre de chevet, et je l'aurais lu avant de me coucher hier soir et aurais pu y réfléchir. Si je l'avais lu avant cela, j'aurais pu faire certaines recherches à son sujet.

Mais de façon générale, je peux d'emblée affirmer que je ne suis pas d'accord avec ce qu'on peut y lire. Encore une fois, ce n'est ni le moment ni l'endroit pour en discuter, mais je voulais simplement le souligner.

À la rubrique «détention»—je vais vous lire ce qui est écrit et je vous invite à écouter attentivement—à la deuxième phrase du paragraphe, vous dites ce qui suit:

    Même si le taux de détention a augmenté de façon constante depuis qu'on a commencé à le mesurer en 1986 et qu'il dépasse toutes les prévisions, une étude effectuée par le Service correctionnel du Canada (Grant, 1996) révèle que les personnes qui ont été détenues sont moins susceptibles de commettre une infraction criminelle que les personnes qui ont été libérées sur parole ou que celles qui profitent d'une libération d'office. Seulement 16 p. 100 des détenus ont commis un crime au cours d'une période de suivi de deux ans, comparativement à 18 p. 100 des personnes qui ont obtenu une libération sous condition.

• 1230

Je pense que cela prouve exactement le contraire de ce que vous tentez de prouver.

M. Terry Carlson: Je pense que cela tient davantage au manque de précision quant à la prévisibilité du comportement d'une personne qui a commis un crime grave. Il ne s'agit pas d'une science pure, et pour moi tout le problème est là, parce que, de l'autre côté, nous pouvons compter sur bien des données qui montrent qu'en détenant une personne plus longtemps, on n'obtient pas une réhabilitation plus efficace, quelles que soient les autres choses que la prison puisse faire.

M. Ivan Grose: Pour vous dire franchement, j'ai tendance à être d'accord avec vous, mais je vous en conjure, n'invoquez pas ce que je vous dis pour prouver votre argument, parce que, croyez-moi, jamais nous ne pourrons faire avaler ça à l'ensemble du peuple. Jamais il ne nous croira. Alors même si je vous dis que je suis d'accord avec vous et que je sais que ce que vous venez de droit est vrai, n'invoquez pas mon accord.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Merci, monsieur Carlson. Nous avons apprécié votre présence ainsi que votre mémoire et le temps que vous avez consacré à le rédiger.

M. Terry Carlson: Je suis content que vous m'ayez invité.

Le président: Le prochain témoin est M. Mike Newman.

M. Mike Newman (témoignage à titre personnel): Bonjour, monsieur le président.

Le président: Veuillez faire en sorte que votre témoignage dure de 5 à 10 minutes, pour que nous ayons du temps pour les questions.

M. Mike Newman: Bien sûr.

Au départ, j'ai repris trois des quatre arguments que vous aviez. Je veux parler du premier: avec quelle efficacité le Service correctionnel du Canada administre-t-il les peines et prépare-t-il les détenus à leur retour dans la collectivité?

Même si l'évaluation du dossier du prisonnier, de son crime et de ses besoins est très bien faite, le système connaît des échecs à partir de ce point. Ce que je veux dire par là, c'est que lorsque vous êtes incarcéré pour une première fois et que les responsables calculent votre peine et établissent vos besoins et ainsi de suite, ils commencent à préparer un plan. Le prisonnier est tenu de participer à des programmes censés répondre à ses besoins et résoudre ses problèmes, même s'il nie ceux-ci et qu'il ne veut pas reconnaître ses besoins.

Cela a certainement représenté un problème pour un gars qui souhaite réellement se reprendre en main. Ce que je veux dire par là, c'est que si un gars nie avoir des problèmes et ne veut vraiment pas y travailler, alors l'agent de classement des détenus, ou l'agent des libérations conditionnelles, comme on l'appelle aujourd'hui, lui dira qu'il doit prendre telle ou telle mesure pour sortir graduellement du système, par exemple qu'il passe d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, puis à un établissement à sécurité minimale. Et tout cela ne se fait pas pour les bons motifs, parce que le gars va faire ce qu'on attend de lui pour aller où il doit aller avant d'être relâché dans la société.

Je pense qu'au moment où l'agent des libérations conditionnelles à l'établissement dit: «si tu prends ceci...», tout prisonnier qui décide de suivre un programme pour les mauvaises raisons ne pourra obtenir que de mauvais résultats. Par conséquent, il ne sera pas prêt à être relâché comme l'indique le formulaire.

J'ai écouté l'un de vos collègues parler à ce sujet un peu plus tôt, quand il était question de criminels violents. Ce que je dis ne vise pas les prisonniers proprement dits; cela concerne fondamentalement la façon dont le système fonctionne. Je pense que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition n'est pas respectée. Le Service correctionnel du Canada doit être tenu responsable à ce sujet devant le Solliciteur général, et cela ne se fait pas. Fondamentalement, il suit son propre programme, et cela ne réussit pas.

La deuxième question est celle-ci: le Service correctionnel du Canada supervise-t-il de façon efficace les détenus libérés sous condition qui vivent dans la collectivité?

Dans une maison de transition, de bons programmes sont offerts aux contrevenants, par exemple des programmes de réinsertion dans la collectivité et autres choses du genre. Je recommande que le client soit adressé à des organismes communautaires comme une aumônerie communautaire et les John Howard Societies s'il en existe dans la collectivité, parce que fondamentalement, lorsque vous êtes libéré sur parole et que vous allez à une maison de transition et que vous obtenez par la suite une libération conditionnelle totale, le Service correctionnel du Canada n'a fondamentalement plus de contrôle sur votre personne. Vous devez vous présenter seulement une fois par semaine, ou une fois par mois, ou au délai prévu dans votre cas. En réalité, aucun programme n'est établi. Fondamentalement, le gars tentera de reprendre sa vie dans la société et de se trouver du travail et de partir de là, tout en se contentant de se présenter au moment prévu, ce qui ne veut pas vraiment dire quoi que ce soit. Ainsi, le Service correctionnel perd le contrôle de la personne proprement dite.

• 1235

Personnellement, je pense que les organismes dont je viens de parler, qui participent directement à la libération des prisonniers, devraient obtenir plus de financement pour aider le gars à réintégrer la société.

Mon troisième point concerne l'enquêteur correctionnel: est-ce qu'il s'acquitte efficacement des fonctions qui lui sont dévolues?

En raison de sa position au Service correctionnel du Canada, l'enquêteur correctionnel ne peut porter de jugement impartial concernant les procédures de grief des prisonniers. Par exemple, lorsqu'un prisonnier dépose un grief et que l'enquêteur correctionnel en est saisi, le prisonnier s'aliénera automatiquement le personnel et l'administration de l'établissement. En fait, dans la plupart des cas, l'enquêteur correctionnel ne fait que renforcer la mesure prise par l'administration à l'encontre du prisonnier sans vraiment examiner le problème.

Ce sont là les trois points dont je voulais vous parler ce matin. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

Le président: Monsieur Newman, auriez-vous l'obligeance d'informer les membres du comité au sujet de votre engagement dans le système, de la place que vous y occupez et du travail que vous y faites?

M. Mike Newman: Certainement. J'ai passé les trente dernières années de ma vie en prison, et j'ai été désigné comme délinquant dangereux il y a huit ans et condamné à la détention pour une période indéterminée.

À l'heure actuelle, je travaille comme aumônier auprès des détenus condamnés à une longue peine ou à l'emprisonnement à vie. Je visite les établissements et travaille auprès des prisonniers pour établir avec eux ce qu'ils feront une fois libérés, par exemple. Je travaille avec eux lorsqu'ils reviennent dans la rue, pour tenter de les faire participer aux programmes. Nous avons un programme en douze étapes établi par les Cons for Christ. Il s'appelle Overcomers Program.

Fondamentalement, je leur fais faire le tour de la ville et les aide à obtenir des services bancaires et ainsi de suite, à laisser des curriculum vitae et je les aide à s'installer en appartement; autrement dit, j'accompagne le gars lorsqu'il sort, parce que c'est très difficile quand on est libéré de prison. Habituellement, personne ne nous attend. Il y a bien des années, je venais juste d'être libéré, et je n'avais aucun soutien ni rien qui m'attendait. À vrai dire, la seule chose que je savais faire, parce que j'avais vécu en prison durant si longtemps, c'était de retomber dans les mêmes activités criminelles avec mes amis criminels.

Fondamentalement, tout cela revient à une décision, celle de changer sa vie ou pas. Lorsque ce moment arrive, lorsqu'est venu le temps de changer votre vie, alors vous vous tournez vers les ressources, vous recherchez les ressources qui vous sont accessibles.

Le président: Merci.

Monsieur Gouk, avez-vous des questions?

M. Jim Gouk: Pas pour le moment.

Le président: Monsieur Marceau?

M. Richard Marceau: Non.

Le président: Monsieur MacKay?

M. Peter MacKay: J'ai une question qui ne concerne pas spécifiquement votre exposé. Qu'est-ce qui vous a amené à changer votre vie? Qu'est-ce qui vous a amené à décider de ne pas vouloir retourner en prison? Est-ce le résultat des programmes? Est-ce un choix personnel?

M. Mike Newman: C'était une décision personnelle. Fondamentalement, lorsque j'ai été condamné à la détention pour une période indéterminée du fait que j'étais déclaré délinquant dangereux, je pense que cela m'a réveillé, et j'ai pris conscience que je devais vraiment regarder ce que j'avais fait de ma vie. J'ai aussi pris une décision personnelle, celle de donner mon coeur au Seigneur, et cela a été un éveil spirituel pour moi.

M. Peter MacKay: J'espère que cela ne vous dérange pas que je vous pose cette question?

M. Mike Newman: Non, pas du tout.

M. Peter MacKay: Quand avez-vous été déclaré délinquant dangereux?

M. Mike Newman: J'ai été déclaré délinquant dangereux en 1989.

M. Peter MacKay: Quand avez-vous été libéré pour de bon?

M. Mike Newman: J'ai été libéré pour de bon en juillet 1996.

M. Peter MacKay: Très bien. Vous avez donc maintenant été pleinement libéré, et vous travaillez pour le Service correctionnel du Canada. Est-ce exact?

M. Mike Newman: Non, je travaille comme aumônier de prison pour l'organisme Cons for Christ, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick.

M. Peter MacKay: D'accord. Il s'agit d'un organisme privé.

M. Mike Newman: Oui, il s'agit d'un organisme non confessionnel.

J'aimerais dire que les programmes offerts à l'établissement m'ont été très utiles dans la situation où j'étais, parce que j'avais pris une décision personnelle, celle de changer, et que j'en avais simplement ras-le-bol d'en avoir ras-le-bol. À coup sûr, les programmes m'ont aidé à assumer bien des choses dans ma vie, alors c'était aussi une décision personnelle.

Les groupes externes auxquels j'ai participé, par exemple Cons for Christ et la John Howard Society, m'ont aidé à me préparer à la remise en liberté et à ma vie dans la rue. Et le soutien que j'ai obtenu dans la rue a assurément contribué à ma réinsertion.

• 1240

Cela fait maintenant environ trois ans que je suis sorti, mais j'en suis encore aux étapes de l'adaptation. J'en suis encore à ces étapes, mais je vais y arriver.

M. Peter MacKay: J'imagine que, comme vous avez purgé une peine de prison et que vous avez travaillé pour le système correctionnel, vous pouvez nouer immédiatement au moins certaines relations et obtenir du respect de la part des personnes avec qui vous travaillez.

M. Mike Newman: C'est exact. Oui. Fondamentalement, je pense que c'est pour cela que je m'y sens bien. Je retourne dans l'établissement et je connais ces gars-là, et si je peux sortir et réussir à me débrouiller, ils peuvent s'imaginer qu'ils sont capables de le faire. Encore une fois, c'est une question de personnalisation.

M. Peter MacKay: Lorsque vous parlez de décision personnelle, en votre qualité actuelle de travailleur pour l'organisme Cons for Christ ou en raison de votre expérience de la vie carcérale, diriez-vous qu'aucun programme de réhabilitation et de mise en liberté ne fonctionnera tant que la personne ne décide pas d'elle-même d'abandonner le crime?

M. Mike Newman: En raison du type de travail que je fais, je ne renonce réellement jamais pour personne, parce que je sais que tout est possible. Évidemment, bien des gens ont abandonné dans mon cas. Alors nous continuons à travailler avec des personnes qui ne sont pas intéressées à participer aux programmes. Idéalement, la semence est plantée un jour, et ils constatent qu'ils doivent changer. C'est l'espoir que nous avons lorsque nous travaillons avec des gars qui ne sont pas à l'intérieur, qu'ils fassent ce changement et nous allons pouvoir travailler avec eux lorsqu'ils réintégreront la société.

M. Peter MacKay: Je comprends que vous dites qu'il ne faut pas abandonner, mais y en a-t-il qui semblent totalement réfractaires? Pour reprendre un vieux cliché, on ne saurait faire boire une personne qui n'a pas soif.

M. Mike Newman: Il y a en prison des détenus qui y resteront probablement pour le reste de leur vie, parce qu'ils ne veulent pas se conformer aux programmes, qu'ils ne veulent absolument pas s'en mêler et qu'ils ne veulent pas changer. Il y en a à coup sûr un certain nombre, mais ils ne sont pas très nombreux. Je pense que tout le monde peut changer, mais il leur faut savoir comment changer, comment faire face au changement et avoir le courage de changer.

M. Peter MacKay: Compte tenu des coûts inhérents à la libération d'une personne qui n'a pas fait ce changement ou qui n'a pas atteint ce point, a-t-on raison de garder une personne en prison indéfiniment?

M. Mike Newman: Non, je ne pense pas qu'on ait raison de garder une personne en prison indéfiniment. Si un gars abandonne, qu'il ne veut vraiment rien faire et qu'il ne peut se voir ailleurs que dans l'établissement, il n'y a plus d'espoir pour lui. Il n'y a rien qu'on puisse faire. Je le répète, c'est à la personne de prendre la décision. Certains détenus vont probablement abandonner, et vous ne pourrez probablement jamais les relâcher.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur Newman.

Le président: Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Monsieur Newman, je ne peux absolument pas vous contredire. Vous parlez d'expérience. Dans les séances de notre comité, nous entendons trop peu de témoignages qui viennent de l'autre côté. C'est toujours du même côté. Certains jours, nous pensons trouver les réponses parce que nous comprenons la situation, mais nous ne comprenons pas la situation, parce que nous ne l'avons pas vécue—à vrai dire, ça m'est arrivé quelquefois. Mais c'est le genre de choses dont nous avons besoin.

Je tiens à vous féliciter. Certains diraient que la société vous a fait du mal, mais vous ne le pensez manifestement pas comme cela. Je pense que la plupart des gens diraient: «Ces gars-là, qu'ils aillent au diable. Je ne les aiderai certainement pas. Qu'ils cherchent eux-mêmes.» Je veux dire, des gens comme ça, dans un comité. Je pense que, pour être venu nous dire tout cela, vous méritez notre admiration. En tout cas, vous avez la mienne. Je vous remercie beaucoup. Ça me sera utile lorsque nous devrons rédiger notre rapport final. Croyez-moi, cela se retrouvera tout en haut de ma liste de recommandations.

M. Mike Newman: Merci.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Monsieur Newman, dans votre point numéro un, dans la rubrique «programmes», vous décrivez les difficultés des gens concernés. Je pense que vous dites qu'ils font ce qu'on attend d'eux pour passer d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, puis à un établissement à sécurité minimale, sans vraiment tirer profit des programmes. On nous a déjà dit auparavant que cela se produit, et nous en sommes conscients, mais auriez-vous une suggestion concrète que nous pourrions transmettre pour régler ce problème?

• 1245

M. Mike Newman: J'ai toujours été croyant. Personne n'a réellement été obligé d'établir un plan pour moi. Lorsque j'étais emprisonné, j'ai dressé mon propre plan, et j'ai commencé à participer aux programmes. Évidemment, j'ai dû m'en remettre aux coordonnateurs.

Je pense qu'une personne décide de suivre le programme qu'elle veut suivre. Le Service correctionnel du Canada peut certainement faire une évaluation de ses besoins, mais si la personne ne veut pas examiner ses propres besoins à ce moment-là, c'est sa décision. Elle ne devrait pas être forcée de faire ce qu'on attend d'elle.

Le président: Oui, mais y a-t-il d'autres choix? Vous dites que si une personne ne veut pas participer au programme de lutte contre la violence ou à un autre programme qui lui est suggéré, le seul choix qu'il lui reste, c'est de purger sa peine en entier.

M. Mike Newman: En fait, ce sont tous des hommes, et ils ont tous leur façon de penser, et ils connaissent leur situation. Ils connaissent la peine qu'on leur a infligée. Je pense qu'ils doivent s'arrêter et se demander: «Ai-je vraiment besoin de cela? Suis-je obligé d'évaluer cela? Est-ce que j'ai un problème de colère? Est-ce qu'il faut que je m'engage dans cela?»

Je pense que c'est à la personne de choisir. Elle a été condamnée par les tribunaux à une période d'incarcération, et c'est à elle de décider de la façon de mener sa vie. Certains se contentent de faire ce qu'on attend d'eux pour les mauvaises raisons. Ils retournent dans la société, mais ils n'ont fait que ce que l'on attendait d'eux et n'ont pas réellement réglé leur problème. C'est ce qui explique que les portes des pénitenciers font parfois penser à des portes tournantes.

Le président: Merci, monsieur Newman.

Je permettrai à M. MacKay de poser une courte question supplémentaire.

M. Peter MacKay: Merci. Je voudrais simplement approfondir une question très réfléchie posée par le président.

Monsieur Newman, j'aimerais moi aussi prendre un moment pour vous féliciter de ce que vous faites et de la contribution que vous apportez.

J'aimerais savoir si une personne incarcérée dans un établissement fédéral peut facilement faire semblant d'être réhabilitée, c'est-à-dire, pour reprendre votre expression, si elle peut faire simplement ce qu'on attend d'elle? D'après votre expérience, quel pourcentage de détenus font cela? Ils ne sont pas prêts à se réhabiliter, mais ils savent que c'est le chemin le plus court vers la remise en liberté.

M. Mike Newman: Je ne dis certainement pas qu'il y en a un nombre important. Bien des gars arrivent à un moment de leur vie où ils veulent vraiment s'en sortir et sont prêts à prendre les moyens nécessaires, mais il y en a aussi qui...

Ce que je veux souligner à ce propos, ce n'est pas que des gens sont remis en liberté parce qu'ils font semblant de franchir toutes les étapes. Je sais que c'est un problème, mais ce n'est vraiment pas à ça que je veux m'attacher. À vrai dire, lorsqu'un agent de classement des détenus vient vous dire que vous devez faire ce qu'on attend de vous pour réussir à vous sortir du système, alors cela révèle manifestement que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne fonctionne pas vraiment.

M. Peter MacKay: Je sais que nous n'avons pas le temps d'approfondir cette question, mais je trouve ça bien malheureux, parce que vous avez soulevé un point très important. Si une personne peut faire semblant de franchir toutes les étapes, alors qui surveille les programmes et qui est responsable de toutes ces prétentions quant au taux de succès du programme de réhabilitation?

M. Mike Newman: Il y a une réponse facile à votre question. Placez-vous un instant dans cette situation, et imaginez que vous êtes en prison. Vous n'avez pas vraiment l'impression que vous avez un problème de maîtrise de la colère, et l'agent de classement des détenus vient vous dire que vous devez suivre un cours sur la maîtrise de la colère pour pouvoir être envoyé dans une prison à sécurité moyenne. Alors vous devez vous inscrire rapidement à ce programme de maîtrise de la colère, vous en débarrasser le plus vite possible, pour vous retrouver dans une prison à sécurité moyenne, parce que vous savez que votre prochaine étape vous rapprochera de votre but. Je pense que c'est évident.

M. Peter MacKay: Bien sûr.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Newman. Le comité apprécie votre présence ici aujourd'hui.

M. Mike Newman: Merci beaucoup de m'avoir invité.

Le président: Merci.

Notre prochain témoin est M. Tim Hoban.

Mais auparavant, je désir vous informer que le greffier m'a demandé d'informer les membres du comité que l'heure limite pour quitter votre chambre a été repoussée à 14 h 45. Il n'y aura pas de problème; les arrangements nécessaires seront faits.

Je suis désolé, monsieur Hoban. Avant de nous présenter votre témoignage ou pendant que vous ne le présenterez—je ne sais pas si cela s'y trouve ou pas—, je vous prierais de nous donner certaines informations sur vous et de nous dire en quoi vous êtes lié au sujet qui nous occupe, parce que l'on indique ici que vous comparaissez à titre individuel. Je vous prierais de nous donner ces informations et de faire en sorte que votre témoignage ne dépasse pas cinq à dix minutes.

M. Tim Hoban (témoignage à titre personnel): Oui, monsieur. Merci, monsieur le président.

• 1250

Je m'appelle Thomas, ou Tim, Hoban. Je viens de Miramichi. Je suis président de Miramichi Community Corrections Council Inc.; président du comité de la police communautaire des unités trois et quatre de Miramichi; président de New-Brunswick Security Association Inc.; et présentateur du programme de l'Alternative Measures Society auprès des jeunes contrevenants et des adultes depuis 15 ans.

J'ai pris ma retraite de la GRC il y a 24 ans. Je suis un instructeur et un chef de service de collège communautaire retraité, et je suis actuellement PDG et copropriétaire d'un institut de formation privé.

C'est donc dire que je viens vous voir à titre de travailleur communautaire. Je ne représente aucun comité ni aucun groupe spécifique. J'ai toujours joué un rôle actif dans les localités où j'ai vécu, que ce soit à Terre-Neuve ou au Nouveau-Brunswick, même lorsque j'étais agent de police.

J'aimerais vous faire part de certaines préoccupations fondamentales. J'ai passé en revue les sujets dont vous vouliez discuter, et à titre de membre d'une collectivité, je ne connais rien à un grand nombre de ces sujets. Je ne sais pas quelles informations sont données à la commission des libérations conditionnelles, par exemple, de sorte que je n'ai pu évaluer les réponses qui étaient à la fin de la lettre que j'ai reçue.

J'ai réuni certaines questions qui préoccupent depuis quelques années les comités dont je suis membre. L'une d'entre elles concerne la disproportion des programmes. Il y a un énorme déséquilibre entre les programmes en établissement et ceux qui sont offerts en milieu communautaire. Il y a énormément de programmes en établissement, mais il n'y en a pas dans la collectivité. Une personne qui est placée en établissement peut accéder à un grand nombre de programmes, mais une fois relâchée, elle n'a rien vers quoi se tourner.

Dans les régions urbaines, cela ne cause pas de problème. Nous avons les John Howard Societies et d'autres groupes qui oeuvrent dans les grandes villes. Mais le Nouveau-Brunswick est à prédominance rurale, et l'on y trouve beaucoup de régions rurales, et il n'y a absolument rien dans ces régions. Alors je suggérerais qu'on trouve un moyen de s'assurer que les personnes qui ont besoin de programmes puissent y avoir accès dans la collectivité une fois qu'elles sont libérées.

En ce qui concerne les activités communautaires et les comités, il faudrait appuyer activement les comités communautaires qui tentent de faire de leur localité un endroit plus sûr en faisant bien autre chose que de simplement en parler. Les collectivités ont entendu suffisamment de paroles, mais elles n'ont obtenu presque aucun soutien pour réaliser ces objectifs. Si l'on avait recours à des experts de la localité pour offrir des programmes plutôt que d'inviter des étrangers à le faire, cela contribuerait énormément à réduire la résistance manifestée par la collectivité face à la libération des contrevenants, et ainsi de suite.

On pourrait aussi améliorer le système si l'on écoutait les recommandations formulées par les membres de la collectivité et qu'on appuyait leurs initiatives. Ils peuvent accomplir des choses extraordinaires s'ils ont le soutien voulu et qu'on leur permet de le faire. Par exemple, le coût des programmes pourrait facilement être partagé entre le gouvernement et la localité, puisqu'il y a là des gens qui sont prêts à offrir des programmes en échange d'une participation à un autre—par exemple, en payer un et en obtenir un gratuitement.

Ce que je recommande, c'est d'appuyer activement les comités communautaires.

En ce qui concerne la bureaucratie et les aspects pratiques, nous devons faire en sorte, par exemple, que les agents des libérations conditionnelles participent à des comités communautaires et à des programmes de prévention et que ce soit là une composante obligatoire de leur emploi si l'on veut vraiment prévenir la récidive et offrir des programmes en milieu communautaire. À l'heure actuelle, on met l'accent uniquement sur le nombre de dossiers que peuvent traiter les agents des libérations conditionnelles—je pense qu'ils doivent en traiter 25 à l'heure actuelle—; c'est du moins le cas dans notre région. On leur dit que s'ils n'arrivent pas à traiter ce nombre de dossiers, leur emploi pourrait être compromis. Ne serait-il pas préférable de réduire le nombre de dossiers dont un agent est responsable pour qu'il puisse se concentrer sur son travail dans sa collectivité afin d'en faire un endroit plus sûr et de réduire la récidive, par exemple?

Le programme d'emploi des contrevenants mis sur pied par le Miramichi Community Corrections Council il y a deux ans est un excellent exemple d'une mesure de ce genre. Une étude de la criminalité a été réalisée pour la région de Miramichi, et l'on y a appris que l'une des principales raisons de la récidive était l'incapacité des personnes relâchées de se trouver un emploi. Un projet pilote auquel ont participé six personnes s'est révélé extrêmement utile et a été reconduit pour une deuxième année, avec cette fois vingt participants. C'était un projet proposé par la collectivité, et il montre tout ce qu'on peut réaliser quand un soutien communautaire est accessible.

Je suggère donc de faire du travail de prévention communautaire une partie intégrante de l'emploi des agents des libérations conditionnelles.

En ce qui concerne les normes—j'ai entendu certaines allusions à ce sujet tout juste au cours du dernier témoignage—, quelles normes ont été instaurées pour les formateurs et les programmes, à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement? Le soutien général d'organisations comme John Howard, par exemple, n'est pas trop difficile à comprendre lorsqu'on offre absolument aucun soutien aux organisations communautaires pour leur permettre de participer ou même d'envisager de le faire.

• 1255

Nous en avons un exemple ici. Par exemple, à Renous, je suis bien conscient du fait qu'une secrétaire fait de la formation à l'établissement pour certains programmes précis. Quelle formation a-t-elle obtenue pour pouvoir elle-même faire de la formation?

C'est dire qu'il devrait y avoir des normes établies pour tous les formateurs et tous les programmes. Autrement dit, le programme est-il efficace? Est-ce le meilleur programme? Qui devrait faire la formation, ou quelles normes devrait-on appliquer aux personnes qui en sont chargées? Quelles sont leurs qualifications?

En ce qui concerne les nominations à la commission des libérations conditionnelles, j'ai cru comprendre, comme les membres des collectivités, qu'il n'est pas censé y avoir de nominations politiques. Cependant, nous croyons savoir que les politiciens reçoivent une liste et qu'ils font un choix. Je ne sais si c'est vrai ou pas. Je l'ai entendu dire par des membres de la collectivité, qui le pensent et le croient. Si ce n'est pas vrai, peut-être qu'on devrait diffuser un message public pour sensibiliser la collectivité au fait que cela ne se fait plus.

Ainsi donc, la collectivité recommande d'éliminer toute participation politique.

En ce qui concerne l'octroi, le refus, la cessation et la révocation de la libération, les pressions qui ont été exercées pour réduire le nombre de personnes dans nos prisons ont amené les instances politiques et le SCC à exercer à leur tour des pressions sur les employés pour ne pas qu'ils recourent aux suspensions de peines afin d'éviter la surpopulation dans les prisons. Un fait vient compliquer les choses: trop de conditions spéciales sont imposées à une personne qui est relâchée, par exemple l'interdiction de consommer de l'alcool. Il y a toutes sortes d'autres conditions qui sont imposées, à tel point qu'il est presque impossible de s'y conformer complètement. Il est probablement pire d'imposer des conditions et de ne pas veiller à ce qu'elles soient appliquées que de ne pas en imposer du tout. Le problème ici, ce pourrait être que quelqu'un s'attache au nombre plutôt qu'à la sécurité du public. Cela suscite beaucoup de problèmes pour la personne qui supervise le détenu qui a été relâché, alors qu'elle devrait être bien plus préoccupée par la réhabilitation que par la volonté d'éviter son retour en prison.

Il faut donc imposer à une personne libérée des conditions réalistes. Sans quoi on mine le système.

En ce qui concerne la libération après la fin de la peine, la première considération à laquelle il faut s'attacher est la gravité de l'infraction commise—par exemple, un meurtre. Le détenu va-t-il récidiver ou est-il susceptible de le faire? L'examen des dossiers devrait inclure toute personne touchée. Le problème selon moi, c'est qu'une fois le détenu libéré il n'y a plus aucune forme de surveillance. Ainsi, les personnes les plus dangereuses que nous avons dans notre réseau sont libérées et n'ont de comptes à rendre à personne. Cette façon de faire bouleverse la collectivité et est totalement inacceptable. Le système doit faire tout ce qu'il faut dans ce cas et veiller à assurer un suivi des ex-détenus dans la collectivité.

Ma recommandation est donc qu'il n'y ait pas de remise en liberté sans reddition de comptes et sans suivi dans la collectivité.

C'était là l'essentiel de mon exposé, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Votre exposé a été très clair et très précis. Voyons voir si ça marche cette fois-ci.

Monsieur Gouk.

M. Tim Hoban: On peut dire que le dernier témoin y a goûté.

Le président: Je sais.

M. Jim Gouk: À vrai dire, il y a seulement une chose que j'aimerais éclaircir. C'était tout à la fin, lorsque vous disiez que, une fois libérés, les gens n'étaient plus surveillés. C'est à la fin du mandat. C'est à coup sûr un problème pour bien des gens. Nous savons qu'il y a eu des cas où des gens ont refusé toute mesure corrective, par exemple divers programmes ou des mesures de réadaptation, ou n'ont même pas présenté une demande de libération conditionnelle. Nous savons que cela préoccupe beaucoup le public. Selon vous, qu'est-ce qu'on fait actuellement dans le cas d'une personne qui a été condamnée à huit ans d'emprisonnement et qui purge cette peine au complet, avant d'être relâchée? Qu'arrive-t-il dans ce cas?

M. Tim Hoban: À mon avis, le système, la loi ou autre chose devrait prévoir une mesure qui permettrait au public d'être sûr que la personne en question ne pourra plus, de quelque façon que ce soit, se livrer à des actes de violence dans la société. Après une peine de huit ans... de toute façon, que fait-on si le problème n'est pas réglé? Cette personne a refusé toute mesure de réhabilitation. Elle a purgé ses huit années au complet. Une fois ce délai écoulé, représente-t-elle toujours une menace pour la société? À mon avis, probablement. Si c'est le cas, quelque chose devrait être prévu. Si la personne a refusé le traitement, le système devrait, selon moi, avoir un autre moyen de l'incarcérer ou à tout le moins d'éviter que sa remise en liberté...

Mon argument peut vous sembler dur, mais bien des gens à qui j'ai parlé pensent comme moi. Je viens du public; je ne suis pas un agent de libération conditionnelle ni quoi que ce soit de la sorte. Ce que je vous dis, c'est ce que pensent les gens qui sont membres de mon conseil communautaire de services correctionnels. Ils estiment que la personne devrait, d'une façon ou d'une autre, faire l'objet d'une surveillance et ne pas avoir la permission de réintégrer notre société. Parce qu'il y a eu des cas, dans notre pays, où des gens sont sortis une fois leur peine purgée, et la police ou d'autres personnes sont venues dire que l'ex-détenu en question représente toujours une menace, et qu'il est toujours là. Il est pédophile, il n'a pas reçu de traitement, il a fait ceci ou cela, et bien d'autres choses encore, et on peut assurément prévoir qu'il va très bientôt commettre de nouveaux crimes. A-t-on eu raison de le libérer? C'est l'autre question.

• 1300

M. Jim Gouk: Il y a bien des gens qui seraient d'accord avec vous. En tant que législateurs, notre problème est de déterminer ce qu'il faut mettre dans la loi. Si vous y inscrivez, par exemple, qu'une fois écoulée la peine de huit ans nous pourrons toujours les détenir, vous ne pouvez prouver qu'ils vont récidiver. Je suis d'accord avec vous, mais le problème, c'est que vous ne pouvez prouver qu'une personne va récidiver. Alors, allez-vous l'incarcérer sous prétexte que vous pensez qu'elle pourrait faire quelque chose et, avec des simples soupçons, maintenir une personne en prison? C'est l'argument des gens de l'autre côté. Et même si je suis d'accord avec votre position, c'est une question à laquelle il est très difficile de répondre.

M. Tim Hoban: C'est une question difficile tout court. Mais le problème, c'est qu'il y a aujourd'hui suffisamment de gens dans notre société, du moins je le pense, qui pourraient faire une juste évaluation de la personne en examinant l'ensemble de sa vie, ses antécédents et ainsi de suite et qui pourraient évaluer si elle devrait ou non être relâchée. Il devrait y avoir une façon pour le public... ce dont il est question ici, c'est de sécurité publique: il faut se demander si la personne est oui ou non une menace pour la société.

Le président: Merci, monsieur Gouk.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Monsieur Hoban, je vais parler en français.

[Traduction]

M. Tim Hoban: Je ne me débrouille pas très bien en français.

[Français]

M. Richard Marceau: Je tiens d'abord à vous remercier d'être venu témoigner aujourd'hui et à vous féliciter des engagements que vous avez pris vis-à-vis de votre communauté. Le mini-curriculum vitae que vous nous avez présenté au début est assez impressionnant. Je souhaiterais que, dans le cadre de comités semblables à celui-ci, un plus grand nombre de personnes décident de venir exprimer leur point de vue personnel et non pas celui d'une organisation, bien que je reconnaisse qu'il est important que les groupes viennent comparaître.

Cela étant dit, ma question est assez brève. Comme l'indiquent mes notes, vous avez dit:

[Traduction]

«On ne soutien pas les programmes communautaires.»

[Français]

Une telle affirmation me semble contredire les propos de ceux qui croient que le système de libérations conditionnelles fonctionne bien et qui recommandent même qu'il y ait un plus grand nombre de libérations conditionnelles. Mais il faut aussi être conscient qu'il ne semble pas y avoir assez de fonds pour se doter d'une espèce de filet qui puisse permettre au système de libérations conditionnelles de bien fonctionner. J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.

[Traduction]

M. Tim Hoban: Nous avons organisé et établi un conseil correctionnel communautaire dans notre région. Je veux vous fournir des exemples probants. Notre conseil comptait parmi ses membres un agent de liberté conditionnelle et un agent de probation provincial. Les deux devaient rendre des comptes aux organismes fédéraux et provinciaux, au solliciteur général, etc. Ils ont fait partie du conseil pendant environ un an. Les deux ont été rappelés par leurs supérieurs, sous prétexte que—c'est ce point qui est important—les agents devaient se charger d'un certain nombre de dossiers, que ces dossiers justifiaient leur poste et que le travail communautaire devait être relégué au deuxième plan. Finalement, c'est aux oubliettes qu'on l'a relégué, car je sais qu'un agent de probation avait plus de cent dossiers à traiter, et les deux agents de liberté conditionnelle ont tout simplement abandonné notre projet communautaire.

Nous n'avions donc aucune représentation des deux ordres de gouvernement. Quand nous avons établi notre comité, nous l'avons fait avec rigueur, d'une façon vraiment structurée. Lorsqu'on présente un projet à un organisme gouvernemental ou autre, la première chose qu'on nous demande, c'est pourquoi on a besoin d'un programme donné? Nous avons mené une enquête auprès de 89 libérés conditionnels et probationnaires. Aux fins de l'enquête, nous avons utilisé un modèle qu'on appelle LSI. Une fois le modèle conçu et assemblé, il permettait de cerner les raisons pour lesquelles une personne commet un crime et se retrouve en prison, et de repérer les facteurs économiques et sociaux qui influent sur la récidive.

Nous avons mené cette étude à terme, sur une période de un an. Cela nous a permis de comprendre davantage le phénomène de récidive dans la région de Miramichi. Ensuite, notre comité formulait des recommandations quant aux types de programmes qui permettent de surmonter les obstacles qui contribuent à la récidive, par exemple.

• 1305

C'est pourquoi nous avons pensé à un projet d'emploi. Cette idée tient au fait que presque tous les répondants considèrent que leur principal problème consiste à trouver du travail lorsqu'ils sortent de prison et sont en liberté conditionnelle et, bien sûr, sous probation. Nous avons donc établi ce programme, qui, à l'heure actuelle, se révèle très efficace.

Au moment d'établir le programme, nous avons cherché à obtenir du financement auprès de la province et du SCC. Et je sais où vous voulez en venir concernant les programmes. Cela occasionne des coûts, il n'y a pas de doute là-dessus. Par contre, ce que l'on fait au sein du régime fédéral entraîne des coûts importants; c'est, du moins, mon impression.

Prenons, par exemple, le SCC et ses programmes de formation. Lorsque le Service correctionnel du Canada embauche un agent de correction, cette personne subit une formation complète de six semaines, qu'on lui paie dès son entrée dans le système correctionnel. Il existe plusieurs collèges communautaires qui offrent actuellement la formation et les installations de base dont ont besoin les agents de correction.

Mon argument, donc, était que... il y a quelques années, j'entretenais des relations avec l'ancien commissaire du service correctionnel du Canada, et ce dernier m'a laissé tomber, pour une raison ou une autre. J'ai discuté avec lui, et il a compris. Il allait accepter de lancer, dans la région de Miramichi, un projet pilote dans le cadre duquel on retirerait les personnes qui participent à des programmes de formation à titre de recyclage et on se contenterait de leur dispenser une orientation de quatre ou cinq jours dans l'institution seulement, après quoi on les mettrait au travail.

Le SCC dépense presque tout son budget de formation sous forme de rémunération initiale pour ces nouveaux employés. D'après les renseignements que je possède, je parierais que toute personne ayant cinq ou six ans d'expérience dans un établissement peut difficilement obtenir de la formation, car le SCC affecte tout son argent aux nouveaux venus. On doit examiner comment ces budgets sont dépensés.

L'autre problème du système correctionnel tient au fait que... Et j'en sais quelque chose, car j'ai été directeur de département dans les collèges communautaires du Nouveau-Brunswick; nous dispensions la formation à Renous et nous étions responsables du recyclage, de la formation, de la préparation à la vie active et des programmes de charpenterie et autres. Par contre, lorsqu'est venu le temps des compressions budgétaires, les programmes de formation ont été les premiers touchés.

Et on prétend faire de la réadaptation. C'est la triste vérité: ni les gardes ni toute autre personne dans le système n'a subi de réductions salariales, mais les programmes ont subi toute une raclée là-bas. Et c'est la première chose qu'on semble disposé à retirer: dans un grand nombre de cas, la réadaptation n'est pas une priorité. J'interviens aujourd'hui parce que les paroles et les actes du SCC sont deux choses différentes. C'est pourquoi je demande qu'on arrête de parler et qu'on passe aux actes.

Si on veut soutenir la collectivité, établir des projets communautaires et favoriser la participation des citoyens... on doit promouvoir la réinsertion sociale. Pour qu'une personne s'intègre à la société, la collectivité doit l'accepter. Si une personne travaille au sein de la collectivité dans le cadre d'un programme ou d'une autre initiative, c'est d'autant plus facile pour elle de se faire accepter, parce qu'on connaît le programme ou l'initiative, on y contribue et on en fait partie.

Le président: Merci, monsieur Hoban.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président. Je serai bref.

Monsieur Hoban, nous vous remercions de vos commentaires. Je tiens aussi à saluer votre engagement envers l'administration de la justice. C'est, de toute évidence, l'oeuvre de toute une vie pour vous, et je vous remercie d'avoir partagé vos vastes connaissances pratiques avec nous aujourd'hui.

J'aimerais revenir à la page 2 de votre mémoire: sous la rubrique «Octroi, refus, cessation et révocation de la liberté», la première phrase résume le problème dont nous avons récemment pris connaissance:

    Les pressions afin qu'on réduise le nombre de personnes dans nos prisons sont telles que les autorités politiques et le SCC ont dû exercer, à leur tour, des pressions sur les employés afin qu'ils ne recourent pas à la suspension des sentences comme moyen d'éviter le surpeuplement dans les prisons.

De plus, on m'a laissé savoir que des pressions sont exercées sur les directeurs de prison afin qu'ils accélèrent le départ de certains détenus ou réduisent tout simplement le nombre de personnes dans les prisons. J'estime que c'est extrêmement dangereux, c'est quasiment comme un virus qui s'attaque à notre système correctionnel.

• 1310

D'après ce que j'ai compris, ces conditions sont en place pour une raison très importante. Elles servent de système d'alerte rapide qui nous permet de savoir si une personne remise en liberté reprend ses anciennes habitudes. Parmi les conditions imposées le plus souvent, mentionnons l'interdiction de communiquer avec certaines personnes, l'interdiction de consommer de l'alcool ou des drogues, l'obligation de conserver son emploi et l'obligation de rencontrer régulièrement son agent de liberté conditionnelle. Toutes ces conditions sont imposées à une fin précise. Si ces conditions ne sont pas respectées, la probabilité qu'une personne reprenne ses vieilles habitudes est plus grande.

Vous qualifiez les pressions exercées en vue de réduire le nombre de personnes qui retournent en prison et de faire fi de ces manquements de «politiques». Pouvez-vous préciser votre pensée? J'ai vu de la documentation qui corrobore vos dires.

M. Tim Hoban: J'entretiens des liens avec un nombre considérable de personnes, car je travaille avec des groupes de personnes liées aux services de probation et de liberté conditionnelle et autres. Ce que me disent ces personnes, qui sont des employés de la base, c'est qu'ils fonctionnent sous la contrainte.

M. Peter MacKay: De qui?

M. Tim Hoban: De leurs superviseurs et du SCC. Bien sûr, d'après ce que j'ai compris, ces contraintes sont fondées uniquement sur des considérations budgétaires. Chaque fois qu'on évite à une personne d'être emprisonnée, on réduit d'autant la charge financière du système. Il est plutôt coûteux de mettre une personne en prison, vous le savez, et moi aussi, car nous avons été confrontés à cette question. Au bout du compte, on s'attache uniquement au budget. La sécurité publique n'est pas prise en compte, et on incite les employés à ne pas recourir à la suspension de la sentence.

M. Peter MacKay: Une question s'impose: quels sont les coûts sur le plan humain?

M. Tim Hoban: Le coût humain est lié au fait qu'on remet en liberté des personnes qui sont une menace pour la collectivité, et ce sont les citoyens qui sont en danger. Il est plus que probable que cette personne, sans un encadrement convenable, sans un soutien communautaire réel, récidivera et se retrouvera de nouveau en prison. Donc, au bout du compte, cette façon de faire crée plus de mal que de bien.

M. Peter MacKay: Donc, ce n'est qu'une partie du problème. Si on laisse partir un plus grand nombre de détenus et qu'on incite les personnes chargées d'assurer le suivi auprès des détenus à ne pas les renvoyer en prison trop rapidement...

M. Tim Hoban: ... ils sont confrontés à un problème professionnel d'ordre moral.

M. Peter MacKay: Effectivement. C'est scandaleux.

M. Tim Hoban: Et cela se produit. C'est triste à dire, mais c'est une réalité.

M. Peter MacKay: J'aimerais beaucoup vous en parler davantage avant que vous ne nous quittiez, si vous avez le temps, car j'aimerais communiquer avec certaines de ces personnes et découvrir la source de ces directives.

M. Tim Hoban: Ce ne sera peut-être pas possible. Il faudrait que je leur en parle avant. Cette information m'a été fournie à titre confidentiel.

M. Peter MacKay: Je comprends, il y a un certain niveau de responsabilité, bien sûr, et ces personnes doivent protéger leur poste.

M. Tim Hoban: Exactement.

M. Peter MacKay: On nous dit le contraire. Les dirigeants disent que non, cela ne se produit pas; il n'y a pas de quotas à respecter, il n'y a aucune tentative implicite de maintenir les chiffres à un certain niveau. Les échelons supérieurs nient tout.

M. Tim Hoban: Je parle en connaissance de cause, car j'ai entretenu des rapports avec le SCC dans le cadre du programme correctionnel communautaire, et on m'a dit sans détour que l'agent de liberté conditionnelle devait se charger d'un nombre déterminé de dossiers. C'est ce qui justifie son poste.

M. Peter MacKay: Considérez-vous cette limite comme un quota?

M. Tim Hoban: Oui.

Le président: Excusez-moi, monsieur MacKay. À titre d'information, je vous signale que le comité s'est déplacé et a rencontré des représentants institutionnels de tous les échelons. Lorsque nous rencontrons les travailleurs de première ligne, nous les rencontrons seuls. Il n'y a aucun représentant de l'établissement, de la direction, du bureau du solliciteur général ou du bureau du Service correctionnel du Canada, et nous posons certaines de ces questions. Les membres du comité peuvent en discuter à une date ultérieure. Ces discussions se révéleront peut-être pertinentes en ce qui concerne vos préoccupations, monsieur MacKay.

Cependant, nous devons maintenant passer à M. Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Monsieur Hoban, j'espère que vous êtes conscient du fait que votre utilisation de l'ancien mot anglo-saxon «gaol» ne nous rajeunit pas! Je ne crois pas que ces jeunes hommes savent de quoi nous parlons...

M. Tim Hoban: J'aime à croire que j'ai 29 ans, mais cela ne fonctionne plus.

M. Ivan Grose: J'aimerais aborder la question des nominations à la Commission des libérations conditionnelles. Tout le monde sait qu'on fait des démarches auprès des députés: «connaissez-vous quelqu'un dans votre collectivité qui possède les compétences requises?» Eh bien, j'ai examiné les compétences exigées d'un membre de la Commission des libérations conditionnelles, et je n'ai jamais trouvé une personne qui satisfaisait à ces exigences. Peut-être n'ai-je pas regardé aux bons endroits, mais je n'ai jamais trouvé une personne dans ma localité qui possédait tous ces atouts et n'était pas déjà pourvue d'un emploi très lucratif. À un moment donné, j'ai cru en avoir trouvé une. Il s'agissait d'un enseignant retraité du collégial qui possédait tous les diplômes appropriés. Voici ce qu'il m'a répondu: «Non, je n'en ai pas les moyens. C'est beaucoup plus payant de travailler occasionnellement à titre d'expert-conseil.»

• 1315

Je n'ai donc jamais recommandé la mise en candidature d'une personne, et je me fiche de ses allégeances politiques. Si je devais m'attacher à de telles considérations, la liste des personnes qui votent pour moi serait très limitée.

Vous avez soulevé un autre point qui, selon moi, devrait être abordé avec précaution. Au dernier paragraphe de votre mémoire, on peut lire ce qui suit: «[...] cela signifie que les personnes les plus dangereuses détenues dans notre système sont relâchées, sans qu'elles aient à rendre des comptes.» Je suis d'accord avec vous, mais si on exclut les tueurs en série et les agresseurs sexuels en série, pour tenir compte uniquement du tueur pour ainsi dire ordinaire, qui a commis un meurtre, ce dernier est notre meilleur candidat pour la libération conditionnelle. Comme vous le savez bien, la plupart des meurtres sont commis dans les familles, par des personnes qu'on connaît. Ces personnes tuent une fois, se demandent ce qui leur a pris de faire cela et ne récidivent pas. Mais, de façon générale, si on met tous ces criminels dans le même sac, certains des détenus relâchés sont les plus dangereux et obtiennent le traitement minimal, à tous les points de vue.

J'aimerais savoir ce que vous avez à dire concernant le traitement des détenus. Il est vrai que nous réalisons des progrès au chapitre des services dans les prisons, et qu'au moment de relâcher les détenus, surtout dans les circonstances que vous avez décrites, il n'y a plus rien.

M. Tim Hoban: Absolument rien.

M. Ivan Grose: Cela m'a l'air d'un projet fantastique pour les clubs de services: surveiller un détenu et l'aider. Bien sûr, tous les dirigeants communautaires font partie de ces clubs de services.

Mais vous avez absolument raison à cet égard. À l'heure actuelle, dans les centres urbains... Je représente la ville d'Oshawa et nous sommes dotés d'une Société John Howard qui fait de l'excellent travail. Mais quand on se retrouve en région éloignée, il n'y a absolument rien.

M. Tim Hoban: Effectivement.

M. Ivan Grose: Vous avez absolument raison.

Au passage, je tiens à signaler que c'est un autre témoignage qui nous permet de prendre connaissance d'un point de vue différent de ce que nous avons l'habitude d'entendre. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps et la peine de nous rencontrer—vous semblez l'avoir fait toute votre vie—et de nous faire part de votre vaste expérience; vous nous avez présenté un point de vue différent. C'est de cela que nous avons besoin.

Merci, monsieur le président.

M. Tim Hoban: Merci.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Monsieur Hoban, je réitère la reconnaissance que vous ont témoignée la plupart des membres du comité pour votre travail au sein de la collectivité. C'est très important, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.

M. Tim Hoban: Merci.

Le président: Merci.

Notre prochain témoin, et, si je ne me trompe pas, le dernier de la journée, serait Mme Susan Reid-MacNevin, professeure agrégée et directrice du département de criminologie de l'Université St. Thomas. Je crois que vous étiez avec nous ce matin et que vous savez quoi faire. Je vous laisse donc la parole.

Mme Susan Reid-MacNevin (professeure agrégée et directrice du département de criminologie, Université St. Thomas): J'ai effectivement eu le grand plaisir d'assister aux exposés précédents. Je suis heureuse de pouvoir y mettre du mien cet après-midi.

Quoique je fasse partie d'un groupe spécifique, je répugne à dire que je représente le milieu universitaire, où chacun a des idées arrêtées qui lui sont propres. Par conséquent, c'est en mon nom seulement que je parlerai.

Je tiens aussi à commenter un point soulevé tout à l'heure sur l'acquisition d'expérience pratique, car je suis très fière du fait que j'enrichis mes connaissances théoriques en jouant un rôle actif au sein d'organismes de base, ce que j'ai fait pendant presque toute ma carrière universitaire. Avant de m'établir dans les Maritimes, j'étais présidente de la Société John Howard de l'Ontario, et à ce titre, j'ai assumé les fonctions de vice-présidente de la Société John Howard du Canada. On m'a trouvé une place au conseil d'administration de la Société John Howard du Nouveau-Brunswick, et j'en suis plutôt heureuse. J'entretiens aussi des liens avec l'Institut canadien de formation, l'Institut Vanier de la famille et l'Association de prévention du crime du Nouveau-Brunswick.

Ces collaborations me permettent de comprendre les obstacles que doivent surmonter les organismes non gouvernementaux, d'écouter et, je suppose, de contribuer une certaine expertise, mais aussi de comprendre comment les choses se passent dans divers organismes. Ce que nous lisons dans les livres ne reflète pas nécessairement la réalité. C'est donc à la lumière de cette expérience que je souhaite formuler des commentaires.

Je dois dire que je crois encore fermement aux fins énoncées, dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, selon lesquelles nous voulons une société juste, sécuritaire et paisible, nous devons constamment offrir des conditions de détention qui ne sont pas cruelles, et nous devons vraiment mettre l'accent sur la réadaptation et la réinsertion.

• 1320

J'ajouterai aussi que je suis plutôt impressionnée par les efforts déployés par le service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles pour l'élaboration d'énoncés de mission s'assortissant de déclarations des valeurs principales. Lorsqu'on envisage tout cela d'un oeil critique, on ne peut pas être certain que les écrits reflètent la réalité, mais ce sont certainement des objectifs louables vers lesquels on peut tendre, et ils ajoutent de la substance aux travaux qui s'inscrivent dans les activités des établissements et dans les mécanismes de mise en liberté graduelle.

Pour l'élaboration de mes commentaires, j'ai consulté le mandat législatif de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, quand on l'a adoptée en 1992. À l'époque, on avait établi quatre thèmes: la sécurité publique et la réinsertion, la transparence et la reddition de comptes, les processus et décisions équitables, et les groupes ayant des besoins spéciaux. J'ai tenté d'évaluer et de mesurer les progrès que nous avons réalisés à l'égard de ces éléments plutôt disparates. Nous devons prêter une attention particulière aux changements substantiels apportés à la pratique correctionnelle depuis 1992, et songer, comme quelqu'un l'a souligné ce matin, à la vaste expérience que peuvent contribuer nos universitaires et nos cliniciens à la conception d'outils d'évaluation des risques qui ont permis de déterminer plus facilement quel traitement convient à un détenu.

L'un des points qui semble avoir été laissé de côté à l'occasion de certains témoignages entendus aujourd'hui tient au fait que la documentation ne se limite pas uniquement à l'évaluation des risques et des besoins. Il y a aussi le principe de l'adaptabilité et l'intégrité thérapeutique, et il nous reste encore du chemin à faire en ce qui concerne la compréhension de la réaction d'un détenu au traitement. Nous travaillons très fort dans ce domaine en vue de satisfaire aux besoins des détenus.

La question de l'intégrité thérapeutique en est une qui m'intéresse tout particulièrement—pour la formation, dans certains cas, des futurs agents de correction, mais surtout pour celle des intervenants du système de justice pénale. L'Université St. Thomas offre trois programmes en criminologie: un programme mène à l'obtention d'un diplôme; un deuxième, à l'obtention d'un certificat; et un troisième programme, de premier cycle, est constitué de deux majeures, dont une en criminologie. Le plus récent programme est le baccalauréat ès arts appliqués en justice pénale, dispensé de concert avec le collège communautaire de Miramichi. Nous travaillons actuellement à concevoir un mécanisme permettant d'exécuter ce programme à distance, afin d'aider les agents de correction et autres intervenants du système de justice pénale à obtenir un diplôme qui serait considéré comme nécessaire pour qui veut devenir agent de liberté conditionnelle/agent de gestion de cas. Je suis enchantée de constater que de nombreux membres du SCC et de la Commission nationale des libérations conditionnelles contribuent à nos efforts en vue de fournir une occasion d'apprentissage continu pour les employés et les gestionnaires correctionnels, et je les encourage à maintenir leurs efforts en ce sens.

En ce qui concerne les programmes adaptés et les besoins spéciaux, je suis heureuse du maintien de l'engagement envers les solutions de rechange à l'incarcération—j'ai participé, l'an dernier, à l'organisation et à la tenue d'un institut d'été sur la justice réparatrice, auquel ont participé de nombreux membres de la collectivité—et de l'engagement qui se dégage de la nouvelle loi en ce qui a trait aux victimes. Cependant, j'estime que certains groupes sont encore laissés de côté, en particulier le groupe visé par mon domaine de spécialité, c'est-à-dire la criminalité chez les jeunes. Je suis plutôt préoccupée par les jeunes contrevenants qui purgent une peine d'adulte, par leur adaptation transitoire à un pénitencier fédéral, et par les répercussions du passage du système judiciaire pour les jeunes au système des adultes.

De plus, je crois qu'il y a un nombre croissant de contrevenants plus âgés qui posent des problèmes sociaux et médicaux particuliers pour le système correctionnel, et ces problèmes n'ont pas été convenablement examinés. J'ai pris connaissance de cette situation quand j'ai visité le pénitencier de Dorchester, en compagnie de son directeur. J'ai vu, dans l'environnement aseptisé de l'hôpital de la prison, un homme de 76 ans à qui on donnait de l'oxygène. Cela ne correspond pas à l'idée que l'on se fait normalement du système correctionnel. Un collègue de l'Université St. Thomas et moi-même tentons actuellement de concevoir un projet de recherche visant à cerner les besoins des détenus âgés, question à laquelle j'accorde beaucoup d'importance.

En conclusion, je crois en l'importance d'un système organisé du service correctionnel qui mette l'accent sur un processus décisionnel juste et équitable. J'estime que c'est essentiel à la protection à long terme de la société. Nous ne devons pas créer un système correctionnel plus dur et plus punitif, car nous savons que nous devons songer à la réinsertion des détenus pour assurer la sécurité de la collectivité.

• 1325

Il est essentiel que les détenus participent aux programmes de mise en liberté graduelle. Il est important de briser les mythes qui entourent la libération conditionnelle et la mise en liberté graduelle. Je félicite le Service correctionnel du Canada de sa plus récente publication, qui résume les mythes relatifs à la libération conditionnelle. J'estime que c'est un pas dans la bonne direction.

La présomption de mise en liberté, question soulevée, je sais, par la Société John Howard du Canada, se fonde sur l'idée selon laquelle on pourrait changer la perception qu'a le public du système correctionnel des gens si on se fondait non pas sur des sentences prolongées et des sanctions plus dures, mais bien sur une mise en liberté éventuelle. Si, dès leur entrée dans le système, les détenus sont perçus d'une façon plus positive, c'est-à-dire comme des personnes qui seront remises en liberté, on améliore les résultats en ce qui concerne le détenu, le service correctionnel, le système de libération conditionnelle et, au bout du compte, l'ensemble de la collectivité.

Merci. C'était un bref aperçu. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Reid-MacNevin.

Passons maintenant aux questions. Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de votre exposé. Je tiens à m'excuser, j'ai dû m'absenter un moment pour prendre un appel, mais tout a été consigné au compte rendu, de sorte que je pourrai y revenir.

Le président: Faites-vous référence à l'appel ou au témoignage?

M. Jim Gouk: L'appel est consigné, mais c'est un échange.

Je suis plutôt d'accord avec ce que vous avez dit. Par contre, je crois que l'un de nos plus gros problèmes—et j'ai déjà mentionné ce point, à l'occasion de rencontres dans mon comté concernant les préoccupations du public—tient au fait que notre société cherche toujours à promouvoir l'égalité. Je me dis parfois que le système correctionnel est un endroit où ce terme n'est pas aussi approprié, car de nombreux détenus sont susceptibles de pouvoir se réadapter, et quelques-uns posent un problème plus important. Puisqu'on place tous les détenus dans le même sac, je crois qu'on dévalorise les efforts de ceux qui cherchent à se réadapter, et cela influe aussi sur la perception du public. Le public met l'accent sur les Clifford Olson et n'est pas au courant des centaines de personnes qui ont réussi à se refaire une vie à leur sortie du pénitencier.

Je crois que nous devons trouver un moyen d'expliquer au public comment fonctionne le programme lorsqu'il fonctionne bien, et veiller à ce qu'on cesse de placer tout le monde sur un pied d'égalité. Je regrette, mais ce n'est pas le cas—certainement pas en prison. Nous avons vu des exemples frappants de cela. C'est un des éléments que nous devrons examiner dans le cadre de nos délibérations.

Je vous remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

Mme Susan Reid-MacNevin: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau: Mon intervention sera très brève. J'aimerais d'abord vous remercier de votre présentation, qui était très intéressante, très courte et très concise.

Vous étiez là tout à l'heure quand je lisais un extrait du journal préféré de mon collègue Ivan Grose, The National Post, selon lequel la majorité des détenus, soit 83 p. 100, avaient déjà récidivé et près de la moitié d'entre eux présentaient un risque élevé de commettre un autre crime. On a appris, au cours des dernières semaines, que le Service correctionnel du Canada avait pour objectif de relâcher environ 50 p. 100 de ses détenus. Comment peut-il justifier cet objectif alors que la moitié d'entre eux sont dangereux et que 83 p. 100 sont des contrevenants à répétition?

[Traduction]

Mme Susan Reid-MacNevin: J'ai deux réponses à cela. Premièrement, je crois que nous utilisons probablement l'emprisonnement de la bonne façon, car, autrefois, on emprisonnait des personnes qui n'avaient pas besoin de l'être, comme des personnes qui posent un faible risque, qui en étaient à leur première infraction, et d'autres personnes du genre. Lorsqu'on me dit que 83 p. 100 des détenus présentent un risque de moyen à élevé, je suis satisfaite du résultat. Cela signifie que nous sommes maintenant en mesure de choisir les outils qui correspondent a la personne qui doit être emprisonnée, ce qui n'est pas une mauvaise chose.

• 1330

Quant aux récidivistes, nous n'avons pas encore trouvé une formule de réadaptation qui correspond à tout le monde. C'est aussi une bonne chose que ce soient ces personnes qui sont en prison. En ce qui a trait à la remise en liberté, ces personnes finiront par être relâchées, et nous devons songer aux moyens qui nous permettront d'assurer la sécurité de la société. La mesure sociale la plus sûre, en ce qui a trait à la protection à long terme, consiste à se doter de programmes communautaires efficaces. Je ne suis pas certaine que nous en sommes à ce point. Je ne suis pas certaine qu'il existe une formation pour les personnes qui contribuent aux programmes communautaires. Lorsque nous commencerons à examiner les enjeux touchant les besoins en formation des personnes qui jouent un rôle dans la collectivité afin qu'elles soient en mesure de procéder à l'évaluation des risques et de rédiger de bons plans de gestion des cas, nous aurons probablement un système encore plus fort.

[Français]

M. Richard Marceau: N'y a-t-il pas une contradiction lorsqu'on dit qu'il est important d'accorder une libération conditionnelle aux détenus et qu'on rapporte que les communautés ne sont pas nécessairement assez formées ou prêtes et n'ont pas les subventions nécessaires pour bien administrer les programmes locaux? Est-ce qu'il n'y a pas une dichotomie de logique assez flagrante?

[Traduction]

Mme Susan Reid-MacNevin: Ce n'est pas plus contradictoire que le fait d'emprisonner des personnes quand on sait que cela ne fonctionne pas. Au bout du compte, on n'hésite pas à ajouter des barreaux et de la sécurité, car des personnes détenues dans un établissement ne peuvent faire de mal à personne d'autre, sauf à d'autres détenus et à eux-mêmes.

Ce que nous devons faire, c'est investir de l'argent dans les ressources communautaires afin de veiller à ce qu'il y en ait.

[Français]

M. Richard Marceau: D'accord. Je suis d'accord avec vous, sauf lorsque vous dites que ce n'est pas plus logique de mettre quelqu'un derrière les barreaux. Un détenu ne représente pas un danger ou un risque, du moins immédiat, pour la communauté. Par contre, il y a une différence lorsqu'on relâche un détenu sans qu'on puisse l'entourer de ce filet que peut lui fournir une communauté qui est formée, qui est prête et qui dispose des sommes nécessaires. Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100 lorsque vous dites qu'il faudrait que les communautés aient plus d'argent. Merci.

[Traduction]

Mme Susan Reid-MacNevin: Puis-je soulever un dernier point?

Le président: Certainement.

Mme Susan Reid-MacNevin: Lorsqu'on envisage le milieu carcéral, je suppose que tout dépend des personnes qu'on perçoit comme les victimes. Dans la collectivité, on s'inquiète du bien-être de tout le monde, et on craint que le détenu remis en liberté qui ne jouit d'aucun soutien et d'aucune ressource ne fasse du mal à une autre personne. En milieu carcéral, un détenu ne peut faire de mal qu'à un autre détenu, et l'ensemble de la société semble plus disposée à accepter le fait que les taux de suicides et d'homicides dans nos pénitenciers fédéraux soient de quatorze fois et de huit fois, respectivement, supérieurs aux taux nationaux, car cela ne touche pas le grand public. Pour la population, il est acceptable que les détenus se fassent du mal entre eux en milieu carcéral, mais il est inacceptable que des gens se fassent du mal à l'extérieur. J'estime que les deux situations sont intolérables.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Marceau.

[Traduction]

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Merci, madame Reid-MacNevin. Vous avez soulevé des points très intéressants, qui donnent matière à réflexion. Si seulement nous avions plus de temps, je crois que vous pourriez contribuer grandement à nos travaux grâce à vos vastes connaissances pratiques et théoriques.

Je souhaite aborder deux questions que vous avez soulevées. La première correspond au commentaire de notre témoin précédent, M. Hoban, en ce qui concerne la formation théorique offerte aux agents de correction. Il semble qu'un certain nombre d'établissements d'enseignement offrent une formation qui satisfait aux exigences d'obtention de postes au sein de nos services correctionnels, mais partagez-vous le point de vue selon lequel la formation dispensée par ces établissements chevauche, jusqu'à un certain point, celle qui est offerte par le SCC?

Mme Susan Reid-MacNevin: Je travaille avec le SCC sur les questions touchant la formation. Le SCC souhaite reconnaître les acquis de certains de ses nouveaux employés qui ont bénéficié de sa formation en tenant compte des cours suivis dans les collèges communautaires et autres établissements, et établir un accord d'échange, de façon que certains cours faisant partie de la formation dispensée par le SCC soient crédités dans le cadre d'un programme d'un collège communautaire, comme l'avait mentionné M. Hoban. Le commissaire du Service correctionnel du Canada veut examiner la possibilité de créer un diplôme pour les personnes qui oeuvrent dans les domaines de la libération conditionnelle et de la gestion des cas. De fait, cet élément a été enchâssé dans les modalités de leurs contrats.

• 1335

M. Peter MacKay: Vous avez parlé rapidement du besoin de présumer qu'un détenu sera remis en liberté et, peut-être, de changer notre approche en ce qui concerne l'incarcération et les niveaux d'incarcération qui existent. Mon collègue du Bloc a cité des statistiques relatives au pourcentage de personnes violentes actuellement détenues—et vous avez bien raison de reconnaître que c'est une bonne chose que le pourcentage des personnes qu'on ne considère pas comme violentes soit visé par des programmes utilisant une méthodologie différente.

En passant, c'est aussi un élément de la nouvelle loi sur la justice pénale pour les jeunes; on met un accent plus marqué sur le repérage rapide des jeunes qui présentent un risque, de violence ou non, pour la société.

Je crois que, de toute évidence, on doit se demander si ce repérage a été effectué, et je crois qu'on peut affirmer que la dernière mesure qui peut être prise consiste à retirer cette personne de la société et à lui dire: «Écoute, tu es brisé, tu n'es pas capable de fonctionner sans faire du mal à quelqu'un», ou «Tu as fait mal à quelqu'un et il y a un prix à payer»... Il n'y a pas de solution facile. Nous tentons tous de trouver une solution à cette question difficile. Il n'existe aucune formule magique pour changer une personne. Si ce pourcentage est toujours aussi élevé, à 83 p. 100—c'est le pourcentage de détenus considérés comme violents ou comme présentant une menace—, comment pouvons-nous songer à les remettre en liberté, surtout lorsqu'on sait que l'infrastructure et le soutien communautaire sont inexistants ou insuffisants, que les ressources disponibles ne permettent pas de se charger d'une personne dangereuse remise en liberté, qu'on considère comme une menace pour la société?

Mme Susan Reid-MacNevin: Je ne suis pas certaine que les statistiques citées ici sont—il faudrait d'abord que je les examine. Je ne suis pas certaine que 83 p. 100 des détenus sont violents. Je crois qu'il est plus probable que 83 p. 100 des détenus présentent un risque de récidive moyen à élevé. Cela ne signifie pas qu'ils commettront un crime avec violence. Cela signifie que ces détenus sont susceptibles, au moment de leur remise en liberté, de commettre la même infraction. Il ne s'agit pas uniquement de crimes violents. On doit faire preuve de rigueur lorsqu'on examine les statistiques. Les chiffres doivent être interprétés.

Si on me demande ce que je pense du fait que ces personnes soient encore remises en liberté, je répondrai que, pour changer, une personne doit y voir un avantage. Un peu plus tôt, M. Newman parlait de choix personnels. Eh bien, les choix personnels sont aussi liés aux facteurs qui stimulent une personne à changer. Si la bonne conduite, la participation à un programme ou la planification des mesures qu'on doit prendre pour réussir à l'extérieur n'influe pas sur la possibilité d'être remis en liberté, pourquoi un détenu se donnerait-il la peine? Aussi bien pourrir dans sa cellule.

On doit donc favoriser de telles conditions afin d'inciter les détenus à vouloir se réadapter. Nous devons aussi veiller à ce que la collectivité comprenne ce que cela signifie. Je donne un cours de premier cycle touchant le domaine correctionnel, et je me retrouve constamment à expliquer la différence entre la probation et la libération conditionnelle, et pourtant, il s'agit d'étudiants en criminologie. Si je n'arrive pas à faire comprendre à mes étudiants de troisième et de quatrième années ce qui distingue l'expiration du mandat de la libération d'office, comment diable pourrions-nous l'expliquer au grand public? Nous avons beaucoup de chemin à faire en ce qui concerne la sensibilisation du public.

Le commentaire que j'ai fait est le suivant: si on peut changer l'idéologie, faire comprendre à tout le monde toute l'importance de la remise en liberté, on apportera de grands changements.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Madame, j'ai de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles. Je commencerai par les mauvaises. Nous avons visité le pénitencier de Dorchester, et j'ai vu au moins trois aînés qui se trouvaient non pas à l'hôpital, mais bien dans leurs cellules, l'air d'attendre la mort. La population semble penser que personne ne purge une peine de plus de 25 ans dans notre système—impression que certains semblent avoir ici—, ce qui, bien sûr, n'est pas vrai.

• 1340

La bonne nouvelle, c'est que pendant notre séjour en Colombie-Britannique et en Alberta, nous avons vu un nouvel établissement accueillant de très vieux détenus—je crois qu'on avait oublié pourquoi ils avaient été enfermés, et les détenus l'avaient probablement oublié aussi—, et on tente de faciliter leur réinsertion dans la collectivité. C'était un endroit superbe. Une maison. Il s'agissait en réalité d'un établissement à sécurité minimale, et les détenus étaient laissés à eux-mêmes dans une maison.

Le plus beau dans tout cela, c'est qu'on les a mis sous les soins de détenus qui, bien sûr, étaient assujettis à un niveau de sécurité minimale. Je n'ai jamais vu un groupe de personnes aussi dévouées. Pour eux, c'est une préparation fantastique en vue de retourner dans la société.

Il n'y a aucun espoir d'intégrer ces vieillards à la société. Ils ont des problèmes de santé. Aucune maison de retraite ne veut les accueillir, et ce sont d'anciens détenus. Mon Dieu, on ne voudrait surtout pas les mettre avec nos gentils citoyens. Je crois qu'ils resteront toujours dans cet établissement, mais c'est diablement préférable à ce que nous avons vu à Dorchester. C'était absolument effroyable. Je vous le dis, c'était si désolant que j'en ai presque pleuré. Les portes étaient ouvertes. Ils pouvaient aller n'importe où, mais qu'est-ce que ça change? C'était dégoûtant. J'ai ressenti de la honte pour moi-même et pour mon pays.

Je ne sais pas quelle est la meilleure solution à ce problème, mais au moins on prend des mesures dans l'Ouest. C'est un programme pilote. Je crois qu'ils vont s'apercevoir qu'ils ne peuvent les réintégrer; ils devront les garder, tout de même dans un milieu beaucoup plus positif pour la fin de leurs jours.

Vous avez mentionné que les universitaires ont souvent tendance à avoir des idées arrêtées qui leur sont propres. Lorsque la poussière finit par retomber on apporte des mesures correctives. C'est ce dont nous avons besoin. Franchement, je crois que notre mandat consiste non pas à examiner cette loi et à déterminer si elle est parfaite—elle ne le sera pas, même après nos recommandations—, mais bien à voir si on peut l'améliorer un peu, et, dans certains cas, beaucoup.

Au cours de ma vie, j'ai vu le système carcéral et l'appareil judiciaire évoluer d'une façon marquée. La raison pour laquelle on parle tant de la criminalité dans les journaux, c'est qu'on n'en parlait jamais autrefois. On réglait le cas de ces personnes. On les enfermait et on ne les revoyait plus. Et surtout, pas de prison dans ma région; refoulez-la ailleurs, quelque part dans le Nord.

Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Je ne crois pas vivre assez longtemps pour nous voir arriver à destination, où tout est parfait, mais au moins nous avançons. Croyez-moi, nous avons besoin de gens comme vous, comme l'ancien officier de la GRC, comme l'ex-détenu, afin de prendre connaissance de divers points de vue sur le sujet. Nous tenterons d'améliorer un peu les choses.

Je vous remercie beaucoup de votre présence.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Madame Reid-MacNevin, j'aurais juste une question concernant le dernier point soulevé par M. Hoban, c'est-à-dire l'obligation de rendre des comptes après la remise en liberté et le suivi communautaire pour les cas où le mandat du détenu arrive à expiration, que ce dernier refuse de participer à des programmes et qu'au moment de quitter la prison, le SCC sait qu'il reviendra probablement. Quelle solution pouvez-vous nous suggérer à l'égard de ce problème? Évidemment, comme l'a souligné M. MacKay, nous devons composer avec l'obsession de la Charte, à laquelle nous serons confrontés si nous tentons de faire quoi que ce soit au chapitre de la prolongation des sentences, etc. On ne peut tout simplement pas faire ça. En votre qualité de criminologue, que pouvez-vous nous suggérer pour résoudre ce problème?

Mme Susan Reid-MacNevin: Si seulement je connaissais la formule magique dont vous parliez tout à l'heure...

Je ne suis pas d'accord avec l'idée de prolonger les sentences. C'est probablement mon côté juridique qui joue. Je sais aussi qu'on ne peut forcer quelqu'un à subir un traitement. Au bout du compte, certaines personnes qui entrent dans le système veulent seulement avoir la paix, purger leur peine et partir. Elles éprouveront plus que leur part de difficulté au moment de réintégrer la société, mais on ne peut rien y faire. On doit tout de même les laisser partir.

À mon avis, il serait préférable de ne pas devoir détenir les personnes qui ne présentent pas un risque très grave d'infraction très violente, et de les libérer d'office. Je serais beaucoup plus satisfaite de savoir qu'elles subissent une certaine forme de traitement.

J'ai acquis une certaine expérience au sein de la Commission ontarienne des libérations conditionnelles, et, comme vous le savez, les sentences provinciales sont plutôt courtes. Les détenus disaient: «Je n'ai pas besoin de me présenter à cette audience de libération conditionnelle et de répondre à toutes leurs questions. Pourquoi est-ce que je m'en donnerais la peine? Je n'ai qu'à rester ici encore trois semaines, et je serai relâché sans aucune forme de supervision.» Cela correspond réellement à ma façon de voir les choses: mieux vaut accorder la libération conditionnelle totale à une personne et lui imposer beaucoup de conditions et d'encadrement que de laisser partir une personne à la date d'expiration du mandat.

• 1345

Le président: Merci beaucoup, madame Reid-MacNevin. Merci d'être venue.

Je tiens aussi à remercier tous les autres témoins qui, d'après ce que je vois, sont toujours avec nous. Je crois que cette matinée s'est révélée très productive.

Je remercie les membres du comité. Je n'ai pas à m'en faire pour eux, car il n'y a pas de syndicat des députés. Mais je souhaite remercier notre personnel, qui est ici depuis presque quatre heures et demie, soit nos interprètes, nos opérateurs sur ordinateur, nos recherchistes et notre greffier. Merci beaucoup. Je crois que nous avons accompli une bonne demi-journée de travail.

M. Ivan Grose: Nous avons purgé notre peine; nous pouvons retourner chez nous.

Le président: La séance est levée.