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SCRA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CORRECTIONS AND CONDITIONAL RELEASE ACT OF THE STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

SOUS-COMITÉ SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION DU COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 22 mars 1999

• 1534

[Traduction]

Le président (M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): La séance est ouverte. Il s'agit d'une réunion du Sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous avons aujourd'hui un groupe de témoins. Il s'agit de Mme Charlene Mandell, professeure agrégée et directrice du Correctional Law Project de l'Université Queen's; Mme Lisa Addario, coordonnatrice exécutive, Associations nationales intéressées à la justice criminelle;

[Français]

la présidente de l'Association canadienne de justice pénale, Mme Cécile Toutant,

[Traduction]

Paul Williams, l'ex-président, et John Braithwaite. Chacun des groupes peut présenter un exposé d'environ 10 minutes. Nous commencerons avec Mme Mandell, suivie de Mme Addario, ce qui devrait laisser suffisamment de temps aux membres du comité qui veulent poser des questions.

Si vous êtes prête, madame Mandell, allez-y.

• 1535

Mme Charlene C. Mandell (professeur agrégé et directrice, Correctional Law Project, Université Queen's): Merci. Je tiens à remercier le sous-comité de m'avoir invitée à participer à son examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Je vous ai présenté un mémoire où je décris mon expérience en matière de droit correctionnel.

Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas le Correctional Law Project ni moi-même, précisons que je suis devenue directrice de ce projet en 1987 et que j'étais auparavant directrice adjointe, depuis 1982. Mes connaissances en droit se rapportent donc au droit correctionnel. Le Correctional Law Project, brièvement, est une clinique juridique financée par l'aide juridique de l'Ontario et par la Faculté de droit de l'Université Queen's afin de fournir des conseils juridiques, de l'aide et une représentation aux détenus des 11 pénitenciers fédéraux de la région de Kingston, y compris celui de Warkworth.

C'est un petit projet. Il y a deux avocats, moi-même et mon adjoint, un employé à temps plein et un autre à temps partiel pour le travail de bureau et, pendant l'année scolaire, de septembre à avril, de 16 à 18 étudiants en droit de deuxième et troisième année offrent des conseils juridiques et des services de représentation, sous la supervision des deux avocats.

J'insiste sur le fait que le point de vue que je vous présente aujourd'hui est le mien et non celui de la Faculté de droit de l'Université Queen's. Je vais commencer par certains aspects de la partie I de la Loi, particulièrement l'isolement préventif, les transfèrements involontaires, les accusations d'infractions disciplinaires et les audiences et, enfin, l'information.

J'ai quelques commentaires à formuler sur des aspects précis de la partie 2, soit les permissions de sortir pour socialisation, la procédure d'examen expéditif, la libération conditionnelle totale pour expulsion, la libération d'office et le maintien en incarcération. En terminant, je parlerai de la mise en oeuvre de la loi et de la reddition de comptes à son sujet.

Parlons d'abord de l'isolement préventif. L'article 31 de la LSCMLC et les articles 19 à 23 du règlement précisent les exigences législatives en matière d'isolement préventif. Le règlement prévoit un examen obligatoire de l'isolement préventif d'un détenu par un comité d'examen de l'isolement préventif. D'après l'expérience de notre projet, ces examens ne sont pas sérieux et beaucoup de délinquants sont isolés pendant des périodes assez longues. Étant donné la gravité de l'isolement préventif d'un détenu, les examens doivent être sérieux. Voici ce que je recommande pour que cela soit fait.

Premièrement, il faut modifier la loi ou le règlement pour prévoir que les détenus ont droit à la présence d'un avocat à toutes les audiences du comité d'examen de l'isolement préventif, comme pour les procédures relatives aux mesures disciplinaires.

Deuxièmement, il faut modifier le règlement de manière que les détenus reçoivent un préavis d'au moins 15 jours ouvrables pour toutes les séances du comité d'examen de l'isolement préventif qui suivent la première, qui d'après le règlement, doit avoir lieu dans les cinq jours ouvrables. Dans ce cas-là, évidemment, on ne peut donner un préavis de 15 jours.

Le règlement actuel exige un préavis au détenu d'au moins trois jours ouvrables. À notre avis, c'est un délai insuffisant pour que les détenus puissent consulter un avocat ou retenir ses services pour se préparer à l'audience. Je recommande que le règlement soit modifié pour exiger qu'on donne aux détenus les renseignements dont disposera le comité d'examen au moment de l'audience, encore une fois, au moins 15 jours ouvrables avant celle-ci. D'après le règlement actuel, trois jours ouvrables suffisent. Là encore, nous estimons que le détenu n'a pas suffisamment de temps pour examiner les renseignements, pour consulter un avocat et retenir ses services, ni pour se préparer à l'audience.

Je recommande en outre la modification de la loi ou du règlement pour que le dossier des détenus en isolement préventif pour plus de 90 jours soit examiné lors d'une audience en personne, par un examinateur externe, indépendant du service correctionnel, après ces 90 jours et ensuite, tous les 60 jours.

De plus, je recommande qu'on modifie la loi ou le règlement pour que les détenus aient droit à la représentation par un avocat à ces audiences, et à un préavis de 15 jours ouvrables avant la date de l'audience, et à l'information qui y sera examinée. Enfin, je recommande que la loi et le règlement soient modifiés pour prévoir la nomination de ces examinateurs externes.

• 1540

Les transfèrements involontaires. C'est aussi un sujet de grande préoccupation, comme l'isolement préventif. Les transfèrements involontaires des détenus à des établissements à sécurité supérieure se produisent couramment et sont une grave préoccupation parce qu'ils ont une incidence négative grave sur les détenus. Étant donné cette grave incidence négative sur les détenus, il est nécessaire de mieux protéger les détenus contre les transfèrements involontaires.

Les articles 12 à 16 du règlement énoncent les exigences régissant ces transfèrements involontaires, et à première vue, semblent donner une protection suffisante aux détenus. Ce n'est toutefois pas vraiment le cas. D'après l'alinéa 12b), le détenu doit avoir «la possibilité de préparer ses observations», entre autres choses. Cette disposition est toutefois pratiquement annulée par l'alinéa 14b) de la directive 540 du commissaire, portant sur le transfèrement des détenus.

En vertu de cet alinéa de la directive du commissaire, dans le cas de transfèrements involontaires non urgents, le directeur de l'établissement doit donner au détenu un préavis de 48 heures pour lui permettre de préparer une réponse à la proposition de transfèrement. Ce délai de 48 heures est tout à fait insuffisant et à mon avis, ne constitue pas une possibilité raisonnable, comme le prévoit le règlement. Le détenu ne peut consulter un avocat ni retenir ses services en 48 heures. Il peut ne pas être capable de préparer une réponse. Autrement dit, cette période de 48 heures n'offre pas une possibilité raisonnable et je recommande la modification de l'alinéa 12b) pour qu'il précise que le détenu doit avoir «une possibilité raisonnable d'au moins 15 jours ouvrables» pour préparer une réponse au sujet du transfèrement involontaire proposé.

Les accusations d'infraction disciplinaire et les audiences. Il y a là de graves problèmes. Nous comparaissons souvent devant des présidents indépendants pour représenter des détenus accusés d'infractions disciplinaires. Il y a de graves problèmes au sujet des accusations d'infraction disciplinaire portées contre les détenus et au sujet de la façon dont sont menées les audiences disciplinaires par les présidents indépendants.

Les articles 40 à 44 de la loi et 24 à 41 du règlement fixent les aspects législatifs des accusations et des procédures disciplinaires. D'après l'article 41 de la loi:

    l'agent qui croit, pour des motifs raisonnables, qu'un détenu commet ou a commis une infraction disciplinaire doit, si les circonstances le permettent, prendre toutes les mesures utiles afin de régler la question de façon informelle.

D'après notre expérience, ce n'est pas ainsi que vont les choses. En outre, toujours d'après notre expérience, si l'avocat qui représente un contrevenant accusé d'une infraction disciplinaire grave devant un président indépendant demande si le SCC a essayé de régler le problème de manière informelle, le président indépendant ne l'écoute habituellement pas. Par conséquent, je vois un grave problème dans le fait que le SCC se moque impunément de l'article 41. À mon avis, la loi doit être modifiée de manière à s'assurer que le SCC se conformera aux exigences de l'article 41.

Il y a aussi de graves problèmes au sujet des audiences elles- mêmes. Entre autres, le recours à des dirigeants du SCC comme conseillers auprès des présidents indépendants, aux audiences. Je ne vois rien dans la loi ou dans le règlement qui prévoit ce recours au personnel du SCC. C'est toutefois prévu à la directive 580 du commissaire portant sur les mesures disciplinaires pour les détenus, aux paragraphes 19, 20, 21 et 22.

D'après l'expérience des membres du projet, le conseiller du SCC joue un rôle important à l'audience; il peut même être impliqué dans l'incident. Dans nombre d'établissements, le conseiller est le coordonnateur du programme de prise d'échantillons d'urine et, par conséquent, il ou elle est impliqué dans presque tous les incidents se rapportant à la prise d'échantillons d'urine. Le recours aux conseillers du SCC donne une apparence de partialité et d'injustice et nuit à la perception d'indépendance des présidents.

Il y a deux autres problèmes graves: le manque d'uniformité dans les décisions rendues par les présidents indépendants et la perception d'une réticence de leur part à acquitter les contrevenants. On pourrait peut-être remédier à ces problèmes en prévoyant dans la loi ou le règlement des exigences relatives aux personnes nommées président indépendant, l'obligation pour tous de suivre une formation.

• 1545

Je recommande que l'une des exigences relatives au poste de président indépendant soit de l'expérience dans le domaine du droit criminel ou correctionnel. Je recommande qu'une partie de la formation permette de les familiariser avec les habitudes des établissements, afin qu'ils n'aient pas besoin de conseillers du SCC, et je recommande aussi que la formation ne provienne pas entièrement du SCC ou d'autres représentants du gouvernement.

Enfin, c'est un grave problème qu'il n'y ait pas de mécanisme d'appel des décisions des présidents indépendants, à moins de faire une demande d'examen judiciaire auprès de la Cour fédérale du Canada. Cette solution n'est tout simplement pas disponible pour la plupart des contrevenants. Je recommande que la LSCMLC soit modifiée pour prévoir un mécanisme d'appel semblable à celui qui est offert à l'article 147 de la loi, pour les appels relatifs aux décisions de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Ce mécanisme prévoit la création d'une section d'appel au sein de la Commission pour entendre ces appels et je recommande une disposition semblable pour les décisions des présidents indépendants.

Le président: Madame Mandell, je vois que vous en êtes à peu près à la moitié de votre mémoire très complet, et vous avez déjà parlé pendant une dizaine de minutes. Vous pourriez peut-être simplement nous présenter rapidement vos recommandations.

Mme Charlene Mandell: Certainement.

Le président: Les membres du comité ont votre mémoire et nous pourrons l'étudier en détail.

Mme Charlene Mandell: J'ai des conclusions à présenter.

Je pense que les observations sur la libération conditionnelle totale pour fins de déportation et sur l'examen expéditif se passent d'explications.

Au sujet de la libération conditionnelle totale pour fins de déportation, j'aimerais vous signaler ceci: nous proposons que des critères précis soient énoncés pour les libérations conditionnelles totales pour expulsion et nous soutenons que l'article 102, fixant les critères généraux pour l'octroi d'une libération totale ou une semi-liberté, ne suffit pas et ne devrait pas s'appliquer aux libérations conditionnelles totales pour fins de déportation. Il est tout simplement impossible à la Commission d'évaluer le risque si quelqu'un doit être expulsé, par exemple, en Éthiopie, alors qu'on ne connaît aucunement ce pays et sa société. Il est ridicule de dire: «Nous allons évaluer le risque en Éthiopie» ou «Évaluons le risque au Canada puis nous déciderons si cette personne devra ou non être déportée en Éthiopie». Je crois qu'il doit y avoir des critères précis se rapportant à la libération conditionnelle totale pour expulsion. C'est l'une des choses sur lesquelles je tiens à insister.

Aussi, au sujet de la libération d'office et le paragraphe 133(4.1), qui permet à l'autorité compétente, habituellement la CNLC, d'imposer une assignation à résidence, c'est-à-dire d'imposer à un détenu qu'il habite dans une maison de transition ou dans un établissement psychiatrique, au moment de sa libération d'office, nous estimons qu'il s'agit d'une privation grave de la liberté pour ce détenu et que pour y procéder, la CNLC devrait tenir une audience de même nature que toutes les autres.

Enfin, au sujet de la mise en oeuvre de la loi et de la reddition de comptes, je remarque dans le sommaire du rapport des consultations cette citation: «La majorité des problèmes signalés durant les consultations portaient sur la mise en oeuvre de la Loi plutôt que sur la législation elle-même.»

Pour commencer, je vous signale que la majorité des problèmes dont je parle dans mon mémoire ne sont pas des problèmes de mise en oeuvre, ils se rapportent plutôt à la loi elle-même. Deuxièmement, je tiens à dire au comité qu'il ne suffit pas de dire que c'est un problème de mise en oeuvre pour éviter de le régler; si la loi et les règlements ne sont pas mis en oeuvre, à quoi servent-ils? Ils doivent être correctement mis en oeuvre.

Je recommande fortement au sous-comité de créer des dispositions obligeant le SCC, tous ses employés et ceux de la Commission, des travailleurs de première ligne aux agents de gestion de cas en passant par les agents de libération conditionnelle, etc., à se conformer à la loi et aux règlements, sous peine de sanctions. Actuellement, s'ils ne s'y conforment pas, il ne leur arrive rien. Ils agissent impunément.

Nous tenons les contrevenants responsables de leurs actes et ils doivent en subir les conséquences. S'ils ne suivent pas les règles relatives à la libération conditionnelle, on les remet derrière les barreaux. Je crois que la responsabilité doit être assumée des deux côtés.

Je vous renvoie à cette citation du rapport de Mme la juge Arbour, au sujet de son enquête sur les événements survenus à la Prison des femmes. C'est à la page 197:

    À titre de mesure corrective visant à compenser l'absence de reconnaissance des droits individuels et l'inefficacité des mécanismes internes destinés à garantir le respect de la loi au sein du Service correctionnel, je crois qu'il est impératif d'élaborer une sanction juste et efficace à titre de réparation appropriée pour la violation des droits des détenus, ainsi que pour en encourager le respect.

• 1550

Elle recommande donc que des sanctions soient imposées, afin d'encourager le SCC à se conformer aux exigences de la loi et des règlements et j'exhorte le comité à l'écouter et à faire de même.

Merci.

Le président: Merci pour ce mémoire très bien préparé, madame Mandell.

Nous passons maintenant à Mme Addario, des Associations nationales intéressées à la justice criminelle.

Mme Lisa Addario (coordinatrice exécutive, Associations nationales intéressées à la justice criminelle): Merci, monsieur le président.

Les Associations nationales intéressées à la justice criminelle sont une coalition de 19 organisations nationales qui se consacrent à une approche socialement responsable de la justice pénale. Certains de nos membres offrent un service direct à ceux qui ont eu des démêlés avec la justice. D'autres font la promotion de mesures de rechange communautaires à l'incarcération. D'autres encore font de la recherche dans le domaine de la justice criminelle. Beaucoup de nos organisations membres reçoivent un appui financier du ministère du Solliciteur général.

Nos associations travaillent à la prévention du crime par le développement social, tout en cherchant à bâtir la confiance du public dans notre système judiciaire et dans notre système correctionnel. Nous souhaitons aussi réduire l'incarcération et promouvoir la coopération et la collaboration internationales. Par leur vision de la justice criminelle, nos membres contribuent de manière importante aux politiques publiques en matière de justice criminelle et de programmes correctionnels. Nous apprécions cette occasion de nous adresser au sous-comité au sujet des dispositions de la LSCMLC. Nous pensons que la loi représente un bon cadre de travail. Nous sommes en faveur d'un parti pris pour la sécurité du public et la réinsertion sociale.

Mes commentaires porteront sur cinq principaux sujets: le maintien en incarcération, le Bureau de l'enquêteur correctionnel, le Programme des placements à l'extérieur, les femmes détenues sous responsabilité fédérale et la libération d'office avec assignation à résidence.

Étant donné les restrictions imposées sur la liberté du détenu, nous croyons que la disposition sur le maintien en incarcération ne doit être utilisée qu'avec une grande prudence. Nous remarquons toutefois que ces dispositions ont été utilisées bien plus souvent qu'on ne se l'imaginait au départ. En moyenne, ces mesures ont été prises quatre ou cinq fois plus souvent que les responsables du SCC et du solliciteur général ne l'avaient prédit. Ce qui nous trouble, toutefois, c'est que d'après les faits, ceux qui sont maintenus en incarcération ne sont pas moins susceptibles de récidiver. Une comparaison du taux de récidive entre ceux qui sont en libération conditionnelle et ceux qui sont maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine montre que 37 p. 100 de ceux à qui on accorde une libération conditionnelle ont récidivé, alors que c'est 16 p. 100 chez ceux qu'on a maintenus en incarcération jusqu'à la libération d'office.

Qu'est-ce que cela signifie? On ne peut pas dire que le plus faible taux de récidive peut être attribué au maintien en incarcération. Nous pensons que c'est peu probable. Si la menace de réincarcération n'a pas eu d'effet dissuasif sur ceux qui ont eu plus tôt une libération conditionnelle, pourquoi le maintien en incarcération dissuaderait-il ceux qui restent là plus longtemps? Nous pensons que lorsque le SCC et la CNLC ont essayé d'établir qui risquait le plus de récidiver, ils se sont presque complètement fourvoyés. Il faut en conclure que la disposition sur la libération d'office ne répond pas à leurs objectifs d'amélioration de la sécurité publique, puisqu'il est difficile de prédire la dangerosité.

Lorsqu'on maintient les détenus en incarcération, on ne peut plus réduire la possibilité de récidive par une libération graduelle. Il y a un risque à la libération des détenus sans libération graduelle ni supervision. L'incarcération prolongée, ajoutée à la pratique courante dans certaines collectivités d'identifier les ex-détenus qui s'y installent, signifie une difficulté supplémentaire de réinsertion pour le détenu. Nous recommandons donc la suppression des dispositions actuelles de la LSCMLC sur le maintien en incarcération. Il faudrait les remplacer de manière à prévoir le maintien en incarcération uniquement lorsque le détenu ne veut pas ou ne peut pas se conformer aux conditions de la surveillance.

Au sujet de Bureau de l'enquêteur correctionnel, les dispositions de la LSCMLC s'y rapportant ne garantissent pas suffisamment que les questions qu'il soulève auprès du SCC seront réglées rapidement et adéquatement. Il n'y a pas actuellement de mécanisme pour régler de manière certaine les problèmes soulevés par l'enquêteur correctionnel. Il en résulte que la responsabilité du SCC est mise en doute.

• 1555

Nous recommandons que les questions graves soulevées par l'enquêteur correctionnel au sujet du SCC soient renvoyées à un arbitre indépendant; que les décisions prises par l'arbitre indépendant puissent être renversées par le solliciteur général; et qu'un mécanisme soit utilisé pour régler les problèmes qui ne le sont pas et qui sont signalés dans le rapport annuel de l'enquêteur correctionnel. Nous recommandons aussi que l'enquêteur correctionnel relève d'un tiers, afin d'augmenter sa responsabilité et d'assurer des réponses rapides.

Au sujet de l'article 18, sur le placement à l'extérieur, nous estimons que le risque de récidive est grandement réduit lorsqu'une personne est financièrement autonome dans la communauté. Les programmes de placement à l'extérieur sont nécessaires pour faciliter la réinsertion sociale du délinquant, mais les dispositions actuelles sont malheureusement insuffisantes. La période limite est actuellement de 60 jours, avec un prolongement possible de 30 jours; c'est trop peu. Nous recommandons donc l'élimination de cette restriction ou la possibilité pour le directeur de l'établissement d'augmenter la période.

Au sujet des femmes détenues sous responsabilité fédérale, le manque d'établissements fédéraux pour ces femmes signifie qu'elles se retrouvent parfois dans des établissements provinciaux, où elles ont moins accès aux services, aux programmes et à l'enquêteur correctionnel. Actuellement, il n'y a que quelques provinces qui peuvent fournir ces services, comme les centres de désintoxication, pour des femmes seulement. Nous constatons aussi que le mécanisme prévu dans la loi pour l'isolement préventif des détenus est inadéquat. Comme l'a signalé Mme Mandell, Mme la juge Arbour, dans son rapport, a recommandé un arbitrage extérieur pour l'isolement préventif des détenus. Elle a aussi recommandé des directives externes claires se rapportant à la surveillance des détenus en isolement.

Nous recommandons que le placement des femmes sous responsabilité fédérale dans des établissements provinciaux se fasse sur une base volontaire; qu'un arbitre indépendant examine les questions se rapportant au placement des détenus en isolement préventif, pour les femmes comme pour les hommes; qu'il y ait un examen externe des cas d'isolement préventif à long terme; qu'il y ait des consultations régulières avec les groupes de femmes, au sujet des femmes purgeant une peine fédérale; et qu'un comité consultatif national de femmes soit créé, semblable au Comité consultatif autochtone national créé en vertu de l'article 82 de la LSCMLC. Nous recommandons en outre que le SCC donne un préavis de la libération d'une détenue aux services communautaires destinés aux femmes. Ce préavis donnerait aux services communautaires la possibilité de proposer une option de libération dans leur communauté pour cette détenue.

Enfin, au sujet de la libération d'office avec assignation à résidence, il a résulté de sa mise en oeuvre que des participants involontaires ont occupé des places dans des programmes résidentiels. Par conséquent, ces places ne sont plus libres pour les clients qui les veulent et qui sont prêts pour les programmes résidentiels de ce genre. Les participants involontaires nuisent à ces programmes. La présence de ces clients involontaires est contraire aux objectifs et aux mandats des programmes communautaires. En outre, des gens sont placés dans des communautés avec lesquelles ils n'ont aucun lien.

Nous recommandons que l'assignation à résidence ne soit imposée à un détenu qu'après une audience de la CNLC, qui devrait avoir lieu au moins six mois avant la date de libération du détenu. En outre, l'assignation à résidence devrait être réservée à ceux qui ne sont pas admissibles à une libération conditionnelle anticipée, et durer au maximum six mois.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Addario.

[Français]

Madame Toutant, est-ce vous qui allez faire la présentation de l'Association canadienne de justice pénale?

Mme Cécile Toutant (présidente, Association canadienne de justice pénale): Oui.

Le président: Merci.

Mme Cécile Toutant: Merci, monsieur le président.

L'Association canadienne de justice pénale vous remercie de l'avoir invitée aujourd'hui à s'exprimer sur les modifications suggérées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition après quelque cinq années de mise en pratique.

• 1600

L'Association canadienne de justice pénale représente 1 000 membres et a consulté des intervenants de l'ensemble du Canada avant de vous présenter son mémoire. Les personnes que nous représentons agissent à tous les niveaux du processus de justice pénale, du moment de l'arrestation jusqu'à la fin du processus de réinsertion sociale des contrevenants.

Nous nous sentons donc très interpellés par tout ce qui peut faciliter nos efforts à l'intérieur du système de justice ou y nuire. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, en plus de vous présenter notre mémoire, nous venons vous souligner un certain nombre de points que nous trouvons particulièrement importants.

Je voudrais aussi souligner que l'Association canadienne de justice pénale a publié l'an dernier un document qui s'intitule Le surpeuplement carcéral et la réinsertion sociale des délinquants. Nous vous en avions sûrement fait parvenir une copie. Si vous ne l'avez pas, nous sommes disposés à vous le faire parvenir. Dans ce document, vous allez retrouver des arguments auxquels nous allons encore faire allusion aujourd'hui.

Vous lisez sûrement les journaux. Peut-être avez-vous lu l'article auquel je vais faire allusion. Le dimanche 14 mars, la Presse canadienne publiait des données particulièrement inquiétantes sur l'état de la population carcérale américaine. Ces données étaient tirées du New York Times. Près d'un Américain sur 150, au moment où on se parle, est en prison. Aucune démocratie au monde n'approche de ce chiffre. De tous les Américains qui sont nés ou qui naîtront en 1999, un sur vingt sera appelé à faire de la prison durant sa vie. Si c'est un Noir, c'est un sur quatre.

Certaines sociétés courent pour avoir des lits d'hôpitaux. Les États-Unis courent actuellement pour avoir des lits dans les prisons. Une grande proportion des détenus sont incarcérés pour des délits reliés à la drogue et plusieurs d'entre eux le sont pour simple possession.

Je ne vous présente pas cette situation pour qu'on dise qu'au Canada on est tellement mieux qu'on n'a plus rien à faire. Quel est donc l'état de notre population carcérale? Vous pouvez consulter les statistiques. Statistique Canada, dans son rapport sur les services correctionnels pour adultes publié en 1996-1997, a démontré que les dernières tendances soulignent que les juges condamnent de plus en plus de contrevenants à des peines d'incarcération, ce qui fait augmenter de façon constante la population des détenus.

Au cours de la dernière décennie, la population pénitentiaire a augmenté de 34 p. 100. Nous sommes, semble-t-il, dans une situation moins dramatique que celle des États-Unis. Il est toutefois évident que si les tendances actuelles se maintiennent, nous aurons aussi à vivre ce type de problèmes. Il faut peut-être donc se rappeler un certain nombre de principes qui devraient guider notre action.

La protection du public est une notion très souvent soulignée dans la loi dont nous parlons aujourd'hui. L'Association canadienne de justice pénale veut indiquer que la protection du public est d'abord assurée, dans un premier temps, par la prévention du crime. Cet impératif semble bien perçu par le Canada puisque dans les années actuelles, des montants importants sont investis en prévention.

Lorsque, malgré tout, la prévention ne réussit pas à prévenir tous les délits et qu'il y a commission de délits, la mesure la plus adéquate est la mesure la moins restrictive, celle qui assure la protection de la société et appuie la responsabilisation du contrevenant. Dans ce sens, les sentences dans la communauté ne sont pas des mesures de rechange par rapport à l'incarcération, mais elles constituent pour certains contrevenants la meilleure mesure à prendre, la plus efficace et la moins coûteuse.

• 1605

Les sentences de détention devraient être réservées aux auteurs des délits les plus graves ou aux individus qui, tout en n'étant pas auteurs de délits graves, refusent de collaborer avec les gens qui travaillent dans la communauté.

Venons-en maintenant à la détention. On a tenté la prévention—cela fonctionne pour certains—, il y a eu commission des délits et on arrive au moment où on utilise la détention. Il faut que celle-ci ne soit pas plus longue que nécessaire pour responsabiliser le contrevenant et l'amener à investir dans la communauté sur un mode positif. Pour ce faire, les intervenants du système doivent se donner les moyens de bien connaître le détenu, et ce dernier doit faire l'objet d'une approche individualisée et sensible à ses besoins et à ses capacités.

La réinsertion sociale des contrevenants est un moyen privilégié d'assurer la protection du public, d'où les recommandations plus précises suivantes.

Premièrement, il est inacceptable que certaines dates d'admissibilité soient reportées à cause de l'absence des renseignements valides et pertinents qui sont nécessaires pour prendre les décisions. J'ai mentionné plus tôt qu'il était très important que les intervenants connaissent les détenus. Cela vous semble peut-être presque une remarque inutile. Vous devez vous dire que, bien sûr, les intervenants connaissent leur clients. Je vous dirai que ce n'est pas le cas. Je vous dirai qu'étant donné la quantité de rapports qu'ils doivent produire, ils restent bien souvent trop loin des clients. Ils connaissent plus les ordinateurs et les papiers que la clientèle.

Deuxièmement, la détermination judiciaire de l'admissibilité à la libération conditionnelle se fait dans un contexte de manque d'information. Le juge ne peut pas avoir comment réagira le délinquant lors de sa détention et il ne peut qu'ignorer le rythme des progrès de ce dernier. Pour tous les motifs inclus dans notre mémoire, nous recommandons que soient abrogées les dispositions relatives à la détermination judiciaire.

L'association est profondément convaincue que la mise en liberté graduelle demeure l'une des formes les plus efficaces de réinsertion sociale et que, pour cette raison, la société doit être disposée à accepter un niveau raisonnable de risque, et non viser le risque zéro.

Je vais vous faire part d'un petit cliché qu'on utilise parfois: à vouloir réhabiliter sans risque, on risque de ne pas réhabiliter. On doit se rappeler cette capsule qui, bien sûr, manque peut-être un peu de nuances, mais traduit bien ce qu'on veut dire.

Lorsque l'on parle de liberté graduelle, on parle de liberté graduelle intelligente. Je m'explique. Ce ne sont pas tous les détenus placés dans les pénitenciers qui ont besoin de passer par toutes les mesures de libération. Certains détenus peuvent, dès la date de leur admissibilité, être renvoyés chez eux. Ils n'ont pas nécessairement besoin de la semi-liberté. Ils n'ont pas nécessairement besoin de traverser toute la série de mesures existantes.

Quand on connaît la clientèle, on peut se dire que certains peuvent profiter de certaines mesures et d'autres, non. Pour certaines personnes, les envoyer dans une maison de transition alors qu'ils ont un foyer qui est relativement positif pour eux n'est pas une bonne décision. Quand on parle de libération graduelle, on ne parle pas de faire passer les gens à travers toutes les étapes de A à Z. Il s'agit de faire passer la personne à l'étape qui nous apparaît le plus adéquate pour elle.

Nous appuyons donc les dispositions relatives aux permissions de sortir, à l'article 17, et nous ajoutons la remarque suivante: pourquoi n'a-t-on pas plus souvent recours aux permissions de sortir, étant donné que cela réussit dans 99 p. 100 des cas? On ne se l'explique pas.

• 1610

Au cours des cinq dernières années, il y a eu une baisse de 70 p. 100 des permissions de sortir sans escorte dans les établissements à sécurité moyenne alors que le taux de succès de cette mesure est extrêmement élevé.

Quant aux placements à l'extérieur, nous sommes tout à fait d'accord sur la suggestion d'étendre à 90 jours la durée possible de ces placements et de déléguer au directeur de l'établissement le pouvoir de renouveler et de prolonger ce programme. Ces placements pourraient permettre aux détenus de participer à des programmes de formation académique ou de métier, ou leur permettre d'assumer des responsabilités parentales, que ce soient des hommes ou des femmes.

On parle de ce programme de sorties possibles surtout pour les femmes, afin qu'elles puissent assumer leurs responsabilités parentales. Pourquoi pas pour les hommes? Pourquoi est-ce qu'on ne travaillerait pas à augmenter aussi la capacité parentale d'hommes qui, bien souvent, ne demanderaient pas mieux que de s'occuper un peu plus de leurs enfants lors de leurs sorties?

Le président: Madame Toutant, vos 10 minutes sont écoulées. Je vous demanderais donc de résumer.

Mme Cécile Toutant: Je me dépêche.

Le président: Comme dans le cas du professeur Mandell, nous avons votre mémoire détaillé, et le comité pourra s'y reporter plus tard.

Mme Cécile Toutant: Parfait.

Je vais passer rapidement sur les autres modes de mise en liberté. Oui, nous sommes d'accord sur la semi-liberté. Compte tenu du succès apparent de cette mesure, il nous semble important qu'elle soit davantage généralisée et offerte plus tôt dans le processus.

Nous recommandons qu'il y ait examen automatique par la Commission nationale des libérations conditionnelles en cas de semi-liberté et que les détenus soient vus au moment de leur admissibilité à la semi-liberté.

Contrairement à ce qu'on peut lire dans les journaux, le taux de succès des libérations conditionnelles totales est très élevé. On devrait être plus ouverts, en se disant qu'on se rend beaucoup trop souvent à la libération d'office. Vous avez sûrement entendu des commentaires en ce sens. Il y a de moins en moins de gens qui sortent en libération conditionnelle totale; pour plusieurs, on attend le moment de la libération d'office. Les taux de succès étant ce qu'ils sont, je pense qu'on devrait, avec des programmes adaptés, augmenter le nombre de personnes placées en libération conditionnelle totale.

L'Association canadienne de justice pénale s'interroge au sujet de la libération d'office. Elle a toujours été très mal à l'aise face aux automatismes contenus dans les lois, que ce soit dans le cas de l'examen plus rapide, au sixième de la peine, ou que ce soit dans celui de la libération d'office parce que, bien souvent, cela manque de nuances et ne tient pas compte des personnes.

Nous souhaiterions qu'on instaure davantage de programmes pour que de plus en plus de personnes qui sont actuellement libérées d'office soient libérées avant ce moment-là et puissent participer à des programmes significatifs pour elles.

Pour l'Association canadienne de justice pénale, les moyens de prédire la dangerosité étant très peu fiables, les dispositions relatives au maintien en incarcération devraient être totalement abrogées. Il y a beaucoup d'explications à ce sujet dans notre mémoire.

Le président: Je vais devoir vous interrompre. Vous aurez sûrement l'occasion de donner plus de détails lorsque vous répondrez aux questions.

Mme Cécile Toutant: Je voudrais seulement faire une petite remarque sur le professionnalisme des employés, dont il est question à la section B-13 de notre mémoire. Cela fait plusieurs années que l'Association canadienne de justice pénale souligne qu'il est très important d'appuyer le personnel qui doit prendre des décisions dans le système correctionnel.

• 1615

Tant et aussi longtemps qu'on aura un système qui ne demande pas mieux que de trouver un bouc émissaire quand quelque chose ne va pas, on aura des employés qui, à tous les niveaux, prendront les décisions les plus sûres, les moins contestables, les moins discutables. Quelque part, c'est humain que de se dire: «Si je me trompe, je perds mon emploi; ce que je peux faire de mieux, c'est de tous les garder en dedans et de refuser les sorties.» Ce mécanisme joue, à notre avis, à plusieurs niveaux.

On ne met pas en doute, de quelque façon que ce soit, la motivation du personnel, mais le fait est que le personnel ne se sent pas appuyé par les patrons. Si on change de coach quand un joueur ne va pas bien, ce n'est pas une bonne idée. Je ne pense pas que les gens prennent des risques irréfléchis, mais il faut que les gens qui prennent des décisions puissent prendre les bonnes décisions, bien qu'ils ne soient jamais sûrs à 100 p. 100 qu'il n'y aura pas récidive.

Le président: Merci, madame.

Mme Cécile Toutant: Je vais m'arrêter là, mais c'est bien dommage car j'avais encore bien des choses à vous dire.

Le président: On a jusqu'à 17 heures pour les questions et réponses.

Je donne la parole à M. Gouk pour sept minutes.

[Traduction]

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Merci, monsieur le président. Après avoir reçu autant d'information, il nous est difficile de savoir où commencer.

Il est probablement plus facile de commencer au commencement, avec Mme Mandell. Vous avez notamment soulevé une objection quant au transfèrement involontaire. Vous avez donné l'exemple d'un transfèrement d'un établissement à sécurité minimum à un établissement à sécurité moyenne, pour lequel un préavis de 48 heures n'est pas suffisant; il faudrait un préavis d'au moins 15 jours.

Dans un établissement à sécuritaire moyenne, il y a un isolement total; il y a de la sécurité. Je suis allé dans des établissements à sécurité minimum, où l'on voit essentiellement des bungalows, des duplex, etc. Il n'y a pas de clôtures. Pour s'échapper de ces endroits, il n'y a qu'à marcher. Si vous avez un problème de sécurité, parce qu'un détenu ne suit pas les règles, qu'il dérange les autres détenus, qu'il est parti au moment où il ne le fallait pas, qu'allez-vous faire de cette personne pendant ces deux ou trois semaines, ou le temps qu'il faut, puisqu'il faut le garder dans cet établissement et qu'on ne peut le transférer dans un établissement plus sûr? Que faites-vous en attendant?

Mme Charlene Mandell: D'abord, une précision. Je parlais des transfèrements involontaires vers un établissement à sécurité supérieure, et non pas des établissements à sécurité minimale. Je parlais des transfèrements d'un établissement à sécurité moyenne vers un établissement à sécurité maximale, quand il n'y a pas urgence.

Ce qui se produit habituellement, d'après notre expérience, c'est qu'on peut tout à fait isoler ces gens, et qu'on le fait même des semaines avant le transfèrement. On leur dit: "On vous transférera peut-être, peut-être que vous recevrez un avis". L'avis officiel n'arrive toutefois que 48 heures avant le transfèrement, malgré qu'il y ait beaucoup de réponses à fournir. On place le détenu en isolement. À Collins Bay, ils restent en isolement des semaines, voire des mois.

Dans un cas, on nous a parlé d'une enquête de l'OPP. Nous avons appelé l'OPP, qui n'avait jamais entendu parler de ce détenu. Il ne faisait pas plus l'objet d'une enquête que moi. Entre temps, le délai de 48 heures s'est écoulé et il a reçu son petit avis. Il n'a pas pu nous rejoindre pour revenir au point de départ. Il a été transféré à Millhaven. Il est resté trois mois en isolement préventif à Collins Bay; pourquoi ne pas rester là encore 15 jours, le temps de rejoindre son avocat, de préparer une réponse adéquate, et de savoir que nous avions appelé l'OPP? Nous aurions pu dire: «Qu'est-ce que cette histoire d'enquête de l'OPP?»

Si un détenu dans un établissement à sécurité minimale représente un risque, ou même s'il est dans un établissement à sécurité moyenne, des dispositions existent pour les transfèrements involontaires d'urgence. On peut le transférer en claquant des doigts, sans avis de 48 heures. Bingo, vous vous retrouvez à Joyceville ou ailleurs, à partir de l'établissement à sécurité minimale où vous étiez, Pittsburgh, par exemple; ou alors de Collins Bay à Millhaven. Ensuite les procédures sont mises en marche. Vous recevez votre avis et vous avez la possibilité de répondre.

Mais je ne parle pas des cas de transfèrements d'urgence où il y a un risque pour la sécurité. Je parlais des cas de transfèrements imposés où il n'y a pas d'urgence, où le règlement dit qu'il faut avoir une possibilité raisonnable pour répondre, où la directive du commissaire dit que 48 heures est une possibilité raisonnable.

Je dis que non, qu'ils sont dans un établissement. Souvent, ils sont en isolement. On ne peut même pas obtenir de rendez-vous pour venir les voir, s'ils réussissent à vous passer un appel téléphonique assez rapidement. Il faut du temps pour obtenir un rendez-vous, particulièrement pour voir quelqu'un qui est en isolement dans un de ces établissements. Ce n'est donc pas raisonnable. S'il y a un secteur d'isolement...

• 1620

M. Jim Gouk: Je comprends que vous aimeriez donner une réponse complète, mais nous avons des questions à poser à beaucoup de gens et très peu de temps pour le faire. J'aimerais pouvoir poser quelques autres questions.

Mme Charlene Mandell: Je pense qu'il s'agit là d'une question extrêmement importante, car beaucoup de gens viennent nous voir avec ce problème de transfèrement imposé sans qu'ils aient vraiment la possibilité de présenter des observations. Lorsque c'est chose faite, il est très difficile de revenir en arrière. C'est donc un problème important.

M. Jim Gouk: L'une des autres choses que vous avez dites, c'est que si quelqu'un qui a fait de la prison et qui a été libéré doit maintenir une résidence spécifique, cela réduit la liberté de cette personne. Ne disons-nous pas déjà: «Vous n'avez aucune liberté; vous êtes en prison. Nous croyons que vous pouvez vivre dans la collectivité, mais nous devons contrôler vos déplacements à l'extérieur car vous purgez toujours votre peine»? Pourquoi est-ce si terrible de réduire leur liberté en ce sens?

Je sais que d'autres problèmes ont été soulevés pour ce qui est de ceux qui sont réticents et qui prennent la place d'autres personnes et au sujet de toutes sortes d'autres choses, mais plus précisément sur ce point, comment est-ce que...

Mme Charlene Mandell: Je comprends ce que vous dites, mais si on parle de libération d'office prévue par la loi, sauf lorsqu'il y a maintien en incarcération, aux deux tiers de la peine, la personne a le droit d'avoir sa liberté, ce n'est pas un privilège, ce qui équivaut à l'obtention d'une libération conditionnelle totale. Elle sera libérée après avoir purgé les deux tiers de sa peine, et on vient maintenant d'ajouter cette disposition selon laquelle on peut dorénavant exiger que cette personne réside dans une maison de transition si on pense qu'elle va commettre une infraction figurant à l'annexe 1.

Cela est très bien si on a des motifs raisonnables, mais cela constitue une restriction de la liberté de cette personne. Si cette personne avait été libérée d'office avant l'ajout de cette disposition, elle pourrait vivre dans un appartement, avec sa femme, etc.; elle ne serait pas obligée de vivre dans une maison de transition. Une maison de transition est un établissement en milieu fermé. Ce n'est pas comme être libéré sans avoir à se rendre dans un établissement.

Je dis qu'il faut tout au moins tenir une audience comme on le fait pour la libération conditionnelle totale ou pour la semi-liberté. Il faudrait exiger qu'il y ait une audience. La personne peut avoir l'aide de son avocat, de sa mère, de sa femme ou autres. Donnons-lui la possibilité de comparaître devant la Commission des libérations conditionnelles, d'entendre les raisons pour lesquelles on pense qu'elle devrait être dans une maison de transition, et donnons-lui la possibilité de se défendre si elle croit que ce ne devrait pas être le cas. Donnons-lui la possibilité d'être entendu sur la question. Cela ne veut pas dire qu'on ne l'enverra pas en fin de compte dans une maison de transition, mais il y aura tout au moins un processus équitable afin de permettre aux gens d'être entendus lorsqu'on décide de restreindre leur liberté.

Le président: Ce sera votre dernière question pour ce tour de table.

M. Jim Gouk: C'est ma dernière question.

Et c'est une toute petite question qui s'adresse aux ANIJC. L'une des choses que vous avez mentionnées, c'est que le placement des femmes dans des établissements provinciaux devrait se faire uniquement sur une base volontaire. C'est le cas notamment en Colombie-Britannique. Si elles ne sont pas d'accord pour être placées dans un établissement provincial, quelle est l'autre possibilité? Voulez-vous dire que nous devrions construire des installations dans chacune de ces provinces au cas où quelqu'un ne voudrait pas être placé dans un établissement provincial? Ou y a-t-il une autre solution?

Mme Lisa Addario: L'accessibilité aux services et aux programmes et l'accessibilité à l'enquêteur correctionnel ne devraient pas être moindres simplement parce qu'une entente sur la prestation de services a été conclue entre la province et l'établissement fédéral. Je dirais donc que si l'établissement provincial ne peut offrir le même accès et que la détenue n'est pas d'accord pour être incarcérée dans un établissement provincial où l'accessibilité à de tels services est réduite, il faudrait exiger qu'elle puisse être placée dans un établissement fédéral. Je crois cependant que la solution au problème consiste à offrir aux femmes de tels services améliorés dans les établissements provinciaux.

M. Jim Gouk: Si cela se produisait par exemple en Colombie-Britannique, voulez-vous dire que nous devrions construire un établissement fédéral pour les femmes, même si ce n'est que pour quelques femmes? Vous avez dit qu'elles devraient avoir le choix d'être incarcérées dans un établissement fédéral. Ce sont des établissements pour hommes, de sorte qu'elles se retrouveraient dans une aile d'un établissement pour hommes. Est-ce la solution que vous proposez?

Mme Lisa Addario: Non, je ne dis pas qu'elles devraient être placées dans des établissements pour hommes, car cela équivaudrait à un isolement préventif. Ce n'est pas ce que je dis. Je dis qu'il serait préférable de pouvoir leur offrir des installations améliorées dans les établissements provinciaux.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à M. Grose.

• 1625

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je suis en accord avec pratiquement tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent, ce qui est assez inhabituel pour moi, comme n'importe qui pourrait vous le dire. C'est de loin le meilleur groupe que j'ai entendu.

J'aimerais essayer quelque chose de nouveau ici. Plutôt que de poser des questions sur des points mineurs ou souligner que certaines de leurs suggestions seraient difficiles à mettre en oeuvre à cause de l'attitude de la population—c'est notre problème—non pas le leur—, j'aimerais que Mme Toutant prétende que j'ai posé des questions sur les points qu'elle n'a pas eu le temps d'aborder, et qu'elle me donne le plus grand nombre de réponses possible.

Mme Cécile Toutant: Eh bien...

[Français]

Le président: Il vous reste six minutes.

Mme Cécile Toutant: J'ai l'impression d'être constamment minutée. J'ai beaucoup de peine pour vous, au gouvernement; votre vie n'est pas drôle.

J'aimerais parler de la libération d'office et vous donner quelques statistiques. Au cours des dernières années, un plus grand nombre de détenus ont atteint la date de la libération d'office sans être sortis une seule fois. Depuis 1993-1994, il y a eu un accroissement de 37 p. 100 du nombre de ces personnes. Actuellement, six détenus sur dix ne sortent qu'au moment de la libération d'office, sans avoir pu bénéficier d'un congé avant cette date. Ils n'ont donc bénéficié d'aucun programme en vue de leur retour dans la communauté.

On pourrait se dire qu'on les libère uniquement lorsqu'on est presque obligé de le faire. On a constaté que leur taux de récidive n'était pas plus élevé que celui de ceux qui ont bénéficié d'une libération conditionnelle ordinaire. Par contre, ils ont dû retourner plus souvent en institution parce qu'ils devaient répondre à des accusations techniques; ils ne commettaient pas nécessairement un délit, mais ils ne respectaient pas certaines conditions de leur libération. Je crois qu'on pourrait dire que les délinquants de cette catégorie énervent sûrement ceux qui les supervisent parce que, la plupart du temps, ils ne collaborent pas comme on le souhaiterait. On est tellement prudent avec eux qu'on les retourne en institution bien avant qu'ils n'aient commis un délit. Le taux de récidive n'est donc pas plus élevé, mais on exige plus souvent leur retour en institution à cause d'un bris de conditions.

L'assignation à résidence des personnes libérées d'office inquiète l'Association canadienne de justice pénale et mériterait, semble-t-il, d'être abolie. Nous souhaitons cette abolition et nous espérons que le Service correctionnel consacrera davantage d'énergie à la planification de programmes sachant répondre aux besoins des détenus qui ont une libération d'office. En faisant d'excellentes études sur le profil de leurs détenus, on pourrait peut-être leur offrir des modalités différentes de sortie et les libérer de façon plus graduelle plutôt que de les faire attendre au moment de la libération d'office.

Nous croyons que les dispositions de la loi relatives à l'isolement préventif devraient être modifiées afin qu'on puisse mettre en oeuvre un projet-pilote qui permettrait aux détenus de faire appel à un arbitre indépendant dans les cas d'isolement non volontaire. Nous recommandons de plus que cet arbitre soit nommé par un organisme autre que le Service correctionnel du Canada, faute de quoi la nomination serait susceptible d'engendrer un conflit d'intérêts.

La question de l'examen d'échantillons d'urine est à la fois une question de santé et de respect de la loi. Le Service correctionnel du Canada se met en position de respecter son mandat et de viser l'idéal de la réinsertion sociale.

• 1630

Le risque de récidive qu'entraîne la consommation de drogue par un contrevenant doit toujours, selon notre association, être évalué sur une base individuelle. Par exemple, si vous me permettez de faire allusion à une caricature, je vous dirai qu'il est très possible qu'un délinquant consomme de la marijuana avec sa femme en soupant, que son test d'urine donne un résultat positif et qu'il n'y ait aucun lien entre cette consommation et le risque qu'il commette un délit. L'Association canadienne de justice pénale croit que lorsqu'on obtient des résultats positifs, on devrait analyser la consommation en fonction des problèmes que l'individu présente et déterminer si le fait que cette personne a fumé de la marijuana comporte un danger et la poussera à récidiver. Devrait-on lui dire tout simplement de faire attention ou la ramener en institution? Il faut analyser la situation de chaque personne et ne pas rendre des jugements automatiques.

Le président: Madame, je suis obligé de vous interrompre.

[Traduction]

Sept minutes...

M. Ivan Grose: Merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions fantômes.

Merci, monsieur le président.

M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup, madame Mandell, de nous avoir présenté ce mémoire détaillé; j'aimerais commencer par ce que vous dites à la fin de votre mémoire. Vous faites une observation intéressante, du moins à mes yeux, à la page 13:

    J'aimerais dire au sous-comité que bon nombre des problèmes dont j'ai parlé aujourd'hui ne sont pas des problèmes liés à la mise en oeuvre. Ce sont des problèmes liés à la loi.

Avez-vous eu l'occasion de participer aux consultations du ministère du Solliciteur général avant qu'il publie son rapport sur les consultations?

Mme Charlene Mandell: Oui.

M. Tom Wappel: Vous avez sans aucun doute fait les mêmes observations que vous avez faites ici aujourd'hui.

Mme Charlene Mandell: En fait, les consultations étaient très différentes, mais les commentaires au sujet des audiences disciplinaires, oui... je ne sais pas si nous avons réellement abordé la question des transfèrements imposés, et je n'ai pas fait le commentaire au sujet de la libération conditionnelle totale pour expulsion, car, en réalité, j'y ai pensé après.

Quant à ma suggestion au sujet de la procédure d'examen expéditif, qui est peut-être une suggestion mineure et qui consiste essentiellement à prévoir dans la loi des dispositions permettant aux délinquants de reporter leur procédure d'examen expéditif s'ils le souhaitent, la raison pour laquelle je fais cette suggestion, c'est que jusqu'à tout récemment, la Commission des libérations conditionnelles ne permettait pas à un délinquant qui le souhaitait de reporter sa procédure d'examen expéditif, que ce soit pour la libération conditionnelle totale ou pour la semi-liberté, même s'il devait suivre un programme, ou autre. Donc pour certains, c'était oui, et pour d'autres, c'était non.

M. Tom Wappel: La question que je pose est la suivante. Ont-ils, à votre satisfaction, identifié dans ce rapport sur les consultations la minorité des questions qui étaient des problèmes inhérents à la loi?

Mme Charlene Mandell: Non, je ne crois pas qu'ils l'aient fait.

M. Tom Wappel: Très bien, c'est ce que je voulais savoir. Merci.

Pourrions-nous maintenant aborder la question dont vous venez tout juste de parler, la libération conditionnelle pour expulsion. C'est très intéressant, à la page 11: «Bon nombre de délinquants faisant l'objet d'une ordonnance d'expulsion demandent la libération conditionnelle totale pour expulsion.» Est-ce un terme technique?

Mme Charlene Mandell: La libération conditionnelle totale pour expulsion? En quelque sorte, oui.

M. Tom Wappel: Car il n'y a rien dans la loi qui permette...

Mme Charlene Mandell: Non.

M. Tom Wappel: Donc essentiellement, les délinquants savent qu'ils seront expulsés, ils veulent sortir de prison, ils demandent une libération conditionnelle totale. La Commission nationale des libérations conditionnelles ferme les yeux, les laisse sortir, l'Immigration vient les chercher et les expulse du pays. N'est-ce pas ce qui se produit en réalité?

Mme Charlene Mandell: Non, ce n'est pas ce qui se produit du tout.

M. Tom Wappel: Eh bien, dites-nous ce qui se produit.

Mme Charlene Mandell: D'après notre expérience du projet—car nous représentons des gens qui ont fait une demande de libération conditionnelle totale pour expulsion—, tout d'abord, si une personne fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion, jusqu'à tout récemment, cette personne ne pouvait être considérée pour la semi-liberté ou même pour une libération conditionnelle totale par la Commission nationale des libérations conditionnelles au Canada. Il y a eu un cas récemment; je n'ai pas eu l'occasion de le lire, mais cela pourrait changer la situation. Il ne faut pas y penser, dans le cas d'une ordonnance d'expulsion—la personne n'obtiendra pas la semi-liberté.

M. Tom Wappel: Je parle de la libération conditionnelle totale.

Mme Charlene Mandell: Les personnes qui sont sous le coup d'une ordonnance d'expulsion n'ont pas d'autre choix que de demander une libération conditionnelle totale pour expulsion. Elles ne peuvent obtenir de libération conditionnelle totale au Canada, de sorte qu'elles demandent une libération conditionnelle totale pour expulsion...

• 1635

M. Tom Wappel: Excusez-moi. Elles obtiennent une libération conditionnelle totale au Canada. Dès qu'elles sortent de l'établissement, l'Immigration vient les chercher et les expulse. Elles n'obtiennent pas une libération conditionnelle totale pour un autre pays.

Mme Charlene Mandell: Si. C'est ce en quoi consiste la décision. Il doit y avoir une ordonnance d'expulsion et il doit y avoir un pays qui accepte de les prendre. La décision est une décision de libération conditionnelle totale pour expulsion.

M. Tom Wappel: Vous ne croyez pas qu'il s'agit d'une situation administrative où la Commission nationale des libérations conditionnelles travaille en collaboration avec les autorités de l'Immigration pour s'assurer que lorsqu'une personne sort de prison, il y a un endroit où on peut l'expulser si elle est sous le coup d'une ordonnance d'expulsion?

Mme Charlene Mandell: Certainement, mais ce que la commission fait lors de ces audiences... on ne leur accorde pas automatiquement une libération conditionnelle totale pour expulsion parce qu'elles sont sous le coup d'une ordonnance d'exportation; on fait une évaluation. On examine l'article 102 de la loi et on essaie d'établir s'il y aura un risque... Je me demande comment on peut évaluer le risque en Éthiopie lorsqu'on ne le connaît pas.

M. Tom Wappel: Madame, vous avez fait valoir votre point de vue. Je le comprends. Ce que j'ai dit, c'est que la Commission nationale des libérations conditionnelles ne tient pas compte de l'article 102 car, vous avez tout à fait raison...

Mme Charlene Mandell: Si, elle le fait. J'ai assisté à de telles audiences, mes étudiants y ont assisté, et ce qu'ils disent, c'est qu'ils doivent appliquer l'article 102 de la loi dans ces cas.

M. Tom Wappel: Ce que vous suggérez, alors, c'est qu'on ajoute «c) aux fins d'une expulsion»?

Mme Charlene Mandell: Ce que je suggère, c'est que l'on ajoute quelque chose comme «peut accorder aux fins d'une libération conditionnelle totale pour expulsion», et si vous voulez inclure un critère selon lequel c'est une bonne idée sur le plan financier, ou lorsqu'il y a eu suffisamment de dénonciation... ou autre chose, de sorte qu'ils ne sont pas obligés d'accomplir cette tâche impossible.

M. Tom Wappel: Donc, pour corriger l'anomalie... je comprends. Vous recommanderiez donc un motif additionnel dont la Commission nationale des libérations conditionnelles pourrait tenir compte dans le cas des expulsions.

Mme Charlene Mandell: Exactement.

M. Tom Wappel: Très bien, compris. À la page 12, la libération d'office. Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire. Si je comprends bien le paragraphe 133 (4.1), c'est en quelque sorte un étoffement du paragraphe 3, n'est-ce pas?

Mme Charlene Mandell: Si j'ai bien compris le paragraphe 133(4.1), il s'agit d'une nouvelle disposition. Cette disposition n'existait pas dans la loi il y a cinq ans; elle a été ajoutée lorsque la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été modifiée. Ce paragraphe prévoit une disposition permettant d'imposer comme condition de libération d'office que le délinquant réside dans une maison de transition ou dans un centre psychiatrique.

M. Tom Wappel: C'est ce que ce paragraphe dit. Ma question, c'est que le paragraphe (3) leur permet d'imposer les conditions qu'ils veulent.

Mme Charlene Mandell: Sauf qu'ils n'étaient pas d'avis qu'ils pouvaient imposer une assignation à résidence conformément au paragraphe (3), et c'est pourquoi le paragraphe (4.1) a été ajouté lors de la modification de la loi.

M. Tom Wappel: C'est tout simplement pour être plus prudent, n'est-ce pas? Si j'ai bien compris le paragraphe 3, toute condition que la commission juge raisonnable dans le cas d'une libération conditionnelle ou d'office ou d'une permission de sortir sans escorte... Le libellé ne pourrait pas être plus général.

Mme Charlene Mandell: Non, mais je pense qu'il faut lire le paragraphe (4). C'est là où il y a une restriction, car le paragraphe (4) dit:

    Si elle estime que les circonstances le justifient, l'autorité compétente peut ordonner que le délinquant, à titre de condition de sa libération conditionnelle ou d'une permission de sortir sans escorte

—et on ne parle pas de libération d'office—

    demeure dans un établissement résidentiel communautaire.

M. Tom Wappel: Oui.

Mme Charlene Mandell: Donc, je pense, à la lecture des paragraphes (3) et (4) ensemble, qu'on doit supposer que la libération d'office n'est pas comprise au paragraphe (4); par conséquent, ils ne peuvent imposer une assignation à résidence, ils ont dû ajouter le paragraphe (4.1).

M. Tom Wappel: Ce n'est pas de cette façon que je le comprends. Ne convenez-vous pas avec moi que le paragraphe (3) serait suffisant pour que la Commission des libérations conditionnelles exige comme condition de la libération conditionnelle que la personne vive avec sa femme?

Mme Charlene Mandell: Comme condition de la libération conditionnelle, oui.

M. Tom Wappel: Dans vos réponses précédentes, vous disiez que ce n'était pas le cas.

Mme Charlene Mandell: Non, je disais qu'aux termes du paragraphe 3, on ne pouvait pas imposer comme condition d'une libération d'office qu'une personne demeure dans un établissement résidentiel communautaire, une maison de transition.

M. Tom Wappel: On pourrait imposer comme condition de libération d'office qu'elle vive avec sa femme, aux termes du paragraphe (3).

Mme Charlene Mandell: Oui, je pense que cela serait possible.

M. Tom Wappel: Bien sûr, absolument.

Mme Charlene Mandell: Mais pas que la personne demeure dans une maison de transition, à cause du paragraphe (4).

M. Tom Wappel: Cela n'est pas très logique, n'est-ce pas?

Mme Charlene Mandell: Je crois que c'est logique, car une maison de transition est un établissement. Sa femme ne vit pas dans un établissement. Donc, une maison de transition est un établissement, il y a le paragraphe (4) qui limite l'assignation à résidence dans une maison de transition aux libérations conditionnelles et aux permissions de sortir sans escorte. Jusqu'à ce que le paragraphe 4.1 soit ajouté à l'article 133, la Commission des libérations conditionnelles était également d'avis qu'elle ne pouvait imposer une assignation à résidence comme condition de la libération d'office.

• 1640

Le président: Merci, madame Mandell.

M. Tom Wappel: Monsieur le président, j'aurais des questions à poser aux autres témoins, lorsque mon tour reviendra.

Le président: Oui, d'accord.

M. Tom Wappel: Merci.

Le président: Nous allons maintenant passer à des interventions de trois minutes. Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Merci, monsieur le président. Puisque je n'ai que trois minutes, j'aurais une seule question à poser à Mme Toutant.

Contrairement à ce que mon collègue M. Grose a dit—et je ne peux me rappeler exactement de quelle façon il l'a dit—, à savoir que la question de perception de la part de la population était notre problème et que cela ne faisait pas partie de la loi, eh bien, je ne suis pas d'accord. Je ne suis pas d'accord car, en tant que législateur et représentant des gens qui habitent diverses régions et parties du Canada, je pense que la perception et l'acception de la part des Canadiens de ce que nous décidons sont primordiales.

Je m'associe sans réserve à ce que vous avez dit au sujet du fait qu'il fallait d'abord prévenir le crime; ensuite, si on ne réussit pas à le prévenir, qu'il fallait tout au moins assurer la réadaptation et la réintégration lorsque cela est possible, et le faire le plus discrètement possible; et enfin, à défaut d'un mot plus juste, un traitement plus sévère pour ceux qui ne respectent pas les règles du jeu, qui ne veulent pas coopérer, qui récidivent, etc.

J'aimerais vous demander comment, à votre avis, nous pouvons faire en sorte que les Canadiens aient une bonne perception de ce type de réadaptation et l'acceptent? Depuis que nous avons visité des prisons et rencontré un éventail de représentants allant des groupes de défense des droits des prisonniers aux groupes de défense des droits des victimes, mon point de vue a changé pour se rapprocher davantage du vôtre. Nous avons cependant toujours le même problème aujourd'hui.

J'ai lu un article au sujet de quelqu'un qui avait été reconnu coupable d'atteinte à la pudeur sur trois jeunes garçons et à qui on n'a imposé aucune peine d'emprisonnement. Les gens sont indignés lorsqu'ils voient cela. Comment pouvons-nous faire la part des choses et décider, d'une façon qui soit acceptable pour les gens, qui n'est pas emprisonné, qui va en prison, et qui est emprisonné pour longtemps? Comment pouvons-nous arriver à un juste équilibre que la population accepte tout en faisant en sorte que le système puisse fonctionner?

Mme Cécile Toutant: Je pensais justement que si je connaissais la réponse, je serais sans doute ici à votre place.

M. Jim Gouk: Vous pouvez prendre ma place; je veux me retirer.

[Français]

Mme Cécile Toutant: Je vais donner une réponse partielle et passer ensuite la parole à M. Braithwaite, parce que l'un des aspects qu'on n'a pas touchés aujourd'hui est celui du travail auprès du public.

J'émettrai une opinion, qui est davantage la mienne que celle de l'association. Beaucoup de sommes d'argent sont consacrées à modifier les lois. On s'imagine qu'on rassure ainsi le public. Je pense que, bien souvent, on se trompe. Il faut s'adresser au public et mieux l'informer de ce qui se passe vraiment dans nos institutions, de ce qui nous amène à faire certaines choses. Dans les journaux, on rend compte des décisions, mais on n'en donne pas toujours les motifs.

Je disais tout à l'heure qu'il serait important que les patrons des intervenants, qui prennent les décisions, les soutiennent quand il y a des coups durs. C'est au moment où il y a des coups durs qu'on peut davantage expliquer pourquoi on fait les choses de telle ou telle façon.

Le travail auprès du public et l'argent qu'on met à informer les gens de ce que l'on fait et des raisons pour lesquelles on le fait ne sont jamais perdus. Quand on est en contact avec le public, on se rend compte que même les victimes acceptent parfois ce que l'on fait quand elles comprennent pourquoi on le fait et quand elles s'aperçoivent qu'on les respecte. J'ai toujours été extrêmement surprise de le constater au cours de mon travail en milieu pénal, à l'Institut Pinel, où on a de nombreux contacts avec les victimes.

Je voudrais donner la parole à M. Braithwaite parce que je sais qu'il est très sensibilisé à la nécessité d'éduquer le public et d'intéresser le personnel du milieu correctionnel.

[Traduction]

M. John Braithwaite (ancien président, Association canadienne de justice pénale): Si vous me le permettez, j'aimerais tout simplement souligner que dans le mémoire que nous vous avons présenté, nous disons que la loi semble être une loi prometteuse et que la consultation actuelle l'améliorerait encore davantage. Cependant, on devrait mettre autant d'efforts et de ressources pour sensibiliser les Canadiens au contenu de la loi, à sa finalité et à la façon dont elle se traduit dans la pratique, que l'on a mis pour la création, la surveillance et l'évaluation de cette loi.

• 1645

Je suis tout à fait d'accord avec M. Grose et vous-même lorsque vous parlez du problème de perception de la part de la population, mais nous avons aussi d'excellentes occasions de faire quelque chose pour créer une perception plus juste.

Nous avons également fait beaucoup de travail, et notre association l'a appuyé, auprès des condamnés à perpétuité, dans le cadre d'un concept qui s'appelle «Life Line». Je crois que le 16 mars, deux condamnés à perpétuité, René Durocher du Manitoba et Glenn Flett de la région du Pacifique, sont venus faire un exposé à votre comité au sujet du concept de Life Line. Ils ont comparu devant le comité permanent relativement au projet de loi C-251.

Le président: Pour votre gouverne, le sous-comité était en déplacement, de sorte que c'est le comité permanent qui a entendu ce témoignage. Nous aurons cependant accès à cette information également.

M. John Braithwaite: C'est bien.

Je cite donc cet exemple de deux condamnés à perpétuité parmi les quelque 3 442 condamnés à perpétuité qui relèvent du Service correctionnel du Canada et qui se sont réintégrés dans la collectivité. Ils se sont réintégrés avec succès, et ils sont revenus travailler avec des condamnés à perpétuité qui sont toujours dans des établissements afin de les aider à se motiver pour travailler avec les organismes communautaires pour établir davantage de ressources permettant de réintégrer avec succès les délinquants dans la collectivité—et chacun de ces organismes avec lesquels ils travaillent à un conseil communautaire—et, enfin, pour s'engager à faire en sorte que la population comprenne mieux le système de justice pénale et le processus correctionnel. Lorsque des gens comme eux transmettent le message au sujet de ce qui est efficace dans le domaine de la justice pénale, cela a un impact extraordinaire sur la population.

Le président: Merci, monsieur Braithwaite.

[Français]

Monsieur Saada, vous avez trois minutes.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Avant d'aller plus loin, je tiens à dire que j'ai assisté à la séance du comité de la justice au cours de laquelle ces deux personnes ont comparu, et effectivement, pour moi, c'était quelque chose d'évident. J'allais dire à mes collègues que pour transmettre un message à la population, il ne s'agit pas de demander aux politiciens de lui expliquer les choses, mais plutôt d'utiliser les gens qui ont su tirer parti de ce que le système avait à offrir et qui aident d'autres personnes à profiter de leur expérience. C'est la meilleure façon pour nous de faire passer le message.

M. John Braithwaite: Je ne sais pas si cela est possible, mais j'aimerais humblement suggérer que lors des délibérations futures de votre comité sur des questions comme celle-ci, vous songiez à inviter ce genre de personnes à comparaître comme témoins. Merci.

[Français]

M. Jacques Saada: J'aimerais revenir sur des remarques que vous avez faites, madame Toutant, non pas sur le plan technique mais sur un plan plus fondamental, plus philosophique. Vous avez dit que l'association se sentait très mal à l'aise et que les automatismes la dérangeaient beaucoup.

D'un autre côté, vous avez dit que le taux de réussite de la semi-liberté, par exemple, était très élevé. J'ai cru comprendre que vous vouliez encourager un recours plus large à cette semi-liberté. Si cela marche, n'est-ce pas aussi imputable au fait que les gens choisis pour y avoir accès sont bien choisis? Si on élargissait ce choix, est-ce qu'on ne risquerait pas de diminuer le taux de réussite? Remarquez que je n'ai pas la réponse à cette question.

Mme Cécile Toutant: Je pense que vous dites un peu la même chose que nous. Oui, la semi-liberté fonctionne. Ce que nous suggérons, c'est qu'on modifie le régime actuel. On constate que la semi-liberté est accordée trop tard, seulement au moment de la libération totale. Elle pourrait être accordée beaucoup plus tôt.

• 1650

La question demeure. On a un taux de succès très élevé et c'est parfait. Pourrait-on maintenant se demander si tous ceux qu'on envoie en semi-liberté ont besoin d'être maintenus dans des maisons de transition ou dans des centres? Est-ce que certains ne pourraient pas vivre chez eux? Est-ce qu'on pourrait la donner plus tôt? Est-ce qu'on n'est pas trop prudents?

La question qu'on se pose constamment, c'est de savoir, étant donné que cela fonctionne, si on ne pourrait pas étendre ce processus en l'accordant plus tôt ou en se demandant si certains des individus qui sont gardés là ont vraiment besoin d'être là. Est-ce qu'ils auraient pu réussir tout aussi bien en retournant directement chez eux, avec leur famille?

On ne pourra répondre à ces questions qu'après avoir tenté des expériences. Il faut qu'on puisse dire que cela a marché avec certains et donc que ça peut aller.

M. Jacques Saada: Je ne veux pas pousser trop loin le parallèle que me servent certains de mes commettants, avec qui je parle beaucoup de cela. On me dit que quand la Ligne nationale de hockey avait six équipes, les joueurs qui en faisaient partie étaient tous de qualité, mais que quand on a augmenté le nombre d'équipes et qu'on y a fait entrer plus de personnes, la qualité s'est diluée. J'ai un peu de mal à briser ce parallèle qu'on me présente pour faire valoir qu'en élargissant trop un mécanisme, on risque d'en détruire le succès.

C'est pourquoi je vous ai posé cette question tout à l'heure. Je n'ai pas la réponse; je pense qu'on n'a pas la réponse.

Mme Cécile Toutant: Ce qui nous inquiète beaucoup, et je l'avais mentionné, c'est qu'il faut quand même se rappeler que six détenus sur dix arrivent à la libération d'office sans avoir participé à un seul de ces programmes-là.

M. Jacques Saada: Je comprends.

Mme Cécile Toutant: Il faut se dire qu'on est peut-être trop sévères ou trop prudents. Si on connaissait mieux nos détenus et les programmes qui existent, est-ce qu'on ne pourrait pas élargir cela?

La notion des automatismes, c'est autre chose. L'automatisme consiste à prendre des décisions à des dates précises.

M. Jacques Saada: J'en arrive justement à cette question.

Si j'ai bien compris votre intervention, il y a des choses qui vous gênent dans toute la série des échéances prévues: le sixième, le tiers, la moitié, les deux tiers et ainsi de suite. Est-ce que ces choses empêchent de pratiquer ce que vous recommandez, soit une plus grande souplesse?

Mme Cécile Toutant: Je dirais que notre position en est une de souplesse basée sur la connaissance des cas et non pas seulement sur l'infraction.

Je pense que vous savez aussi bien que nous que l'automatisme des échéances, qui a été appliqué à un moment donné à ceux qui n'avaient pas commis de délit violent, constituait une attrape; c'est un peu comme si la loi pensait à la place des gens qui connaissent les détenus.

L'association canadienne et moi pensons qu'il faut absolument laisser les gens réfléchir et non pas croire qu'on va régler tous les problèmes au moyen d'une loi. Quand on définit un mécanisme automatique par lequel on libère au sixième de leur peine tous ceux qui n'ont pas commis de délit violent, il faut faire attention. Dans ce groupe-là, il y a peut-être des gens qu'on ne veut pas libérer.

Ce n'est pas seulement l'infraction qui compte, mais aussi la personne. Il faut avoir une certaine latitude pour tenir compte des individus.

Le président: Merci, madame.

[Traduction]

Monsieur Wappel, vous aviez d'autres questions à poser aux autres témoins.

M. Tom Wappel: Merci.

Ma question s'adresse à l'Association canadienne de justice pénale. À la page 12 de votre mémoire détaillé, vous parlez de la procédure d'examen expéditif. Vous dites que pour la procédure d'examen expéditif «... le taux de récidive est deux fois plus élevé que celui des gens en libération conditionnelle totale...». Vous citez un rapport et donnez un numéro de page. Cette attestation était là pour appuyer cette phrase ou la phrase qui suit? Je pense qu'il s'agit là d'une statistique très convaincante, le fait qu'il y ait un taux de récidive deux fois plus élevé par rapport aux autres gens en libération conditionnelle, et j'aimerais savoir d'où vous tenez ces renseignements. Je vous demanderais de vous reporter en haut de la page 11 dans la version anglaise.

• 1655

Mme Cécile Toutant: Je suis désolée, mais j'ai la version française. Vous dites que c'est en haut de la page 11 dans la version anglaise.

M. Tom Wappel: Oui.

Mme Cécile Toutant: Cela vient de la Commission nationale des libérations conditionnelles, je crois.

[Français]

M. Tom Wappel: C'est la même chose en français, à la page 11.

[Traduction]

M. John Braithwaite: Je crois que nous avons la citation. C'est tiré du rapport de surveillance du rendement de la Commission nationale des libérations conditionnelles de 1997-1998. Il s'agit d'un rapport officiel de la commission, et il est possible de l'obtenir.

M. Tom Wappel: Je ne veux pas être tatillon, mais j'aimerais avoir ces renseignements. Je croyais qu'étant donné que c'était en italique, cela concernait ce qui avait été mis en italique, et non pas la phrase précédente. Si vous avez des statistiques qui montrent que pour la procédure d'examen expéditif le taux de récidive est deux fois plus élevé que celui des gens en libération conditionnelle totale, j'aimerais voir ces chiffres, et il serait important pour le comité d'avoir ces renseignements. Je vous en fais donc la demande. Si vous pouviez trouver cela, nous vous saurions gré de bien vouloir nous les fournir.

Mais vous n'êtes pas les seuls à nous dire que la PEE doit être abolie comme forme de mise en liberté présomptive. Je demanderais même à Mme Mandell, si j'ai 15 secondes, si elle est d'accord avec cela.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais maintenant passer à la dernière phrase du premier paragraphe de la page 16 de la version française, où vous dites: «... bon nombre des cas de LO actuellement assignés à résidence pourraient être surveillés autrement et de manière tout aussi sécuritaire.» Cette phrase est tellement générale, tellement peu précise. Combien de cas de libération d'office et de quel genre de surveillance sécuritaire s'agit-il? Pouvez-vous donner plus de détails au comité? C'est une déclaration tellement générale, n'est- ce pas?

Mme Cécile Toutant: Pouvez-vous répéter exactement où cela se trouve, monsieur?

M. Tom Wappel: Dans la version française, c'est au premier paragraphe de cette page.

Mme Cécile Toutant: Est-ce à la page 18?

M. Tom Wappel: C'est à la page 16. Ce que vous dites est peut- être vrai, mais c'est tellement général, sans quoi que ce soit à l'appui. Je vous demanderais seulement de nous donner certains cas auxquels vous songez et le genre de surveillance dont vous parlez pour appuyer ce que je considère comme étant un énoncé beaucoup trop général.

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur la question de l'analyse d'urine. Il ne me reste que deux questions, monsieur le président. J'aimerais que vous me disiez exactement...

Mme Cécile Toutant: Pouvons-nous répondre à votre dernière question maintenant?

M. Tom Wappel: Si vous avez la réponse.

Mme Cécile Toutant: Nous avons finalement trouvé la page dont vous parliez.

M. Paul Williams (ex-président, Association canadienne de justice pénale): La seule chose que je voulais dire, c'est que nos objections à la PEE et à la LO sont en quelque sorte semblables, et la raison, c'est qu'il s'agit d'une mise en liberté en quelque sorte automatique, tant pour la libération d'office que pour la PEE. Voilà donc d'où vient notre argumentation.

M. Tom Wappel: Mais ce que vous dites là concerne l'assignation à résidence, non pas la LO ni la PEE. Ces observations portent sur l'assignation à résidence.

M. Paul Williams: Excusez-moi, je croyais que vous parliez de la libération d'office. Je n'avais pas le document sous les yeux.

M. Tom Wappel: D'accord. Je n'ai que 30 secondes, et le président est très strict dans son application des règles.

À votre avis, en quoi le fait d'exiger un échantillon d'urine constitue-t-il une ingérence? Qu'est-ce qui fait que c'est une ingérence, à votre avis? Vous n'avez pas à m'expliquer pourquoi une fouille des cavités corporelles est envahissante. Mais pourquoi le fait de donner un échantillon d'urine le serait-il? C'est ce que vous laissez entendre; alors, pourriez-vous m'expliquer pourquoi? Les gardiens se tiennent-ils à six pouces du détenu pendant qu'il urine—je suis sérieux, je veux vraiment savoir—ou est-ce qu'ils donnent tout simplement le flacon au détenu et lui demandent de fournir un échantillon d'urine? Si tel est le cas, pourquoi agissent-ils ainsi? Si le détenu dilue son urine, on continuera de lui demander un échantillon d'urine jusqu'à ce qu'il en donne un qui soit jugé acceptable, je présume.

Mme Charlene Mandell: Peut-être pourrais-je répondre. Il faut en effet donner l'échantillon d'urine sous les yeux des gardiens. Ceux-ci ne sont peut-être pas à six pouces du détenu, mais ils le surveillent. C'est en effet une procédure envahissante.

M. John Braithwaite: Et on doit fournir l'échantillon sur demande.

• 1700

Mme Charlene Mandell: Oui, et sur place.

M. Tom Wappel: Je présume qu'on agit ainsi parce que le détenu pourrait diluer son urine, la jeter dans la toilette, ou autre chose de ce genre.

Mme Charlene Mandell: Ou remettre ensuite l'urine de quelqu'un d'autre.

M. Tom Wappel: Mais il ne pourrait donner l'urine de quelqu'un d'autre si les seules personnes présentes dans la pièce sont le détenu et le gardien.

Mme Charlene Mandell: Non, mais c'est justement pour cela qu'on surveille le détenu. On le surveille probablement pour ces raisons, mais on le surveille, et c'est difficile pour certains. Nous avons des clients qui ont des problèmes de santé, qui souffrent, par exemple, de paralysie de la vessie et pour qui c'est difficile.

M. Tom Wappel: Je comprends cela. Serait-ce aussi envahissant de prendre un cheveu de la tête de quelqu'un, ou devons-nous attendre que des cheveux tombent? Qui voudrait répondre?

Mme Charlene Mandell: J'estime que le prélèvement d'un échantillon, que ce soit de sang ou d'urine, constitue une ingérence, mais il est évident que le prélèvement d'un échantillon de sang ou de cheveux n'est pas aussi embarrassant que de devoir uriner devant quelqu'un.

M. Tom Wappel: Je vois.

Ma dernière remarque porte sur la page 33, où vous décrivez quelque chose d'intéressant... Soit dit en passant, très peu de gens nous ont parlé de l'enquêteur correctionnel; seuls quelques- uns l'ont fait. La plupart d'entre eux ont recommandé qu'il relève directement du Parlement. Nous en avions discuté alors. Vous décrivez une procédure spéciale, plutôt intéressante, qui, espérez- vous, donnera plus de mordant à l'enquêteur correctionnel. J'en conclus donc que vous estimez qu'il n'a pas grand pouvoir, n'est-ce pas?

Mme Cécile Toutant: Je crois qu'il estime lui-même qu'il n'a pas grand pouvoir, ou, du moins, c'est ce qu'on estime à son bureau.

M. Tom Wappel: Il nous dira lui-même si tel est le cas. Mais vous, vous êtes d'avis qu'il a peu de mordant...

Mme Cécile Toutant: En effet.

M. Tom Wappel: ... et ce serait donc une bonne façon de lui donner un peu plus de pouvoir sans pour autant que cela se fasse au détriment du ministère du Solliciteur général, qui préférerait le statu quo. Est-ce ce que vous suggérez?

[Français]

Mme Cécile Toutant: Je voudrais résumer notre position. C'est une partie que je ne vous avais pas donnée tout à l'heure. Effectivement, le Bureau de l'enquêteur correctionnel semble faire à répétition des plaintes ou des demandes de correctifs. Elles sont déposées et il n'y a jamais d'actions de prises. Au fond, c'est une suggestion. Il pourrait y en avoir d'autres, mais c'en est une qui permettrait d'obtenir une action correctrice dans un délai raisonnable.

Nous avons aussi fait ces remarques à d'autres niveaux. À certains moments, des recommandations sont faites, mais on n'y donne jamais suite. On refait les mêmes recommandations année après année. On se dit donc qu'il faudrait un mécanisme par lequel on pourrait s'affirmer et demander qu'on passe à l'action dans tel laps de temps. Quel serait ce mécanisme? Nous en avons recommandé un qui pourrait sans doute fonctionner.

Le président: Merci, madame. Monsieur Wappel, merci beaucoup.

[Traduction]

M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Saada, une dernière question très courte.

M. Jacques Saada: Peut-être que mon collègue Wappel pourra nous aider. Est-ce que la question du caractère intrusif d'une intervention est liée à la présence d'une autre personne ou si cela a plutôt trait à la définition qu'avait donné la Cour suprême de ce qu'on pouvait faire pour le test d'ADN, à savoir que toute image du corps n'est pas intrusive?

Le président: C'est une question sur laquelle on pourra se pencher en rédigeant notre rapport. Aujourd'hui, nous avons des témoins.

M. Jacques Saada: Le pourcentage dont vous parliez tout à l'heure m'intrigue beaucoup: le taux de récidive est de 50 p. 100 plus élevé dans les cas d'APR. J'ai ici des chiffres qui indiquent que le taux de réussite... Je vais le lire en anglais, parce que c'est écrit en anglais.

[Traduction]

Vous dites que la libération conditionnelle totale accordée dans le cadre de la procédure d'examen expéditif a un taux de succès de 85 p. 100 pour le reliquat de la peine, n'est-ce pas? Je ne comprends pas; est-ce 50 p. 100 ou plus? S'agit-il ici de la vie entière des ex-détenus, ou parlez-vous du reliquat de la peine? Cela ne concorde pas, si je regarde les chiffres qui sont ici, et cela provient du document sur lequel nous avons fondé notre réflexion.

[Français]

Mme Cécile Toutant: Je ne sais pas si M. St-Jean pourrait ajouter quelque chose là-dessus ou sur la source des statistiques. Je pourrais difficilement répondre à cela.

• 1705

[Traduction]

M. Gaston St-Jean (directeur exécutif, Association canadienne de justice pénale): C'est une citation textuelle de la commission d'examen du rendement.

[Français]

Le président: Monsieur St-Jean, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. Gaston St-Jean: Gaston St-Jean, Association canadienne de justice pénale.

Mme Cécile Toutant: C'est notre directeur général.

M. Gaston St-Jean: La citation dont vous parliez tout à l'heure est tirée de la performance evaluation, ou quelque chose d'approchant, de la Commission nationale des libérations conditionnelles. C'est cité au texte. Vous pouvez obtenir le rapport directement de la commission.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Saada.

[Traduction]

Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Plus précisément, monsieur Braithwaite, je crois savoir que vous êtes un innovateur et un expert de la justice réparatrice. Je me demandais si vous...

M. John Braithwaite: Avant que vous nous mettiez tous les deux dans l'embarras, je précise que je suis le John Braithwaite canadien; je crois que vous faites allusion à mon homonyme australien.

Le président: Je vois.

M. John Braithwaite: Merci.

Le président: Nous allons alors vous remercie.

Je remercie encore les témoins. Nous faisons une pause de cinq minutes pour permettre aux témoins suivants de prendre place. Merci encore.

• 1706




• 1713

Le président: Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons deux nouveaux témoins: de l'Association des avocats et avocates en droit carcéral, Me Stephen Fineberg; et de l'Aboriginal Legal Services of Toronto, Carol Montagnes. Je crois savoir que vous avez déjà tenté de venir témoigner. Nous sommes heureux de constater que vous avez pris le train cette fois-ci et que vous êtes bien arrivés.

Peut-être pourrions-nous d'abord entendre les remarques préliminaires de Me Fineberg, qui aura dix minutes pour ce faire, puis nous entendrons Mme Montagnes. Il y aura ensuite une période de questions.

M. Stephen Fineberg (président, Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec): Merci, monsieur le président. Je représente l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec. Notre organisation se compose d'avocats québécois qui pratiquent surtout le droit carcéral et qui, par conséquent, connaissent bien les lois, les règlements, les politiques et les programmes traitant des affaires correctionnelles. Notre association a été fondée en 1992, et, depuis, nous avons eu plusieurs occasions de témoigner devant des comités fédéraux et provinciaux, et nous sommes heureux de le faire de nouveau aujourd'hui. J'ai dû compter sur la collaboration de votre greffier pour trouver un moment qui nous convenait, et je suis heureux d'être ici.

• 1715

Pour ma part, je travaille dans le domaine carcéral à temps plein depuis 1982. Actuellement, je suis président de notre association. L'association m'a chargé de rédiger le mémoire et de vous le présenter en personne, ce qui signifie que les remarques que je ferai n'ont pas été officiellement approuvées ni améliorées par l'association. Je suis toutefois autorisé à vous faire part de ce qui, à mon avis, traduit l'expérience des avocats en droit carcéral qui travaillent au Québec.

En ce concerne le mémoire, je dois vous présenter mes excuses. J'ai déployé de grands efforts pour y mettre la touche finale aujourd'hui. Il n'est toutefois pas terminé, mais il le sera bientôt. J'espère que vous prendrez le temps de le lire.

Je mentionnerai aussi que j'ai lu le rapport du comité sur l'emprisonnement et la libération de l'Association du Barreau canadien. Nous avons jugé que ce mémoire était très convaincant, ce qui n'est pas étonnant, compte tenu de l'expérience inégalée de cette équipe oeuvrant à l'extérieur du système. Parmi les groupes de gens ne faisant pas partie du système, il y en a peu qui soient plus engagés dans ce genre de processus que ne le sont les représentants de l'Association du Barreau canadien. Nous vous encourageons à examiner attentivement les recommandations contenues dans ce mémoire.

Avant de faire mes propres observations, je voudrais aussi donner mon appui à la première recommandation de l'Association du Barreau canadien, qui veut que les détenus puissent obtenir une réduction de la peine d'emprisonnement dans certains cas ou, à la place, une indemnité financière. Je vois déjà un membre du comité secouer la tête.

Pour ma part, j'estime que c'est une question bien fondée. Comme vous le savez, c'est la juge Louise Arbour qui en a fait la proposition la première dans son rapport d'enquête. L'Association du Barreau canadien donne suite à cette recommandation et, dans son mémoire, suggère des façons pratiques de mettre en oeuvre cette suggestion.

J'aurais du mal à m'opposer à cette proposition, d'autant plus qu'elle se fonde sur le principe selon lequel on doit respecter la peine que la cour avait l'intention d'imposer. C'est aussi simple que cela. Il faut un recours dans les cas où la peine a été rendue plus lourde que celle prévue par le tribunal, en raison du comportement de fonctionnaires, que ce soit par incompétence flagrante ou par mauvaise foi. Dans de tels cas, lorsque la peine qui est purgée n'est plus celle qui avait été envisagée par le juge, il faut une mesure permettant de rendre la peine conforme à l'intention du tribunal.

Il me semble que tous devraient appuyer cette recommandation. Après tout, nous respectons la règle de droit. Aucun Canadien, peu importe qu'il sympathise ou non avec les détenus, ne souhaite qu'on soit détenu illégalement dans notre pays. Personne ne voudrait que l'on purge des peines plus lourdes que celles prévues par la cour, plus lourdes que celles prévues par la loi.

Il s'agit de situations où la peine imposée par le tribunal, pour des raisons extraordinaires, n'a pas été respectée et est remplacée par autre chose. Pour que la peine redevienne ce qu'elle devait être, la juge Arbour propose une réduction de la durée de l'emprisonnement. Et si cela entraînait des risques pour le public, l'Association du Barreau canadien propose d'accorder une indemnité financière. Pour assurer le respect de la règle de droit et de l'autorité du tribunal et de son rôle, cette recommandation devrait être mise en oeuvre.

Une telle mesure est-elle nécessaire? Déjà, les événements qui ont donné lieu à la commission d'enquête de la juge Arbour prouvent que, parfois, une telle mesure est nécessaire. Je me suis moi-même occupé d'un autre cas, moins spectaculaire, qui témoigne néanmoins de la nécessité de ce genre de recours.

Un détenu du nom de Shawn Murray, que je peux nommer, car il fait l'objet d'une décision de la Cour fédérale qui est publique, se trouvait à l'unité spéciale de détention, à Québec. La Cour fédérale a jugé qu'il a été détenu inutilement à l'USD pendant deux ans. La Cour fédérale a employé le terme «arbitraires» pour caractériser les raisons invoquées par le service correctionnel pour le garder à l'USD deux ans de plus qu'il n'était nécessaire. La cour a jugé que le détenu avait mérité sinon le droit, du moins le privilège de sortir de l'unité spéciale de détention deux ans avant que le tribunal ne rende son jugement.

• 1720

Dans un tel cas, comment pouvez-vous réparer les dommages? Cet homme a vécu dans une unité spéciale de détention, soit le régime de détention le plus impitoyable du pays, deux ans de trop. Ce n'était pas là l'intention du tribunal à l'origine. Voilà pourquoi un recours extraordinaire est nécessaire. Certains diront que ces cas sont courants, d'autres qu'ils sont rares. Peu importe; ces cas existent et ils appellent une mesure extraordinaire.

J'ai pris note dans mon mémoire de toute une liste de questions différentes. Ce ne sont pas là des arguments servant à étayer une thèse plutôt qu'une autre. J'ai tenté de recenser à quels égards les règlements et politiques actuels sont déficients, sans égard pour l'affiliation politique ou la philosophie d'incarcération. À certains chapitres, les règlements sont tout simplement inefficaces. J'espère que, lorsque vous lirez le mémoire, vous serez d'accord avec moi au moins sur certains de ces points, que vous conviendrez comme moi que ce n'est pas ce qu'on avait à l'esprit en 1992 et qu'il est certainement possible de faire mieux.

Commençons par le classement des détenus selon le niveau de sécurité. Avant 1992, une seule autorité était chargée par la loi de transférer les détenus et de les classer selon leur niveau de sécurité. Autrement dit, avant 1992, votre niveau de sécurité dépendait du niveau de sécurité de l'établissement où vous étiez incarcéré. Depuis 1992, le niveau de sécurité individuel—le niveau de sécurité du détenu et de l'établissement—a été scindé en deux. Une autorité est chargée de classer les détenus selon leur niveau de sécurité, alors qu'une autre autorité s'occupe du niveau de sécurité des établissements, ce qui entraîne des incohérences. Cela ne fonctionne tout simplement pas, et cet aspect de la loi devrait être modifié.

C'est maintenant l'article 30 de la LSCMLSC qui traite de la cote de sécurité. Malheureusement, cet article ne précise pas si celui qui se voit assigner une cote de sécurité particulière par le directeur de l'établissement peut en toute légalité être incarcéré dans un établissement d'un autre niveau de sécurité. L'article 30 ne fait aucune allusion au niveau de sécurité des établissements, il ne traite que de la cote de sécurité des particuliers, et il est difficile de comprendre ce qu'on veut y dire. Différents employés du Service correctionnel en ont fait des interprétations différentes.

En conséquence, certains au sein du système croient qu'un détenu qui a la cote de sécurité moyenne peut être incarcéré dans un établissement à sécurité maximale. Certains croient que celui qui a une cote de sécurité moyenne peut être incarcéré dans un établissement à sécurité minimale. Lorsque le directeur de la prison abaisse votre cote de sécurité, il n'est pas clair si les autorités chargées du transfèrement doivent ensuite rendre une décision en conséquence. Personne ne sait si le détenu dont la cote de sécurité est minimale peut être transféré à un établissement à sécurité minimale si, par exemple, le programme que le Service correctionnel veut qu'il suive s'y donne.

Personne ne sait ce qu'il en est. Si vous posez la question à différents intervenants, vous obtenez des réponses différentes, et c'est absurde.

Il est aussi absurde de voir que le détenu à qui on impose un transfèrement doit d'abord faire l'objet d'un classement de sécurité par le directeur. La loi dit seulement que le directeur détermine la cote de sécurité. Si le directeur vous attribue la cote maximale, vous connaissez d'avance la décision que prendra l'autorité régionale de transfèrement. Elle vous enverra dans un établissement à sécurité maximale. Est-elle tenue de le faire par la loi? Comme je l'ai dit, personne ne le sait. Mais en pratique, une fois que le directeur hausse la cote de sécurité, les autorités de transfèrement rendent une décision en conséquence.

• 1725

Le problème, c'est que les détenus n'ont pas l'occasion de plaider leur cause et de répondre aux arguments du Service correctionnel une fois que la cote de sécurité a été attribuée. Tout cela se fait à l'insu des détenus. Du jour au lendemain, vous vous retrouvez avec la cote maximale. Puis on vous envoie au comité régional de transfèrement, et c'est là qu'on vous l'apprend. On vous informe des allégations et on vous donne 48 heures pour préparer votre réponse. Le comité régional de transfèrement étudie la réponse et rend une décision finale. Mais il est évident qu'il tient compte du fait que le directeur de la prison a modifié votre cote de sécurité avant même que vous ne sachiez quelles étaient les allégations, sans que vous ayez eu voix au chapitre. Cela n'a aucun sens.

Un avocat de la Colombie-Britannique m'a dit qu'il arrive à l'occasion qu'un comité régional de transfèrement ne suive pas automatiquement la décision prise par le directeur concernant la cote de sécurité. C'est peut-être vrai; je l'ignore. Au Québec, le comité régional de transfèrement s'estime lié par les décisions prises par les directeurs de prison concernant le classement selon le niveau de sécurité, décisions qui sont prises sans que les détenus en soient informés, sans qu'ils aient eu leur mot à dire. Cela n'a aucun sens.

Toute cette partie de la loi devrait être revue, non pas de façon à favoriser les prisonniers, non pas de façon à favoriser le public, non pas de façon à favoriser les victimes, mais parce que cela n'a aucun sens. Cela nous désavantage tous.

Le président: Je dois vous demander de résumer brièvement le reste de votre exposé. Vous voudrez peut-être employer le même truc que certains autres et faire vos autres remarques en réponse aux questions.

M. Stephen Fineberg: J'aurais bien d'autres observations à faire au sujet des affaires correctionnelles et de la libération conditionnelle. Ainsi, je pourrais vous dire que rien dans la loi ne permet l'existence des unités spéciales de détention. Si vous lisez la loi, vous verrez que les détenus peuvent être incarcérés dans des établissements à sécurité minimale, moyenne ou maximale, alors que l'unité spéciale de détention est une unité à sécurité super-maximale. Elle ne figure même pas dans la loi, mais des gens sont forcés d'y vivre même si c'est illégal.

Seul le directeur peut mettre un détenu en isolement. Alors, si vous estimez que l'unité de sécurité super-maximale est prévue par la loi, car elle permet l'isolement à temps plein, cette décision devrait relever du directeur, ce qui n'est pas le cas. C'est le Comité d'examen national, à Ottawa, qui prend cette décision, mais il n'est pas constitué de directeurs de prison. Qu'est-ce que ce comité? J'estime que votre comité devrait aussi se pencher sur cet aspect de la loi.

J'aurais bien d'autres remarques à faire. Elles figureront dans mon mémoire.

En ce qui concerne les libérations conditionnelles, je m'en tiendrai à une seule observation. La division d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles présente un problème particulier. Nombreux sont ceux qui estiment que la division d'appel n'a pas l'indépendance qu'il lui faut pour bien faire son travail. Au Québec, les membres de la commission sont choisis par le chef de la région du Québec et sont détachés à la division d'appel pour entendre les causes du Québec. Cela n'a aucun sens.

Cela signifie que si la région du Québec adopte certaines positions, et constate que ces décisions sont parfois annulées par la division d'appel, il lui suffit d'affecter à la division d'appel des commissaires qui rendront des décisions conformes à sa philosophie. En quoi la division d'appel est-elle indépendante? Pourtant, on ne peut se rendre à la Cour d'appel fédérale qu'une fois qu'on a épuisé tous les recours internes, y compris la division d'appel. Il faudrait repenser la division d'appel.

Le président: Merci, maître Fineberg. Nous avons bien hâte de recevoir votre mémoire.

Je cède maintenant la parole à Mme Montagnes.

Mme Carol Montagnes (vice-présidente, Aboriginal Legal Services of Toronto): Merci.

Bonjour, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Carol Montagnes. Je suis ici à titre d'administratrice de Aboriginal Legal Services of Toronto. Nous sommes heureux de pouvoir témoigner devant votre comité aujourd'hui.

Aboriginal Legal Services of Toronto est un organisme à but non lucratif constitué en vertu de la loi provinciale et dirigé par un conseil composé de membres de la collectivité. ALST a été créé pour répondre aux besoins juridiques de la collectivité autochtone de la ville de Toronto, qui, au nombre de 60 000 personnes environ, est la plus vaste collectivité autochtone urbaine au Canada. ALST a pour mandat d'aider la collectivité autochtone de Toronto à mieux se familiariser avec les questions liées à la justice.

ALST a mis sur pied trois programmes: le Community Council Project, le Aboriginal Court Worker Program et la Community Legal Clinic.

Le Community Council Project est un programme de déjudiciarisation destiné aux Autochtones adultes inculpés d'une infraction criminelle. Il consiste à retirer du système de justice pénale les délinquants autochtones et à les confier aux membres de leur propre collectivité. Les membres du CCP sont des hommes et femmes représentatifs de la collectivité autochtone de Toronto. Les audiences du CCP visent à déterminer la cause fondamentale des infractions et à décréter la meilleure façon d'amener le délinquant à assumer ses actes et à réintégrer la collectivité.

• 1730

Le Aboriginal Courtworker Program se compose de travailleurs sociaux chargés par les tribunaux d'aider les délinquants, leurs familles et les jeunes Autochtones. En fait, leur tâche consiste à venir en aide de multiples façons aux Autochtones pendant le déroulement d'un procès.

La Community Legal Clinic, financée par le Régime d'aide juridique de l'Ontario, offre des services de consultation juridique et de représentation dans de nombreux domaines du droit, notamment en ce qui a trait aux droits des locataires, à l'aide sociale, aux droits humains, à l'assurance-emploi, aux plaintes contre la police, à l'indemnisation des victimes d'actes criminels et aux questions relevant de la Loi sur les Indiens. La Community Legal Clinic a pour mandat la sensibilisation des Autochtones aux questions juridiques, la réforme de la loi et l'organisation de la collectivité.

C'est en Ontario que l'on compte le plus grand nombre d'Autochtones au Canada. Environ le cinquième d'entre eux y vivent.

Comme les autres citoyens, les Autochtones aspirent à vivre dans des collectivités paisibles. Si elles sont efficaces, les mesures correctives et les libérations conditionnelles contribuent à rendre les collectivités plus sûres par la réadaptation et la réintégration des délinquants.

Dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, il est fait spécifiquement mention à l'article 151(3) de la Commission nationale des libérations conditionnelles au regard des délinquants autochtones:

    Les directives établies en vertu du paragraphe (2)a) doivent respecter les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu'entre les sexes, et tenir compte des besoins propres aux femmes, aux Autochtones [...]

Conformément aux articles 80 à 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le Service correctionnel du Canada doit offrir des programmes et services pour répondre aux besoins des délinquants autochtones; permettre au ministre de prendre des dispositions pour que les collectivités autochtones s'occupent des délinquants autochtones et non autochtones et les prennent en charge; constituer un comité consultatif autochtone national; veiller à ce que les chefs spirituels autochtones soient traités à égalité de statut avec toute autre religion et chef religieux; et permettre à la collectivité autochtone de participer aux plans de libération conditionnelle des détenus dans leur collectivité.

Les recherches menées sur les délinquants autochtones sont unanimes sur les points suivants: les délinquants autochtones sont plus susceptibles que les délinquants non autochtones de purger leur sentence dans un établissement plutôt que sous surveillance dans leur collectivité; les délinquants autochtones sont plus susceptibles de renoncer à demander leur libération conditionnelle totale que les délinquants non autochtones; les délinquants autochtones sont moins susceptibles d'obtenir une libération conditionnelle totale; ils sont moins susceptibles de terminer leur période de surveillance dans la collectivité; et ils sont plus susceptibles de retourner en prison pour ne pas avoir respecté certaines conditions techniques de leur libération. Ces problèmes ne sont pas nouveaux.

Pour amorcer l'étude de ces questions, Aboriginal Legal Services of Toronto appuie les démarches suivantes, qui s'appliquent plus particulièrement à la région de l'Ontario: mieux sensibiliser les délinquants autochtones à la procédure de libération et aux conditions de mise en liberté afin qu'ils comprennent mieux les exigences et puissent mieux se préparer à leur mise en liberté; mieux sensibiliser les collectivités autochtones aux mêmes questions, afin qu'elles puissent être des participants informés et qu'elles sachent bien quelle forme peut prendre cette participation; mettre sur pied des séances de sensibilisation sur la culture des Autochtones à l'intention des membres de la Commission nationale des libérations conditionnelles afin que ceux-ci comprennent mieux les délinquants autochtones. Il serait aussi bon que davantage d'Autochtones siègent à la Commission nationale des libérations conditionnelles. En Ontario, la CNLC ne compte qu'un membre autochtone à temps partiel.

Nous croyons aussi qu'il faut mieux informer les membres de la commission sur les programmes autochtones afin qu'ils saisissent bien la valeur de ces programmes par comparaison avec les programmes de base mieux connus offerts dans les établissements correctionnels qui ne s'adressent pas aux Autochtones.

Nous estimons qu'il faut examiner les causes du non-respect par les Autochtones des conditions de libération conditionnelle.

• 1735

Nous appuyons l'idée d'élargir la section du Service correctionnel du Canada chargée des questions autochtones afin qu'elle puisse, premièrement, mettre sur pied des programmes et faire de la sensibilisation, et, deuxièmement, établir des relations de travail avec les organismes autochtones chargés de la justice et avec les collectivités autochtones. C'est particulièrement important pour l'application des articles 81 et 84 dans la région de l'Ontario.

Nous croyons qu'il faut établir un plan d'application de l'article 81, qui prévoit de confier le soin et la garde des délinquants aux collectivités autochtones. Un guide a été rédigé à l'intention des collectivités autochtones, mais il compte plus de 500 pages.

Nous préconisons aussi l'établissement d'un plan, conformément à l'article 84, qui permette aux collectivités de participer au processus de libération conditionnelle d'un délinquant et à son intégration au sein de la collectivité.

Notre dernière recommandation, mais non la moindre, c'est que l'on consulte davantage les comités consultatifs autochtones régionaux à propos des questions touchant les services correctionnels et les libérations conditionnelles. Nous faisons remarquer qu'en Ontario le Comité consultatif autochtone de l'Ontario s'est réuni une fois pendant l'année financière 1998- 1999.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Montagnes.

Je cède maintenant la parole à M. Gouk. Vous avez sept minutes.

M. Jim Gouk: Merci, monsieur le président.

J'aimerais d'abord expliquer aux témoins que je leur poserai à chacun une question avant de partir, ce que je ne fais pas par manque de respect pour eux. Je me suis cassé une dent il y a environ une demi-heure, et ma dent réclame des soins à grands cris.

Monsieur Fineberg, commençons par vous: vous prétendez que nous devrions libérer de façon anticipée certains détenus ou les indemniser financièrement s'ils ont été traités autrement que ne l'avaient prévu les tribunaux. Lorsque le tribunal impose une peine de prison de six ans, il n'impose pas une peine de trois ans dans un établissement à sécurité maximale, avec une période d'isolement de six mois suivie d'une période d'un an dans un établissement à sécurité moyenne, etc. J'ai du mal à comprendre comment on peut savoir que l'on ne respecte pas les voeux du tribunal.

Je voudrais reprendre aussi un exemple qui me chiffonne un peu: supposons qu'un tribunal condamne quelqu'un qui a commis un meurtre au premier degré à l'emprisonnement à vie sans qu'il y ait possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Prenez le cas de Paul Bernardo, qui pourra demander une mise en liberté anticipée après quinze ans d'emprisonnement. Je suis bien obligé de croire que ce n'est pas ce qu'avait en tête le tribunal. D'après vous, si j'interprète la situation littéralement, Paul Bernardo ne devrait pas avoir le droit de demander une libération anticipée parce que ce n'est pas ce à quoi l'a condamné le tribunal, et parce que nous devrions nous en tenir strictement à ce qu'avait prévu le tribunal.

Comment pouvez-vous interpréter à votre façon ce qu'avait prévu le tribunal, à la lumière d'autant d'anomalies?

M. Stephen Fineberg: Je suppose que le tribunal prévoyait que la personne condamnée devrait purger une peine de tant d'années, pas nécessairement en prison, mais en respectant la loi. Je suis convaincu que lorsque le tribunal impose une peine, il s'attend à ce que la loi soit respectée au regard du niveau de sécurité du détenu et au regard des droits, intérêts et privilèges du détenu. Lorsqu'il y a violation des droits et privilèges de l'individu, lorsque les magistrats qui sont censés présider à la peine imposée abusent de ses droits de façon précise, il est clair que la volonté du tribunal n'est pas respectée. Il saute aux yeux que ce n'était pas là l'objectif du tribunal.

Autrement dit, le tribunal ne peut savoir qu'un détenu devrait passer telle partie de sa peine dans un établissement à sécurité minimale. À mon avis, ce que présume le tribunal, c'est que le détenu qui doit purger sa peine dans un établissement à sécurité minimale se trouvera dans cet établissement à sécurité minimale et que celui qui doit purger une peine de détention dans un établissement à sécurité renforcée sera détenu dans un établissement de ce genre. Par conséquent, si un détenu purge sa peine dans un établissement à sécurité renforcée alors qu'il ne devrait pas y être et que c'est par la faute des représentants du gouvernement, j'affirme que l'on contrevient aux intentions du tribunal et que celui-ci s'attend à ce que la loi soit respectée.

M. Jim Gouk: Je vous ai bien entendu. Vous ne m'avez pas convaincu, mais j'ai bien saisi ce que vous avez voulu dire.

• 1740

Madame Montagnes, vous avez parlé dans votre exposé de retirer les Autochtones de l'appareil de justice pénale pour les ramener dans leur propre collectivité grâce à des programmes de déjudiciarisation, et que cela s'appliquait particulièrement aux Autochtones de Toronto. On parle volontiers de collectivité autochtone à Toronto parce qu'il y a beaucoup d'Autochtones qui habitent Toronto, même s'il ne s'y trouve ni réserve ni bande.

J'aimerais savoir de quel genre de peines vous parlez au départ. J'aimerais que vous me justifiiez votre position, non seulement à moi, mais aussi aux autres personnes en général. Pourquoi l'Autochtone qui a commis une infraction devrait-il être retiré non pas au moyen d'un programme de justice autochtone comme ceux qui existent dans les réserves, mais au moyen d'un programme dans le Toronto métropolitain—là où habitent un grand nombre d'Autochtones—et pourquoi devrait-il être traité différemment de la façon dont on traite les autres contrevenants?

Mme Carol Montagnes: J'ai deux observations à faire. D'abord, avant que le projet de déjudiciarisation du conseil communautaire puisse être lancé, nous avons dû notamment démontrer qu'il existait à Toronto une véritable collectivité autochtone, et qu'il ne s'agissait pas uniquement d'un grand nombre d'Autochtones qui se trouvaient par hasard habiter la même ville. Nous avons d'ailleurs réussi à démontrer qu'il existait une véritable collectivité autochtone à Toronto.

Cette collectivité autochtone voulait trouver une façon plus efficace de traiter certains de ces contrevenants, qui étaient souvent des récidivistes. Mais même s'il s'agissait de récidivistes, les infractions étaient dans bien des cas mineures. Elles avaient été commises par des Autochtones qui avaient souvent maille à partir avec la justice, mais qui, ayant commis des infractions mineures, passaient rapidement entre les mains des tribunaux, qui s'occupaient rapidement de leur cas. Autrement dit, les peines imposées n'avaient aucun effet dissuasif, et le contrevenant se retrouvait à nouveau laissé à lui-même.

Par le truchement du conseil communautaire, l'organisation Aboriginal Legal Services of Toronto voulait trouver une façon de mettre en lumière les raisons expliquant le taux de récidive élevé chez certains Autochtones. Il sautait aux yeux que la simple arrestation et les procès à répétition n'avaient aucun effet sur eux. Toutefois, le conseil communautaire permet aux membres du conseil d'entendre la version de l'accusé. Le conseil communautaire entend même parfois la version de la victime, s'il y en a une. Il écoute les membres de la famille et ceux qui ont eu affaire au contrevenant. Le conseil peut donc essayer de déterminer la source du problème et tenter d'enrayer les causes en obligeant le contrevenant à se faire suivre par des conseillers au sein de sa collectivité, lorsque, par exemple, le contrevenant est alcoolique.

M. Jim Gouk: En les déjudiciarisant complètement, ils n'iraient pas en prison, et on les...

Mme Carol Montagnes: Lorsque ce type de contrevenant est envoyé en prison, c'est souvent pour quelques jours à peine.

M. Jim Gouk: Il ne s'agit en effet que d'infractions très mineures.

Mme Carol Montagnes: Oui, il s'agit pour l'instant d'infractions mineures, mais rien n'empêche le conseil de s'occuper d'infractions plus graves. Toutefois, il veut s'assurer qu'il a en main les ressources nécessaires pour s'occuper des contrevenants et de leurs problèmes, pour que ces contrevenants n'en viennent pas éventuellement à commettre des infractions plus graves.

M. Jim Gouk: Merci.

Le président: Merci, monsieur Gouk.

Monsieur Wappel.

M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président. J'espère être bref, car je n'ai que deux questions.

Monsieur Fineberg, j'ai bien hâte de recevoir votre mémoire. J'ai toujours grand plaisir à lire ce qu'ont à dire des gens qui travaillent quotidiennement dans le système carcéral. Puis-je vous demander de nous donner brièvement des exemples de ce que vous avancez, comme vous l'avez fait tout à l'heure dans le cas de Shawn? J'aimerais que vous nous donniez un exemple qui puisse nous éclairer et nous faire comprendre votre argument.

• 1745

J'aimerais revenir à l'article 30, car j'ai mal saisi ce que vous avez dit. Vous avez dit, je crois, que rien n'oblige l'appareil pénal à envoyer un détenu dans un établissement particulier, dès lors qu'on l'a classé selon le niveau de sécurité. Vous avez également dit que le détenu ne sait pas comment son classement a été effectué selon le niveau de sécurité. J'ai du mal à comprendre cela, car cela va à l'encontre de l'article 30(2), en vertu duquel les services correctionnels doivent expliquer par écrit comment ils ont effectué le classement du détenu. Cela veut- il dire, d'après vous, que les services correctionnels contreviennent à l'obligation prévue à l'article 30(2)?

M. Stephen Fineberg: Non, j'affirme que l'article 30(2) prévoit que les raisons doivent être données une fois la décision prise. Or, c'est tout à fait futile du point de vue du détenu. Ce que le détenu veut savoir, ce sont les allégations, les informations et les arguments qui pèsent contre ses intérêts, au moment où il peut encore se défendre contre ceux-ci, au moment où il peut encore répliquer et intervenir avant que la décision ne soit prise. C'est ainsi qu'est traitée la décision du transfèrement elle-même.

Lorsque l'on recommande qu'un détenu soit transféré, il reçoit un avis de transfèrement, que Mme Mandell appelle un préavis de 48 heures. Cela permet au détenu de préparer sa réponse et de soumettre des explications dont peuvent tenir compte ceux qui prennent la décision. Or, cette démarche ne se fait pas lorsque l'on établit le classement du détenu selon le niveau de sécurité. C'est justement là que le bât blesse, puisque c'est à ce moment-là que la véritable décision se prend. À partir du moment où un détenu est envoyé dans un établissement à sécurité maximale, il est clair que le comité de transfèrement emboîtera le pas—ou se sentira obligé de le faire—et de l'envoyer dans un établissement à sécurité maximale. Donc, même si on donne au détenu les raisons pour lesquelles on a changé son classement selon le niveau de sécurité, il n'a plus la chance de...

M. Tom Wappel: Et au départ? Il n'y a rien dans l'article 30 qui permet au détenu d'intervenir. Ce sont les services correctionnels qui prennent la décision.

M. Stephen Fineberg: C'est exact.

M. Tom Wappel: Êtes-vous en train de dire que c'est avant d'être incarcéré dans un établissement que le détenu devrait avoir la possibilité d'intervenir et de faire des propositions quant au type d'établissement où il devrait être envoyé?

M. Stephen Fineberg: Ah, je comprends ce dont vous parlez. Vous parlez du placement initial.

M. Tom Wappel: C'est vous qui avez mentionné l'article 30, et, que je sache, il porte sur le placement initial.

M. Stephen Fineberg: En effet.

M. Tom Wappel: Je ne suis ni pour ni contre; j'essaie simplement de comprendre ce que vous dites. Êtes-vous en train de prôner l'intervention du détenu dès son admission dans le système pénitentiaire?

M. Stephen Fineberg: C'est ce que font déjà les détenus. Et nous n'avons rien contre. Dès l'arrivée au centre de réception, le détenu est interviewé. Or, au moment de son arrivée, les agents qui auront à faire des recommandations quant au placement initial du détenu n'ont pas beaucoup d'information au sujet du crime perpétré. Ils n'ont ni transcription du jugement du tribunal ni rapport de police. Or, il arrive souvent qu'un individu ait été libéré sous caution pendant un an, voire plus longtemps. Lorsque les agents ne sont pas au courant de cette liberté sous caution, les détenus peuvent la porter à leur attention. Lorsque les agents constatent que, pendant un an ou plus, vous avez respecté toutes les conditions de votre libération sous caution, les chances sont plus grandes que vous soyez coté de la façon appropriée si le centre de réception a toute l'information en main.

Donc le détenu peut intervenir, mais je vous parle d'un autre scénario. Je vous parle ici du transfèrement imposé, et celui-ci...

M. Tom Wappel: Un instant. L'article 30 dit que «le Service assigne une cote de sécurité selon la catégorie dite maximale, moyenne et minimale à chaque détenu...» Point final. Je ne vois nulle part là-dedans la possibilité pour le détenu d'intervenir de quelque façon que ce soit. Le détenu peut peut-être intervenir dans la pratique, mais la loi n'oblige en aucune façon qui que ce soit à lui demander son avis.

Je voudrais savoir si vous demandez que la loi soit modifiée afin que son intervention devienne obligatoire. Dans l'affirmative, où l'exiger dans la loi? Voulez-vous que cela soit précisé à l'article 30, la première fois qu'on lui assigne une cote de sécurité, puis chaque fois qu'on change sa cote? Si vous ne pouvez me répondre maintenant, vous n'avez qu'à l'ajouter dans votre mémoire. Je ne comprends peut-être pas bien vos propos, mais, pour l'instant, rien dans l'article 30 ne me semble permettre au détenu de réagir et de proposer, par exemple, qu'il soit envoyé dans un établissement à sécurité minimale plutôt que maximale.

Dans la pratique, on en discute peut-être à l'admission, mais rien dans la loi n'oblige à cela. Étant donné que vous avez demandé que la loi soit corrigée pour tenir compte des unités spéciales de détention, je voudrais savoir si vous souhaitez la même chose pour ce qui est de l'intervention du détenu.

M. Stephen Fineberg: Autrement dit, vous me demandez quelque chose sans toutefois répondre à l'intervention que j'ai faite. Nous ne parlons pas de la même chose. Moi, je parlais des transfèrements imposés.

M. Tom Wappel: Mais l'article 30 n'en parle pas.

• 1750

M. Stephen Fineberg: Supposons que le Service correctionnel assigne à un détenu la cote de sécurité moyenne, mais qu'en raison d'événements spécifiques on le transfère dans un établissement à sécurité maximale, sans son consentement, cela va de soi... il me semble que lorsqu'un détenu obtient au départ la cote de sécurité moyenne, mais qu'on juge nécessaire de le transférer dans un établissement à sécurité maximale, il devrait pouvoir intervenir. Parce qu'on distingue maintenant la question de la cote de sécurité de la question du transfèrement, le détenu ne peut plus intervenir actuellement. C'est de cela que je parlais.

M. Tom Wappel: D'accord.

M. Stephen Fineberg: Le détenu est déjà coté et se voit transféré à un établissement à sécurité supérieure, généralement en fonction de renseignements confidentiels qu'il ne peut consulter. Il faudrait qu'il puisse au moins connaître la nature des allégations afin de pouvoir produire une explication. Parfois les autorités qui prévoient revoir le niveau de sécurité du détenu découvrent que celui-ci n'était même pas dans la partie de l'établissement où s'est produit l'événement; il faut au moins qu'il soit possible d'en discuter.

M. Tom Wappel: D'accord. Avez-vous eu l'occasion de participer aux consultations qu'a tenues le solliciteur général?

M. Stephen Fineberg: Oui.

M. Tom Wappel: Avez-vous présenté des arguments qui se trouveront dans votre mémoire?

M. Stephen Fineberg: Je n'ai pas présenté d'arguments par écrit, mais j'en ai fait valoir un grand nombre en personne.

M. Tom Wappel: Avez-vous consulté le rapport? Êtes-vous satisfait de la façon dont le rapport décrit les consultations?

M. Stephen Fineberg: J'ai trouvé que le compte rendu de la séance de Montréal était très exact, mais que bon nombre des arguments soulevés à Québec n'ont pas été repris lorsque la consultation a été faite à l'échelle nationale.

M. Tom Wappel: C'est important, car cela signifie que le rapport reprend les opinions formulées par les gens dans tout le Canada.

M. Stephen Fineberg: Je vais vous donner un exemple. À la réunion de Montréal, en mai dernier je crois, j'ai parlé des permissions de sortir sans surveillance, les PSSS, et de la façon dont la Commission des libérations conditionnelles renonce à son pouvoir au profit du Service correctionnel.

En résumé, la loi précise que pour accorder une PSSS la Commission doit être convaincue que le public est protégé, qu'un certain nombre de mesures ont été prises et qu'il existe un plan de libération conditionnelle bien structuré. La commission a déclaré que, pour elle, un plan de libération bien structuré, c'est un plan préparé, approuvé et recommandé par l'équipe de gestion des cas du Service correctionnel. Cela signifie que si l'équipe de gestion des cas du Service correctionnel n'élabore pas et n'approuve pas de plan dans votre cas, la commission ne peut voter en faveur d'une PSSS parce que, d'après elle, il n'existe pas de plan de libération structuré. Le Service correctionnel peut interdire cette PSSS avant même que la Commission des libérations conditionnelles ait eu la possibilité d'exercer le pouvoir que le législateur entendait lui conférer.

J'ai fait valoir cet argument à Montréal, et le responsable de la consultation a dit: «C'est intéressant, je n'avais pas pensé à cela.» Il en a pris note, mais je n'ai pas trouvé cet élément dans le rapport national, même si, à mon avis, c'était un argument valable.

M. Tom Wappel: Il est important que nous le sachions.

Le président: Nous allons laisser M. Wappel tailler son crayon et donner la parole pendant ce temps à M. Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: Monsieur Fineberg, vous avez fait une remarque à propos de la Commission nationale des libérations conditionnelles au Québec et de l'instance d'appel de la commission. J'ai cru comprendre que vous disiez qu'en fait, les membres des commissions d'appel étaient souvent des membres de la commission de première instance qui sont appelés à se prononcer de nouveau sur les cas sur lesquels ils ont déjà tranché.

M. Stephen Fineberg: Pas tout à fait. Ce ne sont pas les mêmes cas, mais des cas qui proviennent du Québec. C'est le problème.

Voici la situation qui existe actuellement. À la section d'appel de la Commission des libérations conditionnelles, il y a plusieurs membres permanents, dont un qui vient du Québec. Il y a à peu près deux ans, il siégeait comme membre de la commission dans la région de Québec. Aujourd'hui, il est à la division d'appel et traite des cas du Québec.

D'après nous, l'individu qui vient du Québec et qui a siégé pendant des années avec ses collègues au Québec ne devrait pas traiter des cas provenant du Québec, mais se concentrer sur ceux des autres régions, mais cela ne se fait pas ainsi.

La section d'appel l'affecte à l'occasion aux dossiers venant du Québec, ce qui fait qu'il statue sur les décisions prises par ses anciens collègues.

• 1755

Ce n'est pas si ancien que cela. En octobre dernier, une personne siégeait au Québec avec le vice-président de la commission pour le Québec; en novembre, elle refusait un cas du Québec.

M. Jacques Saada: Il est très important que je comprenne très bien ce point. Vous dites que si une personne du Québec chargée du dossier en première instance est nommée au Québec pour la deuxième instance, soit l'instance d'appel, elle court le risque de voir revenir les mêmes cas. Elle court aussi le risque de travailler à des décisions prises par des collègues qu'elle connaît très bien et, par conséquent, cela peut vicier l'objectivité de la commission d'appel.

M. Stephen Fineberg: C'est exact, et cela va miner la justice, du moins en apparence, ainsi que l'idée que se font les citoyens de la section d'appel.

M. Jacques Saada: C'est bien.

M. Stephen Fineberg: De plus, il y a un autre problème que j'ai déjà mentionné. Un commissaire vient juste d'être emprunté à la section d'appel pour une période de plusieurs semaines. Il siège au Québec tout le temps.

M. Jacques Saada: Non, j'ai compris cela.

M. Stephen Fineberg: Ce qui rend la situation pire, c'est le fait que le commissaire en question est contractuel. Je ne parle pas de lui en tant qu'individu; je ne remets pas en question son intégrité personnelle. Je parle d'un problème structurel, de l'apparence de la justice.

Comme il est contractuel, il travaille lorsqu'il est affecté à des dossiers par le vice-président de la région du Québec. Maintenant, le vice-président trouve bon de l'envoyer à Ottawa pour quelques semaines pour siéger dans certaines causes, puis il va revenir au Québec. Cette personne ne travaille que lorsqu'elle est affectée à des dossiers par le vice-président du Québec.

Dans un certain sens, les citoyens qui sont tout à fait impartiaux vont se dire: «Ah, le vice-président du Québec est en mesure d'influencer la section d'appel, de contrôler, dans un certain sens, la section d'appel.» Est-ce que cela se fait? On ne peut pas le savoir, mais l'apparence de la justice n'est pas là.

M. Jacques Saada: Est-ce que c'est la seule province ou la seule région où cela se passe?

M. Stephen Fineberg: Selon mes informations, on manque toujours de ressources à la section d'appel. Elle est donc obligée, à l'occasion, d'emprunter des gens des régions. Les régions qui prêtent le plus souvent des commissaires à la section d'appel sont l'Ontario et le Québec pour la bonne et simple raison qu'elles sont plus proches que les autres. Donc, pour des raisons d'économie, pour des questions pratiques, la section d'appel sacrifie l'apparence de justice. C'est notre point de vue.

M. Jacques Saada: Merci.

Le président: Merci, monsieur Saada.

[Traduction]

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Monsieur Fineberg, je n'ai pas très bien compris vos deux premiers arguments, car il s'agit d'arguments juridiques; c'est du moins ce qu'en ont fait mes collègues. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser. J'aurais bien aimé avoir votre mémoire. Je suis sûr que je le trouverai fascinant et que j'aurai des millions de questions à poser par la suite.

Avez-vous l'impression qu'il y a un argument que vous n'avez pas pu présenter et dont nous pourrions discuter?

M. Stephen Fineberg: Autrement dit, une question qui relève davantage de l'approche ou de l'orientation plutôt qu'un argument technique?

M. Ivan Grose: Vous pouvez l'extraire du mémoire dont je n'ai pas copie.

M. Stephen Fineberg: Que voulez-vous savoir, alors?

M. Ivan Grose: Vous devez bien avoir un cheval de bataille quelconque.

M. Stephen Fineberg: On a déjà abordé brièvement aujourd'hui la question de la libération conditionnelle accordée à titre exceptionnel. Il s'agit d'une mesure du droit qui permet à un détenu de présenter une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles même si normalement il ne serait pas admissible à une telle libération d'après la loi.

Le comité doit comprendre que jusqu'en 1992 les personnes assujetties à une ordonnance d'expulsion pouvaient présenter une telle demande, comme d'autres gens, d'autres catégories de gens—par exemple les personnes souffrant d'une maladie en phase terminale. Certaines catégories de détenus pouvaient présenter une demande anticipée, ce qui n'obligeait en rien la commission à accorder la libération conditionnelle. Cela signifie simplement que la commission peut étudier le dossier avant la date d'admissibilité habituelle. Jusqu'en 1992, les personnes assujetties à une ordonnance d'expulsion faisaient partie de ces cas d'exception; cette règle ne s'applique plus depuis 1992, et c'est à mon avis une erreur qui ne présente d'avantages pour personne. Nous pouvons tous en convenir.

• 1800

Les personnes qui sont sous le coup d'une ordonnance d'expulsion méritent, dans certains cas, d'être libérées sous condition le plus tôt possible, et dans d'autres cas ne méritent pas d'être libérées sous condition. À une certaine époque, la Commission nationale des libérations conditionnelles pouvait étudier tous les renseignements pertinents, prendre une décision bien éclairée et faire la distinction entre ceux qui méritaient la libération et ceux qui ne la méritaient pas. Depuis 1992, tous sont traités de la même façon. Toutes les personnes sous le coup d'une ordonnance d'expulsion doivent purger le tiers de leur peine avant d'être admissibles à une libération; cela signifie qu'un individu qui ne mérite en rien notre sympathie et notre respect, qui agit de façon tout à fait irresponsable après sa condamnation, se trouve sur le même pied qu'une autre personne qui fait tout pour s'aider et pour corriger ses erreurs.

À mon avis, il faudrait autoriser de nouveau la commission à faire cette distinction entre les gens, comme elle le faisait avant 1992. Dans bien des cas, il s'agit de personnes qui connaissent mal la langue, qui n'ont pas de parenté en Amérique du Nord, qui ne reçoivent aucune visite et qui ne peuvent participer à aucun programme. Même si elles pouvaient participer aux programmes, à quoi cela servirait-il, puisqu'elles ne seront pas libérées au Canada de toute façon? Elles ne peuvent se préparer à une réinsertion graduelle dans la société canadienne, car elles n'y seront jamais remises en liberté.

Nous avons donc des gens qui passent ici de longues années à ne rien faire. Certaines de ces personnes méritent notre sympathie, d'autres absolument pas. Nous proposons simplement que la Commission des libérations conditionnelles soit de nouveau en mesure de faire la distinction et de permettre à ceux qui le méritent d'avoir la possibilité de se racheter. Si ces personnes ne méritent pas cette possibilité, elles seront informées qu'elles ne peuvent se prévaloir des dispositions de la loi parce qu'elles n'ont pas agi de façon responsable, qu'elles n'acceptent pas la responsabilité de leurs actes et qu'elles ne corrigent pas leurs erreurs.

Nous croyons qu'il est dans l'intérêt de tous les contribuables canadiens de ne pas payer les coûts de la détention, pendant des années, de personnes qui ne seront jamais libérées au Canada et qui sont loin de recevoir l'appui qui est offert aux détenus canadiens. Cela ne sert à rien lorsque ces personnes méritent vraiment notre sympathie.

M. Ivan Grose: Merci beaucoup. C'est une idée très intéressante. Je me demande toujours si mes commettants seraient d'accord, et je crois que dans ce cas-ci ils le seraient. Cela me semble une mesure éminemment logique.

Je sais que certains d'entre eux diront que peu importe ce que ces détenus ont fait ou la façon dont ils se conduisent en prison, il faudrait s'en débarrasser, les renvoyer chez eux, afin que les contribuables n'aient plus à payer pour ces gens. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela, mais je suis d'accord avec votre idée qu'une personne qui ne s'intégrera jamais à notre société de toute façon devrait être libérée sous condition avant la date d'admissibilité, ou du moins être autorisée à présenter une demande de libération conditionnelle.

M. Stephen Fineberg: S'ils le méritent... et c'est de cette façon que cela peut s'expliquer, à mon avis. S'ils méritent d'être libérés, nous voulons tous qu'ils le soient. S'ils ne le méritent pas, leur demande sera refusée, et ils sauront qu'ils devront assumer les conséquences de leur comportement irresponsable et de leur mauvaise attitude.

Le président: Merci, monsieur Grose et monsieur Fineberg.

Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Merci, monsieur le président.

Madame Montagnes, à la page 4 de votre mémoire, vous dites qu'il faudrait élargir la section du Service correctionnel du Canada chargée des questions autochtones. Vous recommandez deux choses: mettre sur pied des programmes et faire de la sensibilisation, établir des relations de travail avec les organismes autochtones chargés de la justice et avec les collectivités autochtones. Pourriez-vous m'en dire davantage sur ce qui devrait être fait dans ce domaine, à votre avis? Il me semble que ce sont des idées importantes, et vous pourriez peut-être les étoffer un peu.

Mme Carol Montagnes: Pour ce qui est du premier élément, c'est-à-dire l'élaboration de programmes de sensibilisation, il n'existe qu'un conseiller régional dans ce domaine, et il ne reçoit pas beaucoup d'appui. À mon avis, il est totalement débordé de travail. Il travaille d'arrache-pied pour s'occuper de la région de l'Ontario pour le SCC.

Pour ce qui est d'établir des relations de travail avec les organismes autochtones chargés de la justice et avec les collectivités autochtones, j'ai mentionné dans le mémoire la taille de la population autochtone en Ontario, et vous connaissez, j'en suis sûre, le nombre de collectivités autochtones. Pour élaborer des relations de travail, il ne suffit pas d'envoyer des lettres à toute la collectivité et d'espérer que ces lettres seront lues, sans investir le temps et le personnel nécessaires pour cela. Si l'on veut élaborer des relations de travail avec certaines collectivités autochtones et organismes de justice autochtones dans la région de l'Ontario, il faudra trouver le moyen d'établir ces relations.

• 1805

J'ai dit que, conformément à l'article 84, il faut établir un plan qui permette aux collectivités de participer au processus de libération conditionnelle d'un délinquant et à son intégration au sein de la collectivité. C'est bien beau sur papier, mais jusqu'à présent un seul contrat a été signé pour cela; cela est dû directement au manque de personnel du SCC pour ce qui est des relations avec les collectivités autochtones et des efforts pour en arriver à une entente.

La loi existe depuis plus de cinq ans, mais s'il n'y a qu'un seul projet ou un seul contrat pour toute cette période, sous le régime de cet article, pour toute la région de l'Ontario, c'est que quelque chose ne va pas.

M. Lynn Myers: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Myers. Passons maintenant à M. Wappel.

M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.

J'ai deux questions à poser à Mme Montagnes. Merci de votre mémoire très concis.

À la page 1, vous parlez du Community Council Project. Si j'ai bien compris, il s'agit d'un programme de déjudiciarisation à l'intention des personnes accusées d'actes criminels. Comme vous le savez, il existe une différence entre les personnes accusées et les personnes condamnées. Ce projet retire-t-il les gens du système pénal avant qu'ils soient condamnés? Signifie-t-il qu'il n'y aura jamais de condamnation pénale? Ou les gens participent-ils au programme après leur condamnation?

Mme Carol Montagnes: Ces personnes sont accusées, et lorsqu'elles comparaissent devant le tribunal, il existe un protocole avec le procureur de la Couronne. Si le procureur de la Couronne est d'accord et si le délinquant lui-même est d'accord, le traitement de l'infraction peut être déjudiciarisé et confié au Community Council Project.

M. Tom Wappel: Il n'y a donc pas de condamnation?

Mme Carol Montagnes: Si le dossier est déjudiciarisé, l'accusation est suspendue, et la personne est entendue par le truchement du conseil communautaire. Si l'accusé respecte l'engagement qu'il a pris auprès du conseil communautaire, l'accusation est retirée. S'il n'assiste pas à l'audience ou ne respecte pas les autres dispositions dont on a convenu, l'accusation peut être instruite par un tribunal.

Généralement, la personne est appelée de nouveau devant le conseil communautaire pour fournir des explications. Si la personne qui participe au processus déjudiciarisé du conseil communautaire ne respecte pas son engagement, elle perd toute possibilité future de déjudiciarisation du traitement des délits qu'elle pourrait commettre plus tard.

M. Tom Wappel: Merci. À la page 4 vous demandez qu'on examine les causes du non-respect par les Autochtones des conditions de la libération conditionnelle. Je ne comprends pas cette phrase tout à fait. Pouvez-vous me donner des exemples de non-respect des conditions de la libération conditionnelles et ensuite des exemples de non-respect par les Autochtones des conditions de la libération conditionnelle?

Mme Carol Montagnes: Les Autochtones, comme on le dit ici, sont plus susceptibles de revenir dans l'établissement à cause du non-respect des conditions qu'à cause de la récidive.

M. Tom Wappel: Par exemple?

Mme Carol Montagnes: Ce pourrait être parce que pour une raison ou une autre ils ne se conforment pas aux conditions qu'on a établies pour leur libération conditionnelle.

M. Tom Wappel: Pourquoi parlez-vous de technical violation dans le texte anglais de votre mémoire? Si on vous dit de revenir avant 23 heures et que vous revenez à 2 heures du matin, c'est un non-respect de vos conditions de libération conditionnelle. Ce n'est pas une technical violation.

Mme Carol Montagnes: Technical violation sont les termes qu'on utilise dans les documents de consultation présentés pour l'examen de la LSCMLSC. Ce n'est pas moi qui le dis.

M. Tom Wappel: D'accord.

Le président: Je m'excuse. Alors la distinction se situe entre le non-respect des conditions et la récidive au sens du Code criminel, ou quelque chose de ce genre.

Mme Carol Montagnes: Justement.

M. Tom Wappel: Merci.

Le président: Monsieur Fineberg, avez-vous un commentaire à faire sur ce point ou un autre?

M. Stephen Fineberg: Oui, permettez-moi d'y ajouter quelque chose rapidement.

L'article 135 de la loi dit que les gens devraient être révoqués lorsque, à cause de leur comportement pendant la période de libération, ils présentent un risque indu de récidive. Il ne dit pas qu'une personne devrait être révoquée parce qu'elle a violé une condition spéciale ou normale. Elle devrait être révoquée si son comportement démontre que le risque est maintenant inacceptable.

• 1810

Une bonne indication que le risque est plus grand, c'est qu'ils ne respectent pas leurs conditions, mais ce n'est qu'un indice. C'est pour cela que selon moi on peut faire une distinction entre une technical violation et une violation qui se rapporte vraiment au risque.

Si quelqu'un revient tard, on présume qu'il est hors de contrôle et n'a aucunement l'intention de respecter les règles de la maison. Le risque étant plus grand, la personne finit par être suspendue. Parfois le risque n'a pas augmenté du tout, et ainsi c'est dans un sens «technique» que les conditions n'ont pas été respectées. Mais parfois cela n'a rien du tout à voir avec le risque, et donc ce serait une technical violation. Si cela aboutit à une suspension, je comprends que quelqu'un se plaigne des suspensions fondées sur des technical violations.

M. Tom Wappel: Je ne comprends pas encore. Est-ce que vous dites qu'il y a discrimination systémique contre les Autochtones, dans le sens qu'un plus grand nombre d'entre eux parmi les prisonniers ordinaires voient leur libération conditionnelle révoquée? Je ne comprends pas la phrase: aboriginal technical violation of parole.

Mme Carol Montagnes: Nous disons que vous voulons qu'on examine les raisons pour lesquelles les contrevenants autochtones sont ramenés dans le système plus souvent que les contrevenants non Autochtones pour ce qu'on appelle des technical violations.

M. Tom Wappel: Donc vous dites que les contrevenants autochtones sont ramenés dans le système plus souvent que les non- Autochtones.

Mme Carol Montagnes: Oui.

M. Tom Wappel: D'accord. Avez-vous des statistiques pour soutenir cela?

Mme Carol Montagnes: C'est fondé en grande partie sur les documents qu'on a rédigés pour la consultation.

M. Tom Wappel: Est-ce que ces documents présentent des statistiques qui appuient cette déclaration audacieuse?

Mme Carol Montagnes: Oui, effectivement. Il y avait aussi un document préparé pour les consultations spécifiquement au sujet des détenus autochtones et le rapport en général. Si vous le voulez, je peux vous en donner une copie. Il s'intitule: Les détenus autochtones.

M. Tom Wappel: Je pense que ce serait intéressant, parce que c'est une allégation de racisme.

Le président: Oui. Nos recherchistes ont indiqué que nous avons ces statistiques; donc on pourra les étudier.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

J'ai deux ou trois questions à poser, madame Montagnes.

La Community Legal Clinic est financée par le Régime d'aide juridique de l'Ontario, et nous sommes tous au courant des problèmes vécus par le régime. Votre financement a-t-il été coupé?

Mme Carol Montagnes: Non, mais vous savez sans doute que le nom de la nouvelle société sera «Legal Aid Ontario». On suivra son évolution avec intérêt.

M. Ivan Grose: C'est entre les mains des dieux. Merci.

J'ai une dernière question. Au haut de la page 3 de votre mémoire, on lit:

    Les directives établies en vertu du paragraphe (2) doivent respecter les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu'entre les sexes,

... Je crois comprendre cela...

    et tenir compte des besoins propres aux femmes,

... J'ose dire que je crois comprendre cela...

    aux Autochtones [...]

Il se peut encore une fois que je pose une question parce qu'on m'a déjà posé la même question. Je constate que j'ai déjà posé cette question et reçu des réponses différentes. Quelle est votre définition des besoins propres aux Autochtones? L'idée que je me fais des Autochtones est la même que celle que se font mes commettants—des gens qui habitent de grandes villes comme Toronto. Dans ce milieu, éprouvent-ils des besoins particuliers, et, dans l'affirmative, quels sont-ils?

Mme Carol Montagnes: Oui, bien sûr, et dans le rapport très complet de la Commission royale sur les peuples autochtones, dont les travaux se sont étendus sur une période de cinq ans, on précise très clairement quels sont ces besoins particuliers dans le domaine de la justice. Je crois qu'ils tiennent au fait que les peuples autochtones ont une vision globale—comme le décrit la commission royale—de la justice qui est très différente de la nôtre.

À cet égard, je crois qu'il s'agit de quelque chose qui s'apparente à la justice réparatrice dont on a fait mention plus tôt aujourd'hui. Cela est aussi en rapport avec le développement du conseil communautaire, où un contrevenant comparaît devant quelqu'un, et on est saisi non seulement du délit, mais aussi du contrevenant dans son ensemble, dans le contexte de la famille et de la collectivité. On étudie le problème d'une façon intégrée, plutôt que de s'attaquer à la personne seule et au délit seul.

• 1815

M. Ivan Grose: Malheureusement, je suis un membre relativement nouveau de ce comité et je n'ai pas encore eu l'occasion de lire le rapport de la commission royale. Cela serait-il semblable en quelque sorte au programme de déjudiciarisation que nous essayons de mettre en oeuvre chez les jeunes afin de les faire sortir du système? Les jeunes ont des besoins particuliers et doivent être traités d'une façon particulière. S'agit-il d'adopter le même modèle, de les soustraite au système judiciaire général afin de régler les problèmes à l'extérieur de ce système?

Mme Carol Montagnes: On pourrait certainement le considérer comme similaire dans le sens qu'on veut trouver des façons efficaces de s'occuper du contrevenant. Cependant, je crois qu'il y a une très grande différence entre le conseil communautaire et les projets pilotes dont on a récemment annoncé la mise en oeuvre ici en Ontario dans le cadre des mesures de rechange. Ces projets visent le délinquant primaire, tandis qu'un programme comme le conseil communautaire vise ceux qui semblent avoir des démêlés répétés avec la justice—les récidivistes.

M. Ivan Grose: Cela me semble raisonnable. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Y a-t-il d'autres questions?

Je remercie sincèrement les témoins, M. Fineberg, de l'Association des avocats en droit carcéral, et Mme Montagnes, de l'Aboriginal Legal Services of Toronto. Nous attendons avec impatience d'avoir le plaisir de lire votre mémoire, monsieur Fineberg.

La séance est levée.