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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 juin 2001

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)): Bonjour tout le monde.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons discuter aujourd'hui avec les ministres de l'Agriculture des provinces des Prairies de la situation actuelle du revenu agricole en raison du prix peu élevé des denrées et de l'augmentation du coût des intrants.

Je veux d'abord souhaiter la bienvenue aux honorables ministres et aux critiques des trois provinces de l'Ouest. Avant de leur donner la parole, je tiens à leur dire que le comité a reçu la demande qui lui a été adressée, notamment par l'honorable ministre Wowchuk, au sujet d'une tournée dans l'Ouest.

Notre comité a l'intention de tenir des audiences dans l'Ouest à l'automne. Nous ne voulions pas entreprendre une tournée précipitée au printemps ou au début de l'été car nous n'aurions pu l'organiser comme nous le voulions. En effet, nous voudrions prévoir quelques jours pour discuter avec des représentants locaux—pas seulement des trois provinces de l'Ouest mais aussi de la Colombie-Britannique—ainsi qu'avec des producteurs de maïs et de soja du Canada central.

Cela dit, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes sans doute tous un peu intimidés ce matin d'accueillir les trois ministres et les trois critiques officiels des provinces de l'Ouest. Nous tenons cependant à recueillir votre point de vue sur la crise générale de l'agriculture et, surtout, la crise céréalière.

Lors de l'audience de ce matin, nous avons vu qu'il y avait un certain nombre d'exploitants agricoles et de représentants d'associations agricoles qui étaient venus écouter les témoignages. Si nous en avons le temps à la fin de la séance, nous pourrions peut-être leur donner à eux aussi la possibilité de s'exprimer devant le comité.

Je précise que notre procédure habituelle consiste à entendre de très brefs exposés—d'une dizaine de minutes au maximum—après quoi nous ouvrons une période de discussion avec les témoins. Selon le protocole, nous entendrons d'abord les ministres puis les critiques.

En ce qui concerne les documents que vous avez adressés au comité, je dois dire que nous avons un petit problème. En fait, un gros problème. Notre comité ne peut accepter de documents écrits que s'ils sont présentés dans les deux langues officielles.

• 0910

En conséquence, nous ne pouvons distribuer aux membres du comité les documents que nous avons reçus, puisqu'ils sont dans une seule langue, mais, si vous le souhaitez, vous pouvez les remettre individuellement aux membres du comité. Je sais que nous avons un problème avec la traduction, aussi bien à Ottawa qu'ailleurs dans le pays. Il est difficile de faire traduire de gros documents à très bref délai.

Cette précision étant apportée, j'ajoute que la période de questions commencera, comme à l'habitude, avec un représentant du parti de l'Alliance, qui se trouve à ma gauche, pendant à peu près huit minutes. Ensuite, nous passerons à nos amis du Bloc, puis aux députés libéraux, et nous aurons éventuellement plusieurs tours. J'espère que nous aurons une séance très productive.

L'honorable ministre Wowchuk, comme vous avez été la première à écrire au comité, je vous invite à commencer.

Bienvenue à Ottawa. Vous avez la parole.

L'hon. Rosann Wowchuk (ministre de l'Agriculture et de l'Alimentaire du Manitoba, Assemblée législative du Manitoba): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous vous remercions de nous donner la possibilité de nous adresser à votre comité. Nous sommes très heureux d'avoir ainsi l'occasion de vous expliquer nos préoccupations et de partager avec vous les problèmes que connaît actuellement le monde agricole, surtout les producteurs de céréales et d'oléagineux.

Je précise tout de suite que nous avons préparé un mémoire à votre intention et que nous avons aussi le compte rendu des audiences que nous avons tenues au Manitoba. Je m'excuse de ne pas les avoir fait traduire en français mais nous pourrons quand même vous distribuer ce que nous avons. Le classeur contient les documents relatifs aux audiences du comité permanent.

Le 17 avril, l'Assemblée législative du Manitoba approuvait à l'unanimité une résolution spéciale sur la crise du monde agricole. Dans le classeur dont je viens de parler, vous trouverez un exemplaire de cette résolution et le compte rendu complet des débats correspondants.

Nous sommes venus aujourd'hui avec des représentants d'organisations agricoles, soit M. Don Dewar, président de Keystone Agriculture Producers; Mme Renske Kaastra, du Comité de l'agriculture du Manitoba Women's Institute; M. Brian Kelly, de la Chambre de commerce du Manitoba; M. Wayne Motheral, de l'Association des municipalités du Manitoba; et M. Fred Tait, du Syndicat national des cultivateurs. Nous sommes aussi accompagnés de M. Jack Penner, député de l'opposition et critique pour l'agriculture, ainsi que de plusieurs exploitants agricoles.

Comme je l'ai dit, nous avons pris la décision inhabituelle d'organiser une tournée de notre comité permanent dans les régions rurales pour recueillir directement l'opinion des producteurs agricoles sur la situation actuelle. Cela nous a permis d'entendre des histoires parfois déchirantes de familles agricoles qui font tout depuis des années pour préserver leur ferme mais qui en arrivent peu à peu à penser que c'est peine perdue. Ces témoignages nous ont permis de saisir l'aspect humain de la crise agricole, notamment ses conséquences sur les familles—et pas seulement sur les familles de cultivateurs, d'ailleurs, mais aussi sur les collectivités rurales. Mon objectif aujourd'hui sera d'essayer de mieux vous faire comprendre la nature de la crise agricole et de vous expliquer pourquoi il est impératif que le gouvernement fédéral intervienne.

Si l'on examine la situation de l'agriculture de l'extérieur, l'image qu'on en obtient risque d'être faussée. En effet, on estime que les recettes globales en espèces de l'agriculture pour l'an 2000 atteindront le chiffre record de 3,12 milliards de dollars, soit 5,3 p. 100 de plus qu'en 1999 et 35 p. 100 de plus que la moyenne des cinq années précédentes. En outre, on estime que les revenus nets totaux atteindront 453,8 millions de dollars, soit 99,4 p. 100 de plus qu'en 1999 et 46 p. 100 de plus que la moyenne des cinq dernières années. Il convient cependant de voir ce qu'il y a derrière ces chiffres.

En ce qui concerne le secteur de l'élevage du bétail au Manitoba, sa situation reste très positive car ses recettes pour l'an 2000 ont été de 17,9 p. 100 supérieures à celles de 1999, et de 34 p. 100 supérieures à la moyenne. Je précise toutefois que la hausse des recettes totales en espèces englobe des retraits plus élevés du CSRN, le Compte de stabilisation du revenu net, ainsi qu'une augmentation des versements au titre des programmes.

• 0915

Le vrai problème concerne les recettes en espèces. En 2000, elles ont continué de baisser, soit de 10,5 p. 100 par rapport à 1999 et de 19 p. 100 par rapport à la moyenne de cinq ans. Ce sont le canola et le blé qui ont enregistré la chute la plus forte par rapport à 2000, soit 17,1 p. 100 et 10,2 p. 100 respectivement.

Il est clair que le secteur des céréales et des oléagineux se situe au coeur même de la crise du revenu agricole. Les producteurs de céréales et d'oléagineux font face à la perspective peu encourageante de cultiver à perte. Cela résulte du fait que les prix restent bas et que les intrants coûtent beaucoup plus cher que l'an dernier. Les récoltes de blé et d'orge ne permettent à personne de faire des profits depuis 1996 et 1997. En 1999, celles d'oléagineux ont baissé de 40 p. 100. Elles se sont légèrement rétablies depuis lors mais leur niveau reste encore de 20 p. 100 à 25 p. 100 en dessous de ce qu'il était il y a plusieurs années. En même temps, on constate une augmentation du prix des engrais et des carburants, c'est-à-dire des coûts de production des agriculteurs. De fait, on s'attend à une hausse totale des frais d'exploitation de 21 p. 100 à 27 p. 100, facteur qui vient aggraver le bas prix des denrées.

Face à ces constatations, on peut se demander quelle est l'origine du problème. La grande majorité des céréales et des oléagineux du Manitoba est destinée à un marché international, ce qui veut dire que le prix de ces produits est essentiellement fixé par le marché mondial. Au fond, quand le cultivateur canadien vend son blé, il reçoit un prix mondial, ce qui n'est pas le cas de nos principaux concurrents internationaux, essentiellement les États-Unis et les pays d'Europe, où existent des programmes nationaux de subventionnement qui offrent une aide plus élevée aux producteurs, ce qui influe sur les cours mondiaux.

Vers le milieu des années 90, on a constaté une réorientation des politiques de subventionnement, à l'échelle mondiale, en partie pour appliquer les exigences de l'OMC. Cela correspondait aussi à la volonté de notre gouvernement de réduire son endettement. À l'époque, le Canada a considérablement réduit ses programmes de soutien, lesquels sont passés en dessous des programmes américains pour toutes les denrées, alors qu'ils étaient auparavant au-dessus. La réduction des programmes de soutien agricole du Canada s'est surtout manifestée dans le secteur des céréales et des oléagineux, avec l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, c'est-à-dire ce qu'on appelait le tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau. L'Union européenne et les États-Unis se sont alors aussi engagés à réduire leurs programmes de soutien des céréales et des oléagineux mais, dès que des pressions ont commencé à s'exercer sur les revenus, ils ont rapidement rétabli leur niveau de soutien, ce qui n'a pas été le cas du Canada. En conséquence, nos producteurs sont aujourd'hui obligés de faire la lutte tout seuls contre les trésors publics d'autres pays.

Si l'on veut faire une comparaison directe de ferme à ferme entre les États-Unis et le Canada, on peut se fonder sur une estimation récente de la Commission canadienne du blé qui montre qu'un producteur américain possédant 1 000 acres peut s'attendre à recevoir environ 58 780 $ de subventions directes de son gouvernement, ce qui représente 91 000 $CAN. De même, le Doanes Agriculture Report révèle un revenu net de 39 179 $US en moyenne. Les paiements de soutien du gouvernement pour les céréales et les oléagineux ont atteint en moyenne un peu plus de 45 000 $ US par exploitation, soit 71 000 $CAN. Sans ces paiements, la moyenne aurait été de moins 6 417 $. En comparaison, un producteur du Manitoba de même taille pouvait s'attendre à recevoir à peu près 9 000 $ de subventions de son gouvernement.

D'aucuns disent que les producteurs canadiens sont tout simplement inefficients, affirmation contre laquelle je m'élève avec vigueur. En fait, s'il n'y avait pas les distorsions du marché causées par les subventions, les producteurs canadiens auraient l'avantage et on constaterait qu'ils font partie des producteurs les plus productifs de céréales et d'oléagineux à l'échelle mondiale. Et nous croyons d'ailleurs que c'est cette situation qui devrait prévaloir à longue échéance.

• 0920

À quoi pouvons-nous nous attendre si l'on ne s'attaque pas au problème? Notre opinion est que, si le gouvernement fédéral ne se décide pas à intervenir, le Canada risque de perdre un secteur dans lequel il jouit d'un avantage compétitif naturel. Et il le perdra à cause des subventions internationales.

Dans d'autres industries, comme l'aérospatiale, le Canada a déjà admis qu'il serait tout simplement inacceptable d'assister à leur disparition suite aux mesures prises par les nations concurrentes. Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir agi vigoureusement dans ce domaine, et nous lui demandons maintenant de faire la même chose pour les producteurs de céréales et d'oléagineux. Les deux secteurs sont tout aussi importants pour la nation.

Si vous examinez les données du CSRN, elles montrent qu'il y a au Manitoba 9 000 participants du CSRN exploitant des fermes qui dépendent à plus de 75 p. 100 de leurs ventes de céréales et d'oléagineux. Ce sont ces exploitants qui seront le plus directement touchés sur le plan tant du revenu étant donné que la plus grosse partie de leur revenu vient des céréales et des oléagineux.

L'autre facteur important que je tiens à mentionner est qu'un emploi sur 10 au Manitoba est directement lié au secteur agricole. Certes, le lien n'apparaît peut-être pas directement à première vue mais l'impact sur les collectivités locales est très clair. Quand une exploitation agricole disparaît, ce sont aussi des services qui disparaissent, des écoles qui ont moins d'élèves, des hôpitaux qui ont moins de patients, et, rapidement, des collectivités rurales qui s'étiolent.

Si l'on examine ce qui s'est fait jusqu'à présent, on constate que les programmes fédéraux-provinciaux actuels de sécurité du revenu sont essentiellement axés sur la stabilisation du revenu agricole à l'échelle globale de l'exploitation, ainsi que sur l'octroi d'une assurance-production pour les récoltes annuelles et le fourrage. Nous avons le programme du CSRN, qui offre chaque année des crédits limités aux producteurs, et nous savons qu'il est en cours de révision. Nous avons aussi l'ACRA et le PAIDAC, qui ont d'ailleurs fait l'objet de discussions du point de vue de leur impact, étant donné qu'ils n'ont pas répondu aux besoins particuliers des producteurs de céréales et d'oléagineux. En revanche, ils ont répondu aux besoins des éleveurs de bétail.

En ce qui concerne l'Accord-cadre actuel sur la gestion du risque en agriculture, la formule de répartition des fonds fédéraux entre les diverses provinces repose sur la part des recettes agricoles en espèces et la part des recettes du marché agricole. C'est une formule que le Manitoba n'a acceptée qu'avec réticence, vous vous en souvenez certainement, après avoir obtenu l'assurance que le financement fédéral pour 1998-1999 serait maintenu pendant toute la durée de l'accord. Cette nouvelle formule pose cependant des problèmes dans la mesure où elle élimine le principe du risque des critères d'attribution des fonds. C'est manifestement quelque chose qu'il faudra revoir lorsque cet accord arrivera à expiration.

Voici ce qui s'est passé. Alors que les exploitants des Prairies perdaient la majeure partie du soutien fédéral, la nouvelle formule de financement a fourni aux autres provinces beaucoup plus de soutien fédéral. Cela a eu pour effet de fausser les règles du jeu pour certaines denrées qui dépendent des fonds provinciaux disponibles. Autrement dit, la formule a fortement déséquilibré la situation. En outre, le fait que les fonds ne soient pas ciblés a abouti à verser des prestations accrues pour certaines denrées dont les marchés sont plus fluctuants dans l'immédiat mais à réduire les prestations pour le secteur déprimé des céréales et des oléagineux.

Vous savez que nous avions l'an dernier au Manitoba un programme CMAP de 100 millions de dollars, dont les coûts étaient partagés entre la province et le gouvernement fédéral et qui visait les producteurs de céréales et d'oléagineux. Ce programme permettait d'effectuer un versement découplé fondé sur les ventes des denrées transportées en bénéficiant de l'ancienne prestation du Nid-de-Corbeau. Cette année, nous avons le CMAP 2 et, encore une fois, il nous permet de verser de l'argent à nos producteurs. Mon gouvernement et les producteurs de céréales et d'oléagineux du Manitoba apprécient la part de ces 500 millions de dollars qui a été versée par le gouvernement fédéral mais, considérant l'ampleur du problème, c'est tout simplement insuffisant. Selon les derniers chiffres publiés par l'OCDE au sujet des programmes de soutien, on estime qu'il faudrait donner environ 2 milliards de dollars aux producteurs canadiens pour leur assurer un niveau de soutien semblable à celui de leurs homologues américains.

• 0925

Quand on examine cette formule, on constate qu'elle englobe tous les secteurs qui ne bénéficient pas de la gestion de l'offre, ce qui veut dire que les fonds consentis aux provinces qui ont des secteurs importants de céréales et d'oléagineux mais qui n'ont pas les niveaux de vente élevés d'autres secteurs à valeur ajoutée sont sensiblement réduits. De fait, les producteurs de céréales et d'oléagineux des Prairies ont constaté que le soutien fédéral émanant de ces sources a considérablement baissé. Vous trouverez dans les documents qui vous ont été remis un tableau, à la page 8, indiquant le niveau de l'aide consentie aux diverses provinces. Les provinces autres que les Prairies reçoivent en moyenne 21,39 $ l'acre, contre 7,09 $ dans les Prairies.

Considérant cette situation, qu'est-ce qu'il faut faire? Nous croyons que le gouvernement fédéral doit accepter une part de responsabilité dans ce domaine et prendre des mesures vigoureuses pour réagir à la crise du revenu agricole.

Nous croyons fermement, tout d'abord, que le secteur a immédiatement besoin de plus que les 500 millions de dollars qui ont été engagés. Le minimum absolu serait 500 millions de dollars de plus, étant entendu que cette somme serait versée aux provinces sur la base du problème réel—par exemple, en fonction des recettes en espèces pour les céréales et les oléagineux, ou en fonction d'une formule similaire. Nous croyons aussi que le gouvernement fédéral ne devrait pas imposer le principe du partage des coûts pour ces 500 millions de dollars additionnels, étant donné la capacité limitée des provinces à répondre à une telle demande.

Nous croyons aussi que le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative d'élaborer et de financer des programmes continus de soutien du secteur des céréales et des oléagineux de façon à répondre aux besoins de sécurité de ces producteurs. Il convient de reconnaître explicitement dans ces programmes la nécessité d'offrir des niveaux de soutien similaires à ceux de nos grands concurrents internationaux que sont les États-Unis et l'Europe.

Dans la situation actuelle, il nous faut chercher une solution à court terme mais il nous faut aussi chercher des solutions à plus long terme. Nous croyons donc que le gouvernement fédéral devrait déployer beaucoup plus d'efforts pour résoudre ce problème de bataille de subventions internationales mais, entre-temps, il se doit d'accorder à nos producteurs le soutien dont ils ont besoin.

Dans les pays qui nous font concurrence, ce sont les gouvernements nationaux ou supranationaux qui financent les filets de sécurité de l'agriculture, ce qui démontre que les bienfaits de ces programmes dépassent largement les frontières provinciales et concernent tous les citoyens, et que c'est le palier de gouvernement supérieur qui a les ressources nécessaires pour faire face à ces problèmes.

En 1999-2000, le Manitoba a dépensé 194 $ par habitant pour appuyer le secteur agroalimentaire, ce qui le plaçait au troisième rang à ce chapitre. Les chiffres correspondant étaient de 436 $ en Saskatchewan et de 206 $ en Alberta. Pour ce qui est du gouvernement fédéral, il a fourni moins de la moitié de notre dépense par habitant, et 21 p. 100 de moins que la moyenne de toutes les autres provinces.

Si j'examine un témoignage d'octobre 1999 devant ce comité, je constate que les sommes versées au titre du filet de sécurité et de l'aide au transport dans les Prairies ont baissé de 2 milliards de dollars par rapport à la période 1987-1988 à 1999-2000, contre une baisse de 350 millions de dollars dans les autres provinces. Autrement dit, les provinces des Prairies ont enregistré une baisse beaucoup plus brutale que toutes les autres de leur filet de sécurité et de leur aide au transport.

Il serait pourtant dans l'intérêt de tous les Canadiens de protéger l'avantage naturel dont jouit le Canada pour produire des céréales et des oléagineux à l'intention des marchés mondiaux. Le Canada veut et doit préserver ses balances commerciales pour maintenir son statut et sa position économique sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel. Le secteur des céréales et des oléagineux a été et demeure un volet très important de ce marché.

• 0930

Au cours des quatre dernières années, les exportations canadiennes de céréales et d'oléagineux ont représenté de 13 p. 100 à 42 p. 100 de la balance commerciale du Canada. Outre ses exportations directes, l'industrie céréalière produit les aliments qu'utilise notre industrie de l'élevage. La perte d'une source canadienne d'alimentation du bétail aurait une autre conséquence très grave sur notre balance commerciale.

Je crois avoir épuisé tout le temps qui m'était imparti mais j'aimerais vous communiquer certaines des réflexions que nous avons recueillies lors de nos audiences. Je suppose que vous aimeriez savoir comment les familles réagissent à cette situation.

Le président: Je crains que nous n'ayons un problème de temps car vous avez déjà pris 17 minutes. Pourriez-vous conclure en une minute?

Mme Rosann Wowchuk: Certainement. Veuillez m'excuser, j'avais une montre sous les yeux et je ne pensais pas avoir dépassé mes 10 minutes.

Une jeune fille de 17 ans nous a expliqué comment sa famille était venue s'établir et investir au Manitoba rural. Aujourd'hui, elle se demande ce que devient le monde rural. Elle se demande si elle a un avenir dans sa région. Il n'y a plus d'enfants à la campagne et, même dans son groupe d'âge, le nombre d'élèves ne cesse de diminuer. Je tiens à vous faire saisir l'incidence de cette situation sur tout le monde rural.

Le président: Merci, madame la ministre.

Madame McClellan, vous avez la parole.

L'hon. Shirley McClellan (ministre de l'Agriculture, de l'Alimentaire et du Développement rural, Assemblée législative de l'Alberta): Merci.

Je remercie d'abord tous les membres du comité dont la présence ici témoigne de l'intérêt qu'ils portent à cette question.

Cette expérience est tout à fait nouvelle pour moi, monsieur le président. Depuis que je suis ministre, je n'ai jamais eu à comparaître devant un comité permanent dans les domaines dont je m'occupe. Je tiens à préciser que, même si nous traitons généralement de ministre à ministre, c'est un grand plaisir pour moi de pouvoir élargir le débat—surtout quand je constate qu'il n'y a aucun représentant de l'Alberta au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Je suis donc très heureuse de pouvoir m'adresser à vous.

Au fait, je précise que ma présence ici ne traduit strictement rien de négatif dans nos relations avec le ministre Vanclief. Je dois dire qu'il a toujours été prêt à discuter avec nous des problèmes de l'agriculture, même si nous ne sommes pas toujours d'accord.

L'agriculture est un volet absolument crucial de l'économie de l'Alberta et de notre paysage rural. C'est une industrie de 16,5 milliards de dollars, caractérisée par de nombreux défis et de nombreuses opportunités. Chez nous, un emploi sur trois est directement ou indirectement relié à l'agriculture.

Je pense que le premier ministre a certainement entériné l'importance de l'agriculture lorsqu'il a nommé les membres du groupe de travail du caucus sur les opportunités futures dans l'agriculture, groupe dont nous attendrons le rapport avec beaucoup d'intérêt. En revanche, la structure même de ce comité suscite quelques réserves de notre part car nous aurions aimé que notre province y soit représentée.

Je dois dire que l'Alberta est parfaitement consciente de la gravité du problème agricole. L'an dernier, nous avons mis sur pied un processus de consultation, appelé Ag Summit 2000, et je sais que vous avez reçu un exemplaire de son rapport. Le sommet avait permis de réunir des représentants du secteur agricole, du gouvernement et d'autres secteurs pour examiner en détail les défis que doit relever le secteur agricole et pour élaborer des stratégies à cet effet.

Notre province a la chance que son industrie a pu se diversifier pour surmonter dans une certaine mesure la crise actuelle. Comme les prix du bétail sont élevés et que nous avons un secteur de valeur ajoutée en pleine expansion, nous sommes en assez bonne position pour profiter de nos atouts.

• 0935

En 2000, les recettes agricoles primaires en espèces de l'Alberta ont atteint 7,41 milliards de dollars—soit 14 p. 100 de plus que l'année précédente. En même temps, le revenu total net a atteint 409 millions de dollars—somme qui englobe cependant les subventions et les versements au titre de l'assurance-récolte, qui ont totalisé 711 millions de dollars. Pour aider le secteur agricole en 2000, le gouvernement de l'Alberta a dû effectuer un versement ponctuel aux agriculteurs de 315 millions de dollars. Sans cette aide, le revenu agricole net en Alberta aurait à peine été positif.

Nous avons dû faire la même chose en 2001, avec l'aide du gouvernement fédéral, mais les chiffres ont tendance à masquer la réalité. En effet, les résultats positifs du secteur du bétail compensent la sombre situation du secteur des céréales et des oléagineux. En 2000, ce secteur a fait face à une grosse vague de sécheresse, à des augmentations très élevées du prix des carburants et des engrais, à une mauvaise performance des marchés et des prix, et à un alourdissement du fardeau de la dette.

Hélas, la sécheresse promet d'être encore pire cette année. Certes, ce n'est pas un phénomène rare en Alberta—nous y faisons face, sectoriellement et régionalement, depuis plusieurs années. Par contre, le phénomène de cette année est tout à fait inhabituel car 90 p. 100 de la province fait face à la pire sécheresse enregistrée depuis 130 ans.

Heureusement, nous avons eu un peu de pluie ces deux ou trois derniers jours, ce dont nous sommes tous très heureux. Cela dit, notre gouvernement a annoncé vendredi dernier un programme sécheresse essentiellement destiné à venir en aide au secteur du bétail. Il s'agit d'un programme de 93 millions de dollars, soit 4 $ l'acre de pâturage naturel. Le volet le plus important de ce programme est une somme de 20 millions de dollars pour la gestion de l'eau, afin d'essayer d'atténuer le plus possible les effets à long terme du manque d'eau.

Mais, franchement, si la situation de l'emploi non agricole en Alberta n'avait pas été aussi bonne, la crise de l'agriculture aurait été plus grave. Notre filet de sécurité permet d'atténuer les baisses de revenu d'une année à l'autre. Dans ce contexte, il est relativement efficace. Le Programme de soutien du revenu en cas de calamité, ou PSRC, a été mis en oeuvre en 1995 et a permis de verser plus de 406 millions de dollars à plus de 22 000 demandeurs. L'assurance-récolte a aussi versé de grosses indemnités—environ 15,4 millions de dollars—aux producteurs du sud de la province en 2000.

Veuillez m'excusez, je suis impardonnable, j'ai oublié de préciser que le chef de notre opposition officielle et mon critique pour l'agriculture, Ken Nicol, est à côté de moi à cette table. Il prendra la parole tout à l'heure. Veuillez m'excuser, Ken.

Revenons à nos problèmes, que le Dr Nicol connaît d'ailleurs parfaitement bien. Les difficultés que nous connaissons actuellement viennent du fait que les programmes ne permettent pas de réagir comme il le faudrait à la conjonction regrettable des trois facteurs que sont la hausse des coûts, la baisse des prix et une grave sécheresse qui dure. La conjonction de ces trois facteurs réduit inexorablement les marges bénéficiaires et accroît le risque de faillite soudaine des exploitations agricoles et de dépression de l'économie rurale.

Il convient donc d'élaborer un filet de sécurité plus efficace, notamment pour le secteur céréalier, et nous examinons actuellement diverses possibilités, même si nous savons que les solutions ne seront pas faciles à trouver.

De fait, la rencontre de juin des ministres fédéral et provinciaux de l'Agriculture nous donnera l'occasion de nous pencher sur cette problématique et d'examiner de nouvelles mesures pour faciliter l'adaptation requise au sujet de la sécurité des produits alimentaires et de la planification environnementale des exploitations agricoles.

Il s'agit là de deux questions très importantes qu'on ne peut passer sous silence mais elles contribueront fort peu à résoudre la crise très réelle du revenu négatif du secteur céréalier et oléagineux. En fait, ces questions risquent même d'accroître les coûts des exploitations en imposant de nouvelles mesures restrictives.

Je veux donc vous parler aujourd'hui des domaines dans lesquels le gouvernement fédéral peut intervenir efficacement. Ce sont des domaines qui relèvent du contrôle du Canada—à la différence des cours mondiaux, du climat et des subventions américaines et européennes.

• 0940

Nous pensons que le problème du revenu agricole en Alberta pourrait être sensiblement atténué si le gouvernement fédéral s'attaquait franchement aux problèmes que je vais exposer. D'ailleurs, la plupart n'ont rien de nouveau—ça fait des années que nous en parlons—mais nous croyons qu'ils empêchent notre secteur agricole d'atteindre son plein potentiel.

Ces problèmes concernent la manutention et le transport des céréales, la vente libre des denrées agricoles, les échanges commerciaux, et la taxe d'accise fédérale sur les carburants agricoles. Comme vous pouvez le constater, ce sont des problèmes importants qui touchent directement le revenu des agriculteurs. Autrement dit, nous ne pensons qu'il suffit de s'occuper uniquement des filets de sécurité.

Nous aimerions que des mesures soient prises sur deux questions qui contribueraient plus que n'importe quelle subvention à améliorer la situation des agriculteurs en difficulté. Il s'agit de mettre fin à la vente obligatoire du blé et de l'orge à la Commission canadienne du blé et d'instaurer un marché libre de ces denrées lorsqu'elles sont destinées à la consommation humaine intérieure—marché qui serait alors similaire à ceux des autres cultures.

Après une étude du système de commercialisation des céréales, deux études du système de manutention et de transport des céréales, et une réduction unilatérale des tarifs ferroviaires globaux, les agriculteurs payaient autant pour exporter leur blé en 1999 et en 2000 qu'en 1996. Autrement dit, il leur faut toujours payer environ 57 $ la tonne pour la manutention, le transport et la commercialisation du blé et de l'orge par le truchement de la Commission canadienne du blé.

La libre commercialisation sur un marché intérieur ouvert devrait réduire ces coûts d'environ 20 $ la tonne, surtout si la transformation peut se faire à proximité des exploitations elles-mêmes. Nos agriculteurs et transformateurs ne seraient plus obligés de couvrir des frais dont ils ne sont pas responsables—comme ils doivent le faire aujourd'hui quand ils passent par la Commission canadienne du blé, avec ses pratiques de déduction et de tarification.

L'an dernier, le gouvernement fédéral a annoncé des changements au système de manutention et de transport des céréales dans le but d'en accroître l'efficience et d'en réduire les coûts. Il avait alors déclaré que cela rendrait le système plus commercial, plus compétitif et plus responsable. En outre, des changements devaient être apportés par étapes à la fonction de transport de la Commission canadienne du blé. Cette annonce était extrêmement encourageante et nous avions appuyé totalement les recommandations de la Commission Estey-Kroeger.

Hélas, ces changements ont produit for peu de résultats positifs parce qu'ils étaient en fait insignifiants—et, selon nous, n'allaient pas dans le bon sens. En fait, ils ont eu pour effet de renforcer la fonction de manutention et de transport de la Commission canadienne du blé, contrairement aux recommandations Estey-Kroeger. En conséquence, les participants au système se voient imposer un processus long et coûteux de négociation au lieu de travailler ensemble dans l'intérêt du système et, en dernière analyse, des exploitants agricoles.

Entre-temps, les agriculteurs restent confrontés au bas prix des céréales et ne peuvent bénéficier de la concurrence, des gains d'efficience et de la responsabilité qu'aurait produits la mise en oeuvre des recommandations Estey-Kroeger. Les changements fédéraux annoncés l'an dernier n'ont pas donné les baisses de coût promises. En outre, si les chemins de fer mettent en application les augmentations de tarif permises en vertu du nouveau processus législatif de plafonnement des recettes, les agriculteurs risquent de devoir assumer une hausse de 3,5 p. 100 des taux de fret pour la prochaine année culturale.

Nous sommes en faveur d'investissements additionnels dans des usines de transformation à valeur ajoutée des céréales, pour deux raisons—pour donner un rendement plus élevé aux agriculteurs et aux transformateurs et pour réduire notre dépendance à l'égard d'expéditions en vrac de céréales brutes.

Face à la perspective de devoir traiter avec une Commission canadienne du blé qui impose les prix et qui est le seul fournisseur de matières premières au Canada, les investisseurs préfèrent se tourner vers les secteurs leur offrant plus de choix commerciaux, comme les États-Unis. Si l'on compare le secteur fortement réglementé du blé au secteur déréglementé du canola et des grains de provende, on constate qu'il y a eu une expansion considérable de la transformation du canola et de l'élevage du bétail dans les provinces de l'Ouest, mais une stagnation frappante de la transformation du blé.

• 0945

Ces problèmes et d'autres ont été clairement mis en relief par notre Ag Summit 2000. À l'heure actuelle, deux équipes d'action se penchent sur le secteur. L'une s'appelle Les agriculteurs ont un choix en marketing, l'autre, La compétitivité sur un marché global. Ces deux équipes d'action sont chargées de formuler des stratégies et des plans pour offrir des choix de commercialisation aux agriculteurs de l'Alberta et pour rehausser la compétitivité globale des produits à valeur ajoutée.

Le gouvernement de l'Alberta tient à ce que les agriculteurs de la province puissent choisir eux-mêmes comment et où commercialiser leurs céréales. La Commission canadienne du blé devrait être l'une des possibilités offertes mais ce devrait être un choix libre, pas une solution imposée par la loi. Nous tenons à attirer d'autres investissements et d'autres usines de transformation à valeur ajoutée pour réduire notre dépendance à l'égard des exportations de céréales et pour être à même de faire concurrence aux autres pays sur le marché global des produits alimentaires.

En ce qui concerne les négociations de l'OMC, ma collègue du Manitoba a soulevé un certain nombre de problèmes que nous connaissons aussi. Il est crucial que les négociations actuelles sur l'agriculture produisent des résultats substantiels et sérieux pour réduire les obstacles continus à l'accès au marché et pour éliminer les subventions et les politiques qui faussent les règles du jeu et qui continuent d'entraver les économies agricoles compétitives de pays tels que le Canada. Il faut absolument que tout le monde soit sur un pied d'égalité en ce qui concerne les subventions, ce qui exige la réduction de toutes les catégories de subventions—vertes, bleues et ambres.

Nous recommandons une démarche très agressive pour réduire les subventions qui faussent les règles du commerce et de la production et pour réduire le plus possible les obstacles à l'accès au marché, pour tous les produits, à l'échelle nationale et internationale.

Les coûts de l'énergie sont également un problème dans notre province. Le gaz naturel, l'électricité, les carburants agricoles et les engrais azotés réduisent constamment les marges bénéficiaires des exploitations. Selon nos estimations, la hausse du prix des carburants agricoles coûte environ 4,50 $ l'acre aux exploitants.

Notre province offre des rabais et exempte les agriculteurs des taxes provinciales sur les carburants agricoles. Par contre, le gouvernement fédéral continue de percevoir une taxe de 10 ¢ par litre d'essence et de 4 ¢ par litre de diesel, ce qui représente selon nos estimations un coût additionnel d'environ 57 millions de dollars pour les agriculteurs albertains. Nous demandons une nouvelle fois au gouvernement fédéral d'éliminer la taxe fédérale d'accise et la TPS sur les carburants agricoles de façon à alléger immédiatement les coûts de production des agriculteurs.

En conclusion, le message que je tiens à souligner devant vous est que, si nous voulons vraiment nous attaquer aux problèmes du revenu agricole, nous pouvons le faire en réduisant les coûts qui résultent des politiques du gouvernement fédéral et en augmentant les subventions. Nous ne pouvons perdre de vue la nécessité de régler les problèmes des politiques actuelles qui empêchent notre secteur agricole de connaître une croissance durable.

Il est également essentiel de réformer le système de manutention et de transport des céréales et de résoudre les problèmes de commercialisation intérieure du blé et de l'orge. Rien ne justifie que l'on prive les producteurs du fruit de leur production de qualité et qu'on les empêche de vendre leur production comme ils l'entendent.

Notre but est d'assurer le dynamisme et la viabilité du secteur agricole. Pour ce faire, nous savons qu'il faut atteindre le prochain plateau. Nous voulons que cela se fasse par le truchement d'une industrie à valeur ajoutée. Autrement dit, il faut que les producteurs puissent ajouter plus de valeur à leur production et puissent la commercialiser de manière efficiente et opportune.

En ce qui concerne les subventions, nous avons la conviction que les agriculteurs de l'Alberta pourraient parfaitement être compétitifs sur le marché mondial mais nous savons que le marché actuel n'est certainement pas équitable. Comme nous ne pouvons faire concurrence aux trésors publics monumentaux de l'Union européenne et des États-Unis, il est crucial que nos filets de sécurité soient efficaces pour résister aux pressions à long terme et à court terme.

Mesdames et messieurs, nous allons continuer d'oeuvrer pour l'instauration d'un marché global vraiment concurrentiel mais, en attendant, il nous faut un filet de sécurité raisonnable et abordable pour répondre aux besoins de nos agriculteurs.

Je vous suis très reconnaissante de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui. Je tiens à collaborer avec vous pour créer une industrie agricole saine et durable dans l'intérêt de l'Alberta et du Canada, et je répondrai volontiers à toutes vos questions à ce sujet.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à la province centrale, la Saskatchewan.

• 0950

L'hon. Clay Serby (ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Assemblée législative de la Saskatchewan): Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.

Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous avec mes collègues des assemblées législatives des provinces de l'Ouest.

Nous sommes accompagnés ce matin de plusieurs collègues de la Saskatchewan et de représentants des associations de producteurs, soit M. Thad Trefiak, du Pool du blé de la Saskatchewan, M. Stuart Wells, du Syndicat national des cultivateurs, de M. Terry Hildebrandt, de l'Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan, M. Sinclair Harrison, de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, et de M. Ray Bashutsky, du Saskatchewan Rally Group.

Plusieurs des choses que nous sommes parvenus à faire au cours des derniers mois, pas seulement en Saskatchewan mais dans le reste du pays, en matière de financement additionnel ou de modification des filets de sécurité, résultent en partie des relations de travail qui se sont établies non seulement avec les politiciens de chacune de nos provinces mais aussi avec les représentants des organisations agricoles. Comme vous le disiez plus tôt, si nous pouvions leur donner la parole, je suis sûr qu'ils feraient des déclarations similaires aux nôtres.

Je vais essayer de m'en tenir aux 10 minutes, même si j'ai l'impression que l'Alberta et le Manitoba viennent de prendre une bonne partie de mon temps. Quoi qu'il en soit, nous sommes à l'heure avancée de l'Est et je sais que mon collègue de la Saskatchewan vous dirait que nous bénéficions d'une heure de plus pour nous adresser à vous.

Le président: Mais je tiens à être juste avec tout le monde, ce qui veut dire environ 17 minutes.

M. Clay Serby: Je vais donc m'en tenir le plus possible à mon texte.

Les producteurs de céréales et d'oléagineux de la Saskatchewan continuent de faire face à des prix qui sont trop bas à cause des distorsions du marché causées par les subventions que continuent de verser les Européens et les Américains à leurs agriculteurs. Le problème est que les prix de nos céréales et oléagineux continuent d'être déprimés à cause de règles commerciales qui, à mon avis, ne limitent pas adéquatement les interventions des deux principaux acteurs du commerce céréalier, l'Union européenne et les États-Unis.

Nous indiquons dans notre mémoire, que nous n'avons pu vous distribuer mais que nous vous remettrons à titre individuel—et je vous présente nos excuses pour ne pas avoir obtenu la traduction à temps—le niveau de soutien qui est offert pour les diverses denrées agricoles au Canada, aux États-Unis et dans l'Union européenne.

En 1999, par exemple, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, le niveau de soutien au Canada était de 11 p. 100 pour le blé, de 9 p. 100 pour les céréales secondaires, et de 10 p. 100 pour les oléagineux. Aux États-Unis, les chiffres correspondants étaient 46 p. 100, 40 p. 100 et 28 p. 100 et, dans l'Union européenne, 52 p. 100, 67 p. 100 et 46 p. 100, respectivement. Ces chiffres montrent aussi que le soutien canadien consenti pour le blé, les céréales secondaires et les oléagineux avait baissé entre 1986 et 1988, lorsque les agriculteurs ont fait face à une chute spectaculaire du prix des céréales.

En comparaison, on peut voir que le soutien des Américains à leurs producteurs de céréales et d'oléagineux est resté relativement constant; en fait, une analyse plus attentive permet de conclure que ce soutien a augmenté de manière considérable ces dernières années pour les oléagineux. En ce qui concerne l'Union européenne, dont j'ai récemment rencontré l'ambassadeur au Canada, elle a aussi maintenu le même niveau de soutien pendant la même période. Au Canada, je le répète, le niveau de soutien s'est effondré.

J'attire votre attention sur le projet de loi sur l'agriculture dont est actuellement saisi le Congrès des États-Unis... et je précise que nous avons assisté tous les trois au débat à ce sujet il y a environ deux mois. Les producteurs agricoles et les politiciens des régions agricoles, loin d'envisager de réduire les subventions américaines, parlent plutôt de les augmenter. Le projet de loi actuel autoriserait l'octroi de 85 milliards de dollars supplémentaires aux agriculteurs américains, au moment même où le Canada réduit ses propres subventions.

• 0955

Certes, il existe aujourd'hui divers programmes provinciaux et fédéraux pour venir en aide aux agriculteurs, et je peux dire que ceux de la Saskatchewan les apprécient beaucoup. Toutefois, ces programmes sont généralement conçus pour stabiliser les revenus. En ce qui concerne les producteurs de céréales et d'oléagineux, cela veut dire stabiliser un secteur qui fait face à des pressions continues au niveau des prix à cause des énormes subventions européennes et américaines.

Vous trouverez à la page 4 de notre mémoire des données indiquant l'incidence que cela peut avoir sur les revenues agricoles en Saskatchewan. Nous avons comparé les niveaux de revenu depuis 1986-1988, en dollars constants de l'époque, lorsque le soutien consenti aux producteurs de céréales et d'oléagineux du Canada était beaucoup plus proche du soutien consenti aux États-Unis et dans l'Union européenne. Les chiffres montrent que les revenus courants de l'an 2000 ne représentent que 60 p. 100 à 70 p. 100 de ce qu'ils étaient alors, selon l'année considérée. Si vous faisiez la même analyse pour le Manitoba et l'Alberta, vous auriez les mêmes résultats.

D'aucuns disent que notre secteur agricole n'a qu'à s'adapter, mais cela ne tient pas compte du fait que l'agriculture n'est pas un secteur voué pour toujours au déclin. De fait, la page 6 de notre mémoire montre que la quantité de céréales et de viande consommée dans le monde continue d'augmenter.

À la page 7, nous indiquons les ajustements importants qu'ont déjà effectués les agriculteurs de la Saskatchewan, et je peux vous dire qu'ils sont prêts à faire plus. Il y a 10 ans, notre province cultivait 19 millions d'acres de blé; aujourd'hui, c'est 11 millions seulement.

Le problème, c'est que les prix des céréales et des oléagineux se sont effondrés, alors que la consommation augmente, parce que les deux principaux acteurs sur le marché mondial offrent d'énormes subventions à leurs producteurs. Ceux-ci obtiennent donc un chèque du marché et un chèque du gouvernement. Je tiens à souligner fortement que les agriculteurs de la Saskatchewan sont tout à compétitifs à l'échelle mondiale et qu'ils ne souhaitent qu'une seule chose: un accès égal aux marchés mondiaux.

Je voudrais vous citer un extrait d'un discours prononcé par le ministre de l'Agriculture en Europe:

    [...] J'ai essayé de faire en sorte que les dirigeants de l'Europe soient parfaitement conscients du problème de la rentabilité des céréales. Le paiement en Europe et aux États-Unis de subventions massives fausse les valeurs du marché, provoque l'effondrement des prix et nuit aux agriculteurs du Canada.

Il ajoutait ensuite que «ces subventions déloyales sont la première cause de la crise du revenu agricole».

La question que je veux vous poser est celle-ci: le gouvernement fédéral va-t-il oui ou non aider le secteur agricole à faire concurrence aux trésors publics des États-Unis et de l'Union européenne et va-t-il agir pour obtenir de meilleures règles commerciales afin d'imposer une discipline aux pays qui subventionnent? Sachez-le bien, nos provinces ne peuvent faire concurrence à ces trésors publics.

La décision fondamentale que nous devons donc prendre autour de cette table est de savoir si l'agriculture a une valeur quelconque pour le Canada. À mon sens, aucune autre industrie ne devrait être plus importante pour les Canadiens puisque c'est celle qui leur donne une alimentation sûre et de grande qualité.

Nous vous demandons de prendre l'engagement d'assurer un niveau de financement continu pour placer nos agriculteurs plus ou moins à égalité avec leurs homologues américains et européens. Et personne ne devrait s'imaginer que les programmes agricoles actuels suffiront pour résoudre les graves problèmes de revenu résultant de cette situation.

J'insiste sur le fait que nous avons besoin de maintenir un financement d'urgence et de l'enveloppe d'urgence au palier fédéral. Les programmes agricoles n'offrent pas le niveau de soutien nécessaire dans notre province ou dans les autres provinces céréalières car, comme je l'ai dit, ils sont destinés à stabiliser le revenu—et non pas à compenser la baisse des revenus résultant des subventions américaines et européennes. Donc, l'enveloppe d'aide d'urgence ou d'aide de relais que le gouvernement fédéral a prévue pour compenser les subventions européennes et américaines doit être maintenue—et, à mon avis, pour une période assez longue.

• 1000

Nous n'avons rien contre la révision du filet de sécurité, que nous avons d'ailleurs acceptée à Québec il y a quelques mois, avec le gouvernement fédéral et les provinces, pour revoir la manière dont les programmes sont conçus, étant donné que nous estimons, à titre de représentants des céréaliculteurs des Prairies, que nos programmes actuels de sécurité ne marchent pas. De fait, nous avons indiqué dans notre mémoire les questions et les options qu'il convient d'examiner en détail, comme des programmes sectoriels et des programmes de mise en réserve de terres.

Pour résumer, monsieur le président, les agriculteurs de la Saskatchewan attendent du gouvernement fédéral qu'il prenne un engagement fondamental et soutenu à l'égard du secteur de céréales et des oléagineux pour l'aider à résister à la concurrence européenne et américaine. Nos agriculteurs veulent être placés sur un pied d'égalité. En outre, nous avons besoin de votre appui et de votre engagement pour veiller à ce que les filets de sécurité et les programmes d'urgence fonctionnent mieux dans l'intérêt des céréaliculteurs.

Nos discussions avec les agriculteurs et associations de producteurs de la Saskatchewan, dont certains représentants sont avec nous aujourd'hui, nous montrent qu'il y a aussi d'autres questions à examiner. Il s'agit par exemple de questions reliées au transport des céréales, comme l'a dit ma collègue de l'Alberta, du financement de la réfection des routes, du développement économique rural et d'un accès accru à la production de denrées assujetties à la gestion de l'offre. Nous voulons nous pencher sur le rôle important que vous pourriez jouer pour abolir la taxe d'accise. Voilà quelques exemples des domaines dans lesquels le gouvernement fédéral pourrait nous venir en aide afin de contribuer à égaliser les règles du jeu.

Nous tenons beaucoup à collaborer étroitement avec le gouvernement fédéral au sujet des projets de salubrité des aliments, ce qui est une préoccupation mondiale aujourd'hui, de durabilité environnementale, de transition et d'ajustement, et de concurrence efficace sur les marchés d'intrants et d'extrants. Nous devons veiller à ce que les nouveaux budgets qui ont été conçus et annoncés par le gouvernement fédéral représentent des crédits frais, et non pas un simple transfert des budgets d'urgence vers la nouvelle enveloppe destinée aux mesures de transition, d'ajustement et de salubrité alimentaire.

Essentiellement, toutefois, nos agriculteurs ont besoin de meilleures règles des échanges. Ils sont capables de faire concurrence à n'importe qui au monde si les règles du jeu sont les mêmes pour tous. La Saskatchewan s'est engagée à continuer de faire sa part, sur le plan fiscal, pour aider ses agriculteurs.

En 2001-2002, notre budget de l'agriculture augmentera de 35 p. 100 et nous continuerons de financer de nouveaux programmes, mais il faut bien savoir que les provinces où l'agriculture est un secteur très important, comme chez nous, n'ont pas la même possibilité d'orienter les deniers publics vers l'agriculture. Le partage à coût fixe tel qu'il est actuellement pratiqué par le gouvernement fédéral rend la vie difficile à une province comme la Saskatchewan car il ne tient pas compte du fait que les provinces n'ont pas toutes les mêmes ressources pour aider l'agriculture, du fait d'assiettes fiscales différentes. Nous demandons au gouvernement fédéral et à votre comité de faire preuve de leadership pour aider notre industrie à résister aux subventions américaines et européennes et à tirer parti des opportunités futures.

À notre avis, c'est essentiellement ici, à Ottawa, que réside la responsabilité de l'élaboration des politiques de soutien de l'agriculture. Nous sommes déterminés à collaborer étroitement avec le gouvernement fédéral et avec votre comité. Sachez aussi que, lorsque vous viendrez en Saskatchewan, nous veillerons à ce que vous puissiez nous rencontrer à nouveau et discuter avec nos groupes de producteurs pour examiner de manière plus détaillée les options que nous avons avancées aujourd'hui.

Merci beaucoup, monsieur le président; je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Serby.

Nous allons maintenant donner brièvement la parole aux critiques.

Monsieur Penner, êtes-vous prêt à commencer?

M. Jack Penner (critique officiel pour l'agriculture, Assemblée législative du Manitoba): Merci beaucoup, monsieur le président. Ceux d'entre nous du Manitoba qui ne faisons pas partie du gouvernement mais qui sommes les critiques officiels pour l'agriculture vous remercions sincèrement de nous donner l'occasion de nous adresser à vous pour vous communiquer notre opinion et celle de notre caucus sur la crise de l'agriculture.

Nous pensons que l'agriculture, tant au Manitoba que dans le reste du Canada, est encore aujourd'hui une industrie cruciale qui mérite l'attention des gouvernements, ainsi que des politiques durables. En 1937, 1938 et 1939, le blé était considéré au Canada comme l'une des denrées les plus importantes du point de vue de la sécurité nationale. À l'époque, quand on a mis en oeuvre des politiques interdisant l'exportation de blé par des particuliers, afin de le réserver à nos intérêts nationaux et internationaux, pour faire en sorte que nos alliés puissent nourrir leurs armées, il était évident à nos yeux que nous pouvions et devions contribuer à cet effort. Aujourd'hui, par contre, on semble avoir perdu de vue ce qui est vraiment important pour notre société.

• 1005

Je crois que la sécurité des approvisionnements alimentaires doit encore être considérée comme un facteur clé de notre sécurité nationale. Nous n'avons pas encore vraiment digéré que notre gouvernement national ait totalement abandonné les producteurs de betteraves à sucre du Manitoba en n'adoptant pas des politiques qui leur auraient permis d'être concurrentiels, même si nous étions alors les producteurs les plus compétitifs au monde, cela a été prouvé.

Aujourd'hui, le Canada est obligé de s'en remettre à des intérêts étrangers pour s'approvisionner en sucre. Si nous devions jamais nous retrouver dans un conflit, monsieur le président, nous risquerions fort bien de ne pas pouvoir nous approvisionner en sucre, l'un des produits alimentaires les plus importants, et ça m'inquiète.

L'autre chose dont je veux vous entretenir aujourd'hui est l'orientation future de notre politique agricole. Quand le gouvernement fédéral a décidé d'abolir le Nid-de-Corbeau, beaucoup d'entre nous l'avons applaudi et l'applaudissons encore aujourd'hui. Si la subvention du Nid-de-Corbeau n'avait jamais existé, l'Ouest canadien serait aujourd'hui une partie complètement différente de notre nation, pensons-nous. Cela dit, la subvention existait, et elle a été abolie—sans tenir compte toutefois de tous les autres éléments qui sont affectés par le transport des marchandises, de l'Est à l'Ouest et à l'exportation. On a ajouté le Fonds d'adaptation à la disparition de l'Aide au transport des céréales et on a ajouté le programme du tarif de l'Est pour veiller à ce que nos utilisateurs de grains de provende aient accès aux produits bon marché du Canada. Nous avons abandonné toute cette question sans nous demander l'effet que cela aurait sur l'économie de la production alimentaire et de l'élevage.

Nous n'avons rien fait pour tenir compte de la situation des secteurs de gestion de l'offre et des autres secteurs, pour permettre à la concurrence d'être le facteur déterminant dans la localisation des centres d'élevage. Nous permettons toujours aux quotas nationaux et aux quotas provinciaux d'être établis essentiellement en fonction de la population, ce qu'il faut changer.

Si la concurrence pouvait jouer à plein, je soupçonne que cela aurait sur le secteur de l'élevage le même effet que nous avons constaté sur la production de haricots. Cette industrie s'est transportée presque totalement de l'Ontario au Manitoba, notre province étant actuellement la première productrice de haricots au Canada. Certes, il y a aussi des limites à cela au Manitoba, à cause du climat, mais nous sommes des producteurs compétents. Si nous sommes obligés de payer les taux de fret les plus élevés pour exporter nos céréales et nos oléagineux, cela veut dire que nous aurons les approvisionnements alimentaires coûtant le moins cher au Canada puisque nous sommes la province la plus éloignée des ports.

Emerson, où je vis, au Manitoba, se trouve à six milles au nord de Pembina, ville du Dakota du Nord, c'est-à-dire de la frontière américaine, et mes taux de fret sont passés de 27c. le boisseau, pour l'orge, à 1,18 $ le boisseau jusqu'au port. Cela veut dire que le prix de la production de ma ferme est d'environ 1 $ le boisseau moins cher que pour un producteur qui se trouve sur la côte ouest ou un producteur de l'Ontario qui a accès à un port en eau profonde. Voilà notre coût, et c'est là notre avantage concurrentiel, mais nous ne sommes pas autorisés, dans bien des cas, à en profiter pour nous diversifier.

Le ministre Vanclief, qui se trouvait vendredi dernier à La Broquerie, au Manitoba, m'a dit que ma région, la circonscription La Broquerie—Steinbock, était un exemple de diversification. La région de La Broquerie—Steinbock est une région qui produit des denrées assujetties à la gestion de l'offre et c'est une région prospère. La gestion de l'offre marche bien et j'y suis favorable. Toutefois, elle marche aussi bien dans les autres secteurs de l'élevage. Nous avons constaté une expansion énorme de l'élevage dans certaines parties de la province, mais cela s'explique par l'accès à des provendes qui ne coûtent pas cher.

• 1010

Aujourd'hui, monsieur le président, nous sommes obligés de faire concurrence aux producteurs américains de grains de provende. Du maïs entre aujourd'hui au Manitoba à la moitié du coût qu'obtient le producteur américain. En effet, grâce à des subventions directes, le producteur américain obtient 50 p. 100 de son revenu de l'oncle Sam, par le truchement des programmes LAP, de mise de côté de terres et d'aide en cas de calamité. L'an dernier, leur programme d'aide en cas de calamité a permis de verser jusqu'à 200 $ l'acre à ce type de producteurs.

Voilà ma concurrence, et je ne peux y résister seul.

Au fait, monsieur le président, le Manitoba sera cette année, pour la première fois de son histoire, un importateur net de grains de provende. Et cela, non pas parce que notre secteur de l'élevage s'est tellement développé qu'il absorbe toute notre production. Nous ne pouvons pas tout simplement cesser de cultiver. Nous nous sommes convertis aux haricots. Nous nous sommes convertis aux lentilles, aux petits pois, aux pois chiches, au carvi, aux petits fruits, au tournesol, à l'élevage d'élans, d'autruches, d'émus, de bisons—à toutes sortes de choses différentes. Nous avons cessé de cultiver de l'orge pour le bétail. Nous cultivons un peu de maïs pour le bétail mais c'est très limité parce que nous ne pouvons pas faire concurrence à nos amis américains, à la moitié du prix. Voilà le problème.

Aux États-Unis, c'est le gouvernement national qui a pris la décision d'appuyer l'agriculture et d'assurer l'approvisionnement alimentaire du pays. Chez nous, notre gouvernement nous a abandonnés. Il faut faire quelque chose. Il y a des solutions.

Certes, je suis d'accord avec ce que disait M. Vanclief à La Broquerie. Il disait que nous devons nous diversifier, et nous l'avons fait. Moi-même, je suis passé des céréales aux betteraves à sucre, ce qui m'a coûté une somme énorme. Il y a cinq ans, j'ai perdu ça. Je n'ai reçu aucune sorte de compensation pour la perte de cette industrie. Les producteurs de l'Ontario, quand ils ont perdu leur industrie de la betterave à sucre, ont été indemnisés. Quand ils ont perdu leur industrie du raisin, monsieur, ils ont été indemnisés. Quand le Québec a perdu son industrie de la betterave à sucre et d'autres industries, il a été indemnisé. Mais pas le Manitoba. Pourquoi?

Voilà le coeur même du problème. Nous, dans l'Ouest, nous estimons être traités de manière différente des autres provinces, et ça ne peut pas durer. Nous pensons que le secteur des céréales et des oléagineux a besoin d'une aide exceptionnelle à court terme, et 500 millions de dollars sont tout simplement insuffisants. Les pertes réelles qu'on enregistre actuellement dans l'Ouest canadien sont de l'ordre de 5,8 à 6 milliards de dollars par an. C'est cela qu'il faudrait pour mettre nos producteurs de céréales et d'oléagineux sur un pied d'égalité avec ce que reçoivent les producteurs américains.

On entend parfois dire que les agriculteurs de l'Ouest canadien ne vont tout simplement pas capitaliser si les gouvernements leur viennent en aide, ce qui est complètement faux. Ce n'est pas arrivé aux États-Unis. Le prix des terres de l'autre côté de la frontière, à six milles au sud de ma ferme, est de 300 $ de moins à l'acre qu'au Manitoba. Pourquoi? En moyenne, les fermes des États-Unis sont moitié moins grandes que les fermes canadiennes. Pourquoi? Parce que les petites exploitations familiales peuvent survivre aux États-Unis. Parce que le gouvernement américain les aide, alors que le nôtre ne fait rien. Nous forçons nos agriculteurs à s'agrandir mais ça ne peut pas durer si nous voulons que l'économie de l'Ouest et les communautés locales restent viables.

Les ministres qui m'ont précédé ont déjà mentionné les principaux problèmes.

Le président: Puis-je vous demander de résumer en une minute, vous avez déjà pris presque 11 minutes.

M. Jack Penner: Veuillez m'excuser.

Il y a beaucoup d'autres questions à régler. Par exemple, il pourrait y avoir des industries manufacturières, et il y en a déjà. On peut cultiver des produits pour la valeur ajoutée.

Je déposerai mon rapport, qui est dans les deux langues officielles. J'espère que vous pourrez en tenir compte. J'y parle essentiellement des mesures de diversification et des politiques qu'il convient d'adopter, que l'on peut adopter et que l'on devrait adopter pour appuyer ce secteur économique important du Manitoba.

• 1015

Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie les membres du comité de m'avoir laissé dépasser mon temps de parole.

Le président: Merci, monsieur Penner

M. Nicol de l'Alberta.

M. Ken Nicol (critique officiel pour l'agriculture, Assemblée législative de l'Alberta): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous.

Vous avez déjà beaucoup entendu parler aujourd'hui des caractéristiques de notre secteur agricole et des problèmes qu'il connaît. J'ai commencé ma carrière en politique agricole il y a 34 ans, et mon premier projet était de voir ce que les gouvernements pouvaient faire pour soutenir les revenus agricoles et réduire les inégalités. Et le débat continue aujourd'hui. Il est temps de commencer à se demander comment on peut faire face à ces problèmes à long terme, d'une manière qui soit acceptable pour la population. Ces deux ou trois dernières semaines, nous nous sommes mis à l'écoute des gens de Lethbridge, qui n'est pas un grand centre urbain mais un centre agricole du sud de l'Alberta, où se trouve ma circonscription, et les gens nous demandaient pourquoi il faudrait donner encore de l'argent à l'agriculture alors que les revenus agricoles augmentent.

Si nous voulons traiter le secteur de l'agriculture correctement, puisque nous en sommes les gardiens publics, nous devons envisager chacune de ses composantes séparément, c'est-à-dire les céréales, les oléagineux, la composante culturale, l'élevage, la gestion de l'offre et l'agriculture à contrat. Chacun de ces éléments fait face à des problèmes différents, que l'on doit traiter différemment. En outre, comme nous sommes les élus chargés de prendre des engagements pour le secteur agricole, nous devons nous assurer que le public nous appuie et qu'il comprend bien pourquoi nous prenons certaines mesures.

En ce qui concerne par exemple les secteurs de la gestion de l'offre, notamment celui du lait de consommation, on y trouve des systèmes de tarification fondés sur les coûts, et ce sont des secteurs qui peuvent se débrouiller tout seuls. Passons donc ensuite aux secteurs à contrat, où les producteurs obtiennent un revenu fondé sur le volume, revenu qui dépend d'un processus de négociation qui peut être entrepris avec un réseau de soutien d'un an. À long terme, le secteur peut négocier des contrats adéquats pour continuer sa production.

Pour ce qui est de l'élevage, c'est-à-dire le boeuf et le porc, ce sont des secteurs qui assurent des niveaux de revenu satisfaisants aux producteurs. Leur problème est que les revenus ont un caractère cyclique, et un programme comme le CSRN, correctement conçu, leur donnera le genre de gestion des cycles qui est nécessaire.

Le secteur de l'agriculture qui est vraiment en crise est celui de la culture, c'est-à-dire des producteurs d'oléagineux et de fourrage. Notre rôle à leur sujet doit être de les aider à surmonter une situation devenue extrêmement difficile. Nous avons essayé de mettre en oeuvre des programmes de soutien mais, quand il s'agit d'un phénomène de dépression chronique, des programmes comme le CSRN ne sont pas satisfaisants parce que les producteurs n'ont tout simplement pas les revenus de départ que les programmes sont censés stabiliser. Il faut donc chercher des solutions pour leur donner un système de soutien durable. Le programme de soutien du revenu en cas de calamité, qui fut mis en oeuvre en 1995 et fut un modèle pour le programme de soutien d'urgence élaboré au palier fédéral, fonctionne très bien en cas de récession ou de crise ne durant pas plus d'un an ou deux. Par contre, quand on fait face à une chute continue des revenus pendant quatre, cinq ou six ans, comme cela vient d'être le cas, même ces programmes-là ne fonctionnent pas car le revenu que l'on essaie de soutenir s'effondre peu à peu et il n'y a bientôt plus rien à soutenir.

La question est donc aujourd'hui de savoir comment on peut mettre en oeuvre un programme de soutien efficace des secteurs culturaux. L'une des choses qui reviennent constamment quand je participe à des réunions publiques sur cette question, c'est que nous sommes tous entravés par l'Accord sur l'agriculture de l'Organisation mondiale du commerce. Toutefois, si on cherche bien, on constate qu'il y a toute une série de programmes qui peuvent offrir un soutien au monde agricole.

• 1020

Je pense que nous ne tenons pas assez compte des choix qu'offre l'assurance-récolte. Au lieu de fonder l'assurance-récolte sur la notion d'assurance du revenu, il faudrait fonder l'assurance-récolte sur les coûts. Quand l'agriculteur de l'Alberta s'adresse au courtier en assurance pour obtenir une assurance contre la grêle, il lui dit «Je veux assurer ma récolte pour tel montant», et non pas «Voici le rendement que j'espère, et je suppose que le prix sera X dollars, ce qui me donnera probablement tel revenu—puis-je assurer ça?» Autrement dit, la prime d'assurance est fondée sur le niveau de protection que je souhaite. Si nous prenions l'argent que nous investissons dans nos programmes de soutien du revenu en cas de catastrophes, ou nos programmes ACRA, les paiements à l'acre que nous effectuons, et si nous mettions sur pied un programme viable d'assurance-récolte fondé sur les coûts, cela donnerait à nos agriculteurs un mécanisme durable tenant compte de la variabilité des intrants et de la concurrence émanant des trésors publics européens et américains. Nous pourrions faire ça en utilisant ce type de modèle.

On parle aujourd'hui d'appliquer aux agriculteurs une législation sur les espèces en péril. En vertu de l'OMC, nous avons la possibilité de leur accorder des paiements pour protéger les acres où il y a des espèces en péril, ce qui veut dire que nous pouvons utiliser les dispositions environnementales ou les systèmes de développement régional pour octroyer le genre de paiements de soutien qui sont nécessaires aux cultivateurs.

Ma circonscription se trouve dans la municipalité de Lethbridge, mais mon exploitation agricole se trouve à l'extérieur de Lethbridge—c'est la région des prés d'embouche du sud de l'Alberta. Dans toute cette région, où il y a un grand nombre de producteurs assujettis à la gestion de l'offre et où il y a des éleveurs de boeuf et de porc, les producteurs ont des niveaux de liquidités qui constituent un vrai désavantage pour les producteurs de céréales, les cultivateurs, car ces derniers n'ont pas le niveau de revenu nécessaire pour leur faire concurrence. Le mois dernier, un quart de section à côté de mon exploitation s'est vendu pour 550 000 $, irrigué. C'est un éleveur qui l'a acheté. Aucun cultivateur du sud de l'Alberta, même un cultivateur spécialisé dans la betterave à sucre ou la pomme de terre, ne pouvait lui faire concurrence.

Donc, ce qu'il faut faire, c'est tenir compte des coûts de production pour mettre sur pied un mécanisme qui nous permettra d'offrir un soutien. On pourrait le faire selon une échelle mobile, ce qui voudrait dire que les premiers 100 $, ou 200 $ ou 300 $, qui seraient un engagement de liquidité de cet exploitant, seraient couverts, avec un certain pourcentage de coût partagé publiquement. Si l'agriculteur voulait une couverture plus élevée, le pourcentage de participation publique diminuerait. Autrement dit, si vous voulez couvrir vos coûts fixes ou le niveau de rendement de votre actif, il y aurait moins de participation publique. Cela éviterait d'intégrer un mécanisme générateur de revenu dans le prix variable de la ressource.

Voilà le genre de chose que l'on doit envisager. Cette année, ce qu'il faut faire, c'est donner une aide immédiate aux agriculteurs sur la base des suggestions que nous avons déjà entendues concernant la réduction du coût des intrants en éliminant les taxes sur les carburants et sur les autres sources d'énergie, et en réglant certains des problèmes importants dans le secteur des transports. À long terme, cependant, notre objectif doit être d'instaurer un secteur qui sera en mesure de s'adapter, qui pourra devenir compétitif sur une base interne autant que sur une base externe.

Monsieur le président, je sais que le temps passe vite et je vais en rester là car je ne voudrais pas commencer à répéter ce que d'autres ont déjà déclaré. Je voulais simplement mentionner certaines des autres méthodes que nous pouvons employer pour aider l'agriculture, méthodes qui seraient ciblées en ne violeraient les accords de l'OMC.

Le président: Merci, docteur Nicol.

M. Boyd, vous serez le releveur, comme on dit au baseball. Ce ne sera pas facile après les sept personnes que nous venons d'entendre.

• 1025

M. Bill Boyd (critique officiel pour l'agriculture, Assemblée législative de la Saskatchewan): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir m'adresser au comité au sujet des problèmes de l'agriculture.

Comme je suis moi aussi un agriculteur, je me trouvais l'autre jour sur mon tracteur et je me demandais ce que j'allais bien pouvoir vous dire. Je suis arrivé à la conclusion que la dernière chose que souhaitent les agriculteurs de l'Ouest canadien—et je suis sûr que c'est la même chose dans toutes les provinces—c'est l'aumône. Toutefois, les agriculteurs canadiens font concurrence à des agriculteurs du monde entier qui ont un partenaire dont les ressources sont considérables et qui met des milliards de dollars dans leurs poches. Voilà à qui nous devons faire concurrence au palier international.

Jusqu'à présent, je pense que nous avons réussi à faire concurrence aux agriculteurs des autres pays, même si nous n'avons pas les mêmes ressources qu'eux. On a mis en oeuvre dans notre province, et dans d'autres, des programmes comme l'ACRA ou le PAIDAC, qui ont généralement été fort bien acceptés. Toutefois, ils n'ont pas produit tous les effets souhaités. Même si les objectifs sont louables, ils ne répondent tout simplement pas complètement aux besoins du secteur des céréales et des oléagineux.

L'assurance-récolte et le CSRN marchent très bien et je partage les remarques du Dr Nicol à ce sujet. À mon avis, ses recommandations pourraient être la base d'un bon programme à l'avenir. Au fond, nous voulons deux choses: un filet de sécurité à long terme qui permette d'éliminer les fluctuations excessives, et un programme de soutien à court terme aussi. Voilà les deux choses dont nous avons besoin. Des représentants de tous les partis politiques nous disent qu'il faut nous diversifier, et je pense que le ministre Serby a clairement montré qu'il y a déjà eu beaucoup de diversification positive en Saskatchewan.

Je me trouvais l'autre jour sur mon tracteur et je me disais que, puisque tous les membres du comité sont des élus, tous ont une allégeance politique. De temps à autre, cependant, nous réussissons à mettre la partisannerie de côté. Quand le Canada réagit comme entité nationale à une crise particulière, nous en sommes tous très fiers. Ce fut le cas pour les inondations, la tempête de verglas ou la crise des pêches, par exemple. En Saskatchewan, nous contribuons toujours à de tels efforts. Aujourd'hui, j'estime qu'un besoin similaire existe dans les provinces de l'Ouest. Certes, il ne s'agit pas d'une catastrophe naturelle mais il y a quand même des gens qui ont besoin de notre aide. Voilà pourquoi nous demandons au gouvernement fédéral de réagir à ce besoin national.

En effet, le secteur agricole de notre province vient de connaître des difficultés qui provoquent une sorte de dépopulation. Les exploitations deviennent de plus en plus vastes et nous assistons constamment au départ de certains de nos voisins. Il suffit d'ouvrir un journal local pour voir des annonces de ventes aux enchères. Or, quand quelqu'un décide de quitter l'agriculture, ça ne représente pas simplement le départ d'une personne, ça représente aussi la perte d'une famille, d'amis, de voisins. Je viens d'une collectivité qui comptait à une époque près de 2 000 personnes et qui était très dynamique. Aujourd'hui, 15 ans après, sa population a baissé de moitié.

Pour moi, cela montre mieux que n'importe quoi la nécessité d'une intervention aux paliers fédéral et provincial. Notre défi est de relever ces défis. Et je pense que le gouvernement fédéral dispose des moyens nécessaires pour relever ces défis.

• 1030

Certes, on nous dit toujours qu'il y a beaucoup d'intérêts différents à satisfaire au palier fédéral, avec des ressources limitées—pour la santé, l'éducation, des programmes économiques de toutes sortes—mais ce que nous demandons maintenant à notre gouvernement national vise aussi à défendre les intérêts du pays et de notre province.

Je pense que nous avons trois défis importants à relever. Le premier concerne les transports, étant donné que nous devons continuer nos efforts pour réduire les frais de transport ou, au minimum, les maîtriser. Nous avons besoin de services de transport pour commercialiser notre production. Après tout, nous envoyons plus de 80 p. 100 de notre production à l'extérieur de la province et nous avons donc besoin d'un système de transport efficace.

En ce qui concerne la commercialisation, je pense que nos agriculteurs réclament aussi des changements à ce chapitre. Nous appuyons le modèle de choix de l'Alberta et nous pensons que c'est là un changement nécessaire qui aidera notre industrie à s'épanouir.

Finalement, et ce n'est pas le moins important, nous avons besoin du filet de sécurité à long terme dont j'ai déjà parlé. Nous voulons trouver au palier fédéral un partenaire qui nous aidera à faire concurrence aux agriculteurs du monde entier. Nous ne pourrons tout simplement pas relever ces défis sans l'aide du gouvernement fédéral.

Monsieur le président, membres du comité, nous appuyons sans réserve l'appel lancé par les agriculteurs de la Saskatchewan au gouvernement fédéral et nous vous demandons de participer à un effort national pour venir en aide à nos producteurs.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Boyd.

Je tiens à féliciter les personnes qui se sont adressées à nous ce matin. Nous avons aussi dans cette salle un certain nombre d'agriculteurs et je suis sûr qu'ils auront constaté que leurs politiciens les ont très bien représentés. Je crois qu'ils peuvent être satisfaits de leurs élus.

J'ai maintenant un petit problème de temps. J'ai demandé à Garry si nous pourrions essayer de limiter la période des questions à cinq minutes par personne, pour que chacun puisse y participer.

Je m'en remets à vous, Garry. Faites votre possible.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, AC): Merci, monsieur le président. Est-ce que ces cinq minutes comprennent aussi les réponses?

Le président: Eh oui.

M. Garry Breitkreuz: Je ne vois pas comment ce sera possible.

Quoi qu'il en soit, merci à tous et toutes d'être venus nous faire part de vos préoccupations. Je suis heureux de voir qu'il y a derrière vous beaucoup de gens qui appuient votre démarche. Il est important en effet que le monde agricole fasse preuve d'unité en ce moment, et je suis heureux que vous ayez laissé la politique de côté pour nous adresser votre message.

Je pense que M. Serby a clairement mis le doigt sur le problème fondamental, qui est de savoir si l'agriculture compte vraiment pour le Canada. Les Canadiens comprennent-ils vraiment l'importance de l'agriculture? Pour ma part, j'estime que l'agriculture est fondamentale pour notre économie et pour le tissu même de notre société. Cela étant, j'estime essentiel d'assurer son avenir. Il faut que l'agriculture devienne une priorité dans nos négociations internationales. Ça me paraît élémentaire. Elle devrait être aussi prioritaire que l'aérospatiale, par exemple.

Statistique Canada vient tout juste de publier des chiffres montrant que le revenu agricole moyen en Saskatchewan est inférieur à 7 000 $. Je ne pense pas que les Canadiens réalisent bien la gravité de la situation. Peut-être ce chiffre réussira-t-il à leur ouvrir les yeux?

Le point commun que je retire de tous vos exposés est que l'Ouest canadien a été traité différemment et, aussi, injustement. Les provinces des Prairies ont été beaucoup plus durement touchées que les autres quand on a réduit les programmes de soutien agricole. La question qui se pose est donc celle-ci: pouvez-vous en conclure que c'est le gouvernement lui-même qui est à l'origine de certains des problèmes que connaissent les agriculteurs, et des inégalités qui existent au Canada? J'aimerais connaître votre avis là-dessus.

• 1035

L'un des exemples sur lesquels nous devons revenir est celui du tarif du Nid-de-Corbeau. Quand on a aboli ce tarif, on n'a pas apporté au système de transport les changements qui auraient dû accompagner cette décision.

En outre, le gouvernement n'a mis en oeuvre aucune recommandation des nombreuses commissions qui ont été mises sur pied. Aux États-Unis, ils ne cessent de revoir leurs programmes et ils agissent. Qu'en pensez-vous?

Le président: Garry, vous venez d'utiliser trois minutes. Nous avons eu de longs débats à ce sujet en Chambre. En fait, nous y avons consacré des jours et des nuits. Je suis sûr qu'ils ont déjà entendu vos discours à ce sujet, Garry, et qu'il serait donc préférable que vous posiez immédiatement vos questions, afin que les témoins puissent apporter quelque chose au comité.

M. Garry Breitkreuz: Bien.

Le président: Pouvez-vous donc poser vos questions?

M. Garry Breitkreuz: Votre intervention sera-t-elle déduite de mon temps, monsieur le président?

L'engagement du gouvernement fédéral à l'égard de l'agriculture est-il adéquat? C'est à cela qu'il faut répondre. L'argent promis par le ministre de l'Agriculture a-t-il été versé aux agriculteurs de votre province? Pourquoi y a-t-il des retards? Quels changements faudrait-il apporter au PAIDAC pour venir en aide aux producteurs de céréales et d'oléagineux de votre province? Quels changements voudriez-vous apporter à la politique du gouvernement concernant la répartition 60-40? Les provinces seraient-elles prêtes à participer à un programme de transition?

L'Alliance canadienne réclame 400 millions de dollars d'aide immédiate mais le gouvernement dit qu'il y aura une sorte de programme de transition pour offrir aux producteurs des options à l'extérieur de l'agriculture. Qu'en pensez-vous?

Voilà mes six questions, monsieur le président, et ils ont à peu près 30 secondes pour y répondre. Merci.

Le président: Nous aurons d'abord les réponses de l'Alberta.

Mme Shirley McClellan: Il va certainement me falloir quelques secondes pour répondre à ces questions.

Nous ne sommes pas nécessairement venus ici pour parler d'argent. Il est important d'établir un dialogue et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de passer beaucoup de temps à expliquer que les ressources sont limitées, même si nous sommes prêts à le faire. Non, la répartition n'a pas été équitable. En fait, si vous me permettez d'aller plus loin, nous ne pensons pas que l'Alberta ait été traitée de manière équitable car cette année sera la première où nous... bien sûr, nous avons apprécié que le gouvernement fédéral contribue à un versement en espèces éventuel mais, l'an dernier, nous n'y avons pas participé.

La plus grosse question concerne le filet de sécurité. Quand j'étais ministre associée de l'Agriculture, de 1989 à 1992, nous parlions déjà d'un filet de sécurité fondé sur les coûts de production. Il est quand même intéressant de constater que, lorsque les compagnies de chemin de fer ont besoin d'une augmentation de tarif parce que le prix des carburants a augmenté, elles l'obtiennent. Pouvez-vous me dire en quoi le programme du filet de sécurité des agriculteurs tient compte de l'augmentation de leurs coûts? Voilà, en termes très simples, le coeur du problème que nous connaissons aujourd'hui.

Nous n'avons pas besoin d'autres commissions ou d'autres comités dispendieux si nous ne sommes pas prêts à mettre en application les informations déjà très utiles dont nous disposons. Je répète que les recommandations du comité Estey-Kroeger étaient très encourageantes. Nous avons pleinement participé aux travaux de ce comité et nous appuyons ses recommandations. Toutefois, on ne peut pas en prendre quelques petits morceaux isolés et s'attendre à ce que tout le système change. L'objectif du comité était d'encourager la compétition dans les secteurs du transport et de la manutention des céréales mais rien n'a été fait à cet égard.

Voilà les vrais problèmes. Si le gouvernement ne prend pas l'engagement de faire quelque chose à ce sujet, je n'ai aucune intention de participer à une autre étude. On a déjà fait assez d'études, on y a déjà consacré assez de temps. L'Alberta contribue sa juste part à l'économie canadienne et je ne veux pas que mes impôts servent à financer d'autres études si nous ne sommes pas prêts à nous engager à appliquer leurs recommandations.

Le président: D'autres commentaires? Du Manitoba.

Mme Rosann Wowchuk: Merci.

Vous demandez si nous avons été traités de manière équitable. Quand je pense à l'abolition du Nid-de-Corbeau et à l'incidence que cela a pu avoir sur l'Ouest canadien, notamment sur le Manitoba, et à l'argent que cela a fait disparaître, je constate que l'effet a été catastrophique. Et ce programme n'a été remplacé par aucun autre.

• 1040

Notre province a déjà procédé à de nombreux ajustements et nous avons maintenant besoin de l'aide du gouvernement fédéral pendant cette période de transition pour continuer de transformer l'agriculture de nos provinces. Nous avons déjà fait beaucoup de choses. Comme Jack le disait tout à l'heure, un million d'acres sont aujourd'hui consacrées à la production de haricots. Il y a eu beaucoup de changements mais nous avons besoin d'une aide supplémentaire. Quand nous parlons de période de transition, c'est de cela qu'il s'agit, mais c'est le gouvernement fédéral qui a retiré l'argent de notre province. Les provinces ne peuvent pas combler l'écart à elles seules. Nous n'avons pas assez de ressources pour prendre la place du gouvernement fédéral. Quand celui-ci a décidé d'abolir le Nid-de-Corbeau, il a dit que c'était pour réduire le déficit. Mais les provinces ne peuvent pas combler l'écart. Nous avons besoin d'une aide complémentaire du gouvernement fédéral.

Le président: Merci.

Vous avez eu vos huit minutes, Garry.

Marcel.

[Français]

M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Merci, monsieur le président. Je vais vous faire plaisir. Je vais essayer de ne pas prendre tout mon temps pour laisser à mes collègues des provinces de l'Ouest l'occasion de poser plus de questions.

J'ai juste une petite remarque en ce qui concerne la traduction française. Je ne passerai pas beaucoup de temps là-dessus, mais j'aimerais bien qu'à l'avenir, monsieur le président, on puisse avoir les textes en français. Vous savez que pour pouvoir se comprendre, il faut d'abord pouvoir s'entendre.

J'ai retenu, entre autres de la part de M. Nicol et de M. Boyd, le résumé de ce dont on se plaint. M. Nicol a mentionné que l'assurance-revenu devrait être une assurance-coûts plutôt qu'une assurance-revenu. J'aimerais qu'il élabore là-dessus.

Dans le cas de M. Boyd, je retiens trois problèmes: le transport, la commercialisation et la sécurité du revenu à long terme. Alors, j'aimerais qu'on élabore un peu là-dessus.

S'il me reste du temps, je le cède autres.

[Traduction]

Le président: Merci, Marcel.

Docteur Nicol.

M. Ken Nicol: Pour chacune des denrées considérées, comme le blé, l'orge, le maïs, le canola, le soja, il nous faut élaborer des scénarios de coût raisonnables pour chaque province, ainsi que pour chaque région à l'intérieur des provinces. Cela se fait déjà actuellement pour nos programmes d'assurance-récolte quand on calcule ce concept de revenu.

Ensuite, il suffit d'autoriser les agriculteurs à souscrire une police d'assurance. Il faut que ce soit un régime participatif pour les agriculteurs car, si nous ne faisons pas ça selon un concept de gestion du risque pour que l'agriculteur soit un participant, nous nous retrouverons avec des agriculteurs qui seront les récepteurs passifs de paiements qui n'influeront pas sur leurs décisions. Si les agriculteurs veulent faire plus et tenir compte de coûts supplémentaires, ils devront se justifier. Voilà pourquoi, comme je le disais, la contribution publique doit être décroissante. Si l'agriculteur décide d'augmenter constamment ses coûts, il devra assumer une part de plus en plus élevée du risque puisque le public ne financera pas les risques supplémentaires.

[Français]

M. Marcel Gagnon: Excusez-moi. J'ai une question supplémentaire vu que vous parlez de ce sujet. Est-ce que vous connaissez le système au Québec? Est-ce qu'on va un peu dans ce sens-là au Québec?

[Traduction]

M. Ken Nicol: Je le connais un peu mais je n'en connais pas tous les détails opérationnels. Je pense que ce programme est beaucoup plus efficace que certains autres programmes d'assurance-récolte.

M. Bill Boyd: En ce qui concerne les trois domaines de préoccupation dont j'ai brièvement parlé, je pense qu'aucun ne revêt autant d'importance pour l'agriculture de l'Ouest que le transport. Nous avons eu étude après étude après étude mais cela n'a quasiment rien changé au système et les résultats ne répondent tout simplement pas aux besoins des agriculteurs.

Le rapport Estey-Kroeger constituait à mes yeux un excellent point de départ pour instaurer un système plus compétitif et moins dispendieux mais on n'a strictement rien fait pour le mettre en place. C'est pourtant un volet crucial de tous les changements qui sont nécessaires pour répondre aux problèmes de transport de la Saskatchewan et, en fait, de tous les producteurs de l'Ouest.

• 1045

En ce qui concerne la commercialisation, nous avons la ferme conviction qu'il faut offrir plus de choix aux agriculteurs pour qu'ils puissent s'épanouir. Nous ne recommandons aucunement, sous quelque forme que ce soit, l'élimination de la Commission canadienne du blé mais tout simplement qu'on laisse les agriculteurs décider eux-mêmes s'ils veulent s'en prévaloir ou non. Il me semble que les producteurs des autres régions ont de cette liberté de choix et nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral modifie le système dans cette voie pour tout le monde.

En ce qui concerne le filet de sécurité, nous pensons qu'il devrait comprendre trois volets. Il devrait y avoir un programme renforcé d'assurance-récolte et un volet CSRN, qui existe déjà. L'élément le plus important, c'est ce qu'on appelait autrefois la «troisième ligne de défense». Ce n'est plus une expression à la mode aujourd'hui mais nous croyons que la troisième ligne de défense devrait être un système d'assurance du revenu, avec prime—quelque chose ressemblant à ce dont parlait M. Nicol. Nous aimerions certainement poursuivre la discussion à ce sujet une autre fois.

Le président: Merci, Marcel.

Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Je vous remercie tous et toutes de vos excellents témoignages. Je suis heureux que nous puissions entamer un dialogue sans partisannerie politique. Laissez-moi vous dire aussi que beaucoup d'entre nous, moi compris, sommes des producteurs primaires. L'agriculture revêt donc un intérêt considérable pour chacun et chacune d'entre nous, sinon nous ne serions pas ici.

Si l'on examine la manière dont les gouvernements agissent à l'égard de n'importe quel secteur industriel, c'est-à-dire la manière dont ils formulent des politiques de commercialisation et de production, que ce soit dans la haute technologie ou dans la simple fabrication manufacturière, le moteur est généralement l'industrie elle-même. Je pense que les agriculteurs doivent jouer un plus grand rôle et que c'est probablement parce qu'ils sont très diversifiés qu'il leur est difficile de présenter un front uni.

Ce que le gouvernement attend de l'agriculture—et les provinces ont un grand rôle à jouer à cet égard—c'est qu'elle vienne lui proposer un plan. Il faudra évidemment que ce soit un plan diversifié car l'agriculture regroupe beaucoup d'éléments différents. Tant que nous n'aurons pas ça, comment pourrons-nous formuler une politique adéquate? Il faut qu'il y ait une voix commune disant «Nous voulons ceci». Et il faut d'abord que nous décidions tous ensemble qu'il importe de préserver un système de production alimentaire sûr et durable pour le Canada. Ça devrait être notre point de départ.

Cela dit, je pense que nous allons devoir nous entendre sur ce que nous attendons de l'agriculture à long terme. Nous sommes tous d'accord pour dire que ces programmes ponctuels ne marchent pas.

Je voudrais donc poser une question aux provinces, dont deux sont représentées à cette table—cela n'a rien de politique mais c'est quelque chose qui est arrivé—qui ont abandonné un programme que nous avons encore en Ontario, le RARB, qui est un programme de revenu commercial. Je pense que le programme de participation dont vous parlez ressemble à votre troisième ligne de défense. Je me demande si des études sont consacrées à cela dans vos provinces et si vous pourriez rétablir ce type de programme.

Le président: Y a-t-il une réponse?

M. Clay Serby: Merci, monsieur le président.

Je dois dire tout d'abord que vous posez une question importante quand vous demandez qui devrait jouer ce rôle. Du point de vue provincial, on entend souvent dire que le palier national a abdiqué ses responsabilités à l'égard de l'agriculture et que les provinces ont dû peu à peu assumer une part de responsabilité croissante.

Donc, quand vous demandez s'il existe aujourd'hui un plan national pour l'agriculture, la réponse est non. Certes, on a essayé d'agir à la pièce, sur une base individuelle, dans chacune de nos provinces, mais il est clair que la préservation de tout un secteur d'activité ne devrait pas relever uniquement des provinces.

M. Vanclief nous avait posé exactement la même question à Québec, il y a quelques mois. Il avait dit: «Pourquoi n'essayons-nous pas d'élaborer un plan tous ensemble?», ce qui n'était pas une mauvaise idée. Nous devrions oeuvrer tous ensemble pour dresser un plan en essayant de bien préciser qui devrait assumer telle ou telle responsabilité particulière, car les provinces ne peuvent assumer elles-mêmes le genre de responsabilité dont elles ont hérité contre leur gré.

• 1050

Le dialogue continue. Nous allons essayer d'agir de trois points de vue différents. Nous allons voir quels types de programmes de sécurité seraient efficaces au Canada aujourd'hui, en tenant compte de la diversité des provinces. En ce qui nous concerne, nous pouvons dire que le programme actuel ne marche pas pour les céréales et les oléagineux, et il important que vous, de l'autre côté de la table, compreniez pourquoi.

Quand nous proposerons un plan fondé sur un point de vue différent quant à la nature même du filet de sécurité, incorporant ce que l'enveloppe du filet de sécurité devrait inclure—ce qui pourrait comprendre les propositions de mon collègue de l'Alberta—il faudra qu'on y soit réceptif.

Deuxièmement, si les outils de commercialisation existant aujourd'hui ne marchent pas, il faudra aussi voir comment nous pourrions les améliorer, mais sans laisser notre idéologie politique entraver notre réflexion. Il faut envisager le problème du point de vue global.

Troisièmement, nous devrions oeuvrer en vue d'une transition et d'un changement puisque l'industrie est en pleine mutation. Il se passe aujourd'hui en agriculture beaucoup de choses qui ne se passaient pas il y a 25 ou 30 ans, en partie pour des raisons spécifiques à l'agriculture et en partie à cause de l'investissement. Nous devrions faire plus dans cette voie.

Mais il ne faudra pas prendre d'argent dans l'enveloppe d'urgence. Or, c'est ce qu'on a fait cette année. Nous avions 900 millions de dollars l'an dernier—presque 1 milliard de dollars de crédits d'urgence pour les agriculteurs, parce que nous avions dit l'an dernier que c'était un secteur important. Cette année, on a ramené ça à 500 millions de dollars mais les 500 millions de dollars supplémentaires que nous n'avons pas obtenus devraient être versés dans un fonds de transition pour nous aider à nous adapter.

Il faut laisser les sources de financement telles qu'elles sont, à long terme, de façon à pouvoir agir dans le cadre d'un plan national, avec les provinces. Ce que nous demandons à votre comité, aujourd'hui, c'est de nous aider dans ce processus. Il y a toute une foule de questions à prendre en compte—l'assurance-récolte, le CSRN et le rôle de la Commission canadienne du blé. Nous devrions nous pencher sur toutes ces choses mais notre objectif devrait être de préserver au moins le genre d'engagement financier qui a déjà été pris.

J'ai le sentiment—et c'est ce que j'entends dire, dans une grande mesure—que l'engagement financier du gouvernement fédéral à l'égard de l'agriculture commence à s'étioler. C'est cela qui m'inquiète le plus si nous voulons dresser un plan.

Le président: Vous me posez un problème, monsieur Serby. Chaque député a un temps d'intervention limité et, si la réponse prend beaucoup de temps, il n'en reste plus assez pour tout le monde. Je regrette que les autres témoins ne puissent répondre à cette question.

Je me propose d'accorder deux minutes à chaque témoin à la fin de la séance pour vous permettre à tous de résumer. Vous aurez ainsi la possibilité de répondre aux questions auxquelles vous auriez voulu répondre.

Dick, vous êtes le suivant.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Siégeons-nous jusqu'à midi, aujourd'hui?

Le président: C'est l'objectif.

M. Dick Proctor: Très bien. Merci beaucoup.

J'ai une brève question à poser aux ministres du Manitoba et de la Saskatchewan.

J'ai vu que Murray Downing et Lloyd Pletz faisaient un large sourire quand la ministre McClellan a dit qu'il fallait se fonder sur les coûts de production. J'aimerais demander aux ministres Serby et Wowchuk ce qu'ils pensent des coûts de production.

Le président: Mme Wowchuk répondra en premier puisque M. Serby vient d'avoir quelques minutes.

Mme Rosann Wowchuk: Il est évident que chaque producteur aimerait au minimum que ses coûts de production soient couverts. Avec le système de gestion de l'offre, on peut élaborer une formule tenant compte du coût de production. C'est quelque chose dont on parle depuis longtemps. On s'est demandé par exemple comment on pourrait couvrir au minimum les coûts de production pour la vente sur les marchés étrangers. Est-ce qu'on devrait fixer un plafond et couvrir seulement les coûts de production au Canada mais pas les coûts de production pour l'exportation?

C'est quelque chose dont on parle souvent mais c'est le financement qui pose problème. Dans d'autres secteurs, où il y a la gestion de l'offre, on peut transférer ces coûts au consommateur. La question est de savoir comment le faire dans les autres secteurs. C'est quelque chose à considérer.

Le président: Clay.

M. Clay Serby: Je pense que le coût de production devrait faire partie du débat et que nous devrions nous efforcer de voir qui devrait l'assumer. Nous devrions reconstruire aujourd'hui l'enveloppe du filet de sécurité qui existait, comme le disait plus tôt ma collègue de l'Alberta.

Dans notre province, aujourd'hui, 700 millions de dollars de revenu sont consacrés aux primes d'assurance-récolte, au CRSN et au PAIDAC. Ça fait beaucoup d'argent. Et il n'y a probablement que 40 p. 100 de gens qui en soient satisfaits.

Il est clair que ça ne marche pas. Devrait-on donc plutôt tenir compte des coûts de production? Absolument. Certes, il y a là aussi certains obstacles à surmonter mais c'est cela que nous devrions étudier maintenant.

• 1055

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

Je m'excuse à l'avance de devoir vous donner quelques chiffres mais j'ai de bonnes raisons pour le faire. Statistique Canada disait récemment que le revenu céréalier venait de baisser pour la troisième année consécutive et venait d'atteindre son niveau le plus bas depuis six ans. Pour ce qui est des provinces représentées ici, les revenus nets en espèces du Manitoba ont baissé de 2,1 p. 100, en grande mesure à cause des céréales et des oléagineux; en Saskatchewan, ils n'ont pratiquement pas changé; en Alberta, où existe un secteur de l'élevage florissant, il y a eu une augmentation de 62,9 p. 100, si je ne me trompe, ministre McClellan.

Mme Shirley McClellan: C'est ce que disent les chiffres.

M. Dick Proctor: Revenons donc à la formule dont parlait la ministre Wowchuk, 50 p. 100 des recettes agricoles en espèces plus 50 p. 100 des recettes du marché, et qu'est-ce que ça nous donne? Nous voyons l'Alberta recevant en fait un peu plus du quart des sommes fédérales, probablement encore pour les céréales et les oléagineux. Et, comme l'a signalé le Syndicat national des cultivateurs, nous voyons l'effet pervers de contributions fédérales réduites à mesure que baissent les recettes agricoles.

Je sais que vous avez tous parlé de la nécessité de filets de sécurité mais, quand on voit que les budgets du filet de sécurité sont limités et qu'ils ne semblent pas être fondés sur le besoin, est-ce satisfaisant, du point de vue des politiques publiques? Je pose cette question à qui voudra bien y répondre.

Le président: Madame McClellan.

Mme Shirley McClellan: Je voudrais faire quelques remarques. Je pense que M. Nicol a mis le doigt sur le vrai problème quand il a parlé du coût de production et du niveau de participation publique. Le producteur a le choix d'acheter une protection plus élevée s'il le souhaite. Je tenais à faire une brève remarque à ce sujet.

On peut bien essayer d'être équitable en tenant compte des besoins mais, l'une des choses que nous rejetons, dans notre province, c'est l'idée que nous n'aurions pas besoin d'aide parce que nous nous en sortons bien en ce moment. Il ne faut pas récompenser l'inefficience. C'est ce que nous répétons constamment, même si c'est ce que nous faisons avec notre système de transport, je crois. Nous ne devrions pas non plus pénaliser une province qui a fait des choix et des changements difficiles. C'est l'autre côté de la médaille.

Il ne s'agit pas ici de nous contre eux. Mon exploitation se trouve à 15 milles de la frontière de la Saskatchewan, à côté de celle de Bill, et je suis donc parfaitement consciente de ce par quoi il passe. Je souffre pour les producteurs de la Saskatchewan car Kindersley, qui était autrefois notre principal centre commercial, ne l'est plus aujourd'hui.

Il faut cesser de discuter de subventions et c'est pourquoi nous avons essayé aujourd'hui de parler des choses que le gouvernement fédéral devrait modifier, d'après nous, dans ses politiques pour avoir un impact positif. Pour ce qui est des filets de sécurité, il existe deux modèles, au Québec et en Ontario, dont nous pourrions nous inspirer. C'est là-dessus que nous travaillons dans notre province, c'est à cet égard que nous nous sommes engagés à faire quelque chose. Et 81 p. 100 des producteurs de l'Alberta interrogés disent qu'ils veulent pouvoir choisir leur système de commercialisation. Personne n'a jamais réclamé chez nous qu'on abolisse la Commission canadienne du blé, malgré ce qu'on vous a dit. Toutefois, même le président de la Commission dit qu'il faudrait modifier le système. Sa suggestion était de retirer certains types de céréales, et c'était une idée intéressante. D'après nous, conservez la Commission canadienne du blé si vous voulez mais laissez-nous le choix. Nous sommes tout à fait favorables à la libre entreprise. Nous achetons notre équipement au détail, dans un système de libre entreprise, mais nous sommes obligés de vendre nos grains à un monopole, qui est un système fermé. Il n'y a que deux pays au monde qui ont ça, ce qui est quand même révélateur.

Le président: Merci beaucoup. Nous avons maintenant un autre problème, les sonneries viennent de se déclencher. Nous sommes donc convoqués en Chambre pour un vote mais nous allons essayer de continuer le plus longtemps possible.

Pour l'information des téléspectateurs de CPAC, il y a ce matin environ 16 comités qui siègent sur la colline parlementaire et, pour une raison que j'ignore, quelqu'un a demandé un vote en Chambre. Cela va certainement nous causer un problème...

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Puis-je poser une question?

Le président: J'aimerais d'abord obtenir une décision, Rick. Je sais que vous êtes arrivé en retard mais je ne manquerai pas de vous donner la parole dès que possible.

• 1100

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président, mais nous pourrions peut-être poser nos questions.

Le président: Je vais demander au comité de décider. Nous avons la salle jusqu'à 12 h 30, apparemment, après quoi nous devrons mettre fin à la séance car je crois comprendre que certains de nos témoins doivent prendre l'avion. Nous allons donc lever brièvement la séance et essayer de revenir ici le plus vite possible pour pouvoir donner la parole aux témoins qui devront nous quitter.

J'essaierai aussi de donner à tous les membres du comité la possibilité de poser quelques questions, Rick. Donc, si je peux me permettre de le dire, même si j'accepte la critique, je ne voudrais pas perdre de temps avec cela maintenant.

Je vais donc passer immédiatement à M. Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Il nous reste beaucoup de temps, monsieur le président, car c'est une sonnerie d'une demi-heure.

J'ai trois sujets à aborder. Le premier est le secteur à valeur ajoutée. On parle beaucoup de ça et, très franchement, j'aimerais vous demander comment vous pensez que les producteurs primaires en obtiendront leur juste part. Avec la gestion de l'offre—et j'en suis partie prenante—nous négocions avec les transformateurs et nous finissons par établir un prix à la ferme qui détermine aussi le prix de gros. Donc, comment faire?

Le recours à la Commission canadienne du blé devrait être parfaitement libre. Prenons l'exemple de la Commission du blé de l'Ontario, où le libre choix existe. Les producteurs peuvent choisir entre deux mécanismes de vente, mais il y a une condition: ils doivent s'engager par écrit à ne pas vendre leur production de l'année courante par le truchement de la Commission. Quelle est votre réaction?

Finalement, ministre Serby, vous avez parlé d'un accès accru à la production de denrées assujetties à la gestion de l'offre. Je faisais partie de la Commission de l'Ontario et je sais que c'est essentiellement fondé sur la population. Donc, quand vous dites cela, je sais parfaitement bien quelles sont les deux options que vous envisagez. Premièrement, vous voulez une réattribution des quotas d'autres provinces vers la vôtre, pour pouvoir revendre à l'Ontario, par exemple, ce qui me pose un problème, ou vous envisagez une politique d'exportation.

Le président: Qui veut répondre?

Mme Shirley McClellan: Je répondrai d'abord à la question concernant la Commission canadienne du blé. Nous sommes absolument en faveur du choix et c'est pourquoi nous pensons qu'il faut préserver la Commission canadienne du blé. En fait, c'est une Commission canadienne du blé de l'Ouest car, comme vous venez de le préciser, le système est totalement différent en Ontario. Si on veut vraiment être équitable au palier national, pour l'agriculture, il faut donner le choix à tous les producteurs.

Nous croyons que la Commission canadienne du blé devrait avoir la possibilité de respecter ses engagements d'exportation mais, en tant que producteur, je devrais avoir la possibilité soit de passer un contrat avec elle pour qu'elle expédie mes céréales soit, si je ne le veux pas, de signer une renonciation.

M. Murray Calder: Mais il faut quand même trouver un juste équilibre...

Mme Shirley McClellan: C'est vrai.

M. Murray Calder: ... pour que les producteurs ne puissent pas choisir uniquement ce qui leur convient.

Mme Shirley McClellan: Absolument. Il est clair que nous devrions signer un contrat indiquant comment nous voulons commercialiser nos céréales.

M. Murray Calder: D'accord.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

Jack.

M. Jack Penner: Merci beaucoup, monsieur le président. Je voudrais d'abord répondre au député du Québec.

Le président: Je regrette, vous ne le pouvez pas.

M. Jack Penner: Dans ce cas, je répondrai à la question de Murray concernant la gestion de l'offre.

Je ne suis pas un grand partisan de la gestion de l'offre. Toutefois, la manière dont les quotas provinciaux sont attribués aujourd'hui n'est équitable à l'égard ni du consommateur, ni des producteurs. Le Canada a pris la décision d'éliminer la péréquation des taux de fret, ce qui désavantage clairement le Manitoba quand il s'agit d'expédier des céréales sur les marchés intérieurs ou internationaux. Par contre, on ne nous donne pas la possibilité de mettre sur pied un secteur de l'élevage à part entière sur la base de cet avantage compétitif.

Il est temps de corriger ça. Les quotas devraient être attribués sur une base compétitive plutôt que sur la base de la population. C'est incontestable. Je n'en reviens pas que le consommateur n'ait pas encore réagi plus vigoureusement contre ça. Il faut intégrer plus de compétitivité dans le système.

• 1105

Votre deuxième question concernait le secteur à valeur ajoutée. Avec leur usine de pâtes au Dakota du Nord, les Américains ont démontré qu'ils peuvent non seulement résister à la concurrence des Catellis du monde mais aussi gagner. L'usine de pâtes nord-américaine est aujourd'hui la deuxième productrice de pâtes de tous les États-Unis—de l'Amérique du Nord. Je pense que nous devrions faire tous les efforts possibles pour nous inspirer de leur modèle de coopérative appartenant aux producteurs, en acceptant que la Commission du blé soit mise de côté pour qu'on puisse utiliser le blé produit à l'intérieur. Voilà ce que nous devrions faire.

Le président: Merci.

Je donne maintenant la parole à Rick. J'espère que nous pourrons vous donner cinq minutes, après quoi nous ferons une courte pause.

Madame McClellan, à quelle heure devez-vous partir? Voudriez-vous résumer votre témoignage avant la pause?

Mme Shirley McClellan: Non, j'ai une autre réunion à 13 heures.

Le président: Bien.

Rick.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Je voudrais aborder brièvement à nouveau les programmes fondés sur le coût de production. Ma question s'adresse aux trois ministres et je leur demande de répondre brièvement car j'ai deux autres questions. Nous avions un pseudo-programme de coût de production avec le programme RARB, en 1995. Plusieurs provinces ont décidé de ne pas le maintenir. Il reposait pourtant sur le modèle tripartite dont vous avez parlé, madame McClellan—producteur, fédéral, provincial.

Est-ce le modèle que vous souhaiteriez à nouveau, ministres? Très rapidement, s'il vous plaît.

M. Clay Serby: Les provinces et le gouvernement fédéral revoient tout le système de sécurité...

M. Rick Borotsik: Je sais.

M. Clay Serby: ... ce qui comprend le système fondé sur le coût de production, mais des provinces comme la Saskatchewan et le Manitoba ont besoin de savoir quel serait l'engagement réel du gouvernement fédéral car, si on parle de coût de production, le coût sera énorme.

M. Rick Borotsik: D'accord. Vous êtes en avance sur moi, c'était l'une de mes deux autres questions.

M. Clay Serby: C'est parce que je vous voyais venir.

M. Rick Borotsik: Ce modèle serait-il suffisant? Seriez-vous prêts à l'envisager?

M. Clay Serby: Il faut l'examiner et c'est ce que nous faisons.

Mme Rosann Wowchuk: Je pense que Clay a raison. Il faut l'examiner attentivement—du point de vue de l'incidence financière.

M. Rick Borotsik: Ministre McClellan.

Mme Shirley McClellan: Il se trouve que la ministre McClellan est l'une des architectes du RARB et qu'elle en connaît donc fort bien la valeur. Ce qu'il manquait au programme du RARB, et c'est peut-être ce qui a provoqué sa disparition, c'était que, chaque fois que l'on met en oeuvre un programme, il faut le mettre en oeuvre pour une année ou deux...

M. Rick Borotsik: Absolument.

Mme Shirley McClellan: ...et en faire l'évaluation continue, afin de le changer s'il y a lieu, pour ne pas arriver au point où l'on est obligé de s'en débarrasser...

M. Rick Borotsik: Comme le CSRN.

Mme Shirley McClellan: ... comme on l'a fait avec le CSRN.

M. Rick Borotsik: Il y avait des problèmes et c'est ce qu'on a fait.

Ma question suivante, pour revenir à M. Serby, concerne la répartition 60-40. Les cotisations au RARB avaient été établies de manière inflexible. Je ne sais pas d'où venait cette proportion arbitraire, cette proportion de 60-40 qu'on trouve maintenant avec tous les programmes.

Je vais vous poser une question, même si je pense en connaître la réponse. Pensez-vous qu'il devrait y avoir plus de responsabilité financière de la part du gouvernement fédéral, par opposition au gouvernement provincial, même avec cette répartition? Je reprends le cas des États-Unis. Quand on parle des chiffres américains, c'est totalement fédéral. Le Dakota du Nord n'est pas obligé de verser des fonds quand une aide est consentie à ses agriculteurs.

Pensez-vous que nous pourrions nous engager dans cette voie?

M. Clay Serby: Absolument, sans aucun doute. Je ne sais pas d'où vient cette proportion de 60-40. Elle est venue d'ici, cependant. On la trouve aujourd'hui dans chaque politique agricole qu'on essaie de formuler et, à mon avis, ce n'est pas juste. Ce n'est pas juste pour les provinces. Il faut que le gouvernement fédéral assume la responsabilité qui lui revient à l'égard de l'agriculture.

Nous souhaitons modifier la formule. La discussion porte en partie là-dessus mais, pour le moment, c'est 60-40 partout.

M. Rick Borotsik: Il me reste 30 secondes.

Rosann.

Mme Rosann Wowchuk: Ça n'a pas toujours été 60-40. Il y a eu beaucoup de programmes qui étaient financés en totalité par le gouvernement fédéral. Avec l'industrie céréalière, c'est tout le pays qui en bénéficie et qui bénéficie des vastes territoires que nous possédons dans l'Ouest.

M. Rick Borotsik: J'ai une dernière question puisqu'il me reste un peu de temps.

Il s'agit du prix des terres, dont vous avez parlé tout à l'heure. Chacun d'entre vous pourrait-il nous parler brièvement du prix actuel des terres dans sa province? Je sais qu'il est encore assez élevé en Alberta, même si l'agriculture connaît de sérieux problèmes de revenu. Constatez-vous une baisse progressive du prix des terres ou non? Constatez-vous une baisse du prix du fait de la crise du revenu?

Mme Shirley McClellan: Je vais commencer.

Le prix des terres reste assez élevé dans notre province. Peu importe la région considérée, la terre sera toujours un bon investissement. Il y aura toujours quelqu'un avec de l'argent qui voudra l'acheter.

Je pense que le problème important est plutôt celui que mentionnait très clairement M. Nicol, le caractère injuste... ou l'aptitude à acheter des terres. Évidemment, le prix est assez élevé dans notre province et nous constatons que beaucoup de terres agricoles sont touchées par l'urbanisation.

• 1110

Le président: Il me reste du temps pour un autre tour.

Rose-Marie, êtes-vous prête?

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): D'accord.

Je vous remercie tous et toutes d'être venus témoigner ce matin.

Docteur Nicol, ce que vous avez dit m'a beaucoup intéressée car je suis moi aussi une agricultrice et j'ai participé à beaucoup de rencontres avec des agriculteurs de ma circonscription, l'été dernier. Vous avez parfaitement raison quand vous dites qu'il y a trois grands secteurs—la gestion de l'offre, le boeuf et les cultures commerciales.

Je pense cependant qu'il y a un problème quand on commence à identifier les secteurs car il devient alors très difficile de mettre en oeuvre un programme national de filet de sécurité valable pour tout le monde. Quand il y a eu une crise de la viande de porc, dans ma circonscription, je peux vous dire que les producteurs céréaliers ne sympathisaient pas particulièrement avec les éleveurs. Et quand ça a changé, j'ai... La situation fluctue constamment.

J'ai dit à mes agriculteurs d'adopter une position commune car je ne peux pas représenter un groupe une semaine, un autre la semaine suivante et un troisième ensuite. C'est vraiment difficile pour moi, aussi bien comme représentante du gouvernement que comme agricultrice.

Pouvez-vous répondre à cela, même si ce n'est pas vraiment une question mais plutôt une affirmation?

M. Ken Nicol: Ce qu'il faut voir, c'est que, quand nous mettons sur pied nos programmes et que nous les organisons en fonction des besoins caractéristiques de chacun de ces groupes de production différents, ce que nous voyons, c'est que nous avons un programme qui donne satisfaction, disons, au porc et au boeuf, au secteur des prés d'embouche, dont les caractéristiques sont assez similaires, et que nous avons un autre programme qui répond aux besoins des producteurs céréaliers, de l'agriculture basée sur la terre, et si chacun des groupes estime que ces programmes répondront à ses besoins au moment d'une crise, aucun n'aura de difficulté à appuyer les autres.

Actuellement, nous essayons d'instaurer un programme pour tout le secteur de l'agriculture, mais celui-ci n'est pas homogène. Nous avons des besoins différents dans chaque partie du secteur et nous devons donc cesser de considérer que c'est un ensemble homogène. Cernons bien les besoins de chaque groupe et chacun se sentira à l'aise. Chacun saura qu'il aura accès à un programme en cas de crise dans son secteur.

Mme Rose-Marie Ur: Ce n'est pas seulement sectoriel, c'est aussi régional.

M. Ken Nicol: Exact, et l'OMC autorise la régionalisation des programmes, par opposition à leur sectorialisation.

Mme Rose-Marie Ur: C'est tout?

Le président: Continuez.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord.

Combien de ministres ici présents se sont penchés sur le modèle québécois de paiement aux agriculteurs? Nous n'avons pas autant de difficultés ou de préoccupations au Québec que dans d'autres régions, et je sais que ça peut être régional. Pouvez-vous répondre aussi à cela?

Mme Shirley McClellan: Je veux juste faire une remarque. Si vous examinez les chiffres de Statistique Canada, vous verrez qu'il y a un très faible niveau de soutien pour le porc et le boeuf. En fait, la seule raison pour laquelle on voit des chiffres de soutien est qu'ils font maintenant partie du CSRN, mais je ne sais pas s'ils ont accès à d'autres programmes et, de toute façon, ce sont les secteurs les plus solides de notre province. La difficulté, quand on voit ces chiffres, c'est le traitement inéquitable qui en ressort pour le secteur céréalier. Les céréaliculteurs préféreraient, et de loin, pouvoir s'en sortir sans subventions, mais à condition de jouer sur un terrain égal. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Prenez la gestion de l'offre. C'est très similaire dans chaque pays—en tout cas pour le secteur laitier. Si vous examinez le soutien du Canada, c'est 58 p. 100. Pour le secteur céréalier, c'est 11 p. 100, après une augmentation de 2 p. 100 suite aux derniers versements qui ont été imposés.

Ces statistiques sont intéressantes, n'est-ce pas? Je pense qu'elles sont révélatrices. Il n'existe pas de filet de sécurité commun. En Alberta, les éleveurs de bétail disent: «Ne venez pas nous embêter. S'il vous plaît, ne faussez pas les règles du marché. Laissez-nous gagner notre vie dans le monde réel.» Et cela nous convient parfaitement.

Mme Rose-Marie Ur: Me reste-t-il du temps?

Le président: Un tout petit peu, Rose-Marie.

Mme Rose-Marie Ur: J'ai fait partie du groupe de travail sur la Commission canadienne du blé. Je vis dans le sud-ouest de l'Ontario—au coeur du Canada, bien sûr—et c'était intéressant pour moi de faire partie de ce comité. Depuis que l'on a changé la structure de la Commission canadienne du blé afin d'y intégrer 10 agriculteurs, je trouve étonnant que l'on ait toujours autant de difficultés avec la Commission, alors que nous y sommes bien mieux représentés qu'auparavant. Et je suis tout à fait d'accord pour qu'il y ait plus d'agriculteurs que d'autres personnes.

• 1115

Le président: Merci, Rose-Marie.

Nous devons aller en Chambre pour participer à un vote et nous serons absents pendant une vingtaine de minutes. J'espère que nous pourrons reprendre ensuite.

Ministre Wowchuk.

Mme Rosann Wowchuk: Bien que nos mémoires n'aient pas pu être déposés officiellement, nous pouvons les distribuer individuellement aux députés, n'est-ce pas?

Le président: Absolument, mais ni le greffier ni moi ne pouvons le faire.

Mme Rosann Wowchuk: Nous pouvons les laisser sur la table?

Le président: Tout à fait.

La séance est suspendue.

• 1116




• 1140

Le président: Nous reprenons nos travaux et je donne la parole à un représentant de l'Alliance.

David, êtes-vous prêt?

M. David Anderson (Cypress Hills—Grasslands, AC): Je voudrais parler un peu de transports et du rôle de la Commission canadienne du blé à cet égard. Le juge Estey avait recommandé que l'on modifie le rôle de la Commission en matière de transports mais sa suggestion a été rejetée par le gouvernement.

Croyez-vous que le gouvernement fédéral pourrait faire des économies sur les tarifs ferroviaires sans mettre en oeuvre cette recommandation, et quel devrait être selon vous le rôle de la Commission canadienne du blé en matière de transports?

Je pose cette question à quiconque souhaite y répondre.

Le président: Monsieur Serby, allez-vous répondre?

M. Clay Serby: Je laisse la parole à ma collègue.

Le président: Très bien.

M. Clay Serby: Elle avait levé la main la première et je répondrai après elle.

Mme Shirley McClellan: L'ordre dans lequel nous répondons n'a pas vraiment d'importance. D'ailleurs, j'ai déjà dit ce que j'avais à dire au sujet de la réforme des transports.

Plusieurs études ont été effectuées à ce sujet, la dernière par le juge Estey, et on a alors envisagé de mettre en oeuvre les conclusions du rapport Kroeger-Estey. La difficulté de ce rapport est que les changements qui ont été apportés étaient relativement insignifiants. Si l'on voulait vraiment obtenir les gains d'efficience envisagés, il faudrait mettre en oeuvre la totalité du rapport, pas seulement des parties. Les auteurs du rapport envisageaient de favoriser la concurrence dans le secteur de la manutention et du transport des grains mais on ne peut y arriver sans mettre en oeuvre la totalité des recommandations. Il y a donc des changements à apporter au système.

L'affectation des wagons est manifestement un problème, et il me semble que les changements qui ont effectivement été mis en oeuvre ont renforcé le rôle de la Commission canadienne du blé à cet égard. En fait, on se retrouve avec un profond désaccord entre les sociétés de manutention des céréales et la Commission canadienne du blé mais, au lieu d'avoir obtenu des changements favorisant des gains d'efficience, on se retrouve avec de longues périodes de négociation.

Les producteurs doivent toujours payer le prix exigé et rien ne change pour eux pendant que nous avons ces discussions. Nous appuyons pleinement le rapport Kroeger-Estey. Nous étions prêts à l'accepter en totalité, même s'il y avait certains éléments au sujet desquels nous avions des réserves mais, malheureusement, rien n'a été fait.

Le président: Jack, avez-vous...

M. Jack Penner: Une très brève réponse, monsieur le président, et je vous remercie.

Cette question est excellente. Le cynisme que nous percevons aujourd'hui dans le monde agricole des provinces de l'Ouest émane largement du fait que rien n'a été fait après le processus Kroeger et le processus Estey. Personne ne prête vraiment attention au rapport. Tout le monde a perdu beaucoup de temps et d'énergie. Les organisations agricoles y ont consacré beaucoup de temps mais, en fin de compte, rien ne s'est fait.

Les hausses de prix dont je parlais plus tôt, de 27 ¢ le boisseau à 1,18 $, sont très réelles. Ce sont des hausses de prix que j'assume sur ma ferme. Pourtant, personne n'est prêt à prendre les décisions difficiles. Vous et moi sommes élus pour que les gouvernements prennent les décisions difficiles, pour rehausser l'efficience des transports, mais rien ne se fait.

Le président: Bien.

M. Clay Serby: Je veux simplement ajouter que notre province aussi appuyait les deux rapports. Aujourd'hui, notre position est que la Commission canadienne du blé vient de s'engager dans un processus de révision et de changement et que nous appuyons ce processus.

• 1145

Je voudrais revenir aux remarques précédentes de mon collègue, M. Calder, quand il a dit—et je suis d'accord avec lui là-dessus—que le maintien de la Commission canadienne du blé ne doit pas servir, pour les agriculteurs, à choisir le système qui leur convient le mieux selon les circonstances. Certes, c'est ce que la plupart des gens souhaiteraient et il nous appartient donc de faire attention à ce que l'avenir de la Commission canadienne du blé soit le reflet exact du marché et à ce qu'il y ait un certain degré de loyauté des producteurs. Le problème que nous avons aujourd'hui, à mon avis, vient du fait que les producteurs voudraient avoir la possibilité de choisir la solution la plus rentable pour eux en toute circonstance. Il faut veiller à ce que la Commission canadienne du blé soit le reflet des besoins du marché aujourd'hui.

Il y a eu un changement l'an dernier, je crois, ou il y a un an et demi, et nous avons aujourd'hui un office de producteurs qui continue à dire que la Commission canadienne du blé devrait garder intact son mécanisme d'exploitation actuel.

M. David Anderson: Puis-je vous interrompre une minute? Nous pourrions discuter de cela pendant longtemps car, au cours des années, la Commission du blé a aussi choisi ce qui lui convenait le mieux selon les circonstances. Elle a pris du grain de première qualité et l'a constamment mélangé à du grain de moindre qualité, ce qui a forcé les gens à accepter le prix moyen. Ce n'est pas ce qui a été le plus bénéfique pour les producteurs.

Je veux cependant vous poser une deuxième question avant la fin de mon temps de parole. Si le gouvernement a clairement indiqué qu'il n'y aurait pas de crédits supplémentaires... Ils ont voté contre les 400 millions de dollars d'aide d'urgence que nous avions demandés. Ce matin, M. Steckle semble—et je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit—vous demander dans quelle voie le gouvernement devrait s'engager en ce qui concerne l'agriculture, et j'estime que le gouvernement fédéral ne fournit pas d'indication utile à cet égard.

On parle beaucoup en ce moment de programmes de transition. J'aimerais vous demander quels programmes existent actuellement, surtout pour le transfert entre les générations, et ce que vous envisagez pour aider les jeunes à se lancer dans l'agriculture, étant donné que l'âge moyen des agriculteurs actuels est assez élevé.

Le président: Madame Wowchuk.

Mme Rosann Wowchuk: Merci.

Cette question est très importante, considérant l'âge de nos agriculteurs et les difficultés auxquelles font face les jeunes qui veulent entrer dans ce secteur. Nous avons créé la Société du crédit agricole, par le truchement de laquelle nous mettons sur pied un programme appelé Project 2000, qui est pour le moment un programme de mentorat—c'est la première étape. Nous élaborons actuellement et annoncerons bientôt la deuxième étape, qui sera conçue pour favoriser le transfert des exploitations d'une génération à l'autre. Je ne peux vous donner de détails aujourd'hui car rien n'est encore définitif. Je peux simplement vous dire que nous savons que c'est l'un des défis les plus importants que nous avons à relever.

Le président: Nous allons maintenant passer à Larry.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.

Hélas, nous ne pouvons donner la parole aux personnes qui sont au fond de la salle mais je crois avoir rencontré tout le monde et j'espère pouvoir vous rencontrer à nouveau bientôt.

J'ai eu la chance de suivre le débat à Québec et je pense que nous venons de nous engager dans la bonne voie en ce qui concerne l'avenir de l'agriculture. Rien n'est plus important pour le Canada, considérant son incidence sur les collectivités rurales.

Parfois, quand je me trouve en Colombie-Britannique, ici même, en Ontario, ou dans l'une de mes provinces favorites, la Saskatchewan... Même là-bas j'entends des gens se plaindre de l'argent qui est consacré à l'agriculture. Moi, je défends cet investissement. Et, bien sûr, il n'y a pas eu assez d'argent cette année. Quand notre ministre a annoncé les 500 millions de dollars, tout le monde au Canada pouvait voir qu'il aurait souhaité plus.

Je pense qu'il importe de préciser, quand on parle de «seulement» 500 millions de dollars, qu'il y avait eu 700 millions de dollars avant.

Certes, Clay, ce n'est pas assez et nous devons faire beaucoup plus pour appuyer votre grande province. Cette année, cependant, je suis sûr que c'est un peu plus de 770 millions de dollars qui seront consacrés aux programmes de la Saskatchewan. Donc je pense qu'il ne faut quand même pas négliger ce qui a déjà été fait, même si ce n'est pas assez.

Rosann dit que nous devrions avoir 500 millions de dollars de plus et que la totalité devrait venir du gouvernement fédéral. Tant qu'on exprimera de telles positions, il sera très difficile de parvenir à un accord pour investir plus d'argent. Je crois que le gouvernement fédéral investira plus d'argent bientôt—que veut dire bientôt?—avec ses partenaires, les gouvernements provinciaux.

• 1150

Il ne faut pas non plus négliger les aspects positifs. Pour les grains et les oléagineux, la situation est particulièrement regrettable. Je pense néanmoins qu'il faut reconnaître, et le gouvernement fédéral serait peut-être heureux de l'entendre dire, le petit effort qui a déjà été consenti aux yeux de beaucoup de gens. Je pense qu'il faut le dire.

J'aurai l'occasion de suivre vos réunions lors de l'assemblée annuelle de juin. J'espère que nous pourrons faire des progrès. Certes, il y a des choses que nous aimerions refaire aujourd'hui. Ce n'est pas simplement une compétence partagée, c'est une préoccupation commune. Évidemment, je m'adresse ici aux convertis.

Le président: Larry, je dois vous interrompre à deux minutes et demie, car je sais que M. Serby veut vous répondre.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux que ces gens soient venus nous parler.

M. Clay Serby: Je voudrais faire deux brèves remarques. Premièrement, nous ne voudrions pas vous donner l'impression que les agriculteurs de la Saskatchewan n'apprécient pas l'appui qui leur est consenti par le gouvernement national. Nous en sommes très reconnaissants. Et ce n'est pas la première fois que nous le disons. Nous faisons parfois la comparaison entre ceux qui nous aident et ceux qui n'ont pas voulu nous aider. De fait, nous faisons régulièrement cette comparaison et nous sommes reconnaissants au gouvernement fédéral.

Je ne veux pas non plus vous donner l'impression que ce qui a été consenti jusqu'à présent pour nous aider soit suffisant.

M. Larry McCormick: Ça ne l'est pas.

M. Clay Serby: J'ai déjà dit à plusieurs reprises—et j'ai beaucoup plus à dire là-dessus—que si l'on prétend à la table nationale que les Européens et les Américains réduisent leurs subventions, c'est complètement faux. En fait, ils ajoutent constamment de l'argent dans tous leurs programmes d'aide. Donc, nous faisons concurrence à des gens qui obtiennent des revenus de deux sources. Certes, nous pouvons modifier le marché, nous pouvons ajuster le marché, nous pouvons améliorer le marché, nous pouvons nous débarrasser de la Commission du blé, nous pouvons faire tout ça mais, quand quelqu'un reçoit un chèque du marché et un autre de son gouvernement, ce qui est le cas des Américains et des Européens, et de plus en plus d'ailleurs dans le cas des Américains, alors que ce n'est pas le cas de nos agriculteurs canadiens, j'affirme que les règles du jeu ne sont pas égales. N'abandonnez donc pas, au palier fédéral, le budget d'aide d'urgence car ce budget constitue la subvention d'aujourd'hui. C'est une subvention et il ne faut pas l'abandonner tant que nous n'aurons pas obtenu satisfaction là-bas.

M. Larry McCormick: Je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire, monsieur Serby.

Le président: Madame McClellan.

Mme Shirley McClellan: Très brièvement, je précise que, lorsque l'Alberta a fait son annonce au sujet du paiement à l'acre, nous avons clairement dit que nous étions extrêmement reconnaissants d'avoir été inclus cette année.

Deuxièmement, nous pensons que le gouvernement a aujourd'hui l'occasion de faire quelque chose de positif, comme nous l'avons recommandé, en éliminant la taxe d'accise et la TPS sur les carburants agricoles. Il pourrait faire cela étant donné que l'agriculture est la source fiable et sécuritaire d'alimentation de nos concitoyens.

Je crois que les subventions diminueront un jour dans l'Union européenne. Malheureusement, ça prend beaucoup trop longtemps. L'Europe est en train d'atteindre son plafond. Elle englobe 15 pays qui vont entrer dans le monde des subventions sans aucune base de revenu pour les appuyer. J'ai donc la conviction que le problème finira par être réglé, mais que valait la Ronde de l'Uruguay quand nous avons accepté le niveau de 9 p. 100 alors qu'ils sont restés à 56?

Le président: Je donne maintenant la parole à Carol.

Mme Carol Skelton: Les édiles municipaux affirment que le bas niveau des revenus dans les Prairies a une incidence profonde sur les commerces non agricoles. Pouvez-vous confirmer cette affirmation? Quelle est l'incidence réelle sur les collectivités rurales?

Mme Rosann Wowchuk: L'incidence sur les municipalités est certainement considérable. Si vous examinez le compte rendu des débats que je vous ai remis, ou notre mémoire, vous y trouverez des statistiques à ce sujet. Dans certaines municipalités, des commerces et des écoles ont fermé leurs portes. La population diminue et, en conséquence, il n'y a plus assez d'enfants pour garder les écoles ouvertes, ou plus assez de gens pour les hôpitaux. C'est un problème très grave dans les régions qui dépendent totalement de la production agricole. S'il y avait certaines entreprises à valeur ajoutée, elles contribueraient à assurer la stabilité des collectivités. Le problème est de savoir comment attirer des gens pour qu'ils investissent et créent de nouveaux emplois dans les petites collectivités plutôt que dans les grands centres.

• 1155

En fait, la crise agricole ne touche pas que les agriculteurs, elle touche aussi les collectivités rurales et tout le mode de vie rural.

Le président: Monsieur Penner.

M. Jack Penner: Merci beaucoup, monsieur le président.

Pour vous donner un exemple, dans ma propre collectivité d'Altona, nous avons constaté le mois dernier la fermeture du concessionnaire Chrysler, qui était un gros concessionnaire, la fermeture d'un gros concessionnaire de machines agricoles et la fermeture d'une fabrique de vêtements. Nous nous attendons à ce qu'on annonce bientôt la fermeture de six écoles, toutes dans des collectivités rurales, pour la province du Manitoba. Et des discussions continuent au sujet de la fermeture d'hôpitaux et de centres de santé.

Voilà l'effet profond de la crise. Et les gens qui partent des collectivités locales sont les plus importants pour l'avenir, les moins de 40 ans. J'ai un jeune voisin qui est venu me voir la semaine dernière et m'a dit: «Jack, je m'en vais donner les clés de ma maison à la banque, elle peut la garder». Cela témoigne bien du sérieux de la situation et du fait qu'il est important que le gouvernement fédéral comprenne bien le rôle crucial de l'agriculture, ce que les Américains ont compris, jusqu'à la fin de cette guerre commerciale.

Mme Shirley McClellan: Je voudrais faire une brève remarque à ce sujet. Je pense que l'incidence sur les commerces est la même dans toutes les provinces. Comme je l'ai dit, un emploi sur trois en Alberta dépend directement ou indirectement de l'agriculture. Ce qui est triste, c'est que nous avons l'infrastructure dans les régions rurales de l'Alberta. Il ne serait pas nécessaire de la construire. Ce qui fait problème, ce sont les obstacles à la croissance du secteur agricole. Si l'on voulait créer des entreprises de transformation, à valeur ajoutée, ce serait parfaitement possible.

David demandait ce qu'il faudrait faire pour encourager les jeunes à se lancer dans l'agriculture. Eh bien, nous offrons depuis longtemps un programme de prêts aux jeunes agriculteurs. Savez-vous quoi? Nos jeunes agriculteurs l'examinent... et quelqu'un vient leur dire en passant que le revenu réel net d'un agriculteur est de 7 000 $ par an. Honnêtement, comment pourriez-vous dire à un jeune d'investir des millions et des millions de dollars dans quelque chose qui va lui donner ce type de rendement annuel, avec une pension de retraite dépendant de biens dont la valeur diminue chaque jour? Je parle des céréales et des oléagineux.

Si nous croyons qu'il s'agit simplement de sortir de la guerre des subventions avec l'Europe, alors oui, nous avons le devoir de prévoir une période de transition, et c'est sans doute là que nous avons échoué. Je pense que nous avons proposé au gouvernement fédéral des solutions concrètes qu'il a le pouvoir de mettre en oeuvre pour instaurer certaines règles et faire respecter certaines disciplines qui amèneront le jeune agriculteur à accepter d'investir.

Il y a beaucoup de gens qui continuent de faire de l'agriculture parce qu'ils ont des enfants qui veulent rester dans ce secteur, ce qui serait mon cas. Est-ce un bon conseil? Mon conseil est de faire des études pour avoir le choix de faire autre chose.

Le président: Madame Skelton, il vous reste un peu de temps.

Mme Carol Skelton: C'était bien agréable d'entendre l'honorable Shirley McClellan dire que l'Alberta est une zone de sécheresse—non pas que j'aime la sécheresse mais je pense que l'argent de l'ARAP est parti en quatre jours. Je le sais parce que, quand mon mari a téléphoné pour voir si nous pourrions creuser des fosses-réservoirs, on lui a dit que l'argent était parti en quatre jours.

J'aimerais savoir si vous avez demandé plus d'argent pour l'ARAP, et ce que la Saskatchewan va faire au sujet de la sécheresse.

Mme Shirley McClellan: Je peux peut-être répondre en premier.

J'ai discuté avec le ministre Vanclief, en fait cinq minutes après que nous ayons fait notre annonce sur la sécheresse, et vous ne vous trompez pas car je pense qu'il y avait quelque chose comme 2,3 millions de dollars pour l'ARAP et qu'on a eu plus de 200 demandes. Je crois qu'on a pu accéder à 14 d'entre elles, au moins partiellement. Hélas, le mandat de l'ARAP a considérablement changé, au détriment de la gestion de l'eau, je crois. Je pense qu'ils faisaient du bon travail. Nous en avons beaucoup de preuves dans notre province et je pense que la Saskatchewan fait aussi beaucoup pour appuyer des projets de gestion des eaux à long terme, et je regrette qu'il n'y ait pas plus d'argent pour ça. Hélas, j'ai entendu dire qu'ils n'ont plus d'argent pour participer à ce programme.

Nous travaillons avec l'ARAP, Environnement Alberta et Agriculture Alberta au sujet d'un programme destiné à faire le plus possible pour atténuer l'effet de la sécheresse dans notre province. Cela exigera beaucoup de travail de longue haleine sur le plan de la gestion des eaux. Des projets devraient m'être soumis à ce sujet dans environ un mois. Nous avons déjà annoncé certaines choses à cet égard, dans le cadre du programme de vendredi dernier, mais nous avons l'intention de continuer pour ne pas être obligés de traiter ces questions de manière ponctuelle.

• 1200

Le président: Merci.

Cela met fin à un tour complet avec tous les membres du comité. Ce que je vais vous proposer maintenant vous paraîtra sans doute assez inusité. Les ministres sont accompagnés d'exploitants agricoles de leurs provinces, dont bon nombre sont venus ici à leurs propres frais. Peut-être pourraient-ils participer un peu aux discussions?

En tant que président, je vais proposer au greffier d'aller au fond de la salle et de prendre le nom de quiconque souhaite avoir deux minutes pour s'adresser au comité. Êtes-vous tous d'accord avec ça?

Des voix: D'accord.

Le président: Le greffier va donc aller au fond de la salle. Je demande aux agriculteurs qui souhaitent s'adresser à nous d'indiquer leur nom et le nom de l'organisme qu'ils représentent, après quoi nous les inviterons à s'avancer à la table pour prendre la parole pendant un maximum de deux minutes par personne.

Il me reste un peu de temps pendant que le greffier s'occupe de cela. Je vois là-bas une personne qui voudrait sans doute s'adresser à nous, n'est-ce-pas Murray?

Êtes-vous prêt à prendre la parole pendant quelques minutes? Très bien. Venez devant un micro et indiquez votre nom, d'où vous venez et qui vous représentez. J'ai déjà rencontré votre groupe hier.

M. Murray Downing (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Murray Downing, et je suis un producteur de céréales et d'oléagineux à 60 milles à l'ouest de Brandon, au Manitoba. Je suis tout simplement un agriculteur de base qui a décidé de venir vous dire une chose: ça suffit; assez, c'est assez.

En ce qui concerne les programmes agricoles dont vous venez de parler, nous vous disons que nous avons besoin d'une injection substantielle d'argent frais pour compenser l'échec de nos filets de sécurité, parce qu'ils n'ont pas marché. L'assurance-récolte—quand on la touche, c'est qu'on a déjà eu une catastrophe. Le CSRN—s'il y a une catastrophe, on ne peut pas y mettre d'argent. L'ACRA—s'il y a une catastrophe, ça ne marche pas. Voilà pourquoi nous disons qu'il faut injecter beaucoup plus d'argent. Ces 500 millions de dollars...

Je suis un agriculteur. Hier, j'ai reçu mon chèque du CMAP. À 2,77 $ l'acre, ça ne remplit même pas mon réservoir de diesel. Ça ne couvre même pas l'augmentation du prix du carburant nécessaire pour faire les semailles. Merci quand même pour le chèque mais ça ne règle rien.

Nous sommes dans la région de Pipestone, où il y a 432 sections de terre et moins de 100 producteurs actifs. Dieu merci, nous avons une communauté mennonite à l'ouest de chez nous. Il nous reste un élévateur. L'infrastructure bâtie par les générations précédentes se délabre plus vite que vous ne pouvez l'imaginer. Essayons de ne pas détruire ce qui est encore là. Nous avons un très beau pays. Protégeons-le. L'agriculture lui est essentielle.

Monsieur le président, membres du comité, nous avons besoin d'aide. Nous ne venons pas ici faire l'aumône, nous vous demandons de nous aider à sauver l'agriculture. C'est une industrie de 95 milliards de dollars. Les 5,6 milliards de dollars que nous avons demandés lorsque nous sommes venus vous voir en janvier ne sont en fait pas grand-chose à payer pour la sauver.

Merci de votre attention, monsieur le président.

Le président: Merci, Murray.

Beaucoup de gens veulent s'adresser à nous. Comme certaines personnes représentent des organismes qui se sont déjà présentés devant le comité ces derniers temps, je vais devoir faire un choix.

Je vais donner la parole à M. Bashutsky, du Saskatchewan Rally Group. Je vous souhaite la bienvenue. Vous avez quelques minutes.

M. Ray Bashutsky (représentant du Saskatchewan Rally Group): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Ray Bashutsky et je suis agriculteur à Wingard, en Saskatchewan. C'est une petite collectivité agricole au coeur de la région céréalière de la Saskatchewan. Je suis aussi le président d'une petite organisation que nous appelons le Elfros Marketing Club, et je vais vous donner quelques informations à son sujet.

• 1205

Chaque année, nous offrons une bourse à quelqu'un qui souhaite faire des études supérieures et aller à l'université. C'est une bourse de 1 000 $—ce n'est pas négligeable. Cette année, nous n'avons reçu aucune demande pour cette bourse, ce qui est bien triste. Ça nous a surpris. Nous couvrons une région qui fait probablement 50 milles de rayon et il est absolument impensable, dans une région agricole comme celle-là, qu'il n'y ait aucun jeune qui souhaite faire des études pour devenir un meilleur agriculteur. C'est ça qui est le plus triste.

Je vous remercie de votre attention. C'est tout ce que je voulais vous dire, faites-en ce que vous voulez. Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Je vais donner la parole, dans l'ordre, à M. Pletz, Mme Kaastra, M. Tait, M. Hildebrant et M. Dewar.

M. Lloyd Pletz (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Lloyd Pletz et je suis un agriculteur de Balcarres, en Saskatchewan, au nord-est de Regina.

L'une des choses qui m'ont un peu déçu, ce matin, c'est de voir que tous nos ministres provinciaux de l'Agriculture n'ont pas beaucoup de solutions à proposer. Le problème que nous connaissons aujourd'hui vient en partie de la formule du filet de sécurité, qui est fondée sur les recettes en espèces, ce qui est totalement absurde. C'est tout à fait le contraire de ce qu'il faudrait. Elle devrait être fondée sur les pertes, sur les pourcentages d'acres et les pourcentages de contribuables, pour régler le problème des 60 p. 100 - 40 p. 100.

Prenons l'exemple du Québec, où existe le programme ASRAF, qui tient compte du coût de production plus 90 p. 100 du salaire d'un travailleur qualifié. Considérant le budget établi, la province devrait obtenir plus de 21 $ l'acre, si le calcul est fait à l'acre. Ici, en Saskatchewan, selon les chiffres de l'impôt sur le revenu, nous avons 62 p. 100 du troupeau, 47 p. 100 des acres cultivées et nous n'allons recevoir que 23 p. 100 environ du budget total, ce qui représente à peine plus de 4 $ l'acre. Pourquoi devrions-nous recevoir 4 $ quand le Québec recevra 20 $ et l'Ontario la même chose? Nous cultivons tous du blé et nous subissons tous les mêmes pertes à l'acre. C'est ça, le dénominateur commun: les pertes à l'acre, par culture, quelle que soit cette culture. Il m'importe peu qu'il s'agisse de culture de fruits, de fraises, de pommes de terre, de céréales ou d'oléagineux, il faut cibler les pertes. Et la raison pour laquelle vous n'avez pas ciblé les pertes, c'est que les pertes ne sont pas dans les chiffres de l'impôt sur le revenu. Il nous faut changer le système de l'impôt sur le revenu pour que nos pertes puissent être comptabilisées.

Je voudrais recommander qu'on modifie le système de l'impôt sur le revenu en fonction de la valeur nette modifiée, ce qui pourrait se faire simplement en modifiant le système actuel de déclaration des recettes en espèces. Laissez-nous déclarer nos pertes, au centime près, laissez-nous déclarer notre dette, au centime près, laissez-nous déclarer que nous avons perdu notre marge de crédit, que nous avons perdu un quartier de terre, que nous avons perdu de l'équipement, parce que ça ne ressort pas des chiffres de l'impôt sur le revenu. S'il vous plaît, réglez l'impôt sur le revenu. Réglez les chiffres. S'il vous plaît, utilisez les pertes, pas les recettes en espèces.

Merci.

Le président: Merci, Lloyd.

Madame.

Mme Renske Kaastra (Manitoba Women's Institute): Merci, monsieur le président.

Les femmes ont aussi leur mot à dire sur l'agriculture. Nous vivons avec des maris mécontents et des enfants qui doivent travailler sur la ferme. Beaucoup de gens ne réalisent peut-être pas combien les familles d'agriculteurs travaillent dur. Les enfants sont utilisés—et j'emploie le mot «utilisés» à dessein—sur la ferme dès qu'ils sont capables de manoeuvrer un levier de vitesse de tracteur. Ils travaillent l'été et l'automne pour faire toutes sortes de choses. Les enfants d'agriculteurs sont des enfants qui savent faire beaucoup de choses—c'est le seul aspect positif.

Si la situation ne change pas, le problème se réglera tout seul car il ne restera plus d'agriculteurs. Ce sera une grande perte pour le Canada parce que beaucoup de gens qui boivent aujourd'hui de l'eau potable, par exemple, finiront par comprendre que l'eau est un bien précieux dont la gestion est assurée par les agriculteurs. Quand ils ne seront plus là, les choses ne seront plus les mêmes, tout va se détériorer.

Les agriculteurs sont probablement le seul groupe au Canada à financer eux-mêmes totalement leur lieu de travail, à leurs propres risques, en assumant tous les risques et en n'ayant pas leur mot à dire sur le prix qu'ils reçoivent pour leurs produits. Pour vous donner un exemple de la manière dont nous essayons de réduire nos frais de production—et je dois dire que les agriculteurs ont beaucoup d'imagination à ce chapitre—si j'ai une crevaison sur ma presse à balles, je ne vais pas chez le concessionnaire acheter un nouveau pneu, je prends l'un des pneus de ma dépierreuse, qui reste de toute façon au garage. C'est juste un exemple.

• 1210

J'espère que vous allez nous aider et saisir l'importance globale de l'agriculture, en essayant par exemple de nous faire obtenir des crédits, une prime de gestionnaire, parce que nous plantons des arbres, par exemple, ou parce que nous retirons certaines terres de la production en arrêtant de les cultiver.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Tait.

M. Fred Tait (Syndicat national des cultivateurs): Si vous envisagez le problème de l'agriculture d'un point de vue différent, vous obtenez des réponses totalement différentes. Si vous étiez un économiste agricole constatant qu'un moins grand nombre d'agriculteurs produisent de plus grandes quantités qu'auparavant pour un rendement net plus faible, votre conclusion serait que le secteur agricole est devenu plus efficient. En fait, c'est exactement ce qu'affirmait récemment un économiste agricole de renom à Winnipeg au sujet de la crise de l'emploi et de la destruction du Manitoba rural. Pour lui, c'était le signe que l'agriculture devenait plus efficiente.

Si vous étiez le représentant d'une société de transformation alimentaire, voyant ces gens qui se sont adressés à vous aujourd'hui pour demander au gouvernement de subventionner le salaire de ceux qui travaillent sur les fermes, afin qu'ils puissent réduire leurs coûts de production et accroître la rentabilité des corporations alimentaires, vous seriez très heureux d'avoir entendu cette revendication et d'avoir assisté à cet effort de lobbying visant à faire payer par le public les salaires des producteurs.

Évidemment, nous venons aussi d'entendre, comme d'habitude, que tout irait bien et que les Prairies redeviendraient prospères si seulement on pouvait se débarrasser des subventions internationales. Pour ma part, je ne le crois pas et je pense que plus personne n'y croit aujourd'hui. Si vous enleviez toutes les subventions, que ce soit la prestation du Nid-de-Corbeau ou les politiques européennes de soutien rural, vous auriez éliminé notre revenu net. Si vous enlevez notre revenu net, vous réduisez le nombre de gens qui travaillent dans l'agriculture, ceux qui restent doivent fusionner pour agrandir leur exploitation, et ils doivent utiliser les technologies les plus récentes et, soi-disant, les plus efficientes pour produire plus. Il faut comprendre que, si l'on éliminait toutes les subventions au monde, c'est la technologie qui remplacerait la main-d'oeuvre, la production resterait fondamentalement la même qu'aujourd'hui et aucun prix ne changerait.

Il faut donc aussi s'attaquer au problème du marché. Il était intéressant d'entendre certains dire aujourd'hui que la solution serait que les agriculteurs aient moins de pouvoir sur le marché, alors que ceux avec qui nous sommes en contact ne cessent d'en réclamer plus. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans cette équation.

Merci de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Tait.

M. Terry Hildebrant (président, Agriculture Producers Association of Saskatchewan): Merci, monsieur le président.

Mon message aujourd'hui est que nous voulons travailler sur un pied d'égalité avec les autres. Comme beaucoup d'autres l'ont dit, nous, les producteurs, pouvons produire et faire concurrence aux autres. Nous avons besoin d'un marché international. Nous avons aussi besoin d'un marché au Canada. Nous voulons être traités comme des producteurs canadiens, quelle que soit la province où nous travaillons pour produire des denrées alimentaires.

Je suis d'accord avec le docteur qui affirme que nous avons besoin de filets de sécurité différents pour les différentes denrées, étant donné les différences, mais ce qui est important, c'est que nous obtenions le maximum d'effets positifs de l'aide qui nous est consentie. Cette aide doit être versée à la région au moment où elle en a besoin, pour la denrée qui est en difficulté. En ce moment, ce sont les céréales et les oléagineux qui sont dans cette situation, qui concerne pour 65 p. 100 la Saskatchewan. Dans trois ans, ce sera peut-être le boeuf, et ce sera alors l'Alberta qui connaîtra le plus de difficulté. Il faut donner l'aide en fonction de la région et de la denrée, et nous voulons être traités à égalité en tant que producteurs canadiens.

Le président: Merci, monsieur Hildebrant.

Monsieur Dewar.

M. Don Dewar (président, Keystone Agricultural Producers of Manitoba): Merci beaucoup.

Je tiens tout d'abord à remercier le comité de nous donner la parole. Nous avons entendu beaucoup de versions différentes du problème auquel nous sommes confrontés, surtout dans les provinces de l'Ouest et dans le secteur qui exploite la terre. Ce qu'il faut maintenant, c'est la volonté de s'attaquer au problème, ainsi que les ressources nécessaires pour s'y attaquer, du gouvernement du Canada.

• 1215

Il faut donner au secteur la chance de s'adapter à certaines des situations ou propositions visionnaires qui ont été mentionnées, et il faut s'attaquer au problème. Le problème ne concerne pas les filets de sécurité. Un trapéziste n'a besoin de filet de sécurité que s'il a la possibilité de donner sa performance. S'il ne peut même pas monter l'échelle pour atteindre le trapèze, ce n'est pas d'un filet de sécurité qu'il a besoin, c'est d'une échelle.

À l'heure actuelle, c'est de soutien immédiat que nous avons tous besoin, et je crois que c'est pour cette raison que nous sommes ici, pour faire face au court terme, tout en tenant compte du long terme. Nous savons que beaucoup de gens se penchent sur le problème en essayant de trouver la vision d'avenir. Nous posons la question au gouvernement du Canada depuis trois ans et il ne nous a toujours pas proposé de vision, si ce n'est pour l'économie des sciences de la vie dont les grandes entreprises du monde se débarrassent. C'est donc une vision particulièrement douteuse et nous voulons savoir si le gouvernement envisage autre chose. Nous savons bien que nous ne pouvons rien faire à l'encontre du gouvernement du Canada. Que vont devenir l'agriculture et les collectivités de l'Ouest canadien?

Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de votre attention.

Le président: Monsieur Dennis.

M. Andrew Dennis (témoignage à titre personnel): J'exploite une ferme à proximité de Brookdale, dans le triangle Brandon-Neepawa, au Manitoba. J'ai une femme, Sharon, et deux enfants, Riordan, qui a 11 ans, et Ryerson, 4 ans. Nous cultivons actuellement 2 000 acres de céréales et d'oléagineux. Je tiens à vous dire que je suis très heureux de pouvoir m'adresser à votre comité et que je serai bref.

Nous faisons face à des difficultés écrasantes. Beaucoup de mes collègues agriculteurs ont renoncé à leur rêve de poursuivre le travail important commencé par leurs prédécesseurs et ils ont décidé de transporter ailleurs leur savoir-faire, leur famille et leur micro-économie. Et beaucoup de ces gens avaient entre 35 ans et 45 ans. Considérant leur esprit d'entreprise et leur vaste savoir, ils n'auront aucun problème à réussir ailleurs. Ce petit pas en avant pour chaque famille est un pas de géant en arrière pour l'agriculture.

J'aimerais vous indiquer les détails du revenu que nous tirons de la culture de céréales et d'oléagineux sur une ferme efficiente de 2 000 acres depuis plus de 20 ans au Manitoba. Je parle de ma ferme, du genre de ferme qui, au cours des cinq dernières années, a eu en moyenne 115 p. 100 de la moyenne locale des paiements de l'assurance-récolte du Manitoba. Cette ferme fait de la culture à faible perturbation des sols, faible consommation de carburant, faible main-d'oeuvre, et relativement peu de frais généraux—les tracteurs et semoirs pneumatiques ont de 15 à 20 ans—et elle se subventionne également en vendant des services de pulvérisation sur demande. L'an dernier, il a fallu tirer 100 000 $ de cette deuxième activité pour que l'autre puisse survivre. À trois reprises pendant une période de 10 jours, j'ai fait de la pulvérisation pendant 50 heures d'affilée, et j'ai pulvérisé pendant tout l'été. Mon père me disait que j'allais me tuer à faire ça. En fait, tout ce que je fais, c'est que j'essaie de m'en sortir.

Je vous parle ici d'une ferme qui est efficiente sur pratiquement tous les plans. C'est ma ferme familiale. Au cours des 20 dernières années, j'ai tiré en moyenne environ 5 500 $ de revenu de cette ferme, comme l'indique mon état de compte du Régime de pensions du Canada; depuis cinq ans, zéro. Je ne verse même plus de cotisations à mon propre régime de pensions. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'avenir pour moi là-dedans. Cette ferme, combinée à mon entreprise parallèle qui lui permet de survivre, réalise des ventes brutes de près de 500 000 $ mais ne me donne quasiment aucun revenu net. Il est tout de même incroyable de produire assez pour nourrir le monde entier mais de ne pas pouvoir gagner assez d'argent pour nourrir ma propre famille. Selon les chiffres du coût de la vie au Manitoba, j'aurais besoin en 2001 de 40 000 $ pour survivre. Pour ce faire, je ne cesse d'emprunter, de plus en plus.

On nous parle toujours de diversification, de spécialisation, de valeur ajoutée, d'industrie manufacturière. Nous avons besoin d'aide, nous avons besoin d'aide financière, et nous en avons besoin maintenant. Pour certains, hélas, c'est trop tard, comme le montre le nombre continuellement croissant de ventes aux enchères. J'espère que votre comité prend son travail au sérieux et qu'il fera tout son possible pour redresser la situation avant qu'il ne soit trop tard. On a déjà perdu beaucoup d'expertise et tous ceux qui sont partis ne sont plus là pour apprendre aux autres.

J'espère vous avoir fourni des informations utiles et je vous assure qu'elles sont véridiques. Je voudrais bien ne pas voir disparaître le travail de mon grand-père et de mon père et j'aimerais bien aussi que le Canada ne nous laisse pas en plan car il est fondamentalement important de régler la situation.

• 1220

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

M. Thad Trefiak (vice-président, Saskatchewan Wheat Pool): Merci.

Je m'appelle Thad Trefiak et je suis vice-président du Pool du blé de la Saskatchewan, coopérative cotée en bourse qui dispense des services aux agriculteurs et s'exprime aussi en leur nom au sujet des politiques agricoles. Je tiens à remercier le comité de me donner la parole cet après-midi.

À mon sens—et je pense que ce comité doit bien le comprendre—le thème central des exposés de ce matin par les provinces est l'incidence des échanges internationaux sur les revenus des producteurs de céréales et d'oléagineux.

Je tiens aussi à préciser que nous sommes sensibles aux 32 milliards de dollars que le gouvernement fédéral a consacrés à l'agriculture, si l'on en croit de récents articles de journaux. Chaque dollar investi dans les programmes du gouvernement, si ceux-ci sont bien conçus, constitue un investissement pour l'avenir.

Je tiens à dire aussi que notre entreprise, tout comme les producteurs qui ont recours à nos services, s'est diversifiée. Dès sa création, le Pool du blé de la Saskatchewan a compris que les producteurs devaient ajouter de la valeur à leurs produits—en produisant de la farine, en broyant du canola, en faisant de l'élevage de boeuf ou de porc. Nous ne sommes pas que des producteurs de blé, en Saskatchewan. Nous savons que la diversification est nécessaire.

Les producteurs se sont diversifiés et je crois qu'il y a dans le mémoire de la Saskatchewan un excellent tableau qui le démontre. Cette diversification s'est faite en vue de certains marchés. Ça ne sert à rien de se diversifier s'il n'y a pas de marché. En fait, s'il y a un élément du débat sur lequel on n'a pas assez insisté aujourd'hui, de manière générale, c'est qu'il faut que l'on ait accès à un marché.

Pour conclure, je vous remercie de votre attention. L'histoire montrera que la période actuelle était cruciale pour l'agriculture canadienne. On a parlé de l'âge de nos producteurs. Il est crucial pour notre nation qu'elle possède un monde agricole compétent et qualifié. Nous attendons du gouvernement fédéral qu'il fasse preuve de leadership et qu'il établisse le cadre nécessaire pour guider les producteurs et le secteur agricole dans ses décisions futures. Merci beaucoup.

Le président: Merci.

M. Wells, après quoi nous passerons aux résumés.

M. Stuart Wells (Syndicat national des cultivateurs): Merci, monsieur le président.

Je dois dire tout d'abord que je suis très fier des agriculteurs qui s'adressent à vous en respectant leur limite de temps. Je pense qu'ils font un excellent travail.

Je voudrais juste ajouter quelques petites remarques à ce qu'ils ont dit.

Tout d'abord, je suis déçu de tout ce que j'ai entendu au sujet de la Commission canadienne du blé, qui serait la solution au problème. Il me semble important que les membres du comité comprennent que, dans l'Ouest canadien, n'importe quel agriculteur peut vendre son blé ou son orge comme il veut. Je fais de la culture organique près de Swift Current et je vends constamment ma production moi-même. Il suffit d'utiliser le programme des ventes directes de producteur pour vendre ses céréales soi-même. Personne ne l'a encore dit ce matin.

La seule condition, quand on utilise le programme de ventes directes du producteur, c'est qu'il faut vendre au moins au prix auquel la Commission du blé vend la même céréale sur ses marchés mondiaux. Or, si vous ne pouvez pas obtenir au minimum le même prix, vous ne devriez même pas essayer de vendre vos propres céréales. Vous devriez confier ça à quelqu'un qui sait ce qu'il fait. Cela constitue une pièce très importante du casse-tête de la Commission du blé. Nous vivons aujourd'hui avec le seul vrai système double de commercialisation que nous aurons jamais. Je pensais qu'il était important de le préciser.

Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation où les agriculteurs se font concurrence les uns aux autres. Il y a au Canada un quart de millions d'agriculteurs qui se font mutuellement concurrence sur un marché soi-disant mondial. Par contre, tous les autres membres de l'industrie—les fournisseurs d'intrants, les manutentionnaires, les transformateurs et les compagnies de chemin de fer—nous cassent les oreilles avec la concurrence mais ils n'en font pas du tout.

• 1225

Il existe quatre banques, deux compagnies de chemin de fer, deux ou trois compagnies de produits chimiques ou d'engrais, deux ou trois compagnies de carburant. Ces gens-là ne cessent de parler de concurrence mais sans en faire. Les seuls qui font de la concurrence sont les agriculteurs. Il existe un environnement presque parfaitement compétitif en agriculture et, dans un environnement parfaitement compétitif, personne ne gagne d'argent. Eh bien, savez-vous quoi? Les agriculteurs, pas seulement au Canada mais dans le monde entier, se trouvent dans cette situation.

Je pense qu'il est important que vous le sachiez.

Le président: Merci beaucoup.

Carol, M. Motheral voudrait répondre à l'une de vos questions sur les municipalités.

M. Wayne Motheral (président, Association des municipalités du Manitoba): Merci beaucoup. Je serai bref. Je m'appelle Wayne Motheral et je représente toutes les municipalités du Manitoba. Notre association regroupe les municipalités urbaines et rurales de toute la province et je vais m'exprimer en leur nom pendant quelques instants.

Avec Sinclair Harrison, de l'Association de la Saskatchewan, j'ai eu le plaisir de m'adresser la semaine dernière au Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts. À cette occasion, nous avons parlé des communautés rurales de nos provinces et du Canada. Je n'aime pas parler de l'Ouest canadien seulement parce que j'estime que le problème actuel concerne tout le Canada. Je suis vraiment déçu quand j'entends dire «l'Ouest», parce que ce qui nous préoccupe concerne toutes les collectivités du Canada.

Beaucoup de municipalités font face à une perte de revenu à cause des politiques fédérales. Il y a des fusions de compagnies d'élévateurs et nous avons des communautés qui perdent leur élévateur. Nous avons des communautés qui perdent leur chemin de fer. Quand cela arrive, c'est catastrophique pour beaucoup de communautés rurales parce que ça représente aussi la disparition de leur principale assiette fiscale.

Je connais une collectivité du Manitoba—je ne dirai pas laquelle parce qu'elle en a assez de m'entendre la mentionner. Je ne veux pas dire que personne ne devrait aller s'y établir. Je pense que M. Borotsik la connaît aussi. C'est une communauté du sud-ouest du Manitoba qui a perdu un très grand nombre de commerces. De fait, elle a dû augmenter ses impôts fonciers de 10 p. 100, soit 2 millions de dollars en tout, pour compenser cette perte de revenu.

Voilà ce que je voulais dire. Nous ne sommes pas un organisme de pression pour les agriculteurs mais nous travaillons avec les associations agricoles pour essayer d'aider nos collectivités rurales. Cela me semble très important. L'aide de votre comité serait extrêmement appréciée. Sinon, que va-t-il arriver? Il n'y aura plus personne dans nos communautés. Nos centres urbains deviendront de plus en plus gros mais qui s'occupera de notre ressource la plus précieuse, la terre? À l'heure actuelle, les agriculteurs peuvent se considérer comme les gardiens de la terre. C'est nous qui nous occupons de la terre. Qui s'en occupera si nous abandonnons tout aux grandes entreprises?

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Motheral.

Il nous reste très peu de temps et nous allons commencer les résumés dans l'ordre inverse des exposés, Si vous voulez dire quelques mots, monsieur Boyd, je commencerai avec vous.

M. Bill Boyd: Merci, monsieur le président.

Je voudrais simplement répéter que les trois secteurs clés dont il faut tenir compte sont le transport, la commercialisation et les filets de sécurité.

En ce qui concerne le transport, il faut continuer le mouvement vers l'efficience. En ce qui concerne la commercialisation, et nonobstant les remarques de M. Wells, je pense qu'il y a incontestablement un besoin... les agriculteurs de la Saskatchewan estiment qu'il doit y avoir des changements dans ce domaine. En ce qui concerne les filets de sécurité, il y a trois volets à considérer: un filet de sécurité efficace, l'assurance-récolte—CSRN—et un volet basé sur le revenu pour corriger les distorsions du marché.

Le président: Merci. Monsieur Nicol.

M. Ken Nicol: En conclusion, j'ai beaucoup parlé de politiques particulières mais je pense qu'il faut aussi se pencher attentivement sur la question de savoir si nous voulons que l'agriculture soit en fait une politique de développement rural. C'est là-dessus qu'il faut se pencher pour savoir quel avenir nous souhaitons pour l'agriculture et pour nos collectivités rurales.

Si l'agriculture doit devenir la politique qu'on utilise pour le développement rural, il faut une série de politiques complètement différentes que si nous voulons formuler des politiques pour encourager un secteur agricole commercial, et avoir une série de politiques différentes pour traiter de ce qui constitue un développement rural approprié.

• 1230

L'autre chose dont je n'ai pas parlé quand je me suis adressé à vous concerne le rôle que nous devons jouer face à nos concurrents internationaux, surtout les États-Unis et la Communauté européenne, et toute la notion de tarifs douaniers comparatifs. L'une des choses que j'ai remarquées pendant les quatre ou cinq dernières années, c'est que nous sommes continuellement confrontés à cette menace de droits compensatoires. L'une des choses que nous devons commencer à examiner, c'est si la prochaine ronde de négociations... Les pays ou groupes de producteurs qui prennent des mesures compensatoires ou entreprennent une action devant l'OMC doivent verser une caution et, s'ils perdent et que leur action est jugée frivole, ils doivent payer.

Je connais des éleveurs du Canada... Pour 250 000 $, le groupe R-CALF des États du centre a intenté une action et je crois comprendre que les éleveurs de bétail et les gouvernements de notre pays ont dû mettre plus de 20 millions de dollars pour se défendre.

Ce type d'action devient du harcèlement. L'une des choses que je vous encourage à faire quand vous allez aux négociations de l'OMC, c'est de vous assurer qu'une sorte de caution soit exigée; ainsi, si l'action est déclarée frivole, ils devront assumer le coût de leur défense.

Le président: Merci. Monsieur Penner.

M. Jack Penner: Merci beaucoup, monsieur le président.

Ce dont nous avons vraiment besoin au Canada, c'est de prendre certaines décisions très difficiles, très rapidement.

Premièrement, la demande d'une aide immédiate en espèces présentée par plusieurs agriculteurs aujourd'hui est très réelle et je pense qu'une action urgente doit être prise à ce sujet. Pour le long terme, nous avons aujourd'hui chez nous, dans nos fermes, des gens d'affaires jeunes, avisés et formés dans les universités qui sont prêts à rester dans l'agriculture si on leur donne la moitié d'une chance de s'en sortir. C'est eux qui prendront les décisions, et ils prendront des décisions d'affaires difficiles, basées sur des principes d'affaires, pour aller de l'avant.

Mais je crois qu'il faut les encourager, par une action du gouvernement—et je pense que les provinces ont un rôle à jouer à cet égard. Il faut un effort commun et c'est à cette condition, je crois, que nous pourrons avancer et rendre l'agriculture viable à nouveau.

Pour conclure, monsieur le président, j'affirme en toute sincérité que j'estime que le gouvernement fédéral doit intervenir de manière très directe pour faire sincèrement face aux initiatives commerciales des Américains et des Européens dans des pourparlers qui devraient commencer immédiatement.

Le président: Merci, monsieur Penner. Monsieur Serby.

M. Clay Serby: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je dois dire en premier que je suis sorti de la conférence de Québec en étant très optimiste pour l'avenir de l'agriculture, parce qu'elle est tellement importante et qu'elle offre tellement d'opportunités. Quand nous sommes partis de Québec, nous nous étions entendus sur certaines choses cruciales.

L'une d'entre elles est la nécessité de remettre nos sabres politiques dans leurs fourreaux pendant un certain temps si nous voulons vraiment bâtir cette industrie et si nous voulons établir un climat dans l'agriculture... parce que nous avons tous eu une chance d'y contribuer au cours des 50 dernières années. Or, nous nous retrouvons aujourd'hui avec les mêmes problèmes. Il faut donc ranger nos sabres politiques. Il faut commencer à forger une vision et une structure communes.

Dans notre vision et notre structure, il y a trois choses dont nous souhaitons nous occuper à l'avenir, et je pense que ce comité doit nous y aider.

Premièrement, nous devons répondre au besoin immédiat. Nous ne cessons d'affirmer—et je l'ai fait aussi, comme agriculteur—que c'est juste pour cette année; aidez-moi simplement une dernière fois, juste pour cette année. Nous devons obtenir une aide juste une année de plus. Nous avons des besoins immédiats, à court terme.

Pour le long terme, nous devons régler globalement toute la question du transport, des filets de sécurité et des marchés et, par le truchement de votre comité et des nôtres, au palier provincial, et des groupes de producteurs, nous devons essayer d'y arriver. Nous ne devons pas oublier que l'agriculture est en transition, et c'est une transition énorme, plus profonde que nous n'en avons jamais vue et que je n'ai jamais vu pendant ma courte vie. Elle continuera à changer et nous devons nous adapter à ces changements.

Nous devons aborder l'agriculture sur une base régionale parce que nous ne pouvons concevoir un programme ou des programmes qui seront universels pour tout le monde.

Il n'y aura pas de solution facile. Nous devrons faire preuve de volonté politique, monsieur le président, et nous compterons sur votre comité pour nous donner de l'aide, des indications et du leadership pour avancer dans les six ou sept prochains mois pour élaborer nos politiques futures concernant l'agriculture.

Le président: Merci.

• 1235

La conférence de Québec dont vous parlez était une réunion des ministres de l'Agriculture du Canada.

M. Clay Serby: C'est exact, veuillez m'excuser.

Le président: Je tenais à le préciser pour les gens qui ne le savaient pas.

En Alberta, maintenant, avec Mme McClellan.

Mme Shirley McClellan: Merci. Je serai brève.

On a déjà beaucoup parlé de la conférence de Québec, à laquelle je n'ai pas participé mais notre ministre s'y trouvait. À cette occasion, M. Vanclief a parlé du besoin de changer.

Ce que nous vous avons proposé aujourd'hui, ce sont des choses qui nous semblent pratiques, que vous avez le pouvoir de faire au palier fédéral et qui contribueraient incontestablement de manière très importante à atténuer certains des problèmes.

Les producteurs de céréales et d'oléagineux sont efficients; ils nous fournissent des produits de qualité, salubres et fiables. S'ils n'étaient pas efficients, ils ne seraient plus là aujourd'hui. Je ne connais aucune autre industrie qui aurait pu subir tout ce qu'ils viennent de subir et être encore sur pied.

Je tiens à rappeler à tous les membres du comité que ces produits de qualité sont célébrés dans le monde entier et contribuent pour beaucoup à l'image et au succès international du Canada.

J'ai la chance en Alberta que le chef libéral de l'opposition, notre critique pour l'agriculture, agisse sans aucune partisannerie dans ce domaine et tienne à collaborer avec nous pour trouver la meilleure solution possible pour les producteurs. Je suis d'accord avec mes collègues qui affirment qu'il ne doit y avoir aucune partisannerie dans ce domaine, aussi difficile cela soit-il pour nous. Lorsqu'il y va d'agriculture—et c'est la même chose pour la santé—il faut mettre la partisannerie de côté.

Nous voulons un programme de filets de sécurité qui soit efficace, qui ne cause aucune distorsion et qui laisse un degré élevé de responsabilité aux producteurs; c'est absolument crucial et ça ne peut pas attendre plusieurs années d'études complémentaires.

Pour ce qui est de la manutention et du transport des grains, mettez simplement en oeuvre les recommandations des comités mis sur pied par le gouvernement fédéral. Ce n'est pas la peine de lancer des études si vous décidez de n'en tenir aucun compte.

Au sujet de la Commission canadienne du blé, ne vous excitez pas chaque fois que quelqu'un demande un changement. Personne ne réclame la destruction de la Commission du blé. C'est un organisme respecté de commercialisation internationale qui existe depuis longtemps. Tout ce qu'il faut, c'est l'adapter aux réalités d'aujourd'hui. Un choix intérieur ne serait pas mauvais. Si vous avez peur d'offrir cela à tout le monde, faites un essai en Alberta, les producteurs n'en ont pas peur.

On a beaucoup parlé de commerce international, et c'est absolument crucial. Nous avons de solides partenaires dans le Groupe Cairns. À titre de ministre responsable du Commerce international, je suis allée à Seattle. Je ne pense pas devoir aller au Qatar. Mais il faut résoudre ces problèmes, et nous devons le faire avec nos partenaires.

Finalement, je le répète, vous avez le pouvoir de mettre une somme d'argent importante dans les poches des producteurs en éliminant la taxe fédérale d'accise et la TPS sur les carburants agricoles. Je vous rappelle que le gouvernement fédéral ramasse de l'argent quand les prix montent, puisque la TPS est perçue sur le prix final, avant nos ristournes. Le Trésor fédéral ne renoncerait pas à beaucoup d'argent s'il décidait d'abolir cette taxe d'accise.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Wowchuk, c'est vous qui allez conclure. Vous avez la parole.

Mme Rosann Wowchuk: Merci beaucoup.

Je tiens à vous remercier tous et toutes de votre patience et de votre attention, et de faire preuve de tant de sérieux au sujet de cette question qui est tellement importante pour nous.

Je répète que nous sommes très reconnaissants au gouvernement fédéral pour l'argent qu'il consacre à l'agriculture, comme nous l'indiquons dans notre mémoire.

J'ai déjà dit que nous voulons que le gouvernement fédéral assume ce problème à 100 p. 100. La raison en est que c'est un problème d'une telle ampleur que les provinces n'ont tout simplement pas les ressources pour le régler. Le gouvernement fédéral a toujours joué un rôle plus important en ce qui concerne le soutien de l'agriculture, mais les provinces comme la nôtre n'ont pas les ressources pour assumer 40 p. 100 des coûts de chaque programme. Nous sommes prêts à le faire dans certains cas mais nous ne pouvons pas le faire dans tous les cas.

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D'autres l'ont déjà dit mais je tiens à le répéter: l'agriculture est extrêmement importante. Elle occupe une place cruciale au sein de l'économie canadienne et du commerce international, et cela ne doit pas changer. Nous ne voulons pas perdre cette industrie.

On parle beaucoup de solutions concrètes. L'abolition de la taxe sur les carburants a été mentionnée par les premiers ministres de l'Ouest à la conférence de Moose Jaw, la semaine dernière, et la recommandation sera adressée au gouvernement fédéral car c'est une mesure qui permettrait d'envoyer un excellent signal aux producteurs. Ce serait une aide extrêmement appréciée.

En matière de transition—toutes ces questions sont aussi importantes—il faut se pencher sur des industries à valeur ajoutée, et l'amélioration du filet de sécurité est l'une des choses les plus importantes qu'on puisse envisager. Comme d'autres l'ont dit, les producteurs ne réclament pas de programmes ponctuels, ils veulent savoir quels sont les programmes. J'ai été très intéressée d'entendre le Dr Nicol dire comment nous pourrions les améliorer. Je pense que cela devrait faire partie de la révision du filet de sécurité et de ce que nous pourrions faire pour ne plus avoir de programmes ponctuels.

Une question qui n'a pas été mentionnée aujourd'hui mais dont on parle beaucoup chez nous est la mise de côté de terres agricoles et l'utilisation de ces terres à d'autres fins. Même si nous n'en avons pas parlé aujourd'hui, votre comité devrait se pencher là-dessus.

Je voudrais dire quelques mots de la Commission canadienne du blé car je n'ai pas eu la possibilité de le faire plus tôt. Il ne faut pas oublier que c'est la position de l'agriculteur dans toute la stratégie de commercialisation. Il y a les compagnies céréalières, il y a les acheteurs, et la Commission du blé est l'intermédiaire commercial... elle représente l'agriculteur dans tout le système. Elle a actuellement un conseil d'administration élu par les producteurs, et ce sont ces producteurs qui prennent les décisions pour nous, mais je ne voudrais pas que l'on aille jusqu'à retirer les agriculteurs de cette position commerciale, parce que c'est un rôle qu'ils doivent assumer.

Il faut aussi admettre que la Commission du blé travaille avec les sociétés de transformation. Nous en avons des exemples. Elle s'occupe de commercialiser des produits organiques, ce qui montre qu'elle peut changer en même temps que le marché.

Je voudrais conclure sur la question de savoir si on devrait cultiver du blé au Canada ou non. Considérant nos caractéristiques géographiques—je parle de l'Ouest mais c'est la même chose pour l'Est—nous devrons toujours cultiver des céréales, ça fait partie de la rotation culturale.

Mais notre production céréalière est également importante si nous voulons nous diversifier dans l'élevage. On ne peut pas élever de bétail sans grains de provende, et nous ne voulons pas devenir des importateurs de grains de provende.

Nous savons que l'offre de blé n'est pas suffisante à l'échelle mondiale. L'offre d'aliments est insuffisante et nos céréales sont donc importantes à ce chapitre.

En outre, comme quelqu'un l'a dit, qui va gérer la terre s'il n'y a plus d'agriculteurs? On ne peut pas arrêter toute la production. On ne peut pas tout consacrer à des épices ou à des haricots, et on ne peut pas tout consacrer non plus au bétail.

Je vous remercie beaucoup de votre attention et j'espère pouvoir collaborer avec vous pour chercher des solutions durables.

Le président: Au nom du comité, je vous remercie tous et toutes d'être venus aujourd'hui. C'était extrêmement intéressant de vous entendre et nous avons hâte de vous revoir à nouveau dans l'Ouest, à l'automne, et de rencontrer un plus grand nombre de producteurs. Quand ils liront le compte rendu de la séance d'aujourd'hui, ils verront que vous les avez fort bien représentés.

Je remercie également les membres du comité d'avoir consacré beaucoup de temps à cette séance, ce matin. Je sais que beaucoup doivent aller en vitesse à d'autres réunions. J'estime que la séance a été très productive et nous aurons hâte de reprendre ces discussions à l'automne, dans l'espoir de trouver des solutions à la crise actuelle.

Merci beaucoup. La séance est levée.

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