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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 9 février 1994

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES OBLIGATIONS POUR LE REMBOURSEMENT DE LA DETTE

ÉCO-ÉQUIPEMENT INC.

LA FAMILLE GOODMAN

LES AGRESSIONS SEXUELLES

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER DE 1994

M. GREG JODERY

CELANESE CANADA INC.

LES JEUX D'HIVER DU CANADA DE 1995

LES SOLDATS PORTÉS DISPARUS

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

LA FISCALITÉ

LE SÉNAT

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 1099

L'ENFANCE MALTRAITÉE

LE PROGRAMME DE LUTTE À LA CONTREBANDE

LE PROGRAMME NATIONAL D'INFRASTRUCTURE

    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 1100

LE BOIS D'OEUVRE

QUESTIONS ORALES

LA BOSNIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1100
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1101
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1101

LE DÉFICIT

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1101

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1102

LE PROGRAMME DE LUTTE À LA CONTREBANDE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1103

LES TAXES SUR LES CIGARETTES

    M. Harper (Simcoe-Centre) 1103
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1103
    M. Harper (Simcoe-Centre) 1103
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1103

LES SERVICES DE GARDE

    Mme Gagnon (Québec) 1103
    Mme Gagnon (Québec) 1104

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

L'INDUSTRIE DU BOIS D'OEUVRE

L'IMMIGRATION

    M. O'Brien (London-Middlesex) 1105

L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

L'ASSOCIATION LESBIENNE ET GAY INTERNATIONALE

L'AGRICULTURE

LES TECHNIQUES DE REPRODUCTION

LES PAIEMENTS DE PÉRÉQUATION

    M. White (North Vancouver) 1107
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 1107
    M. White (North Vancouver) 1107

L'AGRICULTURE

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 1107

AFFAIRES COURANTES

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

    Projet de loi C-213. Adoption des motions portant présentation et première lecture 1108

PÉTITIONS

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    M. Harper (Calgary-Ouest) 1108

LES LANGUES OFFICIELLES

LE JEU DU TUEUR EN SÉRIE

LES LANGUES OFFICIELLES

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

LES CARTES DE TUEURS EN SÉRIE

QUESTIONS AU FEUILLETON

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENTFÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET SUR LES CONTRIBUTIONS FÉDÉRALESENMATIÈRE D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE ET DE SANTÉ

    Projet de loi C-3. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 1109
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 1109
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1113
    M. Harper (Calgary-Ouest) 1117
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 1118
    M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry) 1118
    M. Harper (Calgary-Ouest) 1131
    M. Harper (Calgary-Ouest) 1134
    M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) 1135
    Deuxième lecture du projet de loi et renvoi à un comité 1137

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

    Projet de loi C-9. Motion portant deuxième lecture 1137
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 1142

ANNEXE


1097


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 9 février 1994


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES OBLIGATIONS POUR LE REMBOURSEMENT
DE LA DETTE

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester): Monsieur le Président, au cours de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement du Canada a émis des obligations pour financer l'effort de guerre.

Les patriotes canadiens ont acheté ces obligations et ainsi évité de laisser à leurs enfants et petits-enfants une dette onéreuse.

Le gouvernement pourrait émettre des obligations pour le remboursement de la dette et les vendre aux Canadiens seulement, sur le marché intérieur. Il pourrait offrir un taux d'intérêt intéressant et utiliser la totalité de la somme investie pour rembourser la dette, en commençant par la dette à l'étranger.

Nous avons, envers nos enfants, le devoir de leur donner un Canada libre de dettes. Pour les Canadiens, les obligations pour le remboursement de la dette feraient appel à leur patriotisme et, financièrement, seraient à leur avantage. En outre, l'impôt qu'ils paieraient sur les intérêts de ces placements constituerait une source de recettes supplémentaire pour le Trésor fédéral.

* * *

[Français]

ÉCO-ÉQUIPEMENT INC.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne): Monsieur le Président, Éco-Équipement Inc. est une entreprise nouvellement implantée dans ma circonscription. Elle s'apprête à effectuer des travaux de recherche dans le domaine du traitement des eaux usées.

En collaboration avec Agropur, l'École polytechnique de Montréal ainsi que deux organismes gouvernementaux, le ministère de l'Environnement du Québec et le Centre québécois de valorisation de la biomasse, cette étude a pour objectif de développer une technologie pour le traitement des eaux usées de l'industrie agro-alimentaire.

Ce projet de déphosphoration biologique, au coût de 860 000 $, s'échelonnant sur deux années, permettra entre autres de diminuer le rejet en phosphore et, par le fait même, de répondre aux nouvelles normes pour la protection de l'environnement.

Je félicite les promoteurs de cette importante initiative qui démontrent une vive volonté de développer une technologie plus performante tout en restant conscients et responsables face aux lois environnementales.

* * *

[Traduction]

LA FAMILLE GOODMAN

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, je voudrais rendre hommage à une éminente famille de la circonscription d'Okanagan-Similkameen-Merritt. À notre époque, qui est caractérisée par la rapidité des progrès technologiques et autres, nous prenons rarement le temps de penser à ceux qui ont façonné nos communautés à leur début.

Chaque année, la South Okanagan Historical Society décerne un prix, le Pioneer Award, à une famille qui a contribué au développement de l'Okanagan. Cette année, la famille Goodman, d'Osoyoos, en Colombie-Britannique, est à l'honneur pour les services qu'elle a rendus à la collectivité au début du siècle.

Il y a des décennies, Les et Dais Goodman s'occupaient d'agriculture, de construction de routes, d'éducation, de déboisement et autres activités où ils ont fait preuve d'initiative et montré leur dévouement. Aujourd'hui encore, leurs enfants et leurs petits-enfants entretiennent la tradition familiale de dévouement à la collectivité.

Je demande à la Chambre de se joindre à moi pour féliciter la famille Goodman pour sa précieuse contribution au développement du sud de l'Okanagan et de notre pays.

* * *

LES AGRESSIONS SEXUELLES

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington): Monsieur le Président, j'ai reçu récemment une lettre dans laquelle une personne de ma circonscription me faisait part de la terrible épreuve qu'elle avait subie, des agressions sexuelles dont elle avait été victime. Les personnes victimes de tels abus sont confrontées quotidiennement à la douleur et à un sentiment de culpabilité. Heureusement, beaucoup d'entre elles peuvent compter sur l'appui de leur famille et de leurs amis. Elles ont toutes besoin de nous.

Les victimes qui décident de poursuivre leur agresseur devant les tribunaux devraient être traitées avec compassion et respect.


1098

Tous les Canadiens paient un énorme prix lorsque nous traitons les effets des agressions sexuelles. Ainsi, de nombreux jeunes contrevenants sont des victimes. Malheureusement, trop souvent, c'est un cycle qui se perpétue de génération en génération. Notre système judiciaire doit en tenir compte et répondre aux besoins de la victime et de l'agresseur.

J'exhorte le ministre de la Justice à reconnaître que nos décisions doivent refléter un système à la fois juste et équitable.

* * *

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER DE 1994

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan): Monsieur le Président, au nom des électeurs de Thunder Bay-Atikokan et de tous les jeunes Canadiens qui aspirent à réaliser des performances supérieures dans diverses disciplines sportives, je tiens à féliciter John Lockyer, de Thunder Bay, pour avoir remporté le championnat canadien du saut à ski. John est un athlète exceptionnel qui a mérité le respect et l'admiration de tous au niveau international.

(1405 )

Toutefois, en tant que seul membre de l'équipe canadienne «A» de saut à ski, John ne participera pas aux Jeux olympiques d'hiver de Lillehammer. Ce sera la première fois dans toute l'histoire de ces jeux que des Canadiens ne participeront pas aux compétitions de saut à ski.

Il faut encourager l'Association olympique canadienne à réexaminer son nouveau règlement, qui empêchera sans doute beaucoup de nos champions de participer à l'avenir aux jeux et qui ne semble pas tenir compte de l'objectif et de l'esprit véritables des Jeux olympiques.

* * *

M. GREG JODERY

M. John Murphy (Annapolis Valley-Hants): Monsieur le Président, dans la paisible vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, M. Greg Jodery a été brutalement battu à mort. Son assassin a été reconnu coupable d'homicide involontaire et condamné à seulement quatre ans de prison.

Apparemment, le tribunal a estimé que le comportement violent de la victime constituait des circonstances atténuantes. Cet argument n'a pas été étayé et il était trop tard pour que Greg Jodery puisse présenter sa propre version des faits.

Une collectivité souffre et est révoltée. Justice n'a pas été rendue. Nous, représentants du peuple, ne pouvons pas garder le silence. Justice doit être rendue au nom de Greg Jodery, sinon notre système ne méritera pas le respect des Canadiens.

* * *

[Français]

CELANESE CANADA INC.

Mme Pauline Picard (Drummond): Monsieur le Président, le 7 janvier dernier, Celanese Canada Inc., une industrie oeuvrant dans le domaine du textile et dont l'usine est située à Drummondville, dans mon comté, annonçait un investissement de 2,5 millions de dollars afin de réduire de 25 p. 100 les émissions d'acétone qu'elle libère dans l'atmosphère.

Il est bon de spécifier que Celanese Canada Inc. respectait déjà toutes les normes gouvernementales en matière d'environnement et que son initiative découle uniquement de sa politique en matière de santé, de sécurité et de protection de l'environnement.

Celanese Canada Inc. est un exemple à citer lorsque l'on parle de développement durable et d'entreprises qui assument leurs responsabilités au sein de la communauté. Je profite donc de l'occasion pour les féliciter.

* * *

[Traduction]

LES JEUX D'HIVER DU CANADA DE 1995

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, la ville de Grande-Prairie sera l'hôte des Jeux d'hiver du Canada, qui se tiendront du 19 février au 4 mars 1995. Je suis fier de dire que Grande-Prairie est située dans ma circonscription et qu'elle deviendra la ville la plus au nord à avoir été l'hôte des Jeux d'hiver du Canada.

Cet événement important réunira plus de 3 200 athlètes, entraîneurs et officiels qui participeront à 21 sports différents.

Les Jeux ont lieu tous les deux ans, et il y a alternance entre ceux d'hiver et ceux d'été. Ils servent de tremplin aux futurs athlètes olympiques. Ils sont également une occasion de célébrer la culture, et c'est pourquoi Grande-Prairie sera fière de mettre en relief les différentes facettes de notre patrimoine canadien et nordique.

Le thème des jeux est Iskoteo, terme cri qui signifie feu, soit le feu qui éclaire notre ciel sous forme d'aurores boréales et le feu qui anime l'esprit des gens qui relèveront le défi.

* * *

LES SOLDATS PORTÉS DISPARUS

M. Joseph Volpe (Eglinton-Lawrence): Monsieur le Président, le processus de paix au Moyen-Orient est prometteur pour tous les partisans de la paix et de la normalité. Les familles de soldats portés disparus des deux côtés reprennent espoir.

Mme Miriam Baumel, une mère qui s'est prise à espérer avec un regain de foi quand MM. Arafat et Rabin ont échangé une poignée de main l'automne dernier, presse les gouvernements étrangers et les organismes internationaux de soulever le problème des soldats portés disparus. Elle a rencontré aujourd'hui des parlementaires canadiens.

Son fils et d'autres soldats israéliens sont portés disparus au Liban depuis 1982. Les parlementaires britanniques se sont engagés à soulever le problème auprès des autorités syriennes et iraniennes. Une délégation de parlementaires américains est partie enquêter sur place dans la région. Mme Baumel vient d'ailleurs de rencontrer des membres du Congrès des États-Unis.


1099

Je note que la Convention de Genève charge le pays où les soldats portés disparus ont été vus pour la dernière fois de déterminer ce qu'il est advenu d'eux. La Syrie est un des signataires de cette convention.

J'exhorte le ministre des Affaires étrangères à aborder la question avec fermeté aussi bien avec les autorités syriennes qu'avec M. Arafat lui-même, de manière à faire du retour des soldats portés disparus un des éléments de la proposition globale de paix.

* * *

(1410)

LES JEUX OLYMPIQUES D'HIVER

M. Paul Steckle (Huron-Bruce): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui à la Chambre pour souhaiter à tous les athlètes de notre pays, et plus particulièrement à deux jeunes Canadiens talentueux dans la discipline du patinage artistique en couple, la meilleure des chances à l'occasion des XVIIe Jeux olympiques d'hiver qui se tiendront à Lillehammer, en Norvège.

Lloyd Eisler et Isabelle Brasseur sont actuellement les champions du monde en patinage artistique par couple et ils semblent en voie de devenir les premiers médaillés d'or canadiens dans cette discipline depuis Barbara Wagner et Bob Paul en 1960.

Lloyd Eisler, qui est né dans la localité ontarienne de Seaforth, dans ma circonscription, et Isabelle Brasseur, qui est originaire de Kingsbury, au Québec, dans la circonscription de Richmond-Wolfe, nous donnent l'exemple de deux Canadiens qui conjuguent leurs efforts pour se dépasser.

Autant Lloyd Eisler a besoin d'Isabelle Brasseur, autant le Canada a besoin du Québec. Au lieu d'essayer de le diviser, employons-nous plutôt à faire du Canada un pays fort et uni.

J'invite le député de Richmond-Wolfe à venir dans ma circonscription après les Jeux olympiques pour y rencontrer la population et participer à ce qui sera, je l'espère, la célébration d'une médaille d'or.

* * *

LA FISCALITÉ

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l'occasion de dire au ministre des Finances qu'il doit s'efforcer de maintenir les hausses d'impôt au strict minimum.

Les Canadiens perdent foi dans leur régime fiscal et protestent en refusant de payer. L'économie souterraine et le refus de payer la TPS et l'impôt sur le revenu sont autant de preuves que les Canadiens croulent sous les impôts.

Le dernier gouvernement a réduit à néant la confiance des citoyens et laissé une économie anémique.

Le ministre des Finances, quant à lui, s'est montré très ouvert aux voeux des Canadiens. J'exhorte le ministre à maintenir la charge fiscale au niveau le plus bas possible pour aider la petite entreprise et l'ensemble des Canadiens.

* * *

[Français]

LE SÉNAT

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe): Monsieur le Président, à part les horreurs relevées dans les dépenses par le vérificateur général dans son dernier rapport, nous apprenions la semaine dernière qu'il en a coûté aux contribuables québécois et canadiens plus de 43 millions pour les opérations de l'autre Chambre. Or, elle n'a siégé que 47 jours, dont un total de 29 jours en quatre mois, entre février et mai 1993.

Cela représente un million de dollars par journée de travail, ce qui équivaut à 150 000 $ par circonscription fédérale dont les représentants siègent à la Chambre des communes.

Si on pose la question de la pertinence d'une telle dépense des deniers publics aux citoyens de ma circonscription de Richmond-Wolfe, je connais déjà leur réponse. Ils nous disent, à nous leurs représentants, d'investir ces fonds dans la relance économique et dans la création d'emplois.

En somme, nous, les élus de cette Chambre et particulièrement l'opposition officielle, avons le devoir d'étudier les crédits de l'autre Chambre afin que cesse ce gaspillage éhonté.

* * *

[Traduction]

L'ENFANCE MALTRAITÉE

M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre): Monsieur le Président, la semaine dernière, au terme du plus long procès criminel de l'histoire de la Saskatchewan, deux accusés ont été acquittés de 32 chefs d'accusation d'agression sexuelle contre 15 enfants de Martensville, alors qu'un troisième a été trouvé coupable de huit chefs d'accusation.

La colère gronde dans cette localité. Cependant, plus forte que cette colère est la détermination de nos voisins qui veulent tout mettre en oeuvre pour prévenir ce genre d'agression.

L'horrible réalité de l'enfance maltraitée est telle que nous devons intervenir. Nous devons découvrir et exposer les causes de ce fléau.

Notre système de justice doit accorder une plus grande priorité aux droits des victimes. Rien ne pourra jamais compenser la douleur infligée aux victimes, mais nous devons toujours tenter de protéger les innocents des éléments destructeurs de la société. Nous devons lutter contre de tels comportements antisociaux.

1100

[Français]

LE PROGRAMME DE LUTTE À LA CONTREBANDE

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard): Monsieur le Président, en parcourant aujourd'hui les différentes réactions nationales sur le programme de lutte à la contrebande annoncé hier par le gouvernement fédéral, on serait porté à croire qu'il ne s'agissait que d'un problème régional, c'est-à-dire confiné au Québec.

Mon commentaire est le suivant: acceptées avec beaucoup de réticences à cause de l'impact sur la santé, ces mesures étaient quand même devenues incontournables et nécessaires. Cependant, j'estime que les autres provinces du Canada devraient profiter de l'expérience malheureuse vécue au Québec pour prévenir l'ascension de la désobéissance civile et de la criminalité associée.

Avec 33 p. 100 de contrebande dans certaines provinces, ces dites provinces ne peuvent plus ignorer le fléau qui les attend et, de là, il ne s'agit plus d'un problème régional.

* * *

(1415)

LE PROGRAMME NATIONAL D'INFRASTRUCTURE

M. Patrick Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine): Monsieur le Président, je désire faire le point sur une importante mesure pour la relance économique du Québec. En effet, lundi dernier, l'honorable ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional et le président du Conseil du Trésor ont signé, avec leurs homologues du gouvernement du Québec, l'entente fédérale-provinciale relative au programme national d'infrastructure.

Cette entente permettra de renouveler les infrastructures locales pour notre gouvernement. Il s'agit là d'une mesure concrète de création d'emplois et la relance de l'économie. Il va sans dire que cette entente est propice au développement économique du Québec et de tout le Canada.

Les travaux qui seront effectués dans le cadre de cette entente, de près 1,6 milliard de dollars au Québec seulement, redonneront enfin confiance à nos entreprises, nos travailleurs et à la population tout entière.

Depuis son élection, le gouvernement Chrétien travaille sans relâche pour favoriser un bon climat économique au pays.

L'entente signée cette semaine avec le gouvernement du Québec est une preuve tangible de cet engagement pour une relance économique durable. Voilà que ça fonctionne le fédéralisme, monsieur le Président.

[Traduction]

LE BOIS D'OEUVRE

M. Nelson Riis (Kamloops): Monsieur le Président, on sait depuis fort longtemps que les producteurs de bois américains cherchent à avoir accès à nos billes brutes afin de pouvoir les transformer aux États-Unis. Leur objectif est de harceler et d'enquiquiner nos exportateurs de bois d'oeuvre jusqu'à ce que nous cédions à leurs exigences.

On nous a affirmé que l'ALE allait mettre fin à ce perpétuel harcèlement, mais il ne s'est rien produit. On nous a promis ensuite que l'ALENA allait mettre fin à ce harcèlement, mais il ne s'est rien produit. On nous a assurés que des groupes spéciaux composés de représentants du Canada et des États-Unis allaient se charger de régler les différends opposant nos deux pays. Voilà que le groupe spécial a rendu une décision, une décision favorable au Canada.

Or, Mickey Kantor, le représentant au commerce des États-Unis, annonce que son pays va lancer une vaste campagne de contestation contre cette décision parce que les Américains sont d'avis que le groupe spécial a erré. On va s'en prendre à la crédibilité des membres du groupe spécial.

Le gouvernement précédent cédait devant toutes démarches américaines ou peu s'en faut. Je me demande si le nouveau gouvernement va agir différemment.

Le ministre du Commerce international va-t-il conseiller aux Américains de ne pas insister? Le groupe spécial s'est prononcé, les États-Unis ont perdu leur cause, un point c'est tout! Il va de soi que le ministre du Commerce international ne doit pas rester à rien faire pendant que les Américains font pression sur nous pour avoir totalement accès à nos billes brutes.

_____________________________________________


1100

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA BOSNIE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Cinq jours après le massacre du marché central de Sarajevo, les 16 membres du Conseil de l'OTAN se réunissent aujourd'hui à Bruxelles, pour étudier une proposition américaine visant à forcer, d'ici 10 jours, la levée du siège de Sarajevo. Et une dépêche tombe à l'instant sur le fil pour annoncer: «Les pays de l'OTAN ont aujourd'hui convenu d'adresser un ultimatum aux Serbes de Bosnie en les menaçant de raids aériens s'ils ne retirent pas leurs armements lourds de la région de Sarajevo dans les 10 jours qui viennent.»

Je demanderais au premier ministre si cette information est exacte, et si, par le fait que ces décisions doivent se prendre d'une façon unanime, le Canada a appuyé l'expédition d'un ultimatum aux Serbes.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons souscrit à la proposition de faire une zone de 20 kilomètres à partir du centre de Sarajevo pour que les armes qui sont là, contrôlées par les Serbes bosniaques et par les Musulmans bosniaques, tombent sous le contrôle des Nations Unies. Nous avons souscrit à cet ultimatum.


1101

Je vois dans les dépêches de dernière minute que le militaire en charge des Forces, à Sarajevo, M. Rose, a dit qu'il avait eu une entente il y a quelques minutes avec les Serbes, qui ont accepté de mettre leurs armes dans la région de Sarajevo sous le contrôle des Nations Unies. Je crois comprendre que la même chose sera faite par les Musulmans, ce qui veut dire que si on accepte cet ultimatum, les raids aériens dans cette région ne seront pas nécessaires.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, je vois qu'il n'est pas tout à fait clair du genre de dispositions qui ont été arrêtées par les Serbes à la suite de cet ultimatum.

Est-ce qu'on peut demander au premier ministre, tout de même, quels sont les termes de l'ultimatum? De quoi menace-t-on précisément les Serbes au cas où il serait rejeté?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, lors de résolutions au mois d'août, et renouvelées le 11 janvier, nous avons dit-et nous avons souscrit à cet élément-que si on allait continuer l'étranglement de Sarajevo, l'on pourrait avoir recours aux forces aériennes pour libérer d'une certaine façon cette ville.

(1420)

À la suite des massacres inacceptables de la fin de semaine, les seize pays de l'OTAN ont décidé de donner un ultimatum et de créer une zone démilitarisée de 20 kilomètres à partir du centre de Sarajevo. Les Musulmans, apparemment, seraient prêts à l'accepter, de même que les Serbes de la région, ce qui veut dire que la menace d'attaques aériennes n'aurait pas à être exécutée, si ce que j'ai vu dans la dépêche est vrai.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, cela signifie que le Canada vient de franchir un pas important dans sa démarche vis-à-vis de la question des frappes aériennes puisque, jusqu'à maintenant, si j'ai bien compris, le Canada n'avait accepté que le principe de raids aériens rapprochés, pour des fins défensives concernant la sécurité des Casques bleus. Je comprends que dans ce cas-ci, le gouvernement a décidé d'appuyer le principe d'une frappe aérienne contre une force belligérante pour dégager la ville de Sarajevo.

Je voudrais demander au premier ministre, dans ce cas-là, quelles sont les conditions de sécurité qu'il a obtenues pour s'assurer que les Casques bleus canadiens ne seraient pas l'objet d'effets négatifs à la suite de l'ultimatum?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, quand nous étions à Bruxelles, il y a un mois, nous étions très inquiets au sujet des soldats canadiens qui se trouvaient de l'autre côté de la ligne, à Srebrenica. En fait, la situation dans cette ville a évolué selon le cours normal des choses. Les Serbes bosniaques ont accepté que les Canadiens soient remplacés par les Néerlandais d'ici la fin du mois.

La situation progresse normalement et, selon les nouvelles que je viens d'avoir il y a quelques minutes, les Serbes ont accepté l'ultimatum qui leur a été lancé au sujet de Sarajevo. Il ne sera donc pas nécessaire de recourir à la frappe aérienne. Nous avons accepté qu'un ultimatum soit lancé aux forces militaires dans la région afin de protéger la population civile de Sarajevo et d'empêcher que ne se reproduise un massacre comme celui qui s'est produit en fin de semaine dernière.

* * *

[Français]

LE DÉFICIT

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, un porte-parole officiel du ministère des Finances a fait une déclaration dans les journaux d'aujourd'hui à l'effet que son ministère aurait de la difficulté à réduire le déficit annuel du gouvernement canadien au-dessous de 40 milliards. On comprend bien pourquoi, avant les Fêtes, on a gonflé les prévisions concernant le déficit budgétaire.

Ma question s'adresse au premier ministre. Doit-on comprendre de cette déclaration surprenante que c'est un aveu d'impuissance que fait son gouvernement et qu'il n'entend s'attaquer ni aux dépenses ni aux évasions fiscales des sociétés et des riches contribuables?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je pense que le député devrait patienter un peu. D'ici quelques semaines, il aura sa réponse dans le budget que présentera le ministre des Finances.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, j'obtiens une réponse insatisfaisante, comme d'habitude, ou à peu près, durant cette période des questions.

Au lieu de laisser son ministre des Finances faire des déclarations irresponsables sur les taux d'intérêt canadiens et américains qui lui ont valu justement d'être qualifié de stand up comic de la politique canadienne par le Globe and Mail, le premier ministre peut-il nous révéler les intentions de son gouvernement? Peut-il nous dire si son gouvernement s'attaquera aux dépenses somptuaires et au scandale des fiducies familiales et autres échappatoires?

[Traduction]

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, ni le ministre des Finances ni moi ne prenons la question du déficit à la légère.

Au contraire, nous prenons cette question très au sérieux comme en fait foi l'engagement que nous avons pris dans le livre rouge de réduire le déficit et le ramener à 3 p. 100 du PIB au cours de la troisième année de notre mandat.

Ce qui a été rapporté dans la presse, c'est que, selon un certain nombre d'experts, il serait difficile de ramener le déficit à moins de 40 milliards de dollars au cours de l'exercice 1994-1995. Ce serait effectivement difficile si aucun changement n'était apporté, mais, comme l'a souligné le premier ministre, un budget sera bientôt présenté.


1102

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier, il a reconnu que c'était en Ontario et au Québec que le problème de contrebande de cigarettes était le plus grave. Le commissaire de la GRC a confirmé que plus de 70 p. 100 des cigarettes de contrebande transitaient par les trois réserves mohawks situées entre Cornwall et Montréal.

(1425)

Le gouvernement est-il disposé à reconnaître aujourd'hui à la Chambre que le succès de son plan de lutte contre la contrebande exigera non seulement un effort national, mais également une action spéciale concertée pour rétablir la suprématie du droit canadien sur ces réserves indiennes?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, c'est exactement ce que je dis depuis deux semaines et je vais le répéter. Les lois du Canada vont s'appliquer partout au pays.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je voudrais poser une question supplémentaire.

La plupart d'entre nous croient que seul un petit nombre de Mohawks participent activement aux activités de contrebande sur ces réserves et que la majorité des habitants s'opposent à ces activités qui leur répugnent.

Le gouvernement a-t-il essayé de consulter les gens ordinaires sur ces réserves pour obtenir leur appui et réaffirmer que la loi canadienne va s'appliquer à la contrebande, au blanchiment de l'argent, ainsi qu'à l'importation et l'entreposage illicites d'armes?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, j'ai déjà eu une conversation téléphonique dimanche avec le chef d'une de ces réserves. Peu après la période des questions aujourd'hui, je vais rencontrer les chefs des trois réserves en cause. Je chercherai à obtenir qu'ils collaborent avec la GRC afin d'éliminer la contrebande sur les réserves, autour des réserves et partout au Canada.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, permettez-moi de poser une autre question supplémentaire. C'est bien beau de rencontrer les chefs, mais ce sont les habitants des réserves qu'il faut voir.

Le premier ministre reconnaît-il que le rétablissement de la démocratie sur les réserves est essentiel si on veut faire respecter la loi canadienne? Le gouvernement a-t-il envisagé d'établir un processus démocratique officiel sur ces réserves afin de permettre aux gens ordinaires de préciser par scrutin secret les mesures qui, selon eux, permettraient de rétablir la primauté des lois canadiennes?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, si je ne m'abuse, les chefs en question sont élus démocratiquement par les habitants des réserves qui trouveront probablement que la proposition du chef du Parti réformiste est une forme plutôt étrange de démocratie, s'il souhaite que le gouvernement aille sur les réserves leur imposer sa version de la démocratie.

Le Président: Chers collègues, nous pourrions peut-être, durant cette période des questions, nous efforcer de raccourcir les préambules. Cela faciliterait beaucoup les choses.

* * *

[Français]

LE PROGRAMME DE LUTTE À LA CONTREBANDE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, je veux bien abréger le préambule, mais je voudrais que le premier ministre écoute, car la question s'adresse à lui.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre! L'honorable député de Roberval a la parole.

M. Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, l'un des volets du plan d'action du gouvernement pour contrer la contrebande prévoit une augmentation des interventions de la GRC. À peine quelques heures après cette annonce, on apprend qu'à Valleyfield, des rafales de balles auraient été tirées à l'approche d'une patrouille de la GRC vers ce qui semblait être un chargement de cigarettes de contrebande.

Compte tenu du danger que représente les interventions policières dans ce dossier, le premier ministre peut-il dire s'il a prévu des mesures particulières pour protéger la vie des policiers qui auront à intervenir contre des groupes puissamment armés?

(1430)

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, l'honorable député vient de changer son fusil d'épaule.

Pendant des semaines, il a demandé des interventions de la GRC et maintenant que de telles interventions se produisent, il désire que la GRC se retire. Ce ne sont pas les méthodes d'intervention de la GRC.

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, j'ai une autre question que j'adresse au premier ministre.

Le premier ministre peut-il nous dire pourquoi, en d'autres termes, il s'obstine à ne pas rencontrer lui-même les chefs des réserves amérindiennes, compte tenu du danger de la situation et de la nécessité d'obtenir, par le premier ministre, des garanties pour protéger la vie des policiers qui auront à intervenir dans une situation dangereuse, face à des contrebandiers puissamment armés?


1103

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je tiens à faire remarquer à la Chambre que vendredi dernier, la GRC a rencontré les trois chefs en question. Ils ont eu une discussion assez longue et très complète et on a vu les résultats à la télévision le soir même. Le ministre des Affaires indiennes est toujours en communication avec eux et aujourd'hui, le solliciteur général, qui est responsable de la police, les rencontrera. Alors, je ne pense pas que ma présence contribuerait à faire avancer le dossier.

Nous avons des ministres compétents qui peuvent exécuter leurs fonctions et le premier ministre ne doit intervenir que lorsque cela est absolument nécessaire. À ce moment-ci, je pense que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et le solliciteur général font un excellent travail.

* * *

[Traduction]

LES TAXES SUR LES CIGARETTES

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, ma question, qui s'adresse au premier ministre, s'inspire des propos de M. Ian Craig de la circonscription de Scarborough-Rouge River.

Je suis seul député de l'opposition en Ontario et, à ce titre, je suis très préoccupé de ce que le premier ministre ait négocié avec le Québec, aux dépens de l'Ontario, un accord au sujet des cigarettes.

Hier, le premier ministre de l'Ontario, M. Bob Rae, déclarait que cette entente ne ferait que pousser les autres provinces à se conformer à une politique qui a été adoptée unilatéralement par le gouvernement fédéral et une province.

Au nom de la population de l'Ontario et de son premier ministre, je voudrais demander au premier ministre comment il peut jouer aux dominos avec les provinces et les obliger les unes après les autres, en commençant par l'Ontario, à apporter des réductions de taxes équivalentes à celles du Québec?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je dois certainement avoir bien agi puisque les fabricants de produits du tabac et le Nouveau Parti démocratique de l'Ontario m'en veulent.

Je suis très étonné de la déclaration du député parce que le premier ministre Rae est au courant des faits. Le 13 décembre, nous avons entamé des discussions avec les fonctionnaires provinciaux de l'Ontario et du Québec. J'ai moi-même eu plusieurs entretiens avec M. Rae. Je lui ai de nouveau parlé au téléphone vendredi soir dernier. Dimanche, il a envoyé ses fonctionnaires, sous la direction de son chef de cabinet, M. Agnew, et ces derniers ont passé la journée avec M. Shortliffe, des représentants de mon cabinet, des membres des forces policières, etc. Ils ont été informés de tous les faits, de toutes les mesures prévues. Nous avons discuté de ce qu'il fallait inclure dans les mesures à prendre et de ce qu'il fallait en exclure.

M. Rae faisait de la petite politique lorsqu'il a déclaré à la télévision hier soir que le gouvernement fédéral avait passé une entente sans tenir compte de sa province.

Des voix: Bravo!

M. Ed Harper (Simcoe-Centre): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire. Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse s'est lui aussi dit en désaccord avec le premier ministre hier. En fait, la majorité des premiers ministres provinciaux sont fermement opposés à la réduction de taxe.

Pourquoi le premier ministre a-t-il choisi d'écouter le Québec et de tourner le dos aux autres provinces intéressées?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai déclaré hier à la Chambre que c'était le commissaire de la GRC qui m'avait convaincu de réduire la taxe; il m'a déclaré que si nous voulions vraiment régler le problème rapidement, il fallait couper l'herbe sous le pied des contrebandiers.

(1435)

C'est ce que j'ai fait, mais il ne m'apparaît pas juste de dire que nous opposons le Québec au reste du Canada dans ce dossier. L'Ontario est aussi aux prises avec le problème, mais son premier ministre préfère jouer à l'autruche et ne pas affronter la réalité.

Des voix: Bravo!

* * *

[Français]

LES SERVICES DE GARDE

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, dans le cadre du Forum sur la fiscalité des familles, un sondage réalisé par le Bureau québécois de l'année internationale de la famille démontre que 80 p. 100 des Québécois et des Québécoises pensent que le gouvernement devrait intervenir davantage pour développer les services de garde.

En l'absence du ministre des Finances, j'adresse donc ma question au premier ministre. Monsieur le premier ministre, le gouvernement compte-t-il, dans le cadre de l'Année internationale de la famille, rendre disponibles aux gouvernements provinciaux les sommes nécessaires pour aller de l'avant dans le développement des services de garde?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez adresser vos questions par l'intermédiaire de la Présidence, si cela est possible.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement): Monsieur le Président, tout d'abord, on reconnaît les résultats du sondage. On reconnaît aussi que la population québécoise a toujours été à l'avant-garde en ce qui concerne le dossier des garderies et qu'elle a toujours servi de modèle au reste du Canada.

Ceci dit, dans le livre rouge du Parti libéral, ce que nous avons proposé, c'est d'abord et avant qu'il y ait un accroissement de l'économie. On prévoit un accroissement de l'économie de 3 p. 100 avant de mettre le système en vigueur pour tripler le nombre de places qui seront disponibles annuellement. Alors, 50 000


1104

places pour chaque année suivant un taux de croissance de l'économie de 3 p. 100, pour un total de 150 000 places en trois ans.

Mme Christiane Gagnon (Québec): Monsieur le Président, ma question supplémentaire s'adresse au ministre du Revenu.

On sait que certains contribuables peuvent déduire des frais de représentation, comme des dîners d'affaires et des parties de golf. Le ministre peut-il dire à la Chambre quand le gouvernement apportera les modifications fiscales nécessaires pour permettre aux personnes concernées, le plus souvent des femmes, de déduire leurs frais de garde d'enfants dans le cadre de leur travail?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national): Monsieur le Président, je comprends les préoccupations de l'honorable députée. C'est du domaine de la politique des finances et je peux l'assurer que j'en parlerai à l'honorable ministre des Finances. Lorsque j'aurai une réponse, je lui en ferai part.

* * *

[Traduction]

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Le premier ministre a déclaré très clairement hier que le Canada formait une nation unique et souveraine, qu'il possédait un seul ensemble de lois et que ces lois seraient mises en application de manière uniforme dans toutes les régions du pays.

Nonobstant ces déclarations, la population a généralement l'impression que les dispositions sur l'application de la loi ne sont pas toujours les mêmes selon qu'une infraction est commise sur le territoire d'une réserve indienne ou ailleurs.

Le solliciteur général pourrait-il dire à la Chambre si les lignes directrices données à la GRC quant à la mise en oeuvre du plan d'action du gouvernement en matière de contrebande diffèrent selon que les infractions se produisent dans une réserve indienne ou ailleurs?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, je voudrais réaffirmer et confirmer ce que le premier ministre a déclaré plus tôt durant la période des questions, soit que la loi sera appliquée de la même façon partout au Canada; je suis heureux de le répéter à nouveau devant la Chambre.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, j'aimerais que la réponse soit un peu plus précise. La perception générale au sein de la population, c'est qu'il existe deux lois au pays, une pour les réserves autochtones et une autre pour l'extérieur des réserves. J'aimerais qu'on me donne des précisions à ce sujet.

Ma question supplémentaire est la suivante: Le solliciteur général se propose-t-il. . . M'entendez-vous, monsieur le Président?

(1440)

Le Président: Je ne peux entendre la question parce qu'il y a trop de tapage ici. Ce n'est certes pas moi qui fais tout ce bruit.

M. Silye: Monsieur le Président, le solliciteur général se propose-t-il de modifier les consignes données à la GRC relativement à la mise en application du plan d'action du gouvernement en matière de contrebande en ce qui a trait au respect des lois sur la contrebande dans les réserves autochtones?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada): Monsieur le Président, le présent gouvernement est en place depuis trois mois environ.

Je peux affirmer que durant cette période, les seules consignes dont j'ai pris connaissance enjoignaient aux membres de la GRC de faire leur devoir comme ils l'ont toujours fait et de faire respecter les lois du Canada partout au pays. C'est ce qu'ils font.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DU BOIS D'OEUVRE

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international. Alors que les jugements successifs confirment la position canadienne dans l'interminable conflit du bois d'oeuvre, les États-Unis ont annoncé hier leur intention d'en appeler de la décision du panel constitué en vertu de l'Accord de libre-échange. Cette décision, pensions-nous, devait mettre fin à ce litige qui a déjà occasionné des déboursés supplémentaires de l'ordre de 500 millions de dollars pour les producteurs canadiens.

Le ministre entend-il intervenir auprès des autorités américaines afin de mettre fin au harcèlement dont sont victimes les producteurs de bois d'oeuvre canadiens et entend-il convaincre le secrétaire d'État américain au commerce, M. Kantor, de mettre fin une fois pour toutes à ce conflit qui a déjà trop duré?

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, j'ai rencontré M. Kantor à plusieurs reprises pour discuter de cette question. Comme le député le sait probablement, deux groupes spéciaux se sont récemment prononcés en faveur du Canada, au sujet du bois d'oeuvre résineux. Les États-Unis ont maintenant la possibilité de présenter ce qu'on appelle une contestation extraordinaire.

Je me suis assuré par tous les moyens possibles, au cours de mes rencontres avec M. Kantor et les autorités américaines, qu'une contestation extraordinaire serait sans fondement, à nos yeux.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, après l'agriculture, le blé de l'Ouest, le magnésium, la bière, l'acier et maintenant le bois d'oeuvre, le ministre ne convient-il pas que la stratégie américaine est limpide, à savoir utiliser tous les recours possibles pour empêcher nos entreprises d'accéder à leurs marchés?

[Traduction]

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international): Monsieur le Président, que ce soit en vertu de l'Accord de libre-échange ou de l'ALENA, nos produits exportés ont toujours fait l'objet de harcèlement de la part des États-Unis.


1105

Quand nous avons décidé de poursuivre notre étude de l'ALENA, nous avons cherché des solutions à ce problème de harcèlement constant.

C'est pourquoi nous avons mis sur pied des groupes de travail trilatéraux chargés de conclure des ententes sur les mesures antidumping et les subventions. Ainsi, les possibilités qui s'offrent aux États-Unis de poursuivre leur harcèlement à l'encontre des exportations canadiennes seront éliminées, ou du moins réduites.

* * *

L'IMMIGRATION

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Plusieurs personnes dans ma circonscription m'ont parlé des difficultés qu'éprouvent nombre d'immigrants à comprendre comment fonctionnent le gouvernement canadien et ses nombreux organismes. Bien entendu, le problème se complique lorsque ces nouveaux venus ne parlent pas l'anglais.

Afin de minimiser le sentiment d'isolement ressenti par nombre d'immigrants, le ministre abordera-t-il cette question à l'occasion de ses prochaines consultations publiques et tentera-t-il de mieux coordonner les initiatives des divers ordres de gouvernement dans cet important domaine?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. J'ai pris bonne note de la déclaration qu'il a faite à ce sujet le 31 janvier.

Les députés réformistes peuvent bien rire; il n'en demeure pas moins qu'il est très important de souligner le rôle des mesures d'établissement, comme l'a fait le député, surtout lorsqu'il s'agit de fixer les niveaux d'immigration. On ne peut dissocier les deux si l'on tient à la cohérence de notre politique d'immigration.

Plus de 300 organismes ont passé des accords contractuels avec mon ministère afin d'améliorer la prestation des services d'aide à l'établissement des immigrants. En fait, l'un d'entre eux, connu sous le nom de Host, a démarré un projet-pilote dans la circonscription du député.

(1445)

Par ailleurs, je tiens à ce que le député et la Chambre sachent que le sujet de l'établissement des immigrants fera intégralement partie du processus de consultation et qu'il retiendra l'attention d'un groupe d'experts chargés d'étudier les moyens de tirer le maximum de nos programmes d'établissement et de recommander les modifications nécessaires.

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Immigration. Nos niveaux d'immigration devraient-ils représenter un pourcentage de la population canadienne ou être plutôt fonction de la situation économique et des besoins de notre pays?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, lorsque nous avons annoncé les niveaux d'immigration, nous avons parlé d'une politique équilibrée. S'il fallait tenir compte d'un certain nombre de variables, je ne suis pas sûr que nous devrions attacher plus d'importance à l'une qu'à l'autre.

Il nous faut une politique équilibrée, si nous voulons servir les intérêts de notre pays, servir les intérêts des familles qui pourront être réunifiées et favoriser la création d'emplois et l'investissement, comme nous l'avons fait en augmentant le nombre de travailleurs compétents et de gens d'affaires qui pourront venir s'établir chez nous.

Il ne faut pas non plus oublier une autre facette de la politique d'immigration, soit les considérations humanitaires. Fidèles à la tradition de notre pays, nous devons respecter nos obligations envers ceux qui ont besoin de notre aide. Ce n'est qu'en recherchant l'équilibre que nous obtiendrons une saine politique d'immigration.

M. Grant Hill (Macleod): Monsieur le Président, le ministre nous a donné une réponse intéressante, surtout à la lumière des résultats captivants que j'ai obtenus en fin de semaine lorsque j'ai posé la même question à mes électeurs.

J'ai une question supplémentaire pour le ministre. Accepterait-il de sonder l'opinion canadienne à ce sujet et de déposer les résultats à la Chambre?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, nous venons tout juste de tenir les consultations les plus exhaustives possibles, c'est-à-dire des élections nationales. Aux dernières nouvelles, nous avons remporté la victoire et le premier ministre s'est vu confier un mandat national clair et net. L'immigration était l'une des questions abordées dans le livre rouge.

Par ailleurs, nous avons annoncé la création d'un processus de consultation sans précédent, qui s'adressera non seulement aux organisations et aux spécialistes, mais aussi aux Canadiens, qui auront alors leur mot à dire dans l'élaboration de la politique, puisqu'il s'agit après tout de leur pays.

* * *

[Français]

L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Avant même d'avoir entrepris la vaste opération de consultation publique, et avant la mise sur pied du comité parlementaire chargé d'analyser la politique étrangère du Canada, le ministre a indiqué récemment que des coupures sont à prévoir dans l'aide au développement international.

Alors que l'aide au développement transitant par les ONG représente à peine 10 p. 100 de toute l'aide canadienne et que le ministre a annoncé qu'il utiliserait davantage les ONG, peut-il nous indiquer quelle est la proportion de l'aide qu'il entend faire transiter à l'avenir par les ONG?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je dois dire que la question de l'honorable député est prématurée. Je pense qu'il a toutes les raisons d'appuyer les initiatives des organisations non gouvernementales qui font une oeuvre exemplaire à travers le monde. Je peux l'assurer que nous ferons tout en notre possible, non seulement pour maintenir, mais éventuellement augmenter ce pourcentage consacré aux ONG.


1106

Mais, je ne peux, aujourd'hui, citer des chiffres précis. Il faudra, comme tous les autres, attendre le Budget du ministre des Finances. Il est certain qu'à cet égard, tous les Canadiens seront préoccupés par le fait que le gouvernement doit, dans une mesure juste et équitable, resserrer les budgets de tous les ministères gouvernementaux et de toutes les agences gouvernementales, y compris l'Agence canadienne de développement international.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert): Monsieur le Président, le ministre peut-il nous indiquer s'il entend poursuivre la politique du précédent gouvernement de lier l'aide au développement au respect des droits humains?

(1450)

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je voudrais assurer le député que cette question demeure une priorité pour le gouvernement canadien. C'est un aspect parmi plusieurs autres qui doivent être considérés lorsque le gouvernement canadien maintient des relations diplomatiques avec des pays dans le monde. Cet aspect doit évidemment être soulevé à chaque occasion que nous avons, mais isoler des pays qui n'ont pas les mêmes vues que nous ne fait pas nécessairement avancer notre point de vue auprès des dirigeants de ces pays.

* * *

[Traduction]

L'ASSOCIATION LESBIENNE ET GAY INTERNATIONALE

M. David Chatters (Athabasca): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

En juillet de l'année dernière, le représentant du Canada au Conseil économique et social de l'ONU s'est prononcé pour qu'on accorde un statut consultatif à une association non gouvernementale appelée l'Association lesbienne et gay internationale, qui chapeaute un certain nombre d'organisations, dont la North American Man-Boy Love Association. Cette dernière association fait la promotion de la liberté sexuelle entre les hommes et les garçons et conteste les lois sur l'âge nubile et les autres restrictions qui empêchent les hommes d'avoir des relations sexuelles avec les garçons.

Le ministre peut-il me dire si son gouvernement appuie la décision du représentant du Canada au comité de l'ONU d'accorder un statut consultatif à cet organisme cadre?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de m'avoir donné avis de ses questions. Je lui dirai que lorsque le Canada, les États-Unis et les pays de l'Europe occidentale ont convenu d'accorder un statut consultatif à l'Association lesbienne et gay internationale, ils ne savaient pas que la North American Man-Boy Love Association était affiliée à cette organisation.

On m'informe que des mesures correctives ont été apportées.

M. David Chatters (Athabasca): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire à poser. Le ministre demandera-t-il au représentant du Canada au comité de l'ONU de retirer notre appui à cet organisme cadre?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, il importe de se rendre compte que l'Association lesbienne et gay internationale a sollicité un statut consultatif à l'ONU afin de soulever la question de la violation des droits humains des lesbiennes et des gays.

Quelles que soient les affiliations que nous ayons découvertes après coup, ce qui importe pour nous, c'est que des mesures correctives soient prises. Les mesures qui ont été prises nous satisfont, et je crois comprendre qu'elles satisfont aussi les autres pays qui ont appuyé la même résolution que nous.

* * *

L'AGRICULTURE

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Les députés réformistes pourront constater que ma question ne touche pas seulement ma circonscription, mais qu'elle est importante pour beaucoup d'agriculteurs canadiens.

Dans le livre rouge, le Parti libéral promet un programme «agro-global» d'aide au revenu agricole pour les agriculteurs canadiens en difficulté. Je me demande si le ministre peut donner l'assurance à la Chambre que, pendant le processus d'élaboration de ce programme, il y aura de très vastes consultations publiques. Je me demande également si le ministre peut faire savoir à la Chambre où en est l'élaboration de ce programme.

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Le gouvernement conservateur, avec la collaboration des gouvernements provinciaux, avait entrepris l'examen et la restructuration des programmes canadiens de protection du revenu agricole. Ce processus a abouti à une conférence, qui s'est tenue à Winnipeg la semaine dernière, et à laquelle participaient le gouvernement fédéral, les provinces, les organisations d'agriculteurs et d'autres intervenants. Le but de la conférence était la recherche d'un consensus sur les programmes de sécurité du revenu agricole.

Le programme «agro-global» d'aide au revenu agricole décrit dans le livre rouge a suscité beaucoup d'appuis lors de cette conférence. Ce programme serait conforme aux exigences du GATT, ne produirait aucun effet sur le marché et reposerait sur des principes financiers solides, sans compter qu'il serait abordable et efficace. Malheureusement, il a été plus difficile de s'entendre sur les modalités d'un tel programme.

Au sujet des vastes consultations dont parlait le député, tous peuvent avoir l'assurance que ce sera le cas. Je tiens beaucoup à inclure dans ces consultations tous les députés qui s'intéressent à l'agriculture, domaine très important.


1107

(1455)

[Français]

LES TECHNIQUES DE REPRODUCTION

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, le rapport de la Commission Baird recommandait l'interdiction de la recherche sur la modification des embryons humains. L'opinion publique réclame que la recherche et l'application des nouvelles techniques de reproduction fassent l'objet d'un contrôle rigoureux.

Le ministre de la Justice et son gouvernement ont-ils l'intention de proposer des amendements aux lois pénales pour interdire la recherche sur la modification des embryons humains?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Comme la députée le sait, la commission royale d'enquête a fait quelque 300 recommandations dans le cadre d'un rapport très volumineux à l'issue d'une longue étude. Toutes ces recommandations sont à l'étude, au ministère de la Santé principalement.

On a cependant raison de dire que certaines des recommandations proposaient des modifications au Code criminel pour définir de nouveaux délits afin de refléter les valeurs de la société. Je puis dire à la députée que nous étudions ces modifications en particulier et que nous les examinerons avec grand soin pour établir une distinction entre les recherches raisonnables, admissibles et souhaitables d'une part, et les recherches inadmissibles d'autre part.

Voilà le défi à relever. Ces études sont en cours et nous en ferons rapport à la Chambre en temps opportun.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert): Monsieur le Président, en effet, il y a beaucoup de recommandations dans le rapport, environ 300, mais il n'y en a pas 300 qui concernent le ministre de la Justice.

Est-ce que le ministre ne convient pas qu'il est urgent de déposer un projet de loi global sur les nouvelles techniques de reproduction dans les limites, évidemment, de la compétence de ce gouvernement et durant cette session?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Monsieur le Président, je puis assurer à la députée que nous étudions les recommandations avec toute la célérité correspondant à l'urgence qu'elles revêtent.

* * *

LES PAIEMENTS DE PÉRÉQUATION

M. Ted White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse au très honorable premier ministre.

En vertu de l'accord que le ministre des Finances a négocié récemment avec les provinces, le Québec recevra 3,7 milliards de dollars sous forme de paiements de péréquation, ce qui représente 47 p. 100 du montant total qui sera versé. Par contre, la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario ne recevront absolument rien.

La formule utilisée pour calculer les paiements de péréquation est censée tenir compte de la capacité de chacune des provinces à imposer ses habitants.

Je demande au premier ministre, puisqu'il veut que tous les impôts soient justes et qu'il veut éliminer toutes les échappatoires fiscales, comment il peut approuver le versement d'une somme aussi importante au Québec, sachant que le taux d'imposition des sociétés dans cette province est de seulement 6,9 p. 100, alors qu'il se situe entre 15 et 17 p. 100 ailleurs dans le pays.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, la formule utilisée est très complexe et tient compte de tous les éléments. Évidemment, si on ne regarde qu'un seul de ces éléments, on peut arriver à toutes sortes de conclusions.

Ce système a été établi au Canada il y a longtemps et il est maintenant garanti dans la Constitution canadienne.

M. Ted White (Vancouver-Nord): J'ai une question supplémentaire à poser au premier ministre.

Il semblerait que, comme le taux d'imposition des sociétés au Québec représente environ la moitié du taux en vigueur dans le reste du Canada, les habitants de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario se trouvent à subventionner les entreprises du Québec.

Le premier ministre peut-il confirmer que les paiements de péréquation versés au Québec seraient beaucoup moindres si les sociétés de cette province payaient leur juste part d'impôts?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Monsieur le Président, je suis heureux de répondre à la question du député.

Les paiements de péréquation sont calculés d'après la capacité fiscale des provinces. Ils ne sont pas fondés sur les taux d'imposition, mais bien sur la capacité des habitants à payer des impôts, qu'il s'agisse d'impôts fonciers, d'impôts sur les sociétés ou d'autres impôts. C'est une formule très compliquée que je serai heureux de fournir au député s'il veut l'examiner. Comme l'a dit le premier ministre, c'est un système très juste qui est garanti dans la Constitution.

* * *

[Français]

L'AGRICULTURE

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead): Monsieur le Président, le ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire a décidé de procéder à l'abattage d'un taureau importé du Royaume-Uni, un taureau de race Highland, que le ministère prétend susceptible d'être atteint de la maladie de l'encéphalopathie spongieuse. Toutefois, la période d'incubation de cette maladie est d'une durée maximale de huit ans. Et ce taureau, considéré comme un sujet unique au monde de par sa valeur génétique, est au Canada depuis 12 ans.

1108

(1500)

Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire. Puisque la période d'incubation ne justifie pas l'élimination de l'animal, dont la valeur commerciale est de plus de 40 000 $, pourquoi le ministère s'acharne-t-il à vouloir abattre ce taureau?

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Monsieur le Président, la maladie de l'encéphalopathie spongieuse qui frappe le bétail canadien depuis quelques mois constitue un problème très grave et inquiète vivement les propriétaires de bétail; ceux-ci comprennent parfaitement ce qui peut arriver si l'on n'intervient pas, mais reconnaissent les conséquences extrêmement dramatiques des mesures de contrôle prises pour enrayer cette maladie.

C'est une situation difficile, mais les fonctionnaires de mon ministère la prennent très au sérieux et se montrent très consciencieux. Les principaux groupes représentant les propriétaires de bétail ont presque tous appuyé les mesures de contrôle que nous avons prises, tout comme les diverses associations de médecine vétérinaire de notre pays, ainsi que les ministères provinciaux de l'Agriculture, les fonctionnaires du commerce extérieur et nos partenaires commerciaux du monde entier.

Il s'agit d'un problème délicat que nous avons essayé de résoudre consciencieusement et en montrant le plus de compassion possible.

_____________________________________________


1108

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Monsieur le Président, conformément à l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport sur la Conférence parlementaire du Conseil nordique sur l'Arctique. Cette conférence a eu lieu à Reykjavik, en Islande, les 16 et 17 août derniers.

Dans ce rapport, la délégation dépêchée au Conseil a formulé et fait accepter un certain nombre de recommandations que je ne vais pas lire en entier, mais dont je retiens les plus significatives: l'importance de la coopération entre les États de l'Arctique et d'autres parties engagées dans le processus de Rovaniemi et l'élaboration d'une stratégie de protection de l'environnement arctique, conformément à Action 21 de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement.

[Français]

Mme Shirley Maheu (Saint-Laurent-Cartierville): Monsieur le Président, en vertu de l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire qui s'est rendue à Sao Paulo, Brésil, du 16 au 19 juillet 1993.

(1505)

[Traduction]

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, aux termes de l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association interparlementaire Canada-Japon à la deuxième rencontre annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, qui a eu lieu aux Philippines les 14 et 15 janvier.

Les recommandations issues de cette rencontre revêtent un grand intérêt pour le Canada. Le fait que le Parlement canadien ait décidé d'y participer, avant même l'inauguration de la législature, témoigne certes de l'importance que le gouvernement et le Parlement attachent aux questions économiques dans la région Asie-Pacifique.

* * *

LA LOI SUR LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest) demande à présenter le projet de loi C-213, Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

-Monsieur le Président, ce projet de loi vise à modifier un article en particulier de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, à savoir l'article 52. Il prévoit que les recommandations du Comité de surveillance du renseignement de sécurité seraient mises en oeuvre à moins d'être rejetées par le ministre intéressé.

Dans ce cas, le ministre serait tenu de faire connaître au Parlement les motifs de l'annulation de la décision du comité. Si les motifs étaient secrets, le ministre serait tenu de faire savoir au Parlement pourquoi elles étaient censées l'être.

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter des pétitions renfermant 1 286 signatures d'habitants de la ville de Calgary principalement.

Ces pétitionnaires demandent au gouvernement d'adopter une loi pour rendre plus sévère la Loi sur les jeunes contrevenants suivant des principes semblables à ceux qui servaient de fondements à l'ancienne Loi sur les délinquants juvéniles. Les pétitions sont signées à la mémoire de Ryan Garrioch, un jeune garçon de ma circonscription qui a été tué dans une cour d'école.

Je presse le gouvernement d'étudier sérieusement ce genre de recommandation.

1109

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur d'intervenir à la Chambre pour présenter une pétition certifiée conforme par le greffier des pétitions, au nom des électeurs de Saanich-Les Îles-du-Golfe et de la région environnante.

Ces pétitionnaires prient humblement le Parlement de promulguer une loi en vue de la tenue d'un référendum populaire à caractère exécutoire sur l'acceptation ou le rejet des deux langues officielles, l'anglais et le français, pour le gouvernement et la population canadienne.

LE JEU DU TUEUR EN SÉRIE

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition de la part des habitants d'Edmonton qui demandent au gouvernement d'interdire la vente au Canada du jeu du tueur en série et d'autres jeux semblables.

Les membres de la paroisse St. Matthews ont recueilli les signatures pour cette pétition qui porte au verso des marques d'enfants. C'est pour le bien de ces enfants et de tous les enfants du Canada que j'appuie cette demande.

Ces jeux qui encouragent la violence ne sont pas au mieux des intérêts des enfants. Assurer à nos enfants un cadre de vie sûr est aussi important que la liberté d'expression et justifie donc la mesure proposée dans cette pétition, une mesure raisonnable dans une société démocratique.

LES LANGUES OFFICIELLES

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom d'un certain nombre d'habitants de ma circonscription, Okanagan-Similkameen-Merritt.

Les pétitionnaires demandent la tenue d'un référendum sur les langues officielles du Canada.

(1510)

Cette pétition est certifiée conforme par le greffier des pétitions. Les pétitionnaires estiment que la politique des langues officielles actuellement en vigueur au Canada est un facteur de discorde et coûte très cher en ces temps de crise.

J'ai donc encore une fois l'honneur cet après-midi de présenter cette pétition.

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi que de prendre la parole à la Chambre pour présenter une pétition signée par des habitants de Horsefly, en Colombie-Britannique.

Mes électeurs s'opposent farouchement à toute réduction du service postal et du personnel des postes dans les collectivités rurales, ainsi qu'à la fermeture de bureaux de poste ruraux.

Ils demandent au Parlement de s'assurer que les collectivités rurales qui ont déjà été gravement touchées par des réductions retrouveront tous les services postaux auxquels elles sont habituées.

LES CARTES DE TUEURS EN SÉRIE

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter une pétition, conforme à l'article 36, signée par des habitants de la circonscription de Niagara Falls que je représente.

Les pétitionnaires demandent que des modifications soient apportées à nos lois pour interdire l'importation, la distribution et la vente des cartes de tueurs en série. Les pétitionnaires voudraient informer le fabricant de ces cartes que son produit, s'il est destiné au Canada, sera saisi et détruit.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Toutes les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

L'hon. Fernand Robichaud (secrétaire d'État (Affaires parlementaires)): Monsieur le Président, j'aimerais vous aviser, tel que le Règlement l'exige, que demain le 10 février ainsi que vendredi le 11 février seront des jours désignés.

_____________________________________________


1109

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES ET SUR LES CONTRIBUTIONS FÉDÉRALES EN MATIÊRE D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE ET DE SANTÉ

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 8 février, de la motion de M. Martin: Que le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé, soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Lorsque nous avons interrompu l'étude du projet de loi C-3, il restait quatre minutes à la période de questions et d'observations suivant le discours du député de Lethbridge. Vu qu'il n'est pas à sa place, nous allons poursuivre le débat.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-3, projet de loi qui, à mon avis, témoigne fort bien du système de valeurs de notre pays.


1110

Pour commencer, je voudrais raconter brièvement aux députés ce qui m'est arrivé il y a environ quatre ans, à Québec. J'ai rencontré un grand artiste canadien du Québec, Richard Séguin. C'était la première fois que j'assistais à l'un de ses concerts. Le talent, l'énergie et le charisme qui se dégageaient de lui m'ont tout simplement bouleversé.

De retour à Toronto, je me suis rendu rue Yonge. Je suis entré chez un disquaire avec l'intention d'acheter le disque de Séguin que je voulais faire entendre à certains de mes amis. Après avoir fait environ six magasins de disques dans cette rue, j'ai fini par dénicher, dans un recoin, la cassette «Journée d'Amérique» de Richard Séguin.

(1515)

Environ un mois plus tard, je déjeunais avec lui à Montréal. Je lui ai raconté ce qui m'était arrivé et à quel point il était incroyable que j'aie dû faire six grands magasins de disques du centre-ville de Toronto avant de pouvoir mettre la main sur une de ses cassettes, alors qu'il a vendu 100 000 disques et cassettes au Québec, où il est très connu.

C'est là, m'a-t-il dit, l'une des raisons qui font que bon nombre de Québécois s'interrogent sur ce que le Canada leur apporte. C'est un grand artiste qui vend beaucoup de disques et de cassettes au Québec, mais, en dehors du Québec, il est très peu connu.

Tout comme les artistes canadiens du Québec ne sont pas toujours bien connus à l'extérieur de cette province, je pense que le gouvernement du Canada fait beaucoup de choses qui ne sont pas toujours bien connues des Québécois.

Je ne veux pas dire qu'il n'existe pas de divergences avec le Québec ou nombre d'autres provinces. Je pense qu'il est très important, lorsqu'il est question d'un projet de loi comme celui-ci, que tous les Canadiens, peu importe la région du pays d'où ils viennent, comprennent bien en quoi consiste exactement la péréquation.

C'est d'autant plus important aujourd'hui, parce que c'est la première législature de notre histoire où l'opposition officielle cherche à détruire le Canada, à s'en séparer.

Mes électeurs entendent parler d'une mesure semblable au projet de loi C-3, qui vise à transférer aux provinces pauvres l'argent des provinces riches, par un processus qu'on appelle péréquation. Nous parlons d'une entente signée la semaine dernière, qui liait toutes les provinces et le ministre des Finances. Nous parlons d'une entente qui porte sur les cinq prochaines années. Essentiellement, ce projet de loi permet à sept des dix provinces d'obtenir des transferts des recettes fiscales des trois autres provinces, soit la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario. Aucune condition n'est rattachée à ces fonds, qui ne visent qu'à permettre à ces provinces d'assurer à leurs habitants un niveau de vie égal à la moyenne nationale, des normes nationales, une assiette fiscale nationale et un accès aux mêmes services d'un bout à l'autre du pays.

(1520)

Au cours des cinq prochaines années, soit pendant cette législature, le Québec bénéficiera d'un transfert de 70 milliards de dollars. Cela signifie que nous, en tant que contribuables canadiens, allons transférer une somme importante d'argent des provinces favorisées, au Québec et aux autres provinces moins favorisées. Aujourd'hui, je vais me pencher particulièrement sur les 70 milliards qui seront transférés au Québec.

Je tiens à dire dès le départ que c'est un droit garanti par la Constitution, et que je ne le conteste pas. Je l'appuie volontiers, mais c'est justement ce qui m'amène à m'interroger sur la raison pour laquelle les députés d'en face voudraient renoncer à de telles conditions. Nous essayons d'établir des normes et des programmes à l'échelle nationale afin que les électeurs de leurs circonscriptions aient accès aux mêmes services que ceux de la mienne.

On a tendance à penser que c'est tout ce que fait ce projet de loi, mais il ne s'agit pas que de transferts d'argent. C'est beaucoup plus que ça. Cette mesure permet aux provinces de prendre leurs propres décisions. Elles peuvent déterminer elles-mêmes comment elles traiteront leurs habitants. Le gouvernement du Canada ne donne aucune instruction précise sur l'emploi de cet argent.

Les députés provinciaux sont les seuls maîtres, quand vient le temps de décider comment ces fonds seront dépensés. Cela ne regarde pas la Chambre. La seule chose qui soit du ressort de la Chambre des communes, du gouvernement du Canada ou du Parlement du Canada, c'est de voir à ce que la formule soit mise en oeuvre et que le chèque soit transmis.

J'ai parlé à quelques personnes, non seulement dans ma circonscription, mais à des amis québécois et à un bon nombre de Canadiens, et pas seulement au Québec-aux quatre coins du Canada. Ils ne sont pas au courant de ce projet de loi sur la péréquation. Ils ne sont pas conscients de la somme qui est en jeu.

Voilà ce qui m'a amené, alors que nous nous préparions pour le projet de loi C-3, à examiner d'autres activités du gouvernement du Canada qui ont lieu dans la province de Québec. J'oriente un peu mon argumentation, je vise plus particulièrement la province de Québec aujourd'hui car on n'entend jamais les représentants des autres provinces nous dire qu'ils veulent se séparer, qu'ils veulent faire éclater le pays.

Je n'arrive absolument pas à comprendre pourquoi nous sommes dans une telle situation. Cette idée de vouloir fuir ce partenariat, ce système de valeurs grâce auquel nous partageons des normes nationales. Il ne s'agit pas uniquement du projet de loi dont nous sommes saisis, comme je l'ai dit plus tôt. Nous devons tenir compte de la présence du gouvernement du Canada dans tant d'autres domaines.

Permettez-moi d'en citer quelques-uns. L'un des projets les plus en vue au Québec est sans doute celui de la Baie James. Les gens en général ont l'impression qu'il s'agit d'un projet provincial. En me préparant aujourd'hui, j'ai fait une rapide analyse, un survol, un résumé des dépenses engagées par le gouvernement du Canada dans le projet de la Baie James de 1986 à 1991. Saviez-vous, madame la Présidente, que dans ce seul projet, le gouvernement du Canada a investi 607 millions de dollars par l'entre-


1111

mise d'Affaires indiennes et du Nord, de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, de Transports Canada, d'Industrie, Sciences et Technologie, d'Emploi et Immigration, du Secrétariat d'État, de Santé et Bien-être social, d'Énergie, Mines et Ressources, d'Environnement Canada, de Pêches et Océans, du ministère de la Justice et du Bureau du solliciteur général?

(1525)

Je ne suis pas en train de vous dire que le Canada ne devrait pas contribuer à de tels projets. Ces décisions ont été prises par cette Chambre et par des députés qui défendaient les intérêts de leurs électeurs, en assurant la viabilité économique de la province et la création d'emplois. Ce qui me dépasse c'est pourquoi, après toutes ces largesses de la part du gouvernement fédéral, la loyale opposition de Sa Majesté veut se séparer.

C'est une question que se posent aussi nombre de mes électeurs. J'ai pensé qu'aujourd'hui, à l'occasion du débat sur ce projet de loi, nous pourrions prendre le temps de réfléchir, et de ce côté-ci de la Chambre, de mieux faire connaître la présence du gouvernement canadien au Québec. Il incombe à chacun d'entre nous de nous assurer que tous nos électeurs et tous les leurs sachent exactement quels services y sont offerts et où sont les lacunes.

Loin de suggérer que tout est parfait, je pense en fait que Richard Séguin est en droit de se plaindre. À mon avis, Richard Séguin est un artiste canadien, au même titre que tous les autres. Lorsque nous écoutons une station de radio anglaise, nous n'entendons que des émissions anglaises. Et pourtant, elles empruntent les ondes canadiennes. Pourquoi Richard Séguin ne serait-il pas diffusé par chaque station de radio au Canada, tout comme le sont Anne Murray ou Blue Rodeo?

Je ne prétends pas qu'il n'y ait aucun motif légitime d'inquiétude, mais ce qui m'inquiète, moi, c'est que nous ne disons pas assez à tous ceux qui vivent et travaillent au Québec, ce que fait le gouvernement fédéral pour eux, dans leur province. Le gouvernement canadien est présent au Québec, que ce soit par l'entremise de programmes et de services à l'intention de l'industrie, par l'intermédiaire du ministère de la Défense nationale ou encore du ministère du Tourisme, sans oublier les sites historiques entretenus par le gouvernement canadien; ces divers aspects de la présence fédérale, il faut les faire connaître aux Québécois. S'ils voulaient renoncer à cela, ils devraient au moins être au courant de tous les faits.

Je suis convaincu que, lorsque la question aura été exposée de façon complète et exacte, il y aura peut-être de ces Québécois qui sont maintenant plutôt favorables au séparatisme qui changeront d'opinion. Est-ce possible? Je l'espère.

À mesure que les gens d'en face connaîtront les travaux que réalise le gouvernement canadien au Québec, il y en aura peut-être certains qui s'opposeront un peu moins à l'idée de voir le Québec au sein du Canada.

(1530)

Je me lève aujourd'hui à la Chambre pour saluer et appuyer totalement le projet de loi C-3. J'espère que tous les gens d'en face diront à leurs électeurs que nous, de ce côté-ci de la Chambre, sommes fermement en faveur de ce projet de loi. Sans faire la moindre remise en question, nous nous demandons tout de même si nous arrivons vraiment à communiquer. Il peut arriver qu'on ait du mal à accepter une institution ou une activité particulière du gouvernement, et c'est parfois justifié, par exemple, lorsqu'il y a gaspillage ou double emploi. Je conviens que nous devons nous attacher à corriger les nombreuses imperfections du système.

Ces imperfections que présente actuellement notre système sont le fruit des nombreuses bureaucraties institutionnalisées. Ces frustrations, vous pouvez m'en croire, sont partout les mêmes pour beaucoup de gens. Au centre-ville de Toronto, nous nous opposons aussi au double emploi, aux bureaucraties institutionnalisées et aux unités qui ne fournissent plus à l'utilisateur final les services comme elles le devaient. Nous ne pouvons pas jeter l'éponge aussi rapidement. Notre présence à la Chambre aujourd'hui vise justement à garantir qu'un correctif soit apporté lorsqu'une activité ne fait plus l'affaire.

J'espère que le message que porte ce projet de loi sera communiqué aux Québécois. On sait qu'au cours des cinq dernières années, près de 50,7 milliards de dollars ont été transférés et qu'au cours des cinq années qui viennent, ces transferts totaliseront près de 70 milliards de dollars. À mon avis, ces transferts, joints à toutes les autres manifestations de la présence du gouvernement canadien au Québec, devraient être significatifs. Espérons que, grâce à un bon programme de communication, un changement ne tardera pas à se produire, de sorte qu'une attitude différente viendra de la loyale opposition de Sa Majesté.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Madame la Présidente, je remercie le député de Broadview-Greenwood pour son discours qui traite un peu, finalement, du fond de la question.

Je dois dire que les gens du Québec connaissent tous le contenu de ce projet de loi, car cela fait 25 ans que nous débattons, au Québec, de cette question à savoir l'argent qui vient du fédéral, ou qu'il en vient moins d'une année à l'autre. Nous n'en sommes plus là. Pour nous, le temps des plombiers est terminé. Nous en sommes maintenant au temps des architectes.

Le fait que vous vouliez, par cette loi, nous donner des poissons, ce n'est pas ce qui nous intéresse, c'est d'avoir les moyens de pêcher. Ce qui nous intéresse, c'est d'avoir l'ensemble du contrôle des situations afin que nous puissions faire notre travail et que nous soyons autonomes dans notre mode de fonctionnement. Et pour cela, ce qui nous apparaît le plus important, c'est qu'un gouvernement qui lève des impôts donne des services aux gens pour les impôts qu'il lève.

À l'heure actuelle, à cause du problème du fédéralisme canadien, au départ, qui donne au gouvernement fédéral le droit de lever des impôts dans des secteurs où il n'a pas le contrôle, cela mène à une hyprocrisie fantastique qui dit que le fédéral nous redonne de l'argent. Il ne nous redonne pas d'argent, il ramasse nos impôts et il les redistribue de différentes façons, et nous nous battons depuis 125 ans parce que la façon ne fait jamais notre affaire.


1112

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, au Québec, que venir se battre ici avec des députés fédéralistes ne donnait plus rien. Alors, les Québécois ont élu des souverainistes parce que, comme je le disais tantôt, ils ne veulent plus changer la plomberie, ils veulent changer de maison.

Au niveau de l'actuel projet de loi, il y a quand même des problèmes, parce que depuis qu'on a instauré le plafond limite, on crée l'effet pervers suivant: le Québec absorbe 60 p. 100 de la réduction qu'il aurait eue avant le plafond. Lorsque le gouvernement fédéral était géré de façon telle qu'il n'y avait pas les déficits actuels, on pouvait se permettre cette remise, en oubliant un peu le problème de base qui se retrouvait dans le système fédéral.

(1535)

Depuis que le fédéral n'a plus d'argent parce qu'il gère mal nos sous, les sous de tous les Canadiens, pas seulement ceux des Québécois, une disposition plafond a été établie. Depuis, le Québec voit sa part diminuer de façon systématique.

Je partage l'opinion du député lorsqu'il parlait du chanteur, Richard Séguin, que je connais bien ainsi que sa soeur jumelle, qui est une chanteuse de très grande qualité. Ils ont à peu près mon âge et nous avons le même rêve finalement, qui est de faire en sorte que nous puissions avoir le contrôle sur nos moyens de développement, afin d'assumer correctement notre avenir.

[Traduction]

M. Mills (Broadview-Greenwood): Madame la Présidente, à mon avis, le député n'interprète pas le projet de loi correctement. En fait, les fonds qui sont transférés au Québec ne viennent pas de cette province. Ils viennent des contribuables des autres régions du pays qui ont la chance de posséder d'abondantes ressources naturelles ou d'autres avantages économiques. En vertu d'une disposition constitutionnelle, des fonds des provinces les mieux nanties sont transférés au Québec, ce qui permet d'assurer le maintien d'une norme nationale pour l'ensemble des Canadiens.

Le député semble dire que ce que reçoit le Québec, ce sont les sommes qui y ont été prélevées, et c'est inexact. Voilà ce que je voulais dire. Je crois qu'il faut examiner à fond toute la question des transferts fiscaux ou des transferts du gouvernement fédéral.

Si des électeurs de la circonscription du député ont entendu ce que ce dernier vient de dire, ils doivent nuancer ses propos. À mon avis, le député devrait plutôt dire à ses électeurs que sa province recevra des provinces canadiennes les mieux nanties près de 70 milliards de dollars en paiements de péréquation au cours des cinq prochaines années. En disant cela, le député a, sur ses électeurs et sur ce qu'ils pensent de la Confédération, un effet très différent que s'il leur dit: «Ils nous renvoient simplement notre argent.»

Le député a au moins reconnu que c'est ce sur quoi devra essentiellement porter la discussion pour un certain temps. Personnellement, je ne me déroberai pas à ma responsabilité de parler de la présence du gouvernement fédéral au Québec, non seulement lorsqu'elle a des retombées moins heureuses, mais aussi lorsqu'elle est avantageuse pour la province.

Dans le cadre de ce débat, il est très important que les députés séparatistes s'efforcent de présenter les faits tels qu'ils sont, sans les déformer.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue): J'ai été profondément choqué, devrais-je dire, des propos du collègue qui m'a précédé parce que je crois que ça démontre une profonde méconnaissance de tout le système fiscal, de la façon de percevoir les revenus de l'État et d'une simplification mathématique à outrance. Je me demande même s'il comprend l'esprit de tous les transferts fédéraux au complet, la façon dont ils fonctionnent. Il devrait regarder les programmes établis, savoir ce qui est arrivé dans le domaine de l'éducation ou de la santé pour savoir ce qui s'y passe, la tendance lourde qui se trouve derrière cela.

La péréquation permet de mesurer la capacité d'une province à aller chercher des revenus. C'est en fonction de ce critère-là qu'on définit des provinces pauvres ou des provinces riches. J'aimerais qu'il prenne en considération que beaucoup de décisions du gouvernement fédéral, particulièrement la non-intervention au Québec en recherche et développement, a créé cette situation qui fait que fiscalement nous sommes considérés comme une province qui n'a pas la même capacité de percevoir des revenus. Et d'autres actions du gouvernement fédéral l'empêchent de faire cela.

(1540)

Il ne faut pas prendre une mesure de façon isolée. S'il veut le faire, je peux le faire avec lui car j'ai en main des chiffres concernant les dépenses dans le domaine de la défense nationale. Le Québec, avec 25,5 p. 100 de la population, ne reçoit que 17,4 p. 100 des dépenses, un manque à gagner annuel de 565 millions de dollars. J'aimerais que le député ne fasse pas de simplification financière à outrance.

Si on faisait une analyse globale-nous l'avons fait dans le cadre de la campagne électorale et on avait toutes les données-il serait surpris de voir jusqu'à quel point le fédéralisme est désavantageux au niveau financier pour le Québec. Nous ne recevons pas notre juste part si on considère l'ensemble des revenus que l'on fournit et des dépenses qui y sont faites.

Quand il nous dit que la péréquation est un cadeau, c'est scandaleux, cette attitude. Les Québécois et Québécoises paient aussi des taxes et des impôts ici.


1113

M. Mills (Broadview-Greenwood): Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Brien: C'est scandaleux de donner l'illusion, de faire croire que c'est un cadeau. Je n'accepte pas cela, et je le défie de venir en débattre, lorsqu'on sera en campagne référendaire au Québec, et je serai présent sur les mêmes tribunes que lui pour qu'on fasse ce débat-là, pour que les Québécois et Québécoises, les Canadiens et Canadiennes aient les vrais chiffres et soient capables de comprendre le portrait global de la situation.

[Traduction]

M. Mills (Broadview-Greenwood): Madame la Présidente, j'ai une très brève observation à faire.

J'ai déjà dit à plusieurs reprises à la Chambre qu'il n'y a pas une région du pays qui n'ait de motif légitime de déception à l'égard du gouvernement du Canada, et le Québec ne fait pas exception. Ce qu'il nous faut faire à la Chambre, c'est un examen approfondi de la présence fédérale au Québec depuis 20 ans pour constater que le gouvernement du Canada tâche d'y rendre la vie enrichissante et productive tout comme il le fait dans toutes les régions du pays.

Les députés de la loyale opposition de Sa Majesté devraient comprendre non seulement que nous avons au sein de notre caucus des députés du Québec qui représentent une voix pour le Canada dans cette province, mais aussi que pendant plusieurs années auparavant, la Chambre comptait des députés du Québec qui auraient été en désaccord avec l'attitude que ces députés adoptent aujourd'hui.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Madame la Présidente, je désire joindre ma voix à celle de mes collègues, afin de protester énergiquement contre le fait que le gouvernement, par son projet de loi C-3, ne se limite qu'à des technicalités relatives à la péréquation.

Il aurait fallu revoir l'ensemble des programmes de transferts fédéraux aux provinces, incluant le financement des programmes établis, par lequel le gouvernement fédéral contribue à la santé et à l'enseignement postsecondaire; le Régime d'assistance publique du Canada, par lequel le gouvernement fédéral contribue aux programmes d'assistance sociale et aux services de bien-être des provinces; et tous les autres programmes que gèrent les ententes fédérales-provinciales.

En procédant à la pièce, comme le fait actuellement le gouvernement fédéral, on risque de se retrouver devant de mauvaises surprises quand viendra le temps de renégocier les autres ententes bilatérales. L'approche de la courtepointe ne nous permet pas d'avoir un portrait global de l'ensemble des coupures qui nous attendent.

En fait, les tendances sont dangereuses. La contribution fédérale à l'ensemble des programmes de transferts est en chute libre. Au Québec seulement, les transferts financiers fédéraux sont passés de 28,9 p. 100 de l'ensemble des revenus du Québec en 1983-1984 à 20,1 p. 100 en 1993-1994. Ils ne devraient plus représenter que 15,8 p. 100 des revenus du Québec en 1997-1998.

Les transferts fiscaux ne répondent plus aux objectifs pour lesquels ils avaient été établis, objectifs enchâssés pourtant dans la Constitution de 1982, à savoir, favoriser l'équité entre les régions. Il est désormais de notoriété publique que les limites fixées à la péréquation et au financement des programmes établis appauvrissent les provinces pauvres et enrichissent les provinces riches.

(1545)

Le désengagement du gouvernement fédéral dans les divers programmes de transferts coûtent très cher au Québec. Pour être tout à fait clair, le gouvernement fédéral veut réduire son déficit sur le dos des provinces et en partie sur celui du Québec.

La position du Bloc par rapport au paiement de péréquation a déjà été largement établie par les deux interlocuteurs précédents de l'opposition officielle. Je voudrais, pour ma part, aborder deux sujets où le Québec n'a pas reçu sa juste part: la Recherche et Développement et le Financement des programmes établis.

Pourquoi les dépenses au chapitre de la recherche et développement sont-elles si importantes pour une économie? Pourquoi parler de recherche et développement dans un débat qui porte sur la péréquation? Tout simplement parce que Recherche et Développement constitue une dépense dite structurante pour une économie, une dépense qui crée une industrie moderne et compétitive, génératrice d'emplois de haute qualité, bien rémunérés et permanents. Par ses effets de productivité et de croissance, cette industrie a des retombées positives sur l'ensemble de l'économie d'un pays.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral est un acteur très important en matière de recherche et développement. En effet, le gouvernement fédéral a deux types de financement pour les activités de recherche et développement: le financement intra-muros et le financement extra-muros. Les dépenses intra-muros représentent toutes les activités de recherche et développement que le gouvernement fédéral finance et réalise lui-même. Ces dépenses ont un caractère récurrent. Quant aux dépenses extra-muros, elles représentent toutes les activités de recherche et développement que le gouvernement finance mais ne réalise pas lui-même. Elles ont un caractère précaire pouvant être relocalisé facilement ailleurs une autre année.

Ainsi, en 1989, le gouvernement fédéral finançait près de 30 p. 100 de l'ensemble des activités en recherche et développement au Canada. Or, entre 1979 et 1989, le Québec n'a obtenu que 18 p. 100 des dépenses fédérales en ce domaine, alors que l'Ontario bénéficiait de 50,1 p. 100, soit 4,6 milliards pour le Québec, pendant que l'Ontario recevait 12,5.

Dans une étude portant sur l'équité du financement de la recherche et développement, Pierre-Étienne Grégoire a utilisé quatre critères, dans le but du juger du sous-financement ou du surfinancement en recherche et développement dans les provinces.

Ces quatre critères sont les suivants: le poids démographique; le poids économique, critère qui représente le soutien à l'activité économique d'une région; l'importance de l'effort régional de recherche et développement, critère qui représente le soutien à l'effort technologique régional; et l'importance de l'effort des gouvernements provinciaux en recherche et développement.

En vertu de ces critères, seuls le Québec et l'Alberta sont sous-financés sur l'ensemble des quatre critères d'analyse. L'étude conclut, et je cite: «les provinces favorisées au plan du développement régional et au plan de la croissance économique sont Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario et le Manitoba; les provin-


1114

ces favorisées au plan du développement régional sont la Saskatchewan et la Colombie-Britannique; les provinces défavorisées au plan du développement régional et au plan de la croissance économique sont le Québec et l'Alberta.»

Enfin, notons que le Québec et l'Alberta sont les seules provinces à connaître des bilans négatifs au titre des dépenses intra-muros en recherche et développement.

Pour les sommes versées au chapitre du Financement des programmes établis, le Québec et les provinces moins bien nanties paient très cher la politique adoptée par le gouvernement fédéral.

Le Financement des programmes établis a été créé en 1977. Initialement, le gouvernement indexait la contribution versée par habitant et répartissait la contribution ainsi indexée au prorata de la population de chaque province. Toutefois, en 1982, le gouvernement fédéral s'est progressivement retiré du financement de ce programme en réduisant le facteur de croissance de la contribution par habitant.

Alors, il faut comprendre que des coupures égales par habitant touchent plus durement les provinces moins bien nanties, et la situation est encore plus grave lorsque le plafond du programme de péréquation s'applique, puisque les provinces, pour financer le manque à gagner occasionné par les coupures fédérales, ne reçoivent pas de péréquation supplémentaire.

(1550)

Depuis 1982, les coupures effectuées dans le programme de financement des programmes établis ont représenté pour le Québec une perte de 1,8 milliard de dollars, et ce seulement pour l'année 1993-1994.

Maintenant, regardons les effets de ce désinvestissement fédéral sur l'enseignement postsecondaire, principalement au niveau universitaire. D'ores et déjà, il est connu et admis que les exigences de base relativement à la qualification et la formation de la main-d'oeuvre vont aller en augmentant, compte tenu, entre autres, de la mondialisation des économies et des spécialisations qui en découlent.

Dans son troisième rapport, le Conseil de la science et de la technologie prévoit que d'ici l'an 2000, 64 p. 100 des emplois nécessiteront des études supérieures. Le retrait de l'État du financement des universités conduit au sous-financement de ces institutions qui auront de plus en plus de difficulté à jouer le rôle actif que l'on est en droit d'attendre d'elles dans cette course effrénée à la compétitivité. Compétitivité que Peter J. Nicholson, vice-président de la Banque de la Nouvelle-Écosse nous définissait comme suit:

[Traduction]

«La capacité de produire des biens et des services qui répondent aux critères des marchés internationaux tandis que les citoyens acquièrent un niveau de vie croissant et durable à long terme.»

[Français]

En effet, une étude économique menée sous l'égide de l'Organisation nationale universitaire, portant sur les conséquences du désinvestissement en enseignement supérieur et publiée en avril 1993, nous donne des chiffres éloquents à ce sujet. Par exemple, un travailleur de 40 ans, diplômé du secondaire, gagne approximativement 23 000 $, alors que le diplômé universitaire touche 43 000 $. Si on simule ce que ces deux personnes fictives gagneraient respectivement au cours de leur vie active de travail, on observe que le diplômé universitaire recevrait un surcroît de revenu qui profite essentiellement aux administrations publiques grâce au système fiscal actuel. Au Québec, l'impôt progressif permet à l'État de soutirer en moyenne 53 p. 100 du revenu des diplômés universitaires et 33 p. 100 pour les détenteurs d'un diplôme secondaire.

L'étude de l'Organisation nationale universitaire conclut donc, et je cite: «Cet écart impressionnant correspond par le fait même à un manque à gagner ou une perte de plus d'un demi-million de dollars pour l'État à chaque fois qu'un individu doté d'un diplôme d'études secondaires ne poursuit pas ses études jusqu'à l'obtention d'un baccalauréat et préfère intégrer immédiatement le marché du travail.»

À court terme, le gouvernement qui désinvestit dans l'enseignement supérieur économise bien sûr, mais à long terme, cette pseudo-économie se traduira par une perte et on peut affirmer avec l'Organisation nationale universitaire, et je cite: «Si le gouvernement, en vue de réaliser des économies sur une courte période, décide de retirer un dollar dans le financement des études supérieures, chaque dollar non investi réduit les revenus fiscaux du même gouvernement de 10 $ à long terme. Cette réduction appréciable des revenus fiscaux devra tôt ou tard être compensée par une hausse correspondante des impôts, des taxes de tous les contribuables. Malheureusement, ce qui ne sera jamais comblé se traduit par une perte nette d'un capital humain d'une valeur inestimable pour le développement économique, social et culturel. Essentiellement, le désinvestissement se solde par un potentiel humain laissé en friche par une créativité non exploitée et par des gains sociaux non réalisés.»

Sans compter les effets pervers de ce désinvestissement qui représente des pertes pour le Régime d'assurance-chômage et l'aide sociale.

En effet, selon le Bureau de la statistique du Québec, en 1992, le taux de chômage s'élevait à 14,3 p. 100 chez ceux et celles qui détenaient un diplôme d'études secondaires alors que pour la même période, l'ensemble des gradués universitaires connaissait un taux de chômage de 5,8 p. 100, et ce malgré la récession.

Or, des coûts très importants sont également notés du côté de l'aide sociale et le désinvestissement financier du gouvernement dans l'enseignement universitaire fera croître le nombre de personnes qui devront avoir recours à l'aide sociale à moyen et à long terme.

(1555)

En effet, selon Statistique Canada, 52,5 p. 100 des bénéficiaires de l'aide sociale, en 1986-1987, n'avaient complété que des études secondaires partielles, alors que les titulaires de diplôme universitaire comptaient pour 2,4 p. 100 des bénéficiaires du programme d'aide sociale.

Nous pourrions discourir longtemps sur les effets négatifs pour l'économie du désinvestissement du gouvernement fédéral dans l'enseignement supérieur. Et tous ces chiffres ne diraient


1115

rien de la perte en potentiel humain pour lequel ce désinvestissement du gouvernement fédéral est responsable.

De l'ensemble de l'étude à laquelle mon parti et moi avons participé au cours de cet exercice, permettez-moi d'énoncer les conclusions suivantes. La première, c'est qu'en matière de recherche et développement, le Québec est loin d'avoir sa part. Ce manque à gagner, il le paie très cher, puisque la recherche et développement est un secteur extrêmement dynamique de l'économie d'un pays. Je le rappelle, le Québec a reçu globalement 8 milliards de moins, à ce chapitre seulement, que l'Ontario, entre 1979 et 1989. L'économie québécoise ressentira longtemps les secousses de manque à gagner.

La seconde est à l'effet que les transferts fiscaux ne constituent plus une source fiable de financement pour le Québec et l'ensemble des provinces les moins nanties. Les coupures imposées par Ottawa privent le Québec de revenus importants. Si au moins ces coupures avaient l'avantage de réduire le déficit, on pourrait y voir un avantage, mais non, on le sait, il n'en est rien. En fait, Ottawa fait payer les provinces pauvres, dont le Québec, pour sa mauvaise gestion.

La troisième conclusion que nous pouvons tirer de cet exposé est que l'ensemble des coupures apportées au système des transferts fiscaux accroît le fardeau fiscal des provinces pauvres, club sélect dont fait partie le Québec. Ainsi, le Québec a perdu 2 milliards en 1992-1993, au seul chapitre du financement des programmes établis. Mais il doit quand même, de par la loi, maintenir des normes nationales quant à la qualité des services pour lesquels le gouvernement fédéral verse de moins en moins d'argent.

Plus que jamais la souveraineté est devenue nécessaire pour le Québec. Toutes les mesures mises en place par le gouvernement fédéral, pour couper ces transferts fiscaux aux provinces, déstabilisent les finances du Québec. Qui plus est, le fédéral n'arrive même plus à juguler son déficit.

Je me permettrai de citer de mémoire M. Jean Campeau, qui, de passage dans mon comté pendant la campagne électorale, a dit: «Il fut un temps où le Québec se demandait s'il avait les moyens de quitter le Canada. Maintenant, le Québec sait qu'il n'a même plus les moyens d'y rester.»

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, je tiens à remercier ma collègue pour son discours. Je voudrais lui poser quelques questions. J'aimerais qu'elle puisse expliquer à la Chambre, ainsi qu'à tous ceux qui sont en train d'écouter le débat, la différence entre la souveraineté et la séparation, parce que personnellement, je n'y vois vraiment pas de différence. Je dois aussi vous dire que lorsque je parle aux Canadiens et aux Canadiennes, non seulement à l'extérieur du Québec, mais au Québec, ils ont beaucoup de difficulté à comprendre. Je crois que lorsque vous utilisez les mots «souveraineté» ou «souverainiste», c'est simplement pour camoufler votre véritable objectif. C'est la première question que je lui adresse.

Deuxièmement, j'apprécie énormément le fait que l'honorable députée ait pris le temps d'expliquer son point de vue, mais n'admet-elle pas que ce n'est qu'un point de vue? Je trouve étonnant que rien de bien n'ait été fait pour le Québec dans tous les transferts de fonds pendant toutes ces années. Ce que vous faites, me semble-t-il, madame, par votre intermédiaire, madame la Présidente, c'est ce que le Parti réformiste a fait aujourd'hui, c'est-à-dire être malhonnête en tentant de faire croire aux Canadiens que des 8 milliards de dollars de transferts de fonds, le Québec en recevait 3 milliards quelques millions, 47 p. 100 du pourcentage. Mais ils ont omis de dire-et ils le savent-que cela représente 60 p. 100; les Québécois et les Québécoises représentent 60 p. 100 des gens qui reçoivent des fonds du programme de péréquation.

(1600)

Donc, est-ce que vous ne faites pas la même chose? Vous êtes en train de choisir des situations qui favorisent vos objectifs, c'est-à-dire la séparation. Vous êtes en train d'essayer de faire croire aux Canadiens et aux Canadiennes, et surtout aux Canadiens et Canadiennes qui habitent le Québec, que c'est malsain de faire partie de ce beau pays, qu'il est impossible de s'asseoir et de négocier de nouvelles ententes qui répondraient à vos besoins. Je trouve cela étonnant.

J'ai été surpris que vous fassiez la même chose que le Parti réformiste qui, eux, sans doute commencent à devenir un peu nerveux. Ce qu'ils essaient de faire croire à leurs électeurs et à leurs électrices, c'est que le Québec reçoit, non pas sa juste part, mais une trop grande part, en prétendant qu'ils vont recevoir 47 p. 100, puisqu'ils représentent 60 p. 100 et plus de la population qui vont bénéficier de ce nouveau programme, de ces emplois.

Je me demande si l'honorable députée pourrait commenter là-dessus.

Mme Tremblay: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de ses questions.

Il est très intéressant de réaliser que vous avez le goût, malgré la position officielle de votre parti-c'est vrai que le livre rouge a été versé aux archives semble-t-il-mais il semblerait que vous ayez le goût qu'on fasse un débat référendaire. C'est tant mieux, bienvenu dans le club.

Je ne voudrais pas m'étendre très longtemps sur la différence entre la souveraineté et la séparation, mais il me semble avoir compris que le souveraineté, c'est un droit juridique en quelque sorte. On obtient la souveraineté d'un pays quand on peut négocier nos traités, faire nos lois, percevoir nos impôts. La séparation, c'est la résultante: une fois souverain, on pourra dire, pour être très simple, qu'on est séparé. L'une est un terme légal, l'autre est une conséquence. La souveraineté, c'est la légalité; la séparation, c'est la conséquence.

Ce que je trouve important de vous rappeler, on semble l'ignorer dans cette Chambre car on est toujours en train de nous dire qu'on a l'air de jouer au pauvre, cela n'a jamais été l'attitude du Québec. On est des gens fiers, on se tient debout, même avec une patte cassée.

Ce qui m'apparaît important, c'est que le gouvernement fédéral puise près de 23 p. 100 de ses recettes dans les poches des contribuables québécois. Les ministères fédéraux ont réalisé moins de 18 p. 100, 17,9 p. 100 pour être exact, de leurs investissements au Québec, entre 1963 et 1993, pendant 30 ans. Sur une


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base de 30 ans, pas sur une année, on n'est jamais allé chercher plus que 17,9 p. 100 des investissements, et les investissements ce sont des dépenses structurantes, des dépenses qui apportent des emplois durables, des emplois stables, qui éliminent la précarité.

Ce que vous nous donnez, c'est du chômage et du B.S., et de cela on en a ras le bol. Il faut que vous le compreniez une fois pour toutes dans cette Chambre, et il faut que d'un océan à l'autre, tous les Canadiens et les Canadiennes comprennent qu'on en a assez de se faire dire qu'on ment à la population. Cela, on ne le prendra plus.

[Traduction]

M. John Harvard (Winnipeg St. James): Madame la Présidente, je suis très heureux d'avoir un moment de répit après avoir entendu toutes ces sornettes des séparatistes.

Les observations de la députée qui vient de parler étaient truffées de données et de chiffres montrant que le Québec se fait avoir au sein de la Confédération. J'invite la députée du Bloc à voir au-delà des paiements de péréquation. Je l'assure que le Canada ne se résume pas à une question de péréquation et que celle-ci ne se résume pas au simple partage de la richesse nationale. En effet, les Canadiens participent tous à la vie culturelle du pays, ils partagent tous une foule d'expériences. C'est ça le Canada. Il ne se résume pas à des séries de chiffres, comme le Bloc voudrait nous le faire croire. J'invite les députés du Bloc à aller au-delà des chiffres, car cette approche les amène à soulever un faux problème.

(1605)

J'ajouterai que oui, nous sommes tous ignorants. En écoutant les députés du Bloc, on serait porté à croire que la seule préoccupation des Québécois, c'est la Constitution, c'est qu'ils se font avoir dans la Confédération. Je ne prétends pas être un expert des questions québécoises, mais je pense que les Québécois ont bien d'autres préoccupations que la Constitution, que les arrangements financiers.

Il en va de même des habitants des neuf autres provinces. Nous ne connaissons pas assez le Québec. Nous devrions en savoir davantage.

J'ai bien aimé les propos du député de Broadview-Greenwood. J'estime que nous pourrions faire mieux pour faire connaître le rôle du Canada. J'ai toujours critiqué la SRC, même si j'y ai travaillé pendant 18 ans, parce que, d'une certaine façon, elle renforce ou perpétue les deux solitudes. Il y a un réseau anglais et un réseau français qui ne se mêlent pas, ce qui est bien malheureux.

Je voudrais qu'il y ait plus d'échanges entre les deux, que des émissions françaises soient diffusées sur le réseau anglais, et vice versa. . .

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette, mais le temps alloué est expiré.

M. Crête: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. La Chambre permettrait-elle à ma collègue, l'honorable députée de Rimouski-Témiscouata, de répondre à l'intervention du député?

La présidente suppléante (Mme Maheu): Il faut absolument obtenir le consentement unanime de la Chambre pour permettre à l'honorable députée de répondre.

[Traduction]

Il nous faut le consentement unanime pour que la députée de Rimouski-Témiscouata puisse répondre. Nous débordons d'une minute.

M. Keyes: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Je crois que vous constaterez que le prochain député qui doit prendre la parole est le député de Winnipeg St. James.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je vous remercie, mais je n'ai toujours pas le consentement unanime pour que le député poursuive. Le député de Winnipeg St. James a la parole pour la suite du débat.

M. John Harvard (Winnipeg St. James): Madame la Présidente, je ne m'attendais pas à prendre la parole maintenant, mais je me réjouis de pouvoir vous entretenir du programme de péréquation.

Comme je l'ai dit tout juste hier, le programme de péréquation que nous avons au Canada est l'expression de certaines valeurs et de certains grands idéaux qui sont chers aux Canadiens. Dans une démocratie comme la nôtre, je ne connais pas de plus grand idéal que celui de partager ses richesses et ses ressources. Cet idéal nous tient tous à coeur. Il reconnaît que certaines provinces et certaines personnes s'en tirent un peu mieux que d'autres. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas.

Au cours de ma vie, l'expérience m'a appris que c'est l'Ontario qui a toujours été la province aisée. Nous avons toujours considéré l'Ontario comme la province riche et très peuplée, le coeur des entreprises de fabrication, la province la plus importante, du moins parmi les provinces anglophones, et nous nous attendions à ce que les Ontariens partagent une partie de ces richesses avec le reste des Canadiens. Il a toujours été fort louable que les Ontariens veuillent effectivement partager leurs ressources et leurs richesses.

(1610)

Or, depuis les trois ou quatre dernières années, les choses ne vont pas très bien pour l'Ontario. Toutes proportions gardées, elle est encore une province riche, mais elle ne se tire pas aussi bien d'affaire que pendant les années 40, 50, 60 ou 70. À certaines périodes, certaines provinces en aident d'autres qui sont en difficulté. C'est la raison pour laquelle je suis un ardent défenseur de ce programme de péréquation.


1117

Sauf erreur, un député du Parti réformiste a souligné hier, et ses observations m'ont plu, que la proposition qu'a faite le ministre des Finances dans ce projet de loi confère au programme un élément de certitude. Pendant les cinq prochaines années, nous saurons de quoi retourne ce programme. Nous ne sommes peut-être pas tout à fait heureux du montant minimal ou maximal qui est établi, mais au moins nous saurons à quoi nous en tenir pendant les cinq prochaines années au sujet des paiements de péréquation. À l'heure actuelle, ils se situent à quelque 8 milliards de dollars et, selon les prévisions sur cinq ans, ils passeront à environ 10 milliards.

Permettez-moi d'ajouter autre chose à propos de la péréquation et de cette notion de sollicitude et de partage. Il y a d'autres groupes dans notre société qui auraient beaucoup à apprendre du gouvernement au sujet de la péréquation.

Je songe en ce moment à la Ligue nationale de hockey. On le sait, il y a un grand nombre de villes canadiennes qui possèdent une équipe de la LNH et qui ont terriblement peur de perdre leur franchise. C'est le cas, par exemple, de ma ville natale, Winnipeg. Les Oilers d'Edmonton ont beau avoir remporté la coupe Stanley à cinq reprises et avoir été, ces 15 dernières années, une des équipes les plus prospères et talentueuses de la LNH, on craint qu'ils ne déménagent. Le propriétaire de l'équipe, M. Pocklington, y songe depuis plus d'un an. Je ne pense pas que la ville de Québec soit en bien meilleure posture.

Là où je veux en venir, c'est que la LNH n'a pas de système de péréquation. La péréquation lui est étrangère. J'ai dans l'idée que la LNH est dirigée par une bande de gens de la droite qui ne songent qu'à s'enrichir aux dépens des autres. Et il va sans dire que les premières victimes sont les villes de taille modeste. Je suis persuadé que si la LNH ne s'attaque pas à ce problème, si elle ne gèle pas les salaires des joueurs ou si elle ne remédie pas à certains autres problèmes d'ordre financier, des petites villes telles que Winnipeg, Edmonton, voire Calgary et Québec, ne seront pas en mesure d'assumer les frais. Elles finiront par ne plus pouvoir joindre les deux bouts et leurs équipes iront s'établir dans des marchés plus importants aux États-Unis.

Si je soulève ce point, c'est parce qu'il y a d'autres gens au Canada qui peuvent en tirer une leçon sur la péréquation et parce que je n'arrive pas à imaginer le Canada sans système de péréquation. En effet, je ne peux pas imaginer que l'on n'aide pas Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick ou encore ma province natale, le Manitoba.

Sur le plan géographique, le Manitoba est un gros morceau, mais sur le plan économique, c'est une province moins riche. Je ne dis pas que notre province est pauvre, mais qu'elle est moins riche. Cependant, grâce à la péréquation et à d'autres paiements de transfert, les Manitobains peuvent espérer avoir un certain niveau de vie, un certain niveau de services, et cela, grâce à la vision qu'ont eue nos ancêtres il y a longtemps. Vous m'en voyez très fier.

(1615)

Pour terminer, je suis heureux que le gouvernement ait réaffirmé son engagement à l'égard de la péréquation. De cette façon, nous savons ce qui nous attend au cours des cinq prochaines années. C'est extrêmement important! Et ce ne sont pas seulement les provinces qui sont de cet avis, mais aussi un certain nombre d'organismes du gouvernement qui veulent savoir ce que l'avenir leur réserve. Cela se comprend très bien.

J'appuie le projet de loi C-3 et j'espère que nous pourrons lui faire franchir les différentes étapes très rapidement.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Madame la Présidente, je remercie le député de Winnipeg St. James de ses observations.

Le député a fait une grave erreur. Il a parlé de hockey au milieu d'un discours politique. Il devrait savoir que lorsque l'on fait cela, on court le risque que la discussion passe tout simplement de la politique au hockey.

La LNH pratique en fait une certaine forme de péréquation. Il y a le repêchage annuel qui a pour effet de diriger les meilleurs joueurs vers les équipes les plus faibles et, je dois l'ajouter, d'éloigner les meilleurs joueurs des petits centres urbains canadiens qui produisent la majorité d'entre eux. Je dirais que c'est une forme de péréquation, même de surpéréquation qui, dans ce cas, est contraire à nos intérêts. C'est un peu comme ce que disait hier le député de Lethbridge, lorsqu'il parlait de la surpéréquation de certains de nos programmes.

Je voudrais demander au député de nous donner son avis sur une question particulière. C'est une simple curiosité. J'ai remarqué, par exemple, que dans les niveaux de péréquation pour cette année, 1994-1995, on donne à la province du Manitoba 849 $ par habitant et à celle de Saskatchewan 552 $. C'est sa province et la voisine. C'est une différence très importante. Pourtant, d'après les chiffres de Statistique Canada, la Saskatchewan a un revenu par habitant inférieur à celui du Manitoba. Un résultat favorable à sa province me paraît donc extrêmement bizarre.

N'est-il pas d'avis que la formule n'est pas parfaite? Peut-être qu'à un moment donné, il faudra la revoir pour la rendre un peu plus juste et un peu plus facile à comprendre, quand on s'arrête aux résultats. J'aimerais bien entendre son opinion sur certaines des particularités du programme de péréquation.

M. Harvard: Madame la Présidente, je remercie le député de Calgary-Ouest de ses commentaires. Je suis heureux de constater qu'il appuie le principe de la péréquation. Il est vrai que je n'ai pas parlé de la question du repêchage dans la LNH. Par contre, si l'on s'en tient uniquement aux arrangements financiers, il n'est pas question de péréquation.

En ce qui concerne la part réservée au Manitoba en vertu du programme de péréquation, mon collègue de Calgary laisse entendre que le Manitoba ne serait peut-être pas aussi bien traité que la Saskatchewan. Je ne suis pas prêt, à ce stade, à donner mon avis là-dessus. Le premier ministre a fait remarquer aujourd'hui, pendant la période des questions, que c'était une formule extrêmement compliquée.


1118

J'aimerais dire à mon collègue de Calgary que la péréquation n'est pas forcément idéale pour tout le monde. Ce n'est pas une panacée. Ce n'est pas la solution à tous les problèmes financiers du gouvernement fédéral ou des provinces.

(1620)

Je veux faire remarquer une chose à mon collègue. Quand on en vient à la statilisation du revenu ou au tarif compensatoire du Nid-de-Corbeau, la part des agriculteurs à ce programme s'établit aux environs de 700 millions de dollars.

Ce programme s'adresse spécialement aux agriculteurs de l'Ouest. Nous l'appuyons tous. Que je sache, les habitants de Terre-Neuve n'y ont pas leur part. Les habitants de la Nouvelle-Écosse non plus. Pas plus que ceux du Québec.

Ce que je veux dire, c'est que le programme de péréquation ne permet pas de régler toutes les difficultés que nous avons au sein de la Confédération. Il existe d'autres programmes. Si le député veut savoir si nous refusons de revoir la formule utilisée pour les paiements de péréquation, la réponse est non, nous ne jouerons pas la politique de l'autruche. Si c'est tout ce qu'il veut savoir, je n'ai rien à ajouter.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Madame la Présidente, je remercie et félicite mon collègue de Winnipeg pour son discours sur le hockey-c'est mon sujet préféré-mais on va passer à autre chose de plus important maintenant. J'apprends qu'il a déjà travaillé à Radio-Canada. Alors, cette maison honorable a tellement bien rempli son mandat, que les deux solitudes se sont constamment éloignées d'une année à l'autre.

Cet après-midi, le premier ministre nous rappelait que quelqu'un d'autre avait la tête dans le sable; mon honorable collègue vient maintenant nous dire qu'il n'a pas la tête dans le sable. J'en conclus donc que ce gouvernement-ci se promène en sous-marin, d'un océan à l'autre, pour occulter la réalité de notre pays. Ce pays-ci, il est deux pays. C'est ce qu'on essaie de dire depuis qu'on est ici, et il faut arrêter d'occulter cette réalité-là. Il y a deux pays: le Canada et le Québec. Et nous, on est venus ici pour parler pour le Québec, pour défendre les intérêts du Québec. En plus, on nous a fait le cadeau de l'opposition; on va aussi s'occuper du Canada parce qu'on veut un pays en bon état quand on va partir. On ne veut pas plus de dettes, puis on veut notre part d'un pays qui va se tenir debout. On ne veut pas partir en chaise roulante.

[Traduction]

M. Harvard: Madame la Présidente, je crois que les bloquistes voient double et je leur conseille de consulter un médecin.

[Français]

M. Laurent Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Madame la Présidente, j'ai bien écouté l'intervenant précédent. Il reproche aux gens du Bloc, au Québec, de mettre le focus sur l'argent et que la péréquation, on ne parle que de ça, qu'on est pauvres, qu'on n'a pas notre part du gâteau. Mais si ce député allait sur le terrain, il s'apercevrait des effets de ne pas avoir eu notre part de péréquation en recherche et développement, en développement régional. Quels sont ces effets sur le terrain? Du chômage.

Qu'il aille dire aux chômeurs et aux assistés sociaux du Québec comme le Canada est beau et grand. Quand on n'a pas le ventre plein, quand on n'a pas de job, quand on est sur le l'assistance sociale, le beau grand Canada, on ne le voit plus. C'est pour ça que les transferts de péréquation sont importants. Il faut avoir notre part du gâteau.

Le Québec donne au Canada, en taxes et en impôts, au-delà de 28 milliards par année. Nous n'en tirons que des miettes. Et cela a des conséquences épouvantables sur le quotidien des gens de notre pays, qui est le Québec. C'est pour cela que nous revendiquons avec force ce qui nous revient, au Québec.

Quand on parle du déficit canadien et de la dette canadienne de 500 milliards, ces chiffres ne nous laissent pas froids; ils ont des conséquences humaines quotidiennes pour tous les gens qui vivent dans ce pays. On n'a pas le droit de tenir un discours comme celui qu'on a tenu tout à l'heure.

[Traduction]

M. Harvard: Madame la Présidente, bien sûr que nous avons de graves problèmes dans notre pays, y compris dans la belle province de Québec. Loin de moi l'idée de négliger, ne fusse qu'un instant, les graves problèmes individuels qui découlent du chômage et les autres difficultés d'ordre économique.

(1625)

Ce que j'ai voulu faire valoir au début de mon intervention, c'est qu'on ne saurait mesurer ce magnifique pays, cette confédération, uniquement à sa situation financière. Nous sommes beaucoup plus que des données brutes, des chiffres et des statistiques. Les bloquistes font preuve de myopie à cet égard et le mur qu'ils ont dressé devant eux les empêche peut-être de voir la réalité telle qu'elle est. S'ils consentaient à évaluer le pays selon une gamme de critères plus étendue et à tenir compte de tous les éléments qui constituent le Canada, je suis persuadé que leur jugement global serait beaucoup plus positif.

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound): Madame la Présidente, comme l'ont souligné les deux députés réformistes qui ont parlé de cette question avant moi, le Parti réformiste appuie le principe du projet de loi C-3. Les réformistes, de même que les habitants de ma circonscription, croient qu'il est important de sauvegarder et de cultiver les valeurs humanitaires qui nous amènent à vouloir aider ceux qui éprouvent des difficultés financières.

Mes deux collègues ont reproché deux choses au projet de loi C-3. Premièrement, les augmentations prévues du niveau des paiements de transfert, alors que le gouvernement est aux prises avec des problèmes financiers très graves. Toutes les dépenses doivent être réduites. Les paiements de péréquation qui sont faits aux provinces ne devraient pas faire exception.


1119

Deuxièmement, le gouvernement a poussé trop loin le principe de la péréquation. Si le projet de loi C-3 fait ce qu'il est censé faire, il ne sera pas nécessaire de recourir à d'autres programmes de dépenses pour favoriser les provinces ayant un revenu et une capacité d'imposition peu élevés.

Ces deux reproches sont valables. Je voudrais en faire un autre à propos de la nature même du programme de péréquation tel qu'il fonctionne en ce moment. Je me fonde, pour cela, sur des recherches universitaires que j'ai faites et sur ma compréhension des problèmes attribuables aux programmes de subventions de toutes sortes. Je me fonde également sur ce que m'ont dit certains habitants de ma circonscription.

Pour terminer, je tiens à dire que ce reproche part du même type de raisonnement que celui qui a amené le gouvernement à annoncer qu'il examinerait tous les programmes sociaux au Canada. Ces programmes n'ont jamais fait ce qu'ils étaient censés faire. Ils ont enlevé toute motivation, augmenté le chômage, emprisonné les gens dans la pauvreté et rendu ces derniers dépendants de l'aide gouvernementale. C'est à peu près en ces termes que le ministre du Développement des ressources humaines s'exprimait à la Chambre.

En outre, ce sont ces programmes qui ont largement contribué à la crise financière que connaît notre pays, et non les innocentes victimes qui ont réagi aux encouragements venant du gouvernement. Je pense que les Canadiens compatissants sont tout à fait d'accord pour venir en aide à leurs concitoyens qui traversent des moments difficiles. Cependant, beaucoup de Canadiens m'ont dit qu'ils insistent aussi pour n'accorder leur aide que si les infortunés font des efforts pour améliorer leur propre sort. Certaines personnes, comme celles qui ont des handicaps permanents, ne le peuvent pas, et nous ne nous attendons pas à ce qu'elles le fassent. Nous sommes heureux de leur venir en aide en tout temps. Quant aux autres, cependant, l'aide que nous leur accordons doit être limitée et conditionnelle.

Il est bien connu que le régime interprovincial de paiements de péréquation a été conçu pour favoriser une plus grande égalité. Toutefois, à l'époque où il a vu le jour, on espérait que ces transferts seraient temporaires, car le gouvernement fédéral avait lancé simultanément un important programme de développement économique régional.

Depuis le début, les difficultés assaillent de toutes parts les programmes de développement économique régional. On a mis à l'essai toutes sortes de modèles et confié la responsabilité de leur gestion à différents ministères.

Pendant les années 80, j'ai été directeur universitaire d'un projet de recherche sur les industries canadiennes des services qui avait été entrepris par l'Institut Fraser et financé par l'ancien ministère de l'Expansion industrielle régionale. Une des principales raisons pour lesquelles on avait mené cette étude, c'est qu'on s'était rendu compte que les milliards de dollars consacrés aux infrastructures et aux mégaprojets, ainsi que les subventions directes à l'industrie, n'avaient pas réduit les écarts de revenu entre les provinces nanties et les provinces pauvres.

(1630 )

Le fait que plus de 70 p. 100 des Canadiens travaillent dans le secteur des services a amené des gens à se demander si l'on n'obtiendrait pas plus de développement par dollar en appuyant des projets de l'industrie des services, plutôt que de faire des investissements traditionnels dans des structures et de la machinerie.

Je mentionne cette étude sur les industries de services pour illustrer les problèmes observés dans le cas du programme de développement régional, des problèmes si graves que, dans l'esprit de certains, ce programme est perçu comme un échec total. Les raisons de cet échec sont maintenant évidentes.

Autrefois, les disparités régionales, au Canada ou dans les autres pays industrialisés du monde, étaient associées à la présence ou à l'absence de richesses naturelles. À l'époque où les pêches et le charbon étaient les sources de revenus des particuliers et des régions, les provinces de l'Atlantique avaient un des niveaux de revenus les plus élevés. Plus tard, la fertilité des plaines à céréales a fait la richesse des Prairies.

Cependant, depuis au moins 70 ans, la richesse des nations dépend de plus en plus de l'accumulation de capital humain et de savoir et de moins en moins des richesses naturelles.

Il n'y a qu'à regarder la richesse de Singapour ou de Hong Kong, deux États minuscules totalement dépourvus de richesses naturelles. Singapour n'a même pas assez d'eau pour les besoins de sa population. Certains estiment que 60 à 70 p. 100 de la richesse des pays industrialisés modernes sont constitués de ce capital intangible que sont la population et le savoir.

Malheureusement pour les perspectives de développement régional, ce n'est que dans les grandes villes que le capital humain et le capital de connaissances sont les plus productifs. C'est là que l'économie d'urbanisation crée la forte productivité à la base d'un revenu personnel élevé. Dans ces centres, la proximité de la population réduit les coûts de transport et de communication, permet une spécialisation accrue et crée d'autres conditions favorables à l'augmentation de la productivité, comme la concurrence sur les marchés pour la main-d'oeuvre et les produits et services.

Ainsi, au Canada et dans tous les pays industrialisés, c'est dans les mégacentres à forte densité de population que le revenu est le plus élevé, et plus les régions sont éloignées des centres urbains, plus elles accusent un recul.

Selon ce point de vue du rôle du capital humain et du capital de connaissances et les principes de l'économie d'urbanisation, la solution aux inégalités régionales au niveau du revenu réside dans le déplacement des habitants des régions isolées vers le centre. Ce mouvement qui, au Canada, jusque dans les années 1960, avait été graduel et peu coûteux, a permis non seulement aux gens venus s'installer dans les grands centres, mais également, chose plus importante, à ceux restés dans les régions plus éloignées, d'accroître leur revenu.


1120

Il suffit de penser aux revenus dans le secteur de la pêche dans les Maritimes ou dans le secteur agricole dans les Prairies, si la population de ces régions était deux fois moins importante qu'à l'heure actuelle. Le recours à de meilleures techniques de production, quels que soient leurs effets sur l'emploi, permettrait au nombre plus restreint de travailleurs dans ces industries d'avoir un plus fort niveau de productivité et un revenu plus élevé. Personne ne sait à quels niveaux l'émigration de la population aurait cessé. Cependant, il est clair qu'en définitive, on serait parvenu à égaliser les revenus entre les grands centres et les régions plus éloignées où le revenu est défini de façon plus large afin d'inclure des impondérables comme la qualité de la vie rurale et le coût de la surpopulation dans les villes.

Ce qui était tragique dans de nombreux programmes gouvernementaux lancés après la guerre au Canada, c'est qu'ils faisaient fi du rôle décroissant des ressources naturelles et de l'importance accrue du capital humain et des villes dans le développement économique.

Le programme de péréquation prolongé par le projet de loi C-3, les programmes de développement régional et le versement de prestations d'assurance-chômage aux travailleurs dans des secteurs saisonniers comme la pêche, ont beaucoup retardé la migration vers les grands centres d'habitants de régions éloignées où le revenu est faible. Ces programmes ont interrompu l'adaptation naturelle et graduelle aux forces du marché.

(1635)

Ces politiques, qui partaient indubitablement d'une intention louable, étaient malheureusement foncièrement défectueuses et ont eu plusieurs effets néfastes. Pour pouvoir financer les transferts et les efforts de développement stériles vers les régions éloignées, il a fallu taxer plus lourdement les régions plus productives. La hausse des cotisations sociales servant à financer la caisse d'assurance-chômage a contribué à accroître les coûts de la main-d'oeuvre et a découragé l'emploi.

L'effet dissuasif de ces charges sur l'investissement, le travail et la prise de risques a retardé la croissance des revenus et de la richesse partout au Canada. Le ralentissement de la croissance économique, dont les premières manifestations ont coïncidé à peu près avec le lancement des programmes d'aide au développement régional, a entraîné une baisse des recettes fiscales du gouvernement. Le ralentissement économique a aussi contribué sensiblement à la crise financière et à la nécessité d'entamer la réforme des programmes sociaux, dont il sera question à la Chambre au cours des mois à venir.

Ces politiques ont eu un effet tout aussi néfaste sur les habitants des régions éloignées. Je trouve très troublant de voir des vidéos qui montrent des travailleurs de l'industrie de la pêche dans les Maritimes ou des agriculteurs des Prairies qui ont perdu leurs emplois et craignent maintenant de perdre leurs maisons et leurs biens. Ce qui est peut-être plus grave encore, comme l'a dit à plusieurs reprises le premier ministre pendant la campagne électorale, c'est que ces gens ont perdu leur dignité. Ils sont devenus dépendants de la charité du gouvernement, de la générosité de cette Chambre.

Ces gens ne sont pas responsables de la situation difficile dans laquelle ils se trouvent. Ils sont plutôt les victimes qui ont tout simplement répondu, de façon rationnelle, aux incitatifs créés par la politique gouvernementale.

Ces gens méritent mieux. Ils méritent que le gouvernement et la Chambre entament une révision des programmes de développement régional actuels. Le gouvernement a déjà annoncé des plans concernant un examen approfondi et une refonte des programmes sociaux touchant les particuliers. Cet examen devrait inclure explicitement les programmes d'aide au développement régional.

J'ai ma conception personnelle des résultats qu'un tel examen pourrait engendrer. Abstraction faite de toutes considérations politiques, le Canada doit rétablir les stimulants du marché afin de stimuler la migration. Ces stimulants constituent la seule solution fondamentale et durable aux problèmes des disparités régionales et ne créent pas de dépendance et de perte de dignité. La création de ces incitatifs exige cependant que tous les programmes actuels de transferts régionaux soient éliminés graduellement mais sûrement.

Les programmes actuels devront être remplacés par des programmes qui soient efficaces sur le plan économique et qui respectent les principes humanitaires propres à la société canadienne. Les transferts financiers aux régions et aux gouvernements provinciaux ne devront intervenir que lorsque des personnes subiront une baisse de leur revenu à cause d'événements qui échappent à leur volonté.

Parmi les exemples les plus frappants, on peut citer la disparition des stocks de poisson, les mauvaises récoltes ou la baisse du prix mondial de certains produits. Les paiements devraient être limités à la durée des difficultés qui réduisent temporairement le revenu des gens en cause. Si le revenu baisse de façon permanente à cause de conditions nouvelles, l'aide financière doit être conditionnelle à l'adoption de politiques qui entraînent une véritable adaptation à ces nouvelles conditions.

Ceux à qui l'on demande de contribuer pour aider leurs compatriotes en difficulté devraient avoir le droit de donner leur avis quant à l'utilisation des sommes dépensées. Bon nombre de personnes croient que si l'on veut rétablir un jour la santé financière du gouvernement tout en maintenant de solides programmes de sécurité sociale pour ceux qui en ont véritablement besoin, on devrait incorporer dans les programmes sociaux les mêmes caractéristiques que celles qu'on propose pour les programmes d'aide régionale. Les gens croient aussi qu'il vaudrait mieux procéder le plus tôt possible à l'examen et à la réforme des programmes.

C'est pourquoi je propose que le gouvernement modifie le projet de loi C-3 afin d'ordonner un tel examen. En outre, je propose que le gouvernement transmette un message aux bénéficiaires des paiements de péréquation pour leur faire comprendre que les futurs paiements de transfert seront faits à condition qu'ils prennent de véritables mesures en vue d'équilibrer la productivité et les revenus régionaux.

(1640)

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, j'ai bien aimé l'exposé du député qui, de


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toute évidence, a bien réfléchi à la question. Même si nous avons des divergences d'opinion quant à la façon d'aborder le grave problème soulevé par le député, je respecte ses propos.

Ce qui me préoccupe, ce n'est ni la perspective ni le contenu de la déclaration faite, mais plutôt deux observations formulées aujourd'hui par des membres du Parti réformiste.

En ce qui a trait aux paiements de transfert, s'il est juste de dire que le Québec reçoit 47 p. 100 des paiements de transfert, il faut néanmoins préciser qu'environ 60 p. 100 des bénéficiaires de ces paiements vivent dans cette province.

Je me demande pourquoi le parti du député voudrait donner l'impression, et j'ai eu cette impression même si je ne suis pas du Québec, que cette province est favorisée. Des députés québécois séparatistes, dont certains sont nos amis, nous ont dit aujourd'hui que, selon eux, le Québec ne recevait pas assez.

L'autre point qui me préoccupe, c'est qu'on semble laisser entendre que le Manitoba est favorisé par cette formule. Je suis du Manitoba. Si c'est effectivement ce que l'on a laissé entendre, je m'en offusque, à moins que l'on me prouve clairement que c'est le cas.

Vous me corrigerez si je me trompe-car je suis de ceux qui reconnaissent qu'ils peuvent parfois être dans l'erreur-, mais il m'a semblé qu'hier un membre du même parti que le député, ait déclaré que le Parti réformiste réduirait le montant des paiements de transfert. Si c'est effectivement le cas, j'aimerais connaître le montant de cette réduction ainsi que son incidence sur la Saskatchewan et sur ma province, le Manitoba.

M. Grubel: Madame la Présidente, je suis heureux de répondre au député. Il va de soi que je ne connais pas tout le raisonnement qui sous-tend les déclarations de mes collègues, mais je vais néanmoins essayer de fournir une réponse.

Les habitants de ma circonscription s'étonnent qu'une province, comme le Manitoba par exemple, dont le revenu par habitant est plus élevé que celui de la Saskatchewan selon Statistique Canada, touche plus, par habitant, que la Saskatchewan. Cette situation n'a tout simplement pas de sens aux yeux de ceux qui ne sont pas des spécialistes de la formule complexe à laquelle le premier ministre a fait allusion.

Le même raisonnement vaut dans le cas du Québec, province qui touche 47 p. 100 des paiements de transfert alors qu'elle compte 60 p. 100 de la population du Canada. Je suis convaincu que le député voudra bien considérer ces statistiques en fonction du revenu par habitant. Ceux qui font partie des 40 p. 100 de la population qui reçoivent des transferts ont des revenus beaucoup moins élevés qu'au Québec.

Nous devons examiner toutes ces données en fonction de la formule complexe, mais aussi en se servant de notre intuition. Le revenu du Québec n'est que légèrement inférieur à la moyenne. C'est la raison pour laquelle la province reçoit cet argent. L'allusion au fait que 47 p. 100 des transferts vont au Québec n'a pas été faite de façon désobligeante. Pour autant que je me souvienne, elle venait en réplique à une déclaration selon laquelle le Québec ne profite pas de ce programme.

Mes électeurs se demandent effectivement pourquoi une province avec un revenu si élevé reçoit 47 p. 100 des transferts, même si elle compte 60 p. 100 de la population totale. C'est ce que prévoit la formule, mais je reviens à ce que le député disait losqu'il a mentionné combien il était difficile de comprendre tout cela.

(1645)

Pour ce qui est de son troisième point, à savoir que quelqu'un aurait dit que les paiements de transfert devraient être réduits, je ne sais pas qui a fait cette déclaration, ni dans quel contexte, et je m'en voudrais de répondre à la place de l'intéressé.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Madame la Présidente, j'ai apprécié la présentation de l'honorable député. Cependant, il y a quelques points qui me laissent particulièrement perplexe. Tout d'abord, il prétend que si les paiements de transferts n'avaient pas été à cette hauteur où ils ont été, les populations qui ne les auraient pas reçus auraient émigré. Peut-être auraient-elles fait preuve d'une autre initiative et auraient-elles trouvé chez elles de nouvelles ressources pour assurer leur vitalité économique.

Je fais remarquer que si, d'une part, le Québec reçoit des paiements de transfert et des paiements de péréquation, d'autre part, la somme totale de l'argent qu'il reçoit d'Ottawa égale la somme qu'il envoie à Ottawa, soit aux environs de 28 milliards de dollars. Il est malheureux cependant que l'argent revienne par des paiements de transfert et de péréquation, alors qu'il pourrait revenir par des dépenses fédérales normales, telles que l'Ontario les reçoit.

Il y a donc de la part du Québec un désir de s'affranchir de ce système. Nous avons proposé maintes et maintes fois la solution qui nous permettrait de le faire. Peut-être que cela pourrait satisfaire notre député du Parti réformiste. A-t-il une opinion là-dessus?

[Traduction]

M. Grubel: Madame la Présidente, je suis content d'entendre, probablement pour la 15e fois maintenant, les députés du Bloc qui insistent en disant qu'on leur répète inlassablement que le Québec ne reçoit pas de cadeaux en ce qui concerne l'argent qu'il envoie à Ottawa et ce qu'il en reçoit. Je n'ai vraiment plus d'observation à faire à cet égard. La question est très complexe et donne d'ailleurs lieu à un désaccord.

Cependant, pour revenir à l'argument que je tentais de faire valoir, je souligne simplement que si, dans les années 1960, nous n'avions pas cessé d'encourager les gens à quitter certaines régions éloignées au Canada, les choses auraient continué comme elles s'étaient déroulées au cours des 50 ou 60 années précédentes.

En tant qu'économiste, le député se rend compte qu'il y aurait eu une hausse du capital de chaque travailleur et une augmentation des ressources naturelles pour chaque travailleur resté sur place. Par conséquent, les revenus auraient augmenté. On aurait peut-être découvert d'autres ressources. Puis, le mouvement vers l'extérieur aurait ralenti. Au bout du compte, la solution aurait satisfait tous ceux qui seraient partis aussi bien que ceux qui seraient restés.


1122

Nous avons détruit ce processus de maximisation du bien-être avec nos programmes et j'insiste pour que ces programmes soient révisés.

[Français]

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River): Madame la Présidente, j'aimerais tout d'abord remercier le député de Capilano-Howe Sound pour ses commentaires. Cependant, je dois vous avouer que je ne partage pas ses opinions. Pour éviter toute confusion, j'aimerais dire à l'honorable député que même si je suis assis de ce côté-ci de la Chambre, et que je parle français, je ne suis pas un député du Bloc québécois. Je suis un de ces millions de francophones qui vivent à l'extérieur du Québec et qui considèrent le Canada, y inclus le Québec, comme leur pays.

Cependant, madame la Présidente, il y a une chose que j'ai en commun avec mon collègue ici du Bloc, c'est que moi aussi je suis perplexe. Depuis l'ouverture de cette session, j'entends le Parti réformiste, avec son agenda d'extrême droite, nous dire qu'on ne devrait pas dépenser de l'argent pour aider les régions, qu'on ne devrait pas avoir de subsides pour les petites entreprises. Il laisse sous-entendre que les pauvres le sont par leur faute, parce qu'ils le désirent.

Je déplore aussi que le débat sur cette question de la péréquation se développe tel un combat entre le Québec et le reste du Canada. On parle très peu des autres provinces telles le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve. Le programme de péréquation en est un, je pense, qui est unique, qui nous aide à définir ce qu'on est comme Canadiens.

(1650)

C'est un programme qui permet aux régions plus riches d'aider les régions les moins bien nanties. Je viens du nord de l'Ontario, et je peux vous dire que notre taux de chômage est probablement plus élevé que n'importe où au Québec. Dans certaines régions, celle de Kirkland Lake par exemple, il est de 40 p. 100.

Ceci étant dit, il m'importe peu que mon argent serve à aider les gens du Québec, du Nouveau-Brunswick ou de Terre-Neuve. C'est cela le Canada.

Le matin, les gens du Parti réformiste nous disent qu'il faut absolument laisser les petits bureaux de poste ouverts dans les campagnes, et je suis d'accord avec cela, car c'est une façon de faire du développement régional. Si on garde nos petits bureaux de poste ouverts, c'est parce qu'il y a des gens ailleurs au pays qui aident à les subventionner et je suis encore totalement d'accord avec cela.

Mais ce que je ne comprends pas, c'est que le matin ils nous demandent de faire cela, mais dans l'après-midi, ils nous disent qu'on devrait annuler tous ces programmes. Donc, j'aimerais savoir où loge le Parti réformiste à ce sujet.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): La période réservée aux questions et observations est malheureusement terminée. Nous allons devoir reprendre le débat.

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Madame la Présidente, le présent débat est important. En fait, il a trait directement au genre de pays dans lequel nous vivons.

Souvent, nous nous engageons dans des débats qui ne présentent que peu d'intérêt pour l'ensemble des Canadiens. Ce n'est certes pas le cas de celui-ci. J'ai déjà dit à la Chambre, notamment lorsque je siégeais dans l'opposition, à quel point nous, Canadiens, avons évolué à notre façon. Nous sommes différents de nos voisins du Sud et nous ne faisons pas les choses comme les Britanniques ni comme les Français, nos deux peuples fondateurs.

Nous avons décidé de procéder de façon quelque peu différente. Nous sommes uniques. Nous croyons en tant que pays-c'est un principe fondamental de notre pays-qu'il existe une espèce de droit de propriété collectif à l'égard de la ressource que constitue le Canada.

Nos gouvernements successifs ont structuré des programmes en fonction du fait que nous, Canadiens, croyons que notre grand pays, dont le Québec et une province de l'Ouest se sépareront peut-être un jour, a le devoir de promouvoir la libre entreprise tout en s'assurant d'une redistribution équitable des richesses.

En fait, je puis remonter au début de la Confédération. À cette époque, la région de l'Atlantique était riche. C'était une des plus riches du pays. Certains diront que nous n'avons cessé de nous appauvrir depuis que nous sommes entrés dans la Confédération. D'autres diraient que, compte tenu de la jeunesse de notre pays, il s'agit peut-être là de cycles très courts.

Nous avons toujours cru depuis le début de notre brève histoire que le gouvernement central a le devoir de répartir les richesses dans tout le pays. Nous croyons fondamentalement qu'il a le devoir de répartir les richesses découlant de l'exploitation par certains des ressources naturelles ou de certains modèles ou itinéraires commerciaux.

Nous l'avons précisé dans notre Constitution. Nous avons une loi fédérale sur la péréquation. Les paiements de péréquation qu'effectue le gouvernement fédéral constituent le signe le plus tangible de ce principe fondamental de partage et de propriété collective des ressources de notre pays.

Dans le cadre du programme de péréquation, le gouvernement fédéral remet une partie des taxes et des impôts qu'il prélève aux provinces moins bien nanties, afin de veiller à ce que ces provinces disposent des ressources nécessaires pour offrir les programmes que méritent et même qu'exigent leurs habitants tout en respectant les normes nationales. Ainsi, dans notre grand pays, nous n'avons pas d'écart trop grand entre les économies des diverses régions.


1123

Le programme a très bien fonctionné. Parfois, j'entends des députés du Québec, des membres du Bloc Québécois, affirmer que le Québec s'est fait rouler.

Cela reste à prouver. Parfois, au Canada atlantique, nous avons aussi l'impression de nous être faits rouler, et ce n'est pas toujours parce que nous voulons plus de paiements de péréquation. La question est peut-être liée aux politiques gouvernementales fondamentales qui permettent à chacune des régions du pays de développer ses ressources et son marché du travail, afin qu'un jour nous puissions tous contribuer à l'économie nationale au lieu de nous fier aux paiements de péréquation.

Nous nous battons parfois pour des miettes. Je préférerais que les provinces prennent des mesures pour accroître la libre circulation des biens, des services et des gens et pour permettre aux diverses régions du pays de développer leur économie afin que les Canadiens puissent atteindre leur plein potentiel. Ce jour n'est pas encore venu. La péréquation est importante. Je me souviens que, il y a quelques années, le gouvernement formé par le parti dont on ne compte plus que deux députés à la Chambre, voyait d'un oeil différent le rôle du gouvernement fédéral dans la répartition de la richesse et criait victoire chaque fois qu'il pouvait refiler aux provinces une partie de sa propre dette. Ce gouvernement se targuait de bien administrer l'économie. Le plafonnement qu'il avait imposé aux paiements de péréquation et son interprétation de certaines dispositions avaient fait que les provinces s'attendaient de recevoir du gouvernement fédéral des sommes beaucoup plus substantielles que ce qu'elles ont finalement obtenu.

(1655)

D'ailleurs, il y a trois ans, je crois, j'ai posé des questions au ministre des Finances et au premier ministre parce que, deux jours avant que le ministre des Finances de la belle petite province de l'Île-du-Prince-Édouard présente le budget qu'il avait préparé en comptant sur des paiements de péréquation calculés selon la formule de l'année précédente, les fonctionnaires fédéraux l'avaient appelé pour s'excuser en disant qu'ils avaient réinterprété certaines dispositions des accords et que ces paiements avaient été réduits de plusieurs millions de dollars.

Quelles ont été les conséquences pour cette petite province? Le ministre des Finances prévoyait un surplus budgétaire, mais, cela ne vous étonnera pas, ce surplus a été transformé en déficit.

En Nouvelle-Écosse, ma province, le ministre des Finances, un conservateur à l'époque, avait été totalement surpris lorsqu'il avait constaté qu'il obtiendrait 72 millions de dollars de moins que prévu. J'imagine que les conservateurs fédéraux et provinciaux ne se parlaient pas beaucoup alors. La province avait déjà dépensé cet argent. Cela illustre bien pourquoi les ministres des Finances et les trésoriers des provinces voulaient vraiment avoir une bonne idée de ce qu'ils pouvaient s'attendre de recevoir du gouvernement fédéral.

Le projet de loi met de l'ordre dans tout cela. Il présente un plan quinquennal qui permettra aux provinces de savoir que nous ne pouvons pas tout leur donner ce qu'elles demandent, mais qui leur donne tout de même certaines garanties. Nous leur offrons un plan que nous nous engageons à respecter pour ne pas perturber leurs finances et les empêcher de bien administrer leurs affaires. C'est là une amélioration. Je crois que tous les premiers ministres des sept provinces qui bénéficient de la péréquation applaudiront cette mesure très positive.

Il y a également un autre point qui n'est pas abordé dans ce projet de loi mais qui est tout aussi important, et c'est le FPE, le financement des programmes établis. Ce sont des programmes auxquels le gouvernement fédéral participe, encore une fois pour essayer d'offrir des chances égales à tous les Canadiens. Ces programmes servent à financer notre régime de soins de santé et l'enseignement post-secondaire.

L'autre jour, je disais à un de mes collègues du Parti réformiste qui m'avait traité de libéral socialiste-en passant, je le remercie du compliment-que, sans l'argent versé aux provinces au titre du FPE, je n'aurais jamais eu les moyens de faire des études universitaires, étant le fils d'un mineur du Cap-Breton qui, non pas par sa faute mais à cause des conditions de travail à l'époque, a vu plus de jours de paye que de chèques de paye. En fait, sans le financement des programmes établis, nous aurions des régimes de soins de santé différents d'un bout à l'autre du pays.

Ces politiques libérales d'antan, comme la péréquation, ont été corrompues par le gouvernement précédent. Résultat, les provinces se sont rendu compte que, pour les programmes dont les normes sont établies principalement par le gouvernement fédéral à l'échelle nationale, comme c'est le cas pour les soins de santé, le montant auquel elles avaient droit diminuait avec chaque budget fédéral présenté par le gouvernement conservateur.

Si une province comme Terre-Neuve reçoit 12 millions de dollars de moins pour l'enseignement postsecondaire, dites-moi où diable elle peut aller chercher ce manque à gagner compte tenu de son assiette fiscale limitée. Et c'est la même chose pour la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, le Manitoba ou le Québec. Lorsqu'un gouvernement fédéral décide unilatéralement de réduire les transferts au titre du FPE parce qu'il a mal géré l'économie, comme l'ont fait les conservateurs, dites-moi comment ces provinces peuvent compenser. Elles ne peuvent pas y arriver.

Une chose que nous avons dite durant notre campagne et que le premier ministre a confirmée, c'est que nous allons rétablir un élément de certitude dans le niveau des transferts au titre du financement des programmes établis. Encore une fois, nous ne pouvons pas tout donner aux provinces. Nous avons un déficit et une dette énormes, mais nous rétablirons quand même cet élément de certitude afin que les ministres provinciaux responsables de la santé et de l'enseignement postsecondaire puissent être raisonnablement certains que le ciel ne leur tombera pas sur la tête lorsque le prochain budget fédéral sera déposé. C'est exactement ce dont nous avons besoin.


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(1700 )

Je veux citer quelques chiffres. Je ne reprocherai pas leur credo politique aux députés du Bloc Québécois. Voilà en effet en quoi consiste la liberté d'expression dans le processus démocratique. Nous tiendrons à la Chambre de grands débats, historiques espérons-le, sur les thèses qu'ils défendent. En réalité, cependant, on peut faire remonter à des événements récents bon nombre des fractures que nous observons aujourd'hui dans notre pays. On peut les attribuer au sentiment de ne pas être écoutés, à un sentiment de trahison que ressentent plusieurs régions du pays dans leurs relations avec le gouvernement fédéral.

Je viens d'une province où nous ne voulons pas de la charité. J'aimerais énormément pouvoir intervenir un jour à la Chambre pour déplorer que nous fournissons trop d'argent qui est dépensé ailleurs.

Mon rôle en tant que député ne consiste pas uniquement à représenter et à tâcher de bâtir une Nouvelle-Écosse forte, mais à tâcher de bâtir un Canada meilleur. Il consiste à faire en sorte que nous adoptions ici des politiques et des programmes qui permettent à chacun de nos concitoyens, peu importe qui ils sont, quelle langue ils parlent, d'où ils viennent et s'ils sont nés ici ou sont immigrants, de participer pleinement au développement de tout leur potentiel dans ce grand pays qui est le nôtre. Voilà pourquoi nous sommes ici.

Nous avons vu s'éroder au fil des dernières années le régime où nous faisons des transferts et où nous croyons à la propriété collective des ressources naturelles et des richesses du Canada. Je veux essayer d'expliquer pourquoi nous observons des fractures dans l'Est et peut-être au Québec, mais certainement dans l'Ouest, où les gens disent que les gouvernements fédéraux ne les écoutent pas.

Le gouvernement fédéral conservateur, à l'occasion d'un certain nombre de budgets successifs, peut-être trois ou quatre, a modifié la formule de financement des programmes établis, qui constituent une autre forme de péréquation. Il a proposé d'accroître sa contribution, mais selon un taux correspondant à l'indice des prix à la consommation moins 1 p. 100, à l'IPC moins deux ou à l'IPC moins trois. Qu'est-ce que cela signifiait?

Si, dans une province comme la Nouvelle-Écosse, les coûts pour la santé augmentaient de 5 p. 100, le gouvernement fédéral ne défrayait plus la moitié de cette hausse; il calculait l'augmentation par rapport à l'année précédente, année de référence où il avait payé la moitié des dépenses, et contribuait au paiement de cette augmentation selon une formule de partage des coûts fondée sur l'indice des prix à la consommation moins 3 p. 100.

Si l'indice des prix à la consommation était de 5 p. 100 et que le coût des soins de santé augmentait de 5 p. 100, le gouvernement fédéral participait au financement de 2 p. 100 de la hausse. Autrement dit, les provinces les plus pauvres devaient trouver une façon de récupérer entièrement cette augmentation de 3 p. 100 à même leur assiette fiscale limitée; elles devaient fournir 100 p. 100 de cette somme et non pas 50 p. 100.

Qu'est-ce que cela a signifié? Cela signifie que, en vertu de l'ancienne formule, le Québec sera la première province à ne plus bénéficier d'un transfert de fonds au titre des dépenses de santé. Elle sera la première. Cela signifie qu'en vertu du programme décennal qui a été établi, et dans le domaine de la santé seulement, les pertes pour les provinces seront de l'ordre de 29,998 milliards de dollars parce que le gouvernement fédéral n'assume plus la moitié du financement. En 1989-1990, à la suite de l'adoption par le gouvernement d'une nouvelle formule modifiant sa participation, la perte pour les provinces s'est élevée à 1,107 milliard de dollars dans le domaine des soins de santé.

Que fait une province comme la Colombie-Britannique en l'occurrence? La situation est très difficile pour les provinces dites nanties comme l'Ontario-qui ne l'est d'ailleurs plus à cause du gouvernement néo-démocrate et de ses politiques-l'Alberta et la Colombie-Britannique. Ces deux provinces trouvent la situation assez difficile. Que dire alors des économies durement touchées par la récession, voire la crise?

Qu'en est-il de l'éducation? Par suite de la modification du FPE, ce principe fondamental des relations fédérales-provinciales canadiennes, les politiques conservatrices prévoyant une participation fédérale réduite se traduiront par des pertes de 12,109 milliards de dollars au chapitre de l'éducation postsecondaire, sur une période de dix ans.

Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que, dans nos provinces les plus pauvres, les plus petites, nous avons commencé à créer une société où la province où l'on vit et l'ampleur de son assiette fiscale sont maintenant des facteurs qui ont leur importance. Après neuf années de régime conservateur, la Nouvelle-Écosse s'est maintenant fait filer une énorme part de la dette fédérale attribuable à une mauvaise administration. Elle a maintenant ce fardeau. Les mêmes remarques valent pour Terre-Neuve, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan. Voilà le résultat. Les pressions que nous subissons actuellement sont attribuables à des politiques budgétaires délibérées.

(1705 )

Je ne crois pas que nous puissions réparer tous les torts causés par le passé. Loin de moi l'idée que nous puissions le faire. Ce serait bien, mais je ne pense pas que nous puissions y parvenir. Par contre, nous pouvons collaborer avec les provinces et leur dire que nous ne sommes pas prêts à leur tomber dessus à bras raccourcis chaque fois qu'un budget est déposé, que nous sommes disposés à négocier et à collaborer avec elles, et que nous sommes prêts à reconnaître qu'un dollar économisé au niveau fédéral, grâce à la réduction des paiements de transfert qui auraient servi au financement des programmes nécessaires, n'entraîne pas nécessairement l'économie d'un dollar, étant donné les répercussions de cette mesure sur les plus petites provinces.

Le ministre des Finances ne me confie pas tous ses secrets, mais je sais que notre gouvernement respectera, au cours des prochaines semaines, les engagements qu'il a pris à l'endroit des Canadiens et des premiers ministres pendant la campagne électorale. Contrairement au gouvernement précédent, nous ne nous attaquerons pas aux programmes de péréquation et au financement des programmes établis.


1125

Il n'y a pas un sujet qui intéresse plus les Canadiens de nos jours que la survie de notre régime de soins de santé. Ce régime traverse une période noire, tant sur le plan de son financement que sur le plan de son utilisation. Nous saurons sûrement régler le problème sans continuer d'appliquer les mesures prises par l'ancien gouvernement. Nous chercherons une solution dans la collaboration, tout en reconnaissant que le gouvernement fédéral qui a instauré ces programmes ne peut s'en retirer aujourd'hui.

Nous croyons également en la responsabilité financière. Nous croyons que nous devons nous préoccuper de la situation financière de l'ensemble du Canada, et non seulement de celle du gouvernement fédéral. Nous croyons que la situation financière des provinces, des territoires et même des municipalités influe sur notre capacité de croître, de prospérer et de ne pas nous laisser écraser par le fardeau de la dette. Le gouvernement fédéral a déclaré qu'il était prêt à intervenir dans ce domaine.

Nous avons également affirmé que, peu importe les mesures que nous pourrions prendre pour résorber le déficit, peu importe les hauts cris et les menaces des nombreux groupes d'intérêt, notre gouvernement tiendra toujours, toujours, toujours compte des répercussions que pourront avoir ses décisions économiques sur le Canadien moyen. C'est différent. Cela devrait redonner un peu d'espoir aux chômeurs, aux gens les plus défavorisés, aux gens qui habitent les provinces riches mais qui sont pauvres, qui ont besoin de formation, qui ont besoin d'un emploi et qui veulent payer des impôts au lieu de dépendre de l'aide sociale.

Qu'on la juge suffisante ou non, c'est quand même une initiative qui freine la chute des transferts fédéraux aux provinces. C'est une initiative qui montre aux provinces qu'un nouveau gouvernement et qu'un nouveau Parlement sont arrivés et que nous sommes prêts à travailler avec chacune des provinces pour voir à ce que les priorités des Canadiens soient exprimées et respectées non seulement au Parlement fédéral, mais aussi dans nos assemblées législatives provinciales.

J'applaudis à l'initiative du gouvernement, mais je tiens aussi à lui dire que, même si nous siégeons maintenant du côté ministériel, il y a certains d'entre nous qui croient encore que nous avons la responsabilité fondamentale de défendre les intérêts des gens qui nous ont élus. Je sais que, jusqu'à maintenant, les ministres semblent avoir écouté les électeurs. Je sais que le premier ministre a écouté les électeurs.

Je sais que beaucoup de députés des deux côtés de la Chambre seront très vigilants et veilleront à ce que le gouvernement respecte les engagements que nous avons tous pris collectivement envers nos électeurs.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Madame la Présidente, j'ai énormément apprécié l'exposé du député du parti au pouvoir; je crois qu'il a donné une image intéressante de la situation dans laquelle nous a plongés le précédent gouvernement pendant neuf ans. Cependant, j'aimerais avoir ses réactions ou son opinion à certaines de mes préoccupations qu'il a effleurées.

Bien sûr, nous avons eu l'occasion, précédemment, de parler des paiements de transfert. À ce moment, j'avais exprimé certaines craintes, qui ont reçu certaines réponses.

Cependant, nous avons maintenant touché au financement des programmes établis. De ce côté, nous savons que si la tendance se poursuivait-monsieur le député le mentionnait-d'ici quelques années, le Québec ne recevrait plus rien, et un certain nombre de provinces, éventuellement, verraient leur part également tomber à zéro.

(1710)

Or, en 1977 le gouvernement fédéral a pris un engagement vis-à-vis des provinces concernant le financement des programmes établis. À ce moment, l'engagement relevait de la formule que le député mentionnait tantôt. Les provinces, sur cette foi, ont mis en place, chacune chez elle, un programme pour la santé et, évidemment, au niveau des études postsecondaires.

Depuis une dizaine d'années, on a vu progressivement le gouvernement renier ses engagements, mais, en même temps, le contribuable, le payeur de taxes de chacune des provinces, lui, devait continuer à payer son plein impôt. C'est donc dire que l'argent que le contribuable remettait à Ottawa ne revenait pas vers sa province, tel qu'il avait été entendu, convenu, contracté entre les provinces et le gouvernement fédéral, à la fin des années 1970.

Est-ce qu'on pourrait se permettre d'appeler cela un détournement de fonds? Je demanderai au député de commenter là-dessus dans quelques instants. Il n'en reste pas moins que, dans les circonstances, il m'apparaîtrait plus sûr, et je cite les paroles de l'honorable député:

[Traduction]

Nous voulons instaurer un élément de certitude dans le financement des programmes établis. Cet élément fait défaut à l'heure actuelle, et cela depuis près de dix ans.

[Français]

La meilleure certitude que nous aurions que les provinces recevraient leur dû serait que le contribuable de chacune des provinces remette directement à sa province, et celui du Québec au Québec, le montant qu'il envoie actuellement à Ottawa et qui ne revient pas en entier, et de moins en moins, vers le système de santé de chacune des provinces.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, et je conclus là-dessus, que chaque province soit souveraine en matière de santé?

[Traduction]

M. MacDonald: Madame la Présidente, la proposition que préconise le député est certes discutable. Je n'ai pas ici les chiffres concernant les paiements de transfert à la province de Québec. Si l'on examine les impôts et les taxes payés par les Québécois et les paiements de transfert versés au Québec, je croirais que le Québec-du moins récemment-n'a pas été traité injustement, pas plus que la Nouvelle- Écosse. Nous finirons à un moment donné par donner plus que nous ne recevons, et j'espère que le Québec finira par devenir une province véritablement riche, selon les définitions que nous utilisons.


1126

Si l'on me demande simplement s'il ne serait pas préférable que la province de la Nouvelle-Écosse perçoive tout simplement ses propres impôts et en conserve la totalité, j'aimerais alors qu'on me dise comment faire pour déterminer où sont les 32 p. 100 de lits d'hôpitaux qu'il faudrait fermer dans ma province. Je voudrais qu'on me dise quelles universités devront fermer leurs portes et comment les gens de mon milieu familial pourront faire des études universitaires.

En réalité, chaque province n'est pas toujours en mesure de payer toutes ses dépenses au titre de tous ces programmes. La péréquation ne constitue pas une forme de charité. Elle est censée être un coup de main. Si l'on parle strictement de péréquation, elle est censée permettre aux provinces d'avoir suffisamment de ressources pour tâcher de doter leur économie des infrastructures nécessaires pour devenir compétitive. Elle ne vise pas à les maintenir dans la pauvreté, mais à les aider à en sortir.

Quant au financement des programmes établis, j'inviterais le député à la prudence. Sauf erreur, grâce à ce financement, les sept provinces qui bénéficient de la péréquation touchent davantage d'argent qu'elles n'en auraient si elles conservaient le produit de leurs impôts.

À mon avis, la question qui se pose n'est pas de savoir si la souveraineté est préférable, mais si nous pouvons travailler avec toutes les composantes de notre pays de manière à tenir, au besoin, un débat sur la validité de certains principes. Si les principes de l'universalité des soins de santé ou de l'aide aux établissements d'enseignement postsecondaire ne sont plus valables, tenons alors un débat public sur ces questions, mais pas nécessairement ici.

Laissons les Canadiens s'exprimer. À mon avis, des gens de la Gaspésie, de la grande péninsule du nord et des plaines de la Saskatchewan vont peut-être bondir et s'écrier: «Qu'essayez-vous de faire à notre pays?»

La question n'est pas de savoir si ces programmes devraient exister, mais si nous pouvons tout d'abord nous les permettre et si, à titre de partenaire important de la Confédération, le gouvernement fédéral est prêt à travailler avec chaque province pour s'assurer que ces programmes peuvent être maintenus.

Je veux parler du FPE et des soins de santé dans la province de Québec. Le gouvernement du Québec a pris d'excellentes mesures pour essayer de freiner l'escalade des coûts dans le domaine des soins de santé. Les autres provinces devraient d'ailleurs examiner ce que le Québec a fait.

(1715)

Je me souviens d'avoir lu un article dans lequel on disait que, s'il y a une escalade des coûts dans le domaine des soins de santé, c'est principalement parce que chaque localité a un service de consultations externes. Or, pour bien administrer un tel service, il faut tenir compte du nombre moyen de personnes qui s'y rendent, du nombre de médecins qui doivent être présents, du matériel requis, de la nécessité d'avoir un anesthésiste et un chirurgien de garde ainsi que de différents facteurs et il faut prendre en considération le volume.

Certains disent que jusqu'à 80 p. 100 des personnes qui vont à l'urgence pourraient être traitées par un omnipraticien, voire par une infirmière ou une infirmière de première ligne. Mais comme nous nous sommes habitués à la gratuité des services, nous les utilisons peut-être trop. Nous en abusons peut-être.

Ce qu'on a décidé, au Québec, c'est de ne refuser les soins à personne, mais d'offrir également des services de rechange. Par exemple, si je me trouve à Montréal et que je me présente pour quelques points de suture à la main, on acceptera de me donner les soins, mais il m'en coûtera quelques dollars parce que ce n'est pas un service d'urgence. Si je me rends à la clinique d'en face, j'aurai la pleine protection du régime.

Le réseau de la santé du Québec a ainsi réalisé des économies de millions, voire de dizaines de millions de dollars. Il y a des moyens d'améliorer l'efficacité que nous pouvons envisager. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan en faisant connaître ces exemples intéressants comme le Québec l'a fait.

Je me trouvais à London, en Ontario, à l'hôpital St. Joseph's. Le gouvernement ontarien a décidé que l'hôpital devait mieux gérer son budget des services de santé. Les responsables ont adopté une nouveau régime, la gestion de la qualité totale. En un an, ils ont réussi non seulement à avoir un personnel plus qualifié et heureux et à traiter plus de patients de manière plus efficace, mais aussi à économiser environ 13 p. 100 sur leur budget, qui était considérable. Lorsqu'ils ont lancé l'expérience, le but n'était même pas de réaliser des économies.

Dans les services de santé et dans l'enseignement postsecondaire, nous devons indiquer la voie à suivre. Les ressources se font plus rares. Nous devons donner l'exemple dans la rationalisation des services, tant dans le soins de santé que dans l'enseignement postsecondaire.

Je laisse pour finir une réflexion à mon collègue. Je lui demanderais-il a peut-être des chiffres qui prouvent le contraire- de consulter les services de recherche de son parti pour voir si, en ce moment du moins, le Québec est un bénéficiaire net de recettes fiscales ou si c'est le contraire. S'il pouvait vérifier les faits, je serais heureux de reprendre le débat avec lui.

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Madame la Présidente, il s'est dit beaucoup de choses sur le transfert de richesse du Canada vers les provinces.

En réalité, compte tenu de notre dette, de notre déficit, des emprunts que nous devons faire, nous ne transférons pas la richesse du Canada. Nous transférons plutôt la richesse d'autres pays à qui nous empruntons et des Canadiens à qui nous avons emprunté de l'argent.

Par les années passées, nous avons vu les gouvernements libéraux plonger notre pays dans des dettes d'environ 200 milliards de dollars. Les conservateurs ont plus que doublé le montant dans les neuf dernières années, tant et si bien que la dette atteint maintenant les 500 milliards. Nous ajoutons encore 40 milliards à la dette, environ, et nous avons payé l'an dernier environ 40 milliards en intérêts.


1127

Si le député a le temps de répondre, je voudrais qu'il dise si, à son avis, nous pouvons continuer de la sorte, vu l'augmentation de la dette dont nous avons été témoins ces vingt dernières années.

Une voix: Y a-t-il consentement unanime pour poursuivre?

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette, mais la période réservée aux questions et commentaires est écoulée.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup): Madame la Présidente, c'est tout un défi de tenter d'expliquer la question du processus de péréquation pour que, finalement, nos électeurs, la population canadienne, puissent juger de ce phénomène-là. Mais je pense que c'est important, car c'est une de nos responsabilités comme politiciens.

En préambule, j'aimerais rappeler la déclaration du ministre des Finances lorsqu'il a dévoilé, le 21 janvier 1994, les modalités du renouvellement de la péréquation pour cinq ans.

(1720)

Il déclarait alors: «Il s'agit du programme clé permettant de réduire les disparités entre les diverses provinces quant à leur capacité de prélever des recettes.»

Il a également déclaré: «J'ai indiqué à mes collègues que je procéderai au renouvellement de la péréquation d'une manière financièrement responsable, qui tienne compte à la fois des besoins des Canadiens et des Canadiennes de chacune des provinces, et de la nécessité pour les sept provinces bénéficiant de la péréquation de disposer de la stabilité nécessaire à leur planification.»

C'est un peu aride, mais il est important de comprendre ce qui était contenu dans cette déclaration.

Les paiements de péréquation sont calculés en fonction d'une formule définie par la loi fédérale qui met en balance la capacité globale de chaque province-ainsi que de ses gouvernements locaux-à obtenir des recettes au moyen des impôts, des taxes et des droits divers imposés par ces administrations. Cela comprend l'impôt sur le revenu des particuliers, l'impôt sur le revenu des sociétés, les taxes de vente générales, les taxes sur l'essence, le tabac et l'alcool, les prélèvements relatifs aux ressources naturelles, l'impôt foncier et de nombreux autres impôts et taxes de moindre portée.

La comparaison de la capacité fiscale des différentes provinces est faite, chaque année, au moyen d'une estimation des recettes de chaque province, si elles appliquaient les mêmes assiettes fiscales et les mêmes taux d'imposition. Il faut pour cela élaborer un régime fiscal normalisé, connu sous le nom de régime fiscal représentatif. Les recettes des gouvernements provinciaux sont classées dans ce régime selon 33 sources différentes, dont chacune a une assiette représentative de celles qui sont effectivement imposées par les provinces. La taille de ces assiettes est alors calculée pour chaque province et, en utilisant le taux d'imposition provincial moyen de chaque source, les recettes de chaque province sont calculées pour chaque source séparément et au total.

Une voix: Très simple.

M. Crête: Très, très simple, effectivement.

La norme prescrite de péréquation correspond aux recettes par habitant qui résulteraient de l'application du régime fiscal représentatif dans cinq provinces: l'Ontario, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Québec et le Manitoba. En 1993-1994, la norme est de 4 731 $ par habitant. La péréquation est également assortie de dispositions planchers qui protègent chaque bénéficiaire contre une baisse annuelle subite de ses paiements de péréquation.

Le projet de loi C-3 renouvellerait l'entente de péréquation pour une durée de cinq ans allant du 1er avril 1994 au 31 mars 1999. Le plafond de péréquation, lui, est reconduit, l'année de base étant 1992-1993. Il est à noter que le ministère des Finances du Canada prévoit que la disposition plafond sera en vigueur pour les cinq années visées par le projet de loi. Cette mesure limitera donc la croissance des paiements aux provinces.

Le ministère des Finances prévoit également modifier les assiettes fiscales contenues dans la formule de péréquation, et ce par voie de règlement. La complexité du processus est annonciatrice de son inefficacité.

L'étude du projet de loi C-3 modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé peut être abordée sous différents angles.

Le premier nous amène à nous interroger sur l'atteinte réelle des objectifs visés par la loi. Pour ce faire, nous devons nous rappeler que la péréquation est venue contrer une lacune majeure du système fédéral canadien qui donne au gouvernement fédéral le pouvoir de dépenser les impôts sans avoir juridiction sur les champs d'interventions qui sont des prérogatives provinciales.

Le système fédéral a donc inventé la péréquation suite aux travaux de la Commission Rowell-Sirois. Depuis ce temps, la péréquation a empêché le Canada d'éclater mais a déclenché des effets pervers qui ont contribué notamment à la perte de crédibilité des citoyens dans le système fiscal qui les régit.

En effet, le fait de ne pas pouvoir associer directement le gouvernement qui lève les impôts à celui qui offre les services empêche le contribuable québécois et canadien de bien évaluer la façon dont chacun des gouvernements auquel il contribue s'assure de ses responsabilités.

Cependant, le principal effet pervers a certainement été l'introduction d'un plafond au montant qui peut être versé à une province dite pauvre. Ce plafond est venu contrecarrer l'objectif initial visé par la péréquation en augmentant l'écart entre les provinces pauvres. Le Québec devra assumer 60 p. 100 de la coupure imposée aux provinces bénéficiaires, du seul fait de l'introduction de ce plafond.

(1725)

Rappelons-nous les objectifs fondamentaux retenus par le ministre des Finances du Québec, comme fondement à une réforme des transferts aux provinces, afin de les adapter aux réalités financières et budgétaires des années 1990.


1128

Voici ces objectifs fondamentaux: améliorer l'adéquation entre les responsabilités assumées par les gouvernements et les ressources fiscales à leur disposition; améliorer la redistribution de la richesse au Canada et accroître l'efficacité du secteur public canadien.

M. Bourbeau, qui est ministre des Finances du Québec, est connu pour être un fédéraliste convaincu. Cependant, il ajoutait: «Je trouve cependant difficilement acceptable que le gouvernement fédéral ait décidé de maintenir la disposition plafond du programme de péréquation.» Là-dessus, le ministre des Finances du Québec et son critique à l'Assemblée nationale se rejoignent. Les provinces moins bien nanties vont ainsi, paradoxalement, contribuer à éponger le déficit fédéral.

Je crois qu'il s'agit d'un exemple flagrant que le système fédéral ne fonctionne pas. Seule une réforme en profondeur de toute la structure des programmes de transfert pourrait corriger la situation actuelle.

Voici les principaux éléments d'une telle réforme: absence de coupures en termes réels et par habitant des paiements de transfert aux provinces; absence de normes nationales qui ne correspondent pas aux situations spécifiques du Québec; absence d'ingérence du fédéral dans les secteurs de juridiction des provinces, source d'inefficacité reconnue. La réforme doit viser une meilleure redistribution des revenus entre les différentes provinces, notamment en ce qui a trait aux paiements de péréquation. Le plafond de péréquation doit être retiré.

Le présent projet de loi est la preuve que le gouvernement libéral du Canada n'a aucunement porté attention au message qui lui a été transmis par la population du Québec qui a élu 54 députés du Bloc québécois. Les Québécois ne veulent plus dépendre d'un système qui les encourage à maintenir leur niveau de pauvreté. Le présent système est un encouragement à l'inefficacité.

Le gouvernement fédéral a donc décidé, malgré tout cela, de traiter le dossier de la péréquation «business as usual». Si j'étais un député membre de la majorité, défenseur du fédéralisme canadien, je m'élèverais contre le maintien de la disposition plafond du programme de péréquation, au nom du fonctionnement équitable de la fédération canadienne. Je n'ai malheureusement pas entendu beaucoup de députés se prononcer en ce sens de l'autre côté de la Chambre.

Mais, à titre de membre de la communauté nationale du Québec, à la recherche de sa propre autonomie depuis 50 ans, je sais que la voie de la maturité passe par des responsabilités et des pouvoirs précis qui permettront aux citoyens de juger de l'efficacité de son gouvernement. Malgré tout, l'élimination du plafond est un cataplasme dont le présent système ne peut se passer.

Pour évaluer si le système de péréquation remplit ses objectifs, il faudrait évaluer si ce système a permis, depuis sa mise en place, de corriger les inégalités économiques, sociales et culturelles entre les différentes parties du Canada. Malheureusement, il n'en est rien. Si vous comparez les taux de chômage, l'exode des jeunes depuis 20 ou 30 ans dans les différentes parties du Québec, le système est un fiasco et tous les indicateurs sont là pour le prouver.

De même, l'établissement d'un plafond au programme de péréquation ne répond pas aux objectifs du programme. De plus, le programme de péréquation ne permet pas une évaluation facile de son efficacité de la part des contribuables. On trouve là une des raisons principales du manque de confiance des électeurs envers les politiciens, donc les personnes que nous sommes, et dans le processus, parce que, au Canada, on n'est pas capables de dire si les sous qu'on investit dans nos impôts nous reviennent vraiment en services adéquats. Les gens à qui on paie des impôts ne sont pas nécessairement ceux qui rendent les services et je pense qu'à cet égard, il y aurait une lacune importante à corriger.

En effet, l'argent est perçu par le fédéral. Le fédéral le transmet aux provinces qui le saupoudrent dans ses divers programmes et le pauvre citoyen doit juger de l'efficacité de qui, de quoi et de qu'est-ce qui se passe dans toute cette histoire.

Tout ceci pour dire que finalement, le gouvernement a fait la preuve, par le dépôt du projet de loi C-3, qu'il met de côté les vrais changements attendus par la population. En attendant, nous lui demandons tout de même au moins d'éliminer le plafond à défaut d'assurer une réforme complète.

(1730)

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, j'ai bien écouté le discours de mon honorable collègue et j'ai une question qui me semble assez simple.

J'ai écouté non seulement son discours, mais les discours de ses collègues. Je trouve intéressant que jamais, pas une seule fois on se soit permis de dire qu'il y avait du bien, du bon dans ce programme de péréquation. On prétend que ça apprauvrit le Québec, que ça n'aide aucunement, que c'est lourd, que c'est gauche, que ça écrase, que ça nuit. Mais n'y a-t-il pas même un petit brin d'un petit quelque chose de bien dans tout ça? Pas même un petit brin? Pas même un petit brin.

Merci. Vous m'avez donné la réponse. Je n'ai pas besoin d'une réponse.

On me l'a donnée. On va laisser maintenant aux Canadiens et aux Canadiennes, aux Québécois et aux Québécoises de déterminer si, oui ou non, la question que j'ai posée et la réponse qu'on m'a donnée est juste: il n'y a rien de bon là-dedans.

Ça me semble responsable; ça me semble comme une équipe qui va mener cette province et faire quelque chose. Franchement, ce n'est pas impressionnant!

M. Crête: Madame la Présidente, j'aimerais répondre à l'honorable député-qui a peut-être des enfants-qu'on se ramasse dans une situation où une population, une région, c'est un peu comme un enfant qui grandit. Le Québec, quand il a adhéré à la Confédération canadienne, cherchait un certaine sécurité de base et il a fondé la Confédération canadienne.

À mesure que le système a vieilli, il s'est aperçu qu'il ne contrôlait pas la maison dans laquelle il était et qu'on ne le laissait pas devenir mature. Donc, à un moment donné, on doit passer de l'adolescence au stade adulte.

Est-ce que la péréquation a permis au Québec, pendant certaines années, au moins de survivre? On n'a jamais contesté ça. Ce qu'on conteste, c'est que c'est un système qui nuit fondamentalement à la démarche d'autonomie du Québec. Le système de la


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péréquation nous traite comme si on était des enfants gérés par des adultes.

Et le Québec n'acceptera plus jamais d'être traité comme des enfants par d'autres sociétés que sa propre composante.

Notre développement économique, nous l'avons pris en main, depuis les années 1960 particulièrement, où nous l'avons assuré avec des outils comme la Caisse de dépôt et placement, qu'il a fallu arracher au gouvernement fédéral. Sinon, aujourd'hui, on n'aurait aucun contrôle sur cette chose-là. On a nationalisé l'électricité aussi aux dépens des pouvoirs extérieurs. Et, morceau par morceau, nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait sortir de ce système.

Je pense que les Québécois, particulièrement depuis 1968, ont essayé beaucoup de choses: on a essayé les libéraux fédéraux au pouvoir, avec 74 députés libéraux fédéraux, et on n'a pas gagné ce qu'on voulait; on a essayé le beau risque, avec les conservateurs, puis on n'a pas gagné ce qu'on voulait. Donc, le peuple du Québec a décidé qu'il éclaircirait la situation avec l'ensemble du Canada, et c'est notre rôle ici comme représentants du Bloc québécois qui avons été élus par 50 p. 100 de la population du Québec.

[Traduction]

M. Nelson Riis (Kamloops): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-3 à l'étape de la deuxième lecture, où il est question essentiellement du principe du projet de loi. Nous aurons amplement l'occasion au moment de l'étude en comité d'examiner les questions importantes soulevées par certains députés, mais pour l'heure nous discutons du principe du projet de loi C-3, qui porte bien sûr sur le concept de la péréquation.

J'ai prêté une oreille attentive à ceux qui ont dit ne pas être en faveur de la péréquation. C'est comme si on disait être contre la maternité. Car il faut dire que c'est un principe fondamental qui a été inscrit dans la Constitution. C'est la façon canadienne de faire les choses depuis 1867, où nous avons formé la famille canadienne, et surtout depuis 1957, où la péréquation est devenue une pratique officielle.

Nous reconnaissons le fait que, de temps à autre, certaines parties du pays éprouvent plus de difficulté que d'autres et que celles-ci, par conséquent, doivent faire preuve de générosité en aidant les premières et en leur offrant leur assistance et leur collaboration. Les provinces plus prospères sont prêtes à partager une partie de leur richesse avec celles qui le sont moins. C'est ça, d'après moi, l'essence même du Canada.

(1735)

Pour l'essentiel, le projet de loi C-3 prolonge d'une autre période quinquennale le programme de péréquation et prévoit que les paiements de péréquation s'élèveront à 8,5 milliards de dollars cette année et qu'ils augmenteront d'environ 5 p. 100 par an les années subséquentes. Nous sommes favorables au principe de la péréquation. Quand je dis nous, j'entends mes collègues du Nouveau Parti démocratique. C'est donc de cela qu'il est question aujourd'hui, du principe du projet de loi.

Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas de questions à poser ou de préoccupations à soulever. Je voulais simplement le dire parce que mes électeurs voudraient bien savoir qui reçoit quoi. Les paiements de péréquation venant des trois provinces riches que sont la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario, se répartissent comme suit: les Territoires du Nord-Ouest toucheront environ 910 millions de dollars, l'Île-du-Prince-Édouard, 164 millions de dollars, la Nouvelle-Écosse, 880 millions de dollars, le Nouveau-Brunswick, 995 millions de dollars, le Manitoba, 854 millions de dollars, la Saskatchewan, 522 millions de dollars, ce dont se réjouira sans doute mon collègue, et le Québec, 3,8 milliards de dollars. Il me semble que c'est un effort équitable de redistribution.

J'ai écouté attentivement quelques députés du Bloc qui semblent estimer, pour diverses raisons, que le partage ne convient pas. J'ai hâte de voir comment ils vont s'y prendre, au comité notamment, pour rendre ce partage plus équitable.

En tant qu'habitant de la Colombie-Britannique, je me réjouis que ma province participe ainsi au programme de péréquation. Nous sommes heureux de pouvoir partager les richesses générées en Colombie-Britannique avec les autres régions du Canada. Je sais que cela fera plaisir à mes collègues si je touche un mot de la situation actuelle en Colombie-Britannique.

Dernièrement, nous avons vu l'Alberta confrontée au pénible exercice de devoir faire face, au palier provincial, à certaines réalités économiques qui sont les siennes. Nous avons vu d'autres gouvernements provinciaux adopter des mesures que je qualifierais de rigoureuses pour résoudre leurs problèmes financiers. Dans certains cas, on peut même parler de mesures brutales, puisque les programmes sociaux sont en cause.

En Colombie-Britannique, nous n'avons pas été acculés à ces extrémités. L'ensemble de nos programmes sociaux a non seulement été maintenu, mais également bonifié. Les domaines de l'éducation et des soins de santé bénéficieront cette année d'une augmentation de 3 p. 100. Pour ce qui est de la création d'emplois, la province a généré 91 000 nouveaux emplois, depuis novembre 1991. L'année dernière, nous avons connu une croissance économique supérieure à 3 p. 100. Nos exportations ont augmenté de plus de 16 p. 100, l'année dernière. Il y a eu 10 p. 100 de mises en chantier de plus. La hausse des ventes au détail a voisiné les 9 p. 100, en 1993. Voilà qui en dit long sur la confiance des entreprises. Le comportement du monde à l'égard d'une région donnée du pays est un bon baromètre, un indice qui ne trompe pas. Les projets d'investissement en capital ont été en hausse de 6 p. 100 au cours des années 1992-1993, soit quatre fois plus que la moyenne nationale. C'est la preuve que les gens d'affaires ont confiance dans l'économie de la Colombie-Britannique et sont prêts à y investir.

J'ai ici une brochure qui vante, sur des pages et des pages, les initiatives positives qu'a prises le gouvernement provincial. Je vais m'en tenir à un tableau intéressant. On parle beaucoup de l'économie mondiale, de la nécessité de s'intégrer à ce grand marché et du fait que notre avenir dépend de notre capacité de rivaliser avec nos concurrents du monde entier. On peut y lire qu'environ 80 p. 100 de nos exportations sont acheminées vers un seul pays, les États-Unis. Il en a toujours été ainsi, c'est un fait incontournable. Ma foi, pourquoi ne pas réaliser la majorité


1130

de nos échanges commerciaux avec un voisin aussi grand au sud, d'accès si facile?

C'est ce qui explique que certains d'entre nous ont du mal à comprendre pourquoi, à l'instar du gouvernement précédent, le gouvernement actuel est si impatient d'augmenter encore cette proportion, à moins que, à ses yeux, l'idéal ne soit de réaliser 90 p. 100 de nos échanges commerciaux avec les États-Unis. En effet, on nous a bien dit que la raison d'être de notre adhésion à l'ALE et à l'ALENA, c'était d'accroître nos échanges commerciaux avec les États-Unis et d'y exporter davantage.

(1740)

Existe-t-il dans le monde un pays qui nous dirait que nous avons bien fait de mettre 80 ou 90 p. 100 de nos oeufs dans le même panier, celui de l'exportation? Peut-être en est-il un. Je n'en connais pas. Peut-être que certains de mes collègues pourront me dire ce qu'ils en pensent. Quarante-neuf pour cent des exportations de la Colombie-Britannique sont destinées aux États-Unis. Le bois d'oeuvre est l'un de ses principaux produits d'exportation.

Or, dans quel secteur avons-nous le plus d'ennuis depuis la mise en oeuvre de l'ALE et de l'ALENA? Dans celui du bois d'oeuvre. Même avec ce produit qui représente 49 p. 100 de nos exportations à destination des États-Unis, nous n'avons eu que des ennuis dès le premier jour. L'ALE et l'ALENA ne nous ont pas mis à l'abri du harcèlement et des problèmes.

M. Milliken: Quel problème pour vous, Nelson!

M. Riis: J'entends que mon collègue veut aussi prendre part à ce débat un petit peu plus tard.

Ce que je veux dire, c'est qu'en Colombie-Britannique, nous sommes heureux. Notre prospérité a bien des causes et c'est pour toutes sortes de raisons que des gens viennent de tous les coins du Canada pour s'installer dans notre province.

Une voix: Le gouvernement là-bas est très bien.

M. Riis: En partie, parce que le gouvernement est très bien.

Des voix: Oh, oh!

M. Riis: L'une des raisons est que le gouvernement est très bien. Après tout, on nous dit constamment que les investisseurs étrangers sont très inquiets au sujet du gouvernement, notamment de sa responsabilité sur le plan financier. Peut-être que, pour la forme, nous pourrions demander quel gouvernement provincial a le mieux réussi à contrôler le déficit de sa province?

M. Milliken: L'Ontario.

Une voix: La Saskatchewan et la Colombie-Britannique.

M. McClelland: L'Alberta.

M. Riis: La réponse est la Colombie-Britannique. Il n'y a aucun doute. Mon collègue dit que c'est l'Alberta. J'ai observé M. Klein et je me pose des questions au sujet de sa façon de faire et des résultats.

M. Milliken: Il sabre dans tout. Parlez-nous de Bobby Rae.

M. Riis: Ne nous méprenons pas. J'ai dit ça en plaisantant. À mon avis, M. Klein a une façon de voir le monde qui est typique de celle des conservateurs ou peut-être de celle des réformistes. Nous verrons si ça fonctionne dans quelques mois.

En Colombie-Britannique, nous avons essayé d'appliquer une approche différente. Une approche que je qualifierai de vraiment démocratique et qui consiste à essayer de réduire le déficit sans sabrer dans les programmes sociaux. Nous l'avons fait. En fait, je ne pense pas qu'un seul économiste au Canada vous dira que nous n'avons pas réussi. Quiconque connaît les marchés financiers ne peut dire le contraire.

Je ne dis pas que c'est seulement grâce à Mike Harcourt et aux néo-démocrates. Il y a d'autres raisons, mais c'est un point que je tenais à faire valoir à la Chambre, car presque personne n'en parle.

M. Harvard: Venez-en aux faits, Nelson.

M. Riis: Il faut situer le projet de loi C-3 dans un certain nombre de contextes. Quels sont les autres programmes du même genre auxquels participe le gouvernement fédéral?

Le député a parlé tout à l'heure du financement des programmes établis. Le gouvernement fédéral verse dans ce programme une contribution d'environ 11 milliards de dollars au titre des soins de santé et de l'enseignement postsecondaire. Le gouvernement fédéral verse sept milliards de dollars au Régime d'assistance publique du Canada, le RAPC, et participe, par l'entremise de ce programme, à l'élaboration de toute une série de programmes sociaux.

Bien entendu, il faut également inclure ici toute la question des points d'impôt et celle des programmes à frais partagés. L'an dernier, près de 12 milliards de dollars ont été consacrés à un programme à frais partagés entre le gouvernement fédéral et les provinces. Dans notre province, on pense tout de suite à l'Entente sur la mise en valeur des ressources forestières, l'un des programmes d'investissement qui se porte le mieux et qui consiste pour le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial à investir, en collaboration avec le secteur privé de la Colombie-Britannique, dans la mise en valeur future des ressources forestières tout en garantissant un développement suivi.

Le gouvernement fédéral a décidé d'abandonner sa participation à ce programme. De se retirer de ce programme. Même s'il reconnaît que la foresterie est le plus grand secteur d'exportation au Canada, il a laissé tomber le ministère des Forêts et cesse de contribuer à cette entente, ce qui est une mesure très régressive.

Il faut soulever la question. Récemment, quand il a présenté le programme d'infrastructure, le gouvernement fédéral a déclaré que toutes les provinces allaient recevoir un certain montant. Si je me souviens bien, la Colombie-Britannique devait recevoir 220 millions de dollars. Ce montant était essentiellement calculé en fonction de la population à 5 p. 100 près, selon le taux de chômage dans une province donnée. Autrement dit, il y avait là un effort de péréquation. Cela se produit souvent dans les programmes fédéraux.


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(1745)

Si nous avons un programme global de péréquation visant à créer des conditions relativement égales quant à la capacité des gouvernements provinciaux d'offrir des services et d'avoir des systèmes de perception des recettes relativement semblables, est-il nécessaire, lorsque nous lançons un programme de ce genre sur une échelle aussi grande, comme nous le faisons au moyen de ce projet de loi, d'avoir également toute une autre série de programmes de péréquation? Un programme ne suffit-il pas?

Nous devons examiner cette question dans ce contexte et dire que même si nous traitons de la péréquation dans le projet de loi C-3, on peut se demander ce qu'il en est dans les autres domaines où on essaie également de mettre en oeuvre un programme de péréquation. Pour évaluer la valeur de ce projet de loi, pour déterminer si on doit le maintenir sous sa forme actuelle, étendre sa portée ou la réduire au contraire, je crois que nous devons voir les choses de ce point de vue et nous n'avons pas suffisamment de renseignements dans le cas présent. Peut-être qu'au comité, nous pourrons exiger plus de détails et tenir à ce moment-là un débat plus sérieux sur la question.

Je suppose que ce sont là les plaintes que je voulais formuler dans le cadre de mon intervention. J'entends d'autres provinces s'offusquer de ne pas recevoir assez en fonction de la taille de leur population et le reste. Cependant, je vais soulever cette question pour la forme plutôt, car au fil des ans, je n'ai jamais pu trouver un seul programme fédéral donnant à la Colombie-Britannique sa juste part. Il se peut qu'il en existe. Je n'en ai pas encore découvert un seul qui tienne compte de notre population. . .

Une voix: Vous pouvez compter sur un climat agréable.

M. Riis: Mon collègue dit que nous pouvons compter sur un climat agréable. C'est peut-être vrai et nous en sommes heureux. Cependant, je pense à des programmes qui sont davantage liés au gouvernement fédéral à ce stade-ci. Je sais que les ministériels revendiquent toutes sortes de choses, mais ils ne sont certes pas responsables du temps qu'il fait au Canada.

Y a-t-il un seul programme fédéral financé par les deux ordres de gouvernement qui est équitable à l'égard des habitants de la Colombie-Britannique? Je pourrais vous présenter une longue liste de chiffres qui montrent les domaines dans lesquels nous sommes perdants. Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Je tiens simplement à apporter cette précision.

Ainsi, même dans ce climat, même si nous sommes conscients qu'aucun programme fédéral ne donne à la Colombie-Britannique ce qui lui revient, du moins en fonction de sa population, nous ne rechignons quand même pas à participer à ce programme de péréquation.

Je suis député depuis des années et dans toutes les discussions que j'ai eues avec mes électeurs et d'autres personnes, je n'ai jamais entendu qui que ce soit remettre en question notre volonté de partager avec les autres. J'entends beaucoup de gens dire que nous sommes les perdants, les dindons de la farce et le reste, que nous n'obtenons pas, en fait, notre juste part du gouvernement fédéral. Cependant, je m'en tiendrai là pour le moment. J'aurai d'autres occasions de soulever cette question.

Je veux simplement dire en terminant que j'apprécie d'avoir la possibilité de participer à ce débat. Cependant, même si je ne veux pas imiter les réformistes qui disent qu'un tel ou une telle dans leur circonscription leur a demandé de soulever une question donnée, je vais quand même dire que certains de mes électeurs m'ont invité à tout le moins à soulever la question au nom de la ville de Vancouver, car ils ont le sentiment d'être traités de façon inéquitable. Cela ne s'applique certes pas qu'à la ville de Vancouver ou à toute autre ville, du moins pour ce qui est de la politique d'immigration.

Lorsque le gouvernement fédéral établit sa politique d'immigration et, comme l'a fait le ministre compétent l'autre jour, il fixe une nouvelle série de quotas ou de limites quant au nombre de personnes admises au Canada. Une grande partie de ces immigrants aboutissent dans la région de Vancouver et ce sont ensuite les conseils scolaires et les contribuables de Vancouver qui doivent leur offrir les programmes de formation linguistique nécessaires et le reste, du moins dans une certaine mesure.

On demande au gouvernement de tenir compte de la réalité: les immigrants choisissent certaines régions du pays. Que le gouvernement apporte alors l'aide et la collaboration voulues pour assurer ces services à ces néo-Canadiens.

Pour être juste, je reconnais qu'il y a des programmes utiles à cette fin, mais lorsqu'il s'agit de formation linguistique en anglais ou d'enseignement de l'anglais comme langue seconde, particulièrement dans notre réseau scolaire, le fardeau financier devient trop lourd à supporter.

En conclusion, je voudrais simplement dire que j'ai été très heureux de participer à ce débat. J'attends avec impatience, surtout au comité, de procéder à un examen plus approfondi de certaines des questions soulevées par mes collègues et de participer au débat en troisième lecture par la suite.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Madame la Présidente, j'ai beaucoup apprécié le discours du député de Kamloops. J'ai remarqué qu'il avait abordé quelques thèmes chers au Parti réformiste, dont la question de la double péréquation qui caractérise certains programmes fédéraux. Il a traité du problème de l'aliénation des provinces de l'Ouest, de l'effet de ces programmes sur sa province et de l'effet de l'interaction qui se produit entre ces programmes et le programme de péréquation. J'admets tout cela. Je ne dirais pas que c'est un bon réformateur, mais j'admets qu'il a raison. Si vous me permettez l'expression, je dirai que ses arguments étaient autant de rayons de sagesse éclairant son discours, comme le soleil illumine les plaines de Colombie-Britannique.


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(1750)

Cela étant dit, j'ai une question à lui poser au sujet d'une observation qu'il a faite sur la relation entre la politique budgétaire et la croissance économique que nous connaissons actuellement. Il avait bien sûr envie d'attribuer ces bons résultats au gouvernement actuel de Colombie-Britannique, mais je pense qu'il serait juste de dire que depuis une génération au Canada, les gouvernements fédéraux ou provinciaux ont fait une bien mauvaise gestion budgétaire. La Colombie-Britannique est l'un des endroits où le rendement économique est resté assez bon. En conséquence, la croissance économique de la Colombie-Britannique est restée assez vigoureuse, à une époque où les autres provinces sont aux prises avec des déficits et des dettes bien supérieurs.

Le député accepterait-il de reconnaître qu'il existe une relation à long terme entre le déficit, la dette et un rendement économique faible? En outre, reconnaîtrait-il que les gouvernements de Colombie-Britannique ont toujours su éviter ce genre de piège, dans une mesure raisonnable?

Finalement, pour ce projet de loi particulier, recommanderait-il que, dans le processus de révision future des programmes de péréquation, on envisage de rajuster les paiements de transfert en fonction du rendement économique que les gouvernements ont su conserver?

M. Riis: Je remercie mon collègue pour sa question.

Je me permettrai d'apporter un éclaircissement sur une des choses qu'il a dites. Je ne crois pas qu'il voulait dire que le gouvernement du Crédit social ait bien géré les affaires de la province; ce n'est pas mon avis.

Tous se rappelleront que lorsque le gouvernement néo-démocrate est entré en fonction en Colombie-Britannique, il a fait venir un cabinet d'experts-comptables parmi les plus réputés au monde afin de vérifier les livres. Or, on a constaté que la situation financière était un désastre complet. Nous partirons donc de cette situation, un peu comme le fait sans doute le gouvernement actuel qui hérite de la situation qu'a laissée le gouvernement conservateur au Canada.

Je reconnais cependant qu'on comprend de façon générale depuis un certain temps l'importance de maîtriser la dette et le déficit de la Colombie-Britannique.

Si ma mémoire est fidèle, aucune province n'en a mieux fait la preuve que la Saskatchewan. Il semble qu'il y ait eu un modèle d'action; il s'agit d'un modèle intéressant, mais je ne veux pas abuser du temps de la Chambre pour en parler. Il m'apparaît cependant qu'après leur élection, les gouvernements néo-démocrates et CCF avaient l'habitude de mettre de l'ordre dans les finances publiques; après un certain temps, la population change de gouvernement, ce qui est normal, et le remplace par un gouvernement libéral ou conservateur qui, à son tour, remet la pagaille dans les finances publiques. Ce gouvernement est à son tour mis à la porte et de nouveau remplacé par un gouvernement CCF ou néo-démocrate, qui remet de l'ordre dans les finances, et ainsi de suite.

C'est ainsi que vont les choses dans cette province.

M. Harvard: Vous ne feriez pas un bon historien, Nelson.

Une voix: C'est comme ça que ça se passe en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.

M. Harvard: Et en Ontario?

M. Riis: Quand je parle de mettre de l'ordre dans les finances de la Saskatchewan ou de la Colombie-Britannique, cela sous-entend que nous devons en faire autant au sujet de la dette et du déficit. Cela ne fait aucun doute.

M. Milliken: Demandez à Bob Rae.

M. Riis: Eh bien dans ce cas demandons à Clyde Wells. Je prenais simplement cet exemple parce qu'il constitue un bon cas d'espèce. La question qu'il faut se poser est la suivante: «Quels sont les gouvernements qui font preuve d'efficacité?» Il semble bien que ce soit ceux du CCF et du Nouveau Parti démocratique en Saskatchewan et le gouvernement néo-démocrate en Colombie-Britannique.

Une voix: Et au Yukon?

M. Riis: Quelqu'un s'interroge au sujet du Yukon. Il en va de même de ce territoire.

Je ne prétends pas que les gouvernements néo-démocrates obtiennent toujours des résultats parfaits, et je ne crois pas non plus que quelqu'un ici affirmerait que les conservateurs ou les libéraux-les réformistes ne sont pas là depuis assez longtemps-se montrent efficaces partout. Il faut cependant chercher des modèles d'excellence autour de nous, des exemples de personnes qui ont bien fait leur travail. C'est pourquoi j'affirme que le gouvernement de la Colombie-Britannique se tire bien d'affaires, tout comme l'ont déjà fait les gouvernements néo-démocrates et CCF en Saskatchewan.

En ce qui concerne le point soulevé par mon collègue, je lui répondrai qu'il lui faut effectivement maîtriser la dette et le déficit.

Comment y arriver? M. Ralph Klein essaie à sa manière, mais il ne semble pas réussir. Les conservateurs ont fait la même chose avant lui. Comme eux, M. Klein sabre partout et attend les résultats. Jusqu'à maintenant, la réussite se fait attendre.

J'ai siégé à la Chambre durant les neuf années de gouvernement progressiste-conservateur qui a tenté, c'est du moins ce qu'il prétendait, d'appliquer cette approche, mais la situation n'a jamais été aussi mauvaise au Canada qu'elle ne l'est maintenant. Nous accusons un déficit de 500 milliards de dollars. De toute évidence, la population canadienne cherche une solution tout à fait différente.

(1755)

La Colombie-Britannique fait les choses d'une façon légèrement différente. Elle a supprimé tout un tas de dépenses gouvernementales inutiles. Mais elle a reconnu que le gouvernement pouvait également investir. Et elle s'est mise à investir dans divers secteurs. Elle investit, par exemple, dans le développement des entreprises de technologie de pointe, attirant et formant des techniciens hautement qualifiés, mettant de l'argent dans la recherche et le développement, jusqu'à la production. Autrement dit, elle a reconnu que les fonds publics pouvaient être investis ou simplement dépensés et que cela, il fallait l'éviter. Et c'est bien ce qu'elle fait.


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J'ai le plaisir de pouvoir annoncer que, grâce à cela, dans deux ans, elle aura probablement équilibré son budget; elle sera sans doute la seule province à y être parvenu. C'est au fruit qu'on juge l'arbre. Je ne prétends pas que tout ce que fait le gouvernement de Colombie-Britannique soit parfait. On ne peut dire cela d'aucun gouvernement. Toutefois, pour ce qui est de gérer l'économie, il semble s'y prendre mieux que n'importe qui d'autre au Canada.

Je crois que le député a posé une bonne question. Ce n'était pas vraiment une question puisqu'il m'a simplement demandé si j'étais d'accord. Dans les grandes lignes, je le suis.

Que la péréquation soit liée à la bonne gestion financière des provinces, si telle est bien la question, me semble une idée intéressante. C'est le genre de chose que j'aimerais voir discuter plus en profondeur en comité, de façon à cerner les conséquences d'une telle mesure, particulièrement sur les régions les plus pauvres du Canada. Je me garderai de nommer ces provinces, mais je crois que certaines auraient énormément de mal à survivre sans la péréquation, non seulement en ce qui a trait aux programmes, mais aussi à tout le reste. Pour répondre aux député, il suffit probablement de dire qu'elles font bien leur travail.

[Français]

M. René Canuel (Matapédia-Matane): Madame la Présidente, depuis le début de ce débat sur le projet de loi C-3, plusieurs spécialistes ont voulu démontrer par des chiffres que la péréquation n'était pas nécessairement équitable, ce dont je suis sûr.

Étant d'un comté éloigné et également des plus pauvres, je suis à même de voir que les cultivateurs de chez nous sont obligés de vendre leur ferme, que le bois de chez nous s'en va un peu partout, n'étant pas fini ici. Il y a donc de sérieux problèmes. Et je ne suis pas prêt à dire que cette équité existe d'un océan à l'autre, du moins pas chez moi.

Mais je vais m'attarder davantage à un domaine bien précis: l'éducation. Je parlerai donc plus particulièrement des paiements de transfert destinés à l'éducation. Pour un pays comme le Canada et pour un futur pays comme le Québec, il est absolument essentiel que nous consacrions le maximum d'énergie à la formation de la main-d'oeuvre. J'ai consacré ma vie à l'éducation et je sais que sans formation, on ne peut de nos jours aspirer à un niveau de vie acceptable.

L'éducation et la formation sont les clés de notre développement économique, social et culturel. Ce sont aussi les clés de notre succès sur le plan intérieur et sur le plan international. Notre main-d'oeuvre doit être de mieux en mieux formée si nous voulons être capables de faire face aux défis du présent, et surtout à ceux de l'avenir.

C'est en 1951 que le gouvernement fédéral a commencé à accorder des subventions directes aux universités, même si l'enseignement était officiellement une compétence des provinces. Le Québec s'y était fortement opposé à ce moment-là, et avec raison.

En 1961, le fédéral a transféré au Québec 1 p. 100 du revenu imposable des sociétés pour que cette province puisse disposer des ressources financières nécessaires au versement de subventions équivalentes à ses institutions d'enseignement.

En 1967, les ententes du partage des frais d'enseignement postsecondaire ont été révisées. Le gouvernement fédéral transféra alors aux provinces des montants équivalents à 50 p. 100 des frais de fonctionnement des établissements d'enseignement postsecondaire. Ces ententes ont alors pris la forme de transferts de points d'impôt et de versements en espèces dans toutes les provinces. En 1977, ces ententes furent regroupées dans le cadre du financement des programmes établis.

(1800)

Auparavant, seule une élite avait accès à l'éducation dite supérieure. L'instruction, comme on l'appelait alors, était le fait d'une minorité. À cette époque, la seule université qui desservait toute la Gaspésie, la Côte-Nord et le Bas-Saint-Laurent était l'Université Laval. Et tous les autres de nos régions, qu'on appelait les pauvres, n'y avaient pas accès. Cela veut dire que quelques-uns, certaines élites, pouvaient aller à l'université et les autres restaient chez eux, parce qu'on n'avait pas les moyens d'y aller. À ce moment-là, qu'est-ce qu'ils faisaient? Ils devenaient des assistés sociaux ou des chômeurs.

Quoi qu'il en soit, après la Seconde Guerre mondiale, il y eut une explosion des moyens de communication de masse. La Terre allait devenir un village global. Il n'était plus possible de nier à l'ensemble le droit à une meilleure formation. Notre système fut vite débordé. Il y eut un si grand nombre de nos jeunes qui désiraient avoir accès à l'éducation, qu'en 1967 furent créés les collèges d'enseignement général et professionnel.

Le ministère de l'Éducation du Québec d'alors se disait incapable de répondre à la demande. Seulement dix collèges virent le jour cette année-là; les autres le furent par la suite. L'évolution ne s'arrêta pas là. Il fallut créer ou agrandir des universités pour répondre à la demande. Des sommes colossales y furent investies par les gouvernements. Autre élément fort important de cette période fut la volonté populaire de bien se former dans des secteurs dits professionnels.

Le retour des soldats au pays, après la Seconde Guerre mondiale, fut un élément déclencheur. Il fallait trouver des emplois pour eux; il fallait les réintégrer au marché du travail. Mais avant cela, il fallait surtout les former afin de leur donner le maximum de chance. Nous avons donc créé dans tout le pays un réseau d'écoles techniques qui furent intégrées au cours des années 1960 et 1970 aux collèges actuels. Seules quelques-unes sont encore indépendantes.

D'autre part, les adultes qui étaient déjà sur le marché du travail souhaitaient aller plus loin et eux aussi avoir accès à des études supérieures. Il y eut une augmentation incroyable de la demande en éducation. Tout cela nous a conduit à doter le pays d'un système d'éducation valable et à augmenter d'autant le niveau de scolarisation de la population en général. Dans cer-


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tains secteurs de l'activité, le niveau de formation doubla très vite.

Un autre élément fort important de cette révolution partout en Amérique fut l'entrée des jeunes filles et des femmes dans les collèges. Auparavant, c'étaient des hommes qui avaient accès à l'éducation. Les efforts que nous avons consacrés à l'éducation font que, aujourd'hui, au Québec, il y a plus de femmes que d'hommes dans les collèges, à poursuivre des études supérieures, et c'est très bien ainsi.

Malgré nos réussites, notre système d'éducation doit être amélioré et c'est pour cela que pour des études postsecondaires, il faut que le gouvernement fédéral aide. Dans mon comté, il n'y a qu'un cégep et aucune université. Toute augmentation de frais de scolarité empêche une partie de nos jeunes d'accéder à l'enseignement postsecondaire, si nécessaire pour faire face au défi de l'an 2000.

Chaque dollar investi en moins signifie que nous condamnons nos jeunes et aussi les adultes de chez nous à vivre d'assurance-chômage et de bien-être social. Chaque année, chez moi, le taux augmente. Est-ce cela que ce gouvernement s'apprête à faire? Est-ce cela que nous souhaitons, du chômage et des assistés sociaux? Il n'est pas possible, en 1994, de revenir en arrière. En investissant moins dans l'éducation postsecondaire, pensons-nous pouvoir poursuivre le développement de ce pays et se tirer des problèmes économiques qu'il traverse?

(1805)

Il est certain que notre système d'éducation n'est pas parfait. Il est, par contre, fort défendable, particulièrement au Québec. Comme tout système, il faut continuer de l'améliorer. Et ce n'est pas en lui coupant les vivres que nous pourrons le faire.

Nous avons donné la parole aux parents dans notre système d'éducation et nous avons également donné la parole aux enseignants. Il nous appartient maintenant, en tant qu'État, d'assumer les droits à la parole que nous leur avons accordés. Les parents parlent fort, mais les étudiants de 16 à 20 ans parlent fort également. Ils ont peur du chômage. Aujourd'hui, je parle en leur nom.

Peut-on encore, une fois de plus, revenir en arrière sur ce point?

Il faut ramener le débat où il doit vraiment se situer. Souhaitons-nous un meilleur avenir pour nos concitoyens et nos concitoyennes? Souhaitons-nous offrir une véritable chance à nos jeunes qui sont désespérés? Souhaitons-nous que le Canada et le Québec continuent à se situer avantageusement dans le cortège des nations développées? Si cela est le voeu de ce gouvernement, il ne peut couper dans les transferts aux provinces, surtout dans l'éducation postsecondaire. C'est notre avenir qui en dépend. L'éducation postsecondaire est, de surcroît, un pouvoir provincial. Au Québec, nous avons besoin de toutes les ressources disponibles.

Je veux me prononcer ici contre le principe du plafond de péréquation. Pour le Québec, cela représente une perte de centaines de milliers de dollars au cours des cinq prochaines années.

Je me prononce donc contre le projet de loi C-3 parce que celui-ci reconduit la modalité plafond des paiements de péréquation. Il faut au contraire une réforme complète de tous les paiements de transferts aux provinces.

Les coupures effectuées par le gouvernement fédéral dans le cadre du financement des programmes établis ont diminué la part du fédéral dans le financement des programmes de santé et d'éducation postsecondaire du Québec de 45 p. 100 à 32 p. 100 de 1984 à 1993. Les dépenses en recherche et développement du gouvernement sont beaucoup plus faibles au Québec quel que soit le critère utilisé.

Il est inadmissible que ce gouvernement vienne assombrir notre avenir en nous privant des sommes d'argent que nous envoyons en impôts et qui devaient être consacrées à l'éducation de nos jeunes et de nos adultes. C'est trop important pour la survie du Québec et de la circonscription de Matapédia. Tant et aussi longtemps qu'on paiera des impôts, tant et aussi longtemps qu'on paiera des taxes, il nous faut ce retour. Il est trop important pour les jeunes gens et les adultes de ma circonscription. Madame la Présidente, soyez assurée que je vais le réclamer.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest): Madame la Présidente, j'ai écouté le discours de l'honorable député de Matapédia-Matane avec attention. Si je l'ai bien compris, il ne parlait pas seulement du traitement que reçoit le Québec dans le Canada, mais aussi du traitement que reçoit sa région du Québec dans la province de Québec. C'est un point très intéressant pour nous.

(1810)

Est-ce qu'il croit qu'au niveau des programmes fédéraux, comme la péréquation avec ce projet de loi-ci-et c'est la question que je me pose-si on en modifiait la formule, que le gouvernement fédéral pourrait encourager celui du Québec à dépenser une partie de l'argent de péréquation dans les régions les plus pauvres du Québec? Je pense que c'est le but visé par de tels programmes. Ne croit-il pas qu'il est important que le gouvernement provincial dépense l'argent obtenu de la péréquation dans sa région et pas seulement dans des grandes villes comme Montréal ou Québec?

M. Canuel: Madame la Présidente, je remercie mon collègue qui démontre une sensibilité extrême pour les régions. Il est vrai que très souvent, quand nous pensons Canada, nous pensons également aux grandes villes. Les grandes villes sont assez souvent représentées par plusieurs députés, parfois par plusieurs ministres, et c'est pour cela que je dis qu'une région comme la mienne, et comme la sienne probablement aussi, sont un laboratoire d'échecs du fédéralisme.

En miniature, le fédéralisme, où il rate son coup, c'est particulièrement dans nos régions; c'est partout au Québec, mais plus particulièrement dans les régions. Il est vrai que la péréquation, le transfert, devrait aider les régions les plus pauvres. Moi je suis une voix, et comparativement à Toronto, Vancouver ou Montréal, les députés des régions ne sont pas écoutés, car nous représentons très peu de monde.

Quand je me suis présenté dans ma circonscription, c'était pour une raison tout à fait spéciale, essayer de sensibiliser le monde urbain à la pauvreté de nos régions. Nous avons beaucoup de talent. Nous avons un capital humain incroyable, mais ce capital humain quand il s'en va dans les grandes universités, on le sait, ne revient pas. À ce moment-ci, je suis tout à fait d'accord avec mon collègue, qu'il va falloir penser aux régions et leur donner le maximum parce que si les villages n'existent plus, les villes diminueront et elles n'existeront plus non plus.


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Je remercie mon collègue et je suis très sensible à ses propos. C'est vrai qu'on devrait aider davantage nos régions.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Madame la Présidente, j'aimerais féliciter mon collègue de Matapédia-Matane pour son excellent exposé et j'aimerais surtout le féliciter d'avoir eu la bonne idée de parler de la ruralité québécoise et de la ruralité canadienne.

J'ai eu l'occasion et la grande chance d'être associé à un bel exercice qui a eu lieu en février 1990 au Québec qu'on a appelé les États généraux du monde rural. Tout ce qui est ressorti de ces États généraux, qui ont duré plus de trois jours, mais avec une préparation de plus d'un an, c'est que justement, on ne faisait pas suffisamment pour la ruralité québécoise et même la ruralité canadienne. On avait toujours tendance à examiner la situation des programmes gouvernementaux, la fiscalité et même la Constitution en fonction des besoins des villes plutôt qu'en fonction du monde rural.

Je tiens à le féliciter pour cela et à ajouter à ses arguments sur le fédéralisme versus la ruralité. Il y a un concept, à l'heure actuelle, qui s'appelle la subsidiarité qui dit à peu près ceci: si on veut avoir de bons résultats des mesures gouvernementales, il ne faut pas des mesures très centralisées dans un gouvernement d'une lourdeur excessive, dans un gouvernement ankylosé, mais une décentralisation massive. Dans le cadre du débat sur la souveraineté du Québec, dans le cadre de l'accession du Québec à la souveraineté, il y aura aussi un débat à faire sur la subsidiarité, c'est-à-dire rapprocher le pouvoir des citoyens, en particulier dans le monde rural.

(1815)

M. Patrick Gagnon (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada): Madame la Présidente, j'ai également quelques commentaires à faire sur le discours qu'a prononcé mon voisin du comté de Matapédia-Matane.

Évidemment, le député a voulu plus ou moins faire un plaidoyer en nous disant que les malheurs, la misère qu'on retrouve en régions éloignées est carrément la faute du fédéralisme. On parlait d'échec du fédéralisme dans les régions.

J'inviterais quand même le député à revoir un peu les politiques provinciales, politiques qui ont même été mises en place par les derniers gouvernements, non seulement de 1985, mais surtout de 1976. Je crois que ce n'est pas nécessairement le fédéral qui a manqué à l'appel des régions, mais c'est également la province.

D'ailleurs, on voit de plus en plus un certain retour des jeunes, d'entrepreneurs, dans les régions éloignées, pour redémarrer l'économie. Je crois que si on veut redémarrer l'économie régionale et locale, on doit investir davantage dans l'individu et pas nécessairement dans les États. Que l'on parle de l'État du Québec ou encore de l'État canadien, je crois que l'on devrait faire davantage pour le petit entrepreneur.

On a vu au fil des ans, surtout avec le gouvernement conservateur, et même avec le Parti québécois, à l'époque, que l'on n'avait pas assez misé sur la relance de la petite entreprise. Par exemple, dans le domaine des prêts à la petite entreprise, à la relance générale, on a rien vu de cela. Justement, c'est surtout à cause de sociétés gouvernementales ou du manque de coopération des institutions financières qu'on n'a pas pu relancer la petite entreprise et, si vous voulez, la vie de tous les jours dans le monde rural au Québec. Mais il est faux de dire que tout est dû au gouvernement fédéral.

Une voix: Oui, c'est faux.

M. Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine) C'est tout à fait faux, parce qu'il y a eu des tentatives positives du gouvernement fédéral dans la relance de l'économie régionale, comme par exemple le Bureau fédéral de développement régional. On nous parle d'un guichet unique au Québec, mais il y a des années qu'on parle de cela, et voilà pourquoi j'invite les gens du Bloc québécois à nous dire de façon précise de quelle façon le fédéralisme a vraiment été un échec au développement économique rural.

Je crois qu'en parlant de souveraineté et en en faisant une obsession dans l'est du Québec, on met en péril l'avenir de nos jeunes et en péril nos régions éloignées. J'y tiens à ma région, je suis un Gaspésien avant tout, mais je n'accepte pas que cela soit la faute du fédéralisme si on a un taux de chômage aussi élevé.

M. Canuel: Madame la Présidente, si ce n'est pas cela un échec du fédéralisme, l'honorable député dit que depuis quelques années, particulièrement dans mon comté, dans nos comtés, ce sont des fédéralistes qui sont au provincial chez nous. Alors de part et d'autre, fédéralistes pour fédéralistes, ce sont des fédéralistes, provinciaux ou fédéraux. Cela dit, le taux de chômage chez nous est de 21 p. 100 et il augmente constamment. Si ce n'est pas un échec, qu'est-ce que c'est?

Nos jeunes s'en vont tous. Si ce n'est pas le fédéralisme, fédéral ou provincial, parce que ce sont tous des fédéralistes chez nous, le Parti québécois n'est pas au pouvoir chez nous, alors à ce moment-là cela dépend de qui? Cela ne dépend pas du Parti québécois, ça ne dépend pas du Bloc, on vient d'arriver. On va améliorer la situation, mais laissez-nous le temps.

[Traduction]

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Madame la Présidente, je participe avec plaisir à ce débat sur le projet de loi C-3. Je crois que ce projet de loi aiderait les provinces canadiennes à stabiliser les programmes budgétaires des cinq prochaines années. Je suis favorable à ce projet de loi parce qu'il s'applique à l'ensemble du pays et surtout parce qu'il s'applique à la Saskatchewan, d'où je viens.

(1820)

Ce qui se produit en Saskatchewan depuis 10 ou 12 ans n'est rien de moins qu'une catastrophe. Permettez-moi de décrire brièvement ce qu'était la Saskatchewan entre 1971 et 1982. Le gouvernement de la province était alors formé par le Nouveau Parti démographique dirigé par le premier ministre Allan Blakeney. Le NPD était le seul gouvernement de l'époque au Canada à avoir présenté 11 budgets équilibrés de suite. Il n'y était pas


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parvenu simplement pour l'amour d'équilibrer le budget, mais bien par suite de la bonne planification du premier ministre, du cabinet et du gouvernement, et aussi parce qu'il considérait que les priorités de la population venaient au premier rang.

Même si son budget était équilibré, la Saskatchewan avait le taux d'imposition général le plus bas au Canada. Elle recevait des centaines de millions de dollars de recettes des industries extractives. Nous étions les seuls dans le monde à bénéficier d'un régime d'assurance de soins dentaires pour les enfants de 18 ans et moins. Nous avions un régime d'assurance-médicaments pour toute la population.

Nous pouvions bénéficier d'initiatives très importantes, non seulement dans le secteur de la santé, mais aussi dans celui de l'économie. Il y avait du travail et l'économie agricole élaborait de concert avec le gouvernement le type de programmes à entreprendre. Nous avons été des précurseurs en lançant des programmes tels que la banque de crédit agricole et l'établissement agricole, qui ont encouragé les jeunes à rester à la ferme et à s'engager dans le secteur agricole.

Au bout de 11 ans, soit à la fin des années 1970 à 1982, notre feuille de route incluait non seulement 11 budgets équilibrés, des gens qui travaillaient et d'excellents programmes sociaux, mais aussi un fonds du patrimoine d'environ un milliard de dollars. Notre dernier budget en 1981-1982 s'est soldé par un excédent de 139 millions de dollars au chapitre du fonctionnement.

En 1982, il s'est produit un événement que la population de la Saskatchewan n'oubliera probablement pas avant une ou deux générations. Aux élections du 26 avril 1982, Grant Devine et les conservateurs ont formé le gouvernement. Ils avaient remporté la victoire en disant qu'un gouvernement conservateur serait financièrement responsable et qu'il réaliserait de grandes choses pour la Saskatchewan.

Les conservateurs ont eu 10 budgets déficitaires de suite en neuf ans au pouvoir. Partant d'un excédent de 139 millions de dollars au chapitre du fonctionnement, ils ont endetté la province de 8 milliards de dollars. En 1982, nous avions une dette au titre du capital des sociétés d'État, c'est-à-dire une dette qui s'éteint d'elle-même comme une hypothèque, de 3 milliards de dollars, mais, après neuf années sous la direction de Grant Devine et du gouvernement conservateur, cette dette dépassait les 8 milliards de dollars et nous étions en outre confrontés à un lourd problème du fait que toutes nos sociétés d'État rentables étaient privatisées. Il n'y avait plus de recettes pour rembourser cette dette de 8 milliards de dollars au titre du capital.

En 1991, la population en a eu assez et elle a rejeté le gouvernement conservateur pour revenir à un gouvernement néo-démocrate. Notre population de moins de 500 000 d'habitants est confrontée à cette énorme dette de 16 milliards de dollars, ainsi qu'à une attaque virulente de la part du gouvernement canadien qui a réduit les paiements de péréquation. À ce chapitre, M. Mulroney et l'ancien gouvernement conservateur nous ont fait perdre en moyenne 252 millions de dollars par année. La Saskatchewan a donc été punie, même si elle était dirigée par un gouvernement provincial dont la philosophie était conservatrice. En effet, le traitement qui lui a été infligé ressemble davantage à une punition qu'à une récompense.

Il est donc évident que la Saskatchewan pouvait gérer ses propres finances, mettre en place des programmes sociaux progressifs et créer des emplois pour ses habitants. Tant qu'elle était dirigée par les néo-démocrates, la province a eu un plan et elle a réalisé des progrès, puis elle a pratiquement fait faillite en 1991. Cet échec est en partie dû aux réductions du financement des programmes établis et d'autres programmes de péréquation. La majeure partie de l'échec est évidemment attribuable au gouvernement de Grant Devine.

(1825)

Je tiens à faire remarquer ce soir que le projet de loi C-3 s'attaque à certains problèmes causés par l'ancien gouvernement, car il compense certaines pertes de recettes annuelles. Il ne les compense pas complètement, mais il établit une tendance à la hausse qui nous permettra d'avoir plus que notre juste part de plusieurs façons.

Si nous avons subi de lourds déficits en perdant nos paiements de péréquation dans les années 1980, c'est aussi parce que la formule de péréquation qui avait été négociée avec l'ancien gouvernement, donc entre les deux gouvernements conservateurs fédéral et provincial, avait éliminé la capacité de la province d'obtenir des revenus par des impôts sur les ressources. La formule pénalisait la Saskatchewan qui, pour chaque dollar que lui rapportait l'exploitation des ressources, perdait un dollar en paiements de péréquation.

Lorsque les prix de la potasse et du pétrole augmentaient à la suite de la hausse des prix mondiaux, les redevances qui étaient sensibles aux fluctuations des prix rapportaient davantage à la province. Cependant, nous observions une diminution des paiements de péréquation provenant du gouvernement fédéral égale à l'augmentation de nos recettes. Nous nous retrouvions dans une situation sans issue favorable. La province avait les mains liées lorsque venait le moment de gérer ses propres finances.

Je suis heureux de constater que le projet de loi donne un peu plus de latitude aux provinces. La mesure législative ne règle pas tous les problèmes, contrairement à ce que pouvait espérer la Saskatchewan, mais elle s'attaque à la question très cruciale de l'imposition des revenus. Elle modifie la formule de péréquation, ce qui réglera la question de la récupération qui influe sur les paiements de péréquation auxquels ont droit la Saskatchewan et, si j'ai bien compris, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. La Saskatchewan en retirera des avantages à long terme.

Certaines contraintes continueront de s'appliquer au gouvernement de la Saskatchewan, qui verra encore ses paiements de péréquation diminuer à mesure qu'augmenteront ses recettes provenant de l'exploitation des ressources. Cependant, on reconnaît de plus en plus l'autonomie des provinces et leur capacité à produire des recettes. D'ailleurs, ce projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Voilà une des raisons pour lesquelles je l'appuie. Il est également très important pour les gouvernements


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d'avoir un plan d'action. Il ne suffit pas de se présenter chaque jour à la Chambre et de penser seulement à l'immédiat.

Ce qui importe, à mon avis, c'est que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux aient un plan-un plan à long terme, un plan à moyen terme, un plan hebdomadaire, un plan quotidien-qu'ils sachent ce qu'ils vont faire dans les cinq prochaines années.

Sous la direction du gouvernement Romanow depuis 1991, la Saskatchewan a mis au point un plan quinquennal qui assurera en 1995-96 le premier budget équilibré depuis 1982. Nous, en Saskatchewan, en sommes très fiers. Cela n'a pas été facile. Il a fallu faire beaucoup de sacrifices, hausser les impôts et réduire certaines prestations. Nos options étaient très limitées.

À mon avis, le projet de loi C-3 est une bonne mesure. Je ne crois pas qu'il aille assez loin pour la province de la Saskatchewan, mais c'est déjà un pas dans la bonne direction. J'appuie donc en principe le projet de loi.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, les oui l'emportent.

Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.)

* * *

(1830)

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

L'hon. Douglas Peters (au nom du ministre des Finances) propose que le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Madame la Présidente, je lance le débat sur le projet de loi C-9. Ce projet de loi vise à apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu un certain nombre de modifications annoncées par le gouvernement conservateur en décembre 1992 et en avril 1993.

Ce gouvernement avait présenté le projet de loi C-136 dans le même but en juin dernier, mais il est resté en plan lorsque le Parlement a été dissous et que les brefs d'élection ont été émis. Il faut maintenant que le Parlement adopte un nouveau projet de loi pour modifier la Loi de l'impôt. Le projet de loi C-9 porte sur un certain nombre de sujets. Je vous les énumère.

Premièrement, il y a l'allégement des cotisations d'assurance-chômage pour les emplois créés par les petites entreprises en 1993. Deuxièmement, il y a la reconduction, jusqu'au 1er mars 1994, du Régime d'accession à la propriété qui permet de retirer des fonds d'un REER pour acheter une maison. Troisièmement, le projet de loi modifie les dispositions relatives aux acomptes provisionnels pour obliger les contribuables à haut revenu à verser ces acomptes tous les trimestres et pour permettre aux contribuables à faible revenu de n'effectuer qu'un seul versement par année. Enfin, il y a d'autres mesures destinées à soutenir la petite entreprise, la recherche et le développement en science, la prospection pétrolière et gazière, de même que les fonds de capital de risque mis sur pied par des syndicats.

Il convient de préciser pourquoi nous présentons ce projet de loi. Nous ne devons rien à l'ancien gouvernement que les Canadiens ont rejeté on ne peut plus clairement lors des élections d'octobre dernier. Le mandat que nous avons reçu repose sur une vision différente des choses. Nous offrons aux Canadiens l'espoir d'une collaboration qui nous sortira des problèmes dont nous avons hérité. Notre mandat repose sur la promesse claire de travailler pour que l'avenir soit différent et meilleur, pour que le Canada soit un pays prospère où tous peuvent apporter une contribution et avoir leur part du gâteau.

Cela étant dit, il importe que le gouvernement reflète toujours le sens de la justice et de l'équilibre des Canadiens. C'est à la lumière de notre mandat que nous avons évalué le projet de loi resté en plan et que nous le ressuscitons aujourd'hui. En termes simples, ces mesures fiscales ont été présentées il y a déjà quelque temps, depuis plus d'un an dans bien des cas, et certaines sont même arrivées à échéance. Lorsque l'ancien gouvernement les avait annoncées, il avait dit qu'elles entraient en vigueur à l'instant même et des milliers de Canadiens ont cru le gouvernement sur parole.

Ces contribuables se sont fiés à ce que disait le gouvernement conservateur et ont pris d'importantes décisions. Beaucoup, par exemple, ont retiré de l'argent de leur REER pour acheter ou construire des maisons et je suis convaincu que tous les députés conviendront que l'achat d'une maison est un engagement important pour une personne. D'autres Canadiens ont fait des placements importants ou ont engagé du personnel.

Dans la plupart des cas, les contribuables ne peuvent plus revenir sur les engagements qu'ils ont pris. Ils ont fait des gestes concrets et ont investi des économies durement gagnées. Nous ne parlons pas uniquement ici de plans d'avenir de certaines personnes. Par conséquent, si nous n'adoptions pas le projet de loi, beaucoup de gens se verraient dans une situation plutôt embarrassante. Ce serait injuste. Cela donnerait un dur coup à la


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confiance que leur gouvernement inspire aux Canadiens et nous devons toujours nous efforcer de garder cette confiance.

Cependant, nous n'agissons pas parce que nous nous sentons liés par des mesures du gouvernement précédent, ou par son inaction, pour être plus précis.

(1835)

Nous avons examiné attentivement les mesures proposées dans ce projet de loi et nous croyons qu'elles méritent d'être appuyées.

Une des mesures qu'on trouvait dans l'ancien projet de loi a été laissée de côté. Le gouvernement précédent avait proposé de payer le crédit pour TPS seulement deux fois par année aux Canadiens à faible revenu. Pour notre part, nous préférons que ce crédit soit payé chaque trimestre aux personnes admissibles durant la période où la TPS restera en vigueur, période qui, nous l'espérons, ne sera pas trop longue. Le gouvernement a promis de remplacer la TPS par une taxe plus juste et plus efficace. Le Comité des finances de la Chambre des communes examinera diverses solutions de rechange au cours des prochains mois.

En ce qui concerne les autres mesures, notre principale critique, c'est qu'elles ne représentent qu'un effort minime de la part du gouvernement précédent en vue de répondre à un besoin pressant dans notre pays, c'est-à-dire renforcer l'économie et créer des emplois. L'approche adoptée par le gouvernement précédent pour gérer l'économie-approche qui consistait en de la démolition pure et simple d'une part et du rafistolage inefficace d'autre part-n'a fait que prolonger indûment un ralentissement économique pénible et semer la détresse et la misère dans tout le pays.

À notre avis, nous avons besoin d'un processus à long terme qui nous permettra de réformer les politiques et les programmes gouvernementaux, et qui, pour reprendre les paroles de mon collègue le ministre des Finances, devra être créatif, humanitaire et constructif.

Je suis convaincu que le prochain budget amorcera un processus de réévaluation et de réforme qui contribuera à ramener le pays sur la voie de la création d'emplois et de la croissance économique dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Je demande à mes collègues d'en face de ne pas voir dans ce projet de loi une indication de la ligne de conduite que le gouvernement entend suivre pour gérer l'économie. Il nous permettra tout simplement de nous acquitter des obligations que la Chambre a envers les Canadiens.

En gardant cela à l'esprit, permettez-moi maintenant de présenter brièvement les mesures prévues dans le projet de loi. Premièrement, certaines ont des répercussions sur les particuliers. L'une d'elles prévoit en effet de prolonger jusqu'au 1er mars 1994 le Régime d'accession à la propriété. Je le répète, si le gouvernement revenait sur les promesses faites au sujet de ce programme, il léserait indûment des milliers de Canadiens.

Le projet de loi prévoit aussi qu'à compter de septembre prochain, certains Canadiens à haut revenu devront, tous les trimestres, verser des acomptes provisionnels au titre de l'impôt. Cette mesure touchera les contribuables qui doivent payer 2 000 $ d'impôt ou plus, outre l'impôt total retenu à la source. Au Québec, où nous ne percevons que l'impôt fédéral, le montant a été fixé à 1 200 $. Par ailleurs, quelque 300 000 déclarants à faible revenu n'auront plus à verser d'acomptes tous les trimestres; ils feront un paiement une fois l'an.

Certains députés diront peut-être que ces mesures ne sont pas encore entrées en vigueur et qu'on pourrait tout simplement les oublier sans que cela soit trop catastrophique pour les contribuables. Je leur répondrai que ces changements représentent une amélioration mineure, mais réelle du régime de l'impôt sur le revenu.

La plupart des Canadiens paient de l'impôt chaque fois qu'ils reçoivent un chèque de paie ou alors ils font des versements tous les trimestres. La simple justice exige donc que nous établissions les mêmes exigences pour les Canadiens qui disposent de revenus élevés non imposés à la source et qui, dans les faits, sont actuellement privilégiés. Par ailleurs, nous approuvons l'idée de simplifier la tâche aux déclarants à faible revenu, qui sont dans une large mesure des personnes âgées.

Une autre des mesures prévues dans le projet de loi est l'une des rares initiatives prises par le gouvernement précédent pour encourager la création d'emplois. L'exposé économique de décembre 1992 annonçait un gel d'un an des cotisations d'assurance-chômage pour les entreprises qui créent des emplois. Ce programme est passé inaperçu aux yeux des quelque 1,5 million de chômeurs au Canada. Quoi qu'il en soit, un certain nombre de petites entreprises ont pris au mot le gouvernement de l'époque, et nous devrions respecter cet engagement dans l'intérêt public.

Les mêmes remarques valent aussi pour d'autres mesures visant les petites entreprises. Celles-ci comprennent tout d'abord le crédit d'impôt temporaire à l'investissement consenti aux petites entreprises qui ont acheté des machines et de l'équipement admissibles entre le 2 décembre 1992 et le 31 décembre 1993.

(1840)

Deuxièmement, la reconduction jusqu'à la fin de l'année en cours du programme de financement pour la petite entreprise, permettant aux petites entreprises en difficulté financière de refinancer jusqu'à 500 000 $ de dettes à des taux d'intérêt réduits.

Troisièmement, la suppression de la limite des actions de petite entreprise détenues par les REER et les FERR.

Quatrièmement, l'extension du crédit d'impôt à l'investissement de 35 p. 100, qui est offert aux petites sociétés privées sous contrôle canadien, pour les dépenses admissibles de recherche et de développement.

Par ailleurs, le projet de loi mettra en application certaines améliorations générales apportées aux stimulants sous forme de dégrèvement d'impôt qui sont offerts pour encourager la recherche et le développement au Canada. Il supprime également le crédit annuel maximal d'impôt à l'investissement. Ce crédit


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maximal, établi en 1987 par le gouvernement précédent, réduisait l'efficacité des stimulants sous forme de crédit d'impôt à l'investissement pour les entreprises en croissance rapide, qui constituent l'un des moteurs de la création d'emplois au Canada.

Le projet de loi vient également en aide aux sociétés exploitantes de ressources naturelles en permettant aux actionnaires de déduire 100 p. 100 de la première tranche de 2 millions de dollars de frais d'aménagement relatifs au pétrole et au gaz qui leur sont transférés directement. Il donne également à ces sociétés plus de souplesse dans la gestion de leurs affaires en éliminant la déduction obligatoire relative aux frais d'exploration au Canada.

Enfin, le projet de loi mettra en oeuvre de nouvelles règles, plus souples, concernant les placements dans les sociétés à capital de risque de travailleurs.

Je me permettrai de répéter en terminant la position que j'ai exposée au début de mon intervention. Notre gouvernement ne trouve rien à redire à l'objectif sous-jacent que poursuivait le gouvernement précédent en annonçant ces mesures. Aucun parti représenté à la Chambre ou à la législature précédente n'est contre la création d'emplois en principe. Il s'agit cependant de savoir quels partis sont en faveur de la création d'emplois en pratique. La question a été posée aux électeurs, qui ont répondu clairement. Nous ne présentons pas les mesures contenues dans le projet de loi comme la solution au défi de la création d'emplois, mais nous reconnaissons la valeur de cet effort. Chose également importante, nous reconnaissons les engagements pris par les chefs de petite entreprise, par ceux qui ont fait l'acquisition d'une première maison et par les autres contribuables qui se sont fiés à ces mesures qu'on leur avait annoncées.

C'est dans cet état d'esprit que j'exhorte les députés à appuyer le projet de loi.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'opportunité de me prononcer sur le projet de loi C-9.

Le projet de loi C-9 concrétise, comme vient de l'expliquer notre collègue, les mesures annoncées dans le discours économique de l'ancien gouvernement en décembre 1992 et des mesures annoncées aussi lors du dépôt du dernier budget du gouvernement précédent, celui-là même qui a été balayé de façon foudroyante lors des dernières élections fédérales.

Nous allons étudier ce projet de loi au Comité permanent des finances. Et ce que le Bloc québécois propose à ce moment-là, c'est d'analyser chacun des points, même si pour certains le gouvernement considère ceux-ci comme étant une simple formalité. Ceci nous permettra, pour des mesures qui nous semblent très positives pour certaines, telle l'extension de l'utilisation des fonds de REER à l'accession d'une première propriété ou de mesures concernant les sociétés à capital de risque des travailleurs, donc ceci nous permettra, durant l'examen article par article du projet de loi C-9, de voir s'il n'y aurait pas lieu de faire des recommandations au gouvernement pour extensionner davantage ce type de programmes. Je pense que c'est un des rôles du Comité permanent des finances.

Ceci dit, à la lumière de l'examen de ce projet de loi, je n'ai pas eu de révélation parce que je connaissais les actions du précédent gouvernement, mais j'ai quand même, tout comme mon collègue, réalisé que le dernier budget du gouvernement conservateur était un budget de mesures de court terme, de mesures palliatives d'une situation économique catastrophique qu'ils avaient eux-mêmes créée en grande partie. Une récession par exemple qui, après le premier trimestre de 1990 est devenue une récession sans précédent, qui a fait passer le taux de chômage canadien d'un peu plus de 9 p. 100 à 12 p. 100; un taux de chômage canadien chez les jeunes aussi dont, encore récemment, les dernières données disponibles pour le dernier trimestre de 1993 nous indiquaient que chez les moins de 25 ans, le taux de chômage était de 17,5 p. 100.

(1845)

Il y a le taux d'inactivité aussi. On prend l'exemple du Québec car c'est celui qu'on connaît le plus. Alors, le taux d'inactivité au Québec, c'est-à-dire le taux de chômage plus les personnes qui ne sont plus à la recherche d'emploi parce qu'elles ont été tellement découragées par les mesures économiques du gouvernement précédent qu'elles ne cherchent plus de travail, donc, le taux d'inactivité est passé, en cinq ans, d'une moyenne d'à peu près 19 p. 100 à près de 25 p. 100 au Québec.

Alors ce sont des effets dévastateurs de la politique des conservateurs. Il est évident qu'on retrouve, dans le projet de loi C-9, dans le dernier Budget, quelques mesures parcellaires, quelques mesures partielles et non vigoureuses pour atténuer, pour panser la blessure qu'ils avaient eux-mêmes créée.

Ceci dit, j'aimerais, au cours des prochaines minutes-je ne prendrai pas trop de votre temps-faire le tour des causes de ce marasme, des causes aussi qui ont conduit à cet état catastrophique de l'économie, de façon à faire en sorte que l'actuel gouvernement ne répète pas les mêmes erreurs.

Donc, la situation économique qu'on a connue depuis le premier trimestre 1990 est le fait conjugué de trois facteurs principaux. Le premier de ces facteurs, c'est une gestion des finances publiques très déficiente. Le deuxième, la politique monétaire des conservateurs et le troisième, la conjoncture économique internationale qui a exacerbé une situation économique, une situation catastrophique des finances publiques canadiennes, déjà enclenchée par le gouvernement conservateur.

En ce qui a trait aux finances publiques, le premier de ces facteurs, je pense qu'on n'a pas à y revenir. La situation de l'économie des finances publiques canadiennes depuis 1986 à peu près est devenue très préoccupante, sinon beaucoup préoccupante.

Je rappelle au gouvernement que c'est sous le premier règne des libéraux qu'on a commencé à avoir des problèmes de gestion des finances publiques. Je ne vous citerai que quelques chiffres en espérant que le nouveau gouvernement libéral ne répètera pas les mêmes erreurs que lorsqu'il était au pouvoir de 1970 à 1984. À ce moment-là, je vous le rappelle, et le premier ministre actuel du Canada a été ministre des Finances durant cette période, je vous rappelle que de 1970 à 1984, le déficit fédéral annuel, exprimé en pourcentage du produit intérieur brut, est passé de 0,3 p. 100 à 8,7 p. 100 du PIB, et cela ne s'est jamais reproduit, cela a été un record sous le premier règne des libéraux.


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Alors, nous espérons et nous profitons justement du débat qui est provoqué autour du projet de loi C-9, pour vous transmettre le message de ne pas recommencer cette mauvaise gestion des finances publiques.

Le deuxième facteur de l'état catastrophique de l'économie, le deuxième héritage que nous ont légué les conservateurs, c'est la politique de lutte à l'inflation.

Quand vous dites qu'en moins d'un an et demi, on fait passer l'écart entre les taux d'intérêt canadiens de court terme et ceux des États-Unis d'une différence d'à peu près 1,5 point entre les deux, à plus de 5 points à un certain moment, il est évident qu'à un moment donné, cela se reflète dans les investissements, donc dans la croissance économique et dans la création d'emplois.

Alors, la politique de lutte à l'inflation dogmatique comme celle que l'ancien gouverneur de la Banque du Canada menait, il faut voir là un des facteurs majeurs de la mauvaise conjoncture économique, qui a mené, dans le projet de loi C-9, à quelques mesures palliatives, mais quelques mesures très parcellaires.

Donc, nous conseillons à l'actuel gouvernement de ne pas reproduire cette même erreur en ayant une politique de lutte à l'inflation, une politique dogmatique, qui en redonne trop pour contrôler l'inflation, mais qui n'a pas ce souci d'équilibre entre le contrôle des prix à long terme et la création d'emplois à court terme.

On espère aussi, à la lumière du projet de loi C-9, et comme vous pouvez le constater on a beaucoup étudié le projet de loi C-9 pour en tirer des leçons, nous espérons que l'actuel gouvernement procédera à un examen rigoureux de tous les programmes, de tous les postes de dépenses et de toutes les mesures fiscales dont on a certains exemples dans le projet de loi C-9, parce qu'à la lumière de l'examen de ce projet de loi, et en ayant consulté aussi des hauts fonctionnaires des finances, on a appris qu'il n'y avait aucune analyse coûts-bénéfices qui était effectuée, aucun examen sérieux et objectif qui était effectué toutes les fois qu'on ajoutait des mesures à cette fiscalité, comme celle que les conservateurs nous ont léguée en juin 1993.

(1850)

Le vérificateur général à cet égard a été très clair. Il disait que, sur 16 programmes fédéraux représentant 124,5 milliards de dollars, deux seulement avaient été évalués sérieusement. Alors il devient important, lorsqu'on présente des mesures ou qu'on en ajoute dans le cadre du Budget-et j'invite le gouvernement à ne pas répéter cette erreur-là avec le prochain Budget-qu'on analyse chacune des mesures proposées, qu'on en fasse l'analyse des coûts, qu'on en fasse l'analyse des bénéfices et qu'on le fasse sérieusement.

Quatrième point, j'espère que ce gouvernement proposera autre chose que des mesures palliatives-telles celles léguées par l'ancien gouvernement-à partir du projet de loi C-9. J'espère qu'il proposera de vrais programmes de création d'emplois, pas des pacotilles, de vrais programmes de création d'emplois durables, de vraies mesures aussi qui, dans le cas, par exemple, de la qualité de la main-d'oeuvre et de sa capacité à affronter les défis de la mondialisation, mais qu'on répondra aux attentes concernant la formation, aux attentes du gouvernement du Québec et qu'on arrêtera les chevauchements et les inefficacités à cet égard.

Un autre conseil que le Bloc québécois aurait à donner à ce gouvernement: j'espère que ce gouvernement ne répétera pas l'erreur des conservateurs de vouloir s'attaquer aux programmes sociaux. Ça aussi, ça semblait clair dans le «red book», qu'on se plaît à nous brandir pratiquement tous les jours de l'autre côté de la Chambre. En passant, je pense qu'il n'est pas permis par le Règlement de la Chambre de brandir des bouquins comme celui-là. Je ne le sais pas, il faudra vérifier, mais il me semble que j'ai vu ça quelque part.

Il était pourtant clair dans ce livre rouge-je vous rappelle aussi que Mao avait un livre rouge-qu'on ne s'attaquerait pas aux programmes sociaux, qu'on reviendrait aussi à des budgets importants sur le plan de la création de logements sociaux. Il semblerait que le ministre des Finances ait oublié ces dispositions, qu'on retrouvait pourtant dans le livre rouge.

Alors j'espère que ce gouvernement ne répétera pas cette erreur des conservateurs qui ont voulu, avant de partir-et ils ont eu leur leçon-s'attaquer à plusieurs reprises aux programmes sociaux, s'attaquer aux pensions des personnes retraitées et s'attaquer aussi, comme ils l'ont fait lors de l'avant-dernier Budget, éliminer pratiquement les budgets du logement social.

On espère-et ça m'a été révélé par ce projet de loi C-9-que l'actuel gouvernement, lorsqu'il déposera son prochain Budget, s'attaquera à une vraie réduction des dépenses somptuaires du gouvernement. Il y a de vraies mesures aussi pour boucher les trous de la fiscalité et je vais vous en nommer quelques-unes parce que j'ai l'impression qu'ici les gens ont tendance à oublier ces choses-là, même de jour en jour.

Il y a des trous fiscaux, des trous importants dans la fiscalité canadienne. On ne cesse de le répéter depuis le 26 octobre au matin et même avant, durant la campagne électorale. Je vous en nomme encore deux ou trois pour vous rafraîchir la mémoire et rafraîchir celle du ministre des Finances qui est en train de préparer son prochain Budget qui, selon différentes anticipations, serait déposé le 22 février prochain.

Voici quelques exemples de ces scandales. Les contribuables qui tirent principalement leur revenu de capital-donc ce ne sont pas des travailleurs, mais ce sont des gens qui ont la possibilité d'investir dans des actions, dans des obligations et un peu partout-sont imposés au Canada au taux moyen de 9,9 p. 100. Le taux de base pour les travailleurs, ceux qui gagnent chèrement leur vie et qui n'ont pas les moyens de faire de la spéculation est à 29 p. 100. Pourquoi retrouve-t-on de telles injustices?

Voici un deuxième exemple: En 1987-parce que, depuis ce temps-là, le ministère des Finances a cessé de faire ces analyses et surtout de les publier; on les cache, on a honte dans le système fédéral canadien-en pleine croissance économique, il y avait 90 000 sociétés canadiennes qui ont réalisé des profits de 27 milliards de dollars sans payer un sou d'impôt.

(1855)

On a souvent entendu le Bloc québécois mentionner aussi le scandale des fiducies familiales à la période des questions orales. Le ministre des Finances, tout comme le premier ministre, tout comme tous les membres du Parti libéral du Canada, ont décidé de se moquer de ces échappatoires fiscales et d'élucider, avec des formules bien de mise dans cette Chambre, ce problème des fiducies familiales qui pourtant représente entre 350 mil-


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lions et un milliard de dollars par année en manque à gagner fiscal au gouvernement fédéral.

Je lisais, en fin de semaine, un article de Yves Séguin, qui n'est tout de même pas quelqu'un qui ne connaît pas la fiscalité québécoise et la fiscalité canadienne, qui évaluait que les paradis fiscaux, on parle des grandes évasions fiscales des sociétés canadiennes, représentaient un manque à gagner de 2,5 milliards de dollars.

Alors, nous espérons que le gouvernement canadien, lorsqu'il déposera son Budget et qu'il évaluera les mesures fiscales et qu'il réformera ou ajoutera à la fiscalité canadienne, j'espère que le ministre des Finances aura en tête les injustices fiscales flagrantes qui existent dans la fiscalité canadienne. Il ne doit surtout pas s'attaquer, comme le gouvernement précédent qui a été balayé, je vous le rappelle, de la carte fédérale, aux revenus moyens, aux programmes sociaux et à tous ceux qui depuis 1984 ont été étranglés par la fiscalité canadienne.

J'espère que ce gouvernement, contrairement au dernier Budget présenté par les conservateurs, présentera de vraies mesures d'incitation fiscale pour renforcer l'économie québécoise et canadienne, pour renforcer la compétitivité des entreprises et des travailleurs face à la mondialisation. La mondialisation, tout le monde en parle dans cette Chambre, tout le monde en a parlé dans cette Chambre avec les conservateurs depuis 1984, mais ce n'est pas qu'un concept.

La mondialisation, c'est justement affronter les meilleurs au monde, les meilleures entreprises, les meilleurs travailleurs dans un monde qui se globalise. Pour employer les termes de mon ancien patron à l'Union des producteurs agricoles, c'est un village planétaire qu'on fait avec la mondialisation. Alors, nos compétiteurs, ce ne sont plus les États-Unis, ce sont les meilleurs producteurs mondiaux. Ce sont les pays de la ceinture du Pacifique et les pays en voie de développement aussi qui, dans les productions de masse, ont une compétitivité supérieure à la nôtre.

Alors, on espère que ce gouvernement ne refera pas les mêmes erreurs en employant des mesures palliatives plutôt que des mesures vraiment de renforcement de la compétitivité des entreprises et de la productivité des travailleurs.

Nous espérons aussi que ce gouvernement reviendra à une meilleure disposition en redonnant son véritable sens au programme de péréquation canadienne, dont on a eu l'occasion de discuter hier et aujourd'hui, le fameux projet de loi C-3, en éliminant le plafond qu'il a imposé aux provinces canadiennes. Je répète le message que nous avons fait hier et qui s'est poursuivi aujourd'hui, ce plafond dénature totalement les vrais objectifs de la péréquation.

Je profite de l'occasion pour ouvrir une parenthèse, une belle parenthèse pour mes amis réformistes. J'ai l'impression que ces dernier ne savent pas lire-j'espère qu'ils savent écrire-mais je sais qu'ils ne savent pas lire, ou bien s'ils savent lire, ils font fi de ne point comprendre les principes de la péréquation et tiennent depuis hier des propos biaisés, pernicieux et même vicieux à l'égard du Québec et de la péréquation canadienne.

Je vais simplement rappeler dans cette parenthèse, et je continuerai ma démonstration ensuite, que la péréquation canadienne est là pour une raison et cela part du rapport Rowell-Sirois, que j'inviterais mes amis du Parti réformiste à lire et à analyser. Je pense qu'il y en a une vingtaine d'exemplaires à la Bibliothèque du Parlement. Le rapport Rowell-Sirois a jeté les bases de la péréquation canadienne, avec un beau rêve canadien pour certains d'entre vous qui n'est plus le mien ni celui de mes collègues, en disant ceci: «La base même du fédéralisme doit être une juste répartition de la richesse entre les provinces canadiennes.»

(1900)

Le rôle de la péréquation c'est d'en arriver à ce que même les provinces les plus démunies, les moins bien nanties -et ça ce sont les principes du fédéralisme fiscal, ce n'est pas moi qui le dit ou qui l'ai inventé, ça part de Rowell-Sirois et des autres rapports qui ont suivi-puissent tirer suffisamment de recettes, incluant les montants de la péréquation versés par le fédéral, pour offrir des services publics de qualité à peu près uniforme ou équivalente entre elles.

Le calcul de la péréquation se fait sur deux bases: la capacité des provinces à aller tirer ces recettes fiscales, avec une enveloppe normative, si vous voulez, de fiscalité municipale et de fiscalité provinciale. Cette capacité-là est mesurée par rapport à une moyenne nationale calculée à partir de cinq provinces canadiennes. Ce qu'on y voit, c'est que si une province ne peut réaliser un potentiel de recettes fiscales équivalent à peu près à 4 800 $, si je me souviens bien du dernier calcul, la péréquation lui verse la différence.

C'est un calcul qui est fait sur une base par habitant, ce qui fait qu'avec tout près de sept millions d'habitants au Québec, il est évident que le Québec reçoit plus. Le Québec est démuni, fait partie des provinces démunies, dans sa capacité de tirer les recettes fiscales, et multiplié par sa population, il est évident que le Québec va chercher plus que le Manitoba, la Saskatchewan ou la plupart des provinces qui «profitent» de la péréquation. Ce n'est pas de la charité, c'est le principe du fédéralisme comme tel, et si les gens du Parti réformiste sont fédéralistes -à moins qu'ils aient changé d'idée et soient devenus souverainistes pour chacune de leurs provinces-mais à moins d'avis contraire, s'ils sont fédéralistes ils sont en contradiction lorsqu'ils mettent le doigt sur le fait que le Québec reçoit, disent-ils, plus que sa part, alors que c'est une part juste, équitable, une part fédéraliste.

Deuxième point de ma parenthèse que je vais fermer bientôt. Je demanderais à mes collègues du Parti réformiste et à certains de mes collègues libéraux aussi de regarder, de faire sortir par la Bibliothèque du Parlement, ils ont des économistes, ils ont des fiscalistes, ils ont des spécialistes qui sont là, je suis prêt à leur envoyer un mémo s'ils ne se sont pas informés là-dessus depuis le début, qu'ils fassent sortir l'ensemble des dépenses effectuées par le gouvernement fédéral dans chacune des provinces, la part par habitant, les types de dépenses effectuées par le fédéral, et ils vont s'apercevoir d'une chose, c'est que si le Québec va chercher


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par exemple en péréquation 3,6 ou 3,7 milliards, par contre le Québec a perdu depuis 10 ans en matière de recherche et développement, de transport, d'agriculture, d'investissements des ministères fédéraux au Québec. . . Et je leur demanderais de cesser de faire des petits sourires en coin et d'aller vérifier ces données-là. De toute façon, nous allons amener ces données à la Chambre des communes tout au long de notre mandat, des quatre années que nous allons passer ensemble.

Troisième point de ma parenthèse sur la péréquation. Mes collègues du Parti réformiste viennent surtout des Prairies, des provinces de l'Ouest. Je vais leur rappeler, et en connaissance de cause, que bon an mal an, depuis 1984-1985, les trois provinces des Prairies, dans le secteur céréalier en particulier, reçoivent entre 2,5 et 5 milliards de dollars du gouvernement fédéral.

Lorsque j'étais à l'Union des producteurs agricoles et que je faisais partie des comités du commerce extérieur et de la stabilisation pour la Canadian Federation of Agriculture l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, disait à ce moment-là: les producteurs céréaliers des Prairies ont beaucoup de problèmes avec la conjoncture mondiale. Ils ont eu des problèmes aussi avec de nombreuses sécheresses depuis 1984. Nous comprenions et nous n'avons jamais reproché au gouvernement fédéral de leur verser des paiements ad hoc pour les sortir du trou, comme on dit au Québec.

(1905)

Nous ne leur avons jamais reproché, justement, le fédéralisme fiscal que l'on reproche au Québec à partir de la péréquation. Alors, je leur demanderais d'avoir un peu plus de respect pour le Québec, lorsqu'on parle du Québec, et de ne pas prêter d'analyses pernicieuses à la péréquation et ce qu'en tire le Québec. Je ferme ma parenthèse sur la péréquation.

Je reviens à mes conseils au gouvernement. À la lumière de la situation catastrophique que les conservateurs nous ont fait vivre depuis 1990 en matière de conjoncture économique, je suggérerais au gouvernement libéral de ne pas reproduire, comme il semble vouloir le faire, la lutte à l'inflation, mais de façon dogmatique comme l'ancien gouvernement l'a fait.

J'ai été très surpris et estomaqué lorsque j'ai réalisé, avant les Fêtes, que le ministre des Finances faisait une conférence de presse avec M. Thiessen, qui était le bras droit de John Crow à la Banque du Canada et qui était son principal conseiller, en fait. J'ai été très déçu de cela parce que cela me donnait l'indice, à moins qu'on me dise le contraire, que ce que l'actuel ministre des Finances avait défendu depuis longtemps-et même l'actuel premier ministre du Canada-en matière de politique monétaire, de lutte à l'inflation plus équilibrée entre les besoins de stabilité de prix à long terme et les besoins de création d'emplois consistants à court terme. . . J'avais cru en ces gens, à un certain moment donné.

J'ai été très déçu de voir que le ministre des Finances, en conférence de pressse, avant les Fêtes, accompagné du nouveau gouverneur de la Banque du Canada, annonçait que tout comme son prédécesseur, il ferait une lutte démoniaque à l'inflation. Nous n'avons rien contre la lutte à l'inflation, mais nous avons tout contre la lutte démoniaque à l'inflation puisque nous avons vécu, depuis 1990, justement le fruit de cette lutte démoniaque à l'inflation, de cette lutte dogmatique à l'inflation.

Alors, si le gouvernement libéral est franc lorsqu'il parle de création d'emplois, de création durable, de relance économique, et s'il était franc alors qu'il était dans l'opposition et qu'il se battait contre la politique de John Crow, ce gouvernement-là ne devrait pas reconduire la politique obsessionnelle de lutte à l'inflation. Là, cela va à peu près bien, dans le sens que les taux d'intérêt n'ont pas connu la flambée que les conservateurs leur ont imprégnée avec la politique de lutte à l'inflation, au début des années 1990. Mais aussitôt-et cela, c'est un conseil à mes amis d'en face-que la croissance économique va se réaliser, et j'espère qu'elle va se réaliser de façon corsée au cours des prochains mois, il est certain qu'il va y avoir des pressions sur la croissance des prix. C'est certain que si l'actuel gouverneur de la Banque du Canada poursuit la même politique de lutte acharnée à l'inflation avec sa fourchette, son objectif de 2 p. 100, c'est certain que les chances de reprise durable, de croissance vraiment amorcée sur des bases durables, seront atténuées.

Je pense que le simple examen du projet de loi C-9 nous a fait réaliser, au Bloc québécois, l'incurie et la mauvaise gestion de l'économie par nos prédécesseurs. Alors, nous espérons que vous ne répéterez pas les mêmes erreurs. Et, j'espère que ce survol à partir de l'examen du projet de loi C-9 vous indiquera une meilleure voie à suivre à cet égard.

Madame la Présidente, nous voudrions vous faire part de notre désir d'examiner sérieusement, article par article, dans le cadre du Comité permanent des finances, le projet de loi C-9. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous aimerions en faire un examen sérieux, tout comme le gouvernement en a fait un, selon mon collègue, mais en faire un, je vous dirais, de façon tout à fait impartiale dans le cadre des travaux du Comité des finances. Déjà en partant, c'est évident que si nous avons l'occasion de le faire, il y a deux mesures dans le projet de loi C-9 que nous aimerions voir apparaître dans le nouveau budget qui sera déposé prochainement, soit l'article concernant les sociétés à capital de risque des travailleurs. Et deuxièmement, l'extension du régime d'accession à la propriété, c'est-à-dire ce régime qui permet aux contribuables de se servir des fonds REER pour l'acquisition d'une première propriété.

(1910)

Sur ce, madame la Présidente, je termine et je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, je suis très heureux de pouvoir parler du projet de loi C-9, car il soulève des questions importantes qu'il ne faut pas négliger.

Le projet de loi comporte neuf modifications principales, mais elles touchent 21 autres articles de la loi. Cela en dit long sur la complexité de la Loi de l'impôt sur le revenu.


1143

Je signalerais au passage qu'il est regrettable que l'impôt sur le revenu puisse être modifié de tant de manières, de nos jours. Un simple communiqué suffit parfois. Malheureusement, lorsqu'on en arrive là et que les changements précèdent les mesures législatives proprement dites, le régime fiscal devient très instable et il est facile de le manipuler.

Je dois avouer pour commencer que, au moment de parler de ce projet de loi, je suis partagé entre des sentiments divers. Ce projet concrétise des mesures présentées par le gouvernement conservateur dans son exposé économique du 2 décembre 1992 et son budget du 26 avril 1993. Il n'y a donc là rien de neuf.

D'une certaine manière, il semblerait prudent d'appuyer ce qu'on appelle généralement un projet de loi d'ordre administratif. Une bonne partie des mesures que ce projet met en oeuvre s'appliquent déjà depuis un an ou plus, et nous avons attendu jusqu'à maintenant pour légiférer. Certes, je n'irai pas jusqu'à prétendre qu'il ne serait pas le moindrement irresponsable de notre part de nous opposer à ces mesures purement par principe. Mais je veux qu'on me comprenne bien: il y a ici des principes auxquels je m'oppose fortement, tout comme mon parti d'ailleurs.

La Loi de l'impôt sur le revenu est devenue à la longue un monstre indomptable, symbole de l'impression que bon nombre de Canadiens ressentent face au gouvernement en général: trop c'est trop!

Vu que je suis comptable de formation, je connais bien cette loi. Je l'ai étudiée, je l'ai consultée et, ma foi, comme tout le monde, j'ai peiné à cause d'elle bien des fois. Chaque année, en avril, je consacre de longues soirées à faire les calculs qu'elle exige.

Que les comptables canadiens se rassurent, je ne veux pas les mettre au chômage. Une chose est sûre cependant: une réforme de la loi s'impose. Il est grand temps que l'on permette au Canadien moyen de comprendre non seulement les principes qui sous-tendent la fiscalité, mais également les modalités de fonctionnement du système.

Le dernier projet de réforme fiscale, entrepris par le gouvernement conservateur, a abouti à un impôt supplémentaire sur le revenu, à un impôt minimum de remplacement, à des déductions fiscales, à des crédits d'impôt et à la TPS, mesure fiscale compliquée, s'il en est une. Tout cela n'a fait que compliquer encore davantage la tâche. Or, les choses pourraient être simples.

Permettez-moi de citer mon cas personnel pour montrer à quel point tout le processus est symptomatique d'une grave maladie dont souffre le gouvernement aujourd'hui: l'enflure. Lorsque j'ai jeté un coup d'oeil sur le projet de loi C-9 pour la première fois, j'étais dans mon bureau de circonscription, à Matsqui, en Colombie-Britannique. Mon adjoint, à Ottawa, en avait un exemplaire. Je l'ai interrogé sur les dimensions du document. Il m'a répondu qu'il faisait 68 pages. Je me suis demandé comment j'aillais pouvoir en une semaine parcourir ces 68 pages pour savoir de quoi il retournait. Je lui ai demandé de me trouver un exposé succinct. Il m'a répondu que le ministère des Finances s'était empressé de faire parvenir le résumé en question. Le problème, c'était que le résumé du texte de loi de 68 pages faisait 78 pages.

(1915)

C'est le genre de choses auxquelles on finit tous par s'habituer, qu'on soit nouveau ou non à Ottawa. Les gens qui nous ont élus, ceux qui, chaque année, s'arrachent les cheveux à remplir leur déclaration de revenus, ceux qui paient nos salaires ne sont pas immunisés contre ce genre de choses. Ils en ont vraiment assez. C'est d'ailleurs l'un des messages les plus clairs qui a été adressé à la Chambre en octobre dernier.

Nous pourrions régler nos problèmes de déficit en réduisant les importantes sommes d'argent que notre pays gaspille pour soutenir l'armée de comptables et d'avocats spécialistes des questions d'impôt dont nous avons besoin pour comprendre la Loi de l'impôt sur le revenu.

En simplifiant le système, nous pourrions réduire considérablement les coûts pour les particuliers, les entreprises et les gouvernements. Cela devrait être une priorité. J'encourage le gouvernement libéral à faire de cette question une priorité. C'est une question primordiale pour le Parti réformiste.

Ce projet de loi comporte certains éléments positifs que nous souhaiterions voir maintenus ou améliorés par le gouvernement dans le budget qu'il présentera prochainement. C'est le cas, par exemple, de l'article 146.01 qui porte sur le Régime d'accession à la propriété et dont a parlé, je pense, le député qui a pris la parole avant moi.

Aujourd'hui, les jeunes n'ont plus les moyens d'acheter une maison parce qu'ils paient trop d'impôt. Le revenu total par habitant a augmenté de 170 p. 100 au cours de la dernière décennie, alors que l'impôt sur les revenus des particuliers a augmenté de 235 p. 100.

Où nous situons-nous par rapport à d'autres pays? Les recettes du gouvernement canadien, en tant que pourcentage du produit intérieur brut, sont passées de 24 p. 100, en 1950, à près de 43 p. 100, en 1990.

Par ailleurs, il y a six ans, le fardeau fiscal du Canada était d'environ 20 p. 100 supérieur à celui des États-Unis. En 1992, il est passé à 25 p. 100 et devrait, selon les prévisions, passer à 30 p. 100 d'ici 1997. Ce fardeau fiscal ne pèse pas seulement sur les jeunes, mais sur tous les Canadiens.

Le Régime d'accession à la propriété, qui permet de retirer les économies placées dans un REER pour verser un acompte valable à l'achat d'une maison, est une excellente idée. Non seulement cela donne à plus de gens la chance de réaliser leur rêve de devenir propriétaires, mais cela a toute une série de retombées économiques.

Sue Bennett, l'une des habitantes de ma circonscription de Langley, en Colombie-Britannique, m'a fait parvenir des renseignements au sujet de ce régime. Je voudrais vous en parler brièvement. Un sondage publié en septembre 1993 par l'Association canadienne de l'immeuble confirme l'énorme succès du Régime d'accession à la propriété.

Selon le sondage réalisé par la firme Angus Reid dans cinq grandes villes du Canada, quatre acheteurs sur cinq ont déclaré que la possibilité de recourir à ce régime avait été un facteur important dans leur décision. Ce facteur a été particulièrement important pour 86 p. 100 des acheteurs d'une première maison. Les comptables sont en principe d'accord. Si c'est le cas, ce n'est


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pas la moyenne. Près de la moitié des gens vous diront qu'ils n'auraient probablement pas été en mesure d'acheter leur maison s'il n'y avait pas eu ce régime. Selon les personnes interrogées, ce régime a permis à un nombre considérable de personnes d'acheter une maison. Vingt-deux pour cent de tous ceux dont c'est la première maison et 17 p. 100 des acheteurs en général.

Rembourser le REER est une priorité importante pour beaucoup de gens dans ce pays. Quatre-vingt un pour cent des personnes interrogées ont répondu qu'il était important de le rembourser. Quatre-vingt huit pour cent ont répondu qu'elles avaient l'intention de rembourser au moins au rythme prescrit. Quatre pour cent seulement des personnes interrogées ont répondu qu'elles ne rembourseraient rien et qu'elles déclareraient les montants qu'elles avaient retirés comme un revenu.

Par conséquent, l'impact du régime est là. Il est positif. Quatre-vingt quatre pour cent des personnes interrogées considèrent le Régime d'accession à la propriété comme étant au moins aussi important pour la planification de la retraite. Cinquante-quatre pour cent ont déclaré que c'était très important. Le fait de posséder une maison est considéré de loin comme la source la plus importante de revenu pour la retraite.

Le ministère des Finances a déjà rapporté que les chiffres étaient impressionnants. À la fin de juillet 1993, près de 200 000 personnes participaient déjà au régime. C'est un chiffre important.

Comme vous le diront les économistes, les mises en chantier sont un indicateur fiable de la santé générale de l'économie. L'industrie de la construction, nous le savons, emploie directement, entre autres, des entrepreneurs, des menuisiers, des électriciens, des plombiers, des poseurs de panneaux muraux secs et des agents immobiliers. Indirectement, elle profite à de nombreux autres segments de la société et, oui, même aux comptables. Aussi, sommes-nous encouragés par des mesures comme le Régime d'accession à la propriété. Comme je l'ai dit, nous espérons que ce programme extrêmement populaire sera étendu dans le nouveau budget. Redonnons du travail à un plus grand nombre de menuisiers et de plombiers.

(1920)

Nous, réformistes, sommes en faveur d'une politique d'imposition ayant pour objectif de recueillir des fonds afin de financer les programmes gouvernementaux. Si on regarde l'histoire de cette loi, c'était son objectif initial, recouvrer des impôts, idéalement d'une façon simple et ordonnée.

Nous avons à un moment donné perdu de vue cet objectif du régime fiscal. Nous avons permis que le régime fiscal devienne un instrument destiné à influencer le comportement des gens. Je parle ici de la réforme sociale qui se glisse dans une mesure législative de nature financière. Non seulement, ça ne se fait pas, ça ne marche pas. Nous proposons la mise en place d'un système d'imposition simple, visible et proportionnel.

Le ministre des Finances a annoncé le 20 décembre dans un communiqué qu'on n'avait pas tenu compte dans cet amendement au projet de loi C-9 d'une suggestion des conservateurs qui avaient proposé que la TPS soit remboursée deux fois par an au lieu de quatre.

Lors d'une séance d'information, cette semaine, les fonctionnaires du ministre m'ont appris que cette suggestion avait été rejetée parce qu'on estimait que ce serait de la part de l'ancien gouvernement une façon trop facile de tromper le public sur l'importance du déficit. J'estime que c'est une décision très sage, et cela m'encourage.

Encore une fois, mes sentiments sont très partagés. Je suis extrêmement inquiet de constater l'absence d'engagement du nouveau gouvernement pour ce qui est de changer la façon de gérer l'économie, de se concentrer sur la dette ou le déficit.

Peut-être sommes-nous ici aujourd'hui pour approuver un amendement proposé par le gouvernement précédent. Par conséquent, je ne peux pas m'empêcher d'afficher un optimisme prudent. Nous tous à la Chambre n'avons pas besoin de nous faire rappeler le message retentissant qui a été livré au gouvernement précédent le 25 octobre dernier. Nous ne pouvons pas nous permettre, même dans une très faible mesure, de suivre son exemple.

Je demande au gouvernement de nous assurer aujourd'hui qu'il accordera à la réforme de la Loi de l'impôt sur le revenu la priorité qu'elle mérite. Cela montrera aux partis d'opposition que le gouvernement honore sa promesse de renouveler sa façon de faire. Cela enverra aux provinces un puissant message qu'elles devraient emboîter le pas au gouvernement fédéral. Le plus important, cela montrera aux Canadiens qu'ils peuvent réellement espérer compter sur une nouvelle façon de diriger le gouvernement. Nous ne pouvons pas laisser la crainte des médias ou toute autre sorte de pressions miner nos efforts de réforme. Nous devons tenter notre chance.

En terminant, je voudrais prendre quelques instants pour rappeler à mes collègues qu'il existe à l'extérieur de ces murs un vaste monde qui évolue rapidement et qui est excitant. Étant à la Chambre depuis peu, je suis souvent stupéfait de constater à quel point on oublie cette simple réalité dans le brassage de paperasse qui semble se faire ici quotidiennement.

Je voudrais vous faire part d'une dernière réflexion, madame la Présidente. L'échec n'est pas fatal mais, en cette période, le refus de changer risque de l'être. Simplifions les choses. Soyons prudents et responsables dans nos dépenses.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Madame la Présidente, j'ai écouté avec grand intérêt les propos de notre collègue du Parti réformiste. Il est évident que nous faisons face, la population québécoise et la population canadienne, à un niveau de taxation qui est franchement très difficile à supporter par l'ensemble des travailleurs et même les chômeurs, parce qu'il y a également les taxes à la consommation.

Je me souviens de mes premiers rapports d'impôt, il y a nombre d'années. C'était une simple feuille recto-verso qui était facile à remplir; on arrivait rapidement à un résulat qui n'était pas trop effrayant. Mais depuis, en nous présentant des annexes qui, soi-disant, vont nous permettre diverses déductions, c'est rendu très compliqué. On a un grand nombre de feuilles à remplir et, au bout, le montant est souvent horrifiant. Comme quoi davantage n'est pas toujours mieux.


1145

(1925)

Enfin, il y a un adage anglais qui dit: No taxation without representation.

[Traduction]

«Pas d'impôt sans représentation». Or, avec un tel niveau d'impôts, les gens sont représentés à mort. Et je crois qu'ils ont prononcé leur verdict à ce sujet lors des dernières élections.

[Français]

Il n'en reste pas moins que le gouvernement fait face à un déficit, et ceci depuis nombre d'années. Il a utilisé plusieurs recettes mais, de façon systématique, a procédé aussi à une hausse d'impôt. Et on pourrait très facilement tracer la courbe de la hausse des impôts et s'apercevoir qu'au fur et à mesure que les impôts ont été haussés le déficit s'est accru. De sorte qu'on pourrait, à la rigueur, prévoir, s'il y avait une prochaine hausse d'impôt, de combien le déficit s'accroîtrait davantage.

Inversement, peut-être, on devrait trouver une autre façon d'aborder la recette fiscale pour éviter d'accroître le déficit. Voyez-vous, madame la Présidente, chaque fois que quelqu'un paie de l'impôt, il lui reste moins d'argent dans son portefeuille. Et s'il lui reste moins d'argent dans son portefeuille, il est moins en mesure d'acheter. Or, on dit que pour qu'il y ait reprise, le consommateur doit consommer. J'espère qu'on ne lui enlèvera pas encore de l'argent, parce qu'il sera encore moins en mesure de consommer.

Bien sûr, on peut aussi parler d'élargir la taxation. Et si on taxe de nouveaux champs, on sera dans la situation où les produits et services deviendront plus dispendieux parce que, finalement, les entreprises ou les individus qui seront taxés essaieront de compenser en haussant les prix. Et on continuera ce que l'on a vécu ici, au Canada et au Québec, depuis nombre d'années, c'est-à-dire une inflation dont une des composantes majeures a été notre vision fiscale à courte vue. Essayer de faire de l'argent maintenant avec une hausse de taxe, c'est très rapidement ramener le Québec et le Canada dans une situation où nous serons davantage déficitaires.

J'aimerais que l'honorable député réagisse à ces propos; je suis intéressé à entendre ses commentaires.

[Traduction]

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, pour une bonne partie de ses propos, le député était tellement près de ce que je pense moi-même que je me demande s'il ne voudrait pas venir en parler de ce côté-ci.

Ce qu'il dit au sujet de la complexité du système est très vrai. Le système est devenu tellement complexe que je ne crois pas que le gouvernement-qu'il s'agisse de celui-ci ou du gouvernement conservateur précédent-connaisse vraiment les conséquences des modifications qu'il apporte à la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous avons beau prendre la parole à la Chambre pour demander combien coûte une mesure, ou quelles sont les recettes attendues, on ne nous répond jamais que par des prévisions. Ces prévisions peuvent se révéler inexactes, avec un écart pouvant varier de 100 millions à un milliard de dollars. Le système est devenu tellement complexe qu'on ne peut prédire avec précision combien les modifications à la loi rapporteront à différentes personnes.

J'ai une autre observation à formuler sur les effets à long terme. Je pense que c'est justement là que le bât blesse dans la Loi de l'impôt sur le revenu. De nos jours, nous nous contentons de réagir aux problèmes, d'y trouver une solution rapide. La même chose se produira pour la taxe d'accise, relativement à la contrebande de cigarettes.

Nous devons amener les gouvernements à prendre des mesures à plus long terme. Nous devons aussi simplifier le système. Voilà comment on pourrait le rendre plus efficace.

(1930)

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, je veux poser très rapidement deux ou trois questions à mon collègue.

Je ne comprends pas très bien si le Parti réformiste est pour ou contre l'élargissement de l'assiette fiscale. Qu'on me corrige si je me trompe, mais je crois comprendre qu'il préférerait que de nouveaux impôts ne soient pas créés.

Les réformistes sont-ils contre l'élargissement de l'assiette fiscale? Veulent-ils qu'on supprime les échappatoires dont bénéficient certains groupes et le transfert de l'argent dans des pays qui offrent certains avantages fiscaux? Il y a apparemment des familles riches qui arrivent à préserver des revenus du fisc et des sociétés prospères et de riches Canadiens qui ne paient pas d'impôt. Il y a aussi un marché noir où les gens ne paient pas d'impôt. Les réformistes sont-ils en train de dire au ministre des Finances et à notre gouvernement qu'ils ne devraient rien faire pour remédier à cette situation, qu'ils ne devraient pas prendre de mesures en ce sens? Je voudrais bien le savoir.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, ce que craignent surtout les réformistes, c'est que l'élargissement de l'assiette fiscale que propose le gouvernement ne signifie l'établissement d'autres impôts. Si le député demande si les réformistes croient que les particuliers devraient payer davantage d'impôts, la réponse est non, cent fois non. Et vous l'entendrez plus d'une fois à la Chambre.

Je ne crois pas que l'élargissement de l'assiette fiscale dont parle le député ne donne nécessairement une fiscalité plus juste. À mon avis, on ira encore puiser dans les poches du travailleur à revenu moyen qui bosse dur pour gagner son pain. Nous surveillerons cela.

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn): Madame la Présidente, dans son discours, le député a parlé de fiscalité et de la question la plus récente, l'élargissement de l'assiette fiscale. Le député estime-t-il que les privilégiés qui ont évité l'impôt pendant de longues années et en ont profité pour amasser des fortunes devraient toujours échapper à l'impôt sous prétexte qu'il ne faut pas augmenter la charge fiscale?


1146

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, j'ai du mal à comprendre qui peuvent bien être les quelques privilégiés au Canada.

Mon parti préconise un régime fiscal simple et équitable. Je vais répondre. La définition de privilège que se donne le gouvernement n'est pas loin de celle d'élargissement de l'assiette fiscale. Il suffit de rapprocher la définition de privilège et la notion d'élargissement de l'assiette fiscale pour avoir la réponse.

M. John Bryden (Hamilton-Wentworth): Madame la Présidente, je suis le débat, mais je n'ai pas très bien compris la réponse. Je peux peut-être poser de nouveau la question ou tenter de le faire pour la troisième fois.

Le député du Parti réformiste pourrait-il m'expliquer de nouveau si le Parti réformiste est pour ou contre l'élimination des échappatoires fiscales? Estime-t-il que l'élimination des échappatoires constitue un élargissement de l'assiette fiscale ou une augmentation des impôts?

La vice-présidente (Mme Maheu): Je regrette, mais la période réservée aux questions et commentaires est écoulée.

(1935)

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Madame la Présidente, avant de me lancer dans mon exposé, j'aimerais ajouter un commentaire sur ce qu'a dit le député du Parti réformiste au sujet de la simplification. C'est un point sur lequel, effectivement, on peut se rejoindre, la simplification de tout le système fiscal, autant du point de vue des rapports d'impôt que des abris fiscaux. Mais de là à dire que nous nous rejoindrons sur tout, il y a un pas qu'il ne faut pas franchir trop vite, particulièrement sur d'autres options.

Le projet de loi C-9, la Loi modifiant l'impôt sur le revenu, a un caractère un peu étrange j'imagine pour les gens de l'autre côté de la Chambre. Évidemment, on fait l'adoption législative de mesures découlant du dernier budget. Je ne suis pas sûr, et je n'ai pas fouillé dans les hansards pour connaître la réaction provoquée par ces mesures-là lorsqu'elles ont été annoncées, mais il serait peut-être intéressant de la connaître. Mais maintenant, ils n'ont pas le choix, et nous n'avons pas le choix non plus, de rendre ces mesures applicables. C'est ce qui permettra de rendre légal ce dont les entreprises ont pu bénéficier grâce à ces mesures au cours de l'année dernière. Évidemment, elles n'étaient pas adoptées légalement, mais elles le seront dans les prochaines semaines, ce qui fera en sorte de concrétiser les annonces du dernier budget. Donc, il s'agit simplement d'aspects très techniques.

Mais il y a aussi des principes et il est certain qu'on pourrait refaire le débat sur le budget de l'an dernier, mais on ne peut pas y changer grand-chose. L'année fiscale va se terminer très bientôt, dans quelques mois, et on aura, d'ici ce moment-là, un nouveau budget, dans les prochaines semaines même. On parle de deux semaines moins un jour, selon les rumeurs. À ce moment-là, on aura peut-être quelque chose de beaucoup plus intéressant à se mettre sous la dent.

Tout cela ne nous empêche pas de faire un certain nombre de remarques sur ce qu'il y avait dans le dernier budget ou sur ces mesures pour essayer, une dernière fois encore, d'influencer ce qui viendra dans le prochain budget et surtout dans le budget de l'année prochaine, parce que le ministre des Finances commence à nous dire qu'ils n'auront pas le temps de mettre le budget de cette année à leur main, de le façonner à leur goût et qu'on doit reporter cela au budget de l'année prochaine.

Bref, est-ce que ce sont les seuls motifs? On verra bien. Je soupçonne qu'on espère une reprise forte de l'économie et qu'on surestime encore beaucoup trop l'impact positif d'une croissance économique pour régler le problème du déficit, et ce, malgré tous les beaux discours du ministre des Finances et toutes ses bonnes intentions. Il nous a dit qu'il allait éviter les erreurs du passé, celles du gouvernement conservateur, de surestimer les revenus. On voit, à la lumière du dernier budget, qu'ils ont nettement sous-estimé les dépenses et ils disent vouloir éviter cela. Du point de vue des revenus, je peux vous dire que nous surveillerons cela de très près.

Ces mesures, qui sont au nombre d'une douzaine, avaient été annoncées dans un énoncé économique du mois de décembre et dans le budget du mois de mars de l'année dernière. Le reste découle de modifications dans des textes de loi et c'est d'une très grande complexité due aux nombreux domaines qui se retrouvent dans la Loi de l'impôt sur le revenu et qui, avec le temps, donne même des effets contraires et des effets contradictoires auxquels je reviendrai un peu plus loin.

Ces mesures visaient en particulier à stimuler les petites et moyennes entreprises dans la plupart des cas, pas tous, mais dans certains cas. Il y avait un accent plus pointu sur les petites et moyennes entreprises. Il y avait aussi des efforts mis de l'avant au niveau de la recherche et développement. Il y avait aussi des mesures concernant les domaines d'exploration des ressources et des richesses.

Un point très intéressant de ce budget avait reconduit, pour une année, l'accès à la propriété par le biais des régimes d'épargne-retraite. C'est une mesure intéressante qui, on l'espère, se retrouvera encore une fois dans le budget de cette année et qui s'appliquera pour la prochaine année fiscale.

Dans mon comté-et j'ai entendu certains députés y faire référence tantôt-plusieurs ont eu des représentations et on nous a démontré l'impact positif de toutes ces mesures. Évidemment, celle-ci était plus facile à évaluer; à tout le moins, on a pu voir des évaluations sur cette mesure, et c'est intéressant.

Ma conclusion, pas en fonction de mon discours, mais en fonction de ces mesures-là, c'est qu'on devra faire beaucoup mieux dans l'avenir.

(1940)

Le budget de l'année dernière avait été très décevant. On semblait avoir laissé beaucoup de marge de manoeuvre à la personne qui prendrait la chefferie du Parti conservateur à ce moment-là, pour façonner le budget à sa main. Ce n'était peut-être pas une bonne idée. Je ne crois pas qu'en ces temps difficiles, on puisse se permettre de retarder d'une année, voire de quelques mois ou quelques semaines, la lutte au déficit ou une approche plus responsable de la gestion des fonds publics. Et on semble avoir passé une année. C'est très décevant.

Évidemment, ce qu'on attend du prochain budget, on attend une réduction des dépenses, c'est certain, mais on attend aussi, éventuellement, une réforme de la fiscalité. Et cela, on n'a pas encore entendu, on a l'impression de crier dans le désert, à savoir si on va, enfin, annoncer seulement une intention de s'y attaquer, de regarder tout ce système très complexe de la fiscalité, autant


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des particuliers que des sociétés ou des entreprises, qui ferait en sorte qu'on générerait une confiance plus grande des Québécois et des Canadiens envers tout le système fiscal, de façon à ce qu'ils regagnent un peu de confiance autant aux individus qu'aux institutions.

On s'attend à une simplification au niveau du traitement de ces informations-là. Très peu de gens sont capables de remplir-mon collègue de Portneuf y a fait référence tantôt-leur déclaration d'impôt seuls. C'est très difficile, lire le guide d'impôt, même avec la déclaration simplifiée, c'est très aride. On n'a qu'à penser à la situation des personnes âgées, ce n'est pas facile. Même si on leur fait des déclarations simplifiées, cela reste complexe.

Beaucoup de mesures aussi qui pourraient être à la portée d'individus ne sont pas comprises. Les gens ne savent pas qu'ils peuvent les utiliser. Ils n'ont pas les moyens de bénéficier d'outils qu'on leur annonce comme étant potentiellement intéressants pour eux. Ils en attendent parler par un ami, par un copain, par un collègue, mais très souvent ils font faire le traitement de leurs déclarations d'impôt par quelqu'un qui est spécialisé dans le domaine, souvent un comptable. Ces gens-là ne font pas beaucoup de recommandations sur ce qu'ils pourraient faire pour améliorer leur situation financière et leur planification personnelle. Donc, c'est très compliqué et c'est souvent pour cela que la classe moyenne est beaucoup plus affectée par toutes les mesures budgétaires qu'on fait, étant donné leur difficulté de s'adapter rapidement et même de comprendre rapidement le système fiscal.

Ceux qui peuvent s'en servir à fond sont les gens les mieux nantis, et c'est pour cela qu'on dit qu'il y a de l'injustice. Pas besoin d'aller très loin, on a tous entendu cela en quelque part, à un moment donné, dans nos circonscriptions où les gens nous ont dit: Ce système-là n'est pas juste, les riches paient moins d'impôts, etc. Même s'il y a des tendances, des statistiques, lorsqu'on regarde les groupes d'ensemble où ce n'est pas toujours vrai, il existe quand même beaucoup de cas d'exception. Et ne serait-ce que quelques exceptions, c'est déjà trop. Et cela suscite beaucoup de mécontentement.

Regardons la douzaine de mesures un peu plus en détail qui se retrouvent à l'intérieur de ce projet de loi. La première mesure, et celle-là est intéressante à regarder et à analyser dans le sens suivant. On parle souvent, nous, de ce côté de chevauchements entre les différents paliers de gouvernement. Mais on oublie souvent de parler de collaboration interministérielle, ce qui est souvent très compliqué. Le vérificateur général, lui, y fait référence et il y a beaucoup de choses à améliorer. Le gouvernement fait aussi quelque chose d'une main, et de l'autre, fait autre chose qui réduit l'effet. Cette première mesure disait dans le budget de l'année dernière qu'il y aurait un allégement des cotisations d'assurance-chômage pour la création d'emplois supplémentaires pour inciter les entreprises a pouvoir embaucher plus d'individus. Cette année, déjà on a annoncé qu'à partir du début janvier, on augmentait les cotisations à l'assurance-chômage. Dans la même année, on donne d'un côté, on va chercher de l'autre. C'est difficile pour les gens de capter ces signaux-là. Il y a quelque chose de très contradictoire, et ce dans la même année fiscale. Évidemment, il y a un changement de gouvernement mais ce sont des orientations difficiles à saisir. Moi, le premier. Pourquoi on a fait cela? On suppose que cela prenait de l'argent pour financer le Programme des infrastructures. C'est peut-être une des raisons, ou financer autre chose aussi. Mais j'ai de la difficulté à m'expliquer comment il se fait qu'avec autant de ressources, autant de gens compétents qu'on peut avoir dans l'entourage, on se ramasse avec des situations où on se trouve à faire des gestes contradictoires, et ce pas par la même administration, mais par le même palier de gouvernement. On peut, à la limite, comprendre qu'en certains cas, des paliers gouvernementaux, que ce soit du gouvernement fédéral ou provincial, fassent des gestes de cette façon-là, étant donné qu'ils ne travaillent pas toujours dans les mêmes orientations politiques mais que le même niveau de palier fasse ceci, c'est très difficile à accepter.

(1945)

Il y a aussi les crédits d'impôt à l'investissement temporaire pour la petite entreprise. Il y a le caractère temporaire dans cette mesure. . .

Madame la Présidente, pourriez-vous demander aux députés, s'il vous plaît, de. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre! Je demanderais aux honorables députés de bien vouloir converser à l'extérieur de la Chambre. Le député de Témiscamingue peut poursuivre son discours.

M. Brien: Merci, madame la Présidente. Nos amis auraient tout intérêt à écouter. Lorsqu'on parle de fiscalité, on dirait qu'ils cessent d'écouter, ils ont peur. . .

M. Duhamel: J'écoute.

M. Brien: En effet, il faut donner le crédit à certains, il y en a qui écoutent attentivement.

M. Duhamel: On écoute religieusement.

M. Brien: Effectivement. J'anticipe même des questions.

Continuons maintenant. Une autre mesure-ce sont toutes des mesures très techniques évidemment-on a fait une extension des programmes de financement pour la petite entreprise en situation financière difficile, pour permettre de transférer une dette en obligation. C'est un traitement fiscal différent très intéressant, autant pour les entreprises que pour les institutions financières. C'est une mesure intéressante.

Il y a une autre mesure, et là regardez combien on peut être inefficaces: abolition de la pénalité fiscale. Cela supprime, rétroactivement au 31 octobre 1985, la pénalité fiscale sur les biens de petites entreprises excédentaires détenus par les REER et les fonds enregistrés de revenus de retraite. Ce n'est pas la technicalité qu'il est important de comprendre. . .

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): À l'ordre, s'il vous plaît. Si les députés doivent absolument converser, je les prierai de le faire à l'extérieur de la Chambre. J'ai de la difficulté à entendre ce que dit le député.


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[Français]

M. Brien: Je vous remercie, madame la Présidente. Vous venez de dire que vous avez de la difficulté à m'entendre. Cela me réconforte, cela prouve qu'il y a au moins une personne qui écoute, à part mes collègues ici, deux personnes devrais-je dire.

Dans cette mesure où on abolit quelque chose de rétroactif à 1985, les raisons techniques de ceci-pas les raisons techniques mais plutôt les vrais principes-c'est qu'on n'était pas capables de l'appliquer dans la réalité. C'était trop complexe à gérer. Il nous a fallu huit ans, presque neuf ans, à réaliser qu'au ministère du Revenu, on n'était pas capables de la rendre opérationnelle. C'est très difficile à comprendre. Comment se fait-il qu'on ait attendu si longtemps? Et qu'est-il arrivé des sommes dues de ces entreprises qui n'ont pu être récupérées? Tout cela reste à voir et on va poser des questions lorsque ce projet de loi sera étudié au Comité des finances.

Une autre mesure que nous souhaitons voir poursuivre dans le futur, c'est l'extension du régime d'accession à la propriété. C'est une mesure intéressante, qui stimule l'industrie de la construction, qui permet aux individus d'avoir accès à la propriété, ce qui est souhaitable. Il y a des incitatifs fiscaux, il y a aussi des façons de traiter les choses au niveau de la fiscalité qui sont positives. Lorsqu'on parle de réforme, on ne dit pas que tout dans la fiscalité est négatif, mais il y a des choses qui sont plus positives que d'autres, et cette mesure-là en est une.

Il y a deux mesures qui traitent des actions accréditives et des frais d'exploration, où on a voulu un petit peu réparer une erreur que les conservateurs avaient faite alors qu'ils avaient mis la hache dans le programme d'actions accréditives. Le gouvernement du Québec a suivi, et je peux dire que cela a eu des conséquences désastreuses dans ma région.

En 1987, le taux de chômage était d'environ 7 p. 100 en Abitibi-Témiscamingue. Aujourd'hui, avec un tel taux de chômage, on pourrait parler presque de plein emploi. Le plein emploi qui théoriquement se situait aux alentours de 4 p. 100 au début des années 1980, doit peut-être maintenant être réajusté. Le taux de chômage permanent est peut-être plus élevé, après avoir vécu deux récessions, une au début des années 1980 et une autre au début des années 1990. À ce moment-là, notre économie roulait à plein régime. Effectivement, il y avait de l'abus. Comme dans beaucoup d'autres domaines, les gens abusent de bonnes mesures, et c'est ce qui est arrivé dans ce cas, et on a coupé de façon draconienne.

Comme on dit souvent chez nous, on a jeté le bébé avec l'eau du bain. On aurait pu apporter des améliorations techniques qui auraient permis d'améliorer cela. On a essayé de se racheter un petit peu. Ces mesures-là sont intéressantes, mais beaucoup moins intéressantes, et ce n'est pas ce qui préoccupe le plus l'Association des producteurs et des explorateurs. Et je peux vous dire une chose, pour les avoir rencontrés à plusieurs reprises, que le régime d'incitatifs et des actions accréditives était beaucoup plus intéressant dans son ancienne forme que ces mesures-là.

Il y a aussi une autre mesure qui ne doit pas être analysée seulement de cette façon-là, il faut fouiller un petit peu pour la mettre en perspective. C'est important parce que ça rejoint aussi une des positions du Bloc québécois sur laquelle il va falloir réfléchir et sur laquelle, on l'espère, le gouvernement va vouloir se pencher un jour.

(1950)

Cette mesure stipule qu'il y a un crédit annuel maximal d'impôt à l'investissement. Ce crédit va être abrogé. Auparavant, les entreprises pouvaient utiliser ce crédit jusqu'à un maximum de 75 p. 100. On pouvait réduire les bénéfices de 75 p. 100; on ne pouvait toutefois pas les amener à zéro pour ne pas payer d'impôt.

Maintenant, on dit qu'on pourra le faire. Il faut mettre cela en perspective avec une mesure qui a été entreprise l'année d'avant, qui disait qu'il y aurait une taxe sur le capital, afin que l'on s'assure que la plupart des entreprises paient un minimum d'impôt. Là où il y a peut-être un problème, où il y a peut-être matière à réflexion, sans porter de jugement, parce qu'il faut analyser la chose de façon beaucoup plus technique et pointue, c'est au niveau de cette taxe sur le capital de 0,02 p. 100 qu'on a, mais uniquement à partir d'un capital de 10 millions de dollars et plus. Est-ce que les entreprises dont le capital se situe entre 5 et 10 millions méritent d'y échapper? C'est une bonne question et il faut se la poser. La question mérite au moins d'être soulevée et elle devrait être analysée. J'espère qu'on va le faire lorsque ce sera étudié au Comité des finances.

Les deux autres mesures visaient à encourager la recherche et développement, et aussi de s'assurer que les acomptes provisionnels d'impôt soient payés. On a augmenté ce montant-là pour permettre à plus d'individus de mieux s'en sortir.

Ce projet de loi est exactement le même, à une exception près, que celui que les conservateurs avaient mis sur la table après le budget. L'exception est la modification des remboursements des versements de TPS. Non, je ne reproche pas le fait que ce soit le même. Ce que je dis, ce que je veux expliquer, c'est qu'il y a une seule modification, qui est à l'effet qu'on va continuer à avoir quatre versements trimestriels. C'est, en soi, une mesure positive, qui a permis à l'autre gouvernement de changer un petit peu les écritures comptables pour en arriver à sous-estimer le déficit. Maintenant, c'est l'effet contraire pour celui-là, car on le ramène à un niveau un peu plus élevé.

Donc, dans la réalité, ce n'est pas quelque chose qui change la vie de tout le monde, légèrement peut-être, car certains peuvent apprécier davantage avoir quatre versements, d'autres deux, mais au niveau des finances publiques et globales, comme telles, cela n'affecte rien du tout. C'était beaucoup plus du maquillage politique qu'autre chose.

Avant de terminer, je m'en voudrais de ne pas déplorer deux choses au niveau de la fiscalité et des mesures budgétaires. Il y a souvent des mesures qui ciblent les petites et moyennes entreprises. J'ai entendu un député tantôt nous parler de l'importance des gens, du retour en région, avec beaucoup d'énergie. J'aimerais aussi qu'il regarde attentivement la situation des petites et moyennes entreprises, car il doit y en avoir dans sa région aussi.

Elles ont beaucoup de difficulté à composer avec le système fiscal très complexe. Si la fiscalité est compliquée pour les individus, elle l'est tout autant pour les petites et moyennes entreprises. Elles se fient en tout point à ce que leur comptable ou un analyste quelconque, qu'elles trouvent souvent dans un

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cercle d'amis ou de proches, va leur conseiller et ce n'est pas toujours ce qu'elles font de plus bénéfique. On leur annonce des mesures, il y a des mesures temporaires pour une année, mais il leur est impossible d'évaluer rapidement les effets bénéfiques qu'ils pourraient y trouver.

Donc, ils ne sont pas capables d'utiliser à fond ces mesures-là. Il faudrait cibler davantage sur un mécanisme simple, facile de compréhension, particulièrement lorsqu'on parle de recherche et développement. La recherche et développement, on n'en fait pas assez d'initiatives privées, au Québec et au Canada. Il faudra en faire davantage dans tout le contexte de bouleversement économique qui se vit actuellement. Il va falloir inciter ces gens-là à en faire, c'est vrai, mais dans le domaine de la recherche et développement, pour avoir une réalisation en profondeur, il faut environ 18 mois. Je peux vous dire une chose, madame la Présidente, c'est qu'il y a des incitatifs fiscaux qui sont excellents, parmi les meilleurs au monde dans certains domaines, mais pas tellement compris par les utilisateurs, et très difficiles de s'y retrouver.

Évidemment, les compagnies pharmaceutiques l'ont bien compris. Elles l'utilisent bien. Au Québec, ça va très bien leur situation. Mais dans beaucoup de domaines, on ne sait même pas ce qui existe et c'est trop souvent le cas. Un ministère, Industrie et Commerce, veut un programme, alors que le ministère des Finances en veut un autre. Il y a beaucoup de programmes. Il est difficile de s'y retrouver. Il faut analyser ça. Ça prend du temps. Il n'y a pas que les coûts de la TPS pour les entreprises qui sont élevés. Le coût d'essayer de se retrouver et de comprendre dans le support des mesures gouvernementales, c'est très difficile pour les entreprises, particulièrement les PME.

J'en viens à ma conclusion. Chaque fois qu'on annonce des mesures à caractère financier, on devrait toujours au départ faire des évaluations et des prévisions sur les retombées et sur les coûts de telles mesures. On appelle cela en jargon économique, de façon très simple, des analyses coûts-bénéfices prévisionnels. Ensuite, ils mettent les résultats. On fait rarement cela, mais évidemment, on comprend. Lorsqu'on met la vraie réalité au grand jour, on peut être évalué, et ça deviendrait facile pour la population d'évaluer le gouvernement. Donc, là-dessus, j'espère que le prochain gouvernement aura un souci de transparence plus grand. Le ministre des Finances l'a dit souvent et je le rappelle à ses collègues qui sont ici, qu'ils fassent pression sur leur ministre pour qu'il respecte ceci.

(1955)

En terminant, ce sera un souci pour nous de faire le suivi de ces mesures et de ce que contiendra le prochain Budget. La vraie partie commencera là. Et pour ne pas qu'il arrive la même chose à ce gouvernement que ce qui est arrivé à son prédécesseur, il devra prendre une approche tout à fait différente.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, je tiens à remercier mon collègue pour son discours. Tout d'abord, je veux l'assurer que nous adoptons une approche tout à fait différente.

J'aurais quatre questions rapides. Tout d'abord, puisque certains Canadiens avaient pris des décisions lorsque l'ancien gouvernement, et je veux le souligner, avait annoncé certaines mesures budgétaires, je veux savoir clairement si, oui ou non, votre parti, le Bloc québécois, était d'accord avec ce projet de loi.

Deuxièmement, les réformistes, vous l'avez entendu tout à l'heure, ne veulent pas taxer du tout. On a dit: «No taxes, no taxes, no taxes», même pour les riches entreprises, même pour ceux et celles qui ont des abris fiscaux. J'aimerais connaître la position de votre parti à ce sujet.

Troisièmement, je veux savoir en même temps si le guide pour les impôts au Québec, les formulaires à remplir, s'ils sont tellement différents dans leur complexité de celles du gouvernement canadien. Cette question me tient à coeur et vous connaissez sans doute la réponse.

Finalement, vous avez parlé des petites et moyennes entreprises et vous avez indiqué qu'une des choses qui leur causaient des ennuis-et je veux être sûr que mon collègue puisse comprendre cette dernière question, c'est probablement la plus importante-était la complexité et le nombre de règlements, etc. Mais vous n'avez pas mentionné l'accès au capital. Et chez moi, à Saint-Boniface, cette belle région qui est le centre du Canada, on parle surtout de l'accès au capital pour les petites et moyennes entreprises.

Peut-être que mon collègue pourra commenter très rapidement sur mes quatre questions en répondant oui, non, peut-être.

M. Brien: Madame la Présidente, j'aimerais remercier le député de Saint-Boniface de ses questions et particulièrement le dernier point qu'il a soulevé et sur lequel je reviendrai. Je répondrai à ses questions dans l'ordre.

À la première question, il demande si on est d'accord ou non. Effectivement, qu'on soit d'accord ou non, ce sera accepté, sauf que, évidemment, à ce stade-ci, en deuxième lecture, nous allons appuyer le principe, nous allons l'examiner en détail en comité et nous allons poser des questions très précises. Ensuite, on reviendra en troisième lecture. C'est ainsi que cela fonctionne. Donc, le projet de loi va se rendre au Comité permanent des finances. De toute façon, le Comité permanent des finances a l'habitude de travailler très fort, de siéger très souvent et ça n'en fera qu'un de plus au Comité permanent des finances.

Maintenant, il a demandé quelle était notre position par rapport aux députés du Parti réformiste. Je crois comprendre où il veut en venir, à savoir si on fait une différence entre le fait de réduire certains abris fiscaux, ce qui, en fait, équivaut à une hausse de taxes. Je pense que sa question allait un peu dans ce sens.

Il peut y avoir une différence, sauf que, globalement, on va chercher des revenus de plus. Il va falloir s'entendre un jour sur la définition de «augmentation de taxes». Au sens traditionnel, cela signifie augmenter la taxe à la consommation, augmenter l'impôt sur le revenus. Mais est-ce que de réduire des abris fiscaux, des incitatifs fiscaux, c'est augmenter les taxes? Cela pourrait faire l'objet d'un bon débat de fond, mais ça revient aux mêmes effets: le gouvernement va chercher plus de revenus.

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Dans certains cas, on va être d'accord avec certains abris fiscaux; dans d'autres cas, non. On les analysera à l'unité, un à un.

Si on compare les formules entre Québec et Ottawa, elles sont peut-être complexes toutes les deux parce qu'on a deux gouvernements fédéralistes. C'est un élément important.

M. Yves Séguin, au Québec, avait fait beaucoup de travail pour simplifier les déclarations, et il reste encore beaucoup de chemin à faire. On parle souvent de chevauchement administratif, mais s'il y a une chose qui agace les gens et sur laquelle je peux vous assurer qu'il y a un avantage très grand à la souveraineté du Québec dans la vie de tous les jours des individus, c'est le fait de ne faire qu'une seule déclaration de revenus.

Globalement, peut-être que cela ne changera pas beaucoup les montants, sauf que ce serait beaucoup plus simple. L'individu s'y retrouvera beaucoup mieux, les entreprises aussi, et ce sera déjà un grand pas de fait, qu'on n'a jamais réussi à faire.

On n'aura pas besoin de faire des beaux discours pour parler d'harmonisation à l'année longue, alors qu'on ne verra jamais le début d'une harmonisation.

Je conclurai en parlant de l'accès au capital. Je peux dire aux députés qu'il faudra examiner ce que le gouvernement fera. Il y a une tendance entre le fédéral et le provincial à vouloir multiplier les fonds de soutien aux entreprises. On a les CAE, on a le CRDAT qui intervient, on a maintenant des fonds d'investissement régionaux et on nous parle de faire pression sur les institutions financières. Mais que va-t-il se passer?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 20 heures, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain, en conformité du paragraphe 24(1) du Règlement.

(La Chambre s'ajourne à 20 heures.)