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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 mai 1995

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE COMITÉ PERMANENT DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

    La présidente suppléante (Mme Maheu) 12965

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'adoption du 78e rapport 12965
    Adoption de la motion 12965
    Présentation et adoption de la motion 12965
    Présentation et adoption de la motion 12965

PÉTITIONS

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 12965

LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 12965

L'AIDE AU SUICIDE

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

LA JUSTICE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. Hill (Prince George-Peace River) 12966

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 12979
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 12980
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 12981
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 12983
    M. Hill (Prince George-Peace River) 12996

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'INFRASTRUCTURE

L'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 12997

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 12997

LES JEUX POUR PERSONNES ÂGÉES DE LA RÉGION DE YORK

LA CHAMBRE DE COMMERCE DE FREDERICTON

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 12998

LE TOURISME

    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 12998

BIKE L.A.

LES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

    Mme Dalphond-Guiral 12999

LES RÉFUGIÉS

LES BLAZERS DE KAMLOOPS

LE CLUB OPTIMISTE

LA BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE DE VANCOUVER

LE LOGEMENT

LES ÉLECTIONS EN ONTARIO

LE RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

LE PARTI LIBÉRAL DU CANADA

    M. Harper (Simcoe-Centre) 13000

LA SEMAINE NATIONALE POUR L'INTÉGRATION DESPERSONNES HANDICAPÉES

PETE MCGARVEY

QUESTIONS ORALES

LA BOSNIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13001
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13001
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13002
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13002
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13002
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13003

L'EXPORTATION D'ÉQUIPEMENTS MILITAIRES

    M. Leroux (Shefford) 13003
    Mme Stewart (Northumberland) 13003
    M. Leroux (Shefford) 13004
    Mme Stewart (Northumberland) 13004

LA BOSNIE

    M. Mills (Red Deer) 13004
    M. Mills (Red Deer) 13004

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 13004
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 13005

LA BOSNIE

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

LES DOUANES

LA BOSNIE

LE COMITÉ DE SURVEILLANCE DES ACTIVITÉS DERENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 13007

LA BOSNIE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

LES PENSIONS ALIMENTAIRES

    Mme Gagnon (Québec) 13009
    M. Martin (LaSalle-Émard) 13009

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

QUESTION DE PRIVILÈGE

UTILISATION NON AUTORISÉE D'UNE PHOTO

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

    Reprise de l'étude de la motion 13010
    Mme Gagnon (Québec) 13010
    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 13019
    Mme Ringuette-Maltais 13021
    M. Hill (Prince George-Peace River) 13021
    Rejet de la motion par 183 voix contre 41. 13029

JOUR DÉSIGNÉ-LES RÉCLAMATIONS FINANCIÈRES DUQUÉBEC

    Reprise de l'étude de la motion 13029
    Rejet de la motion par 187 voix contre 38 13030

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

    Projet de loi C-91. Reprise de l'étude de la motion 13030
    Adoption de la motion par 187 voix contre 38. 13031

LA LOI SUR LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE

    Projet de loi C-82. Reprise de l'étude de la motion endeuxième lecture 13031
    Adoption de la motion par 146 voix contre 79 13032
    Deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité 13032

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

    Projet de loi C-248. Motion visant à la deuxième lecture 13032

12965


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 30 mai 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

* * *

LE COMITÉ PERMANENT DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conformément à l'article 81(4)a) du Règlement, la motion suivante, au nom de l'honorable chef de l'opposition, est réputée adoptée: «Que, conformément à l'article 81(4)a) du Règlement, l'étude des crédits 1, 5, 10 et 35, sous la rubrique Conseil privé du Budget des dépenses principal pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996, entreprise par le Comité permanent des opérations gouvernementales, soit prolongée au-delà du 31 mai 1995.»

* * *

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, vendredi dernier, j'ai déposé à la Chambre le 78e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, au sujet de la liste des membres associés du Comité permanent des finances.

Je propose que le 78e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, déposé à la Chambre le vendredi 19 mai, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, pendant que j'y suis, j'ai une deuxième motion.

Il y a eu un changement dans la composition du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre en ce qui concerne les membres associés. Si la Chambre y consent, je propose:

Que le député dont le nom suit s'ajoute à la liste des membres associés du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre: Alcock.
(La motion est adoptée.)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je propose:

Que, conformément au paragraphe 7(7) de la Loi référendaire, chapitre 30, Lois du Canada (1992), le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre soit le comité mandaté pour étudier les règlements projetés en vertu des paragraphes 7(3) et (4) de cette loi.
(La motion est adoptée.)

* * *

(1015)

PÉTITIONS

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur aujourd'hui de présenter deux pétitions à la Chambre. La première provient d'habitants de Langley, Abbotsford et Aldergrove, dans ma circonscription. Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier la Loi sur le divorce afin d'y inclure une disposition similaire à l'article 611 du Code civil du Québec, qui stipule que les père et mère ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents et qu'à défaut d'accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, la deuxième pétition demande au Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et, notamment, de ne pas modifier le Code des droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

12966

L'AIDE AU SUICIDE

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter les deux pétitions suivantes provenant d'électeurs de ma circonscription. La première renferme 53 signatures de gens qui demandent au Parlement de veiller à ce que les dispositions actuelles du Code criminel du Canada interdisant l'aide au suicide soient appliquées rigoureusement et de s'abstenir de toute modification législative qui sanctionnerait ou autoriserait l'aide ou l'encouragement au suicide ou encore l'euthanasie active ou passive.

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Madame la Présidente, la deuxième pétition renferme la signature de 50 personnes qui prient le Parlement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour protéger les enfants à naître, en modifiant le Code criminel de sorte que les enfants à naître jouissent de la même protection que les autres êtres humains.

LA JUSTICE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, aujourd'hui, j'ai l'honneur de présenter trois pétitions protestant contre le projet de loi C-41. Cent huit électeurs de plus de ma circonscription protestent contre le projet de loi C-41 qui, selon eux, instaure au Canada un système judiciaire à deux vitesses en punissant des crimes identiques par des peines différentes. Ils protestent également contre l'insertion dans la loi fédérale de l'expression non définie «orientation sexuelle», ce qui, à leur avis, aura pour effet d'accorder des garanties juridiques spéciales à certaines personnes.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, j'ai également l'honneur de présenter deux autres pétitions contre le projet de loi C-68 qui porte sur le contrôle des armes à feu. Trois cent sept pétitionnaires de plus estiment que la législation canadienne actuelle sur le contrôle des armes à feu est suffisante et que de nouvelles lois seront inefficaces et coûteuses et qu'en outre on devrait consacrer les ressources et l'argent disponibles à lutter contre la criminalité au lieu de s'en prendre aux propriétaires d'armes à feu qui prennent leurs responsabilités au sérieux.

Je souscris à ces deux pétitions.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente aujourd'hui des pétitions signées par des électeurs de Prince George-Peace River qui estiment que le contrôle des armes à feu n'a jamais empêché les criminels de se procurer des armes à feu illégalement.

Les pétitionnaires estiment en outre que de nombreux règlements régissant les armes à feu ont été imposés par principe sans se préoccuper de leur efficacité ou de leur utilité.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer toute mesure législative châtiant les individus qui se servent d'armes à feu à des fins criminelles, d'appuyer, de reconnaître et de protéger les droits des citoyens respectueux des lois à posséder et à utiliser des armes à feu dans un but récréatif, et d'abolir les lois actuelles sur le contrôle des armes à feu qui se sont révélées inefficaces.

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


12966

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.) propose:

Que la Chambre dénonce la politique d'équité en matière d'emploi du gouvernement comme inutile, inefficace, coûteuse, impopulaire, envahissante, discriminatoire et nuisible aux groupes désignés et non désignés; que la Chambre reconnaisse l'égalité de tous les Canadiens en proclamant que l'embauche et la promotion doivent se faire uniquement en fonction du mérite plutôt que du sexe et de la race; et que les pratiques d'emploi discriminatoires soient plus vigoureusement combattues sur une base individuelle, au cas par cas.
(1020)

-Madame la Présidente, je suis heureux que vous ayez lu ma motion jusqu'à sa conclusion logique. J'apprécie également le fait que vous ayez mis l'emphase aux bons endroits. Vous avez lu cela très bien et j'en suis heureux.

L'équité en matière d'emploi est probablement la dernière tentative d'un gouvernement vieux style, présentée dans les années 60 et 70, pour montrer qu'il était capable de toucher à tous les aspects de la vie canadienne.

En fait, rares sont les domaines dans lesquels le gouvernement n'intervient pas, et on a l'impression que le gouvernement s'accroche à cette idée que, peut-être, nous devrions intervenir partout où nous le pouvons-sur le marché, dans la vie des gens-au moyen de mesures législatives envahissantes et l'équité en matière d'emploi est probablement le dernier effort sérieux pour intervenir dans la vie des compagnies et des particuliers d'un océan à l'autre.

L'équité en matière d'emploi est une avenue pavée de bonnes intentions. On se disait que, peut-être, en imposant certains objectifs raciaux et certains objectifs numériques en matière de pratiques d'embauche, nous pourrions faire en sorte que le Canada ne connaisse pas de discrimination et que nous puissions tous vivre dans l'utopie que les libéraux entrevoyaient de l'autre côté du tournant.

L'équité en matière d'emploi et l'action positive sont maintenant battues en brèche dans le monde entier. L'équité en matière d'emploi est régulièrement contestée et défaite devant les tribunaux américains, y compris la Cour suprême.


12967

Il y a une proposition en Californie qui retirerait probablement toute mesure d'action positive des lois de l'État au cours de l'année. Toutefois, ici, au Canada, au lieu de suivre la tendance mondiale qui est d'éviter toute manipulation sociale, il semblerait que, pour certaines raisons, le gouvernement ait décidé d'accroître encore la portée de son programme d'équité en matière d'emploi.

Il a présenté le projet de loi C-64, un projet de loi qui va élargir la notion d'équité en matière d'emploi pour y inclure non seulement les services du gouvernement fédéral, mais toute la fonction publique, la Gendarmerie royale, les Forces canadiennes, le SCRS et d'autres. C'est un projet de loi extrêmement envahissant. C'est du génie social de la pire espèce. En fin de compte, c'est extrêmement discriminatoire et c'est pourquoi le Parti réformiste s'y oppose.

Au cours de la semaine, j'ai découpé deux ou trois articles de journal. Je me demande si nous sommes sur la même longueur d'onde que la population canadienne. Est-ce que nous reflétons les choses qui les inquiètent? Selon un récent sondage, 74 p. 100 des Canadiens s'opposent à l'équité en matière d'emploi telle qu'elle est pratiquée au Canada. Dans ma province, la Colombie-Britannique, 81 p. 100 des citoyens s'opposent à l'équité en matière d'emploi. Or, le gouvernement, au lieu de prendre du recul et de repenser la question, a décidé d'aller encore plus loin.

Que disent les journaux ces jours-ci? Est-ce que ça préoccupe les gens? Ça préoccupe certainement la population de l'Ontario en pleine campagne électorale. Le Globe and Mail, un journal qu'on peut difficilement qualifier de radical, dit que M. Harris va supprimer le programme d'équité en matière d'emploi, si jamais il est élu premier ministre de l'Ontario.

«Est-ce radical», demande le journal, «de proposer que l'unique programme d'action positive fondé sur des quotas,» c'est-à-dire le programme d'équité en matière d'emploi, «qui pratique effectivement la discrimination à l'égard des hommes de race blanche, soit aboli en même temps que l'exigence de traiter les employés en fonction de la race, du sexe et de la présence d'un handicap?» Non, répond le Globe and Mail, ce n'est pas être radical, c'est tout simplement faire preuve de bon sens.

J'ai ici un autre article du Globe and Mail du 27 mai qui dit que ce n'est pas avec l'équité en matière d'emploi qu'on peut diriger une compagnie de chemin de fer ou un journal. J'ajouterais que ce n'est pas ainsi d'ailleurs qu'on peut diriger un pays.

L'article énumère ensuite toute une série de problèmes liés au programme d'équité en matière d'emploi. C'est trop coûteux, c'est discriminatoire, ça présente un caractère inquisitionnel, ça octroie un grand pouvoir d'intrusion. Ça présente un caractère tellement inquisitionnel que, en Ontario, il a fallu l'exclure de la Loi ontarienne sur les droits de la personne parce qu'il est impossible de se conformer à cette mesure législative tout en appliquant l'équité en matière d'emploi. Voilà à quel point il est discriminatoire.

(1025)

Il est également intéressant de constater que la majeure partie de cette argumentation repose sur quelques mots. Le gouvernement affirme que les objectifs numériques ne sont pas vraiment coercitifs et ne représentent pas véritablement des quotas. Il nous invite à ne pas nous en faire, car il a des objectifs numériques, mais ce ne sont pas des quotas.

C'est intéressant parce que ce n'est pas ce que prétendent tous les libéraux. Les ailes fédérale et provinciale du Parti libéral sont divisées sur la question. Nous avons vu un libéral fédéral important affirmer qu'un libéral était un libéral. Les libéraux fédéraux ont prononcé de nombreux discours à la Chambre pour appuyer le programme libéral de Lyn McLeod. Qu'a dit Lyn McLeod au sujet de l'équité en matière d'emploi?

M. Abbott: Lyn qui?

M. Strahl: Elle est le chef du Parti libéral de l'Ontario. Le 18 mai, il y a eu un grand débat télévisé qui a commencé par une question sur l'équité en matière d'emploi. On voulait savoir ce que les trois principaux partis feraient sur ce chapitre.

Le chef du Parti libéral provincial a attaqué à plusieurs reprises le premier ministre néo-démocrate de l'Ontario sur les termes du programme d'équité en matière d'emploi. Voici ce qu'elle a dit à ce sujet: «Pour moi, l'équité en matière d'emploi signifie que l'on garantit des chances égales dans les processus d'embauchage et de promotion. Nous ne souscrirons pas à un système de quotas ou peu importe le nom que l'on donnera au système en parlant notamment d'objectifs numériques. Pour moi, l'établissement de quotas dans le domaine de l'équité en matière d'emploi va à l'encontre du principe de l'égalité des chances.»

Elle a ajouté que les objectifs numériques, peu importe la façon dont on les désignait, équivalaient à des quotas puisqu'on met l'accent sur le but ultime à atteindre. On ne s'arrête pas sur ce qu'on devrait faire, c'est-à-dire s'assurer, dès le début du processus, de faire disparaître les obstacles qui se dressent.

Que propose donc le projet de loi C-64? Le gouvernement essaie maintenant de faire adopter envers et contre tous le projet de loi au comité. Un des premiers articles du projet de loi porte sur les objectifs numériques. Le gouvernement dit que nous ne devons pas nous inquiéter, que ce ne sont pas des quotas, mais bien des objectifs numériques. Selon Lyn McLeod, l'expression «objectifs numériques» est en quelque sorte un euphémisme pour parler de quotas. C'est exactement cela et les députés le savent. C'est pourquoi ce projet de loi répugne aux gens qui cherchent à faire en sorte que tous les Canadiens soient traités sur le même pied et qu'on n'accorde pas de traitement spécial à certains en faisant, du coup, de la discrimination contre d'autres personnes.

Elle a parlé d'égalité des chances. Si je devais qualifier sa position sur cette question, je dirais qu'elle s'exprime beaucoup comme une réformiste. Même si j'ai du mal à l'admettre, c'est la position du Parti réformiste. Nous croyons qu'il faut assurer l'égalité des chances, mais nous ne pouvons pas garantir l'égalité des résultats.

Je ne comprends pas pourquoi les libéraux fédéraux et provinciaux ne peuvent s'entendre là-dessus. Ils devraient examiner leurs deux livres rouges respectifs. Il y en a un qui est plus


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discrédité que l'autre parce qu'il est publié depuis beaucoup moins longtemps. Dans le livre rouge provincial, on affirme qu'on va abolir les objectifs numériques. Pourquoi? Parce qu'il ne favorise pas l'égalité.

Le chef des conservateurs provinciaux dit qu'il va éliminer tout le programme. Les libéraux fédéraux semblent être du même avis que le NPD. Ils sont les seuls, dans la campagne électorale provinciale, à dire que les objectifs numériques sont admirables. Comme le NPD, ils ont l'air de trouver que c'est une bonne idée. Même les libéraux provinciaux disent que ce n'est pas une bonne idée.

Les libéraux sont probablement animés d'intentions louables. Ils ont l'impression de promouvoir l'égalité des chances. Cela se fonde sur une série de fausses hypothèses que j'aimerais revoir ici.

Pour commencer, on a tort de croire que l'on peut en quelque sorte avoir une parité numérique et que des quotas vont éliminer la discrimination ou rendre les choses plus justes.

(1030)

Les gens se retrouvent dans telle ou telle profession pour toutes sortes de raisons, qu'elles soient culturelles, géographiques, économiques ou historiques. Ils ont accordé la priorité à autre chose qu'à leur carrière, parce qu'ils ne veulent pas nécessairement être sur le marché du travail ou qu'ils ne veulent pas travailler à temps plein. Ce n'est pas en fixant des objectifs numériques que l'on parviendra à avoir une représentation équitable de la main-d'oeuvre dans une profession donnée. Ce n'est pas possible et ce ne sera jamais possible, peu importe les efforts qui sont faits pour légiférer sur cette question.

Cette mesure législative repose sur une fausse hypothèse, l'hypothèse que les employeurs canadiens font systématiquement preuve de discrimination et qu'ils sont méchants. Ils font systématiquement de la discrimination à l'égard des gens et ils sont coupables. Nous devons les forcer à changer d'attitude. Même s'ils ne sont pas coupables, leurs parents ou leurs grands-parents l'ont sans doute été et ces employeurs doivent être contraints de modifier leur attitude et de se conformer aux règles. S'ils refusent de faire ce qu'on leur dit, nous allons les y obliger en ayant recours à la politique de conformité.

Il est injuste de supposer que les employeurs font preuve de discrimination. Je sais que nous ne vivons pas dans un monde parfait et que, lorsque des individus sont reconnus coupables de discrimination, les cours de justice et les tribunaux des droits de la personne doivent être sans pitié à leur égard. Les députés de mon parti n'ont aucune tolérance à l'égard de ceux qui pratiquent la discrimination contre qui que ce soit. Tous doivent être traités de façon égale et, lorsque des employeurs ne respectent pas cette règle, les cours de justice et les tribunaux doivent faire leur travail et leur imposer les peines voulues. Ceci a toujours été le point de vue de mon parti.

Par ailleurs, nous avons de sérieuses réserves au sujet des statistiques sur lesquelles repose tout cet exercice. Par exemple, 10 p. 100 des autochtones ont refusé d'être recensés au recensement de 1991. Aussi, nous utiliserons les données de 1991 jusqu'en l'an 2003. Autrement dit, il faudra aligner les pratiques d'emploi actuelles sur des statistiques vieilles de 12 ans, alors que la situation démographique du Canada change très rapidement. Ça ne peut pas fonctionner. De plus, les grandes généralisations statistiques ne tiennent pas compte du fait que certains groupes, et cela même si l'on est partisan des droits des groupes, n'ont pas besoin d'aide.

Bien que cela ne me plaise guère de l'avouer, Statistique Canada répartit la population canadienne selon l'origine ethnique et le revenu. Si l'on prend le groupe ethnique qui affiche le niveau de revenu le plus élevé au Canada, ce que je répugne à dire, ce sont les personnes d'origine japonaise, suivies des personnes d'origine juive et égyptienne qui ont les niveaux de revenu les plus élevés parmi les groupes ethniques au Canada.

Pourquoi faudrait-il mettre sur pied un programme d'équité en matière d'emploi qui favoriserait, dans ce cas, le groupe où le revenu par tête est le plus élevé au Canada? Si nous voulons respecter la lettre, sinon l'esprit de la loi, nous n'avons qu'à dire que nous embaucherons un groupe ou un autre, mais nous devrions le faire en fonction du mérite et non de l'ethnicité. Cependant, si nous atteignons notre quota, nous risquons de l'atteindre en embauchant des personnes qui n'ont pas besoin d'aide et en laissant de côté celles qui ont déjà un bon emploi ou une bonne moyenne statistique, si c'est ce qui importe.

Curieusement, le plus gros problème que pose cette base statistique, c'est qu'en 1991, 765 000 personnes ont refusé de dire quelle était leur origine ethnique. Quelqu'un sait-il ce qu'elles ont inscrit? «Canadienne». Statistique Canada dit qu'il ira au fond des choses en modifiant le prochain sondage de sorte que les gens soient obligés de donner leur origine ethnique, car il ne peut tolérer cette tendance dangereuse qui veut que les gens commencent à se dire Canadiens. Il faut qu'il y ait des Canadiens de souche étrangère. Statistique Canada va changer ses formulaires pour s'assurer d'obtenir davantage de réponses de ce genre au cours du prochain sondage. Je suis tellement heureux de l'entendre. C'est dégoûtant.

Nous sommes également fort préoccupés par le caractère coercitif de cette mesure. Le projet de loi C-64 et les pratiques employées actuellement pour assurer l'équité en matière d'emploi exigent que les gens précisent leur groupe ethnique et signalent leur appartenance à l'un des quatre groupes désignés, soit les minorités visibles, les femmes, les personnes handicapées et. . . Quel est le quatrième groupe? En tout cas, les gens doivent déclarer leur appartenance à l'un de ces groupes. Que se passe-t-il s'ils ne le font pas? La loi et les tribunaux disent bien qu'on ne peut les forcer à le faire.

(1035)

C'est intéressant d'apprendre que le MDN doit participer à la mise en place du nouveau processus et que ce ministère a entrepris le processus d'identification de ses employés. Voilà comment il procède. On a distribué un questionnaire en deux parties. Il est spécifié dans le haut de la page que la première partie, où l'on inscrit notamment son nom, grade et numéro de matricule, etc., doit être remplie. Il est écrit sur le formulaire qu'il n'est pas obligatoire de remplir la deuxième partie, qui porte sur l'origine ethnique. La personne qui ne la remplit pas n'est pas censée être victime de discrimination. Elle peut se contenter de remplir le


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haut seulement. Elle n'a pas à s'inquiéter si elle n'écrit rien dans la partie du bas.

Soyons sérieux. Une fois que le nom d'un employé figure sur le formulaire, il est clair que celui-ci n'a plus rien à dire. Le chef du personnel ou le supérieur peut se demander si cette personne joue franc-jeu ou non. Il peut lui demander de remplir la partie du bas-chercher à obtenir coûte que coûte les renseignements sur son groupe ethnique. C'est très dangereux.

Nous croyons que c'est un mauvais système. En outre, il est facile d'en abuser. Il suffit de mentir sur le formulaire. Par exemple, que se passerait-il si nous encouragions tout le monde à se déclarer membre d'un groupe minoritaire, si tous les Canadiens s'identifiaient comme des membres d'une des minorités? Il pourrait arriver que tout le programme se fonde sur des données statistiques totalement fausses. Ce serait évidemment déplorable.

J'ai mentionné qu'il y avait seulement les quatre groupes désignés. Même si le gouvernement n'entend pas ajouter d'autres groupes à l'heure actuelle, il est intéressant de voir qu'il est possible d'en inclure d'autres. Nous savons que les tribunaux peuvent interpréter la Charte des droits dans ce sens. La semaine dernière, par exemple, la Cour fédérale n'a pas dit de façon explicite que les homosexuels étaient visés par l'article 15 de la Charte, mais elle a déclaré que ce devrait être le cas, de sorte que cette déclaration sera désormais citée. L'idée qu'il existe seulement quatre groupes désignés peut donc être élargie.

Aux États-Unis, une firme new-yorkaise a dû procéder à un recensement complet de tous ses employés, en particulier les Américains d'origine canadienne, pour déterminer s'ils avaient été victimes de discrimination. Je devrais probablement m'en réjouir. Nos travailleurs trouveront peut-être des débouchés aux États-Unis. Mais ce fait montre bien que l'application trop poussée d'un principe aboutit au ridicule.

Le programme d'équité en matière d'emploi coûte aussi très cher. Aux États-Unis, où il est en place depuis une trentaine d'années, la revue Forbes estime son coût à près de 4 p. 100 du PIB par an. Des dizaines de milliards de dollars sont consacrés, voire gaspillés, au lieu de servir à aider ceux qui en ont besoin. Le gouvernement gaspille de l'argent pour des programmes qui n'ont jamais prouvé qu'ils aidaient vraiment les groupes désignés. Au Canada, le programme ne fait que commencer, mais il n'est pas aussi envahissant ni aussi coûteux. Il reste qu'environ 1 p. 100 du PIB serait consacré en pure perte à des programmes d'équité en matière d'emploi. Autrement dit, le gouvernement affecterait six ou sept milliards de dollars à des programmes qui n'aident même pas les gens visés. On gaspille l'argent pour la documentation, les rapports et la promotion, mais on ne subvient pas aux besoins de la population.

Le Parti réformiste voit dans ces programmes d'équité une entrave pour notre économie et une taxe cachée, dont nous n'avons pas les moyens, sur les entreprises. Les groupes désignés sont également lésés. Selon de nombreuses études, ils perçoivent du paternalisme lorsque nous disons qu'il faut appliquer un programme pour garantir aux femmes, par exemple, des emplois dans tel ou tel secteur, qu'un programme spécial est indispensable. On peut déduire de cette attitude que, en somme, les femmes ne sont pas qualifiées. Rien n'est plus ridicule. Aujourd'hui, 55 p. 100 des diplômés des universités sont des femmes. Je suis heureux de constater que les femmes occupent des postes de commande dans toutes les sphères d'activité et continuent de s'affirmer au fur et à mesure que nous nous éloignons d'une culture dans laquelle elles étaient pour ainsi dire confinées à l'éducation des enfants et aux travaux ménagers. Nous adoptons une nouvelle culture dans laquelle les femmes sont et doivent être acceptées dans tous les domaines de l'économie.

(1040)

Il est extrêmement paternaliste de prétendre qu'elles ne peuvent livrer concurrence sur un pied d'égalité. Cela vaut non seulement pour les femmes, mais aussi pour les autres groupes désignés. Le rôle du gouvernement est d'assurer des chances égales à tous. Il doit inviter tout le monde à livrer concurrence sur un pied d'égalité. Voilà ce que le gouvernement doit faire, et non pas imposer des résultats sur le plan de l'emploi.

Mes collègues soulèveront une foule d'autres points au cours de la journée et feront ressortir ce qui cloche dans cette idée de l'équité en matière d'emploi. J'ai hâte d'entendre la suite du débat.

M. Maurizio Bevilacqua (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Madame la Présidente, comme la plupart des Canadiens sans doute, je suis scandalisé et très attristé de constater la méconnaissance consternante et l'insensibilité dont témoigne la motion du député. Elle serait ridicule si elle n'était pas si déplorable.

La discrimination n'a rien de drôle. Cette motion mesquine dépasse vraiment la mesure pour des millions de Canadiennes, d'autochtones, de membres de minorités visibles et de personnes handicapées qui ne connaissent déjà que trop bien les inconvénients qu'il y a à faire partie de l'un de ces groupes désignés.

Il est parfaitement clair que cet effort pour couler le projet de loi C-64 n'est rien de plus qu'un désir de revenir à l'époque où les hommes étaient des hommes et tous les autres savaient se tenir à leur place. Le Canada ne peut se permettre que les attitudes anachroniques exprimées dans cette motion d'opposition fassent entrave au progrès.

Pour ceux qui font partie des groupes désignés, l'équité en matière d'emploi est une question de respect de la personne humaine et de démocratie. Il y va de la liberté d'exercer ses droits garantis par la Constitution, de participer au processus politique, d'apporter sa contribution à la vie économique et culturelle du Canada.

L'équité en matière d'emploi signifie simplement que chacun est traité également, non de façon privilégiée ni au détriment des Canadiens ne faisant pas partie des groupes désignés. Cela signifie seulement que les candidats qualifiés, sans distinction de genre, de race ni de capacité physique ou intellectuelle, seront considérés sur un pied d'égalité pour l'embauche et seront promus en fonction du mérite.


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Je voudrais exposer à la Chambre le raisonnement erroné sur lequel se fonde cette motion et expliquer clairement les avantages évidents des modifications que nous proposons d'apporter au chapitre de l'équité en matière d'emploi. Je vais passer en revue la litanie des reproches adressés au projet de loi C-64.

Voyons d'abord l'affirmation selon laquelle le projet de loi est inutile. Parlez-en au commissaire canadien des droits de la personne qui, en 1994 seulement, a traité 1 372 plaintes de discrimination fondée sur la déficience, la race, la couleur, l'origine nationale ou ethnique ou le sexe.

Je défie le député d'appliquer sa thèse aux personnes atteintes d'une incapacité, dont seulement le quart se trouve un emploi. Ces personnes ainsi que les autochtones affichent le plus fort taux de chômage au Canada, 18,5 p. 100, ce qui correspond au double de la moyenne nationale.

Le député pourrait peut-être expliquer aux jeunes Canadiens qui appartiennent à des minorités visibles et qui sont généralement plus instruits et mieux formés que la population en générale les raisons pour lesquelles ils affichent, eux aussi, des taux de chômage élevés. Qu'il dise aux Canadiennes que la politique d'équité en matière d'emploi est inutile, quand on sait que les femmes, même si elles sont beaucoup plus qualifiées pour un poste, sont souvent incapables d'aller au-delà du plafond voilé.

Permettez-moi de citer la juge Rosalie Abella, ex-présidente de la commission royale sur l'emploi, qui disait: «Pour chacune des milliers de femmes qui parviennent à dépasser le plafond voilé, il y en a des millions pour qui un plafond n'est qu'une autre surface à nettoyer.»

(1045)

Je tiens à rappeler aux réformistes que les Canadiens de race blanche représentent à peine 45 p. 100 de la population active. Pourtant, ils obtiennent 55 p. 100 de tous les emplois. Les hommes occupent environ 90 p. 100 de tous les postes de haute direction. Ils gagnent aussi en moyenne autour de 20 p. 100 de plus que les femmes.

Selon le rapport Wannell et Caron qui a été diffusé récemment et qui analyse l'équité en matière d'emploi chez les jeunes diplômés d'établissements d'enseignement postsecondaire, même si les hommes et les femmes sont sur un même pied d'égalité lorsqu'ils accèdent au marché du travail, la situation change au cours de leur carrière. Au fil des ans, l'écart entre les gains tend à s'accentuer au sein d'un groupe de diplômés. Les auteurs de l'étude ont établi que le rapport entre les gains des femmes et ceux des hommes diminue de 5 p. 100 sur une période de cinq ans.

Je pose la question aux députés. Peut-on en conclure que les membres des groupes désignés profitent d'un traitement préférentiel? Les statistiques se passent de commentaires.

Parlant de chiffres, lorsque l'opposition prétend que le programme d'équité en matière d'emploi est trop coûteux, elle se trompe. Cette initiative a été conçue pour réduire au minimum le fardeau de la réglementation et le coût pour l'entreprise en rationalisant et en simplifiant les critères dans une seule démarche législative. Afin que tout nouveau règlement constitue le moins possible un fardeau, on envisage de recourir à un test de résistance de l'entreprise mis au point par le ministère de l'Industrie.

L'application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi n'a pas été étendue aux petites entreprises et le Programme de contrats fédéraux n'a pas été élargi. Le seuil demeure de 100 employés.

Il en coûtera quelque chose aux employeurs du secteur privé pour donner suite au contrôle prévu par la loi, mais ce coût sera compensé par les économies que rendront possibles les modifications que l'on propose d'apporter à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le coût pour le gouvernement a aussi été soigneusement calculé.

Je puis assurer à la Chambre que ce projet de loi n'entraînera aucune dépense additionnelle pour le ministère du Développement des ressources humaines. La Commission canadienne des droits de la personne a aussi fait savoir qu'elle peut financer les activités d'application prévues dans le projet de loi C-64 sans défoncer son budget actuel.

Ces considérations de coût sont loin de tenir compte des nombreux avantages économiques de l'équité en matière d'emploi. Les employeurs progressistes rapportent que l'équité en matière d'emploi leur donne un avantage sur la concurrence. Ils disent que la loi les aide à attirer, garder et motiver des employés de tous les horizons, ce qui constitue un avantage non seulement au niveau des ressources humaines, mais encore pour ce qui est d'exploiter un marché plus varié. Il est donc évident que le Parti réformiste est terriblement mal informé à cet égard et en ce qui concerne la popularité de l'équité en matière d'emploi.

Je rappelle au député que le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées a tenu de vastes consultations et a entendu plus de 50 témoins représentant les intérêts des entreprises, des travailleurs et des groupes désignés. L'immense majorité de ces témoins ont déclaré qu'ils étaient en faveur de l'équité en matière d'emploi. Il va sans dire que le sont aussi des millions de femmes, de personnes handicapées, de membres des minorités visibles et d'autochtones, qui composent plus de la moitié de la population du pays. Ce sont des données des plus éloquentes.

Je dois admettre que j'éprouve la plus grande difficulté du monde à comprendre l'argument de l'opposition voulant que l'équité en matière d'emploi soit discriminatoire et nuise aux groupes désignés. Certes, il reste encore beaucoup à faire, mais il n'empêche qu'un grand nombre de membres des groupes désignés ont fait des progrès substantiels depuis l'adoption de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

La représentation des femmes dans la main-d'oeuvre est maintenant du même ordre que leur disponibilité, bien que nombre d'entre elles soient toujours confinées à des emplois mal rémunérés et à temps partiel. L'avancement vers des postes de direction s'améliore. La représentation des femmes dans les postes de cadres moyens est passée d'environ un tiers en 1987 à plus de 43 p. 100 en 1993, alors que leur part des emplois de


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cadres supérieurs a plus que doublé pour s'établir tout juste en dessous de 11 p. 100.

(1050)

Les minorités visibles ont également fait des progrès lents mais constants dans tous les groupes professionnels, y compris la gestion. La représentation des minorités visibles dans la population active est passée de 5 p. 100 en 1987 à plus de 8 p. 100 en 1993. Ce taux est presque égal à leur taux de disponibilité, qui se chiffre à 9,1 p. 100. L'excellente nouvelle, c'est que c'est dans le secteur bancaire que la représentation des minorités visibles est la plus élevée, atteignant 13,4 p. 100.

Il importe de souligner à la Chambre que ces progrès n'ont pas été réalisés au détriment d'autres Canadiens. Dans une déclaration accompagnant le rapport annuel de 1994 de la Commission des droits de la personne, le commissaire en chef Max Yalden a dit que, loin de perdre du terrain, les hommes blancs aptes au travail semblent obtenir plus que leur juste part des emplois; qu'on pourrait difficilement dire que de telles données tracent un portrait convaincant de la discrimination à rebours.

Le véritable danger de la motion, c'est qu'elle pourrait causer de sérieux dommages. Si elle était adoptée, elle réintroduirait dans la loi une norme inacceptable pour des millions de Canadiens désavantagés. Ce serait donner un appui tacite au racisme, au sexisme et à d'autres formes de discrimination qui, nous le savons, existent déjà en milieu de travail.

Des personnes pourraient subir des préjudices sans qu'on puisse vérifier ce qui en est et cela pourrait même encourager des actes flagrants de harcèlement physique ou sexuel contre les plus vulnérables. Maintenant que j'ai expliqué pourquoi la motion de l'opposition est inacceptable, je m'arrêterai aux mesures positives contenues dans le projet de loi C-64 sur l'équité dans l'emploi.

Comme nous l'avons promis dans le livre rouge, la portée de la Loi sur l'équité en matière d'emploi sera élargie, de sorte que cette dernière s'appliquera désormais au secteur public aussi bien qu'au secteur privé. En vertu des nouvelles dispositions, les employeurs du secteur public et ceux du secteur privé seront soumis aux mêmes obligations pour ce qui est de l'élaboration et de la mise en oeuvre de plans et de programmes d'équité en matière d'emploi.

La loi actuelle s'applique à environ 5 p. 100 de tous les employés au Canada. Le portée élargie de la loi dans la fonction publique ajoutera 2 p. 100 des employés. Si l'on pense qu'il y a environ 230 000 employés dans les 80 ministères et autres organismes fédéraux, les modifications ouvrent beaucoup de nouvelles possibilités aux membres des groupes désignés.

Nous avons inclus l'ensemble du secteur public parce que, dans notre livre rouge, nous nous sommes engagés à avoir une fonction publique fédérale représentative de la population. Pour la même raison, les entrepreneurs fédéraux devront aussi respecter les principes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

L'élargissement des pouvoirs de la Commission canadienne des droits de la personne représente une autre amélioration clé contenue dans le projet de loi. Son mandat est élargi pour qu'elle puisse faire des vérifications auprès des employeurs des secteurs public et privé afin de s'assurer qu'ils se conforment à la loi.

Les changements serviront à préciser les pouvoirs d'exécution de la commission pour voir à ce que les employeurs respectent le principe de l'équité en matière d'emploi dans les faits. Je puis assurer à la Chambre que les modifications ne se veulent pas trop sévères. La mise sur pied d'un mécanisme d'exécution en est d'ailleurs la garantie. La nouvelle mesure législative vise à établir un équilibre. On ne cherchera pas à régler une série de problèmes pour les employés en créant une autre série de problèmes pour les employeurs. Les modifications à la réglementation seront minimes et elles seront élaborées en collaboration avec les entreprises.

Le gouvernement est déterminé à créer un climat propice à la croissance économique et à la création d'emplois. Nous sommes convaincus que les modifications proposées, qui n'alourdiront pas la bureaucratie, nous permettront d'atteindre cet objectif. Nous faisons notre possible pour nous assurer que chaque Canadien, quels que soient son sexe, sa race ou ses caractéristiques physiques, a la chance d'exploiter son potentiel, d'obtenir un emploi intéressant et de contribuer à la santé sociale et économique du Canada.

L'équité en matière d'emploi n'empêche pas le progrès. C'est un catalyseur qui sert à améliorer notre milieu de travail. La diversité de la main-d'oeuvre accroîtra la compétitivité des entreprises canadiennes dans l'économie mondiale à des coûts très peu élevés.

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Je pose la question aux députés de la Chambre: Est-il possible d'attacher un prix à la satisfaction personnelle et à la dignité liées au fait d'avoir un emploi? Si nous modifions la Loi sur l'équité en matière d'emploi, ce n'est pas pour compter des employés ou instituer de nouvelles règles et de nouveaux règlements. Nous cherchons plutôt à donner aux femmes, aux autochtones, aux personnes handicapées et aux membres des minorités visibles la chance d'être autonomes et d'avoir une vie enrichissante. Nous voulons donner un sens à la vie de millions de Canadiens, hommes et femmes, qui sont prêts à travailler et qui veulent le respect, la reconnaissance, le salaire et le niveau de vie que seul un emploi peut leur donner.

Les modifications proposées visent à promouvoir l'utilisation optimale de nos riches ressources humaines. Elles doivent servir à stimuler notre économie nationale. Cela montre la façon progressiste dont le gouvernement s'attaque à la question de l'équité en matière d'emploi.

La motion de l'opposition est peu judicieuse et passe à côté de la question. Le projet de loi C-64 affirme que l'embauche et la promotion devraient se faire en fonction du mérite et non de l'appartenance à un groupe désigné particulier. Il est conçu de sorte que les décisions soient fondées uniquement sur les exigences véritables du poste et non sur des critères n'ayant aucun rapport avec le poste en question.

Cette mesure législative stipule clairement que l'obligation de mise en oeuvre de l'équité en matière d'emploi n'oblige pas l'employeur «à engager ou promouvoir des personnes non qualifiées». En ce qui concerne le secteur public, je cite encore une


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fois: «à engager ou promouvoir des personnes sans égard au mérite», ce qui bien sûr nous amène à la question: Que peut-on trouver de discriminatoire à cela?

Je peux seulement conclure, comme l'a fait la Commission canadienne des droits de la personne dans son rapport de l'an dernier, que le ton de l'opposition à l'égard de l'équité en matière d'emploi semble parfois un peu trop strident. Pour ceux et celles qui ont foi dans les principes de la démocratie et dans les idées nobles de cette institution, la Loi sur l'équité en matière d'emploi est un rappel apprécié des valeurs chères à notre nation. Elle affirme que les Canadiens sont un peuple juste et honorable qui croit profondément dans la justice et la dignité pour tous.

Je suis fier de me compter parmi les personnes qui appuient l'équité en matière d'emploi. Je demande instamment aux députés de rejeter cette motion draconienne.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux que le député se compte parmi les partisans de l'équité en matière d'emploi. Dans ma province, il ferait partie des 11 p. 100 seulement qui sont du même avis que lui.

La semaine dernière, j'ai participé à un débat télévisé sur la question de l'équité en matière d'emploi. L'animateur m'a posé quelques questions dans le même ordre d'idées que les propos du député. Il m'a demandé, par exemple: Comment pouvons-nous nous assurer que les employeurs engageront les candidats les plus qualifiés? Le député a dit que les employeurs progressistes attiraient les meilleurs employés. Il se pourrait que cette idée soit si imparfaite parce que le projet de loi a été conçu à Ottawa.

Les députés devraient prendre le temps de se rendre à Vancouver; ils s'apercevraient que le Canada ne s'arrête pas aux Rocheuses. Ils devraient venir voir de leurs propres yeux de quoi la Colombie-Britannique a l'air. La Colombie-Britannique et, plus particulièrement, Vancouver et les basses terres du Fraser, sont parmi les endroits les plus cosmopolites du pays.

Des centaines de milliers de personnes de toutes origines ethniques vivent et travaillent ensemble harmonieusement dans cette région côtière. D'ici l'an 2000, 85 p. 100 de tous les nouveaux candidats à un emploi appartiendront aux quatre groupes désignés. Quel employeur de Vancouver va refuser d'engager les meilleurs candidats possibles? Un employeur sans avenir qui ne va pas tarder à faire faillite.

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À Vancouver, si les employeurs n'engagent pas les meilleurs candidats, quels que soient leur sexe ou leur appartenance à une minorité visible, ils ne pourront pas résister à la concurrence sur la côte ouest du Canada. Il doivent engager les meilleurs candidats. Les employeurs de cette région trouvent toute cette idée risible. C'est pour ça qu'elle ne recueille l'appui que de 11 p. 100 des habitants de la province. La réaction des employeurs est la suivante: «Nous engageons les meilleurs candidats. Je me moque pas mal de leur sexe, de la couleur de leur peau ou de leurs origines. J'ai besoin de la meilleure main-d'oeuvre possible.»

Même s'ils mentionnent des progrès depuis l'entrée en vigueur de l'ancienne loi sur l'équité en matière d'emploi, les employeurs visés par la loi depuis huit ou neuf ans n'ont pas fait mieux, en matière d'embauche de personnes appartenant à des groupes désignés, que les employeurs qui ne sont pas visés par la loi. Autrement dit, ils ont fait toute la paperasserie, ils se sont conformés à ce qu'on a exigé d'eux, ils ont fait des décomptes, ils ont dépensé de l'argent, mais il n'y a pas la moindre différence. Si la situation était meilleure, je pourrais peut-être croire au bien-fondé de la loi, mais elle n'a apporté aucune différence, parce que les employeurs des domaines non-visés ont fait tout aussi bien en matière d'embauche d'employés de groupes désignés.

À Toronto, si l'on classe les personnes à faible revenu par origine ethnique, on constate que les Portugais ont, en moyenne, les revenus les plus bas, le taux d'emploi le plus faible et un des taux les plus faibles de réussite à l'école secondaire. C'est un problème dans cette collectivité. Ce qui est paradoxal, c'est qu'ils peuvent très bien vivre de l'autre côté de la rue par rapport à une personne qui appartient à un groupe qualifié de minorité visible, donc visé par le programme, alors que le Portugais, lui, n'est pas visé. Pourquoi? Parce qu'il ne répond pas aux critères.

Les Portugais ont un besoin patent, ils sont historiquement défavorisés, ils ont revenu moyen très faible, ils ont de mauvaises opportunités d'emploi, ils sont moins instruits, ils ont besoin d'aide en raison de cela et non en raison de leur appartenance ethnique, mais ils ne peuvent pas en obtenir parce qu'ils ne sont pas dans le bon groupe. C'est tout à fait injuste, parce que ce groupe a besoin d'aide autant que toute autre personne vivant dans cette rue.

Je voudrais que le député réponde aux observations que je viens de faire et qu'il me donne des exemples, pris dans la liste des employeurs ayant des pratiques d'emploi répréhensibles. Comme je l'ai mentionné plus tôt, actuellement, les sociétés qui refusent d'embaucher les meilleurs sont celles qui sont sur le déclin. Et c'est une bonne chose. Si elles n'embauchent pas les meilleurs, elles méritent de faire faillite. Toutefois, elles ne devraient pas être forcées d'embaucher en fonction de quotas. Si une société emploie des femmes à 80 p. 100, qu'est-ce que ça change? Si ce sont les mieux aptes à faire le travail, c'est parfait.

Je voudrais qu'il me dise à quels employeurs de sa liste de sociétés qui font de la discrimination il va s'attaquer avec sa mesure législative coercitive.

M. Bevilacqua: Madame la Présidente, je me demande si le député a écouté lorsque j'ai prononcé mon discours ou s'il a porté suffisamment attention aux témoignages des nombreuses personnes qui se sont présentées devant le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, pour comprendre que la Loi sur l'équité en matière d'emploi est une mesure positive que le gouvernement a prise pour


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abolir, de la façon la plus juste possible, certaines inégalités qui existent au sein de notre société.

Si le député a vraiment l'intention d'améliorer notre société, il devrait notamment examiner la structure du pouvoir au pays, que ce soit la structure politique ou économique, afin de voir si la diversité culturelle de notre population se reflète au sein de cette structure du pouvoir. Il pourrait peut-être lire The Vertical Mosaic, de Porter, qui l'éclairera beaucoup sur ce que nous devons faire pour rendre notre société juste, encore plus juste qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. J'ai cité, durant mon discours, quelques statistiques qui illustrent clairement que cette loi est très juste et qu'elle vise à redresser certaines iniquités.

(1105)

Je sais d'où viennent le député et le Parti réformiste. Je crois qu'ils sont très préoccupés par la relation entre le mâle blanc et l'économie. Je comprends leur réaction instinctive à cette inquiétude car il est évident que, sur le plan intellectuel, elle est très faible.

Je tiens à leur répéter à nouveau, pour qu'ils le comprennent bien une fois pour toutes, que, même si les hommes blancs canadiens ne représentent que 45 p. 100 de la main-d'oeuvre, ils obtiennent 55 p. 100 des emplois. Lorsque les députés du Parti réformiste parlent à leurs électeurs, ils devraient leur présenter les faits qui correspondent vraiment à la réalité canadienne. Ils devraient essayer de les convaincre que, malheureusement, la discrimination, ça existe au Canada. Elle touche les autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles, qui ne sont pas traités équitablement dans notre système économique.

En tant que société, nous pourrions refuser de voir la réalité en face, ou, en tant que gouvernement, nous pourrions prendre conscience de la situation et essayer d'y remédier. Avec le projet de loi C-64, le gouvernement fait un pas dans la bonne direction.

Je dis au Parti réformiste qu'il ne doit pas se faire d'illusions. Les Canadiens savent d'où vient ce parti.

M. Abbott: Oh, oui!

M. Bevilacqua: Ils comprennent le sens exact de cette motion. Ils lisent entre les lignes. Le député a beau enrober la chose de belles paroles, nous savons de quoi il retourne. Les Canadiens ne sont pas dupes.

Les réformistes devront s'adresser à la population canadienne et parler aux plus de 50 p. 100 de leurs concitoyens qui n'ont pas été traités équitablement. Qu'ils aillent leur exposer leur position. Qu'ils leur disent que les pratiques d'embauche actuellement en vigueur sont équitables pour tout le monde. Lorsqu'ils connaîtront les réponses, que les réformistes reviennent dans cette enceinte et qu'ils donnent l'heure juste aux personnes handicapées, aux minorités visibles et à tous les groupes qui ont comparu devant le comité. Qu'ils cessent de se livrer à des jeux bassement politiques au détriment d'un enjeu qui revêt une très grande importance pour notre système économique.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je vous remercie de me permettre de participer au débat. Quand la Chambre aura repris ses esprits, vous me permettrez de dire qu'évidemment il est connu, et je suis fier de le rappeler, que le Bloc québécois appuie le projet de loi se rapportant à l'équité en matière d'emploi.

Vous comprendrez que je suis inquiet que l'on puisse aujourd'hui, comme parlementaires, être saisis d'une motion qui, à mon sens, est profondément conservatrice, une motion profondément rétrograde et une motion qui a le très grand démérite de ne pas admettre une prémisse de base que plusieurs témoins sont venus nous rappeler depuis le mois de décembre. Il y a près de sept mois que le Comité permanent des droits de la personne, dont je suis vice-président, travaille sur la question de l'équité en matière d'emploi.

Je peux vous assurer que nous avons reçu plusieurs témoignages de gens qui sont venus nous rappeler qu'il faut être profondément aveugle, profondément obtus, pour ne pas comprendre que face au marché du travail, face à la nécessité de se tailler une place dans une organisation, ce n'est pas vrai que nous sommes tous égaux devant la loi.

Permettez-moi de rappeler que la notion d'équité en matière d'emploi n'est pas une notion nouvelle. C'est au début des années 1970 qu'il y a eu un mouvement dans la société canadienne, des gens ont réclamé des interventions du législateur, de sorte que nous puissions tendre vers une égalité accrue entre les individus.

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Et on peut dire, quand on se préoccupe de la question de l'équité en matière d'emploi, qu'il y a finalement deux grands types de discrimination. Il y a une discrimination qui est plus individuelle dans notre société, et cela prend la forme de préjugés, de stéréotypes et de relations interpersonnelles. Il y a une autre grande famille de discrimination qui est la discrimination systémique. Cela veut dire que le système, le marché du travail, si on le laissait à lui-même, en soi, engendre, sécrète des inégalités et, par un ensemble de pratiques, de procédures, on se retrouve dans une situation. L'exemple le plus évident qu'on peut donner c'est qu'on sait bien qu'on n'a pas la même possibilité de faire carrière lorsque l'on est une femme.

On pourrait appliquer ce raisonnement à la politique. Lorsqu'une femme veut faire une carrière publique, on le sait bien, il faut admettre, il me semble, en toute honnêteté qu'il y a là une exigence additionnelle parce qu'il y a une division sociale du travail où on tient pour acquis qu'il est normal que ce soit les femmes qui s'occupent des enfants. C'est vrai pour le marché du travail. Il est beaucoup plus difficile pour une femme de s'élever jusqu'aux échelons de cadre à cause des pressions sociales toujours existantes dans notre société.

C'est dans ce contexte qu'en 1983 le législateur de l'époque, qui était un gouvernement libéral, a mandaté la juge Rosalie Abella de créer une commission d'enquête suggérant les moyens à prendre pour tendre vers une plus grande équité en milieu de travail. Ce qui est intéressant de cette commission, qui a fait 31 recommandations dont un certain nombre sont devenues loi et


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dont un certain nombre sont présentes dans la loi C-64, c'est que, d'entrée de jeu, la commission Abella avait donné une définition de la discrimination. Elle disait: «La discrimination, ce sont les obstacles arbitraires qui enlèvent à certains ou à certaines la possibilité de faire la preuve de leur compétence.»

Ce qu'on doit retenir de cette définition, c'est que très tôt il y a eu un lien entre la volonté de mettre fin à la discrimination et la notion de compétence.

Ce que je trouve le plus odieux, le plus abject du discours des réformistes c'est que, tout le long des travaux que l'on a vécus en comité, on a tenté de faire une association malhonnête entre l'équité en matière d'emploi et la compétence. Comme si, pour un employeur ou pour le gouvernement au sein de sa fonction publique, le fait de vouloir faire la promotion de l'équité en matière d'emploi donnait à penser qu'on aurait l'obligation d'engager des gens incompétents.

Alors, dès le début de la commission Abella, il a été très clair dans les deux lois qui ont régi l'équité en matière d'emploi que d'aucune espèce de manière il y a obligation pour l'employeur d'embaucher des gens qui ne sont pas compétents.

Il y a quelque chose d'assez odieux dans le discours que tient le Parti réformiste et des associations qui sont absolument malhonnêtes.

Quelle était la situation? Après près de sept ans de Loi sur l'équité en matière d'emploi, on se rend compte que des progrès ont été accomplis. Je vous donnerai comme exemple les quatre catégories désignées. On sait bien que l'équité en matière d'emploi est une obligation pour les employeurs du secteur privé qui ont 100 employés et plus. Donc la Loi sur l'équité en matière d'emploi, à l'instant où on se parle, concerne à peu près 5 p. 100 de la population active. Il y a à peu près 350 employeurs concernés par cette loi. On est loin d'avoir été jusqu'au bout de ce qu'on pourrait couvrir pour faire en sorte que la population active soit davantage concernée.

Donc l'employeur a l'obligation, lorsqu'il a 100 employés et plus et qu'il est, bien sûr, un employeur qui fait affaire sous juridiction fédérale, de préparer des plans d'équité en matière d'emploi dans lesquels il va indiquer comment il entend s'y prendre pour faire en sorte que ses travailleurs soient davantage représentatifs de la population active canadienne. C'est le but, le fondement de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Et on demande aux employeurs de porter une attention particulière aux quatre groupes de notre société qui ont plus de difficultés à se tailler une place dans la société.

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Quels sont-ils, ces quatre groupes? Vous le savez, ce sont les minorités visibles, les membres des communautés culturelles, les femmes, bien sûr, les femmes évidemment à l'égard desquelles vous êtes très sensibles, qui représentent 52 p. 100 de la population canadienne, les autochtones et les personnes handicapées.

Quand on regarde les chiffres, on se rend compte que des progrès ont été accomplis. Il y a certainement, pour les minorités visibles et pour les femmes, davantage de membres de ces communautés qui sont présents dans les milieux de travail. Laissez-moi vous donner quelques chiffres.

Pour les minorités visibles, en 1987, donc une année après l'adoption de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, les minorités visibles représentaient 5 p. 100 de la population active. En 1993, elles représentent 8,09 p. 100. Il y a donc effectivement eu des gains; il y a des progrès. Mais est-ce qu'on peut raisonnablement penser que si le législateur n'avait pas légiféré, si on n'avait pas pris de mesures pour amener, pour développer la sensibilité des employeurs envers les minorités visibles afin de les intégrer, est-ce qu'on peut penser que le marché du travail, à lui seul, dans son libre fonctionnement, l'aurait fait? Je pense que non.

Quand on regarde les femmes, en 1987, elles représentaient 40,93 p. 100 de la population active. Quelques années plus tard, en 1993, elles sont 45 p. 100. Il y a donc des gains, mais il ne faut jamais perdre de vue que les femmes représentent la moitié de la population canadienne et qu'il ne serait pas acceptable qu'en milieu de travail, on ne retrouve pas cette réalité-là.

S'agissant des deux autres catégories désignées, les autochtones et les personnes handicapées, c'est peut-être là où on doit, comme parlementaires, avoir le plus d'inquiétude. Autant pour les minorités visibles et pour les femmes les choses ont été relativement positives, autant pour les autochtones et les personnes handicapées le chemin à parcourir est encore laborieux.

Laissez-moi vous rappeler qu'en 1987, les autochtones représentaient 0,66 p. 100 de la population active. En 1993, ils représentaient 1,04 p. 100. Donc même pas 1 p. 100 de progrès. Il est important que l'on admette qu'il faut faire une plus large place aux autochtones sur le marché du travail.

Les personnes handicapées représentent quand même 13 p. 100 de la population canadienne, et on sait bien que c'est une réalité qui va être incontournable à l'aube de l'an 2000. Il y aura de plus en plus de personnes handicapées dans nos sociétés, des personnes handicapées qui demandent à travailler, qui peuvent participer à la population active. En 1987, les personnes handicapées représentaient 1,59 p. 100 de la population active. En 1993, elles sont 2,56 p. 100, donc un peu plus de 1 p. 100.

Voilà des chiffres qui doivent nous rappeler qu'on ne peut pas dire pour l'équité en matière d'emploi, «mission accomplie». Il y a encore des efforts à déployer. Je veux m'indigner du raisonnement mis de l'avant par le Parti réformiste.

Tout au long des travaux, il fallait entendre les réformistes, avec un sans-gêne honteux, avec un sans-gêne inacceptable, nous dire que, finalement, il y avait en 1995 ce qu'ils ont appelé de la discrimination à rebours. On nous disait: Dans la société, sur le marché du travail, les gens qui sont discriminés, les gens à l'égard desquels il faut avoir des politiques, ce sont les hommes blancs non handicapés que les néo-conservateurs de l'ère Reagan ont appelés la majorité silencieuse. C'est cela le discours simpliste des réformistes.

Pourtant, on se rend compte-et cela a été les chiffres avancés par le commissaire de la Commission canadienne des droits de la personne-que les hommes blancs non handicapés occupent 55 p. 100 des emplois disponibles, mais qu'ils représentent 45 p. 100 de la population active.

Comment voulez-vous qu'avec des chiffres comme ceux-là, on puisse être d'accord avec le discours simpliste des réformistes qui nous parlent de discrimination à rebours?

Il y a eu une autre étude qui est particulièrement révélatrice, faite par l'Institut Pearson. Cet institut a évalué que parmi les 500 personnes, parmi les 500 personnalités qui occupent les postes les plus élevés au Canada, ce qu'on appelle les influen-


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ceurs, ceux qui prennent des décisions importantes, qui ont un pouvoir d'influence énorme sur les décisions gouvernementales, parmi ces 500 personnes, il y en avait, il y a deux ans, moins de 1 p. 100 qui étaient des autochtones, moins de 4 p. 100 qui appartenaient à une minorité visible et 12 p. 100 qui étaient des femmes.

(1120)

Et après cela, on viendra nous dire que ce n'est pas utile, pour le législateur, d'essayer de faire en sorte que l'influence et le pouvoir, les postes de direction, de cadres, soient un peu mieux répartis dans notre société que ce ne l'est à l'heure actuelle.

Si on se donnait la peine de faire l'exercice de dresser un profil pour chacune des catégories désignées, on se rendrait bien compte qu'il y a des problèmes, des inégalités qui sont encore extrêmement préoccupantes. Bien sûr, il ne s'agit pas de dire que sept ans après l'adoption de la loi, il n'y a rien de positif qui a été accompli. On reconnaît que pour les femmes, pour les minorités visibles, il y a eu des gains qui ont été réalisés, mais on ne peut pas, d'aucune espèce de manière, dire: «Mission accomplie!»

Regardons un petit peu plus en détails la réalité des groupes désignés. En 1994, même en 1995, il est quand même odieux de constater que dans une entreprise du secteur privé, pour une femme et un homme qui font exactement le même travail, qui ont exactement la même ligne hiérarchique, qui ont exactement le même niveau de responsabilités, que dans le cas de la femme, celle-ci a une rémunération qui équivaut à peu près à 66 p. 100 de ce que gagne l'homme. Ce sont des données comme celles-là qui doivent nous amener à nous indigner. Au nom de quoi est-ce qu'on tolérerait, en tant que parlementaires, que dans une société qui va aborder l'an 2000, qu'une femme et un homme qui ont les mêmes responsabilités, qui ont la même qualification puissent ne pas avoir la même rémunération?

C'est drôle que les gens du Parti réformiste ne nous en parlent pas, de cette réalité. C'est quand même incroyable, et il y a eu quand même des campagnes de sensibilisation énormes au Conseil du Trésor. Alors, comment se fait-il qu'au cours de nos travaux, jamais le Parti réformiste ne s'est préoccupé de cette réalité? On pourrait parler aussi des minorités visibles. Pour ce qui est des minorités visibles, si on faisait l'exercice de mettre dans une salle dix personnes représentant les minorités visibles et dix personnes de race blanche-je dis de race blanche parce que c'est l'expression qui est consacrée dans la loi-on se rendrait compte qu'il y a un taux de diplomation universitaire qui est plus élevé chez les minorités visibles qu'il ne l'est chez les hommes de race blanche et, pourtant, dans 50 p. 100 des cas, ils sont encore confinés aux emplois à faible scolarisation, à faible rémunération et à des emplois qui sont manuels.

Est-ce qu'on va me dire qu'il n'y a pas lieu, en tant que parlementaires, de se préoccuper de cette injustice? C'est pourtant la réalité. Évidemment, il y a la question des autochtones. On a vu récemment qu'il y a un rapport qui a été déposé en cette Chambre, où on parle qu'il y a des problèmes sociaux. Il y a un taux de suicide qui est très élevé chez les autochtones. Mon collègue, le député de Saint-Jean, pourrait en parler avec beaucoup plus de profondeur et de connaissance que moi. Mais, ce que nous ont révélé les dernières statistiques, c'est que chez les autochtones, en date de 1993-on ne parle pas de 300 ans avant Jésus-Christ-le taux de chômage était toujours le double de celui de la moyenne nationale.

Les autochtones se retrouvent concentrés dans des professions qui exigent moins de connaissances, moins d'habiletés, encore majoritairement dans des professions dites plus manuelles. Vous ne serez pas surprise, madame la Présidente, d'apprendre que le revenu d'emploi annuel des autochtones est inférieur. Lorsqu'on a un emploi, lorsqu'on a un revenu du marché du travail et qu'on est autochtone, on a toutes les chances du monde d'avoir un revenu d'emploi qui est 10 000 $ inférieur à celui que gagne notre vis-à-vis blanc. C'est une réalité qui est inacceptable, vous le comprenez.

Concernant les personnes handicapées, c'est peut-être là où la Loi sur l'équité en matière d'emploi fait en sorte qu'il y ait le moins de progrès qui soient accomplis. On peut le comprendre, parce qu'intégrer une personne handicapée, cela demande, de la part de l'employeur, des aménagements, ce que la magistrature a appelé des accomodements raisonnables.

(1125)

C'est au nom de ces réalités que l'on doit être solidaires d'un projet de loi comme celui présenté par le gouvernement. Je ne vous dis pas qu'à titre d'opposition officielle, nous n'avons pas quelques griefs face à ce projet de loi, d'ailleurs, les membres du Comité le savent, nous avons présenté un certain nombre d'amendements. J'aurais préféré que l'élaboration du plan d'équité en matière d'emploi soit faite de façon collégiale entre les représentants des travailleurs et les employeurs, mais ce n'est pas le cas.

Qu'est-ce qui inquiète tant le Parti réformiste dans ce projet de loi? Qu'est-ce qui peut bien nous amener à devoir utiliser notre temps à convaincre nos collègues réformistes qu'il est nécessaire, dans la société québécoise et canadienne, d'avoir une loi sur l'équité en matière d'emploi?

Ce qui est positif dans cette loi et que l'on demande depuis six ans, c'est qu'avec le projet de loi C-64, la fonction publique canadienne, au même titre que les 600 000 travailleurs du secteur privé régis par la loi, devient admissible et concernée par cette loi. Cela signifie que d'un seul coup, 200 000 autres travailleurs reçoivent une protection additionnelle. Je crois que cela est positif, car il faut convenir qu'il était aberrant de demander aux travailleurs et aux employeurs du secteur privé de faire un effort pour l'équité en matière d'emploi, mais que le gouvernement y soit soustrait. Le législateur a corrigé une chose attendue depuis plusieurs années.

Autre point positif, il n'y avait pas d'organisme chargé de l'application de la loi, c'était le ministre et la Direction des ressources humaines qui s'en occupait. Maintenant, la Commission canadienne des droits de la personne deviendra l'organisme responsable de l'application de la loi. La Commission vérifiera les rapports et pourra instituer un tribunal d'équité en matière d'emploi dans le cas où les employeurs ne remettraient pas leur rapport à temps, dans les cas où les agents de vérification décèleraient des failles et dans les cas de non-respect de la loi. Il y aura maintenant une mesure, un tribunal quasi judiciaire qui aura un pouvoir d'enquête. Voilà un accomplissement qu'on doit saluer, un accomplissement extrêmement positif.

Ce qui est également très positif, et je crois qu'on a eu l'occasion de le dire, c'est que jusqu'à présent, on demandait aux employeurs de faire une évaluation quantitative de ce qu'il faisait.


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Je conclus en signalant que le Bloc québécois est extrêmement solidaire de cette loi et que nous avons quelques amendements. Mais je ne comprends pas que nous puissions, comme parlementaires, nous retrouver dans une situation où le Parti réformiste ait une position aussi conservatrice, rétrograde et déplorable au plan des droits de la personne.

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Madame la Présidente, j'ai écouté les propos de mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve et j'ai été choqué de la façon dont il a critiqué la motion et surtout critiqué le Parti réformiste pour le dépôt de cette motion.

J'ai été choqué, parce qu'il a dit que le Parti réformiste a presque pris comme position qu'il faut être blanc, homme, non handicapé pour participer pleinement, sans discrimination, au marché du travail. Si on analyse les propos du tenant de l'option séparatiste, il faut presque être la même chose, soit pro-souverainiste ou blanc et de souche québécoise seulement et uniquement pour participer à leur option.

J'aimerais citer quelques propos. Lors des débats de la Chambre des communes, le 27 janvier 1994, le député de Longueuil a dit clairement que le multiculturalisme «is something that has created ghettoes». Le vice-premier ministre du Québec, lors d'une entrevue accordée au quotidien Le Devoir a dit que le Québec ne subventionnerait pas la différence à même les deniers publics, je cite: «Notre gouvernement est contre le multiculturalisme».

(1130)

La ministre Louise Beaudoin a également déclaré qu'elle veut une société à laquelle elle s'attend et se demande pourquoi elle ne pourrait pas vivre dans un pays comme elle s'y attend et non comme l'entendent les Canadiens anglais. Elle dit que les Canadiens «veulent une société multiculturelle», mais pas elle: «C'est la porte ouverte aux ghettos sociaux. Je suis pour l'intégration et contre le foulard islamique à l'école.»

Les tenants du Bloc québécois et le gouvernement du Québec n'ont pas démontré jusqu'à date un esprit d'ouverture envers les minorités visibles, envers, je dirais ceux ou celles qui ne partagent pas leur opinion politique. Il faut se rappeler brièvement comment ces groupes minoritaires ont été reçus lors des consultations publiques sur l'avenir du Québec.

J'aimerais poser une question au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Comment voit-il leur projet de société, leur projet de préparation d'un pays? Comment peut-il justifier la position de son parti, du gouvernement du Québec? Comme exemple, on a soulevé l'aspect des autochtones qui doivent se plier aux exigences du premier ministre actuel en charge de ce dossier. Quelle assurance peut-il donner aux jeunes du Québec que leur avenir sera meilleur? Comment peut-il dire aux autochtones du Québec que leur avenir sera meilleur? Comment peut-il dire aux minorités visibles, comme il l'a souligné lui-même, que leur avenir sera meilleur? En effet, toutes les minorités.

Jusqu'à présent, c'est beau de critiquer le Parti réformiste, mais par leur action ils ont fait la même chose. Ils ont démontré clairement qu'ils sont aussi intolérants que la motion déposée ce matin devant cette Chambre.

M. Ménard: Madame la Présidente, je croyais que vous auriez invoqué la règle de la pertinence. Je ne sais pas si le terme «imbécile» est parlementaire, mais c'est spontanément celui qui me vient à l'esprit.

Je ne comprends pas qu'on puisse être aussi confus, aussi peu clairvoyant et aussi mélangé que le député de Vaudreuil. Je pense que vous devriez demander à un de vos pages de lui faire parvenir de l'aspirine parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

Je me lève en cette Chambre, depuis sept mois je travaille avec le parti ministériel à l'équité en matière d'emploi et le député a le culot de se lever aujourd'hui, de parler contre le Bloc québécois. Il y a quelque chose qui ne va pas au niveau du député.

Permettez-moi de lui rappeler en toute amitié que ce dont il est question aujourd'hui c'est de savoir si la motion présentée par le Parti réformiste qui va contre l'action de son gouvernement est supportée par le parti de l'opposition officielle. Nous avons fait un discours dans lequel nous nous sommes inquiétés du discours ethnocentrique-je pense employer un terme que le député ne saisira pas, mais on lui fera parvenir un dictionnaire-on s'inquiète du discours ethnocentrique qui est tenu par les collègues réformistes et le député trouve le moyen de se lever et de me manquer de respect.

Je veux terminer en lui disant ceci: S'agissant de la souveraineté, s'il veut en débattre, n'importe quand, où il le souhaite, quelle que soit la tribune, je suis prêt à faire le débat.

Je vais lui dire également que s'il regarde le Québec, la façon dont le gouvernement Parizeau et les gouvernements antérieurs, particulièrement les souverainistes, ont traité la minorité anglophone dont il est je crois membre à part entière, je crois qu'on n'a aucune espèce d'inquiétude et aucune leçon à recevoir du député quant au respect que l'on a eu envers la communauté anglophone en terre québécoise.

Je crois que c'est honteux, inacceptable et complètement irresponsable. Et je suis sûr que le ministre du Développement des ressources humaines ou son secrétaire d'État doivent être indignés qu'un député de la majorité ministérielle puisse se lever et faire des rapprochements aussi irresponsables que ceux qu'il a faits.

Quant à un avenir meilleur pour les souverainistes, le genre de discours un peu stupide, évanescent, qui ne veut rien dire, que le député tient, je lui rappellerai que lorsque M. Lévesque a fait le référendum en 1980, la dette du gouvernement fédéral était à 75 milliards. Quand le député se lève en cette Chambre aujourd'hui, il ne doit jamais oublier qu'elle est à 600 milliards.

Des inquiétudes pour l'avenir, je n'en ai pas pour le Québec, je les ai pour l'avenir du fédéralisme canadien.


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(1135)

[Traduction]

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, je suis d'accord avec le député pour dire que nous nous éloignons très sérieusement du sujet.

Je voudrais revenir sur la question qui nous préoccupe, en disant au député qu'il sait pertinemment, bien entendu, que le Parti réformiste n'est pas en faveur d'un groupe ethnique quelconque au Canada. Nous sommes plutôt totalement en faveur d'accorder des droits égaux à tous les Canadiens et de les traiter tous de la même façon.

L'une des raisons pour lesquelles le Parti réformiste s'est opposé à l'Accord de Charlottetown, c'était parce qu'on ne traitait pas de la même façon les gens en fonction de leur ethnie et de leur origine. Nous avons jugé que c'était répréhensible.

La tendance depuis quelque temps, c'est qu'il faut compter, en moyenne, un an et demi avant que la Commission canadienne des droits de la personne se penche sur un cas individuel de discrimination. Je reconnais qu'il y a encore de la discrimination et des préjugés au Canada et que nous devons combattre ce phénomène. Cependant. il faut maintenant un an et demi avant que la Commission canadienne des droits de la personne entende une affaire. Le nombre de cas diminue d'année en année, car les gens abandonnent l'idée de se présenter devant la commission pour obtenir justice.

Je suppose que ma question au député est celle-ci: Sur quoi, selon lui, devrait-on demander à la Commission canadienne des droits de la personne de mettre l'accent? Devrions-nous essayer de ramener ce délai de un an et demi à un niveau plus raisonnable? Ou faudrait-il consacrer de plus en plus de temps et d'énergie aux affaires touchant les droits de groupes, affaires qui demandent, dans certains cas, de six à sept ans? Je voudrais simplement savoir ce qu'il faut faire, selon lui.

Devrait-on accélérer la procédure et consacrer plus de ressources aux cas individuels de discrimination? Pour ma part, je crois que c'est ce qui s'impose.

[Français]

M. Ménard: Madame la Présidente, j'apprécie beaucoup la question du député, qui est une question logique et d'envergure. Peut-être partagera-t-il mon point de vue en se rappelant que, ce matin, le commissaire des droits de la personne comparaissait devant notre comité. Vous savez que la Commission canadienne des droits de la personne dispose d'un budget d'à peu près 14 millions de dollars. On apprenait que l'arriéré auquel mon honorable collègue se réfère représente à peu près 600 cas.

Bien sûr, ce qui serait l'idéal pour toute espèce d'organisme comme celui-là, ce serait qu'il n'y ait pas d'arriéré. Je suis d'accord avec mon collègue. Ce que je comprends du fonctionnement de la Commission canadienne des droits de la personne, un organisme dont je suis le travail d'assez près, c'est qu'on est en présence d'un organisme assez diligent et que, à mon avis, l'arriéré me semble de l'ordre de l'acceptable; pas de l'ordre de l'idéal, mais de l'ordre de l'acceptable.

Notre collègue a raison de nous rappeler qu'on ne doit jamais accepter, en tant que parlementaire, une situation où la Commission canadienne des droits de la personne ne ferait que du traitement de demandes; elle doit aussi avoir un rôle proactif dans l'élaboration des politiques. Et j'ai cru comprendre que le commissaire Yalden a réitéré ce matin que cela faisait également partie du plan d'action de la commission.

[Traduction]

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec la députée de Halifax.

Les députés qui ont parlé du projet de loi C-64 ont expliqué avec éloquence les raisons pour lesquelles le Canada doit renforcer la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Des modifications s'imposent, de toute évidence, pour des raisons morales, sociales et économiques.

Je tiens à dire que je n'approuve pas cette motion de l'opposition, et je voudrais montrer à la Chambre qu'une bonne équité en matière d'emploi est avantageuse pour le pays. Je voudrais rappeler au député qui a proposé cette motion que nous avons présenté le projet de loi C-64, une mesure législative progressiste qui, une fois adoptée, se révélera rapidement avantageuse tant pour les employeurs que pour les employés.

Cette initiative a été spécialement conçue pour améliorer à la fois la situation des Canadiens moins favorisés et la performance économique de notre pays. Elle établit un juste équilibre entre les besoins légitimes des groupes désignés et les préoccupations de l'industrie au sujet d'une intervention excessive du gouvernement, parce que c'est ce que signifie essentiellement l'égalité: l'atteinte d'un équilibre.

(1140)

Si la motion de l'opposition a pour but de répondre aux préoccupations des entreprises et de l'industrie, je dirai que la mesure législative réduira, en fait, le fardeau de la réglementation et les coûts pour les entreprises en simplifiant et en rationalisant les procédures. On retrouve tout cela dans le projet de loi.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi dont la Chambre est saisie ne fera pencher la balance en faveur de personne, mais servira plutôt les intérêts de chacun dans notre pays. Je dirai tout simplement que l'équité en matière d'emploi est avantageuse pour le Canada.

Les Canadiens sont tellement fiers de la diversité linguistique et culturelle du Canada que nous avons inscrit l'égalité dans la Constitution de notre pays. Nous croyons fermement à la protection des droits des individus, surtout de ceux qui sont les plus susceptibles de subir une discrimination flagrante et systématique.

Des multitudes de rapports et d'études de recherche prouvent que la discrimination est une réalité inquiétante pour un grand nombre de Canadiens qui sont marginalisés en raison de leur race, de leur sexe ou de leurs attributs physiques.

Je pourrais donner les statistiques, car elles réfutent l'affirmation selon laquelle ces personnes bénéficient d'un traitement de faveur aux termes de la loi actuelle. Je demanderais à l'opposition d'appuyer le projet de loi C-64 parce qu'il renferme des propositions constructives de la part des nombreux Canadiens qui ont comparu devant le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées pour


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s'assurer qu'on établisse un équilibre raisonnable. Une bonne équité en matière d'emploi vise à régler les problèmes en milieu de travail d'une manière juste et impartiale.

Permettez-moi d'aborder quelques-unes des fausses conceptions qu'ont certaines personnes à propos du projet de loi C-64. Tout d'abord, nous voulons qu'il soit bien clair que le gouvernement n'a pas l'intention de légiférer sur les quotas. En fait, le projet de loi indique expressément que des quotas ne peuvent être imposés.

Dans le projet de loi, quota s'entend de l'obligation d'embaucher ou de promouvoir un nombre fixe et arbitraire de personnes dans un délai donné. Le projet de loi prévoit en fait des objectifs quantitatifs fondés sur la disponibilité de personnes compétentes pour occuper un poste donné. C'est que le principe qui sous-tend le projet de loi est le mérite, et non une politique de pure forme.

Selon les dispositions du projet de loi C-64, les employeurs doivent établir des buts et des échéanciers pour réaliser une meilleure équité en milieu de travail. La nouvelle loi les obligerait à faire des efforts raisonnables pour atteindre cet objectif.

La mesure législative reconnaît que les employés sont les mieux placés pour élaborer des objectifs valables et réalistes. Le gouvernement a pour rôle de déterminer si les objectifs quantitatifs de l'employeur se traduisent par des progrès essentiels et si l'organisme fait réellement des efforts raisonnables pour les atteindre.

Le projet de loi dit clairement que si les employeurs font effectivement de vrais efforts pour réaliser une meilleure égalité en milieu de travail, on jugera qu'ils observent la loi. Le projet de loi stipule également qu'aucune directive ou ordonnance d'application ne doit causer un préjudice injustifié à l'employeur, l'obliger à embaucher ou promouvoir des personnes non compétentes ou à créer de nouveaux postes pour se conformer à des objectifs numériques.

Par ailleurs, la création d'un tribunal de l'équité en matière d'emploi chargé d'entendre les appels permettra de tenir dûment compte des intérêts et des préoccupations de toutes les parties. L'équité en matière d'emploi signifie l'égalité pour tous.

Nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous devons aller de l'avant et éliminer les obstacles qui empêchent depuis trop longtemps la pleine participation de tous les Canadiens à notre société. C'est à la fois une obligation morale et économique.

L'équité en matière d'emploi n'exige pas de nouveaux règlements et règles qui aboutiront à une soi-disant discrimination à rebours. Elle n'est pas non plus un obstacle aux affaires, mais plutôt un catalyseur du progrès.

La diversité de la main-d'oeuvre permet de tirer profit des talents et des compétences sous-utilisés de plus de la moitié de la population canadienne et, par voie de conséquence, d'accroître la compétitivité des entreprises canadiennes dans l'économie mondiale.

La question fondamentale qui est en jeu ici est beaucoup plus importante que le montant qui apparaît à la dernière ligne d'un bilan. Ce n'est que lorsque tous les Canadiens sans exception, quels que soient leur pays d'origine, la couleur de leur peau, leur sexe ou leur apparence physique, pourront participer librement et pleinement à la vie économique, sociale et civique de notre pays que nous pourrons vraiment être fiers de vivre dans une société juste et attentionnée. Notre monde est loin d'être idéal, mais des mesures progressistes comme le projet de loi C-64 pourront nous aider à façonner une société qui permette aux minorités visibles, aux autochtones, aux femmes et aux personnes handicapées d'espérer une amélioration de leur situation et d'avoir confiance en l'avenir.

(1145)

En bout de ligne, c'est notamment à vous et à moi, madame la Présidente, qu'il incombe de relever le défi de l'équité en matière d'emploi. On ne peut pas changer les attitudes avec des lois. Les progrès dépendent de la bonne volonté de chacun. Nous devons tous veiller au respect du principe de l'égalité, qui est inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés.

La motion d'aujourd'hui entraînerait presque le rejet du projet de loi C-64 et nous devons nous y opposer fermement.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, j'ai été étonné d'entendre qu'il ne fallait pas penser à un quota, quand il est question d'établir un objectif quantitatif. Je suis perplexe.

Je suis venu à la Chambre avec mon gros bon sens. Autrement dit, si j'allais dans n'importe quelle ville de ma circonscription et si je demandais aux gens la différence entre un objectif quantitatif et un quota, j'imagine que je verrais sur leur visage la même stupéfaction qui doit se lire sur le mien. Je ne comprends pas.

À mon avis, il est absolument renversant de voir à quel point les libéraux aiment jouer avec les mots. Ils disent que ce n'est pas un quota, qu'ils ne veulent rien savoir des quotas, qu'il faut plutôt parler d'objectifs quantitatifs. Quelque chose m'échappe.

Une voix: C'est évident.

M. Abbott: Les députés libéraux disent que quelque chose m'échappe. Je pourrais peut-être informer la secrétaire parlementaire d'un incident qui m'est arrivé en ma qualité de porte-parole en matière de revenu.

À l'aéroport de Toronto, une femme de race noire, d'origine jamaïcaine, m'a fait visiter la section des douanes. Elle m'a dit qu'elle s'inquiétait parce que le gouvernement semblait vraiment déterminé à la placer dans une catégorie spéciale.

Sa réaction était typique du gros bon sens que plus de 80 p. 100 des Canadiens manifestent quand ils disent que le gouvernement ne sait pas ce qu'il fait, qu'il n'a pas la moindre idée de ce qui peut préoccuper la population. Les Canadiens, y compris cette femme qui m'a servi de guide à la section des douanes, demandent tout simplement l'égalité d'accès à l'emploi. Ils ne veulent pas d'une loi qui prévoit l'établissement d'objectifs quantitatifs. Cette femme ne demande pas des objectifs quantitatifs.


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Pour la gouverne de la secrétaire parlementaire, voici ce que cette femme m'a dit: «Je suis une personne compétente. J'occupe ce poste, parce que je possède les compétences nécessaires, non pas parce que je suis une femme ni parce que je suis de race noire, et je ne veux rien savoir de quotas quantitatifs ou autre chose du genre.»

Je ne comprends pas. La secrétaire parlementaire pourrait peut-être m'aider et aider cette femme qui a guidé ma visite à comprendre pourquoi un objectif quantitatif n'est pas un quota. J'aimerais qu'on me l'explique.

Mme Augustine: Madame la Présidente, je termine mon plaidoyer sur l'affirmation du député. Cela me rappelle des proverbes que j'ai appris quand j'étais très jeune: «Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Un homme convaincu à contrecoeur reste du même avis.»

Je me demande s'il y a une volonté de comprendre. Je me demande s'il y a une volonté de comprendre tout le concept d'équité, d'égalité et de diversité s'appliquant à tout membre de la société qui, pour diverses raisons, une fois sur la ligne de départ, ne peut accomplir les mêmes progrès à cause des divers facteurs institutionnels, systémiques et autres qui sont intégrés dans le système.

(1150)

En tant qu'éducatrice, je puis définir quota et objectif quantitatif pour le député, qui, à mon avis, a été convaincu à contre- coeur et restera du même avis.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, j'ai simplement une brève question à poser à la députée, avec qui nous avons déjà eu cette discussion.

Je ne vois toujours pas la différence entre un objectif numérique et un quota. La députée voudrait peut-être l'expliquer de nouveau.

Mme Augustine: Madame la Présidente, nous sommes en 1995. Nous avons pris plusieurs mesures dans notre société pour veiller à ce qu'on règle les problèmes d'équité. Le député qui pose la question et les collègues de son parti devraient bénéficier d'une journée ou de quelques heures de travail avec quelqu'un qui leur consacre quelque temps pour revoir le processus. Je ne vois là qu'une diversion, et ce serait faire perdre le temps de la Chambre que de parler de ces deux concepts.

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Madame la Présidente, j'aurais une proposition à faire aux réformistes, s'ils sont vraiment sérieux.

Avant d'entrer en politique, je me suis occupée de formation, de sensibilisation au sexisme, surtout dans les grandes organisations. J'ai expliqué ces notions à la St. Francis Xavier University, par exemple. Je suis sûre que les députés de Fraser Valley-Est et de Fraser Valley-Ouest seraient heureux d'assister à ces cours. Je serais heureuse de les leur donner, si toutefois ils peuvent se le permettre, car mes honoraires étaient assez élevés, à l'époque. De toute manière, c'est négociable.

Quoi qu'il en soit, il est merveilleux, après une semaine de congé, de se trouver plongés dans le pays chimérique que nos collègues du tiers parti se plaisent parfois à nous dépeindre. Ils semblent nous dire, par cette motion, qu'il n'y a aucune discrimination dans la société canadienne, si ce n'est quelques incidents regrettables çà et là.

À les entendre, nous sommes parvenus à une bienheureuse égalité pour tous. Ils nous disent que, après quelques décennies de lois sur les droits de la personne, les nombreuses différences flagrantes qu'on observe sur le marché du travail tiennent à des choix personnels. D'après eux, les membres des minorités visibles, les autochtones et les handicapés aiment plus que les autres le chômage, au point que leur taux de chômage est parfois deux fois plus élevé que la moyenne nationale.

Les réformistes parlent des femmes. Nous comptons de ce côté-ci un bon nombre de femmes. Nous voulons gagner moins que les hommes. Les députés voudraient peut-être que les femmes députées gagnent moins que les hommes. C'est peut-être une bonne idée. Les femmes veulent se contenter de 67 p. 100 des gains des hommes.

M. Abbott: Ils feront une exception dans votre cas.

Mme Clancy: Certainement pas. Ils disent aux Canadiens qu'ils sont responsables de ce qui leur arrive sur le marché du travail, à moins qu'ils ne prouvent qu'il y a un acte de discrimination spécifique.

Lorsque je présenterai mon exposé aux réformistes, et dans la vraie tradition canadienne, je pourrais même le faire gratuitement, je serai heureuse de leur expliquer le concept de la discrimination systémique, d'en préciser la signification et de leur enseigner la différence entre le contingentement et les objectifs quantitatifs. Nous avons constaté que le changement se produit, mais lentement, qu'il faut constamment renforcer la politique et que nous avons besoin, à cette fin, de l'appui du gouvernement et de lois.

Cependant, je ne peux que réitérer ce qu'a déjà mentionné ma collègue, la secrétaire parlementaire du premier ministre: nous ne pouvons faire des lois qui régiraient l'attitude des gens. Si les députés ont besoin d'un exemple pour comprendre, ils n'ont qu'à regarder de l'autre côté.

En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, de nombreux employeurs ont pris leur rôle au sérieux. Ils ont minutieusement analysé leurs pratiques et ont conclu qu'elles n'étaient pas justes. Ils ont cessé de simplement tenter d'éliminer des politiques d'une injustice flagrante et ont plutôt décidé d'élaborer de nouvelles politiques visant à corriger la situation.

(1155)

Certains députés qui abordent la question de l'équité en matière d'emploi et des femmes à la blague demandent s'il existe des groupes d'hommes? Je leur réponds: «Oui, il en existe. On appelle cela la civilisation occidentale.» Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Il y a encore plein d'iniquités qui méritent d'être réparées.

Voilà sur quoi je veux attirer l'attention des députés d'en face. Je veux fonder mon intervention sur des statistiques réelles, non déguisées, qui montrent que notre pays est véritablement aux prises avec un problème en matière d'équité. Les députés d'en face ont beau faire l'autruche en se cachant la tête dans le sable, ils ne réussiront qu'à se mettre du sable dans le nez.

Permettez-moi de commencer par une bonne nouvelle. Les membres des minorités visibles qui ont été diplômés d'une université ou d'un collège communautaire en 1990 touchent à peu près le même salaire moyen en 1992 que les autres personnes qui ont obtenu un diplôme universitaire ou collégial cette année--


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là, mais ne s'en tirent pas aussi bien en ce qui concerne les trois autres critères de statut défavorisé. Ces diplômés risquent davantage d'être sans emploi, affichent des taux de participation moindre et sont plus susceptibles d'être concentrés dans des postes de niveau inférieur comme celui d'employé de bureau.

Plein d'autres faits prouvent que les membres des minorités visibles éprouvent d'énormes difficultés en matière d'emploi. Le recensement de 1991 montre que ces gens ont tendance à être plus instruits que la population en général. Dix-huit pour cent disent avoir un diplôme universitaire contre 11 p. 100 seulement de la population en général, ce qui ne les empêche pas d'afficher des taux de chômage plus élevés.

Selon les résultats de ce recensement, le taux de chômage des diplômés universitaires appartenant à des minorités visibles était de 9,4 p. 100 contre 4,1 p. 100 pour la population en général. Cela signifie-t-il quelque chose pour mes collègues d'en face? Dieu seul le sait.

Les diplômés universitaires appartenant à des minorités visibles qui avaient un emploi avaient deux fois plus de risques que les hommes des minorités non visibles d'occuper des postes de niveau inférieur dans les secteurs du travail de bureau, de la vente et des services. Le recensement a montré que cette proportion était inversée lorsqu'il s'agissait des emplois de niveaux supérieur et moyen et d'autres postes de gestionnaire.

Il se trouvera peut-être des députés pour dire qu'il n'en tenait qu'à ces personnes de faire des études dans ces domaines. Même là, les faits ne confirment pas leur vision étriquée des choses. Les données du recensement concernant les personnes ayant un diplôme en commerce, en affaires ou en gestion tiennent compte de leur compétence prouvée et non de leur race ou de leur couleur.

Pourquoi les postes de gestionnaire sont-ils occupés par 28 p. 100 des mâles appartenant à des minorités non visibles et ayant la formation utile et par 16 p. 100 seulement des membres des minorités visibles ayant les mêmes diplômes? Pourquoi le revenu des membres des minorités visibles était-il égal à seulement 60 p. 100 de celui des autres? Il est ridicule de dire à la Chambre que tout cela est dû à de mauvais choix.

J'espère que suffisamment de faits montreront aux députés réformistes que leurs explications spécieuses ne correspondent pas à la réalité. Je voudrais leur rappeler, notamment à ceux qui veulent faire une percée dans ma région, que dans le Canada atlantique nous savons ce qu'est l'inégalité. S'ils veulent faire une percée chez nous, il vaudrait mieux qu'ils écoutent ce que j'ai à dire.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Vous serez battue aux prochaines élections de toute façon.

Mme Clancy: Ah oui, par vous et votre minable armée? Le taux de chômage chez les blancs possédant un diplôme universitaire n'était que de 4,1 p. 100, selon le recensement de 1991. Comparons cela au taux de 7 p. 100 pour les autochtones diplômés et au taux de 10,9 p. 100 pour les personnes handicapées ayant fait les mêmes études.

La situation à laquelle sont confrontées les personnes handicapées est particulièrement pénible. Leur taux d'engagement n'est égal qu'au tiers de leur taux de représentation dans la population active. Leur taux de chômage est de 18,5 p. 100, le double de la moyenne nationale. Faut-il se surprendre alors que leur taux de participation dans la main-d'oeuvre ne soit que de 60 p. 100?

Je pourrais continuer encore et encore: la situation dans laquelle se trouvent les autochtones non seulement dans les régions éloignées, mais aussi dans les villes; la situation dans laquelle se trouvent les femmes, qui occupent une part disproportionnée des emplois de bureau, de vente et des services, ce que la secrétaire parlementaire du premier ministre et moi, dans nos années de militantes féministes-et nous sommes fières d'utiliser ce terme-appelons les cols roses, les postes sans issue. Nous avons déjà beaucoup parlé de la situation de ces personnes-là.

Au cours des récentes audiences du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, quelque 60 témoins ont été invités à faire part de leurs expériences et de leurs attentes aux membres du comité. Ils venaient d'une foule d'horizons, mais la vaste majorité d'entre eux étaient favorables à ce projet de loi en fonction de leur expérience réelle, et non de quelque théorie défendue par les hommes blancs qui se débrouillent fort bien et qui ne veulent pas de ces hordes de gens qui frappent à leur porte.

Attention, car ces gens-là viennent frapper lourdement à la porte.

(1200)

Le comité a entendu des histoires de rêves brisés. Il a entendu les histoires de gens qui désirent sincèrement devenir des membres à part entière de la société. Les témoins n'ont pas comparu devant le comité pour demander un traitement de faveur mais bien pour obtenir justice; c'est ce que nous, en tant que parlementaires, devons commencer à leur donner. Les députés d'en face ont bien des choses à apprendre à ce sujet.

Les témoins n'ont pas demandé qu'on répare les injustices commises dans le passé. Ils voulaient simplement qu'on se penche sur celles qui sont commises actuellement. Ce n'est pas le genre d'injustices que la Commission des droits de la personne peut corriger en entendant les plaintes portées par certains individus. Il s'agit de discrimination systémique qui doit être déracinée au moyen de mesures telles que la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Les problèmes n'ont rien à voir ou très peu avec la discrimination ouverte; ils ont tout à voir avec l'élimination des barrières et la mise en oeuvre de solutions novatrices.

Monsieur le Président, les réformistes semblent s'arrêter sur les quelques statistiques qui montrent que cette loi a eu un certain impact. Ils voient une amélioration quelque part et déclarent que la victoire est acquise. «Abolissez cette loi. Rapatriez les troupes.» Pas si vite. La victoire n'est pas encore acquise.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): C'est madame la Présidente. Ayons un peu d'équité ici.

Mme Clancy: Je sais qu'elle est madame la Présidente. Elle ne s'offusquera pas de mon erreur. Nous nous connaissons très bien.


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Cette loi est une tentative en vue de régler des problèmes qui sont encore très présents, comme le prouvent ces dernières statistiques. Max Yalden, président de la Commission canadienne des droits de la personne, a signalé récemment que, bien que les hommes de race blanche constituent seulement 45 p. 100 de la main-d'oeuvre au Canada, ils représentent 55 p. 100 de tous les travailleurs embauchés. Je crois que c'est discriminatoire.

Je prie mes collègues d'ôter leurs oeillères idéologiques et de porter vraiment attention aux besoins de tous les Canadiens. Je répète que je suis prête à aider au besoin.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux que la députée ait pu se rasseoir et mettre de l'ordre dans ses pensées, car il est évident qu'elle ne l'avait pas fait avant de prendre la parole.

J'aimerais bien qu'elle nous explique la différence, comme la dernière fois, entre un nombre cible et un quota. Lyn McLeod, chef du Parti libéral de l'Ontario, le dit elle-même, «il n'y a pas de différence entre un chiffre cible et un quota». Elle affirme qu'il n'y a pas de différence et c'est pourquoi, si elle devient première ministre-Dieu nous en préserve-elle éliminera les nombres cibles parce qu'elle affirme qu'ils sont la même chose que les quotas. C'est ce que déclare le chef du Parti libéral de l'Ontario.

La députée veut-elle corriger sa collègue ontarienne ou est-elle d'accord avec elle?

Mme Clancy: Madame la Présidente, je serai heureuse de répondre à la question du député. Je n'ai pas suivi d'aussi près que j'aurais peut-être dû la campagne électorale ontarienne, mais, avec tout le respect que je dois à mes collègues ontariens, dont certains sont ici à la Chambre, je dois dire que l'Ontario n'est pas toujours le centre de l'univers pour nous, du Canada atlantique.

Si Mme McLeod a bien dit ce que rapporte le député, c'est son point de vue. Le député de Fraser Valley-Est devrait en discuter avec elle.

M. Abbott: Elle est libérale, une libérale de l'Ontario.

Mme Clancy: Mais moi, je suis de la Nouvelle-Écosse et, dans ma province, nous ne nous posons pas ce genre de questions, comme le premier ministre Savage pourrait le dire au député. La Nouvelle-Écosse a un programme officiel d'équité dans l'emploi et il fonctionne très bien.

Quant à la différence entre les quotas et les nombres cibles, je vais l'expliquer très lentement pour que tous comprennent bien. Je rappelle que, auparavant, on me payait pour faire cela devant des groupes comme celui que j'ai en face de moi. Les affligés ont besoin d'aide et il me fait plaisir d'apporter mon concours.

Prenons un quota. Comprenons-nous bien les pourcentages? Un tout représente 100 p. 100. Suivons-nous bien? Donc, disons que nous voulons envoyer un quota de réformistes au cinéma. Supposons qu'il y a 100 fauteuils dans le cinéma. Nous en donnons 25 p. 100, ou 25 fauteuils, au Parti réformiste. Il y aura donc 25 réformistes au cinéma et les 75 autres spectateurs ne seront pas des réformistes. C'est cela un quota. C'est clair?

Prenons maintenant un nombre cible. Je comprends que vous éprouviez quelques difficultés avec ce concept parce que, dans une certaine mesure, il fait un peu plus appel à l'intelligence qu'une règle stricte.

(1205)

Il s'agit ici d'envisager la situation dans son ensemble et de dire qu'il y a bien des réformistes qui pourraient profiter de l'information contenue dans le film présenté. Donc, prenons le nombre de réformistes qui, selon notre estimation, seraient capables de comprendre ce que nous voulons leur apprendre. Plutôt que de dire que vous aurez 25 fauteuils, il se pourrait bien que seulement 18 d'entre vous puissent entrer parce que seulement 18 d'entre vous possèdent ce qu'il faut pour comprendre.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, l'attitude condescendante qui vient d'être manifestée n'est qu'un tas de cette chose brune et puante. Je trouve cela absolument stupéfiant.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je demanderais au député de bien vouloir reformuler sa remarque. Le temps est presque écoulé.

M. Abbott: Madame la Présidente, je vous présente mes excuses ainsi qu'à la Chambre pour mon indiscrétion.

Cependant, je trouve absolument stupéfiant que la députée n'ait pas expliqué la différence et qu'elle ait ajouté en plus, si je comprends bien ce qu'elle a dit, que c'est elle ou le gouvernement qui sera juge des personnes compétentes et capables. Je ne comprends pas.

Mme Clancy: Madame la Présidente, je suis vraiment heureuse de pouvoir répondre à cela. Il existe des commissions de l'équité en matière d'emploi pour s'occuper de ces questions à la place du gouvernement. Il y a des agents spécialisés et toute une organisation. Lisez le projet de loi.

Je suis sûre que le député de Fraser Valley-Est ne se laisserait pas prendre de cette façon car je suis persuadée qu'en tant qu'auteur de la motion, il comprend ce que fait le projet de loi, il comprend en fait l'histoire de l'équité en matière d'emploi dans sa province.

Je suis offusquée par l'attitude de mon collègue de Kootenay-Est. Je réitère ma proposition. S'ils veulent appeler mon bureau, je serais ravie d'organiser un séminaire. Payant, bien entendu.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, je l'avoue, certaines remarques sont effectivement condescendantes. J'aimerais revenir sur certains des aspects plus pratiques de l'équité en matière d'emploi dont nous discutons aujourd'hui. Je tiens à vous rappeler, madame la Présidente, que je partage mon temps de parole avec mon collègue.

J'aimerais commencer par une citation de Booker T. Washington qui dit ceci: «J'ai toujours été attristé par les propos de quiconque réclame certains droits et privilèges ou des distinctions particulières pour la seule raison qu'il appartient à une race donnée, quelles que soient ses qualités personnelles ou les réali-


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sations à son crédit.» Je pense que cela en dit long sur le sujet du débat d'aujourd'hui.

J'ai toujours trouvé difficile la question de l'équité en matière d'emploi. Est-ce bien ou mal? Comment la mettre en pratique? Je pense que, dans une grande mesure, nous essayons d'appliquer à tous les citoyens les principes d'équité et d'égalité, quelles que soient leur race, leur couleur, leurs croyances ou leur religion. Je ne suis toutefois pas entièrement certain que la voie législative soit la meilleure façon de faire régner l'égalité, d'encourager certaines attitudes et de faire en sorte que la société soit équitable et compatissante.

La question de l'équité en matière d'emploi soulève des problèmes de toutes sortes. Je vais en citer deux. Dans une vie antérieure, j'étais à la tête d'un organisme d'une certaine taille, un conseil scolaire employant 1 500 personnes. Je me suis souvent demandé comment une loi sur l'équité en matière de recrutement pourrait s'appliquer à 1 500 employés. Dans la région d'où je viens, les Indo-Canadiens sont très nombreux.

(1210)

Si l'on considère l'objectif et le rapport homme/femme qui est probablement autour de 50/50, je me demande comment on pourrait appliquer le principe d'équité à l'organisme que je gérais. Dans cet organisme, il y a une forte proportion de femmes parmi les employés et je pourrais même ajouter qu'elles sont généralement blanches et jeunes.

Sur le plan pratique, je ne vois pas comment des normes d'équité en matière d'emploi, des objectifs numériques ou des quotas, ce qui revient tout au même, pourraient fonctionner. Il faudrait remonter à l'université, aux cours d'éducation qu'on y enseigne, aux baccalauréats en éducation, et appliquer les mêmes normes. Plus que cela, il faudrait remonter au niveau secondaire, au niveau d'entrée à l'université, et appliquer les mêmes normes.

M. Strahl: C'est ce qu'ils font aux États-Unis.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Comme le dit mon collègue, c'est ce qu'on fait aux États-Unis et sur le plan pratique cela ne fonctionne pas.

Ce qu'il faut faire lorsque l'on embauche des gens pour un organisme comme celui que je dirigeais, c'est prendre les candidats tels qu'ils sont, en partant du principe que c'est la carrière qu'ils ont choisie il y a longtemps, compte tenu de leur aptitude pédagogique, de leur désir personnel d'enseigner, etc. Légiférer dans le domaine de l'équité en matière d'emploi dans un organisme comme celui-là est pratiquement impossible. Ça ne fonctionne pas.

Dans ma collectivité, il y a des gens du monde entier. Dans beaucoup d'entreprises et de sociétés que j'ai visitées récemment, les employés et les propriétaires sont presque exclusivement du Laos, du Cambodge ou d'autres pays. En voyant ce genre d'entreprise, on pourrait dire: «Si vous voulez légiférer pour imposer des objectifs ou des quotas, ces normes pourraient s'appliquer à l'inverse. Tous les groupes de la communauté ne sont pas nécessairement représentés à cet endroit. Il faut donc revoir tout cela et modifier les ratios.» Ce ne serait pas pratique.

Dans la collectivité où je vis, je n'ai pas constaté la partialité dont il est question dans les rangs du Parti libéral. Je ne vois pas la nécessité des quotas ou des objectifs quantitatifs. Je suis convaincu que les gens de ma collectivité seraient opposés à une telle idée.

Nous avons entendu les députés libéraux d'en face parler à quelques reprises des objectifs numériques. Ils affirment que ces objectifs ne sont pas des quotas, mais autre chose. Alors, il s'agit simplement de choisir un chiffre et de dire ensuite: «Voilà le nombre de personnes que nous devons embaucher.»

Si l'on examine le système de gestion des approvisionnements en place au pays, on devrait aussi dire que ce système n'est pas fondé sur des quotas, mais simplement sur des objectifs numériques. Je ne crois pas que les gens d'en face sachent de quoi ils parlent lorsqu'ils parlent d'objectifs numériques et de quotas. Ils légifèrent et le reste du Canada devra ensuite vivre pendant longtemps en fonction des lois ainsi créées. Ils se trompent gravement.

Il suffit de regarder le programme du bilinguisme officiel pour voir ce qu'ils tentent de faire par le truchement de la loi. Ils ont tenté d'imposer par la loi une attitude d'égalité en tout, en disant qu'ils embaucheraient des enquêteurs pour assurer la mise en place et l'application de la politique sur le bilinguisme officiel et que les contrevenants seraient passibles de peines.

Voilà exactement ce dont il est question maintenant. Ils parlent d'un grand nombre de personnes à l'intérieur d'un ministère qui veilleront à la mise en place d'une politique sur l'équité en matière d'emploi. Si cette politique n'est pas mise en application, il faudra peut-être imposer des pénalités.

Selon mon expérience, on ne peut édicter des attitudes. On ne peut réglementer ce que les gens n'ont pas l'intention de faire. Il faut, au Canada, traiter tous les gens de façon équitable et raisonnable. Tous les Canadiens doivent être égaux, quelles que soient leur race, leur couleur, leurs croyances ou leur religion. C'est ce qu'on doit faire et ce devrait être ancré en nous. Il ne faut ni légiférer ni imposer.

(1215)

Cela me rappelle deux jeunes gens qui sont venus à mon bureau il n'y a pas très longtemps avec un document en main. Il s'agissait d'un formulaire de demande de bourse venant d'une très grosse société de la Colombie-Britannique. Elle portait sur une bourse accordée à un électricien en préapprentissage. Ce qui inquiétait ces jeunes gens, c'est que cette offre s'adressait seulement aux autochtones, aux membres des minorités visibles, aux gens ayant des besoins spéciaux et aux femmes. Je leur ai expliqué que j'avais le sentiment que cette société essayait d'être équitable en matière d'emploi. Ils ne l'ont pas compris. Ils pensaient que cette décision était prise en fonction des capacités, des compétences, de l'expérience de travail, etc.


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Une fois que le projet de loi aura été adopté et que nous aurons davantage de règles et de règlements touchant l'équité en matière d'emploi, je ne suis pas certain de savoir au juste comment nous pourrons leur expliquer cela. J'espère sincèrement que le gouvernement libéral pourra donner une réponse, car les gens ne comprennent pas. On ne peut mettre cela sur le compte d'une bande de réformistes stupides. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas aussi facile que cela. Nous devrions cesser de tenir ce genre de langage. Je pense que les libéraux ont certaines explications à donner sur la façon dont le projet de loi fonctionne vraiment.

Il y a beaucoup d'exemples dans la société où les gouvernements s'ingèrent trop dans certains domaines parce qu'ils pensent que cela s'impose. Ils légifèrent alors et c'est exactement la voie dans laquelle le gouvernement s'engage. Je parle souvent à la Chambre de l'arrogance du Parti libéral qui ressemble beaucoup à celle du Parti conservateur lorsqu'il détenait une énorme majorité. J'invite le gouvernement à ne pas se laisser emporter par son arrogance dans le cas de ce projet de loi. Il devrait examiner le projet de loi sur l'équité en matière d'emploi en tenant compte du fait qu'à l'heure actuelle, tous les Canadiens se considèrent égaux, quelles que soient leur race, leur couleur, leurs croyances ou leur religion. N'essayez pas de légiférer à ce sujet. Ce devrait être ancré en nous.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, j'ai observé que mon collègue, dans son discours, a fait allusion au fait qu'on ne peut pas imposer une attitude par voie législative. J'ai trouvé tout à fait intéressant que la secrétaire parlementaire du premier ministre ait fait la même remarque lorsqu'elle est intervenue à la Chambre aujourd'hui.

Je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi les libéraux ont du mal à comprendre qu'ils ne sauraient imposer une attitude par voie législative, alors que la secrétaire parlementaire le reconnaît, tout comme d'ailleurs mon collègue, le député de Fraser Valley-Ouest. Ils essaient de faire de la manipulation des structures sociales, espérant pouvoir remédier à la situation par voie législative, alors que 80 p. 100 de la population canadienne dit ne pas vouloir s'en mêler.

Mon problème c'est que, lorsque j'ai soulevé la question auprès des députés d'en face, afin qu'ils m'expliquent pourquoi le chef du Parti libéral de l'Ontario dit que les objectifs et les contingents, c'est blanc bonnet et bonnet blanc, personne n'a pu me dire pourquoi il semble exister un tel fossé entre ce monde irréel où l'on vit à Ottawa et les 80 p. 100 des Canadiens qui s'opposent à la mesure législative proposée. Ces gens-là ne semblent pas comprendre.

(1220)

Je me demande si mon collègue pourrait m'aider à comprendre pourquoi les libéraux à Ottawa semblent si déphasés par rapport à l'attitude que manifestent la plupart des Canadiens dans ce dossier.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, ce n'était pas du tout une question biaisée.

La plupart des gens qui viennent ici des différentes régions du pays constatent que l'on est, dans une certaine mesure, coupé de la réalité canadienne, à Ottawa. C'est ce qui se produit quand un gouvernement majoritaire est de moins en moins proche des gens. Cela tient au fait que pendant cinq ans, les ministériels n'ont pas à travailler aussi fort que le parti d'opposition pour accomplir des choses. Ils viennent à la Chambre et disent: «Voici ce que les Canadiens veulent parce qu'ils nous ont élus et c'est ce que nous allons leur donner.» La mesure législative dont la Chambre est saisie est empreinte d'une certaine hypocrisie et d'une certaine arrogance.

Je ne pense vraiment pas que ce qu'ils essaient d'imposer au reste du Canada et ce avec quoi nous allons devoir vivre jusqu'à la fin de nos jours ou jusqu'à ce qu'ils ne soient plus au pouvoir soit représentatif de ce que voient bon nombre de personnes de notre pays. Nous assistons encore une fois à un effort en vue de légiférer sur ce que les gens recevront, et non pas nécessairement sur ce qu'ils veulent.

[Français]

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Madame la Présidente, je serai très bref. J'ai écouté l'intervention du député et j'ai aussi reçu l'invitation du député de Fraser Valley-Est nous invitant à traverser les Rocheuses pour visiter le reste du pays. Je dois lui dire que je l'ai déjà fait.

J'aimerais lancer l'invitation inverse au député réformiste de venir visiter ma belle province de Québec. J'ai trouvé l'intervention du député un peu irresponsable.

[Traduction]

Nous parlons d'équité en matière d'emploi. Le député parle d'équité en matière d'emploi et introduit, dans le débat, le biculturalisme et le bilinguisme.

Je voudrais le mettre sur la défensive et dire qu'avec la nouvelle économie d'aujourd'hui, et on en a la preuve au Québec, les personnes bilingues ont plus de possibilités d'emploi. En fait, avec la nouvelle économie, avec l'ALENA, il y a maintenant des écoles, au Québec, qui offrent l'espagnol comme troisième ou quatrième langue. Comment le député peut-il introduire cela dans le débat et dire qu'il est contre le bilinguisme quand il est en faveur de l'équité en matière d'emploi et des possibilités d'emploi pour tous, surtout pour les jeunes d'aujourd'hui? C'est paradoxal.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, le député n'a vraiment rien compris à ce que j'ai dit. J'ai parlé de la question du bilinguisme non pas en tant que question se rattachant à l'équité en matière d'emploi, mais comme exemple de la façon dont le gouvernement met à l'épreuve la force du tissu canadien en édictant une loi quand il est majoritaire. Le député a vraiment mal compris ce que j'ai dit.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je suis désolée, mais le temps de parole est déjà écoulé depuis un bon moment.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Madame la Présidente, l'équité en matière d'emploi est discriminatoire. De plus, elle est illégale. Le paragraphe 12(3) de la Loi sur


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l'emploi dans la fonction publique précise que les distinctions fondées sur la race, le sexe et la couleur sont illégales.

L'équité en matière d'emploi vise à institutionnaliser ce que nous voulons justement éviter. Nous voulons éviter la discrimination, mais les mesures que nous prenons entraînent une discrimination systématique dans les milieux de travail. Elles semblent dire aux groupes minoritaires qu'ils ne sont pas à la hauteur sur le plan du mérite et que le gouvernement crée donc à leur intention des chances d'avancement fondées sur des statistiques démographiques plutôt que sur le principe du mérite. On crée ainsi des critères de choix fondés sur le sexe, la race et la situation géographique alors qu'aucun d'eux ne devrait exister. En fait, si l'on en parle à des membres de groupes minoritaires, on constate qu'ils trouvent ce programme insultant.

(1225)

Au Canada, nous cherchons à donner aux groupes minoritaires et défavorisés la chance de s'épanouir pleinement. Cette loi vise à leur permettre d'obtenir leur juste part d'emplois, calculée selon des données statistiques.

Nous en avons déjà discuté à la Chambre. Le gouvernement affirme que cette méthode vise des objectifs numériques et n'impose pas de quotas. Mais des quotas et des objectifs numériques, c'est du pareil au même. Il n'y a pas de différence. Comme je le disais, c'est de la discrimination. Un coup d'oeil à cette remarquable institution qu'est la Gendarmerie royale du Canada suffit à nous faire voir qu'il est inutile que les jeunes blancs tentent de s'y joindre.

Ce que nous voulons au Canada, ce sont des chances d'avancement égales. Nous devons faire en sorte que tous aient des chances égales de devenir aussi compétents qu'ils peuvent l'être et de mettre à profit leurs talents, leurs ambitions et leur sens de l'initiative pour tenter d'arriver là où ils le souhaitent. Le Canada est l'un des rares pays du monde qui donne cette possibilité à ses citoyens.

Lorsqu'une personne choisit de ne pas profiter de cette possibilité, de ne pas saisir les occasions qui lui sont offertes, le gouvernement n'a pas à prendre des mesures pour qu'elle en profite malgré elle. C'est là-dessus qu'on manque de logique et qu'on manifeste une mauvaise compréhension des enjeux. Nous croyons qu'il n'appartient pas au gouvernement de pousser les gens à agir lorsqu'ils n'ont pas assez d'initiative pour le faire d'eux-mêmes et à acquérir des compétences dont ils ont choisi de se passer. Nous sommes plutôt favorables à des conditions permettant à tous les habitants qui le veulent d'acquérir les compétences souhaitées.

Nous sommes nombreux à être entrés au Canada à titre d'immigrant. C'est mon cas. Nous sommes venus ici pour fuir des pays où l'on pratiquait la discrimination. Le traitement de faveur et l'inégalité de traitement sont des situations qui se sont produites dans bien d'autres pays. Des gens ont quitté ces pays pour venir s'installer au Canada, un pays plus juste. En fait, le traitement égal des personnes en fonction de leur mérite est une notion nouvelle que nous devrions tous essayer de mettre en oeuvre.

Certains voient l'équité en matière d'emploi comme un moyen de réduire la discrimination, mais c'est le contraire qui est vrai. L'équité dans l'emploi augmente la discrimination, entraîne de l'animosité, joue sur les différences et crée du ressentiment.

Madame la Présidente, imaginez que vous faites une demande d'emploi et que les employeurs vous disent: «Vous n'obtiendrez pas cet emploi en fonction de votre mérite, mais vous l'aurez parce que vous êtes une femme, une personne faisant partie des minorités visibles ou une autochtone.» Imaginez quel effet cette réponse aurait sur votre opinion propre au sujet de votre crédibilité. Comme je l'ai déjà dit, c'est insultant.

Je voudrais dire aux groupes minoritaires que je suis issu de nombreux différents groupes minoritaires. Nous ne pouvons pas légiférer contre les préjugés. Si des gens nous lancent des remarques désobligeantes, c'est leur problème, non pas le nôtre. Mais nous devons nous assurer que ces préjugés ne nuisent pas à la capacité d'une personne d'obtenir un emploi et de bien fonctionner dans la société.

Nous devons aussi examiner des exemples concrets de l'équité en matière d'emploi. Pourquoi le gouvernement fédéral insiste-t-il sur cette équité alors que, en Californie, un État composé de nombreux groupes ethniques les plus hétérogènes qui soient, on cherche à supprimer cette notion jugée coûteuse et inefficace?

Au Canada, 11 programmes sont approuvés par le Conseil du Trésor et désignés sous le nom de programmes de mesures spéciales. De 1985 à 1988, ils ont coûté entre 11 et 15 millions de dollars par année. En 1992, le taux de réussite se situait à 63 p. 100 chez les femmes et à 79 p. 100 chez les minorités visibles. Cette année, il s'élève à 30 p. 100 chez les femmes et à 52 p. 100 chez les minorités. C'est un échec coûteux. Pourquoi poursuivons-nous cette initiative qui s'est révélée inefficace?

J'ai entendu le gouvernement déclarer qu'il est contre la discrimination et pour la justice et la société compatissante. L'équité en matière d'emploi n'est ni juste ni compatissante, bien au contraire. En outre, elle va à l'encontre de ce qui devrait être le critère fondamental d'obtention d'un emploi, c'est-à-dire le mérite. L'équité en matière d'emploi est également préjudiciable aux groupes minoritaires, comme je le disais plus tôt, et elle les insulte. Tous les Canadiens ordinaires membres de minorités à qui nous avons parlé nous ont dit qu'ils ne veulent pas de programme d'équité en matière d'emploi. Ils veulent seulement être traités avec équité, sur un pied d'égalité et sans discrimination.

(1230)

Les dirigeants de groupes minoritaires jouent souvent un rôle différent, mais c'est qu'ils agissent davantage pour des motifs politiques que par souci d'équité. Je préfère écouter la minorité silencieuse que les dirigeants verbeux de certains de ces groupes qui ne représentent pas nécessairement ceux qu'ils sont censés représenter.

Examinons les faits. Comme le disaient les députés ministériels, il n'y a pas de différence salariale entre les groupes minoritaires et les groupes non minoritaires, parce que les uns et les autres doivent travailler pour leur salaire. À qualifications et tâches égales, tous devraient recevoir un traitement égal. Ce sont


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là les règles qui prévalent dans ce pays et que nous devons défendre résolument. Le Parti réformiste est un ardent défenseur de ces règles.

Il y a effectivement des différences entre les statistiques de l'emploi et les types d'emploi qu'ont les membres de divers groupes minoritaires. Comme je le disais plus tôt, cette situation est-elle imputable à la discrimination ou est-elle plutôt le résultat des différences de qualifications et de facteurs sociaux déterminants? Au Canada, les qualifications sont régies par des lois et des règlements. Une compétence reconnue dans un autre pays ne jouit pas nécessairement de la même reconnaissance chez nous, et ce n'est pas injuste. Une personne qui possède un doctorat ou un baccalauréat en sciences ou qui exerce un métier dans un autre pays n'a pas nécessairement autant de mérite qu'une personne qui a acquis la même formation au Canada, qu'elle fasse ou non partie d'une minorité. Il est important de ne pas l'oublier.

Je voudrais donner un exemple de dynamisme. Je me trouvais récemment dans une réserve indienne frappée de nombreuses tragédies: taux de suicide et de chômage élevés et problèmes de dépression. Cependant, quand on a demandé à ces gens de faire les choses les plus simples eux-mêmes, ils ont constamment dit préférer qu'on agisse à leur place. Je leur ai demandé d'enseigner à leurs enfants un peu de leur histoire et de leur culture, de leur transmettre leurs habiletés, mais ils ont refusé. Ils veulent qu'on le fasse pour eux. En agissant soi-même, en prenant des initiatives, on acquiert la fierté et le respect de soi. Ces groupes pourraient ainsi contribuer en grande partie à réduire le stress qu'ils vivent au sein de la société.

Au Parti réformiste, nous sommes catégoriquement opposés à la discrimination. Nous croyons qu'il faut établir des règles du jeu équitables et solides pour tout le monde, peu importe la race ou le sexe. Nous voulons élaborer, adopter et appliquer des lois antidiscriminatoires. La discrimination est un cancer et il faut l'éliminer partout où elle apparaît. Nous devons établir des liens entre les gens. Nous devons apprécier nos différences. Nous devons apprendre les uns des autres. Nous sommes chanceux parce que nous avons plus de 165 groupes ethniques différents au Canada. Quelle joie et quel privilège nous avons de pouvoir apprendre des autres peuples et des autres cultures dans un environnement sûr!

Je suis content parce que notre pays ressemble beaucoup aux États-Unis. Il y a un grand nombre de pays qui n'ont pas les libertés que nous avons. Toutefois, nous rejetons l'équité en matière d'emploi, parce qu'elle est une menace à la justice et à l'égalité. Elle divise au lieu d'unir.

Le Canada est un modèle de cohésion. Je demande au gouvernement de bien vouloir repenser son rôle et sa perspective concernant l'équité en matière d'emploi. Je lui demande de tenir compte du principe selon lequel le rôle du gouvernement n'est pas d'amener les gens à observer une norme tellement élevée, qu'ils ne peuvent agir par eux-mêmes. Le rôle du gouvernement consiste à mettre à la disposition de la population des règles de jeu équitables et non discriminatoires.

Notre société n'est pas parfaite, mais nous devons poursuivre nos efforts pour qu'elle soit juste et équitable et que chacun ait droit à la paix et à l'équité.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Madame la Présidente, j'ai deux observations à faire après avoir entendu le député.

Je trouve ce qu'il a dit très étonnant, si je puis dire, car le Parti réformiste veut toujours comparer le Canada aux États-Unis. Dans son intervention, le député a encore voulu nous comparer à la Californie et aux États-Unis. Il n'y a pas très longtemps, quand le chef du Parti réformiste est allé aux États-Unis et y a rencontré M. Gingrich, il a dit à ce dernier: «Nous ne faisons pas les choses comme vous faites aux États-Unis.» Or, voilà qu'ils veulent nous comparer à la Californie.

Je veux cependant aller au-delà, car ils me semblent vouloir souffler le chaud et le froid en même temps, comme on dit.

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Voici ce que je lis dans un article à propos de la performance du Parti réformiste à la Chambre: «Les réformistes se donnent le rôle d'opposition officielle, mais ils ont quelques lacunes.» Je crois qu'il y a toujours de nouvelles lacunes qui apparaissent chez eux.

J'ai fait carrière dans le domaine du placement. Je voudrais citer un exemple particulier de certains des problèmes que nous avons eu à surmonter. Un grand détaillant voulait embaucher un opérateur sur ordinateur. Le travail à ce poste se faisait par quarts rotatifs, parfois de huit heures et parfois de 12 heures, trois jours consécutifs ou cinq jours par semaine.

L'employeur a fait savoir à mon agence qu'il ne voulait absolument pas embaucher de femme, simplement parce que le travail se faisait par quarts rotatifs. Or, nous avons fini par convaincre cet employeur d'embaucher une femme. Je suis fier de pouvoir dire aujourd'hui que, six ans plus tard, cette femme travaille toujours pour cette entreprise. Elle a obtenu trois promotions et fait un excellent travail. Que serait-il arrivé si l'agence de placement avait écouté l'employeur et s'était laissé convaincre que parce qu'elle était une femme, elle ne pouvait pas occuper un poste où l'on travaille par quart?

Je suis fier de dire que ce genre de mesure législative va ouvrir des voies et permettre aux gens d'aller de l'avant et de concourir sur un pied d'égalité pour obtenir des emplois. Je crois moi aussi que les employeurs vont embaucher en fonction du mérite, et non pas en fonction du fait que quelqu'un est oriental, noir, homme ou femme.

Je voudrais inciter les députés d'en face à cesser de prendre des attitudes et de faire preuve de malhonnêteté intellectuelle auprès des Canadiens, car ils doivent choisir. Ou bien ils nous comparent aux Américains, ou bien ils ne le font pas. Ils ne peuvent pas changer continuellement d'avis.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Madame la Présidente, l'équité en matière d'emploi, cela veut dire qu'on engage les travailleurs en fonction de leur couleur, de leur sexe ou d'autres caractéristiques démographiques. C'est à cela que se résume l'équité en matière d'emploi.

Qui s'inquiète que le travailleur soit homme ou femme, noir, blanc, brun ou à pois? Pas nous. Nous voulons simplement que, lorsqu'une personne postule un emploi, elle soit traitée en fonction du mérite, car c'est tout ce qui compte pour obtenir un


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emploi. C'est tout ce qui préoccupe notre parti, mis à part le fait qu'il faut avoir des lois interdisant la discrimination.

À propos de ce que j'ai dit au sujet des États-Unis, je rappelle que la Californie a des lois sur l'équité en matière d'emploi. Nous n'en voulons pas. J'explique au député que nous devons tirer des enseignements des erreurs commises aux États-Unis. Les Américains essaient de rectifier cette erreur. Nous devons tirer des leçons et conclure que le programme d'équité en matière d'emploi mis en oeuvre en Californie s'est soldé par un échec. Tirons nos conclusions et montrons aux Américains que nous sommes différents d'eux, meilleurs qu'eux en refusant de nous lancer dans cette aventure.

Nos objectifs sont les mêmes. D'une certaine façon, le but du gouvernement et celui du Parti réformiste, sur les principes fondamentaux, est le même: nous ne voulons pas de discrimination. Nous nous opposons vigoureusement à la discrimination, quel qu'en soit le motif.

Ce qui cloche dans la position du gouvernement, c'est que l'équité en matière d'emploi donne lieu à de la discrimination. Par sa nature même, elle revient à dire qu'un groupe de personnes n'arrive pas à concurrencer sur la base du seul mérite et qu'il faut lui donner un avantage sur un autre groupe. C'est de la discrimination au détriment de l'autre groupe. C'est injuste. Nous ne pouvons pas corriger les erreurs du passé en appliquant maintenant des lois discriminatoires, en pipant les dés à l'avantage ou au détriment d'un groupe.

Plaçons tout le monde sur un pied d'égalité. Que tous soient traités en fonction du mérite. Appliquons des lois contre la discrimination et nous bâtirons un pays dont nous pourrons tous être fiers.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Madame la Présidente, le Parti réformiste propose aujourd'hui la motion suivante:

Que la Chambre dénonce la politique d'équité en matière d'emploi du gouvernement comme inutile, inefficace, coûteuse, impopulaire, envahissante, discriminatoire et nuisible aux groupes désignés et non désignés; que la Chambre reconnaisse l'égalité de tous les Canadiens en proclamant que l'embauche et la promotion doivent se faire uniquement en fonction du mérite plutôt que du sexe et de la race; et que les pratiques d'emploi discriminatoires soient plus vigoureusement combattues sur une base individuelle, au cas par cas.
J'ai été élevé dans une exploitation agricole de la Saskatchewan. Lorsqu'il y avait du travail à faire, le sexe ou la couleur de la peau importaient peu. Ma soeur a participé aux travaux de la ferme. Peu importe la tâche à accomplir, elle était aussi compétente que n'importe qui d'autre à la ferme. Nous étions très fiers de sa capacité d'assumer n'importe quelle tâche.

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C'est dans cette optique que nous devrions considérer les possibilités d'emploi. Nous devrions tenir compte de la compétence des candidats plutôt que de la couleur de leur peau, de leur sexe ou de quelque autre signe distinctif ou imperfection, si je puis oser employer ce mot.

C'est avec plaisir que je prends aujourd'hui la parole au sujet de l'équité en matière d'emploi ou de ce que j'appellerais l'«embauchage préférentiel» ou la «promotion sociale», une notion qui se révèle un échec partout dans le monde où elle est appliquée. Une question précise dont je voudrais parler est la définition gouvernementale de l'égalité, qui correspond approximativement à l'égalité de la représentation numérique dans la population active.

Par exemple, si 5 p. 100, disons, de notre main-d'oeuvre disponible se compose de membres des minorités visibles, 5 p. 100 des effectifs de tous les employeurs devraient aussi provenir des minorités visibles. Pour arriver à l'égalité de la représentation numérique, le gouvernement doit obtenir une base de statistique exacte de la représentation des groupes désignés.

Toutefois, l'exactitude de la base de statistique dépend de la déclaration volontaire. Nous avons là un problème énorme. Le gouvernement a bien précisé que la déclaration volontaire constitue le pivot du programme d'équité en matière d'emploi. La déclaration volontaire pose, toutefois, un certain nombre de problèmes.

Le groupe Stentor a déclaré devant le Comité des droits de la personne que les données récoltées par déclaration volontaire ne sont pas fiables. Beaucoup d'employés hésitent à participer au programme de déclaration volontaire parce qu'il en résulte souvent pour eux une perte de légitimité aux yeux de leurs collègues. La plupart des travailleurs préféreraient que la promotion et les avantages qui leur sont offerts soient fondés sur le mérite plutôt que sur leur sexe ou leur race.

Je vais citer un exemple très réel que comprendront bien les députés. Le 27 avril dernier, le greffier de la Chambre des communes a déclaré, devant le comité, qu'un questionnaire de déclaration volontaire a été envoyé à 1 700 employés de la Chambre des communes. Fait lamentable, seulement 23 p. 100 des employés ont rempli et retourné le questionnaire. De ce pourcentage, moins de 50 personnes ont déclaré appartenir à un groupe désigné. Étant donné ces chiffres, il serait quasiment impossible d'élaborer un bon plan d'équité en matière d'emploi.

Cela ne fonctionne pas. Si cela ne fonctionne pas sur la colline du Parlement, comment pensez-vous que cela sera possible ailleurs au Canada? Pourtant, les libéraux tiennent à l'équité en matière d'emploi. Ils pensent pouvoir légiférer dans ce domaine. Ils se trompent.

D'autres problèmes se posent quand vient le temps de déterminer qui devrait faire partie des groupes désignés? Par exemple, devrait-on considérer qu'une personne dont les parents sont de races différentes fait partie d'une minorité visible? Pourquoi? Pourquoi pas? Devrait-on considérer que les membres de la troisième génération de Canadiens appartenant à une minorité visible sont aussi défavorisés que les nouveaux immigrants provenant du tiers monde? Pourquoi? Pourquoi pas? Le gouvernement se doit d'aborder ces questions.

On a aussi des problèmes à définir ce qui constitue une incapacité. Si je portais des verres, je serais considéré comme une personne handicapée. C'est ridicule. Je pourrais vous donner de nombreux autres exemples qui prouvent à quel point les problèmes que posent les programmes d'équité en matière d'emploi et d'action positive sont complexes et entremêlés. Pourtant, dans leur livre rouge, les libéraux se sont engagés à respecter cette politique, à mettre en oeuvre ce plan affreux et irréaliste.

Je m'inquiète également du caractère indiscret du processus de déclaration volontaire qui permet de déterminer les membres des minorités visibles. Pour obtenir ces statistiques, il faut me-


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ner des sondages, ce qui veut dire que les employeurs et les employés doivent se plier à cette exigence. Pourtant, le droit de refuser de déclarer volontairement son appartenance à un groupe quelconque fait partie des droits à la vie privée. Les limites du consentement à l'auto-identification sont déjà rendues floues.

En mars 1995, le ministère de la Défense nationale a remis un questionnaire d'auto-identification à tous les employés. La première section était obligatoire et avait trait à des renseignements personnels comme le nom, l'adresse, bref, des renseignements de base. La deuxième, la section d'auto-identification proprement dite, était facultative. En exigeant des renseignements incomplets, le ministère a appris quels étaient ceux qui avaient refusé de s'auto-identifier. C'est un problème grave ainsi qu'une atteinte à la vie privée des gens.

Il sait déjà qui a refusé de s'identifier comme membre d'une minorité visible, un groupe qui pourrait être admissible à une aide spéciale dans le cadre d'un programme donné d'équité en matière d'emploi. C'est une intrusion, c'est incorrect et c'est une violation des droits fondamentaux des Canadiens. Les gestionnaires de la Défense nationale peuvent maintenant faire pression sur certains membres de groupes désignés pour qu'ils s'identifient sous le régime du paragraphe 17(3) du projet de loi libéral, le projet de loi C-64, qui prévoit que seuls les employés qui acceptent de s'auto-identifier seront pris en compte.

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Les employeurs pourront recourir à une variété de méthodes non officielles pour convaincre leurs employés d'accepter de s'auto-identifier. Rendre obligatoire toute partie d'un questionnaire d'auto-identification est coercitif. L'utilisation de renseignements personnels à des fins autres que l'établissement de statistiques ministérielles est inacceptable. Le fait de rendre obligatoire la fourniture de certains renseignements est en soi incorrect et constitue une autre lacune de l'équité en matière d'emploi.

Le gouvernement dit que si une personne fait partie d'une minorité visible, la probabilité que cette personne soit désavantagée est plus grande. Je ne suis pas de cet avis. Je pense que cela est erroné. Pourquoi des membres de minorités visibles qui gagnent un revenu comptant parmi les plus élevés du pays seraient-ils admissibles à des programmes d'équité en matière d'emploi? Il est insensé qu'on donne la préférence à ces personnes au détriment d'autres candidats qui ne font pas partie d'une minorité visible.

Je voudrais donner un exemple à la Chambre du caractère ridicule que peut revêtir tout le concept de l'équité en matière d'emploi, de l'équité fondée sur le sexe ou la race. Une université de l'Ontario a mis sur pied un programme de droit fondé sur ce qu'elle a appelé une approche d'égalité d'accès à l'éducation. Ce programme avait essentiellement pour but de faire admettre un certain nombre de membres de minorités visibles au sein des professions juridiques, ce qui est un but admirable. Cependant, ce que l'université a fait n'a pas été aussi admirable. Sur le formulaire d'inscription à la faculté de droit figurait une question où l'on demandait au candidat de dire s'il faisait partie d'une minorité visible. Je ne sais trop pourquoi le fait d'être membre d'une minorité visible ferait de la personne en cause un meilleur candidat pour la faculté de droit. Je ne vois pas pourquoi il en serait ainsi.

Ce n'est là que la pointe de l'iceberg. Pendant les examens, les étudiants de la faculté de droit sont séparés: les membres des minorités visibles d'un côté, les autres de l'autre. Les premiers ont huit heures pour faire leurs examens et les autres en ont quatre. De plus, les minorités visibles ont accès à des directeurs d'études auxquels les autres n'ont pas accès. Pis encore, les étudiants qui n'étaient pas membres des minorités visibles étaient tenus dans l'ignorance de la politique de l'université.

Ce genre de politique ne rend pas service aux minorités visibles. Imaginez un peu ce que pourrait ressentir un diplômé en droit de cette université lorsqu'on apprendra qu'il a eu deux fois plus de temps que les autres pour passer ses examens et qu'il a eu accès aux services d'un directeur d'études. Je suis convaincu que de tels diplômés seraient deux fois moins en demande que ceux qui ont suivi le programme d'études régulier. L'équité dans l'emploi, ou l'égalité des chances, lorsqu'elle se ramène au sexe, à la race ou aux traits distinctifs d'une minorité visible, est ridicule.

Il est insultant pour des membres d'une minorité visible de savoir que la seule raison pour laquelle ils sont à la faculté de droit est la couleur de leur peau, leur sexe ou toute autre caractéristique qui n'est liée en rien à leurs qualités et à leur mérite. Il faudrait plutôt leur dire qu'ils sont qualifiés pour être à la faculté de droit, qu'ils ont les compétences nécessaires, les capacités intellectuelles voulues et la détermination qu'il faut pour faire le travail, que ce soit obtenir un diplôme ou trouver un emploi.

En conclusion, je voudrais parler un peu de quelque chose qui est important à mes yeux: les résultats. Lors des dernières élections, on a entendu dire beaucoup de sottises au sujet du Parti réformiste, notamment qu'il était dominé par les hommes et qu'il ne s'intéressait qu'aux hommes. Les statistiques ne confirment pas ces allégations.

En fait, il est intéressant de constater que, parmi nos candidats, les femmes ont eu un plus haut taux de succès aux élections que les hommes. Nous n'avions aucun programme d'équité. Nous n'avons pas exigé que la moitié de nos candidats soient des femmes. Si nous l'avions fait, nous aurions peut-être deux fois plus de députés ici.

Nous avons laissé aux circonscriptions le soin de choisir leur candidat, et elles ont cherché la personne la plus compétente. Elles n'ont pas accordé d'importance au sexe du candidat ou à la couleur de sa peau, mais bien à sa capacité de représenter les électeurs. Elles ont accordé de l'importance à sa capacité de venir changer la façon dont les choses se font ici. Nous avons réussi à faire élire plus de femmes que d'hommes. Beaucoup de Canadiens ne savent pas cela parce qu'ils ont été mal informés par les libéraux et par d'autres qui sont directement intéressés par toute cette question.

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En tant qu'employeurs, choisissons des gens selon le principe du mérite. En tant que gouvernement, faisons la promotion d'une politique qui permettra aux gens de réussir parce qu'ils le méritent et non pas parce qu'ils répondent à certains critères non raisonnables qui forment la base de nos programmes d'équité en matière d'emploi.


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M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Madame la Présidente, je ne connais pas de meilleur exemple d'un gouvernement faisant, en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, tout ce qu'il ne faut pas pour les bonnes raisons. Je ne connais pas de meilleur exemple d'un gouvernement aggravant une décision déjà mauvaise en vue de l'améliorer.

Aujourd'hui, dans les universités, le contrôle des loyers sert à démontrer aux étudiants qui suivent des cours d'économie comment un gouvernement peut aggraver un problème en introduisant des mesures apparemment simples pour l'améliorer. En ce qui concerne le contrôle des loyers, le gouvernement a essayé de faire en sorte que le prix d'un logement soit plus abordable en limitant l'augmentation des loyers que pouvaient exiger de leurs locataires les propriétaires qui, à son avis, exagéraient. Malheureusement, comme l'histoire et l'économie le montrent toujours, ça ne fonctionne pas.

Au lieu de rendre le prix du logement plus abordable, le contrôle des loyers a eu pour effet de réduire le nombre de logements disponibles. En limitant l'augmentation des loyers, le gouvernement a dissuadé les promoteurs immobiliers de construire de nouveaux logements, limitant ainsi le nombre des logements disponibles sur le marché et ôtant de cette façon toute possibilité à la classe pauvre d'avoir accès à des logements à prix abordable.

N'y a-t-il donc aucun avantage à contrôler les loyers? Certes, il y en a. Les riches et la classe moyenne supérieure qui occupent un appartement se voient garantir des prix artificiellement bas. Et donc, qui en profite? La classe moyenne et la classe supérieure. Qui paie? Les entreprises et les classes inférieures. C'est un exemple parfait de ce qui arrive quand un gouvernement met en place un système pour venir en aide à un secteur de la société aux dépens d'un autre. Ca ne marche pas. Le marché intervient et c'est lui qui décide. Bien souvent, les décisions du marché vont à l'encontre des bonnes intentions du gouvernement.

Je suis convaincu que dans une ou deux décennies, ce ne sera plus l'exemple du contrôle des loyers qu'examineront les étudiants en économie. Ce sera celui de l'équité en matière d'emploi, car l'équité en matière d'emploi est fondamentalement injuste, fondamentalement inéquitable et fondamentalement discriminatoire. Elle ne fonctionne pas, et c'est là-dessus que les cours seront axés.

Certes, il y aura certains avantages. Principalement pour les avocats, les minorités de la classe moyenne et les femmes qui sont artificiellement promues sur le marché par l'équité en matière d'emploi. Mais certainement pas pour les classes inférieures, pour les immigrants, pour les personnes que ce programme est censé aider. En plaçant des restrictions artificielles sur les méthodes de recrutement, en imposant des quotas aux institutions qui recrutent du personnel, le gouvernement limite la productivité de ces organisations. Le gouvernement les rend moins productives. Une organisation moins productive recrute moins de gens et en licencie davantage.

Les premiers à être licenciés seront toujours ceux qui ont le moins de compétences, ceux qui ont le moins d'expérience ou les travailleurs à temps partiel. Ces gens appartiennent en très grand nombre au groupe que l'équité en matière d'emploi est censée aider.

C'est un exemple classique de programme gouvernemental qui ne fonctionne pas. C'est une leçon classique pour le gouvernement. Cependant, ce gouvernement, comme ses cousins idéologiques du NPD, ne comprend pas. Il est trop prisonnier de ses discours pour comprendre la réalité et trop influencé par les intérêts particuliers.

L'équité en matière d'emploi est un échec. Elle ne fait pas ce qu'elle est censée faire. En tant que société, en essayant de remédier aux errements du passé, au moyen de l'équité en matière d'emploi, nous avons vendu notre âme. Nous avons fait un pacte avec le diable. Nous avons abandonné les principes de justice et d'égalité.

Les libéraux, autrefois, aimaient bien le livre de George Orwell, La ferme des animaux. Ils citaient l'expression: «Tous sont créés égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres» avec beaucoup de plaisir, pensant que c'était une critique de la politique de ce qu'ils appelaient l'établissement, pensant qu'ils étaient au-dessus de cette satire. Eh bien, ce n'est plus le cas. L'équité en matière d'emploi est la réalisation même de cette phrase: «Tous sont créés égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres.»

Naturellement, cette expression n'a aucun sens. Elle est illogique, tout comme l'équité en matière d'emploi. Elle n'empêche pas les intérêts particuliers de demander davantage d'équité en matière d'emploi. Je dis des intérêts particuliers parce qu'il n'y a pas de doute que ce sont des intérêts particuliers qui sont en cause dans ce débat. Vu qu'il n'y a aucune preuve empirique qu'une cabale d'hommes blancs fasse de la discrimination systématique contre plus de la moitié de la population et vu que la majorité des Canadiens s'opposent à l'équité en matière d'emploi, que pouvons-nous conclure sauf que des groupes d'intérêts particuliers ont l'oreille du parti au pouvoir. Seuls des intérêts particuliers peuvent obtenir la promotion d'une politique qui soit aussi illogique et aussi injuste.

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Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration se plaît à citer des statistiques auxquelles nous souscrivons, disant que les immigrants réussissent mieux que les Canadiens de naissance dans la population active. Le ministre essaie de prendre le crédit du fait que les immigrants ont tendance à travailler très fort et à être autonomes.

Par ailleurs, dans la fonction publique, l'équité en matière d'emploi est discriminatoire à l'égard des hommes et des Canadiens blancs, et favorise les minorités, pour la plupart des immigrants. Ainsi, bien que les immigrants surclassent les Canadiens d'origine, ces derniers sont brimés par l'équité en matière d'emploi car on suppose que les immigrants sont désavantagés.

Rien n'illustre mieux l'absurdité de l'équité en matière d'emploi que les données sur le succès des immigrants. Il n'y a qu'à voir la réussite économique des nouveaux arrivants en provenance de l'Asie. Ils ne connaissent pas le pays. Souvent, ils ont du mal à parler notre langue. Ils sont étiquetés «minorités ethniques». Et pourtant, ils réussissent mieux que les mâles blancs accusés de faire preuve de discrimination à leur égard, discrimination qui est contrecarrée par des programmes d'équité en matière d'emploi qui leur donnent un avantage déloyal et indu.


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Est-ce sensé? Quiconque doué de bon sens peut-il justifier pareille démence? Personne certes.

Les groupes d'intérêts spéciaux sont ravis de cet état de choses car ils ne se préoccupent guère de justice. La réalité ne les préoccupe pas. L'intérêt de la nation ne les préoccupe pas. La seule chose qui les préoccupe, ce sont leurs intérêts à eux, et ils ont l'oreille du gouvernement.

On traite le Parti réformiste de toutes sortes de choses. Pas un seul grand parti politique au Canada n'a eu à se défendre contre autant de diatribes que le Parti réformiste. Il est accusé d'être raciste en dépit du fait que le Parti réformiste soit le seul parti dont la politique déclarée en matière d'immigration est racialement neutre.

Nous proposons que le Canada accepte les immigrants en fonction de ce qu'ils ont à offrir à leur nouveau pays et des besoins du marché du travail. Imaginez ce qui se passerait si le Parti réformiste décidait de modifier sa politique racialement neutre. Imaginez ce qui adviendrait si nous avions l'équité raciale comme objectif. Voici ce qui se produirait. La majorité des immigrants au Canada font partie des minorités visibles. Selon la logique des défenseurs de l'équité en matière d'emploi, cela signifie nécessairement qu'il existe, au sein du système d'immigration, une discrimination institutionnelle systématique contre les minorités non visibles.

Toujours selon la logique du programme d'équité en matière d'emploi, il serait juste, correct et équitable d'établir des quotas pour recevoir un plus grand nombre d'Européens blancs au Canada. Imaginez le ressac qui se produirait si ce programme était mis en place. Pourtant, ce scénario hypothétique serait fondé exactement sur la même logique que celle des défenseurs de l'équité en matière d'emploi.

La discrimination prend de multiples visages. Elle touche les jeunes hommes qui ont de bonnes notes, mais ne peuvent entrer à l'université ou obtenir une bourse d'études. Elle frappe à cause de la sensibilisation accrue à l'origine ethnique et à la race, parce que le gouvernement force les gens à préciser à quel groupe racial ils appartiennent au lieu de les laisser être simplement des Canadiens. Elle entraîne des pertes d'emplois à cause des exigences ridicules du gouvernement à l'égard des entreprises qui font affaire avec lui. Elle prend la forme d'un stigmate dans le cas des femmes et des membres de minorités visibles que l'on appelle les «employés de l'équité». Je pourrais continuer ainsi, la liste est longue.

Je demande donc aux députés de bien réfléchir. Ne vous en tenez pas à l'esprit de parti. Pensez vous-mêmes à la question et aux conséquences possibles de cette politique peu judicieuse. Songez au prix à payer sur le plan humain et à l'absence totale d'avantages de cette politique. Ensuite, appuyez notre motion. Rétablissez la justice et mettez fin à la discrimination de toutes sortes.

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L'hon. Ethel Blondin-Andrew (secrétaire d'État (Formation et Jeunesse), Lib.): Madame la Présidente, je profite de l'occasion pour parler de la motion pompeuse du Parti réformiste qui, selon moi, est basée sur de fausses informations, des demi-vérités et une orientation qui, de façon générale, n'est pas la bonne. On exprime des points de vue ethnocentriques plutôt regrettables sur un projet de loi tout à fait logique dans lequel le gouvernement établit des objectifs très raisonnables pour réparer les injustices qui existent actuellement.

Je suis heureuse d'avoir l'occasion de dissiper la confusion que certains députés de l'opposition mal informés ont créée autour du projet de loi C-64. Il me tarde d'expliquer comment ce projet de loi bien canadien répondra aux besoins bien précis qui existent sur notre marché du travail et garantira un traitement équitable pour tous les Canadiens.

Les gens n'ont cessé de me répéter que la communication et l'information étaient essentielles au succès de l'équité en matière d'emploi. C'est dans ce contexte que je formule mes observations aujourd'hui. Je crois qu'il est fondamental que les Canadiens comprennent ce que le projet de loi C-64 va faire et ne fera pas. Ils devraient être pleinement conscients du fait que le Canada trace sa propre voie avec ce projet de loi progressiste.

Certains députés réformistes prétendent que l'expérience américaine des programmes d'action positive prouve que l'équité en milieu de travail est impossible à réaliser. Or, il est injuste de comparer des pommes avec des oranges. Nous sommes au Canada et non aux États-Unis.

En décrivant les nombreux avantages de la politique canadienne d'équité en matière d'emploi, j'entends démontrer comment, malgré les observations trompeuses prétendant le contraire, nous avons, au Canada, adopté la bonne mesure législative. Permettez-moi de décrire les principales différences entre l'action positive pratiquée aux États-Unis et la législation canadienne sur l'équité en matière d'emploi.

En toute déférence pour nos voisins américains, l'action positive se caractérise par une multitude de lois, de politiques et de programmes adoptés par le gouvernement fédéral, les États et les municipalités, qui sèment la confusion et sont parfois contradictoires.

Il faudrait également comprendre que la concurrence pour obtenir un emploi est très forte. Les pressions sont énormes puisque deux millions d'emplois disparaissent chaque année aux États-Unis. Pour donner un exemple des pressions exercées aux États-Unis, penchons-nous sur la situation dans sa globalité et voyons où ces pressions s'exercent.

Dans un article publié dans le numéro de mai-juin 1995 du UTN Reader, on dit ceci, et je cite: «Dans les années 50, 33 p. 100 des travailleurs américains travaillaient dans le secteur de la fabrication. De nos jours, les travailleurs manuels forment moins de 17 p. 100 de la population active. Selon l'expert-conseil en gestion, Peter Drucker, au cours de la prochaine décennie, cette proportion va tomber à moins de 12 p. 100. Même si le nombre de travailleurs manuels continue de baisser, la productivité manufacturière monte en flèche.»

Un autre facteur à considérer, c'est que les changements sont extrêmement marqués dans les secteurs de la vente en gros et au détail. Les pressions sont énormes et il y a une forte concurrence pour les emplois offerts. On constate aussi que des pressions s'exercent sur les entreprises, le gouvernement et les particuliers. Ainsi, pour vous donner un exemple typique de la tendance dans le secteur de la vente au détail, le géant Sears Roebuck a supprimé un nombre incroyable d'emplois, soit 50 000, dans son réseau de distribution en 1993, réduisant ainsi le nombre de ses employés de 14 p. 100.


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Les machines intelligentes envahissent elles aussi des secteurs professionnels touchant l'éducation et les arts qu'on a longtemps cru à l'abri des pressions de la mécanisation. Un robot qui pourra faire une arthroplastie de la hanche est actuellement mis au point en Californie. Certaines firmes utilisent désormais des systèmes d'embauche informatisés pour étudier les demandes d'emploi. Nous sommes en compétition non seulement avec d'autres êtres humains, mais aussi avec des robots, avec de nouvelles technologies et avec l'automatisation du milieu de travail.

Qu'allons-nous faire? Allons-nous déclarer illégales les nouvelles machines intelligentes qui vont contribuer à améliorer l'économie et à accroître l'efficacité et l'efficience? Mécontents comme nous le sommes, nous pourrions élaborer des lois qui établiraient une discrimination contre ces machines et qui les élimineraient. C'est ce que l'on suggère ici.

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Un autre facteur intéressant à considérer en raison des pressions auxquelles cette situation donne lieu, c'est que de 1983 à 1993, les banques, aux États-Unis, ont éliminé 179 000 caissiers et caissières, soit 30 p. 100 de leur personnel, sans pour autant rajouter de guichets automatiques.

Mais tout ce phénomène est beaucoup trop compliqué. Je ne pense vraiment pas que l'on puisse étayer la thèse des députés de l'opposition en prenant simplement comme exemple la façon dont une université établit un programme ou un cours et en se servant de cela pour monter un dossier contre l'équité en matière d'emploi. C'est trop limité et injustifié. Ce n'est guère valide, à mon avis.

Les nombreuses mesures législatives en vigueur aux États-Unis accordent des droits, des protections et des recours à différents groupes. Il est clair que cela a créé des problèmes. Des critiques signalent des abus et le désenchantement grandissant éprouvé à l'égard des quotas aux États-Unis, ce qui a amené les législateurs fédéraux de ce pays à réexaminer les principes sur lesquels se fonde l'action positive.

Par contraste, le Canada dispose d'un cadre législatif rationalisé. Le projet de loi C-64 établit une approche unique de l'équité en matière d'emploi au palier fédéral et assigne des fonctions clairement définies aux employeurs et aux organismes fédéraux. Au Canada, à quelques exceptions près, l'approche de l'équité en matière d'emploi et les groupes visés sont sensiblement les mêmes dans la plupart des administrations où l'application des principes d'équité en matière d'emploi est obligatoire.

Une autre différence substantielle réside dans le rôle des tribunaux. Au Canada, l'équité en matière d'emploi s'inscrit dans une approche proactive. La loi mise sur des solutions négociées dans le cadre de relations patronales-syndicales axées sur la coopération. Elle n'exige pas au préalable une présomption de discrimination.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi crée donc un cadre efficace et économique, ce qui a pour effet de réduire au minimum les interventions des tribunaux. Ainsi, nous avons un programme de contrats fédéraux auquel participent un grand nombre de sociétés réglementées. C'est devenu en quelque sorte un état d'esprit. Il ne s'agit pas d'un nouveau programme auquel il s'agirait de participer. C'est dans l'intérêt de ces gens d'avoir des femmes, des membres des minorités visibles et des personnes handicapées qui travaillent pour eux.

J'ai assisté aux cérémonies de remise des prix relatives au programme de contrats fédéraux. Cette initiative qui a vu le jour cette année a été chaudement applaudie par les participants. C'est la preuve que bon nombre de sociétés sous réglementation fédérale souhaitent y participer. À celles-ci s'ajoutent des universités et diverses entreprises du secteur privé.

Chez nos voisins du sud, le programme d'action positive a pour source des directives de l'exécutif et les droits civiques. Il s'agit d'éliminer la discrimination à l'égard de tout employé ou candidat à un emploi qui est fondée sur la race, la couleur, la religion, le sexe ou l'origine nationale. L'approche américaine repose sur l'établissement de contingents par ordonnances judiciaires, un traitement préférentiel aux entreprises appartenant à des minorités pour les fins d'obtention des marchés publics et l'utilisation de stimulants fiscaux pour encourager la participation des minorités dans des entreprises.

Le système américain est également caractérisé par la confrontation et les litiges et favorise peu les relations de travail harmonieuses. On affirme souvent que la réalisation de l'égalité au travail est un exercice lent et coûteux dans le système américain.

Le système canadien d'équité en matière d'emploi est conçu de manière à permettre aux employeurs de fixer leurs objectifs numériques souvent en consultation avec les travailleurs et leurs syndicats. Le projet de loi interdit expressément l'utilisation de contingents et il ne contient aucune disposition concernant le traitement préférentiel aux entreprises appartenant à des minorités.

Je suis heureuse de pouvoir dire que le Parti réformiste a fait élire plusieurs femmes, mais il aurait quand même bien fait d'en faire élire davantage. Ce n'était là qu'une remarque en passant, mais je suis sûre que le député réformiste d'en face sera d'accord avec moi.

En définitive, le mérite demeure le principe de base. Une rumeur malveillante veut que des candidats méritants qui ont été acceptés en vertu de l'équité en matière d'emploi ne soient pas compétents. Le bruit court que ces personnes ont été choisies parce qu'elles étaient des handicapés, des femmes ou des membres de minorités visibles. Ce n'est pas le cas. Cette loi est fondée sur le mérite. C'est le principe de base.

(1310)

L'objet de la Loi sur l'équité en matière d'emploi n'est pas d'accorder un traitement préférentiel, mais d'assurer un traitement équitable à tous les Canadiens prêts à travailler, quels que soient leur race, leurs attributs physiques ou leur sexe. Cette loi ne vise pas à ériger des barrières à l'emploi, mais à les éliminer. Elle vise à améliorer un système qui est truffé de situations inéquitables.

Si le Parti réformiste prend la peine de faire un peu de recherche, il constatera que les données montrent bien, année après année, que les personnes handicapées, les femmes, les autochtones et les minorités visibles figurent au bas de la liste. Le Parti réformiste peut citer des exemples de situation qui ne sont pas conformes à ce modèle, mais le gouvernement ne peut élaborer de bonnes politiques et concevoir de bonnes lois à partir de quelques exemples. L'exception n'est pas la règle. Ce n'est pas ainsi que l'on conçoit de bonnes politiques. Ce n'est pas ainsi que la démocratie fonctionne le mieux.


12991

La loi vise à éliminer les injustices et non à ériger des barrières à l'emploi. Les Canadiens ont de la chance que la définition légale de l'égalité ne soit pas la même qu'aux États-Unis. Notre définition prévoit une garantie constitutionnelle de l'égalité, ce qui va beaucoup plus loin que les garanties américaines. Au Canada, le droit à l'égalité est garanti à tous en vertu de la loi. Tous ont également droit à la même protection et au même bénéfice de la loi. La Charte canadienne des droits et libertés reconnaît, au paragraphe 15(2), qu'il est parfois nécessaire de faire des exceptions et d'offrir des mesures d'adaptation pour assurer une véritable égalité.

Accorder un traitement spécial, ce n'est pas déroger au principe d'équité. C'est même essentiel, si l'on veut qu'il soit respecté. C'est le constat d'injustices répandues sur le marché du travail, dans tous les domaines, qui a mené au concept de l'équité en matière d'emploi. C'est l'idée fondamentale.

Ce concept est unique au Canada. La constitution américaine n'a pas de disposition semblable. Aux États-Unis, les citoyens ont seulement un droit constitutionnel à une protection égale de la loi. Historiquement, les tribunaux américains ont toujours interprété ce droit comme une disposition exigeant un traitement identique, donc des lois ne faisant pas de distinctions fondées sur la couleur et le sexe.

Les députés qui ont siégé à des comités ont beaucoup appris de leur expérience. Le processus constitutionnel m'a permis d'apprendre qu'un traitement identique n'engendre pas nécessairement l'égalité. C'est simpliste de penser ainsi. C'est une conception des choses qui n'est pas digne de notre siècle. Nous parlons actuellement d'enjeux et d'idées d'avenir très précis sur des questions d'égalité qui intéressent tous les Canadiens.

L'approche du Canada à l'égalité est progressiste et prévoyante. Dans notre pays, l'égalité signifie reconnaître les différences, et non seulement accorder un traitement identique. Cette approche a abouti à un plus grand partenariat entre les groupes qui recherchent un accès équitable à l'emploi et s'est traduite par des succès beaucoup plus retentissants. La sagacité de la stratégie canadienne est démontrée par les progrès qu'elle a permis de réaliser. Les dossiers révèlent que, si certains Canadiens sont encore sous-représentés dans certains milieux de travail, des progrès importants ont été accomplis avec l'actuelle Loi sur l'équité en matière d'emploi et ne feront que s'accroître avec les améliorations prévues dans le projet de loi C-64.

Cela en dit long sur l'approche canadienne. Nous ne voulons pas que les tribunaux soient surchargés de contestations sur l'équité en matière d'emploi. Nous voulons des chances égales d'emploi pour les femmes, les autochtones, les groupes faisant partie des minorités visibles et les personnes handicapées.

(1315)

Nous voulons garantir l'équité pour tous les Canadiens en nous assurant qu'ils aient tous des chances égales d'emploi, car nous savons qu'ils en bénéficieront alors. Le meilleur investissement à long terme que le Canada puisse faire, c'est de créer une économie plus productive qui mise pleinement sur la richesse que représentent les connaissances et les compétences de tous les membres de la société.

Je peux assurer aux députés de la Chambre et rassurer tous les Canadiens que le gouvernement n'a pas l'intention d'abroger ou d'affaiblir ses mesures législatives sur l'équité en matière d'emploi. Nous continuerons de travailler avec acharnement, dans la fière tradition de ce grand pays, pour assurer la dignité de chacun des membres de nos collectivités et de notre pays. Les Canadiens ne s'attendent pas à moins. C'est en gardant cela à l'esprit que j'exhorte tous les députés à voter contre la motion du Parti réformiste.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Madame la Présidente, en écoutant la députée, je n'ai pu m'empêcher de penser à ce qui justifiait la présence du Parti réformiste à la Chambre, l'élection d'un nouveau parti qui compte 52 représentants des électeurs de tout l'ouest du Canada.

Une des raisons, c'est le principe de la gestion descendante à l'excès d'un gouvernement qui adopte des mesures et qui les annonce aux électeurs en disant que leurs députés ont jugé qu'elles étaient les meilleures au monde. Le gouvernement a toujours agi comme cela dans le passé et le gouvernement libéral actuel affiche aussi cette attitude.

Je sais que la majorité de mes électeurs rejettent le programme d'équité en matière d'emploi. À leur avis, il est envahissant, trompeur et discriminatoire, et il reflète sans contredit l'attitude négative des gouvernements passés.

Étant donné que la députée parle au nom de ses électeurs, peut-elle dire combien elle en a consulté sur cette question? Quel sera le coût du programme pour les contribuables? En a-t-elle informé ses électeurs?

En parcourant le projet de loi, une autre question m'est venue à l'esprit. Un article traite des organisations ou des ministères qui comptent au moins 100 employés. L'équité en matière d'emploi ne touche pas les autres employeurs. La députée peut-elle expliquer pourquoi le programme ne vise pas tous les employeurs? Si la question revêt autant d'importance, si le projet de loi est si important, comment se fait-il que tout le monde ne soit pas visé?

Voilà pourquoi les députés réformistes s'opposeront à tous les amendements susceptibles d'être proposés au projet de loi C-64.

Mme Blondin-Andrew: Madame la Présidente, grâce au processus politique, j'ai connu une métamorphose, passant de députée néophyte à députée bien en selle pour un second mandat. Qui plus est, je suis un être humain qui siège littéralement avec ses électeurs. Dans le Nord, nous vivons dans de très petites localités. Je vis donc avec mes électeurs. Je ne peux pas disparaître dans l'anonymat d'une ville comme cela est possible dans des villes comme Ottawa ou Calgary. Je vis avec mes électeurs.

Nous avons bien eu un sondage, et ce fut tout un sondage. Il a été mené dans tous les bureaux de scrutin, où j'ai obtenu partout la majorité des voix. J'ai remporté les élections et je jouis de la très grande confiance de mes électeurs. J'ai été élue avec une majorité écrasante des voix en 1988. Lors des dernières élections, l'équité en matière d'emploi figurait dans le livre rouge. En 1993, j'ai obtenu la majorité des voix dans tous les bureaux de scrutin de ma circonscription, de même que dans tous les bureaux spéciaux de scrutin et tous les bureaux de scrutin par anticipation. Voilà les sondages qui comptent.


12992

Je ne crois pas que nous puissions avoir une démocratie ou un gouvernement de style service 900. Ce n'est pas ainsi qu'on dirige un pays. C'est agir en peureux, cela, c'est être incapable de faire face à ses responsabilités et de prendre les décisions que les électeurs attendent de nous. J'ai été élue pour prendre des décisions difficiles. Je siège ici et je vais prendre ces décisions avec le gouvernement.

(1320)

Si les gens ont peur dans cette ville, je crois que le député a rendu ce sentiment envahissant. Il prétend que notre politique d'équité en matière d'emploi est envahissante, abusive et discriminatoire, comme les réformistes l'ont dit à propos de n'importe quelle autre mesure législative que nous avons proposée et que les électeurs ont appuyée.

Si l'équité en matière d'emploi ne plaisait pas aux Canadiens, ils n'auraient pas voté pour nous, mais ils ont vu que cette politique figurait dans notre livre rouge et ils nous ont élus avec une forte majorité. Notre programme était clair et l'est chaque jour davantage.

Notre action en ce qui concerne le programme de contrats fédéraux et le projet de loi sur l'équité en matière d'emploi se veut aussi générale et équitable que possible, et aussi englobante que possible. Elle n'a rien d'envahissant, d'abusif ni de discriminatoire. Elle est tout sauf ça. Notre action sera englobante. Elle créera enfin, depuis 125 ans que le pays existe, le genre d'équité qui s'impose pour que tout le monde trouve une place égale, pour que tous les députés à la Chambre et tous les habitants de notre pays puissent participer. Nom d'un chien, même les députés du Parti réformiste peuvent apporter leur contribution. On ne peut pas trouver plus englobant.

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement l'éloquente intervention de la ministre sur l'équité et la justice, ainsi que sa réponse, il y a quelques minutes, sur l'égalité de traitement à laquelle tous les députés doivent avoir droit.

Au niveau provincial, les néo-démocrates gouvernent en ce moment 52 p. 100 de la population canadienne. Nous traitons tout le monde également et le plus équitablement possible. Plus équitablement, en tout cas, que d'autres gouvernements provinciaux d'allégeance libérale.

Comme la ministre a parlé pendant des années d'équité en matière d'emploi et étant donné ses observations et ses préoccupations au sujet de l'égalité et de l'équité, serait-elle d'accord pour que les députés néo-démocrates aux Communes soient traités avec équité et justice, tout comme nous l'avons fait dans le cas des députés libéraux à l'Assemblée législative de la Saskatchewan? Ils pourraient avoir un rôle à la période des questions, être membres de plein droit des comités, avoir un siège en première rangée pour leur chef ainsi que d'autres avantages qui ne coûtent rien, mais contribuent à donner une impression de justice et d'équité aux Communes.

Comme la ministre le sait, il existe des précédents à cet égard dans des législatures antérieures montrant clairement que les néo-démocrates ont fait preuve de justice et d'équité. Nous ne nous contentons pas de parler. Jusqu'à maintenant, le gouvernement s'est contenté de belles paroles sur la justice et l'équité. Que pense la ministre de la possibilité de laisser un rôle juste et équitable aux néo-démocrates à la Chambre des communes?

Mme Blondin-Andrew: Madame la Présidente, c'est très malheureux. Je m'attendais à beaucoup plus de la part du Nouveau Parti démocratique dans le cadre de ce débat sur cette importante mesure législative. Je ne m'attendais surtout pas à ce qu'il en profite pour faire la promotion de son propre programme politique. Je suis surprise que le député ne se contente pas seulement de mêler à cette question les objectifs politiques de son parti, mais qu'il aborde en plus la situation qui prévaut dans certaines provinces.

Je comptais sur l'appui des néo-démocrates. Après avoir passé tant d'années à vanter les mérites de l'équité en matière d'emploi, le député devrait appuyer notre projet de loi. C'est l'un des principes dans lesquels les néo-démocrates croient, du moins selon leurs dires. Le député devrait oublier ses objectifs personnels et attendre de se trouver dans l'appartement du Président pour négocier le rôle de son parti dans les affaires de la Chambre.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je dois vous interrompre car votre temps de parole est écoulé.

Avant de passer à l'orateur suivant, je voudrais aviser la Chambre que Mme Gagnon, la députée de Québec, a cédé sa place à l'honorable secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Madame la Présidente, à prime abord, j'aimerais bien remercier ma collègue de Québec pour sa courtoisie. Je suis persuadée qu'elle soutient aussi et est d'accord avec toute la question de l'équité en matière d'emploi.

La motion que notre collègue de Fraser Valley-Est a soumise aujourd'hui traduit encore une fois la volonté du Parti réformiste d'éliminer la politique d'équité en matière d'emploi, de faire marche arrière dans la longue quête pour l'égalité des droits entreprise par le Canada il y a presque 40 ans.

(1325)

On sait que la Loi actuelle sur l'équité en matière d'emploi a été adoptée en 1986 sous le précédent gouvernement et je les félicite. Mais c'est le gouvernement du Parti libéral, ayant précédé ces derniers, qui avait établi les principes et jeté les bases de la politique d'équité en matière d'emploi.

Ces principes ont même été enchâssés en 1982 dans la Charte canadienne des droits et libertés qui prévoit la création des lois, des programmes et des activités destinés à améliorer la situation des personnes défavorisées. On a encadré les principes de notre vision de la société, de l'avenir de notre société et on a établi les valeurs de notre société.

On le voit surtout à l'article 15 de la Charte qui parle de la non-discrimination en matière d'emploi. Il y a aussi la question de l'égalité des femmes qui est couverte aux articles 25, 26 et 27, ainsi que la question du multiculturalisme que l'on retrouve à l'article 28.


12993

Donc, toutes les valeurs du Canada sont très bien exprimées dans notre Charte des droits et libertés et c'est à l'article 15 que l'on retrouve tous les droits qui nous sont accordés et le potentiel dont on dispose pour assurer la promotion de ceux et celles qui sont défavorisés, dans un certain sens, dans notre société.

[Traduction]

Madame la Présidente, je tiens à vous remercier de me permettre de faire valoir l'analyse de rentabilisation. Il n'y a pas que la justice et l'équité qui soient d'abord et avant tout des valeurs canadiennes. Il y a aussi l'analyse de rentabilisation de l'équité en matière d'emploi.

Autant elle est justifiée sur le plan statistique, souhaitable sur le plan social et la chose à faire sur le plan moral, autant l'analyse de rentabilisation est absolument nécessaire dans le monde d'aujourd'hui. Même un examen sommaire des conditions actuelles du marché montre amplement que les sociétés canadiennes doivent tirer profit de cette plus grande ressource de notre pays qu'est sa main-d'oeuvre riche et variée pour demeurer compétitives au sein d'une économie de plus en plus mondiale.

Les députés ne sont pas obligés de me croire ni de faire confiance à ce côté-ci de la Chambre. Les députés réformistes et leurs partisans accepteront peut-être de se faire faire la leçon par les gens qu'ils admirent le plus, à savoir les entrepreneurs indépendants et les grandes sociétés. Ils croiront peut-être ce que ces gens ont à dire sur l'importance de la diversité et de l'égalité des sexes pour leur entreprise et leurs ressources humaines ainsi que les nôtres.

Tout au long de mon allocution, je vais citer des observations de dirigeants d'entreprise parmi les plus progressistes de notre pays, de gens qui se sont rendu compte par eux-mêmes que l'équité en matière d'emploi est une affaire non seulement de bon sens, mais aussi de gros sous. Des entreprises privées comme le Canadien National, la Canadian Occidental Petroleum, la Banque de Montréal et Hydro-Québec considèrent l'équité comme un atout et comme un outil pour améliorer le rendement de leur entreprise. Ils ont découvert que la diversité revient à de la valeur ajoutée. Nous savons tous combien la valeur ajoutée est importante pour être compétitif au sein de l'économie mondiale actuelle.

Je voudrais simplement citer un des partisans de l'équité en matière d'emploi, Bernard Isautier, le président-directeur général de Canadian Oxy:

Dans le village planétaire, nous devons apprendre à respecter les différences, à les comprendre et à les apprécier. La diversité raciale, ethnique, sexuelle, culturelle et linguistique constitue un avantage concurrentiel. Pour avoir du succès dans le monde des affaires d'aujourd'hui, les entreprises doivent se donner des politiques et des pratiques conformes à la diversité croissante de la main-d'oeuvre.
Je voudrais décrire brièvement certaines des considérations clés de la question de l'équité en matière d'emploi, y compris le principe fondamental du mérite. Certes, on engagera un candidat ayant une compétence équivalente pour remplir les fonctions de l'emploi. Il faudra peut-être former des gens, toutefois il y a certainement le principe du mérite aussi bien que la réalité ethnoculturelle du Canada et, évidemment, l'égalité des hommes et des femmes.

(1330)

Examinons cela. Il y a la question de la transformation du marché du travail. Les gens dont l'origine ethnique n'est ni canadienne, ni britannique, ni française représentent maintenant 40 p. 100 de la population du pays. On prévoit que ce pourcentage montera à 50 p. 100 d'ici 10 ans. Ces immigrants nous ouvrent de nouveaux marchés et créent une demande pour de nouveaux produits et services qui font réaliser des bénéfices à des entreprises canadiennes. Il n'y a plus seulement le riz blanc et le pain blanc; en effet, il y a maintenant sur le marché toute une gamme de produits de céréales, de grain et de blé.

Petro-Canada, par exemple, a vu ses ventes augmenter de 15 p. 100 à Vancouver lorsqu'elle a commencé à offrir des services en mandarin aussi bien qu'en anglais, comme l'a fait la Banque de Montréal.

Au moment où les possibilités d'affaires augmentent à l'intérieur même du pays, le commerce international nous ouvre de nouvelles portes sur des marchés connaissant une croissance sans précédent. Le commerce international, comme chacun le sait à la Chambre, est multiculturel, multilingue et multiracial, et le Canada est un village planétaire. C'est ce que nous sommes.

Nous sommes le reflet des quatre coins du monde. En effet, des représentants de partout au monde sont venus s'établir chez nous depuis un bon bout de temps. Ils sont compétents et qualifiés et sont en mesure de relever les défis de la nouvelle économie mondiale. Une bonne occasion se présente à nous et la diversité ethnique du Canada représente un avantage concurrentiel naturel. Cet avantage n'est peut-être pas évident à l'heure actuelle, mais il suffit de le mettre en lumière et de l'examiner à l'aide de l'éclairage de la réalité financière. Nous ne pouvons pas nous permettre d'exclure qui que ce soit, nous ne devrions même pas y songer.

Le Conference Board du Canada, avec l'aide des programmes du multiculturalisme que j'administre, a récemment publié les résultats d'une étude réalisée en 18 mois sous le titre «Dimensions of Diversity in Canadian Business». L'organisme démontre les avantages financiers que l'on peut tirer de notre population active diversifiée pour nous imposer sur des marchés inexploités tant au Canada qu'à l'étranger. L'auteure de l'étude, Christine Taylor, fait remarquer que le plus grand obstacle au changement provient de la conviction que la diversité n'est pas un facteur en affaires.

Si certains députés ont encore des doutes, ils seront intéressés d'apprendre que le Conference Board souligne dans son rapport que le taux de croissance du produit intérieur brut des pays d'Amérique latine, de la Chine et des pays du Pacifique varie de 6 à 12 p. 100 par année. Le pouvoir d'achat de ces pays est immense et offre un énorme potentiel aux entreprises canadiennes. N'oublions pas la mission commerciale dirigée par notre premier ministre, dans ces pays. Ces régions en croissance rapide doivent investir beaucoup dans l'infrastructure et les services publics et elles ont besoin de beaucoup d'investissements. Il faut des gens spéciaux pour arracher les contrats.

De plus en plus d'employeurs constatent que les gens de différentes origines ethnoculturelles, ce qui inclut les minorités visibles, ayant une bonne connaissance de ces nouveaux marchés lucratifs et y ayant des contacts peuvent aider à s'y tailler une


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place. Ces gens ne sont pas embauchés parce que la loi oblige les employeurs à le faire ou simplement parce que ceux-ci en sentent le devoir ou sont mus par un sentiment de charité. Les employeurs sensibles au progrès engagent ces gens parce qu'ils sont qualifiés et qu'ils ajoutent aux atouts des entreprises.

Malheureusement, beaucoup trop de Canadiens ne savent rien de ce pouvoir caché dont nous disposons au Canada. Il est temps qu'ils ouvrent les yeux. S'il y avait assez d'entreprises canadiennes qui prenaient conscience de la nouvelle réalité, il n'y aurait plus de gens à la recherche d'emplois. J'ajouterai que beaucoup d'entre elles restent paralysées par le carcan des stéréotypes et c'est pourquoi nous avons besoin d'un programme d'équité dans l'emploi porteur d'égalité et de justice et adapté aux besoins de nos entreprises.

J'espère que les députés réformistes écoutent et décideront de s'ouvrir l'esprit. Qu'ils laissent de côté leurs sondages, qu'ils réfléchissent et qu'ils parlent à leurs électeurs.

(1335)

Si les critiques se préoccupent vraiment du bien-être des entreprises canadiennes, ils ne s'opposeront certainement pas à des mesures d'équité en matière d'emploi qui les rendront encore plus concurrentielles. Comme le dit l'étude du Conference Board: «Pour être concurrentiel dans une économie mondiale, il faut être capable d'attirer, de garder, de motiver et de développer des employés prometteurs des deux sexes venant de divers milieux culturels et ethniques.»

Le fait d'avoir un programme d'équité en matière d'emploi élimine les barrières qui pourraient empêcher les employeurs d'exploiter le plein potentiel de la main-d'oeuvre. J'ai eu le plaisir de travailler à l'étude du Conference Board du Canada avec Prem Benymadhu, un homme vraiment incroyable, qui est vice-président de la Recherche sur les ressources humaines. Il a dit que l'équité en matière d'emploi n'est pas seulement une bonne chose, mais qu'elle est vraiment essentielle pour le Canada. Il ne faudrait cependant pas penser qu'un accès accru aux marchés nationaux et internationaux est le seul avantage de l'équité en matière d'emploi pour les entreprises.

Les sociétés apprennent que le fait de recruter, de promouvoir et de garder au sein de leurs effectifs des gens qui sont représentatifs de la population canadienne les aide à mieux servir la clientèle. Lorsque nous entrons dans un magasin et que nous nous voyons sur un écran de télévision, lorsque nous nous voyons dans la publicité, quelle que soit la couleur de notre peau, nous avons un sentiment d'appartenance. Nous nous sentons bien accueillis et nous savons que nous avons notre place au sein de la mosaïque canadienne.

Des entreprises disent que leur part du marché a augmenté de 38 p. 100 depuis qu'elles ont changé leur publicité. En passant, je renvoie les députés à une étude du Conseil de la publicité du Canada qui indique une augmentation énorme du chiffre des ventes et de la clientèle par suite de l'application de ce concept.

L'étude du Conference Board révèle que la moitié des répondants ont découvert qu'il était nécessaire d'adapter leurs pratiques en matière de services aux clients aux besoins d'une clientèle de plus en plus diversifiée. Le fait de répondre à ces besoins changeants est apparemment très profitable. Une explication fort intéressante nous a été donnée par la Banque de Montréal sur la façon dont elle a orienté ses diverses succursales vers la population particulière qu'elles desservent.

Il semble donc que ce soit très profitable. La majorité des sociétés ont signalé une augmentation de leur part du marché. Soixante-dix-huit pour cent d'entre elles ont déclaré des augmentations considérables sur le plan de la clientèle et 38 p. 100 ont dit que leurs recettes s'étaient accrues. Je suis certaine que tout le monde aimerait obtenir ce genre de résultats.

L'équité en matière d'emploi est tout aussi profitable au sein même des entreprises. Parmi les nombreux avantages relevés, mentionnons une amélioration du moral des employés, un taux de conservation des effectifs plus élevé et une productivité accrue. En fait, un grand nombre de gestionnaires constatent que l'attitude des femmes au travail, qui est caractérisée par l'esprit d'équipe, la collaboration, la communication et le soutien mutuel, est particulièrement bien adaptée aux exigences de communication du milieu de travail, à l'ère de l'information.

Les employeurs avisés savent que l'équité en matière d'emploi se traduit par un accès amélioré à une réserve beaucoup plus grande de personnes informées et qualifiées, ce qui soulève d'ailleurs des considérations d'ordre pragmatique quant à la question du vieillissement de la population active.

En dépit du chômage qui sévit actuellement, les projections démographiques montrent clairement qu'il y aura bientôt une demande de travailleurs qualifiés au Canada. D'ici une décennie, nous commencerons à ressentir les effets d'une grave pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, puisque les membres de la génération du baby-boom vont prendre leur retraite. Ce phénomène soulèvera aussi d'autres questions liées au vieillissement de notre population. Or, toutes ces considérations sont importantes du point de vue de la politique et des programmes sociaux.

Compte tenu de ces tendances au niveau de la population, notamment la dénatalité au Canada, en l'an 2000, seulement le tiers des nouveaux membres de la population active appartiendront à l'un des groupes désignés dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi, à savoir: les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles. Je pense qu'il y aurait lieu de bien tenir compte de cet élément au moment d'élaborer une politique pertinente. Peut-être trouvera-t-on l'explication de ce phénomène lorsque le livre rouge sera révisé de façon à en faire un document encore meilleur.

(1340)

Notre pays aura besoin de toutes ces personnes et le moment est venu de se préparer à la transition nécessaire. Comme le mentionnent les auteurs du rapport de la Banque Royale du Canada, compte tenu de la pénurie de main-d'oeuvre anticipée dans l'avenir ainsi que de la plus grande diversité de la population, il est très important de se lancer dans cet exercice avant qu'il ne soit trop tard.

C'est la raison pour laquelle la grande majorité des employeurs, notamment l'Association des banquiers du Canada, l'Association canadienne des radiodiffuseurs, la Chambre de commerce du Canada, les Employeurs des transports et communications de régie fédérale, de même que les autres intervenants touchés par le projet de loi C-64, c'est-à-dire la Loi sur l'équité


12995

en matière d'emploi, dont le comité a terminé l'étude, reconnaissent la nécessité de se doter d'une telle mesure législative.

Ces intéressés sont nombreux à dire qu'une telle mesure fait avancer la cause des intérêts commerciaux. Quand on examine la question dans son ensemble, on se rend compte que l'équité en matière d'emploi incite à l'utilisation optimale de notre riche potentiel humain. J'ajoute que même si le respect de l'obligation contractuelle existe, une saine gestion des affaires n'aurait pas et n'a pas besoin d'un tel mécanisme, puisque les intéressés voudront tout naturellement avoir un meilleur accès au marché, inviter les consommateurs dans leurs commerces et leur offrir les produits dont ceux-ci veulent.

Les questions que nous sommes en train d'examiner et le projet de loi sur l'équité en matière d'emploi sont censés stimuler notre économie nationale tout en remédiant aux injustices et à la discrimination dans les méthodes de recrutement et de promotion.

Quand l'aspect pratique pour les entreprises est allié à la dignité pour les personnes, tout le monde y gagne. Je rappelle à la Chambre que, en dépit de tous les avantages de l'équité en matière d'emploi pour l'entreprise-ils sont évidents et j'en ai cité un certain nombre-c'est dans un souci de justice et d'égalité, ainsi que dans l'intérêt de notre système de valeurs que nous avons proposé aux Canadiens un système inclusif et non exclusif, un système ni abusif ni injuste, un système qui fait sentir à chaque personne qu'elle est la bienvenue, qu'il y a une place pour elle avec ses aptitudes, ses connaissances, ses compétences et ses capacités. Une politique d'exclusion n'est pas une preuve d'intelligence.

Je me souviens avoir travaillé à l'article 15 de la Constitution canadienne qui a été adopté trois ans après l'adoption de la Charte des droits et libertés. Il nous a fallu un an pour étudier l'article 15 sur la non-discrimination et pour proposer à la Chambre les changements à apporter aux lois et aux politiques.

L'équité en matière d'emploi était un de ces changements. Il avait également trait à la question de savoir ce qui relevait de la compétence du gouvernement fédéral pour que les contrats soient respectés. Beaucoup de provinces font la même chose.

Quiconque dit que c'est de la discrimination à l'endroit du Canadien dit traditionnel ferait mieux de chercher à savoir qui sont les Canadiens. Nous sommes tous des Canadiens dans toute notre splendeur et avec toutes nos différences.

[Français]

Depuis près de 20 ans qu'on a posé les premiers jalons de la politique d'équité en matière d'emploi, depuis que les différents gouvernements qui se sont succédé dans ce Parlement ont déployé des efforts pour faire avancer cette politique, on dirait vraiment que seuls nos collègues réformistes remettent en cause le bien-fondé de la politique d'équité en matière d'emploi.

Je recommande à tous et à toutes mes collègues ici en Chambre de voter contre la motion, de soutenir et de parler à haute voix sur l'importance d'inclure tout le monde, M. et Mme Tout-le-Monde, dans toutes nos politiques d'emploi dans notre société, et même de démontrer ce que c'est qu'être Canadien ou Canadienne.

[Traduction]

La diversité est ce qui fait la beauté de notre pays. C'est un village mondial. Notre population est le reflet des peuples des quatre coins du monde. Une personne qui arrive dans une circonscription urbaine, semi-urbaine ou métropolitaine va noter ces différences. Elle va observer la diversité et reconnaître l'importance d'inclure la diversité ethnoculturelle et visible et de respecter l'égalité entre les sexes.

(1345)

J'exhorte mes collègues à appuyer cet amendement nécessaire si nous voulons construire un Canada meilleur, inclusif, un Canada à l'image de tous les députés à la Chambre.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Madame la Présidente, je dirais volontiers, comme la députée qui vient de parler, que la diversité de la main-d'oeuvre est excellente pour les affaires. Il est excellent pour les affaires de pouvoir embaucher le meilleur employé possible.

Je n'ai certes pas besoin d'un sermon sur la diversité de la main-d'oeuvre. Je l'ai déjà mentionné plus tôt aujourd'hui, en Colombie-Britannique, nous comprenons et nous savons apprécier à sa juste valeur, la contribution des gens de différentes origines ethniques. Dans le Lower Mainland, les gens d'affaires qui ne comprennent pas cela sont voués à la faillite. C'est une région très cosmopolite et nous en sommes fiers.

La difficulté ne vient pas du fait que nous ne savons pas profiter de la diversité. Cependant, nous n'apprécions pas l'idée d'une loi sur l'équité en matière d'emploi. Comme l'a mentionné la députée, d'ici la fin du siècle, 85 p. 100 des candidats aux emplois appartiendront aux groupes désignés. Quatre-vingt-cinq pour cent proviendront de ces quatre groupes. Toute entreprise qui refusera d'embaucher les gens de ces groupes, qui feront partie de la nouvelle économie de la prochaine décennie, n'obtiendra pas nécessairement les meilleurs employés. Elle sera donc moins compétitive. Et j'espère même que celles qui seront systématiquement discriminatoires feront faillite. Il est évident que les entreprises devraient embaucher les travailleurs en fonction de leurs compétences et non de leur origine ethnique.

Prenons par exemple la situation de Toronto où, selon les statistiques-et ce ne sont que des statistiques puisque dans la réalité on trouve toujours des variantes-les personnes d'origine portugaise ont un niveau de vie inférieur, moins de débouchés sur le marché du travail et même un taux inférieur de diplômés du secondaire, selon la commission scolaire de Toronto. Dans un tel cas, faudrait-il élaborer des programmes gouvernementaux en fonction du besoin perçu, car il ne s'agit pas d'une minorité visible et, par conséquent, ces gens ne sont pas admissibles au programme d'équité en matière d'emploi?

Mme Finestone: Vous ne savez même pas ce que signifie l'équité en matière d'emploi.


12996

M. Strahl: Fondez-vous les programmes sur les besoins ou sur l'ethnie?

À notre avis, les gens devraient recevoir de l'aide lorsqu'ils en ont besoin. Par exemple, selon notre programme, certaines minorités visibles recevraient énormément d'aide tandis que d'autres n'en recevraient pas du tout. L'aide devrait être fonction du besoin.

Selon Statistique Canada, les Canadiens d'origine japonaise constituent le groupe ethnique ayant le revenu moyen le plus élevé au Canada. Est-ce que nous créons des programmes destinés à aider des gens de cette origine ou est-ce que nous créons des programmes destinés à répondre à un besoin? Nous avons dit que les programmes d'aide gouvernementale devraient être conçus en fonction du besoin, indépendamment du groupe ethnique, des antécédents ou du sexe. Nous ne devrions pas avoir des programmes avec des quotas.

Je sais que la députée n'aime pas l'admettre, mais pendant le débat des chefs, ici, en Ontario, Lyn McLeod, le chef du Parti libéral de l'Ontario, a mentionné que les objectifs numériques sont simplement des quotas. C'est pour cela qu'elle supprimera les objectifs numériques si un gouvernement libéral est élu en Ontario. En l'occurrence, elle est d'accord avec le Parti réformiste et la plupart des Canadiens, qui estiment que les objectifs numériques ne sont pas défendables, et elle les éliminera si un gouvernement libéral est élu en Ontario.

Par contre, les libéraux fédéraux sont d'accord avec les néo-démocrates provinciaux à ce sujet. L'aspect philosophique est intéressant.

De toute façon, conçoit-on les programmes gouvernementaux en fonction du besoin ou en fonction de l'origine ethnique?

(1350)

Mme Finestone: Madame la Présidente, j'aimerais que les députés d'en face s'arrêtent un peu et réfléchissent à ce qu'ils disent. Tout d'abord, tous ceux qui ont choisi de venir au Canada, de devenir citoyens de ce pays ou de rester simplement immigrants reçus, sont des Canadiens. On n'oppose pas les Canadiens-portugais aux Canadiens-japonais, c'est tout à fait l'antithèse du point de vue canadien.

Deuxièmement, la raison pour laquelle nous avons des cibles, des objectifs, quel que soit le nom qu'on veuille leur donner, c'est que l'embauche était injuste, il y avait un racisme systémique dans les pratiques d'embauche. Il fallait un mécanisme qui rappelle aux gens qu'après des décennies et des décennies de lois anti-discriminatoires, rien ne se passait réellement. Nous avions donc besoin d'un mécanisme faisant en sorte que ceux qui se trouvaient sans cesse exclus du marché du travail puissent enfin y trouver leur place. Cela n'avait rien à voir avec l'échelle des revenus, car savez-vous que les gens qui ont un faible revenu peuvent finir par avoir un revenu très élevé. Qu'on ne vienne donc pas me raconter de pareilles sornettes. Dans la vie, tout ce dont on a besoin, c'est d'une chance de faire ses preuves. Si on n'est pas engagé à cause de la couleur de sa peau, on n'aura jamais cette chance.

Cette politique et les programmes de ce genre visent à s'assurer que cette chance est offerte à tous les Canadiens, quels que soient leur couleur, leurs croyances, leur race, leur religion, leur langue, leur sexe ou leur handicap.

Des voix: Bravo!

Mme Finestone: Madame la Présidente, j'ajouterai que le problème a toujours été le chômage structurel, la discrimination systémique et la nécessité urgente de modifier la façon dont on utilise l'assurance-chômage et dont les programmes sont mis sur pied. Tout cela prouve que les chances ne sont pas égales pour tous. Le monde évolue de façon spectaculaire. Nous avons besoin d'emplois nouveaux et de connaissances nouvelles.

Ceux qui ne trouvent pas de travail sont peut-être les enfants de gens très fortunés, ou des gens qui ont un doctorat. Ces derniers ont toutefois de bien meilleures chances de trouver du travail que ceux qui n'ont pas fait d'études.

Nous ciblons certains groupes, parce qu'autrement, le système ne fonctionnerait pas. Si le député trouve que cela va à l'encontre de l'éthique, tant pis. Les gens de ma circonscription et ceux que nous représentons se rendent compte que les politiques gouvernementales de ce genre sont nécessaires pour donner un coup de main à certains. Ce n'est pas un geste gratuit. C'est une politique constructive et sensée.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Madame la Présidente, les observations de la députée nous éclairent beaucoup sur la position des libéraux. Cela me rappelle ce qui s'est produit en Colombie-Britannique juste avant et pendant le débat sur l'Accord de Charlottetown. À l'époque, le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique avait jugé bon, dans sa sagesse, de défendre l'idée d'une réforme du Sénat basée sur l'égalité des sexes. Il avait décidé que si nous devions réformer le Sénat pour que les sénateurs soient élus, il fallait alors légiférer pour qu'il y ait un nombre égal d'hommes et de femmes parmi les sénateurs. Cependant, il s'est rapidement aperçu que les habitants de la Colombie-Britannique n'appuyaient pas ce type de mesure.

Chose intéressante, c'est l'une des femmes siégeant au Sénat qui s'est le plus opposée à cela. Elle a trouvé humiliant qu'un gouvernement envisage de légiférer. . .

Mme Clancy: Nommez-la.

M. Hill (Prince George-Peace River): Si vous voulez le savoir, c'était le sénateur Pat Carney. Elle a déclaré qu'elle pouvait se faire élire au Sénat à cause de sa propre valeur et qu'elle n'avait pas besoin qu'un gouvernement décide de légiférer pour assurer l'égalité des sexes.

(1355)

Mme Clancy: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je voudrais signaler à mon vis-à-vis qu'au Canada, les sénateurs sont nommés et non élus.

M. Hill (Prince George-Peace River): Je sais bien que le Sénat canadien est nommé, car le gouvernement ne cesse de remplir l'autre Chambre de ses protégés. Bien sûr que nous savons qu'il s'agit d'une assemblée nommée.

12997

Le sénateur voulait dire que, si l'Accord de Charlottetown avait été entériné avec une disposition prévoyant un Sénat élu, elle se serait présentée et croyait avoir de bonnes chances d'être élue. Non parce qu'elle est une femme, mais bien parce qu'elle faisait du bon boulot. Elle aurait posé sa candidature pour cette raison.

Je prierais la ministre de bien vouloir citer des statistiques et des exemples qui montrent que la population canadienne est favorable à ce genre de discrimination à rebours.

Mme Finestone: Monsieur le Président, je vous inviterais d'abord à lire le rapport du comité permanent. Vous trouveriez. . .

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. La secrétaire parlementaire doit toujours s'adresser à la présidence. Il m'arrive de me sentir tout seul.

Mme Finestone: Monsieur le Président, je tiens à faire savoir à mon collègue que 90 p. 100 des témoins qui ont comparu devant le comité permanent ont souscrit à l'équité en matière d'emploi.

Je tiens également à attirer l'attention du député sur le fait que Mme Carney est une ardente partisane de la promotion des femmes qualifiées et que jamais quelqu'un de ce côté-ci de la Chambre ou quiconque croit dans la justice et l'équité ne proposera que d'autres facteurs que la compétence et le mérite ne soient pris en considération. J'aimerais rappeler au député qu'il y a autant, sinon plus de femmes compétentes, qualifiées que d'hommes.

Par-dessus tout, si l'on possède les qualités requises, si l'on a les compétences voulues, il ne saurait être question de discrimination en dernière analyse. Bref, compte tenu des objectifs quantitatifs, la mesure législative sur l'équité en matière d'emploi vise essentiellement à combattre, et non pas à favoriser, la discrimination et le manque de représentation.

Les femmes représentent 52 p. 100 de la population. Je suis persuadée qu'il y a quantité de compétences chez ces. . .

Le Président: Comme il est 14 heures, conformément à l'article 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés.

_____________________________________________


12997

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'INFRASTRUCTURE

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, en tant que députée de la Nouvelle-Écosse, je prends aujourd'hui la parole pour féliciter le gouvernement de cette province, qui a fait preuve de discernement et de leadership dans son choix d'une solution au problème du réaménagement de l'autoroute 104.

Dans les circonstances, la solution choisie par la Nouvelle-Écosse au problème de l'autoroute 104 est celle qui assure le plus de sécurité, et la sécurité est l'enjeu le plus important dans cette affaire.

L'investissement fédéral-provincial de 29 millions de dollars permettra de lancer un projet de 110 millions mené conjointement par les secteurs privé et public. Ce projet créera plus de 800 emplois et garantira que cette section dangereuse de l'autoroute sera refaite en deux ans seulement. C'est une grande amélioration par rapport à la seule solution de rechange qu'ait présentée le secteur public, qui prévoyait un réaménagement réalisé sur une période de sept à 10 ans.

La sécurité des habitants de la Nouvelle-Écosse ne peut être mise en attente pendant 10 ans. Le simple fait de présenter cette proposition était irresponsable. C'est pourtant exactement ce que demandaient le Parti réformiste, originaire de l'Ouest, ainsi que les conservateurs, les amis de Brian Mulroney qui siègent à l'autre endroit. C'est une honte que ces partis déconnectés de la réalité soient prêts à faire de la politique ancien style en mettant en jeu la sécurité de ceux qui empruntent le réseau routier de la Nouvelle-Écosse. Les habitants de cette province veulent des mesures immédiates et ne méritent rien de moins.

Le gouvernement de cette province mérite des félicitations pour être arrivé à une solution innovatrice qui permet un réaménagement extrêmement rapide, sûr et économique.

* * *

[Français]

L'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. Maurice Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead, BQ): Monsieur le Président, je tiens à souligner que se déroule en ce moment la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées.

Cet événement nous permet entre autres de constater le progrès réalisé depuis quelques années en matière d'accessibilité pour les personnes handicapées. En effet, notre société a heureusement, depuis peu, évolué dans le sens d'une plus grande intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées. Il existe, cependant, toujours de nombreux obstacles d'ordre physique à surmonter et surtout d'énormes préjugés à abattre.

Nous devons aller au-delà de la simple prise de conscience et nous assurer que les efforts concrets seront poursuivis afin de permettre à ces personnes de prendre leur juste place au sein de notre collectivité, particulièrement au moment où le gouvernement fédéral s'est engagé à réviser la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

* * *

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, les mesures législatives proposées dans le projet de loi C-68 laissent entendre que les propriétaires d'armes à feu constituent un risque tant pour eux-mêmes que pour les autres et qu'ils sont, par conséquent, une menace pour la sécurité publique.

Le ministre de la Justice ne peut pas ou ne veut pas donner de preuves empiriques montrant que les propriétaires d'armes à feu constituent un plus grand risque pour eux-mêmes, pour les gens avec lesquels ils vivent ou pour leurs voisins.

La Bibliothèque du Parlement a communiqué avec l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et


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avec le Bureau d'assurance du Canada et a appris que les compagnies d'assurances ne demandent pas aux personnes qui désirent se faire assurer si elles possèdent une arme à feu parce qu'elles ne considèrent pas que les propriétaires d'armes à feu constituent un groupe à risque identifiable.

Si le fait de posséder une arme à feu posait des risques ou sous-entendait des responsabilités, les compagnies d'assurances obligeraient les propriétaires d'armes à feu à payer une prime plus élevée pour l'assurance-vie, l'assurance-santé, l'assurance-invalidité, l'assurance-responsabilité et l'assurance de biens. Elles n'en font rien.

Comment le ministre de la Justice peut-il dire que les propriétaires d'armes à feu constituent une groupe à risque identifiable quand les compagnies d'assurances ne sont pas de cet avis? Contrairement au ministre, qui fonde ses arguments seulement sur des émotions, les compagnies d'assurances fondent leurs décisions sur des données empiriques, parce que leur travail consiste à évaluer les risques réels.

* * *

LES JEUX POUR PERSONNES ÂGÉES DE LA RÉGION DE YORK

M. Jag Bhaduria (Markham-Whitchurch-Stouffville, Lib. ind.): Monsieur le Président, hier, j'ai eu le grand plaisir d'assister aux cérémonies d'ouverture des Jeux pour personnes âgées de la région de York qui se tiennent à Whitchurch-Stouffville, la circonscription fédérale que j'ai l'honneur de représenter.

Ces jeux, qui ont lieu chaque année dans la région de York, donnent aux personnes âgées l'occasion de participer à de nombreuses compétitions sportives. Que ce soit en badminton, en golf, en tennis, en natation et même en triathlon, les personnes âgées de toute la région participent à des matchs extrêmement compétitifs. Les gagnants des différentes épreuves iront se mesurer à d'autres, dans d'autres pays, dans leur discipline respective.

Ces jeux, qui sont organisés conjointement par le programme fédéral Nouveaux Horizons et par le ministère de la Culture, du Tourisme et des Loisirs de l'Ontario, incitent bon nombre de personnes âgées à se mettre en forme et leur donnent la possibilité d'établir et de maintenir des liens d'amitié avec la communauté élargie.

Je souhaite à tous les concurrents bon succès et, ce qui est plus important encore, beaucoup de plaisir au cours de ces jeux pour personnes âgées.

* * *

LA CHAMBRE DE COMMERCE DE FREDERICTON

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'offrir mes félicitations à la Chambre de commerce de Fredericton qui a obtenu le Chairman's Award de 1995. Ce prix est décerné à la Chambre de commerce de l'année dans les provinces atlantiques.

La Chambre de commerce de Fredericton s'est mérité cette distinction pour sa participation au développement de l'entreprise en 1994-1995. Elle verse chaque année une contribution financière à la Société de développement économique du Grand Fredericton. En plus de son soutien financier, la Chambre de commerce compte un représentant au conseil d'administration de la société.

La Chambre de commerce a également joué un rôle de premier plan dans l'initiative de commercialisation à l'aéroport de Fredericton et elle contribue de façon générale à la croissance de l'économie de Fredericton fondée sur l'information.

J'offre mes félicitations à l'ancien président, M. Stuart Blair, au président actuel, M. Bill Macmakin ainsi qu'à Mme Krista Hamilton et à son personnel. Grâce à ces personnes et à des initiatives de ce genre, ma circonscription peut continuer d'attirer de nouvelles entreprises et jouer un rôle de premier plan dans la croissance de la nouvelle économie.

* * *

LE TOURISME

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter le gouvernement de la Nouvelle-Écosse d'avoir fait preuve d'un grand leadership pour favoriser l'expansion du tourisme partout dans la province, et plus particulièrement dans l'île du Cap-Breton.

Depuis 37 ans, les habitants du Cap-Breton attendent patiemment qu'on construise un réseau d'infrastructures digne de ses destinations touristiques qui attirent des visiteurs du monde entier, entre autres, la superbe Piste Cabot, le Margaree, pour la pêche au saumon et, bien sûr, le secret le mieux gardé du Canada, la magnifique forteresse de Louisbourg.

En Nouvelle-Écosse, le tourisme est une industrie de 834 millions de dollars qui procure plus de 35 000 emplois. Dans l'île du Cap-Breton, il représente près de 7 000 emplois et rapporte des recettes de 177 millions de dollars. Avec la recherche de nouveaux débouchés, le potentiel de croissance de la province est presque illimité.

Pour cette région dévastée par un ralentissement dans le secteur de la pêche et un taux de chômage de 24 p. 100, l'achèvement de la route Fleur-de-lis est plus que celui d'une piste touristique. C'est l'achèvement d'un réseau de transport qui offre l'espoir, la survie et une croissance économique essentielle et à long terme aux collectivités côtières qui disparaîtraient autrement. C'est une route qui ouvre la voie à l'autosuffisance et à un avenir prometteur.

En tant que député de Cap-Breton Highlands-Canso, j'adresse mes félicitations au gouvernement néo-écossais. J'invite tous les Canadiens à se rendre au Cap-Breton cet été pour y passer des vacances dont ils se souviendront toute leur vie.

* * *

BIKE L.A.

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre aujourd'hui pour rendre hommage à une électrice, Elaine Strawbridge.

En compagnie de 50 autres Canadiens, Mme Strawbridge participe actuellement au marathon de bicyclette « Bike L.A. » en vue de lever des fonds pour l'organisation Habitat for Humanity.

Les participants sont partis de Winnipeg le 20 mai dernier et comptent parcourir en 30 jours les 4 000 kilomètres et les six États qui les séparent de leur point de destination, en Californie.


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Le long du parcours, des églises locales offrent les repas et le gîte aux cyclistes.

Mme Strawbridge espère ainsi recueillir 25 000 $ pour une organisation locale de Habitat for Humanity. Cette organisation sans but lucratif fait appel à des bénévoles pour bâtir des logements à prix abordable destinés à des familles à faible revenu.

(1405)

Je félicite Mme Strawbridge et tous les participants de Bike L.A. qui se sont engagés à aider des gens moins fortunés. Au nom de tous les Canadiens, je souhaite à Mme Strawbridge un parcours sans anicroches et couronné de succès.

* * *

[Français]

LES TECHNOLOGIES DE REPRODUCTION

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, la Commission royale sur les nouvelles technologies de reproduction publiait son rapport le 30 novembre 1993, et ce, après quatre ans de délibérations qui auront coûté plus de 28 millions de dollars aux contribuables canadiens et québécois.

Malgré les promesses du ministre de la Justice et de la ministre de la Santé, le gouvernement n'a pas encore déterminé les mesures qu'il entend adopter afin de donner suite à ce rapport. Le gouvernement tergiverse, se tourne les pouces. Attend-il la fin du monde ou espère-t-il des jours meilleurs? On ne sait trop.

Entre-temps, le commerce florissant de la vente d'embryons prend de plus en plus d'ampleur, et les manipulations génétiques sont utilisées à des fins commerciales. Le gouvernement aura l'odieux de justifier son laxisme lorsque ces commerces auront pris des proportions telles qu'il sera de plus en plus difficile, voire presque impossible, de contrôler la situation.

* * *

[Traduction]

LES RÉFUGIÉS

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, notre système pour les réfugiés ne fonctionne pas. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié est en faillite et le gouvernement n'est pas en mesure de régler la situation, mais nous le sommes. Le Parti réformiste a rédigé un document sur le rétablissement des réfugiés, dans lequel il présente 13 propositions qui, si elles étaient mises en oeuvre, permettraient au Canada d'accueillir de véritables réfugiés, tout en mettant un terme aux abus du système par des migrants économiques et par l'industrie de l'immigration.

Par exemple, nous recommandons ce qui suit: collaborer davantage avec les Nations Unies pour faire venir un plus grand nombre de réfugiés, resserrer la sécurité au sein des lignes aériennes, dresser une liste des tiers pays sûrs, afin de réduire le nombre de revendications du statut de réfugié, restreindre l'accès à certains services sociaux dans le cas de personnes qui ne seraient pas de véritables réfugiés, notamment l'aide juridique, démanteler la commission et rétablir dans le système l'obligation de rendre compte. Ces propositions permettraient de redonner un sens au système pour les réfugiés, d'économiser des centaines de millions de dollars et de protéger les plus démunis.

J'espère sincèrement que le gouvernement étudiera ces propositions raisonnables et qu'il y donnera suite. Faisons en sorte que le système fonctionne pour que tout le monde en bénéficie, non pas seulement les groupes d'intérêts spéciaux.

* * *

LES BLAZERS DE KAMLOOPS

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, je veux féliciter les Blazers de Kamloops, qui viennent de réussir l'exploit remarquable de gagner la coupe Memorial pour la troisième fois en quatre ans.

Les Blazers ont donné tout un spectacle devant 5 500 amateurs enthousiastes, au colisée Riverside de Kamloops. Les champions de la ligue de hockey de l'Ouest ont écrasé l'équipe qui a remporté le titre ontarien, soit les Red Wings juniors de Detroit, l'emportant par le compte de 8 à 2, sous l'oeil intéressé des Wheat Kings de Brandon et des Olympiques de Hull.

Félicitations aux joueurs, à l'entraîneur Don Hay, au directeur Bob Brown et à tous les autres qui ont travaillé très fort pour faire des Blazers de Kamloops la meilleure équipe de hockey junior au pays.

* * *

LE CLUB OPTIMISTE

Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): Monsieur le Président, depuis plus de 75 années, les Optimistes trouvent des façons d'aider les jeunes à se sentir mieux dans leur peau, à apprendre, à être heureux et à bâtir leur force de caractère.

Les jeunes développent leur confiance en participant à des joutes oratoires; ils prennent conscience de leurs qualités grâce à la semaine d'appréciation et ils développent leurs qualités de chef au sein des clubs Optimistes. Tout récemment, les Optimistes ont appris qu'ils peuvent, étape par étape, aider des jeunes à se développer au moyen de programmes d'encadrement et de tutorat positifs.

Le 3 juin 1995, la Fondation optimiste international célèbre la journée d'activité des Optimistes partout dans le monde. Le thème de cette année est «Nos enfants, notre avenir». Le club Optimiste de Brampton organise un événement pour souligner cette journée, de concert avec d'autres clubs Optimistes de la région, des clubs de jeunes et d'autres organismes.

J'invite tous les députés de la Chambre à se joindre à moi pour souhaiter bonne chance aux organisateurs de la journée d'activité du club Optimiste de Brampton, ainsi qu'à tous les participants.

* * *

LA BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE DE VANCOUVER

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, au nom du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, je félicite le maire de Vancouver, Philip Owen, ainsi que le président du conseil de la bibliothèque publique de Vancouver, Kyle R. Mitchell, des huit années de planification et d'efforts communautaires qui ont abouti à l'inauguration du


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nouvel édifice postmoderne de la bibliothèque publique de Vancouver, conçu par l'architecte Moshie Safdie.

Cet édifice symbolise véritablement la vivacité et la créativité intellectuelles de la ville de Vancouver que l'on connaît aujourd'hui.

* * *

(1410)

LE LOGEMENT

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, le ministre responsable de la SCHL a annoncé récemment que le programme Abordabilité et choix toujours ou ACT serait reconduit pour une autre année.

Ce programme a pour objet de déterminer, de faire connaître et de promouvoir les modifications à la réglementation en matière de planification et de construction qui pourraient contribuer à offrir un choix accru de logements à prix plus abordables et de meilleure qualité et à stimuler les innovations en matière de réglementation dans les municipalités partout au Canada. Grâce à cette reconduction, au moins 10 autres projets pourront bénéficier de subventions.

Le logement à prix abordable est une chose très importante pour les habitants de la circonscription de Bramalea-Gore-Malton. Je félicite le ministre et la SCHL des mesures et des initiatives qu'ils ont prises dans ce domaine. Toutes les mesures que le gouvernement peut prendre pour encourager la construction de logements à prix abordable sont autant de pas dans la bonne voie.

* * *

LES ÉLECTIONS EN ONTARIO

M. Barry Campbell (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, dans le cadre de la campagne électorale ontarienne, Mike Harris et les conservateurs prétendent qu'ils peuvent équilibrer le budget de la province tout en réduisant massivement les recettes au moyen d'une réduction téméraire des impôts de 30 p. 100, à moins qu'il ne s'agisse maintenant de 35 p. 100.

En 1993, Mike Harris a soutenu qu'il pourrait équilibrer le budget en trois ans. En 1994, il a assuré qu'il y parviendrait en quatre ans. Il dit maintenant que cela ne pourra se faire avant l'an 2001, soit en six ans et six budgets. Mike Harris ne sait pas additionner.

Le programme conservateur renferme des erreurs, des omissions et des exagérations qui coûteront des milliards de dollars. Il manque des milliards dans ses calculs. Les Ontariens doivent savoir ce que Mike Harris a peur de leur dire: il va piller les programmes sociaux de la province pour trouver les fonds qui manquent. Mike Harris dit: «Votez pour moi maintenant et je vous dirai plus tard ce que je ferai des programmes sociaux.» C'est malhonnête.

Lyn McLeod équilibrera le budget au cours du mandat de son gouvernement. Les libéraux sont prêts à rendre des comptes aux électeurs s'ils échouent, au lieu de reporter les décisions difficiles à plus tard. Les libéraux de l'Ontario sont les seuls à avoir un plan réaliste pour équilibrer le budget de la province sans saper les programmes sociaux.

[Français]

LE RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, M. Charles Castonguay, mathématicien et professeur à l'université d'Ottawa, dénonce l'utilisation honteuse et pernicieuse que fait le gouvernement fédéral du dernier Rapport mondial sur le développement humain publié par l'ONU et qui placerait le Canada au premier rang du développement humain.

Cette prétention repose sur son classement selon l'indice de développement humain. Or, cet indice sert plutôt à mesurer le progrès des pays en voie de développement par rapport aux pays développés. Mais lorsqu'on examine de près les données, on constate que le Canada détient le quatrième plus haut taux de chômage et que chez les jeunes, ce taux atteint le huitième plus élevé des pays répertoriés.

Le Canada occupe également le huitième rang pour la répartition du revenu entre les plus riches et les plus pauvres. Cette propagande effectuée par le premier ministre et son gouvernement démontre plutôt qu'ils déforment la réalité pour masquer leur démission sociale.

* * *

[Traduction]

LE PARTI LIBÉRAL DU CANADA

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, au cours des deux prochaines semaines, les députés d'en face subiront un test crucial qui permettra de découvrir l'essence même de leur mandat à Ottawa. Ils devront en effet décider s'ils sont ici pour représenter leurs électeurs ou pour servir les grands manitous de leur parti.

Dans leur livre rouge, les libéraux ont promis de tenir des votes libres. Jusqu'à maintenant au cours de la 35e législature, aucun projet de loi d'initiative gouvernementale n'a été soumis à un vote libre.

Au cours des prochaines semaines, les députés seront appelés à se prononcer sur des projets de loi abordant diverses questions, notamment la détermination de la peine, l'équité en matière d'emploi et l'enregistrement des armes à feu. De toute évidence, des votes libres s'imposent. Les députés libéraux se sont fait dire que leur parti passait avant tout. L'histoire nous a toutefois enseigné le contraire et j'exhorte les députés à voter comme le souhaiteraient leurs électeurs.

Les prochaines semaines s'annoncent intéressantes. La nature même de la démocratie parlementaire est en jeu. Il est à espérer que les députés libéraux décideront d'écouter la majorité des Canadiens.

* * *

LA SEMAINE NATIONALE POUR L'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, cette semaine est la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées. J'ai eu l'honneur hier, à l'instar de nombreux Canadiens

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provenant de tous les coins du pays, de prendre part aux cérémonies marquant le début de cet événement.

Cette semaine spéciale donne l'occasion aux personnes handicapées de célébrer leurs nombreuses réalisations et de se fixer de nouveaux objectifs pour favoriser davantage leur intégration.

L'apprentissage étant le thème des célébrations cette année, cela nous rappelle que l'éducation est une activité permanente. Il faut veiller à ce que tout le monde, y compris les personnes handicapées, ait accès à l'éducation.

Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Le Canada ne peut se permettre de ne pas tenir compte du talent, des capacités et des compétences remarquables des personnes handicapées qui peuvent donner beaucoup à leur milieu de travail, aux écoles et à leur communauté.

En tant que députés, veillons à abolir les obstacles physiques et psychologiques qui se dressent devant les personnes handicapées afin de leur permettre de participer pleinement à tous les aspects de la vie sociale.

* * *

(1415)

PETE MCGARVEY

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole à la Chambre pour souligner la contribution que Pete McGarvey a faite à la vie du Canada et des Canadiens pendant de longues années.

Je connais Pete McGarvey depuis 21 ans et il a eu une immense influence dans ma vie dès ma première rencontre avec lui, en 1974. Je félicite les habitants d'Orillia de l'avoir fait entrer au temple de la renommée de leur ville.

Pete McGarvey a été choisi en raison de son dévouement constant pour la collectivité, du rôle de premier plan qu'il a joué dans la restauration de la maison Leacock et de ses réalisations comme auteur et radiodiffuseur.

Les citoyens d'Orillia sont certainement d'accord avec moi pour dire que M. McGarvey mérite cet honneur et beaucoup plus encore.

J'invite la Chambre à se joindre à moi pour féliciter Pete McGarvey et sa famille, ainsi que la ville d'Orillia, qui l'a fait entrer au temple de la renommée.

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QUESTIONS ORALES

[Français]

LA BOSNIE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, à la suite de la réunion du Groupe de contact sur la Bosnie, les pays alliés du Canada ont décidé de riposter aux affronts des Serbes bosniaques en renforçant l'action des forces de paix par une redéfinition de leur mandat et en privilégiant la voie diplomatique pour obtenir la libération de près de 400 Casques bleus, dont dix Canadiens. Le ministre des Affaires étrangères du Canada emboîtait le pas à l'OTAN ce matin, mais sans toutefois énoncer concrètement la position canadienne quant au renforcement du mandat des Casques bleus.

Ma question s'adresse au premier ministre. À la lumière du débat d'urgence autorisé hier, peut-il nous indiquer quelles instructions concrètes il a envoyées à son ministre des Affaires étrangères qui nous représentera demain à l'autre réunion prévue par l'OTAN?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion hier en cette Chambre d'expliquer qu'il était nécessaire qu'à ce moment-ci les Nations Unies donnent de nouvelles directives aux troupes pour éviter la répétition des actes d'enlèvement qu'on a connus et peut-être redéfinir leur mandat de telle sorte que les troupes puissent agir plus facilement en cas d'urgence que par le passé.

Je sais qu'aujourd'hui même, aux Nations Unies, le Secrétaire général doit déposer devant le Conseil de sécurité de nouvelles directives à ce sujet. Nous avons eu l'occasion au cours de la fin de semaine de faire valoir le point de vue du Canada en la matière. Nous verrons ce que le Conseil de sécurité déterminera. Là-bas, nos troupes sont sous le commandement des Nations Unies et ce sont les Nations Unies qui donnent les instructions qui s'imposent.

Le Secrétaire général m'a confirmé qu'il était nécessaire de redéfinir le rôle de nos soldats, de les regrouper de façon à ce qu'ils soient en position de se défendre plus facilement. Nous verrons ce que les Nations Unies décideront plus tard cette semaine.

Quant au ministre des Affaires étrangères, il suit les instructions des énoncés que nous avons émis en cette Chambre au cours du débat, hier, par le ministre de la Défense et mes réponses à la période des questions, hier.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, si le ministre des Affaires étrangères est uniquement inspiré et éclairé par ce que vient de dire le premier ministre, il va ramer demain à Bruxelles parce qu'il n'y a pas grand-chose de clair là-dedans, c'est extrêmement ambigu. Il y a d'autres pays qui, eux aussi, font partie des forces de l'ONU et qui ont pris des décisions concrètes. Par exemple la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis ont envoyé des troupes supplémentaires ainsi que des équipements plus adéquats là-bas.

Je demande au premier ministre de nous dire si son gouvernement a dépêché ou dépêchera d'urgence des équipements additionnels, notamment des blindés plus lourds et des armes, afin que nos Casques bleus puissent se défendre et mener à bien leur mission de paix.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, actuellement nous n'avons pris aucune décision en ce sens. Nous croyons que nos troupes, là où elles sont placées actuellement ont ce qu'il faut pour pouvoir réagir, sur-


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tout si leur mandat est redéfini. Nous n'avons pas décidé d'envoyer des troupes additionnelles à ce moment-ci.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, on aura remarqué que j'ai parlé d'équipement plus lourd et d'armes plus efficaces et que la réponse a été encore: «On n'a rien décidé», et on reste encore dans le vague. C'est inquiétant, monsieur le Président, quand même.

Alors que les décisions guidant l'action internationale en Bosnie sont prises au Groupe de contact, comment le premier ministre explique-t-il que le Canada, qui a envoyé le cinquième plus gros contingent en Bosnie et en Croatie n'est pas membre du Groupe de contact, comme le sont les États-Unis et l'Allemagne qui eux, pourtant, n'ont pas dépêché un seul Casque bleu sur place?

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, hier, j'ai eu l'occasion d'expliquer que 25 pays sont représentés, ont des troupes dans l'ancienne Yougoslavie. La plupart d'entre eux ne font pas partie du Groupe de contact, ni les Espagnols, ni les Hollandais, ni les Danois, ni les Canadiens, ni les Pakistanais et les autres qui sont là.

À ce moment-ci, nous sommes en communication avec ces gens-là, et le ministre des Affaires étrangères est en contact avec ses homologues qui y siègent. La réunion de l'OTAN a eu lieu ce matin et il y en aura une autre demain, je pense. De plus, il est question d'une réunion des ministres de la Défense en fin de semaine. Alors, le ministre de la Défense sera présent, comme le ministre des Affaires étrangères l'est en ce moment. J'ai dit que pour la position canadienne à ce moment-ci, il n'y a pas besoin d'envoyer de nouveaux équipements; ceux que nous avons sont satisfaisants.

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

La population s'inquiète du sort des 380 Casques bleus, dont 10 Canadiens, retenus en otage par les Serbes bosniaques, de même que des 45 autres soldats canadiens encerclés par les Serbes. Cette inquiétude se traduit par les 1 200 appels reçus à la base de Valcartier de parents inquiets de la sécurité des soldats en mission en ex-Yougoslavie.

Alors que la population s'inquiète du sort de leurs Casques bleus en Bosnie et qu'aucun résultat concret ne transpire des négociations pour libérer les otages canadiens, comment le gouvernement peut-il se montrer aussi vague, comme vient de le faire le premier ministre, quant à ses positions relatives à l'actuelle crise en Bosnie alors que la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont déjà annoncé des actions concrètes? Ce que veulent les familles des soldats, ce sont des actions et des décisions concrètes.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit que nous avons participé à toutes les discussions de la fin de semaine. J'ai eu des contacts avec les autorités des gouvernements concernés qui ont des troupes là-bas, comme la Grande-Bretagne et la France, et avec le secrétaire général des Nations Unies.

Nous avons des soldats qui sont en difficulté, mais ils ne sont pas très éloignés de la base de Visoko, et nous avons des contacts avec ceux qui sont capturés à ce moment-ci et ceux qui sont en position de non-mobilité, si je peux employer cette expression. Deux Canadiens sont pris à l'extérieur de cette zone, dont l'un à Pale, et nous avons pu communiquer avec lui dans les heures précédentes.

Malheureusement, nous n'avons pas eu de nouvelles dernièrement du caporal Lapalme qui est dans la capitale de la Bosnie, Sarajevo, nous essayons de communiquer avec lui à ce moment-ci. Mais jusqu'à présent, nous pouvons assurer les familles que nous gardons contact avec tout le monde, sauf celui qu'on n'a pas réussi à trouver à ce moment-ci. Nous faisons tout ce qui est possible pour préserver leur vie. La façon dont nous nous comportons en ce moment est probablement la meilleure façon d'assurer leur libération dans les plus brefs délais.

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question complémentaire s'adresse encore au premier ministre.

Alors que tous s'accordent à redéfinir le mandat, que même le ministre de la Défense, hier, n'a pu clairement établir la redéfinition du mandat et qu'on attend après la réponse de l'ONU, qu'est-ce que le gouvernement canadien suggère pour redéfinir le nouveau mandat vis-à-vis de l'ONU pour les Casques bleus canadiens?

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit hier que nous avions pris une initiative à cet égard. La semaine dernière, nous avons discuté du mandat avec l'ONU.

Je répète que nous devons veiller à ce que les soldats ne soient pas éparpillés comme ils le sont en ce moment. Nous voudrions qu'ils soient concentrés en des endroits où ils peuvent se défendre et être défendus par d'autres forces à la base. C'est notre principale préoccupation. Lorsqu'ils sont seuls dans des tours d'observation, par exemple, ils sont dans une position difficile, parce qu'ils ne peuvent pas se défendre.

C'est exactement ce que l'ONU envisage en ce moment. Il faut donner aux gardiens de la paix un rôle qui correspond mieux aux moyens qui sont à leur disposition. Les soldats relèvent du commandement de l'ONU, et le secrétaire général est censé présenter de nouvelles directives au Conseil de sécurité, peut-être plus tard, aujourd'hui.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, au cours des dernières 24 heures, le mandat de l'ONU dans l'ancienne Yougoslavie a changé, la mission de maintien de la paix s'étant transformée en mission d'établissement de la paix par des moyens offensifs.

(1425)

La Grande-Bretagne a annoncé qu'elle enverrait 5 000 soldats de plus; la France s'engage à envoyer un porte-avions et des


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hélicoptères armés; les États-Unis enverront peut-être des commandos, et le groupe de contact de l'ONU a approuvé un plan qui donnerait aux Casques bleus le pouvoir d'attaquer les factions belligérantes.

Le gouvernement appuie-t-il cette transformation du mandat de l'ONU, qui entraînera une intensification de l'activité militaire dans l'ancienne Yougoslavie?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il n'est pas question dans le moment de modifier le mandat de maintien de la paix de la façon décrite par le député. Les autres pays envoient plus de soldats là-bas pour protéger leurs propres soldats qui sont déjà sur place.

J'ai expliqué la situation du Canada. Nous ne sommes pas exactement dans la même position que les autres. Nos soldats ne sont pas aussi éparpillés que les leurs. Pour l'instant, il n'est pas question que le Canada envoie d'autres soldats.

Le mandat n'est pas de faire la guerre avec qui que ce soit, mais bien de protéger les soldats qui sont là-bas, et c'est exactement le genre de mesure que nous appuyons.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pour de nombreux observateurs, il semble que le mandat de l'ONU soit en train de changer. Si le gouvernement accepte passivement ces changements, la population voudra savoir ce que cela veut dire pour le Canada.

En mars, le gouvernement a renvoyé nos Casques bleus en Bosnie sans mandat clair, sans critères précis pour la continuation ou l'annulation de la mission et sans représentation au sein du groupe de contact chargé de prendre les décisions.

Si le gouvernement insiste pour rester là-bas malgré une intensification de l'activité militaire, exigera-t-il maintenant qu'on lui fasse une place au sein du groupe de contact des Nations Unies? Autrement dit, exigera-t-il que cette condition soit remplie pour que les Casques bleus canadiens restent là-bas?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, un certain nombre de pays ont exprimé des préoccupations à l'égard de la participation au groupe de contact.

Par conséquent, nous examinons maintenant la possibilité de mettre davantage l'accent sur les pays membres de l'OTAN qui ont des soldats dans la région. Il y aura peut-être une réunion samedi pour régler cette question, sinon ce sera quelques jours plus tard à Bruxelles.

Le Canada fait certainement partie de ce groupe. Nous avons eu une réunion en décembre dernier. . .

M. Hermanson: Nous sommes presque déjà en juin.

M. Collenette: Si le député veut bien écouter, je vais expliquer.

Depuis décembre dernier, le ministre des Affaires étrangères et moi-même avons été constamment en contact, sur un plan personnel, bilatéral et multilatéral, avec les autres ministres de la Défense des pays membres de l'OTAN qui participent à cette mission.

Le ministre des Affaires étrangères, qui est actuellement en Europe, est bien au courant de ce qui se passe et a participé aux délibérations qui ont eu lieu hier.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, ce qui ne cesse de nous troubler dans cette affaire, c'est le manque de précision des critères du gouvernement pour la continuation de cette mission et de sa stratégie dans cette région troublée du monde.

Je vais encore une fois poser au ministre une question très directe, une question à laquelle les Canadiens veulent une réponse. Si le gouvernement a décidé que les Casques bleus canadiens vont rester dans l'ancienne Yougoslavie même si leur vie est encore plus menacée à cause de l'intensification de l'activité militaire, exigera-t-il oui ou non que le Canada fasse partie du groupe de contact de l'ONU comme condition du maintien de la présence canadienne là-bas?

[L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas pourquoi le chef du Parti réformiste est si préoccupé par le groupe de contact à un stade aussi avancé de la crise.

Des discussions sont en cours et il n'y a rien d'imprécis au sujet de la position du gouvernement. Je ne sais pas comment le chef du Parti réformiste peut faire cette affirmation ayant entendu hier soir mon discours dans lequel j'ai énoncé un certain nombre de critères relatifs à la continuation de notre participation et à la redéfinition du mandat de l'ONU. Ces critères ont été énoncés encore une fois aujourd'hui à La Haye par notre ministre des Affaires étrangères.

* * *

(1430)

[Français]

L'EXPORTATION D'ÉQUIPEMENTS MILITAIRES

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Dans une étude effectuée par l'Institut de recherche Project Ploughshares, de Waterloo, en Ontario, on apprend qu'en 1993-1994, plus de 200 millions de dollars américains d'équipements militaires de fabrication canadienne ont été livrés à au moins 11 des 39 pays qui étaient impliqués, l'année dernière, dans des guerres civiles, et ce, en dépit des règles relatives au contrôle des exportations d'armes.

Comment le ministre de la Défense peut-il expliquer que le gouvernement ait autorisé la vente de ces armes et équipements militaires de fabrication canadienne à des pays qui violent systématiquement les droits de la personne, comme le Pérou, la Turquie ou la Birmanie?

[Traduction]

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, la position du Canada est très claire dans les pays auxquels il livre des armes et des munitions.

Le plus gros de notre commerce se fait avec les États-Unis, les pays de l'OTAN et d'autres pays avec lesquels nous avons un


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accord de production. Nous ne livrons ni ne vendons d'armes aux pays du tiers monde qui sont en situation de conflit avec un autre État ou avec leur propre population.

Nous n'avons pas encore pris connaissance de l'étude à laquelle le député fait allusion. Elle ne nous a pas été communiquée, mais nous l'examinerons dès qu'elle sera à la disposition du gouvernement.

[Français]

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, pourtant cela était dans les journaux d'hier. Cette étude démontre également que le Canada est le septième plus important fournisseur d'armements militaires dans les pays du Tiers monde.

Ma question supplémentaire s'adresse au ministre de la Défense nationale. Doit-on comprendre que cette violation par le gouvernement des règles régissant le commerce des armes s'inscrit en droite ligne avec sa nouvelle politique étrangère qui privilégie avant tout le commerce au détriment des droits de la personne?

[Traduction]

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, tout ce que je puis dire, c'est que l'étude dont la presse a fait état hier n'a pas été communiquée au gouvernement. Dès que nous aurons ce document, nous l'examinerons.

Le fait est que le Canada favorise la réduction de la production et du commerce des armes classiques et réclame activement un engagement de la collectivité internationale à cet égard. Nous sommes en pourparlers avec d'autres pays pour voir ce qui peut être fait.

Nous estimons que la prolifération des armes classiques est un des problèmes les plus graves que notre monde ait à affronter et qu'elle est à la base de bien des conflits qu'il nous faut essayer de résoudre.

* * *

LA BOSNIE

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense envoie des signaux contradictoires aux Canadiens. Il lève le poing et parle d'un mandat renforcé en Bosnie, mais son piètre leadership dans l'administration des compressions imposées à la défense a affecté le moral et nui à l'efficacité de nos militaires.

Le ministre ne peut pas faire deux choses contradictoires en même temps. Va-t-il imposer des compressions budgétaires à la défense ou va-t-il renforcer son ministère?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le porte-parole des réformistes dit que j'ai quelques explications à donner. Peut-être pourrait-il de son côté expliquer aux Canadiens pourquoi, hier, il déclarait au nom de son parti qu'il fallait que nos troupes se retirent de Bosnie en abandonnant les otages derrière elles et en laissant les autres pays les ramener.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, ni les réformistes ni les Canadiens ne laissent d'otages derrière eux lorsqu'ils battent en retraite.

Ce matin, l'ambassadeur de Bosnie aux Nations Unies s'est prononcé sur l'inutilité de la mission de l'ONU. Il a déclaré que «dans les circonstances, la mission humanitaire est terminée». Le premier ministre admettra-t-il qu'aucune aide humanitaire n'arrive à destination et que cela entre en contradiction flagrante avec ce qu'il affirmait hier à la Chambre?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, que le porte-parole du Parti réformiste sur les affaires étrangères en connaisse tant sur la science de la retraite en dit peut-être beaucoup sur l'état du Parti réformiste. Peut-être voudra-t-il édifier la Chambre et expliquer comment cela se traduit dans les autres politiques de son parti?

Nous n'allons pas livrer les habitants de l'ancienne Yougoslavie à la brutalité, à la torture ou au carnage. Nous estimons que, dans le cadre du mandat de l'ONU, nous avons l'obligation d'essayer d'instaurer une certaine stabilité dans la région. Nous ne ferons rien qui risquerait de mettre en danger nos militaires gardés en otages, surtout pas battre en retraite.

* * *

(1435)

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

La population de Saint-Siméon et des environs, dans le comté de Charlevoix, se mobilise contre la réforme de l'assurance-chômage imposée par le ministre lors du Budget de février 1994. Les effets dramatiques de cette réforme sont cruellement vécus. Des familles entières sont maintenant obligées de se tourner vers l'aide sociale, vu l'insuffisance du Régime d'assurance-chômage.

Le ministre réalise-t-il que sa réforme pousse des milliers de citoyens, comme ceux de Saint-Siméon, vers la misère et qu'il doit revenir sur ses coupures afin de cesser de transférer des milliers de chômeurs vers l'aide sociale?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà fait remarquer à la Chambre dans le passé, par suite des modifications que nous avons apportées au régime d'assurance-chômage, les prestataires d'assurance-chômage qui touchaient un revenu modeste ont droit à des prestations beaucoup plus élevées. Selon les dernières données, si je ne m'abuse, quelque 280 000 Canadiens, dont 80 000 au Québec


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seulement, reçoivent 1 000 $ de plus par année grâce aux modifications que nous avons apportées.

J'ai lu les observations de la population de la région de Saint-Siméon et leurs préoccupations au sujet du découpage de la zone d'assurance-chômage. Mais c'est une autre question. Cela remonte aux réformes de l'assurance-chômage du gouvernement conservateur dont était membre le chef du parti du député.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur le Président, voici ma question complémentaire. L'heure n'est plus aux discours mais aux décisions.

Le ministre réalise-t-il que les coupures apportées au programme d'assurance-chômage par les gouvernements précédent et actuel donnent des problèmes aux chômeurs, principalement celles proposées par le gouvernement actuel dans les deux derniers budgets, qui rendent également la situation intolérable pour les travailleurs saisonniers alors que, pendant ce temps, le ministre distribue des millions aux Jets de Winnipeg?

Le Président: Veuillez poser votre question, s'il vous plaît.

M. Asselin: Monsieur le Président, je recommence.

Le ministre réalise-t-il que les coupures apportées au programme. . .

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: Mon cher collègue, je ne pouvais pas entendre. Veuillez poser votre question.

M. Asselin: Monsieur le Président, voici ma question.

Le ministre réalise-t-il que les coupures apportées au programme d'assurance-chômage par son gouvernement, dans les deux derniers Budgets, rendent la situation intolérable pour les travailleurs saisonniers alors que, pendant ce temps, le ministre distribue des millions aux Jets de Winnipeg et les gens crèvent de faim dans Charlevoix à cause de ses coupures?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, le député rendrait le plus grand service à ses électeurs s'il réussissait à convaincre ses collègues de se joindre à nous dans nos efforts visant à moderniser en profondeur le régime d'assurance-chômage, afin de fournir aux sans-emploi les outils et les ressources nécessaires pour retourner au travail.

Le problème, c'est que le Bloc québécois s'est opposé à tous les efforts visant à améliorer le régime d'assurance-chômage, à tous les efforts visant à mettre à la disposition des sans-emploi davantage de ressources pour retourner au travail. J'invite le député à tenter de convaincre ses collègues de changer de politique et de collaborer avec nous à l'établissement d'un régime d'assurance-chômage beaucoup plus efficace.

LA BOSNIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, il semble que le gouvernement va laisser nos troupes dans l'ancienne Yougoslavie.

Notre mandat en Bosnie consiste à faciliter la distribution des approvisionnements, mais l'aéroport de Sarajevo est fermé, comme c'est souvent le cas, et lorsque les convois progressent, on les empêche souvent d'atteindre leur destination. Hier soir, le ministre de la Défense a laissé entendre que pour réduire notre vulnérabilité, nous allions retirer nos observateurs militaires et concentrer nos forces pour qu'elles puissent mieux se défendre.

(1440)

Le ministre pourrait-il nous expliquer comment nous allons nous acquitter de notre mandat alors que les approvisionnements ne parviennent pas à destination et que nos troupes restent à l'abri dans des bunkers?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le porte-parole du Parti réformiste est loin de citer exactement ce que j'ai dit hier soir.

Lorsque nous parlons de retirer les observateurs militaires de l'ONU des secteurs dangereux, c'est du simple bon sens pour moi. Lorsqu'il est question de concentration de troupes, comme le premier ministre l'a expliqué, cela ne s'applique pas nécessairement au Canada, car nos troupes sont déjà raisonnablement bien concentrées à nos deux postes de Kiseljak et de Visoko. Cependant, il est tout à fait sensé que les Nations Unies, dans le but de poursuivre leur mandat, concentrent leurs forces pour qu'elles soient moins exposées.

Je voudrais m'élever contre ce que le député a dit en ce qui concerne la capacité de nous acquitter de notre mandat en Bosnie. Le fait est que durant la majeure partie des trois dernières années, ce sont des avions Hercules canadiens qui ont assuré ces vols entre Ancône et Sarajevo. C'est grâce à ce pont aérien qu'on a pu nourrir ces gens. Les autres convois parviennent à leur destination. Bien entendu, depuis une quinzaine de jours, de graves problèmes se posent, mais cela n'est pas représentatif de la situation dans son ensemble.

Je continue d'être tout à fait surpris de voir comment les membres du parti du député interviennent à la Chambre pour proposer un plan de retraite, alors qu'ils devraient soumettre aux Canadiens un plan grâce auquel nous pourrons récupérer nos Casques bleus.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, les réformistes proposent un retrait.

Le gouvernement va-t-il reconnaître qu'un retrait, à ce stade-ci, ne signifie pas l'abandon de la région, mais ouvre plutôt la porte à d'autres solutions auxquelles on ne peut avoir recours, à l'heure actuelle, à cause de la menace qui pèse sur les otages? Ainsi, le gouvernement a-t-il envisagé de remplacer les forces terrestres retirées par un escadron aérien grâce auquel on pourrait maintenir la présence canadienne et assurer la capacité d'intervention nécessaire?


13006

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, la logique du Parti réformiste est incroyable. Hier soir, à la Chambre, les réformistes nous ont invités à nous retirer et ils nous ont, fondamentalement, fourni des plans de retraite détaillés. Or, voilà maintenant que le député demande qu'on se serve de nos forces aériennes.

Je voudrais lui demander de bien vouloir se faire une idée et d'être cohérent. Au moins, l'opposition officielle a une position cohérente que nous respectons et nous la remercions de son appui. Cependant, il est important que les députés expriment des opinions cohérentes sur cette question.

* * *

[Français]

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

La sanction exercée par la GRC et le SCRS contre Pierre Laberge, un retraité de la GRC qui s'est prononcé en faveur de la souveraineté du Québec, n'était sûrement pas suffisante aux yeux de Normand Chamberland, directeur général du SCRS au Québec, puisqu'il vient de s'attaquer à la conjointe de M. Laberge en la congédiant sans raison, après dix ans de service.

Comment le solliciteur général peut-il accepter que Normand Chamberland, celui-là même qui a posé des bombes au Québec dans les années 1970, s'en prenne si injustement à la conjointe de M. Laberge, simplement parce que celui-ci s'est prononcé pour la souveraineté du Québec?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il est bien connu que le Service réduit ses effectifs. Il appert que l'employée en question fait partie des effectifs réduits. On m'a informé que cette décision n'est aucunement liée aux opinions de l'employée ou à celles de son conjoint.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, il arrive que seule la conjointe de M. Laberge ne voulait pas partir et que la coupure de poste a été annoncée mardi dernier pour le 1er juin. Quand le gouvernement laisse faire, on est autorisé à penser que c'est bel et bien un congédiement.

Le gouvernement est-il si inquiet de l'issue de la campagne référendaire qu'il laisse commettre ces gestes de pure intimidation à l'endroit des personnes dont le seul crime est d'avoir un conjoint souverainiste?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je n'accepte pas les allégations de l'honorable députée. Comme je viens de le dire, la décision est due à la réduction des effectifs au SCRS et n'est pas liée du tout avec les opinions en question.

(1445)

Il arrive qu'il ne soit pas possible de licencier seulement les employés qui désirent partir. Il arrivera qu'en réduisant les effectifs du SCRS et des autres services, il ne sera pas possible de faire partir tout le monde de façon volontaire.

Comme je viens de le dire, ce licenciement n'est pas lié du tout avec les opinions en question.

* * *

[Traduction]

LES DOUANES

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.

Les habitants de ma circonscription sont inquiets au sujet des queues que doivent, de part et d'autre de la frontière, faire aux points frontaliers les touristes et les gens qui travaillent. Nous devons faciliter le passage de la frontière entre le Canada et les États-Unis pour les touristes de façon à ce qu'ils se sentent les bienvenus au Canada.

Que fait le ministre pour réduire les encombrements et la frustration aux points frontaliers?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, plusieurs mesures sont prises. Je remercie le député de m'avoir fait part de son inquiétude à ce sujet, inquiétude qu'il a exprimée énergiquement à plusieurs reprises.

En fait, nous nous proposons de changer les formalités administratives à la frontière en ce qui concerne l'exemption de 300 $ de façon à ce qu'il ne soit pas nécessaire de remplir un formulaire. Cette initiative n'est à ce stade qu'une proposition. Des consultations sont en cours. Si elles aboutissent, cette initiative devrait voir le jour d'ici le 1er août prochain.

Cette initiative est compatible avec l'accord frontalier que le premier ministre et le président des États-Unis ont signé en février dernier. Elle aura pour effet de simplifier les formalités de douane et d'immigration à la frontière, de permettre à Revenu Canada d'économiser 16 années-personnes, et fera partie d'une série de mesures visant à faciliter l'accès et à réduire les tracasseries pour les personnes de bonne foi qui passent la frontière.

* * *

LA BOSNIE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, étant donné que le ministre de la Défense est tellement certain de la sécurité des troupes canadiennes, il pourrait peut-être se proposer pour prendre la place des 55 otages canadiens en Bosnie.

Le premier ministre et le ministre de la Défense nationale ont dit que le Canada n'était pas prêt à engager plus de ressources dans l'ancienne Yougoslavie. En fait, le Canada n'a plus de ressources à engager. Peut-être devrions-nous parler du manque de casques ou de gilets pare-balles, ou de nos transports de troupes blindés périmés.


13007

Ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale. J'aimerais aussi lui rappeler que nous avons des soldats qui ont déjà fait trois ou quatre séjours en Bosnie. Est-ce que le ministre est prêt à admettre que le Canada n'a pas d'autres ressources à engager, que nous avons atteint notre limite et que nous devrions nous retirer?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député qui vient de poser la question était membre du comité mixte spécial. Ce comité a fait un certain nombre de recommandations au sujet de la disponibilité des troupes canadiennes et ces recommandations ont été suivies dans le Livre blanc. Cela signifie que dans certaines circonstances, pour des conflits de cette nature, nous devrions avoir un personnel additionnel, prêt à intervenir, si nécessaire. C'est ce que demande le Livre blanc et ce personnel existe. Nous prenons des mesures qui tiennent compte du fait que nous avons participé assez fréquemment à des missions de paix, en plaçant 3 000 soldats de plus dans les troupes d'intervention d'avant-garde.

Avant de faire des déclarations aussi monstrueuses à la Chambre des communes, le député devrait peut-être lire le rapport du comité qu'il a lui-même signé, et le Livre blanc de la Défense.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je suis stupéfait par les réponses du ministre de la Défense nationale et du premier ministre, aujourd'hui. Est-ce que nous parlons du même conflit? Lorsqu'on les entend on pense: maintenant nous les avons exactement où ils nous veulent. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Le ministre de la Défense nationale disait que le Canada ne prévoyait pas envoyer de troupes additionnelles pour l'instant. Voilà ce qu'il a dit: «À moins qu'il ne soit nécessaire de procéder au retrait des troupes sous les auspices de l'OTAN et alors, bien sûr, nous y participerons. . .»

Le Président: Je demanderais au député de poser sa question.

(1450)

M. Hart: Étant donné que le ministre a démantelé le Régiment aéroporté, la seule force canadienne d'intervention rapide, quelles ressources a-t-il à déployer?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je ne vais pas me lancer dans une réponse alambiquée à une question alambiquée.

Je vais au contraire profiter de cette occasion pour dire que nous sommes entrés en contact, il y a quelques heures, avec une des personnes détenues en otage, le capitaine Rechner, par l'intermédiaire d'un interprète serbe. Il est en bonne santé, il est bien nourri, il a été en mesure d'apporter des vivres de son quartier, mais il est toujours détenu. Il n'est plus enchaîné à un poteau.

J'ai pensé que la Chambre aimerait le savoir. Nous restons inquiets au sujet du capitaine Lapalm. Les autres personnes détenues à Ilijas sont en assez bonne condition, comme je l'ai dit précédemment.

* * *

[Français]

LE COMITÉ DE SURVEILLANCE DES ACTIVITÉS DE RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Il appert qu'après la nomination de Me Michel Robert à la Cour d'appel du Québec, conjuguée au congé de maladie de M. Jacques Courtois et au désintérêt évident de Mme Rosemary Brown, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité est pratiquement inopérant. Personne ne surveille les services secrets canadiens. Pendant ce temps, les souris dansent et les espions espionnent.

Le solliciteur général reconnaît-il que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité est à toutes fins inopérant et qu'il est urgent de combler le poste vacant et de remplacer tous ceux et celles qui ne sont plus intéressés à assumer leur responsabilité?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je n'accepte pas l'allégation du député, selon laquelle le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité soit inopérant. Il est en mesure d'exercer ses fonctions. Il y a un nombre suffisant de membres pour satisfaire aux exigences de la loi en matière de quorum. Par ailleurs, la question du poste à combler est à l'étude au sein du Cabinet. J'espère qu'une mesure prévue par la loi sera prise très prochainement en ce qui concerne le poste à combler.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, compte tenu de l'exemple que nous donne l'actualité relativement au dossier de M. Laberge, ex-agent du Service canadien de renseignement et du congédiement de sa femme, est-ce que le premier ministre, et je m'adresse à lui cette fois-ci, s'engage à combler ces postes et à consulter le chef de l'opposition officielle conformément à la loi avant de procéder à toute nomination au Service de surveillance?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je pense que le solliciteur général a répondu. Nous allons combler le poste très bientôt. Je suis très surpris des allégations faites par l'opposition, quand on sait que des centaines de gens ont perdu leur emploi à Québec parce qu'ils ne croyaient pas à la séparation du Québec.


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Dans le cas présent, le solliciteur général a indiqué que l'épouse de M. Laberge faisait partie des gens qui devaient malheureusement être mis à pied, parce que le gouvernement a décidé de faire des coupures.

Je trouve absolument incroyables les allégations de l'opposition, après avoir vu, par exemple, Mme Thibault, qui était présidente d'une association pour personnes handicapées, être congédiée parce qu'elle était une libérale reconnue. À leur place, avec les centaines de cas honteux de patronage qu'il y a eus au Québec au cours des neuf dernières années, je me fermerais la boîte.

* * *

[Traduction]

LA BOSNIE

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, selon de nombreux reportages, le ministre de la Défense aurait dit que le Canada appuyait les attaques aériennes de l'OTAN. Samedi, l'ambassadeur du Canada aux Nations Unies, M. Robert Fowler, a déclaré que le gouvernement canadien s'opposait aux représailles aériennes contre les Serbes bosniaques. «Les attaques aériennes comme celles de l'OTAN, la semaine dernière, n'ont pas servi à grand-chose,» a-t-il dit.

M. Fowler est-il toujours responsable de la politique du Canada en matière de défense? Si non, le ministre pourrait-il tirer les choses au clair et expliquer la position réelle du Canada?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, la politique du Canada à l'égard du recours à la puissance aérienne de l'OTAN n'a pas changé.

La question a été débattue à plusieurs reprises l'an dernier. Le premier ministre assistait à ces discussions. Par la suite, nous avons convenu d'avoir recours à la puissance aérienne de l'OTAN, à la demande des Casques bleus sur le terrain lorsqu'ils la jugeraient nécessaire pour leur offrir un appui aérien rapproché, pour protéger le personnel des Nations Unies et, dans certaines situations, pour assurer la sécurité des habitants dans les diverses enclaves de Croatie et de Bosnie. Toutefois, nous avons convenu que, dans certaines circonstances, on pourrait y avoir recours à des fins moins défensives.

(1455)

Ces derniers jours, nous avons dit que s'il devait y avoir d'autres attaques aériennes du genre de celles de la semaine dernière, nous préférerions que le processus les autorisant soit modifié afin que le Canada puisse participer de façon plus officielle à la prise des décisions.

Quant à l'application en général de la politique concernant l'appui aérien rapproché, que j'ai décrite plus tôt, nous sommes tout à fait satisfaits de la façon dont les choses se sont déroulées jusqu'à présent.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le fait que M. Fowler ait pris la liberté d'exprimer son opinion personnelle est très révélateur du désarroi qui règne au ministère de la Défense. L'absence de direction y est flagrante. M. Fowler a donc pris sur lui de pallier cette carence.

Que fait le ministre pour améliorer les communications au sein de son ministère et pour y mettre de l'ordre à un moment où la sécurité de nos troupes est en jeu?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, la tournure des questions à la Chambre aujourd'hui est déplorable.

Des Canadiens et des Canadiennes sont en danger. En dépit des différences qui nous séparent dans d'autres domaines, toutes nos questions, toutes nos réflexions devraient avoir pour objet de chercher à améliorer la situation, au lieu d'en profiter pour se livrer à des critiques mesquines.

Le député a parlé d'absence de direction, mais lorsqu'on entend les propos de son porte-parole en matière de défense qui, il y a quelques minutes a déclaré que «battre en retraite n'était pas se retirer, et que se retirer ne signifiait pas partir», on se demande où est la direction et qui arrête les politiques de ce côté-là de la Chambre.

* * *

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Joseph Volpe (Eglinton-Lawrence, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture. Comme il le sait, la Commission canadienne du blé a décrété, le 27 avril dernier, un embargo sur toutes les pâtes provenant de l'Union européenne.

Cette mesure a fait naître tout un système de distribution artificiel, elle a affaibli la stabilité financière de centaines d'entreprises familiales de vente au détail qui dépendent de la vente des pâtes pour survivre et a mis en péril des milliers d'emplois au Canada. De plus, les consommateurs ont vu augmenter les prix et baisser la variété des produits offerts. Le ministre a-t-il l'intention d'annuler cet ordre ou de le modifier afin de corriger les effets de l'embargo?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le problème décrit par le député est dû, bien évidemment, aux subventions accordées par l'Europe à toutes les pâtes européennes destinées à l'exportation, car cette mesure est à nouveau en vigueur depuis le 1er avril.

Nous avons demandé aux Européens de retirer leurs subventions, mais jusqu'à maintenant, ils ont toujours refusé. La Commission canadienne du blé n'a donc pas eu le choix; elle devait réagir et c'est ce qu'elle a fait le 27 avril en imposant à nouveau des restrictions à l'importation de certaines pâtes au Canada.

Ces restrictions limitaient les importations aux produits emballés en paquets individuels et importés par des détaillants. Depuis l'instauration de cette mesure, le député et d'autres personnes nous ont fait savoir qu'elle produisait certains effets non voulus sur les petits détaillants qui se procurent normalement leurs pâtes par l'intermédiaire de grossistes qui les importent pour ces petits détaillants.

En conséquence, la Commission canadienne du blé effectuera certains ajustements administratifs afin de régler cette question et d'autoriser l'importation des pâtes par les grossistes si les pâtes sont importées au nom d'un petit détaillant, si elles ne seront vendues que par ce petit détaillant et seulement au public,


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et si le détaillant et le grossiste acceptent de signer un affidavit à cet effet.

* * *

[Français]

LES PENSIONS ALIMENTAIRES

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Dans un jugement controversé sur les pensions alimentaires, la Cour suprême a rejeté, la semaine dernière, la requête de Mme Suzanne Thibaudeau. Le ministre de la Justice a aussitôt déclaré qu'il agirait rapidement dans ce dossier.

Le premier ministre peut-il nous dire ce qu'entendait son ministre de la Justice lorsqu'il annonçait son intention d'agir rapidement dans le dossier de Mme Thibaudeau et dans quel sens veut-il agir?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le ministre de la Justice a indiqué très clairement que c'était l'intention du gouvernement de faire un énoncé avant la fin des travaux de cette Chambre, au mois de juin. Nous avons certainement l'intention de faire exactement cela. La députée doit savoir que lors du premier Budget du gouvernement, on a soulevé le problème, et c'est un problème sur lequel on se penche très sérieusement.

* * *

(1500)

[Traduction]

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, pour revenir à ma question sur les allégations voulant que la Commission canadienne du blé pratique un dumping illégal, nous avons maintenant confirmation, de la part de la GRC à Winnipeg et à Ottawa, qu'aucun représentant du cabinet du solliciteur général n'a demandé d'enquête sur ces allégations.

Dans ce cas, pourquoi le solliciteur général m'a-t-il écrit le 28 mars 1995 qu'on avait demandé à la GRC de faire enquête?

Le Président: Voilà qui met un terme à la période des questions.

La députée de Saint John soulève la question de privilège.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

UTILISATION NON AUTORISÉE D'UNE PHOTO

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, je soulève aujourd'hui la question de privilège parce que j'ai le sentiment que le gouvernement a porté gravement atteinte à mes privilèges de députée et à ma vie privée dans son rapport sur l'emballage neutre et générique des produits du tabac.

Comme la Chambre ne siégeait pas la semaine dernière, ce n'est qu'aujourd'hui que je puis saisir la Chambre du problème. La ministre de la Santé. . .

Le Président: Je demande aux députés de coopérer. Une députée soulève la question de privilège sur un point qui pourrait concerner tous ses collègues. Je vous demande de l'écouter attentivement comme j'entends moi-même le faire.

Mme Wayne: Merci, monsieur le Président.

La ministre de la Santé a publié le rapport voici deux semaines. Plus de 1 300 exemplaires du rapport ont été communiqués aux journalistes de la tribune de la presse. Le rapport comprend huit photographies utilisées dans une étude d'impact visuel. À mon grand étonnement, l'une de ces photos est de moi. Dans le rapport, je suis décrite comme une fumeuse, ce que je ne suis pas, comme extrêmement obèse, ce que, d'après mon médecin, je ne suis pas non plus, et je crois que je suis présentée comme une femme de près de 80 ans, alors que je suis loin du compte.

Je n'ai jamais autorisé l'utilisation de cette photo, et aucun représentant du ministère de la Santé ne m'a consultée. Ce genre de stéréotype est une atteinte à ma dignité comme personne et comme députée. Je suis ridiculisée, ce qui risque de m'empêcher de m'acquitter de mes fonctions efficacement.

Pour faciliter votre travail, monsieur le Président, je voudrais attirer votre attention sur une décision rendue par votre prédécesseur, le Président Bosley, sur un cas semblable en 1985. Il s'agissait cette fois d'une annonce publiée dans un journal, où un député était identifié comme une autre personne. Le Président Bosley a déclaré ceci:

Toute initiative qui empêche ou vise à empêcher un député d'exercer ses fonctions est une atteinte aux privilèges.
Le Président Bosley a décidé qu'il y avait présomption d'atteinte aux privilèges et renvoyé la question au Comité permanent des privilèges et des élections. Ce cas est semblable au mien en ce sens qu'un député était identifié de façon erronée.

(1505)

C'est essentiellement la même chose cette fois-ci. J'ai été identifiée et stéréotypée d'une manière erronée, sans oublier le fait que la photo a été utilisée sans ma permission.

J'ai demandé au premier ministre des excuses publiques pour l'utilisation non autorisée de cette photo dans une publication et une explication complète pour savoir comment la ministre de la Santé a pu tolérer pareille chose. Je n'ai toujours pas reçu de réponse.

Monsieur le Président, je vous demande respectueusement de vous prononcer sur la question de privilège.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, la députée de Saint John a soulevé une très grave question, à laquelle la ministre de la Santé tient beaucoup à répondre dès qu'elle sera disponible. Elle ne pouvait malheureusement pas être ici aujourd'hui. On me dit qu'elle sera de retour à la Chambre plus tard au cours de la semaine. Je ne doute pas qu'à son retour, elle voudra vous donner des explications, monsieur le

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Président, ainsi qu'à la Chambre à propos des graves allégations soulevées par la députée de Saint John.

Je vous demanderais, monsieur le Président, d'ajourner la question jusqu'à ce que la ministre de la Santé soit ici et qu'elle ait pu se faire entendre. J'espère que vous prendrez ensuite la question en délibéré pour rendre une décision en temps opportun.

Le Président: Chers collègues, il s'agit d'une très grave question et c'est ainsi que je la considère.

Le problème a été exposé à la Chambre de façon très succincte, ce dont je remercie la députée de Saint John. Je remercie également le député de Kingston et les Îles de son intervention.

Une ministre est mise en cause. Avec la permission de la Chambre, j'aimerais que la ministre nous explique ce qui s'est passé. La question pourra peut-être se régler de cette façon, en tenant toujours compte du fait que c'est à la Chambre qu'on s'occupera de la question de privilège de la députée. J'aimerais cependant avoir le temps d'entendre les explications de la ministre à son retour, si les députés le veulent bien.

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LES CRÉDITS

JOUR DÉSIGNÉ-L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est pour défendre les acquis et les objectifs des femmes du Canada et du Québec que j'interviens aujourd'hui dans le débat sur la motion du Parti réformiste. Cette motion porte, on le sait, sur l'équité en matière d'emploi. Elle reprend à son compte-et je regrette de le mentionner si abruptement-tous les mythes véhiculés par les adversaires des mesures d'équité en matière d'emploi.

C'est ainsi qu'on retrouve dans le texte même de la motion les concepts de mesures inutiles, inefficaces, coûteuses, impopulaires et discriminatoires. Il faudrait donc, comme en concluent mes collègues réformistes, abolir tout ça et procéder uniquement sur la base du mérite. Avant de poursuivre, je profite de l'occasion pour dénoncer ce lien implicite qu'on établit à l'effet que les clientèles cibles des mesures d'équité, soit les femmes, les autochtones, les personnes handicapées, les minorités visibles ou raciales, n'ont pas autant de mérite que les autres.

Commençons par définir le sujet. Qu'est-ce que l'équité en matière d'emploi? Un document préparé par l'Alliance de la fonction publique du Canada pour la Conférence régionale des femmes de 1992-1993 expliquait, et je cite: «L'équité en matière d'emploi est un processus qui entraînera une répartition égale des travailleuses et travailleurs à qui on refuse trop souvent formation et avancement au sein des groupes professionnels et des secteurs. Pour réussir, les initiatives en matière d'emploi doivent dépasser le simple recrutement pour assurer un environnement exempt de pratiques discriminatoires au travail.»

Il faut aussi préciser qu'il existe deux visions de l'équité en matière d'emploi: une première, orientée vers les résultats, et une deuxième, centrée sur l'accès à l'égalité. J'aime bien penser qu'un heureux mélange des deux visions est ce vers quoi notre société devrait tendre.

(1510)

Le Bloc québécois appuie entièrement le principe subjacent à la législation sur l'équité en matière d'emploi. Ce principe, à l'effet que des pans entiers de la société n'ont pas concrètement l'égalité d'accès aux emplois de qualité, revêt une grande signification dans le cadre du dossier de la pauvreté des femmes.

Les femmes, on l'a dit et redit, sont pauvres. Les femmes autochtones, handicapées ou membres des minorités visibles, sont encore plus pauvres. A-t-on encore besoin, en mai 1995, de citer des statistiques à l'appui? Il me semble que non et je nous en fais grâce aujourd'hui.

Face à cette situation de pauvreté, trop souvent chronique des femmes, il faut comprendre que les mesures d'équité en matière d'emploi sont nécessaires, essentielles même à cette lutte à la pauvreté. La solution à la pauvreté des femmes est l'égalité économique. Or, la survie économique passe par l'emploi, sauf rares exceptions.

Entrons maintenant dans le vif du sujet. Avant de parler de statistiques, du nombre de femmes ou d'autochtones occupant un emploi-cadre, du taux de promotion, il faut que les membres de groupes ciblés par la législation aient accès à des emplois. Pour qu'ils aient accès à des emplois, il faut développer diverses mesures favorisant l'égalité dans l'accès à l'emploi. En effet, l'accès à l'emploi est subordonné à la présence de conditions préalables.

Tout d'abord, il n'est pas superflu de rappeler que l'existence même d'emplois en nombre suffisant est une condition essentielle à l'égalité d'accès. Parmi les autres conditions, on peut mentionner l'existence d'emplois à temps plein et permanents, le besoin d'infrastructures sociales, de services de garde adéquats, de formation professionnelle et l'accès aux emplois non traditionnels. Précisons un peu ces quelques points.

Comme je l'ai mentionné, c'est une vérité de La Palice que de dire qu'il faut des emplois en nombre suffisant pour favoriser l'accès des femmes et des autres groupes à l'emploi. C'est malheureusement une vérité que le gouvernement actuel semble avoir reléguée aux oubliettes.

Le Bloc québécois a dénoncé à maintes reprises l'absence honteuse de programmes de création d'emplois lors des dépôts des deux budgets libéraux. En effet, mis à part les emplois créés par le Programme national d'infrastructures, c'est le néant. Or ces emplois, en grande majorité temporaires, ne visent que les hommes. On n'a rien prévu pour les femmes, rien du tout. Comme vision d'accès à l'emploi, on a déjà vu mieux.

Voilà donc un exemple de ce que n'est pas une politique valable d'accès à l'emploi. Pour avoir accès à un emploi, il faut qu'il y en ait, c'est la base même du principe. Pour que les femmes et les autres clientèles cibles de la loi puissent avoir


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égalité d'accès, il faut, comme les emplois détenus majoritairement par des hommes blancs, que les emplois accessibles soient à temps plein et permanent. Pourquoi? Et maintenant c'est le temps des statistiques.

Une enquête menée par Statistique Canada et publiée à l'automne 1994 révélait qu'au cours de la période de 1980 à 1993, les femmes constituaient la majorité des personnes travaillant involontairement, et je dis bien involontairement, à temps partiel. En 1993, on comptait au Canada 510 000 femmes détenant de tels emplois, soit le double du nombre d'hommes dans cette catégorie de travailleurs. Ainsi, ce sont les femmes qui sont aux prises avec les emplois à temps partiel. La conséquence, vous l'aurez deviné, se situe d'abord au niveau du salaire, et ensuite au niveau des possibilités d'avancement, et donc de l'amélioration du niveau de vie.

De même, l'importance d'emplois permanents est capital. Les femmes remportent la triste palme des emplois précaires, saisonniers, mal payés.

Nous avons déjà souligné la marche organisée par les femmes du Québec pour réclamer des gouvernements des mesures visant à diminuer la pauvreté des femmes. Les organisatrices «Du pain et des roses» réclament, au nom des femmes québécoises, ce qu'elles ont regroupé sous le vocable d'«infrastructures sociales» et qui couvre les ressources mises en place pour améliorer la qualité de vie de collectivités.

Je parle ici des ressources orientées vers l'entraide sociale, vers l'aide aux démunis, l'éducation populaire, la garde des enfants, l'analphabétisation, l'intégration des nouveaux arrivants. Ces ressources, en plus de leurs apports évidents à l'organisation sociale sont à l'origine de nombreux emplois pour les femmes où leurs compétences particulières sont reconnues. Ces ressources doivent être renforcées et appuyées. Il s'agit là d'une mesure favorisant l'accès des femmes à l'emploi.

(1515)

Quand on parle d'accès à l'emploi, le problème bien concret qui surgit spontanément pour bien des femmes est la garde des enfants. Il importe de se rappeler continuellement que l'accès réel à des services de garde est souvent la première étape qu'ont à franchir les femmes sur le chemin du travail. Si un mur se dresse à ce moment, il devient futile de parler d'accès à l'emploi. Et nous attendons toujours que le gouvernement bouge en ce sens, tel que promis dans le livre rouge: des places en garderie.

Dans le même ordre d'idées, il est difficile de parler d'égalité d'accès à l'emploi si on ne possède pas la formation requise pour occuper les emplois encore disponibles. Les femmes ont de tout temps été désavantagées à ce niveau. Les marcheuses «Du pain et des roses» ont soulevé les problèmes des femmes «sans chèques», ces femmes qui sont exclues des programmes de formation subventionnés parce qu'elles ne sont ni prestataires de l'assurance-chômage ni bénéficiaires de l'aide sociale.

Les chiffres sont inquiétants. Alors que 44 p. 100 de la population adulte n'a pas de diplôme d'études secondaires ou professionnelles, on sait que les emplois créés en l'an 2000 nécessiteront 17 ans de scolarité. Sans diplôme, peut-on parler d'égalité des chances?

Pour terminer ce bref tour d'horizon des conditions nécessaires et préalables à l'accès à l'emploi, il faut absolument parler de l'accès des femmes aux emplois non traditionnels, puisque ces derniers constituent la vaste majorité des nouveaux emplois créés. À titre d'exemple, j'aimerais mentionner la proposition présentée la semaine dernière au Conseil régional de concertation et de développement de Québec par le Regroupement des groupes de femmes du Québec et le Comité régional des partenaires pour l'accès et l'intégration des femmes aux secteurs d'emplois non traditionnels.

Cette proposition demandait au CRCDQ d'établir une politique d'équité des chances et de l'appliquer dans la mise en oeuvre des projets soumis par les promoteurs. C'est là qu'on retrouve le caractère innovateur de cette démarche: afin de favoriser l'accès des femmes aux emplois non traditionnels, les promoteurs qui veulent voir un projet approuvé par le Conseil régional devront réfléchir et mettre sur pied un programme d'équité au sein de leur entreprise. C'est ce qu'on appelle prendre le taureau par les cornes. C'est également le genre de mesure concrète dont les groupes cibles ont besoin pour atteindre l'égalité d'accès au travail.

Passons maintenant à la deuxième étape du processus, soit le milieu de travail lui-même, étape que j'ai intitulée: «Une fois rendues. . . à l'étape des rapports statistiques». Prenons comme hypothèse de base qu'il existe des mesures favorisant l'accès au travail, et qu'elles sont efficaces. Les femmes et autres groupes occupent donc un emploi. A-t-on encore besoin de mesures d'équité dans l'emploi? La réponse, vous l'aurez devinée, est oui.

L'accès aux emplois bien rémunérés, plus élevés dans la hiérarchie, à qui vont ces emplois? Malheureusement, les statistiques n'appuient aucunement la motion du Parti réformiste. Tout d'abord, au niveau du salaire, on sait que les femmes gagnent toujours 73 p. 100 du salaire des hommes, même si celles-ci détiennent un diplôme universitaire. Il y a là une inégalité qui s'explique en partie par le fait que les femmes sont concentrées dans les emplois subalternes, donc mal payés.

À la fonction publique du Canada, on retrouve 84 p. 100 des femmes dans les emplois subalternes. Par contre, elles ne représentent que 16,1 p. 100 du groupe de la direction de ce même employeur. Permettez-moi de rappeler que la fonction publique du Canada est tout de même régie par une loi sur l'équité en matière d'emploi.

À la ville de Québec, qui s'est dotée d'une politique d'équité, 81 p. 100 des salariés qui gagnent moins de 41 000 $ sont des femmes. Imaginons la situation chez les employeurs qui ne sont pas régis par la loi. Les femmes, donc, occupent des emplois moins bien payés, sans pouvoir décisionnel. Elles ont aussi à composer avec un phénomène hautement perturbateur: le harcèlement sexuel.

On sait que le harcèlement sexuel empêche les femmes d'atteindre l'égalité, puisque les victimes finissent souvent par quitter leur emploi ou subir les conséquences lorsqu'elles portent plainte. Le problème est majeur. Le quotidien Le Droit rapportait, il y a à peine un an, que d'après une enquête de Statistique Canada, le quart des femmes disaient avoir été harcelées au


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travail, donc 25 p. 100. De ce nombre, 39 p. 100 des incidents impliquaient une personne en autorité. Comment peut-on imaginer un seul instant qu'une femme victime de harcèlement sexuel pourra donner un rendement égal à celui d'un collègue masculin, qu'elle pourra être évaluée objectivement, qu'on tiendra compte de son opinion? Le harcèlement sexuel constitue une manifestation odieuse de l'inégalité dont sont souvent victimes les femmes. Toutes mesures visant à l'éliminer constituent des mesures visant à l'équité en matière d'emploi.

(1520)

Je pourrais également parler de l'importance des conditions de travail compatibles avec le rôle de parent ou de soutien, telles les congés parentaux, les congés de maternité, les horaires flexibles. Malheureusement, le temps me manque. Je veux cependant vous dire que toutes ces conditions de travail dans le cadre de mesures favorisant l'équité en matière d'emploi sont essentielles. En aidant une personne à mieux conjuguer ses responsabilités familiales à celles reliées à son emploi, les mesures favorisent l'accès au travail et surtout le maintien au travail. Voilà donc encore des mesures d'équité qui favorisent en bout de ligne l'égalité économique des femmes.

Je ne peux terminer sans faire de commentaire sur l'insidieux principe du mérite. La motion du Parti réformiste déclare qu'on doit rejeter le projet de loi C-64 parce que l'embauche et la promotion doivent être basées seulement sur le mérite au lieu du sexe ou de la race. Si le député de Fraser Valley-Est est tellement en faveur du mérite au lieu du sexe ou de la race, comment s'explique-t-il que les femmes ne gagnent encore que 73c. pour chaque dollar gagné par un homme? J'aimerais bien qu'il me l'explique.

Évidemment, dans un monde idéal, l'embauche et la promotion seraient justes. On ne discriminerait pas à cause de la race, du sexe ou de la condition physique. Pourtant, les statistiques ne reflètent pas un tel monde. Les hommes blancs, non handicapés occupent encore 78 p. 100 des postes de gestion dans la fonction publique. Ils détiennent le pouvoir et les leviers économiques.

Examinons l'idée de mérite. Comme Kate Erickson, de la National Association of Women and the Law le prétend, la façon dont on mesure le mérite est un terme traditionnel chargé de valeurs; le mérite fait partie de l'histoire de la discrimination. En d'autres mots, au cours d'une entrevue pour un emploi, l'homme blanc qui a les mêmes habitudes de vie, qui s'habille et qui est allé à la même école que le président-directeur semblera avoir plus de mérite. Par contre, une personne qui appartient à un autre groupe de minorités visibles ne bénéficiera pas du même stéréotype. Elle ne semble pas avoir de mérite. Par contre, si ces personnes sont évaluées uniquement sur la base de leur dossier, sans que le nom de famille identifie l'origine ethnique, par exemple, et en ne tenant compte que de leurs qualifications, on ne pourrait peut-être pas faire une distinction entre qualifications réelles et leur condition sociale.

L'idée de mérite est bien arbitraire. Des obstacles systémiques empêchent et ont toujours empêché des gens de décrocher un emploi. La législation sur l'équité en matière d'emploi ne propose pas qu'on embauche les personnes non qualifiées. Elle ne propose pas qu'on embauche les personnes à cause de leur race, leur sexe ou leur condition physique. Elle propose qu'on élimine les obstacles systémiques et qu'on embauche des personnes qui sont qualifiées malgré leurs différences.

Dans un monde parfait, sans racisme, sans discrimination, on n'aurait pas besoin de telles lois. Pourtant, dans un monde où des employeurs ne veulent pas embaucher quelqu'un parce qu'ils devront élargir leurs portes pour permettre l'accès à un fauteuil roulant, où 25 p. 100 des femmes sont harcelées sexuellement dans leur milieu de travail, où les femmes handicapées et les immigrantes sont plus pauvres que les hommes, on a besoin de cette loi. La réalité est qu'actuellement, le milieu de travail n'est pas basé sur le mérite, n'est pas égal et n'est pas juste. Sans loi, il n'y aura pas de justice.

Le texte de la motion n'est acceptable que très partiellement. Les mots «égalité de tous les Canadiens» sont très beaux et représentent un concept idéal. Mais malheureusement, nous sommes encore loin de cet idéal, surtout pour les femmes, les autochtones, les personnes handicapées, les minorités visibles. Et c'est heureusement pour ces personnes que nous adoptons des mesures législatives sur l'équité en matière d'emploi. Pour qu'elles puissent un jour avoir accès également aux mêmes emplois que les hommes, et se sortir enfin de la pauvreté dans laquelle notre système les maintient.

(1525)

[Traduction]

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, en tant que membre du comité qui examinait la mesure législative sur l'équité en matière d'emploi, je sais que 90 p. 100 des témoins qui ont comparu devant le comité appuyaient cette mesure législative. Cependant, je sais aussi que cela tient probablement plus au choix que l'on a fait de ces témoins qu'à l'avis réel de la population canadienne.

Je viens tout juste de faire un sondage téléphonique dans ma circonscription. Ma circonscription est située en banlieue de Vancouver. C'est l'une des collectivités les plus multiculturelles de la région, avec un pourcentage élevé d'immigrants et au moins 50 p. 100 de femmes, j'en suis certaine.

Au cours de ce sondage, j'ai obtenu les résultats inverses. Quatre-vingt-dix pour cent des répondants étaient contre tout critère d'embauche autre que le mérite. C'est pourquoi les commentaires que la députée a faits au sujet du mérite m'ont intéressée. En fait, les Canadiens trouvent que le mérite constitue un excellent critère pour l'embauche.

La députée a parlé des femmes dans le milieu de travail. Elle a dit que les femmes gagnaient 73 p. 100 du salaire moyen et que 78 p. 100 des postes de gestion, dans la fonction publique, étaient occupés par des hommes. Ma collègue sait-elle que cela est peut-être attribuable à un choix ou au facteur temps pour ce qui est de l'entrée sur le marché du travail? Sait-elle qu'il y a actuellement beaucoup plus de femmes que d'hommes qui font des études supérieures? Le salaire moyen des femmes au sortir de


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l'université est égal à celui des hommes, sinon légèrement plus élevé.

Pense-t-elle que les femmes aient le droit de choisir de ne pas travailler à temps plein? Ont-elles le droit, si elles le désirent, de rester à la maison avec leur famille, ou estime-t-elle qu'une femme devrait nécessairement travailler à temps plein et réclamer un salaire égal à travail égal? Une femme peut-elle choisir de travailler moins si elle estime que ses priorités sont ailleurs?

[Français]

Mme Gagnon (Québec): Monsieur le Président, je vais répondre aux trois questions de ma collègue. Quand elle dit qu'elle a fait un petit sondage auprès des communautés culturelles, j'aimerais bien le voir, parce qu'un sondage est censé être scientifique afin de savoir dans quelle perspective et dans quel ordre sont posées ces questions. On sait que quand on fait un sondage, on peut avoir des réponses totalement différentes, dépendant de la façon dont on pose la question et quel est son échantillonnage.

Donc, je vais la ramener au comité. On y a entendu beaucoup de communautés culturelles et ces dernières réclament le maintien de la loi et elles font partie d'un des groupes qui a le moins progressé. Donc, j'aimerais bien voir le petit sondage de la députée et on pourrait peut-être analyser, sur une base scientifique, les réponses que la population de son comté lui a données. J'aimerais bien le voir, mais je sais que les communautés culturelles qui se sont présentées au comité allaient à l'opposé de ce que dit ma collègue.

En réponse à sa deuxième question, les pourcentages que j'ai donnés sont des pourcentages qui ont cours dans la fonction publique du Canada, où déjà on a une Loi sur l'équité en matière d'emploi. Je pourrais souligner à ma collègue que les femmes sont peu représentées dans les postes de direction et c'était cela que je déplorais. Ma collègue a peut-être d'autres statistiques, mais il y a quand même des statistiques qui sont reconnues et qui justement font état d'une situation déplorable par rapport à la présence des femmes dans les postes de direction.

Ma collègue a aussi abordé la question du choix des femmes de rester à la maison. Je n'ai rien contre le fait qu'une femme veuille bien rester à la maison et élever ses enfants. Je n'ai pas à dicter la conduite quotidienne des femmes. Par contre, ce que je veux, c'est qu'il y ait des mesures qui soient équilibrées et qui favorisent l'intégration de différents groupes dont font partie les femmes, afin d'avoir accès à des emplois bien rémunérés, à des emplois stables et à de bonnes conditions d'emploi. On sait bien que les femmes occupent un grand nombre d'emplois précaires et l'expression «emploi précaire» veut dire sans bénéficier d'aucun avantage social au sein de la compagnie ou de l'entreprise qui embauche une femme.

(1530)

Donc, si les femmes désirent rester à la maison et avoir ce choix, je suis bien d'accord. Par contre, quand elles désirent investir le marché du travail, il faut permettre aux femmes et aux groupes désignés non favorisés que tous les moyens soient mis à leur disposition, que des mesures leur permettent d'occuper des emplois bien rémunérés et qu'ils aient aussi la confiance et la respectabilité de l'employeur.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): D'après ce que les greffiers m'ont dit, je crois comprendre qu'on a dérogé au principe de l'alternance à plusieurs reprises aujourd'hui. Avec tout le respect que je dois à mes collègues de la Chambre, j'aimerais maintenant donner la parole à un député du parti d'opposition qui a présenté la motion. Le parti ministériel pourra intervenir ensuite.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole sur la motion sur l'équité en matière d'emploi présentée par le Parti réformiste en cette journée de l'opposition.

Je rappelle l'énoncé de la motion:

Que la Chambre dénonce la politique d'équité en matière d'emploi du gouvernement comme inutile, inefficace, coûteuse, impopulaire, envahissante, discriminatoire et nuisible aux groupes désignés et non désignés; que la Chambre reconnaisse l'égalité de tous les Canadiens en proclamant que l'embauche et la promotion doivent se faire uniquement en fonction du mérite plutôt que du sexe et de la race; et que les pratiques d'emploi discriminatoires soient plus vigoureusement combattues sur une base individuelle, au cas par cas.
Selon le Parti réformiste, l'équité en matière d'emploi doit s'appuyer sur le principe de l'égalité de tous les Canadiens. Nous croyons que tous les Canadiens sont égaux, nonobstant leurs caractéristiques personnelles telles que leur race, leur groupe ethnique, leur sexe ou la région du pays qu'ils habitent.

Nous croyons dans l'égalité des chances sur le marché, mais nous sommes bien conscients que cette égalité ne donne pas nécessairement des résultats égaux. Le concept et l'idéologie qui sous-tendent le principe de l'équité en matière d'emploi défendu par notre gouvernement sont passablement différents.

Ce principe vise à identifier des groupes précis de la société qui ont manifestement été victimes de discrimination et qui, par conséquent, sont défavorisés. Plus précisément, le gouvernement a identifié quatre groupes, soit les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles.

Le concept de l'équité en matière d'emploi et ses applications pratiques me préoccupent pour diverses raisons. J'entends démontrer que l'équité en matière d'emploi repose sur un certain nombre d'hypothèses fausses.

Un fait qui me préoccupe beaucoup, c'est que le gouvernement actuel prétend appuyer le principe de l'égalité de tous les Canadiens. Or, le principe même de l'égalité en matière d'emploi et la philosophie dont il s'inspire vont à l'encontre du principe de la véritable égalité.

Comment peut-on respecter le principe de l'égalité si certains groupes bénéficient, en vertu de lois et règlements d'équité en matière d'emploi, d'un traitement de faveur concernant l'embauche, le recrutement et les promotions dans les secteurs public et privé?


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La Charte des droits et libertés est la meilleure illustration de cette contradiction. Le paragraphe 15(1) de la Charte stipule:

La loi ne fait exception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.
Ce paragraphe de la Constitution déclare que tous les citoyens sont égaux et interdit la discrimination fondée sur certaines caractéristiques. Or, le paragraphe qui suit illustre la contradiction entre cet énoncé et le principe de l'équité en matière d'emploi. Le paragraphe 15(2) stipule:

Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire des lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.
Comment la Charte des droits et libertés peut-elle reconnaître que tous les citoyens canadiens sont égaux et déclarer par ailleurs que le principe de l'égalité ne s'applique pas dans certains cas?

(1535)

Certains font valoir que l'équité en matière d'emploi est nécessaire parce que certains groupes au sein de notre population ont dans le passé été désavantagés. Examinons cette question.

Jusqu'en 1967, la majorité des immigrants canadiens étaient d'origine européenne et caucasienne. Depuis, la composition de l'immigration canadienne s'est modifiée; elle s'est sans aucun doute améliorée. De nombreux immigrants originaires de toutes les régions du monde ont des revenus élevés. La plupart des minorités visibles au Canada sont composées, du fait des politiques gouvernementales, d'immigrants ou d'enfants d'immigrants. Si j'en reviens à la philosophie originale, comment peut-on affirmer dan ce cas que ces personnes ont été désavantagées dans le passé?

Les sondages ont démontré que certains groupes de minorités visibles sont parmi les mieux rémunérés. En outre, beaucoup viennent de milieux très favorisés et très instruits, mais pourtant, ils sont promus et protégés par les lois sur l'équité en matière d'emploi. À l'inverse, d'autres groupes identifiables, qui ne sont pas inclus dans la catégorie des minorités visibles, ont des revenus peu élevés et risquent de faire face à une véritable discrimination en milieu de travail. Le projet de loi passe ces personnes sous silence. Elles sont réputées moins égales parce qu'elles ne sont pas comprises dans la définition qu'on donne de ce groupe.

Le gouvernement entend promouvoir la notion d'objectifs quantitatifs et d'équité en matière d'emploi et ira même jusqu'à dire que ces mesures ne doivent jamais être considérées comme des quotas ou de l'action positive.

Je vais prendre quelques instants pour situer le débat actuel dans son contexte historique, car il jette beaucoup de lumière sur l'intention et l'orientation du projet de loi dont nous sommes saisis.

Dès 1979, la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada a établi sa directive sur l'action positive pour que le ministère s'en serve comme outil de consultation. Puis, en 1983, le député de Windsor-Ouest, qui était alors président du Conseil du Trésor, a introduit dans la fonction publique un programme obligatoire d'action positive. Même au début, on refusait carrément d'avouer ce que signifiait réellement des quotas d'emploi fondés sur la race. À l'époque, il avait dit: «Les objectifs quantitatifs que nous introduirons dans le programme d'action positive ne sont pas des quotas.» On répète ces paroles encore aujourd'hui, mais signifient-elles vraiment quelque chose?

Le rapport de 1984 de la commission royale fédérale suscite un intérêt particulier. Le juge Abella était le président et le seul membre de cette commission qui a rédigé le rapport «Égalité en matière d'emploi». L'expression «équité en matière d'emploi» y figurait pour la première fois. Le juge Abella avait rejeté l'ancienne expression «action positive» pour des raisons purement pragmatiques.

Dans son rapport, elle a expliqué ce qui motivait l'adoption de la nouvelle expression de la façon suivante: «On ne sacrifie aucun grand principe en remplaçant des définitions contestées par de nouvelles, qui sont plus précises et qui favorisent un débat plus constructif.» C'est donc pour des fins pratiques que l'expression «équité en matière d'emploi» a remplacé celled'«action positive».

De plus, c'est réellement par euphémisme que les textes législatifs utilisent l'expression «objectifs quantitatifs» de préférence à «quotas». Dans le projet de loi C-64, qui a récemment fait l'objet d'un débat par la Commission des droits de la personne, il est question d'objectifs quantitatifs et de quotas. L'alinéa 10(1)d) exige que l'employeur inclue des quotas dans son plan d'équité en matière d'emploi. Conformément à cet alinéa, l'employeur tient compte des «objectifs quantitatifs à court terme de recrutement et d'avancement des membres des groupes désignés visant à corriger l'analyse dans chaque catégorie professionnelle où il existe une sous-représentation, de même que les mesures à prendre chaque année en vue d'atteindre ces objectifs».

On trouve un autre renvoi aux quotas dans le rapport annuel du Conseil du Trésor sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique. La philosophie des objectifs et des quotas est expliquée en détail dans tous les aspects de l'emploi, du recrutement, de l'avancement et même de la cessation d'emploi. Elle se présente sous forme de chiffres, les pourcentages et les totaux étant répartis selon diverses catégories. Le problème, c'est que le monde n'a pas une configuration aussi nette. Les chiffres ne reflètent pas la réalité.

Nous en arrivons ainsi à une troisième hypothèse générale sur l'équité en matière d'emploi. Cette hypothèse porte que, si ces objectifs ou ces quotas quantitatifs ne reflètent pas la diversité calculée de notre société, on en conclut qu'il existe une discrimination systémique au sein de notre société.

(1540)

Permettez-moi de m'arrêter un instant sur la notion de discrimination systémique. Le rapport Abella et toutes les mesures législatives qui l'ont suivi se fondent sur la conviction selon


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laquelle le racisme, sous forme de discrimination systémique, est très répandu au sein de notre société.

Les auteurs du rapport Abella mentionnaient que, partout au Canada, des personnes qui n'étaient pas de race blanche se plaignaient de comportements racistes, et que celles-ci étaient incontestablement victimes d'une discrimination manifeste et injuste. Je précise que ce rapport a été pondu par une commission qui s'est déplacée d'un bout à l'autre du pays.

Qui souhaite se faire entendre par un tel comité? Ceux qui sont heureux de leur sort vont-ils se donner la peine d'aller témoigner? Je ne pense pas. En fait, il existe peut-être déjà une distorsion dans cette déclaration initiale quant à l'existence d'une discrimination systémique.

Le Canada est-il un pays raciste? Cela pourrait être l'argument le plus convaincant en faveur d'un programme d'action positive comme nous en avons ici. Il existe des services responsables des questions d'équité partout dans la fonction publique et dans le secteur privé, de même que des organismes se préoccupant des relations interraciales, auxquels peuvent s'adresser les personnes qui estiment être victimes de discrimination ou de racisme.

Comme je l'ai dit, la plupart de ceux qui s'adressent à ces comités et organismes le font de leur propre volonté. Ils sont motivés par des circonstances particulières. Mais qu'en est-il de l'ensemble de la population? C'est un fait que le racisme existe. Je pense qu'il existe un certain degré de racisme au sein de toutes les sociétés. Toutefois, je pense aussi que le Canada est loin d'être le pire pays à cet égard. Notre opposition à ce projet de loi est en partie liée au fait qu'il faut se méfier d'une mesure législative qui, selon nous, favoriserait une attitude raciste au Canada, en divisant la population de notre beau pays au lieu de l'unir.

Le racisme se limite-t-il à une seule race? Les médias associent constamment les termes «blanc» et «raciste». Même l'expression «discrimination à rebours», dont on a discuté aujourd'hui, suppose que la discrimination existe seulement dans un sens, c'est-à-dire qu'elle est le fait des blancs à l'égard de ceux qui ne sont pas de race blanche. Je désapprouve ce point de vue. En réalité, les membres d'une race peuvent avoir une attitude raciste à l'endroit des membres de n'importe quelle autre race. Je ne pense pas que les blancs, ou une autre race, aient le monopole à cet égard.

Le racisme existe-t-il véritablement au Canada? C'est un élément de notre société comme n'importe quel autre. Permettez-moi de citer deux rapports. En 1991, le Conseil économique du Canada a publié un rapport intitulé Le nouveau visage du Canada: incidence économique et sociale de l'immigration. Dans ce rapport, le Conseil économique conclut que le Canada a remarquablement bien réussi à assimiler les immigrants de diverses souches. Il a établi que les immigrants n'étaient victimes d'aucune discrimination flagrante et que le niveau de tolérance à l'égard des immigrants était élevé et avait tendance à s'accroître.

En 1992, le Conseil économique du Canada a diffusé un autre rapport contenant une analyse comparative des gains des immigrants. Le rapport portait surtout sur la rémunération que touchaient les immigrants. Le conseil a découvert que le taux de chômage chez les immigrants était en fait inférieur au taux de chômage des citoyens nés au Canada. En guise de grande conclusion, le conseil affirmait qu'il n'avait pas observé de discrimination salariale systémique contre les immigrants fondée sur la couleur de leur peau.

Il importe de reconnaître la diversité de la société canadienne. Tout le concept de l'équité en matière d'emploi repose sur les statistiques brutes concernant la diversité de notre société. Certains soutiennent qu'il devrait y avoir équité en matière d'emploi dans le secteur public et, dans une moindre mesure, dans le secteur privé.

Toutefois, aux fins de l'équité en matière d'emploi, la diversité est évaluée au moyen d'un processus volontaire qu'on appelle l'auto-identification. Les personnes doivent déclarer si elles appartiennent à un groupe particulier, ce qui pourrait les rendre admissibles au programme d'équité en matière d'emploi. Cela pourrait causer un très grand problème au système qui nous est proposé. Les renseignements proviennent essentiellement des données du recensement de la population. On n'a évidemment aucun problème à déterminer le sexe des personnes. Le processus d'auto-identification laisse cependant à désirer, lorsqu'il s'agit de découvrir qui appartient à une minorité visible et qui est handicapé.

(1545)

Par exemple, pour déterminer si une personne appartient à une minorité visible, il faut suivre quatre étapes définies dans le cadre du programme de données sur l'équité en matière d'emploi mis sur pied par Statistique Canada. Première étape: les personnes doivent indiquer à quel groupe ethnique ou culturel appartenaient leurs ancêtres. Elles ont même le choix entre 15 possibilités. Deuxième étape: les personnes doivent mentionner dans quel pays elles sont nées. Si elles sont nées au Canada, elles doivent préciser dans quelle province ou dans quel territoire. Si elles sont nées à l'étranger, elles doivent préciser dans quel pays. Troisième étape: les personnes doivent déclarer leur langue maternelle. La quatrième étape tente de regrouper les personnes qu'on n'a pas pu classer au cours des trois premières étapes.

Ce processus n'est pas infaillible. Il ne donne pas de résultats précis. Il n'est pas exact et il est entièrement volontaire. Et pourtant, il est à la base du programme d'équité en matière d'emploi.

Le gouvernement se sert de la déclaration volontaire pour mettre en oeuvre son programme d'équité en matière d'emploi dans la fonction publique, mais là encore, c'est un échec lamentable. Par exemple, un formulaire de déclaration volontaire a été envoyé récemment à 1 700 employés de la Chambre des communes. Seuls 23 p. 100 d'entre eux ont rempli et renvoyé leur formulaire. Sur quoi cet employeur peut-il bien se fonder pour mettre en oeuvre une politique d'équité en matière d'emploi?

Un certain nombre d'autres raisons pourraient expliquer la discrimination alléguée. Étant volontaire, la déclaration ne donne pas de résultats précis. Je le répète, le processus n'est pas et ne doit pas être infaillible. Des raisons sociales, culturelles et éducationnelles peuvent expliquer, dans notre société, des disparités qui n'ont absolument rien à voir avec la discrimination.

L'insuffisance du programme de déclaration volontaire est illustrée de manière frappante dans une lettre publiée, le 28 février dernier, dans le Globe and Mail et dont je voudrais citer ici un extrait:


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Dans votre éditorial intitulé «Il est temps de débattre de l'équité en matière d'emploi» [. . .]vous soutenez que «les Canadiens qui contestent le programme de promotion sociale doivent le combattre en suivant le processus politique ordinaire.»
Mais le meilleur moyen de combattre la promotion sociale est pour ceux qui s'y opposent d'indiquer simplement sur leur formulaire de sondage qu'ils appartiennent à tous les groupes désignés. Si seulement 10 p. 100 des adversaires de la promotion sociale faisaient cela, tous les effectifs ou presque seraient considérés comme offrant une bonne représentation aux fins de l'équité en matière d'emploi. Cela libérerait les employeurs de l'obligation de remplir des quotas et ils pourraient embaucher les candidats les plus compétents, quelles que soient leurs caractéristiques biologiques.
La loi actuelle ne définit pas ce qui fait qu'on est membre de l'un ou de l'autre des groupes désignés. En fait, tout cela est extrêmement subjectif. Les employeurs doivent considérer que la déclaration volontaire des employés et des candidats est exacte. En outre, les sondages de la population active sont censés être confidentiels et la Loi canadienne sur les droits de la personne interdit aux employeurs d'exiger des employés ou des candidats à un poste qu'ils prouvent leur statut biologique. On peut dire qu'un tel sabotage de la bureaucratie de l'équité en matière d'emploi n'est pas illégal et il ne présente certes aucun risque pour les employés ni pour les employeurs.
Ainsi, les problèmes liés à des données comme celles de l'auto-identification volontaire ne peuvent être réglés. Par conséquent, le fondement même de l'équité en matière d'emploi est gravement vicié et cela l'illustre clairement.

Le Parti réformiste croit en la véritable égalité de tous les Canadiens, quelles que soient leurs caractéristiques personnelles. L'opposition du public au projet de loi est évidente dans la campagne en vue des élections qui auront lieu très bientôt en Ontario et où les deux vieux partis s'approchent de notre position sur cette question.

Le gouvernement voudrait nous faire croire que l'action positive qu'il propose éliminerait les obstacles et lutterait contre les multiples désavantages dont souffrent certains groupes. Cependant, j'estime que les programmes de quotas législatifs comme l'équité en matière d'emploi confèrent en fait des avantages ou désavantagent des candidats pour des questions de race, ce qui entraîne des divisions entre les gens en fonction de critères raciaux.

(1550)

Certains des plus fermes opposants que j'ai entendus en ce qui concerne ce projet de loi sont des gens qui connaissent des programmes semblables, comme ceux appliqués en Afrique du Sud.

Les programmes d'équité en matière d'emploi laissent entendre à tous, y compris à la personne en cause, que celle-ci a obtenu un emploi à cause de sa race ou de son handicap et non à cause de sa compétence et de ses connaissances. Ainsi, ce genre de projet de loi dévalorise les réalisations et les efforts des gens et les abaisse en les considérant comme des victimes. Il sépare les Canadiens entre sous-groupes se faisant concurrence tout en imposant des fardeaux inutiles à l'économie du pays et à notre bon sens des pratiques commerciales.

Nous avons une histoire faite de motifs variés et de détournement de citoyenneté. Nous avons un programme fondé sur l'hypothèse erronée de la discrimination systémique. Nous avons le déni du principe fondamental du mérite avec l'établissement de quotas et d'objectifs numériques, sans oublier la coercition et l'intervention du gouvernement qui se constatent dans des rapports, des amendes et des pratiques inquisitrices.

La position concurrentielle de notre pays sera assurée au mieux si on laisse les lois du marché jouer en matière d'emploi. Notre avenir et l'unité du pays seront assurés au mieux si l'on garantit l'égalité véritable des Canadiens, et cela, non pas par l'établissement de quotas, mais par le respect de l'égalité de tous les Canadiens et de leurs compétences réelles.

En somme, j'estime que le programme d'équité en matière d'emploi est gravement vicié tant en théorie qu'en pratique. J'invite les Canadiens à exprimer leur point de vue sur l'équité en matière d'emploi et le projet de loi C-64, dont le Parlement a été saisi.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, pour ce qui est des témoins entendus par le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, qu'il soit bien clair que le Parti réformiste avait soumis une liste et que beaucoup de personnes qui y étaient inscrites ont refusé l'invitation du comité. Le comité n'est absolument pas responsable de leur refus.

Deuxièmement, même à la dernière minute, d'autres témoins se sont désistés. Le comité qui étudiait le projet de loi sur l'équité en matière d'emploi ne pouvait rien y faire.

Troisièmement, la députée a déclaré au comité de direction que nous devrions étudier la question en comité plénier. Je laisse les députés penser ce qu'ils veulent de ceux qui se tracassent après coup.

La députée a dit que l'égalité des chances ne conduisait pas nécessairement à l'égalité des résultats. C'est exact. Cependant, elle ne s'est pas demandé quelles seraient les conséquences si l'incapacité de parvenir à l'égalité des résultats se traduisait par une discrimination systémique. La députée ne pense-t-elle pas que le meilleur moyen d'arriver à des résultats ne soit pas de procéder au cas par cas, mais d'agir au niveau des systèmes, par voie de législation et de programmes gouvernementaux?

La députée n'a pas cessé de parler d'embauchage préférentiel. C'est en plein là le mythe que l'on perpétue lorsque l'on veut se faire du capital politique, mais ce n'est pas faire preuve d'honnêteté envers les Canadiens. Elle prétend que l'embauchage devrait être fondé uniquement sur le principe du mérite et les qualifications, comme si les membres des groupes désignés-les femmes, les minorités visibles, les personnes handicapées et les autochtones-n'avaient aucune qualification et aucun mérite.

Des études ont démontré que ces personnes sont victimes de discrimination depuis des décennies. Pourquoi la députée continue-t-elle de prétendre que les objectifs numériques sont la même chose que les quotas? Dans le projet de loi, on lit au paragraphe 30(1):

Ni l'agent, ni le tribunal, dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont respectivement conférés par les articles 23 et 27, ne peuvent donner un ordre ou rendre une ordonnance qui:
e) [. . .]imposerait un quota [à l'employeur].


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(1555)

Il est très clair qu'il ne s'agit pas de quotas. Si le Parti réformiste posait sa question au peuple canadien, je suis convaincu qu'il obtiendrait la bonne réponse.

Mme Hayes: Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je répondrai à certaines de ces questions.

J'ai en fait participé aux travaux du comité. Je trouve intéressant que le président du Comité ne nie pas que 90 p. 100 des témoins étaient en faveur de la mesure législative. Bien d'autres témoins avaient été invités à comparaître. Sur la trentaine que nous avions proposée, quatre ont comparu.

Il est fort possible que certains n'aient pas pu se présenter ou que d'autres aient annulé. Nous n'en avons pas été informés à l'avance. Le gouvernement dit à présent que 90 p. 100 des témoins étaient en faveur de la mesure législative. À mon avis, il est en train d'utiliser un chiffre qui n'est pas représentatif des Canadiens pour servir ses propres intérêts. Je trouve ça inadmissible. Ces chiffres ne sont pas représentatifs de la société canadienne.

Une question a été posée au sujet de la discrimination systémique. Un terme que je trouve tout à fait inacceptable. J'ai essayé dans mon intervention d'expliquer que ce terme est utilisé pour appuyer la notion de l'équité en matière d'emploi tout en n'ayant pas à prouver qu'il y a eu discrimination dans un cas précis.

Ce terme confère un aspect global à une méthode de recrutement. Ainsi, sous prétexte que la discrimination est systémique, l'employeur peut faire preuve de discrimination à l'endroit de groupes qui ne font pas partie du groupe. Il établit une comparaison entre les employés en tant que groupe et la société en tant que groupe de sorte que, dans les cas individuels, on ne peut pas vraiment parler de discrimination. Je ne crois pas que la discrimination soit systémique. S'il existe des cas de discrimination, ils doivent être présentés comme des cas de discrimination individuels ainsi que le stipule notre motion.

Je ne nie pas les avantages d'avoir inclus toutes ces catégories dans la mesure législative. Notre parti a dit, effectivement, qu'il doit y avoir égalité des chances. Ce qui veut dire qu'il faut éduquer les gens, annoncer les postes de façon égale et juste, permettre l'accès à l'emploi à tous les groupes désignés et non désignés. C'est à ce niveau que devrait se situer l'action du gouvernement, et non pas au niveau des résultats.

Quand tous ces gens auront accès à l'emploi, alors le marché reflétera la vraie réalité du peuple canadien. C'est important pour le marché et c'est dans l'intérêt de notre pays.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps avec le député de Fredericton-York-Sunbury.

Je suis heureux de prendre la parole pour parler de la motion présentée par mon collègue de Fraser-Valley-Ouest. Je ne peux pas dire que je sois surpris que le député et son parti aient choisi de déplorer la politique d'équité en matière d'emploi.

Depuis le tout début des audiences sur le projet de loi C-64, qui concerne le respect de l'équité en matière d'emploi, devant le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, le député et son parti se sont opposés au principe et à la pratique de l'équité en matière d'emploi. Ils sont allés jusqu'à violer la tradition parlementaire en s'adressant à la presse pour se plaindre du projet de loi avant le début de l'étude article par article, en comité.

De toute évidence, le Parti réformiste cherchait à tout prix à attirer l'attention sur son programme politique. Déçus du peu de cas que les médias avaient fait de leur conférence de presse, ils ont entrepris de recourir à des manoeuvres dilatoires plutôt que de s'intéresser au fond du sujet pendant l'étude article par article du projet de loi.

Je vais maintenant parler point par point de la motion qui nous est soumise. Le Parti réformiste prétend que l'équité en matière d'emploi est inutile. Je le croirais si les députés d'en face pouvaient nous montrer que le milieu de travail canadien reflète la démographie des membres qualifiés des groupes désignés de la population active canadienne: les femmes, les minorités visibles, les autochtones, les handicapés. En fait, les documents prouvent l'inverse.

(1600)

Le Parti réformiste prétend que la politique est inefficace. En fait, l'étude faite par le Conference Board du Canada sur l'incidence de la législation actuelle révèle que ce qui a poussé les employeurs à prendre des initiatives en faveur de l'équité en matière d'emploi, c'est l'adoption, en 1986, de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Le Parti réformiste prétend que la politique est mal reçue. À cela, je répondrais que les témoins qui ont comparu devant le comité chargé d'étudier le nouveau projet de loi sur l'équité en matière d'emploi, et qui représentaient des milliers et des milliers de Canadiens, ont presque tous unanimement loué la portée et la force du projet de loi.

En outre, je rappellerais que l'équité en matière d'emploi est une question de justice, d'équité, de décence et de dignité humaine. En fait, l'équité en matière d'emploi érigée en loi et en politique s'applique à tous et profite à tous les Canadiens, qu'ils soient employeurs ou employés.

Le Parti réformiste prétend que l'équité en matière d'emploi est importune. À cela, je répondrais tout simplement que plus de 90 p. 100 des témoins qui ont comparu devant le comité ont dit approuver la politique et le projet de loi qui, selon eux, étaient favorables aux affaires.

Parmi les employeurs qui ont comparu comme témoins, citons l'Association des banquiers canadiens, l'Association canadienne des radiodiffuseurs, la Chambre de commerce du Canada, l'Association canadienne des manufacturiers et bien d'autres. Au nombre des témoins représentant le mouvement syndical se trouvaient, entre autres, le Congrès du Travail du Canada, l'Alliance de la fonction publique et la Confédération des syndicats nationaux. Ont également comparu d'autres groupes tels que les Femmes dans les métiers et les professions de pointe, l'Assemblée des premières nations, la Coalition des organisations provinciales, ombudsman des handicapés et le Conseil ethnocultu-


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rel du Canada. Ces témoins, tant les employeurs, les travailleurs que les groupes désignés, ont tous accueilli favorablement la politique gouvernementale sur l'équité en matière d'emploi.

Il faut souligner que les membres du groupe non désigné continuent d'être embauchés et représentent 55 p. 100 de la main-d'oeuvre, selon les plus récentes données de Statistique Canada.

Le Parti réformiste prétend que l'équité en matière d'emploi est discriminatoire. Je réponds que le projet de loi vise explicitement l'égalité et que l'égalité est l'antithèse même de la discrimination.

Le projet de loi a pour objet de réaliser l'égalité en milieu de travail, de façon que nul ne se voie refuser des avantages ou des chances en matière d'emploi pour des motifs étrangers à sa compétence. L'objectif est clairement énoncé à l'article 2 du projet de loi C-64. Par conséquent, je recommande fortement au Parti réformiste de relire cet article, sinon le projet de loi en entier. En fait, la discrimination dans les processus d'embauche et de promotion est l'injustice que veulent redresser la politique sur l'équité en matière d'emploi et la mesure législative connexe.

Le Parti réformiste propose «que la Chambre reconnaisse l'égalité de tous les Canadiens en proclamant que l'embauche et la promotion doivent se faire uniquement en fonction du mérite». Je suis heureux de voir qu'ils ont au moins compris ce point. Il est parfois profitable pour le Parti réformiste de tenir compte des conseils et des mesures législatives du gouvernement.

Le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi, dont la Chambre est maintenant saisie, stipule précisément, aux alinéas 6b) et c), que l'obligation de mise en oeuvre de l'équité en matière d'emploi n'oblige pas l'employeur à engager ou à promouvoir des personnes non qualifiées, mais qu'elle l'oblige par contre à se conformer au principe du mérite.

Le Parti réformiste prétend que nous pourrions lutter plus vigoureusement, au cas par cas, contre les pratiques discriminatoires dans l'emploi. Leur logique équivaut à dire: «Nous n'avons pas besoin d'intensifier la prévention de la criminalité, nous devons plutôt favoriser les interventions policières après coup. Inutile de prévenir le crime, tout ce qui compte c'est l'action policière. Il faut attraper les coupables et les mettre sous les verrous.» Telle est en effet la logique du Parti réformiste. Eh bien, je suis heureux de pouvoir affirmer que telle n'est pas la politique de mon gouvernement. Je suis persuadé que ce n'est pas non plus l'avis de la majorité des Canadiens.

(1605)

Pour ma part, j'estime que, là où subsistent des obstacles systématiques à la mise en oeuvre de méthodes d'embauche justes, une approche appropriée consisterait à procéder par la voie législative et à lancer d'autres initiatives de politique gouvernementale en matière d'éducation et de formation, par exemple, comme l'a mentionné le Parti réformiste. Cependant, à elles seules, l'éducation et la formation ne suffisent pas.

Mme Francine Arsenault, présidente des organismes provinciaux pour les personnes handicapées, a dit un jour, et je cite:

Les Canadiens handicapés et les groupes défavorisés ont travaillé d'arrache-pied pour améliorer notre navrant taux de représentation en milieu de travail au Canada. Nous avons lancé des programmes d'éducation et de sensibilisation. Nous avons essayé de faire appel à la bonne volonté, mais sans grands résultats. Les causes réelles de discrimination, ce ne sont pas les gens, mais bien les systèmes rigides.
Je fais ici une petite digression pour m'adresser à la générosité et à l'intelligence des réformistes dans l'espoir de toucher leurs esprits et leurs coeurs afin qu'ils retirent cette motion.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi exprime la volonté du gouvernement pour qui l'équité en matière d'emploi est une priorité et un droit pour tous les Canadiens se qualifiant pour un emploi, indépendamment de leur race, de leur sexe, de leur origine ou, le cas échéant, de leur handicap.

L'ironie de la situation est que cette motion du Parti réformiste est présentée au moment même où nous célébrons la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées. Il s'agit d'une semaine où nous nous penchons sur les obstacles à la participation pleine et entière des personnes handicapées à la vie communautaire, y compris au travail.

C'est une semaine où nous réaffirmons collectivement notre croyance dans l'égalité des possibilités et des réalisations pour tous. Cette semaine est l'occasion de décider collectivement d'éliminer les obstacles à une participation pleine et entière de toutes les personnes et de fournir les instruments, mesures législatives comprises, qu'il faut pour favoriser l'équité en matière d'emploi. Je me pose la question suivante: Les réformistes ont-ils du coeur?

Je demande aux réformistes de ne plus avoir peur de la discrimination à rebours, de ne plus avoir peur de la politique d'équité en matière d'emploi, de ne plus avoir peur de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, mais de craindre plutôt que l'équité en matière d'emploi pour les femmes, les minorités visibles, les peuples des premières nations et les personnes handicapées ne reste qu'un pieux rêve national.

Bref, le Canada doit continuer de caresser ce rêve national et s'efforcer par tous les moyens de le réaliser.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens ne sont pas idiots du fait qu'ils ne souscrivent peut-être pas aux arguments présentés à la Chambre par mon collègue d'en face.

Un sondage Gallup publié en 1993, qui porte justement sur les observations de ce député, a montré que 74 p. 100 des Canadiens s'opposaient aux programmes gouvernementaux d'équité en matière d'emploi. En Ontario, le gouvernement a annoncé un emploi vacant dans un journal gouvernemental en expliquant que le concours était ouvert seulement à certains groupes désignés. C'est ce vers quoi le projet de loi C-64 va conduire notre pays. Les groupes désignés étaient les autochtones, les francophones, les personnes handicapées, les minorités raciales et les femmes. En d'autres termes, qui est exclu? On a publié cela dans une annonce publicitaire du gouvernement. Est-ce là, en fin de compte, où va nous mener l'équité en matière d'emploi?

Je voudrais que le député me dise ce qu'il pense des deux études suivantes. Elles ont été effectuées sur le marché du travail et ont clairement montré qu'il n'y avait pas de discrimination. La première est l'oeuvre d'Arnold deSilva, du Conseil économique du Canada. À la page 34 de son étude, il a écrit que tout prouvait qu'il n'y avait pas de discrimination systématique contre les immigrants en fonction de leur couleur. À la page 37, il a conclu


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que les gens qui venaient de régions du tiers monde et qui arrivaient ici suffisamment jeunes pour obtenir l'éducation et l'expérience voulues au Canada s'en tiraient aussi bien que les gens nés au Canada, dans pratiquement tous les cas. Cette étude a été effectuée en 1992.

(1610)

Une autre étude, de Daniel Boothman, a conclu que les résultats du modèle de perte d'emploi utilisé montraient que les femmes avaient moins de chances de perdre leur emploi que les hommes, toutes choses étant égales par ailleurs. L'auteur a ajouté que le fait d'appartenir à une minorité visible n'avait pas d'effets importants sur les risques de perte d'emploi.

À la page 50, il signale que le fait d'être une femme accroît la probabilité d'une promotion, dans le cadre du modèle utilisé, que cet effet est important, puisqu'il tourne autour des 10 p. 100, mais que l'appartenance à une minorité visible n'a pas de répercussions importantes.

Enfin, en conclusion, il précise qu'il n'y a pas de preuve évidente que les femmes et les membres des minorités visibles sont désavantagés pour ce qui est de changer d'emploi.

Je voudrais demander au député s'il a étudié ces points de vue et les a insérés dans son exposé.

M. Pagtakhan: Monsieur le Président, on ne peut pas tromper les Canadiens. J'ai confiance en eux.

Je ne sais pas si le Parti réformiste a pris connaissance de ce questionnaire et des questions qu'il renfermait, et si les explications étaient adéquates. Comme je l'ignore, je ne ferai pas de commentaires là-dessus.

Le député a aussi parlé de postes qui étaient annoncés et qui limitaient l'embauche à certains groupes désignés. Cela va à l'encontre de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce n'est pas le but de cette mesure législative. Le projet de loi C-64 ne fermera pas les yeux sur une telle pratique. Si le député a connaissance d'une telle pratique, il a l'obligation, en tant que citoyen, d'en faire part à la Commission canadienne des droits de la personne et de déposer un grief. Je l'appuierai dans sa démarche.

Pour terminer, à l'heure actuelle, si l'on en croit l'étude que je n'ai pas vue, il n'y a pas de discrimination au sein de la main-d'oeuvre. Je suis prêt à admettre, aux fins de la discussion, qu'il n'y a pas de discrimination contre les minorités visibles. Supposons donc, aux fins de la discussion, que c'est un fait. Il a dit que l'étude avait été réalisée en 1992. La loi actuelle a été adoptée en 1986.

J'en conclus que la loi fonctionne bien. Conservons-la pour maintenir une saine égalité au Canada.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, tous les sondages menés auprès de n'importe quel groupe montrent assez bien que la population en général n'est pas favorable à ce projet de loi d'initiative gouvernementale. Une multitude de sondages nous révèlent que 80 p. 100 des Canadiens s'opposent à des projets de loi de ce genre.

Je voudrais interroger le député qui préside le comité au sujet de certaines choses qui se sont passées au comité. Serait-ce la raison pour laquelle le gouvernement, avec l'accord des deux partis d'opposition, a décidé de renvoyer le projet de loi directement au comité après sa première lecture?

Les partis d'opposition pensaient qu'ils auraient une occasion raisonnable de l'examiner article par article. Cependant, lors de l'étude en comité, ils ont constaté que le président avait décidé de limiter le débat à cinq minutes par article, de sorte qu'il était manifestement impossible d'examiner le projet de loi. Est-ce là une façon juste et ouverte de procéder, ou tout simplement un moyen pour le gouvernement de passer des choses en douce, si bien que 80 p. 100 des Canadiens qui s'opposent à ce projet de loi ignorent que le gouvernement fait la même chose avec celui-ci?

M. Pagtakhan: Monsieur le Président, il existe une règle de droit fondamentale. Il est très dangereux de se fier à des ouï-dire. Si je me souviens bien, le député n'a pas assisté à une réunion de notre comité. J'en ai peut-être manqué une.

Ensuite, le député devrait vérifier le compte rendu avant d'affirmer que le président a décidé de limiter le débat à cinq minutes par article.

M. Abbott: Les membres libéraux du comité en ont décidé ainsi.

(1615)

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. La période des questions et des observations est écoulée. J'ajouterais que, en parlant de ce qui s'est passé au comité, le député s'éloigne passablement du sujet de la motion que le Parti réformiste a présentée aujourd'hui. Je vous rappelle que nous devons être raisonnables. Nous reprenons le débat.

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, c'est pour moi un grand honneur de participer au débat d'aujourd'hui. Je remercie le député de Winnipeg-Nord d'avoir partagé son temps de parole avec moi.

Je considère comme un grand honneur de prendre la parole à la Chambre au sujet de la motion présentée par le député de Faser Valley-Est. Cette motion condamne le gouvernement pour ses politiques d'équité en matière d'emploi, notamment le projet de loi C-64. Je dois avouer en toute franchise que j'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi cette motion a été présentée puisqu'elle va à l'encontre de deux des valeurs les plus chères aux Canadiens, soit la justice et l'égalité.

Le député de l'opposition a raison cependant lorsqu'il affirme que le gouvernement tient beaucoup à assurer l'égalité des chances à tous les Canadiens. Cela n'a rien d'étonnant puisque le livre rouge déclare clairement que nous voulons un pays où chacun puisse se voir comme quelqu'un qui contribue et participe et non pas comme un poids ou une personne à charge. Il souligne également notre volonté de construire un pays caractérisé par l'intégrité, la compassion et la compétence.


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Compte tenu de notre attachement à ces valeurs, il n'est pas surprenant que nous appuyions l'égalité en matière d'emploi, qui n'est, somme toute, qu'un moyen de faire preuve d'équité dans la vie courante. C'est ce que tend à faire le projet de loi C-64.

Pourquoi ce projet de loi est-il nécessaire? L'actuelle Loi sur l'équité en matière d'emploi a permis de réaliser certains progrès, mais les statistiques récentes montrent qu'il reste encore beaucoup à faire puisque le nombre d'employés visés par la Loi sur l'équité en matière d'emplois a diminué de 4,27 p. 100 en 1993, soit près de 26 000 personnes. Cette diminution est attribuable en grande partie aux mises à pied qui ont résulté de la récente période de ralentissement économique dont nous venons juste de sortir. Malheureusement, les membres des groupes désignés visés par le projet de loi C-64 ont été dans bien des cas les plus durement touchés.

Le nombre de personnes comprises dans les groupes désignés s'est accru, mais ces personnes ont été moins nombreuses à trouver un emploi. De ceux qui ont trouvé du travail, la plupart n'ont pas profité des salaires et des chances d'avancement dont jouissent les autres travailleurs canadiens.

Bon nombre de femmes, d'autochtones, de personnes handicapées et de membres de minorités visibles se trouvent toujours au plus bas niveau économique et social. On ne peut évidemment pas dire que le problème ne regarde qu'eux. C'est un problème qui nous concerne tous, parce que le fait de restreindre leur participation à l'activité économique de notre pays nuit également à la compétitivité du milieu des affaires.

Il est de plus en plus évident qu'une main-d'oeuvre diversifiée profite aux entreprises en leur assurant un meilleur accès à un plus grand nombre de personnes qualifiées. Beaucoup d'entreprises s'aperçoivent maintenant qu'en embauchant une main-d'oeuvre représentative de la diversité canadienne et en lui offrant des chances d'avancement ou de recyclage, elles s'assurent un service à la clientèle plus efficace et plus fiable. En effet, jouir d'une expérience et de points de vue variés est un avantage, et non un fardeau.

Comment ce projet de loi assure-t-il une formule équilibrée? Contrairement à ce que le député et les autres membres de son parti peuvent penser, le projet de loi dont nous sommes saisis n'est pas un exercice radical et insensé qui ne tient aucun compte des besoins concrets engendrés par la conjoncture. C'est au contraire un document modéré et réfléchi, qui cherche à promouvoir l'égalité des chances en milieu de travail sans imposer de réglementation trop lourde aux entreprises, qui doivent déjà faire face à une concurrence de plus en plus féroce sur le marché mondial.

Cette formule équilibrée se constate dans toutes les modifications prévues dans le projet de loi. Par exemple, la mesure vise à encourager les employeurs à faire quelque chose pour diminuer la sous-représentation des groupes désignés, mais elle n'exige pas qu'ils engagent du personnel non qualifié, ni qu'ils créent de nouveaux postes, qu'ils imposent des contraintes excessives à leur personnel ou qu'ils aillent à l'encontre du principe du mérite.

De la même façon, la mesure n'impose pas de quotas, comme cela a été le cas ailleurs. Nous avons entendu des représentants des groupes désignés réclamer un mécanisme d'application efficace, mais nous avons aussi reçu des représentants de l'entreprise qui nous ont demandé de ne pas leur imposer une masse de règlements à appliquer et de paperasses à gérer. Nous avons donc élaboré une série de modifications qui conjuguent l'aspect pratique et la justice, de manière que tout le monde y trouve son compte.

(1620)

Par ailleurs, de nombreuses modifications du projet de loi sont plutôt d'ordre administratif, puisqu'elles étendent simplement au secteur public des exigences qui s'appliquent actuellement au secteur privé. Il est juste qu'il en soit ainsi.

Enfin, le projet de loi élargira le mandat de la Commission canadienne des droits de la personne, qui pourra désormais effectuer des vérifications auprès des employés des secteurs public et privé, afin de veiller à l'observation de la loi. Même à cet égard, nous faisons en sorte qu'il y ait un équilibre face au tribunal de l'équité en matière d'emploi.

Les Canadiens ont raison d'être fiers des valeurs fondamentales qui caractérisent notre pays. Au coeur de notre système de valeurs, il y a le souci d'assurer l'égalité des chances et la justice pour tous les Canadiens. La Loi sur l'équité en matière d'emploi adoptée en 1986 a permis un véritable progrès en vue de garantir une meilleure égalité d'accès à l'emploi. Il reste encore beaucoup à faire. La mesure dont nous sommes saisis nous permettra de franchir un autre grand pas, pour que tous les Canadiens puissent bénéficier d'une égalité des chances face à l'emploi et à l'avancement. En même temps, elle cherche à établir un équilibre essentiel entre l'idéal et la réalité économique.

Les politiques gouvernementales sur l'équité en matière d'emploi ne sont ni envahissantes ni discriminatoires et elles n'alourdissent pas le fardeau des coûts pour les entreprises canadiennes, comme la motion du député le laisse entendre. Elles sont plutôt justes et conformes à l'engagement du Canada, qui consiste à faire en sorte que tout Canadien, peu importe le sexe, la race ou les qualités physiques, ait une chance de réaliser son potentiel, d'obtenir un emploi satisfaisant et de contribuer au bien-être social et économique du Canada.

L'équité en matière d'emploi n'est pas un obstacle au progrès, mais bien un catalyseur pour progresser dans la vie professionnelle et pour stimuler la concurrence des entreprises canadiennes dans une économie mondiale toujours plus exigeante. Mais elle vise d'abord à mettre en pratique les valeurs qui caractérisent le Canada, soit la justice, l'équité et l'égalité pour tous. En conséquence, je m'oppose à la motion, mais j'appuie le projet de loi dont la Chambre est saisie et j'invite tous les députés à l'approuver également.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux questions à poser au député à la suite de son intervention.

Nous n'avons évidemment pas le temps d'entrer dans les détails du projet de loi, mais il a dit que les objectifs numériques n'étaient pas des quotas et qu'il ne fallait pas s'inquiéter.

Lyn McLeod a dit, lors du débat des chefs tenu ici en Ontario le 18 mai avec Bob Rae, que les objectifs numériques étaient des quotas, purement et simplement. Je voudrais savoir s'il est d'accord avec le chef du Parti libéral de l'Ontario, selon qui les


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objectifs numériques sont simplement un euphémisme pour désigner les quotas.

La GRC embauchera cette année 426 personnes, dont 125 seront des membres de minorités visibles, 125 seront des femmes, 95 seront des autochtones, tandis que le reste sera recruté dans la société en général. On ne parle cependant pas de quotas. Pense-t-il qu'il s'agisse là de quotas ou de quelque chose d'autre que des quotas? Cela m'a pourtant l'air de quotas.

Je voudrais donc qu'il réponde à ces deux questions toutes simples. Est-il d'accord avec Lyn McLeod et trouve-t-il que les chiffres que j'ai cités à propos de la GRC ont l'air de quotas?

M. Scott (Fredericton-York-Sunbury): Monsieur le Président, je suis vraiment étonné de voir que le parti du député est incapable de parler de la nécessité d'une certaine réparation collective à l'égard d'une représentation déficiente.

Je viens de la région de l'Atlantique. Nous avons toujours eu un peu l'impression d'être en marge du pays. J'éprouve une certaine sympathie pour les gens qui trouvent que les structures de pouvoir en place ne fonctionnent pas toujours en leur faveur.

Tout ce que j'ai lu et tout ce que j'ai entendu de la part du parti du député touchant leurs origines tourne autour de thèmes comme l'aliénation de l'Ouest et ainsi de suite. Il me semble qu'il devrait exister une certaine affinité entre le parti du député et les gens pour qui le système ne fonctionne pas aussi bien que pour les autres. Le député se livre à de la politicaillerie en citant ainsi les propos que quelqu'un d'autre a pu tenir dans un autre débat.

(1625)

Le sujet de discussion se résume en fin de compte à une question de principes fondamentaux. Nous devons comprendre que le système ne fonctionne pas également bien pour tout le monde. J'ai entendu dire de la bouche de plusieurs membres du parti du député que c'est bien le cas et qu'il faut par conséquent prendre certaines mesures pour veiller à ce que le système fonctionne à l'avantage de tout le monde. Je trouve regrettable qu'un député représentant un parti qui aborde souvent ce thème-là refuse le même accès aux gens pour qui le système ne fonctionne manifestement pas aussi bien que pour quelqu'un comme moi. Je suis en effet un homme blanc et un Canadien de la septième génération.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, je pense que le député ne m'a toujours pas dit s'il s'agit de quotas ou simplement d'objectifs plus ou moins définis?

J'aimerais élaborer quelque peu sur cette question. Je crois sincèrement que, dans les secteurs où de tels programmes ne sont pas en place, qu'il s'agisse de programmes d'équité en matière d'emploi, de quotas ou autres, le nombre de personnes qui sont employées par les grands employeurs, du moins dans la région d'où je viens, en Alberta, est sensiblement proportionnel au nombre de personnes faisant partie des différents groupes désignés .Il ne s'agit que d'une observation générale, mais je pense qu'elle est juste.

Mme Pierrette Ringuette-Maltais: Aux yeux de l'observateur.

M. Epp: Non, je pense que c'est effectivement le cas.

J'aimerais vraiment que le député réponde à cette question: Un quota est-il la même chose qu'un objectif quantitatif? Si ce n'est pas le cas, en quoi les deux diffèrent-ils et en quoi sont-ils identiques?

M. Scott (Fredericton-York-Sunbury): Monsieur le Président, je suis bien au courant de la question des quotas et des objectifs. Dans une autre vie, j'ai participé à l'élaboration de la politique sur les langues officielles, au Nouveau-Brunswick. Une bonne partie des tentatives faites ici pour quantifier les efforts consentis afin de trouver une solution collective aux lacunes du système n'a rien d'originale. D'aucuns essaient toujours de fixer les positions de façon à pouvoir ensuite critiquer le gouvernement.

La réponse est non. Il s'agit d'objectifs que l'on s'efforce d'atteindre, mais ce ne sont pas des quotas.

Le président suppléant (M. Kilger): Le député de Prince George-Peace River. Je crois savoir que vous voulez partager votre temps. Pouvez-vous en donner confirmation à la présidence?

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Non, monsieur le Président, je ne prendrai pas les 20 minutes qui me sont accordées.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de participer au débat et d'appuyer la motion proposée par mon collègue de Fraser Valley-Est.

Je m'inquiète de plus en plus de la direction vers laquelle le gouvernement entraîne le Canada. Le gouvernement libéral semble croire qu'il peut légiférer dans les domaines des valeurs canadiennes et de l'évolution sociale. Toutefois, l'histoire montre que les solutions imposées ne sont pas très populaires. On s'en méfie.

D'après le courrier que je reçois, il semble que la mentalité qui dicte les changements de politique à Ottawa ne correspond pas aux valeurs ou aux convictions de la plupart des Canadiens vivant hors des grands centres urbains. En fait, je ne suis même pas sûr qu'elle corresponde aux opinions de la plupart des gens qui vivent à Toronto ou à Ottawa.

Le gouvernement soutient que la société est responsable de ce que les gens font de leur vie. Pour une raison quelconque, les réussites personnelles n'ont plus rien à voir avec le mérite, l'initiative ou l'effort, mais tout à voir avec le fait qu'une personne fasse partie, selon la définition du gouvernement, du groupe à qui il faut accorder un traitement spécial. Tout cela n'est qu'une malencontreuse tentative visant à corriger les erreurs du passé. Lorsque j'étais jeune, j'ai appris qu'on ne guérit pas le mal par le mal. De toute évidence, les libéraux n'ont jamais retenu cette leçon.

(1630)

Les réformistes croient en l'égalité des chances. Par exemple, à chances égales en matière d'éducation et d'emploi, le succès des gens repose essentiellement sur leurs épaules. Chaque personne doit accepter la responsabilité pour les choix qu'elle fait dans la vie, qu'elle préfère se livrer aux crimes ou endurer un


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niveau de vie inférieur pendant qu'elle poursuit des études universitaires. À la fin des études, tout le monde a droit au même traitement sur le marché du travail. Un traitement préférentiel fondé sur la couleur de la peau est aussi raciste que la discrimination. L'équité en matière d'emploi est discriminatoire par définition et est donc illégale.

Ce n'est pas avec une loi qu'on peut changer la société. Les tentatives libérales de sociologie appliquée ont été catastrophiques et ont divisé encore davantage la société canadienne. Par exemple, une loi libérale nous a donné le multiculturalisme, qui fait la promotion de nos différences plutôt que de nos similitudes. Elle fait de nous des Canadiens d'origine étrangère et demande que nous nous définissions en fonction de la couleur de notre peau, du pays de nos ancêtres ou, si toute autre catégorisation est impossible, de notre langue. Nous n'avons pas le droit d'être rien que des Canadiens. Le gouvernement actuel ne croit pas que cela existe.

Maintenant que le multiculturalisme a fait ressortir nos différences, le gouvernement veut institutionnaliser l'inégalité et le traitement préférentiel. Il veut diviser encore plus la population active au moyen d'un système de contingentement qui va reproduire une division artificielle des Canadiens fondée sur des caractéristiques arbitraires n'ayant aucun rapport avec leur capacité d'accomplir un travail. L'équité n'est pas l'égalité.

La députée de Western Arctic a dit plus tôt, aujourd'hui, qu'un traitement spécial n'est pas inéquitable. Comment le traitement spécial de groupes désignés entiers peut-il donc être gage d'égalité? De par sa nature même, un traitement spécial ne favorise pas l'égalité.

La même députée a dit qu'un seul et même traitement pour tous ne garantit pas l'égalité. Je suis d'accord avec la députée, mais pas pour les mêmes raisons. Les Canadiens devraient être assurés d'avoir des possibilités égales en matière d'éducation et d'emploi, notamment, et le droit de ne pas être victimes de discrimination pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leur compétence.

La députée conviendra sans doute, à la lumière de ses propres réalisations, que même si nous sommes tous traités de la même façon, nous ne suivons pas tous le même chemin dans la vie. Nous ne finissons pas tous boulanger de quartier ni dirigeant de multinationale. Nous sommes différents les uns des autres et nous ne visons pas tous les mêmes buts. Même traités de la même façon, des frères finissent par travailler dans des domaines totalement différents et par occuper des postes de niveaux divers. Des possibilités égales ne mènent pas forcément à des résultats égaux.

Chaque fois que le gouvernement actuel décide qu'il y a un problème, il essaie de le résoudre au moyen d'une réglementation accrue et d'une loi inopportune et peu judicieuse. Par exemple, c'est la même idéologie de réglementation excessive qui préside à la façon libérale de contenir la criminalité. Au lieu de cibler spécifiquement les contrebandiers d'armes et les criminels qui font un mauvais usage des armes, le gouvernement va forcer tous les propriétaires d'armes à enregistrer celles-ci. Cette approche au petit bonheur ne marche pas. Elle ne fait que créer d'autres emplois de gratte-papier alors que le gouvernement espère seulement que les criminels feront enregistrer leurs armes. Dans le cas de l'équité en matière d'emploi, l'employeur plein de préjugés se compromettra lui-même en remplissant toute la paperasse.

Je suis tout à fait en faveur de l'élimination de la discrimination, mais nous ne pouvons pas légiférer sur les comportements et nous ne pouvons pas imposer l'égalité à l'aide de lois. Il faut s'attaquer à ceux qui enfreignent la loi. Il ne faut pas créer d'autres règles et d'autres tracasseries administratives qui ne règlent rien. La sociologie appliquée ne fonctionne pas.

Les Canadiens sont en faveur de l'égalité; ils ne veulent pas qu'on crée davantage de groupes possédant des droits et des privilèges spéciaux. Ils veulent que l'on mette fin à la discrimination et non qu'on l'aggrave comme seul peut le faire le gouvernement libéral. Les Canadiens veulent avoir du succès en fonction uniquement de leur mérite personnel et de leurs réalisations, et non grâce à la couleur de leur peau ou de quelque autre critère arbitraire déterminé par le gouvernement.

Une politique d'équité en matière d'emploi mènera à l'inégalité. Elle provoquera l'intolérance dans notre société et entraînera une plus grande incompréhension entre les gens. L'élimination de l'intolérance et de la discrimination dans notre société est un objectif souhaitable.

Je mets en doute les moyens pris par le gouvernement pour atteindre cet objectif. Tout ce que le gouvernement obtiendra, c'est une plus grande intolérance. Avec l'équité dans l'emploi, comment un membre d'un groupe désigné pourra-t-il un jour être certain qu'il est arrivé où il est par ses efforts et son travail acharné? Même si cette personne sait qu'elle a mérité toutes ses promotions et toutes ses augmentations de salaire, comment en convaincra-t-elle les jaloux et les sceptiques? Le candidat qui n'obtient pas de promotion croira-t-il que c'est parce que celui qui l'a obtenue la mérite ou s'en prendra-t-il à l'équité dans l'emploi? Les employeurs seront-ils forcés de justifier chacune de leurs décisions?

(1635)

Avec le programme d'équité, toutes les promotions susciteront le doute, que ce soit parce que le candidat retenu fait partie d'un groupe désigné et que d'autres employés contestent ses qualifications ou parce que le candidat retenu ne fait pas partie d'un tel groupe et que le gouvernement veut savoir pourquoi l'entreprise n'a pas retenu une personne d'un groupe désigné.

Les entreprises privées devraient avoir le droit d'embaucher qui elles veulent. Cependant, je suis tout à fait d'accord pour qu'il y ait des poursuites lorsque l'on peut prouver qu'il y a discrimination systémique. Personne ne devrait subir de la discrimination sur le marché du travail. Les gens devraient être embauchés et promus en fonction de leur mérite. Il est vrai que nous n'avons jamais éradiqué les préjugés, mais il y a d'autres moyens qu'un système de quotas pour contrer les pratiques d'embauchage injustes. Nous devrions appliquer des lois qui visent spécifiquement ceux qui ont des pratiques d'embauchage ou des conditions d'emploi discriminatoires.

En se faisant l'avocat de l'équité dans l'emploi, le gouvernement libéral admet qu'il ne croit pas que les membres des groupes désignés puissent se tailler une place en comptant sur leur seul mérite et, pour cette raison, il contraindra les entreprises à adopter des quotas et il leur imposera des sanctions pécuniaires. De telles mesures raviveront-elles l'intolérance lorsque quelques travailleurs mécontents s'en prendront à tort à l'équité dans


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l'emploi parce qu'ils n'auront pas obtenu l'augmentation de salaire qu'ils estimaient mériter?

Encore une fois, le gouvernement encourage la désunion en faisant ressortir les différences plutôt que les ressemblances. En forçant les employés à s'identifier comme membre d'un groupe désigné, le gouvernement perpétue les différences et, ce qui est plus important encore, la perception des différences. Un programme d'équité en matière d'emploi force les gens à mettre l'accent précisément sur les choses que le gouvernement dit qu'il essaie d'éliminer. Nous voulons que notre société ne tienne pas compte des caractéristiques qui n'ont rien à voir avec la capacité d'une personne de faire son travail, mais le gouvernement veut que les employeurs voient ces caractéristiques comme étant liées d'une certaine manière à la décision d'accorder ou non une promotion à un employé.

Les entreprises commenceront à voir les employés comme une simple fraction d'un quota particulier qu'ils doivent atteindre et non comme des êtres humains avec des rêves, des familles et des aptitudes qui vont bien au-delà de l'étiquette que le gouvernement libéral leur a imposée. Comme la députée de Halifax l'a dit plus tôt aujourd'hui à la Chambre, nous ne pouvons pas changer les attitudes par voie législative. C'est justement le point que nous voulons faire ressortir.

Les Canadiens appuieraient l'élimination de la discrimination et des préjugés en milieu de travail, mais ils ne peuvent pas appuyer un projet coûteux de sociologie appliquée qui institutionnalise la discrimination et favorise les possibilités d'emploi ou d'avancement fondées sur les caractéristiques physiques d'une personne. L'équité en matière d'emploi n'est pas possible. Elle ne peut qu'accroître l'intolérance et la mésentente.

Il est rassurant de voir que le gouvernement est déterminé à créer un marché de l'emploi qui soit juste. Tous les Canadiens veulent des chances égales. Ils veulent un milieu de travail où l'excellence est récompensée. Toutefois, la mesure législative proposée par le gouvernement présente une faiblesse fondamentale. Elle ne va pas jusqu'à l'échelon le plus élevé. On s'attendrait à ce que le gouvernement cherche à donner l'exemple, et il est donc déconcertant de voir que le projet de loi C-64 s'applique à tous les ministères du gouvernement sauf un, soit le bureau du premier ministre.

Si la Chambre voit vraiment l'action positive comme un moyen de promouvoir l'excellence, on pourrait penser qu'elle s'empresserait d'en appuyer l'application dans le bureau du premier ministre. Le cabinet du premier ministre joue un rôle important non seulement dans la définition du programme du gouvernement et du Parlement, mais aussi dans l'approche qu'il adopte pour façonner l'opinion publique. Si le gouvernement croit réellement que les programmes d'action positive attirent du personnel du plus haut calibre, il s'ensuit naturellement que les principes du projet de loi C-64 devraient s'appliquer au cabinet du premier ministre.

L'alinéa 4(1)b) du projet de loi vise à appliquer l'action positive à tous les secteurs de l'administration publique fédérale mentionnés à la partie I de l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. L'annexe I est une liste assez inclusive des ministères et organismes gouvernementaux qui comprend, entre autres, le bureau du secrétaire du gouverneur général chargé des politiques et des programmes au bureau de Son Excellence, le gouverneur général. Il comprend le bureau du Conseil privé, qui fournit des conseils et des analyses en matière de politique au cabinet du premier ministre et au Cabinet.

(1640)

Je note que le projet de loi C-64 s'applique au bureau du secrétaire du gouverneur général et au bureau du Conseil privé, mais non au cabinet du premier ministre. Je suis sûr qu'il s'agit simplement d'une omission.

Les députés comprendront sans doute que, si nous avons l'intention de promouvoir une réelle équité en matière d'emploi en milieu de travail, nous devons commencer par le haut. Si nous voulons montrer aux Canadiens l'importance qu'attache le gouvernement à l'équité en matière d'emploi, quelle meilleure façon de le faire que de commencer à appliquer le projet de loi C-64 au cabinet du premier ministre? Cela montrerait aux Canadiens que le leadership vient vraiment d'en haut.

Le cabinet du premier ministre pourrait servir d'exemple aux autres ministères pour leur montrer comment un programme d'action positive éclairé peut contribuer à améliorer le milieu de travail, promouvoir des relations de travail harmonieuses et recueillir les fruits de la diversité en matière d'emploi que promettent ses partisans.

L'application du projet de loi C-64 au cabinet du premier ministre présenterait un certain nombre d'autres avantages. Premièrement, le premier ministre pourrait acquérir une véritable expérience directe de la conception et de la mise en oeuvre d'une stratégie d'action positive efficace dans un bureau de taille moyenne ayant un budget de quelque 5,5 millions de dollars. Le cabinet du premier ministre pourrait, le cas échéant, se rendre compte de visu du fardeau administratif supplémentaire que représente cette loi. Une telle expérience serait très utile si la loi devait être modifiée. La participation accrue du cabinet du premier ministre donnerait à ce dernier plus de crédibilité pour vendre le projet de loi C-64 aux employeurs canadiens.

Deuxièmement, le premier ministre aurait un aperçu très utile des avantages pratiques, et qui plus est, des défis que représente le projet de loi C-64. Il est très facile pour nous, parlementaires, d'adopter une loi qui s'applique à tous sauf à nous. L'adage courant dans le monde des affaires selon lequel tout le monde doit mettre la main à la pâte est le signal pour les gestionnaires de relever leurs manches et de pousser à la roue.

Il y a à cela deux raisons. Tout d'abord, lorsque le patron est prêt à faire le même travail qu'un ouvrier ou un technicien, il s'attire le respect de chacun. Mais qui plus est, de nombreux chefs d'entreprise ou présidents de compagnie se sont aperçus que prendre la place de leurs employés pendant une journée leur donnait une idée très concrète des défis et des avantages du travail de ces derniers. Donc, par analogie, cette proposition est sensée.

Troisièmement, la participation du cabinet du premier ministre serait la preuve pour tous les Canadiens victimes de discrimination en matière d'emploi qu'ils ont un allié très haut placé. Si le projet de loi s'appliquait au cabinet du premier ministre, tous les Canadiens verraient que leur gouvernement croit vraiment au droit des défavorisés à participer à la population active.


13024

J'ai mentionné plus tôt que le cabinet du premier ministre joue un rôle important, non seulement dans la préparation du programme du gouvernement et du Parlement, mais dans le façonnage de l'opinion publique canadienne. Étant donné ce fait, les libéraux devraient modifier le projet de loi et donner aux défavorisés une voix accrue au sommet, une initiative qui pourrait jouer un rôle fondamental dans la réduction de ce qu'on appelle les barrières systémiques que de nombreux Canadiens rencontrent sur le marché du travail.

Si les libéraux refusent d'inclure le cabinet du premier ministre, quel exemple donnent-ils? Si le cabinet du premier ministre est exempté, pourquoi pas toutes les compagnies privées ayant un budget inférieur à cinq millions? Comment pouvons-nous, en tant que politiciens, imposer des changements aux Canadiens sans nous les imposer à nous-mêmes? Comment pouvons-nous justifier notre attitude: «Faites comme je dis et non comme je fais?»

Sans l'expérience pratique de l'application du projet de loi au cabinet du premier ministre, comment pouvons-nous dire aux employeurs canadiens que nous travaillons tous ensemble? Comment pouvons-nous empêcher la discrimination dans le coeur des Canadiens, lorsque le cabinet du premier ministre affiche une pancarte «Pas d'équité ici»?

Les réformistes estiment que cette philosophie du «pas dans ma cour» est une plaie nationale. La Chambre doit montrer aux Canadiens que le projet de loi C-64 a été bien pensé, qu'il est bien intentionné et qu'il sera bien géré à tous les niveaux. L'application du projet de loi au cabinet du premier ministre pourrait garantir cela, ou alors c'est le contraire qui sera prouvé.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai bien aimé le discours du député de Prince George-Peace River.

Il sera intéressant de voir si quelqu'un mordra à l'hameçon. La question a été soulevée brièvement durant les travaux du comité, mais c'était simplement une idée lancée en l'air. Nous verrons bien si quelqu'un donnera suite à la suggestion concernant le bureau du premier ministre avant que le projet de loi ne soit imposé au Parlement. Heureusement, je n'aurai pas à retenir mon souffle en attendant.

(1645)

Je voudrais poser une ou deux questions au député. Plus tôt aujourd'hui, la secrétaire d'État pour le Multiculturalisme et la Situation de la femme a affirmé qu'elle était offensée parce que j'avais parlé de Canadiens d'origine ethnique. Les gens d'en face doivent savoir que, s'il existe ici un parti opposé aux Canadiens qui tiennent à s'identifier par leur origine ethnique, c'est bien le Parti réformiste. Nous disons que tous les Canadiens doivent être traités également, peu importe qu'ils soient de récents immigrants, qu'ils soient ici depuis trois générations ou qu'ils soient autochtones. Nous pensons que tous doivent être traités de la même façon. L'idée de Canadiens qui s'identifient par leur origine ethnique nous répugne aussi.

J'aimerais connaître l'opinion du député et savoir quels sont les commentaires de ses électeurs chez lui, dans le nord de la Colombie-Britannique. Les données du dernier recensement de Statistique Canada montrent que plus de 700 000 Canadiens ont refusé d'ajouter une précision à leur nationalité et ont dit qu'ils étaient tout simplement des Canadiens. Ils ont refusé d'avoir une nationalité autre que purement canadienne.

Une voix: Bravo pour eux!

M. Strahl: Je fais probablement partie de ces gens. Je suis convaincu que 700 000 personnes ont franchement refusé de dire: «Je suis Canadien français, Canadien anglais ou encore Canadien autochtone.» Ces gens ont répondu: «Je suis Canadien, voilà tout.»

Statistique Canada va modifier ses formules pour s'assurer que cela ne se reproduise plus. Le ministère obligera les Canadiens à inscrire leur origine ethnique afin d'obtenir plus de données statistiques pour appuyer certaines mesures comme l'équité en matière d'emploi.

Dans sa circonscription du nord de la Colombie-Britannique, les électeurs du député préfèrent-ils être connus comme des Canadiens de Peace River ou des Canadiens de Prince George ou choisissent-ils généralement de dire qu'ils sont tout simplement des Canadiens? J'aimerais connaître l'opinion du député à ce sujet. Selon lui, s'agit-il d'une nouvelle tendance à Peace River ou est-ce une mode déjà passée?

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, j'entends constamment parler de cela dans ma circonscription. Je sais que c'est une source réelle de mécontentement chez les habitants de Prince George-Peace River. Je pense que si nous faisions un sondage dans tout le pays, nous verrions que les gens trouvent insultant d'avoir à fournir des renseignements sur leurs ancêtres ou sur leur histoire quand ils veulent être considérés comme des Canadiens. Ils trouvent cela très humiliant.

C'est pourquoi tant de gens inscrivent simplement Canadien, peu importe le genre de formulaire que publie Statistique Canada. Les gens disent qu'ils veulent être considérés comme des Canadiens. Ils sont fiers de leur patrimoine et fiers d'être Canadiens. Cela se voit surtout chez les nouveaux immigrants, qui sont arrivés récemment et qui franchissent toutes les étapes pour devenir des citoyens du Canada. Ces personnes, en particulier, ne veulent pas être associées à leur passé. Elles veulent être considérées comme des Canadiens. C'est ainsi qu'elles veulent être traitées. C'est ainsi qu'elles estiment qu'elles devraient être traitées quand elles posent leur candidature à un poste, au Canada.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de discuter de l'équité en matière d'emploi aujourd'hui. Je dois reconnaître que le fait que la Chambre soit saisie à nouveau de cette question me laisse perplexe. En effet, le 6 avril dernier, nous avons étudié une motion semblable du Parti réformiste.

De plus, pendant plusieurs mois, comme le député proposant la motion le sait pertinemment, le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées a entendu des témoignages sur l'actuelle Loi sur l'équité en matière d'emploi et sur le projet de loi C-64, une nouvelle loi en la matière. Ce projet de loi est sur le point d'être renvoyé à la Chambre qui pourra ainsi l'étudier plus en profondeur. Pourtant, aujourd'hui, le Parti réformiste a jugé bon de soulever la question de l'équité en matière d'emploi en contestant, en termes extrêmement sévères, cette notion.


13025

(1650)

Selon moi, le Parti réformiste évalue très mal la capacité des Canadiens d'apprécier un programme qui, depuis huit ans, sert à renforcer notre tissu social et, avec le projet de loi C-64, continuera de le faire, mais de façon plus juste et équitable.

Permettez-moi, pour commencer, de m'arrêter sur plusieurs idées fausses au sujet de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, que j'ai entendues dès le début du débat, ce matin.

Premièrement, le député qui a présenté la motion aujourd'hui a parlé de la fausse hypothèse sur laquelle l'équité en matière d'emploi serait basée, hypothèse selon laquelle les employeurs sont de mauvais citoyens et pratiquent la discrimination systématique. Ce n'est absolument pas le fondement de ce projet de loi. Je vais donner des exemples plus concrets, plus tard, mais ce projet de loi découle du fait que certains membres de notre société n'ont pas de chances égales d'obtenir un emploi. Peu importe leurs capacités, ils ont tendance à occuper les emplois les plus mal rémunérés et exigeant le moins de compétences. Ils ne progressent pas autant que d'autres dans la société.

L'équité en matière d'emploi a pour objectif de donner aux gens des chances égales non pas en prêtant certaines intentions aux employeurs, mais en leur demandant simplement de voir les raisons pour lesquelles cette situation existe dans leur main-d'oeuvre lorsque c'est le cas et ce qu'ils peuvent faire pour être plus équitables, ainsi que s'assurer que tout le monde a des chances égales.

Deuxièmement, le député a recommandé qu'on laisse le soin aux tribunaux et au Tribunal des droits de la personne de trancher les causes individuelles. C'est un peu comme si l'on disait qu'il y a une épidémie, mais que nous allons y mettre un terme en envoyant chacune des personnes atteintes individuellement aux hôpitaux pour qu'on les traite individuellement et qu'il ne soit pas nécessaire de s'attaquer à la situation globale à la source de cette maladie. C'est une méthode coûteuse, qui prend beaucoup de temps et qui ne règle pas le problème fondamental, mais ne fait que le perpétuer.

Troisièmement, on a discuté des droits des groupes par opposition aux droits individuels. Lorsqu'il est clair qu'on pratique la discrimination à l'endroit de certaines personnes, que ce soit intentionnellement ou non, et généralement ce n'est pas intentionnel, ce n'est qu'en nous attaquant au fait que le groupe auquel la personne en cause appartient est victime de discrimination que nous pourrons offrir des chances égales à cette personne.

Ce projet de loi et toute la question de l'équité en matière d'emploi n'ont rien à voir avec les droits des groupes. Ce sont des droits individuels dont il est question. Il s'agit de reconnaître que, dans notre société, certains groupes, qui se trouvent à représenter la majorité soit dit en passant, n'ont pas eu autant de chances que d'autres. Tant que nous n'aurons pas résolu le problème des désavantages qui subit ce groupe, rares seront ses membres qui auront l'occasion de se réaliser pleinement.

Il ne s'agit pas d'une division arbitraire, comme cet argument voudrait nous le laisser croire. L'équité en matière d'emploi consiste en fait, non à traiter tout le monde de la même façon car on est tous différents les uns des autres, mais à traiter tout le monde sur un pied d'égalité, à éliminer les divisions fondées sur l'opinion voulant qu'un certain type de personne soit plus apte à s'occuper de gestion ou à assumer certaines fonctions au sein de la société, à permettre aux gens de se développer en fonction de leurs aptitudes et non pas en fonction de la couleur de leur peau, de la forme de leur corps ou de leur origine.

On a décrit l'équité en matière d'emploi comme ayant un caractère coercitif, comme un ensemble de contingents imposés. Je ne sais pas si cette représentation trompeuse a été faite de façon délibérée ou si elle est due à une totale méprise ou encore à une surdité complète, car on l'a déjà suffisamment expliquée. En effet, l'équité en matière d'emploi au Canada, telle qu'elle existe et telle qu'on veut maintenant l'appliquer à la fonction publique en vertu de la nouvelle mesure législative, ne fixe pas de contingents. Elle les interdit expressément.

Le projet de loi dit aux employeurs qu'ils ont des pratiques d'embauchage très anciennes. Malheureusement, ces pratiques présentent un caractère discriminatoire, même si ce n'était pas voulu à l'origine. Nous demandons aux employeurs d'examiner leurs pratiques d'embauchage et d'en éliminer tout aspect discriminatoire qui tend à avantager un type de Canadien par rapport à d'autres en matière d'embauche, de promotion, d'accès à la formation et de rémunération.

(1655)

Les faits sont incontestables: telle est la situation de l'emploi au Canada et des employeurs canadiens. J'insiste sur le fait que tout ce que nous demandons aux employeurs de faire dans le contexte de l'équité en matière d'emploi, c'est de se pencher sur leur propre cas, de faire un examen de conscience et de dire: «Oui, j'aimerais faire mieux. Voici ce que j'aimerais améliorer. Voici comment je vais procéder.»

Le contingentement, c'est le modèle américain que nous avons rejeté collectivement. Les quotas sont appliqués et imposés de l'extérieur, mais ce n'est pas ainsi que nous concevons l'équité en matière d'emploi au Canada.

Une voix: La GRC les applique.

Mme Catterall: Des députés de l'autre côté ont dit que les gens se sentiront stigmatisés. Je voudrais répondre à cet argument parce que quelqu'un a dit que cela concernait la GRC. Un autre député a cité toutes sortes de chiffres et a demandé qu'on y réponde.

En fait, au cours de l'année dont le député a parlé, et il le sait très bien parce que l'information lui a été fournie par le commissaire aux droits de la personne, 65 p. 100 des personnes embauchées par la GRC étaient des hommes de race blanche. Or, ces derniers sont loin de représenter la moitié de la population canadienne. Bien entendu, le député a préféré ne pas citer ces chiffres. Les deux tiers des recrues sont encore des hommes de race blanche, mais les députés de l'autre côté ont néanmoins donné à entendre dans le débat d'aujourd'hui que l'équité en matière d'emploi les désavantagerait.


13026

Les députés de l'autre côté ont aussi affirmé que les gens vont se sentir stigmatisés. C'est déjà le cas. Les gens se sentent stigmatisés lorsqu'ils accèdent à un poste dans la fonction publique avec les meilleures qualifications, mais n'ont pas progressé depuis 25 ans.

Les titulaires de postes de commis, dont 80 p. 100 sont des femmes, se sentent stigmatisés. Selon eux, les femmes n'atteignent pas les échelons supérieurs aussi rapidement et elles se font doubler par d'autres qui ne sont pas plus qualifiés mais qui se trouvent ne pas être des femmes.

Les gens se sentent stigmatisés parce que le système actuel ne leur permet pas d'avoir des emplois, d'obtenir des promotions ou d'avoir des possibilités d'avancement sur la base du mérite et que ce système les limite à des catégories et dans des échelons inférieurs parce qu'ils ne correspondent pas à la définition traditionnelle de ceux qui réussissent dans notre société.

Venons-en enfin au mérite. L'équité en matière d'emploi, et non le rejet du principe du mérite, est à la base de la réalisation de ce principe. Le projet de loi que le comité a examiné est très clair à ce sujet. Les gens devraient être embauchés uniquement en fonction de leur mérite. Dans l'emploi, on ne devrait pas tenir compte de la couleur, du sexe ou de la grandeur d'une personne, mais uniquement de ses compétences.

Il est évident que cela n'a pas été la tendance dans l'emploi au Canada. Permettez-moi de donner quelques faits. Les membres des groupes désignés continuent d'être désavantagés d'une façon marquée en milieu de travail. Loin de constituer une menace pour ceux qui se plaignent de discrimination à rebours, les femmes, les autochtones, les personnes faisant partie des minorités visibles et les personnes handicapées ont encore beaucoup de retard lorsqu'il s'agit de l'embauche initiale, des possibilités de promotion et des salaires.

En mars, Statistique Canada a rapporté que la discrimination flagrante est la principale raison pour laquelle les femmes gagnent beaucoup moins que les hommes, soit à peine 78 p. 100 du salaire de leurs collègues masculins. Même si l'on tient compte de l'expérience de travail, de l'éducation et de la démographie, seul le parti pris contre les femmes explique cet écart salarial.

Qu'est-ce qui peut expliquer, hormis les préjugés, que chez les personnes handicapées, le taux de chômage est deux fois plus élevé que la moyenne nationale? Moins de compétences, moins d'éducation? Ce n'est pas le cas. Le taux de chômage chez les personnes handicapées qui ont des diplômes universitaires est plus de deux fois supérieur à celui des hommes de race blanche qui possèdent les mêmes titres de compétence.

(1700)

Ce sont là des faits que, je le sais, les députés d'en face ne veulent pas entendre, mais ils les entendront. Même certaines gens qui travaillent semblent penser que les personnes handicapées sont uniquement capables d'occuper des emplois de bureau, dans la vente et dans le secteur tertiaire. Dix-huit pour cent des travailleurs aux prises avec des difficultés physiques et ayant une formation universitaire occupent des postes de ce genre, alors que c'est le cas pour seulement 11 p. 100 des hommes de race blanche qui sont physiquement aptes et qui possèdent un diplôme universitaire.

Les statistiques montrent que beaucoup de membres des groupes désignés possèdent des compétences. Les minorités visibles sont plus instruites que les Canadiens en général, et non moins. Dix-huit pour cent des membres des minorités ont au moins un diplôme universitaire, contre 11 p. 100 pour l'ensemble des Canadiens.

Tandis que les minorités visibles représentent actuellement 8,8 p. 100 des Canadiens de plus de 15 ans, leurs membres constituaient près de 11 p. 100 des diplômés universitaires en 1990. Ils ont reçu 13 p. 100 des diplômes de maîtrise et 20 p. 100 des doctorats. Malgré tout, trop peu de ces travailleurs potentiels très scolarisés et possédant des compétences supérieures se voient offrir un emploi. Le taux d'emploi dans leurs rangs a plutôt constamment diminué depuis 1990, ayant chuté de 10,4 p. 100 à 8,4 p. 100. L'an dernier, au sein de la fonction publique du Canada, 11 p. 100 des candidats à un emploi étaient membres d'une minorité, mais ils n'ont compté que pour 2,7 p. 100 parmi les personnes engagées.

Les autochtones, qui constituent sûrement l'un des groupes les plus défavorisés du Canada, sont aussi sont trop souvent exclus du marché du travail. Même si les autochtones ayant une formation universitaire sont plus nombreux que jamais, le taux de chômage que connaît ce groupe s'élève à 7 p. 100, soit près du double du taux enregistré chez les hommes de race blanche ayant un diplôme universitaire.

Les chiffres que je vous rapporte ne sont que la pointe de l'iceberg par rapport à tous ceux que je pourrais citer dans le contexte du débat d'aujourd'hui. Ce qui est intéressant, c'est que la grande majorité des témoins entendus par le comité permanent, y compris les employeurs, qui sont assujettis à la Loi sur l'équité en matière d'emploi depuis huit ans, parlent maintenant de ce principe comme d'une mesure sensée et équilibrée. Même les rares personnes qui s'opposaient au projet de loi n'ont pas eu recours aux propos incendiaires et fallacieux de la motion qu'on a aussi employés dans le débat.

Les Canadiens comprennent vraiment très bien le sens du concept d'égalité. Ils se rendent compte que, pour que nous ayons une société harmonieuse et bien équilibrée, il faut donner à tous ses membres la chance d'y contribuer et d'en tirer leur part de bénéfices. Or, c'est exactement l'objectif visé par le principe d'équité en matière d'emploi.

[Français]

La justification de l'équité en matière d'emploi est de permettre que les individus puissent être considérés de façon égale lorsque des possibilités d'embauche se présentent. L'équité en matière d'emploi n'a pas pour objet de donner un privilège ni de conférer un avantage à qui que ce soit au moment de la sélection en vue d'un emploi. Affirmer le contraire dénote une incompréhension totale des principes concernés et de l'expérience vécue.

[Traduction]

L'objectif fondamental de l'équité en matière d'emploi est de veiller à ce que jamais l'accès équitable à l'emploi et à l'avancement ne soit refusé à quiconque pour des raisons autres que la compétence. Dire autre chose, c'est faire une méprise grave ou


13027

donner délibérément une représentation trompeuse de la situation.

L'équité en matière d'emploi permet de relever les inconvénients actuels du système d'emploi et d'avantager tous les Canadiens tout en favorisant l'équité et l'égalité d'accès à l'emploi. Prétendre que cette équité et cette égalité existent pleinement au Canada aujourd'hui, c'est tout simplement ne pas tenir compte de la réalité.

L'équité en matière d'emploi doit se solder par une plus grande diversité dans les milieux de travail. Cela suppose donc l'élimination des obstacles à l'emploi. La plupart du temps, ces obstacles n'ont pas été créés intentionnellement et sont enfouis dans les systèmes et les pratiques en place depuis longtemps. L'équité en matière d'emploi doit annuler l'effet nuisible des exigences qui ne sont pas nécessaires, et ne sont pas conçues dans le but d'exercer une discrimination, mais qui le font.

(1705)

De plus, l'équité en matière d'emploi doit permettre de mettre en place des mesures qui encouragent l'équité d'accès à l'emploi et à l'avancement. Ces mesures peuvent se traduire par des stages qui permettent à des personnes désavantagées d'être sur un pied d'égalité pour livrer concurrence. Il est important, pour qu'il y ait une saine gestion, de bien utiliser toutes les ressources humaines disponibles.

Malheureusement, l'iniquité des milieux de travail, tant dans le secteur privé que public, prive l'économie et la fonction publique du Canada de la possibilité d'embaucher les personnes les plus compétentes, de les former, de les perfectionner et de les nommer aux plus hauts postes, afin qu'elles donnent le meilleur rendement possible et que les secteurs privé et public parviennent à l'excellence.

[Français]

Il faut se rapppeler que la composition de la main-d'oeuvre canadienne est en constante évolution. D'importants changements démographiques contribuent à créer une main-d'oeuvre de plus en plus hétérogène. Les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles représentent maintenant la grande majorité des nouveaux arrivants sur le marché du travail.

[Traduction]

Si nous n'utilisons pas pleinement la diversité de notre population active en pleine croissance, nous nous imposons un handicap en tant que nation. Il a été établi de façon convaincante que la diversité en milieu de travail favorise l'intérêt commercial. Des témoins qui ont comparu devant le comité des droits de la personne ont réaffirmé ce fait, tandis que d'autres ont mentionné que l'équité en matière d'emploi les avait aidés à améliorer leurs pratiques au niveau des ressources humaines. Les spécialistes disent depuis longtemps que la diversité de la population active constitue un avantage dans l'économie mondiale actuelle. Cette diversité se traduit par une productivité accrue. Par conséquent, il est dans l'intérêt des entreprises et des gouvernements d'éliminer les obstacles au plein développement de cette diversité.

Je rappelle que, même si nous avons tendance à parler de diversité au niveau des groupes, il faut plutôt concevoir cette diversité au niveau des personnes prises individuellement. En effet, ce n'est pas un groupe qui est recruté pour occuper un poste de préposé au classement, mais bien une personne. Pourtant, ce n'est pas nécessairement la personne comme telle qui se voit privée de possibilités d'avancement: celle-ci peut être lésée du seul fait qu'elle appartient à un groupe particulier. Il va de soi que nous voulons tous éliminer ces abus dans notre société et dans nos milieux de travail.

[Français]

La motion de l'honorable député laisse supposer que l'équité en matière d'emploi fait suite à une sélection en fonction de critères autres que le mérite. Permettez-moi d'affirmer qu'il n'en est rien.

[Traduction]

Nous parlons d'un système véritablement fondé sur le mérite. Depuis 75 ans, notre pays et notre fonction publique se targuent d'avoir un système du mérite conçu de façon que les personnes soient embauchées en fonction de leur capacité de faire le travail. Pourtant, si nous avions appliqué un système véritablement fondé sur le mérite, nous n'aurions pas à nous préoccuper de l'équité en matière d'emploi.

Je serai heureuse lorsque nous n'aurons plus besoin de loi sur l'équité en matière d'emploi. Je serai heureuse lorsque je pourrai dire que, à compétences égales, tous ont les mêmes chances d'obtenir un emploi. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas en général et certainement pas dans la fonction publique en particulier. Voilà pourquoi il est important d'étendre la portée de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

C'est ce que nous faisons. Nous ne présentons rien de nouveau; nous apportons simplement des changements administratifs à la politique d'équité en matière d'emploi. Le changement majeur, c'est que cette politique s'appliquera dorénavant à la fonction publique. Ce n'est que justice qu'il en soit ainsi.

(1710)

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais rappeler aux députés que s'ils veulent prendre la parole, ils doivent se trouver à leurs places respectives.

Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Davenport-L'environnement.

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, il est très intéressant de constater que le parti au pouvoir invoque toujours la majorité de témoignages entendus au comité en faveur de son projet de loi. Cela a davantage l'air d'un aveu. Les témoins sont censés représenter des points de vue divers. La députée et d'autres ont dit qu'ils avaient gonflé leur liste de témoins, ce que nous n'ignorions évidemment pas. Il est cependant très intéressant d'entendre ainsi rappeler ce fait à la Chambre.


13028

Le Canadien pure laine qui vous parle considère d'un oeil plutôt soupçonneux le projet de loi C-64. Ce texte trouve son origine dans le sentiment de «noblesse oblige» des Canadiens de la classe moyenne et à prédominance blanche qui savent ce qui vaut mieux pour tout le monde.

Cela ne correspond certainement pas à l'opinion de certains Canadiens éminents comme Neil Bissoondath ou Rais Khan ou d'autres Canadiens qui ne sont pas des nouveaux venus comme Sammy Chung. Cela semble plutôt correspondre à l'opinion du gouvernement libéral et de trop de gens de plusieurs secteurs de la société. Cela témoigne d'une attitude condescendante, laissant entendre que les gens qui appartiennent aux groupes désignés ont moins de mérite que ceux des groupes non désignés et sont donc incapables de réussir par leurs propres moyens. C'est une attitude répréhensible.

J'ai deux questions à poser à la députée. Pratiquait-elle l'équité en matière d'emploi dans sa carrière antérieure, et la pratique-t-elle ici dans son propre bureau? Accepte-t-elle ce qui semble être l'idéologie ordinaire libérale, à savoir que le meilleur gouvernement est celui qui s'ingère le plus dans la vie des simples Canadiens?

Mme Catterall: Monsieur le Président, lorsque, au dernier recensement de Statistique Canada, on m'a posé la question sur l'origine ethnique, j'ai dit que j'étais d'origines mélangées.

À mon propre bureau, je pratique l'équité en matière d'emploi. Ce n'est pas facile, avec seulement 3,5 personnes. Le jeune homme qui travaille à mon bureau a dit: «Je suis heureux que l'équité en matière d'emploi ne s'applique pas ici, parce que je n'aurais jamais eu de poste.» Je lui ai répondu: «Je dois vous expliquer que je cherchais plus ou moins un jeune homme parce que les femmes prédominaient dans mon bureau depuis quelque temps. C'est donc grâce à un souci de promotion sociale que vous avez été engagé.»

Le député ne comprend pas que je crois dans un principe libéral fondamental, celui de la dignité, du droit de chaque être humain à être considéré pour son propre mérite et respecté pour ce qu'il est. D'après moi, ce n'est pas ce qui se passe dans le monde du travail. Je vois des personnes très compétentes qui, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec leurs compétences ou leurs talents, n'ont pas droit à leur chance.

Lorsque je faisais partie du conseil municipal, j'ai demandé aux dirigeants de la compagnie d'autobus pourquoi il fallait que les chauffeurs d'autobus fassent six pieds. Pour qu'ils puissent atteindre les pédales, m'ont-ils dit. J'ai répondu que, dans ces conditions, la plupart des femmes étaient nécessairement exclues, tout comme la plupart des orientaux et les autres personnes de petite taille, et que c'était passablement discriminatoire. Je leur ai demandé ce que la grandeur avait à voir là-dedans alors qu'ils voulaient des chauffeurs capables d'atteindre les pédales. Pourquoi ne pas vérifier si les candidats peuvent le faire au lieu de les mesurer? Le critère a donc été modifié, parce qu'il était logique de le modifier. Jusque-là, nous avions fait en sorte d'exclure beaucoup d'excellents chauffeurs qui n'ont jamais eu leur chance de décrocher un poste.

Le même genre de critère absurde, dans la police, a contribué à écarter des Canadiens très compétents, qui n'ont jamais pu devenir agents de police. Nous devons nous débarrasser de ces attitudes qui ont empêché certaines personnes d'être considérées en fonction du mérite.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 15, je dois, aux termes de l'article 81 du Règlement, interrompre les délibérations et mettre immédiatement aux voix toutes les questions nécessaires pour terminer l'étude des crédits.

Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les non l'emportent.

Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

(Vote no 224)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast)
Cummins
Duncan
Epp
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jennings
Johnston
Manning
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Schmidt
Silye
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Wayne
White (Fraser Valley West)-41

CONTRE

Députés
Allmand
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Asselin
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Bachand
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bellemare
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Bélanger
Bélisle
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Caron
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Crête
Culbert
Dalphond-Guiral
Daviault
de Jong
de Savoye
Deshaies
DeVillers
Dhaliwa


13029

l
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier (Roberval)
Godin
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Hickey
Hubbard
Irwin
Jackson
Jacob
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Langlois
Lastewka
Laurin
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Lebel
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Marchand
Marchi
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mercier
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murray
Ménard
Nunez
Nunziata
O'Brien
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Paré
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Plamondon
Pomerleau
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Riis
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rocheleau
Rock
Sauvageau
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Solomon
Speller
St-Laurent
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Terrana
Tobin
Torsney
Tremblay (Rosemont)
Ur
Vanclief
Venne
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-183

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Bakopanos
Bergeron
Bonin
Bouchard
Canuel
Chan
Chrétien (Frontenac)
Crawford
Debien
Dubé
Duceppe
Dumas
Fillion
Fry
Gaffney
Gerrard
Godfrey
Landry
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lee
Lefebvre
Loubier
MacLaren
Marleau
Murphy
Ouellet
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Valeri

(1745)

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion rejetée.

M. Ianno: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. J'aurais voté comme le gouvernement.

[Français]

JOUR DÉSIGNÉ-LES RÉCLAMATIONS FINANCIÈRES DU QUÉBEC

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 18 mai, de la motion: Que la Chambre dénonce le retard du fédéral à répondre aux réclamations du Québec relatives à l'éducation des jeunes autochtones du Nord québécois de 119 millions, à la compensation de 135 millions dans le cadre du programme de stabilisation pour 1991-1992 et à la réclamation de 79 millions en frais encourus lors des événements d'Oka à l'été 1990.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'ordre adopté le jeudi 18 mai 1995, la Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion de M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) relative aux travaux des subsides.

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

(Vote no 225)

POUR

Députés
Asselin
Bachand
Bellehumeur
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brien
Bélisle
Caron
Crête
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Deshaies
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Godin
Guay
Guimond
Jacob
Lalonde
Langlois
Laurin
Lebel
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Marchand
Mercier
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Rocheleau
Sauvageau
St-Laurent
Tremblay (Rosemont)
Venne-38

13030

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Allmand
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Barnes
Beaumier
Bellemare
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast)
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Bélanger
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Culbert
Cummins
de Jong
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Duncan
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Epp
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Frazer
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gilmour
Gouk
Graham
Gray (Windsor West)
Grey (Beaver River)
Grose
Grubel
Hanger
Hanrahan
Harb
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Harvard
Hayes
Hermanson
Hickey
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Hubbard
Ianno
Irwin
Jackson
Jennings
Johnston
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manning
Marchi
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McCormick
McGuire
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Mills (Red Deer)
Minna
Mitchell
Morrison
Murray
Nunziata
O'Brien
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Penson
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Ramsay
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Riis
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Silye
Simmons
Skoke
Solberg
Solomon
Speaker
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Stinson
Strahl
Szabo
Terrana
Tobin
Torsney
Ur
Vanclief
Volpe
Walker
Wappel
Wayne
Whelan
White (Fraser Valley West)
Wood
Young
Zed-187

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Bakopanos
Bergeron
Bonin
Bouchard
Canuel
Chan
Chrétien (Frontenac)
Crawford
Debien
Dubé
Duceppe
Dumas
Fillion
Fry
Gaffney
Gerrard
Godfrey
Landry
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lee
Lefebvre
Loubier
MacLaren
Marleau
Murphy
Ouellet
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Valeri

(1755)

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion rejetée.

_____________________________________________


13030

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 29 mai, de la motion.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 45 du Règlement, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion: Que le projet de loi C-91, Loi visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada, soit renvoyé immédiatement au Comité permanent de l'industrie.

[Français]

M. Boudria: Monsieur le Président, si vous le demandiez, je crois que vous trouveriez le consentement unanime pour que les députés qui ont voté sur la motion précédente soient enregistrés comme ayant voté sur la motion présentement devant la Chambre, de la façon suivante: les députés du Parti libéral voteront oui.

M. Laurin: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois voteront contre.


13031

[Traduction]

M. Silye: Monsieur le Président, les députés du Parti réformiste votent contre la motion, sauf ceux qui désirent voter autrement.

M. Solomon: Monsieur le Président, les députés du Nouveau Parti démocratique votent en faveur de la motion.

M. Silye: Monsieur le Président, j'ai mal lu la case de la réponse. Les députés du Parti réformiste votent en faveur de la motion, pas contre la motion, sauf les députés qui désirent voter autrement.

Mme Wayne: Je vote en faveur de la motion, monsieur le Président.

M. Bhaduria: Je vote en faveur de la motion, monsieur le Président.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 226)

POUR

Députés
Abbott
Ablonczy
Allmand
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Barnes
Beaumier
Bellemare
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast)
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Bélanger
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Culbert
Cummins
de Jong
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Duncan
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Epp
Fewchuk
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Frazer
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gilmour
Gouk
Graham
Gray (Windsor West)
Grey (Beaver River)
Grose
Grubel
Hanger
Hanrahan
Harb
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Harvard
Hayes
Hermanson
Hickey
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Hubbard
Ianno
Irwin
Jackson
Jennings
Johnston
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manning
Marchi
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
McCormick
McGuire
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Mills (Red Deer)
Minna
Mitchell
Morrison
Murray
Nunziata
O'Brien
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Penson
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Ramsay
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Riis
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Schmidt
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Silye
Simmons
Skoke
Solberg
Solomon
Speaker
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Stinson
Strahl
Szabo
Terrana
Tobin
Torsney
Ur
Vanclief
Volpe
Walker
Wappel
Wayne
Whelan
White (Fraser Valley West)
Wood
Young
Zed-187

CONTRE

Députés
Asselin
Bachand
Bellehumeur
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Brien
Bélisle
Caron
Crête
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Deshaies
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Godin
Guay
Guimond
Jacob
Lalonde
Langlois
Laurin
Lebel
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Marchand
Mercier
Ménard
Nunez
Paré
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Rocheleau
Sauvageau
St-Laurent
Tremblay (Rosemont)
Venne-38

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Bakopanos
Bergeron
Bonin
Bouchard
Canuel
Chan
Chrétien (Frontenac)
Crawford
Debien
Dubé
Duceppe
Dumas
Fillion
Fry
Gaffney
Gerrard
Godfrey
Landry
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lee
Lefebvre
Loubier
MacLaren
Marleau
Murphy
Ouellet
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Valeri


13032

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée. Par conséquent, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent de l'industrie.

* * *

LA LOI SUR LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 29 mai, de la motion: Que le projet de loi C-82, Loi modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 45 du Règlement, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-82, Loi modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne.

M. Boudria: Monsieur le Président, vous trouverez, je crois, qu'il y a consentement unanime pour que le résultat du vote sur la motion précédente s'applique aussi à la motion dont la Chambre est maintenant saisie, les députés libéraux votant oui.

[Français]

M. Laurin: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois votent contre ce projet de loi.

[Traduction]

M. Silye: Monsieur le Président, les députés réformistes votent non, à l'exception de ceux qui veulent voter autrement.

M. Solomon: Monsieur le Président, les députés du caucus néo-démocrate qui sont aujourd'hui présents votent oui.

Mme Wayne: Monsieur le Président, je vote non.

M. Bhaduria: Monsieur le Président, je vote oui.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 227)

POUR

Députés
Allmand
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre)
Barnes
Beaumier
Bellemare
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blaikie
Blondin-Andrew
Bodnar
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Bélair
Bélanger
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Copps
Cowling
Culbert
de Jong
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk

Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Graham
Gray (Windsor West)
Grose
Harb
Harvard
Hickey
Hubbard
Ianno
Irwin
Jackson
Jordan
Karygiannis
Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Marchi
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLaughlin
McLellan (Edmonton Northwest)
McTeague
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murray
Nunziata
O'Brien
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Riis
Ringuette-Maltais
Robichaud
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Solomon
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Terrana
Tobin
Torsney
Ur
Vanclief
Volpe
Walker
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-146

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Asselin
Bachand
Bellehumeur
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brien
Brown (Calgary Southeast)
Bélisle
Caron
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
de Savoye
Deshaies
Duncan
Epp
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier (Roberval)
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Lalonde
Langlois
Laurin
Lebel

13033

Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Manning
Marchand
Martin (Esquimalt-Juan de Fuca)
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest)
Mercier
Mills (Red Deer)
Morrison
Ménard
Nunez
Paré
Penson
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Ramsay
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt
Silye
Solberg
Speaker
St-Laurent
Stinson
Strahl
Tremblay (Rosemont)
Venne
Wayne
White (Fraser Valley West)-79

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Bakopanos
Bergeron
Bonin
Bouchard
Canuel
Chan
Chrétien (Frontenac)
Crawford
Debien
Dubé
Duceppe
Dumas
Fillion
Fry
Gaffney
Gerrard
Godfrey
Landry
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lee
Lefebvre
Loubier
MacLaren
Marleau
Murphy
Ouellet
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Valeri

Le président suppléant (M. Kilger): Je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé au comité.)

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 18 heures, la Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

_____________________________________________


13033

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ) propose que le projet de loi C-248, loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Code canadien du travail et la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique (révélation) soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité législatif.

-Monsieur le Président, le projet de loi C-248 a pour but de protéger contre des représailles les employés qui, en toute bonne foi et dans l'intérêt du public, et notamment quand la santé et la sécurité publiques sont en jeu, divulguent une pratique répréhensible de leur employeur.

Ce projet de loi touche exclusivement les employés du secteur public sous juridiction fédérale. Il repose sur deux principes fondamentaux.

(1805)

Le premier principe est d'inciter les fonctionnaires fédéraux à divulguer des agissements ou pratiques institutionnelles ou individuelles qui causent un danger ou un tort spécifique et substantiel à la santé, à la sécurité ou au bien-être public ou qui entraînent des coûts et des dépenses considérables ou injustifiées au Fonds du revenu consolidé.

[Traduction]

Le deuxième principe, sans lequel le premier ne saurait être bien servi, est de protéger ces employés contre des mesures de représailles de leurs employeurs pour les divulgations effectuées conformément aux dispositions de ce projet de loi.

[Français]

L'application de ces deux principes sur lesquels s'appuie cette mesure législative nécessite un double mécanisme. D'abord, la législation doit permettre la réception de plaintes et ensuite, bien sûr, elle doit assurer la protection des employés. À cette fin, le projet de loi C-248 propose un amendement à la Loi canadienne sur les droits de la personne, amendement qui accorderait à la Commission qui pourvoit à l'application de cette loi le pouvoir de recevoir, d'examiner et de juger de la recevabilité d'une plainte pour pratique illicite.

De plus, le projet de loi C-248 prévoit des dispositions habilitant la Commission à annuler toute mesure de représailles prise par l'employeur contre un divulgateur agissant de bonne foi.

[Traduction]

Le projet de loi C-248 répond aux attentes des citoyens et à celles de nombre d'organismes canadiens.

[Français]

En effet, les citoyens désirent que le gouvernement fédéral réduise le gaspillage et mette un terme à toutes pratiques inavouables. Pour les citoyens, il s'agit là d'une question de transparence gouvernementale et d'éthique de la part des institutions fédérales.

Permettez-moi de citer le vérificateur général dans son rapport de 1995: «Les Canadiens se préoccupent de l'intégrité du gouvernement et ils ont le droit de s'attendre à ce que l'administration publique respecte les normes d'éthique les plus élevées. Le leadership des députés, des ministres et des sous-ministres est indispensable pour maintenir les normes d'éthique et le rendement au gouvernement.»

Le vérificateur poursuit ailleurs comme ceci: «Si les Canadiens n'ont pas confiance en leurs gouvernements, les actes de ceux-ci seront de moins en moins légitimes et de moins en moins efficaces. De là toute l'importance d'un débat sur l'éthique au gouvernement et la nécessité de mesures qui permettront de maintenir et d'encourager le respect de l'éthique au sein du gouvernement.»

Vous comprenez donc que le projet de loi C-248, dont nous débattons maintenant, est une mesure heureuse à la fois pour le gouvernement, pour les fonctionnaires et, surtout, pour les citoyens. Permettez que je commente brièvement les divers articles de ce projet de loi.

D'abord, parlons des articles 1 à 6 du projet de loi. Ceux-ci ont pour objet d'amender la Loi canadienne sur les droits de la personne. L'article 1 propose l'ajout d'un nouvel article à la Loi canadienne sur les droits de la personne, par lequel deviendrait


13034

acte discriminatoire le fait de renvoyer ou de suspendre un employé ou de lui imposer une peine pécuniaire ou encore de le défavoriser directement ou indirectement lorsque tel acte est fait en représailles d'une plainte déposée de bonne foi par l'employé, le tout en vertu des articles de notre projet de loi.

Ce même article propose de plus qu'un employé soit présumé ne pas agir de bonne foi si, en faisant une révélation, il viole une loi fédérale ou une règle de droit protégeant des communications confidentielles, à moins qu'il ne prouve, par prépondérance de preuve, que des motifs raisonnables de préoccupation au sujet de la santé ou de la sécurité publique ont été la cause de cette violation.

À l'article 2, nous proposons la modification de l'article 40 de la Loi canadienne des droits de la personne pour encourager les employés, sous réserve de motifs raisonnables, à faire part à la Commission canadienne des droits de la personne de leurs préoccupations au sujet des fautes commises par leur employeur. La Commission devra ainsi tenir un registre confidentiel de toutes les plaintes.

(1810)

L'article 3 propose de modifier l'article 53, alinéa 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de manière à permettre à la Commission d'annuler les mesures de représailles prises par un employeur contre un divulgateur lorsque le tribunal des droits de la personne le juge approprié.

L'article 4 propose d'ajouter à la Loi un nouvel article aux termes duquel il serait interdit de congédier ou de suspendre un employé ou de lui imposer une peine pécuniaire en représailles pour une plainte ou une révélation.

L'article 5 propose de modifier l'article 60(1) de la loi pour y inclure une référence au nouvel article 59.1, de sorte que quiconque enfreindrait ce nouvel article serait coupable d'une infraction pour laquelle il serait passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, de la peine prévue par la loi.

L'article 6, quant à lui, propose de remplacer le paragraphe (3) de l'article 61 de la loi par de nouveaux paragraphes (3) à (7). Ces paragraphes ont pour objet d'obliger la Commission à transmettre un rapport au Président de la Chambre pour qu'il le soumette à l'étude du comité approprié et ce, lorsque le tribunal de la Commission juge une plainte fondée ou considère qu'il existe des motifs raisonnables de la croire véridique.

L'article 7 propose un amendement au Code canadien du travail. Cet article modifierait le Code canadien du travail en y ajoutant deux paragraphes à la suite du paragraphe 240(1). Ces deux paragraphes ont pour objet de stipuler que les renvois par mesures de représailles pour des révélations faites de bonne foi sont considérés comme des renvois injustifiés aux fins du Code.

Finalement, l'article 8 propose une modification à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. En vertu de cet article 8, le serment ou l'affirmation solennelle qui engage le fonctionnaire vis-à-vis son employeur serait circonstancié, comme suit: ne serait pas considérée comme une violation du serment ou de l'affirmation solennelle, l'action posée par un employé qui divulgue, de bonne foi, une pratique illicite de l'employeur.

[Traduction]

Depuis le dépôt de ce projet de loi à l'étape de la première lecture en mai 1994, il y a donc un an, des organismes représentant quelque 200 000 fonctionnaires fédéraux ont communiqué avec mon bureau pour me faire part de leurs intéressants points de vue.

[Français]

Les diverses observations de ces organismes m'ont permis de constater que les mécanismes d'application proposés par le projet de loi pourraient être bonifiés. Ces observations concernent entre autres le mécanisme de réception des plaintes. Dans la suite du débat, ces bonifications seront évoquées.

D'autre part, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dans un publication récente, et sous le titre Rompre le silence, soulignait l'urgence de doter la législation fédérale d'une mesure comme celle préconisée par le projet de loi C-248.

De son côté, l'Alliance de la fonction publique du Canada, qui représente à elle seule plus de 150 000 fonctionnaires, dans son compte rendu de la tenue d'audiences auprès de ses membres et portant sur la prestation des services publics, recommandait, dans son rapport intitulé Dans l'intérêt public, la promulgation d'une mesure telle que celle prévue par le présent projet de loi.

Il convient de souligner également que des parlementaires et des partis politiques se sont aussi déclarés favorables à l'avènement d'une loi appliquant les principes ci-haut mentionnés. Ainsi, un projet de loi, à toutes fins utiles, équivalent au C-248, fut présenté lors de la 34e législature par un député du Nouveau Parti démocratique et débattu en deuxième lecture. À cette occasion, deux députés libéraux, dont l'un était critique en matière d'éthique et l'autre critique en matière des droits de la personne, ont vivement appuyé les principes de ce projet. Les débats avaient lieu en février 1992.

Par ailleurs, en 1991, le porte-parole de l'opposition officielle d'alors pour l'administration gouvernementale déclarait qu'il était impératif de mettre en place une politique pour protéger efficacement les fonctionnaires qui exposent au grand jour les gaspillages. Précédemment, des députés, comme l'ancien libéral et aujourd'hui sénateur, Jean-Robert Gauthier, tout comme le député néo-démocrate Jim Fulton du comté de Skeena et comme l'ancien ministre conservateur Alan Redway, ont proposé, sous une forme ou sous une autre, des mesures législatives qui correspondaient au principe du projet de loi C-248.

(1815)

De son côté, le Parti réformiste a toujours exigé la transparence de l'appareil gouvernemental fédéral, ainsi que l'élimination du gaspillage des fonds publics. À ce titre d'ailleurs, le 11 mai dernier, en Chambre, le député réformiste de St-Albert, dans une question au président du Conseil du Trésor, s'exprimait comme suit et je le cite:

Étant donné qu'une proportion remarquable de fonctionnaires ne dénonce pas une conduite aussi peu éthique, le gouvernement va-t-il présenter un projet de loi visant à protéger les employés qui osent le faire?


13035

Mon collègue du Parti réformiste faisait référence au chapitre I du dernier Rapport du vérificateur général, où il est indiqué que les fonctionnaires ont une certaine crainte face à la dénonciation de pratiques contraires à l'éthique gouvernementale.

Les membres de notre formation politique, le Bloc québécois, lors de notre premier conseil général, les 18, 19 et 20 juin 1993, recommandaient à l'aile parlementaire de voir à ce qu'une mesure législative comportant la protection des fonctionnaires en cas de divulgation soit déposée en cette Chambre dans les meilleurs délais.

[Traduction]

Il apparaît donc que tous les partis représentés à la Chambre ont appuyé, dans le passé, une mesure comme celle qui est proposée dans le projet de loi C-248. Ainsi, le projet de loi dont nous sommes saisis mérite largement de faire l'objet d'un vote.

Pour ce faire, il faut l'unanimité, à défaut de quoi, ce projet de loi attendu du public ne pourra pas bénéficier d'une étude plus poussée.

[Français]

C'est donc dire que sans l'accord unanime de cette Chambre, syndicats, patronat, organismes, groupes, bref la population ne pourront intervenir de leurs avis et de leurs opinions sur les mesures proposées par le projet de loi C-248.

[Traduction]

Compte tenu de l'unanimité de tous les partis depuis un certain nombre d'années, quant à la nécessité d'une loi sur la dénonciation, compte tenu aussi de la nécessité d'une protection légale pour les dénonciateurs et, enfin, de la nécessité incontournable que ce projet de loi fasse l'objet d'un vote pour pouvoir être étudié en comité avant de revenir en troisième lecture, je demanderai à tous mes collègues d'accepter à l'unanimité que ce projet de loi fasse l'objet d'un vote. Je ferai cette requête tout juste avant la fin de la présente période.

[Français]

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole au sujet de ce projet de loi. C'est une initiative fort louable et bien que le gouvernement semble avoir certaines réticences au sujet de ce qui est débattu ici aujourd'hui, il y a beaucoup de bon et nous devons l'examiner de très près. C'est ma grande espérance que nous pourrons continuer le débat.

[Traduction]

Les députés savent sans aucun doute que l'un des objectifs du projet de loi consiste à définir des sanctions appropriées à imposer à ceux qui prennent des mesures de représailles, dont le renvoi, contre des employés du secteur public qui font une dénonciation ou qui signalent un cas grave d'inconduite de la part de leur employeur.

On prétend que le projet de loi C-248 protégerait les employés qui agissent de bonne foi et confirmerait qu'il y a des cas où il est dans l'intérêt public d'encourager la dénonciation, particulièrement lorsque la santé ou la sécurité du public sont en jeu.

[Français]

Il est important de se rappeler qu'on tenterait d'accentuer la santé et la sécurité des gens.

[Traduction]

Je m'intéresse vivement à toute proposition permettant d'améliorer la mise en oeuvre des programmes gouvernementaux pour accroître leur efficience et leur efficacité et éliminer le gaspillage, la mauvaise gestion et les cas de mauvaise conduite.

[Français]

Cette idée, c'est un principe de base que nous devons appuyer.

[Traduction]

Actuellement, il existe une série de dispositions législatives, ainsi que de politiques et de lignes directrices connexes qui s'appliquent dans ce domaine. Bien sûr, je m'intéresse à leurs mécanismes d'application et aux moyens de les améliorer, donc, au projet de loi à l'étude.

C'est en ayant cela à l'esprit que je suis intervenu dans le débat d'aujourd'hui sur le projet de loi.

(1820)

[Français]

Voici mes commentaires accompagnés de certains détails.

[Traduction]

Un des articles du projet de loi propose de modifier l'article 23 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Cet article exige que chaque sous-chef et chaque employé, avant d'entrer dans la fonction publique, prêtent un serment ou fassent une affirmation solennelle d'allégeance et prêtent le serment professionnel et l'engagement au secret professionnel qui figurent à l'annexe III de la loi actuelle. Le projet de loi C-248 reformule l'article 23 et y ajoute deux longs paragraphes précisant le serment professionnel et l'engagement au secret professionnel.

Un de ces paragraphes fait directement référence au paragraphe 40(1.1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il n'y aurait pas de modification en ce qui concerne le serment ou l'affirmation d'allégeance, bien que toute inconduite susceptible de constituer une violation de ce serment ou de cette affirmation puisse poser un problème sérieux.

Le serment ou l'affirmation d'allégeance est couvert par la Loi sur les serments d'allégeance. Elle dit que le serment d'allégeance, qu'il procède d'une initiative personnelle, d'une exigence légale ou d'une obligation imposée par une règle de droit en vigueur au Canada-à l'exception de la Loi constitutionnelle de


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1867 et de la Loi sur la citoyenneté-se prête devant l'autorité compétente sous une forme prescrite.

Les administrateurs généraux et les fonctionnaires prêtent, dès leur nomination, le serment ou l'affirmation d'allégeance et y souscrivent.

La confidentialité est exigée de tous les fonctionnaires fédéraux en vertu de la Loi sur les secrets officiels et du serment ou de l'affirmation d'office et de discrétion prêté par tous les fonctionnaires au moment d'entrer en fonction. L'employé jure de remplir fidèlement et honnêtement les fonctions que lui confère son emploi dans la fonction publique et, sauf autorisation expresse, de ne rien révéler de ce qui sera parvenu à sa connaissance en conséquence de cet emploi.

Naturellement, il faut reconnaître que toute déviation importante par rapport aux pratiques reconnues peut avoir de graves conséquences pour l'avenir de la fonction publique.

[Français]

C'est un élément que nous devons examiner attentivement. Si nous allions de l'avant avec les propositions de ce projet de loi, est-ce que certaines d'entre elles nous causeraient des ennuis?

[Traduction]

Il faut déterminer la nature précise des problèmes qui existent ou pourraient exister aux yeux de ceux qui proposent le projet de loi C-248, pour établir avec précision la portée et la nature des dispositifs qui s'imposent en cas d'abus ainsi que leurs modalités d'application. Il s'agit d'étudier à fond les moyens de résoudre tout problème qui pourrait se produire dans ce secteur en vertu de la loi et des règlements existants, afin de ne pas multiplier ou compliquer indûment les mesures actuellement en vigueur qui interdisent ou autorisent diverses interventions. Cela vaut pour les dispositifs propres au système judiciaire, au système de freins et contrepoids que l'on trouve dans les lois, règlements, politiques et principes directeurs actuels, dans notre système de gouvernement transparent et dans nos puissants médias.

À l'examen des modifications importantes que l'on propose d'apporter à la loi, il faut reconnaître qu'il existe déjà une mesure législative qui traite de l'abus de pouvoir et de la responsabilité chez les fonctionnaires, à tous les niveaux. L'alinéa 121(1)c) du Code criminel, par exemple, considère comme une infraction le fait qu'un fonctionnaire ou un employé du gouvernement exige, accepte ou offre ou convient d'accepter d'une personne qui a des relations d'affaires avec le gouvernement une commission, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature, directement ou indirectement, par lui-même ou par l'intermédiaire d'un membre de sa famille ou de toute personne à son profit, à moins d'avoir obtenu une autorisation appropriée.

Les députés doivent savoir que c'est là le devoir des fonctionnaires et qu'il existe des mesures disciplinaires et législatives pour faire en sorte qu'ils soient intègres, efficaces, efficients et honnêtes dans l'exécution de leurs responsabilités et dans la gestion des ressources de la fonction publique.

On s'attend à ce que les employés informent leur supérieur de toute impropriété et qu'ils proposent des moyens d'améliorer la fonction publique. En fait, le programme de primes d'encouragement reconnaît les contributions exceptionnelles faites à la fonction publique.

(1825)

Il existe également des sanctions pour empêcher, prévenir ou punir les conduites répréhensibles, les actes criminels, le gaspillage, les dépenses excessives, la discrimination ou l'abus de confiance. Comme vous pouvez le constater, monsieur le Président, il existe déjà un certain nombre de sanctions et de mesures législatives qui s'appliquent aux gestes qui inquiètent les divulgateurs et qui prévoient, à l'intention des fonctionnaires, des recours en cas de traitement injuste.

Le Canada a la réputation d'avoir l'une des meilleures fonctions publiques du monde entier. Il est vital que les employés et les gestionnaires reconnaissent l'importance de relever les problèmes et de chercher, ensemble, à les régler.

Je suis heureux d'avoir l'occasion, aujourd'hui, de commenter les modifications législatives que le député propose dans le projet de loi C-248.

[Français]

J'appuie en principe cette initiative et j'espère fortement qu'on pourra continuer d'en discuter. Comme je viens de le mentionner, un certain nombre de mécanismes existent déjà. C'est à nous de décider s'il faut aller plus loin. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter ces commentaires.

[Traduction]

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir traiter de ce sujet très important qu'est une mesure législative sur la révélation. Je suis également heureux de constater que, le 13 mars, le président du Conseil du Trésor a mentionné qu'il était toujours favorable à l'idée d'une mesure législative de ce genre, mais qu'il n'était pas encore convaincu qu'elle soit nécessaire. Je me réjouis que cette idée lui sourie. Comme mon collègue l'a mentionné plus tôt, chaque fois qu'on proposera des mesures visant à accroître la transparence du gouvernement et du processus, nous y serons favorables.

La teneur du projet de loi C-248, qui traite du droit des dénonciateurs, a été soulevée à plusieurs reprises ces 10 dernières années, au cours de l'étude des mesures d'initiative parlementaire. Malheureusement, et c'est honteux, elle n'a pas été soulevée par le gouvernement actuel ou précédent.

Il y a un vieux proverbe que j'ai appris dans ma jeunesse. Je sais qu'il vous intéressera, monsieur le Président. J'y souscris et j'espère qu'il en va de même pour tous les députés. Personnellement, je fais des efforts pour le mettre en pratique, même si c'est difficile parfois. Ce proverbe est le suivant: «L'honnêteté est toujours récompensée.»


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Je me permets de poser aux députés la question suivante: L'honnêteté paie-t-elle vraiment? Dans l'affirmative, comme je le crois, nous devrions mettre en place des institutions pour protéger et encourager l'honnêteté, pour décourager la malhonnêteté et même pour la punir quand elle est prouvée.

En général, le Code criminel et d'autres lois du Parlement exigent l'honnêteté. Par contre, bien peu de mesures invitent les organisations gouvernementales à être honnêtes, non seulement honnêtes, mais sûres et économiques pour les contribuables. J'approuve donc l'objet du projet de loi C-248, qui prévoit un mécanisme pour que les employés fassent preuve de ces qualités. Cela inciterait le gouvernement et le secteur privé à être honnêtes, car ils comprendraient qu'ils s'exposent à la dénonciation s'ils commettent des actes malhonnêtes.

Je voudrais citer un passage d'un article paru dans le Journal of Canadian Public Administration. Il résume bien la situation:

Il est amplement démontré que, faute d'un mécanisme efficace de divulgation, les employés ont souffert de troubles émotifs et physiques en essayant de vivre avec la connaissance d'actes d'escroquerie, de conflits d'intérêts, de gaspillage généralisé, d'infractions en matière de pollution et d'autres actes illégaux ou immoraux. Les entreprises ont un devoir de diligence de prévoir un tel mécanisme pour venir en aide aux employés doués d'un sens moral.
Les employés qui ont de véritables préoccupations à cet égard et qui révèlent des fautes graves subissent de véritables problèmes dans leur milieu de travail à la suite de leur révélation. L'Association of Mental Health, au Maryland, a fait une étude sur les divulgateurs à la fin des années 80 et a constaté que 82 p. 100 des dénonciateurs avaient fait l'objet de harcèlement après avoir divulgué des fautes, que 60 p. 100 avaient été congédiés, que 17 p. 100 avaient fini par perdre leur maison et que 10 p. 100 avaient révélé avoir tenté de se suicider. Le fait de ne pas croire un divulgateur sur parole et de le persécuter par la suite peut avoir de graves répercussions.

Même compte tenu de ces problèmes, la divulgation des fautes permet au gouvernement américain d'économiser les fonds publics. En 1980, le gouvernement américain a installé une ligne spéciale pour la fonction publique. Il a reçu 94 000 appels dans les 10 premières années; 1 100 d'entre eux étaient fondés, et des économies de 20 millions de dollars ont été réalisées. Les coûts de la ligne téléphonique sont infimes auprès de ces économies.

(1830)

Ce genre de politique n'est pas sans danger. Elle risque d'être utilisée de manière irresponsable par des personnes soucieuses de servir leurs propres intérêts ou qui cherchent simplement à être désagréables, à donner des difficultés et des maux de tête à d'honnêtes employeurs en faisant des allégations sans fondement pour se retrancher ensuite derrière la loi.

Ce que je veux proposer aujourd'hui, c'est une forme de dénonciation contrôlée, un mécanisme qui permette de protéger toutes les parties en cause. Nous devons avoir le droit de mettre à jour les irrégularités, la dilapidation des fonds publics ou toute menace grave à la santé ou à la sécurité de la population tout en respectant certaines limites pour protéger les employeurs et, dans le cas du Parlement, les ministres et les hauts fonctionnaires.

Je voudrais proposer ce qui me semble être la loi idéale en la matière. Ensuite, nous pourrons comparer cette loi idéale au projet de loi dont nous sommes saisis. La loi idéale en matière de divulgation devrait définir la nature et l'étendue des activités qui y sont visées et préciser la gravité des fautes à divulguer. Ce n'est pas facile à faire, je l'admets.

Par exemple, un employé pourrait être tenté de dénoncer un collègue de travail qui est arrivé au bureau en retard de quelques minutes, simplement parce qu'il est en colère contre lui pour des raisons inconnues. La loi devrait être conçue de façon à éviter de créer une sorte de paradis pour les délateurs. La loi prévoirait probablement d'abord une quelconque démarche interne avant de sanctionner la révélation publique. Il n'est que juste qu'un employeur puisse s'expliquer avant d'être vilipendé dans la presse.

La loi idéale favoriserait la déclaration publique plutôt que la fuite de documents. Les fuites sont le cauchemar de tout ministre. Si j'étais ministre, je n'aimerais pas non plus que des documents fassent l'objet d'une fuite. Toutefois, la loi sur la révélation publique ne protégerait pas la fuite de documents, sauf s'il était question, je le répète, d'inconduite grave ou de quelque chose du genre. Les fonctionnaires sont censés garder le caractère confidentiel des documents en tout temps et la loi ne devrait pas changer cela.

J'aime bien penser qu'un employé pourra révéler franchement des choses par des voies protégées si nécessaire.

La loi devrait prévoir des limites de telle sorte que des employés ne puissent pas se venger de certaines personnes en exposant au grand jour des choses qui se sont passées il y a longtemps et cela, longtemps après avoir quitté l'employeur.

Je crois aussi que la loi doit prévoir un système de primes pour les dénonciateurs qui agissent de bonne foi. Cela pose également un problème et je ne prétends pas avoir toutes les solutions. Il est déjà assez difficile pour les dénonciateurs de révéler ce qu'ils savent en dépit de la protection que le président du Conseil du Trésor dit être déjà prévue. On voit qu'il leur est très difficile de passer aux actes.

Aux États-Unis, conformément à la False Claims Act, les divulgateurs touchent 25 p. 100 des économies réalisées grâce à leurs divulgations. Au cours des six premières années d'application de la loi, 407 poursuites judiciaires ont été intentées et 37 ont été réglées pour des économies totales de 147 millions de dollars. Aux États-Unis, chaque divulgateur reçoit 400 000 $ en moyenne.

J'hésite beaucoup à appuyer ce genre de généreux encouragement pécuniaire offert aux dénonciateurs. Toutefois, si ce projet de loi est renvoyé à un comité, ce dernier devrait se pencher sur la question de savoir s'il faut offrir une sorte d'encouragement pécuniaire, de reconnaissance publique, de reconnaissance écrite. Le comité devrait se pencher sur la question afin de déterminer si c'est une idée qui peut s'appliquer au Canada.

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On doit également accorder une protection juridique aux dénonciateurs légitimes, y compris des conseils confidentiels aux fonctionnaires et un processus d'appel pour ceux qui sont harcelés ou congédiés. Pour ce faire, nous avons besoin d'un organisme indépendant qui serait, en quelque sorte, chargé d'examiner la question en toute objectivité. Je ne proposerai pas le Sénat, mais nous avons besoin d'un organisme qui donnerait à l'employé des conseils confidentiels sur la question de savoir si sa divulgation est légitime, notamment.

(1835)

Cette personne ou organisme indépendant, une sorte d'ombudsman ou de conseiller en éthique indépendant-l'accent étant mis sur l'adjectif indépendant-ferait également office de dépositaire des informations divulguées. N'importe qui pourrait venir consulter ces informations. Ce bureau serait très populaire. Nombre de fonctionnaires ont communiqué avec moi au sujet de la nécessité d'une telle chose.

Si c'était fait de cette façon, le bureau fonctionnerait d'une manière ordonnée et non partisane, de sorte que l'employé en cause serait protégé; de plus, le gouvernement ou n'importe quel autre employeur serait lui aussi protégé par la suppression d'accusations frivoles ou malveillantes comme celles dont j'ai parlé tout à l'heure, soit le fait qu'un employé prend de trop longues pauses café ou quelque chose du genre.

Il faudrait ensuite un système d'appel pour les employés harcelés ou congédiés. Nous avons besoin de quelque chose de ce genre. Une enquête pourrait être faite et des réparations accordées. Cependant, il faudrait une loi connexe pour imposer des mesures disciplinaires aux employés qui ont divulgué des documents visés par leur engagement au secret professionnel. Par exemple des documents confidentiels du Cabinet ou d'autres documents qu'ils n'auraient toujours pas le droit de divulguer. Nous devons prendre des mesures pour que les employés n'aient pas l'impression que la loi leur donne le droit de divulguer des renseignements qui doivent nécessairement demeurer confidentiels.

Le projet de loi C-248 est-il bon? J'ai mentionné plusieurs choses qui pourraient être étoffées. Je vois ce projet de loi comme une bonne esquisse, il contient beaucoup de bonnes idées. Cependant, je ne crois pas qu'il soit assez précis à beaucoup d'égards. Par exemple, il ne contient aucune précision quant aux délais rattachés aux rapports, à la gravité des infractions pouvant être rapportées ni même au genre de choses que les employés pourraient signaler.

Nous devrions voir s'il est opportun de créer un système d'encouragement quelconque, ce dont le projet de loi ne fait pas mention. Il faudrait faire quelque chose pour corriger l'inertie naturelle du projet de loi en ce qui concerne la dénonciation. Nous devons lui donner un coup de pouce au départ, et la création d'un programme d'encouragement serait peut-être la solution.

Je ne suis pas convaincu que la Commission canadienne des droits de la personne soit l'organisme le mieux placé pour résoudre ce problème. La commission est en train de devenir une panacée. Elle semble résoudre tous les problèmes ou étendre son champ d'activité. Le projet de loi C-64 étend sa compétence à l'équité en matière d'emploi.

Le fait que la Commission canadienne des droits de la personne soit en train de devenir un fourre-tout pose un petit problème. Je me demande si cette question ne devrait pas relever du ministère du Travail, plutôt que de la Commission des droits de la personne, puisqu'il s'agit d'une question typique de relations entre l'employeur et les employés. Je me demande si nous ne pourrions pas confier cette responsabilité au ministère du Travail, puisqu'il s'agit au fond d'une question de relations entre employeurs et employés. Par ailleurs, ce ministère serait mieux en mesure de s'occuper de ce type de questions touchant l'emploi.

Enfin, je le répète, ce projet de loi ne renferme aucun moyen de dissuasion à l'égard des dénonciateurs peu sérieux qui veulent simplement passer le temps et harceler les employeurs. Or, il nous faut de tels moyens de dissuasion.

En conclusion, l'objet du projet de loi C-248 est tout à fait noble. Mon parti appuie son orientation générale, mais ce projet de loi est comme une coquille qu'on doit remplir. J'apprécie le travail du député dans ce domaine et, je le répète, mon seul regret, c'est que le gouvernement lui-même n'ait pas présenté ce projet de loi.

Cela ressemble beaucoup à ce qui s'est passé dans le cas de l'accès à l'information. Il y a eu beaucoup de projets de loi d'initiative parlementaire au fil des ans qui ont cherché à améliorer cet accès. Avec le recul et en fonction de tous les avantages qu'a apportés la Loi sur l'accès à l'information, le gouvernement libéral ferait bien de prendre cette mesure législative comme un projet de loi-cadre et de chercher à lui donner plus de substance. Je me rends compte qu'il prendra alors quelques risques.

Une fois qu'on aura adopté ce type de mesure législative, après l'avoir améliorée au comité, nous nous demanderons tous alors comment nous avons pu nous en passer. C'est une excellente idée. Nous, de ce côté-ci, attendons avec impatience qu'une véritable loi sur la dénonciation devienne une réalité.

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-248 est un bon projet de loi, parce qu'il répond à un besoin criant. On sait qu'il y a beaucoup de gaspillage et d'abus au gouvernement, c'est légendaire. Je siège comme vice-président aux travaux publics, et comme le député de Saint-Boniface qui a parlé pour le gouvernement le sait également, nous avons vu des cas nombreux d'abus, de gaspillage au sein de la fonction publique, particulièrement dans le dossier de la sous-traitance, où on calcule qu'il y a environ de 5 à 10 milliards de dollars par année en contrats accordés par le gouvernement fédéral à l'entreprise privée.

(1840)

Dans ce secteur seulement, il y a certainement des centaines de millions de dollars gaspillés par abus, par erreur. L'Alliance de la fonction publique nous a donné des exemples de ce genre de gaspillages, des choses absolument incroyables. Par exemple, il y avait des peintres à l'emploi du gouvernement fédéral qui ont été mis de côté pour des emplois qui ont été accordés à des entrepreneurs privés payés pour ce travail, alors que les fonc-

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tionnaires étaient assis et les regardaient. Il y a eu des contrats, des baux émis qui ont été de véritables gaspillages de la part du gouvernement. Le gaspillage est légendaire.

Si les fonctionnaires avaient le droit de dénoncer ces cas, le gouvernement serait certainement en mesure d'économiser des millions de dollars par année. La population le sait très bien et une des critiques qu'on entend le plus souvent de la part de la population est que le gouvernement n'est pas assez soucieux des dépenses, d'autant plus que le Canada fait face à un déficit monstrueux.

Il serait bon, à partir d'économies, de mettre sur pied un projet de loi de ce genre. Mais ce serait aussi un projet de loi qui aiderait à rehausser la crédibilité du gouvernement et celle des politiciens qui sont, évidemment, accusés également, qui sont responsables jusqu'à un certain point de ces abus et de ce gaspillage dans la fonction publique.

Si les fonctionnaires pouvaient dénoncer les cas d'abus, ce serait non seulement une mesure d'économie, mais il y aurait sans doute des événements ou des agissements qui mettent en cause la santé et la sécurité publiques qui seraient révélés.

Malgré le fait que les fonctionnaires dénonceraient les abus, il faut les protéger. Ils seraient peut-être en mesure de dénoncer les agissements de leurs supérieurs ou de leurs confrères de travail. Donc, les fonctionnaires ont besoin d'une forme de protection que ce projet de loi tente de leur apporter.

Les exemples sont nombreux. Il y a plusieurs exemples, à travers le monde, de gouvernements qui ont déjà mis en vigueur des projets de loi comme celui-ci visant à donner aux fonctionnaires le droit de dénoncer les abus et le gaspillage au sein de la fonction publique. C'est d'ailleurs une philosophie d'administration publique qui devient de plus en plus populaire aux États-Unis.

On sait qu'il y a au-delà d'une vingtaine d'États américains, cela comprend les États les plus importants dont New York et la Californie, qui ont mis sur pied des projets de loi semblables, qui non seulement permettent aux fonctionnaires de divulguer les abus et qui les protègent, mais dans certains États, la loi protège même la divulgation d'abus et de gaspillages dans l'entreprise privée. Les Américains ont fait des progrès considérables dans ce secteur comparativement au Canada.

Les États-Unis ne sont pas le seul pays. En Angleterre également, il y a un projet de loi semblable, sauf qu'au Canada, on n'en a pas. Ce serait bien, évidemment, si le gouvernement fédéral pouvait prendre une initiative dans ce domaine. Toutes les raisons sont là pour, effectivement, encourager la mise en oeuvre de ce projet de loi. En fait, il n'y a pas de raison de refuser ce projet de loi, sauf peut-être un manque de volonté de la part du gouvernement. Ce n'est pas même une question partisane, ce n'est pas une question d'être fédéraliste ou souverainiste, c'est purement une question de bon sens. Les fonctionnaires eux-mêmes, l'Alliance de la fonction publique, comme d'autres collègues l'ont dit, se sont déjà présentés et sont entièrement en faveur pour les raisons que j'ai déjà mentionnées.

Il n'y a pas vraiment de raison de ne pas vouloir approuver ce projet de loi, parce que c'est un projet de loi qui va améliorer le fonctionnement de la fonction publique et économiser. Pourquoi ne pas approuver ce projet de loi en principe, comme l'a indiqué le député de Saint-Boniface et le représentant du Parti réformiste? Pourquoi ne pas l'envoyer au comité pour le bonifier et l'améliorer s'il a des défauts et faire en sorte qu'on puisse faire un bout de chemin pour que le Canada se dote d'un projet de loi qui permet aux fonctionnaires de divulguer les abus sans qu'ils subissent des représailles injustes.

Le président suppléant (M. Kilger): Le député de Portneuf a la parole sur un recours au Règlement.

M. de Savoye: Monsieur le Président, comme je l'avais mentionné précédemment, j'aimerais avoir l'accord unanime de cette Chambre pour que ce projet de loi soit votable.

Nous l'avons vu, le public canadien attend un projet de loi comme celui-ci. Il y a une opportunité d'avoir un débat de fond important qui va éclairer les députés de cette Chambre et le public. Il y aura ensuite l'opportunité bien sûr, si c'est le bon vouloir de cette Chambre à l'époque, de voter pour ce projet de loi et de faire en sorte qu'il soit renvoyé à un comité.

À ce moment-ci, ce dont nous parlons, c'est exclusivement d'avoir deux autres opportunités de pouvoir parler de ce projet de loi. Je demande donc à la Chambre le consentement unanime.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre a entendu la proposition du député de Portneuf pour un consentement unanime pour que cette motion devienne votable et jouisse de deux heures de débat supplémentaires.

Est-ce qu'il y a consentement unanime?

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): La période allouée à l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément à l'article 96 du Règlement, l'ordre est rayé du Feuilleton.

Comme il est 18 h 50, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 14 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 49.)