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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 083 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 mai 2013

[Enregistrement électronique]

  (1310)  

[Français]

    Bienvenue à la 83e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce mardi 21 mai 2013.

[Traduction]

    Nous poursuivons nos audiences sur la situation des droits de la personne au Honduras.Todd Gordon, professeur à l'Université Wilfrid Laurier a gracieusement accepté de venir témoigner devant le comité.
    Monsieur Gordon, comme je suis certain que vous le savez déjà, vous avez environ 10 minutes pour nous présenter votre exposé. Nous adapterons ensuite la période de questions en conséquence, pour que le temps qui reste soit divisé équitablement.
    Je vais demander une petite faveur à M. Marston, s'il me le permet. Je dois quitter tôt pour faire une déclaration de député à la Chambre, donc je vais vous demander...
    Très bien.
    Monsieur Gordon, vous pouvez commencer. Prenez le temps qu'il vous faut pour nous présenter les faits.
    Je vous remercie.
    Est-ce que j'ai besoin de cela pendant que je parle?
    Vous n'en avez pas besoin pendant votre exposé. Cela porte probablement à confusion. Si vous ne parlez pas français, vous devrez l'insérer dans votre oreille quand quelqu'un vous posera une question en français.
    Merci. La parole est à vous.
    Je remercie le comité de m'avoir invité. Je m'appelle Todd Gordon et je suis professeur adjoint en études contemporaines à l'Université Laurier, à Brantford.
    J'ai étudié en science politique et en économie politique. Mes recherches portent sur les relations économiques politiques du Canada avec les pays du Sud à l'égard de la pénétration croissante des multinationales canadiennes dans ces pays, des incidences sociales et écologiques des investissements étrangers canadiens, de la réaction des populations du Sud à ces investissements et de l'importance de cette dynamique dans le cadre de la politique étrangère canadienne.
    Depuis quelques temps, je concentre mes recherches sur les relations du Canada avec l'Amérique latine. Ces recherches portent en partie, quoique pas exclusivement, sur le Honduras. D'autres témoins ont parlé avec conviction aux membres du comité de la catastrophe immédiate et constante de la violation des droits de la personne au Honduras, qui fait partie d'une longue histoire de suppression violente des dissidents dans ce pays appauvri de l'Amérique centrale, qui est dominé par une petite élite économique.
    Dans le contexte actuel, des opposants politiques aux dirigeants sont ciblés et assassinés, on assiste à des moyens de répression terrifiants dans la région de Bajo Aguán contre les paysans qui se battent contre l'expropriation de leurs terres, et à ce titre, un paysan militant a été assassiné pas plus tard que le 17 mai.
    Il y a également des agressions sexuelles, des menaces et des atteintes quotidiennes à la dignité des opposants politiques au régime de l'après-coup d'État. Les autres témoins du comité ont parlé eux aussi de l'impunité dans laquelle ils agissent, ce qui laisse croire à une politique de l'État. De fait, selon les groupes de défense des droits de la personne présents sur le terrain au Honduras, comme le comité des parents des détenus disparus et les membres des groupes ciblés, cette violence serait attribuable en partie à l'appareil de sécurité d'État du Honduras.
    Nous constatons la réapparition d'escadrons de la mort au fur et à mesure que le Honduras sombre de nouveau dans la période noire des guerres sales de l'Amérique centrale, une période où des escadrons de la mort composés de policiers militaires et parfois même de civils parcouraient le pays pour éliminer les dissidents. Juan Carlos Bonilla, qui a été impliqué dans la torture et la disparition de diverses personnes dans les années 1990, a été nommé chef de la police nationale par le gouvernement Lobo.
    Le président Lobo a nommé récemment ministre de la sécurité Arturo Corrales, qui avait été conseiller pendant la dictature Micheletti; Corrales a par la suite nommé trois colonels militaires à la retraite à des postes de sécurité clés.
    Mais revenons un peu au gouvernement canadien, aux multinationales canadiennes et à leur implication dans tout cela. Cette répression, l'état alarmant des droits de la personne au Honduras, est le contexte dans lequel le gouvernement canadien établit des liens avec le Honduras et les sociétés canadiennes travaillent à l'avancement de leurs intérêts économiques. Les conséquences de la situation devraient nous porter à nous arrêter sérieusement.
    Pendant mes deux brèves visites au Honduras au cours des dernières années et pendant les visites de militants honduriens à Toronto, j'ai eu l'occasion de rencontrer et d'interroger un certain nombre de Honduriens qui résistent aux multinationales canadiennes et de discuter de l'incidence sociale et environnementale des investissements étrangers du Canada.
    J'ai rencontré beaucoup de Honduriens qui se battent depuis plus de 10 ans contre Goldcorp, par exemple, de même que des militants du comité de défense environnemental de la vallée Siria, qui accuse Goldcorp d'avoir pollué le réseau d'eau local et empoisonné les habitants de la vallée. Ils déplorent la déforestation, la déviation des cours d'eau naturels, la privation des petits agriculteurs des rares ressources en eau auxquelles ils ont accès et l'insécurité alimentaire des petits agriculteurs de la région.
    Les études menées par des ingénieurs de l'Université Newcastle après la fermeture de la mine mettent en lumière le drainage acide de la mine et divers autres manques qui mettent en péril le réseau local d'approvisionnement en eau. Les analyses effectuées sur l'eau destinée à la consommation humaine dans deux villages de la vallée ont permis de constater des niveaux d'arsenic, de plomb et de chrome hexavalent bien supérieurs aux niveaux acceptables selon l'Organisation mondiale de la Santé.
    Rights Action a mis en évidence le fait que le ministère de l'Environnement a caché pendant quatre ans sa propre étude selon laquelle on avait trouvé des niveaux dangereusement élevés de métaux lourds toxiques dans le sang de 46 personnes sur les 62 qui ont subi des tests, et que ces personnes auraient dû recevoir un traitement médical immédiat et soutenu dès 2007.
    Des études cliniques réalisées par le médecin hondurien Juan Almendarez, je le cite « révèlent des problèmes graves de peau et de perte de cheveux, des troubles des voies respiratoires, du système nerveux et de la vue, qui peuvent tous être attribués à la contamination par des métaux lourds dangereux pour la santé des générations actuelles et futures ».
    Depuis des années, les opposants à la mine San Martin font l'objet de harcèlement et d'intimidation. À l'été 2011, 17 personnes ont été accusées de faire obstruction à un projet de foresterie sur des terres pour lesquelles des concessions minières avaient déjà été accordées à Goldcorp. Ils croient que la coupe de bois pourrait constituer une première étape vers de nouvelles activités minières. Les accusations ont tombé récemment puisque la plupart de ces personnes n'étaient même pas présentes sur les lieux le jour cité dans les accusations.

  (1315)  

    Il y a également eu des conflits autour de la mine Aura Minerals' San Andres, au Honduras. Les Honduriens à qui j'ai parlé ont exprimé de vives inquiétudes à l'égard d'une nouvelle vague d'activités minières canadienne dans leur pays. Malgré le rapport positif présenté par un représentant de Gildan à votre comité, les personnes qui militent pour les droits de la personne dans les maquila brossent un portrait différent. Au Honduras, j'ai parlé avec un militant qui a décrit Gildan comme l'une des sociétés les plus abusives dans ce secteur et dont les pratiques ont empiré après le coup d'État. Les militants citent divers problèmes et diverses violations du code du travail. Je sais que Karen Spring a abordé ce sujet devant le comité, elle le connaît d'ailleurs beaucoup mieux que moi.
    L'un des projets canadiens les plus importants à ne pas recevoir l'examen en profondeur voulu au Honduras et qui poursuit son cours actuellement relève de Life Vision, dont le propriétaire, Randy Jorgenson, est un proche du frère du président Porfirio Lobo, Ramon. Le projet, qui comprend la construction d'un nouveau quai pour un bateau de croisière d'une valeur de 15 millions de dollars américains destiné à accueillir des touristes de partout dans le monde, poursuit son cours près de la ville de Trujillo, sur la côte Nord, sur des terres revendiquées par les descendants afro-indigènes des Garifuna. Les permis environnementaux pour les deux premiers projets auraient été octroyés sous la dictature du coup d'État, en janvier 2010, avant l'inauguration du président Lobo. Les gens de la communauté affirment ne pas avoir été consultés, être totalement ignorés par l'entreprise et le gouvernement. Ceux qui en parlent le plus, dont des personnes avec qui j'ai parlé et une qui a critiqué le projet à la radio communautaire de Trujillo, affirment avoir reçu des menaces de mort et être suivies par des agents de sécurité de l'entreprise.
    Les deux tendances que je viens de décrire, au sujet du Honduras, soit l'état lamentable du respect des droits de la personne en général et le bilan pitoyable des sociétés minières canadiennes dans les autres pays, créent une situation très dangereuse pour les Honduriens. Je dirais que l'intervention du gouvernement canadien depuis le coup d'État n'a pas aidé. Elle a empiré les choses. Il y a d'abord eu Peter Kent, qui a rejeté une partie du blâme pour le coup d'État sur Manuel Zelaya et qui a critiqué ses tentatives de retour d'exil; il y a aussi le vif appui du Canada pour la reconnaissance de la présidence de Porfirio Lobo, malgré que son élection a eu lieu dans le contexte d'un coup d'État, d'une dictature, de répression violente et d'un boycott par le mouvement contre le coup d'État. Le Canada continue d'ailleurs d'appuyer le gouvernement Lobo malgré la poursuite des violences, et le Canada contribue au financement et à la formation des forces de sécurité du Honduras, notamment par un projet de partenariat avec la Colombie, dont les forces de sécurité ont une histoire extrêmement problématique elles-mêmes.
    Cet appui fort en faveur du gouvernement Lobo, qui a commencé à une époque où la majorité des gouvernements d'Amérique latine refusait de le reconnaître, a jeté les assises des pressions fructueuses exercées par le Canada pour signer un accord de libre-échange et adopter une nouvelle loi sur l'exploitation minière. De son côté, le président Lobo a adopté pour slogan: « Le Honduras est ouvert aux affaires ». Le libre-échange et la loi sur les activités minières en sont de bons exemples, comme son projet de villes à charte, des enclaves qui vont être dirigées par des conseils d'administration indépendants évidemment influencés fortement par des investisseurs étrangers et très indépendants du gouvernement national, de ses lois, de ses organismes et de ses règlements. Ces mesures sont conçues, pour reprendre le vocabulaire des Affaires étrangères et du Commerce international, pour sceller l'accès au marché aux sociétés canadiennes, et je dirais qu'elles placent les droits de ces sociétés devant les droits du peuple du Honduras et de son environnement.
    Pire encore, les sociétés minières vont maintenant payer des taxes pour le régime de sécurité hondurienne dont je viens de vous parler. Il importe toutefois de souligner que les conflits au Honduras ne sont pas des cas isolés, particulièrement dans le domaine minier. Ils font partie d'une problématique systémique de conflit en Amérique latine (et partout dans le monde, en fait), qui implique des multinationales canadiennes, avec l'appui de la politique étrangère canadienne, qui vise à aider les sociétés canadiennes qui poursuivent énergiquement leur quête de profits sans égard aux conséquences. D'après mes calculs depuis la moitié de 2009, 15 personnes ont été tuées en Amérique latine dans des conflits avec des sociétés minières canadiennes. Le décès le plus récent remonte à il y a quelques semaines, au Guatemala, dans un conflit avec Tahoe Resources, qui s'est soldé par la déclaration de la loi martiale dans la communauté autour de la mine. En ce moment, il y a une poursuite civile en cour contre Hudbay Resources, à Toronto, pour sa présumée responsabilité dans le meurtre d'un opposant, les blessures par balle infligées à une personne et la paralysie qui s'en est suivie et le viol collectif de plusieurs femmes au Guatemala. En janvier dernier, des gardes de sécurité guatémaltèques de Goldcorp ont ouvert le feu contre des travailleurs qui manifestaient.
    Une étude réalisée pour l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, qui n'a pas été publiée par l'association, mais qui a fait l'objet d'une fuite en 2010, conclut que les sociétés canadiennes sont de loin les plus impliquées dans des conflits depuis 10 ans, si on les compare avec leurs homologues internationaux. Pour ces raisons, il y a de plus en plus de mouvements nationaux et transnationaux qui s'élèvent contre l'exploitation minière canadienne en Amérique latine. Ceux-ci prennent toutes sortes de formes allant de barrages aux campagnes nationales environnementales, en passant par des référendums populaires contre l'exploitation minière canadienne dans plusieurs pays.

  (1320)  

    Pour conclure, il faut bien comprendre une chose. Au Honduras comme dans les pays du Sud, en général, il y a toute une histoire de conflit entre les multinationales canadiennes et les collectivités locales. Quoi qu'en disent les représentants de l'industrie minière ou Neil Reeder à ce comité, ou même ce que l'honorable Julian Fantino peut affirmer au public canadien, il y a une multitude de recherches universitaires qui montrent que l'exploitation minière ne contribue pas au développement économique des régions pauvres. En fait, beaucoup d'études montrent qu'elle empire leur situation.
    J'ajouterais qu'il y a aussi amplement de recherches qui contestent le fait que les maquilas (des zones de libre-échange enclavées où s'établissent des ateliers de misère) contribuent vraiment à l'amélioration générale de la qualité de vie dans les pays pauvres. Les politiques énergiques de libre marché, des droits très forts pour les investisseurs étrangers, la défense énergique des sociétés minières canadiennes: rien de tout cela n'aidera les pauvres honduriens, colombiens, péruviens ou guatémaltèques. En fait, ce n'en est même pas le but, à mon avis. Ces mesures n'auront pour effet que de rendre encore plus vulnérable une population déjà vulnérable.
    Merci.
    Merci infiniment, monsieur Gordon.
    Je vais limiter le temps de questions et de réponses à cinq minutes par personne, parce que nous avons toujours tendance à déborder un peu.
    Nous allons commencer par M. Sweet.
     Monsieur Gordon, votre conclusion me pousse à commencer par une question différente de celle que j'avais prévue.
    Vous avez déclaré avec vigueur que l'investissement canadien et la création d'emplois ne seraient pas bénéfiques au Honduras. Vous avez mentionné le secteur minier, mais vous avez également fait allusion à Gildan. Pouvez-vous m'en expliquer les raisons?

  (1325)  

    Je vais vous parler des mines d'abord, et si je prends trop de temps, veuillez me le dire, parce qu'il y a beaucoup de choses que je pourrais vous dire à ce sujet. Il y a pas mal de recherches à ce propos, mais je vais mentionner quelques points qu'il vaut la peine de souligner à mon avis sur les raisons pour lesquelles les mines...
    Mais tout porte à croire que vous allez utiliser le reste du temps, ce qui est très bien, et c'est votre droit. Quand je dis que nous allons limiter le temps de parole, je veux empêcher les députés de faire des discours, je ne cherche pas à vous empêcher de parler.
    Je voudrais dire que quand vous structurez votre réponse, vous avez l'option de nous soumettre de la documentation. En fait, nous vous invitons à le faire, et cela pourrait vous éviter de devoir nous donner moult détails sur certaines choses.
    Voilà. Veuillez continuer.
    Je vais donc souligner les principales raisons pour lesquelles les mines ne favorisent pas le développement, à mon avis, et quelles sont les critiques qu'on retrouve dans la littérature universitaire. Je vais mentionner quelques éléments, rapidement, et si vous voulez me poser des questions à ce sujet, je serai heureux de vous répondre.
    Il y a premièrement le fait que l'exploitation minière mène souvent au déplacement des populations qui vivent à l'endroit ou à proximité des ressources minières, des communautés pouvant se composer de petits agriculteurs ou d'Autochtones qui vivent d'autosubsistance et qui dépendent de l'écologie locale, des sources d'eau et du reste. La construction physique de la mine et l'infrastructure qu'il faut y installer causent souvent des déplacements de populations.
    Il y a aussi beaucoup de substances chimiques potentiellement très toxiques qui sont utilisées et qui s'infiltrent dans les eaux souterraines. Bien souvent, que ces infiltrations soient intentionnelles ou accidentelles, elles peuvent causer des problèmes écologiques graves.
    C'est vrai pour toutes les formes d'extraction.
    Oui, et cela peut avoir une incidence sur l'avenir des gens. Même après la fermeture de la mine, de 10 à 20 ans plus tard, les terres peuvent ne plus être arables, et les sources d'eau peuvent être inutilisables.
    De nos jours, l'exploitation minière est extrêmement capitalistique, ce qui signifie que les possibilités d'emploi, relativement aux revenus générés, sont assez basses. Particulièrement dans les pays du Sud, où des mines sont ouvertes, la population locale n'a pas les compétences nécessaires pour effectuer le travail voulu dans ces mines. Le capital, la technologie et l'infrastructure nécessaires pour construire la mine et l'exploiter sont souvent importés. Il ne sont pas liés à l'économie locale.
    Les mines, tout comme les maquilas, ont tendance à créer des économies enclavées peu liées au reste de l'économie nationale. Les activités à valeur ajoutée plus élevée, qui créent plus de richesse, comme la transformation et le raffinage des minéraux, ont souvent lieu dans les pays du Nord et non du Sud.
    Les prix des produits sont établis en fonction des marchés mondiaux, principalement de la demande en provenance des pays du Nord et de la Chine, et les prix des minéraux ont tendance à être très volatiles. Le revenu national se trouve alors à dépendre de prix établis à l'échelle mondiale. Mais les régimes miniers les plus influencés par l'Agence canadienne de développement international, les Affaires étrangères et Ressources naturelles Canada sont pour la plupart des régimes miniers néo-libéraux, dont les taux de redevances sont bas et qui procurent divers autres avantages qui attirent les investissements des sociétés minières canadiennes.
    Je vais m'arrêter là.
    Bref, dans ce cas-ci, bien que nous ayons ici des pratiques d'extraction minière très écologiques, dans la mesure du possible (pour les sables bitumineux de l'Alberta, par exemple, nous utilisons des technologies d'extraction infiniment plus avancées qu'avant), vous dites qu'on ne voit rien de tel au Honduras?
    Eh bien, je pense qu'on peut se demander à quel point l'extraction pétrolière est écologique dans l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta, mais je dirais aussi que d'après beaucoup de détracteurs de ces régimes et beaucoup de Honduriens, le régime minier mis en place dans ces pays et auquel contribue le Canada ne jouit pas de règlements environnementaux aussi stricts qu'il le faudrait.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Pour une question, très brièvement.
    Excellent.
    Nous avons reçu jusqu'ici des témoins de renom, comme Michael Kergin et Adam Blackwell, qui nous ont tous dit que bien que la situation ne soit pas bonne, ils en conviennent (et nous avons entendu des chiffres allant de 67 homicides par 100 000 personnes jusqu'à 82,1), ils constatent aussi une évolution positive de la situation des droits de la personne sous le régime Lobo. Qu'en pensez-vous?

  (1330)  

    Je suis très sceptique.
    Je pense que ce qui contribue le plus à améliorer la situation des droits de la personne au Honduras, c'est le mouvement social lui-même, à commencer par la Frente Nacional de Resistencia Popular, le front de résistance populaire qui s'est formé en réaction au coup d'État, de même que les syndicats d'enseignants qui manifestent et jouent un rôle fondamental depuis le coup d'État. Ce sont les forces en place qui sont là pour exiger le respect des droits de la personne, et ce sont leurs membres qui en paient le prix, très cher.
    Je pense que si vous suivez le moindrement ce qui se passe au Honduras, vous allez constater des choses qui vont vous porter à vous demander si Lobo veut vraiment respecter les droits de la personne. Comme je l'ai dit, et comme d'autres témoins avant moi l'ont mentionné, le fait de placer Juan Carlos Bonilla à la tête de la police nationale et Arturo Corrales à la tête du ministère de la Sécurité, alors qu'il a été conseiller du dictateur Micheletti, de même que toute l'impunité que de nombreux observateurs ont relevée (et je suis d'accord avec eux), indiquent que la politique de l'État...
    Je pense que les problèmes en jeu là-bas sont tellement ancrés — et ils montent dans la hiérarchie — que seule une transformation très profonde du régime judiciaire et du système de sécurité du Honduras pourrait y changer quoi que ce soit.
    Je m'excuse, je vois qu'on me regarde...
    Je vous avais dit que je n'allais pas vous interrompre.
    Disons que c'est M. Sweet que j'interromps, car il ne lui restait que 30 secondes au moment où il a posé sa question. J'aurais toutefois moi aussi une très brève question.
    Vous venez tout juste de mentionner deux mouvements. Il y a eu deux avocats... Lorsque nous avons amorcé nos délibérations, nous parlions surtout de l'assassinat récent d'Antonio Trejo-Cabrera et de Manuel Díaz-Mazariegos. Ces deux individus étaient-ils associés à l'un ou l'autre des mouvements que vous avez mentionnés ou à un groupe similaire? Est-ce complètement autre chose?
    Je n'ai pas bien saisi les noms. Antonio...?
    C'était Antonio Trejo-Cabrera et Manuel Díaz-Mazariegos.
    Antonio Trejo était avocat pour la MARCA, un des mouvements coopératifs paysans. Il a sans doute été assassiné parce qu'il défendait leurs droits.
    Comment s'appelait l'autre?
    Juste un instant. Je m'efforce de bien prononcer son nom. C'était Manuel Díaz-Mazariego.
    J'essaie de me rappeler qui était Manuel Díaz...
    En fait, on indique qu'il était procureur public à Choluteca, ce qui répond à la question.
    D'accord.
    Je vous remercie de vos réponses qui m'ont bien éclairé.
    Monsieur Marston, vous avez fait montre d'une grande patience. Votre tour est maintenant arrivé .
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Gordon. J'interpréterais ce que vous nous avez dit jusqu'à maintenant au sujet du président hondurien de la même manière que le feraient la plupart de mes concitoyens en me disant que l'on peut juger quelqu'un d'après ses fréquentations. Lorsqu'il nomme à des postes de sécurité des individus qui ont des antécédents reconnus en matière de violation des droits de la personne, cela en dit long sur le genre de dirigeant qu'il peut être. Lorsqu'il fait ainsi une place à trois de ses copains ou complices dans la conspiration, quel que soit le nom qu'on veuille bien leur donner — ces gens faisaient partie d'escadrons de la mort — la situation devient vraiment problématique.
    Je veux revenir un instant au cas de Gildan. Les représentants de cette entreprise ont comparu devant nous. Ils nous ont parlé de la Fair Labour Association et de l'évaluation qu'elle a faite de leurs pratiques en milieu de travail. Mais si l'on examine la composition du conseil d'administration de la Fair Labour Association, on constate que toutes les entreprises ayant des intérêts au Honduras y sont représentées. Étiez-vous au courant?
    Oui. La Fair Labour Association a été critiquée à maints égards, pas uniquement dans le contexte du Honduras. Elle a été impliquée dans une controverse touchant Foxconn relativement aux usines d'Apple en Chine. L'organisation United Students Against Sweatshops l'a également critiquée pour la faiblesse de ses mécanismes d'application du Code du travail, et je pourrais continuer.
    Je sais tout cela, et je soulevais la question pour la gouverne de mes collègues du comité, car cela permet de douter...
    Tout à fait.
    ... de certaines des pratiques exemplaires décrites par les gens de Gildan qui ont comparu devant nous. Pour ce qui est de Goldcorp...
    Le simple fait que l'on parle du taux d'homicide le plus élevé au monde est déjà fort inquiétant en soi. Mais des témoins nous ont indiqué que différentes études menées en Amérique du Sud révèlent que les entreprises embauchent désormais au sein de leur personnel de sécurité d'anciens paramilitaires. Dans bien des pays, c'est ainsi qu'on qualifie les membres des escadrons de la mort.
    Je voudrais vous parler des taxes payées par les entreprises canadiennes pour la sécurité militaire. Êtes-vous au fait de telles taxes et quelles en seraient les conséquences?

  (1335)  

    La taxe sur la sécurité est maintenant fixée à un taux de 2,5 p. 100, si je ne m'abuse, pour les sociétés minières canadiennes. Outre le secteur minier, cette taxe de sécurité s'applique dans diverses autres situations, y compris le retrait d'espèces au guichet automatique. Je crois que le problème risque de s'aggraver lorsque les lois et les règlements applicables au secteur minier entreront en vigueur. Il s'ensuivra, bien évidemment, une nouvelle vague d'exploration et d'exploitation minières au Honduras. Le problème va devenir très grave. Je crois que la taxe est en vigueur pour une période de cinq ans avec possibilité de prolongation.
    J'aimerais que nous discutions un moment des villes à charte. Je ne veux pas trop m'attarder là-dessus, mais votre témoignage a apporté un éclairage différent à ce sujet. Les ententes de libre-échange que nous avons négociées ouvraient la possibilité d'accorder aux entreprises le statut de nation, ce qui leur permet d'entreprendre des poursuites contre des pays d'égal à égal. C'est sans précédent au sein de notre économie mondiale. Si l'on ajoute à l'équation la proposition concernant les villes à charte, on se retrouve dans une situation... Si l'on présume que le Honduras en arrivera un jour à se donner un véritable gouvernement démocratiquement élu, celui-ci se retrouverait les mains liées par ces villes à charte, les lois sur les mines et tous ces autres éléments. Qu'en pensez-vous?
    C'est tout le problème avec les accords de libre-échange, les lois minières et les villes à charte. Comme je l'indiquais tout à l'heure, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international estime que ces lois ont pour objectif de garantir l'accès au marché. On parle de transparence et de prévisibilité; des objectifs qui semblent a priori plutôt neutres du point de vue politique et économique. Cependant, si l'on considère les relations asymétriques entre les pays de l'hémisphère nord et ceux de l'hémisphère sud, la pauvreté des collectivités touchées par l'exploitation minière, et la pauvreté en général dans des pays comme le Honduras, on ne peut pas dire que la prévisibilité et l'accès garanti aux marchés sont sans incidence pour les gens. Ce n'est pas l'objectif visé.
    Le véritable objectif consiste à faire en sorte d'éliminer le plus d'obstacles possible à l'engrangement de profits par les multinationales canadiennes et les entreprises du secteur des maquilas, en leur permettant de rapatrier ces profits au Canada, tout en bénéficiant des taux d'imposition les plus bas possibles, de la réglementation de l'environnement par la plus conciliante possible et des lois du travail les moins rigoureuses possibles. Si l'on considère que des gouvernements ne remplissent pas leurs obligations découlant de ces accords, on peut leur intenter des poursuites.
    Je pourrais vous en citer différents exemples en descendant simplement l'isthme à partir du Honduras, pour m'arrêter au Costa Rica et au Salvador notamment, où des tragédies en matière de droits de la personne... Cela n'empêche toutefois pas une entreprise canadienne de poursuivre le très pauvre Salvador pour des millions de dollars, et une autre de poursuivre le Costa Rica pour 1 milliard de dollars au sujet d'une mine — Las Crucitas — qui soulève l'opposition de la vaste majorité de la population costaricaine. Il s'agit en fait de faire en sorte que ces gens-là, dans la mesure où ils sont représentés par le gouvernement de leur pays, ne puissent pas vraiment remettre en question la puissance et la domination des multinationales qui y sont présentes. C'est le véritable objectif: le libre accès aux marchés au détriment des considérations sociales.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    En fait, vous avez dépassé d'une minute le temps alloué.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Marston. Je vais vous demander de prendre ma place tout à l'heure, car je devrai quitter.
    Madame Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Gordon, le magazine The Economist classe le Honduras au 85e rang au monde pour ce qui est du respect de la démocratie, à la faveur d'une chute vertigineuse au cours des dernières années. Les pays voisins n'ont pas connu une détérioration aussi marquée. Qu'est-ce qui se passe au Honduras, mais pas dans les pays voisins, pour expliquer une telle dégradation?
    Pouvez-vous nous dire comment vous voyez les choses?
    Tout dépend de quels voisins du Honduras vous parlez.
    Je n'irais pas jusqu'à dire que les choses se passent merveilleusement bien au Guatemala ou au Salvador. J'ai d'ailleurs mentionné les problèmes liés aux droits de la personne au Guatemala dans le contexte de l'exploitation minière par des sociétés canadiennes. L'impunité dont certains semblent jouir demeure un problème bien présent. Pas plus tard que ce matin, on pouvait lire dans le New York Times que la décision de la cour avait été infirmée dans le dossier d'un général reconnu coupable de génocide. Au Salvador, cinq activistes s'opposant aux sociétés minières canadiennes ont été assassinés. Ce régime d'impunité sévit depuis des décennies. Je ne dirais donc pas que les choses vont beaucoup mieux dans ces pays-là. Mais vous avez raison d'affirmer que la situation est nettement plus grave au Honduras.
    Je crois que la situation est en partie attribuable à l'émergence d'un mouvement social plus fort au Honduras depuis un certain nombre d'années. Lorsqu'il a décrété un moratoire sur l'exploration et l'exploitation minières, haussé légèrement le salaire minimum et pris une participation dans Petrocaribe, en association avec Hugo Chavez, Manuel Zelaya a effectué un virage modéré — et je dis bien modéré —vers le centre-gauche de l'échiquier politique. Ce virage, plus accentué au Honduras que ce qu'on a pu constater au Salvador ou au Guatemala, a grandement contribué au genre de réactions que l'on peut maintenant observer.
    Je ne pense pas que l'on puisse nécessairement en conclure que les élites guatémaltèques ou salvadoriennes font beaucoup mieux que celles du Honduras. C'est simplement que les élites honduriennes ont été soumises à des influences sans précédent depuis l'époque de la guerre froide.

  (1340)  

    De nombreux critiques accusent les élites locales de se servir de leur pouvoir pour bloquer les diverses réformes. Quelle est la force de ces coalitions et de qui est susceptible de provenir la contestation? Entre les élites, existe-t-il des clivages ou bien forment-elles un bloc solide?
    Il y a manifestement des désaccords et des luttes internes. Certains prétendent que la suspension des juges de la cour suprême, il y a plusieurs mois, a été le fait d'une faction à l'intérieur du Parti national. D'après moi, le Honduras possède essentiellement un parti politique constitué de deux factions: le Parti national et le Parti libéral, qui ont dirigé le pays pendant de nombreuses décennies et qui avaient tissé des liens serrés avec les dirigeants militaires. Cela remonte avant la guerre froide, au XIXe siècle, quand le Honduras, au fond, était une république bananière, comme on la qualifiait alors, signe manifeste d'un problème.
    Les élites du Honduras ont bâti un consensus très fort pour exclure les classes populaires de toute participation utile. Ce consensus s'est exprimé longtemps dans les dictatures militaires qui, officiellement, ont pris fin dans les années 1980. Les observateurs ont fait remarquer que les appareils militaire et sécuritaire sont manifestement restés très forts et très influents au Honduras. Les membres des escadrons de la mort de la période de la guerre froide, formés à l'École des Amériques, et ainsi de suite, continuent de jouer un rôle de premier plan dans ces institutions et appareils.
    Je dirais que seules les luttes par le bas offrent un espoir de changement au Honduras. Nous avons assisté à des luttes très courageuses — les mouvements de masse suscités en réaction du coup d'État de 2009, les luttes des mouvements collectifs de paysans dans le Bajo Aguán pour l'obtention de terres, et ainsi de suite — et je pense que ce sont nos meilleurs espoirs de véritable justice sociale au Honduras. Vous connaissez probablement le nouveau parti à la direction duquel Xiomara Castro de Zelaya s'est porté candidat. Il a promis des réformes et il est assez populaire. Nous verrons bien.
    Votre temps est écoulé.
    Le président nous quitte et il m'a demandé de poser une question.
    Vous avez parlé de maquilas. Qu'est-ce que c'est? C'est la première fois que nous entendons ce mot.
    Maquila est l'abréviation de maquiladora, qui est la région du nord du Mexique contiguë aux États-Unis. Le terme technique qu'on trouvera dans les textes sur le développement est zone de traitement pour l'exportation, zonas francas, en espagnol. Essentiellement, la maquila est une société exploitée dans une maquiladora ou zone de traitement pour l'exportation.
    C'est une expression familière.
    Oui.
    C'est ce que nous avons pensé, mais, pour le compte rendu, nous allons l'autoriser.
    Je cède maintenant la parole à M. Cotler.
    Merci, monsieur le président.
    Dans votre déclaration, vous avez parlé de la situation épouvantable des droits de la personne au Honduras. Voilà le contexte dans lequel le gouvernement du Canada et les sociétés canadiennes fonctionnent dans ce pays. Le gouvernement canadien se situe au deuxième rang des investisseurs étrangers dans ce pays. Le Honduras est le pays qui, en Amérique centrale, reçoit l'aide bilatérale la plus importante.
    Il y a aussi la question de l'accord de libre-échange. Comme vous l'avez dit, il y a la participation des sociétés, particulièrement du secteur minier. Il existe une culture de l'impunité. Dans cette situation, que peut faire le Canada pour mieux promouvoir les droits de la personne, protéger les défenseurs de ces droits, etc.?

  (1345)  

    Merci. C'est une question importante. La première chose à faire est de cesser d'appuyer le régime Lobo, de manière absolue, sans équivoque: finis l'aide financière, le soutien diplomatique, l'appui sécuritaire. Par exemple, le Canada a été l'un des appuis les plus solides du régime Lobo, particulièrement sur le plan diplomatique, depuis son élection et son arrivée au pouvoir en 2010. Il a publié un communiqué, si j'ai bonne mémoire, dans lequel il le félicitait et affirmait qu'il reconnaîtrait le gouvernement avant les États-Unis. Peter Kent a visité le pays et rencontré Lobo et les principaux ministres du cabinet deux fois avant que Hillary Clinton ne le fasse.
    Il faut couper de manière nette nos vieux et solides liens diplomatiques avec ce pays. Nous devons cesser de financer la sécurité tant qu'il n'y aura pas une transformation spectaculaire et profonde de la culture de l'impunité au Honduras. Nous devons aussi nous retirer de l'accord de libre-échange. D'après moi, il est absolument impossible qu'un accord de libre-échange avec le Honduras réponde aux besoins économiques des Honduriens ni même à leurs besoins sur le plan des droits de la personne et certainement pas en matière d'environnement, vu le rapport fortement asymétrique qui existe entre les deux pays et la pauvreté et l'impunité qui règnent au Honduras.
    Nous devons limiter et baliser l'activité des sociétés canadiennes dans ce pays tant qu'on n'y aura pas restauré une démocratie et l'obligation de rendre des comptes sur les droits de la personne. Nous devons exiger, par l'entremise de tribunes bilatérales et multilatérales, qu'on traduise en justice ceux qui ont bafoué les droits, sous la dictature de Micheletti et le gouvernement Lobo, et qu'on dédommage leurs victimes.
    Au sujet, rapidement, de ces tribunes multilatérales, est-ce que le système interaméricain peut fournir une certaine protection aux défenseurs menacés des droits de la personne au Honduras? Est-ce que ses mesures potentielles de protection ont été efficaces?
    Je pense que, jusqu'ici, elles ont eu une importance limitée. La Commission interaméricaine des droits de l'homme, Amnistie Internationale, Human Rights Watch, ainsi que Reporters Sans Frontières ont publié divers rapports, communiqués et ainsi de suite sur la situation des droits de la personne, réclamant la protection des activistes. Malheureusement, dans le cas du Honduras, la qualité se révèle à l'usage, si on peut dire. C'est loin de répondre aux attentes. Il faudra des mesures beaucoup plus énergiques pour combattre l'impunité de ceux qui bafouent les droits de la personne au Honduras.
    Le Canada pourrait-il agir de manière à améliorer la protection des défenseurs des droits de la personne au Honduras par le Système interaméricain de promotion et de protection des droits de la personne?
    Je pense que c'est un bon moyen. C'est une solution parmi d'autres, y compris celles que j'ai mentionnées, c'est-à-dire utiliser le système de la Commission interaméricaine pour continuer à exercer de fortes pressions sur le gouvernement du Honduras pour qu'il respecte les droits de la personne et mette fin à l'impunité et ainsi de suite.
    Par exemple, encore une fois, vous avez mentionné que le Canada est le deuxième investisseur étranger en importance au Honduras et un donneur d'aide très généreux. J'ignore à combien s'élève son aide étrangère, par les temps qui courent. Je n'ai pas vu les chiffres pour les 12 derniers mois environ, mais ils sont assez élevés, particulièrement par rapport à ceux des États-Unis, qui est un pays beaucoup plus grand. Le Canada exerce certainement une influence, dont il peut se servir au Honduras pour obtenir ce résultat. Je dirais qu'il existe un certain nombre de possibilités.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Passons à M. Schellenberger.
    Merci, monsieur Gordon, de vous être déplacé. Dans votre dernière déclaration, vous avez dit que le Canada pourrait, c'est bien “pourrait”, exercer une forte influence au Honduras. N'est-il pas mieux d'oeuvrer de l'intérieur que de l'extérieur? Travailler avec le gouvernement et avoir des accords commerciaux, n'est-ce pas mieux que de travailler de l'extérieur?
    Non. Je pense que cette position se fonde sur l'idée selon laquelle l'accord commercial pourrait en fait favoriser les droits de la personne. Je sais que certains prétendent que plus d'investissements à l'étranger, c'est bon pour les droits de la personne. D'après moi, c'est faux. Cette théorie, celle du percolateur ou de la relance par le haut, comme je l'appelle, est un peu comme celle du même nom en économie. Je pense qu'il est en fait impossible de prouver que l'une ou l'autre fonctionne. Les droits de la personne, comme le niveau de vie, s'améliorent quand les gens luttent pour et obtiennent gain de cause par leur action au travail, dans leurs collectivités et ainsi de suite, pour améliorer leurs droits, quand ils exercent de la pression sur les détenteurs du pouvoir.
    Je pense que la signature d'un accord commercial ou le maintien du droit minier n'améliorera pas les droits de la personne dans ce pays, et le Canada serait mieux inspiré de se retirer de ces projets et d'ainsi faire pression sur le gouvernement.

  (1350)  

    Depuis que je fais partie du comité, j'ai appris une chose sur les droits de la personne, sur les opprimés à qui on nie ces droits que nous sommes si chanceux de posséder ici, c'est la primauté du droit.
    La non-primauté du droit engendre la pauvreté. Le taux d'homicides augmente. C'est vrai. C'est ce qui se passe actuellement au Honduras. Là-bas, le droit n'a pas nécessairement la primauté. La pauvreté est endémique. Tout cela se tient.
    Supposons que Gildan se retire de l'industrie du vêtement. Je pense que, en gros, l'entreprise emploie 40 000 personnes, peut-être plus...
    Je pense que c'est moins. C'est aux environs de 20 000.
    Peu importe. Je pense que chaque employé gagne 90 $ par semaine.
    C'est le maximum.
    Je pense que, au Honduras, le salaire moyen est d'environ 1,50 $ par jour. Est-ce que je me trompe?
    Il faudrait que je consulte mes notes.
    Bref, si Gildan et les sociétés minières quittaient le pays, où ces gens trouveraient-ils de l'emploi?
    Avant que vous ne répondiez, je dois préciser une chose. Vous avez mentionné des atrocités et les ateliers où la main-d'oeuvre est exploitée. À ce que je sache, Gildan n'a pas ce genre d'ateliers au Honduras. Je sais que la société a acheté une entreprise au Bangladesh, il y a environ cinq ans ou que l'immeuble qu'elle occupe a été construit à cette époque. Quand elle en a pris possession, elle a constaté qu'il n'y avait ni issues de secours ni ascenseurs. Les gens montaient cinq étages en transportant des charges sur leur tête. L'entreprise a embauché des ingénieurs et constaté que la construction n'était pas des plus solides. Elle a consacré 1 million de dollars au renforcement de l'immeuble, ce qui est probablement beaucoup d'argent au Bangladesh. Elle a percé des issues de secours. Elle a fait tout cela pour la sécurité de ses employés.
    Dans un pays comme celui-là, on ne donne pas à ses employés le salaire minimum de 10 $ de l'heure. C'est impossible, lorsque le salaire moyen est 1,50 $.
    Comment, d'après vous, ces gens subviendront-ils à leurs besoins sans certains de ces emplois?
    Comme j'ai dit à son sujet, l'industrie minière n'est pas un gros employeur. Ce ne sera pas un gros employeur pour les Honduriens. Cette industrie est trop capitalistique. Elle déplace et disperse beaucoup de personnes, ce que les emplois qu'elle crée ne pourraient pas compenser.
    En ce qui concerne Gildan et son activité au Honduras, je dirais, d'après les témoignages que j'ai entendus — et je sais que vous avez entendu celui de Karen Spring — et les rapports que j'ai lus, les descriptions que m'ont faites les travailleurs des conditions et des blessures et ainsi de suite, que ses ateliers répondent aux critères selon lesquels ce sont des lieux d'exploitation de la main-d'oeuvre. Je ne pense pas que les Honduriens ne veulent pas d'emplois, visiblement ils en veulent, mais ils les veulent équitables et dignes.
    Je pense que la majorité des Honduriens préférerait le développement d'un secteur naissant qui est beaucoup plus relié au développement général du pays, dans lequel les emplois seraient beaucoup moins précaires et beaucoup plus nombreux. Ce n'est pas possible dans une zone de maquila enclavée, parce qu'elle n'est pas créée pour pourvoir au développement général du Honduras, tout simplement. On a déplacé l'industrie qui était établie pour le faire.

  (1355)  

    Très bien. Vous avez pu conclure. Il a fallu une bonne minute de plus... ne vous en faites pas. C'est bon d'en apprendre un peu plus de vous sur certaines questions.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Gordon, je vous remercie de venir témoigner devant notre comité cet après-midi.
    Vous avez parlé d'un nouveau parti politique dont le programme comprenait des réformes. On sait que le Parti national de M. Porfirio Lobo a été élu en novembre 2010, mais qu'aucune ONG n'a surveillé le processus électoral.
    La prochaine élection doit avoir lieu bientôt, en 2013, si je ne m'abuse. Êtes-vous optimiste? Quelles seraient les conditions nécessaires pour qu'il y ait une élection plus démocratique au Honduras?

[Traduction]

    Je suis prudent. Le parti dont vous parlez, Libertad y Refundación, c'est-à-dire liberté et refondation, stimule l'enthousiasme dans la mesure où il se taille une nouvelle place sur l'échiquier politique hondurien. Il a été formé et inspiré par les mouvements sociaux suscités après le coup d'État, et son programme vise à défier le pouvoir de façon significative et à exercer des pressions pour des réformes sérieuses dans le pays.
    D'autre part, comme d'autres témoins l'ont dit au comité, le degré d'impunité est tel, actuellement, au Honduras, qu'il faut douter que des élections libres et justes puissent avoir lieu. Un certain nombre de membres du parti ont été assassinés, mais je ne pourrais pas, comme ça, en donner le nombre exact. D'autres sont menacés, et ainsi de suite. Je pense donc que nous devrions considérer ces élections avec beaucoup de prudence, en étant conscients des menaces pour le parti Libertad y Refundación et ses membres.
    Nous avons donc beaucoup d'espoir et nous sommes très prudents.

[Français]

    Je vous remercie.
    J'aimerais poser une deuxième question.
    Certaines critiques ont été formulées à l'égard des villes à charte. Certains considèrent qu'il s'agit d'une forme de colonialisme dans un emballage du XXIe siècle. Plusieurs groupes de la société civile considèrent que les relations commerciales asymétriques constituent une forme de colonialisme.
    Que pensez-vous de ces affirmations?

[Traduction]

    Je ne crois pas que le régime actuel de libre-échange dans notre monde global et néo-libéral puisse être juste ou équitable. Ce n'est pas le but de ces accords. Comme on l'a dit plus tôt, ils comportent des clauses pour la nation la plus favorisée, le traitement des ressortissants et les investisseurs. Il faut aussi préciser qu'ils sont suscités par l'investissement étranger direct et non par le libre-échange. C'est leur principale raison d'être, malgré leur nom. C'est de l'investissement étranger direct. Ils visent à donner aux sociétés canadiennes et à d'autres sociétés un accès privilégié et exclusif à la main-d'oeuvre bon marché et aux ressources naturelles abondantes de ces pays. Ils se situent dans un contexte global de relations asymétriques entre l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud.
    Je ne pense pas que, dans ce contexte, les accords de libre-échange puissent être socialement justes ni qu'ils puissent sortir les Honduriens ni d'autres habitants de l'hémisphère Sud de la pauvreté. Ce n'est pas leur but. En fait, ils visent principalement à protéger les intérêts des sociétés canadiennes. C'est manifestement leur objectif, y compris celui d'avoir le droit, comme je l'ai dit plus tôt, d'intenter des poursuites contre les gouvernements locaux. Je pense qu'il est juste de qualifier cela de colonialisme économique.

  (1400)  

[Français]

    Il me reste une minute et j'en profiterai pour faire l'affirmation suivante. Je comprends pourquoi vous n'êtes pas très optimiste. Le Honduras n'est pas un État de droit. Les droits de la personne sont bafoués. Il y a des meurtres à répétition. Il y a de la corruption. L'impunité règne. Beaucoup de Honduriens vivent avec moins de 1,25 $ par jour.
    Dans ce contexte, est-il possible de faire du développement durable au Honduras actuellement, en tout respect de l'environnement, des gens et des collectivités?

[Traduction]

    Je pense qu'il est excessivement difficile de le faire dans les conditions actuelles. Je ne veux pas dire que c'est impossible. Il pourrait y avoir de petits projets d'adduction de l'eau potable qui pourraient changer quelque chose dans les collectivités pauvres qui n'ont pas accès à ce genre de projets. Mais c'est très difficile, compte tenu du degré de répression qui existe au Honduras et des usages très politiques de l'argent destiné à l'aide. Il faut le souligner. J'ai mentionné un certain nombre de fois le droit minier du Honduras. J'ai dit que, en général, le Canada exerce des pressions pour faire adopter certaines lois minières dans les pays de l'hémisphère Sud. Le Honduras n'est pas différent des autres. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi que l'ACDI ont visiblement cherché à influer sur le droit minier du Honduras.
    Quand il est question d'aide, je soulève ce problème parce que nous devrions reconnaître que l'argent de l'ACDI, peu importe le devenir de cet organisme aux Affaires étrangères, n'est pas simplement destiné à des projets humanitaires. C'est de moins en moins le cas, sans aller jusqu'à leur disparition. Cet argent sert en grande partie à financer et à créer un climat qu'on pourrait considérer comme propice aux multinationales canadiennes et à leurs activités.
    Pour conclure, l'ACDI a en gros engagé, pour les 10 à 12 prochaines années, 255 millions de dollars dans l'hémisphère Sud pour influer de diverses façons sur la politique minière. En Amérique latine, c'est 100 millions.
    Je dois vous interrompre ici. Vous avez pris une minute et demie de plus. Je voulais vous permettre de conclure, mais vous êtes intarissable.
    De toute façon, je vois l'heure. Nous devons retourner à la Chambre.
    Monsieur Gordon, je tiens à vous remercier d'avoir été ici et de nous avoir renseignés. Si vous avez d'autres statistiques à nous communiquer ou n'importe quoi d'autre, veuillez bien les transmettre à notre greffière.
    D'accord.
    Chers collègues, la séance est levée.
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