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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 21 mars 1995

AFFAIRES COURANTES

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LE DÉPLOIEMENT DES FORCES CANADIENNES EN SOMALIE

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LOI DE 1995 SUR LE MAINTIEN DES SERVICES FERROVIAIRES

    Projet de loi C-77. Adoption des motions portant présentation et première lecture 10751

LA GRÈVE DU RAIL

PÉTITIONS

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

LE PROJET DE LOI C-240

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE PROJET DE LOI C-41

LA DISCRIMINATION

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LA JUSTICE

LE SUICIDE ASSISTÉ

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE FINANCEMENT DE RADIO-CANADA

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 10753
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 10757
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 10764
    Mme Gagnon (Québec) 10764
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 10767
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 10772
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 10776

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA DISCRIMINATION RACIALE

LE PRÉSIDENT DU CANADIEN NATIONAL

LE RWANDA

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 10782

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

    M. Bernier (Beauce) 10783

LA DISCRIMINATION RACIALE

LES TROUBLES D'APPRENTISSAGE

M. ERIC WINKLER

LE BURUNDI

L'ALBERTA

    M. Speaker (Lethbridge) 10784

LA GRÈVE DU RAIL

LA GRÈVE DU RAIL

LA GRÈVE DU RAIL

LA GRÈVE DU RAIL

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 10785

LA GRÈVE DU RAIL

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

QUESTIONS ORALES

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10786
    M. Gauthier (Roberval) 10787
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10787
    M. Gauthier (Roberval) 10787
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10787

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 10787
    M. Martin (LaSalle-Émard) 10788
    M. Martin (LaSalle-Émard) 10788

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES RELATIONS OUVRIÈRES

L'ÉTHIQUE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10789

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

    M. Mills (Red Deer) 10789
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10789
    M. Mills (Red Deer) 10789
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10789

AIR CANADA

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

L'ÉTHIQUE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10790
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10791

LES CANAUX DE TÉLÉVISION AMÉRICAINS

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 10791
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 10791

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 10791
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 10791

LE CANCER DU SEIN

LE FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 10792

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 10793
    M. Martin (LaSalle-Émard) 10793

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 10793

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 10794

LES PAVILLONS DE COMPLAISANCE

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA GRÈVE DU RAIL

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE FINANCEMENT DE RADIO-CANADA

    Reprise de l'étude de la motion 10794
    Mme Brown (Oakville-Milton) 10797
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 10799
    M. Leblanc (Longueuil) 10802
    Rejet de l'amendement par 165 voix contre 44 10812
    Rejet de la motion par 172 voix contre 37 10813

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI FÉDÉRALE SUR L'AIDE FINANCIÈRE AUX ÉTUDIANTS

    Reprise de l'étude de la motion 10814
    Adoption de l'amendement par 129 voix contre 80 10814
    Adoption de la motion modifiée 10815

L'ACCÈS À L'INFORMATION

    Reprise de l'étude de la motion et de l'amendement 10815
    Retrait de l'amendement 10818
    Adoption de l'amendement 10818
    Adoption de la motion modifiée 10820

MOTION D'AJOURNEMENT

LA SCLÉROSE EN PLAQUES

LE CONSEIL CONSULTATIF SUR LE STATUT DE LA FEMME

    Mme Gagnon (Québec) 10821

LA DÉFENSE NATIONALE

LA REVENDICATION TERRITORIALE


10751


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 21 mars 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LE DÉPLOIEMENT DES FORCES CANADIENNES EN SOMALIE

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 32(2) du Règlement, et suite à l'engagement pris en cette Chambre le 17 novembre 1994, j'ai le plaisir de déposer, dans les deux langues officielles, un arrêté en conseil établissant la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie.

[Traduction]

C'est un décret établissant la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie.

* * *

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 61(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et au paragraphe 32(2) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de la Commission canadienne des droits de la personne pour l'année 1994, qui doit être renvoyé au Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées.

* * *

(1005)

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 32 pétitions.

[Français]

LOI DE 1995 SUR LE MAINTIEN DES SERVICES FERROVIAIRES

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.) demande la permission de déposer le projet de loi C-77, Loi prévoyant le maintien des services ferroviaires et des services auxiliaires.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Quand ce projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois? Plus tard aujourd'hui?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À la prochaine séance de la Chambre.

* * *

[Traduction]

LA GRÈVE DU RAIL

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je demande le consentement unanime de la Chambre pour présenter la motion suivante. Je propose:

Que, nonobstant les dispositions du Règlement, tout de suite après les initiatives parlementaires aujourd'hui, la Chambre passe à la deuxième lecture du projet de loi C-77, Loi prévoyant le maintien des services ferroviaires et des services auxiliaires, puis qu'elle l'étudie en comité plénier, à l'étape du rapport et à l'étape de la troisième lecture, étant entendu que la Chambre ne s'ajournera pas aujourd'hui, sauf sur la motion d'un ministre.
Compte tenu des pertes substantielles que la grève des services ferroviaires fait subir à l'économie canadienne, il convient que la Chambre adopte cette motion. C'est pourquoi je demande à la Chambre de consentir à ce qu'elle lui soit présentée aujourd'hui.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): L'honorable secrétaire parlementaire a-t-il le consentement unanime de la Chambre afin de déposer la motion?

M. Duceppe: Madame la Présidente, je dois dire non. Nous avons proposé au gouvernement d'accepter nos amendements. S'il avait accepté les amendements que nous avons proposés la semaine dernière, nous aurions pu avoir les trois lectures


10752

aujourd'hui. Or, devant le refus du gouvernement, c'est non, nous refusons notre consentement.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Nous n'avons donc pas le consentement unanime.

[Traduction]

M. Hermanson: Madame la Présidente, je désire préciser que le caucus réformiste n'est pas d'accord avec l'opposition officielle. Nous sommes en faveur de l'adoption rapide de cette mesure législative visant à mettre fin à la grève des chemins de fer qui a de très graves conséquences pour l'économie canadienne.

* * *

PÉTITIONS

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui une pétition de la part des habitants de Calgary qui demandent que les délinquants dangereux ne soient pas admissibles à la libération conditionnelle avant d'avoir purgé la totalité de leur peine.

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre une pétition dûment certifiée par le greffier des pétitions de la part de 43 personnes de la province de l'Ontario.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'instituer dès que possible, pour remplacer la série d'enquêtes éparses, une vaste enquête publique afin d'enquêter, de faire rapport et de faire des recommandations sur toutes les questions touchant les opérations, les essais, les ressources, l'efficacité, le moral et le bien-être des Forces armées canadiennes, y compris les réservistes.

(1010)

LE PROJET DE LOI C-240

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter une deuxième pétition de la part de 57 habitants de Saanich-Les Îles-du-Golfe et de la région avoisinante, encore une fois dûment certifiée par le greffier des pétitions.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une mesure législative autorisant le recours à une ordonnance de détention postpénale afin d'empêcher les délinquants à risque élevé de commettre des infractions pouvant causer des sévices graves à la personne, et notamment d'adopter le projet de loi C-240.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, j'ai trois pétitions qui portent sur des questions connexes, mais qui sont différentes.

Dans la première, les pétitionnaires soutiennent que l'inclusion de l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne conférera à certains groupes un statut, des droits et des privilèges spéciaux. Comme cette inclusion risque de nuire aux droits dont les Canadiens bénéficient depuis le début, soit l'exercice de la religion de leur choix et la liberté de conscience, d'expression et d'association, les pétitionnaires demandent au Parlement de s'opposer à toute modification à la Loi canadienne des droits de la personne ou à la Charte des droits et libertés, qui aurait pour effet d'inclure l'expression «orientation sexuelle».

LE PROJET DE LOI C-41

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, voici une deuxième pétition sur une question connexe.

Aux termes de cette pétition, attendu que la majorité des Canadiens sont d'avis qu'à l'heure actuelle tout le monde jouit d'un statut égal devant la loi et attendu que le projet de loi C-41, notamment l'article 718.2, prévoit des dispositions spéciales fondées sur l'orientation sexuelle, les pétitionnaires prient le Parlement de ne pas adopter le projet de loi C-41 et l'article 718.2 dans le libellé actuel. De toute façon, la mesure ne devrait pas inclure l'expression non définie «orientation sexuelle», puisque le comportement des gens visés ne justifie pas une considération spéciale aux termes de la loi canadienne.

LA DISCRIMINATION

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, la dernière pétition est la suivante: Nous, les soussignés, citoyens du Canada, attirons l'attention de la Chambre des communes sur le fait que des parlementaires ont récemment fait des observations haineuses qui contribuent à alimenter un climat d'intolérance, de crainte et de violence à l'endroit des lesbiennes, des homosexuels et des bisexuels au Canada. Attendu que plus de 80 p. 100 des Canadiens sont d'avis que les homosexuels, les lesbiennes et les bisexuels sont victimes de discrimination et ont souvent été harcelés, battus ou même assassinés par suite de l'expression violente de cette discrimination. Attendu que la Charte des droits et libertés garantit à tous des droits égaux.

À ces causes, les pétitionnaires prient le Parlement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de protéger les Canadiens contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter trois pétitions au nom des électeurs de Comox-Alberni, que je représente.

La première pétition est signée par 780 personnes qui prient instamment le Parlement de ne pas adopter de mesures législatives, de règlements ou de décrets visant à intensifier le contrôle des armes à feu.

La deuxième pétition est signée par 454 électeurs venant de diverses régions de la Colombie-Britannique. Les pétitionnaires demandent au Parlement de refuser les propositions du ministre de la Justice sur le contrôle des armes à feu et insistent pour que le ministre présente une mesure législative visant à poursuivre et à punir les criminels au lieu de persécuter les innocents.

LA JUSTICE

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Madame la Présidente, la dernière pétition est signée par 550 Canadiens venant de toutes les régions du pays.

10753

Les signataires demandent que cette pétition soit portée à l'attention du Parlement pour rappeler la mémoire de Dawn Shaw, une fillette de six ans qui a été tuée dans ma circonscription, Comox-Alberni.

Les pétitionnaires prient le Parlement d'adopter une mesure législative visant à modifier le système judiciaire afin de mieux protéger les enfants contre les agressions sexuelles et de voir à ce que les contrevenants soient reconnus coupables de leur crime et punis.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de présenter une pétition au Parlement dont les signataires demandent à la Chambre des communes de faire appliquer rigoureusement les dispositions actuelles du Code criminel qui interdisent le suicide assisté et de n'apporter à la loi aucune modification qui aurait pour effet d'approuver ou de permettre le suicide assisté ou l'euthanasie passive ou active.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je suggère que toutes les questions soient réservées.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


10753

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1015)

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE FINANCEMENT DE RADIO-CANADA

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ) propose:

Que la Chambre condamne le gouvernement pour le refus du ministre du Patrimoine canadien de rendre publiques les décisions gouvernementales relatives au financement de Radio-Canada pour les 3 prochaines années, faisant ainsi planer une menace lourde de conséquences sur le réseau français de la société.
-Madame la Présidente, aujourd'hui, le débat portera sur la motion suivante, que je soumets à cette Chambre, appuyée par ma collègue de Mercier:

Que la Chambre condamne le gouvernement pour le refus du ministre du Patrimoine canadien de rendre publiques les décisions gouvernementales relatives au financement de Radio-Canada pour les 3 prochaines années, faisant ainsi planer une menace lourde de conséquences sur le réseau français de la société.
Cette motion est devenue nécessaire, compte tenu du refus du ministre du Patrimoine canadien d'être transparent et ouvert et de confirmer les données que son sous-ministre a transmises au président de la Société Radio-Canada le jour même où le Budget était présenté en cette Chambre. Ces données indiquaient que, d'ici à trois ans, la Société Radio-Canada devra absorber des coupures de l'ordre de 350 millions de dollars, et ce, malgré les engagements formels et maintes fois répétées de ce gouvernement d'assurer un financement pluriannuel stable à la Société Radio-Canada.

Ce manque de transparence de la part du ministre et cette obstination à nier les faits sont méprisants pour les artisans et les artisanes de Radio-canada. Ils alimentent un climat d'insécurité qui ne peut être que néfaste pour notre télévision. C'est pourquoi nous proposons aujourd'hui une motion qui condamne le ministre de ne pas dévoiler toutes les coupures prévues à Radio-Canada. Cette façon d'agir est d'ailleurs décriée par la presse francophone.

Le gouvernement avait pris des engagements envers la Société Radio-Canada, des engagements clairs et nets pour qui sait lire et écouter. Le 4 octobre 1993, la Conférence canadienne des arts distribuait un questionnaire afin de connaître l'opinion des principaux partis politiques en matière de culture et de communication. Le Parti libéral du Canada répondait: «En sabrant les crédits d'institutions nationales comme la Société Radio-Canada, le Conseil des arts, l'Office national du film et Téléfilm Canada, les conservateurs ont porté un grave préjudice et montré qu'ils faisaient peu de cas du développement culturel. Le travail de sape des conservateurs défavorisera la prochaine génération d'artistes, se traduira par une diminution du nombre d'auteurs et de compositeurs, de danseurs et autres artistes créatifs et appauvrira nos productions artistiques. Nos organisations culturelles seront freinées dans leur essor. La vie artistique hors des grands centres urbains s'atrophiera. Bref, notre pays s'affaiblira au point de devoir combler ses aspirations culturelles avec des productions étrangères.»

C'est toujours le Parti libéral qui parle, et il ajoute: «Un gouvernement libéral aura à coeur d'assurer un budget pluriannuel stable à nos institutions nationales.»

C'était le premier engagement ferme pris par le Parti libéral durant la campagne électorale et on le retrouvait aussi dans le livre rouge, où il était écrit: «Le Canada doit, plus que jamais, favoriser son développement culturel.» Or, le gouvernement conservateur a délibérément fragilisé nos institutions culturelles nationales. L'amputation des budgets de Radio-Canada, du Conseil des arts, de l'Office national du film, de Téléfilm Canada et d'autres institutions montre bien que les conservateurs méconnaissent l'importance du développement culturel.

Après avoir si bien étalé les torts des conservateurs, le livre rouge prend l'engagement suivant: «Nous doterons les institutions culturelles nationales, comme le Conseil des arts et Radio-Canada, d'un financement pluriannuel stable. Nos institutions culturelles nationales pourront ainsi mieux planifier leurs activités.»

Le jour ou presque où le ministre a été assermenté, il se disait l'ami de la maison. Alors, le 3 février 1994, il annonce la nomination de M. Anthony Manera à la direction de Radio-Canada. Dans une lettre à M. Manera, tout aussi bien que dans le communiqué de presse qu'il remet à ce moment, il annonce sa ferme intention, en tant que membre du


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gouvernement, de ne pas imposer de coupures additionnelles à Radio-Canada.

(1020)

À la fin de l'automne, des rumeurs ont commencé à circuler: la Société Radio-Canada n'échapperait pas au bistouri du ministre des Finances. Cependant, dans l'esprit de M. Manera, les choses paraissaient encore claires. En effet, lorsque M. Manera s'est présenté devant le Comité du patrimoine dans le cadre des audiences portant sur Radio-Canada, il continuait à déclarer que le ministre du Patrimoine s'était bel et bien engagé envers lui à maintenir le financement pluriannuel de Radio-Canada. Pour lui, l'engagement du ministre du Patrimoine était ferme et sans équivoque.

Au cours de cette rencontre, le député de Richelieu a demandé à M. Manera: «Lorsque vous avez accepté le poste, aviez-vous l'engagement solennel du gouvernement de respecter ce financement de façon stable sur une période de temps, c'est-à-dire pour cinq ans à partir du Budget de 1994-1995? Aviez-vous cet engagement avant de vous embarquer avec Radio-Canada?» La réponse de M. Manera au président de notre comité: «Monsieur le président, la réponse est oui.»

Or, voilà qu'il semble bien que nous ayons tous très mal compris, M. Manera le premier.

Le 25 janvier, dans un article signé de la Presse canadienne, le ministre du Patrimoine déclarait que quiconque avait compris qu'il n'y aurait pas de coupures à Radio-Canada avait mal saisi ses propos.

Je cite l'article de la Presse canadienne: «Le ministre du Patrimoine n'a pas exclu de nouvelles coupures à Radio-Canada, disant que le gouvernement n'avait nullement promis que la Société devait être épargnée dans le prochain Budget. Le plan annoncé l'an dernier pour stabiliser les finances de la Société ne doit pas être perçu comme une promesse de garder les budgets à leur niveau actuel, a affirmé M. Dupuy-et ici, je le cite-«Si cela a été interprété comme un gel des budgets, c'était une interprétation erronée.»

Oups! je crois que tous et toutes, nous avons mal lu les réponses du Parti libéral à la Conférence canadienne des arts. On aurait tous et toutes mal interprété le libellé du livre rouge, on aurait tous et toutes mal jaugé le communiqué et la lettre signés par le ministre du Patrimoine et remis à la presse le 4 février, dans lesquels le ministre du Patrimoine prenait l'engagement ferme de maintenir le financement à Radio-Canada.

Puis, vint la confirmation, dans le Budget, de ce que le ministre avait laissé pressentir. Le plan budgétaire déposé en Chambre le 27 février dernier notait: Radio-Canada subira des coupures de 4 p. 100 pour la prochaine année fiscale, soit 44 millions de dollars.

Il était écrit également dans ce même plan budgétaire que les sociétés d'État relevant du ministère du Patrimoine subiraient une coupure de 676 millions au cours des trois prochaines années. Le jour même, le président de Radio-Canada reçoit du bureau du sous-ministre un document d'information portant sur les prévisions d'application de cette coupure de 676 millions. Le tableau contenu dans ces informations démontre bien que Radio-Canada devra assumer une coupure de 44 millions en 1995-1996, une seconde de 97 millions en 1996-1997 et enfin, une troisième de 165 millions en 1997-1998. Du jamais vu, même sous les conservateurs.

À ces coupures, il faut ajouter le financement de Radio-Canada International que finançait avant le ministère des Affaires étrangères au coût de 15 millions par an et que devra bientôt assumer la Société. Le président de Radio-Canada avait déjà annoncé qu'il ne gérerait pas la décroissance de la société d'État. Aussi, il démissionne.

Qu'a fait le ministre du Patrimoine pour soutenir son président? Rien. Il a dit que M. Manera était au courant des coupures; il a même ajouté que M. Manera lui avait fait part de son intention de démissionner il y a quelques semaines. Une journée, il a déclaré que les seuls chiffres que son sous-ministre avait communiqués à M. Manera étaient ceux contenus dans le Budget. Le lendemain, il disait le contraire. Il admettait que les documents que M. Manera a entre les mains sont ceux de la revue des programmes.

Or, ces documents prévoient une coupure de plus de 300 millions sur trois ans au budget de Radio-Canada. M. Manera a fait ses devoirs: il a rendu cette information publique, et par la suite, il a démissionné.

(1025)

C'était le 28 février dernier. Le 15 mars en après-midi, c'était au tour de la vice-présidente de la télévision française à faire ses devoirs. Dans une rencontre avec son personnel d'abord et avec la presse ensuite, Mme Fortin, dans une prestation qui, je dois le souligner, était très exceptionnelle, a tenu à donner l'heure juste à ses employés. Sept cent cinquante postes seront abolis à la télévision française de Radio-Canada, afin d'assumer les 60 millions de dollars de coupures que représente la part que Radio-Canada imposera à la partie francophone de son réseau, grâce aux coupures du ministre du Patrimoine sur trois ans.

Les conséquences de ces coupures? Eh bien, moins de productions culturelles, moins de productions maison, moins de téléromans, moins de contenu canadien et ce, à l'ère de l'inforoute. Mais, le ministre du Patrimoine continue de tergiverser. Non, il n'y pas d'autres coupures que celles qui sont annoncées dans le Budget, non, Radio-Canada ne l'a informé d'aucunes mises à pied. Dans un éditorial publié dans La Presse, l'éditorialiste Pierre Gravel parle ainsi de l'absence de transparence du ministre du Patrimoine, et je cite: «Au lieu de donner l'heure juste et de se comporter comme un ministre conscient de la gravité des questions soulevées, M. Dupuy s'est contenté de se lancer dans une allégorie de mauvais goût sur la moutonne qu'on laisse sortir de la grange et qui vient faire ses besoins sur le perron.»

Or, le Budget parle très bien de coupures de 676 millions de dollars aux sociétés d'État du ministère du Patrimoine canadien, soit entre autres Radio-Canada, Téléfilm et l'Office national du film. Or, M. Manera a bel et bien reçu la lettre du ministre et le


10755

ministre, maintenant, l'admet, le plan des coupures prévues au chapitre de la révision des programmes existe vraiment. Nous sommes cependant habitués aux tergiversations du ministre du Patrimoine canadien. Ainsi, dans La Presse, la journaliste Chantal Hébert faisait état de certaines de ces tergiversations dans un article intitulé «L'heure variable du ministre Dupuy». Ses déclarations controversées sont devenues sa marque de commerce.

Dans cet article, publié le 4 mars dernier, Mme Hébert disait que le ministre, dans l'affaire qui nous occupe, et je cite: «. . .a envoyé des signaux de fumée dans toutes les directions, a fourni autant d'interprétations différentes des événements qu'il y a eu de jours dans la semaine. Au fil de ses déclarations, il a contredit publiquement le président démissionnaire et ses plus hauts fonctionnaires et il a lui-même dit noir et blanc sur le même sujet.» Pendant que par la porte d'en arrière, le ministre du Patrimoine s'apprête à sabrer de manière dramatique dans les crédits parlementaires de Radio-Canada, sur le perron d'en avant, nous voyons apparaître le président du Comité du patrimoine canadien, le député de Don Valley-Ouest, et il cause.

Il cause à l'émission Le Point médias de Radio-Canada à deux reprises; il cause à Prime Time à la télévision de CBC; il cause à toutes les tribunes qui lui sont offertes, remplaçant ainsi, la plupart du temps, un ministre du Patrimoine qui veut se faire avare de commentaires. Or, que dit-il, notre président du Comité du patrimoine, à toutes ces tribunes? Il dit que l'avenir de Radio-Canada tient en une formule genre PBS aux États-Unis, soit une formule de télévision publique sous-financée et qui ne rejoint que 1 p. 100 des auditeurs et auditrices, selon Madeleine Poulin, de l'émission Le Point médias.

Il dit, bien sûr, du bout des lèvres-après tout, notre président est un homme bien cultivé-que la télévision française est un peu différente de la télévision anglaise, parce qu'au Québec, a-t-il déclaré à l'émission Le Point médias, nous ne sommes pas encore dans un univers multicanaliste, pour reprendre son expression. Le député de Don Valley-Ouest laissait clairement entendre à l'émission Le Point médias qu'au Québec, nous étions un peu en retard par rapport au reste du Canada, parce que moins câblés et que ce n'était qu'une question de temps pour que l'univers multicanaliste nous envahisse. Après tout, affirmait-il sans ambages, nous avions déjà TV5, et on est déjà un peu envahis par la télévision française européenne.

Alors, que le président du comité fasse ainsi étalage de ses pensées personnelles sur la télévision publique n'est pas une coïncidence. Le député est pour nous en mission. Il prépare l'opinion publique à un virement de cap important de la télévision publique radio-canadienne.

(1030)

Sous des dehors de partager sa réflexion personnelle, le président du Comité nous fait connaître les vues de son gouvernement et nous prépare en conséquence. Tenez-vous le pour dit: la télévision publique pour le gouvernement libéral c'est un PBS canadien.

Or, cette vision est peut-être bonne pour le Canada anglais qui semble, de toutes façons, éprouver beaucoup de difficultés à se trouver une niche dans l'univers multicanaliste, comme le dit si bien le président du Comité. Mais cette vision est totalement erronée en ce qui concerne la télévision française et pour celle de Radio-Canada en particulier.

Et c'est d'ailleurs ce qu'est venu dire Radio-Canada, TVA, l'Union des artistes, la Guilde des musiciens et l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, aux audiences sur l'autoroute de l'information que tient actuellement le CRTC. La niche de la télévision francophone dans l'univers multicanaliste actuel est celle de la télévision généraliste et ceci n'est pas une vue de l'esprit, c'est une réalité qui a ses répercussions dans le concret.

Ainsi, sur les 50 productions les plus écoutées à la télévision française au Canada, 47 sont produites ici au Québec, alors que nous sommes dans l'univers multicanaliste tout autant que nos cousins anglophones de Toronto. La Société Radio-Canada a rejoint 3,9 millions d'auditeurs le 5 février dernier avec une production indépendante made in Québec.

Quand on sait que la télévision française est sous-financée par rapport à son pendant anglophone, on se demande quel genre de succès nous pourrions bien atteindre si on avait droit aux mêmes égards financiers que la partie anglophone de la Société.

Un récent sondage SOM-Radio-Québec a révélé que 53 p. 100 des Québécois et des Québécoises étaient contre les coupures imposées à Radio-Canada, 7 p. 100 des répondants voulaient que les crédits parlementaires à la Société soient augmentés. Peut-être que le fait que 60 p. 100 des Québécoises et des Québécois disent apprécier leur télévision n'est pas une proportion suffisante pour les Anglo-Saxons qui prennent des décisions la concernant sans même la regarder.

C'est ce qui a fait dire à Michèle Fortin que la disparition de la télévision publique de Radio-Canada comme télévision généraliste, rejoignant de larges auditoires, comme on n'en rejoint jamais à la télévison canadienne anglaise, c'est du suicide collectif. Mme Fortin rappelait à bon escient que les niches de télévisions publiques style PBS sont déjà occupées au Québec par RDI et Radio-Canada, entre autres.

Or, comme l'a également souligné la vice-présidente de la télévision française, Mme Fortin, le député de Don Valley-Ouest n'écoute pas la télévision française, comme ceux, d'ailleurs, qui veulent lui imposer une solution qui appartient peut-être à la télévision anglaise de Radio-Canada.

Le Bloc québécois n'acceptera pas la perte de la télévision française de Radio-Canada. Nous avons déjà beaucoup perdu. Comme mes concitoyens et concitoyennes de Rimouski, j'ai vu trois stations locales de télévision fermer leurs portes dans Bas-du-fleuve en 1990. La SRC en agissant ainsi a privé les résidants et les résidantes de ce coin de pays d'un espace de débat et d'un espace pour l'exercice de la démocratie.

Le gouvernement tentera, au cours des prochains débats, de nous faire croire que les décisions ne sont pas prises. Elles sont prises, mais elles ne sont pas annoncées, c'est là toute la différence. Le gouvernement tentera, au cours des prochains


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débats, de nous faire croire qu'il remplacera les crédits parlementaires par de nouvelles sources de financement à être mises de l'avant par le Comité du patrimoine.

Ce n'est révéler aucun secret que de répéter ce que le député de Don Valley-Ouest déclarait à l'émission Le Point médias, à savoir que le mandat du Comité est d'étudier le sexe des anges, c'est-à-dire de trouver des sources de financement à long terme pour Radio-Canada, pas pour l'an prochain ni pour dans deux ans.

Le gouvernement tentera, au cours des prochains débats, de nous faire croire que le comité des trois experts qu'il mettra bientôt sur pied pour étudier la complémentarité des mandats de Téléfilm, de l'Office national du film et de Radio-Canada, ainsi que la complémentarité de leur financement changera peut-être la situation pour Radio-Canada. Le gouvernement ne trouvera de ce côté de la Chambre aucun dupe pour croire à de pareilles lubies.

Le gouvernement tentera peut-être de dire qu'il y a eu des coupures à Radio-Québec également, mais le gouvernement ne convaincra personne. L'impact des coupures de 10 millions à Radio-Québec, pour difficiles qu'elles soient, n'a rien à voir avec celles de 60 millions imposées à la télévision française de Radio-Canada.

(1035)

Le gouvernement tentera peut-être aussi de faire croire au Canada anglais que nous sommes indifférents à leur télévision nationale. Cela n'est pas le cas. Si aujourd'hui nous nous intéressons davantage à la télévision française de Radio-Canada, c'est essentiellement parce qu'à ce jour, sa vice-présidente a fait connaître les effets qu'auront les coupures à venir sur notre télévision.

De plus, nous n'aurions pas l'outrecuidance de vous dire, anglophones du Cananda, ce que devrait être votre télévision. Quant au Parti réformiste, il se dira peut-être réjoui du fait que le ministre du Patrimoine met enfin en pratique une partie de leur programme.

En effet, couper les crédits parlementaires de Radio-Canada de 25 à 30 p. 100, c'est là la proposition contenue dans le budget présenté par les réformistes, il y a quelques semaines. Cette proposition ne tient nullement compte du rôle de la télévision publique au Québec et au Canada français, ni ne respecte les voeux de la population francophone du Canada.

Je laisse le mot de la fin aux porte-parole de la télévision française venus témoigner devant le CRTC dans le cadre de ses d'audiences sur l'inforoute: «Les projets de politiques qui s'élaboreront au cours des prochains mois devront être axés sur un objectif central et fondamental: promouvoir et préserver l'identité des Canadiens francophones. Notre système de radiodiffusion actuel exige de ses partenaires qu'ils fassent large place au contenu canadien, ce qui a favorisé l'expression de notre identité culturelle et ce qui a permis l'essor de la production audiovisuelle dans les deux langues officielles du pays. Ces acquis ne devraient pas être mis en cause.»

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, j'ai suivi avec beaucoup d'intérêt le discours de la députée. Comme elle, je suis un grand supporter de Radio-Canada et de la SRC.

[Traduction]

J'écoute avec beaucoup de sympathie ce que mes vis-à-vis ont à dire. Je tiens beaucoup et à la radio et à la télévision de Radio-Canada et, en passant, cela inclut aussi Radio Canada International. J'aime l'idée que la radio puisse toucher non seulement les Canadiens, dans l'une et l'autre langue officielle, mais aussi tous ceux qui s'intéressent au Canada, qu'ils appartiennent à la communauté anglophone ou à la Francophonie. Je tiens beaucoup à cela.

J'aime savoir que la SRC et la CBC sont présentes, dans les deux langues officielles, dans tous les coins du Canada. Le Service du Nord est l'exemple parfait de ce dont nous parlons. Il s'adresse aux régions les plus isolées du pays. Il s'étend même au Groenland, qui est un territoire danois, et à l'Alaska. On entend notre voix dans les deux langues dans tout le Nord.

C'est en partie parce que le français est l'une des langues de l'interprétation simultanée à la législature des Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife. C'est l'une des huit langues d'usage là-bas.

Je représente une circonscription ontarienne qui compte moins de 2 p. 100 de francophones et les services en langue française sont une caractéristique très spéciale de la SRC. En Ontario, nous avons La Chaîne, qui est un service provincial en langue française et qui reçoit beaucoup d'appuis dans toute la province.

La SRC est une société dotée d'un budget annuel d'un milliard de dollars. Nous savons que, comme le gouvernement et comme toute grande entreprise, elle a des problèmes financiers et structurels.

Beaucoup de députés ont eu à traiter avec la SRC. On m'a dit que la SRC avait une direction beaucoup trop lourde, surtout aux échelons intermédiaires. Elle aurait trop de gestionnaires intermédiaires.

(1040)

La SRC présente d'excellents artistes et a d'excellents techniciens, scénaristes et producteurs, mais elle consacre beaucoup de ressources aux échelons intermédiaires et supérieurs de la gestion.

La députée ne croit-elle pas que l'efficience d'une société canadienne ayant un budget d'un milliard de dollars doit être examinée sérieusement à une époque financière difficile comme celle que nous vivons?

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question. Bien évidemment, il faut absolument que l'on puisse regarder comment la société Radio-Canada-on lui donne un milliard-est administrée, il faut effectivement que ce soit efficace, il faut que l'on se pose les bonnes questions, et il faut surtout qu'on ait des réponses.

Je suis un des membres du Comité du patrimoine, et je pense qu'on est presque unanime à le dire: On est un peu dérangé par le manque de transparence de la Société pour nous mettre vraiment au courant comment elle administre. Il y a plein de choses qu'on ne sait pas. Par exemple, on ne sait pas exactement combien coûte le siège social. Ça ne fait pas longtemps que l'on sait que le


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fait d'entretenir un goupe de bureaucrates, d'avocats, de secrétaires-appelez-les comme vous voulez-de spécialistes, d'experts, seulement pour se présenter devant le CRTC annuellement, ça coûte à la société 15 millions de dollars. Quinze millions de dollars qu'on envoie presque par les fenêtres, puisque le CRTC ne peut quand même pas enlever la licence à Radio-Canada. C'est une loi qui administre Radio-Canada. Donc, on a des places pour couper.

C'est sûr qu'il y a des places pour couper, mais ce que je crains dans toutes ces opérations de coupures, c'est qu'on coupe au niveau des artisans et des artisanes, des créateurs et des créatrices. Qu'on enlève trois ou quatre vice-présidents, vous ne me verrez pas me lever en Chambre pour contester cette décision. Il est bien évident qu'il y a des places pour couper. Le siège social est inutile? Personne n'est capable de répondre à cette question-là.

Avons-nous encore besoin d'un grand service d'ingénierie au moment où l'autoroute s'installe? On n'a malheureusement pas pris le leadership là-dedans. Il y a beaucoup de questions à se poser? Mais, le problème, c'est la situation dans laquelle on est et où le ministre nous maintient dans l'insécurité. Il ne dit pas les choses comme elles doivent être dites. Existe-t-il des coupures? Oui, elles sont dans le livre; 679 millions de dollars, mais on continue à prétendre qu'il y en a pour 44 millions de dollars. Il est là le problème.

J'ai lu un article d'un ministre qui se dit un ministre de substance. Ça doit être juste quand il parle aux journalistes, parce que quand il parle en Chambre, on n'en a eu aucune preuve jusqu'à maintenant.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, je trouve particulièrement regrettable que le Bloc québécois ait décidé de saisir aujourd'hui la Chambre de ce sujet de débat pour deux raisons.

Des milliers sinon des dizaines de milliers de Canadiens ne peuvent pas se rendre à leur travail actuellement, et même s'ils peuvent s'y rendre, ils ne disposent pas des matériaux nécessaires pour effectuer leur travail. On calcule que la grève des cheminots que le Bloc laisse perdurer va coûter de 3 à 5 milliards de dollars à l'économie. Je trouve donc vraiment regrettable que le Bloc propose de discuter de cette question-ci à la Chambre.

À propos plus précisément de la motion du Bloc, comment se fait-il. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre! Votre question doit s'adresser à la députée qui vient d'intervenir et se rapporter à ce qu'elle a dit.

M. Abbott: J'y arrivais justement, madame la Présidente. La députée peut-elle nous dire comment il se fait que la motion du Bloc ne se rapporte plus spécialement qu'à la question du Québec? Si le Bloc québécois constitue vraiment l'opposition officielle pour le Canada, pourquoi la motion qu'il a présentée ne concerne-t-elle pas Radio-Canada de façon plus générale?

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Madame la Présidente, j'ai bien précisé dans mon discours que je m'attardais surtout à la question de la Société Radio-Canada, de la section française. D'une part, c'est celle que je connaissais le mieux et, d'autre part, Mme Fortin est la seule vice-présidente à faire connaître ses couleurs. Le vice-président anglophone n'a sans doute jamais cru-parce qu'il croyait M. Manera-qu'on couperait. Alors, il n'a pas fait ses devoirs, il ne sait pas encore où couper, lui, dans le secteur anglophone. Mme Fortin, elle, était prête à prendre le virage.

(1045)

Quand j'entends mon collègue parler du train, je me permettrais de lui dire que si on acceptait les propositions de l'opposition officielle, on pourrait facilement régler le problème de la grève du train. D'ici trois heures, ce serait réglé, s'il pouvait y avoir de la collaboration dans cette Chambre, et non pas uniquement des affrontements.

On peut confronter nos opinions, mais si on arrêtait de s'affronter pour s'affronter, on pourrait régler les vrais problèmes.

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Madame la Présidente, je suis ravie de prendre la parole au nom du ministre du Patrimoine canadien pour répondre à une motion de l'opposition concernant le financement important et continu que notre gouvernement accorde à la Société Radio-Canada.

Les débats entourant la SRC sont inévitablement émotifs, sans doute parce que la SRC est si chère aux Canadiens.

[Traduction]

Chaque soir, les Canadiens regardent les nouvelles à Radio-Canada pour se tenir au courant des nouveaux défis auxquels font face notre pays et notre gouvernement. En tant que première source d'information publique du Canada et de fierté nationale, Radio-Canada est profondément consciente des défis que le Canada doit relever pour atteindre un niveau durable de prospérité.

Radio-Canada est la plus importante institution culturelle du pays. Elle est la gardienne de l'expérience canadienne. Les voix du Canada trouvent leur écho dans son histoire et ses archives. Pendant la plus grande partie du siècle, les Canadiens ont cherché leur image, et ils l'ont trouvée à Radio-Canada.

[Français]

Depuis sa fondation en 1937 par le gouvernement libéral de l'époque, la SRC a été le principal instrument de la politique de radiodiffusion du Canada. Reflet fidèle de la croissance du pays, la SRC a su, au fil des décennies, s'adapter aux nouvelles réalités.

Reflétant la situation du Canada à l'époque, la Loi sur la radiodiffusion de 1968 conférait à la SRC un très vaste mandat: en fait, diffuser de tout pour plaire à tous. Ce mandat était tout à


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fait approprié en 1968, puisque la SRC, et plus particulièrement la télévision de Radio-Canada, était le seul service auquel de nombreux Canadiens avaient accès dans cet univers où la transmission ne se faisait encore que par les ondes.

Aujourd'hui, les conditions sont radicalement différentes. Outre les changements technologiques, entre autres, l'univers multicanaux, le Canada peut maintenant compter sur des producteurs privés dynamiques et novateurs. Cela signifie que la SRC n'est pas obligée de produire elle-même toute sa programmation, particulièrement ses émissions de divertissement. Ainsi, à l'heure actuelle, la SRC acquiert environ 46 p. 100 de ses émissions anglaises et françaises de producteurs canadiens indépendants. Ces émissions viennent s'ajouter à sa programmation-maison.

[Traduction]

Ces dernières années, Radio-Canada s'est attachée de plus en plus à fournir une programmation canadienne aux Canadiens. Pour contrer la prédominance de la culture de masse des États-Unis, Radio-Canada s'est surtout préoccupée d'attirer de vastes auditoires aux émissions canadiennes.

C'est ce qu'elle a réussi à faire, comme en témoigne le succès de productions de Radio-Canada comme «The Road to Avonlea», «La petite vie», «North of 60» et «Scoop», pour n'en nommer que quelques-unes. Les émissions de Radio-Canada, surtout en matière dramatique, se sont à maintes reprises révélées absolument excellentes.

[Français]

La radiodiffusion francophone connaît des problèmes et des défis différents de ceux de la radiodiffusion anglophone. Le marché francophone est en effet plus restreint et plus concentré que le marché anglophone. Ce facteur crée des conditions et une structure industrielle passablement différentes de celles qui prévalent au Canada anglais. Le gouvernement reconnaît que ces deux contextes appellent des politiques différentes.

(1050)

La SRC a fait de l'excellent travail au Québec, où elle est très importante pour les téléspectateurs francophones. La province a son propre «star-système», et bien des artistes québécois sont connus dans tous les foyers francophones. Radio-Canada a fourni un précieux tremplin aux artistes francophones et a contribué à la création d'une forte identité franco-canadienne.

[Traduction]

Jamais, depuis la naissance de la télévision, a-t-on demandé à la SRC d'accélérer son évolution comme l'exigent actuellement la technologie et la conjoncture financière.

Le public ne doit toutefois jamais être le chaînon manquant dans l'évolution de la SRC. L'automne dernier, le public s'est joint au Comité permanent du patrimoine canadien dans son examen concernant l'avenir de la SRC, un avenir qui ne se résumera pas simplement à des voeux pieux. Son avenir garantira la survie de la meilleure source de création de contenu canadien, soit la SRC elle-même.

Pour la SRC, le chemin du succès a été pavé de nouvelles définitions, de nouvelles idées et de nouvelles façons de composer avec la réalité du moment. L'exercice le plus récent du genre remonte à 1991, lorsqu'on a réaffirmé qu'un des éléments de la mission de la SRC était de «contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales».

[Français]

À ce jour, le financement accordé à la SRC représente plus de 60 p. 100 de tout le financement fédéral accordé aux organismes culturels qui relèvent du ministère du Patrimoine canadien. À cet égard, on pourrait comparer la SRC à un orchestre qui rassemble tous les instruments culturels en place.

[Traduction]

La SRC a permis aux collectivités canadiennes de se développer régionalement et nationalement tout en étant à l'écoute de leurs préoccupations mutuelles. La SRC peut, en toute légitimité, s'enorgueillir d'être le lien qui a permis aux collectivités éloignées du deuxième plus vaste territoire du monde de se définir comme étant canadiennes. La SRC est l'instrument d'optique qui a ouvert les yeux des Canadiens sur leur pays et sur le monde. Elle donne une image plus nette de notre souveraineté culturelle et nous aide à y voir clair dans les nombreux défis qui nous attendent.

[Français]

Par ailleurs, le ministre du Patrimoine pense que le contexte actuel, caractérisé par les défis et les changements, nous fournit une occasion de réévaluer la position que la radiodiffusion publique occupe et doit continuer d'occuper, compte tenu de la mondialisation croissante et du contexte socio-économique actuel.

[Traduction]

L'épicentre de la première secousse occasionnée par le défi à relever se situe dans le domaine de la technologie. Il faut tenir compte de la multiplication des réseaux de télévision, qui est déjà importante et que la transmission numérique et par satellite sont sur le point de rendre astronomique.

On peut se demander quel est le but d'un service de radiodiffusion d'État lorsque les services et les choix sont légion et alors que la distinction entre la télévision d'État et la télé privée, déjà clairement définie dans le passé, semble maintenant s'estomper. La réponse à ce défi, c'est que le rôle du radiodiffuseur d'État n'a jamais été plus grand ni plus impérieux.

[Français]

Ces choix multiples, en provenance pour la plupart de l'extérieur du Canada, seront dictés essentiellement par la logique de la télévision commerciale, laquelle diffère de celle de la radiodiffusion publique.


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[Traduction]

Pour survivre, la télévision d'État a intérêt à afficher les caractéristiques qui la distinguent de la télévision privée. C'est en affirmant sa différence que la télévision d'État justifie ses valeurs sociales.

Le service de radiodiffusion d'État ne peut s'inspirer uniquement de considérations commerciales étant donné qu'il a une mission très différente, celle de témoigner des progrès de la société dans l'affirmation de notre identité nationale. Si la SRC plaît à autant de Canadiens, c'est principalement en raison de sa mission et de ses valeurs.

Le service de radiodiffusion d'État est un moyen de démocratiser la culture et l'information et de présenter la contribution du Canada à l'échelle mondiale. Voilà en quoi consiste le caractère public de ce service, et c'est là une raison importante pour laquelle il ne devrait pas se plier entièrement aux exigences de la publicité commerciale.

Nous comprenons que, dans la tempête financière que nous traversons, la société d'État est le vaisseau amiral de la culture qui doit apprendre à naviguer dans le creux de la vague. Nous croyons que la direction de la SRC saura naviguer dans les eaux inconnues qui l'attendent.

(1055)

Dans le budget de 1995, le financement de la SRC a été fixé à 4 p. 100 en dessous des niveaux fixés auparavant. Cela équivaudra à des économies de 44 millions de dollars pour l'année à venir.

[Français]

Pendant que l'opposition s'interroge sur le contenu du Budget de 1996, le ministre du Patrimoine canadien travaille à établir de bonnes assises pour la SRC de façon qu'elle soit plus forte.

[Traduction]

Nous savons déjà que des changements importants se produisent dans l'industrie de la télédiffusion. Des changements fondamentaux, qui n'ont rien à voir avec les réductions budgétaires, des progrès technologiques débouchant sur une plus grande diversité devraient se traduire par une plus grande concurrence, des auditoires fragmentés, des investissements majeurs dans la technologie et des coûts vraisemblablement plus élevés pour la programmation canadienne.

En télévision, l'avènement de la compression vidéo numérique rendra possible la diffusion par satellite en direct et la capacité accrue de la câblodistribution fera du réseau de 500 chaînes une réalité.

[Français]

Le gouvernement doit s'assurer que le système canadien de radiodiffusion privée et publique soit en mesure de faire face à la concurrence sur la scène nationale et internationale, sur l'autoroute de l'information et dans tous les mégaréseaux de l'avenir.

[Traduction]

L'examen du Comité permanent du patrimoine canadien sur le rôle de la SRC ainsi que d'autres initiatives connexes du gouvernement, comme l'étude du Conseil consultatif de l'autoroute de l'information, l'examen de la question du satellite diffusant directement dans les foyers, l'examen du mandat de la SRC, de l'ONF et de Téléfilm représentent une démarche intégrée globale qui se traduira par l'élaboration d'une politique gouvernementale sensée qui fera entrer le Canada et ses produits culturels dans l'ère de l'information. Cette démarche permettra aux deux réseaux de télévision, le français et l'anglais, de bien se développer.

Pendant que l'opposition spécule sur la teneur du budget de 1996, le ministre du Patrimoine canadien travaille résolument à solidifier les assises de la SRC.

[Français]

D'après le Bloc québécois, c'est une menace qui peut seulement être éliminée par la publication des projections spéculatives pour les deux prochaines années.

[Traduction]

Dans sa motion, la députée parle d'une menace qui plane sur le réseau français de la SRC. En outre, la députée attribue à tort cette menace à une décision du gouvernement de faire connaître uniquement le niveau de financement de la SRC pour l'exercice à venir.

[Français]

En spéculant sur le nombre éventuel de mises à pied que devra effectuer la SRC, l'opposition n'aide en rien la cause de notre radiodiffusion publique et contribue à accroître le climat de malaise des employés qui sont touchés par la réduction des effectifs.

[Traduction]

Pour terminer, je voudrais vous faire part d'une curieuse constatation. Il me semble étrange que la motion de la députée soit fondée sur des préoccupations ayant trait à la teneur du budget fédéral de 1996-1997, qui ne l'intéresserait que si les séparatistes perdent le référendum. Ses observations enflammées sont la preuve que la campagne référendaire est bel et bien sur la glace.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Madame la Présidente, la secrétaire parlementaire a déclaré que la SRC devait être l'organisme chargé de définir l'identité canadienne.

J'ai déjà entendu ce commentaire à la Chambre de la part des députés d'en face. Jamais mes électeurs et mes électrices ne m'ont demandé de charger quelqu'un de les définir en tant que Canadiens. Pas plus d'ailleurs que les électeurs et les électrices de mes collègues n'ont demandé qu'on les aide à se définir en tant que Canadiens. Pour ma part, je n'éprouve pas le moins du monde la nécessité de demander à quelqu'un de me définir en tant que Canadien. Je suis Canadien. Je suis heureux et fier d'être Canadien et je ne ressens pas la nécessité de demander à quelqu'un de définir ce que devrait être un Canadien.

(1100)

J'aimerais demander à la députée si ses électeurs et ses électrices lui ont demandé qu'on définisse l'identité canadienne. J'aimerais que la députée se reporte à des lettres et à des pétitions qu'elle aurait reçues et qui réclameraient une définition de la citoyenneté canadienne.


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En outre, j'aimerais demander à la députée si elle croit que la SRC, une société d'État, serait l'organisme auquel ses électeurs et ses électrices feraient appel pour obtenir une définition de l'identité canadienne. Pour ma part, il me semblerait bizarre que l'on recoure à un organisme gouvernemental pour se faire dire ce qu'est un Canadien. Je prierais la députée de bien vouloir répondre à ces questions.

Mme Guarnieri: Madame la Présidente, le député me demande si j'ai récemment eu des entretiens avec mes électeurs et mes électrices à propos de la SRC. Si c'est le seul critère qu'il peut invoquer pour mesurer l'importance de la SRC, sauf le respect que je lui dois, il y a de graves lacunes chez le député.

En effet, j'ai eu de nombreux entretiens avec mes électeurs et mes électrices à propos de la SRC. On en a beaucoup parlé dernièrement. Les médias en ont fait largement état. Le Parti réformiste a pour la SRC la même estime que le chalutier espagnol a pour le dernier flétan noir. Le budget fantaisiste du Parti réformiste ferait de la SRC une espèce en voie d'extinction. Au contraire, l'approche adoptée par le Parti libéral offre à la SRC la possibilité de se développer et de prospérer dans une nouvelle ère de la radiodiffusion.

Si tant de gens ont fait bon accueil au budget libéral, c'est, entre autres, parce qu'ils comprennent que les compressions annoncées ne tiennent pas d'une sorte de vendetta idéologique contre les communautés culturelles, qu'elles sont dictées par la nécessité et qu'elles n'ont rien à voir avec l'intolérance bête dont le Parti réformiste fait preuve à l'égard de nos programmes culturels. Notre budget se veut un véritable effort pour assurer la survie des programmes que les libéraux ont mis sur pied et leur permettre d'en créer d'autres au cours du siècle dans lequel nous nous apprêtons à entrer.

[Français]

Mme Tremblay: Madame la Présidente, j'ai bien écouté ma collègue, que je connais d'ailleurs très bien parce que nous travaillons ensemble depuis le début au Comité du patrimoine. Mais là, je trouve qu'il y a des limites à essayer de tromper la population. Vraiment, ce gouvernement semble atteint du syndrome de la vérité. Il n'y a plus de sérum qui existe tellement ils ont épuisé toutes les quantités qu'on pouvait avoir, étant donné qu'ils ont échoué tous les tests qu'on leur a fait passer depuis qu'ils existent.

On ne spécule pas sur le nombre de postes qui va être coupé, on prend la parole de la vice-présidente. Ce n'est plus de la spéculation, ça. On n'est pas seulement préoccupés de savoir qu'est-ce qui va arriver, on est écoeurés de voir le ministre nous conter des mensonges en Chambre, de ne pas nous dire la vérité, de nous tromper sur toute la ligne. Le peuple en a ras le bol. Il faut que cela arrête et qu'on ait les vrais chiffres, parce que c'est impératif pour la société, tant du côté francophone que du côté anglophone, de pouvoir exactement savoir où est-ce qu'ils s'en vont, quelle société peut vraiment se développer.

Quand elle nous dit que le ministre, au lieu de spéculer sur les années d'après, est en train d'installer les fondations, les assises de la société. Mon oeil, les assises! Il est en train de les enlever, de les démolir ces assises. Il n'est pas en train de les construire, il est en train de les démolir. Alors, madame la Présidente, qu'est-ce que la députée attend? Qu'est-ce qu'elle attend pour se réveiller à l'intérieur de son gouvernement, avant qu'il ne reste plus de télévision publique? Tout le monde sait que la télévision publique a un prix. Tous les pays décents qui se respectent en ont une télévision publique, et cela n'empêche pas la télévision privée d'exister à côté. On n'est pas en train de demander le statu quo des finances de Radio-Canada. On sait qu'il y a du ménage à faire. Mais, on demande d'arrêter de faire des coupures sauvages, d'arrêter de donner au président de la Société aucune possibilité de remettre cette société-là sur pied, sur de bons rails.

(1105)

Qu'est-ce que la députée attend pour se lever debout-elle est secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien-pour réveiller son ministre, afin qu'il arrête de détruire l'élément essentiel de notre culture?

Mme Guarnieri: Madame la Présidente, je suis absolument d'accord avec la députée sur le fait qu'il y a des limites à tromper les gens. Cette motion qu'elle vient de présenter trompe les Canadiens. Je pense que le président de Radio-Canada a démontré devant le comité-et elle était présente ce jour-là-sa compréhension des réalités financières, bien au-delà des connaissances de l'opposition officielle.

J'aimerais lui rappeler ce que M. Manera, l'ancien président de la SRC, nous a dit. Je vais trouver la citation, je vais la chercher, parce que je veux que vous entendiez ce qu'il a dit, parce que c'étaient des mots très sages. Il nous a dit: «Monsieur le président, nous reconnaissons, à Radio-Canada, que la situation financière dans laquelle est plongé le pays est effectivement grave et que nous ne voulons certainement pas échapper aux mesures d'austérité qui doivent être prises pour mettre de l'ordre dans nos finances.»

Vous voyez, l'ancien président de la SRC était réaliste. Il est clair que nous, en tant que gouvernement, allons réexaminer le rôle de Radio-Canada et le comité permanent, trois membres du comité et le ministre du Patrimoine canadien travaillent tous très fort. J'espère que la députée va avoir la patience d'écouter l'avis du comité dont elle fait partie. Les budgets à venir vont fournir à Radio-Canada les ressources nécessaires pour remplir son rôle redéfini.

Nous connaissons nos engagements. Je veux rassurer la députée, et je pense qu'il est temps que le Bloc se réveille.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Madame la Présidente, quand la secrétaire parlementaire fait référence à son comité, j'espère qu'elle ne se prend pas au sérieux là-dessus. Il y a deux entités distinctes au Canada, la française et l'anglaise, au sein de Radio-Canada, mais le comité dont elle fait partie est majoritairement composé d'anglophones, libéraux en plus. Donc, il est assez difficile d'avoir une parité.


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C'est un peu comme confier la banque de sang à Dracula. Qu'elle nous explique comment elle entend faire justice à l'intérieur de ce comité, où les anglophones sont majoritaires, pour défendre les intérêts des francophones à Radio-Canada?

Mme Guarnieri: Madame la Présidente, je me demande ce que le député veut me faire croire. Est-ce qu'il veut me faire croire que les députés du Bloc perdent leur temps aux comités? Moi, j'ai beaucoup de respect pour les députés qui participent au comité. Selon moi, on n'a pas perdu de temps. On va réfléchir, on va avoir des recommandations qui seront faites à la fin et on va les présenter au ministre pour qu'il réfléchisse.

Je pense que l'ironie du Bloc, c'est sa passion pour Radio-Canada et je me demande souvent ce qui se cache derrière cette passion pour une institution culturelle uniquement canadienne. Pourquoi renie-t-il le pays qui a créé une institution que le Bloc admire?

(1110)

[Traduction]

M. Hugh Hanrahan (Edmonton-Strathcona, Réf.): Madame la Présidente, aujourd'hui, les députés réformistes vont partager leur temps de parole.

Je suis très heureux de prendre la parole sur la motion qui a été présentée par la députée du Bloc québécois.

Il est important de souligner qu'il semble un peu étrange que nous discutions de cette question à la Chambre alors qu'elle est actuellement examinée par le Comité du patrimoine. Ce comité étudie la question de la SRC depuis un certain temps déjà, et nous nous concentrons plus particulièrement sur le rôle de ce réseau dans un univers de 500 canaux.

En septembre dernier, quand le comité a entrepris ses travaux à ce sujet, il avait pour mandat d'examiner la façon de financer la SRC et de recommander au ministre des Finances des réductions budgétaires, aux fins du budget de cette année. Cet échéancier a été reporté, et nous avons ensuite convenu de terminer nos recommandations et les présenter à la Chambre au début de mars. De toute évidence, le comité n'a pas respecté cet échéancier.

Nous sommes encore en train d'examiner la situation de la SRC. Aucun plan d'action n'est en vigueur et aucune recommandation n'a été appliquée. Par conséquent, il est peut-être bon que le Bloc ait présenté cette motion pour débattre de la SRC.

Comme la plupart des Canadiens, je ne peux que constater que le gouvernement refuse de traiter de questions fondamentales comme la SRC et son financement. Depuis notre arrivée à Ottawa, le gouvernement a présenté document de travail après document de travail sans prendre de mesures, comme le réclamaient les Canadiens.

Si nous jetons un coup d'oeil au dernier budget des libéraux, nous constatons qu'ils ont commencé à chantonner la même chanson que les réformistes. Ils accordent maintenant un peu plus d'importance au déficit et à la dette nationale. Les libéraux, qui étaient reconnus pour imposer des taxes et faire de grandes dépenses, commencent à voir les lacunes d'une telle politique. Pourtant, ils s'obstinent à vouloir maintenir tous les programmes bien implantés du gouvernement même si les ressources ne cessent de diminuer.

Cependant, le fait est que le Canada n'a pas un problème de recettes, mais un problème de dépenses. Ce problème de dépenses se perpétue, parce que le gouvernement fédéral consacre toujours des milliards de dollars à des programmes qui pourraient être fournis par le secteur privé sans qu'il en coûte un sou aux contribuables. Nous aurions ainsi la certitude de disposer des fonds nécessaires pour financer les ministères prioritaires, comme la Santé, l'Éducation, la Défense et les Anciens combattants.

Les mesures de privatisation que prend le gouvernement vont dans la bonne direction, mais elles demeurent trop timides. Chaque ministère offre des services qui concurrencent le secteur privé ou que ce dernier pourrait fournir beaucoup plus efficacement.

Le gouvernement se voit dans l'obligation d'équilibrer ses finances et doit, de ce fait, vérifier l'efficience, le coût et l'efficacité des secteurs d'activité financés par l'État. C'est pourquoi nous examinons les finances de Radio-Canada.

La Société Radio-Canada devrait avoir essentiellement pour mandat d'offrir une information et une programmation distinctives à vocation culturelle. Dans un environnement caractérisé de plus en plus par la multiplicité des canaux, le mandat actuel, qui consiste à offrir des services comportant une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit, est trop étendu.

Il va évidemment de soi que Radio-Canada a pour mandat d'offrir aux Canadiens une programmation dont le contenu soit principalement canadien. Or, il y a tout lieu de douter que cette exigence soit respectée, à l'heure actuelle.

(1115)

Ce n'est plus le niveau de financement de Radio-Canada qui est en cause, mais bien sa structure et, en particulier, le fait que la société d'État ne se soit pas ajustée à la réalité moderne. Cet organisme est dépassé et extrêmement centralisé, puis il coûte trop cher.

Nous ne devons jamais perdre de vue que le milieu de la radiodiffusion au Canada a subi des changements radicaux depuis l'époque de la conception de Radio-Canada.

Les progrès technologiques et les nouveaux services ont modifié les goûts du public, sans compter que les changements fondamentaux qui ont marqué la publicité ont transformé le monde de la radiodiffusion. Dans un monde où la Société Radio-Canada n'est plus le seul service national, est-il sensé d'utiliser les rares deniers publics pour subventionner des émissions de télévision commerciales?

Dans ce nouveau monde de la radiotélédiffusion qui offre beaucoup d'autres choix aux téléspectateurs, le réseau public ne peut plus vraiment réaliser l'objectif qui consiste à satisfaire à tous les besoins de tous les gens.


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Dans cet univers où les canaux abondent, il est donc essentiel que le radiodiffuseur public soit prêt à se transformer radicalement, et il est tout à fait évident que la Société Radio-Canada n'est pas disposée à le faire.

Le président et l'ancien président de la Société Radio-Canada ont déclaré qu'ils n'avaient pas pour mission d'obtenir des recettes. Ainsi, nous devons, nous, parlementaires, nous occuper de cette question pour eux. Si la société n'est pas là pour faire des recettes, quelle est donc sa mission?

Comment une société privée comme CTV peut-elle avoir pour objectif de réaliser des recettes tout en respectant les règlements sur le contenu canadien? L'année dernière, CTV a consacré 488 millions de dollars à des émissions canadiennes, alors que, dans le cas de la Société Radio-Canada, ce montant s'est élevé à 561 millions de dollars. Ce n'est pas une énorme différence, étant donné que nous consacrons plus de un milliard de dollars aux opérations de la Société Radio-Canada et pas un sou à celles de CTV.

CTV dépense presque autant d'argent que la SRC pour des émissions canadiennes. La différence c'est que la première société est contrôlée par des intérêts privés, alors que la seconde appartient au gouvernement. La première vient grossir le Trésor public en payant de l'impôt sur ses profits, alors que la seconde coûte très cher aux contribuables.

Si le gouvernement avait privatisé la SRC, on aurait pu épargner aux contribuables 800 millions de dollars environ et ce chiffre n'inclut pas les recettes tirées de la vente des biens que la SRC possède à l'heure actuelle et qui s'élèvent à près de 1,5 milliard de dollars.

Les sceptiques peuvent dire que la privatisation de la SRC sonnerait le glas de la culture canadienne, que notre culture ne peut pas survivre sans l'intervention du gouvernement. Ils blaguent sûrement. Les Canadiens ont énormément de talent. Ils produisent des écrits et des tableaux-ils sont créateurs. Ce n'est pas parce que le gouvernement les approuve qu'ils le font, mais parce qu'ils veulent créer. Le fruit de leur labeur se vendra s'il est de qualité, et ne se vendra pas s'il ne l'est pas.

Les arts et la culture doivent exister parce que les artistes le veulent, et non parce que le gouvernement croit qu'il doit en être ainsi. Plus les gouvernements s'en mêlent, plus les choses semblent aller de travers.

Je voudrais faire un parallèle entre la privatisation d'Air Canada et de Petro-Canada et l'éventualité qu'on fasse la même chose avec Radio-Canada, mais je vois que mon temps de parole tire à sa fin.

Je veux présenter un amendement à la motion du Bloc. Je propose:

Qu'on modifie la motion en supprimant tous les mots après le mot «années».
(1120)

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Madame la Présidente, si j'ai bien compris ce qu'a voulu dire le député, il encourage le gouvernement à privatiser la SRC.

J'ai remarqué que dans son budget fantaisiste, le Parti réformiste mentionnait des réductions de quelque 360 millions de dollars. Je me demande si le député pourrait décrire le plan des réformistes en ce qui concerne la SRC.

M. Hanrahan: Madame la Présidente, je remercie la députée de me donner l'occasion de dire ce que je pense de cette question.

Pour être clair, je recommande que nous examinions, en ce qui concerne la privatisation de la SRC, un certain nombre d'options, à commencer par la vente de cette société au plus offrant.

Je reconnais le début d'une tendance à réduire le budget de la SRC. Cependant, ce qui m'inquiète, c'est que cette tendance va se poursuivre et que la SRC va finir par succomber à petit feu. À la fin, il ne lui restera plus rien. Alors autant vendre cette société pendant qu'elle est encore viable et que c'est possible.

Une autre option serait la privatisation par actions, ce qui permettrait au gouvernement de se défaire complètement de la société. Une troisième option qui me plaît moins que les deux premières serait, comme nous l'avons fait dans le cas d'autres compagnies, la semi-privatisation, c'est-à-dire que la société appartiendrait en partie à l'État et en partie à des investisseurs privés.

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Madame la Présidente, en intervenant à propos de la motion sur le financement de Radio-Canada, parrainée par la députée bloquiste, je tiens d'abord à souligner, comme l'a fait un de mes collègues, qu'il est étrange que cette motion soit présentée un jour d'opposition où nous sommes pratiquement confrontés à une crise nationale à cause de la grève des chemins de fer. En comparaison de ce problème, je comprends mal l'importance de Radio-Canada. Il reste que c'est la question dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Je paraphrase la députée de Rimouski-Témiscouata qui est intervenue en juin dernier au sujet d'une motion réformiste sur Radio-Canada. Elle a déclaré que, malgré des désaccords profonds avec certaines situations qui perdurent à la Société Radio-Canada, le Parti réformiste ne peut souscrire à la motion de la députée bloquiste de Rimouski-Témiscouata.

Si nous examinons l'histoire de Radio-Canada, nous constatons que c'est la genèse de la Commission Aird de 1929, même s'il n'a pas été question officiellement de la Société Radio-Canada avant que les libéraux n'adoptent la Loi sur la radiodiffusion, en 1936.

Cette loi a été révisée pour la dernière fois en 1991, sous le gouvernement conservateur de Brian Mulroney.

(1125)

Toutefois, pendant tout ce temps le mandat des réseaux anglais et français de Radio-Canada est resté relativement inchangé. Se peut-il qu'un mandat qui remonte à près de 60 ans soit encore


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valide, surtout à une époque de changement technologique comme celle que nous vivons?

La Commission canadienne de radio-diffusion, qui a précédé Radio-Canada, était elle aussi confrontée au sous-financement, à un mandat flou et à des dispositions administratives inadéquates. Je dirais qu'aujourd'hui, Radio-Canada est toujours confrontée en partie à la même situation.

Examinons ces problèmes séparément, en commençant par le problème du sous-financement. Nous savons que les contribuables canadiens ne peuvent se permettre d'augmenter les subventions de l'ordre d'un milliard de dollars dont bénéficie déjà Radio-Canada. La solution des libéraux a été d'adopter une loi autorisant Radio-Canada à emprunter. Ce n'est certes pas une solution, car cela ne ferait qu'alourdir la dette déjà énorme du Canada.

Pour financer la SRC, les libéraux ont aussi envisagé de taxer des choses comme la location de cassettes vidéo et les billets de cinéma. Cela n'est pas acceptable non plus, car les Canadiens sont déjà surimposés. Par conséquent, la seule solution semble être de privatiser la société de telle sorte qu'elle devienne concurrentielle et recueille des fonds dans le secteur privé en vendant davantage de réclames publicitaires. Il n'y a certes aucune raison pour que la SRC ne puisse pas être concurrentielle au plan commercial.

La meilleure façon de saisir le deuxième problème que pose un mandat incertain, c'est de considérer comment les politiciens canadiens voient le rôle de la SRC. Voici ce que le premier ministre avait à dire ici même, en juin dernier, au sujet de la SRC: «Définissant le mandat de la SRC, la loi prévoit que cette société informe la population sur les avantages qu'offre le Canada. C'est ce qui a motivé la création de la société.»

Pas plus tard que le lendemain, à la radio de la SRC, la vice-première ministre déclarait que la Société Radio-Canada devait reconnaître que l'une de ses responsabilités est de promouvoir l'unité canadienne.

Aucune de ces interprétations ne reflète le mandat réel de la SRC, qui est d'«offrir une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit» et de «refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions».

Cela ne rend compte qu'en partie du problème que pose le mandat incertain de la Société Radio-Canada, mais cela illustre quelque chose d'autre, à savoir la façon dont un service public de radiodiffusion peut être politisé et même manipulé par ses maîtres politiques. Je crois que la privatisation réglerait ce problème, car les forces du marché obligeraient rapidement la SRC à trouver sa niche tout en continuant à promouvoir la culture canadienne. Cela supprimerait en outre la possibilité d'ingérence politique.

Enfin, un problème qui était associé à la CCRD il y a 60 ans et qui est encore associé aujourd'hui à la SRC, c'est celui que posent des dispositions administrations insatisfaisantes. La SRC reçoit plus de un milliard de dollars de l'argent des contribuables et pourtant, son budget de fonctionnement accuse toujours un déficit de 45 millions de dollars. Au cours de la dernière année, quelque 2 000 emplois ont été supprimés à la SRC afin de rendre cette société plus concurrentielle. En dépit de ces compressions draconiennes imposées au budget de la dotation, le déficit de la SRC continue de s'alourdir. Simplement, rien ne motive l'administration à assurer de bons résultats financiers.

La privatisation semble être le seul moyen acceptable d'amener la société mère à reconnaître les réalités financières des années 90 et de l'avenir.

Considérons plus particulièrement le fonctionnement du réseau français de Radio-Canada. Les journaux laissaient entendre récemment que jusqu'à 750 des 2 500 postes de ce réseau risquaient d'être supprimés par suite de réductions de financement. Dans le même article, la vice-présidente du réseau français, Michèle Fortin, admettait que «ceux qui souffriront le plus de probables compressions ne sont pas les téléspectateurs». Elle déclarait aussi: «Nous pouvons présenter au public des émissions de même qualité et ayant le même contenu en les achetant de producteurs privés et d'autres réseaux.»

(1130)

Si c'est vrai-et nous n'avons aucune raison de douter des paroles de Mme Fortin-,quelle est donc cette horrible menace qui, selon les députés du Bloc, pèse sur le réseau français de Radio-Canada?

Jetons un coup d'oeil sur un sondage indépendant effectué par CROP en octobre dernier. Dans ce sondage, les Québécois de langue française ont déclaré que la qualité des émissions du réseau privé TVA était égale à celle de la SRC, qui est financée par le gouvernement. Les personnes interrogées ont donné des notes égales aux deux réseaux dans tous les domaines.

Cependant, lorsqu'on leur a demandé si les subventions accordées à Radio-Canada créaient une concurrence injuste avec les autres réseaux, 56 p. 100 des Québécois de langue française ont dit que oui et seulement 39 p. 100 ont dit que non.

De même, lorsqu'on a demandé aux Québécois de langue française-dont on peut présumer que beaucoup sont partisans du Bloc-si le financement public de Radio-Canada devait être réduit en raison du déficit du gouvernement fédéral, 55 p. 100 ont dit oui tandis que 37 p. 100 ont dit non. Ce sont pratiquement les mêmes pourcentages qu'à la question précédente.

J'imagine que les mêmes arguments présentés en faveur de la privatisation du réseau anglais de Radio-Canada s'appliquent au réseau français. Le seul moyen de garantir la viabilité de la SRC au XXIe siècle consiste à la préparer à s'adapter aux forces du marché et à tirer le maximum de la technologie moderne des satellites.

Par exemple, CBUF-FM, la radio FM de Radio-Canada à Vancouver, a un personnel de 25 employés et un budget annuel de 2,2 millions de dollars. Son auditoire moyen, peu importe le moment de la journée, est de 100 personnes. Ce chiffre provient de la maison BBM.

La même chose est vraie de la station de langue française d'Edmonton, CHFA, qui a 32 employés et un budget annuel de 2,4 millions de dollars. Encore une fois, selon les chiffres de BBM, la station atteint des sommets lorsqu'elle a 600 auditeurs.


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Ces deux exemples nous montrent comment on dépense 4,6 millions de dollars pour servir 700 personnes. C'est près de 6 600 $ par auditeur. Ce n'est pas là l'efficience à son meilleur.

Si ces stations étaient privatisées et contraintes de se financer en vendant de la publicité locale, il est très probable qu'elles devraient fermer leurs portes. Cependant, avec les progrès de la technologie des satellites, on pourrait très bien garder une petite équipe de journalistes dans ces deux villes pour alimenter les émissions locales et nationales. Cela ferait économiser les contribuables et permettrait aussi à Radio-Canada de remplir sa mission en atteignant les minorités de langue officielle.

Le temps est révolu où on pouvait adopter les motions des coeurs sensibles comme celle d'aujourd'hui. Nous devons trouver les solutions aux problèmes d'aujourd'hui en tenant compte du contexte actuel et non pas en nous laissant influencer par les visions romantiques que nous avons de la façon de faire les choses dans le bon vieux temps. Les temps ont changé.

Notre situation financière actuelle nous dicte indéniablement les restrictions financières et la rationalisation du gouvernement. Cependant, la technologie nous permet d'imaginer des moyens de fournir les services et l'information du gouvernement dont les politiciens d'il y a 15 ans ne pouvaient même pas rêver.

Pour cette raison, j'exhorte la Chambre à rejeter la motion à courte vue et dépassée qui est présentée et à entrer de plain-pied dans le XXIe siècle en écoutant les idées que mes collègues réformistes et moi avons et que nous présenterons pendant le débat.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté les remarques du député et je ne partage pas son avis au sujet de Radio-Canada. Le Parti libéral a fondé Radio-Canada en 1934. J'ai toujours cru que la SRC était l'un des principaux instruments qui assuraient l'unité de notre pays.

(1135)

Je crois aussi que, dans les régions éloignées de notre pays où le secteur privé ne serait pas nécessairement prêt à prendre des risques et à faire des investissements, la Société Radio-Canada serait là pour assurer le lien avec les autres régions du pays afin que nous nous sentions unis en tant que peuple.

Dans ce pays, beaucoup d'initiatives ne sont pas fondées sur la logique économique ou, pour emprunter une expression à la langue des affaires, sur le bénéfice trimestriel par action. Nous ne sommes pas ici pour administrer une entreprise, mais bien pour bâtir un pays. Les critères qu'on utilise lorsqu'on bâtit un pays et qu'on essaie de développer un ensemble de valeurs et une identité pour un peuple sont totalement différents de ceux qu'on utilise lorsqu'on bâtit ou qu'on administre une entreprise.

J'aimerais penser que la Société Radio-Canada est une institution qu'on peut regarder comme un outil servant à l'édification de notre pays et non seulement comme un centre de profit.

Je regrette que le ministre des Finances ait été obligé d'imposer des compressions à la SRC dans son budget. J'ai beaucoup d'employés de la SRC parmi mes électeurs. J'ai passé de longues heures sur l'avenue Danforth avec Larry Zolf à boire du jus de canneberge et à écouter Larry parler de l'importante contribution que divers artistes ont pu apporter à notre culture grâce à la SRC. Tout cela est maintenant compromis parce que les marchés internationaux des obligations, les gens qui contrôlent les capitaux, nous tiennent à la gorge. C'est une situation que je regrette, et je sais que la plupart des députés partagent ce sentiment.

Le député ne pense-t-il pas que, après avoir mis un peu d'ordre dans nos affaires financières au cours des quelques prochaines années, nous aurions de la difficulté à trouver un meilleur outil d'unification que la SRC? Ne croit-il pas que, une fois que nous aurons assaini nos finances publiques, nous devrions redonner de la vigueur à la SRC et voir à ce qu'elle continue de jouer son rôle traditionnel qui est d'unir le peuple canadien?

M. Ringma: Madame la Présidente, je répondrai tout d'abord que nous avons encore un long chemin à parcourir avant d'avoir réussi à remettre nos affaires financières en ordre.

Nous ne l'ignorons pas, nous avons encore une dette de 560 milliards de dollars. Le programme de réduction du déficit proposé dans le dernier exposé budgétaire est insuffisant pour remédier à la situation. Le service de la dette nous coûte toujours de plus en plus cher. Comme le ministre des Finances a l'habitude de reporter à plus tard son objectif qui ne cesse de changer, nous nous trouverons dans deux ou trois ans dans de graves difficultés si nous n'avons pas encore rentré dans le mur avant ça.

Je dois réfuter l'argument qu'avec le temps, j'ignore quand, nous réussirons à éliminer le déficit.

Deuxièmement, je crois que le député vit essentiellement dans le passé. Je lui concède que Radio-Canada a autrefois fourni une partie de la colle qui a permis de garder le pays uni.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre. Je regrette, mais le temps de parole du député est écoulé.

(1140)

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Madame la Présidente, je désire appuyer la motion déposée par ma collègue de Rimouski-Témiscouata. Cette motion se lit ainsi:

Que la Chambre condamne le gouvernement pour le refus du ministre du Patrimoine canadien de rendre publiques les décisions gouvernementales relatives au financement de Radio-Canada pour les 3 prochaines années, faisant ainsi planer une menace lourde de conséquences sur le réseau français de la société.
Je ferai tout d'abord un bref historique de ce dossier, pour ensuite en arriver au portrait de la situation actuelle et en analyser les impacts sur la communauté francophone du Canada et du Québec.

Avant de débuter, permettez-moi de préciser que contrairement à ce gouvernement, j'utiliserai les termes SRC, CBC pour désigner les deux secteurs de la télévision d'État au lieu de SRC dans la version française des documents et CBC dans la version anglaise. Pour plus de clarté, le terme SRC désignera uniquement la Société Radio-Canada française et CBC le réseau anglais. Nous verrons plus loin l'importance de cette distinction.


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Sous le régime précédent, celui des conservateurs, on a procédé à plusieurs coupures. En 1990, on a mis fin à certains services, on a aboli 1 100 postes, fermé trois stations de télévision locales, transformé huit stations en bureau de production d'information. Ces coupures ont résulté en des économies de 108 millions.

Ces coupures ont été vigoureusement dénoncées par les libéraux. Dans le célèbre livre rouge, on pouvait lire: «L'amputation des budgets de Radio-Canada, du Conseil des Arts du Canada, de l'ONF, de Téléfilm Canada et d'autres institutions montre bien que les conservateurs méconnaissent l'importance du développement culturel.» Voilà les paroles des libéraux dans le livre rouge.

Et on continuait ainsi: «Nous doterons les institutions culturelles nationales, comme le Conseil des Arts du Canada et Radio-Canada, d'un budget pluriannuel stable. Nos institutions culturelles nationales pourront ainsi mieux planifier leurs activités.» On aurait pu difficilement trouver de plus belles intentions face à la culture et à Radio-Canada.

Où en sommes-nous aujourd'hui, suite au dépôt du Budget de février dernier? Lors de cette fameuse journée du 27 février 1995, nous apprenions l'étendue des compressions budgétaires qui affecteraient le ministère du Patrimoine canadien. Son budget serait réduit de 676 millions de dollars au cours des trois prochaines années, représentant 23 p. 100 de son budget.

Parmi ces coupures, les budgets de la SRC, de Téléfilm Canada, de l'Office national du film seraient réduits au cours de l'exercice dans l'ordre de 4, 4 et 5 p. 100 respectivement. Pour ce qui est de la Société Radio-Canada, c'est un montant minimal, selon l'interprétation que l'on fait des chiffres, de 44 millions de dollars qui seraient amputés pour l'exercice 1995-1996. De plus, le gouvernement décidait de transférer Radio-Canada International à la SRC, montant évalué à 12 millions de dollars au lendemain du Budget.

Du même coup, le ministre annonçait que le gouvernement procéderait à un examen fondamental des mandats de la SRC, de l'ONF et de Téléfilm Canada. Le mandat de la SRC serait examiné, je le cite: «En s'inspirant des travaux entrepris par le Comité permanent du patrimoine sur le rôle de la SRC dans l'univers multicanaux.»

Il importe de se rappeler qu'avant le Budget, la SRC était déjà aux prises avec un manque à gagner de 180 millions, dû aux coupures du gouvernement conservateur et à cause d'une baisse de revenus publicitaires. Cette situation inquiétait déjà passablement l'ancien président de la SRC, M. Anthony Manera, qui entrevoyait la possibilité que les coupures tuent pour de bon la télévision d'État.

Qu'à cela ne tienne, le gouvernement libéral, malgré ses belles paroles du livre rouge, ne se laissera pas impressioner pour si peu, surtout par la bouche de son ministre du Patrimoine.

L'histoire se poursuit ainsi. Au lendemain du dépôt du Budget, le 28 février donc, on annonce que M. Manera s'adressera à ses employés pour expliquer la situation budgétaire de Radio-Canada. Un certain flou subsiste au niveau des explications, étant donné que les chiffres peuvent être interprétés de plusieurs manières selon la position de l'orateur. Il n'en reste pas moins que tous sont d'accord sur le fait que la SRC devait couper, en avril 1995, entre 40 et 50 millions de dollars pour combler le manque à gagner, aussi appelé le déficit structurel.

(1145)

Toujours la même journée, M. Manera annonce sa démission de son poste de président-directeur général de la SRC, alors que son mandat devait se terminer en février 1999, soit dans quatre ans. Pour une retraite anticipée, c'en est toute une!

À l'appui de sa décision, M. Manera allègue des raisons personnelles, ce que le ministre du Patrimoine s'empresse de reprendre en ces termes: «M. Manera a démissionné pour des raisons personnelles. Tout le reste n'est que pure invention.»

Par «tout le reste», le ministre faisait référence, entre autres, au scénario d'une compression de 300 millions de dollars des budgets de la SRC au cours des trois prochaines années. On se rappellera que, lors de sa nomination à ce poste en novembre 1993, M. Manera avait exigé du ministre des garanties qu'aucune médecine de cheval ne serait appliquée à la SRC. Le même ministre s'était alors engagé à fournir à la SRC un financement pluriannuel. Il était même allé jusqu'à promettre à M. Manera qu'il n'y aurait plus de compressions budgétaires à Radio-Canada. Il avait osé se décrire comme un «ami de la maison», en parlant de la SRC, au moment de sa nomination comme ministre du Patrimoine. Il faut le faire, il faut vraiment le faire!

Il faut réaliser qu'on ne parle pas ici des temps anciens. On parle de novembre 1993, il y a à peine 18 mois. On parle des assurances d'un ministre en poste, à un des plus importants ministères de son gouvernement. Quelle tristesse et quelle honte.

M. Manera, qui semble avoir été un tant soit peu plus lucide que son ministre, revenait à la charge en faisant une mise au point d'importance: il ne s'agissait pas seulement d'une coupure de 44 millions de dollars qu'aurait à subir la SRC, mais bien de 350 millions de dollars d'ici 1997-1998. On s'apprêtait à réduire le budget total de 23 p. 100 en trois ans. Tout cela, après que le ministre ait assuré son président qu'il n'y aurait plus de coupures.

Comment a réagi l'honorable ministre aux déclarations de son président? De la façon suivante: premièrement, comme je l'ai mentionné plus haut, il répète que M. Manera a démissionné pour des raisons personnelles. Il n'y aurait, selon lui, aucun lien entre la démission et les compressions budgétaires annoncées. Il aurait été au courant de la démission de M. Manera. Il s'agirait de véritables raisons personnelles, alors qu'on a appris par la suite que dans son discours aux employés, M. Manera avouait démissionner à cause des compressions budgétaires. Pour un manque de communication, c'est tout un manque de


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communication. Ce ministre est passé maître dans l'art des communications, puisqu'il récidivait le 16 mars dans les mêmes circonstances.

À Montréal, la vice-présidente de Radio-Canada français, Mme Michèle Fortin, commençait déjà à prévoir l'impact qu'auraient les coupures annoncées sur le fonctionnement de son organisme. Les 15 et 16 mars, elle convoquait ses employés pour faire le point avec eux sur la situation. Selon elle, les bureaux de Montréal auraient à subir des coupures environnant 60 millions de dollars, et entraînant l'abolition de 750 postes d'ici trois ans.

Questionné en Chambre à ce sujet, le ministre disait tout ignorer de ces coupures de postes. Pour se justifier, il s'en remettait à l'absence de décision officielle de Radio-Canada, «sa source officielle», disait-il. Doit-on rappeler que le président-directeur général avait, à ce moment-là, remis sa démission et avait clairement indiqué qu'il n'avait aucune intention de présider à l'actualisation du nouveau budget.

Je désire faire un petit retour en arrière sur la démarche chronologique des déclarations du ministre. On a vu que, sur réception de la démission de M. Manera, le 28 février, le ministre invoque les raisons personnelles. Le lendemain, 1er mars, il se borne à répéter les chiffres du budget. Le 2 mars, on apprend que M. Manera a avoué avoir obtenu du sous-ministre du Patrimoine un document secret qui lui expliquait l'étendue des coupures pour les trois prochaines années. On a alors droit, en cette Chambre, à une merveilleuse aberration.

Alors, que l'opposition possédait ce document et le citait, le ministre refusait d'admettre les chiffres. Selon lui, ce document ne reflète que des hypothèses qui font partie de la revue des programmes entreprise par un autre ministre. Tout ça, alors que l'on sait que les coupures relèvent des décisions du Cabinet. Où était l'honorable ministre? Ne fait-il pas partie du Cabinet? Il semble que les employés et les cadres de Radio-Canada soient beaucoup mieux informés que le ministre, au sujet de la situation de l'organisme. En effet, la Gazette du 18 mars publiait l'information à l'effet que M. Alain Pineau de la SRC avait annoncé que les stations régionales étaient remises en question à cause des compressions budgétaires.

(1150)

Il est à ce moment plus qu'opportun de se demander quel avantage a le ministre à cacher la vérité, puisque l'évidence pointe dans cette direction. Il faut également se demander si de nouvelles coupures ne seront pas annoncées sous peu. Il faut se demander quelles opérations majeures le ministre a l'intention de faire au sein de la télévision d'État et, finalement, quel impact politique ces opérations auront.

Il est intéressant de voir quelle est l'opinion du public par rapport à ces coupures dans le réseau français. Un récent sondage SOM, publié par La Presse la semaine dernière, indiquait que 60 p. 100 des répondants veulent qu'on maintienne les subventions à Radio-Canada ou qu'on les augmente. Le public n'aurait que des éloges à l'endroit de la CBC-SRC pour la façon dont elle renseigne les Canadiens et accroît leurs connaissances générales. Au Québec, les résultats sont encore plus impressionnants: deux Québécois sur trois s'opposent aux coupures à la SRC.

Voilà qui soulève un tout autre problème: la différence dans les cotes d'écoute entre le Canada et le Québec. Les Québécois écoutent beaucoup la télévision d'État, alors que seulement 12 p. 100 de leurs concitoyens anglophones la syntonisent. Il s'agit d'une différence importante qui devrait théoriquement avoir des répercussions sur l'enveloppe budgétaire des deux réseaux. À ce jour, la cote d'écoute n'a pas été le critère retenu pour fixer les budgets. On s'arrête plus aux coûts de production des émissions, plus élevés au Canada anglais qu'au Québec. Il s'agit d'un cercle vicieux dans lequel on tourne depuis longtemps et qui soulève des questionnements depuis bon nombre d'années.

Ceci nous amène à l'annonce faite par le ministre au sujet de la révision du mandat de la SRC. Pour le réseau français, cette annonce soulève bon nombre d'inquiétudes. En effet, on sait que le Canada anglais est en général mécontent de la télévision d'État, dans son ratio coût-qualité. Pour un milliard de dollars, de nombreuses personnes pensent qu'on pourrait «en avoir plus pour notre argent.» Cette vision, nous venons de l'exprimer, n'est pas partagée au Québec, où on est satisfait de la performance de la télé d'État et où on rejoint, en moyenne, 35 p. 100 de l'auditoire. Encore une fois, nous faisons face au dilemme des deux solitudes.

Encore une fois, ces deux solitudes ont des besoins et des inclinaisons différentes. Le gouvernement pourrait-il justifier politiquement la décision d'investir plus pour la télévision d'État française, qui est prisée par son auditoire, que pour la télévision anglaise, qui n'est à peu près pas écoutée? Peut-on s'imaginer que le fédéralisme canadien serait assez flexible pour accorder de très généreux fonds à la masse française et accepter une réduction dramatique des fonds publics alloués à la télévision anglaise? Le débat reste à faire. Il faut également se demander quelles seront les conséquences des coupures budgétaires.

Dans son mémoire présenté au Comité permanent du patrimoine canadien, la Société Radio-Canada mentionnait les conséquences possibles de coupures dans ses budgets. Je cite le texte: «La Société devrait inévitablement mettre à pied des milliers de personnes. Les services devraient être réduits de façon radicale et aucune partie du mandat de la SRC ne serait épargnée.»

Le ministre des Finances déclarait récemment: «Toute réduction appréciable du budget de la Société Radio-Canada nécessiterait un examen du mandat qui lui est actuellement confié.» Les citoyens ont le droit de savoir, les employés ont le droit de savoir, cette Chambre a le droit de savoir où s'en va le ministre et son gouvernement avec la télévision d'État. Le public ne veut plus des cachotteries et des sornettes du ministre. Donc, dites-nous ce qu'il faut faire.


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(1155)

[Traduction]

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, en écoutant la députée du Québec parler des institutions nationales et de notre engagement à leur égard, je n'ai pas compris d'où elle venait. Le Bloc québécois est voué au démantèlement des institutions nationales; c'est à cela que se résume le mandat de ses députés. Je ne sais pas s'ils ont soudainement subi une conversion qu'ils n'ont pas révélée publiquement et cherchent maintenant un moyen de se consacrer de nouveau à la cause canadienne en se faisant les défenseurs de Radio-Canada. Je n'arrive tout simplement pas à les comprendre.

La députée a également parlé de notre engagement à établir des budgets pluriannuels stables. Elle a parfaitement raison. C'est ce qu'on peut lire dans le livre rouge.

Tous les Canadiens devraient cependant savoir qu'une des difficultés réelles auxquelles nous sommes confrontés au Canada, c'est que nous tâchons de rebâtir une économie qui risquait littéralement la ruine. Notre reprise est fragile. Or, au moment où notre économie commence à démarrer vraiment, que fait le Bloc québécois cette semaine? Il refuse de nous permettre de présenter notre projet de loi ordonnant le retour au travail de sorte que nous puissions remettre notre système national de transport en marche. Ce fait a des répercussions inimaginables.

J'en citerai pour exemple un secteur auquel j'ai été associé, celui de l'automobile. Ce ne sont pas uniquement les usines de montage qui sont contraintes de cesser leurs activités, mais aussi toutes les petites et moyennes entreprises de fabrication de pièces d'automobile qui expédient leur production à ces usines. Le Bloc québécois nuit actuellement encore davantage aux chances de reprise économique de notre pays en nous privant des moyens de rebâtir notre économie en gardant notre système de transport en bon ordre.

La députée ne se rend-elle pas compte que le meilleur espoir, la meilleure chance à long terme que Radio-Canada sous tous ses aspects puisse avoir de retrouver le financement et le regain de vigueur que nous souhaitons tous pour elle, c'est que le Bloc québécois s'attache à rebâtir l'économie de tout le Canada au lieu de se préoccuper uniquement de ses propres intérêts de clocher?

[Français]

Mme Gagnon: Madame la Présidente, je remercie mon collègue député de ses questions. J'aimerais lui rappeler les engagements qu'avaient pris les libéraux sur le financement pluriannuel qui permettrait à la Société Radio-Canada de pouvoir faire un bilan sur plusieurs années et non pas à la pièce, comme on est en train de le faire.

Lorsqu'il était dans l'opposition et pendant la campagne électoral, le gouvernement actuel avait fait des promesses, et je ne pense pas qu'il soit en mesure de les tenir présentement. Mon collègue député semble particulièrement inquiet de la situation économique et il voudrait que le Bloc apporte des solutions pour régler certains problèmes économiques et redresser l'économie.

Ce matin, je regarde certains chiffres que j'ai sous les yeux. Par exemple, on a décidé de couper de 4,97 p. 100 le budget de la Défense, sur un budget de 11 milliards, alors qu'on a coupé 30 p. 100 au budget du programme de promotion de la femme et 23 p. 100 à la culture et communication. Ces chiffres démontrent quels sont les ordres de priorité de ce gouvernement: on coupe le budget de la culture de 23 p. 100 sur un petit budget de un milliard et celui de la promotion de la femme de 30 p. 100 sur un petit budget de 10 millions, alors que le budget de la Défense n'est réduit que de 4,97 p. 100. Où sont vos priorités pour redresser l'économie? On pourrait se le demander.

Pour répondre à une autre question du député concernant le problème des chemins de fer, l'opposition a soumis quelques pistes de solution, et je pense que si le gouvernement les avait suivies, on serait peut-être arrivés à une décision très rapidement.

(1200)

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Madame la Présidente, depuis ses débuts, la Société Radio-Canada a été la voix de la population francophone du Canada et le reflet de notre culture.

Plusieurs sociologues vous diront à quel point la naissance de l'identité québécoise, aussi bien que celle des francophones hors Québec, est intimement liée à la programmation culturelle que la Société Radio-Canada transmettait jusque dans nos salons. Grâce à Radio-Canada, la population francophone, partout au Canada, s'est vue et s'est reconnue. Elle a offert à tous des expériences communes. Puis, par sa programmation, Radio-Canada ouvrait une vitrine sur le monde. Enfin, plus récemment, la Société Radio-Canada permettait au monde de prendre connaissance de notre culture, de nos réalités et de nos valeurs.

Nous sommes tous fiers des acquis de la Société Radio-Canada. Nous en sommes fiers parce que ses succès sont intimement liés au succès de notre politique de radiodiffusion. Cette politique de radiodiffusion, laquelle est incarnée dans la Loi sur la radiodiffusion, assure une programmation de qualité en français. Cette loi stipule: «Les radiodiffusions de langue française et de langue anglaise, malgré certains points communs, diffèrent quant à leurs conditions d'exploitation, et éventuellement quant à leurs besoins.»

Effectivement, la Société Radio-Canada a réussi à nous présenter une programmation qui est tout à fait unique, et il s'agit d'une programmation qui connaît un vif succès. Ce succès fait d'ailleurs l'envie de plusieurs du côté de la CBC.

Grâce à cette politique de radiodiffusion, la programmation de langue française remporte, année après année, des succès incroyables, en termes de cote d'écoute. Dix-neuf des vingt émissions francophones les plus populaires, et 47 des 50 émissions francophones les plus populaires sont produites au Canada. Elles sont produites au Canada, oui. Et ces émissions sont populaires parce qu'elles sont bonnes, et elles sont universellement reconnues comme étant de qualité. C'est ce qui explique qu'une série comme «Les filles de Caleb» se soit vendue dans plus de 40 pays.


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Certains vous diront que le succès de cette programmation est attribuable aux artisans, c'est vrai, très vrai. Nous sommes effectivement chanceux de pouvoir compter sur des artisans de si grand talent. Certains de ces artistes ont vu leur talent reconnu à l'étranger où ils ont décidé désormais d'oeuvrer. Mais si talentueux soient-ils, rares sont ceux qui auraient pu connaître autant de succès sans le concours des politiques et appuis gouvernementaux à la communauté culturelle.

Parmi les institutions fédérales qui ont contribué à ce succès, il est important de mentionner Téléfilm, l'Office national du film et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.

Non seulement Radio-Canada a-t-elle joué un rôle de premier plan du côté de l'affirmation culturelle, mais aussi elle a joué un rôle inestimable sur le plan de l'affranchissement linguistique. Comme l'écrivaient les auteurs du rapport du groupe de travail sur la politique de la radiodiffusion, également connu du nom de Comité Sauvageau-Kaplan, et je cite: «Les francophones connaissent bien le rôle que jouèrent la radio et la télévision dans le raffermissement linguistique. L'exemple le plus fameux reste le vocabulaire des sports, à peu près complètement anglicisé même en France. Des commentateurs de Radio-Canada, Michel Normandin et René Lecavalier, durent inventer, pour décrire des parties, des équivalents français qui s'enracinèrent si bien que la concurrence privée, la presse écrite et les amateurs de sports les ont peu à peu adoptés, puis assimilés.»

(1205)

Non seulement les francophones sont-ils bénéficiaires d'une programmation de qualité mais, en outre, il leur est possible de recevoir des sources diverses de programmation. Au premier chef, notons les services de télévision conventionnelle, comme Télé-Métropole et Télévision Quatre-Saisons, ainsi que les deux services francophones de programmation éducative, Radio-Québec et la chaîne de TV Ontario.

À ces services s'ajoutent les services spécialisés: Réseau des sports, Météomédia, Canal Famille, TV5, Musique Plus et, tout récemment, le Réseau de l'information. Ce dernier service comble un besoin que plusieurs avaient identifié au sein du système canadien de radiodiffusion. Entre autres, je m'empresse de mentionner que le Bloc québécois avait lui-même revendiqué la création de ce service. RDI est entré en ondes le 1er janvier 1995 et, depuis lors, il s'acquitte de façon admirable de sa mission relative à la couverture d'événements au Canada et ailleurs.

Tous ces services constituent un éventail de programmations plus varié que ce qui existe dans quelque pays francophone que ce soit.

[Traduction]

En outre, grâce à TV5, le gouvernement fédéral a réussi à assurer le rayonnement de la culture francophone du Canada dans les quatre coins du monde. Effectivement, TV5 diffuse en Europe, en Afrique, aux États-Unis, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Nous prévoyons que d'ici peu TV5 sera capté en Asie. Ainsi, partout dans ces régions du monde, le voyageur canadien qui dispose de l'équipement de réception nécessaire sur place pourra regarder Bernard Derome et de nombreuses autres émissions produites au Canada.

On ne saurait parler de Radio-Canada sans mentionner sa présence en région, surtout à l'extérieur du Québec, où l'impact de sa programmation a été considérable dans des localités, dont la mienne, Saint-Boniface, qui jusqu'à tout récemment pensaient que les médias de masse étaient forcément anglophones. Des identités collectives dans ces localités minoritaires ont commencé à voir le jour grâce à la Société Radio-Canada.

Ainsi, l'examen du mandat de la SRC et les compressions budgétaires que le gouvernement a dû effectuer nécessiteront un certain réalignement. Toutefois, ce besoin de réalignement était devenu inévitable, ne serait-ce qu'en raison de l'univers créé par 500 canaux et par l'autoroute de l'information.

Nous traversons effectivement une période où les incertitudes seront mises à l'épreuve, où le changement sera la seule constante, où l'essor de notre imagination sera notre principale ressource et, hélas, où les deniers publics continueront d'être limités.

Nous n'abandonnons pas la partie pour autant. Nous trouverons des solutions communes pour donner à la culture de la langue française une vitalité soutenue et à nos institutions nationales une pertinence qui ne tiendra plus autant aux ressources qui y seront consenties qu'à l'imagination dont nous saurons faire preuve. Déjà, le comité sur le patrimoine a entamé un processus en ce sens. Nous devons poursuivre notre réflexion et proposer des solutions novatrices.

Radio-Canada saura relever les défis. Elle saura s'acquitter de son mandat actuel ainsi que de tout autre mandat qui pourra lui être assigné. Ses succès passés sont garants d'un avenir prometteur.

(1210)

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Madame la Présidente, il me fait grand plaisir d'intervenir sur cette proposition et je le ferai sous un angle différent. En effet, si le manque de transparence du ministre est décrié par le Bloc ce matin, c'est parce que l'annonce faite par Mme Michèle Fortin risque de handicaper très sérieusement un instrument puissant de transmission et de production de la culture québécoise.

Mais avant, je voudrais répondre à des collègues, que j'ai entendus ici, se demander pourquoi nous défendions Radio-Canada, alors que c'est une institution fédérale et que nous voulons sortir du Canada?

Je me permets de lire une citation de Pierre Elliott Trudeau qui disait en 1967 dans Le fédéralisme et la société canadienne française: «Un des moyens de contre-balancer l'attrait du séparatisme, c'est d'employer un temps, une énergie et des sommes énormes au service du nationalisme fédéral. Il s'agit, disait-il, de créer de la réalité nationale une image si attrayante qu'elle rende celle de groupes séparatistes peu intéressante par comparaison. Il faut affecter, continuait-il, une part des


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ressources à des choses comme le drapeau national, l'hymne national, l'éducation, les conseils des arts, les sociétés de diffusion radiophonique et de télévision, les offices du film.» Je répète, Pierre Elliott Trudeau, Le fédéralisme et la société canadienne française, HMH, 1967.

Si nous défendons la Société Radio-Canada de langue française, qui nous semble menacée par les coupures imminentes, c'est que nous savons que, malgré cette mission que Pierre Elliott Trudeau voulait lui confier, en réalité, Radio-Canada a été un lieu extrêmement important de transmission de la culture québécoise et de production de la culture québécoise, on doit le dire, parfois avec des biais dont nous nous serions passé.

Mais l'ensemble, pour nous, fait partie du patrimoine vivant. C'est une institution qui nous appartient en propre et que nous voulons voir, non seulement se maintenir, mais accroître la qualité de ses interventions. En réalité, Radio-Canada est détentrice d'un capital collectif, d'un instrument collectif essentiel à notre culture et le ministre du Patrimoine n'a pas le droit de sembler ne pas se soucier, comme de sa dernière chaussette, de l'avenir de cet instrument collectif puissant de la culture québécoise.

Je permets de rappeler les propos de Gérald Leblanc à la télévision-ce n'était pas celle de Radio-Canada-dimanche, qui disait ceci, pour donner une idée de l'importance tenue par toute la télévision française au Québec par rapport à celle tenue par la télévision de production canadienne dans le reste du Canada: «L'émission très bien connue et très drôle de Royal Air Farce célèbre, sabre le champagne quand elle touche un million de téléspectateurs sur 20 millions possible. Or, Radio-Canada et TVA réunis, rejoignent, régulièrement, à chaque semaine, des auditoires de trois millions et plus sur une population possible totale de sept millions.»

(1215)

Il ajoutait: «Si nous respections les lois du marché, Radio-Canada serait touchée et il y aurait des coupures à y faire, mais CBC ne pourrait pas survivre.» Loin de moi l'idée de dire qu'il ne faut pas laisser à CBC les moyens de survivre, parce que nous savons trop l'importance d'une culture pour l'avenir d'un peuple et d'une nation. Nous pouvons dire avec force qu'aucun peuple, aucune nation, sauf peut-être les États-Unis, ne peut se permettre de laisser aller au seul marché l'instrument puissant de la transmission et de la production de sa culture.

J'ajoute que seule CBC, aux heures de grande écoute, a un contenu canadien fort. Toutes les autres stations canadiennes de télévision ont un contenu canadien faible, d'environ 20 à 30 p. 100, aux heures de grande écoute, et cela n'est pas sans avoir des conséquences graves sur la culture canadienne. Cependant, nous avons choisi, ce matin, de montrer combien Radio-Canada est importante dans la culture québécoise et combien nous tenons, non seulement à savoir ce qu'on lui prépare, mais aussi à empêcher que la Société Radio-Canada soit privée de moyens. Les objectifs qui sont les siens en ce moment sont des objectifs, je dirais, de par ce qu'elle est, de par cet instrument collectif qu'elle est de facto, et nous ne pouvons permettre que Radio-Canada soit amputée de ses moyens.

Mme Fortin, que j'ai entendue avec grand plaisir, défendait avec le coeur et l'énergie qu'on lui connaît le rôle de cette télévision publique, qu'elle comparait à l'école publique. On ne dit pas que l'école publique n'est pas rentable et qu'il faut lui trouver un financement. La télévision publique a un rôle important à jouer. En tout cas, au Québec, elle le joue et elle peut le jouer encore mieux. Nous pensons que nos collègues du Canada anglais pourraient aussi s'interroger, et nous avec eux, sur les conditions du renforcement de la culture canadienne.

Être francophones en Amérique du Nord peut être difficile, parce que nous ne sommes qu'un peu plus de 2 p. 100, parce que nous sommes entourés, noyés par les ondes anglophones. On peut dire que le Canada, dont la culture est parfois difficile à distinguer de celle des États-Unis, mais existe néanmoins, le Canada qui veut demeurer ce qu'il est, non seulement avec une frontière différente, mais aussi avec une entité nationale distincte, doit aussi nécessairement protéger sa télévision publique.

Je voudrais parler un peu de la culture. En fait, si la télévision publique, comme la télévision en général, nous est si chère, c'est qu'à l'époque à laquelle nous vivons, le véhicule principal de la culture est l'audiovisuel et largement la télévision. C'est non seulement un véhicule de cette culture qu'on essaiera de mieux définir et qui existe, mais c'est aussi un lieu extrêmement important de la production culturelle de notre époque.

(1220)

Quand on sait les audiences qui sont rejointes par Radio-Canada et TVA au Québec, quand on sait comment des programmes populaires peuvent avoir une influence sur la population, consolider son identité culturelle, susciter des débats, mettre en cause des actions, des attitudes, des valeurs, je parle, nous parlons de la culture vivante, alimentée bien sûr par le patrimoine, par l'histoire, par les arts, par tout ce qui est production culturelle, mais digérée et transmise sous une autre forme, véhiculée par les médias qui sont ceux de notre temps.

À l'ouverture de la période des télécommunications qui nous réserve encore des surprises, c'est puissamment un moyen, le moyen principal, je le répète, de transmission et d'élaboration, et de production de la culture.

On ne peut pas se contenter de chiffres quand il est question d'un instrument aussi important qui définit ce qu'il y aura dans les têtes, ce qu'il y a dans les têtes et qui touche à ce qu'est et ce que sera la volonté collective de vivre ensemble. C'est cela le nationalisme, et c'est pour cela que nous disons qu'il y a deux pays dans ce pays. Nous le voyons constamment, tous les jours. Et nous voulons, nous, faire la souveraineté parce que nous pensons que c'est mieux pour notre peuple.

En même temps, nous savons que la culture canadienne mérite aussi de se définir mieux, de se reproduire aussi dans un monde où elle est peut-être plus menacée que la culture francophone, parce qu'elle partage la même langue que les États-Unis qui sont plus que des voisins, qui sont le grand empire de notre temps. Et comme tel, si ce qui nourrit les esprits canadiens sont les valeurs, les images, les références, l'histoire, les actions, les activités de ce qui se passe aux États-Unis, je me permets de dire qu'il faut tirer soi-même les conclusions et ne pas se réjouir, loin de là, que


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la télévision publique canadienne-anglaise ne rejoigne qu'une si faible partie de la population.

Bien sûr, comme disent nos collègues d'à côté, point n'est besoin d'un État pour la culture. Je me permets de m'inscrire en faux. Ce n'est pas l'État qui fait le produit culturel qui est l'artiste, mais sans une façon de vivre, sans des moyens adéquats, bien peu d'artistes, d'arts, de productions culturelles diverses vont pouvoir exister, surtout dans le monde dans lequel on vit. Il faut bien savoir, encore là, que Radio-Canada anglais compétitionne avec des émissions produites aux États-Unis avec 20 fois plus de moyens.

Nous avons choisi de parler de Radio-Canada parce que notre culture, sa vie et son développement, dépendent en partie du maintien de moyens. Autant dans le passé, à la Renaissance, on avait besoin des mécènes, autant les mécènes ont été remplacés par l'État, par les États.

(1225)

Aucun peuple et aucune nation digne de ce nom-dans le fond, c'est vrai, ils ne le font pas-aucun ne peut se passer d'appuyer ces grands instruments que sont maintenant les télévisions.

Il faut le dire, l'audiovisuel est exigeant en ce qui a trait aux moyens. Vous et moi, nous pouvons faire du vidéo, mais produire des émissions qui vont compétitionner, des émissions qui viennent de partout suppose que nous ayons des moyens. Autrement, tout le talent que nous avons pourra ne pas être utilisé du tout ou à sa pleine capacité.

La culture, c'est ce qui définit un peuple, une nation. C'est son âme. C'est sa manière d'être. Ce n'est pas statique. Cela suppose la connaissance du passé. Cela suppose la transmission de la production culturelle des autres générations. Mais cela suppose aussi le brassage. Cela suppose qu'on refasse à chaque génération le processus de création à partir des mêmes instruments de base. Mais cette culture, cette façon d'être est garante, à terme, d'un monde où la globalisation ne signifiera que toutes les cultures ne seront ramenées qu'à une, celle qui a le plus de moyens. C'est le vrai enjeu de ce qui se passe, de tous ces chiffres dont on parle.

Je me permets de dire que Boutros Broutros-Ghali, à Montréal, en 1992, a prononcé un discours extraordinaire. Il disait: «Une saine mondialisation de la vie moderne suppose d'abord des identités solides, car une mondialisation excessive ou mal comprise pourrait aussi broyer les cultures, les fondre dans une culture uniforme, ce à quoi le monde n'a rien à gagner.»

Je continue son texte: «Chaque individu a besoin d'un intermédiaire entre l'univers qui le dépasse et sa condition solitaire, ne serait-ce que parce qu'il lui faut une langue de départ pour comprendre et déchiffrer le monde extérieur. Il lui faut des solidarités pratiques et un ensemble de références culturelles, en un mot, un code d'accès au monde.» La télévision, largement pour les jeunes, est ce code d'accès au monde. C'est pourquoi il est une responsabilité nationale. Ce code d'accès au monde va largement contribuer, parce qu'il ne le fait pas seul, à faire ce que seront les sociétés de demain.

Je m'étais laissée aller, mais je le cite maintenant: «C'est à cet ensemble de besoins que répondent les États-nations, lesquels dépassent les solidarités immédiates de la famille, du clan, du village. Une nation est un vouloir vivre commun qui constitue un premier pas vers l'universel, vers la civilisation de l'universel. Un monde en ordre est un monde de nations indépendantes, ouvertes les unes aux autres dans le respect de leurs différences et de leurs similitudes.» C'est ce que j'ai appelé la logique féconde des nationalités et de l'universalité.

Pour assurer la défense de la Société Radio-Canada et celle de CBC, le Bloc québécois dit «halte». La culture, c'est l'âme du peuple et, sans moyens suffisants, celle-ci ne pourra permettre à ces petits peuples, à ces petits États de jouer leur plein rôle dans un monde qui devient de plus en plus influencé par le géant que nous connaissons bien.

(1230)

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Madame la Présidente, je voudrais d'abord féliciter ma collègue de Mercier pour l'excellence de son exposé quasi spontané. On voit combien la culture, tant québécoise que canadienne, lui tient à coeur et combien elle maîtrise les données fondamentales qui président à son évolution.

J'aimerais que ma collègue puisse commenter les propos que je vais tenir, parce que ce que j'ai pu comprendre du débat qui préside actuellement à l'évolution de Radio-Canada me fait penser aussi à d'autres débats que nous avons eus quant à l'évolution de la culture canadienne et québécoise.

J'en veux pour preuve toute la question des droits d'auteur, où on sent combien cette question est délicate quant à l'évolution, tant du Canada que du Québec, sur le plan culturel. J'en veux à la question de tout ce qui touche à l'autoroute électronique, où le Québec, notamment, de par sa particularité francophone en Amérique du Nord n'est pas reconnu, n'est pas à la table. C'est extrêmement grave. Il ne semble pas invité non plus, de par la logique centralisatrice canadienne.

J'en veux aussi comme exemple tout ce qu'il en est concernant la transaction de Ginn Publishing où on a, du côté du Canada anglais, fait un sacrifice pour un plat de lentilles, où on a laissé aller, semble-t-il, le pot aux roses, à cause d'une logique qui veut qu'on soit de plus en plus inféodés à nos voisins américains.

Je vois dans le débat de Radio-Canada une question transcendante pour l'avenir du Canada anglais, de la culture canadienne-anglaise. Sachant que, quant à la culture francophone québécoise, nous sommes en train d'aménager l'avenir pour faire en sorte qu'elle soit maintenue, j'aimerais que ma collègue commente sur ce filon qui en est de toute l'influence américaine face à des dossiers semblables.

Mme Lalonde: Madame la Présidente, c'est en fait le fil conducteur de mon propos. Il ne faut pas penser que dans ce monde où l'économie joue un si grand rôle, qu'on ne peut faire-et vous me permettrez l'expression-l'économie d'investir dans la culture. Parce que la culture est la fibre même.


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Plus que cela, très concrètement, les industries culturelles, pour une large part, sont ces productrices, ces metteurs en scène des talents et des productions culturelles. Ces industries ont besoin aussi d'être encouragées.

Le fait que le Québec ne soit pas partie des ententes internationales, soit incapable de développer lui-même ses propres contrats bilatéraux, qu'il soit donc exclu de la négociation, des réglementations, souvent incapable de développer les expertises immédiates, qu'il soit incapable de s'attaquer comme tel à certains problèmes comme celui des droits d'auteur, parce qu'il n'en a pas non plus les moyens, qu'il soit incapable aussi, parce que les moyens dépendent d'Ottawa, de continuer par exemple la production régionale et locale, tous ces éléments sont autant de diminution d'être, si on continue cette comparaison.

Les Français qui pourtant, sur le plan de la culture, sont des espèces de champions toutes catégories, investissent très largement dans leur culture, dans leur patrimoine, dans leur télévision, dans leurs artistes.

(1235)

On pourrait dire qu'ils savent combien c'est une industrie importante, mais ils savent aussi combien c'est extrêmement lié à leur place de peuple de moyenne taille dans le monde, et que c'est également lié à ce ciment, parce que la culture aussi est un ciment qui tient, c'est une partie de ce vouloir-vivre collectif, alors ils savent que c'est extrêmement important d'y mettre, d'y consacrer toutes les ressources et toutes les énergies possibles.

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Madame la Présidente, peut-être qu'avant de faire des commentaires sur la motion que nous avons devant nous, j'aimerais faire quelques remarques préliminaires, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés sur ce que je vais dire.

D'abord, je suis profondément convaincu que dans notre pays, nous devons avoir un grand radiodiffuseur public et national. Je suis convaincu que ce radiodiffuseur est important pour assurer notre cohésion, le développement de notre culture, tout aussi bien francophone qu'anglophone. Je suis heureux, ayant écouté les remarques d'un certain nombre de mes collègues de l'opposition, de voir qu'ils apportent leur soutien à cette position, que je n'ai jamais cessé de défendre. Alors, en autant qu'ils continuent à appuyer cette position que je viens d'entendre venant de notre collègue, je suis très heureux de leur contribution. Nous travaillons ensemble pour nous assurer que Radio-Canada continuera à être une grande maison et contribuera aussi au développement de la culture francophone au Québec et dans le reste du Canada.

Ma deuxième observation liminaire concerne le rapport entre le gouvernement et Radio-Canada. Je pense que là non plus, il n'y a pas d'ambiguïtés. Nous avons eu l'occasion de traiter souvent de ces sujets. Le gouvernement, et plus particulièrement le ministre du Patrimoine, a toujours indiqué clairement qu'il respecte l'autonomie de Radio-Canada. C'est important pour la vie de cette grande institution et c'est également important pour la liberté de presse, que nous respectons sans la moindre hésitation.

Alors, quelle est la responsabilité du gouvernement? Eh bien, Radio-Canada appartient à tous les Canadiens et les Canadiennes et le gouvernement a la responsabilité d'assurer que cette propriété de tous les Canadiens et Canadiennes est bien gérée et bien menée. Cette responsabilité s'exprime de façon particulière par l'établissement d'un budget, en autant que les appropriations parlementaires font partie du budget de Radio-Canada et je reviendrai sur ce sujet, et en faisant des nominations au conseil d'administration et, bien sûr, à la direction de Radio-Canada.

Le gouvernement peut s'exprimer comme je viens de le faire au sujet des aspects plus vastes de la position de Radio-Canada dans notre univers de communication. Nous pouvons le faire, nous indiquons quelles sont nos politiques générales, de façon à ce que les gestionnaires de Radio-Canada puissent développer leurs plans, leur administration, d'une façon compatible avec la vision et les grandes politiques du gouvernement du Canada.

La troisième remarque qu'il est important de faire est qu'il faut replacer la réflexion et les décisions qui se prennent au sujet de Radio-Canada dans un cadre plus vaste qui est celui du développement de ce qu'on appelle l'autoroute de l'information. Cette autoroute de l'information contiendra, bien sûr, de l'information, mais elle contiendra des produits culturels qui seront nombreux et qui seront importants. Aucune ambiguïté ici, le gouvernement du Canada, s'exprimant par ma bouche, n'a pas cessé de répéter que nous souhaitons que le contenu canadien domine sur cette autoroute de l'information. Je pourrais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, mes collègues de l'opposition ont également appuyé cette position, en indiquant qu'il est important que l'autoroute de l'information soit un véhicule d'une culture canadienne et bien sûr, également, d'une culture francophone canadienne et québécoise, qui en font partie.

(1240)

Que devons-nous faire maintenant? Eh bien, nous avons trois institutions fondamentales qui sont la propriété du Canada et qui peuvent contribuer à créer ce contenu canadien. Ce sont, bien sûr, Radio-Canada, qui est la plus grande institution, mais également, l'Office national du film et Téléfilm Canada. Je dis que ce sont des institutions son et image, et cette année, 1995, sera certainement une année où des décisions fort importantes devront être prises au sujet de la création de sons et d'images par les producteurs canadiens.

Nous avons sur ce sujet de nombreuses études en cours, mises en marche par mon collègue, le ministre de l'Industrie, et moi-même. Il y a une référence au CRTC, il y a un comité consultatif sur l'autoroute de l'information, il y a plusieurs autres opérations en cours. Tout ceci nous mènera à des décisions fondamentales, un peu plus tard au courant de l'année, lorsque ce système de consultation nous apportera tous les éléments dont nous avons besoin pour construire des politiques, l'architecture de l'autoroute de l'information et les règles de la route sur cette autoroute.

Je crois qu'il est important de dire ces choses, parce que c'est dans ce cadre que Radio-Canada, ainsi que les deux autres institutions que j'ai mentionnées, doit s'inscrire et faire sa contribution, doit avoir sa place. Il est tout à fait naturel que l'on se penche sur cette question et que l'on réfléchisse à la façon dont Radio-Canada pourra jouer ce rôle.

Cela m'amène aux décisions contenues dans le Budget et qui touchent plus particulièrement Radio-Canada. Il y en a trois. Ce n'est pas compliqué, il y en a trois. La première est une décision


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prévoyant un examen approfondi du soutien du gouvernement du Canada aux trois agences que j'ai nommées et de leur mandat.

Il est bien sûr que si nous examinons les mandats de ces trois institutions, c'est pour nous assurer qu'elles soient le mieux capables de remplir leur rôle sur l'autoroute de l'information. Ces mandats, je les comprends d'une façon large, je ne comprends pas simplement une phrase dans un texte de loi. Je crois qu'il est sage, au moment où l'on regarde l'ensemble de nos communications, de regarder cet aspect particulier du mandat. C'est donc la première décision. J'aurai le plaisir d'annoncer, très prochainement, la formation du groupe de personnes qui exécuteront cette tâche et les termes très spécifiques de ce mandat.

La deuxième décision du Budget, c'est de retransférer Radio-Canada International à Radio-Canada. C'est une décision prise parce que l'on a jugé que Radio-Canada devait reprendre la responsabilité de cette agence. Je sais qu'il y a des conséquences budgétaires, mais la façon dont le transfert se fera et les aspects budgétaires de ce transfert peuvent faire l'objet de différentes discussions entre Radio-Canada et le gouvernement.

Finalement, il y a l'appropriation parlementaire pour l'année fiscale prochaine. C'est une appropriation qui prévoit une réduction de 4 p. 100 de la base budgétaire de Radio-Canada, en autant que l'on parle d'appropriation parlementaire pour cette année financière qui s'achève. Alors, pourquoi y a-t-il eu tant de questions qui se sont posées, puisque ces décisions sont claires?

On nous a demandé pourquoi nous n'annoncions pas en même temps les appropriations parlementaires pour une deuxième et une troisième année financière? La réponse est simple. Si l'on croit au sérieux de l'opération que nous menons sur les mandats, et à la réflexion que nous faisons, il est sage d'attendre les résultats de cette réflexion et les recommandations que nous en recevrons pour savoir où se situera exactement le budget de Radio-Canada dans la deuxième et la troisième années.

(1245)

Quand on a un véhicule et qu'on doit faire le chemin d'Ottawa à Montréal, il faut moins d'essence que si l'on prend son véhicule pour aller jusqu'à Québec. Il y a donc un rapport entre mandat et budget, et la personne qui a mis le doigt là-dessus à plusieurs reprises et qui l'a fait publiquement, c'est le président de Radio-Canada. Donc, nous avons répondu et nous tiendrons compte de la définition des mandats lorsque nous nous acheminerons vers le prochain Budget, celui de l'année prochaine.

Il y a un autre élément dont nous devons tenir compte. C'est le travail qu'a fait le Comité du patrimoine canadien de cette Chambre. Ce travail fut une réflexion sur Radio-Canada. Ce travail inclut, comme la référence l'indique, ou inclura, je l'espère, des réflexions sur des sources possibles de financement auxquelles Radio-Canada pourrait avoir accès. D'ailleurs, ce rapport que j'attends n'est pas le seul document à parler de la possibilité de créer des sources nouvelles auxquelles Radio-Canada pourrait avoir accès.

Comment pouvons-nous couler dans le béton des budgets à venir, alors qu'il y a des éléments fondamentaux de la situation financière de Radio-Canada qui nous échappent encore?

Je voudrais terminer en disant que je partage l'opinion qui a été exprimée partout dans cette Chambre, tant par mes collègues du côté du gouvernement que par mes collègues de l'autre côté de la Chambre, à savoir qu'il est important que le contenu de notre autoroute de l'information, le contenu que vont fournir notre secteur public et notre secteur public de son et d'images, soit largement majoritaire sur cette autoroute.

Je suis allé il y a quelques semaines à Bruxelles, à la rencontre des ministres des Communications du G-7. Il s'est trouvé que j'étais le seul ministre présent à être également chargé de problèmes culturels. Le message que j'ai apporté a été essentiellement celui que je viens d'énoncer: on ne peut pas parler simplement de construire une infrastructure; il faut avant tout penser au contenu qui va circuler sur cette infrastructure.

À la suite de mes interventions, on a cessé de parler de l'infrastructure globale d'information et on a commencé à parler de la nouvelle société d'information. Je crois qu'il s'agit de quelque chose de très important, car j'ai reçu un appui unanime, y compris de la délégation américaine, lorsque j'ai dit que le contenu qui allait passer sur ces grandes autoroutes internationales devait avoir des cultures diverses, des langues diverses et ne devait pas sombrer dans une uniformité qui ne serait pas positive pour les créateurs du monde entier.

C'est là-dessus que je termine mon observation. Nous sommes en train de faire des politiques importantes. Je sais que c'est une période difficile. On ne peut pas ignorer les contraintes budgétaires qui existent et que tout le monde comprend. Nous avons décidé que nous devions tous contribuer à diminuer le déficit budgétaire. Il ne faut pas se faire d'illusions là-dessus. Ce gouvernement mène une politique budgétaire rigoureuse, mais il ne faut pas oublier qu'elle est appuyée par 70 p. 100 de la population. Je suis heureux de dire que les agences qui me rendent compte m'ont toutes dit qu'elles comprenaient la situation budgétaire du gouvernement et qu'elles étaient prêtes à coopérer pour assurer que nous sortions enfin de cette période de déficit qui rend si difficile la gestion de ce pays.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Madame la Présidente, je remercie le ministre de s'être déplacé pour venir nous livrer son message. Je voudrais soulever quelques questions.

D'abord, j'ai été intéressée de voir qu'il avait un message clair à nous livrer en quelques points. L'année dernière, à partir du moment où on a été élus jusqu'à la fin de juin, on a passé deux jours par semaine, au Comité du patrimoine canadien, à recevoir des gens qui venaient nous entretenir de l'autoroute électronique pour apprendre que M. Manley et M. Dupuy, les deux ministres, formaient un comité qui demanderait au CRTC de s'occuper de l'inforoute.

(1250)

On recommence maintenant. Les mêmes personnes qui étaient venues devant nous passent à nouveau devant le CRTC.

Le ministre a dit tantôt: «Je ne peux pas annoncer les coupures budgétaires pour l'an prochain ni pour l'autre année.» Il dément encore une fois les sources qui ont dit très clairement, dans les journaux et à la télévision, que l'on connaît déjà les coupures de l'an prochain. Il a dit: «On ne peut pas faire cela, parce que j'ai demandé à plein de gens de se pencher sur la question.» Justement, le Comité du patrimoine canadien fait de


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l'«occupationnite» depuis six mois. Il reçoit tout plein de gens qui viennent lui parler de la Société Radio-Canada. Et même avant que notre rapport soit sorti, on sait déjà que le rapport des parlementaires va être soumis à un comité de trois experts et on sait déjà aussi que les décisions sont prises.

On a coupé 44 millions de dollars cette année. Si on ne peut pas couper l'an prochain, parce qu'on ne connaît pas le résultat du travail de l'éventuel comité qui sera mis sur pied, comment a-t-on pu déjà prendre la décision de couper cette année? Je ne suis pas en train de dire que le statu quo était, au plan financier, ce que l'on recherchait. Pas du tout. Mais on n'a même pas attendu que le comité fasse ses études, ou on ne lui a pas donné son mandat assez tôt, parce qu'on fait de la planification à courte vue, pour que les travaux de notre comité aient une influence sur le Budget.

On a posé la question: «Est-ce qu'on doit faire notre travail de façon accélérée pour pouvoir influencer le Budget?» Jamais on n'a eu de réponse là-dessus. Ce qui est déplorable, c'est que de l'argent des contribuables a déjà été investi pour les études SECOR, qui a étudié la situation de Téléfilm et de l'Office national du film. Comme cela ne faisait pas l'affaire, on refait une autre étude. On pense que l'on va tout régler par l'inforoute. C'est comme si l'on décidait de construire une autoroute pour traverser le Canada et qu'on se départissait de nos routes nationales. Il faudra toujours, malgré l'inforoute, conserver nos routes nationales.

On est en train de laisser se détruire la route nationale qu'est la Société Radio-Canada en lui donnant une situation financière qui est inacceptable pour l'instant et sans avoir pris le temps de prendre les bonnes décisions, par exemple sans avoir pris le temps de s'interroger sur la nécessité de garder le siège social, sur la nécessité d'envoyer chaque année Radio-Canada au CRTC, etc. On va couper à plein d'endroits, mais quand on annonce que l'on va couper tant de postes, ce n'est pas évident que l'on va couper au niveau des vice-présidents, au niveau des personnes qui n'ont pas d'effet sur la production afin de pouvoir les garder sur place.

Comment le ministre peut-il nous garantir qu'on va garder à l'intérieur de la Société. . . Il faut bien prendre des décisions pour administrer les 180 millions de dollars de manque à gagner, les 44 millions de dollars qu'on vient de couper, ainsi que les 15 millions de dollars nécessaires pour gérer Radio-Canada international. Peut-on nous assurer que ce ne seront pas les artisans et les artisanes, les producteurs et les créateurs qui vont perdre leur emploi? Comment peut-on nous garantir qu'on va enlever les personnes qui ne sont pas directement utiles à la production, mais qui nourrissent une bureaucratie qui fait en sorte que Radio-Canada est obligée d'émettre d'Ottawa des chèques pour payer des gens qui participent à des émissions de télévision en Nouvelle-Écosse, par exemple?

M. Dupuy: Parlons d'abord des rôles respectifs du CRTC et du Comité du patrimoine canadien. Ils ne traitent pas des mêmes sujets, bien qu'il s'agisse de sujets voisins.

Le CRTC a un mandat qui touche les problèmes de concurrence entre le secteur de la câblodistribution et les compagnies de téléphone, qui couvre un ensemble de sujets qui sont de nature tout autant industrielle et commerciale que culturelle, mais qui ne font pas partie du mandat de Radio-Canada.

(1255)

Précisément, je crois qu'il était très important, étant donné l'importance que le gouvernement attribue à Radio-Canada, qu'on ne laisse pas toute une discussion sur l'architecture de l'autoroute électronique se dérouler en ignorant les radiodiffuseurs, en particulier le plus grand de tous.

Voilà précisément pourquoi j'ai voulu qu'il y ait une opération de réflexion sur Radio-Canada qui soit ouverte à toutes les parties et à tous ceux qui décidaient de témoigner.

Pour ce qui est de la relation entre les rapports que fera le Comité du patrimoine canadien et le dernier Budget, il est bien sûr qu'il était possible au Comité du patrimoine canadien de faire un rapport très rapide, mais je crois qu'ils ont fait ce qu'il fallait. Ils se sont donné le temps de réfléchir et ils nous donnent le temps de réfléchir aussi. Nous avons fixé une année financière, mais c'est précisément pour avoir le bénéfice de ces conseils que nous allons recevoir du Comité du patrimoine et des autres organismes de consultation.

Il n'y a rien d'anormal à ce qu'un gouvernement, qu'il soit de couleur libérale ou autre, qui a toujours déterminé dans son Budget les engagements pour l'année financière suivante continue à le faire. Ce monde n'est pas un monde de certitude absolue; le monde change. Précisément nous sommes dans une période d'immenses changements dans le domaine de la communication. Dire: «Nous allons prendre des décisions pour les 15 prochaines années», alors que tout est en mouvement et que nous n'avons pas encore le résultat de ce travail sérieux qui est en train d'être fait, serait irresponsable.

Cela m'amène à une observation sur les études. Bien sûr, il y a beaucoup d'études. On en a jusqu'à la ceinture, des études. Ce que nous faisons, ce n'est pas déclencher une nouvelle étude. Que l'on soit clair là-dessus et que l'on n'entretienne pas la confusion. Ce que nous essayons de faire, c'est d'avoir des gens qui vont synthétiser tout cela, qui vont aider le gouvernement à synthétiser et à faire des recommandations précises. Ce n'est nullement une façon de retarder les choses. Au contraire, c'est une façon de les accélérer.

N'oublions pas qu'à partir de l'été et du début de l'automne, nous allons commencer à voir à la préparation du prochain Budget. C'est exactement ce que les échéances prévues vont nous obliger à faire. Au prochain Budget, on aura des réponses qui, je l'espère, satisfairont Radio-Canada.

Je dois dire que je condamne l'attitude du Bloc, qui essaie de créer de l'incertitude, précisément chez les gens qu'il prétend défendre. Ce sont les artisans qui vont souffrir et ce sont les gens qui vont être angoissés par cette confusion que le Bloc essaie d'entretenir pour des motifs qui ne sont pas toujours clairs. Je n'entrerai pas dans les détails. Je crois qu'au contraire, il faut


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expliquer la vérité et le processus aux gens qui, eux-mêmes, vont être les créateurs. C'est ce que nous essayons de faire, et j'espère que j'aurai la collaboration de mes collègues pour assurer à ces gens qui ont toujours apporté une contribution admirable à la culture canadienne, à la culture du Québec, que nous essayons de les aider et de leur donner un mandat où ils auront véritablement leur place.

N'allons pas dire que le gouvernement essaie de détruire Radio-Canada. Au contraire, le gouvernement est en train de s'assurer que Radio-Canada soit le moyen le plus efficace, la meilleure institution avec les meilleures politiques pour poursuivre un mandat renouvelé.

[Traduction]

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Madame la Présidente, la motion du Bloc québécois dit ceci:

Que la Chambre condamne le gouvernement pour le refus du ministre du Patrimoine canadien de rendre publiques les décisions gouvernementales relatives au financement de Radio-Canada pour les trois prochaines années, faisant ainsi planer une menace lourde de conséquences sur le réseau français de la société.
(1300)

Essentiellement, le Bloc québécois reproche au gouvernement de ne pas rendre compte de ses décisions en matière de dépenses. Il va sans dire que je suis d'accord. Mon parti aussi. Nous sommes profondément convaincus du principe de la responsabilité.

Si les revirements sont acceptables, et je crois qu'ils le sont, j'ai quelques questions à poser au Bloc québécois. Quand arrêtera-t-il de faire obstacle à des mesures qui intéressent l'ensemble du pays, soit la grève du rail et la loi de retour au travail? Comment le Bloc québécois se montre-t-il responsable envers les citoyens de sa propre province qui perdent leur salaire, leur emploi, leur entreprise et leurs marchés parce qu'il refuse d'agir pour les aider? Où est passé son souci pour les chômeurs?

J'ai vraiment l'impression que le Bloc québécois laisse tomber les citoyens. Il s'est comporté de façon irresponsable dans toute cette affaire, et il a frustré la volonté démocratique de la Chambre. C'est pourquoi cette motion par laquelle il veut imposer une certaine responsabilité au gouvernement me semble paradoxale.

Parlons donc un moment de la responsabilité et de la motion à l'étude. La motion a une portée trop étroite. Le gouvernement séparatiste du Québec a expliqué comment il protégerait les minorités au Québec, mais il n'est pas question dans la motion des services de langue anglaise de la SRC.

Je dois demander pourquoi. Cet engagement envers les minorités au Québec est-il bien profond? J'en doute. Je crois que toutes ces grandes déclarations sur l'équité pour les minorités ne sont que de la poudre aux yeux. C'est une vaine tentative pour amener les non-francophones du Québec à appuyer le Parti québécois au référendum. Je crois que cela ne servira à rien.

Pourquoi est-il si important de parler de responsabilité en ce qui concerne la SRC? De toute évidence, ce principe est valable en tout temps, mais plus particulièrement lorsque l'enjeu est l'avenir de la SRC. Nous avons une dette de 550 milliards de dollars et un déficit d'environ 30 milliards de dollars. C'est un euphémisme de dire que notre situation financière est critique.

En examinant l'ensemble du problème, nous devons nous demander si, à titre de parlementaires, nous allons agir de manière responsable. Nous devons tout d'abord nous interroger sur la nécessité de la SRC. Les gens veulent-ils vraiment d'une institution qui s'appelle la SRC ou est-ce que, en ce moment, ils ne souhaitent pas plutôt des émissions intéressantes qui traitent de questions non abordées par les radiodiffuseurs privés, à un coût tenant compte de nos contraintes budgétaires? C'est là la véritable question qu'il faut se poser. J'en parlerai plus longuement dans un instant.

Voyons tout d'abord les différentes divisions de la SRC. Les auditeurs sont généralement satisfaits des émissions présentées par la radio de la SRC. Cependant, je crois fermement que le choix de sujets abordés par la SRC trahit un léger penchant en faveur de la doctrine libérale et qu'il s'ensuit vraiment un manque d'objectivité par rapport à certaines questions sociales et politiques. Si la SRC remédiait à cela, elle aurait un plus vaste auditoire qu'actuellement.

Je crois aussi que la radio de la SRC pourrait prendre toutes sortes de mesures pour accroître son efficacité et fonctionner beaucoup mieux que maintenant. Comparativement à certains autres services que la SRC fournit, la radio est en relativement bon état.

Le véritable problème vient du réseau anglais de la télévision de la SRC. Le quotidien montréalais The Gazette a récemment publié un article de W. Paterson Ferns dont je recommande la lecture à tous les députés. On y trouve probablement la meilleure description possible des problèmes de la SRC, mais aussi de certaines des solutions. Je tiens à rappeler qu'en l'occurrence, je parle essentiellement du réseau anglais de la SRC.

M. Ferns présente quatre idées principales. Il dit que la SRC devrait recommencer à neuf, repartir à zéro. Elle devrait recommencer en s'engageant dans la voie de la programmation polarisée. À cet égard, M. Ferns cite comme modèle la chaîne 4 britannique. Il souligne que cette chaîne britannique a le mandat de servir tout le monde une partie du temps, et non pas tout le monde tout le temps. En d'autres termes, elle polarise vraiment sa programmation.

Dans son article, M. Ferns soulève implicitement et explicitement la question suivante: pourquoi diable la SRC devrait-elle diffuser des émissions américaines? C'est insensé. Ces émissions sont déjà transmises de part et d'autre de la frontière par des câblodistributeurs. Il faut le reconnaître, le président a admis que c'était une idée stupide. Le président du CRTC en a certes parlé. Il a dit que c'était stupide et que nous devions nous retirer de ce secteur.

(1305)

L'autre question que je me pose est la suivante: pourquoi diffusons-nous des émissions que les réseaux privés transmettent déjà? Pourquoi la SRC est-elle si présente dans les sports? Il est évident que le réseau TSN est plus qu'heureux de diffuser les parties de hockey qui restent, ce qu'il fait déjà d'ailleurs. Doit-il vraiment y avoir du hockey à la SRC? Pourquoi la SRC a-t-elle fait une offre pour la diffusion des Jeux olympiques? Pourquoi fait-elle une offre qui est deux fois plus


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élevée que celle du réseau CTV pour les Jeux olympiques? C'est une question majeure et, en cette période d'austérité, c'est une question vraiment importante. J'estime que c'est une question que doivent régler le ministre du Patrimoine canadien et la direction de la SRC.

Nous devons nous demander, et la SRC doit elle aussi le faire, quelles émissions valables n'offrent pas déjà les réseaux privés. Je ne pense pas que cela ait été fait encore. Je pense qu'une foule d'émissions sont déjà diffusées soit par les grands réseaux, les réseaux américains ou les chaînes spécialisées. Par conséquent, nous devrions nous retirer de ces domaines.

M. Ferns parle aussi dans son article de la nécessité de réduire la taille de l'administration. Il souligne que le canal 4 de la Grande-Bretagne limite son administration à 10 p. 100 de son budget total. Il est très difficile d'examiner les chiffres de la SRC parce qu'ils n'ont pas été divulgués. Mais quand on lit le rapport annuel de la SRC, on se rend compte du montant d'argent qui est consacré à l'administration. Cela appelle une question. Qu'est-ce que la SRC a à cacher? Pourquoi ne divulgue-t-elle pas ces données?

Le Bloc pose la bonne question dans sa motion, qui devrait être posée à l'ensemble de la SRC. Mais il faut poser la bonne question: pourquoi ces données-là ne sont-elles pas rendues publiques? Pourquoi les décisions portant sur les dépenses ne sont-elles pas rendues publiques? La question qui découle des précédentes est la suivante: pourquoi la SRC ne divulgue-t-elle pas comment elle dépense les crédits qui lui sont accordés?

Le pourcentage du budget de la SRC qui est consacré à la gestion n'est pas clair, comme je l'ai déjà dit. Mais nous savons que la SRC a un style de hiérarchie de gestion d'une autre époque. Elle a plusieurs vice-présidents, plusieurs cadres supérieurs ici même à Ottawa ainsi que plusieurs cadres supérieurs au niveau régional. Bref, nous savons qu'il se dépense beaucoup d'argent au niveau de la gestion à la SRC, à cause de cette structure hiérarchique.

Un autre point que M. Ferns a soulevé est que des programmeurs devraient faire partie de la direction du réseau. Je dois admettre que je me suis d'abord opposé à cette idée, en raison des contraintes financières. Cependant, si des mesures de précaution sont prises, ce n'est pas une mauvaise idée.

On n'a qu'à penser au secteur privé et à la remarquable réussite de Moses Znaimer, non seulement à City TV, à Toronto, mais également à MuchMusic et au canal Bravo, qui est l'un des nouveaux canaux spécialisés qu'on offre maintenant aux abonnés du câble dans tout le pays et qui remporte, selon moi, un certain succès.

Des visionnaires comme M. Znaimer sont probablement mieux en mesure de prévoir les goûts du public et ses besoins que les gens eux-mêmes. C'est ce qui explique l'immense succès de M. Znaimer. Si la SRC éprouve des problèmes, c'est peut-être en partie parce qu'elle a accordé trop d'importance à l'administration dans le passé. Même avec des gens comme M. Watson qui était là auparavant, je pense qu'il y avait encore une bureaucratie tellement lourde qu'il était très difficile pour cette vision de la programmation de se refléter dans les émissions offertes par la SRC et de sous-tendre les activités de la société.

Il y a beaucoup de bon dans la proposition de M. Ferns au sujet de la Société Radio-Canada, ainsi que d'autres radiodiffuseurs publics ou privés du monde entier. Selon lui, la SRC devrait être dirigée par un spécialiste de la programmation.

Dans le cadre de mon expérience dans le monde de la radiodiffusion, dans le domaine de la programmation, plutôt que de l'administration ou de la vente, j'ai vu de nombreuses entreprises privées florissantes être dirigées par des gens qui avaient un bon sens de la programmation et une bonne idée de ce que les gens souhaitaient comme émissions. D'un point de vue personnel, je pense que c'est vraiment ce qui s'impose.

(1310)

Un producteur d'émissions est peut-être le meilleur candidat pour diriger une organisation, pourvu qu'elle rende des comptes non seulement au conseil d'administration, mais également à ses annonceurs publicitaires, à son auditoire et aux contribuables. Ce n'est pas ce qui s'est produit jusqu'à maintenant avec la SRC et le gouvernement. On refuse de partager des renseignements très importants pour les contribuables sur la façon dont l'argent est dépensé.

Il faut qu'une institution comme la SRC rende des comptes au Parlement, pas simplement sur papier, mais en réalité. Chaque année, la Chambre doit examiner en profondeur les activités de la SRC. Si elle était sur une mauvaise voie, nous pourrions alors prendre immédiatement les mesures correctrices qui s'imposent.

M. Ferns dit également qu'il faut acheter ses nouvelles et ses émissions d'actualités à une source fiable et commander toutes ses émissions à des entreprises indépendantes. Je pense que c'est tout à fait sensé. Selon lui, on ne doit pas produire des émissions, mais les acheter. La SRC consacre beaucoup de temps, d'argent et de ressources humaines à la production d'émissions alors qu'il existe un énorme secteur de la création qui pourrait répondre à ses besoins. Ces entreprises se feraient concurrence pour lui offrir toutes sortes d'émissions. La SRC devrait en profiter.

Si nous avions ce type de concurrence, cela conduirait non seulement à une amélioration des émissions, mais également à une réduction des coûts de programmation, car les gens feraient tout en leur pouvoir pour présenter la soumission la moins coûteuse possible, afin que leurs émissions puissent passer, en fin de compte, sur les ondes de la Société Radio-Canada. C'est également sensé. Pourquoi investir dans la bureaucratie, l'administration, les immeubles et l'équipement, alors qu'on peut obtenir les émissions directement des créateurs?

Dans l'article, on fait une analogie avec les éditeurs de livres qui n'engagent pas les auteurs pour s'asseoir dans une salle et rédiger des nouvelles qu'on va ensuite publier. Les éditeurs achètent le produit fini. C'est parfaitement sensé et c'est exactement ce que la SRC devrait faire.


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En résumé, nous ne pouvons nous permettre de conserver la SRC sous sa forme actuelle. On ne fait que gaspiller de l'argent, du talent et du temps en imitant ce qui se fait sur d'autres réseaux. Les gens ne regardent pas la SRC. Les annonceurs publicitaires ne lui accordent pas leur appui. Même s'il y a quelques émissions populaires, on ne tient généralement pas en haute estime le réseau de télévision anglais de la Société Radio-Canada.

Cette impression s'accentue lorsque la SRC et le gouvernement s'entourent du plus grand secret. Dans ce cas-là, qui parmi nous n'est pas tenté de poser la question évidente: qu'ont-ils à cacher? De quoi ont-ils peur?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Madame la Présidente, je remercie mon collègue de son intervention que j'ai écoutée attentivement. Il mentionnait, au début, qu'il était surpris de voir que l'on voulait parler de la télévision alors qu'on empêchait les trains de rouler.

Je pense qu'il est extrêmement important de le rappeler encore, on l'a dit plusieurs fois depuis ce matin-ce n'est pas tellement relié au sujet, mais puisqu'on nous ouvre la porte, on va passer-si le gouvernement avait accepté les propositions du Bloc, il y a belle lurette que le projet de loi aurait été adopté et les trains auraient déjà recommencer à rouler, probablement. Alors, qu'on ne nous mette pas sur le dos le fait que les trains ne roulent pas et qu'on ne s'occupe pas de l'économie.

S'occuper de culture, c'est aussi s'occuper d'économie. Ce n'est pas simplement quand les trains roulent qu'il y a de l'économie.

Des voix: Bravo.

Mme Tremblay: Il trouvait aussi que notre motion était un peu étroite parce qu'on ne parlait que du réseau français. Pendant tout son discours, mon collègue n'a parlé que de CBC. Cela est tout à fait normal, il connaît mieux CBC que je ne peux le connaître et je connais mieux la SRC qu'il ne peut la connaître. Comme on a vraiment deux peuples, deux nations, deux cultures, deux de tout dans ce pays et qu'on veut le nier, ce n'est pas étonnant qu'on nous trouve étroits quand on parle du français.

(1315)

Alors, il y a autre chose aussi qui me paraît important de souligner, et j'ai les chiffres ici à l'appui. Quand on s'inquiète des fameuses coupures qui vont arriver à Radio-Canada, la part qui ira au réseau français et au réseau anglais, il est peut-être important aussi que les gens de cette Chambre et tout le monde qui nous écoute à la télévision sachent que pour produire une heure de nouvelles en français, on donne 7 000 $ à la SRC et 18 000 $ aux anglophones. Pour produire une émission de variétés, on donne 30 000 $ à la SRC et 141 000 $ à CBC. Pour une émission dramatique, on accorde 68 000 $ à la SRC et 99 000 $ à CBC.

Donc, il est très facile de comprendre qu'ayant déjà moins d'argent, si on nous coupe de la même façon, on va avoir encore moins d'argent pour produire nos émissions. Le problème, c'est que c'est à la SRC que les émissions sont populaires. C'est à la SRC que les BBM sont positifs. Quelle est l'émission, à la CBC, qui peut se vanter d'avoir eu 4 millions de téléspectateurs?

Des voix: Aucune.

Mme Tremblay: Aucune. Les meilleures émissions à la CBC frisent à peu près 10 à 12 p. 100 de téléspectateurs, ce qui fait à peu près, en gros, en étant très, très, très généreux, environ 2 millions de personnes. Donc, on n'est pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur, sauf qu'on est beaucoup de monde à écouter la télévision et si on avait les mêmes moyens qu'on donne à la CBC, probablement que même les anglophones se mettraient à écouter la SRC, parce qu'ils trouveraient cela intéressant.

Je veux demander ceci à mon collègue: Ne trouve-t-il pas normal qu'on s'inquiète de la situation, à l'heure actuelle, puisqu'on nous présente l'inforoute comme étant l'issue? C'est comme si on nous disait qu'on va régler le sort de Radio-Canada dans 20 ans. Mais qu'en est-il de cette année, l'an prochain, etc.? Il me semble qu'il serait normal qu'on se préoccupe de donner la télévision à tout le monde et si on pense que c'est important d'avoir une télévision généraliste, c'est que d'après les statistiques qui nous ont été données au Comité du patrimoine, il y a des endroits, dans l'Ouest canadien par exemple, où il n'y a qu'une télévision qui atteint les populations rurales, comme c'est le cas au Québec, et c'est la SRC.

Alors, ne serait-il pas normal qu'on trouve un moyen de satisfaire le marché économique? Je veux bien qu'on aide un peu les entreprises privées, qu'on leur permette d'exister, mais ne doit-on pas avoir aussi comme souci important qu'il y ait une télévision généraliste pour l'ensemble de la communauté canadienne, qu'elle soit de langue française ou de langue anglaise? Qu'en pense-t-il?

[Traduction]

M. Solberg: Madame la Présidente, je remercie la députée de sa question. Elle a abordé plusieurs choses, mais je voudrais parler en particulier de sa question concernant le genre de services qui devraient être fournis aux régions éloignées.

Il incombe à la Société Radio-Canada d'offrir des services dans ces régions. Je souscris tout à fait à cette vision des choses. Il y a, cependant, une question plus fondamentale qui se pose et que j'ai d'ailleurs soulevée dans mon discours: cette responsabilité doit-elle incomber exclusivement à Radio-Canada? Qu'est-ce qui est vraiment important? L'organisme qui offre un service ou le fait que ce service soit offert?

Les radiodiffuseurs sont parfois mieux placés pour dispenser un service particulier. En ce qui concerne l'information et l'actualité, par exemple, le secteur privé a indubitablement prouvé qu'il était tout aussi compétent que le réseau d'État.

Je crois que certaines de ces collectivités devraient pouvoir choisir entre un radiodiffuseur privé et la Société Radio-Canada. Le choix final devrait leur revenir.

Même s'il est légitime que Radio-Canada joue ce rôle, une question plus fondamentale se pose: voulons-nous assurer la présence de la société d'État ou un certain type de programmation? C'est sans doute ce que veut la population. En définitive, il lui appartient de décider du genre de services qu'elle souhaite avoir.


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(1320)

Si le choix se porte sur un service que seule la société d'État peut offrir, le gouvernement doit s'en charger. Dans cette optique, la Société Radio-Canada peut jouer un rôle utile dans le Nord. En ce qui concerne la télédiffusion, si une collectivité opte pour le réseau CTV, plutôt que pour le réseau d'État, et que ce choix exige l'installation d'émetteurs, je n'y vois pas d'objection.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Madame la Présidente, c'est avec un immense intérêt que je prends part au débat d'aujourd'hui.

Chose assez étrange en apparence, hier encore, j'étais à la Chambre en train de défendre le programme budgétaire. Mes collègues du Bloc s'écriaient alors: «Encore plus de compressions! Il nous faut effectuer d'autres compressions. On n'a pas encore assez réduit nos dépenses.» La barque du Québec est en train de couler et les mesures prises ne sont pas suffisantes. Aujourd'hui, on entend l'argument contraire: «Vous effectuez trop de compressions. Vos compressions sont trop sévères. Ça suffit!» Et quoi encore?

Chose certaine, aux yeux de la plupart des Canadiens, on ne saurait se contenter du statu quo. À l'aube du XXIe siècle, il nous faut changer, en tant que gouvernement, en tant que pays et en tant que peuple. Le statu quo que défend le Bloc québécois ne constitue pas une solution satisfaisante.

À propos de statu quo, il convient de nous arrêter aux problèmes que connaît actuellement le secteur du rail. Cela s'inscrit d'une façon ou d'une autre dans le même argument, puisque certaines ententes contractuelles comportent des dispositions qui remontent à près d'un siècle.

Ainsi, j'ai été étonné d'apprendre que la description des fonctions du forgeron existe toujours au CN. Il faut être forgeron pour y exercer certains emplois. Le Bloc québécois défend des choses telles que le métier de forgeron, alors même que nous sommes à l'aube du XXIe siècle. Je ne crois pas que ça vaille le coup.

Je tiens à faire savoir aux députés que les gens de ma circonscription, où General Motors est un gros employeur, ne sont absolument pas impressionnés par la capacité de gérer notre économie dont font si manifestement preuve les bloquistes. Nous essayons de gérer la situation et on nous met des bâtons dans les roues.

Nous partageons un vaste continent avec notre voisin du Sud. Ce voisin dispose de ressources considérables, produit une quantité phénoménale d'émissions et possède une riche diversité culturelle, mais il exporte sa culture dans le monde entier. Nos émissions franchissent sans peine la frontière. Alors même que nous sommes en train de nous doter de meilleurs outils de communication, il devient presque impossible d'empêcher ce genre de culture d'embrasser le continent nord-américain, ce qui n'est pas sans avoir de répercussions sur nos cultures française et anglaise.

J'ai toujours été un adepte de la SRC. J'ai toujours cru qu'il fallait promouvoir la culture canadienne, mais il faut la promouvoir dans la mesure de nos moyens.

La SRC a toujours été un chef de file sur le plan de la promotion de la culture au Canada français et au Canada anglais. Je ferais observer que le Canada exporte des émissions en langue française, ce qui a été une réussite. Et cette réussite, nous la devons non seulement à la SRC, mais également à notre régime fédéral qui a reconnu la nécessité de promouvoir ces secteurs et d'assurer leur maintien et leur développement.

À l'aube du XXIe siècle, il est évident qu'il nous faut changer notre façon de gouverner et de gérer l'économie. Il est clair que les gouvernements veulent se retirer de la gestion directe de différents types d'industries, qu'il s'agisse d'industries culturelles ou d'industries comme le CN, et laisser à d'autres le soin de s'en occuper. Cela ne signifie pas que le gouvernement veut abandonner la culture canadienne, loin de là. Cet exercice a pour but de trouver une meilleure façon de fournir les mêmes services.

(1325)

Le CRTC a un mandat qui fait expressément cela. En fait, de nouvelles licences viennent tout juste d'être délivrées. Ce programme de délivrance de licences avait précisément pour but de promouvoir et d'aider la culture canadienne.

Il y a quelques années, le ministère des Finances avait proposé un stimulant fiscal pour venir en aide à l'industrie cinématographique tant anglaise que française. J'étais un peu pessimiste au départ. Je suis toujours pessimiste au sujet des investissements motivés par l'impôt, mais cela a très bien fonctionné au Canada, tant du côté des francophones que de celui des anglophones de notre pays qui ont développé une industrie cinématographique qui est, sans conteste, le meilleur exportateur de programmes de langue française.

Puis, tranquillement, on a laissé tomber les encouragements fiscaux. C'est la même chose dans une famille, quand un enfant grandit. Quand les enfants arrivent à un certain âge, ils doivent apprendre à voler de leurs propres ailes. Ils doivent s'occuper de leurs affaires. C'est ce que nous disons à propos de la SRC.

Même après ces coupures, la SRC recevra encore 1,4 milliard de dollars. On peut difficilement considérer cela comme un petit montant d'argent pour appuyer la diffusion d'émissions culturelles au Canada, peu importe la langue dans laquelle ces émissions sont diffusées.

Nous ne disons pas à la SRC qu'elle doit éliminer beaucoup de postes, ce qui sera peut-être le cas. Nous lui demandons de redéfinir ses objectifs dans notre pays, de nous dire ce qu'elle peut bien faire et de repenser certaines des choses dont elle ne devrait peut-être plus s'occuper.

L'autre jour, quelques journalistes m'ont dit qu'ils trouvaient bizarre que la SRC puisse avoir des journalistes dans presque toutes les villes du pays, tandis que les stations privées devaient rationaliser leurs effectifs et être plus efficaces. C'est ce que nous demandons à la SRC de faire: devenir plus efficace et cesser graduellement de compter sur les fonds publics.


10778

La motion traite très clairement de la préoccupation que suscite la réduction du financement. Je demande aux députés du Bloc: quelle serait l'autre solution? Serait-elle de transférer cette taxe aux pauvres, aux nécessiteux et aux chômeurs pour pouvoir atteindre nos objectifs de réduction du déficit? Voici les solutions de rechange. Nous devons réduire nos déficits et c'est l'engagement que nous avons pris envers les Canadiens. Je peux dire que les Canadiens se réjouissent du leadership dont nous faisons preuve dans ces domaines.

Je sais que les nouvelles entreprises de radiodiffusion sont nombreuses. Le député du Parti réformiste a mentionné CITY-TV, de Toronto, qui possède une vaste gamme de nouveaux programmes de diffusion. Autrement dit, il n'est pas nécessaire d'avoir des sociétés de radiodiffusion publiques pour assurer ce type de production.

En fin de compte, les contribuables disent que nous devons remettre de l'ordre dans nos finances. Même après que tout cela sera terminé, ils devront encore débourser 1,4 milliard de dollars. Ils veulent savoir ce qu'ils peuvent obtenir pour cet argent. À certains égards, ils bénéficient d'un service précieux.

La plupart des Canadiens continueront d'appuyer le financement de la radiodiffusion, mais à un niveau considérablement réduit. Ce n'est que raisonnable. Nous devons nous concentrer sur les secteurs qui ont peut-être besoin d'un peu d'aide, et nous pouvons laisser se tirer d'affaire ceux qui sont en mesure de le faire.

Pour conclure, cela me tracasse beaucoup de constater que les députés du Bloc québécois veulent simplement qu'on continue d'utiliser les vieux systèmes du passé. Ils ne veulent pas faire preuve de souplesse et voir comment nous pouvons changer les modalités du financement qu'assure le gouvernement. Qui plus est, ils ne veulent pas aider leurs industries culturelles, de leurs premiers balbutiements à leur plein épanouissement.

(1330)

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui pour parler de la motion de la députée de Rimouski-Témiscouata. Je suis un défenseur de la SRC et des services qu'elle offre, dans les deux langues officielles, dans notre pays et à l'étranger.

J'ai été stupéfait de voir que la motion affirme qu'une menace plane sur la Société Radio-Canada et, plus particulièrement, sur le réseau français de la société. Le gouvernement ne menace aucunement notre réseau public de radiodiffusion, bien au contraire. Le gouvernement a agi avec responsabilité en s'efforçant de maintenir un équilibre entre, d'une part, la nécessité pour tous les Canadiens de continuer de recevoir des services de radio et de télévision de qualité dans les deux langues officielles et, d'autre part, la nécessité pour le gouvernement de prendre immédiatement des mesures afin de remettre de l'ordre dans les finances du pays.

Pour traiter adéquatement de cette motion, je crois qu'il serait très utile de comparer le modèle de la SRC à des exemples d'entreprises semblables ailleurs. Le Canada n'est pas le seul à chercher à répondre aux questions qui se posent maintenant aux radiodiffuseurs. Les pays et les radiodiffuseurs de tous les coins de la planète sont aux prises avec un univers en pleine transformation, des changements technologiques et des habitudes différentes chez les téléspectateurs.

Les changements fondamentaux qui touchent aujourd'hui la radiodiffusion ont commencé durant les années 80. Cette décennie a été marquée par une augmentation fulgurante du nombre de canaux de transmission par voie terrestre, par satellite et par câble. Ces nouveaux canaux offraient au public une gamme d'options sans précédent quant à leur choix d'émissions. En Europe, le nombre de canaux commerciaux terrestres est passé de quatre, en 1982, à 58, dix ans plus tard, en 1992. Au cours des années 90, la communauté mondiale de la radiodiffusion a commencé à réagir à l'arrivée des satellites de transmission directe vers les foyers. Ces nouveaux satellites donneront lieu à une autre vague d'augmentation fulgurante du nombre de canaux de télévision.

Soyons clairs sur un point aujourd'hui. Le monde ne sonne pas le glas des services publics de radiodiffusion. Partout au monde, les pays réexaminent le rôle de la radiodiffusion et cherchent à adapter leurs systèmes pour relever les défis que crée cet environnement en pleine effervescence. En fait, nous avons peu de raisons de croire que ce changement dans l'environnement de la radiodiffusion signifiera que les services publics de radiodiffusion seront écartés de nos télévisions et de nos radios dans un proche avenir.

Aux États-Unis, l'organisation qui représente les stations de télévision publiques a récemment publié un rapport qui résume ses inquiétudes quant au rôle de la radiodiffusion à l'ère de l'information. Selon les conclusions de ce rapport, la force de la télévision publique dans un univers à canaux multiples viendra de la position qu'elle occupe à titre de réseau de production et de distribution intégré capable d'offrir une programmation spécialisée. Comme au Canada, la télévision publique aux États-Unis cherche à servir des auditoires américains grâce à une programmation éducative et de haute qualité qu'on ne peut trouver ailleurs.

Il est clair que les services publics de radiodiffusion continueront d'avoir un rôle à jouer. L'important est, pour les décideurs du monde entier, comme les députés de cette Chambre, de définir ce rôle spécialisé. Les nouvelles réalités de la multiplicité des canaux ont amené nombre de radiodiffuseurs publics dans le monde entier, par exemple la BBC et NHK au Japon, à revoir complètement leurs activités.

En juillet 1994, un livre blanc sur la radiodiffusion a été publié en Grande-Bretagne. Ce document qui a fait l'objet de nombreuses discussions, examine les nombreux défis auxquels se trouve confronté aujourd'hui l'un des radiodiffuseurs les plus respectés du monde, la BBC. Comme la Société Radio-Canada, la BBC doit faire face à une concurrence croissante en raison de la nouvelle technologie et des nouveaux services. Comme la SRC, la BBC doit essayer de relever ces nouveaux défis à une époque où les ressources sont limitées.

(1335)

Le gouvernement britannique et le comité spécial chargé d'étudier la question ont convenu que la BBC dans sa forme actuelle ne pouvait pas durer. Cependant, en reconnaissant la nécessité d'apporter des changements à la BBC, on a aussi réaffirmé le rôle crucial que jouait le radiodiffuseur public britannique.


10779

De l'avis du gouvernement britannique, l'un des objectifs-clés de la BBC devra être de refléter l'identité nationale du Royaume-Uni et d'enrichir le patrimoine national. En outre, la BBC s'est engagée à offrir un vaste choix d'émissions de haute qualité qui renseignent, divertissent et éduquent le public qu'elle sert.

Le Japon a aussi reconnu les défis mondiaux auxquels sont confrontés les radiodiffuseurs par suite d'une plus grande concurrence dans le domaine de la radiodiffusion et de la technologie. Le radiodiffuseur public japonais, NHK, a procédé à un examen de son rôle et de sa responsabilité en tant que radiodiffuseur public. Cet examen a donné lieu à la publication, en 1993, d'un document intitulé «Future Framework», dans lequel NHK examine les nouveaux défis et les nouvelles perspectives de la radiodiffusion en ce qui concerne par exemple l'accès aux services multimédias et multicanaux, la télévision haute définition et les services de radiodiffusion par satellite.

Dans ce rapport, NHK réaffirme qu'elle s'engage à fournir des reportages de haute qualité et à assurer des services d'information de haut calibre. En outre, le radiodiffuseur public japonais s'est adapté à la mondialisation croissante de l'industrie de la radiodiffusion en augmentant sa participation à des coproductions internationales et à d'autres initiatives.

La NHK a maintenant des ententes avec diverses organisations dans plus de 30 pays. De plus, elle a rompu sa tradition de produire elle-même la presque totalité de sa programmation et a commencé à commander des réalisations à d'autres maisons de production.

Les radiodiffuseurs publics du monde entier font l'impossible pour remplir le rôle que l'État leur a confié. La plupart servent une fin unique dans le milieu de la radiodiffusion, une fin que le secteur privé n'aura peut-être jamais envie de prendre à son compte. Les radiodiffuseurs privés ont en effet des buts complètement différents de ceux de leurs homologues du secteur public. Les radiodiffuseurs privés doivent avoir une programmation qui corresponde non seulement aux préférences de leurs auditeurs, mais aussi de leurs commanditaires.

Le gouvernement du Canada ne laissera pas stagner le réseau bilingue de télédiffusion publique, bien établi dans notre pays, de même qu'il ne permettra pas qu'il se laisse dépasser par la technologie ou les autres changements qui se produisent dans le monde de l'audio-visuel.

Le gouvernement a pris connaissance des précédents à l'échelle internationale et en a tiré des conclusions très instructives. Il a cependant fait plus que simplement vérifier comment les autres pays s'en tirent, compte tenu des progrès de la technologie. Il a aussi fait preuve de leadership en établissant une stratégie avant-gardiste pour trouver des solutions aux défis qui se posent pour notre système de radiodiffusion publique bilingue.

Cette stratégie prévoit notamment un examen approfondi du mandat de Radio-Canada, de l'Office national du film et de Téléfilm Canada dans le cadre global du secteur canadien de l'audio-visuel. Les changements technologiques et l'évolution du marché ont rendu cet examen urgent. De son côté, la situation financière de notre pays a rendu cet examen nécessaire.

En examinant le mandat de Radio-Canada à la lumière des circonstances nouvelles que connaît le monde des communications de notre pays, le gouvernement du Canada montre clairement qu'il a confiance dans l'avenir du réseau national de radiodiffusion publique.

Comme je l'ai déjà dit, nous ne sommes pas les seuls au monde à réexaminer le principe de la radiodiffusion publique. Nous croyons fermement que la perspective dans laquelle nous envisageons les défis de la radiodiffusion publique servira de modèle et de source d'inspiration pour d'autres radiodiffuseurs publics et d'autres États du monde.

J'ai reçu un grand nombre de lettres et d'appels téléphoniques d'électeurs désireux de manifester leur appui à Radio-Canada. J'ai un message à communiquer aux gens de ma circonscription et à tous les autres qui défendent la SRC. Je veux mentionner, entre autres, Orra Henan, Alex Robertson, Floyd Howlett, Ricky Cherney, les membres de l'Orchestre symphonique de Peterborough, le personnel de la galerie d'art, les membres de la troupe de théâtre, les professeurs et les étudiants qui se sont mis en rapport avec moi. L'un d'eux en particulier, M. Alex Robertson, a parlé de Radio-Canada comme du ciment de la nation. Je veux dire à tous ces gens que j'apprécie le soutien qu'ils m'ont témoigné et que je suis d'accord avec eux sur le rôle de la télédiffusion publique au Canada.

(1340)

Je m'oppose à l'opinion des réformistes, selon laquelle la meilleure solution serait de vendre Radio-Canada au premier venu. À mon avis, les réformistes n'ont pas la moindre idée de ce que signifie un pays et ne comprennent pas que nous sommes ici pour diriger un pays, et non une entreprise. Je pense aussi qu'ils ne savent pas du tout quel est le rôle d'un gouvernement. Le gouvernement canadien devrait s'occuper du service public de la radiodiffusion. Je rejette le point de vue des réformistes.

Je suis également en désaccord avec les députés bloquistes. Je ne crois pas que la Société Radio-Canada, qui, même après les modifications proposées, disposera toujours d'un budget dépassant largement un milliard de dollars, devrait être à l'abri des changements que nous devons tous subir comme membres de la société, que nous soyons fonctionnaires, membres du secteur privé ou simples citoyens.

Radio-Canada est une institution qu'il faut appuyer. Comme les autres institutions, elle doit être l'objet d'une rationalisation pour pouvoir faire face aux circonstances financières actuelles. Nous aurons donc une organisation plus petite et plus efficace qui renferme les germes ou les fondations d'un futur service public de radiodiffusion qui sera encore plus solide lorsque notre situation financière s'améliorera.

C'est pourquoi je vais me prononcer contre la motion de la députée.


10780

[Français]

Mme Tremblay: Madame la Présidente, je voudrais remercier mon collègue de s'être donné la peine de parler, aujourd'hui, sur la motion que j'ai présentée ce matin. Je l'apprécie beaucoup.

Je voudrais lui poser une question. Vous avez peut-être entendu les chiffres que je vous ai donnés tantôt de la disproportion de financement entre la Société Radio-Canada et CBC. Je les répète pour le bénéfice des nouveaux téléspectateurs ou les nouveaux auditeurs: les nouvelles, 7 000 chez les francophones, 18 000 chez les anglophones; une émission de variété, 30 000 chez les francophones, 141 000 chez les anglophones; les dramatiques, 68 000 chez les francophones, 99 000 chez les anglophones.

En appliquant arbitrairement la même coupure, c'est-à-dire la même chose au secteur francophone et au secteur anglophone, quand on prend en considération le succès de la télévision francophone, d'une côte à l'autre, pour qu'il y ait quatre millions de personnes qui écoutent la La Petite vie, il faut presque qu'il y ait des anglophones qui l'écoutent en cachette. Autrement, il est très difficile de trouver en même temps quatre millions de francophones qui ont le goût d'écouter la même émission. Alors, en appliquant les coupures de la même façon pour tout le monde, ne croyez-vous pas, cher collègue, que c'est là une façon de pénaliser le succès de la SRC?

[Traduction]

M. Adams: Madame la Présidente, comme la députée le sait, j'ai suivi le débat aussi attentivement que tout autre député ici aujourd'hui. Lorsque j'ai parlé plus tôt, j'ai insisté sur le fait-comme je vais essayer de le faire encore maintenant-que j'appuie fermement la SRC et ses services dans les deux langues. J'appuie ces services d'un bout à l'autre du pays, comme je l'ai mentionné ce matin.

J'appuie le service en français dans le Nord et dans nos régions rurales. J'appuie le service en anglais au Québec. J'appuie notre service radiophonique international, Radio Canada International, et je suis heureux qu'il se distingue des autres par le fait qu'il diffuse des émissions dans les deux langues officielles aux Canadiens qui sont à l'étranger ainsi qu'à d'autres personnes. J'appuie fermement l'existence des services dans les deux langues.

Je vais maintenant répondre à ses questions. J'ai délibérément employé le mot rationalisation au lieu de réduction des effectifs. Cela veut dire que c'est vraiment ce que nous faisons. Nous avons un gouvernement qui, à cause de la dette dont il a hérité, fonctionne aux deux tiers de sa capacité parce qu'un tiers de nos recettes servent à payer l'intérêt sur la dette. C'est une situation dont nous avons hérité. Je ne rejette le blâme sur personne. Je ne fais qu'énoncer un fait.

Afin de nous débarrasser de cette dette, nous entreprenons un exercice dangereux mais très nécessaire. Nous devons réduire encore davantage notre gouvernement qui fonctionne déjà aux deux tiers de sa capacité afin d'éliminer la dette et de pouvoir ensuite recommencer à fonctionner comme un gouvernement national pleinement efficace. Je suis certain que nous pouvons y arriver. Toutes les réductions doivent être faites de façon à rationaliser ce qu'il reste. Nous devons laisser dans chaque ministère et dans chaque programme la base à partir de laquelle nous pourrons rebâtir un ministère ou un programme 100 p. 100 plus fort à l'avenir.

(1345)

Pour répondre à la question au sujet de la SRC, notre gouvernement a fait des réductions très différentes dans tous nos ministères et organismes. Il y un ministère dont le budget a été réduit de 55 p. 100, un autre qui a eu droit à une légère augmentation de son budget. Dans le cas de tous les autres, nous avons pris une décision réfléchie sur les réductions qui devaient être faites. C'est ce qu'on appelle de la rationalisation.

Je ne crois pas que ce soit à la Chambre de décider de la façon d'appliquer ces réductions à l'intérieur d'un ministère ou d'un programme. Nous devrions plutôt dire à nos ministères et organismes de s'arranger avec le budget que nous leur donnons.

Je répondrai donc à la question de la députée que, à mon avis, la SRC devrait administrer ses propres affaires et déterminer elle-même où il faut faire des réductions.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Madame la Présidente, il était étrange d'entendre l'orateur précédent dire qu'il était pour Radio-Canada anglais et pour Radio-Canada français. Il est pour, mais il coupe les budgets! Ceci me fait penser au muet qui dit au sourd: «Fais attention, je pense qu'il y a un aveugle qui nous surveille.» C'est à peu près le langage qu'on entend aujourd'hui des Libéraux.

Mais le problème est plus complexe que cela lorsqu'on réfléchit à la motion fort importante qu'a déposée la députée de Rimouski-Témiscouata sur Radio-Canada. En fait, voir agir le Parti libéral actuel, c'est le voir agir comme il l'a fait historiquement, toujours de la même manière. C'est-à-dire qu'un parti qui est rendu au pouvoir a un langage complètement différent de celui qu'il avait pendant la période électorale.

Rappelons-nous la bataille qu'avait livrée Trudeau contre Stanfield aux élections, dans les années 1970. Il disait: «Jamais le contrôle des prix des salaires!» Six mois après les élections, le premier ministre Trudeau annonçait le contrôle des prix et des salaires. C'est le parti des deux langages, des deux discours.

Un peu plus tard arrivent les élections des années 1980, avec le renversement du gouvernement Clark. On se rappelle qu'on disait: «Avec nous, il n'y aura jamais d'augmentation des prix de l'essence.» Six mois après les élections, l'essence avait augmenté de 65c.

Les Libéraux avaient pris trois grands engagements pendant la campagne électorale, dont la diminution du déficit. Après les élections, le déficit est passé de 13 milliards de dollars à 38 milliards de dollars. Ils avaient dit: «Diminution du nombre de chômeurs». Un an après les élections, le nombre de chômeurs était passé de 800 000 à 1 million et demi. C'est le parti des deux discours.


10781

Ils avaient dit: «Nous contrôlerons les dépenses de l'État.» Un an après les élections, les dépenses étaient passées de 85 millions de dollars à 110 millions de dollars.

Rappelons-nous le référendum du début des années 1980, le 20 mai. Rappelons-nous qu'ils avaient dit: «Nous nous engageons, et nous mettons nos sièges en jeu, à répondre aux aspirations historiques du Québec.» Deux ans plus tard, poignard dans le dos du Québec! Qui tient le poignard? Le chef actuel du Parti libéral, qui a toujours été un animateur de ces changements de discours avant et après les élections.

On nous avait dit lors du référendum: «Attention, le dollar vaut présentement environ 1,03 $ américains; il va baisser à 80c.» On avait publié de petits dollars à 80c. avec l'image du ministre Bérubé du Québec. La piastre est maître, comme on disait. Mais deux ans plus tard, qu'est-ce qui arrive avec le gouvernement Trudeau? La piastre tombe à 69c. C'est cela, le langage des Libéraux avant les élections, mais après les élections, c'est tout à fait différent.

On avait parlé également du chômage et du déficit qu'on contrôlerait. Tout ce qu'on nous avait promis pour qu'on dise «oui» au référendum, on l'a balayé du revers de la main et on a dit: «On s'en fout.» Ensuite, on a fait exactement le contraire. C'est cela, le langage des Libéraux.

Rappelez-vous les élections de 1993. Qu'avaient-ils promis dans leur livre rouge? Qu'avaient-ils promis pendant la campagne électorale? Rappelez-vous ce qu'ils avaient dit au sujet du libre-échange. Ils avaient déchiré leur chemise contre le libre-échange.

(1350)

Un mois après les élections, à quatre pattes, notre ami le premier ministre se rendait signer le traité de libre-échange, à Ottawa, en concédant davantage. C'est cela les deux discours du Parti libéral.

Avant, on disait: Nous sommes contre le patronage, et on dénonçait à grands cris les nominations politiques du Parti conservateur. Mais, après les élections, il a fallu récompenser les «chums.» Il a fallu donner raison au sénateur Rizzuto. Qu'a-t-on fait? On a nommé, par exemple, Michelle Tisseyre, candidate libéral défaite dans un comté du Québec, avec un beau petit contrat de six mois, pour le Conseil privé, à 49 000 $. Un salaire annuel de 98 000 $, ça fait un petit contrat privé. On a nommé Camille Samson, responsable des nominations politiques. On a nommé Jacques Saada à l'ACDI, à un salaire de 100 000 $ par année. On a récompensé les chums. Mais que faisait le «rat Pack» qui était ici, ces libéraux qui dénonçaient ce patronage?

Qu'est devenu le député de Glengarry-Prescott-Russell? Il est devenu, comme on le disait dans le journal: le lion est devenu une souris. Aujourd'hui, il applaudit ces nominations politiques, aujourd'hui, il se fait complice de ces nominations politiques, il applaudit quand on nomme un pseudo-constitutionnaliste comme M. Dion, avec un contrat de 10 000 $ discrètement au Conseil privé. C'est parce qu'un journaliste a réussi à aller fouiller et trouver cela. Autrement, jamais en aurait-on entendu parler. On le paradait aux émissions d'affaires publiques pour défendre le fédéralisme objectivement, alors qu'il n'était qu'un salarié du bureau du premier ministre par le biais du Conseil privé.

Où est rendu le «rat Pack»? Où est-il rendu? Il est silencieux. Ces nouvelles souris libérales! Langage différent encore, avant les élections et après les élections. On parlait de chômage, à ce moment-là. La critique du Parti libéral déchirait sa chemise contre les coupures Valcourt. Au premier budget, quelques mois après les élections, la réforme d'assurance-chômage proposée par le ministre actuel des Finances, avait dix fois plus de coupures que les coupures Valcourt, et les députés qui criaient ici, le «rat Pack» inclus, sont devenus silencieux.

Que pourrait-on dire de nos défenseurs de la classe agricole? Que disait-il le député de Glengarry-Prescott-Russell lorsqu'il défendait les agriculteurs de son comté? Jamais il n'accepterait de coupures. Aujourd'hui, il trouve normal que dans un budget, on coupe de 30 p. 100 les subsides et de 30 p. 100 le revenu garanti. Il trouve cela normal. On avait dit, avant les élections, que nous allions défendre la fonction publique. Que fait-on après les élections, en moins d'un an? On coupe 45 000 postes. Et cela, c'est normal, et on applaudit. C'est cela le Parti libéral, le parti des deux discours: le discours avant la campagne électorale et le discours après la campagne électorale.

C'est dans cet optique-là. Quand on parle de création d'emplois, c'est pareil. On a fait le discours électoral sur jobs, jobs, jobs, mais après, dans le discours du ministre des Finances, pas un mot sur la création d'emplois. Au niveau de la survie de la culture française, combien ont-ils crié au Parti libéral qu'ils étaient les protecteurs de la culture française hors Québec? On promettait de tout mettre en oeuvre, mais aujourd'hui, ces députés-là restent silencieux lorsqu'on coupe 5 p. 100 du budget d'opération des associations francophones hors Québec et acadienne.

Où sont-ils ces députés francophones qui devaient être le porte-parole des francophones à l'intérieur de ce parti pour s'assurer que la vie française existe encore au Canada? Où est le député de Restigouche-Chaleur? Où est le député de Carleton-Gloucester? Pourquoi ne parlent-ils pas? Pourquoi restent-ils silencieux? Celui de Nickel Belt? Celui de Glengarry-Prescott-Russell? Celui de Cochrane- Supérieur? Celui de Saint-Boniface? Celui de Cap-Breton? Celle de Madawaka-Victoria? Celui de Beauséjour? Celui de Timiskaming-French River? Où sont-ils? Que disent-ils? Que disent-ils lorsqu'on coupe 5 p. 100 du budget? Où sont leurs promesses électorales? Deux discours: un avant les élections, un après les élections. Voilà!

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(1355)

On arrive ensuite à l'aspect culturel, et dans le domaine culturel, c'est encore plus effrayant. Prenons, par exemple, les droits d'auteur et la loi qu'on nous a imposée il y a quelques mois. Qu'avait dit le Parti libéral au Conseil des arts? L'engagement officiel du Parti libéral au Conseil des arts sur les droits d'auteur disait ceci: «Le Parti libéral aura pour priorité de réviser la Loi sur le droit d'auteur. Les libéraux comprennent l'importance du droit d'auteur. C'est pourquoi, lorsque nous réaménagerons l'organisation administrative, nous réviserons la décision des conservateurs qui souhaitent partager entre deux ministères la compétence en cette matière.» Il s'était engagé à cela, mais tout à coup, dans la Loi sur les droits d'auteur, on retrouve exactement la même loi que la loi Campbell. Alors, ils on tenu un discours avant les élections, et un autre discours après les élections.

Ils arrivent ensuite au niveau culturel. Quand on parle de la Conférence canadienne des arts, qu'est-ce qu'ils disaient? Quel engagement avaient-ils? La Conférence canadienne des arts leur a demandé: «Votre parti saisit-il l'importance de nos institutions culturelles nationales, comme Radio-Canada, le Conseil des arts, etc., et leur garantit-il les moyens de subsister?» Le Parti libéral du Canada répondait ceci: «En sabrant dans les crédits d'institutions nationales comme la Société Radio-Canada, le Conseil des arts, l'Office national du film, Téléfilm Canada, les conservateurs ont porté un grave préjudice et montré qu'ils faisaient peu de cas du développement culturel.» Ils disaient: «Un gouvernement libéral aura à coeur d'assurer le budget pluriannuel stable à nos institutions nationales.» Deux langages, encore une fois, le langage pendant la campagne électorale, mais au moment où arrive le temps de poser des gestes comme gouvernement, ils sont totalement absents et en pleine contradiction avec le langage qu'ils avaient pendant la campagne électorale. Le Parti libéral, c'est le parti des deux discours.

Monsieur le Président, vous me faites signe que je dois arrêter et reprendre après la période des questions orales.

Le Président: Cher collègue, vous allez reprendre la parole après la période des questions orales. Comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre procédera maintenant aux déclarations de députés conformément à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA DISCRIMINATION RACIALE

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, le 31 mars est la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. À cette occasion, tous les peuples et leurs gouvernements sont invités à prendre position contre le racisme et la discrimination raciale.

[Français]

Dans une société pluraliste comme la nôtre, le racisme est parmi les forces les plus destructives qui empêchent les citoyens et les citoyennes de toutes origines de participer sur un pied d'égalité à la prospérité du pays.

Le Canada est un pays qui repose sur la diversité. De jeunes adolescents de mon comté ont très bien compris ce message et c'est pourquoi je désire souligner leur effort pour faire progresser la dynamique interculturelle. Je veux parler du groupe Multi Média qui va présenter, samedi prochain, des oeuvres originales telles que poèmes, dessins, chorégraphies, photos et chansons reflétant leur espoir de vivre dans un monde sans racisme.

[Traduction]

Ce sont les gestes que nous posons aujourd'hui qui détermineront si nous pourrons vivre avec autrui dans un climat de compassion et d'harmonie porteur de prospérité collective.

J'exhorte tous les députés à s'unir à moi pour porter ce message à tous les Canadiens.

* * *

[Français]

LE PRÉSIDENT DU CANADIEN NATIONAL

M. Réjean Lefebvre (Champlain, BQ): Monsieur le Président, le président du Canadien National, M. Paul Tellier, déclarait à la télévision, ce matin, que les conditions de travail des employés du CN étaient trop généreuses dans le contexte économique des années 1990. L'attitude de M. Tellier démontre bien la mauvaise foi de la partie patronale dans ce conflit.

Il est quand même incroyable que M. Tellier se lance dans une telle déclaration, lui qui profite amplement des largesses du Canadien National. Avec un salaire annuel de 345 000 $ et une allocation annuelle de 51 752 $, sans oublier un prêt sans intérêt de 300 000 $, M. Tellier est, dans les faits, le fonctionnaire le mieux payé de tout l'appareil gouvernemental fédéral.

Ce monsieur est bien mal placé pour commenter les soi-disant largesses de l'État envers ses employés. Plutôt que de faire des déclarations à la télévision, il devrait faire ce pourquoi il est payé en négociant de bonne foi avec ses employés pour en arriver à une solution rapide du conflit qui affecte toute l'économie canadienne.

* * *

[Traduction]

LE RWANDA

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, le génocide de l'an dernier qui a fait plus d'un million de victimes a également laissé un demi-million d'orphelins abandonnés au Rwanda et 1,2 million de réfugiés éparpillés dans des camps au Zaïre et en Tanzanie.

Des 22 millions de dollars que le Canada a déjà donnés, pas un sou n'est parvenu au Rwanda à cause des conditions imposées par les pays donateurs, à savoir qu'aucune aide humanitaire n'entrera au Rwanda tant que tous les réfugiés n'y seront pas


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rentrés. Or, ils ne peuvent y rentrer parce que ce pays manque de vivres. De plus, les réfugiés parqués dans les camps sont sous le joug de voyous armés à la solde du régime défait. Ceux-ci se servent de l'aide pour dominer ces réfugiés sans ressources et les entraîner pour une autre guerre.

Le gouvernement de Kigali a un caractère équitable et représentatif, car il est composé de Hutus et de Tutsis. Il ne reçoit cependant absolument aucune aide pour relever le pays et présenter un front pacifique aux gens de l'extérieur qui voudraient relancer le carnage.

Je conjure le gouvernement de convaincre la communauté internationale de venir en aide au gouvernement du Rwanda. S'en abstenir, c'est tourner la justice en dérision et contribuer à mettre en place les conditions favorables à un autre génocide.

* * *

[Français]

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

M. Gilles Bernier (Beauce, Ind.): Monsieur le Président, le Canada tout entier est affecté lourdement par la grève du rail. Les effets en sont déjà néfastes pour toute l'économie du pays et les répercussions sont désastreuses. Des pertes de production pour de nombreuses industries nous sont signalées.

Ce n'est jamais souhaitable que le gouvernement, par une loi spéciale, oblige le retour au travail des cheminots, mais cette mesure exceptionnelle doit être encouragée. Il reste à souhaiter que les transformations majeures, nécessaires au transport ferroviaire, amènent les parties patronales et syndicales à réaliser le tout en protégeant au maximum les droits des travailleurs.

Le gouvernement devra aussi moderniser son Code du travail et mettre de l'avant les mécanismes qui assureront le maintien des services essentiels tout en favorisant l'exercice du rapport de forces entre patrons et employés.

Il y a certes moyens de négocier dans la bonne foi après un retour au travail, et j'encourage le gouvernement à présenter le plus tôt possible son projet de loi.

* * *

[Traduction]

LA DISCRIMINATION RACIALE

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, hier soir, à Winnipeg, à la veille de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, j'ai pris part à la 20e cérémonie annuelle des prix des droits de la personne pour les médias, parrainée par B'Nai Brith Canada. La soirée a permis de souligner le rôle vigilant des médias dans la protection des droits de la personne.

La Commission canadienne des droits de la personne a déposé aujourd'hui à la Chambre son rapport annuel de 1994, qui dit que, peu importe la diversité de notre espèce, tous les êtres humains méritent le respect.

Les droits humains concernent l'intégrité même de la personne, intégrité dont la violation détruit l'âme de toute nation et l'essence même de notre humanité. La discrimination raciale va à l'encontre des droits de la personne.

Nous devons donc, en cette journée internationale, renouveler notre engagement national à défendre les droits de la personne et à éliminer toutes les formes de discrimination raciale, garantissant ainsi à tous les Canadiens la dignité humaine et la paix.

* * *

LES TROUBLES D'APPRENTISSAGE

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, en ce Mois des troubles d'apprentissage, j'aimerais souligner le travail de milliers de professeurs et de travailleurs des milieux de la santé qui s'emploient à améliorer l'existence des personnes aux prises avec des difficultés d'apprentissage.

De l'enfance au crépuscule de la vie, les difficultés d'apprentissage affligent de diverses façons des Canadiens de tous les âges. Ces troubles vont de petits inconvénients à de très graves limites physiques, psychologiques et émotives, et les personnes qui en sont victimes doivent composer avec eux si elles veulent maximiser leur potentiel et mener des vies bien remplies, actives et enrichissantes.

Je salue aujourd'hui tous les Canadiens qui luttent courageusement pour surmonter toute forme de difficulté d'apprentissage. Nous remercions ceux qui leur offrent une aide courageuse dans le combat qu'ils mènent, dont ma femme, Evelyn.

* * *

M. ERIC WINKLER

M. Paul Steckle (Huron-Bruce, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, nous faisons fi du sectarisme pour commémorer la mémoire de Eric Winkler.

Durant sa carrière politique de 29 ans, Eric Winkler a assumé des charges publiques auprès des trois paliers de gouvernement.

Il a été maire de sa ville natale, Hanover, ministre à Queen's Park et whip en chef des conservateurs fédéraux lorsque le regretté John Diefenbaker était au pouvoir.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il a servi dans la force de bombardement de l'Aviation royale du Canada. Son appareil a été abattu, et il a été prisonnier de guerre de 1942 à 1945.

En 1957, il a été élu aux élections fédérales dans la circonscription de Grey-Bruce, où il a été réélu quatre fois.

En 1967, il a quitté Ottawa et a été élu député provincial de la circonscription de Grey, fonction qu'il a exercée jusqu'à sa défaite en 1975. Pendant le temps qu'il a passé à Queen's Park, il a été ministre du Revenu sous le gouvernement de Bill Davis, en 1971.

Durant les années 80, il a fait partie de la Commission des courses de l'Ontario.


10784

Au nom de tous mes collègues, j'offre nos plus sincères condoléances à sa femme, Frances, à ses enfants, Mark, Tim, Jane et Mary, ainsi qu'à ses six petits-enfants.

Eric Winkler a servi son pays avec fierté et dignité, et nous nous souviendrons toujours de lui comme d'un grand Canadien. Qu'il repose en paix.

* * *

(1405)

[Français]

LE BURUNDI

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères a déclaré qu'il partageait les craintes exprimées par l'opposition officielle sur le grave climat d'insécurité qui afflige actuellement le Burundi, et je cite le ministre: «Il est regrettable de constater que ces conflits ethniques qui ont sévi et ont créé tant de massacres au Rwanda menacent d'être transportés dans un pays voisin, et ce drame que nous avons vu risque d'être répété.»

Pourtant, le consul honoraire du Canada à Bujumbura a déclaré aujourd'hui sur les ondes de Radio-Canada qu'il n'était pas inquiet et qu'il ne voyait pas de comparaison possible entre le Rwanda et le Burundi, vu que la donne sur le plan ethnique est totalement différente.

Il y a lieu de se demander si cette analyse ne contredit pas celle du ministre et ne remet pas en cause la capacité du Canada de parler d'une seule voix et de promouvoir une véritable diplomatie préventive.

* * *

[Traduction]

L'ALBERTA

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour faire état d'une croissance remarquable.

La province en cause a dépassé toutes les autres en 1993, son PIB réel ayant augmenté de 5,1 p. 100, soit plus que le double de la moyenne nationale de 2,2 p. 100. Dans cette province, les exportations interprovinciales et internationales ont augmenté, les récoltes sans précédent et la production de bétail ont fortement poussé les revenus agricoles à la hausse. Les revenus des travailleurs ont également augmenté d'une façon marquée, ce qui a entraîné une forte hausse des dépenses de consommation.

Comment cela est-il arrivé? Cet excellent taux de croissance est-il attribuable à une intervention massive de l'État dans l'économie? Non.

C'est en Alberta, une province qui a réduit ses dépenses de près de 20 p. 100 depuis deux ans, qu'a été enregistrée cette croissance.

À tous les McCraken, White, Hargrove et Axworthy du monde, je n'ai que ceci à dire. Si vous voulez que les Canadiens profitent tous de la croissance, il ne faut pas augmenter les dépenses publiques, mais les diminuer.

Il est temps que les Canadiens jouissent des mêmes avantages que les Albertains.

* * *

LA GRÈVE DU RAIL

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, la grève du rail a déjà eu un impact fâcheux sur de nombreux fabricants et producteurs de notre pays.

Dans ma province, le Nouveau-Brunswick, de nombreuses scieries dépendent du transport ferroviaire. De même, nos ports ont été grandement touchés puisqu'ils dépendent aussi des chemins de fer.

Je demande à la Chambre d'autoriser l'adoption de ce projet de loi par un consentement unanime qui mettra rapidement fin à ce conflit de travail. Je demande aussi au gouvernement d'amorcer un processus de consultation patronal-syndical qui mènera à un règlement juste et équitable, tout en veillant à ce que le CN et le CP ne soient pas désavantagés par rapport à leurs concurrents américains dans le secteur du transport.

Je recommande au gouvernement de créer un groupe consultatif d'étude sur les ressources humaines dans le secteur du rail au Canada. Ainsi, les employés et les employeurs pourraient étudier conjointement les changements en cours dans le milieu des affaires et les défis que l'industrie canadienne du rail doit relever aujourd'hui et d'ici à l'an 2000.

* * *

LA GRÈVE DU RAIL

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, le chemin de fer est le grand symbole de l'unité canadienne. Il assure un accès commercial et personnel à l'ensemble des Canadiens.

Quels que soient les grands progrès accomplis dans les airs, l'évolution du chemin de fer et de notre pays reste inextricablement liée.

Halifax a besoin du chemin de fer. La région atlantique a besoin du chemin de fer. L'Ontario et l'Ouest ont besoin du chemin de fer, tout comme le Québec d'ailleurs.

J'exhorte tous les députés de la Chambre à se rappeler que nous représentons tous les Canadiens et à faire en sorte que les trains reprennent leurs services.

* * *

LA GRÈVE DU RAIL

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, il est temps de mettre un terme à cette grève nationale des chemins de fer qui frappe durement notre économie. On estime que l'économie canadienne perd chaque semaine entre trois et cinq milliards de dollars parce qu'il est impossible de faire parvenir nos produits aux marchés.

La société National Gypsum, établie près de Truro, produit chaque jour 14 000 tonnes de gypse qui sont transportées par voie ferroviaire, à raison de deux trains par jour, jusqu'au port de Halifax. De là, elles partent par bateau pour les États-Unis et le Québec, lorsque la voie maritime du Saint-Laurent est ouverte.


10785

Après bien des retards, la société charge actuellement un bateau, bien que partiellement, car il n'y a pas suffisamment de gypse sur le quai. Cela lui coûte très cher. Elle devra licencier plus de cent personnes d'ici la fin de la semaine, si le service ferroviaire ne reprend pas. La même chose s'applique aux sociétés de toute la Nouvelle-Écosse, ainsi que du Québec et de toutes les régions du Canada.

C'est là un cas où une seule journée peut vraiment changer les choses. J'exhorte l'opposition et tous les députés à la Chambre à collaborer pour mettre un terme à cette grève du rail.

* * *

(1410)

LA GRÈVE DU RAIL

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur le Président, je suis extrêmement déçu par les événements d'hier, où les députés du Bloc, appuyés par ceux du Nouveau Parti démocratique, ont refusé d'autoriser la Chambre à mettre fin au chaos économique qui règne maintenant dans notre pays à cause de la grève du rail qui se poursuit.

Ce qui est frustrant dans tout cela, c'est que le Bloc québécois n'a aucun motif honorable d'agir comme il le fait. Il s'en tient simplement à son projet de séparation en permettant que l'économie canadienne prenne un dur coup. Cela n'empêchera pas les députés du Bloc de dormir. Ils estimeront peut-être que cela favorisera leur projet, qui est en perte de vitesse.

Quant aux députés néo-démocrates, ils continuent de fermer les yeux devant les vraies questions: les besoins des agriculteurs, des fabricants et de nombreuses autres personnes qui en subissent les conséquences un peu partout au Canada.

Que dit le premier ministre de la Saskatchewan de leurs actes? Son gouvernement néo-démocrate appuie-t-il les torts qu'ils causent à l'économie?

Nous avons eu une possibilité d'agir ensemble pour le bien de notre pays, mais le Bloc et le NPD nous laissent tomber pour privilégier un autre projet égoïste.

Mes électeurs, mon gouvernement et moi-même sommes extrêmement déçus.

* * *

[Français]

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, nous apprenons aujourd'hui qu'un groupe de francophones de l'Ontario, préoccupé de justice sociale, a dénoncé la position prise par la Fédération des communautés francophones et acadienne sur la souveraineté du Québec. La fédération exhorte les Québécois à voter non au référendum, ce que déplorent fermement ces Franco-Ontariens.

Les députés du Bloc québécois réaffirment, comme le fait ce groupe, que le droit des Québécois de choisir librement leur destinée est sacré. Les députés du Bloc québécois considèrent également que les liens entre les francophones hors Québec et ceux du Québec doivent être maintenus malgré les différends qui peuvent nous opposer à l'occasion.

Les luttes que mènent avec acharnement les francophones hors Québec pour leurs droits, pour leur existence et pour leur épanouissement sont incontestables. Les luttes que mènent les Québécois pour la prise en main totale et entière de leur destinée l'est tout autant.

* * *

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le Bloc québécois se dit le défenseur des intérêts des Québécois et Québécoises, mais le Bloc s'oppose à mettre fin à la grève ferroviaire et aggrave la situation causée par l'échec de la part des libéraux.

La semaine dernière, le Parti réformiste a demandé au gouvernement de prendre action pour éviter une telle crise. Comme d'habitude, il a agi trop tard. Une prolongation de cette grève n'entraînera que des conséquences économiques négatives pour tous les Canadiens, y compris les Québécois.

Samedi, 1 000 personnes à Montréal ont été laissées pour compte sur la plate-forme de VIA Rail. Le Canadien Pacifique perd environ un million de dollars par jour.

Le Parti réformiste appuie la fin de cette grève, et si le Bloc a sincèrement à coeur les intérêts du Québec, qu'il mette fin à cette grève dès maintenant.

* * *

[Traduction]

LA GRÈVE DU RAIL

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Monsieur le Président, je sais que je ne fais pas preuve d'originalité ici, mais je voudrais parler des arrêts de travail dans les transports nationaux.

Dans ma circonscription, 14 000 employés syndiqués de General Motors vont bientôt se retrouver sans travail. Je ne veux pas seulement parler en leur nom, même si je les représente, mais aussi au nom de tous mes concitoyens canadiens.

Les habitants de ma circonscription qui sont syndiqués ne souffriront pas de cette situation, en raison de leur convention collective qu'ils ont durement gagnée. Cependant, nous devons savoir que le maintien de leurs avantages, quand ils ne produisent pas, diminue leur fonds de réserve et qu'il faut aussi, pour cela, puiser dans le fonds d'assurance-chômage. Tous les Canadiens doivent assumer ces coûts par l'intermédiaire d'une augmentation des prix et des impôts.

Nous devons aussi tenir compte des travailleurs des usines de fournisseurs qui n'ont pas de conventions collectives aussi avantageuses que les travailleurs de l'automobile.

Bref, tous les groupes, toutes les provinces et tous les partis se sentent concernés par ces arrêts de travail dans les transports. Il

10786

faut régler ce problème pour les Canadiens et, à ce stade, cela ne peut se faire que grâce aux personnes courageuses qui siègent à la Chambre.

[Français]

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, le Bloc québécois a refusé hier, et encore aujourd'hui, de collaborer avec notre gouvernement afin de favoriser l'adoption rapide d'une loi forçant le retour au travail des grévistes du rail.

L'opposition officielle ne semble pas saisir l'ampleur des effets négatifs que fait peser sur l'économie du Canada et du Québec cet arrêt de travail. Je me permets de leur citer le ministre des Transports du Québec qui déclarait récemment, et je cite: «Le transport par train n'a rien de folklorique. Les chemins de fer sont un équipement lourd sur le plan économique et industriel.»

(1415)

Je peux aussi leur citer leur collègue de Beauport-Montmorency-Orléans qui plaidait récemment en faveur du maintien du service ferroviaire et je cite: «Nous ne pouvons nous permettre de perdre le chemin de fer, cela ne contribuerait qu'à affaiblir davantage notre économie.»

Je demande au Bloc québécois de mettre de côté la partisanerie et d'appuyer sans délai cette démarche du gouvernement.

_____________________________________________


10786

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le rapport du commissaire Hope sur les relations de travail dans le secteur du transport ferroviaire fait état du comportement troublant du gouvernement fédéral durant les négociations qui ont mené à l'impasse que l'on sait. M. Hope conclut que le gouvernement s'est rendu coupable d'ingérence dans ce conflit en s'associant systématiquement aux positions patronales.

Le ministre des Transports reconnaît-il que l'attitude propatronale partisane du gouvernement fédéral durant les pourparlers explique l'échec des négociations et le conflit qui sévit présentement?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je crois que tout le monde a intérêt de voir une solution au problème dans le système ferroviaire au Canada. On a beaucoup apprécié le fait que le président du CAW, M. Hargrove, a lui-même indiqué qu'une législation spéciale était la meilleure façon de procéder.

Il y a des gens qui comprennent très bien que le système ferroviaire au Canada doit opérer pour assurer le transport des matériaux et des produits finis, comme par exemple chez Ford, GM ou Chrysler. Je n'ai aucune idée à qui le chef de l'opposition parle parce que tous ceux avec qui nous avons parlé aujourd'hui, sans exception, nous disent que le temps est venu, après 18 mois de pourparlers, de trouver une solution permettant à l'économie canadienne de continuer sa croissance.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le ministre dit que M. Hargrove appuie la position du gouvernement et le projet de loi, sauf qu'il demande que le projet de loi ne soit pas applicable à ses propres syndiqués, c'est un drôle d'appui que celui-là. Donc la loi pour les autres, pas pour les siens.

Comment le ministre ose-t-il défendre le rôle qu'a joué son gouvernement durant ces pourparlers alors que le commissaire Hope déclare et je cite:

[Traduction]

«Les exigences contestables et provocantes de l'employeur s'expliquent par l'attitude propatronale qu'adopte le gouvernement.»

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je crois que tous les Canadiens reconnaîtront que le gouvernement canadien a la responsabilité de maintenir un système de transport viable, concurrentiel et abordable.

Il est indubitable que les syndicats et les employeurs ont longtemps essayé de trouver une solution à ce problème par tous les moyens possibles, mais ils n'y sont pas arrivés.

Nos regrettons beaucoup que les entreprises, les agriculteurs et des gens d'un peu partout au Canada se retrouvent maintenant dans une situation fort malheureuse et difficile.

Tout ce que je demande au chef de l'opposition, c'est d'écouter les Canadiens et les Québécois et de faire en sorte que nous puissions remettre les trains en marche et trouver une solution à un problème que les négociateurs des deux parties tentent vainement de résoudre depuis 18 mois.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le rapport Hope est clair: le véritable responsable du conflit de travail qui sévit présentement c'est le gouvernement fédéral.

Compte tenu de l'impasse actuelle et des conséquences graves qu'elle entraîne, le premier ministre acceptera-t-il que l'on suspende les règles de cette Chambre pour adopter, dès cet après-midi, une loi de retour au travail assortie d'une obligation pour les parties de participer à une médiation de 60 jours, sans droit de grève ni de lock-out durant cette période, pour permettre une solution négociée?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de son offre. Je pense que la solution la plus adéquate est d'adopter la législation immédiatement. Sinon, si on attend 60 jours, on aura le même problème. On aura perdu une semaine et on aura le même problème dans 60 jours.

(1420)

Je pense que l'opinion publique, à ce moment-ci, au Canada, est claire, c'est qu'on doit régler ces problèmes rapidement. Je reçois des télégrammes des alumineries du Québec, par exemple, dont certaines sont situées dans le comté du chef de l'opposition, qui sont obligées de ralentir la production. C'est la même chose pour la Kruger Inc. en Mauricie et pour l'industrie du bois dans le nord de ma circonscription, à Parent et j'en passe.


10787

Alors, on a décidé que dans les circonstances, la façon la plus rapide, et j'offre à l'honorable député de pouvoir collaborer, qu'il retire son objection et la loi sera adoptée cet après-midi.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, l'opposition officielle vient d'offrir, en toute bonne foi au premier ministre, une façon honorable de solutionner définitivement, une fois pour toutes, le conflit du rail.

Comment le premier ministre peut-il se réfugier derrière la proposition de sa ministre matraque? Comment peut-il se réfugier derrière cette proposition et refuser ce que l'opposition officielle lui offre, c'est-à-dire de régler le conflit, à la satisfaction de l'ensemble des parties, dans le respect des règles du travail, dans le respect des droits des travailleurs, immédiatement, cet après-midi?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je peux comprendre la frustration du parti de l'opposition qui a commis une erreur hier et qui essaie de se rattraper aujourd'hui. La création d'emplois est la priorité de ce gouvernement. Il faut nous assurer qu'il y a un système ferroviaire qui livre les marchandises produites par les travailleurs canadiens vers les marchés, de telle façon qu'on puisse augmenter le nombre des emplois et non pas le réduire par une grève qui va à l'encontre de l'intérêt national.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, devrais-je rappeler au premier ministre que dès hier, notre proposition était sur la table et était claire. S'il ne l'a pas comprise, c'est son problème.

Des voix: Bravo!

M. Gauthier: Les choses sont claires, maintenant. Le seul responsable du fait que le conflit dans le rail perdure, c'est le premier ministre et le gouvernement.

Je vais lui poser une question. Est-ce que le premier ministre peut nous dire, bien sincèrement, s'il est honnête quand il dit qu'il veut régler la question. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Chers collègues, il n'est jamais question de mettre en doute l'honnêteté des députés de cette Chambre. Alors, j'aimerais que l'honorable député retire ses propos.

M. Gauthier: Monsieur le Président, il n'y a pas de problème. Vous aurez compris que je considère le premier ministre comme un homme honnête, il n'y a pas de problème là-dessus. Alors, je lui demande, puisqu'il est un homme honnête. . .

M. Bouchard: On voulait le rappeler.

M. Gauthier: . . .et que je voulais le rappeler, peut-il nous dire pourquoi la médiation qui était retenue comme une solution satisfaisante dans le dossier du port de Montréal, pourquoi cette solution, tout à coup, déplaît-elle tellement au gouvernement? Quelles sont les véritables raisons qui empêchent le premier ministre, aujourd'hui, d'agréer à notre offre et de régler le conflit du rail, dès cet après-midi?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a déjà usé de tous les moyens dont il dispose pour essayer de régler ce conflit à l'amiable; nous sommes maintenant confrontés à une grève nationale des chemins de fer au Canada. Le gouvernement a dû faire face à ses responsabilités et présenter un projet de loi pour régler le conflit.

À en croire la presse, on a l'impression que seul le Bloc québécois refuse de donner son consentement alors que le NPD refuse également de le faire. Les agriculteurs de l'Ouest savent que nous agissons au mieux de leurs intérêts en voulant mettre rapidement fin à cette grève.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, mercredi, les fonctionnaires du ministère des Finances vont rencontrer les représentants de Moody's pour les persuader de ne pas abaisser la cote de crédit triple A du Canada. On croit généralement que Moody's veut savoir dans quels délais et par quels moyens le déficit fédéral sera ramené à zéro, renseignements qui ne figuraient pas dans le budget du ministre des Finances.

(1425)

Je demande au ministre des Finances ce que ses collaborateurs diront aux représentants de Moody's.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit très clairement aux Canadiens et aux investisseurs que notre objectif était d'équilibrer le budget. Nous entendons le faire le plus rapidement possible.

La meilleure façon d'y arriver est de fixer une série d'objectifs à court terme, objectifs que nous pourrons atteindre, comme nous l'avons d'ailleurs fait, ce qui était une première en plus d'une décennie.

En outre, au lieu de tenir le discours alarmiste des députés d'en face, nous ferons remarquer aux représentants de Moody's que le Canada a l'une des meilleures productivités du monde, que son taux d'inflation est très faible, et que nous créons des emplois à un rythme sans pareil. Nous leur dirons en fait que le Canada affiche la meilleure croissance de tous les pays du G-7.


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M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pour équilibrer le budget, comme le dit le ministre, il faudra réduire les dépenses fédérales de 24 milliards de dollars.

Rien, dans le budget, ne dit comment ni quand cela se fera. Dans mes entretiens avec les prêteurs et les investisseurs, la semaine dernière, tous ont posé la même question: quand et comment le gouvernement fédéral éliminera-t-il le déficit au lieu de simplement le réduire?

Ma question s'adresse au ministre des Finances: quand et comment le gouvernement canadien prévoit-il éliminer le déficit fédéral? Le ministre dira-t-il aux Canadiens et au Parlement, comme le lui demandent Moody's et les investisseurs, quand et comment il le fera?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit on ne peut plus clairement que nous entendions éliminer le déficit. J'ai dit tout aussi clairement que le meilleur moyen d'y arriver était de fixer une série d'objectifs à court terme, de façon que nous ne puissions pas remettre les décisions à plus tard comme les objectifs à long terme permettent de le faire.

Le chef du tiers parti devrait assurément savoir, après avoir vu ce que les conservateurs ont fait pendant dix ans, que les objectifs fédéraux à long terme ou même des objectifs comme ceux fixés dans son propre budget et reposant sur des hypothèses et des données fausses ne sont d'aucune utilité. Nous sommes beaucoup plus intéressés par les résultats concrets que par des prévisions incroyables.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les marchés ne demandent pas d'objectifs à court terme. Ils posent une question simple: quand et comment le ministre va-t-il éliminer le déficit et non simplement le réduire?

Vu l'incertitude des marchés financiers, le gouvernement devrait arrêter de faire le timide et dire carrément à la Chambre quand et comment il prévoit éliminer le déficit. S'il n'a pas de plan en ce sens, qu'il nous le dise, et nous l'aiderons à en élaborer un.

Ma question s'adresse au premier ministre. Le gouvernement a-t-il, oui ou non, un plan et un calendrier d'élimination du déficit? Dans l'affirmative, dira-t-il à son ministre des Finances de le révéler aux Canadiens et pas uniquement aux représentants de Wall Street?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, les milieux financiers internationaux nous ont signifié clairement qu'ils voulaient des résultats.

Ils ne veulent pas toute une série de prévisions. Ils en ont plein le dos des prévisions. Ils veulent des résultats, et c'est ce que le gouvernement va leur donner.

J'aurais une question à poser au chef du tiers parti. Lorsqu'il parle de l'incertitude des marchés internationaux, il est très sincère. Mais pense-t-il qu'il aide vraiment ses concitoyens lorsqu'il va à l'étranger pour mettre en doute la qualité du budget et de ses prévisions financières?

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, dans son rapport déposé aujourd'hui, la Commission canadienne des droits de la personne dénonce l'incapacité du gouvernement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour interdire toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Je cite le rapport de la Commission: «Il s'agit d'une abdication fondamentale de nos responsabilités en matière des droits de la personne.»

Alors que huit provinces sur dix au Canada interdisent déjà toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle, alors que les tribunaux ont reconnu que la discrimination basée sur l'orientation sexuelle était incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés, je demande au premier ministre pourquoi il refuse d'agir immédiatement, alors qu'il s'est dit engagé auprès des Canadiens et des Québécois.

(1430)

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, la modification à la Loi sur les droits de la personne dont parle le député fait partie d'un ensemble de changements que le gouvernement envisage d'apporter à une loi vieille de presque 20 ans.

Le rapport du commissaire aux droits de la personne souligne, et à juste titre, que le dossier n'est pas fermé. Permettez-moi de rappeler à la Chambre, comme je l'ai déjà fait à maintes reprises, que le gouvernement s'est engagé à apporter cette modification, à moderniser et à améliorer la loi et qu'il a fermement l'intention de tenir cet engagement.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre sait-il que par son silence et son désir de reporter sa décision de mois en mois, il indique clairement son incapacité de faire taire les dissensions au sein de son caucus? Il indique également à la population que le respect des droits et libertés de la personne, pour lui, passe après quantité d'autres considérations.

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit sans ambages que modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne faisait partie du programme de notre gouvernement. C'est une cause à laquelle nous croyons fermement. Nous tiendrons notre engagement.


10789

LES RELATIONS OUVRIÈRES

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, hier, le gouvernement et le Bloc se sont alliés pour voter contre un projet de loi réformiste qui aurait permis de régler les conflits de travail qui secouent le pays.

Quand le gouvernement a-t-il l'intention de présenter une mesure législative qui mettra une fois pour toutes un terme à ce genre de choses, au plus grand soulagement des producteurs et des agriculteurs de ce pays?

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, nous avons présentement une crise majeure au pays et nous le savons. D'un océan à l'autre, cette crise crée des répercussions au plan économique, et nous agissons. Nous avons présenté un projet de loi devant cette Chambre hier.

Je remercie les députés du Parti réformiste d'appuyer ce projet de loi, mais le Bloc québécois et le NPD ne nous aident pas.

[Traduction]

M. Dale Johnston (Wetaskiwin, Réf.): Monsieur le Président, je remercie la ministre, mais je crois qu'elle n'a pas compris ma question. Je lui ai demandé quand les Canadiens pouvaient s'attendre à une mesure législative qui apporterait une solution à long terme à cette situation. Un projet de loi forçant le retour au travail n'a rien à voir avec le long terme.

[Français]

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, j'ai très bien compris la question. Ce que je dis et redis, c'est que nous avons une crise à régler à court terme. Nous verrons par la suite comment nous pourrons régler le problème à long terme, mais agissons dès maintenant pour régler le problème que nous avons.

* * *

L'ÉTHIQUE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, hier le ministre du Patrimoine a fièrement annoncé que le président de la Commission de la capitale nationale était libre d'utiliser ses loisirs comme bon lui semblait, à savoir participer à des activités partisanes afin de récolter des fonds pour le Parti libéral du Québec. Le ministre a dit que M. Beaudry avait sûrement vérifié pour s'assurer que ses activités étaient compatibles avec ses fonctions.

Doit-on comprendre des propos du ministre que la participation des hauts fonctionnaires à des activités politiques et partisanes au niveau provincial est considérée comme conforme aux règles d'éthique que s'est fixées le gouvernement?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il n'existe aucune loi canadienne ni aucune réglementation qui empêche les fonctionnaires, dans leurs loisirs, de s'intéresser aux questions politiques. Si des gens devraient le savoir, ce sont bien les gens de l'opposition, du Bloc, qui sont allés recruter des fonctionnaires pour la vente du référendum.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je vais adresser ma seconde question au premier ministre. Vous comprendrez pourquoi.

Comment le premier ministre explique-t-il que son conseiller en éthique, lui qui est responsable-responsable, lui?-de la transparence et gardien de l'intégrité gouvernementale, ait refusé hier de répondre à toute question au sujet de M. Beaudry?

(1435)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est parce qu'il est le conseiller du premier ministre.

* * *

[Traduction]

LES NOMINATIONS FAITES PAR LE GOUVERNEMENT

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, la controverse qui entoure la nomination de Bob Fowler aux Nations Unies fait la manchette. Vu le passé de M. Fowler, comment se fait-il que le premier ministre l'ait nommé à ce poste sans tenir d'abord une enquête publique?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas au courant d'une attaque de ce genre. Je pense que M. Fowler a été un excellent fonctionnaire. Il a travaillé aux Affaires extérieures pendant presque toute sa carrière et c'est une personne très compétente. Je pense que c'est un très bon choix comme ambassadeur après les excellents services qu'il a rendus au Parlement et au pays sous différents gouvernements.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je pense que le cas de Robert Fowler illustre les problèmes fondamentaux, réels et perçus, qui existent au ministère de la Défense nationale.

Le gouvernement a une occasion idéale d'améliorer la transparence du processus, comme il le promettait dans son livre rouge, et de mettre un point final à la controverse une fois pour toutes.

Je demande à nouveau au premier ministre s'il envisage de procéder à une enquête publique beaucoup plus large que celle qui a été annoncée ce matin?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'enquête sera complète et n'importe quelle question pourra y être abordée. Nous avons choisi une façon de procéder qui permettra à tout le monde de se faire entendre, tant au ministère que dans les forces armées.

Il est incorrect d'utiliser la Chambre des communes pour faire des allégations de cette nature, et j'invite le député qui vient de prendre la parole à faire ces mêmes accusations à l'extérieur et à en subir les conséquences. Lorsqu'il se cache derrière l'immunité parlementaire pour attaquer un fonctionnaire qui ne peut pas se défendre, il agit de façon honteuse.


10790

[Français]

AIR CANADA

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.

Air Canada a récemment fait paraître une publicité pour l'embauche de personnel sur ses liaisons vers l'Asie. Dans l'annonce publiée en français, la connaissance du français et de l'anglais est exigée, tandis que dans l'annonce en anglais, la connaissance du français n'est pas nécessaire.

Comment le ministre des Transports, lui-même un Acadien, peut-il accepter que les voyageurs francophones sur Air Canada en direction de l'Asie n'aient aucune garantie de service en français?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la société privée Air Canada est responsable d'exploiter la compagnie en suivant les exigences de la Loi sur les langues officielles. Je remercie mon honorable collègue d'avoir soulevé cette question. J'aurai certainement l'occasion de vérifier pourquoi on a procédé de cette façon, mais j'espère qu'on saura comment régler le problème, compte tenu du fait qu'à partir de l'an passé, Air Canada a réussi à avoir accès au Japon, ce qu'elle convoitait depuis dix ou quinze ans, et qu'avant la fin de cette année, elle aura accès à Hong Kong.

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, doit-on comprendre de l'attitude du ministre des Transports, qui se réfugie derrière l'autonomie d'Air Canada pour justifier le non-respect de la Loi sur les langues officielles à laquelle Air Canada est assujettie, que c'est là toute l'ardeur qu'il entend mettre en oeuvre pour défendre le français dans l'air?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, après avoir observé la performance de l'honorable député dans cette Chambre, je constate qu'il a énormément de temps pour lire toutes les publicités d'Air Canada et probablement d'autres sociétés.

Pour ma part, je lui ai dit et je répète qu'Air Canada doit respecter la Loi sur les langues officielles. Je me renseignerai sur les raisons pour lesquelles elle a procédé de cette façon, et on verra à ce que la Loi sur les langues officielles soit respectée intégralement.

* * *

LE TRANSPORT FERROVIAIRE

M. Denis Paradis (Brome-Missisquoi, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Travail.

Madame la ministre, comme on peut certainement le voir, nous sommes tous très préoccupés par la grève dans le secteur ferroviaire. Pourriez-vous nous dire quelles sont les conséquences. . .

(1440)

Le Président: Mon cher collègue, il faut toujours vous adresser à la Présidence. Alors, je laisse l'honorable député poser sa question.

M. Paradis: Monsieur le Président, ma question à madame la ministre est celle-ci: Quelles sont les conséquences immédiates de cet arrêt de travail pour les Canadiens et Canadiennes?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je pense que les préoccupations du député de Brome-Missisquoi sont tout à fait pertinentes à la situation que nous avons présentement. Dans le transport passager, au-delà de 70 000 Montréalais et Torontois n'ont pas eu de trains de banlieue, et au niveau de VIA Rail, ce sont au moins 20 000 passagers qui n'ont pas eu de trains.

Quant à la fermeture des services au CN, nous voyons ses impacts partout, sur le plan économique. La compagnie Ford a déjà fermé son entreprise en Ontario et elle veut en fermer deux autres; le transport du charbon et du grain est réduit de moitié; la société Kruger inc. à Trois-Rivières est fermée; la société Pétromont à Varennes est fermée. La société Aluminium Alcan a aussi ralenti ses activités. Nous voyons un grand impact sur le plan économique, même au Québec, et le Bloc québécois nous empêche d'adopter cette législation.

* * *

[Traduction]

L'ÉTHIQUE

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le conseiller en éthique a dénoncé un récent voyage à Cuba que des députés ont fait, mais il a précisé que cette affaire n'était pas de sa compétence. Le conseiller en éthique a-t-il fait enquête de sa propre initiative ou à la demande du premier ministre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le conseiller en éthique a dit, après avoir examiné la question, que cette affaire ne le concernait pas.

C'est justement pour cela que j'ai pris la parole la semaine dernière à la Chambre pour dire que j'espérais qu'un comité mixte de la Chambre et du Sénat soit bientôt mis sur pied pour fixer des lignes directrices sur ces questions, à l'intention des parlementaires.

J'espère que ce comité établira très bientôt des lignes directrices précises, parce que les députés et les sénateurs doivent prendre eux-mêmes leurs propres décisions. Nous ne pouvons pas imposer notre point de vue aux députés, parce que nous respectons le fait qu'ils ont été élus et qu'ils sont assez grands pour prendre leurs propres décisions.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, voici une question qui ne se laisse pas enterrer.

Le président de la Société canadienne des postes a pris la parole ce matin au cours d'une réunion magnifiquement orchestrée, et les Canadiens ne sont toujours pas près de comprendre toutes les subtilités de l'affaire Perez.


10791

Le premier ministre demandera-t-il au conseiller en éthique-ou du moins ne le lui interdira-t-il pas-de mener une enquête approfondie et de soumettre un rapport sur l'affaire Perez, une question qui, selon la plupart des Canadiens, relève de sa compétence?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, des députés de différents partis ont pris part à ce voyage, dont un député du Parti réformiste.

Les parlementaires sont libres de leurs décisions quant à savoir s'ils doivent prendre part à de tels voyages. Si les députés croient que ce genre de voyage est défendu, c'est à eux de refuser. Quoi qu'il en soit, tous les députés qui ont participé à ce voyage se sont rencontrés, sont allés déclarer qu'ils l'avaient fait et ont admis de bonne foi qu'il leur avait été offert.

Les députés auraient peut-être dû refuser, mais je n'y suis pour rien. Ils ont suivi les règles en vigueur. Si certains veulent changer le Règlement de la Chambre, ils peuvent le faire. Je ne peux pas imposer des règles à suivre aux députés.

* * *

[Français]

LES CANAUX DE TÉLÉVISION AMÉRICAINS

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Patrimoine. Hier, on apprenait qu'une fois de plus, le ministre du Patrimoine n'est pas informé au sujet de ce qui se passe dans son ministère. En effet, le 7 mars dernier, le ministre du Commerce international s'engageait auprès de son homologue américain à ce qu'aucune nouvelle action ne soit prise par le CRTC au détriment des canaux de télévision américains, comme ce fut le cas avec le canal de musique country, l'an dernier.

Comment le ministre du Patrimoine explique-t-il l'engagement pris en son nom par le ministre du Commerce international à l'endroit des Américains?

(1445)

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il faudrait d'abord savoir s'il y a un engagement ou s'il n'y en a pas. Il n'y en a pas. J'ai vu la lettre qu'a envoyée mon collègue, et je suis complètement d'accord sur ce qu'il a écrit. Il fait allusion à différents examens et revues qui sont en cours, et je n'ai rien à ajouter aux sages commentaires qu'il a faits à M. Kantor.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, je suis très étonnée de la réponse du ministre étant donné ce qu'on lit dans les journaux. Encore une fois, le ministre peut-il dire si c'est ce qu'il dit dans cette Chambre qui est la vérité, ou plutôt qui est politically correct, ou si c'est ce qu'il a dit hier aux journalistes?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je comprends les problèmes de notre collègue. Elle a de la cire dans les oreilles.

Des voix: Oh! Oh!

M. Plamondon: Vous, c'est entre les deux oreilles!

M. Dupuy: Oui, elle a peut-être les oreilles toutes bloquées. C'est juste. Ce que j'ai dit hier et que je répète aujourd'hui, en réponse à des questions qui m'ont été posées, c'est que le gouvernement n'a pas l'intention de donner des instructions au CRTC au sujet des canaux. Je le répète aujourd'hui. C'est cela que j'ai dit, et il n'y a rien d'incompatible entre ce que j'ai dit et ce que le ministre du Commerce international a écrit à son collègue.

* * *

[Traduction]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, hier le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale a confirmé que le Canada négociait la vente de 39 avions militaires CF-5 à la Turquie.

Voici ma question au ministre de la Défense nationale: quelles garanties le gouvernement a-t-il reçues l'assurant que la Turquie n'utilisera pas ces CF-5 contre des populations civiles?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, il est exact que le gouvernement de la Turquie s'est dit intéressé à acheter nos chasseurs CF-5 qui sont excédentaires par rapport à nos besoins. Il en avait d'ailleurs acheté un certain nombre il y a quelques années.

Si je ne m'abuse, d'autres pays ont aussi manifesté de l'intérêt. Dans toute vente, notre première obligation est à l'endroit des pays membres de l'OTAN, mais, comme le ministre des Affaires étrangères l'a déclaré publiquement hier, toute vente d'armes est assujettie à des critères très exigeants.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense m'obligerait en fournissant une réponse plus détaillée à ma prochaine question.

Il y a un an à peine, la Turquie a bombardé des villages kurdes, tuant de nombreux civils, notamment des femmes et des enfants. Ce matin, des avions militaires turcs et 35 000 soldats ont repris leur offensive contre des Kurdes au nord de l'Irak. Compte tenu de la tension qui règne, il est peu probable qu'à l'avenir, la Turquie renonce à utiliser des CF-5 dans une attaque, peu importent les garanties qu'elle donne par écrit.

Le gouvernement respectera-t-il la promesse qu'il a faite dans son livre rouge et refusera-t-il de vendre des armes à un pays soupçonné de violer les droits de la personne?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je dirai que cette question est prématurée puisqu'il n'existe aucun accord entre le Canada et un autre pays portant sur la vente des CF-5.

Il est évident qu'on a demandé des renseignements et qu'on a discuté, mais si une vente de matériel militaire de surplus était effectuée, elle le serait conformément aux lignes directrices rigoureuses auxquelles notre parti souscrit depuis des années et telles qu'il les énonce dans ses documents.


10792

LE CANCER DU SEIN

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé et porte sur le cancer du sein. Des preuves scientifiques et de nombreuses études dignes de foi ont permis d'établir un lien entre un avortement pratiqué à la première grossesse et le cancer du sein.

La ministre peut-elle promettre aux Canadiens que cette découverte fera l'objet d'une étude approfondie et décrire aux députés les mesures qu'elle prendra pour veiller à ce que toutes les Canadiennes soient informées de ce facteur de risque possible?

(1450)

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, jusqu'à maintenant, aucune étude n'a prouvé qu'il existait un lien entre le cancer du sein et l'avortement.

Le cancer du sein est une maladie très dévastatrice. Selon Statistique Canada, en 1995, on diagnostiquera le cancer du sein chez 18 000 Canadiennes et environ 5 500 femmes mourront de cette maladie.

Il existe de nombreux facteurs de risque possibles. Hier, on a mentionné que l'usage du tabac pouvait causer le cancer du sein. D'autres facteurs de risque sont liés au régime alimentaire, à des caractéristiques génétiques, etc. Cette question n'a pas été suffisamment analysée. J'ai l'intention de veiller à ce que cela change.

* * *

[Français]

LE FORUM NATIONAL SUR LA SANTÉ

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

Celle-ci déclarait vendredi que le gouvernement fédéral, malgré les coupures importantes dans les paiements de transfert aux provinces, dispose de tous les leviers pour faire respecter les cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé, principes qui ne sont pas négociables.

Faut-il comprendre des propos de la ministre que le Forum national sur la santé examine la Loi canadienne sur la santé et détermine les changements à y apporter sans que les provinces, qui sont les seules responsables de la santé et qui font les frais des coupures budgétaires, puissent négocier quoi que ce soit?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je l'ai dit à maintes reprises, le premier ministre l'a dit aussi, les principes de la Loi canadienne sur la santé ne sont pas négociables. Le Forum national sur la santé étudie l'avenir du système de santé et la santé des Canadiens en général.

Le Forum fera des recommandations. Il est entendu que nous sommes très capables de les accepter. Les provinces pourront aussi étudier les mêmes questions. Nous voulons nous aider les uns, les autres, parce que nous savons que nous avons un des meilleurs systèmes de santé au monde et nous voulons le maintenir.

M. Michel Daviault (Ahuntsic, BQ): Monsieur le Président, puisque ce n'est pas plus clair qu'avant, ma question complémentaire s'adressera au premier ministre.

Comment le premier ministre et président du Forum sur la santé peut-il justifier l'absence des provinces au Forum sur la santé autrement que par son intention de leur imposer des normes nationales qu'elles n'auront jamais eu l'occasion de négocier?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, si je me rappelle bien, lorsqu'on a eu une discussion à ce sujet, au début nous n'étions pas intéressés à avoir les provinces. Ensuite, on a offert à chacune d'elles d'avoir un représentant à ce Forum, et elles ont refusé d'y participer.

On leur a offert une place et elles ont refusé d'y participer. Eh bien non, c'est un forum, il n'y a pas de conditions, tout le monde peut parler librement. Tout le monde au Canada sait que j'écoute beaucoup. Alors, chaque fois que je vais là, je les écoute. J'aurais écouté avec plaisir les provinces, mais elles m'ont refusé ce plaisir.

* * *

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, l'écologiste extrémiste, Paul Watson, qui, paraît-il, a été attaqué par des habitants inquiets des Îles-de-la-Madeleine, aurait dit, selon tous les journaux, qu'il avait tenu ses agresseurs en respect au moyen d'une matraque électronique et de ses poings.

Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Les poings de M. Watson ne sont probablement pas des armes meurtrières, mais, conformément au paragraphe 90(1) du Code criminel, les matraques électroniques sont des armes prohibées. Or, M. Watson reconnaît avoir une telle arme en sa possession. Le ministre nous dira-t-il si l'arme en question a été confisquée et si M. Watson a été accusé de possession d'arme illégale ou sinon, pourquoi?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'admire le député pour sa connaissance approfondie de la législation sur les armes à feu et je l'en félicite.

Je lui rappellerai que l'application de telles dispositions incombe entièrement aux autorités provinciales sur lesquelles il devrait porter son attention.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, à propos d'application de la loi, j'ai une question à poser au ministre du Revenu.


10793

De l'avis du ministre, les dispositions de lutte contre la contrebande s'appliquent-elles lorsqu'un écologiste extrémiste américain en mal de publicité reconnaît avoir en sa possession une arme prohibée de contrebande et cela, une semaine après qu'il eut passé la douane?

(1455)

Peut-il expliquer aux Canadiens respectueux des lois qui seront tenus d'enregistrer leurs armes ce que vaut un tel enregistrement si cet écologiste peut se promener avec une arme en toute impunité?

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, comme ne l'ignore pas le député, les fonctionnaires des douanes font l'impossible pour s'assurer que toutes les lois sont respectées à la frontière et ils continueront de le faire à l'avenir.

* * *

LA FISCALITÉ

M. John Solomon (Regina-Lumsden, N.P.D.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Si le gouvernement libéral va de l'avant avec la mesure législative qu'il projette de faire adopter, les Canadiens riches seront indemnisés pour les impôts sur les biens transmis par décès payés aux États-Unis en vertu d'un nouvel accord signé en août. Cet accord est rétroactif à 1988 et coûtera plus de 2 milliards de dollars aux contribuables canadiens en donnant aux familles ayant aux États-Unis des successions dont la valeur excède 600 000 $ un crédit pour impôt étranger ici, au Canada.

Le ministre aura-t-il le courage de dire non à cette mesure législative scandaleuse ou le gouvernement libéral projette-t-il de créer une nouvelle échappatoire fiscale de 2 milliards de dollars pour les riches?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, j'ai mal entendu la question du député principalement à cause du bruit, mais je crois comprendre qu'elle portait sur la convention fiscale que nous avons signée avec les États-Unis. Le député fait signe que oui.

Ce que nous avons fait, c'est nous assurer que les Canadiens ne sont pas assujettis à la double imposition. Oui, il est vrai que cette mesure législative fait en sorte que les Américains ne sont pas non plus assujettis à la double imposition.

Je suis certain que le député comprendra qu'il est très important pour le gouvernement du Canada de protéger les citoyens canadiens. Lorsqu'il mentionne les sommes importantes en cause en disant que nous devrions économiser cet argent, il doit certainement savoir que ce sera à près ce que la grève des chemins de fer nous coûtera si nous n'intervenons pas immédiatement. On pourrait lui demander pourquoi il n'est pas disposé à appuyer le gouvernement.

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, ma question complémentaire s'adresse au même ministre.

Cela devient de plus en plus bizarre. Le gouvernement conservateur de M. Mulroney appuyait cet allégement fiscal pour les riches et le gouvernement libéral d'en face l'appuie aussi. Il s'agit d'un allégement fiscal de 2 milliards de dollars dont bénéficient les Canadiens richissimes qui ont des successions aux États-Unis.

Le ministre fera-t-il une faveur aux contribuables de notre pays en annulant cet accord extrêmement avantageux pour les Canadiens riches?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, en fait, grâce à cette mesure législative, nous sommes maintenant en mesure d'imposer les Canadiens qui vont passer l'hiver dans le Sud et nous pouvons éviter la double imposition.

Comme le député le sait, dans les deux derniers budgets, nous avons probablement éliminé plus d'échappatoires fiscales que tout autre gouvernement canadien ne l'a fait depuis que le premier ministre était ministre des Finances.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Une bonne partie de la relance économique est attribuable aux marchés d'exportation. Durham et Oshawa en ont profité puisque la production automobile occupe une grande place dans la région.

Quand les autres petites et moyennes entreprises, leurs employés et les consommateurs commenceront-ils à ressentir les effets de la relance économique?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le député vient encore une fois de confirmer sa réputation d'observateur économique averti. Il a tout à fait raison de dire que la relance a été en grande partie axée sur les exportations et que, dans ce sens, elle a été quelque peu boiteuse.

Je dois dire que nous commençons à voir les signes d'une augmentation de la confiance des consommateurs. Les données publiées cette semaine par Statistique Canada révèlent une hausse importante de la confiance des consommateurs. Les ventes au détail ont augmenté encore une fois en janvier. Il s'agissait de la cinquième augmentation en six mois.

Nous commençons maintenant à voir que les Canadiens, grâce à leur immense productivité et à leur travail acharné, ont de nouveau confiance dans notre économie après la longue disette de la dernière récession.

* * *

LA FISCALITÉ

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse elle aussi au ministre des

10794

Finances. On rapporte qu'après son entretien de vendredi dernier avec le maire de Calgary, Al Duerr, le ministre a accepté de réexaminer la décision de son gouvernement de mettre fin au dégrèvement d'impôt consenti aux entreprises privées de services publics.

Est-il en train de réexaminer cette décision, et quand la Chambre peut-elle espérer connaître le résultat de ce réexamen?

(1500)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, deux articles de journaux ont fait état de cet entretien, et le député se reportait à l'un des deux. L'autre article qui citait le maire faisait ressortir très clairement que le gouvernement ne réexamine pas cette décision. C'est le second article de journal qui est exact.

* * *

[Français]

LES PAVILLONS DE COMPLAISANCE

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Le 17 mars dernier, le ministre, répondant à une question de l'opposition officielle, affirmait que la privatisation de Marine Atlantique Inc. allait régler la question de l'utilisation de navires sous pavillon de complaisance par cette entreprise.

Le ministre est-il conscient qu'en ne rapatriant pas tous les navires de Marine Atlantique Inc. sous pavillon canadien, avant que cette société soit privatisée, il cautionne ainsi cette pratique contraire à nos intérêts économiques qui est utilisée par bon nombre d'armateurs canadiens?

[Traduction]

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que nous voulions régler le problème des navires de Marine Atlantique sous pavillon de complaisance dès qu'on l'a soulevé.

Nous avons établi que la situation durait, selon le navire, depuis un certain nombre d'années. Comme je l'ai dit hier à la Chambre à un des collègues du député, nous avons demandé au président et au conseil d'administration de Marine Atlantique d'examiner le potentiel de commercialisation de toutes les activités de la société.

Nous réglerons certainement d'une façon ou d'une autre le problème que le député a soulevé. En cas de commercialisation, nous devrons tenir compte des implications que pourrait avoir le changement de pavillon des navires avant leur voyage. Dans le cas contraire, nous examinerons le problème à la lumière de la question du député.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA GRÈVE DU RAIL

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, compte tenu du fait que des Canadiens continuent de perdre leurs emplois à cause de la grève du rail, je demande le consentement unanime de la Chambre en ce qui concerne l'ordre suivant:

Que, nonobstant tout article du Règlement, immédiatement après l'étude des initiatives parlementaires aujourd'hui, la Chambre revienne aux initiatives ministérielles afin d'étudier le projet de loi C-77, Loi prévoyant le maintien des services ferroviaires et des services auxiliaires, à l'étape de la deuxième lecture, en comité plénier, à l'étape du rapport et à celle de la troisième lecture, étant entendu que la Chambre ne s'ajournera pas aujourd'hui, sauf sur la motion d'un ministre.
Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. Hermanson: Monsieur le Président, je voudrais préciser à la Chambre que, si l'opposition a refusé de donner son consentement, on ne saurait en dire autant du Parti réformiste. Nous serions en faveur de tout projet de loi de retour au travail présenté par le gouvernement.

_____________________________________________


10794

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-LE FINANCEMENT DE RADIO-CANADA

La Chambre reprend l'étude de la motion, ainsi que de l'amendement.

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Monsieur le Président, en raison de la période des questions, j'ai été interrompu pendant une heure, puisque nous devons suivre le règlement, ce que nous acceptons. J'en étais à discuter de la motion de l'opposition officielle en ce qui a trait aux crédits à Radio-Canada, de même que de l'amendement déposé par le Parti réformiste.

(1505)

J'avais rappelé ma surprise de voir le Parti libéral renier les engagements pris pendant la campagne électorale. Mais je ne suis pas tant surpris lorsque je regarde la tradition du Parti libéral. C'est le parti qui a toujours tenu deux discours, un discours pendant la campagne électorale et un discours après la campagne électorale, discours qui sont tout à fait différents et opposés.

Dans mon introduction, j'ai rappelé le double langage en matière d'agriculture. Par exemple, lorsque le Parti libéral était dans l'opposition et pendant la campagne électorale, il s'engageait à respecter les producteurs laitiers, à défendre l'article XI et à maintenir les subsides. Eh bien, aussitôt au pouvoir, que fait-il dans son Budget? Il coupe l'aide aux agriculteurs et aux producteurs laitiers de 30 p. 100, et il coupe aussi de 30 p. 100 le programme de soutien au revenu.

J'avais aussi parlé du chômage. Pendant qu'ils étaient en campagne électorale, les Libéraux disaient: «Notre priorité sera de combattre le chômage, de créer des emplois.» Une fois rendus au pouvoir, ils tiennent un autre langage, un autre discours. Dans le dernier Discours sur le Budget, il y avait une absence totale de mesures créatrices d'emplois. C'en est une farce.


10795

Je suis allé au Centre d'emploi de Sorel et à celui de Bécancour la semaine dernière. Quelle était la farce du jour? On disait: «Quelle différence y a-t-il entre un député libéral et un chômeur?» La réponse était: «Un chômeur, lui, a déjà travaillé.»

Les gens ne croient plus en ce gouvernement, ne croient plus en la réalisation de ses promesses. Ce fut la même chose, par exemple, sur le plan de la défense des francophones hors Québec et des Acadiens. On a vu les députés francopohones du reste du Canada se promener pendant la campagne électorale et dire: «Nous serons les défenseurs du fait français ici, à l'intérieur de la Chambre des communes et dans tout le Canada.» Mais quand arrive une coupure de 5 p. 100 du budget d'opération de leur association, ils restent silencieux. Aucun député francophone hors Québec ne s'est levé pour dénoncer la politique du Parti libéral un coup au pouvoir.

Ce fut la même chose dans bien des domaines. Dans le domaine des droits d'auteur, par exemple, on s'était engagé par écrit, dans un document qu'on avait remis au Conseil national des arts, en disant: «Nous nous engageons à faire en sorte que les droits d'auteur soient sous la juridiction du ministère du Patrimoine canadien en exclusivité.» Or, une fois au pouvoir, on donne cette responsabilité au ministre de l'Industrie et on donne seulement un pouvoir de recommandation au ministre du Patrimoine.

Le Parti libéral tient toujours deux discours: un discours lorsqu'il réclame le pouvoir et un autre discours lorsqu'il est au pouvoir.

Ce fut la même chose dans le cas du libre-échange. On a combattu le libre-échange pendant des années, on l'a dénoncé pendant la campagne électorale, mais une fois au pouvoir, non seulement on l'accepte, mais on demande de l'étendre à d'autres pays. C'est le parti des deux discours. Le Parti libéral a toujours été le parti des deux discours: celui de la campagne électorale et celui d'après la campagne électorale.

Je pourrais citer d'autres exemples. Par exemple, on avait dénoncé le patronage chez les Conservateurs. Une fois le Parti libéral au pouvoir, en moins de six mois, il y a eu plus de 300 nominations d'amis du parti, de «patroneux», sous les bons conseils du sénateur Rizzuto. Je citais l'exemple de Mme Michelle Tisseyre, de Camille Samson, etc.

Le président suppléant (M. Kilger): Vous êtes un parlementaire de grande expérience et vous devriez toujours vous en tenir au Règlement de la Chambre et vous abstenir de nommer ceux et celles de l'autre endroit.

M. Plamondon: Monsieur le Président, je n'ai pas parlé du Sénat; j'ai parlé d'un sénateur en particulier. Je crois que le Règlement me permet de nommer un sénateur en particulier, mais ne me permet pas, comme vous l'avez dit, de nommer le Sénat, qu'on doit appeler l'autre Chambre.

De toute façon, disons que j'oublierai le mot «sénateur» et que je prononcerai seulement le mot «Rizzuto». C'est celui qui faisait les recommandations concernant le patronage, qui est encore le grand argentier du parti et qui conseille au sujet de nominations comme celles de Camille Samson, de Michelle Tisseyre, de Jacques Saada, nommé à l'ACDI à 100 000 $ par année.

C'est le propre du Parti libéral. Une fois au pouvoir, il tient toujours un langage complètement différent. On promettait l'abolition du patronage et des nominations et on le fait à plein. Le parti des deux discours est toujours là et il est incarné surtout par son chef qui, tout au cours des années de pouvoir, dans les années 1970 et 1980 et depuis 1993, a exactement le même comportement: deux discours, un avant et un après. On prend les électeurs pour des imbéciles.

(1510)

Mais, toute cette rétrospective que je fais des promesses non tenues, du double langage des libéraux, on le voit aujourd'hui de façon flagrante lorsqu'on parle des crédits affectés à Radio-Canada. C'est là-dessus que je voudrais citer des engagements pris dans le livre rouge par le Parti libéral lorsqu'il était en campagne électorale également. À la page 83 du livre rouge, on peut lire ceci: «Le Canada doit plus que jamais favoriser son développement culturel. Or, le gouvernement conservateur qui nous a précédés a délibérément fragilisé nos institutions culturelles nationales.»

Or, le Parti libéral dit: «L'amputation des budgets de Radio-Canada, du Conseil des arts du Canada, de l'Office national du film, de Téléfilm Canada et d'autres institutions montre bien que les gouvernements précédents méconnaissent l'importance du développement culturel.» Le Parti libéral disait cela avant les élections mais, après les élections, il est le premier à saborder de façon incroyable, à coups de 300 millions, les fonds nécessaires à Radio-Canada et s'attaquer surtout à Radio-Canada français.

L'engagement du Parti libéral dans le livre rouge était celui-ci: «Nous doterons les institutions culturelles nationales comme le Conseil des arts du Canada et Radio-Canada d'un budget pluriannuel stable.» C'est loin d'être ce qui se fait aujourd'hui puisque le ministre encore répondait en Chambre qu'il ne savait pas exactement les coupures qu'il y aurait à Radio-Canada. Il n'y en avait pas tant que cela. Il y en avait peut-être un peu plus que cela. Il s'est contredit au moins cinq fois depuis deux mois sur les coupures possibles à Radio-Canada alors que l'engagement formel, précis, marqué dans le livre rouge était d'un financement pluriannuel stable. Voilà encore une fois à quel point le discours est différent lorsqu'on est en campagne électorale et lorsqu'on est au pouvoir, lorsqu'il s'agit du Parti libéral.

Je dois conclure là-dessus, puisque mon temps de parole est presque entièrement écoulé pour dire. . . Je sais que cela peine énormément mes confrères d'en face qui aimeraient encore entendre. . . Je les vois d'ailleurs la tête basse de honte, préférant défendre leur parti que leurs principes, les idées qu'ils avaient défendues et leur livre rouge. Ils sont prêts à n'importe quoi pour le pouvoir. C'est à l'exemple de leur chef. Le pouvoir à


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n'importe quel prix, à n'importe quelle promesse, et le respect de ces promesses importe peu lorsqu'on arrive au pouvoir. Mais un jour ou l'autre, ils subiront le même traitement qu'ils ont déjà subi en 1984, c'est-à-dire un rejet complet d'Halifax à Vancouver, de ce genre de comportement, de ce double langage, de ce double discours qu'ils ont toujours tenu.

Je termine avec une recommandation que faisait le CRTC et qui disait ceci en parlant de Radio-Canada: «Les projets de politiques qui s'élaboreront au cours des prochains mois devront être axés sur un objectif central et fondamental: promouvoir et préserver l'identité des Canadiens francophones. Notre système de radiodiffusion actuel exige de ses partenaires qu'ils fassent une large place au contenu canadien, ce qui a favorisé l'expression de notre identité culturelle et ce qui a permis l'essor de la production audiovisuelle dans les deux langues officielles du pays. Ces acquis ne devraient pas être remis en cause.»

Voilà l'orientation que devrait avoir Radio-Canada, et le ministre actuel est complètement en dehors de la «track» en refusant une réflexion sérieuse et un maintien stable des budgets, et cela surtout au détriment du réseau français de Radio-Canada qui performe davantage. On sabre le champagne au réseau de Radio-Canada anglais lorsqu'on a fait un million d'auditeurs alors qu'au niveau du réseau français, le million d'auditeurs c'est une écoute journalière.

(1515)

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grande attention les propos du député conservateur, ou plutôt du Bloc, qui a le don de changer d'idée souvent et qui accuse les autres de tenir deux discours. J'ai trouvé cela particulièrement original de la part de ce député et surtout de cette formation politique.

Monsieur le Président, vous vous y connaissez en la matière. On a entendu aujourd'hui le Bloc québécois parler des francophones hors Québec. Ça, c'est le comble. Cela fait déborder le verre d'entendre le député ainsi que sa collègue, la députée de Rimouski-Témiscouata, nous dire qu'ils défendent les francophones hors Québec et que ceux-ci ont le droit de parole, alors hier, quand les francophones hors Québec disaient des choses qu'ils n'aimaient pas entendre, ils n'avaient pas le droit de s'exprimer parce que ça ne les regardait pas.

Avez-vous remarqué que ces gens, qui parlent de ceux et celles qui tiennent deux discours, sont des gens qui parlent de gauche et de droite et accusent ensuite les autres de tenir deux discours? Nous, on n'appelle pas cela deux discours; on parlerait plutôt des deux faces du Bloc. Ceux qui ont deux faces dans leurs discours sont des visages à. . . Vous l'avez deviné, monsieur le Président.

Le député d'en face se prétend le défenseur de Radio-Canada-cela me fait plaisir de voir que les Bloquistes appuient n'importe quoi qui comporte le mot «Canada»-et porte des accusations injustes et déraisonnables envers le gouvernement. Sait-il que les francophones hors Québec, du moins chez nous, jouissent de RDI, Radio-Canada, de la Chaîne française, de Quatre Saisons? On a tout cela chez nous pour les francophones de l'Ontario dans un Canada uni.

Le député d'en face, celui qui tient deux discours de la même bouche, veut nous enlever à nous, les francophones hors Québec, le privilège d'avoir ces institutions bilingues qui nous permettent d'avoir accès à ces biens culturels auxquels on a droit. Pourquoi, d'une part, prétend-il défendre Radio-Canada et défendre les francophones hors Québec quand, d'autre part, lui et ses collègues essaient de leur mieux de nous enlever nos acquis?

M. Plamondon: Monsieur le Président, je suis surpris du discours du député de Glengarry-Prescott-Russell, surtout de l'entendre dire que je suis un «changeux» d'idée. Il me reproche d'avoir été député conservateur et d'être maintenant député du Bloc québécois. Je vous dirai, monsieur le député, que j'ai eu le courage. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît. Dans sa première intervention, le député de Richelieu semblait avoir raison en ce qui concerne l'autre endroit, et je lui en suis reconnaissant. Cela témoigne de son expérience. Je dois cependant lui rappeler de passer par l'intermédiaire de la Présidence pendant son intervention.

M. Plamondon: Je vous remercie de me rappeler ce juste règlement. J'allais vous dire que je suis surpris des propos du député de Glengarry-Prescott-Russell lorsqu'il dit que je suis quelqu'un qui change d'idée. J'ai changé de parti, mais je n'ai pas changé d'idée. Les principes qui m'ont conduit en politique et les principes du parti auquel j'appartenais n'étaient plus compatibles. C'est le parti qui a changé et, pour être fidèle à mes idées, j'ai eu le courage de traverser la Chambre et de venir m'asseoir de ce côté-ci, d'abord en tant que député indépendant, pour ensuite former un parti politique avec un groupe de huit députés.

Le député a-t-il le courage, lui, après avoir vu son parti renier ses engagements en matière de chômage, renier ses engagements en matière d'agriculture, renier ses engagements en termes de protection de la culture française au Canada en coupant 5 p. 100 des budgets, renier ses engagements au niveau de la conservation de la fonction publique, renier ses engagements en ce qui concerne Radio-Canada, de traverser la Chambre et de venir s'asseoir de ce côté, comme je l'ai fait en 1990, parce que le parti que je servais ne correspondait plus à mes principes?

(1520)

C'est ce que j'ai fait, tandis que lui, comme le dit l'article du journal Le Droit, «ce lion de l'opposition est devenu une souris». Voilà ce qu'il est devenu. C'est ce que j'ai à lui répondre.

Maintenant s'il croit vraiment à Radio-Canada, moi aussi j'y crois à Radio-Canada français, s'il y croit vraiment. . . J'ai remarqué lorsqu'il a parlé de RDI que certains centres ne l'ont pas encore, mais justement parce qu'il existe Radio-Canada français, parce qu'il existe un RDI, pourquoi son ministre remet-il cela en péril? C'est ça le débat d'aujourd'hui.


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Pourquoi ne garantit-il pas les fonds? Pourquoi ne pas garantir les fonds à Radio-Canada sur une période stable de cinq ans? Voilà ce qu'il ne fait pas, voilà ce qu'on lui demande. On lui demande d'arrêter de travailler en sourdine, de travailler par la bande, de se contredire de jour en jour. C'est ce qu'on demande au ministre. Donnez-nous l'heure juste, donnez-nous des budgets stables, conservez les acquis de Radio-Canada français, respectez le fait que Radio-Canada français est plus performant que Radio-Canada anglais, donnez les mêmes budgets pour les nouvelles aux postes de radio français qu'aux postes anglais, donnez le même montant d'argent pour les programmes de variétés, donnez le même montant d'argent pour toutes les productions sportives.

C'est ce qu'on demande, une équité, une garantie, une garantie de la part du ministre, garantie dans laquelle d'ailleurs ils s'étaient engagés, lui, son parti, son premier ministre. Ils s'étaient engagés pendant la campagne électorale à réaliser auprès de cet organisme, ils s'étaient engagés par écrit dans le programme du livre rouge.

Voilà ce qu'on demande aujourd'hui. Pourquoi le député qui m'a posé une question n'a-t-il pas le courage de dire: oui c'est vrai que j'ai promis cela, oui c'est vrai qu'on devrait faire cela, et nous allons appuyer la motion du Bloc afin de faire pression sur ce ministre qui ne comprend plus rien à son ministère.

[Traduction]

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, l'avenir du financement de la SRC est certes une question capitale sur laquelle la Chambre doit se pencher aujourd'hui, mais il en est une autre qui est encore plus fondamentale, à savoir l'importance de la radiodiffusion publique pour le Canada.

J'ai l'intention de profiter de cette occasion pour rappeler à mes collègues des deux côtés de cette enceinte pourquoi nous sommes si résolument et fondamentalement déterminés à assurer la survie de la radiodiffusion publique au Canada.

Il est largement reconnu que la SRC de demain sera appelée à jouer un rôle nécessairement fort différent de celui qu'elle a été appelée à jouer il y a plus de trois décennies. Aujourd'hui, les Canadiens ont accès à un éventail d'émissions et de services plus large que jamais. Ces changements sont certes non négligeables, mais ils ne constituent qu'une fraction de ce à quoi il faut attendre de l'industrie de la radiodiffusion dans l'avenir.

Ces tout derniers mois, les câblodistributeurs ont offert une foule de nouveaux services à leurs abonnés. Comme l'attestent les audiences du CRTC sur la convergence, nous n'avons encore rien vu. En fait, quand ils entendent parler d'étoiles de la mort et du réseau de 500 canaux, les députés sont en droit de se demander quel sera le rôle du télédiffuseur public dans ce nouvel environnement où les choix seront de plus en plus nombreux.

Si la SRC est un sujet d'une importance vitale aujourd'hui, elle le sera encore dans dix ans. Il est vrai que le gouvernement a toujours soutenu la SRC et protégé la culture canadienne. Au moment où une quasi-révolution est en train de se produire dans le secteur des communications, le Canada doit plus que jamais avoir une identité culturelle forte, et il n'y a pas d'outil plus vital au développement de l'identité nationale que la SRC.

La SRC est le principal employeur d'écrivains, d'acteurs, de musiciens, de danseurs, de cinéastes, de réalisateurs et d'une foule d'autres travailleurs talentueux et créateurs qui tissent notre identité. Il n'y a aucune autre chaîne de télévision qui tienne autant à une programmation canadienne de qualité que les réseaux français et anglais de la SRC.

Avec deux grands réseaux de télévision, un français et un anglais, un service de télévision dans le Grand Nord ainsi que deux réseaux d'information, un français et un anglais, diffusés 24 heures sur 24 par les câblodistributeurs, la SRC sert de lien entre les Canadiens, et les prix nationaux et internationaux qu'elle a remportés sont là pour le prouver.

(1525)

Dans un pays aussi vaste que le nôtre, la SRC seule offre des services remarquables. Outre les services télévisés mentionnés plus tôt, elle exploite quatre réseaux radio classiques, les réseaux AM et FM de langues française et anglaise, en plus d'un service dans le Nord qui transmet des émissions dans de nombreuses langues autochtones, y compris en cri et en inuktitut, pour n'en nommer que deux. Ce sont les seuls réseaux radio au Canada et ils rejoignent environ 98 p. 100 de la population.

Si on visite quelques-unes de nos régions plus éloignées, il est facile de comprendre à quel point il peut être important pour une bibliothécaire de Iqaluit, par exemple, de savoir que sa soeur qui habite à Chester, en Nouvelle-Écosse, et que son père installé à Nanaïmo, en Colombie-Britannique, écoutent comme elle l'émission Morningside et qu'ils partagent tous cette expérience commune à bien des Canadiens, ce sentiment de connectivité qui est l'essence même de la radiodiffusion publique de nos jours. C'est cette expérience commune que nous devons pouvoir continuer de partager. Nous vivons effectivement à une époque où les réseaux spécialisés sont plus nombreux, et les Canadiens peuvent recevoir pratiquement tous les services sur demande.

Il faut se demander s'ils partagent des expériences comme ils le faisaient autrefois. Notre capacité d'enregistrer toutes les émissions que nous désirons et de les regarder plus tard, à presque n'importe quel moment, risque de donner lieu à des interprétations de notre identité qui font qu'elle est très sélective et singulière, et certains diraient même aliénante. En tant que radiodiffuseur public national, la SRC doit être suffisamment forte pour produire des émissions de qualité que les Canadiens veulent regarder, le genre d'émissions qui suscitent la discussion le lendemain et qui les aident à partager des expériences qui renforcent leur sentiment d'appartenance au Canada.

L'ancien président du conseil d'administration de la Société Radio-Canada, Patrick Watson, a beaucoup mieux exprimé la situation que je ne saurais le faire, lorsqu'il s'est adressé au Centre Paul Nitze d'études avancées de l'Université John Hopkins, au Maryland, en 1994. À l'époque, il a déclaré que, à l'instar des Américains, les Canadiens allaient passer beaucoup de temps à explorer les limites de ce nouvel univers des communications.


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Plus que jamais, pour assurer la survie de ce type particulier de société civile dans lequel nous avons investi, nous aurons besoin d'un point d'attache, un peu comme un foyer de l'information, pour que, chaque fois que nous choisissons un des canaux appartenant à notre radiodiffuseur public, il soit si évident qu'il est canadien que les gens seront en mesure de se dire que c'est bien à eux.

Après tout, c'est cela un bon service public de radiodiffusion. Il s'agit de donner un sentiment d'appartenance aux gens dans un univers qui s'élargit tout le temps. Cela ne signifie pas pour autant que la SRC peut s'attendre à un accroissement des sommes que lui verse le gouvernement. Il serait tout à fait irréaliste et irresponsable à l'égard des générations futures qui devront payer nos dettes de s'attendre à cela, à la lumière de notre situation financière actuelle. De même, il est évident que la SRC ne doit pas offrir exactement les mêmes services que dans le passé, car cela serait également faire fi de la réalité.

Les temps changent et il en va de même de nos goûts et de nos attentes. Le Comité permanent du patrimoine canadien a entendu de nombreux excellents témoins parler de l'importance du service public de radiodiffusion et des autres moyens de procéder. Il est temps pour le gouvernement de passer à la prochaine étape qui consiste à examiner le mandat législatif que les parlementaires ont confié à la Société Radio-Canada pour nous assurer que nous ne lui demandons pas de s'acquitter de tâches qui ne sont plus nécessaires, étant donné les nouveaux services qui nous sont offerts ou, peut-être, les ressources actuellement disponibles. Nous devons décider comment la SRC peut le mieux accroître notre sentiment d'appartenance, alors que nous entrons dans le prochain millénaire. J'attends, avec impatience, la prochaine annonce du ministre du Patrimoine canadien à cet égard.

Je me dois de rendre hommage aux hommes et aux femmes qui servent la SRC de nos jours et qui l'ont fait dans le passé. Le gouvernement attache beaucoup d'importance à leur engagement soutenu envers la radiodiffusion publique et le service public. Alors que nous essayons de relever les défis auxquels la SRC sera confrontée à l'avenir, nous ferons de notre mieux pour agir avec sagesse, diligence et respect pour le trésor culturel que ces gens ont créé grâce à leur travail acharné.

(1530)

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la députée parler de la responsabilité qui incombe à la SRC de produire des émissions de qualité qui plaisent aux Canadiens.

Autre aspect intéressant à noter, la députée souscrit au bon vieux principe des libéraux qui veut que si quelque chose mérite d'être fait, c'est le gouvernement qui doit s'en charger, que le gouvernement doit intervenir dans la définition de l'identité canadienne et que le gouvernement doit intervenir dans la création d'un sentiment d'appartenance. Ce sont là de belles paroles, mais, vu que la note s'élève à 1,1 milliard de dollars, je me demande ce qu'en pensent vraiment les Canadiens branchés.

Je me demande si la députée peut m'aider à comprendre comment il se fait que, alors que nous dépensons toute cette fortune pour créer des émissions de qualité qui plaisent aux Canadiens, le nombre des téléspectateurs, notamment ceux de la télévision de langue anglaise, baisse massivement. A-t-elle vraiment l'impression que nos deniers publics sont bien placés, si nous les consacrons, comme elle le souhaite, à la réalisation d'émissions de qualité et qui plaisent aux Canadiens, alors que les deux réseaux connaissent une hémorragie de téléspectateurs?

Mme Brown (Oakville-Milton): Monsieur le Président, je ne suis pas surprise de la réponse du député de l'opposition puisque j'ai parlé en termes énergiques de l'importance du rôle de l'État dans la promotion de la radiodiffusion et de l'importance de la radiodiffusion.

À la différence du député de l'opposition, je ne crois pas qu'il faille compter avant tout sur le secteur privé pour fournir des services de valeur à la population canadienne. En fait, les radiodiffuseurs privés offrent des services, mais ils sont loin d'offrir le genre de programmation canadienne que le réseau d'État diffuse dans les deux langues officielles.

Rien n'empêche l'industrie privée d'accroître le contenu canadien de sa programmation. Par ailleurs, il est évident que les radiodiffuseurs, en particulier ceux du réseau anglais dont le député à choisi de parler, peuvent faire beaucoup plus de profits en suivant les règles du marché auxquelles ils se conforment et en se contentant d'importer des comédies de situation américaines.

M. Abbott: Radio-Canada le peut aussi.

Mme Brown (Oakville-Milton): Non. Entre 80 et 85 p. 100 de la programmation de Radio-Canada, pendant les heures de grande écoute, a un contenu canadien. Sur les réseaux privés, la programmation américaine représente à peu près le même pourcentage.

Les données les plus récentes montrent que le marché ne nous aide pas à avoir une vision nationale de nous-mêmes et à échanger entre nous. C'est pourquoi je persiste à croire, à l'instar du gouvernement, que l'État a encore sa place dans l'industrie de la radiodiffusion et qu'il peut encore contribuer à créer et à faire évoluer la culture canadienne anglophone et francophone dans notre pays.

Le député a dit que la Société Radio-Canada coûtait des sommes gargantuesques. Je suppose que cela dépend des valeurs de chacun. Si le député reconnaissait, comme moi, que notre pays a un rôle important à jouer dans l'avancement de la civilisation dans le monde et que nous n'avons pas fait du si mauvais travail jusqu'à présent puisqu'il a été nommé, par les Nations Unies, le pays où il fait le mieux vivre, et si le député attachait de l'importance aux choses auxquelles les Canadiens attachent de l'importance depuis toujours, comme prendre soin des autres, préconiser la solidarité, refuser les guerres inutiles, il ne considérerait pas les fonds que l'on consacre à une station publique comme des sommes gargantuesques.


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Il y a, dans notre pays, certaines personnes qui nous encouragent à dépenser davantage, croyez-le ou non, et à réduire les sommes gargantuesques que nous consacrons, par exemple, à l'armée. Pour certains, il s'agit là de dépenses vraiment scandaleuses. Ils estiment qu'il est plus valable d'investir dans les arts et la culture, qui contribuent au développement d'un pays. Je suppose que cela dépend du point de vue de chacun sur la façon de dépenser les fonds.

Pour préserver notre identité et conserver des traits qui nous distinguent de nos voisins du Sud qui sont nos amis mais que nous ne tenons pas à imiter, pas plus que nous tenons à imiter leurs structures sociales ou leurs programmes sociaux, il faut absolument que nous renforcions notre identité, en tant que Canadiens.

(1535)

Il faut que nous sachions qui nous sommes, que nos enfants sachent qui ils sont et qu'ils sachent aussi qu'ils sont différents. Ils ne sont pas des Anglais comme les Anglais d'Angleterre, et ils ne sont pas non plus des Français, comme les Français de France. De même, ils ne sont pas des Américains comme ceux qui vivent aux États-Unis. Ils sont différents et spéciaux. Ils sont en équilibre entre l'Europe et les États-Unis, qui constituent nos principales influences culturelles. Il est plus important que jamais de prendre des mesures fermes, en tant que représentants du peuple, pour faire en sorte que cette station publique continue de jouer un rôle important et d'être financée au moyen de fonds publics pour nous aider à définir la vision que nous avons de nous aujourd'hui et celle que nous voulons avoir demain.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Madame la Présidente, je remercie ma collègue de son exposé et d'avoir précisé sa pensée dans le cadre des réponses. Je suis très contente d'entendre dire qu'il y a, au Comité du patrimoine, une personne de la formation d'en face qui n'est pas très loin des positions du Bloc québécois en ce qui concerne la nécessité de défendre le réseau public, Radio-Canada, tel que nous l'avons connu jusqu'à maintenant, avec les ajustements qu'il faudra y apporter compte tenu de l'évolution de la technologie.

Je voudrais faire un commentaire et poser une question. Ce qui nous sépare dans notre conception des choses, c'est la notion d'identité canadienne. C'est une invention toute récente. Il n'y a pas qu'une seule identité canadienne. Il y a deux identités canadiennes, deux peuples fondateurs ici. Et il y en a même plusieurs si l'on ajoute toutes nos nations autochtones. Dans ce pays bilingue, francophone et anglophone, il y a deux identités nationales et deux cultures, qui se reflètent d'ailleurs très bien dans nos télévisions. Donc, c'est ceci qui nous sépare et on va peut-être mourir avec cela. C'est pourquoi on veut partir. On veut vous laisser votre identité canadienne et prendre notre identité québécoise. Ce sont toutes des raisons fondamentales, parce qu'on n'achètera jamais l'identité canadienne.

Cela étant dit, je veux savoir si ma collègue. . . Monsieur Cauchon, laissez-moi parler.

Le président suppléant (M. Kilger): Vous pourrez toujours avoir cette conversation dans un autre lieu, à un autre moment. Durant cette période, je demanderais que les interventions soient faites par l'intermédiaire de la Présidence. L'honorable députée de Rimouski-Témiscouata a de nouveau la parole.

Mme Tremblay: Vous avez raison, monsieur le Président. Je vous remercie de me rappeler à l'ordre. Je demanderais également au député d'Outremont de passer par votre intermédiaire.

Voici ce que je voulais demander à ma collègue. Dans sa conception de la télévision publique, est-ce qu'elle voit une télévision qui part de celle que nous connaissons et qui va tenir compte éventuellement des nouvelles technologies, ou bien si elle voit un PBS américain?

[Traduction]

Mme Brown (Oakville-Milton): Monsieur le Président, je crois que ma collègue d'en face, membre du comité, sait que je ne serai jamais satisfaite d'un réseau public semblable à PBS.

Je trouve tout à fait navrant de voir que d'honnêtes citoyens sont régulièrement obligés de tendre la main pour demander l'aumône. Je trouve aussi navrant que nos voisins du Sud n'estiment pas suffisamment les programmes offerts par PBS pour les financer par un autre moyen que cette forme de mendicité, car ces programmes plaisent à de nombreux citoyens, chez eux autant que chez nous. Je me battrais certainement à mort contre une approche semblable. Vous pouvez compter sur moi à cet égard.

Je ne peux laisser passer sous silence les commentaires sur la question de l'identité. Ma collègue affirme qu'il n'y pas une seule identité canadienne, mais plusieurs, puisqu'il y a les francophones, les anglophones et plusieurs peuples autochtones. Elle dit que c'est pour cette raison qu'elle veut la séparation.

Toutefois, le gouvernement ne veut pas que cela se produise. Lorsque ma collègue déclare: «On veut partir», elle parle des gens ayant une identité francophone qui vivent à l'intérieur des frontières du Québec, ce qui, après tout, n'est que la désignation d'un lieu géographique.

(1540)

De très nombreux Canadiens vivent à l'extérieur du Québec, mais considèrent eux aussi avoir une identité francophone. Je demande à ma collègue pourquoi elle voudrait abandonner ceux qui partagent son sens de l'identité en les laissant derrière elle et en créant un nouveau pays d'où ils seraient exclus.

Un dernier point. En réalité, toutes les identités et toutes les nations évoluent et émergent avec le temps. Il me semble que, bien que nous soyons tous rattachés à nos origines, j'ai ici l'occasion d'essayer de comprendre l'identité, les origines de ma collègue, qu'elle a aussi la possibilité d'essayer de me comprendre et que nous pouvons tous essayer de comprendre l'identité de nos peuples autochtones et des nouveaux arrivants. L'effort que nous faisons pour nous comprendre les uns les autres constituera peut-être l'assise de ce qui sera la véritable identité canadienne de chacun d'entre nous.


10800

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, la députée qui m'a précédé a fait un commentaire sur l'identité en disant que notre identité au Québec se limitait à une question purement géographique. Je pense qu'il y a d'autres éléments qu'il faut considérer. Il faut considérer que nous sommes les gens qui sont venus d'Europe en premier, qui ont installé une culture française en Amérique dont le foyer est au Québec.

Il y a également eu une Amérique française dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Les premiers Français qui sont venus au Québec, qui se sont installés au Canada, ont suivi le Mississippi, sont allés jusqu'en Louisiane et aux Rocheuses.

Si, aujourd'hui, le groupe francophone au Canada est moins nombreux qu'il y a 125 ou 130 ans, c'est peut-être beaucoup plus parce qu'on lui a refusé-notamment au Manitoba et en Alberta à la fin du XIXe siècle- le droit de pouvoir être éduqué et de se développer dans sa langue. Cela aurait permis de faire du Canada, vraiment, un pays bilingue, et aurait évité qu'on se retrouve dans la situation actuelle où on constate qu'on a deux réalités complètement différentes. On pourrait être des voisins vivant en harmonie. La seule solution nous semble être la souveraineté du Québec et que le Canada, lui, se débrouille pour commanditer et faire face aux voisins américains.

Est-ce que la députée, dans sa présentation, n'a pas limité de façon très restrictive et, je dirais, un peu gênante pour les Québécois, notre identité, tout simplement pour une question géographique, alors que nous faisons autant partie de l'histoire du Canada que les anglophones ou les Amérindiens? Est-ce que ce n'est pas nous limiter à très peu de choses et admettre que la connaissance que le Parti libéral peut avoir du Canada est limitée à l'image qu'on lui en a faite, particulièrement par le portrait que le premier ministre peut en faire?

Le président suppléant (M. Kilger): La période de questions et commentaires est terminée. Le député de Kamouraska-Rivière-du-Loup a commencé son intervention à 15 h 40 pour une durée maximum de 20 minutes.

M. Crête: Je m'excuse de m'être trompé un peu quant à la présentation.

J'en reviens donc à la motion qui a été présentée par l'honorable députée de Rimouski-Témiscouata qui dit:

Que la Chambre condamne le gouvernement pour le refus du ministre du Patrimoine canadien de rendre publiques les décisions gouvernementales relatives au financement de Radio-Canada pour les 3 prochaines années, faisant ainsi planer une menace lourde de conséquences sur le réseau français de la société.
Cette motion attire mon attention et mon appui au départ pour différentes raisons. Premièrement, elle identifie clairement le ministre du Patrimoine canadien comme responsable de la situation très ambiguë que l'on vit présentement à Radio-Canada. Que ce soit pour les gens qui écoutent Radio-Canada ou pour les travailleurs de Radio-Canada, il y a un flou terrible sur ce que sera la vocation de cette société à l'avenir et le ministre du Patrimoine canadien en est responsable.

Cette attitude du ministre discrédite finalement toute l'expertise qui peut avoir été développpée à la fonction publique canadienne et à la Société Radio-Canada. Cela discrédite aussi un peu la fonction du ministre, parce que, de façon répétée, de façon systématique, on a su par le président démissionnaire, M. Manera, et par la vice-présidente, Mme Fortin, qu'il y aurait des coupures importantes et significatives à la Société Radio-Canada. Il ne s'agit pas de déclarations en catimini. Mme Fortin a fait une téléconférence qui a été télévisée en réseau fermé à la grandeur du Canada pendant deux heures, où elle a expliqué à toutes les composantes du réseau français de la Société Radio-Canada quels seraient les impacts des coupures. Par exemple, une des personnes qui a écouté la déclaration a dit: «Mme Fortin a partagé avec nous son impuissance et ses angoisses. On ne sait pas ce qui nous attend.»

(1545)

Donc, à la suite de cette évaluation par un employé de Radio-Canada qui reflète ce que les gens ont ressenti lors de la présentation, l'opposition officielle a demandé au ministre de confirmer quel serait l'impact des coupoures. Et, pour toute réponse, on a eu comme une négation de ces coupures, alors qu'on retrouve à l'intérieur même des documents qu'on a obtenus de la Société Radio-Canada, des preuves qu'il y a un programme de coupures qui s'annonce. On parle en 1995-1996 de 44 millions de dollars, en 1996-1997, de plus de 96 millions de dollars et, en 1997-1998, 165 millions de dollars.

Donc, ce sont des coupures qui font déjà partie de tout le travail de la Société Radio-Canada qui, on le sait, doit planifier ses actions à l'avance. Il y a des gestes qui doivent être posés en production télévisuelle ou en radio plusieurs mois à l'avance pour qu'on puisse voir quelles seront les séries des prochaines années qui seront télédiffusées et l'enlignement que se donnera la Société Radio-Canada. Présentement, le ministre, par le flou des propos qu'il tient et ce qu'il laisse entendre quant à l'avenir de Radio-Canada, nuit de façon dramatique à l'avenir de cette Société.

Pourquoi l'opposition officielle a-t-elle jugé important d'attirer l'attention de la Chambre là-dessus lors d'une journée consacrée à l'opposition? C'est qu'on se rend compte finalement-et il y a là une leçon pour les deux réseaux de Radio-Canada-qu'à cause de la qualité des émissions qui sont produites, à cause de la façon dont on a réussi à se coller à l'identité au Québec par la Société Radio-Canada, de façon systématique, il y a à la Société Radio-Canada, pendant les heures de grande écoute, on dit de l'ordre de 87 p. 100 d'émissions canadiennes et 13 p. 100 seulement d'émissions étrangères. Cela a eu comme impact d'amener TVA, une des chaînes privées, à produire 73 p.100 d'émissions canadiennes et 27 p. 100 d'émissions étrangères. À TQS, c'est 65 p.100 d'émissions canadiennes. On se rend compte que Radio-Canada a un rôle de locomotive par rapport à la promotion de la culture canadienne et de la culture québécoise par le fait qu'elle contribue à sa diffusion, au fait qu'elle soit connue.

Au réseau anglais, on rencontre beaucoup moins cet effet-là parce que les productions du réseau anglais réussissent moins à attirer l'attention des auditeurs. Par exemple, à des réseaux comme Global, pendant les mêmes périodes de 19 heures à 23 heures, on retrouve 80 p. 100 d'émissions étrangères au Canada. À la télévision payante, on retrouve 94 p. 100 d'émissions étrangères. Au réseau CTV, qui est un peu l'équivalent, en


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caricaturant, de TVA, dans un certain sens, on retrouve 75 p. 100 d'émissions étrangères. Il y a donc là une différence de perception significative pour l'auditoire qui fait que le réseau français de Radio-Canada a réussi à développer une connivence avec son auditoire et à assurer ainsi une diffusion de la culture du pays que l'autre réseau n'a pas nécessairement réussi à atteindre.

On pourrait peut-être penser que ces résultats ont été atteints parce qu'on profitait de budgets supplémentaires. C'est tout le contraire. Si on regarde la disparité dans les coûts de production, on dit que le montant alloué en moyenne pour une heure de production d'émission à la Société Radio-Canada est de 18 390 $, alors qu'à la CBC, il est de 37 496 $. Le coût moyen d'une heure de nouvelles à Radio-Canada français est de 7 000 $, à CBC, 18 000 $. Le coût moyen d'une heure de variétés est de 30 000 $ en français, 141 000 $ à CBC. Donc, ce n'est pas le coût comme tel qui a fait que Radio-Canada a développé une programmation qui est plus écoutée, qui permet une plus grande diffusion de la culture de notre pays. Ce sont donc d'autres raisons.

(1550)

Si on s'acharne à faire des coupures au sein du réseau français de la Société Radio-Canada, cela aura un effet direct sur la quantité et la qualité de la production. On n'en est plus à couper dans le gras, à aller chercher des surplus. Cela aura un effet direct sur les productions et, entre autres, sur les types de collaboration qu'on peut avoir avec le milieu culturel.

Dans le passé, Radio-Canada a souvent fait la diffusion de toutes les formes d'art, en donnant des contrats pour la réalisation de concerts ou en réalisant des productions de danse ou des productions dans tous les secteurs artistiques. Mais à l'avenir, avec ces coupures-et c'est ce qui a été annoncé dans les conférences de presse de Mme Fortin-on se retrouvera dans une situation qui aura un effet d'entraînement négatif sur la production culturelle et sur la possibilité de diffuser la culture de façon satisfaisante. On pénalise davantage la télévision française de Radio-Canada parce que, lorsqu'on coupe 25c. sur un dollar, cela n'a pas le même effet que lorsqu'on coupe 35c. ou 50c. sur quatre ou cinq dollars. L'effet net de la coupure au réseau français va faire beaucoup plus mal. À ce sujet, il est important que la Chambre, dans sa préoccupations de faire une gestion budgétaire correcte, s'assure que les coupures se fassent avec équité.

On ne trouve pas, dans le programme de coupures actuel de Radio-Canada, cette intention d'assurer une équité dans la façon dont les fonds publics sont répartis. La première personne responsable de cette mauvaise information est le ministre lui-même. En refusant de nous donner les chiffres réels, il ajoute à l'insécurité des travailleurs de Radio-Canada et de toutes les personnes qui ont à coeur que ce réseau puisse continuer d'assurer à l'avenir la diffusion de la culture qu'il a faite dans le passé.

Mme Fortin, dans sa déclaration à l'émission de télévision en circuit fermé où elle présentait l'effet des coupures, disait aussi: «La télévision nationale ne sera plus jamais la même». Effectivement, il y aura des effets majeurs sur les francophones dans toutes les provinces du Canada. Le réseau français de Radio-Canada est un peu comme le cordon ombilical qui relie l'ensemble des francophones à la production nationale qui est faite au Québec et qui permet de diffuser les productions faites en région.

Ayant moi-même parcouru le Canada au cours de la dernière année, notamment au sujet de la réforme des programmes sociaux, je peux affirmer qu'à plusieurs endroits, le réseau français est équipé du minimum pour demeurer en vie. Les décisions qui seront prises par rapport au réseau français de Radio-Canada pourront avoir pour effet de priver de façon significative une partie du Canada de la diffusion en français d'une information qui peut aller dans les deux sens, c'est-à-dire qui permet aux francophones de Vancouver, d'Edmonton, de Charlottetown d'exprimer leur réalité et de la faire connaître à l'ensemble du Canada.

À l'inverse, les coupures feront en sorte qu'on leur offrira une programmation moins variée, une programmation qui devra être plus limitée à cause des moyens très réduits de la Société. Il y aura des choix qui se feront et ce seront possiblement les francophones de toute la communauté canadienne qui paieront davantage pour ces coupures, possiblement encore plus que la majorité au Québec.

(1555)

On sait que M. Manera a démissionné de Radio-Canada parce qu'on n'a pas respecté les engagements qui avaient été pris avec lui lors de son entrée en fonction à Radio-Canada. Quand la vice-présidente de Radio-Canada, réseau français, annonce publiquement les coupures et que le ministre dit qu'il n'est pas certain qu'il y aura des coupures, cela entraîne une démobilisation encore plus grande chez les travailleurs de ces sociétés.

Je peux vous dire qu'entre l'attitude de Mme Fortin qui dit: «On va voir ensemble si on est capables de travailler pour produire quand même des choses intéressantes, mais en tenant compte des coupures qui seront faites», et l'attitude du ministre qui se refuse à mettre sur la table les chiffres réels, je privilégie de beaucoup celle de la gestionnaire, qui semble être plus près des besoins exprimés par les employés de Radio-Canada et ceux qui font la production de tous les jours.

Qu'est-ce qui pourrait être fait pour que la Société Radio-Canada, à l'avenir, puisse continuer à assumer son mandat, sans pour autant être pénalisée de façon à ne plus produire des émissions de même qualité, à ne plus atteindre la même popularité, la même qualité et la même quantité de diffusion pour l'ensemble du public canadien? L'attitude du ministre devrait être plutôt de demander aux artisans de Radio-Canada, aux gens qui travaillent dans la boîte, de dire à quel endroit on pourrait effectuer les coupures après leur avoir donné les chiffres exacts, les chiffres clairs sur les coupures, sur leur importance, sur les effets qu'elles auront.

On me disait par exemple que le fait que Radio-Canada doive chaque année, ou à intervalles réguliers, aller chercher une bénédiction du CRTC représente une dépense de l'ordre de 15 millions de dollars. Quinze millions de dollars, quand on regarde les coupures qui sont prévues-on parle de 45 millions en 1995-1996-, cela permettrait de diminuer de façon significative l'impact de telles coupures.


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Les gens suggéreraient peut-être aussi de faire des coupures au siège social de Radio-Canada. Comme pour plusieurs autres composantes, on se rend compte que les différents points de service de Radio-Canada dans les différents milieux ont déjà seulement le minimum des effectifs dont ils ont besoin pour assurer une couverture adéquate de l'information, de la culture ou d'autres secteurs.

Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que la Société fasse un effort particulier au siège social? Est-ce qu'on ne pourrait pas ainsi retarder l'effet que cela pourrait avoir sur la production à court terme? Ce sont des voies qu'on pourrait étudier à l'avenir et mettre de l'avant. Il serait important de demander au ministre de se pencher sur ces situations, tout cela dans un contexte où, en même temps, il y a un discours du gouvernement fédéral qui dit que la minorité francophone au Canada est importante pour nous. On veut leur assurer des services de qualité. On veut s'assurer que, partout au Canada, le fait français est bien vivant et bien présent. De l'autre côté, et là-dessus je rejoins le discours du député de Richelieu qui m'a précédé, il y a deux langages. Il y a le langage de la campagne électorale, le langage du programme électoral, et la réalité que le Parti libéral met de l'avant comme gouvernement.

Si on enlève au fait français au Canada la possibilité d'exprimer correctement ce qu'il est, on va contribuer encore davantage au clivage qui peut exister entre les composantes et qui ne permet pas présentement au Canada d'assurer une vitalité suffisante au fait français. En enlever encore sera un peu comme leur couper l'oxygène. Je pense que le ministre du Patrimoine canadien, qui a un peu la responsabilité de l'ensemble de la culture au Canada, devrait se poser de sérieuses questions avant de faire des gestes de ce genre.

(1600)

On a l'impression qu'après nous avoir dit, dans les premières semaines suivant l'élection, qu'il était l'ami de Radio-Canada et qu'il s'assurerait que la société aurait ce qu'il faut en termes de ressources pour assurer son développement il est par la suite devenu le valet du ministre des Finances qui, lui, se devait d'effectuer des coupures budgétaires.

Sa difficulté à défendre correctement le dossier de l'ensemble de la culture au Canada et sa vision étroite d'une seule culture canadienne peuvent lui faire croire qu'on n'a pas nécessairement besoin de deux réseaux de télévision en bonne santé, qu'on pourrait couper l'oxygène à l'un et faire en sorte qu'il n'y ait vraiment qu'une seule identité canadienne. On pourrait revenir à la télévision bilingue des premières années, mais cela ne correspond pas à la réalité vécue dans notre pays.

Je pense que c'est important que la Chambre porte attention à la motion présentée aujourd'hui et qu'on s'assure, premièrement, que le ministre identifie clairement quelles seront les coupures-je pense que cela est un geste responsable à poser-et deuxièmement, que ces coupures ne seront pas effectuées à des endroits nuisant à la production et ne permettant plus d'assurer un service adéquat aux Québécois et aux Canadiens.

[Traduction]

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, je veux demander au député si, au Québec, la culture est tellement fragile que seule Radio-Canada soit capable d'assurer sa survie. Je ne crois pas que ce soit une station ou un réseau de radio ou de télévision qui ait donné naissance à la culture. Ce sont les gens qui créent la culture au fil des siècles, en travaillant, en jouant et en vivant ensemble.

Cette culture, après s'être développée durant des siècles, est-elle si fragile que nous ayons besoin d'un réseau gouvernemental de télévision et de radio pour la soutenir? Cela me semble absurde. Le député peut-il me répondre là-dessus?

[Français]

M. Crête: Monsieur le Président, il y a plus de deux océans au Canada, je pense qu'il y a une différence quasiment incommensurable entre l'opinion de mon collègue et la mienne. Je viens de comprendre un peu les problèmes d'identité du Canada anglais. Si un député, ici à la Chambre, considère que la culture ne se transmet pas par les médias, la radio, la télévision, l'autoroute électronique, tout ce qui s'en vient, toutes les façons dont on communique, je peux comprendre pourquoi il y en a un certain nombre qui ont beaucoup de difficulté à voir la frontière entre le Canada et les États-Unis.

Les propos que je viens d'entendre me donnent l'impression qu'ils pourraient demeurer n'importe où sur la planète, qu'être Canadien ou Américain c'est la même chose. Je comprends encore plus pourquoi ils ont tant peur qu'on s'en aille: ils ont l'impression qu'après notre départ il n'y aura plus d'identité canadienne.

Avant les médias écrits et les médias électroniques, la culture se transmettait oralement. Un peuple se distinque par sa création artistique, par ses inventions, par son développement scientifique, par ses traditions commerciales, ce sont tous ces éléments qui forment la culture d'un peuple.

Des médias comme Radio-Canada, que ce soit le réseau français ou le réseau anglais, prennent des photos pour nous montrer ce qu'est le pays dans lequel nous vivons et qui sont les gens avec lesquels nous vivons. Vouloir qu'un tel média survive et produise des émissions de qualité n'est d'aucune façon dire que notre culture est fragile, c'est montrer l'importance de sa diffusion.

C'est pour ça, entre autres, qu'on a mis sur pied des réseaux comme TV5 qui regroupent des canaux de télévision francophones de partout au monde. Les réseaux anglais font de même. Je pense qu'il est important de réaliser que, dans le village global de l'avenir, dans le monde de demain, des réseaux comme Radio-Canada sont les outils de l'avenir. Vouloir le maintien de Radio-Canada n'est pas dire que notre culture est fragile, c'est s'assurer qu'elle ait un avenir et qu'elle puisse prendre sa place, que ce soit dans le Québec ou le Canada, selon le choix que les Québécois feront prochainement.

(1605)

M. Nic Leblanc (Longueuil, BQ): Monsieur le Président, il semblerait que le gouvernement a décidé de mettre la hache dans Radio-Canada. On dit que des coupures d'environ 375 millions


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de dollars seront faites d'ici les prochaines années. Le ministre semble refuser aussi de les divulguer, mais on ne sait pas pourquoi. C'est la question qu'on se pose aujourd'hui.

En tant que député qui fait la promotion de la souveraineté du Québec, voyant que le gouvernement actuel est en train de mettre la hache dans Radio-Canada, je me pose la question suivante: Serait-il mieux que le gouvernement privatise tout simplement Radio-Canada, de sorte que les sommes d'argent épargnées puissent servir à diminuer les taxes au Québec et permettre au gouvernement du Québec de faire vivre Radio-Québec? À ce moment, Radio-Québec pourrait répondre aux aspirations des Québécois de la même façon que Radio-Canada le faisait avant, puisque, dans le futur, elle ne pourra pas le faire.

Qu'est-ce que le député pense de cette suggestion?

M. Crête: Monsieur le Président, je ne crois pas que la question soit nécessairement juste une question de privatisation du réseau national. Au Québec et au Canada, il y a une question de la production télévisuelle, par exemple, c'est que, par besoin de s'assurer une couverture adéquate et de s'assurer une diffusion de ce qu'on est qui soit adéquate, il y a eu une décision depuis longtemps au Québec de créer Radio-Québec. Il y a eu la volonté, parce que des Québécois ont travaillé à Radio-Canada, de contribuer aussi à ce que l'image du Québec soit diffusée adéquatement dans le futur. Et cela nous a possiblement entraînés dans des dépenses globales supérieures à ce qu'elles devraient être.

La solution repose probablement dans des champs plus clairs, que ce soit très clair qui a la responsabilité de la juridiction, qui va pouvoir lever les impôts, qui va pouvoir dépenser l'argent. Il y en a un qui va pouvoir signer les traités internationaux, par exemple, sur les réseaux comme TV5, de telle façon qu'on s'assure que l'argent va vraiment dans les productions et pas nécessairement dans des compétitions qui ne sont pas toujours adéquates et qui créent des dépenses inutiles et du gaspillage.

On est rendu aujourd'hui dans la situation où on ne veut pas mettre sur la table le principe de l'existence de Radio-Canada et on lui coupe l'oxygène par la base. Eh bien, il faudrait peut-être voir si la solution ne résiderait pas plus dans le fait qu'il faut comprendre au départ qu'il y a deux cultures au Canada et que chacune doit pouvoir être dotée des instruments adéquats pour assurer son développement.

On voit aussi l'effet d'entraînement que Radio-Canada a eu sur la qualité des émissions et dans le fait qu'au réseau français beaucoup plus d'émissions à contenu québécois ou canadien sont diffusées pendant les heures de pointe. De cette façon, elles font la promotion de ce qu'on est, qui est de beaucoup supérieur à ce qu'il peut y avoir au réseau anglais, pour différentes raisons. On peut donc s'enorgueillir du résultat, en tout cas du côté du Québec.

M. Martin Cauchon (Outremont, Lib.): Monsieur le Président, vous savez, j'ai eu la chance de lire la motion présentée par mon honorable collègue de Rimouski-Témiscouata, et je dois vous dire que je n'étais nullement surpris.

De l'autre côté de la Chambre, il y a une philosophie qui les anime et qui est derrière chacune des actions de ce parti. Je l'ai dit et je le répète, les députés du Bloc québécois sont ici, à la Chambre des communes, non pas pour servir l'intérêt de la population, non pas pour servir l'intérêt des Québécois, mais pour servir un but ultime, qui est leur intérêt bien propre, et ce but ultime est d'obtenir à tout prix la séparation du Québec.

(1610)

Quand on comprend ce leitmotiv, quand on comprend cette philosophie, ce n'est pas surprenant de voir des motions comme celle présentement à l'étude. Pourquoi pareille motion? C'est simple. Radio-Canada est une société qui, depuis plusieurs années, a fait la promotion de l'identité canadienne, a fait la promotion de notre culture, a fait la promotion de ce que nous sommes, une société qui contribue à notre unité et qui contribue au développement du fait français au Canada, non seulement au Québec, mais également hors Québec parce qu'il existe, oui, au grand détriment, évidemment avec la grande peur du Bloc québécois, il existe des francophones hors Québec. Donc, il n'est pas surprenant qu'aujourd'hui, on dépose une motion pour essayer de porter atteinte à ce monument national, à cette institution dont je suis profondément fier, qu'est Radio-Canada.

Oui, nous sommes en période d'austérité budgétaire. Le gouvernement fédéral est en période d'austérité budgétaire et toutes les provinces également sont en période d'austérité budgétaire. Oui, le Budget du ministre des Finances, un budget qui, soit dit en passant, a été reçu d'une façon incroyable par l'ensemble de la communauté canadienne, une réception superpositive qui démontre que ce gouvernement est un gouvernement responsable, oui, le Budget du ministre des Finances, dans son effort de mettre de l'ordre dans les finances publiques, a effleuré le budget de la Société Radio-Canada.

Il y a quand même de la mauvaise foi de l'autre côté de la Chambre. J'ai lu le Budget. Il me semble que le Budget est clair quant à nos intentions comme gouvernement face à cette société que nous voulons sauvegarder. Il y a eu une légère diminution du budget. Le budget de Radio-Canada, comme vous le savez, est de plus de 1,1 milliard de dollars. Il y a une diminution du budget pour les années 1995-1996. Et ce que nous disons par la suite, la société canadienne évoluant, la situation politique évoluant, le pays évoluant, nous voulons aller de l'avant avec une réforme de la Société Radio-Canada.

Quand on parle de réforme, on parle toujours de faire en sorte que les institutions puissent suivre l'évolution de la société. C'est ce que nous ferons avec la Société Radio-Canada.

Il n'est pas de l'intérêt du parti de l'opposition officielle que nous puissions aller de l'avant avec des réformes. Leur intérêt c'est de faire en sorte qu'il puisse démontrer que le système ne fonctionne pas, pour éventuellement en venir à obtenir la séparation du Québec. C'est un climat très nocif, c'est un climat très constructif qui, malheureusement, sert l'intérêt de personne.

De ce côté-ci de la Chambre, lorsque nous avons formé le gouvernement, nous avions dit que nous allions aller de l'avant avec des réformes majeures. C'est possible d'aller de l'avant avec des réformes majeures si tout le monde travaille ensemble et si tout le monde pousse la roue dans la même direction. Cependant, là n'est pas le but du parti de l'opposition officielle. Bien entendu, ils reçoivent les ordres de la maison-mère à Québec, et la maison mère à Québec, depuis qu'ils ont formé le gouvernement, dicte à cette succursale qu'ils ne doivent pas coopérer avec le gouvernement fédéral. Ils ont bien trop peur qu'une coopération en vienne à un dénouement de la situation et en vienne à une progression du fédéralisme canadien qui


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servirait mieux l'ensemble des provinces et la réalité canadienne.

(1615)

Bien au contraire, ce qu'on décide de faire, et c'est bien malheureux, c'est de se retirer du processus. La maison-mère, le Parti québécois à Québec, l'a malheureusement fait dans bien des secteurs. On peut penser, par exemple, au secteur de l'environnement. Malheureusement, quand on parle d'environnement, ils se sont retirés d'une table de concertation pancanadienne-les Québécois et Québécoises doivent connaître ces réalités-une table de concertation qui visait à peaufiner les relations entre les gouvernements provinciaux, qui visait à peaufiner le fédéralisme canadien et à faire grandir le Canada, donc à faire grandir, également, le Québec.

Ce sont là les actions de ces gens qui veulent régresser plutôt que de progresser. Vous savez, quand on parle d'aller de l'avant avec des réformes, quand on parle également de faire en sorte qu'on puisse en venir à créer un système meilleur, c'est possible et le ministre des Finances, dans son Budget, nous l'a démontré.

Pensons, par exemple, à la question de la réforme des programmes sociaux. Combien de provinces nous ont demandé, dans le cadre des programmes sociaux, d'avoir une décentralisation qui ferait en sorte qu'elles pourraient avoir plus d'autonomie, qui ferait en sorte qu'elles pourraient façonner davantage les programmes en fonction des réalités locales, régionales, provinciales? C'était une demande quasi unanime.

Quand on regarde le Budget du ministre des Finances, on a une réponse positive. On s'aperçoit qu'il y a une décentralisation et que nous avons créé le nouveau Transfert social canadien, un transfert qui donne plus d'autonomie aux provinces et qui demande également aux provinces de venir s'asseoir avec le gouvernement fédéral pour qu'on puisse façonner ensemble les normes nationales qui s'appliqueront «coast to coast».

C'est cela, le fédéralisme canadien, un fédéralisme qui évolue. C'est cela, la nouvelle réalité politique à laquelle nous sommes confrontés. C'est une réalité qui demande aux politiciens et politiciennes à travers le Canada de travailler ensemble en coopération. Mais, ces gens-là ne veulent pas fonctionner, ils ne veulent pas avancer.

Plutôt que de dépenser leur énergie à faire avancer la situation du Québec dans le contexte fédéral canadien, on préfère dilapider les fonds publics. Ce n'est quand même pas peu dire. En 1995, le Québec a un gouvernement qui prend le pouvoir et qui, plutôt que d'essayer de mettre de l'ordre dans les finances publiques, plutôt que d'essayer de faire en sorte que le Québec puisse continuer à prendre sa place au sein de la fédération-une place enviable, remarquable-et de faire en sorte que le Québec puisse rayonner au niveau international, essaie simplement d'en venir à un seul but, à savoir la séparation, et pour en venir à ce but, il utilise les fonds publics qu'il dilapide d'une façon honteuse.

Quand on parle de dilapider les fonds publics, les Commissions régionales sur l'avenir du Québec en sont un bel exemple. Il s'agit là non seulement d'une perte d'argent, mais d'une perte de temps incroyable. Je vous assure que je suis profondément Québécois mais quand je vois les gens de l'autre côté de la Chambre faire ce qu'ils font présentement, j'ai le sentiment profond qu'on ne progresse pas avec eux. Ils ont une vision défaitiste des choses.

Oui, le fédéralisme canadien a contribué à faire en sorte que la langue française se développe au Canada, a contribué à faire en sorte que les francophones hors Québec continuent à se développer. Oui, comme appareil gouvernemental fédéral, nous allons continuer à agir de la sorte, nous allons continuer à raffiner le fédéralisme canadien.

(1620)

Ce n'est pas tout. Non seulement, le Canada permet de faire en sorte que la Francophonie, à l'intérieur de nos murs, soit rayonnante, mais, comme le mentionnait le ministre des Affaires étrangères, le Canada intervient au niveau de la Francophonie internationale également et contribue à faire sorte que cette facette du Canada, qui est la Francophonie, rayonne au niveau international.

On le fait, et on le fait à côté de la province de Québec, puisque la province de Québec est à la table de la Francophonie internationale sur invitation de l'appareil fédéral. On le fait avec un tel succès que nous avons créé dernièrement, avec d'autres pays de la Francophonie, TV5. Y a-t-il un plus beau succès au niveau international que TV5? Y a-t-il un plus beau succès pour la Francophonie que TV5? Donc, les actions du gouvernement fédéral rayonnent non seulement à l'intérieur du Canada, mais au niveau international.

En terminant, j'aimerais vous dire que, si nous travaillons tous et toutes main dans la main, nous pourrons réussir à protéger ce joyau qu'est la Société Radio-Canada et, ce faisant, nous pourrons réussir à faire en sorte que Radio-Canada puisse donner dans le futur les mêmes services qu'il a donnés dans le passé. Ces services ont permis à la langue française de rayonner et ont permis également au Canada de faire valoir sa dualité linguistique et sa culture, coast to coast, et non seulement coast to coast, mais partout à travers le monde.

En conclusion, j'aimerais vous souligner que nous n'avons pas de leçon à recevoir de personnes qui ne travaillent pas de façon constructive et qui n'ont pour seul but que de détruire le pays. Nous n'avons pas non plus de leçon à recevoir de personnes qui, lorsque vient le temps d'agir sur leur propre terrain, font des choses qui sont pires que celles que nous pouvons faire. Pensons, par exemple, à la question de Radio-Québec. Pour tous ces motifs, vous comprendrez que, pour revenir au début, la motion de la députée est une motion qui était prévisible, prévisible en regard des principes sous-jacents à leur action politique, et je trouve cela bien malheureux qu'on ne tienne pas compte de l'intérêt de personne. Le seul intérêt que ces gens-là servent, c'est leur intérêt, et cet intérêt-là, c'est d'en venir à la séparation. Si on travaille ensemble, et laissez-moi vous dire que j'ai parcouru la province de Québec à plusieurs reprises, les gens veulent une société qui va de l'avant, une société constructive.

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, commenter ce que je viens d'entendre, j'en ai pour


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longtemps. En tous les cas, je vais peut-être prendre les cinq minutes que j'ai à ma disposition. Commençons d'abord.

Il dit que nous avons une philosophie derrière chacune de nos actions. Bien, tant mieux. C'est ce qui nous donne de la profondeur, c'est ce qui nous permet de penser de façon articulée. Ce que j'ai entendu, c'est du tutti frutti, du pot-pourri, mais je n'ai presque pas entendu parler de ma motion. Il en a profité pour parler un peu de tout et de rien.

Les francophones hors Québec, bien sûr qu'on sait qu'il y en a. On l'a rappelé, nous, ici. Les libéraux les avaient oubliés pendant les neuf années qu'ils étaient dans l'opposition. Ils avaient oublié les Québécois. Ils avaient oublié les francophones hors Québec. Ils ne parlaient même plus français en Chambre. C'est nous qui avons remis le français sur la «map». C'est nous qui avons refait cela, pas le député d'Outremont, pas les libéraux d'en face qui ont oublié le français pendant neuf ans. Là-dessus, il n'a pas de leçon à nous faire.

Il ne se rend pas compte que le Budget coupe les budgets de Radio-Canada de 679 millions de dollars sur trois ans. Il ne l'a pas lu jusqu'au bout. Seulement au ministère du Patrimoine, dont la moitié est impartie à la Société Radio-Canada. On nous accuse d'être de mauvaise foi. Il nous parle d'une réforme. Bien sûr que nous aussi on veut suivre l'évolution. Je suis de celles qui veulent que tout le monde ait accès à l'inforoute. Mais en attendant que l'inforoute marche, est-ce qu'on peut continuer de marcher sur la «garnotte»? Est-ce qu'on peut encore avoir notre télévision? Ensuite, il nous a dit que si tout le monde allait dans le même sens, cela donnerait la moutonne du ministre.

(1625)

Pour en revenir à des choses sérieuses, il parle d'une réalité canadienne, que Radio-Canada traduit une réalité canadienne. C'est peut-être vrai pour la télévision anglaise, mais je regrette, Radio-Canada français, c'est la réalité québécoise. Et même quand Mme Fortin-vous pourrez le lui demander-a comparu devant le Comité du patrimoine, on lui a dit d'essayer de refléter davantage la réalité francophone canadienne. S'ils ont les fonds nécessaires, ils pourraient mettre des téléromans qui viennent des Prairies, entre autres.

Il parle de la maison-mère. Il dit que nous autres, nous sommes à la solde de la maison-mère. J'ai été élevée par des religieuses, donc, la maison-mère, cela ne me dérange pas trop. Au plan économique, on parle souvent des maisons-mères, des multinationales, mais qu'est-ce qu'ils font de leurs succursales, avec Michel Bélanger, Daniel Johnson et Stéphane Dion? Ce n'est pas mieux. C'est exactement la même chose. La maison-mère, oui, Power Corporation.

En plus, il nous a parlé, écoutez bien, je ne veux pas me tromper, que je dise des choses qu'il n'a pas dites, il a parlé du NTSC, le nouveau Transfert social canadien. J'espère que cela ne donnera pas ce qu'on pense. Il parle des dépenses des commissions. Il a dit que c'était inutile, une perte de temps. Voilà qu'être démocrate et consulter le peuple, c'est gaspiller l'argent et c'est inutile. Je n'ai jamais vu une chose pareille! Qu'est-ce qu'a coûté l'unité canadienne maintenant? Deux cents dollars par jour pour chacun des espions qu'il y avait dans chacune de nos commisions. Faites le calcul, monsieur le Président.

Maintenant, quant à la Francophonie internationale dont il se gargarise, savez-vous que nous devons cette situation de la Francophonie internationale à nul autre qu'au chef de l'opposition qui était alors ambassadeur du Canada en France, à Brian Mulroney qui était premier ministre du Canada et à Pierre-Marc Johnson qui était premier ministre du Québec? Trois vrais francophones du Québec qui avaient à coeur l'avenir de la Francophonie, pas de faire en sorte que les francophones disparaissent du Canada et soient tous assimilés.

M. Cauchon: Monsieur le Président, je ne pensais pas que j'avais piqué la députée à ce point. Nous allons revenir à une situation de calme et allons parler de choses sérieuses, c'est-à-dire de la Société Radio-Canada.

Je serai bref. Quand on dit qu'il existe une philosophie derrière leur façon de penser et que cela leur donne de la vision, malheureusement, cette vision n'est partagée, au Québec, par personne, parce qu'ils n'ont qu'une seule façon de voir les choses et c'est la séparation. Je trouve cela malheureux.

Quand elle parle de consultations au niveau des commissions régionales, on peut en parler, car tout ce que cela a donné, c'est gain de cause à la vision du gouvernement fédéral actuel. Les gens sont venus dire à la maison-mère du député du parti d'opposition qu'ils voulaient qu'on s'intéresse à la dette et au déficit, qu'ils voulaient qu'on s'intéresse à la question de la création d'emplois, qu'ils voulaient qu'on s'intéresse au développement économique.

Comment se fait-il qu'il n'y ait qu'eux autres, de l'autre côté, qui n'aient pas compris cela? Nous, cela fait un an et demi qu'on s'affaire à mettre de l'ordre dans les finances publiques et à réformer l'appareil gouvernemental, et je dois dire que nous réussissons avec succès. Le dernier Budget du ministre des Finances est remarquable.

De l'autre côté, on s'entête à ne pas vouloir comprendre ce que la population nous dit. C'est pourtant simple: qu'ils laissent tomber quelque chose qui est révolu, quelque chose qui date des années 1960. Le Québec s'est développé.

(1630)

Le Québec possède maintenant ses propres instruments de développement économique. Le Québec est une puissance au plan canadien qui rayonne maintenant à l'échelle internationale. Ces gens agissent comme si nous étions encore dans les années 1960. Ils réagissent comme s'ils étaient colonisés. J'ai l'impression que ce n'est pas ma génération.

En conclusion, je suis fier d'être québécois. Je n'ai aucun complexe. Je suis fier d'appartenir à la grande famille canadienne et de rayonner ensemble avec ces gens.

[Traduction]

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt des ministériels nous parler de l'importance de la SRC et se poser en amis de cette société. Comme le gouvernement et ses membres ont présenté un budget qui prévoit des compressions importantes à la SRC, on peut se


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demander, avec des amis comme ceux-là, de quoi auraient l'air les ennemis de cette société.

J'ai écouté, en particulier, le député qui a parlé de la nécessité d'une réforme. Il a dit qu'il fallait renouveler la SRC et le faire en collaboration. Je suis d'accord pour dire que les temps ont changé, que le contexte est différent et qu'il faut faire des changements, mais je veux demander au député si le gouvernement ne ferait pas les choses à l'envers.

Avant d'exercer des coupes et de modifier le budget, il faut penser d'abord aux objectifs qu'on veut fixer à la SRC, parce que tout le monde est d'accord pour dire que les compressions actuelles ne permettent pas à la SRC de remplir le mandat qui lui est confié en vertu de la loi.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas commencé par se demander quel genre de radiodiffusion publique il souhaitait avoir avant d'effectuer des compressions? Les ministériels peuvent-ils nous expliquer quel devrait être le mandat de la SRC, compte tenu de ces compressions? Comment le député et le gouvernement envisagent-ils le rôle de la nouvelle SRC «réformée»?

M. Cauchon: Monsieur le Président, la question du député est très intéressante. Il dit que nous allons procéder à des réductions importantes. Nous ne devons pas avoir le même budget entre les mains.

Le budget dit que nous allons réduire le budget de la SRC en 1995-1996. Après ça, il n'est plus question de réductions. Nous faisons exactement ce que le député souhaite que le gouvernement fasse. Nous allons procéder à une importante refonte du mandat de la SRC car le gouvernement est conscient de la situation financière dans laquelle se trouve notre pays.

Nous devons mettre de l'ordre dans nos finances mais en même temps nous devons avoir une certaine vision de l'avenir. Nous devons envisager l'avenir, ce qui veut dire que nous devons réformer le système tout entier. Comme nous devons réformer le système de sécurité sociale, nous devons réformer la SRC.

Je crois que la question du député est un peu prématurée à ce stade car nous n'avons annoncé jusqu'ici aucune réduction importante en ce qui concerne la SRC. Le budget de la SRC est de 1,1 milliard de dollars. Des réductions sont prévues pour l'année 1995-1996, mais pour la suite nous faisons exactement ce que le député souhaite que nous fassions. Nous travaillons à la réforme du système.

Je suis sûr que le ministre du Patrimoine canadien va nous en dire plus à ce sujet une fois que le comité permanent chargé d'examiner la réforme du mandat de la SRC aura pris une décision.

[Français]

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, je vais tenter de revenir à la motion sans trop m'énerver. La motion nous dit ceci:

Que la Chambre condamne le gouvernement pour le refus du ministre du Patrimoine canadien de rendre publiques les décisions gouvernementales. . .
C'est là-dessus que j'aimerais enclencher. L'honorable député de Richelieu nous a fait un brillant discours sur le double langage du gouvernement actuel du Parti libéral au cours des 30 dernières années, et il nous a donné de très nombreux exemples où des décisions ont été prises avant les élections pour ne pas être appliquées après les élections, où des choses ont été dites qui seraient faites avant les élections et qui n'ont pas été faites après les élections. Il y a donc là effectivement double langage, mais il y a aussi non-transparence, dans certaines circonstances, quand on refuse de donner les faits, quand on préfère garder le silence. C'est le sens de la motion qui est déposée ici aujourd'hui.

(1635)

J'aimerais faire lecture d'un ou deux petits paragraphes tirés du livre rouge, qui décrivent bien la situation de Radio-Canada actuellement. Dans le petit livre rouge, on retrouve quelques phrases, dont la suivante: «À l'heure de la mondialisation des échanges et de l'explosion des technologies de l'information, les frontières entre les pays s'estompent. Le Canada doit, plus que jamais, favoriser son développement culturel. Or, le gouvernement conservateur a délibérément fragilisé nos institutions culturelles nationales.» C'était donc là une critique que ce gouvernement faisait à l'époque au gouvernement conservateur.

Et je poursuis: «L'amputation des budgets de Radio-Canada et du Conseil des arts du Canada, de l'Office national du film, de Téléfilm Canada et d'autres institutions montre bien que les conservateurs méconnaissent l'importance du développement culturel.» Je vous ferais remarquer que ce parti, ce gouvernement, fait, actuellement, exactement ce qu'il considérait incorrect de faire pour le Parti conservateur.

Je poursuis un peu plus loin. C'était dit, bien sûr, avant les élections dans leur petit livre rouge: «Les libéraux sont conscients que les industries culturelles, en plus de renforcer l'identité canadienne, créent des emplois et rapportent des devises.» Que voyons-nous après? Pertes d'emplois, mises à pied et, probablement, pertes de revenus aussi. Dernière petite phrase, toujours tirée du livre rouge: «Enfin, nous doterons les institutions culturelles canadiennes, comme le Conseil des arts du Canada et Radio-Canada, d'un budget pluriannuel stable.» Le contraire de ce qu'on fait aujourd'hui. «Nos institutions culturelles nationales pourront ainsi mieux planifier leurs activités.» Et on voit bien les conséquences des décisions qui sont prises aujourd'hui.

C'est pour cela que M. Anthony Manera a démissionné, parce qu'il n'y avait pas moyen de planifier quelque chose à long terme. Et quand on est un gestionnaire de haut niveau qui veut faire de la gestion publique cohérente, on demande à avoir des chiffres cohérents, ce qui n'était pas le cas. Ces coupures à Radio-Canada, annoncées à l'encontre des positions qui avaient été prises dans le petit livre rouge, c'est-à-dire le discours d'avant versus les décisions d'après, nous les dénonçons, bien sûr, aujourd'hui, comme nous avons dénoncé chaque fois que des positions ont été prises et qu'elles n'ont pas été respectées.

J'aimerais vous faire remarquer que nous ne sommes pas les seuls à dénoncer cela. Des députés mêmes du gouvernement dénoncent ce type d'activités. J'en reviens, entre autres, à mon honorable collègue, le député de Gander-Grand Falls, qui passe la majeure partie de son temps dans les couloirs de Revenu Canada et qui chaque mois et demi ou deux, nous explique, ici en Chambre ou en l'imprimant dans les journaux, comment son


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gouvernement refuse d'aller chercher l'argent là où il doit aller le chercher, dans les poches des gens riches qui ne paient pas d'impôt. Ce n'est pas le Bloc québécois qui dit cela, c'est le député de Gander-Grand Falls.

J'en reviens également à d'autres déclarations, à des déclarations de mon honorable collègue, le député de York-South-Weston, qui nous dit que chaque fois que le gouvernement s'en prend ou veut s'en prendre aux programmes sociaux, il fait exactement la même chose qu'il dénonçait quand les conservateurs étaient au pouvoir, exactement la même chose, et ce n'est pas le Bloc québécois qui dit cela, c'est le député de York-South-Weston, un libéral, député du gouvernement. J'en reviens également au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui nous a fait, ici même en Chambre, un discours à l'emporte-pièce sur le fait que ce ne sont pas les programmes sociaux, au Canada, qui sont responsables du déficit canadien. C'est lui qui a fait un discours là-dessus et qui terminait en disant: «Je vais probablement, monsieur le Président, voter contre ce Budget.» On verra bien ce qu'il en adviendra à ce moment-là.

Ce qui veut dire que cette façon de faire, que nous dénonçons ici aujourd'hui, a été amplement dénoncée également par les propres députés de ce gouvernement qui est là aujourd'hui. Bien sûr, le ministre ne veut pas faire la lumière sur les questions qu'on lui pose en Chambre. Cela fait déjà une dizaine de questions, je pense, qu'on lui pose sur le budget de Radio-Canada versus les déclarations qui sont faites hors de cette Chambre par ceux qui dirigent Radio-Canada. Le ministre refuse de se mouiller. Le président de Radio-Canada est obligé de démissionner en nous disant qu'il va y avoir 350 millions de dollars coupés, alors que le ministre refuse de l'admettre.

Mme Fortin nous dit qu'il y aura 750 postes coupés ou abolis sur le réseau français et le ministre refuse de l'admettre, en prétendant que ce sont des discussions dans les airs. Finalement, tous les médias admettent actuellement l'inconsistance totale des propos du ministre.

(1640)

Ce n'est pas nous qui disons cela, on le retrouve dans tous les journaux tous les jours. Il y aura donc des coupures importantes et ces coupures risquent de frapper dramatiquement, probablement plus le réseau français que le réseau anglais. Il y a actuellement des disproportions importantes entre les deux réseaux. Je me réfère à ce que mon honorable collègue de Rimouski-Témiscouata nous a si bien expliqué quand elle a dit que les programmes de télévision, en général, au réseau français coûtent moins chers à produire qu'au réseau anglais et sont plus écoutés.

Je me réfère également à un rapport déposé au comité, un rapport qui provient de la Coalition pour la défense des services français de Radio-Canada. Cette coalition est formée de réalisateurs, d'artistes, de producteurs des services français de Radio-Canada et le résumé du programme de cette coalition nous dit ceci, et je pense que cela mérite d'être dit en Chambre: «La Coalition pour la défense des services français de Radio-Canada dénonce le partage disproportionné des ressources au programme pour les émissions de la télévision publique canadienne, selon qu'il s'agisse d'émissions de langue anglaise ou de langue française.»

Et je poursuis: «Selon qu'ils soient francophones ou anglophones, les citoyens canadiens n'ont pas le droit à la même qualité de services publics. Cette situation est non seulement injuste, mais constitue une violation du mandat de la société tel qu'il est défini dans la Loi sur la radiodiffusion et les télécommunications canadiennes. Notre appui au renouvellement des licences du réseau français et du réseau anglais est conditionnel à la correction de cette situation. Nous recommandons que le CRTC lie au renouvellement des licences pour la SRC et la CBC l'obligation d'établir des budgets aux programmes égaux pour les deux réseaux, l'objectif devant être atteint avant l'an 2001.»

On suggère dans ce rapport trois points précis sur lesquels il faudrait intervenir et on termine en disant: «La Coalition pour la défense des services français de Radio-Canada réclame l'intervention du CRTC pour contraindre la Société Radio-Canada à faire de ces corrections une priorité.» On voit où on en arrive avec tout ça: on arrive à des coupures dramatiques. Et tout cela sous prétexte qu'on a un Budget à produire et une dette énorme dont il faut tenir compte.

Le ministre des Finances vient, effectivement, de déposer en cette Chambre, un Budget qui, si je peux m'exprimer ainsi, a du mordant. Bien sûr ce Budget a du mordant, mais pas pour n'importe qui. Ce n'est pas un Budget qui a du mordant pour les fiducies familiales, par exemple. On abolira finalement les fiducies familiales, mais dans quatre ans seulement, ce qui donnera la chance à ceux qui ont des intérêts dans des fiducies familiales de réunir leurs meilleurs fiscalistes et de revoir toute la structure qui leur permet de ne pas payer d'impôt.

Ce n'est pas un Budget qui a du mordant pour les paradis fiscaux. Les paradis fiscaux existent toujours et les gens qui s'en servent transitent leurs profits à l'extérieur du pays et ne paient pas un sous d'impôt ici.

Ce n'est pas exactement, non plus, un Budget qui a du mordant pour les banques. On voit dans le Budget qu'on demandera un léger supplément aux banques. Littéralement, des peanuts, compte tenu des profits faramineux que les banques ont faits cette année. On demande aux gens de se serrer la ceinture jusqu'au dernier trou et aux banques on ne demandera pas grand-chose.

Par contre, c'est un Budget qui a du mordant pour tous les petits, cela est visible. On mord à pleines dents dans la chair tendre de nos agriculteurs, dans les producteurs de lait, les producteurs de blé. Bien sûr, dans l'Ouest, on va aider les producteurs de blé à se recycler, mais il n'y aura rien pour le Québec.

On croque dans l'assurance-chômage; ce ne sont pas les gens les plus riches qui bénéficient de l'assurance-chômage, mais on croque là-dedans, à belles dents, sans avaler le déficit. Voilà la beauté de l'affaire: si on a des coupures dramatiques qui visent les petits, c'est parce qu'on a une dette et un déficit qui s'accumulent.

Malgré toutes les coupures qu'on fera cette année, cette dette et le déficit seront plus élevés l'an prochain, c'est-à-dire que l'année prochaine, on sera obligé de couper encore plus. Les coupures de cette année, les gens les ressentiront dans sept ou huit mois.


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(1645)

En même temps, dans ce Budget-et les jeunes sont venus nous faire voir qu'ils le sentaient sur la Colline-on bouffe littéralement l'avenir de nos jeunes en les obligeant à payer davantage pour aller s'inscrire à l'école pour des jobs qui sont de moins en moins présents quand ils sortent. Donc, on forme des chômeurs instruits, endettés à 80 p. 100. C'est ça leur vie. Alors, un gros Budget.

Et on salive d'avance, bien sûr, à l'idée qu'on va remettre en question tout le système des pensions de vieillesse. D'ailleurs, un homme de 72 ans est venu me voir hier à mon bureau. Il vient de remplir son rapport d'impôt en tant que bon contribuable canadien. Cet homme a un revenu de 23 000 $ par année. Parce qu'il a réalisé son exonération de gain de capital, puisqu'il a vendu sa maison de façon fictive cette année, il va être obligé de remettre sa pension de vieillesse de l'année, soit 4 600 $. Il y a de nombreuses personnes dans ce cas actuellement qui, au fur et à mesure qu'elles vont remplir leur rapport d'impôt au cours de ce mois, vont réaliser les coupures dramatiques qui ont été faites mais qui n'apparaîtront qu'un peu plus tard.

J'entendais mon honorable collègue qui nous disait que ce Budget avait été accepté dans tout le Canada avec le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Je ne suis pas sûr qu'on ait lu les mêmes journaux. Je parle ici de quelques personnes assez connues qui ont fait des commentaires dans les journaux. M. Roy Romanow s'est écrié, le lendemain du Budget: «Uncanadian.» Et il l'a répété à satiété: «Uncanadian», ce Budget-là. «On va couper les budgets de la santé et de l'assistance sociale», a déclaré Bob Rae avec des cris d'indignation. «Bob White se déclare en état de choc», cela a fait la manchette de tous les journaux. Et le président de Radio-Canada démissionne à ce même moment.

Pendant ce temps-là, seul au Québec, seul dans l'ombre de Michel Bélanger, le grand défenseur des intérêts du Québec, supposément, Daniel Johnson reste totalement muet. En quelque sorte, pour rester dans le domaine des moutons, c'est «le silence des agneaux».

Toutes ces mesures ne changent absolument rien. La dette va continuer à augmenter et les mesures de coupures qui sont prises actuellement devront être pires l'années prochaine, simplement pour combler les trous. Et le budget de Radio-Canada sera affecté.

C'est pour cela que nous avons déposé cette motion, pour souligner le fait que le ministre du Patrimoine devrait s'engager à nous donner des chiffres précis pour éviter qu'un climat malsain s'installe. Alors, c'est lui le ministre en charge de ce dossier, du moins le dit-il. C'est lui l'ami de la maison, du moins le dit-il. Je pense qu'on aurait intérêt à avoir en Chambre des chiffres précis et des décisions précises prises par ce gouvernement.

M. Guy H. Arseneault (Restigouche-Chaleur, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, ici, à la Chambre, on a entendu une couple de fois des attaques contre les députés francophones hors Québec. On a entendu aussi que le Bloc québécois prétendait être le défenseur de la Francophonie hors Québec. Je veux corriger ce point de vue puis faire un commentaire par l'entremise de la citation d'un article paru hier dans un journal du Nouveau-Brunswick, L'Acadie Nouvelle, écrit par M. Nelson Landry, le rédacteur en chef. L'article s'intitule La fleur et le pot, et je cite:

La chicane des mots à laquelle se sont livré la Fédération des communautés francophones et acadienne du Québec, FCFA, et Suzanne Tremblay du Bloc québécois fait que les deux parties méritent respectivement la fleur et le pot de la dernière semaine.
Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Même si on lit un texte d'un journal ou autre, c'est comme si les paroles venaient de nous-mêmes. Alors, il faut quand même interpréter en disant «la députée du comté de», au lieu de se nommer l'un et l'autre.

J'accorde la parole à l'honorable député de Restigouche-Chaleur.

M. Arseneault: Je vous remercie, monsieur le Président.

La fleur: Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
Même si la position prise par la FCFA dans le dossier référendaire n'est pas aussi ferme qu'elle devrait l'être, il est maintenant clair que l'organisme s'affiche pour le non, ce qui n'était pas tout à fait évident il y a quelques semaines.
La FCFA espère que les Québécois voteront non, mais malheureusement, elle n'ira pas plus loin dans sa démarche pour convaincre les Québécois du bien-fondé du fédéralisme.
L'organisme mérite une fleur pour avoir clarifié sa position, mais seulement une fleur. Il aura le bouquet lorsqu'il jouera le rôle qu'il doit jouer dans ce dossier, soit celui de participer activement à la campagne du non comme le veulent la grande majorité des francophones hors Québec.
Le pot: la députée de Rimouski-Témiscouata du Bloc québécois.
Cette députée aurait intérêt à se tourner la langue sept fois avant de parler. Cela pourrait l'empêcher de dire des bêtises comme elle a fait la semaine dernière en affirmant que la seule façon de sauver la Francophonie au Canada, c'est que le Québec soit souverain.
De tels propos démontrent bien la méconnaissance des politiciens québécois en ce qui touche la réalité francophone à l'extérieur du Québec.
Quant au cri «d'ingérence», il commence à être pas mal usé comme argument. Le référendum québécois est un dossier national, quoi qu'en disent la députée et compagnie, et les francophones hors Québec ont autant le droit de parole que les Québécois.
Les francophones hors Québec ont trop longtemps été silencieux, ce qui explique la lenteur à obtenir des droits linguistiques dans certaines provinces. Dorénavant, ils parleront souvent et fort sur les dossiers qui les affectent, y compris le référendum québécois.
C'est signé Nelson Landry.

(1650)

M. Pomerleau: Monsieur le Président, je ne sais pas trop si c'était une question ou un commentaire. Mon honorable collègue vient de nous parler de l'intervention possible. Je ne sais pas s'il a pris ces mots-là à son propre compte ou s'il les traduit comme étant les siens. Il est évident qu'une chose est clairement admise au Québec et qui est admise par tout le monde, c'est que ce qui va se décider au Québec va se décider par et uniquement par les Québécois. Je vous rappelle la fameuse phrase de M. Bourassa, qui n'est pourtant pas un souverainiste à tout casser, qui disait: «Le Québec est aujourd'hui et pour toujours maître de ses choix et de son destin.» Et c'est exactement notre position.

Quand mon honorable collègue de Restigouche-Chaleur-et j'ai été dans son merveilleux comté où il y a énormément d'Acadiens qui nous reçoivent très bien d'ailleurs-mon honorable collègue nous dit que dans l'article qu'il vient de citer comme étant quelque chose de pas très bien, que la seule façon pour nous de survivre en tant que société, c'est d'être souverains


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et que mon autre honorable collègue devrait se tourner la langue sept fois avant de dire des choses comme celles-là. Je participe au tournage de langue de ma collègue parce que je crois exactement cela. La survie du Québec et celle des Québécois et des Québécoises passent par la souveraineté du Québec.

On n'a qu'à regarder tous les groupes minoritaires à travers le Canada francophone. Presque partout, ils ont été tranquillement assimilés pendant un certain nombre d'années, et là où il y a une force présente aujourd'hui hors Québec, c'est parce que le Québec est présent dans la Confédération canadienne que ces gens-là peuvent avoir une balance politique réelle. Mais nous ne nous considérons plus comme étant Canadiens. Nous sommes Québécois, le Québec est notre seul pays. Alors, nous deviendrons Québécois.

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, comme on le sait, nous traitons d'une motion sur la Société Radio-Canada eu égard aux coupures budgétaires dont elle est victime.

Ce que j'aimerais souligner, le commentaire que j'aimerais faire et sur lequel mon collègue pourra épiloguer ensuite, c'est que l'ensemble du Budget ne semble pas être assis sur un projet, sur un plan de société. On a l'impression qu'on a tiré les coupures comme on tire une volée de plombs avec un .12. Et on éparpille, un peu au hasard des choses, des coupures. Radio-Canada en a eu pour son rhume, d'autres organismes gouvernementaux, d'autres programmes gouvernementaux ont aussi écopé. Il y a des conséquences à tout ceci. Les Américains ont une expression pour ce genre de travail à l'emporte-pièce et les conséquences qui en découlent.

(1655)

Ils appellent cela le «dynamic scoring». De quoi s'agit-il? Eh bien, c'est qu'on a découvert que lorsqu'on fait des coupures à un endroit, il y a des conséquences macroéconomiques qui s'ensuivent, c'est-à-dire qu'à vouloir économiser de l'argent ici, on met des gens au chômage là et que ceci entraîne, dans le cycle économique, une décroissance dont on n'a pas pris toujours le soin de mesurer les effets à l'avance. Ainsi, sait-on combien d'entreprises qui fournissent des services à la Société Radio-Canada verront leur chiffre d'affaires être diminué, suite à ces coupures budgétaires qui, forcément, amèneront la Société Radio-Canada à moins consommer de services à l'extérieur?

Sait-on combien de personnes seront mises à pied? Sait-on combien de ces personnes ne pourront pas se retrouver du travail dans leur domaine de compétence ou dans un autre? Sait-on, finalement, de combien va s'accroître la facture de bien-être social dans chacune des provinces? Parce que finalement, ce qui arrive avec toutes ces coupures-et celles de Radio-Canada ne font pas exception-c'est que l'on est en train d'économiser de l'argent au niveau du gouvernement fédéral, mais de forcer des dépenses au niveau du bien-être social, au niveau de l'assistance sociale, dans les provinces. On a déplacé un problème et non seulement on l'a déplacé, mais il est possible qu'on l'ait amplifié.

Mais, aucune étude macroéconomique ne vient appuyer les effets de ce que les Américains appellent le «dynamic scoring». Nous sommes en train de tirer des plombs à la volée, nous ne ciblons pas, nous ne savons pas où cela nous mène et ceci, je crois que le public canadien est en droit de le savoir. J'aimerais que mon collègue me donne ses commentaires sur cette perception que j'ai de la manière dont nous ne sommes pas gouvernés.

M. Pomerleau: Monsieur le Président, premièrement, j'aimerais dire à mon honorable collègue que c'est la première fois que j'entends l'expression «dynamic scoring». Si je comprends bien, c'est un peu comme tirer au pigeon d'argile, tirer à la volée, n'importe comment, à peu près. Je pense qu'il y a au moins une constatation qu'on peut faire en cette Chambre, au bénéfice de tous les gens qui s'y trouvent: un gouvernement ne peut pas être dirigé comme une compagnie. Souvent, on entend les hommes d'affaires nous dire: «On devrait diriger le gouvernement comme on dirige une compagnie.»

Malheureusement, ce n'est pas possible de faire cela, d'un strict point de vue, parce que quand une compagnie peut faire des mises à pied et se débarasser d'un problème parce qu'elle a trop d'employés, le gouvernement, lui, représentant une nation, ne peut jamais faire cela sans garder le problème pour lui-même. Autrement dit, les gens qu'on met à pied, on les aura sur les bras autrement, soit par l'assurance-chômage, le bien-être social ou, s'il n'y a pas de mesures sociales importantes, il y aura, à ce moment-là, accroissement de la violence, des problèmes sociaux, des gens qui ne seront plus médicamentés, des gens qui auront des problèmes inouïs.

Donc, le gouvernement ne peut jamais totalement être dirigé comme une compagnie et le «dynamic scoring» fonctionne encore moins, je pense, pour un gouvernement que pour une compagnie. Effectivement, je pense qu'on fait des budgets, qu'on coupe ici et là-cela a d'ailleurs été indiqué dans un texte ici-un peu de façon égale partout, alors qu'on devrait avoir des coupures très bien ciblées au bistouri.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: le député d'Ontario-La sclérose en plaques; la députée de Québec-Le Conseil consultatif sur le statut de la femme; le député de Charlesbourg-La Défense nationale; le député de Prince George-Bulkley Valley-La revendication territoriale.

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, N.P.D.): Monsieur le Président, je veux, moi aussi, prendre part à ce débat. Je suis en grande partie d'accord sur ce que dit la motion dont nous sommes saisis. Je dois cependant m'empresser d'ajouter que je suis également d'accord avec l'amendement proposé par le Parti réformiste, qui demande que l'on supprime les mots qui suivent «les trois prochaines années».

(1700)

Je rappelle aux députés du Bloc qu'ils forment le parti de l'opposition. En tant que membres de l'opposition officielle, ils doivent se sentir concernés par le pays tout entier. Le fait est que le gouvernement n'a pas rendu service à la SRC, pas seulement au Québec mais à la SRC et à la radiodiffusion publique dans tout


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le pays. J'espère donc que l'amendement proposé par le Parti réformiste sera adopté par la Chambre de sorte que nous puissions voter aujourd'hui en faveur de la motion de l'opposition dans son ensemble.

Nous avons plus que jamais besoin d'un radiodiffuseur public comme la SRC. Les ministériels comme les députés du Bloc sont d'accord là-dessus. Les députés réformistes ont essentiellement suggéré de privatiser ou de vendre la SRC. À cet égard, je les trouve soit un peu sinistres ou carrément naïfs.

Tous les partis politiques de droite et de gauche au Canada sont toujours convenus que l'État devait intervenir et jouer un rôle actif pour maintenir un sens d'identité nationale ou culturelle. Quand un pays peu peuplé comme le Canada a pour voisin un pays puissant et dynamique comme les États-Unis, ses habitants doivent faire des choses ensemble pour toujours être conscients de leur identité propre.

Comme je l'ai déjà dit, tous les partis politiques-qu'il s'agisse du Parti conservateur, du Parti libéral, du Nouveau Parti démocratique, de l'ancien Parti Crédit Social, des partis de la droite ou de la gauche-reconnaissent ce principe de base, sauf, aujourd'hui évidemment, le Parti réformiste. C'est pourquoi je me demande si les réformistes comprennent vraiment ce qu'est l'intérêt national, s'ils font preuve de naïveté ou d'une intention sinistre.

Si nous n'avions pas d'institutions comme la SRC, si nous n'avions pas une politique gouvernementale plus interventionniste, peut-on imaginer ce que serait le Canada en ce qui concerne les questions culturelles? Peut-on imaginer ce que serait le Canada sans la Société Radio-Canada? Nous serions totalement américanisés. Nous n'aurions pas les emplois; les Canadiens ne pourraient ni s'entendre ni se voir.

Il est dans l'intérêt national de maintenir au Canada une politique et une identité culturelles solides, afin que les Canadiens puissent s'entendre et se voir mutuellement. Laisser le marché décider, comme les réformistes le préconisent, c'est vraiment rendre un mauvais service au pays, parce que nous n'arriverons pas à nous entendre et à nous voir.

Les forces du marché s'exerceront et ces forces sont telles qu'il nous en coûtera moins cher de regarder des émissions américaines plutôt que des émissions canadiennes, pendant les heures de grande écoute. La situation économique est telle qu'il est insensé, au chapitre de la rentabilité, de produire des programmes canadiens. Les réformistes devraient comprendre cela.

Voyons ce que le gouvernement a fait. En matière de culture, il n'a pas à s'enorgueillir. Commençons par Ginn Publishing. Le gouvernement n'a pas la capacité ou la volonté de défendre les maisons d'édition canadiennes pour veiller à ce qu'elles restent entre les mains de Canadiens et à ce que les écrivains canadiens voient leurs oeuvres publiées au Canada.

Il y a ensuite le budget. Bien que le ministre du Patrimoine ait donné publiquement à la Société Radio-Canada l'assurance que son financement ne serait pas réduit, qu'elle pourrait compter sur un financement stable pendant les trois prochaines années, voilà que le soir du budget, avec l'ensemble des Canadiens, nous nous sommes rendu compte de l'ampleur des coupes imposées.

Il est maintenant évident que, compte tenu du budget, la Société Radio-Canada ne peut s'acquitter du mandat qui lui est attribué en vertu de la loi. En un sens, le gouvernement et le ministre en question lui ont rendu un mauvais service en donnant ce faux sentiment de sécurité au service public de radiodiffusion et à la Société Radio-Canada, en disant que le financement serait assuré pour trois ans encore. On a donné cette garantie au service public de radiodiffusion du Canada. À cet égard, je les trouve soit un peu sinistres ou carrément naïfs.

(1705)

Au lieu de réfléchir au nouveau type de radiodiffusion publique qui devrait être proposé avant d'annoncer les compressions, le gouvernement a procédé à l'envers. Il a annoncé les compressions, et qui sait combien d'autres viendront encore. Selon les rumeurs, un budget prévoyant de nouvelles compressions pourrait même être présenté cet automne.

Au lieu de redéfinir ce qu'une nouvelle forme de radiodiffusion publique devrait signifier au Canada et de déterminer comment rassembler les ressources pour atteindre cet objectif, le gouvernement part de la direction opposée. Il dit: «Voici nos compressions, et laissons ensuite les morceaux retomber en place là où ils peuvent et comme ils le peuvent.» Ce n'est pas une planification éclairée. Ce n'est pas une gestion intelligente. C'est de la mauvaise gestion. La radiodiffusion publique risque fort de s'autodétruire dans notre pays.

Les députés du parti ministériel parlent de réforme et de changements résultant de compressions et de réductions faites aveuglément plutôt qu'intelligemment. C'est exactement ce qui se produit à la SRC. Il faut maintenant que la SRC détermine si elle peut s'adapter aux réductions autrement qu'en procédant simplement à de multiples compressions, qu'elle voie si elle peut le faire en commençant à repenser ce que peut et devrait être le rôle d'un radiodiffuseur public et en partant de ce principe.

En d'autres termes, le gouvernement se lance dans la mauvaise direction et de la mauvaise façon. Au lieu de repenser entièrement les choses et d'élaborer les remaniements nécessaires à partir de la base, il procède aveuglément à des compressions sans se demander ce qu'elles signifieront et comment elles seront mises en application. Il n'y a aucun plan, aucune perspective de ce que devrait être le rôle d'un radiodiffuseur public.

Je ne dispose pas de beaucoup de temps dans ce débat, mais je voudrais expliquer certaines de mes suggestions et ma vision de ce que devrait être un service de radiodiffusion publique.

La radiodiffusion publique devrait partir de la base; les régions devraient être au coeur de la radiodiffusion publique dans notre pays. Je serais furieux si toutes les compressions étaient pratiquées au niveau régional et si l'administration


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centrale n'était pas touchée. Je déplore le fait que, dans le passé, les compressions à la SRC aient épargné l'administration centrale et qu'elles aient plutôt affecté les régions, comme durant les années 80.

Je crois que les gens de la SRC et nous tous nous entendons pour dire qu'il y a encore trop de monde à l'administration centrale de la SRC. La section financière n'a pas besoin de compter des centaines d'employés. Je crois qu'il y a 200 personnes qui s'occupent des relations de la SRC, du CRTC et du gouvernement. La SRC pourrait être plus petite à ce chapitre.

La SRC doit se fonder sur les régions, des alliances et le réseautage grâce auxquels les producteurs, les créateurs et les journalistes pourraient travailler au niveau communautaire et local. Le réseau national serait en fait une alliance, le regroupement des différentes composantes régionales.

Les relations internes entre la gestion et les employés doivent changer. En fait, elles ont déjà commencé à changer. Il faut accélérer le changement. En siégeant au comité, j'ai appris d'excellentes choses au sujet de la SRC.

Par exemple, à Windsor, où une station a été fermée, la SRC et les employés se sont réunis et ont décidé de rouvrir la station. Cependant, ils l'ont fait sur des bases tout à fait différentes. Les producteurs, les techniciens, les journalistes et les acteurs travaillent tous ensemble sur un mode d'où sont exclues la confrontation et la hiérarchie. Même un journaliste ou un producteur peut porter une caméra ou brancher les projecteurs. Il n'y pas de code faisant des distinctions entre les différents postes et syndicats, entre les différents techniciens et ce qu'ils sont censés faire. La station fonctionne d'une manière tout à fait différente.

(1710)

Je crois savoir que tout marche bien. C'est comme ça qu'il faut stimuler la création. C'est formidable. En voyant cette nouvelle façon de faire de la télévision à la SRC, je me mets à rêver qu'elle fasse tache d'huile partout au Canada.

Dans la même veine, je voudrais proposer une démarche davantage axée sur la cogestion comme solution aux difficultés de la SRC. Je sais qu'au cours de la première série de compressions dans les années 80 la SRC a fermé la station de Saskatoon. Je crois savoir que les employés de cette station voulaient exploiter celle-ci. Ils ont tenté d'acheter le matériel et de diriger eux-mêmes la station de la SRC à Saskatoon.

Voilà ce qu'il faudrait grandement encourager. Ce sont les employés de la SCR qui devraient avoir le dernier mot, non pas quelques cadres au siège social, à Ottawa, ou à Toronto, mais bien les acteurs locaux, les réalisateurs locaux, les reporters locaux et les techniciens locaux qui collaborent ensemble au fonctionnement de nos stations de radio et de télévision. Une approche plus syndicaliste, voilà le modèle que je recommanderais à la SRC de prendre sérieusement en considération.

En terminant, je tiens à exprimer ma déception à l'égard du Comité permanent du patrimoine canadien. Je ne suis qu'un membre associé et pas un membre à part entière. Le comtié s'est réuni pour la dernière fois l'automne dernier. Je crains qu'il ne se soit pas encore attaqué aux grands dossiers. Il ne cesse de tourner en rond. Le problème réside en partie dans le fait que le gouvernement est dépourvu de vision et de leadership et qu'il n'a pas d'orientation à présenter au comité.

Je serais porté à croire que les ministériels, qui sont membres du comité, ne s'entendent absolument pas entre eux sur l'orientation à donner à la radiodiffusion publique. On ne saisit pas que, vu leur importance, les compressions imposées à la SRC nécessiteront une transformation radicale des mandats. On n'a pa abordé comme il faut la question des mandats. Je serais porté à croire qu'une bonne partie du travail accompli par le comité est tombée à l'eau depuis que le ministre des Finances a prononcé son discours du budget. Nous devons revenir à la case départ et nous pencher d'abord et avant tout sur le mandat législatif de la SRC.

Le manque de vision et d'orientation du gouvernement en matière de radiodiffusion constituent un gros handicap pour la SRC. C'est le ministère des Finances qui dicte sa conduite au gouvernement. Je ne prétends pas pour autant que nous ne sommes pas confrontés à un grave problème d'endettement. La politique au Canada sera définie en fonction de la façon dont les divers partis politiques proposeront de s'attaquer à la dette et au déficit.

Selon moi, la réaction du gouvernement à la radiodiffusion publique n'est ni sage ni intelligente. Elle n'est pas réfléchie. Elle lui est dictée par le ministère des Finances et, à la fin, cela pourrait coûter au Canada encore plus d'argent ou la perte de ressources que nous avons accumulées au fil des ans dans un système public de radiodiffusion.

Il faut espérer que la Chambre acceptera l'amendement du Parti réformiste et que nous serons ainsi en mesure d'appuyer la motion que le Bloc québécois a présentée.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 15, j'ai le devoir, conformément à l'article 81 du Règlement, d'interrompre les délibérations et de mettre aux voix sur le champ toute motion relative aux crédits dont la Chambre est saisie.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Le vote porte sur l'amendement. Plaît-il à la Chambre d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.


10812

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

(L'amendement, mis aux voix, est rejeté.)

(Vote no 171)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Benoit
Blaikie
Brown (Calgary Southeast)
Cummins
de Jong
Duncan
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Grubel
Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hayes
Hermanson
Hoeppner
Jennings
Johnston
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Ringma
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Solomon
Speaker
Stinson
Strahl
Thompson
Wayne
Williams-44

CONTRE

Députés
Adams
Arseneault
Assad
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bellemare
Bergeron
Bernier (Beauce)
Bethel
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bélair
Bélanger
Bélisle
Calder
Campbell
Caron
Catterall
Chrétien (Frontenac)
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Crête
Daviault
Debien
de Savoye
Deshaies
DeVillers
Dingwall
Discepola
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Eggleton
English
Fewchuk
Fillion
Finlay
Flis
Fontana
Gagliano
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier (Roberval)
Gerrard
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guarnieri
Guay
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Jacob
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
LeBlanc (Cape/Cap Breton Highlands-Canso)
Leblanc (Longueuil)
Lee
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
Loubier
MacDonald
MacLaren
MacLellan (Cape/Cap Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Ménard
Nault
Nunez
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Paré
Patry
Peters
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rocheleau
Rock
Rompkey
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Skoke
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Telegdi
Thalheimer
Tobin
Torsney
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Young -165

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bachand
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bouchard
Brien
Canuel
Chamberlain
Chan
Culbert
Dalphond-Guiral
Easter
Fry
Gaffney
Guimond
Harper (Churchill)
Jackson
Marchand
Mercier
Peric
Picard (Drummond)
Sauvageau
Simmons
Szabo
Ur
Volpe


10813

(1745)

Le Président: Je déclare l'amendement rejeté.

La question suivante porte sur la motion principale. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Vous constaterez qu'il y a unanimité pour que les résultats du vote sur la motion précédente s'appliquent inversement à la motion dont la Chambre est maintenant saisie de manière à indiquer que les libéraux votent contre.

Sauf erreur, les whips des autres partis vont indiquer comment leurs collègues vont voter.

[Français]

M. Duceppe: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois appuieront cette motion.

M. Silye: Monsieur le Président, les députés du Parti réformiste votent contre cette motion, à l'exception des députés qui souhaiteraient voter autrement.

[Traduction]

M. Solomon: Monsieur le Président, les néo-démocrates présents à la Chambre aujourd'hui voteront contre cette motion.

[Français]

M. Bernier (Beauce): Monsieur le Président, le député indépendant de Beauce vote contre la motion.

[Traduction]

Mme Wayne: Monsieur le Président, je voterai contre.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

(Vote no 172)

POUR

Députés
Bellehumeur
Bergeron
Bélisle
Caron
Chrétien (Frontenac)
Crête
Daviault
Debien
de Savoye
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Fillion
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Godin
Guay
Jacob
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Shefford)
Loubier
Ménard
Nunez
Paré
Plamondon

Pomerleau
Rocheleau
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne-37

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Adams
Althouse
Arseneault
Assad
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellemare
Benoit
Bernier (Beauce)
Bethel
Bevilacqua
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Calgary Southeast)
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bélair
Bélanger
Calder
Campbell
Catterall
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
Cummins
de Jong
DeVillers
Dingwall
Discepola
Duhamel
Duncan
Dupuy
Eggleton
English
Epp
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Forseth
Frazer
Gagliano
Gallaway
Gerrard
Gilmour
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Grubel
Guarnieri
Hanrahan
Harb
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Harvard
Hayes
Hermanson
Hickey
Hoeppner
Hopkins
Hubbard
Ianno
Jennings
Johnston
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
MacLaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Manning
Marleau
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Meredith
Mifflin
Milliken
Mills (Red Deer)
Minna
Mitchell
Morrison
Murphy
Murray
Nault
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Penson
Peters
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Ramsay
Reed
Regan
Richardson
Ringma
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Rompkey
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Scott (Skeena)
Serré
Shepherd
Sheridan
Silye
Skoke
Solberg
Solomon
Speaker
Speller
St. Denis

10814

Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Stinson
Strahl
Telegdi
Thalheimer
Thompson
Tobin
Torsney
Valeri
Vanclief
Verran
Walker
Wappel
Wayne
Wells
Whelan
Williams
Young -172

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bachand
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bouchard
Brien
Canuel
Chamberlain
Chan
Culbert
Dalphond-Guiral
Easter
Fry
Gaffney
Guimond
Harper (Churchill)
Jackson
Marchand
Mercier
Peric
Picard (Drummond)
Sauvageau
Simmons
Szabo
Ur
Volpe

Le Président: Je déclare la motion rejetée.

_____________________________________________


10814

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI FÉDÉRALE SUR L'AIDE FINANCIÈRE AUX ÉTUDIANTS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le jeudi 16 mars, de la motion, ainsi que de l'amendement.

Le Président: Conformément à l'ordre adopté le jeudi 16 mars 1995, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion de M. Manning portant sur une initiative parlementaire.

Le vote porte sur l'amendement.

(1750)

M. Boudria: Monsieur le Président, je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que les résultats du vote sur la motion précédente s'appliquent à la motion dont est maintenant saisie la Chambre et indiquent que les libéraux votent pour.

[Français]

M. Duceppe: Les députés du Bloc québécois voteront contre cette motion.

[Traduction]

M. Silye: Monsieur le Président, les réformistes se prononcent contre l'amendement.

M. Solomon: Monsieur le Président, à titre de whip du caucus du NPD, je déclare que les néo-démocrates présents cet après-midi votent contre.

Mme Wayne: Monsieur le Président, je vote pour.

M. Bernier (Beauce): Pour, monsieur le Président.

M. Arseneault: Monsieur le Président, comme il s'agit d'une initiative parlementaire, j'appuie officiellement l'amendement.

(L'amendement, mis aux voix, est adopté.)

(Vote no 173)

POUR

Députés
Adams
Arseneault
Assad
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bakopanos
Barnes
Beaumier
Bellemare
Bernier (Beauce)
Bethel
Bevilacqua
Blondin-Andrew
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bélair
Bélanger
Calder
Campbell
Catterall
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
Crawford
DeVillers
Dingwall
Discepola
Duhamel
Dupuy
Eggleton
English
Fewchuk
Finlay
Flis
Fontana
Gagliano
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guarnieri
Harb
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Ianno
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
MacLaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Maheu
Malhi
Maloney
Marleau
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Peters
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Rompkey
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Skoke
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Telegdi
Thalheimer
Tobin
Torsney
Valeri
Vanclief
Verran
Walker
Wappel
Wayne
Wells
Whelan
Young -129


10815

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Blaikie
Brown (Calgary Southeast)
Bélisle
Caron
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Daviault
Debien
de Jong
de Savoye
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gilmour
Godin
Grubel
Guay
Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hayes
Hermanson
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Ménard
Nunez
Paré
Penson
Plamondon
Pomerleau
Ramsay
Ringma
Rocheleau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Solomon
Speaker
Stinson
Strahl
Thompson
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
Williams-80

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Asselin
Bachand
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bouchard
Brien
Canuel
Chamberlain
Chan
Culbert
Dalphond-Guiral
Easter
Fry
Gaffney
Guimond
Harper (Churchill)
Jackson
Marchand
Mercier
Peric
Picard (Drummond)
Sauvageau
Simmons
Szabo
Ur
Volpe

Le Président: Je déclare l'amendement adopté.

Le prochain vote porte sur la motion amendée. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

Le Président: Je déclare la motion adoptée à la majorité.

(La motion amendée est adoptée.)

Le Président: Comme il est 18 heures, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

* * *

LE CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 13 décembre 1994, de la motion et de l'amendement.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, nous discutons aujourd'hui d'une motion présentée par le député de Scarborough-Rouge River. Selon la motion, les activités du Centre de la sécurité des télécommunications devraient être surveillées par un autre organisme, le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (CSARS).

Le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) a deux fonctions. Il écoute les communications des autres et essaie de faire en sorte que personne n'écoute les nôtres. C'est un organisme d'espionnage qui s'occuperait, dit-on, des renseignements extérieurs. Cela est assez intéressant compte tenu de tous les moyens modernes dont disposent les espions pour accumuler toutes sortes de renseignements sur la vie privée des gens.

Aujourd'hui, il est possible d'intercepter tous les appels téléphoniques, tous les télex et tous les messages télécopiés. En fait, avec du matériel peu coûteux installé à l'arrière d'une fourgonnette, on peut reproduire ce que quelqu'un est en train de taper à son clavier d'ordinateur trois pâtés de maison plus loin en captant les radiations électromagnétiques. On appelle cela l'interception électromagnétique.

Selon le rapport intitulé Période de transition mais non de crise, qu'un comité spécial de la Chambre des communes a produit en septembre 1990, cette technique a d'importantes répercussions. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! J'aimerais obtenir la coopération des députés pour que la période des initiatives parlementaires se déroule dans l'ordre. Je prie ceux qui ont des affaires à régler en dehors de la Chambre de sortir.

M. Penson: Merci, monsieur le Président. Pendant un moment, j'ai cru que nous étions revenus à la période des questions. Dans le rapport produit par un comité spécial de la Chambre des communes en septembre 1990 et intitulé Période de transition mais non de crise, on peut lire que cette technologie a de sérieuses répercussions sur les droits et les libertés des personnes.

Selon le rapport, il est probable que le SCRS se sert de cette technologie et que le CST est lui aussi en mesure de l'utiliser et que les deux mettent leurs renseignements en commun. Dans le


10816

rapport, on se demande si cette technologie sert contre des Canadiens et des immigrants reçus. On se demande même si les techniques d'interception électromagnétiques constituent une infraction au Code criminel. L'interception électromagnétique peut se faire sans être détectée parce qu'elle ne nécessite pas d'entrer par effraction chez quelqu'un ou de pénétrer illégalement sur sa propriété.

Le comité s'est dit d'avis que le CST devrait obtenir un mandat d'un tribunal avant d'utiliser l'interception électromagnétique. Est-ce ce que fait le CST avant de commencer ses enquêtes sur des gouvernements étrangers, des sociétés étrangères ou des non-Canadiens? Qui sait?

Il y a beaucoup de choses que nous ignorons au sujet de cette activité financée au moyen de deniers publics. Nous ne savons pas combien le CST dépense parce que son budget est dissimulé quelque part dans les dépenses du ministère de la Défense nationale. Nous ne savons pas combien de personnes y travaillent parce que ces données ne sont pas publiées. Nous ne savons pas si le CST fait ce qu'il est censé faire parce qu'il n'a pas de mandat. Nous ne pouvons faire que des suppositions éclairées.

Dans une étude de fond de 1993 sur le Centre de la sécurité des télécommunications, c'est-à-dire le service de renseignement le plus secret du Canada, un attaché de recherche du Parlement conclut qu'en 1991, le budget annuel du CST était de l'ordre de 100 à 125 millions de dollars. Ce montant ne comprenait pas les coûts supplémentaires de 150 millions de dollars relatifs au personnel et aux autres services de soutien fournis par les Forces canadiennes.

La même étude de fond établit le nombre d'employés à 875 en juin 1993, mais cela ne comprend pas les 1 100 personnes que les forces canadiennes ont affectées à divers centre d'écoute au Canada, aux Bermudes et en Allemagne.

La guerre froide est terminée. Nous avons peut-être des différends mineurs avec les pays étrangers au sujet du poisson et nous sommes peut-être engagés dans des batailles internes importantes sur la question de savoir qui demeure dans le Canada et qui s'en va et sur ce qui reste dans le budget fédéral et ce qui n'en fait plus partie. Il n'y toutefois plus de raison, pour peu qu'il y en ait eu au début, de garder la population canadienne dans l'ignorance à propos de ce mystérieux organisme.

Le grand danger, c'est que cet organisme participe à des activités qui ne le regardent en rien, comme espionner des Canadiens, ou qu'il fasse quelque chose d'illégal.

Actuellement, le CST n'a de comptes à rendre à personne. Il est vrai que le ministre de la Défense nationale approuve les dépenses des grands projets d'immobilisations du CST, son plan opérationnel pluriannuel et ses initiatives importantes qui ont de vastes répercussions sur les orientations ou les aspects juridiques, mais le CST relève du sous-greffier de la Sécurité et du Renseignement du Bureau du Conseil privé pour ce qui est des politiques et de la gestion des opérations. La main droite ne peut être tenue responsable de ce que fait la gauche, et vice-versa.

Aucun organisme gouvernemental ne devrait échapper à l'examen de ses activités. Tout organisme gouvernemental devrait avoir des comptes à rendre à quelqu'un ou à un organisme ayant une obligation redditionnelle envers la population canadienne. Les Canadiens ont le droit de savoir si le CST dépense 125 millions de dollars ou s'il en a dépensé 275 millions en 1991. Actuellement, nous n'en savons rien. De plus, ils ont le droit de savoir combien a été dépensé l'an dernier et quel sera le budget de la prochaine année.

Le CST a sur sa liste de paie 875 personnes qui interceptent les communications de gouvernements, d'entreprises et de particuliers étrangers. Quelqu'un devrait surveiller et écouter les conversations de ces employés.

Mes collègues et moi-même appuierons la motion que le député a présentée dans le cadre des initiatives parlementaires et tout amendement qui obligera cet organisme à rendre davantage de comptes à la population canadienne. Je crois comprendre que deux amendements ont été proposés à la motion. Le premier a été présenté par le député de Bellechasse et il demande que le CST dépose à la Chambre un rapport annuel sur ses activités.

Le deuxième amendement est présenté par l'auteur de la motion originale. Il vise à modifier la motion de manière qu'un organisme indépendant autre que le CSARS examine les activités du Centre de la sécurité des télécommunications. Cet amendement renforce la motion. Je félicite le député de Scarborough-Rouge River d'avoir présenté celle-ci et j'espère qu'il aura l'appui de tous ses collègues de la Chambre.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur cette question.

Je sais que mon collègue rédigera un amendement à la motion que j'ai bien hâte de voir. Sans mentionner expressément l'amendement, il tentera, je crois, de le soulever au moyen d'un recours au Règlement, peut-être dès que j'aurai fini de parler.

Je tiens d'abord à signaler la signification de trois sigles. Je vais les utiliser abondamment. Le CST, c'est le Centre de sécurité des télécommunications; le SCRS, c'est le Service canadien du renseignement de sécurité; enfin, le CSARS, c'est le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité.

Je suis très satisfait de la nouvelle version de la motion. Elle explicite davantage l'intention du député. C'est important, à cette étape, car il est impératif de comprendre pourquoi on a apporté un amendement à la motion.

Il convient de définir ce qu'on entend par l'expression «renseignements touchant l'étranger». On entend par là les renseignements ou les activités concernant les capacités, les intentions ou les activités d'États étrangers, de sociétés ou de particuliers et ayant trait à la défense du Canada ou à la conduite des affaires internationales du Canada.

(1805)

Cela peut comprendre des renseignements de nature politique, économique, militaire, scientifique ou relatifs à la sécurité.


10817

Contrairement à la plupart de ses alliés, le Canada n'a pas de service d'espionnage à l'étranger.

Toutefois, comme la plupart des pays du monde, le Canada a mis en place de modestes moyens de collecte et d'analyse de renseignements touchant l'étranger. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les principaux ministères du gouvernement du Canada qui sont intervenus dans les domaines du renseignement sont le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que le ministère de la Défense nationale.

Le Service canadien du renseignement de sécurité a été créé en 1984 et assujetti à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Il a pour mandat d'agir à titre d'organisme national du renseignement. Il est chargé de protéger la sécurité du Canada et de se livrer à des activités de renseignement de sécurité pour contrer des menaces possibles ou réelles contre le Canada ou les citoyens canadiens.

Il y a deux principales menaces à la sécurité nationale que le SCRS a été créé pour étudier en vertu de la loi qui le régit: les activités d'espionnage menées par des États étrangers contre le Canada et la violence à caractère politique qui peut prendre la forme d'actes terroristes.

La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité établit un cadre très strict pour les enquêtes du service afin de s'assurer qu'on préserve les droits et libertés des Canadiens tout en protégeant les Canadiens contre tout ce qui menace leur sécurité. Il est évident que la surveillance du Centre de la sécurité des communications par le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité causera certains problèmes.

En effet, on a créé le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité précisément pour surveiller les activités du Service canadien du renseignement de sécurité qui, contrairement au CST, ne joue pas un rôle direct dans la collecte de renseignements extérieurs.

La Loi sur le SCRS précise exactement le rôle du CSARS. Le mandat du CST, en vertu du programme de renseignement sur les transmissions, consiste à recueillir, à analyser et à transmettre des renseignements extérieurs dans le cadre de la politique gouvernementale en la matière.

Ainsi, il ne conviendrait pas, à ce stade-ci, de modifier la Loi sur le SCRS, qui est du ressort du solliciteur général, pour inclure dans le mandat du CSARS une institution comme le CST qui, après tout, relève de la compétence du ministre de la Défense nationale, lequel doit rendre des comptes par d'autres voies.

De plus, le CSARS a déjà un éventail de responsabilités dans le domaine des enquêtes. Il s'occupe des plaintes et agit à titre de comité d'appel sur le plan des évaluations de sécurité et des décisions influencées par des motifs de sécurité en vertu des lois sur la citoyenneté et l'immigration.

Les responsabilités délicates des deux organisations en matière de renseignement exigent des mécanismes de surveillance distincts. Le SCRS est donc le service qui s'occupe des renseignements nationaux et le CSARS a le mandat et les compétences nécessaires pour surveiller ses activités.

Le CST se charge des renseignements de sécurité extérieurs et les compétences et les connaissances nécessaires pour examiner ce type d'activité sont tout à fait différentes.

Le CST a deux programmes. Tout d'abord, il offre des conseils techniques et certains services sur la sécurité des télécommunications du gouvernement fédéral, notamment le traitement électronique des données. Dans ce domaine, on appelle les éléments de ce programme INFOSEC, Sécurité de l'information.

L'autre aspect est le renseignement sur les transmissions mieux connu sous le nom de SIGINT par les gens intéressés. On craint dans certains milieux que le CST ne rende pas suffisamment de comptes. Il est peut-être utile de préciser plus en détail la structure en place à cet égard.

Le ministre de la Défense nationale rend des comptes au Parlement au nom du CST. Il approuve les dépenses en capital de l'organisme, son programme opérationnel pluri-annuel et, à la suite des consultations voulues avec les sous-ministres compétents, les principales initiatives du CST ayant des conséquences importantes sur les plans politique ou juridique.

Le directeur du CST relève du sous-ministre de la Défense nationale pour ce qui est des questions financières et administratives et du sous-greffier, sécurité, renseignements et conseiller juridique, au Bureau du Conseil privé, pour les questions touchant la politique ou les opérations. Les deux sous-ministres font rapport directement au ministre de la Défense nationale au sujet de ces questions touchant le CST.

De plus, des mesures ont été prises pour que le CST réponde aux exigences du gouvernement en matière de renseignement de sécurité d'une manière qui soit respectueuse des lois, efficace et sensible aux changements qui peuvent survenir dans les relations internationales. C'est très important et, pour cette raison, on a prévu les dispositions suivantes.

Il y a un avocat du ministère de la Justice sur place qui consulte les avocats principaux sur des questions juridiques. Tous les plans stratégiques et tous les nouveaux énoncés de politique du CST sont soumis à l'examen du comité interministériel de la sécurité et des renseignements. Cet organisme est assujetti aux mécanismes d'examen administratif du ministère de la Défense nationale.

(1810)

Le CST respecte toutes les lois canadiennes, dont le Code criminel, la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne. De plus, il est pleinement assujetti à un examen des bureaux du commissaire à la protection de la vie privée, du commissaire aux langues officielles, du vérificateur général et de la Commission canadienne des droits de la personne. Un vaste système de responsabilisation a donc été prévu pour le CST.

Même s'il a recommandé que le CSARS surveille le CST, le comité spécial sur la Loi sur le SCRS a précisé qu'il n'avait pas trouvé de preuve d'abus de la part du CST. De toute évidence, le gouvernement envisagerait des moyens appropriés de renforcer la surveillance du CST si le besoin s'en faisait sentir.

Le CST fait partie intégrante du secteur du renseignement de sécurité dont j'ai parlé et, en fait, joue un rôle crucial dans ce


10818

secteur. Comme le ministre de la Défense nationale et le premier ministre l'ont déjà déclaré à la Chambre, il ne vise pas les Canadiens. Peu importent les mesures que nous allons prendre, nous devrons toujours veiller à ne pas diminuer la capacité du CST de défendre les intérêts de notre pays. C'est de cela dont nous devons tenir compte dans la décision que nous sommes appelés à prendre.

Nous voulons créer, pour cet organisme, une forme de surveillance qui soit efficace, économique et appropriée, qui améliore les mécanismes actuels de responsabilisation sans nuire au rôle que l'on veut faire jouer au CST ou au CSARS ou que ces organismes doivent jouer.

L'amendement que mon collègue a proposé nous conduira dans la bonne direction. J'espère sincèrement que les députés vont l'appuyer.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, cette motion a donné lieu à beaucoup de consultation de part et d'autre de la Chambre. Je pense que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que je présente les amendements suivants.

Je crois que le député de Bellechasse consentira à retirer son amendement actuel à la motion. La motion pourra alors être reformulée pour préciser son esprit et y incorporer l'esprit de l'amendement du député de Bellechasse.

Ce nouvel amendement se lirait donc comme suit. Je propose:

Qu'on modifie la motion en supprimant tous les mots après le mot «devrait» et en les remplaçant par ce qui suit:
créer un organisme extérieur et indépendant qui contrôlerait les activités du Centre de la sécurité des télécommunications (CST), dont les missions seraient semblables à celles du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité à l'égard du Service canadien du renseignement de sécurité, et qui ferait rapport annuellement à la Chambre.
[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais savoir, en premier lieu, si l'honorable député de Bellechasse voudrait s'adresser à la Chambre au sujet de son amendement. Est-ce qu'il le retire?

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, oui, je consens, de la façon dont vous l'a expliqué l'honorable député de Scarborough-Rouge River, à ce que mon amendement soit retiré.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre y consent-elle à l'unanimité?

Des voix: D'accord.

(L'amendement est retiré.)

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, comme il a été mentionné tout à l'heure, le député de Bellechasse retire son amendement pour se rallier à l'amendement du député de Scarborough-Rouge River, que nous avons l'intention, nous du Bloc, d'appuyer, comme il a été mentionné précédemment.

(1815)

J'écoutais le discours du secrétaire parlementaire à la Défense tout à l'heure et je me posais certaines questions dans le sens que le député a dit que le CST avait des comptes à rendre au ministère de la Défense au niveau administratif et qu'il avait des comptes à rendre de son rôle et de ses libertés, si on peut appeler cela ainsi, au niveau du greffier. Je trouve un peu curieux qu'on se fie au contrôle du ministère de la Défense en ce qui concerne l'administration du CST.

Je me suis donné la peine de faire quelques petites recherches à l'intérieur du budget de la Défense et je vais vous donner quelques exemples qui sautent aux yeux de façon presque dramatique quand on se rend compte que le contrôle du CST relevait au niveau administratif du ministère de la Défense.

J'ai relevé dans un cas d'acquisition de systèmes de téléphonie protégée phase 1 dont les prévisions avaient été faites à 8 824 000 $. Lorsque l'acquisition a été terminée, les coûts en étaient rendus à 14 251 000 $, c'est-à-dire dépassés de 61 p. 100. C'était le rôle du ministère de la Défense de surveiller les coûts administratifs du CST.

Autre exemple, entre le 1er avril et le 31 mars 1993, on a investi dans un système d'Axis restreint dont les prévisions de départ étaient de 23 millions. Et lorsque cela a été terminé, cela a coûté la modique somme de 51 millions. Un budget dépassé de 117 p. 100. Toujours sous le contrôle administratif du ministère de la Défense.

Autre exemple, au 31 mars 1994, se terminait un réseau de téléinformatique intégré dont environ 75 p. 100 étaient consacrés pour l'usage du CST. La prévision de départ était de 41 650 000 $ et lorsque les travaux ont été terminés, la modique somme de 78 millions de dollars était dépensée, encore sous le contrôle administratif du ministère de la Défense.

J'aurais plusieurs exemples à donner comme ceux-là d'acquisition de matériels très sophistiqués qui servent dans l'écoute électronique, la téléphonie, les logiciels, etc. On a déterminé, à l'instar de plusieurs intervenants dans ce dossier que le rôle du CST était de servir le ministère des Affaires extérieures, servir la GRC, servir, entre autres, le ministère de la Défense mais surtout de colliger des informations qui viennent de communications à l'extérieur du pays, mais jamais au grand jamais il ne fallait toucher à des communications à l'intérieur du Canada, comme l'avait signalé à plusieurs reprises l'opposition officielle, et qui avaient été niées par le premier ministre une première fois. Après cela, le premier ministre avait dit qu'on avait donné des directives de façon à ce que cela ne se fasse pas, cela avait été aussi corroboré par la vice-première ministre et aussi corroboré par le ministre de la Défense.

Le ministre de la Défense avait dit aussi que le CST était sous la tutelle du ministre de la Défense lui-même et de son sous-ministre et qu'il n'avait pas besoin d'autre forme de contrôle que cela et que l'on connaissait bien le rôle du CST, le Centre de la sécurité des télécommunications, et qu'on pouvait ne pas craindre d'aucune espèce de façon des interférences dans


10819

les communications entre Canadiens ou à l'intérieur du Canada. Voilà que maintenant, une motion présentée par un député libéral nous amène à créer un service de surveillance du CST, que le Bloc québécois et le Parti réformiste a aussi approuvé. Je souscris d'emblée à cette motion, mais je vais aller un peu plus loin en disant que cette motion est déjà une prise de position très avantageuse, à notre sens, qui doit amener une surveillance au niveau du CST, qui à mon sens est très importante.

Je veux aller plus loin en disant que c'est simplement la motion.

(1820)

Est-ce que nous irons plus loin dans la discussion et que nous adopterons vraiment une loi qui surveillera les agissements du Centre de la sécurité des télécommunications? Comme je vous le décrivais à l'aide d'exemples, sur le plan administratif, je ne suis pas sûr que le contrôle par le niveau administratif du ministère de la Défense est adéquat.

Je vous ai cité quatre ou cinq exemples où les dépenses en millions avaient presque doublé à trois reprises, et plus que doublé à une quatrième reprise. Lorsque cette motion sera adoptée à l'unanimité en cette Chambre, il sera important d'y donner suite et d'adopter une loi qui permettra de gérer autant l'aspect administratif que le rôle précis du CST. On pourra alors contrôler son interférence dans les communications canadiennes, afin de s'assurer qu'il ne s'ingère pas dans la vie privée des citoyens, des parlementaires, des directeurs de compagnie ou d'autres personnes en vue qui peuvent être appelées à prendre des décisions et que le CST pourrait suivre de près et parfois contrôler ou donner des renseignements qui, selon notre système canadien, ne sont pas acceptables.

En terminant, j'aimerais ajouter que nous approuvons cette motion. Toutefois, j'aimerais signaler qu'il faudra revenir dans cette motion et probablement dans ce projet de loi sur les lacunes administratives au sein du ministère de la Défense et qui ont été soulevées à plusieurs reprises par le vérificateur général.

Dans le budget du ministère de la Défense, on voit que les coûts attribués au CST peuvent varier entre 200 et 255 millions, parce que, à l'intérieur des budgets du ministère de la Défense, il y a certains instruments sophistiqués qui vont servir au CST et aux communications du ministère de la Défense. Je pense malheureusement qu'une espèce de séparation entre ces deux données devrait être intégrée à l'intérieur du projet de loi qui pourra suivre cette motion, de façon à mieux contrôler les dépenses du CST qui, à mon sens, sont un peu perdues et mal gérées par le ministère de la Défense, étant donné que, dans un dédale d'acquisitions de certains équipements trop modernes ou ultramodernes, vous ne pouvez dire si l'utilisation est à 100 p. 100 pour le CST ou 20 p. 100 pour le ministère de la Défense ou pour la marine ou pour l'aviation.

Ayant parcouru le budget des cinq dernières années, j'ai eu de la difficulté à saisir à chaque endroit ce qui était relié au CST. Je pense que cette situation devrait être clarifiée pour éviter qu'on puisse estimer un budget entre 200 et 250 millions et avoir, à la suite d'estimations pour l'acquisition de matériel, des augmentations de plus de 112 à 117 p. 100 lorsqu'on acquiert ce matériel.

[Traduction]

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui concernant le système canadien de sécurité nationale et le rôle unique que jouent les organismes de surveillance dans ce système.

La motion amendée dont nous sommes saisis recommande la mise en place d'un mécanisme indépendant et externe, chargé de surveiller les activités du Centre de la sécurité des télécommunications.

J'approuve cette motion. À mon avis, elle servira les intérêts des Canadiens qui se sentiront plus sûrs et confiants, s'ils savent que cet élément de notre système de sécurité nationale est placé sous la surveillance d'un membre du Cabinet et d'un comité de surveillance indépendant.

L'expérience acquise depuis une décennie avec le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, ou CSARS, qui surveille le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, comporte peut-être d'importantes leçons pour l'avenir.

Le CSARS a été conçu en tant qu'organisme unique chargé de la surveillance d'un organisme particulier, le SCRS. Il représente aussi un mécanisme d'appel quand il est question d'autorisations de sécurité qui sont parfois exigées en vertu de lois.

Le CSARS devait remplir ses responsabilités dans le cadre d'un système de sécurité nationale qui est plus étendu que le CSARS et que le SCRS, et qui inclut le Centre de la sécurité des télécommunications.

(1825)

Si la motion dont nous sommes saisis était adoptée, il faudrait veiller, à mon avis, à ce que tout nouvel organisme de surveillance joue un rôle approprié envers le CST et contribue également de façon positive à ce que j'appellerais l'équilibre délicat entre les intérêts nationaux et les droits de la personne, équilibre qui fait la renommée du système de sécurité nationale du Canada.

En 1984, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur les infractions en matière de sécurité sont entrées en vigueur. Au moyen de ces lois, nous avons créé un nouveau cadre législatif régissant le système de sécurité nationale du Canada. Ces nouvelles lois tendaient à établir cet équilibre dont je parlais, à créer un système équilibré et responsable visant la protection des intérêts du Canada en


10820

matière de sécurité nationale et la préservation de la démocratie dont jouissent les Canadiens.

L'équilibre doit être au centre de toute nouvelle loi touchant le CST ou encore le SCRS et le CSARS. Dans ce même ordre d'idées, je voudrais signaler certains éléments que nous devons préserver et qui contribuent à cet équilibre.

Premièrement, il faut veiller à maintenir l'équilibre entre la nécessité de préserver notre sécurité nationale et le respect des droits de la personne et des libertés individuelles.

Deuxièmement, il faut confier au service assez de pouvoirs pour lui permettre de produire des renseignements utiles sur la sécurité tout en imposant des contrôles prévus par la loi et en donnant des directives claires pour pouvoir préserver l'équilibre.

Troisièmement, comme c'est le cas avec le SCRS, il faut autoriser l'utilisation de techniques intrusives. Pour compenser le recours à ces techniques, on obligera le service à obtenir au préalable l'autorisation d'agir ainsi soit auprès d'un ministre, soit auprès de la Cour fédérale. C'est du moins ce que prévoit la Loi sur le SCRS.

Enfin, le besoin de confidentialité doit être équilibré par la responsabilité ministérielle et un examen indépendant. Les principes du contrôle ministériel et de la responsabilité ministérielle sont des piliers de la démocratie parlementaire canadienne. La Loi sur le SCRS garantit que le solliciteur général sera pleinement informé et qu'il aura un pouvoir de direction à l'égard de la politique. La loi lui donne aussi les moyens de diriger et de guider le service.

La loi prévoit aussi un examen indépendant par le CSARS. La responsabilité d'effectuer un examen externe indépendant a été confiée au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, qui rend compte au Parlement par l'entremise du solliciteur général. Le rôle unique du CSARS est un élément innovateur et important de notre système de sécurité nationale. Le rôle de surveillance du CSARS est la pierre angulaire du cadre de responsabilité établi par la Loi sur le SCRS et un élément important de notre système de sécurité nationale. Le CSARS a le mandat d'examiner les activités du SCRS en mettant l'accent sur l'équilibre délicat entre la sécurité nationale et la liberté individuelle.

Étant donné l'importance du CSARS tel qu'il est constitué actuellement, je suis d'avis qu'il ne conviendrait pas d'élargir son mandat pour l'autoriser à examiner les activités du CST. Un tel changement aurait pour effet soit de diluer les fonctions du CSARS à l'égard du SCRS ou de diminuer la responsabilité ministérielle.

Je suis certaine que les députés ne voudraient pas que l'efficacité du CSARS soit réduite. Si on élargissait le mandat du CSARS pour y inclure la surveillance des activités du CST, il faudrait presque certainement accroître considérablement le nombre de membres du CSARS. Il faudrait aussi augmenter le personnel du CSARS, qui a acquis une expérience enviable dans le domaine du renseignement de sécurité à l'échelle nationale. Les compétences et les connaissances requises pour scruter les activités de renseignement de l'étranger diffèrent totalement de celles qui sont nécessaires pour examiner un service du renseignement national comme le SCRS.

Il nous faut étudier attentivement les implications importantes de ce qui est proposé dans la motion à l'étude. Nous ne manquons pas de garde-fou. L'expérience que nous avons acquise au long de la dernière décennie dans le cadre du système national de sécurité existant peut nous être très utile en examinant le SCRS et en examinant les rôles que jouent le ministre et le CSARS à l'égard du SCRS. Je recommanderais donc d'examiner attentivement ces leçons et de les appliquer à la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui.

L'efficacité avérée du système national de sécurité mis sur pied il y a plus d'une décennie constitue une excellente base sur laquelle nous pouvons bâtir. En étudiant cette motion, nous devrions avoir pour intention de poursuivre le bon travail qui a été accompli jusqu'ici, de bâtir sur cette expérience et de convaincre les milieux intéressés et nos concitoyens que le Centre de la sécurité des télécommunications sait également rendre des comptes.

(1830)

Le président suppléant (M. Kilger): Le député de Scarborough-Rouge River a précisé qu'il voulait avoir le dernier mot en vertu du droit de réplique. La Chambre doit comprendre que personne ne pourra prendre la parole sur cette motion après lui. Il mettra donc fin au débat parce que je dois mettre la question aux voix à 18 h 34 au plus tard.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, nous espérons que la motion qui sera sans doute adoptée aujourd'hui constituera un jalon en matière de responsabilité parlementaire.

Étant donné que personne ne fait rien tout seul au Parlement, je voudrais mentionner un certain nombre de députés qui ont participé au développement de cette question jusqu'à maintenant. Parmi eux, on compte des membres du sous-comité de la sécurité nationale: le député de Bellechasse, du Bloc québécois; la députée de Surrey-White Rock-South Langley, du Parti réformiste; le député de Scarborough-Ouest, la députée de Windsor-Sainte-Claire et le député de Bonaventure-Îles-de-la- Madeleine, du Parti libéral.

Je voudrais également souligner la coopération et la participation du ministre de la Défense nationale et de son secrétaire parlementaire, le député de Bonavista-Trinity-Conception. Je voudrais également mentionner le fait que le premier ministre s'est intéressé à cette question et reconnaître son rôle.

Je reconnais aussi les députés de la législature précédente, le sous-comité de la sécurité nationale, et son président, M. Blaine Thacker, de Lethbridge, ainsi que diverses autres personnes, notamment des journalistes de la presse écrite et électronique, qui n'ont pas ménagé leurs efforts jusqu'à aujourd'hui et qui, je l'espère, continueront de travailler dans ce domaine. Je remercie les députés de leur appui aujourd'hui.

(La motion amendée est adoptée.)

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MOTION D'AJOURNEMENT

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LA SCLÉROSE EN PLAQUES

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, dans la question que j'ai récemment posée à la ministre de la Santé, je signalais que de nombreux Canadiens sont atteints de sclérose en plaques. Ils sont au nombre de 50 000. La recherche médicale a permis de mettre au point des médicaments qui se sont révélés efficaces dans le traitement de cette maladie.

L'un de ces médicaments, le Betaseron, est déjà utilisé depuis plus d'un an aux États-Unis. Au Canada, quelque 15 000 personnes atteintes de la sclérose en plaques pourraient utiliser le Betaseron.

Malheureusement, le Betaseron n'est pas encore disponible au Canada parce que la Direction générale de la protection de la santé de Santé Canada n'a pas encore terminé l'étude de ce médicament. À l'heure actuelle, le Programme fédéral de médicaments d'urgence est le seul intermédiaire grâce auquel on peut se procurer du Betaseron au coût de 17 000 $ ou plus par année.

Le gouvernement de l'Ontario a récemment annoncé qu'il allait prochainement étendre le programme provincial de financement des médicaments afin d'aider les personnes qui ont besoin de médicaments chers. Malheureusement, ceux qui ont besoin de Betaseron seraient admissibles à l'aide du programme, mais le médicament ne sera pas disponible tant que l'examen n'en sera pas terminé.

Je suis bien conscient que la Direction générale de la protection de la santé doit suivre des directives précises avant d'autoriser la distribution au Canada d'un nouveau médicament. Je ne suggère pas davantage de diminuer de quelque façon que ce soit le processus d'examen.

L'examen des nouveaux médicaments par la Direction générale de la protection de la santé est essentiel à la sécurité des Canadiens. On comprendra néanmoins que les Canadiens qui souffrent de sclérose en plaques sont impatients de se procurer du Betaseron plus aisément et à prix abordable. Ces personnes sont d'autant plus mécontentes de la lenteur du processus d'examen que la Direction de la protection de la santé a accepté de traiter ce dossier en priorité et en grande vitesse.

La société Berlex Canada Inc. est l'auteur de la demande d'examen du Betaseron qui a été présentée en février 1994. Plus d'une année s'est écoulée et l'examen n'est toujours pas terminé.

(1835)

En posant ma question à la ministre de la Santé, j'espérais qu'elle aurait pu nous dire où en est l'examen du médicament. Étant donné que le processus d'examen contribue grandement à faciliter l'accès au Betaseron à un prix abordable, la ministre reconnaîtra certainement qu'il est dans l'intérêt des Canadiens atteints de sclérose en plaques que le processus d'examen arrive à terme le plus rapidement possible.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, pour répondre au député, l'approbation rapide d'une nouvelle chimiothérapie est une préoccupation que nous partageons tous. Dans ce contexte, je tiens à souligner que le médicament dont il parle, le Betaseron, n'a pas encore été approuvé sur le marché canadien.

Le chef de la Direction des médicaments de Santé Canada examine actuellement ce médicament en priorité. Le fabricant n'a pas soumis le Betaseron à l'approbation du Canada en même temps qu'il l'a fait aux États-Unis, où il est déjà approuvé. Cependant, dans des circonstances particulières, le ministère de la Santé autorise la vente de médicaments qui sont actuellement commercialisés dans d'autres pays, mais pour lesquels le Canada n'a pas encore reçu un avis de conformité.

Lorsqu'il existe une urgence médicale et que le traitement habituel est inefficace, on peut se procurer certains médicaments, y compris le Betaseron, par l'intermédiaire du Programme de médicaments d'urgence.

Bien que la sécurité soit la principale préoccupation de Santé Canada, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est chargé de réglementer le prix de ces médicaments. Le conseil a compétence non seulement sur les médicaments brevetés vendus suivant un avis de conformité, mais également sur les médicaments vendus aux termes du Programme de médicaments d'urgence.

Comme le Betaseron est un médicament breveté, le conseil en examine actuellement le prix.

Pour conclure et pour répondre au député, je désire l'assurer que la méthode d'approbation des médicaments qu'utilise Santé Canada vise à assurer que des médicaments sûrs et efficaces sont mis à la disposition de tous les Canadiens le plus efficacement et le plus rapidement possible. Tous les efforts sont déployés pour accélérer l'examen du Betaseron sans mettre en péril la santé et la sécurité des Canadiens qui souffrent de sclérose en plaques.

[Français]

LE CONSEIL CONSULTATIF SUR LE STATUT DE LA FEMME

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le 16 mars dernier, je demandais à la vice-première ministre comment elle pouvait justifier l'abolition du Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Mon étonnement et celui de nombreux groupes de femmes, face à cette décision du gouvernement, provenait du fait que cet organisme était réputé pour l'excellence de ses recherches dans les domaines qui concernent les femmes.

On sait que le Conseil analysait également l'impact des politiques et de la législation sur la situation des femmes. De plus, le Conseil s'était taillé une solide réputation d'organisme indépendant qui, même s'il dépendait largement des fonds gouvernementaux, réussissait à maintenir une attitude de neutralité face au gouvernement.


10822

En réponse à ma question, la vice-première ministre invoquait comme motif la décision de son gouvernement, et je la cite: «Les conseils de femmes à travers le pays nous disaient qu'ils étaient en meilleure position pour livrer des analyses politiques que ceux qui sont nommés par arrêté en conseil.» Cette réponse est surprenante pour deux raisons. Tout d'abord, je traiterai du soi-disant souhait exprimé par les groupes de femmes d'effectuer elles-mêmes les analyses politiques.

J'incite fortement la vice-première ministre à dévoiler, à cette Chambre, les noms de ces organismes. Ma demande est parfaitement justifiée, puisque tous les échos qui nous sont parvenus, et je dis bien tous les échos, sont à l'effet contraire. Que l'on parle de la Fédération des femmes du Québec et des organismes qui y sont rattachés, que l'on parle du Groupe relais-femmes, de l'Association des collaboratrices et partenaires d'affaires, que l'on parle du plus gros organisme de femmes pancanadien, le Conseil canadien d'action sur le statut de la femme, mieux connu sous la vocable de NAC, l'AFEAS, que ce soit les universités d'Ottawa et de Carleton, regroupées sous l'égide de la Chaire conjointe en études des femmes, que l'on parle enfin de certains éditorialistes, tous et toutes sont unanimes pour regretter la décision de l'honorable secrétaire d'État à la Condition féminine et de son gouvernement.

Auprès de quels groupes le gouvernement a-t-il donc reçu l'appui tant vanté lors de l'annonce de la décision? Oui, autant les groupes de femmes que l'opposition officielle sont intéressés à en connaître l'identité.

Ces groupes veulent aussi savoir du gouvernement d'où les fonds nécessaires à la reprise des travaux de recherche proviendront. Si on a procédé, comme on l'a dit, à la fusion des trois organismes dans le but d'économiser un million de dollars, quand on sait en plus que les budgets des organismes ne seront aucunement majorés, bien au contraire, il est tout indiqué de se demander d'où viendront les fonds nécessaires à la recherche et à qui ils seront versés.

(1840)

Enfin, je ne peux terminer mon intervention sans mentionner l'autre raison avancée par la vice-première ministre en réponse à ma question. Il s'agit de l'importance de confier la recherche à des personnes qui n'ont pas été nommées par arrêté en conseil.

Notre étonnement devant cette réponse est sans borne. Il mène immédiatement et logiquement à la question suivante, à savoir si le gouvernement actuel a l'intention de procéder à l'abolition de tous les organismes et conseils dont les membres de la direction ou du conseil d'administration sont nommés en vertu de ce pouvoir.

Une révolution est à prévoir. Il y a aussi lieu de s'interroger sur la transparence dont fera preuve son ministère quand les recherches iront à l'encontre des volontés de ce gouvernement en matière d'avancement sur les questions reliées à la condition de vie des femmes.

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, la fusion de CCCSF avec Condition féminine Canada est survenue suite à l'examen des programmes entrepris par le gouvernement. Ayant pour objectifs l'efficacité des opérations gouvernementales, l'élimination du double emploi et la rationalisation des ressources, l'examen des programmes a étudié les trois organismes principaux du gouvernement voués à l'égalité des femmes: Condition féminine Canada, le Programme de promotion de la femme de Développement des ressources humaines Canada et le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme.

On a jugé que la fusion des trois constituerait, pour le gouvernement, la meilleure possibilité de concentrer et de renforcer sa capacité de faire avancer l'égalité des femmes. Et en créant un guichet unique, la fusion améliorera la communication et l'interaction entre le gouvernement, les femmes et leurs associations. Les rapports que le Programme de promotion de la femme a entretenus au niveau local avec les associations féminines rendront possible un lien direct entre la population et le processus d'élaboration des politiques.

Le transfert des fonctions de communications et de recherche du Conseil consultatif à Condition féminine Canada renforcera davantage ces échanges bilatéraux. Il éliminera aussi la dépense d'un certain nombre de nominations par décret du conseil.

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, le 14 mars dernier, je questionnais le ministre de la Défense sur la diminution des inscriptions au Collège militaire royal Saint-Jean. J'ai qualifié sa réponse d'extraordinaire, car j'ai été estomaqué par la contradiction de sa réponse.

En effet, dans la première partie de sa réponse, le ministre nous dit que c'est à cause de la vigueur de l'économie que les demandes d'inscription ont diminué. Argument farfelu qui n'est pas du tout conforme avec la réalité et même l'historique des trois collèges d'élèves-officiers au Canada, car la demande d'inscription dans les collèges d'officiers est différente de l'augmentation des demandes de simple soldat en période de crise. Comme à son habitude, le ministre mélange les pommes et les oranges.

Dans la deuxième partie de sa réponse, le ministre a carrément dépassé les bornes en argumentant que l'incertitude des inscriptions était due à l'opposition officielle et au gouvernement du Québec.

Je pense qu'il est temps de rendre à César ce qui est à César, et je m'explique. Le 22 février 1994, le ministre de la Défense a annoncé la fermeture du Collège militaire royal Saint-Jean et le Royal Roads of Victoria sous la raison d'hypothétiques économies alors que le Collège militaire royal Saint-Jean était, des trois collèges, le moins dispendieux.

Le 23 février, le lendemain, le ministre versait des larmes sur la fermeture du Royal Roads et du Collège militaire de Saint-Jean, disant que c'était une nécessité pour la bonne gestion de la défense. À ce moment, ni le gouvernement du Québec, libéral à ce moment-là, ni l'opposition officielle n'avait quoi

10823

que ce soit à dire dans cette décision. Cette décision de fermer le Collège militaire royal Saint-Jean était et est encore la décision du ministre de la Défense. Qu'il cesse de souffrir d'infantilisme politique et qu'il assume seul sa décision et celle de son gouvernement.

C'est du charriage de la part du ministre de la Défense et du ministre des Affaires intergouvernementales d'en rejeter la faute sur le gouvernement du Québec et sur le Bloc québécois. Plusieurs officiers anglophones ont déjà signalé que c'était une mauvaise décision. Quand on prend une mauvaise décision et qu'on n'a pas la maturité nécessaire pour l'assumer, on en rejette l'odieux sur les autres, comme le fait le ministre.

(1845)

De plus, je ferais remarquer que dans ses réponses du 14 mars, il se contredit lui-même. En effet, dans la première, il dit qu'à cause de la vigueur de l'économie, l'inscription a diminué et je cite le ministre: «Les gens qui seraient attirés normalement par les forces armées trouvent ailleurs des emplois.» Dans sa deuxième réponse, il dit, et je cite: «En raison de l'incertitude qui a entouré l'avenir de l'ancien Collège militaire de Saint-Jean, la campagne de publicité a été retardée de quelques semaines, mais le recrutement reprend.»

La vigueur de l'économie qui, dans sa première réponse, était une raison de la baisse d'inscriptions, n'existe plus dans sa deuxième réponse. La vigueur économique était très fragile, car elle n'a duré que deux minutes. Comme exemple, le ministre de la Défense nous affirme aussi, à la fin de sa deuxième réponse, et je le cite encore: «Vingt-sept p. 100 des membres des forces armées sont francophones et 24 p. 100 de tous les officiers supérieurs sont francophones.» Un officier supérieur, ce n'est pas un caporal ou un sergent; un officier supérieur, c'est un colonel, lieutenant-colonel, un brigadier-général, un major-général, un lieutenant-général ou un général.

Chez les généraux, seulement 14,7 p. 100 sont francophones et chez les colonels, seulement 21 p. 100 sont francophones. Je me demande où le ministre prend son 24 p. 100, sauf s'il le prend au niveau des sous-officiers. Ce qui prouve encore une fois que le ministre dit des choses comme cela le satisfait, sans se soucier de la véracité de ses dires.

En terminant, je voudrais signaler au ministre que lorsqu'il m'invite à visiter le ministère et le quartier général ici, à Ottawa, afin que je constate que l'on y travaille aussi bien en français qu'en anglais, je voudrais signaler, dis-je, que le ministre cesse de se moquer des francophones, en affirmant de telles inepties, car j'y suis allé à plusieurs reprises et ce qu'il dit est faux. Il en va de même pour le collège de Kingston, qui n'est pas bilingue et ne le deviendra pas.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de souligner que les forces canadiennes ont toujours recruté des francophones et qu'elles continueront de le faire. Nos plus récentes données nous indiquent qu'environ 27 p. 100 des membres des forces canadiennes sont francophones, comparé à 15,8 p. 100 en 1966. C'est une amélioration considérable. Par ailleurs, environ 24 p. 100 des officiers supérieurs sont francophones.

Tel que le disait le ministre de la Défense nationale dans cette Chambre, il y a quelques jours, le recrutement pour le programme de formation des officiers de la régulière est en baisse partout au Canada et non pas seulement au Québec. Dans le cas plus spécifique du Québec, l'incertitude autour de la fermeture du Collège militaire royal de Saint-Jean, incertitude créée par le refus du gouvernement du Québec d'accepter l'entente-cadre du 19 juillet 1994, a certainement joué à l'encontre des objectifs en matière de recrutement.

La nouvelle institution qui verra le jour suite à cette entente entre le gouvernement fédéral et la région de Saint-Jean offrira des cours pré-universitaires à 100 élèves-officiers francophones et anglophones. De façon à s'assurer que la représentation francophone au niveau des officiers rencontre nos objectifs, le ministère de la Défense nationale a prolongé la campagne de recrutement pour le programme de formation des officiers jusqu'à la fin du mois d'avril. Nous croyons fermement qu'il est possible d'attirer le nombre nécessaire de recrues et que nous atteindrons nos objectifs.

En guise de conclusion, j'aimerais souligner le fait que la campagne de recrutement n'étant pas encore terminée, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Permettez-moi également d'ajouter que les futurs élèves-officiers francophones recevront une éducation de haut niveau, dans la langue de leur choix, au Collège militaire du Canada à Kingston.

[Traduction]

LA REVENDICATION TERRITORIALE

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais parler aujourd'hui d'un point qui a été porté à mon attention le 17 mars, au matin. Il semblerait que la bande indienne des Six Nations ait récemment engagé des poursuites contre la province de l'Ontario et le gouvernement fédéral. Elle demande d'être indemnisée pour les terres perdues, le produit de la vente des terrains, les recettes tirées des droits miniers, l'argent retiré des comptes en fiducie et l'intérêt composé sur ces montants et cela, pour la période allant de 1784 à aujourd'hui.

(1850)

Un conseiller principal de la bande a estimé à environ 400 milliards de dollars le montant total réclamé. Quand on regarde bien ce qui en est, on constate que ce montant correspond à environ 80 p. 100 de la dette fédérale actuelle. La bande des Six Nations réclame aussi une enquête et exige des comptes détaillés de toutes les transactions mettant en cause des biens, des fonds et des biens immobiliers qui ont été conclues depuis 1784.

Au cours de la période des questions, le vendredi 17 mars, j'ai demandé au gouvernement des éclaircissements sur cette question et je lui ai aussi demandé s'il avait l'intention de libérer des fonds à l'appui de ces poursuites de la bande indienne des Six Nations.

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On m'a dit que ma question était prise en délibéré et que le ministre concerné y répondrait. J'ai appelé au bureau du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, et on m'a dit qu'une réponse serait disponible hier ou au plus tard aujourd'hui.

J'attends toujours. Il s'agit d'une contestation judiciaire très importante, et je suis surpris que le gouvernement n'ait pas pu répondre à ma question vendredi, compte tenu de l'ampleur des poursuites. Je suis choqué de ne pas avoir encore reçu de réponse du ministre, comme on me l'avait promis. Cependant, je suppose que cela est typique de la façon dont le gouvernement fédéral et bon nombre de gouvernements provinciaux agissent, dans le cas des questions concernant les autochtones. Ils préfèrent tout simplement s'abstenir de répondre.

Les questions restent sans réponse. Tout débat public est réprimé. Les négociations ont lieu en privé et ce sont les contribuables qui paient la facture. Les contribuables canadiens veulent qu'on leur rende des comptes. Ils veulent savoir ce que coûteront ces revendications territoriales. Ils veulent être sûrs que les programmes des Affaires indiennes vont être modifiés de façon à les rendre plus efficaces.

Ils aimeraient savoir comment il se fait que ce gouvernement puisse aller de l'avant avec l'autonomie gouvernementale et le règlement des revendications territoriales sans avoir une idée claire du coût de ces dernières ni des superficies concernées et sans avoir donné une définition claire de l'expression «droit inhérent à l'autonomie gouvernementale».

Ces questions ont également déjà été posées à la Chambre, mais en vain. Il est temps que le gouvernement libéral arrête de dissimuler ses intentions et qu'il révèle son programme en ce qui concerne l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales des autochtones. Les Canadiens ne méritent rien de moins que ça.

En conclusion, le ministère des Affaires indiennes a un statut de vache sacrée chez les libéraux. Le dernier budget le démontre bien. Je ne crains absolument pas de brandir le couteau de la responsabilité financière et de mener cette vache sacrée à l'autel de l'examen public afin de déterminer à quoi servent exactement ces milliards de dollars attribués au ministère des Affaires indiennes.

Au nom des contribuables canadiens, je vais continuer d'insister pour obtenir des réponses claires et précises concernant les dépenses de fonds publics consacrés aux affaires indiennes. Enfin, je vais poursuivre cette affaire à la Chambre, dans les médias, dans ma circonscription et partout où les contribuables canadiens se posent des questions sur la façon dont les deniers publics fédéraux sont dépensés.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je vais répondre au député de Prince George-Bulkley Valley au nom du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le député a demandé si le ministère avait avancé des fonds aux Six Nations pour des poursuites à intenter contre l'Ontario et le gouvernement fédéral. Notre collègue de Haldimand-Norfolk a aussi manifesté un vif intérêt pour cette question.

Je vais répondre pour commencer à la question très précise que le député a posée. Le gouvernement fédéral n'a pas accordé de fonds aux Six Nations pour ces poursuites. Je voudrais maintenant donner des éclaircissements.

En décembre 1994, la bande indienne des Six Nations a annoncé son intention d'intenter des poursuites contre le Canada et l'Ontario. Au 20 mars 1995, c'est-à-dire hier, aucune demande introductive d'instance n'a officiellement été déposée contre le Canada.

Selon l'avis de l'intention d'agir en justice, le litige porte sur des manquements présumés aux fonctions fiduciaires de la part de l'Ontario et du Canada. Ces manquements présumés sont liés à des transactions immobilières datant de la concession territoriale de Haldimand aux Six Nations en 1784, comme le député l'a expliqué, dont les effets se font sentir jusqu'à aujourd'hui.

La question en litige a fait l'objet d'environ 24 revendications différentes présentées au Canada par les Six Nations. Aucun montant n'a été fixé dans l'avis des poursuites pour les dommages-intérêts et aucun renseignement n'a été fourni pour justifier l'estimation de 400 milliards de dollars mentionnée par le député.

Il semble que les Six Nations aient décidé de se pourvoir devant les tribunaux plutôt que de régler les revendications en suspens par la voie de la négociation. En vertu de la politique des revendications des autochtones, on ne peut à la fois intenter un procès et faire appel à cette politique des revendications. On a informé la commission que toutes les revendications des Six Nations devaient rester en suspens et que les dossiers seraient clos.

Depuis 1982, le Canada vient en aide à la bande des Six Nations en vertu du Programme de financement des revendications des autochtones. Le programme assure le financement de la recherche entreprise par les bandes pour faire valoir leurs revendications dans le cadre de la politique citée plus haut. Jusqu'à la production de l'avis du pourvoi devant les tribunaux, soit au mois de décembre 1994, rien ne donnait à penser que la bande n'avait pas l'intention de s'en remettre à la politique des revendications pour régler ses griefs.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion d'ajournement de la Chambre est adoptée d'office. La Chambre s'ajourne donc à 14 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 56.)