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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 5 octobre 1995

AFFAIRES COURANTES

LES FORCES DE PAIX EN EX-YOUGOSLAVIE

    M. Leroux (Shefford) 15252
    M. Mills (Red Deer) 15252

LA LOI DE 1995 POUR LA MISE EN OEUVRE DE CONVENTIONSFISCALES

    Projet de loi C-105. Adoption des motions de présentation et de première lecture 15253

PÉTITIONS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

LA BFC CALGARY

    M. Harper (Calgary-Ouest) 15253

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LE PROGRAMME DE PROTECTION DES TÉMOINS

    Projet de loi C-78. Motion de deuxième lecture 15253
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 15259
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loiet renvoi à un comité 15276

LA LOI SUR LES EXPLOSIFS

    Projet de loi C-71. Reprise de l'étude à l'étape durapport 15276
    Motion d'approbation 15276
    Adoption de la motion 15276
    Motion de troisième lecture 15276
    Adoption de la motion; troisème lecture et adoptiondu projet de loi 15282

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA SEMAINE NATIONALE DE LA FAMILLE

L'UNION ÉCONOMIQUE QUÉBEC-CANADA

    M. Leroux (Shefford) 15283

LES TRAGÉDIES AÉRIENNES

LES TAUX D'INTÉRÊT

LES PARCS NATIONAUX ET LES SITES HISTORIQUES

LA JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTS

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 15284

LA DETTE NATIONALE

LES SOINS DE SANTÉ

WATERLOO

LE CHEF DE L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

LE CHEF DE L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

LE DOLLAR CANADIEN

LA JUSTICE

LE CHEF DE L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

    Mme Ringuette-Maltais 15286

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

LA BANQUE ROYALE

QUESTIONS ORALES

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 15287
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15287
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15288
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 15288
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 15288

LE MAINTIEN DE LA PAIX

    M. Mills (Red Deer) 15289
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15289
    M. Mills (Red Deer) 15289
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15289
    M. Mills (Red Deer) 15289
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15289

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 15290
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 15290

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15291

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 15291
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15291

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15292
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15292

LA DETTE FÉDÉRALE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15292
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15292

LA BFC SHEARWATER

IPPERWASH

L'ACCÈS À L'INFORMATION

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15293
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 15294

L'AGRICULTURE

L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

LES AFFAIRES INDIENNES

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15295

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

DROITS DE LA PERSONNE ET CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

    Adoption de la motion 15296

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

    Projet de loi C-64. Motion de troisième lecture 15296
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 15296
    Mme Gagnon (Québec) 15301
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 15316

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

L'ÉCONOMIE SOUTERRAINE

    Reprise de l'étude de la motion 15318
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 15321
    Adoption de la motion 15325

MOTION D'AJOURNEMENT

LES SUBVENTIONS GOUVERNEMENTALES

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES


15251


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 5 octobre 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LES FORCES DE PAIX EN EX-YOUGOSLAVIE

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Madame la Présidente, permettez-moi d'abord de m'excuser auprès des représentants du Bloc québécois et du Parti réformiste pour le très court avis que nous leur avons donné sur cette déclaration ministérielle que je fais ce matin. C'est une décision qui n'a été prise que tard hier. Les Nations Unies annonceront une diminution substantielle de leurs effectifs dans l'ex-Yougoslavie et, par conséquent, j'ai pensé qu'il convenait de faire une déclaration en cette Chambre avant que les Nations Unies fassent leur annonce aujourd'hui.

Je souligne que je n'avais pas l'obligation de faire une déclaration en cette Chambre, mais j'ai pensé, même si je ne leur donnais pas un avis très long, que les partis d'opposition, qui ont toujours été impliqués et qui ont toujours eu l'occasion de s'exprimer sur les forces de paix engagées dans l'ex-Yougoslavie, apprécieraient cette occasion d'enregistrer au débat parlementaire leur réaction et, je l'espère, leur appui à la décision du gouvernement.

Permettez-moi de dire que la situation en Bosnie a changé considérablement au cours des dernières semaines. Comme l'ONU a conclu qu'elle n'a plus besoin de tous les contingents autorisés pour la FORPRONU, elle a demandé à certains pays fournisseurs de réduire leurs forces, et à d'autres de se retirer.

Les réductions et réaffectations toucheront environ 9 000 militaires. La FORPRONU passera de 21 000 à 15 000 soldats, et la Force de réaction rapide qui avait été ajoutée au contingent des Nations Unies, elle, verra son effectif diminué de quelque 3 000 personnes.

Les éléments des Forces canadiennes comptent parmi ceux que l'ONU n'estime plus nécessaires en Bosnie. Les détails de la décision seront annoncés aujourd'hui même par le Secrétaire général de l'ONU.

Le bataillon canadien présent en Bosnie ne sera donc pas remplacé aux termes de son mandat actuel de six mois qui prendra fin en novembre. Nous avions eu un débat parlementaire au moment de l'envoi de ce bataillon et certains parlementaires s'étaient exprimés en faveur de l'envoi de ce bataillon, d'autres avaient exprimé l'opinion que nous devions cesser notre présence en ex-Yougoslavie. Le retour de ce bataillon qui ne sera pas remplacé devrait, je présume, satisfaire les représentants du Parti réformiste qui nous avaient dit à ce moment-là que nous devions singulièrement réduire nos effectifs en Bosnie.

Permettez-moi de dire que le Canada demeurera cependant tout de même présent dans la région, puisque des observateurs militaires canadiens et du personnel canadien au sein de l'état-major de la Force de l'ONU resteront à Zagreb et à Sarajevo. Les Forces canadiennes qui sont affectées actuellement aux opérations de l'OTAN dans l'Adriatique et qui surveillent la zone d'interdiction de survol de la Bosnie ne seront pas touchées non plus par cette réduction.

[Traduction]

Si les efforts actuellement déployés en vue d'aboutir à un accord de paix sont couronnés de succès, la région entrera dans une nouvelle phase. Le Canada participera à l'effort de reconstruction dans l'ex-Yougoslavie. Lorsqu'un accord sera conclu, le Canada sera là, si besoin est, au sein de la nouvelle force, en compagnie des alliés, afin de contribuer à la mise en oeuvre de la paix sous l'égide des Nations Unies et dans le cadre de l'engagement permanent du Canada envers l'Europe.

Le Canada est dans l'ex-Yougoslavie depuis trois ans et demi, soit depuis le début des opérations de maintien de la paix dans la région. Les Canadiens se sont distingués dans les opérations terrestres, maritimes et aériennes. Nous maintiendrons notre présence grâce à 13 observateurs militaires et à un navire ayant à son bord 212 membres d'équipage. Nous continuerons à assurer le pont aérien de Sarajevo avec un aéronef et 45 membres d'équipage. De plus, nous disposerons de six personnes à bord de l'AWACS et de 50 autres au quartier général.

Je veux souligner le courage et l'intégrité des milliers de soldats Canadiens qui ont servi avec honneur sous les drapeaux du Canada et des Nations Unies. Je rends hommage, entre autres, à ceux qui ont sacrifié leur vie pour la paix. Au nom de tous les Canadiens, j'exprime ma gratitude à tous ceux et toutes celles qui participent toujours aux efforts des Nations Unies en vue d'instaurer une paix durable dans cette région.


15252

[Français]

Je veux remercier cette Chambre de nous permettre cette courte déclaration qui, en même temps, permet aux partis d'opposition d'exprimer leur point de vue.

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir ce matin de prendre la parole, au nom du Bloc québécois, sur la Bosnie.

Vous me permettrez cependant de souligner que nous avons reçu, comme le disait le ministre, la copie de la déclaration ministérielle il y a une demi-heure seulement. Je pense que c'est un délai qui est très peu raisonnable.

(1010)

Cette façon pour le moins cavalière de procéder de la part du gouvernement en dit long sur le peu de respect qu'il accorde aux règles parlementaires les plus élémentaires. La pratique parlementaire veut en effet que le ministre fasse parvenir une copie de la déclaration au moins une journée à l'avance. Ce comportement est tout à fait typique du ministre des Affaires étrangères.

C'est celui-là même qui a eu le culot, en 1990, de prétendre que le fédéralisme sert de rempart pour protéger les libertés individuelles. Il y a de quoi s'inquiéter d'entendre pareilles faussetés. C'est justement ce gouvernement fédéral libéral qui n'a pas hésité à proclamer la Loi sur les mesures de guerre, en 1970, prétendant à un état d'insurrection appréhendé au Québec pour bafouer les droits et libertés de plusieurs centaines de Québécois.

Il y a de quoi être révolté lorsqu'on prend connaissance des propos de ce ministre, qui déclarait à la Commission Bélanger-Campeau que les droits fondamentaux sont davantage exposés aux abus de pouvoir politique dans les pays qui n'ont qu'un seul palier de gouvernement. Voilà l'homme que nous avons devant nous, celui-là même qui a commis une énormité lors de son passage à New York, récemment. Il a en effet comparé la démarche hautement démocratique des Québécois en faveur de la souveraineté à la situation qui prévaut en ex-Yougoslavie.

Que voulait donc dire le ministre en déclarant, et je cite: «Nous, on ne s'est pas encore tués et entre-tués et j'espère que l'exemple de l'ex-Yougoslavie ne s'appliquera jamais au Canada»? Le ministre des Affaires étrangères et le gouvernement canadien devraient avoir honte de faire pareilles insinuations. Cette irresponsabilité du ministre en dit long sur le camp du non: l'intolérance, l'insulte et l'injure.

Quoi qu'il en soit, c'est avec le sentiment du devoir accompli que nous apprenons ce matin que le bataillon canadien présent en Bosnie ne sera pas remplacé au terme de son mandat, au mois de novembre prochain. Si le travail accompli par les Casques bleus commence à porter fruit, c'est précisément parce que nous n'avons pas abandonné nos responsabilités d'opposition officielle en cours de route.

En effet, alors que les pressions étaient très fortes pour que l'on se retire en abandonnant dans le dénuement et l'insécurité la population civile là-bas, tel que le souhaitait le Parti réformiste, par exemple, nous, du Bloc québécois, considérions au contraire que l'idée que nous nous faisons de nos obligations humanitaires exigeait que nous demeurions sur place.

Comme le disait le chef de l'opposition officielle, dès janvier 1994, il fallait garder à l'esprit que nous devions continuer, à la mesure de nos moyens, d'assumer notre juste part des obligations que nous impose notre allégeance aux valeurs de démocratie, de paix et de justice. Aujourd'hui, nous en voyons le résultat concret. Tout indique que le conflit en Bosnie pourra se régler par entente à la table des négociations, plutôt que sur le champ de bataille par la violence et les massacres. Au nom du Bloc québécois, je tiens à rendre hommage au courage et aux sacrifices de tous nos militaires, dont plusieurs y ont laissé leur vie pour que triomphe la paix.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Madame la Présidente, je vais formuler mes observations du point de vue de l'opposition nationale.

Après trois années et demie d'excellents services, nos gardiens de la paix reviennent enfin de Bosnie. C'est merveilleux. Ils méritent toutes nos félicitations pour le très bon travail qu'ils ont fait. Durant ces années, nos gardiens de la paix ont dû travailler dans les circonstances les plus difficiles, mais ils ont toujours accompli leur devoir avec distinction.

Toutes nos troupes qui ont servi dans l'ancienne Yougoslavie peuvent compter sur les remerciements des Canadiens et des parlementaires. Nous adressons également nos plus sincères condoléances aux familles de ceux qui ont été tués au service de la paix.

Depuis plus d'un an maintenant, le Parti réformiste demande que ce jour arrive. Je veux me reporter directement à la déclaration du ministre. Je pense qu'elle renferme un message codé. Je tiens à signaler au ministre que le dernier débat à la Chambre a eu lieu le 29 mars et qu'il était alors question d'un mandat de six mois. Ce mandat a expiré à la fin de septembre. Toutefois, on l'a prolongé jusqu'en novembre sans consulter la Chambre.

(1015)

Le ministre a déclaré que nous ferions partie d'une nouvelle force. On ignore au juste en quoi consistera cette nouvelle force. On ne nous dit rien non plus sur les critères qui régiront notre participation. Les Canadiens se posent bien des questions. Ils souhaitent qu'on y réponde et qu'on établisse également les critères dans cette enceinte.

Ces questions portent sur les coûts et la durée de l'engagement. Les Canadiens veulent aussi savoir s'il y a une paix à maintenir. Nos troupes ont-elles un mandat bien précis? Ce qu'ils souhaitent savoir surtout, c'est si nous allons participer à la prise de décisions, contrairement à ce qui s'est fait jusqu'à maintenant dans l'ancienne Yougoslavie où nous nous sommes contentés de nous plier aux décisions du groupe de contact.

Nous devons nous pencher sur les Nations Unies et les réformes qui s'imposent. Je sais que le ministre s'intéresse à la question. Il faut examiner la mauvaise gestion qu'on constate au sein des Nations Unies et réfléchir aux sérieux doutes que nous avons au sujet des missions des Nations Unies, par exemple en Somalie, dans l'ancienne Yougoslavie et maintenant à Haïti, où on semble avoir beaucoup de mal à assumer le mandat prévu. Il s'agit d'établir des critères.

15253

Le gouvernement a mal géré toute cette affaire. Je trouve difficile d'élaborer là-dessus, étant donné que la déclaration du ministre nous a été communiquée il y a 15 minutes à peine. Cependant, le ministre a dit qu'il n'était pas responsable de cela.

Les débats à la Chambre soulèvent de graves questions. Je ne crois pas qu'on en tienne compte. Cet été, durant une période critique, il y a eu un manque de leadership. Le ministre n'était pas là pour répondre aux questions. Le premier ministre faisait du canot quelque part et s'est contenté de formuler des observations très générales que j'ai trouvées tout à fait insultantes pour moi, en tant que parlementaire, et pour les Canadiens.

Le Parti réformiste veut remercier nos troupes. Il exige que le Parlement établisse des critères avant que nous ne devenions le service 911 des Nations Unies. Il faut le faire au Parlement et non pas simplement au Cabinet. On doit rétablir la confiance des Canadiens dans les opérations de maintien de la paix, dans la gestion du gouvernement et dans le leadership dont il devrait faire preuve.

M. Ouellet: Madame la Présidente, je m'excuse. J'ai oublié de déposer la lettre dans ma déclaration initiale. Je souhaiterais déposer la lettre que M. Kofi Annan, Sous-Secrétaire général, Opérations de maintien de la paix, nous a fait parvenir et qui précise les décisions des Nations Unies. Elle devrait intéresser tous les parlementaires.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Le ministre a-t-il le consentement unanime pour déposer la lettre?

Des voix: D'accord.

* * *

LA LOI DE 1995 POUR LA MISE EN OEUVRE DE CONVENTIONS FISCALES

L'hon. Lawrence MacAulay (au nom du ministre des Finances) demande à présenter le projet de loi C-105, Loi mettant en oeuvre une convention conclue entre le Canada et la République de la Lettonie, une convention conclue entre le Canada et la République d'Estonie, une convention conclue entre le Canada et la République de la Trinité et Tobago, une convention conclue entre le Canada et la République de Hongrie, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

(1020)

PÉTITIONS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, je désire présenter une pétition qui a circulé partout au Canada. Elle est signée par un certain nombre de Canadiens des régions d'Oakville, de Burlington et de Mississauga, en Ontario.

Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la gestion familiale et le soin des enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société. Ils déclarent également que la Loi de l'impôt sur le revenu exerce une discrimination contre les familles qui décident de prendre soin, à la maison, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

Les pétitionnaires demandent donc humblement au Parlement de poursuivre des initiatives visant à supprimer cette discrimination contre ces familles.

LA BFC CALGARY

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur et le devoir de présenter à la Chambre une pétition signée par 7 953 personnes. Elle fait partie d'une plus longue pétition contenant près de 10 000 signatures, principalement de gens de Calgary.

Ces résidants s'opposent à la fermeture de la BFC Calgary et sont de plus en plus préoccupés, car ils ont appris que le déménagement de la BFC Calgary à Edmonton ne fera pas économiser l'argent des contribuables. En fait, le déménagement ne vise pas à réaliser des économies.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je désire informer la Chambre que, conformément au paragraphe 33(2) du Règlement, la période réservée aux initiatives ministérielles sera prolongée de 16 minutes, en raison de la déclaration ministérielle.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, je demande que toutes les autres questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Maheu): D'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


15253

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LE PROGRAMME DE PROTECTION DES TÉMOINS

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-78, Loi instaurant un programme de protection pour certaines personnes dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Madame la Présidente, c'est pour moi un plaisir d'ouvrir aujourd'hui le débat sur le projet de loi C-78, Loi sur le programme de protection des témoins, et d'en demander l'adoption à l'étape de la deuxième lecture.

Le projet de loi vise à doter pour la première fois d'un fondement législatif le programme de protection des sources et des témoins de la Gendarmerie royale du Canada. Je suis persuadé que tous les députés sont conscients de l'importance de la protection des té-


15254

moins et des sources, et de la nécessité, pour le gouvernement, d'assurer la sécurité des personnes qui aident la police et les procureurs dans leurs efforts pour réprimer le crime.

L'expérience montre que le recours à des témoins qui fournissent des éléments de preuve ou collaborent à des enquêtes policières au risque de se causer du tort ou d'en causer à leur famille est souvent l'un des moyens les plus efficaces dont dispose notre système de justice pour lutter contre le crime, en particulier le crime organisé.

L'objectif de la Loi sur le programme de protection des témoins est de voir à ce que notre programme fédéral de protection des témoins continue d'offrir la meilleure protection possible aux sources et aux témoins éventuels.

(1025)

[Français]

Les changements proposés dans la loi rendront l'actuel Programme de protection des sources et des témoins de la GRC-qui est en place depuis 1984 en tant que programme administratif seulement-plus transparent et plus efficace en lui procurant un fondement législatif et réglementaire solide.

[Traduction]

Nous créons en somme un programme de protection des témoins doté pour la première fois d'un fondement législatif. Cette loi aura un effet important, soit de situer davantage dans le domaine public le programme de protection des sources et des témoins de la GRC.

Je sais que c'était là une grande préoccupation chez mon collègue, le député de Scarborough-Ouest, qui a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur la protection des témoins, mesure qui a constitué une base utile pour les discussions qui ont abouti au projet de loi C-78. Je tiens à le remercier encore une fois de tous ses efforts.

Ce projet de loi précisera les obligations au sujet des comptes à rendre quant au fonctionnement du programme de protection des sources et des témoins de la GRC. Évidemment, l'identité des sources et des témoins restera secrète, tandis que les critères de sélection, le processus décisionnel ainsi que la portée et l'étendue de la protection à offrir seront clairs et transparents. Grâce à ces dispositions législatives, les participants au programme et la GRC, qui l'administre, comprendront bien leurs droits et leurs obligations ainsi que l'ampleur et la portée de la protection assurée.

[Français]

Cela devrait aussi prévenir tout malentendu éventuel entre la GRC et les personnes protégées. Dans l'ensemble, les changements apportés au Programme de protection des sources et des témoins de la GRC répondront aux besoins, tant des services de police que des témoins et des sources éventuels qui ont besoin de protection.

[Traduction]

Les changements proposés assureront des critères d'admission des témoins clairement définis, un traitement uniforme des cas dans l'ensemble du pays et un exposé clair des responsabilités et des obligations des administrateurs du programme et des personnes qui y participent. En outre, le projet de loi garantira une structure de gestion mieux définie à l'intérieur de la GRC pour le fonctionnement quotidien du programme, ce qui assurera une reddition des comptes plus rigoureuse.

De plus, le projet de loi prévoit un mécanisme de règlement des plaintes et la présentation, par le commissaire de la GRC, d'un rapport annuel au solliciteur général sur le fonctionnement du programme, rapport devant être déposé à la Chambre.

Les services de l'ordre aux niveaux provincial et municipal pourront encore, comme ils l'ont fait par le passé, avoir recours au programme de protection des sources et des témoins de la GRC, selon une formule de recouvrement des coûts. Le projet de loi ne cherche toutefois pas à remplacer les programmes de protection des témoins relevant des provinces ou des municipalités.

Compte tenu du programme de restrictions financières du gouvernement, ces changements au programme de protection de la GRC seront financés à partir des ressources actuelles.

Lorsque le gouvernement a été élu, il s'est engagé à assurer la sécurité dans les foyers et dans les lieux publics. Depuis son arrivée au pouvoir, il a respecté cet engagement. En effet, nous avons présenté le projet de loi C-45, visant la réforme du système correctionnel et du régime de mise en liberté sous condition. Ce projet de loi a été adopté par la Chambre et il est maintenant à l'étude à l'autre endroit.

Nous avons mis en place un système utilisant les banques de données du Centre d'information de la police canadienne afin d'éviter que les auteurs d'infractions sexuelles contre des enfants ne se retrouvent, comme bénévoles ou employés rémunérés, en contact avec des enfants. Nous avons établi, en faisant appel aux mêmes banques de données, un système national de repérage destiné à aider les procureurs de la Couronne à recourir plus fréquemment et plus efficacement aux dispositions du Code criminel sur les délinquants dangereux afin de mieux protéger la société contre les délinquants à risque élevé.

(1030)

Nous avons présenté sur le contrôle des armes à feu des propositions détaillées qui ont été adoptées par les Communes et sont maintenant à l'étude à l'autre endroit. Nous avons créé le Conseil national de prévention du crime, modifié la Loi sur les jeunes contrevenants, fait adopter le projet de loi C-41 sur la détermination de la peine. Nous avons fait adopter des mesures pour prévenir le recours à l'intoxication extrême comme moyen de défense dans les causes d'agression et d'autres crimes graves. Nous avons légiféré pour que les juges des cours provinciales puissent autoriser la police à prélever sur les suspects des échantillons pour effectuer une analyse génétique.

La Loi sur le programme de protection des témoins est un autre élément important de nos efforts visant à améliorer la sécurité de tous les Canadiens. J'exhorte tous les députés à appuyer le projet de loi C-78. À cet égard, je tiens à remercier la députée réformiste de Surrey-White Rock-South Langley qui a soutenu ce projet de loi lorsqu'elle était porte-parole de son parti pour le ministère du Solliciteur général. J'espère que nous pourrons compter sur un


15255

appui semblable de la part de tous les députés pour que le projet de loi C-78 soit adopté rapidement.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir, au nom de l'opposition officielle, d'intervenir sur le projet de loi C-78 que vient de déposer l'honorable solliciteur général.

Il est un peu surprenant que le projet de loi C-78, que dépose ce matin l'honorable solliciteur général, soit, à toutes fins utiles, similaire à un projet de loi que cette Chambre a déjà adopté le 26 septembre dernier, et qui est le projet de loi C-206, déposé par l'honorable député de Scarborough-Ouest et adopté en première lecture le 1er février dernier.

De fait, lorsqu'on prend les deux projets de loi et qu'on les compare, il y a très peu de différence entre le projet de loi C-78, dont nous sommes saisis aujourd'hui, et le projet de loi C-206 qui a déjà été adopté en deuxième lecture par cette Chambre.

Les seuls changements que j'ai pu noter, qui ne sont pas majeurs, sont que l'indemnisation des témoins peut être meilleure en vertu du projet de loi tel que déposé aujourd'hui. D'autre part, et là, je ne trouve pas que ce soit une amélioration, désormais, avec le projet de loi C-78, le commissaire de la Gendarmerie royale sera chargé de faire les arrangements avec les témoins ou leurs procureurs visant à leur protection. Sous le l'empire du projet de loi C-206, tel qu'adopté le 26 septembre dernier, le solliciteur général avait l'autorité pour conclure les ententes avec les témoins. Cela facilitait bien sûr, dans l'exercice du système parlementaire dans lequel nous vivons, le contrôle via la responsabilité ministérielle des activités gouvernementales à cet égard.

Je pense qu'il s'agit d'une question sur laquelle il faudra nous pencher à nouveau en comité, car au niveau des principes, il n'y a pas de grandes divergences entre la position du solliciteur général et celle que j'adopte, au nom de l'opposition officielle. Il faudra quand même se repencher pour savoir qui doit être responsable des ententes conclues. Je comprends qu'ultimement, on pourra toujours argumenter que le commissaire de la GRC, étant responsable devant le solliciteur général, et celui-ci étant responsable devant cette Chambre, qu'à ce moment-là, la Chambre aura un mot à dire. Et je vais en reparler davantage.

(1035)

Je me permets de signaler, avant d'aborder le vif du sujet, que la contribution de l'honorable député de Scarborough-Ouest, non seulement lors de la présentation du projet de loi C-206, mais sa contribution dans l'ensemble du travail du régime parlementaire, particulièrement au Comité de la justice et des questions juridiques, devrait faire en sorte que cet honorable député ait très bientôt l'occasion de faire valoir son point de vue dans les questions juridiques au sein même du Comité de la justice et des questions juridiques.

Cela dit, ces quelques réserves ayant été formulées, c'est quand même avec plaisir que je note le souci que le gouvernement a porté à cette question particulière de la protection des témoins. La volonté gouvernementale, à mon avis, va permettre de faire évoluer le droit au Canada.

Nous avions, il faut en convenir, pris un certain retard par rapport à nos voisins américains qui, depuis 25 ans déjà, ont une législation qui s'applique dans les 50 États de l'Union relativement à la protection des témoins. C'est une législation publique connue de tous et en vertu de laquelle les citoyens peuvent connaître leurs droits.

Chez nous, nous avons bien sûr certaines dispositions plus ou moins connues qui seront appliquées tantôt par la Gendarmerie royale du Canada, tantôt par l'Ontario Provincial Police ou encore la Sûreté du Québec, mais cela, de façon sporadique et à la pièce, ce qui ne facilite pas une compréhension générale du système.

Or, dans un état de droit, je ne crois pas que l'on puisse se satisfaire de dispositions à la pièce, de décisions qui procèdent suivant le bon plaisir de ceux ou celles qui occupent des fonctions policières à un moment donné. Je pense plutôt que l'idée d'avoir une législation qui s'appliquera à l'ensemble du territoire canadien, qui fondra donc dans les règles de droit les principes que nous voulons voir apparaître dans notre droit public, est une idée qui va améliorer la situation des témoins, particulièrement en matière criminelle, et spécialement dans les cas de crimes graves.

Je pense qu'on pourra mettre fin à une espèce d'application bona fide de procédures qui pouvaient arriver séquentiellement sans qu'il y ait de contrôle et sans que les témoins ne soient trop au courant des politiques qui pouvaient s'appliquer. Désormais, ce sera clair, les procureurs pourront, en se fondant sur une règle de droit, informer les témoins des régimes de protection qui existent. Et cette transparence dans l'application du droit ne peut certes qu'être bénéfique pour l'ensemble de la communauté.

Il y a une norme, je viens de le mentionner, qui doit être établie pour tous et pour toutes et les citoyens doivent être au courant de ces normes.

Maintenant, comment doit s'articuler la protection des témoins, comment doit être contrôlé le régime de protection des témoins? Est-ce qu'il doit y avoir un contrôle judiciaire de la protection des témoins ou est-ce que ce doit être laissé au bon plaisir du commissaire de la GRC ou du ministre?

On argumentera probablement que s'il y a un contrôle judiciaire, cela amènerait une certaine publicité et que la publicité peut être, dans ce cas-ci, tout à fait mauvaise, puisque le régime de protection des témoins vise souvent à banaliser l'existence même du témoin, à le rendre anonyme dans la société pour lui permettre de se refaire une vie après l'avoir exposée maintes fois.

S'il y a un contrôle judiciaire, il faudrait que ce soit fait avec toute la précaution prise pour éviter un abus de publicité, ou la publication de noms, ce qui pourrait être néfaste et pourrait même aller à l'encontre du but recherché par le projet de loi qui nous est soumis par le gouvernement.


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Il pourrait, d'autre part, y avoir un contrôle et cette fois-là un contrôle parlementaire. Pour avoir siégé, et pour siéger encore au Sous-comité sur la sécurité nationale, je vous soumets que ce serait probablement le lieu idéal pour revoir de temps à autre, ou de façon continue, comme le Comité pourrait le juger à propos, tout le système de la protection des témoins et son application par la GRC.

L'expertise du Sous-comité sur la sécurité nationale-que je souhaite voir devenir un comité permanent de cette Chambre-ferait en sorte que les parlementaires, de façon discrète, mais de façon efficace aussi, je le souhaite, pourraient effectivement contrôler l'activité policière en ce domaine.

(1040)

Ce sont des questions que je soulève. À l'étude en comité, nous aurons l'avantage d'entendre des témoins, je l'espère, et l'étude article par article permettra probablement de clarifier ces quelques points.

Dans les cas de crimes graves, mentionnons par exemple le trafic de la drogue, le crime organisé, pour n'en mentionner que deux. C'est souvent la survie même des témoins qui est en jeu. Or, dans notre système de droit, toute la preuve de la Couronne repose habituellement sur les témoins bien plus que sur l'aveu. C'est cela qu'on recherche, en voulant protéger les témoins, c'est qu'il n'y a pas d'aveux spontanés. Comme nous vivons dans un État qui respecte les citoyens, nous avons atteint un point d'évolution qui nous permet de traiter les gens avec respect, on ne peut pas forcer les aveux. Alors, la Couronne étant tenue de faire souvent une preuve circonstancielle en amenant des témoins, il faut donc, effectivement, les protéger, ces témoins.

La Couronne ne sait jamais, que ce soit lors de l'enquête sur cautionnement, que ce soit lors de l'enquête préliminaire ou, ultérieurement, au procès-donc trois étapes possibles-si elle pourra, à ce moment précis, compter sur ces témoins. Il faut protéger, bien sûr, les témoins, il faut protéger la preuve aussi, qui pourrait être recueillie à un moment ou à l'autre. Le seul fait que nos chambres criminelles soient surchargées à travers le pays fait en sorte que la conservation de la preuve est un sérieux problème au Canada et qu'une preuve recueillie à un stade antérieur peut, dans bien des cas, ne plus valoir ultérieurement si le témoin est disparu de la planète. Alors, protégeons les témoins, bien sûr, et protégeons aussi la conservation de la preuve.

Les procureurs de la Couronne, et c'est là un leur grand souci, se demandent: «Est-ce que je vais être capable de garder mes témoins jusqu'au procès? Est-ce que, lorsque je les appellerai dans la boîte aux témoins, ils répondront de façon correcte aux questions que je vais leur poser?» Parce que le temps est souvent ce qui joue le plus contre la Couronne lors d'un procès en matière criminelle. La mémoire des témoins est inversement proportionnelle avec la durée des procédures. Elle est peut-être même directement proportionnelle, c'est-à-dire qu'elle s'efface plus les procédures sont longues ou le risque d'effacement augmente, un peu comme la cigarette. Le danger croît avec l'usage.

Actuellement, il n'y a pas de mesures de sécurité, puisque les témoins ont souvent la mémoire défaillante dans les causes en matière criminelle. Les gens chez eux peuvent voir, dans des séries télévisées, ce qui se passe quand les témoins ne veulent se rappeler de rien, quand des témoins ne peuvent se rappeler de rien, toute la pression qui peut être mise sur des citoyens et des citoyennes qui voudraient faire progresser la justice mais qui ne le peuvent pas, à cause de contraintes qui leur sont imposées.

Alors, le projet de loi C-78 va, jusqu'à un certain point, permettre de pallier cela. Il ne faut pas là voir une recette magique, une recette miracle. Je suis un de ceux qui croient que, en politique, il n'y a rien qui se fait par magie, il n'y a rien d'instantané, mais qu'il y a toujours de petits pas qui nous mènent dans la bonne direction. Je crois que ce projet de loi-ci, le projet de loi C-78, est un de ces pas et que c'est à l'usage que nous verrons de quelle façon il a apporté sa contribution à l'évolution du droit en matière criminelle et à la protection des témoins et à la protection de la justice en matière criminelle.

Je pense également qu'il y a deux moments particuliers où il faut aider les témoins. Avant le procès, bien sûr. Avant, il faut assurer leur sécurité matérielle, donc assurer une protection efficace qui leur sera donnée. Dans certains cas, il faudra littéralement les cacher pour leur propre sécurité. Et j'espère aussi que ce sera fait avec leur consentement, pour qu'ils soient en mesure de fournir le témoignage adéquat qui permettra à une cour de justice d'apprécier la qualité du témoignage et de juger si, au-delà de tout doute raisonnable, la Couronne a présenté la preuve qu'elle est requise de présenter. N'oublions jamais que, dans notre système, le fardeau de la preuve repose sur la Couronne. Et ce fardeau, il est énorme. La moindre défaillance de ce côté va amener inévitablement un acquittement du prévenu.

(1045)

Dans le cas de crimes crapuleux-je parlerai de drogue et de crime organisé plus tard-la seule disparition des témoins peut faire soulever le doute raisonnable. Et souvent, si ces témoins, dont la présence est plus ou moins probable à un procès, disparaissent, la Couronne devra tout bêtement se lever et dire à la cour: «Nous n'avons pas de preuve à offrir.» Nous assisterons alors inévitablement à des acquittements, puisque aucune preuve n'est offerte. À ce moment-là, il faut protéger les témoins avant le procès.

Cependant, il n'est pas suffisant de protéger avant; il faut protéger les témoins après le procès, après le verdict, que ce soit un verdict de culpabilité ou d'acquittement, parce que rien n'assure que le témoignage d'un témoin protégé par les dispositions du projet de loi C-78 sera suffisant pour faire condamner quelqu'un. Alors, il va falloir que le projet de loi permette à ceux et celles qui auront l'autorité d'accorder la protection de cette loi à ces témoins de dire: «Madame ou monsieur, vous allez venir témoigner au procès, et quelle que soit l'issue du procès, une condamnation ou un acquittement, nous vous protégerons», parce que, dans les deux cas, la sécurité du témoin peut être remise en question.

Je le mentionnais tout à l'heure, mais il est toujours utile de le répéter, dans certains cas, à cause de notre droit-et je ne remets pas du tout notre droit criminel en question-à cause de la présomption d'innocence et du doute raisonnable qui s'ensuit, il peut y avoir un acquittement, même si un témoin a été protégé. Donc, il faudra prévoir la réinsertion d'un témoin qui aurait fait condamner


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quelqu'un ou qui aurait même pu, à son corps défendant, échouer à cause de l'évaluation de la preuve.

Je terminerai en soulignant mon appui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-78 par une mise en garde sur ce que nous avons tendance à voir trop souvent dans certaines cours de justice où on veut procéder probablement trop rapidement. Nous avons eu l'occasion de le voir dans un procès célèbre au Canada récemment, soit que la Couronne est souvent beaucoup trop encline à conclure des ententes avec certaines témoins pour que ceux-ci témoignent contre des coaccusés, et cela, en promettant de faire je dirais presque un arrangement hors cour en faisant ce qu'on appelle en bon français du «plea bargaining», c'est-à-dire qu'une personne se reconnaisse coupable d'une infraction mineure ou d'une infraction incluse à une offense supérieure, s'assurant donc là d'une sentence moindre, pour ensuite aller témoigner contre des gens qu'on aurait ciblés et qu'on voudrait voir condamner à une peine plus lourde.

Cette pratique, dans certains cas, est tout à fait louable; dans certains autres cas, elle est, à mon avis, tout à fait condamnable. Et je ne pense pas que le bon jugement puisse être dicté par un projet de loi. J'en appelle évidemment au ministère du solliciteur général, aux procureurs généraux des provinces qui ont, pratiquement chaque jour, à gérer ces questions, à faire la preuve du plus grand bon sens possible lorsqu'il s'agit de négocier à rabais avec des témoins, souvent des témoins tarés, qui, parce qu'ils ont eu une sentence inférieure, viendront témoigner contre des coaccusés. Cette pratique doit être jugée sérieusement. Elle doit faire l'objet d'une large critique et d'un large débat national.

Qu'attendons-nous de notre système judiciaire? On ne donne pas assez de place à nos victimes dans notre système judiciaire. On donne évidemment toute la place que nos lois autorisent, que notre Charte des droits et libertés autorise aux accusés, mais, bien sûr, il faut tenir compte de l'importance que les victimes revêtent dans les cas de justice en matière criminelle. Très souvent les victimes en matière criminelle, nous l'avons entendu plusieurs fois au Comité permanent de la justice et des questions juridiques, ont l'impression d'être complètement laissées de côté. Un crime a été commis et les dernières personnes dont on se soucie, ce sont les victimes. Je trouve très bien qu'on se soucie de la protection des témoins. Mais les personnes qui ont subi un préjudice, dans le cas de meurtre, lorsqu'elles ont perdu un être cher, un conjoint, un enfant, peu importe, un proche, ont droit, à mon avis, également à une compassion certaine.

(1050)

C'est sur ces mots que je demanderais au gouvernement de prévoir une protection et une réparation beaucoup plus grandes à l'endroit des victimes, à l'avenir.

[Traduction]

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Madame la Présidente, sauf erreur, j'ai 40 minutes à ma disposition. J'entends donc partager ce temps avec le député de Fraser Valley-Ouest.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime pour que le député partage les 40 minutes dont il dispose, à titre de premier orateur?

Des voix: D'accord.

M. Thompson: Madame la Présidente, je félicite tout d'abord le député de Scarborough-Ouest qui a soulevé la question en présentant son projet de loi d'initiative parlementaire. Il fallait discuter cette question et attirer l'attention du gouvernement sur une lacune de notre système concernant la protection des témoins.

Il est regrettable que des députés comme lui ne fassent plus partie du comité de la justice. La contribution du député a été importante, parce qu'il comprenait bien la loi, et c'est pourquoi il a été en mesure de formuler une initiative comme celle-ci. Je suis convaincu qu'il pourrait faire encore davantage. Toutefois, comme il ne se prononce pas comme son caucus libéral sur certains projets de loi, il ne peut plus faire partie du comité de la justice. Il est scandaleux de voir une telle situation se produire au Canada, mais il en sera malheureusement ainsi avec le gouvernement libéral en place. Cependant, je suis persuadé que le député continuera, dans toute la mesure du possible, de faire du bon travail en ce sens.

Nous devons protéger nos témoins pour lutter contre le crime. Je doute qu'on puisse le nier. Selon le député bloquiste, le bon sens, ce sont les deux mots clés. Nous devons protéger nos témoins en agissant avec bon sens. Pour cela, de nombreux aspects entrent en ligne de compte.

Nous convenons tous que les témoins sont importants, quand il s'agit de combattre le crime. Avec de bons témoins, il est bien plus facile de mettre des criminels à l'écart. De même, nous savons qu'il est insensé d'essayer de conclure des accords spéciaux avec ces individus. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner l'affaire dont les tribunaux ont traité récemment, impliquant M. Bernardo et Mme Homolka. Dans ce cas, je suis d'avis que ce qui a été fait pour le témoin, Karla Homolka, est un acte criminel en soi. Il faut user de prudence quand nous concluons ce genre de marché, car cela pourrait permettre à un individu absolument coupable d'une infraction de se tirer d'affaire grâce à une loi de protection des témoins. Il faut être très prudent à cet égard.

Il y a beaucoup de cinglés en circulation dans le monde qui sont prêts à tout pour de l'argent, notamment à éliminer des témoins. Nous savons qu'ils existent. Nous en avons quelques uns en prison actuellement. J'ai parlé à un détenu il n'y a pas longtemps en Colombie-Britannique qui était en prison pour avoir éliminé deux témoins; il était tueur à gages. Nous savons qu'il en existe beaucoup d'autres comme lui. Nous savons que le crime organisé se fait de plus en plus actif avec les attentats à la bombe qui se produisent partout dans la région de Montréal et ailleurs dans le pays et avec la contrebande qui se pratique régulièrement à une heure d'auto d'ici seulement. Étant donné ce genre de criminalité organisée active, nous devons être très prudents quand nous produisons des témoins qui pourraient nous permettre d'écraser le crime organisé. Nous devons certainement avoir des mesures de protection en place, car les criminels n'hésiteraient pas à faire éliminer ces témoins plutôt rapidement afin de protéger leur énorme industrie.

(1055)

Il est malheureux que nous ayons un gouvernement, un solliciteur général et un ministre de la Justice qui se contentent d'observer ce genre d'activités sans rien faire et qui ne semblent pas prêts à intervenir ni à faire grand-chose pour les réprimer. Quand on apprend dans le journal que des terroristes et des gangsters commet-


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tent des attentats à la bombe, on ne peut que trouver honteux que le gouvernement reste à ne rien faire et, pour toute réaction, se contente de dire que cela relève de la compétence des provinces et que nous ne devrions pas nous en mêler. Il affiche une attitude pitoyable et fait preuve d'un réel manque de courage alors qu'il devrait plutôt s'engager à prendre le taureau par les cornes et à rendre nos quartiers et nos villes plus sûrs.

Dans son intervention, le solliciteur général a fait allusion à toutes les mesures merveilleuses que le gouvernement libéral a prises en faisant adopter les projets de loi C-45, C-41, C-37 et C-68, pour n'en nommer que quelques-uns. Ce n'est malheureusement pas vraiment le cas. Les députés à la Chambre et tous les Canadiens savent bien qu'on avait tâché d'apporter des amendements à ces projets de loi pour les améliorer, pour donner la préséance aux victimes. Nous savons également que chaque fois qu'on a proposé des motions d'amendement au projet de loi C-45, dans le but d'améliorer tout simplement le sort des victimes d'actes criminels au Canada, le gouvernement les a rejetées et n'en a pas approuvé une seule.

Il est ridicule que le ministre prenne la parole à la Chambre pour tenter de convaincre les Canadiens qu'il accomplit un travail formidable, alors qu'il rejette des propositions comme le dédommagement obligatoire, et qu'il vient ensuite dire que ce dédommagement obligatoire est prévu dans le projet de loi C-41, ce qui n'est absolument pas le cas.

Le gouvernement s'en remet au juge, qui peut ordonner un dédommagement. S'il le fait, des mesures sont prises et le contrevenant verse le dédommagement imposé. Ce n'est pourtant pas le cas. Nous savons que les juges peuvent, de nos jours, ordonner à des gens de verser un dédommagement et que cela ne veut rien dire. La décision n'est pas appliquée. C'est comme si les juges parlaient à un mur.

Nous avons proposé de prendre une partie de l'argent remis aux contrevenants pendant qu'ils purgent leur peine et de la remettre aux victimes, mais notre proposition a été rejetée. Elle était beaucoup trop logique. C'est pourtant ce que réclament les Canadiens.

Les gouvernements ont adopté ces 30 dernières années toutes sortes de projets de loi: les mesures que réclame la population, le gouvernement ne les adopte pas, mais celles dont elle ne veut rien savoir, il n'hésite pas à les mettre en oeuvre. On en a eu la preuve avec la TPS et toutes les autres décisions du genre.

Je trouve malheureux que le solliciteur général ait mentionné dans son discours que tous les autres projets de loi contribuent à la sécurité des Canadiens. Il a parlé du projet de loi C-37, qui améliore, selon lui, la Loi sur les jeunes contrevenants. Si le projet de loi C-37 apporte des améliorations si merveilleuses, il se trouvera peut-être un député de l'autre côté de la Chambre pour me dire pourquoi le ministre de la Justice a envoyé en mission les membres du Comité de la justice. Ceux-ci parcourent le pays pour demander de nouveau à la population quel traitement ils doivent réserver aux jeunes contrevenants, consacrant ainsi des sommes énormes à un processus tout à fait inutile.

Si l'on demandait à chacun des membres du Comité de la justice de se rendre dans une ville canadienne et de se tenir à un coin de rue pour demander au peuple, à ceux qui sont les plus touchés par la criminalité, ce qu'il faut faire avec les jeunes contrevenants, je suis passablement convaincu qu'on obtiendrait des réponses intéressantes. Je sais pertinemment que le ministre de la Justice et d'autres politiciens ont reçu des milliers et des milliers de lettres de Canadiens de toutes les régions du pays, qui leur ont offert des suggestions concernant la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous avons reçu des tas de pétitions, signées par des millions de citoyens nous exhortant à abolir ou à modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. Le gouvernement n'a pas tenu compte de leurs suggestions. Il n'a pas abordé ces questions dans le projet de loi C-37.

Le gouvernement a fait adopté le projet de loi C-37, puis s'est retourné et a demandé aux membres du Comité de la justice de parcourir le pays pour demander à la population le sort qu'ils devaient réserver aux jeunes contrevenants.

Ceux qui se lèvent à la Chambre pour applaudir à leurs réalisations et à l'adoption du projet de loi C-37, pour dire qu'ils font un travail remarquable, ne disent que des balivernes. J'en ai vraiment assez d'entendre des députés nous dire que le gouvernement fait de l'excellent travail pour lutter contre la criminalité, respecte les engagements qu'il a pris dans le livre rouge, ainsi de suite. C'est tout simplement faux. Le gouvernement pourrait faire tellement plus, si seulement il le voulait.

(1100)

Mais le projet de loi C-78, je l'avoue, est plein de bon sens. Il est comme les Canadiens le souhaitent, et je félicite le gouvernement de présenter au moins un projet de loi qui protégera les bonnes personnes, les victimes possibles, les témoins, plutôt que les criminels.

On fait toujours prévaloir les droits des criminels; le gouvernement y veille particulièrement depuis plus de 30 ans et surtout depuis que la Charte des droits et des libertés est entrée en vigueur, il y a quelques années. Il faut protéger le criminel. On insiste tellement là-dessus que cela en devient vraiment révoltant. Avec le projet de loi C-78, nous avons enfin quelque chose de concret qui protégera effectivement les bonnes personnes.

Je voudrais faire une proposition au gouvernement. À l'avenir, lorsqu'il rédigera des projets de loi, qu'il songe donc d'abord aux victimes, aux honnêtes citoyens, à ceux qu'il faut protéger! Ce sont eux qui importent le plus. Qu'il s'occupe des criminels ailleurs! Oui, il faut faire respecter les droits fondamentaux des criminels, personne n'en disconvient. Mais, pour l'amour du ciel, tenons compte des victimes et faisons ce qu'il faut pour que toutes les mesures législatives les protègent.

Les libéraux vantent ici les mérites du merveilleux projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Eh bien, quelqu'un me dira-t-il comment il se fait que le projet de loi concernant les criminels comporte 17 pages, contre 160 pour cette mesure qui s'adresse aux honnêtes citoyens? Quel genre d'équilibre est-ce là? Le projet de loi sur le contrôle des armes à feu est tellement épais qu'on ne peut pas en porter plus que trois ou quatre en même temps. Il est tellement épais et tellement coûteux que nous ne pouvons pas en commander un grand nombre pour nos électeurs. C'est un document qui est


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plein de règlements et de toutes sortes de choses que devront faire les honnêtes citoyens.

Pendant ce temps-là courent un peu partout des individus qui sont mieux armés que la plupart des unités militaires. À ma connaissance, on ne fait rien pour régler les vrais problèmes au Canada, mais on présente sans cesse toutes sortes de mesures législatives qui ne font pas ce qu'elles pourraient faire pour les victimes et les honnêtes citoyens de notre pays. Au lieu de cela, le gouvernement se préoccupe exclusivement de s'assurer que la Charte est respectée afin que les droits des criminels soient à jamais pris en compte. Je crois que les Canadiens commencent à en avoir assez.

Avant de céder la parole à mon collègue, le député de Fraser Valley-Ouest, je dirai que le projet de loi C-78 est le genre de projet de loi que nous sommes ravis d'appuyer. Je remercie le gouvernement de l'avoir présenté. Et je remercie à nouveau mon collègue, le député de Scarborough-Ouest, qui en a eu l'idée. J'espère qu'on nous présentera d'autres projets de loi qui font passer les droits des victimes avant ceux des criminels.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-78. Comme l'a dit mon collègue, le député de Wild Rose, c'est effectivement l'un des rares projets de loi sur le système de justice pénale que le gouvernement actuel a présenté et qui règle directement et efficacement une préoccupation de notre société, soit la protection des témoins.

En réalité, le programme de protection des témoins administré par la GRC a un caractère plutôt officieux. Il n'y a certainement pas de programme national prioritaire qui s'occupe des intérêts des victimes.

Quoi qu'en dise le gouvernement, il faut soustraire le Canada à l'emprise des criminels. À maintes occasions, j'entends dire que la criminalité n'est pas à la hausse. Je dénonce cette théorie du gouvernement. Pour se convaincre du contraire, il suffit de demander dans un groupe d'amis de n'importe quelle région canadienne qui a été victime d'un crime. Je ne parle pas seulement de crimes sexuels graves ou de crimes hautement médiatisés qui se produisent à Vancouver, à Toronto, etc. Je parle des principaux crimes commis quotidiennement: les introductions par effraction, les vols de véhicules, etc.

(1105)

Il nous faut, d'une manière ou d'une autre, aller au coeur du problème. En d'autres termes, il faut recommencer à punir ceux qui enfreignent les lois au Canada. Et cela comprend l'incarcération des criminels.

Une loi sur la protection des victimes donne confiance à ceux qui sont intimidés par le processus. Elle leur donne l'assurance d'être protégés. Je songe à plusieurs situations qui sont survenues dans ma collectivité et où l'intimidation exercée par un criminel a joué un rôle important.

Je pense à cette dame qui s'appelle Joan et qui a été agressée sexuellement par un criminel incorrigible qui a passé plus de temps en détention qu'en liberté. Il a constamment été détenu puis libéré à la suite d'audiences de la commission des libérations conditionnelles. Chaque fois qu'il est libéré, il récidive et il retourne en détention.

Cette fois-ci, ce bon vieux Karel a agressé sexuellement Joan avec une arme. Cette arme, c'était une seringue contenant de la cocaïne. Joan a 63 ans. Durant tout le processus auquel j'ai assisté aux côtés de Joan, au cours des audiences et autres formalités, cet individu l'intimidait en la regardant et par son comportement. Il s'agissait clairement d'intimidation.

Ce n'est pas seulement arrivé en cour. En effet, après son incarcération, lorsqu'il était dans un établissement de détention provisoire en attendant de se rendre au centre psychiatrique régional, ce bon vieux Karel a commencé à écrire des lettres de menace à Joan. Cela m'a fait clairement prendre conscience de la nécessité de protéger les témoins au Canada. Personne ne s'occupait de Joan.

Nous avons finalement réussi à faire cesser les lettres. Imaginez, pendant qu'il était dans un établissement de détention provisoire à Vancouver pour un crime si horrible, cet individu se servait de timbres payés par les contribuables pour menacer la personne qu'il avait attaquée. C'est ce genre de chose qui se passe.

J'espère que le projet de loi C-78 apportera une solution à ce problème. D'autres personnes ont besoin de protection. Certes, Joan n'était pas qu'un témoin, elle était aussi la victime dans cette affaire. Il y a des gens qui sont témoins de crimes, mais qui ont peur de témoigner à cause de l'intimidation.

En compagnie de mon collègue de Wild Rose, j'ai passé un peu de temps hier avec le maire de la ville de Cornwall, qui semble éprouver de graves difficultés liées à des activités criminelles. Il ne fait pas de doute que le maire de Cornwall-un homme assez sûr de lui, ayant le sens des responsabilités-a été la cible de tentatives d'intimidation et de menaces. Les gens comme lui qui veulent se porter à la défense de leur collectivité et service le public et qui sont menacés par des groupes liés au crime organisé ont besoin d'être protégés.

Le maire de Cornwall et les gens courageux comme lui qui veulent faire leur devoir et ceux qui sont témoins de crimes là-bas dans les réserves ont besoin d'être protégés, ils ont besoin de savoir que cette protection, ils l'auront.

Le programme de protection des témoins renforcera l'actuel programme de protection des témoins de la GRC. Il est à espérer que le processus devienne officiel afin que tant les témoins que la GRC le comprennent. C'est un programme mal défini à l'heure actuelle. Les gens ne comprennent pas quels sont leurs droits.

(1110)

Les droits des victimes ne se limitent pas à des choses comme les programmes de protection des témoins. Il existe une foule de choses au Canada qui méritent notre attention en ce qui concerne les droits des victimes. La Chambre des communes sera saisie cette année d'un projet de loi sur les victimes. Dans un tel projet de loi, un certain nombre de choses doivent être traitées.

Par exemple, les victimes devraient avoir le droit de donner des témoignages oraux et écrits lors des audiences de la Commission des libérations conditionnelles. Aujourd'hui, il arrive qu'ils puissent faire un témoignage écrit, mais, dans bien des cas, ce dernier doit être vérifié. J'ai vu des témoignages de victimes dans des affaires de meurtre. Je ne suis pas avocat, mais j'assiste à ces audiences quand elles ont lieu dans ma circonscription. J'ai assisté à une audience où la déclaration de la victime a été revue. C'est quelque chose qui ne va pas au Canada. Il faut que le gouvernement


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libéral comprenne que les victimes devraient avoir le droit de présenter des déclarations orales et écrites.

Il y a d'autres éléments du système canadien de justice pénale qui doivent être dénoncés, notamment l'intimidation des témoins. J'ai ici un document produit par un député du côté ministériel. Il porte sur des décisions prises à l'issue d'examens judiciaires du dossier de personnes condamnées à la peine capitale. Leurs sentences ont été révoquées et remplacées par des peines d'emprisonnement à perpétuité, ce qui veut dire 25 ans et encore moins maintenant, aux termes de l'article 745. Je trouve cela tout simplement effroyable. Il est vraiment effroyable que l'on réduise les peines.

Je vous donne deux exemples qui me touchent de près. Dwight Lucas, un individu condamné à une peine de 20 ans d'emprisonnement pour meurtre non qualifié a vu sa peine réduite à 16 ans. Un individu du Québec, qui avait été condamné à 25 ans pour avoir tué un policier, a vu sa peine réduite à 15 ans. Au moment où il a commis ce meurtre, cet individu aurait été condamné à mort, mais on lui a imposé une peine de 25 ans. Les années ont passé et sa sentence a été réduite à 15 ans. C'est mal. Ces gens sont remis en liberté et nous en arriverons à une situation où, lorsque d'autres crimes seront commis, les témoins devront être protégés des criminels qu'on remet en liberté et qui devraient rester en prison.

Le raisonnement derrière ces décisions est assez tordu. La majorité des Canadiens ne l'acceptent pas. Mais le gouvernement croit avoir raison. Que faudrait-il pour convaincre le gouvernement que ses lois pénales sont trop libérales?

Il faudra remplacer le gouvernement lors des prochaines élections. Vous qui écoutez, sachez qu'il faudra ramener les enjeux des prochaines élections à des questions très précises: l'économie, le système de justice pénale et le processus démocratique à la Chambre des communes.

M. Thompson: Les pensions aussi.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Mon collègue de Wild Rose ajoute les pensions des députés. Cela sera toujours un enjeu. En fait, puisqu'il l'a mentionné, je fais remarquer que je porte ma cravate avec des cochons pour ceux qui participent encore au régime de pension des députés. Je n'y avais pas pensé jusqu'à ce que ce point soit soulevé.

(1115)

Il arrive que nous ayons besoin d'un criminel pour attraper un autre criminel, que nous ayons à nous servir des renseignements qu'ils possèdent en tant que témoins et, oui, malheureusement, certaines de ces personnes échappent aux conséquences de leurs propres crimes et certaines de ces personnes ont besoin d'une loi sur la protection des témoins. Je suppose que la fin justifie les moyens dans ce cas. Cependant, il y a beaucoup plus de gens qui sont témoins d'actes criminels mais qui sont trop intimidés pour faire quelque chose. Tout ce que je demande, c'est que le gouvernement libéral nous donne une loi et des règlements sur la protection des témoins qui soient vraiment efficaces.

Nous n'avons pas besoin de paroles en l'air comme celles que nous avons entendues au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants, lorsque les ministériels ont dit qu'ils avaient fait d'importants changements. Ce n'est pas vrai. Nous n'avons pas besoin de paroles en l'air comme cela. Nous devons faire du projet de loi C-78 la meilleure mesure législative possible. Nous devons protéger les bons citoyens qui sont prêts à témoigner.

Les députés d'en face s'amusent. Ils disent qu'ils font toujours bien les choses. Si c'est le cas, pourquoi y a-t-il tant de victimes? S'ils font si bien les choses, pourquoi y a-t-il tant de plaintes au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants, que le gouvernement libéral a complètement bousillée? S'ils font si bien les choses, pourquoi n'ont-ils pas le courage d'aller dans la réserve, à Cornwall, pour mettre un terme à la vague de criminalité? Pourquoi? S'ils font si bien les choses, pourquoi voyons-nous ce genre de situation? Cela leur a cloué le bec pendant un instant.

Ce qui ne va pas, c'est que le gouvernement parle beaucoup, mais n'agit pas quand vient le temps de s'attaquer à des problèmes réels. Il n'a pas le courage d'aller dans les réserves pour régler le problème de la criminalité. Pendant ce temps, les gens à l'extérieur des réserves subissent les conséquences de cette vague de criminalité. D'où le gouvernement croit-il que viennent les drogues qui se retrouvent dans les écoles à Cornwall? Il sait fort bien d'où elles viennent. D'où croit-il que viennent les armes?

Ce n'est pas quelque chose que nous avons inventé. Nous sommes allés là-bas et nous avons écouté les gens. Le gouvernement n'écoute pas. Il devrait avoir le courage d'aller dans certaines des réserves pour s'attaquer au problème du crime organisé. Le gouvernement dit qu'il fait quelque chose, mais c'est de la foutaise. Il ne fait absolument rien.

Je suis heureux que nous ayons eu ce petit entretien, mais cela n'est pas suffisant pour les députés d'en face. Les gens qui nous écoutent aujourd'hui comprendront qu'il y a une énorme différence entre les paroles et les actes. Cela hantera le Parti libéral aux prochaines élections. Les victimes sont traitées de façon épouvantable dans les mesures législatives présentées par ce gouvernement. C'est pourquoi il y a des groupes comme Victimes de violence, CRY et Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation. Ces groupes poussent comme des champignons d'un bout à l'autre du pays. Ils savent que les mesures législatives présentées par le gouvernement ne sont pas bonnes.

J'ai quelques notes au sujet du projet de loi C-45.

(1120)

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je rappelle au député que nous discutons du projet de loi C-78.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest): Madame la Présidente, je me suis laissé emporter parce qu'aucun des projets de loi déposés par les ministériels jusqu'à maintenant n'est valable. Je suis étonné de pouvoir donner mon appui à ce projet de loi.


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Quand on parle d'accorder une indemnisation dans les cas d'actes criminels, le gouvernement parle de 30 p. 100 du revenu pour le gîte et le couvert, mais il ne précise pas quel genre de revenu. Les ministériels disent que ce revenu est de 5,61 $ par jour, mais ils oublient le remboursement de la TPS, les prestations de pension de vieillesse et du RPC et le supplément de revenu garanti.

Il n'y a rien de plus à dire. Je suis prêt à donner mon appui au projet de loi C-78, mais d'autres mesures comme la Loi sur les jeunes contrevenants, les projets de loi C-45 et C-41 et autres mesures semblables sont désespérément pauvres. Le projet de loi C-78, qui ne représente qu'une faible partie de l'ensemble des mesures législatives nécessaires, ne peut pas résoudre à lui seul les problèmes du système de justice pénale si les autres projets de loi présentés sont de piètre qualité. On ne peut pas s'attribuer de mérite quand on n'a accompli que 3 p. 100 de ce qu'il y a à faire. Il faut s'acquitter de toute la tâche.

Que dire de plus? La seule façon de faire entendre raison à ces têtes dures est de les remplacer et c'est ce que nous ferons aux prochaines élections.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens dans ce débat à la suite des remarques du député de Fraser Valley-Ouest. Je vais essayer de ramener l'attention sur le projet de loi dont nous sommes saisis plutôt que sur toutes les autres mesures législatives qui ne plaisent pas au député. Quand il a devant lui un bon projet de loi, il ne sait pas quoi dire, il est pour ainsi dire muet. Je le comprends, mais je veux concentrer mes remarques sur le projet de loi C-78, Loi sur le programme de protection des témoins, dont la Chambre des communes est saisie aujourd'hui.

Le but du projet de loi C-78 consiste à établir une base législative et réglementaire pour le programme de protection des témoins qui collaborent avec la GRC. Cette mesure est nécessaire pour veiller à ce que notre programme national de protection des témoins assure une protection optimale aux éventuels collaborateurs et témoins. Étant donné l'importance de ce programme et notre volonté de le renforcer et de le rendre plus transparent et plus responsable, il serait utile de donner à la Chambre un bref aperçu historique de ce programme et des éléments dont il a été tenu compte dans l'élaboration de la Loi sur le programme de protection des témoins.

Je regrette que le député trouve cela très amusant. Il n'y pas de quoi rire.

Historiquement, on associe les programmes de protection des témoins surtout avec l'enquête sur le crime organisé. L'expression crime organisé couvre un vaste gamme d'activités criminelles, parmi lesquelles le trafic de drogue à grande échelle, le meurtre, les voies de fait graves, le blanchiment de l'argent, l'extorsion et le vol.

J'aimerais que les députés se dominent. Ils semblent prendre cette mesure législative à la légère. Le député de Fraser Valley-Ouest n'a rien dit au sujet de ce projet de loi dans son intervention que je n'ai pas trouvée tellement amusante.

Le député prétend que le discours a été écrit par quelqu'un d'autre. En ma capacité de secrétaire parlementaire du solliciteur général, je suis aujourd'hui chargé de l'assister. J'essaie de faire part à la Chambre de certaines informations concernant ce projet de loi de façon à donner ensuite la possibilité aux députés de faire des observations plus éclairées. J'aurais bien aimé que le député de Fraser Valley-Ouest n'ait pas partagé son temps. Il aurait pu intervenir après m'avoir écouté, ce qui lui aurait profité.

Très souvent, les associations de malfaiteurs ont recours aux menaces et aux mesures d'intimidation pour obtenir le silence d'éventuels témoins et informateurs.

(1125)

Si l'on utilise une définition large du crime organisé, on peut dire que, actuellement, environ 50 p. 100 des cas de protection des informateurs et témoins sont liés au crime organisé. Toutefois, de nos jours, la protection des témoins a des applications plus nombreuses. Ce qu'il y a d'inquiétant depuis quelques années, c'est que les criminels agissant seuls emploient des tactiques de peur et d'intimidation. Ces individus sont prêts à tout pour éviter d'être arrêtés ou pour se venger des témoins. On trouve donc de plus en plus de gens qui ont besoin de protection parce qu'ils ont joué un rôle dans des affaires qui n'ont rien à voir avec le crime organisé.

Le programme de protection des informateurs et témoins de la GRC a été créé en 1984 pour faire face aux besoins croissants dans ce domaine et par suite de l'importance accrue qu'on accorde à la lutte contre les organisations nationales et internationales de trafic de drogues. Bien que conçu uniquement pour la GRC à l'origine, il offre maintenant des services de protection aux services de police provinciaux et municipaux d'un bout à l'autre du Canada. Bon nombre de ces services se fient entièrement à la GRC pour assurer la protection des témoins, mais certains services plus importants ont mis sur pied leurs propres unités à cette fin. Ils se tournent généralement vers la GRC pour obtenir de l'aide lorsque la collaboration du fédéral est nécessaire pour changer l'identité d'un témoin ou d'un informateur.

Au milieu des années 80, la plupart des gens qui ont bénéficié du programme de la GRC pour la protection des témoins étaient liés à des activités importantes de trafic de drogues. Comme je le disais, cependant, la situation a changé récemment. Aujourd'hui, une proportion croissante des personnes qui sont placées sous protection ont trempé dans des infractions au Code criminel pouvant aller jusqu'au meurtre et aux voies de fait graves. Depuis la mise en oeuvre du programme de protection des informateurs et témoins, la GRC a établi un réseau de contacts et d'agents d'expérience. Dans chaque province et territoire, des agents de la GRC sont disponibles pour prendre en charge le déménagement et la protection des témoins, s'occuper de leur changement d'identité et aider à obtenir auprès des autorité provinciales les papiers nécessaires pour légitimer ces changements.


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Au quartier général, ici à Ottawa, les agents de la GRC ont élaboré une politique nationale, établi un réseau de contacts et adopté la marche à suivre pour procéder aux modifications qui doivent être apportées à plusieurs banques de données fédérales lorsqu'un témoin ou un informateur reçoit une nouvelle identité.

Le coût annuel du programme de protection des témoins de la GRC est de 3,4 millions de dollars. Comme l'a déjà souligné mon savant collègue, le solliciteur général, cette mesure législative ne devrait entraîner aucun coût supplémentaire. Le coût moyen par cas est de 30 000 $ et, dans environ 60 p. 100 des cas, il est de moins de 20 000 $.

Bon an mal an, entre 80 et 100 personnes, y compris les membres de la famille, bénéficient du programme de protection des informateurs et témoins de la GRC. Le succès de ce programme se passe de commentaires. Depuis que le programme est en place, un nombre important de témoins, d'informateurs et de leurs familles ont changé de domicile et tous sont sains et saufs. Il est difficile de savoir exactement combien de condamnations sont prononcées à la suite de la déposition de témoins protégés. On peut toutefois estimer, sur la base des données disponibles, que de 85 à 90 p. 100 des affaires pour lesquelles il y a eu protection de témoins aboutissent à une condamnation, généralement grâce à la déposition du témoin protégé.

Je suis sûr que ma courte intervention permettra aux députés de se rendre compte de l'importance du programme de protection des informateurs et témoins comme outil de lutte contre le crime.répression criminelle. Il n'y a pas de preuve plus dévastatrice que le témoignage d'un complice en qui l'on avait toute confiance et qui révèle par le menu le fonctionnement d'une organisation criminelle ou que celui d'un témoin qui a assisté à la perpétration d'un crime grave et qui peut en identifier les auteurs. Qu'ils soient témoins ou informateurs, ces individus sont des atouts précieux pour la police et le système judiciaire.

[Français]

C'est pourquoi il nous incombe, en tant que législateurs, de tout tenter pour veiller à ce que notre programme national de protection des témoins soit aussi efficient et efficace que possible. C'est donc à cette fin que le gouvernement présente ce projet de loi.

(1130)

Les propositions législatives n'ont été élaborées qu'à la suite d'un examen approfondi de toutes les questions et en consultation avec tous les principaux intervenants. À mon sens, il est tout particulièrement important de souligner que les services de police ont été consultés à la grandeur du pays. En 1992, un questionnaire a été envoyé à quelque 400 services de police municipaux et provinciaux au Canada.

L'objectif était d'évaluer la portée de la protection des témoins, les types d'infraction visés et les formes de protection offertes, d'examiner les problèmes auxquels font face les utilisateurs du service et de recommander des améliorations. On a également fait un examen exhaustif des programmes de protection des témoins en vigueur dans d'autres pays, en particulier aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.

Le projet de loi C-78 tient compte des résultats de l'analyse des données recueillies et des leçons tirées de cette vaste recherche. En résumé, le projet de loi est le fruit de nombreuses années de recherches et d'efforts et gardera notre programme national de protection des témoins moderne et efficace. En vertu des dispositions législatives, le programme continuera d'offrir un soutien efficace et sûr aux témoins soumis à une protection, tout en restant ouvert et transparent.

Ce n'est pas grâce à la protection des témoins que nous parviendrons à enrayer les crimes avec violence ou le crime organisé. Toutefois, il s'agit d'un élément important des techniques d'enquête dont disposent les responsables de l'application de la loi, élément qui aide considérablement la police dans sa lutte contre le crime organisé et les activités criminelles graves au Canada. Nous devons donc nous assurer qu'il continue d'en être ainsi.

Le solliciteur général a déjà présenté à la Chambre un aperçu du projet de loi et des changements proposés au Programme de protection des sources et des témoins de la GRC. Tous les députés en conviendront, la justification de ces changements saute aux yeux. Il ne me reste plus qu'à me faire l'écho des observations finales du solliciteur général et à demander à tous les députés de voir à ce que le projet de loi C-78 soit adopté rapidement.

[Traduction]

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler du projet de loi C-78. J'ai demandé à parler parce qu'au cours des 15 dernières années j'ai travaillé comme avocate dans le système de justice criminelle. J'ai travaillé avec des témoins, en tant qu'avocate de la défense, ou en tant que procureur de la Couronne pour le gouvernement provincial de l'Ontario et pour le gouvernement fédéral.

À d'autres occasions, j'ai été l'avocate de témoins qui demandaient à bénéficier des programmes de protection des témoins. J'ai eu l'occasion de voir personnellement ce qui arrive à une personne, en particulier un membre du public, qui devient témoin et, ce qui est arrivé, par le passé à des personnes qui ont participé à notre programme moins officiel de protection des témoins. J'ai vu également ce qui arrivait lorsqu'un témoin est intimidé ou lorsqu'un accusé ou une personne ayant participé à un crime tente d'intimider un témoin.

Il est grand temps que nous prenions l'initiative et nous adoptions une mesure législative claire, établissant des règles et des directives qui s'appliquent aux personnes qui se trouvent dans cette situation, très délicate et très dangereuse, du témoin qui est l'objet de menaces de la part de ceux qui cherchent à le faire taire.

Les criminels ont utilisé avec succès la peur et l'intimidation des témoins potentiels pour éviter des poursuites et la punition pour leurs actes criminels. Certains feront tout en leur pouvoir pour éviter d'être condamnés ou pour se venger des témoins de façon violente. C'est bien connu. Nous essayons de nous accommoder de cette situation le mieux possible. Nous reconnaissons maintenant que les organismes d'application de la loi ont besoin de l'appui du


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public pour compléter leurs enquêtes et réussir à traduire les criminels en justice.

(1135)

Cet appui, ils ne l'auraient pas toujours en l'absence de programmes conçus pour garantir la sécurité des citoyens qui sont prêts à fournir des renseignements ou à témoigner contre des criminels.

Les témoins sont les ultimes commis de l'État. Ce sont les gens sans lesquels notre système de justice criminelle ne pourrait pas fonctionner et sans lesquels nous ne pourrions pas traduire les criminels en justice. Les témoins appartiennent à trois catégories. Certains témoins sont payés pour témoigner, ils reçoivent des salaires pour ce faire; il s'agit, par exemple, des fonctionnaires, des policiers, des enquêteurs de Revenu Canada ou de Douanes Canada et des enquêteurs oeuvrant dans tous les autres domaines qui peuvent donner lieu à des poursuites pénales. Ces gens ont l'habitude de faire affaires avec des criminels. Ils occupent des postes et des emplois qui leur assure une protection à l'intérieur du système.

À l'autre extrémité, on trouve les citoyens ordinaires qui, par coïncidence ou par accident, deviennent témoins de crimes. Par exemple, quelqu'un se promène dans la rue et assiste à la fuite d'un voleur de banque ou voit un accident causé par un conducteur ivre ou criminellement négligent.

Certaines personnes deviennent aussi des témoins parce qu'elles sont victimes de crimes. En général, ces témoins collaborent volontiers, rendent un grand service au public et peuvent le faire sans craindre que leur sécurité personnelle soit menacée à cause de leur témoignage.

Il y a aussi des témoins qui peuvent avoir appartenu à des bandes de criminels organisés ou avoir participé à d'autres formes de criminalité. Lorsque ces gens témoignent, même s'ils sont parfaitement prêts à le faire, ils mettent leur vie en péril. Ils vivent sous la menace, dans la crainte de représailles de la part de ceux qu'ils veulent accuser ou contre lesquels ils veulent témoigner.

Il y a aussi les témoins que nous, c'est-à-dire le gouvernement ou l'organisme responsable de l'enquête, devons rechercher. Ces témoins font partie de la catégorie générale des informateurs, des informateurs payés ou des sources. C'est une bien triste réalité, mais, comme l'a affirmé l'un des députés du troisième parti, nous devons parfois faire appel à des criminels pour pouvoir punir d'autres criminels. Il nous faut quelquefois avoir recours à des gens mêlés à une affaire afin qu'ils nous aident à amener les grands criminels devant les tribunaux.

Cette mesure législative vise à protéger ces gens dans le cas où leur vie serait en danger. Cette mesure législative s'appliquera tant aux agents qui participent aux enquêtes qu'aux informateurs.

La Loi sur le programme de protection des témoins précise qu'un témoin est une personne qui a fourni ou accepté de fournir des renseignements ou des éléments de preuve dans le cadre d'une poursuite relative à une infraction-ou y a participé ou a accepté d'y participer-, ce qui explique que sa sécurité soit en danger. On précise également qu'il peut s'agir d'une personne qui peut avoir besoin de protection en raison de ses liens avec les personnes que je viens de mentionner.

Ce sont des gens qui, par hasard ou à dessein, ont participé à une enquête et qui vivent sous la contrainte des personnes qui pourraient à leur tour faire l'objet d'une enquête à cause de leur intervention. La protection prévue par la loi peut comprendre le déménagement, le logement, le changement d'identité de même que l'assistance psychologique et le soutien financier nécessaire à ces fins ainsi qu'à toutes celles visant à assurer la sécurité du bénéficiaire ou à en faciliter la réinstallation ou l'autonomie. Elle s'étend à une grande gamme de services.

(1140)

Ce ne sont pas tous les participants au programme de protection des témoins qui auront à mener une existence secrète. Ils peuvent n'avoir besoin que d'une aide psychologique ou d'un soutien financier pour s'en tirer après coup.

Les orateurs qui m'ont précédée nous ont appris que le coût annuel du programme de protection s'élève à 3,4 millions de dollars et cette mesure législative n'entraînera pas de frais supplémentaires.

La raison d'être de cette mesure, c'est de définir clairement ce que l'on attend du gouvernement et des témoins dans le cadre de ce programme. Nous savons que cela a suscité un problème dans le passé parce que notre programme était flou et parce qu'il était possible de le modifier au gré des circonstances.

D'où les plaintes formulées par les personnes protégées et par les autorités de la GRC qui administrent le programme. Ces plaintes se ramenaient à ceci: les attentes des participants n'étaient pas comblées et la GRC avait besoin de savoir quelles étaient ses limites et quelles mesures il fallait prendre pour assurer la protection des témoins.

La nouvelle loi offre ce qui suit: une politique bien définie quant à l'admission; un traitement uniforme des cas partout au pays; un énoncé précis des obligations des bénéficiaires, d'une part, et des attributions des administrateurs, d'autre part; une structure mieux définie au sein de la Gendarmerie royale en vue d'assurer la conduite des affaires courantes et, partant, une plus grande responsabilisation.

C'est une disposition importante. Je me rappelle avoir eu affaire à un témoin qui jouissait de cette protection et qui avait du mal à s'entendre avec l'administration du système, qu'il s'agisse d'entrer en communication avec la personne chargée de l'aider ou d'obtenir certains renseignements. En toute franchise, même en tant qu'avocate, il m'a été extrêmement difficile de m'y retrouver dans les dédales de l'administration pour enfin trouver quelqu'un pouvant aider cette personne à régler son problème. Cette structure de


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gestion plus clairement définie au sein de la GRC aidera à remédier à cette situation.

On va mettre en place une procédure de règlement des plaintes et le commissaire de la GRC soumettra au solliciteur général un rapport annuel sur le fonctionnement du programme.

En 1994 et 1995, nous avons assuré la protection de 70 nouveaux témoins, dont 30 étaient envoyés par d'autres corps policiers. La somme de 3,4 millions de dollars dont j'ai parlé et que nous consacrons annuellement à ce programme n'augmentera pas à la suite de cette modification dans l'administration, mais on dépensera plutôt cet argent de façon plus efficace. Il sera plus clair qu'on s'en sert pour garantir la sécurité des témoins.

Il est important que la population comprenne que le programme de protection des témoins est en vigueur dans tout le pays et ne fonctionne pas en vase clos. Pour rédiger cette loi et établir le programme prévu, nous avons consulté toutes les provinces et tous les territoires.

Lorsqu'une personne demande à profiter du programme ou lorsqu'on décide d'y admettre quelqu'un, on devra tenir compte des facteurs suivants: la contribution que le témoin ou la source peut apporter à une enquête policière donnée, la nature de l'infraction faisant l'objet d'une enquête, la nature du risque encouru par la personne intéressée, ainsi que les autres formes possibles de protection que le programme, le danger résultant pour la collectivité de son admission au programme, les répercussions possibles sur le plan familial, la capacité de la personne à s'adapter au programme eu égard à sa maturité, son jugement ou ses autres caractéristiques personnelles, le coût de la protection dans le cadre du programme et tous les autres facteurs que le commissaire de la GRC peut juger pertinents.

Ce qui importe, c'est qu'il y aura un processus de prise de décisions clair et bien défini pour admettre une personne au programme. Dans les cas graves, comme ceux exigeant un changement d'identité ou l'admission d'un demandeur étranger, seul le commissaire adjoint responsable du programme pourra décider d'admettre un témoin. C'est aussi lui qui prendra la décision de mettre un terme à la protection.

Ce n'est qu'une partie du programme libéral ayant pour objectif de rendre nos rues et nos quartiers sûrs. Il est évident que nous avons besoin de lois comme celle-ci. Peu importe l'importance des crimes graves au Canada, nous savons qu'il y aura toujours des crimes et qu'il sera toujours nécessaire de protéger des sources ou des témoins.

Lorsque nous protégeons les gens, nous devons être en mesure de dire aux Canadiens que les intéressés méritent notre protection, qu'ils courent un risque grave et que nous avons une méthode bien définie pour nous acquitter de cette tâche. L'amélioration de la situation économique, la création d'emplois et l'établissement de collectivités prospères entraîneront une baisse sensible des crimes violents dans nos rues.

(1145)

Ceux qui cherchent à encourager les Canadiens à croire que les crimes violents sont en hausse, à l'heure actuelle, ne sont pas sincères, car les statistiques et les rapports sur les crime montrent, en fait, qu'il n'en est rien.

Cette loi n'est pas une réponse aux propos alarmistes tenus par certains dans notre société. Nous voulons simplement répondre de façon pratique et concrète à un besoin et définir clairement la notion de protection des témoins, ainsi qu'aider le système de justice pénale à cet égard. Il s'agit d'une solution pragmatique à un problème que nous avons relevé. Cela fait partie du plan permanent du gouvernement libéral consistant à rendre nos rues et nos collectivités sûres.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Madame la Présidente, je désire exprimer ma gratitude au solliciteur général pour avoir donné un fondement législatif au programme de protection des sources et des témoins de la GRC. Je tiens également à lui assurer qu'il a tout mon appui.

Ce programme constitue un autre moyen utile et efficace qui est mis à la disposition de nos autorités chargées de l'application de la loi. Il réduira le crime et rendra le Canada plus sûr pour tout le monde.

Nous avons écouté divers députés de la Chambre définir la portée et la teneur de ce projet de loi. Les interventions de mes collègues sont, à mon avis, très pertinentes. Je songe particulièrement à celle de la députée de Windsor.

Comme l'ont dit la députée et le solliciteur général, par le passé, les criminels ont réussi à faire peur à des témoins éventuels et à les intimider pour éviter des poursuites et un châtiment. Les autorités chargées de l'application de la loi ont besoin de l'appui et de l'aide de la population pour poursuivre leurs enquêtes et amener les criminels devant la justice.

[Français]

Le projet de loi à l'étude aujourd'hui vise à améliorer le programme de protection des sources et des témoins de la GRC, à le rendre plus efficace et plus ouvert. Ce programme vise à protéger ceux et celles qui aident nos corps policiers à résoudre des enquêtes criminelles et particulièrement celles qui touchent le crime organisé.

Il est reconnu que la contribution d'informateurs et de témoins est souvent essentielle pour résoudre certaines enquêtes criminelles. Ainsi, le ministre de la Sécurité publique du Québec affirmait encore il y a quelques jours que la méthode la plus efficace pour mettre un frein à la guerre des motards au Québec consiste à recruter des informateurs et des témoins. Or, ces personnes qui collaborent avec les forces policières se placent parfois dans des situations dangereuses pour leur sécurité personnelle et nous devons leur fournir la meilleure protection possible.

Par le passé, plusieurs participants à l'ancien programme des sources et des témoins se sont plaints de ne pas avoir obtenu les avantages qui leur avaient été promis. Cela ne se reproduira plus car


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les changements proposés aujourd'hui assureront l'application de critères clairs et uniformes partout à travers le pays.

[Traduction]

Les changements que propose le projet de loi sur le programme de protection des témoins aideront à la fois les participants au programme et la GRC à bien comprendre leurs droits et leurs obligations. Cette mesure législative définit la gamme de services de protection et d'avantages qui peuvent être offerts. Elle rend le programme plus transparent et plus justiciable.

Les modalités de participation à ce programme ont été clairement définies.

(1150)

La décision d'admettre un candidat au programme de protection des sources et des témoins de la GRC dépendra des facteurs suivants: la contribution éventuelle du témoin à une enquête policière précise, la nature de l'infraction faisant l'objet d'une enquête, la nature du risque encouru par le témoin, les autres formes possibles de protection qui existent, le danger pour la collectivité de l'admission du témoin au programme, les effets éventuels sur tout lien familial, la capacité du témoin à s'adapter au programme, c'est-à-dire sa maturité, son jugement et d'autres caractéristiques personnelles, ainsi que le coût de la protection du témoin dans le cadre du programme et tout autre facteur que le commissaire de la GRC estime pertinent.

Aux termes du projet de loi sur la protection des témoins, la participation d'un individu au programme dépendra d'un processus décisionnel précis. Dans les cas graves impliquant, par exemple, un changement d'identité ou l'entrée au Canada d'un étranger, cette participation dépendra uniquement du commissaire adjoint responsable du programme. La décision de mettre un terme à la protection relèvera également du commissaire adjoint. En présence d'un risque moins grand, la décision d'agréer la demande d'un individu sera prise par un surintendant principal. La loi prévoit des mesures de protection.

Je suis fière de pouvoir dire que, plus que n'importe lequel de ses prédécesseurs, notre gouvernement est engagé à réduire la violence dans la société canadienne, surtout la violence contre les femmes et les crimes motivés par la haine ou par un préjugé à l'endroit d'un groupe vulnérable, en particulier un des groupes cités à l'article 15 de la Charte.

Il est impossible d'éliminer la violence d'un seul coup. C'est un problème complexe dont les causes et les effets sont multiples. La violence se manifeste dans toutes les couches de la société et dans toutes les régions canadiennes. Le programme a été élaboré de concert avec toutes les régions, de l'Atlantique au Pacifique et à l'Arctique, y compris le Québec. C'est pourquoi le gouvernement a adopté une démarche globale qui suppose la participation de plusieurs ministères fédéraux.

Depuis un an, les ministres ont déposé un train de mesures, raffermissant ainsi notre engagement à nous attaquer au problème de la violence. Comme le solliciteur général l'a déclaré, le gouvernement a adopté de nombreuses mesures pour rendre nos foyers et nos rues plus sûrs. Les députés se rappellent sûrement que, dans le livre rouge, la sécurité dans nos foyers et dans nos rues faisait l'objet d'une de nos principales promesses et d'un engagement dont nous nous sommes acquittés avec sincérité et empressement.

Permettez-moi de rappeler quelques mesures qui revêtent une importance capitale pour les femmes, soit celles qui portent sur la lutte au harcèlement criminel, le contrôle des armes à feu, la réforme du processus de détermination de la peine et la réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants.

[Français]

Ces initiatives fort variées ont toutes un but commun: réduire la violence et le crime dans notre société. Cet objectif se trouve d'ailleurs clairement énoncé dans le plan fédéral pour l'égalité entre les sexes qui a été préparé sous l'égide de Condition féminine au Canada où je suis secrétaire d'État et qui a été déposé au début de l'été. Notre cabinet a fortement endossé ce projet.

Le plan fédéral prévoit aussi que le gouvernement canadien doit procéder à une analyse comparative entre les sexes de toutes ces initiatives. La même situation a été endossée au quatrième Congrès international pour les femmes à Beijing. Cette analyse comparative entre les sexes fait ressortir de quelle manière les politiques touchent différemment les femmes et les hommes. Je dois dire que c'est un projet qui a du gros bon sens.

Dans certains cas, ces différences sont au coeur de la politique et elles jouent un rôle déterminant dans son application. Dans d'autres cas, elles ont une incidence mineure et font plutôt partie d'une série de facteurs parmi d'autres dont il faut tenir compte.

[Traduction]

Dans l'esprit qui sous-tend le plan fédéral sur l'égalité des sexes, nous devons veiller à ce que l'on tienne compte des besoins des femmes admissibles qui font des demandes pour participer au Programme de protection des sources et des témoins de la GRC. Nous avons tendance à croire que les criminels et le crime organisé appartiennent à l'univers des hommes, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Malheureusement, des centaines de femmes sont liées à ce monde violent et bon nombre d'entre elles, comme un bon nombre d'hommes, désirent en sortir, si seulement leur sécurité était assurée.

(1155)

Ces femmes pourraient se révéler des sources indispensables d'information pour les policiers et les avocats de la poursuite, mais elles sont vulnérables à la peur, à l'intimidation et au chantage. Elles doivent se préoccuper non seulement de leur propre sécurité personnelle mais aussi, dans la plupart des cas, de celle de leurs enfants.

Les femmes devraient savoir qu'aux termes de l'article 2 de la Loi sur le programme de protection des témoins, la protection peut comprendre le déménagement pour elles-mêmes et leur famille, le


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logement et le changement d'identité, de même que l'assistance psychologique et le soutien financier. Le programme a pour objet d'assurer la sécurité des citoyens, hommes ou femmes, qui aident la police dans ses efforts pour sévir contre les criminels. Nous savons tous qu'il s'agit d'un programme nécessaire, permettant un accès nécessaire à l'information.

Le programme les aidera à se réinstaller dans un nouvel endroit et subviendra à leurs besoins jusqu'à ce qu'ils deviennent autonomes, s'ils répondent aux critères que j'ai énoncés au début de mon intervention.

Tous les citoyens qui contribuent à extirper la criminalité et la violence de notre société méritent notre gratitude et notre soutien. Nous savons bien que la criminalité diminue, mais nous aurons toujours néanmoins des individus dans notre société qui se livreront à des activités exécrables. Nous en aurons toujours qui agiront au mépris de la loi dans leurs intérêts personnels égoïstes. Toutefois, des initiatives comme celle-ci contribueront à faire en sorte que notre société devienne une société humanitaire, sûre et juste.

Dans certains cas, les contributions que des témoins apporteront aux tribunaux à l'égard de criminels très dangereux exigent un courage extraordinaire. Nous tenons à ce que les citoyens qui ont manifesté leur souci pour la sécurité à la maison, sur le marché et dans nos rues bénéficient de la meilleure protection possible. Aucun autre programme n'a été aussi complet ni aussi soucieux des besoins de nos concitoyens. Voilà pourquoi j'appuie l'initiative du solliciteur général.

J'espère que tous mes collègues à la Chambre, et surtout ceux qui ont exprimé leurs inquiétudes pour certains cas particuliers, verront cet engagement collectif d'un oeil favorable et l'appuieront de tout coeur et qu'ils se joindront à nous pour assurer l'adoption rapide du projet de loi C-78.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre part au débat sur le projet de loi C-78, qui concerne la sécurité publique. Cette initiative doit être très réconfortante pour mon collègue de Scarborough-Ouest, qui n'a pas ménagé sa peine pour attirer l'attention du gouvernement sur cette question vitale. Ses efforts sont assurément louables.

Le débat sur le projet de loi d'initiative parlementaire, qui a eu lieu le printemps dernier et l'automne précédent, a révélé de manière éclatante que le projet de loi et les objectifs du député recueillaient l'appui de tous les partis. Le débat sur le projet de loi C-206 a fait la preuve qu'il fallait vraiment un programme de protection des témoins et des informateurs dans les causes pénales qui ait un fondement législatif.

Il semble que les députés souhaitent vraiment un programme de cette nature. Cette volonté et cette nécessité d'un programme fondé sur un texte de loi tiennent notamment au fait qu'il y a eu des problèmes par le passé. Ainsi, il y a eu parfois des malentendus entre la police et un témoin ou un informateur au sujet de la nature de l'entente ou encore des rôles et responsabilités de chacun. Il importe que le législateur clarifie certains de ces droits, responsabilités et obligations des deux parties.

À mon avis, le solliciteur général mérite des éloges pour avoir réagi à ce besoin évident de modifier un programme vieux d'une dizaine d'années. Bien des gens ne savent pas que la GRC a un programme de protection des témoins qui s'applique déjà depuis un bon nombre d'années. Il y a en aussi beaucoup d'autres dans les forces policières de municipalités et de provinces des quatre coins du Canada.

(1200)

Il importe donc de féliciter le solliciteur général d'avoir répondu à ce besoin évident de modifications dans un programme vieux de dizaines d'années. Sa réponse, c'est le projet de loi C-78 dont nous sommes saisis. Cette mesure est un autre élément dans les efforts du gouvernement pour lutter contre le crime.

Je vais donner quelques exemples des efforts que nous avons déployés depuis deux ans. Nous avons modifié la Loi sur les jeunes contrevenants. Un forum organisé par la radio de la SRC aura lieu dans ma région, à Dartmouth, jeudi prochain, sur les problèmes des jeunes et les questions qui se rapportent à cette loi. J'ai hâte d'y prendre part pour discuter de quelques questions qui se rapportent aux dernières modifications et des préoccupations du public au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Nous avons aussi adopté le projet de loi C-45 portant sur la réforme sur le système correctionnel et le régime de mise en liberté sous condition. Nous avons adopté très rapidement le projet de loi autorisant l'utilisation des analyses génétiques dans les causes pénales.

Voilà autant d'initiatives que le gouvernement a prises pour lutter contre le crime. Nous travaillons sans relâche à faire en sorte que les Canadiens puissent vivre en sécurité dans leur foyer et dans les lieux publics.

Le projet de loi C-78 donnera aux Canadiens un programme de protection des témoins qui leur sera très utile, car il aura un fondement législatif et fonctionnera plus efficacement sans coûter plus cher aux contribuables. Je suis sûr que les contribuables de Halifax-Ouest, la circonscription que je représente, seront en faveur de cette partie du projet de loi.

La protection des témoins est importante partout au Canada, mais particulièrement dans des régions comme la Nouvelle-Écosse. Dans ma province, le programme sera surtout utilisé dans la lutte contre le trafic des stupéfiants. Les députés ne sont pas sans savoir que notre province est l'un des grands points de déchargement des stupéfiants provenant de l'Amérique du Sud, des Caraïbes et de la côte est des États-Unis. La Nouvelle-Écosse est une péninsule, reconnue pour ses kilomètres de côtes et ses nombreuses petites anses qui en font un site pittoresque et merveilleux à visiter. J'invite d'ailleurs tous les députés et les Canadiens à visiter notre belle province. Cependant, à cause de ces caractéristiques géographiques, les trafiquants de drogues peuvent facilement décharger leur cargai-


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son, parce qu'il est difficile pour la GRC ou les autres forces policières de patrouiller toutes les criques et les baies.

Le programme de protection des témoins est appliqué aussi à d'autres secteurs de la criminalité, y compris les homicides et la prostitution, deux secteurs qui nous préoccupent évidemment beaucoup. Si ce projet de loi peut appuyer les enquêtes et les poursuites entreprises dans ces domaines, il vaut certainement la peine d'être adopté.

J'ai vérifié auprès de l'un des bureaux locaux de la GRC dans ma circonscription et j'ai appris que le programme de protection des témoins actuellement en vigueur a été utilisé environ 25 fois au cours des 20 dernières années. De toute évidence, même s'il n'est pas constamment appliqué, le programme offre un outil très important que la police peut utiliser dans le cadre de certaines enquêtes ou poursuites relatives à des infractions criminelles.

Il me semble que, à l'avenir, ceux qui devront avoir recours au programme de protection des témoins, ce qu'environ 70 Canadiens ont dû faire l'an dernier, pourront profiter d'un certain nombre de programmes prévus dans le projet de loi. Les députés conviendront que tous les Canadiens profiteront de ces améliorations.

À bien des égards, nous parlons ici d'une mesure visant à lutter contre le crime organisé. Oui, le programme s'appliquera aussi dans le cas d'autres genres de crimes et même de crimes perpétrés par des individus agissant seuls. Nous pouvons facilement comprendre comment le programme de protection des témoins contribuera à lutter contre le crime organisé. C'est lorsqu'on a affaire à un groupe organisé que le programme de protection devient fort utile.

La meilleure façon de lutter contre le crime organisé est d'agir en fonction de renseignements fournis par des informateurs et des témoins qui ne craignent pas d'être tués, blessés ou mutilés s'ils dévoilent certains faits ou collaborent avec la police. Le projet de loi est important pour toutes ces raisons.

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Un autre élément clé du projet de loi réside dans un processus d'admission et des critères bien définis, de telle sorte que tout le monde ne sera pas admissible à ce programme. Les rèfles, la marche à suivre ainsi que les critères et les modalités d'admissibilité sont très claires, pour la GRC ou les autres forces policières qui voudraient avoir recours au programme de la GRC. C'est très important.

Une fois que cette mesure aura pris force de loi, la GRC aura la responsabilité d'évaluer soigneusement et de diverses façons l'admissibilité des candidats au programme. Elle devra donc tenir compte non seulement de la possible contribution à l'enquête des candidats, mais également des risques que courent les candidats eux-mêmes et les membres de leur famille ainsi que la capacité des candidats à s'adapter au programme. Cela pourrait faire problème dans certains cas, je suppose, dépendant du type de personnes auxquelles on a affaire. Tous ces facteurs sont manifestement importants pour déterminer qui doit être admis au programme.

Fait intéressant, le programme de protection des témoins et des informateurs ne prévoit pas seulement leur déménagement, comme on le présume, et un changement d'identité. Il prévoit aussi de l'assistance psychologique ou d'autres types de soutien. Revenons un instant au projet de loi C-78 lui-même et voyons comment on y définit la protection. Voici:

La protection peut comprendre le déménagement, le logement, le changement d'identité de même que l'assistance psychologique et le soutien financier nécessaire à ces fins ainsi qu'à toutes celles visant à assurer la sécurité du bénéficiaire ou à en faciliter la réinstallation ou l'autonomie.
On voit que la protection nécessaire peut prendre diverses formes. Conformément au projet de loi, la GRC est tenue de considérer d'autres méthodes de protection.

En ce qui concerne l'assistance psychologique que peut nécessiter un témoin ou un informateur, songeons, par exemple, à la prostitution touchant des enfants. Il est essentiel de protéger ces enfants contre des actes de violence, mais il faudra probablement fournir aussi de l'assistance psychologique à des enfants qui ont fait de la prostitution et qui ont subi la violence et l'intimidation associées à cette activité.

Nous pouvons tous comprendre à quel point il peut être difficile ou effrayant de se porter volontaire pour un témoin ou un informateur qui est mêlé à une affaire de ce genre. Cela doit être terrifiant, surtout si leur vie ou celle d'un parent ou d'un proche est menacée. Voilà pourquoi la définition du «témoin» qui figure dans le projet de loi C-78 englobe les personnes qui acceptent de fournir des renseignements ou des éléments de preuve et celles qui peuvent avoir besoin de protection parce qu'elles font partie de la famille des premières, par exemple.

Le programme de protection des témoins doit aider les personnes ayant des renseignements pouvant servir au déroulement d'une enquête à les fournir sans craindre pour leur sécurité ou celle des membres de leur famille. Et c'est ce qu'il va faire grâce au projet de loi C-78. Selon moi, c'est là l'aspect clé. Il n'est pas seulement question de la sécurité des familles des témoins. Si nous pouvons faire en sorte que les gens se sentent plus libres de venir témoigner et de fournir de l'information, c'est la sécurité de toutes nos familles qui s'en trouvera accrue du même coup. Le succès du programme et de nos efforts généraux de lutte contre la criminalité dépend des sources, des témoins et des renseignements qu'ils peuvent fournir. Leur protection revêt évidemment une importance capitale, et c'est pour cette raison que je suis si heureux d'appuyer le projet de loi à l'étude.

Cette mesure législative comporte un élément important et nécessaire qui n'existe pas à l'heure actuelle. Comme nous pouvons le constater à la lumière du projet de loi présenté par le député de Scarborough-Ouest et du débat qui l'entoure depuis environ un an, il faut que tous les cas soient traités de façon uniforme. Avec ce projet de loi, chaque cas d'un océan à l'autre sera traité de la même manière, ce qui constitue une nette amélioration.

Le projet de loi ne remplacera pas d'autres programmes de protection des témoins qui existent partout au Canada. J'ai dit que des corps policiers provinciaux et municipaux de toutes les régions


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canadiennes ont leurs propres programmes à cet égard. Ceux-ci demeureront. Ces corps policiers pourront continuer de participer au programme de protection des sources et des témoins de la GRC, mais ils pourront maintenant le faire d'une manière plus transparente et en rendant davantage de comptes.

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Il y a un autre aspect important dans cette mesure législative qui règle certains problèmes pouvant exister dans le système actuel, celui de la place plus grande à faire à l'obligation de rendre compte et à la transparence. Le projet de loi rend l'administration du programme beaucoup plus transparente et exige de ses responsables qu'ils rendent davantage de comptes. Le programme relève du commissaire de la GRC, du ministre et de la Chambre des communes elle-même. Le projet de loi établit des canaux hiérarchiques plus clairs dans la structure de la GRC, ce qui est très important. Cela permet une administration incontestablement plus efficace.

Le commissaire est aussi tenu de présenter un rapport annuel sur les activités du programme, un rapport complet faisant état des types de problèmes qui se posent, des sommes qui ont été versées, du nombre de témoins qui ont été protégés de diverses façons, et ainsi de suite. Il doit remettre ce rapport tous les ans au solliciteur général qui le déposera ensuite au Parlement pour que les députés puissent l'étudier. Ainsi, ceux qui administrent le programme sont comptables à la Chambre des communes et à la population.

Le rapport annuel donnera aux députés et au public de l'information sur les coûts liés au programme et le nombre de personnes bénéficiant du programme. Il sera bien plus clair. Il est très important pour les deux parties en cause, soit le témoin et la GRC ou un autre corps de police, que tous aient une compréhension claire de la teneur de l'entente et des responsabilités et obligations de chacun.

Ce mécanisme assurera la transparence et l'imputabilité en ce qui concerne les responsabilités et obligations tant des bénéficiaires du programme que de la GRC en tant qu'administratrice du programme. Ces ententes sur la protection et l'obligation des bénéficiaires et des administrateurs de les respecter assureront la transparence et l'imputabilité du programme.

Tous ces facteurs concourent à la sécurité publique. Grâce à eux, les témoins se sentent davantage en sécurité s'ils témoignent.

Si, dans le passé, les témoins ont entendu parler de cas où d'autres témoins estimaient ne pas avoir été convenablement protégés ou que la police n'avait pas rempli ses obligations en matière de protection, il est vraisemblable qu'ils hésiteront à venir témoigner d'eux-mêmes. Si on peut clarifier les règles, si les témoins et la GRC ou un autre corps de police peuvent conclure des accords dans lesquels seraient clairement énoncés les droits et obligations de chacun et ce qu'il adviendrait d'eux, si cela est clairement fait dans tous les cas, personne ne pourra dire qu'il n'a pas été traité convenablement par la police. On pourra se reporter au document pour voir ce qu'il prévoit.

Comme le veut le dicton, les bonnes clôtures font les bons voisins. Une bonne entente prévoyant des règles claires sur ce que chacun doit faire constitue un gage pour une relation harmonieuse entre les parties. En outre, j'estime que cela fera en sorte que les gens se sentiront plus en sécurité et hésiteront moins à venir témoigner.

En résumé, nous avons parlé du fait que, dans le passé, des criminels ont utilisé avec succès la peur et l'intimidation pour empêcher des témoins de communiquer avec la police et de témoigner en cour contre eux. Ce programme est très important parce que des individus liés au crime organisé, par exemple, n'hésitent pas à utiliser toutes sortes de moyens pour empêcher un témoin de parler. Je le répète, cela peut être terrifiant. Ces individus peuvent parfois menacer des témoins ou prendre des mesures de représailles violentes contre eux.

Les autorités policières ont besoin de l'appui de la population. L'ensemble de la population est touchée de plus d'une manière par cette situation. Tout d'abord, nous parlons des témoins. Lorsqu'un témoin est réinstallé dans une nouvelle collectivité, il peut avoir besoin de l'aide de la population locale. Je ne sais trop comment la population peut participer, mais elle peut avoir un rôle à jouer. Pour faire avancer les enquêtes et pour traduire les criminels en justice, les corps policiers ont besoin des renseignements que des témoins et d'autres personnes peuvent fournir.

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Le projet de loi couvrira les agents qui participent aux enquêtes, pas seulement aux procès, mais à tout le processus d'enquête. C'est pour cette raison que j'ai été heureux de voir comment le terme «témoin» a été défini. La protection ne s'étend pas uniquement aux personnes qui ont déjà fourni des renseignements ou des éléments de preuve, mais aussi à celles qui ont accepté d'en fournir à l'avenir. Le projet de loi s'applique à toute personne qui participe d'une manière ou d'une autre à une enquête ou à des poursuites et dont la sécurité peut être menacée.

J'ai parlé des formes que peut prendre la protection, notamment la réinstallation, le logement, le changement d'identité, l'orientation, le soutien financier ou toute autre mesure pouvant garantir la sécurité du bénéficiaire ou faciliter sa réinstallation ou encore l'aider à devenir autonome dans un nouveau milieu et sous une nouvelle identité.

Pensons un peu à un innocent qui n'a aucunement trempé dans un acte criminel, mais qui a été témoin d'un tel acte. Je vous donne l'exemple du film Le témoin où il était question d'un jeune garçon qui avait été témoin d'un crime et qu'il fallait protéger. Il doit être tout à fait déconcertant pour une personne innocente de devenir un témoin ayant besoin de protection, de craindre pour sa vie et de


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devoir changer d'identité et déménager loin de sa famille et de ses amis. Cela doit être très difficile et très déconcertant.

Fait intéressant, le coût annuel du programme n'augmentera pas et s'il diminue, tant mieux. C'est un programme important et le coût variera chaque année en fonction du nombre de personnes à protéger. Actuellement, il coûte 3,4 millions de dollars par année. La nouvelle mesure n'entraînera pas de coûts additionnels. Chaque cas coûte en moyenne 30 000 $. Cependant, environ 60 p. 100 des cas, soit la majorité, coûtent moins de 20 000 $. Si ce programme peut permettre d'amener devant les tribunaux des gens associés au crime organisé ou des auteurs de crimes graves, alors, c'est de l'argent bien dépensé. Je suis convaincu que tous les Canadiens, et certainement les habitants de ma circonscription, Halifax-Ouest, appuieraient le projet de loi.

La mesure législative donnera au programme de protection des informateurs et témoins de la GRC un fondement législatif et réglementaire solide qui lui fait actuellement défaut. Il est important que nous donnions un tel fondement à ce programme. C'est pourquoi j'exhorte les députés à appuyer le projet de loi.

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir quelques instants pour parler du projet de loi C-78 sur le programme de protection des informateurs et témoins.

Il y a deux ou trois points que je voudrais aborder. Mes collègues ont parlé de la plupart des aspects techniques du projet de loi, et tous les partis à la Chambre semblent appuyer cette mesure. Il n'y a donc personne qui cherche des poux ici, et je ne le ferai certainement pas non plus. C'est un bon projet de loi, comme l'ont reconnu mes collègues.

Toutefois, il y a deux ou trois points qui doivent être soulevés. Premièrement, je veux rendre hommage à tous les policiers d'un bout à l'autre du pays qui, pendant de très nombreuses années, ont assuré la protection des témoins sans qu'il y ait un programme officiel. Ils l'ont fait de bien des façons, souvent sans que ce soit aux frais des contribuables.

C'est une réalité qui n'a pas été beaucoup reconnue dans l'histoire de la lutte contre les malfaiteurs ici, au Canada, et dans toute l'Amérique du Nord. Pendant de nombreuses décennies, lorsqu'il n'y avait pas de fonds publics officiellement affectés à la protection des témoins, les policiers devaient utiliser leurs voitures, leurs garages, leurs sous-sols, des chambres mises à leur disposition gratuitement par le motel en dehors de la ville et toute sorte d'autres moyens pour s'assurer que le témoin, effrayé à mort, aurait la chance d'aller au tribunal, de témoigner et de sortir vivant de cette expérience. Je rends hommage à tous ces policiers, dont beaucoup étaient des membres de la GRC, bien que les membres des services de police provinciaux et municipaux partout au pays aient également eu à jouer ce rôle.

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Cette partie de l'histoire n'est pas écrite. Ce ne sont que des anecdotes que ces policiers et anciens policiers racontent lorsqu'ils en ont la chance. C'est une partie non écrite de l'histoire de la justice pénale au Canada. Je tenais à soulever cela ici et à rendre hommage aux nombreuses personnes grâce à qui le système a fonctionné jusqu'à aujourd'hui.

En 1984, la Gendarmerie royale du Canada a mis sur pied un programme de protection des témoins qui était plus ou moins structuré, même s'il n'était pas légalement reconnu. La GRC a pris cette initiative devant la menace de plus en plus nette posée par les associations de malfaiteurs après la guerre. Comme on l'a mentionné plus tôt, la menace venait aussi de malfaiteurs qui, même s'ils n'appartenaient pas au monde du crime organisé, semblaient prêts à tout pour éviter d'être condamnés.

Il y a eu bien de tristes histoires liées à cet aspect de notre système de justice pénale, mais il y a eu aussi bien des histoires qui se sont bien terminées. À mesure que le public s'est rendu compte de l'existence de programmes de protection des témoins dans de nombreux pays, il a commencé à y avoir de la confusion sur ce à quoi un témoin a droit. A-t-il droit à un billet d'autobus, à un billet de taxi, à une chambre, à une autre forme d'hébergement, à de l'argent, à de la protection, à une nouvelle identité?

Au fil du temps, les choses se sont embrouillées, non pas tant pour les policiers qui faisaient tout simplement de leur mieux pour amener les témoins aux procureurs à la porte du tribunal, mais pour les témoins eux-mêmes qui, d'une fois à l'autre et d'un endroit à l'autre, ne savaient plus très bien en quoi consistait la protection.

Certains témoins étaient plus conciliants, d'autres se montraient plus exigeants. Les choses se sont compliquées pour la police. Il arrivait souvent que, après avoir donné le témoignage qui avait permis de condamner le criminel, le témoin estimait qu'il n'avait pas reçu la protection à laquelle il s'attendait. Il pouvait rendre les choses difficiles pour la police. Il pouvait, par exemple, parler aux journalistes. La situation devenait confuse et embarrassante pour certaines personnes. Il était devenu nécessaire de faire quelque chose.

Les recherches effectuées par le député de Scarborough-Ouest et le projet de loi qu'il a présenté ont été les premiers signes encourageants que j'ai vus à la Chambre. C'était une initiative très valable. Le projet de loi d'initiative parlementaire a été adopté en deuxième lecture à la Chambre et renvoyé au Comité de la justice. Vers la même époque, le ministère du Solliciteur général a indiqué qu'il souhaitait présenter un projet de loi similaire. Notre collègue s'est dit essentiellement d'accord et le solliciteur général a présenté le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis et qui semble avoir l'appui de tous les partis à la Chambre.

En terminant, je voudrais faire remarquer très brièvement que ce projet de loi nous aidera à mieux gérer la politique de protection de l'ordre public adoptée par le Parti libéral. Il nous permettra d'en mieux gérer les coûts. Le programme sera prévu dans la loi. Il apparaîtra probablement sous un poste budgétaire dans les prévisions de dépense et les autorisations parlementaires seront dans une catégorie précise au lieu d'être cachées comme elles l'étaient en partie dans le passé.


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Nous pourrons ainsi mieux gérer la politique de protection de l'ordre public. Les poursuites donneront de meilleurs résultats. Les procureurs de la Couronne connaîtront l'infrastructure applicable à leurs témoins dans les cas où il faudrait avoir recours au programme de protection des témoins. La procédure criminelle sera de meilleure qualité. Les témoins y verront plus clairs et les gestionnaires du programme de protection des témoins seront mieux informés de ce qu'ils doivent faire.

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Il y a trois catégories de bénéficiaires de ce projet de loi. Il y a d'abord le public, qui veut voir les bienfaits d'une meilleure gestion du système; puis les témoins, qui doivent savoir à quoi s'attendre, quel genre de protection ils ont le droit de demander et d'exiger; et finalement la police, qui saura mieux quels services elle doit fournir aux témoins et au ministère public qui a besoin des preuves.

Je félicite le solliciteur général et le député de Scarborough-Ouest pour ce qu'ils ont accompli dans ce dossier.

Le vice-président: Je devais donner la parole au député de Scarborough-Ouest qui a tellement travaillé sur cette question, toutefois je me demande s'il accepterait de laisser le député de Dartmouth parler avant lui, car il a quitté une réunion pour participer au débat.

M. Wappel: Monsieur le Président, je serai très heureux d'entendre ce que le député de Dartmouth veut nous dire.

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Monsieur le Président, je remercie mon collègue.

C'est un projet de loi important, surtout pour le député de Scarborough, qui a eu la gentillesse de me céder la place. Je veux d'abord le féliciter du travail qu'il a accompli en jetant les bases nécessaires à l'élaboration de ce projet de loi.

Le processus législatif et la procédure suivie à la Chambre des communes ont souvent, par le passé, donné des raisons au public et même à des députés d'être cyniques et sceptiques quant à l'utilité des simples députés et à ce qu'ils peuvent faire dans l'élaboration du programme législatif. Je reconnais d'emblée le travail que le député de Scarborough-Ouest a fait pour s'assurer que cette mesure très importante soit présentée à la Chambre.

Évidemment, c'est rare qu'un projet de loi d'initiative parlementaire soit débattu à la Chambre et aille au-delà du nombre d'heures de débat réglementaire après avoir été tiré au sort, pour être enfin adopté. Le fait que le député de Scarborough-Ouest ait présenté son projet de loi, que celui-ci se soit rendu à l'étape de la deuxième lecture et qu'il ait entraîné la présentation du projet de loi dont nous sommes maintenant saisis témoigne non seulement de la manière dont le Parlement peut fonctionner, mais aussi de la ténacité du député. Tous les députés lui doivent leur reconnaissance.

Il n'arrive pas souvent qu'une mesure d'initiative ministérielle ait l'appui de tous les partis. Il semble que ce soit le cas pour celle-ci. Il se pourrait que le gouvernement et le leader du gouvernement à la Chambre examinent la situation et constatent que les projets de loi présentés par les simples députés, d'un côté ou de l'autre de la Chambre, sont peut-être de très bonnes mesures législatives. Cela pourrait les amener à nous donner un peu plus de liberté dans ce genre de travail.

Depuis quelques années, mes idées sur la justice, la loi et l'ordre sont passées de ce qu'on aurait pu qualifier de position de gauche libérale à une position plus réaliste et plus adaptée aux besoins, pour ce qui est de certains aspects du système de justice pénale. C'est arrivé graduellement au cours des sept années que j'ai passées à la Chambre à titre de député, parce que je dois avoir des contacts avec le système de justice pénale pour servir mes électeurs. Je vois cependant les choses avec du recul. Je regarde le déroulement des procès, je discute avec des victimes d'actes criminels, j'ai affaire aux organismes d'application de la loi et bien sûr, aux représentants du système judiciaire.

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Nous commençons à comprendre que, tout comme nous devons faire preuve de souplesse dans d'autres secteurs de la politique gouvernementale, comme la politique sociale et les questions financières, nous devons nous montrer extrêmement souples et raisonnables en ce qui touche au système de justice pénale.

Le système doit pouvoir répondre aux besoins de la communauté. La protection des témoins est manifestement un domaine où le gouvernement avait la responsabilité de reconnaître la nécessité de faire figurer dans la loi les programmes qui existent déjà au sein du service de police fédéral, la GRC.

Je crains que nous ne consacrions parfois les ressources limitées dont nous disposons pour faire appliquer la loi à des secteurs qui ne sont tout simplement pas capables de s'attaquer au problème d'une façon aussi efficace qu'il le faudrait. La protection des témoins est une question à laquelle je m'intéresse depuis des années. Je vais vous en donner les raisons.

Dans ma région, qui n'est pas tellement différente de la plupart des régions urbaines au Canada, le taux de criminalité est très élevé. Beaucoup de crimes sont commis contre des enfants. Le député de Scarborough-Ouest a, plus souvent que tout autre député, pris la parole à ce sujet à la Chambre.

Dans ma circonscription, un nombre disproportionné de jeunes de 13 à 16 ans sont entraînés dans la prostitution. Je ne prétends pas faire de la morale, je parle en tant que parent et que représentant d'une région où tant d'enfants sont arrachés aux années turbulentes de la puberté pour se voir jeter dans un monde qu'on peut seulement qualifier de monde de terreur. Ils sont arrachés de leurs écoles, ils sont racolés au centre-ville, dans les centres commerciaux par des gens dont on peut seulement dire que ce sont les pires criminels de la société canadienne, des proxénètes qui essaient surtout de s'attirer l'amitié de jeunes filles pour les entraîner dans la criminalité, dans la toxicomanie, pour les entraîner littéralement dans l'esclava-


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ge sexuel. À 14, 15 ou 16 ans, ces enfants ont perdu leur jeunesse et ont été violées des pires façons.

Le système de justice pénale n'a pas su faire face efficacement à cette situation. L'appareil judiciaire n'applique pas les amendes et les peines rigoureuses que le public réclame et qui devraient être appliquées. Il y a un problème au niveau des poursuites judiciaires du fait qu'il est extrêmement difficile d'offrir le niveau de protection nécessaire non seulement à ces jeunes filles, victimes de la criminalité, mais aussi aux témoins de ces crimes, qu'ils soient eux-mêmes victimes ou qu'ils aient été témoins de crimes commis contre d'autres personnes.

Elles se présentent avec la certitude que si elles témoignent devant les tribunaux contre ces monstres qui écument les rues, il ne peut arriver que deux choses: ou bien le système de justice criminelle condamnera ces individus à une peine si insignifiante que dans 6 ou 12 mois, ils seront remis en liberté et recommenceront à s'en prendre aux jeunes comme ils le faisaient avant, ou bien ils menaceront la personne, la victime qui se sera présentée comme témoin et sa famille.

J'aimerais vous raconter une histoire qui m'est arrivée il y a environ trois ans et qui m'a marqué à tout jamais. Un vendredi, en fin d'après-midi, j'avais trop d'appels à retourner, j'étais fatigué après une semaine passée ici. Ma secrétaire m'a dit qu'il y avait un appel que je devais absolument prendre.

C'était une mère de famille au désespoir. Elle était dépassée par un système incapable de répondre à ce qu'elle percevait être les besoins de son enfant; cette mère était effondrée parce qu'elle pensait qu'elle ne pouvait pas venir en aide à son enfant. Elle avait une fille de 15 ans qui avait été poussée à se prostituer à l'âge de 13 ans. Un jour, elle lui dit qu'elle était arrivée à se libérer et qu'elle ne voulait plus se prostituer. Deux jours plus tard, arrive devant la maison une fourgonnette à bord de laquelle se trouvent ses souteneurs ou les éléments du crime international qui contrôlent la prostitution des mineures. Ils se garent dans la rue avec leurs comparses.

Deux ou trois jours plus tard, la fille dit à sa mère qu'elle devait retourner à Toronto. Sa mère la supplia et l'implora de ne pas y retourner. Sa fille avait été violée, exploitée, battue et menacée d'être tuée. Elle avait vue de ses amies battues presqu'à mort par ces éléments criminels, ces monstres, ces maquereaux. Pourquoi voulait-elle retourner à ce genre de vie? Parce qu'elle craignait pour sa sécurité et qu'elle croyait que le système de justice criminelle ne pouvait lui offrir la protection nécessaire pour faire enfermer ces démons.

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Elle est retournée faire le trottoir parce qu'elle craignait pour sa propre sécurité mais aussi pour celle de sa famille, bien que sachant qu'elle risquait de devenir une statistique, ce qu'elle est peut-être aujourd'hui. J'espère que non. Elle ne voulait pas qu'un beau matin sa mère se retrouve seule dans sa cuisine, nez à nez avec ces brutes qui la battraient et lui feraient peut-être subir des sévices sexuels. C'est pour ça que cette enfant est retournée faire le trottoir.

Environ un an plus tard, sa mère m'a appelé et m'a dit: «Ma fille vient de m'appeler, elle n'en peut plus. Elle a été battue, torturée, agressée sexuellement, elle abandonne. Elle est à Niagara Falls et je veux la ramener à la maison. Il faut l'arracher à ce milieu. Elle a faussé compagnie à son souteneur et personne ne veut m'aider.»

J'ai pensé à ma fille de 11 ans et je me suis dit, mon Dieu, j'espère que si jamais je me trouve dans une telle situation, quelqu'un fera de son mieux pour soustraire mon enfant à un pareil danger.

Il a fallu que je fasse de nombreux appels téléphoniques, beaucoup plus que je n'aurais dû, avant de trouver quelqu'un qui voulait bien faire quelque chose. Cet enfant allait avoir 16 ans le lundi de la longue fin de semaine et l'organisme d'application de la loi m'a dit: «Nous pouvons aller la chercher mais qu'est-ce qu'on va en faire? Où allons-nous la placer? Ils vont revenir la chercher. Est-elle prête à témoigner? Si elle ne l'est pas, qu'allons-nous en faire?» Ce jour-là, j'ai travaillé jusqu'à 23 heures pour essayer de trouver un endroit sûr pour cette victime de crime et ce témoin potentiel, un endroit où elle serait à l'abri de ces criminels.

Ce projet de loi commence à s'attaquer aux questions véritables auxquelles sont confrontés les organismes d'application de la loi, le système judiciaire et bien entendu les victimes et les personnes qui se présentent et acceptent de témoigner devant un tribunal, en sachant fort bien qu'il y a des ressources et des programmes disponibles pour les protéger et protéger leur famille.

Chaque année, nous dépensons beaucoup d'argent pour essayer de mettre des criminels sous les verrous. Nous dépensons beaucoup d'argent lorsque nous envoyons les organismes d'application de la loi et, d'une façon générale, les agents de police à la poursuite des criminels. Nous devons mettre de l'argent dans un programme qui dira que les témoins, s'ils se présentent et disent ce qu'ils savent, seront protégés par les règlements du mieux que nous pouvons, grâce un programme qui dispose de fonds pour les protéger ainsi que leurs familles contre l'intimidation et, espérons que non, la violence physique, voire la mort.

Il y a eu dans ma circonscription une jeune femme qui avait été mêlée à la prostitution, s'était enfuie et voulait arrêter. Elle voulait que ceux qui avaient volé sa vie soient jugés. Elle allait témoigner contre une bande de criminels qui agissait dans tout le Canada et dans le nord-est des États-Unis. Elle allait les incriminer. Cependant, les autres victimes de ce genre de crime ont été rudement averties, parce qu'elle a été trouvée assassinée avant d'avoir pu témoigner. Celui contre qui elle allait témoigner a été inculpé de meurtre et attend actuellement son procès.

J'aimerais que ce soit le seul cas que je puisse relater. Mais il y en a d'autres où des jeunes filles où des jeunes femmes qui avaient décidé de ne plus se prostituer et de témoigner sont tombées d'un enfer dans un autre, car elles ont dû passer le reste de leur vie en fuite, ne sachant pas, lorsqu'une voiture s'arrête devant elles, si ce n'est pas quelqu'un qui vient leur loger une balle dans la tête. C'est la réalité dans une ville de 65 000 habitants seulement. Cela se


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produit aussi à Toronto, à Scarborough, dans l'ouest du Canada et dans les petites villes de ce pays.

Ce projet de loi est une bonne initiative. Il nous annonce un programme et il nous indique ce que les règles seront. Le programme aura une affectation de crédits. Actuellement, c'est la GRC qui finance cela à partir de ses propres programmes, car c'est elle qui a le budget.

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C'est le genre de mesure législative que le public canadien souhaite. Il veut que l'on donne les ressources nécessaires aux organismes du gouvernement, au système de justice criminelle pour qu'il fonctionne adéquatement. Il veut que les ressources soient utilisées d'une façon qui réduise autant que faire se peut l'élément criminel de nos rues et, en même temps, accorde sa protection par l'intermédiaire d'un programme officiel à ceux qui sont prêts à se présenter et à confronter ces éléments criminels de notre société, qui sont véritablement le mauvais côté de l'humanité.

Je parle au nom des victimes de crimes qui sont des témoins potentiels de leur malheur. J'encourage le gouvernement et tous les députés à continuer à travailler, comme le député de Scarborough-Ouest, pour faire connaître au gouvernement, au Parlement, les genres de programmes par lesquels nous pouvons, collectivement, nous assurer que les ressources limitées dont le gouvernement dispose soient utilisées pour l'application de la loi et le système de justice criminelle d'une façon qui nous permette d'atteindre notre objectif, des rues plus sûres, et de donner la protection voulue à ceux qui sont prêts à nous aider à rendre nos rues plus sûres.

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je savais que ma décision de céder la parole à mon collègue de Dartmouth était la bonne. Son discours a été animé de son enthousiasme habituel et il nous a présenté un cas fort intéressant, qui illustre bien la nécessité d'un programme de cette sorte. Je veux aussi remercier tous ceux qui ont traité du projet de loi et parlé de moi en bien aujourd'hui. C'est là un changement fort agréable qui me fait chaud au coeur.

Je voudrais aborder brièvement l'historique du programme de protection des témoins au Canada et expliquer comment je me suis intéressé à ce sujet, afin que les Canadiens qui nous regardent sachent à quel point il importe qu'un tel programme soit inscrit dans la loi.

Il y a trois ans environ, alors que j'étais porte-parole de l'opposition pour le solliciteur général, un homme s'est présenté à mon bureau. Il était craintif, nerveux et il surveillait littéralement ce qui se passait dans son dos. Il était aussi profondément frustré. C'était un témoin, un informateur qui avait témoigné dans une affaire de crime grave. Selon ses dires, il avait collaboré avec la Gendarmerie royale du Canada dans une enquête et on lui avait offert une certaine protection ainsi qu'un incitatif financier qui devait l'aider à déménager et à se soustraire à la colère de ceux qu'il avait rapportés aux autorités.

Malheureusement, rien n'avait été écrit; par conséquent, aucun mécanisme n'avait été mis en place et les termes de l'entente, de même que la durée de la protection, faisaient l'objet d'un conflit. Inutile de dire qu'il se sentait abandonné, laissé à lui seul et à la merci de ceux qu'il avait dénoncés.

Son geste avait été courageux; les gens en cause étaient dangereux. Cet homme craignait pour sa vie, mais encore davantage pour la sécurité de sa famille, de sa femme et de ses enfants.

Je peux comprendre ce qui lui faisait peur, mais pourquoi était-il frustré? Il s'était adressé à la GRC et n'avait rien reçu à titre de dédommagement. Il s'était présenté à son service de police local, de même qu'à la Police provinciale de l'Ontario, mais n'avait reçu aucune réparation là non plus. Il s'était donc présenté au bureau de son député. Celui-ci n'avait rien pu faire pour venir en aide à cet homme, non pas parce qu'il ne le voulait pas, mais parce que la question l'amenait dans les profondeurs de l'univers obscur de la protection des témoins au Canada.

(1245)

Il a donc présenté son cas au ministre et le ministre d'alors, ainsi que ses fonctionnaires, ont admis de mauvaise grâce qu'il existait effectivement un programme de protection des témoins. Toutefois, ils ont refusé d'en parler ou de donner des détails et ils ont catégoriquement refusé de parler de son cas personnel.

En désespoir de cause, cet homme s'est adressé à moi, porte-parole de l'opposition pour le solliciteur général. Sa situation a suscité mon intérêt et je me suis mis à examiner la question. J'ai découvert que, depuis 1970, il existe aux États-Unis un programme de protection des témoins administré par le U.S. Marshall Service. Selon les procureurs américains, ce programme est l'un des outils les plus efficaces dont ils disposent pour faire respecter la loi.

Il y a beaucoup de monde aux États-Unis, ils sont tout près de 300 millions, je crois. Le programme américain de protection des témoins est offert, chaque année, à environ 500 témoins, ce qui n'est pas beaucoup compte tenu de la taille du pays.

C'est qu'on n'y a recours qu'exceptionnellement, que dans de rares cas. Voilà qui est bien car le financement a ses limites. En règle générale, le taux de succès enregistré dans la résolution des crimes est assez élevé si l'on fait exception des actes les plus ignobles, ceux où l'on n'hésite pas à zigouiller quelqu'un pour ne pas qu'il témoigne au procès.

Je parle des infractions liées aux drogues. Je parle du crime organisé. Je parle de la guerre des gangs. Pour ces gens-là, la vie des gens est le cadet de leurs soucis. C'est une simple affaire d'argent. De nos jours, on peut embaucher un tueur pour une bouchée de pain. Que voilà un triste tableau de notre société!


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Quoi qu'il en soit, j'ai commencé à travailler à l'élaboration d'un projet de loi sur la protection des témoins au Canada tout d'abord parce que j'avais constaté que personne ne voulait parler de ce mystérieux domaine qu'est la protection des témoins. On faisait comme s'il n'existait pas, et puis je me suis rendu compte qu'il ne reposait sur aucune loi.

Étant avocat, j'étais préoccupé par cet aspect. Comment les forces policières peuvent-elles délivrer un nouveau passeport à quelqu'un? Comment peut-on accorder un nouveau numéro d'assurance sociale à quelqu'un? Comment peut-on remettre de nouveaux documents de référence et de nouveaux CV à des gens pour leur permettre de retourner sur le marché du travail, et ce, sans fondement juridique pour agir ainsi? Cela m'inquiétait que nos organismes d'application de la loi, dans l'intention bien légitime de protéger des témoins, puissent aller à l'encontre de la loi en délivrant ce genre de documents et de pièces d'identité, sans fondement juridique pour ce faire.

J'avais l'impression que ce fondement juridique s'imposait. Je m'en suis ouvert au solliciteur général de l'époque. Des milliers de gens des quatre coins du Canada ont présenté des pétitions au gouvernement d'alors afin qu'un programme national de protection des victimes voie le jour. En réponse à une de ces pétitions, l'honorable Doug Lewis, le ministre de l'époque, a dit ceci:

La protection des témoins est un aspect très important de l'application de la loi ainsi qu'un grand service à rendre aux témoins dont la vie peut être mise en danger s'ils témoignent devant les tribunaux.
C'est un fait, à l'heure actuelle, nous ne disposons pasd'une mesure législative nationale comme c'est le cas aux États-Unis, par exemple. Mes collaborateurs sont en train d'examiner l'état de la question au Canada, après quoi nous arrêterons les modalités d'application des mesures de protection retenues, et ce, non seulement pour ceux qui sont chargés de l'application de la loi, mais également pour les premiers intéressés, les témoins. De plus, il faudra procéder à l'étude de l'efficacité de la mesure législative et de son application au Canada.
Étant donné la complexité de la question, un examen approfondi s'impose avant qu'on ne puisse décider du meilleur programme possible de protection des témoins pour les Canadiens.
Soyez assurés que vos vues, notamment votre demande de programme législatif, sont examinées sérieusement, et je voudrais remercier les pétitionnaires d'avoir exprimé leur opinion à ce sujet.
Il s'agissait là d'une très belle réponse mais, bien sûr, elle me donnait la même impression qu'à tous les gens ordinaires qui étaient venus à mon bureau, c'est-à-dire qu'on les renvoyait d'un endroit à l'autre, étude après étude. On leur disait qu'effectivement il n'y avait aucun programme législatif, que c'était une bonne idée, qu'on en avait besoin, mais qu'on devait faire une étude à ce sujet.

(1250)

Qu'est-ce qui a changé? Ce qui a changé, c'est que des élections fédérales ont eu lieu et qu'un nouveau solliciteur général, le député de Windsor-Ouest, a été nommé. Très peu de temps après, parmi les diverses autres initiatives qu'il a prises, le solliciteur général du Canada a reconnu le mérite et la nécessité d'un programme législatif de protection des témoins qui serait offert dans tout le pays.

Ayant consulté ses collaborateurs, il a eu l'obligeance de s'asseoir avec moi pour discuter de mon projet de loi et du travail que j'avais accompli jusque là. Bien entendu, le solliciteur général dispose de ressources plus considérables qu'un simple député. Il a fait tout ce qu'il fallait. Il s'est adressé au U.S. Marshall Service et a découvert les défauts et les lacunes de ce programme. Il s'est entretenu avec les solliciteurs généraux des diverses provinces pour savoir comment ce programme pourrait être le plus efficace dans un régime fédéral où les lois pénales sont adoptées par le gouvernement fédéral, mais appliquées par les provinces.

Il n'a pas perdu de temps. Après avoir fait ce travail et m'avoir tenu informé en tout temps, de sorte que j'étais convaincu que le travail se poursuivait, il a présenté cette mesure législative, le projet de loi C-78.

À mon avis, ce projet de loi fait date à plusieurs points de vue. Tout d'abord, j'estime qu'il contribuera énormément non seulement à protéger les témoins et les informateurs à l'avenir, mais aussi à résoudre les crimes.

Entre 1980 et 1992, il y a eu 1 455 meurtres non résolus au Canada. Il s'agit d'une statistique incroyable. Non seulement il y a eu 1 455 meurtres, mais ces 1 455 meurtres n'ont pas été résolus. Le fait est qu'il y a des gens qui connaissent les auteurs de beaucoup de ces meurtres, mais qui craignent pour leur vie ou celle des membres de leur famille. Ils ont peur de s'adresser à la police, car ils ne savent absolument pas qu'ils seront protégés. Du fait de la nature plutôt cachée des programmes de protection des témoins avant la présentation de ce projet de loi, les gens n'étaient pas vraiment au courant. Ils ignoraient à qui ils devaient s'adresser.

Les députés savent-ils qu'à l'heure actuelle, il y a environ 15 corps policiers du pays qui offrent un programme de protection des témoins. C'est le cas, notamment, de la GRC, de la Police provinciale de l'Ontario, de la Police de la communauté urbaine de Toronto et d'autres corps policiers, mais chacun a son propre programme. Ils ont des règles et des normes différentes, ainsi que des budgets distincts.

À quoi peut bien servir le programme de protection des témoins de la Police de la communauté urbaine de Toronto à une personne qui est témoin d'un meurtre à Sudbury, par exemple? En effet, ce programme s'adresse aux habitants de la région de Toronto. Pour les gens de Calgary, quel est l'avantage qu'offre le programme de protection des témoins de la Police provinciale de l'Ontario?

Il faut que le programme soit national, car notre droit criminel est national. Nous avons un corps policier national, la GRC, présent dans toutes les provinces et tous les territoires du pays. La GRC a un programme de protection des témoins et il n'est donc que logique qu'elle administre un programme national de protection des témoins. C'est précisément ce que prévoit ce projet de loi.

En vertu de cette mesure, les autres corps policiers se mettent en rapport avec la GRC pour protéger des témoins dans le cadre d'enquêtes qu'ils effectuent. C'est une bonne chose sur le plan financier également, car ces corps policiers peuvent budgétiser la protection des témoins. Ils sont en mesure de payer la GRC pour les services qu'elle va leur offrir, et ils pourront profiter alors des


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compétences, ainsi que de l'uniformité que leur apporte la GRC en vertu de ce projet de loi.

Pour moi, c'est une chose extrêmement constructive. Je crois que nous allons être en mesure de résoudre des crimes lorsque nous serons capables d'offrir aux témoins la protection voulue, dans tout le pays.

(1255)

Dieu sait qu'il y a des crimes à résoudre. On peut espérer que des gens viendront offrir des éléments de preuve en échange d'une protection contre ces gens ignobles qui n'hésitent pas à tuer.

Le député de Dartmouth a utilisé un terme qui décrit bien ces gens, il les a qualifiés de démons. Pour exorciser nos démons, nos criminels, la mesure que nous étudions se révélera excellente.

Le projet de loi m'apparaît bien court quand je songe à l'effet qu'il aura. Il ne contient que 24 articles relativement courts. On a tendance à oublier qu'il y a parfois un avantage à être bref. Cette mesure est courte, mais il n'y manque rien.

En rédigeant le projet de loi C-206, j'ai réfléchi longuement à tous les différents points de vue et je croyais n'avoir rien oublié. J'ai été flatté de voir la Chambre l'adopter unanimement à l'étape de la deuxième lecture. Cependant, comme c'est généralement le cas, les bureaucrates ont examiné le projet de loi, ont constaté qu'il y manquait des choses et les ont incluses dans leurs recommandations au solliciteur général, qui, il faut l'en féliciter, les a acceptées. Le projet de loi C-78 améliore le projet de loi C-206 et traite de sujets qui ne l'étaient pas dans la mesure que j'ai proposée.

Je tiens aussi à signaler une utilisation que l'on fait maintenant du programme de protection des témoins. Par exemple, en 1986, la GRC consacrait environ 500 000 $ par an à la protection de témoins partout au Canada. En 1993, ce montant avait atteint 3 800 000 $. C'est de l'argent bien dépensé puisqu'il sert à résoudre des crimes perpétrés au Canada, des crimes qui autrement ne seraient pas résolus. À mon avis, cela prouve que le programme national de protection des témoins est efficace et que le projet de loi C-78 est nécessaire.

Une des choses qui faisaient défaut jusqu'à maintenant, c'était la transparence du programme de protection des témoins; il n'était pas mis en valeur et ne faisait l'objet d'aucune publicité. Ce programme ne date pas d'hier. Je suis heureux de relever à l'article 16 du projet de loi C-78 une chose qui n'était pas dans mon projet de loi d'initiative privée, mais qui est très importante. Il s'agit de la présentation d'un rapport annuel.

Le commissaire de la GRC, qui sera responsable du programme national de protection des témoins prévu par la loi, devra présenter un rapport au ministre. Cette disposition est très importante en soi, car le ministre sera informé de ce qui arrive en matière de protection des témoins, des coûts consacrés à ce chapitre, du nombre de témoins qui sont protégés et du taux de réussite du programme en ce qui a trait à la solution de crimes.

Le ministre est allé plus loin parce que non seulement il recevra le rapport, mais il sera tenu-on ne dit pas qu'il pourra le faire ou qu'il y songera-de faire déposer un exemplaire du rapport à la Chambre des communes. Nous qui siégeons à la Chambre et les Canadiens que nous représentons aurons donc l'occasion, une fois l'an, d'entendre parler du programme de protection des témoins et de le faire connaître. De plus, nous saurons combien d'argent y est consacré, combien de gens bénéficient d'une protection et combien de crimes sont résolus grâce au programme de protection des témoins, qui sera un instrument d'application de la loi.

Voilà qui est important, car cela fera connaître le programme. Cela poussera des gens à venir dire aux policiers qu'ils ont vu quelque chose, qu'ils savent quelque chose ou ont entendu quelque chose et qu'ils sont prêts à venir témoigner si on les protège. Il appartiendra bien sûr au commissaire de décider si, dans les circonstances entourant le dossier, il faut offrir oui ou non une protection au témoin, et c'est bien sûr ainsi que cela doit se faire, car il s'agit d'un outil d'application de la loi à utiliser pour assurer la protection des témoins qui contribuent à résoudre des crimes.

(1300)

Tout compte fait, le projet de loi C-78 est un excellent projet de loi, qu'il me fait plaisir d'appuyer. Je suis heureux de voir qu'il jouit apparemment de l'appui de tous les partis, ce qui me porte à croire qu'il sera adopté rapidement à la Chambre des Communes. Nous pourrons alors passer à l'application du programme de protection des témoins et le faire connaître, ce qui nous permettra de résoudre des crimes et de tâcher de trouver les auteurs des 1 455 meurtres non résolus commis entre 1980 et 1992.

Il y a deux ou trois points dans le projet de loi sur lesquels j'aimerais avoir des éclaircissements, et j'espère qu'ils seront tirés au clair par les responsables quand ils comparaîtront devant le comité chargé d'étudier le projet de loi.

Je signale plus particulièrement l'absence de disposition permettant par exemple au commissaire de prendre des mesures d'urgence s'il estime qu'il existe un urgent besoin de protéger quelqu'un pour le mettre à l'abri du danger avant que les rouages du programme n'entrent en branle. Il me semble que le projet de loi devrait prévoir un mécanisme quelconque à cette fin.

Le projet de loi viendra en aide aux Canadiens et les protégera. Il contribuera à résoudre des crimes. C'est assez évident à cause de l'appui dont il bénéficie de la part de tous les partis. Les députés des deux côtés de la Chambre, de toutes les différentes tendances politiques et de toutes les opinions en matière de justice, reconnaissent que les témoins et les informateurs ont besoin d'être protégés si nous voulons résoudre les affaires criminelles et lutter contre la criminalité au Canada.

Il est réconfortant de voir régner une telle unanimité à la Chambre sur une question comme celle-là. Les Canadiens peuvent donc se sentir rassurés que la Chambre des communes se préoccupe d'eux et de leur sécurité personnelle, qu'elle déplore la criminalité et qu'elle tient à la contenir et à la supprimer, et qu'elle fera donc en sorte que les témoins et les gens qui se manifestent pour aider les corps policiers à appliquer la loi soient protégés par la société canadienne d'une façon prévue par la loi, d'une façon ouverte, non


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d'une façon discrète, dans l'ombre, en coulisse, sans possibilité d'appel ni de réparation au cas où il y aurait eu malentendu.

Voici d'ailleurs une autre bonne disposition. Le commissaire devra faire connaître par écrit les raisons pour lesquelles une demande de protection est refusée, de sorte qu'on ne laisse pas des gens plantés là avec la tête qui tourne, incapables de comprendre pourquoi le système refuse de les protéger.

J'appuie le projet de loi, et je suis très reconnaissant à la Chambre de l'appuyer. Je sais gré au ministre d'avoir présenté le projet de loi. Comme je l'ai dit au début, je remercie les députés de tous les compliments qu'ils m'ont adressés.

[Français]

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais commencer en remerciant les membres de la Gendarmerie royale du Canada pour le bon travail qu'ils font régulièrement pour les citoyens de notre pays. Je suis satisfaite qu'ils continuent d'avoir le contrôle opérationnel de ce programme.

La protection des témoins est l'un des outils d'application de la loi les plus utiles et les plus efficaces qui soient dans la lutte contre le crime. Pour être efficaces, les programmes de protection des témoins doivent offrir la meilleure protection possible aux sources et aux témoins éventuels. Or, c'est précisément le but de la Loi sur le programme de protection des témoins.

Les changements proposés dans la Loi sur le programme de protection des témoins permettront aux sources et aux témoins qui participeront au programme de bien comprendre les modalités en vertu desquelles ils seront protégés. Par ailleurs, les décisions ou les mesures prises par les administrateurs du programme, ici la Gendarmerie royale du Canada, seront plus transparentes. Il en résultera un fonctionnement plus transparent et plus efficace du programme, ce qui contribuera aux efforts d'application de la loi déployés par le gouvernement pour faire échec au crime, particulièrement le crime organisé.

(1305)

Les changements proposés, qui sont exposés dans la Loi sur le programme de protection des témoins, donneront au Programme de protection des sources et des témoins de la Gendarmerie royale du Canada un fondement législatif et réglementaire solide, créant un programme fédéral de protection des témoins reposant sur les dispositions législatives.

La nouvelle mesure législative assurera: des critères d'admission clairement définis pour les témoins; un traitement uniforme des cas à la grandeur du pays; un exposé clair des responsabilités et des obligations tant des administrateurs du programme que des participants; une structure de gestion mieux définie à l'intérieur de la Gendarmerie royale du Canada pour le fonctionnement quotidien des programmes, ce qui renforcera l'obligation de rendre compte; la mise en place d'un processus de règlement des plaintes et la présentation par le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada d'un rapport annuel au solliciteur général du Canada sur le fonctionnement du programme.

Le Programme de protection des sources et des témoins de la Gendarmerie royale du Canada a été créé en 1984 pour répondre aux besoins propres à la Gendarmerie dans le domaine de la protection des sources et des témoins. Il existe d'autres programmes de protection des témoins qui sont administrés par diverses provinces et municipalités.

Les services policiers qui administrent ces programmes ont également recours au Programme de protection des sources et des témoins de la Gendarmerie royale du Canada selon un système de recouvrement des coûts, et cette pratique sera maintenue. La GRC vient en aide aux autres programmes de protection en obtenant des pièces d'identité délivrées par le gouvernement fédéral-par exemple, des passeports ou des cartes d'assurance sociale-lorsqu'un changement de nom est nécessaire ou enfin en facilitant la réinstallation des témoins dans une autre province.

Au cours de l'exercice 1994-1995, le Programme de protection des sources et des témoins a permis à la GRC d'offrir des services de protection à 70 nouvelles personnes, dont 30 à la demande d'autres organismes. La GRC consacre actuellement 3,4 millions de dollars annuellement à ses activités de protection des témoins.

Les changements apportés au Programme de protection des sources et des témoins de la Gendarmerie royale du Canada ne représentent pas de dépenses supplémentaires. Le Programme continuera d'être financé par les ressources actuelles.

Les provinces et les territoires ont été consultés et appuient les changements prévus dans la Loi sur le programme de protection des témoins.

La décision d'accepter un candidat dans le Programme de protection des sources et des témoins de la Gendarmerie royale du Canada reposera sur les critères suivants: la contribution que le témoin ou la source pourrait éventuellement apporter au déroulement d'une enquête policière donnée; la nature de l'infraction faisant l'objet d'une enquête; la nature du risque pour la personne en cause; les autres méthodes de protection disponibles; le danger que la personne pourrait représenter pour la collectivité si elle était admise dans le programme; les répercussions éventuelles sur les relations familiales; la capacité de la personne de s'adapter au programme, c'est-à-dire la maturité, le jugement et autres caractéristiques personnelles; le coût de la protection offerte par le programme; et tout autre facteur que le commissaire de la GRC peut juger pertinent.

En vertu de la Loi sur le programme de protection des témoins, le processus décisionnel pour la participation d'une personne au programme sera clair. Dans les cas graves, comme ceux de personnes qui ont besoin de changer d'identité ou d'être admises à titre de ressortissant étranger, la décision ne pourra être prise que par le commissaire adjoint responsable du programme. La décision de mettre fin à la protection devra également être prise par ce commissaire adjoint.

Dans les cas moins graves, la décision de protéger une personne pourra être prise par le titulaire d'un poste au niveau du surintendant principal.

En conclusion, les changements prévus dans la Loi sur le programme de protection des témoins ont été élaborés à la suite de consultations avec la Gendarmerie royale du Canada et divers


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services de police un peu partout au pays, à qui l'on a demandé leur opinion sur la question. Ces changements aideront à rendre le Programme de protection des sources et des témoins de la GRC plus transparent.

Je suis très contente que la Chambre ait accepté d'appuyer cet important projet de loi, et j'espère qu'il sera adopté bientôt.

(1310)

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je déclare donc la motion adoptée. En conséquence, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent de la justice et des questions juridiques.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

* * *

[Traduction]

LA LOI SUR LES EXPLOSIFS

La Chambre passe à l'étude du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur les explosifs, dont un comité a fait rapport sans propositions d'amendement.

L'hon. Ralph E. Goodale (au nom du ministre des Ressources naturelles) propose: Que le projet de loi soit agréé.

(La motion est adoptée.)

Le vice-président: Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois? Avec la permission de la Chambre, maintenant?

Des voix: D'accord.

L'hon. Ralph E. Goodale (au nom du ministre des Ressources naturelles) propose: Que le projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur les explosifs, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. George S. Rideout (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur les explosifs. Je voudrais aborder certaines questions que des députés d'en face ont soulevées pendant la débat à l'étape de la deuxième lecture et insister sur les principaux points que les députés ministériels ont fait valoir.

Permettez-moi avant tout de remercier les députés d'en face qui ont manifesté, au nom de leur parti respectif, leur appui au projet de loi C-71 pendant le débat à l'étape de la deuxième lecture.

J'ai remarqué dans le hansard que, pendant ce débat, le député de Matapédia-Matane a demandé à quoi servait de fabriquer des explosifs si nous n'en surveillons pas l'utilisation. Je lui réponds que nous en surveillons l'utilisation. Les inspecteurs des explosifs font de l'excellent travailet surveillent les fabricants titulaires d'un permis, les distributeurs de même que les utilisateurs d'explosifs dans notre pays.

Certains se demandent comment les terroristes et les bandes de motards se procurent des explosifs. En général, les terroristes achètent sur le marché noir des explosifs volés ou fabriquent eux-mêmes leurs explosifs s'ils savent comment procéder, comme l'ont fait d'ailleurs les auteurs du terrible attentat à la bombe qui a détruit, cet été, un immeuble du gouvernement fédéral à Oklahoma City.

Les explosifs volés proviennent de divers endroits, notamment d'entrepôts situés sur les chantiers de construction, les sites miniers et près des carrières. Naturellement, ces infractions font l'objet d'enquêtes menées par les services policiers du Canada. De toute façon, j'estime que ce n'est pas courant dans notre pays. Le seul fait que cela puisse arriver ne justifie pas qu'un gouvernement, et surtout pas le gouvernement fédéral, prévoie un dédale de règlements restrictifs et inutiles.

En outre, les explosifs qui servent ou sont destinés à des activités criminelles ne sont jamais achetés chez des marchants autorisés en vertu de la loi fédérale actuelle sur les explosifs et cela, parce que les marchands autorisés doivent tenir des articles-mouvements exacts et complets de tous les explosifs qu'ils vendent. Ces enregistrements de détail, alliés aux contrôles sécuritaires auxquels la police est tenue de procéder conformément, elle aussi, à l'actuelle Loi sur les explosifs, révéleraient facilement la trace administrative de quiconque se servirait d'explosifs légalement acquis pour commettre un délit.

Revenons aux questions qui sont plus étroitement liées au projet de loi dont la Chambre est saisie. D'abord, pour ce qui concerne le temps mis à présenter ces modifications au Parlement, je tiens à faire valoir quelques points.

Des hauts fonctionnaires de Ressources naturelles Canada m'ont fait savoir que, peu après que la Convention de Montréal sur le marquage des explosifs plastiques fut signée, en 1991, ils ont rédigé, en collaboration avec leurs collègues de la Défense nationale, des Douanes et de Transports Canada, un mémoire au Cabinet concernant les modifications qu'on proposait d'apporter à la Loi sur les explosifs. Comme s'en souviendront peut-être les députés, la structure des ministères fédéraux a connu d'importantes transformations au milieu de 1993. Peu de temps après, avaient lieu des élections fédérales qui ont entraîné un changement encore plus significatif. Depuis, le gouvernement fédéral s'efforce de mettre le Canada sur la bonne voie, de revitaliser les possibilités d'emploi pour tous les Canadiens, de s'attaquer aux problèmes importants que sont le déficit et la dette, bref, de relancer notre économie. Le gouvernement est le bon gouvernement que les Canadiens veulent et méritent. En outre, nous progressons fort bien pour ce qui est de la réalisation de bons objectifs d'intérêt public.


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(1315)

Les députés n'ignorent pas que nous avons eu à relever des défis énormes pour tenir les promesses que nous avions faites aux Canadiens et que le gouvernement fédéral s'est efforcé de bien gérer ses priorités, depuis 1993, afin d'y arriver. Je ne crois pas que ce débat soit la tribune indiquée pour dresser la liste de nos réalisations, mais si les députés d'en face veulent que je le fasse, je me ferai un plaisir d'exaucer leur souhait.

Les fonctionnaires du ministère ont dû revoir leur travail pour rédiger leur mémoire au cabinet sur les modifications à la Loi sur les explosifs, dont nous sommes saisis aujourd'hui. Par conséquent, ils ont apporté les modifications nécessaires pour satisfaire aux exigences d'un nouveau gouvernement. Ces fonctionnaires ont fait un excellent travail.

La convention de 1991 qui a été signée à Montréal représente un accord international en vertu duquel les pays conjuguent leurs efforts pour réduire les risques de nouveaux attentats à la bombe dans les avions. Le Canada estime essentiel de participer à ces efforts pour poursuivre la lutte contre le terrorisme.

Comme tous les accords internationaux, la convention sur le marquage des explosifs plastiques est fondée sur la confiance entre les pays signataires. Le Canada respecte cette optique. Notre pays est en effet reconnu dans le monde entier comme un chef de file qui encourage les progrès visant à accroître la confiance entre les pays et, partant, les conventions internationales progressistes.

Nous avons fermement l'intention d'honorer toutes nos obligations internationales, dans l'espoir que d'autres pays suivront notre exemple. Ce n'est pas là une confiance aveugle, mais l'essence même d'un bon leadership.

Actuellement, il n'y a pas de façon de détecter les explosifs plastiques dans les aéroports, alors que les explosifs de type conventionnel peuvent y être détectés par l'équipement se trouvant sur place. Le projet de loi à l'étude propose de marquer les explosifs plastiques, en y ajoutant un produit chimique qui serait détecté par l'équipement en place dans les aéroports internationaux du Canada, et de contrer ainsi la menace terroriste.

Ces modifications permettront au Canada d'être parmi les premiers pays à ratifier une convention internationale demandée par les Nations Unies et coordonnée par l'Organisation de l'aviation civile internationale, relativement au marquage des explosifs plastiques.

Cette convention a été signée en mars 1991 par 40 pays, et 14 ont déjà ratifié la convention depuis avril 1992. Cinq de ces pays, soit la Norvège, l'Espagne, la Suisse, la Slovaquie et la République tchèque, sont des producteurs d'explosifs plastiques.

Comme le Canada est une figure de proue mondiale en matière de technologie de détection des vapeurs, nos fabricants d'équipement pourront tirer profit des perspectives commerciales internationales que présente leur technologie de détection des vapeurs, étant donné le nombre croissant de pays qui ratifient cette convention.

Les explosifs plastiques sont devenus une arme de choix parmi les groupes terroristes pour les attentats contre des avions et d'autres cibles comme des édifices publics parce que ce genre d'explosif est petit, puissant, stable, malléable et, surtout, difficile à détecter.

Si les explosifs plastiques étaient marqués ou s'ils comprenaient un additif décelable dans les aéroports canadiens, il est très vraisemblable que les terroristes renonceraient à commettre tout attentat au Canada à l'aide de ces explosifs.

La Convention sur le marquage des explosifs plastiques exige que les États signataires veillent au marquage des explosifs plastiques pour accroître leur détectabilité. La convention prévoit aussi des contrôles sur l'importation, l'exportation, la possession et le transfert d'explosifs plastiques marqués ainsi que la destruction de la plupart des explosifs plastiques non marqués.

Je voudrais rappeler à la Chambre les principales dispositions de la convention. Seuls les explosifs plastiques, selon la définition qu'en donne la convention, doivent être marqués. Les stocks commerciaux existants d'explosifs plastiques doivent être détruits d'ici trois ans. Une commission technique internationale sera créée pour évaluer les innovations techniques dans le domaine des explosifs.

Le coût de la participation canadienne à une telle commission sera faible. La convention entrera en vigueur dès que 35 pays, y compris les cinq pays producteurs, l'auront ratifiée. Le Canada est l'un des producteurs mondiaux et, en adoptant ce projet de loi aujourd'hui, il deviendra l'un des premiers pays à avoir ratifié cette importante convention.

En ce qui concerne les autres ministères, les militaires ont dit qu'ils observeraient toutes les dispositions de la convention, sauf peut-être dans les situations d'urgence. Chez les militaires, la priorité sera accordée à l'utilisation d'explosifs plastiques non marqués. Comme toujours, de strictes mesures de sécurité seront prises dans le stockage des explosifs. En outre, de strictes procédures de comptabilité seront également appliquées dans l'utilisation des stocks.

(1320)

Transports Canada, qui est responsable du fonctionnement du matériel de détection dans les aéroports canadiens, a déclaré que la technologie actuelle pouvait détecter les explosifs plastiques marqués.

On s'attend à ce que le coût supplémentaire de la production d'explosifs plastiques détectables soit négligeable. Cela s'explique surtout par la quantité relativement faible d'explosifs plastiques produits au Canada. L'industrie a travaillé de concert avec les organismes chargés de la création de substances servant à marquer les explosifs plastiques à des fins de détection. Par conséquent, l'industrie reconnaît que les répercussions de ces coûts supplémentaires ne seront pas très grandes.

De plus, compte tenu de la faible quantité d'explosifs plastiques par rapport à la quantité d'explosifs industriels classiques, le défi que représentera l'application des dispositions proposées et, par extension, de celles de la convention, ne posera pas de graves


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difficultés aux organismes de réglementation concernés et n'entraînera pas de coûts élevés pour ces derniers.

La position du Canada, en tant que chef de file dans la technologie de détection de vapeurs, sera rehaussée par suite de la ratification de la convention internationale. La percée des marchés étrangers par les fabricants canadiens de matériel de détection de vapeurs est pratiquement une certitude. Par conséquent, la modification pourrait stimuler la création d'emplois et contribuer à la croissance économique et à l'expansion du commerce du Canada.

La modification proposée à la Loi sur les explosifs est la preuve de la volonté du gouvernement du Canada de bien gouverner. Nous sommes déterminés à assurer la sécurité des passagers aériens. Nous tenons à collaborer avec nos partenaires internationaux et à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour contrer la menace terroriste dans notre espace aérien et ailleurs dans le monde.

La modification proposée à la Loi sur les explosifs fera comprendre aux terroristes partout dans le monde que le Canada ne sera pas un terrain de bataille facile pour leurs campagnes de violence mortelle. Parallèlement, les fabricants canadiens de détecteurs de vapeurs pourront profiter des excellentes possibilités qui s'offriront à eux sur les marchés. Ainsi, le projet de loi contribuera à l'atteinte de deux grands objectifs du gouvernement fédéral, la création d'emplois et la croissance économique nationale. En outre, il protégera tous les Canadiens.

Je remercie mes vis-à-vis pour leur appui à cet important projet de loi. J'exhorte tous les députés à l'adopter rapidement.

[Français]

M. Roger Pomerleau (Anjou-Rivière-des-Prairies, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole également sur le projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur les explosifs. Bien sûr, il existe déjà une Loi sur les explosifs, que ce projet de loi vient modifier, et l'ancien projet de loi vise essentiellement, en règle générale, à assurer la sécurité du public et des travailleurs.

Cette loi régit la composition, la qualité et les caractéristiques des explosifs normaux, ainsi que leur fabrication, leur importation, leur vente, leur achat, leur détention et leur entreposage. Sa portée s'étend aux pièces pyrotechniques, c'est-à-dire les pièces qui servent à faire des feux d'artifice.

La nouvelle loi qu'on nous propose aujourd'hui obligera l'intégration d'un additif détectable aux explosifs plastiques pour permettre au gouverneur en conseil d'adopter des règlements visant la détention, la cession, l'élimination des explosifs plastiques non marqués. On souhaite par là faire obstacle au terrorisme, comme l'a souligné mon collègue, et permettre au Canada de ratifier la Convention sur le marquage des explosifs plastiques pour fins de détection conclue à Montréal, le 1er mars 1991.

Le projet de loi interdirait aussi, entre autres, la fabrication, le stockage, la détention, la cession, le transport, l'importation et l'exportation des explosifs plastiques non marqués, sauf dans les cas prévus par la Convention et pour répondre à des besoins militaires d'importance primordiale qui sont clairement spécifiés dans la loi.

Qu'est-ce au juste que la Convention de Montréal? Je pose la question pour le bénéfice des citoyens qui nous écoutent. La Convention de Montréal fut signée en mars 1991 au siège de l'Organisation de l'aviation civile internationale par les pays membres de cette association. Elle vise à contrôler la prolifération des explosifs plastiques utilisés dans des attentats terroristes.

Elle touche les explosifs plastiques non marqués, c'est-à-dire les explosifs ne contenant pas une substance qui en facilite la détection et elle oblige les pays signataires et producteurs, dont le Canada, à procéder au marquage, sauf pour la recherche et l'utilisation policière et militaire.

(1325)

En fait, ce projet de loi propose le marquage des explosifs plastiques grâce à l'incorporation d'un additif chimique décelable au moyen des appareils de détection installés dans les aéroports internationaux au Canada afin de parer à la menace du terrorisme.

De façon générale, le projet de loi C-71 rencontre les grandes orientations de la Convention de Montréal. Il semble fidèle en tous points aux obligations relatives à cette convention. Premièrement, il y a effectivement dans le projet de loi interdiction de produire des explosifs plastiques non marqués, sauf pour les exceptions prévues. Deuxièmement, il y a annonce de réglementation visant le transport et la détention d'explosifs plastiques non marqués. Finalement, il prévoit des mesures pour les explosifs plastiques non marqués, produits ou détenus avant l'entrée en vigueur de la présente loi, tel que le stipulait mon collègue juste avant moi.

Il est clair que les explosifs plastiques sont l'arme de prédilection des terroristes, justement parce qu'ils sont difficilement détectables. On n'a qu'à se rappeler, cela a d'ailleurs été évoqué par mes collègues dans d'autres situations précédentes, quelques cas récents, dont plusieurs personnes se souviennent, des cas d'attentats terroristes: le vol 103 de la Pan Am en provenance de Londres, qui a explosé au-dessus de Lockerbie en Écosse, il y a quelques années; le vol 772 d'UTA, qui s'est écrasé en Afrique il n'y a pas si longtemps, deux attentats qui ont fait plus de 440 morts. On se souvient également de la tragédie d'Air India, un 747 décollé du Canada et qui s'est perdu corps et biens dans l'Atlantique, au sud de la République d'Irlande, encore une fois un attentat terroriste.

Il faut rendre les explosifs plastiques détectables dans les aéroports. C'est ce que le projet propose de faire, et le Bloc québécois, bien sûr, réitère son appui à ce projet de loi. D'autant plus que, selon l'information que nous avons, l'augmentation des coûts de production qu'occasionnera cette décision sera effectivement négligeable pour les producteurs qui sont pour la plupart des entreprises privées.

Cependant, cela ne nous empêche pas d'émettre quelques bémols sur ce projet de loi. Tout d'abord, on s'aperçoit que la convention a été signée le 1er mars 1991, et on nous arrive aujourd'hui avec un projet de loi, soit presque cinq ans plus tard. Vous trouverez évidemment qu'il y a là un manque flagrant d'efficacité de la part du gouvernement, dans un domaine qui touche directement la sécurité


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publique. On a pris moins de temps pour mettre sur pied un groupe d'unité Canada. Je pense donc qu'il y a un manque flagrant d'efficacité qui mérite d'être souligné.

Bien sûr, l'objectif en soi est louable, et nous l'appuyons, mais quelle est exactement son efficacité? Tout d'abord, ce ne sont pas tous les pays qui sont signataires ou qui sont membres de l'Organisation de l'aviation civile internationale, donc, les terroristes pourront effectivement-et cela a déjà été souligné-toujours s'approvisionner dans des pays qui ne sont pas membres et qui ne marqueront pas leurs explosifs plastiques.

Nous avions posé une question à notre honorable collègue, prétendant que le Canada ne pouvait pas dire qui vendait effectivement des explosifs dans les cas des groupes terroristes. Nous soulignons que le gouvernement fédéral ne sait pas exactement, notre collègue vient de nous le souligner, qu'une partie est achetée sur le marché noir. On n'avait pas besoin de se le faire dire, on savait déjà que c'est effectivement le cas. Qu'une partie est faite à la main, on savait cela aussi. Mais qui vend ces produits aux terroristes qui s'approvisionnent sur le marché noir? Qui sont les gens du marché noir? On n'a pas de réponse là-dessus.

On sait que le Canada est, à beaucoup de points de vue, une passoire pour des objets qui entrent en contrebande, et je pense à la drogue en particulier. Il est bien connu que le Canada est en quelque sorte la porte d'entrée d'Amérique du Nord pour la drogue et certainement pour une partie des armes. On sait que certains groupes actuellement s'approvisionnent à cette source et ils sont même dans bien des cas beaucoup plus armés que la police et même que l'armée canadienne.

(1330)

On se demande exactement quelles sont les mesures qui seront prises dans ce projet de loi pour contrer ces effets-là. On a du mal, au Canada, à contrôler la contrebande d'alcool, la contrebande de tabac, de cigarettes. Donc, il est excessivement difficile d'imaginer qu'un projet de loi comme celui-ci, malgré tout le bon côté qu'il y a, pourra contrôler effectivement le trafic des explosifs.

On tient également à souligner que la production militaire en est complètement exemptée, ce que nous comprenons. Il est bien évident que les militaires ne rendront pas leurs armes détectables, ce qui serait aller contre le bon sens. Il n'en reste pas moins qu'il y a là source de fuites possibles.

On n'a qu'à penser aussi, c'est un autre bémol que l'on met puisqu'on est en plein dedans actuellement dans la région de Montréal, aux gangs de motards criminalisés. On voit les guerres qui existent actuellement, qui ont fait, depuis quelques mois, de nombreuses victimes, tant chez les motards que chez les simples civils, des victimes innocentes.

En passant, j'aimerais en profiter pour remercier de façon toute spéciale, un groupe d'individus, la Congrégation Oir Rachaim Tasher Yesheva, congrégation juive de Boisbriand, qui, lors d'un de ces incidents, s'est présentée immédiatement lors d'un accident et a porté secours à des blessés. Je pense que les valeurs de compassion et d'entraide que cette communauté a démontrées méritent d'être soulignées.

Toujours dans le cas de la guerre des gangs de motards criminalisés, je tiens également à souligner le travail de mon honorable collègue, le député d'Hochelaga-Maisonneuve, qui a aidé, dans son comté, à mettre sur pied une pétition pour demander une loi antigang et qui a organisé, pour de nombreux députés de la région de Montréal, des rencontres avec les policiers de Montréal, dont M. Sangollo, l'adjoint au directeur de la police, M. Duchesneau, qui nous ont en quelque sorte donné un aperçu de ce que sont les groupes de motards criminalisés et ce qu'est exactement le crime organisé.

On nous a clairement fait entendre les besoins d'une loi antigang. Je pense qu'une loi antigang mériterait d'être sérieusement étudiée en cette Chambre. Je sais parfaitement bien que ce ne sera pas une loi facile puisqu'il faudra définir, dans une telle loi, ce que sont exactement les gangs de criminels.

Ce n'est pas chose facile à faire. Bien sûr, il faudra tenir compte de la Charte des droits et libertés de la personne, mais je pense que nous devrons arriver un jour à avoir une formulation exacte, ou le plus exact possible, pour contrer l'effet réel de ces gangs. Quand je parle de ces gangs, je ne parle pas seulement des motards criminalisés, je parle de la mafia, des triades chinoises, de la yakuza japonaise et de la mafia russe qui est en train de se répandre actuellement, depuis le démantèlement de la Russie, dans tous les pays industrialisés, et spécialement au Canada.

Je pense que le projet de loi, tel qu'il est, mérite certainement d'être appuyé parce qu'il est un pas dans la bonne direction, mais je pense que c'est largement insuffisant, dans les circonstances, pour redonner aux Canadiens un sentiment de sécurité qu'ils ont peut-être perdu ou sont en train de perdre actuellement.

J'aimerais conclure en répétant quelques mots que mon collègue de Matapédia-Matane a dits lors de sa première intervention sur ce projet de loi, et je terminerai ainsi parce que je pense que ce sont des mots de sagesse. Mon collègue disait ceci: «Marquez les explosifs que vous fabriquez tant que vous voudrez, si vous ne prenez pas les véritables moyens pour combattre la violence, les gangs organisés et le terrorisme, vous donnez des coups d'épée dans l'eau.»

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui à la Chambre pour participer au débat de troisième lecture sur le projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur les explosifs.

Je suis ravi d'informer la Chambre que mon parti appuie le projet de loi C-71. Je ne m'attarderai donc pas sur le sujet. C'est bon de voir le gouvernement présenter à la Chambre une mesure législative qui est nécessaire et que nous pouvons appuyer, car il arrive si souvent que les mesures législatives soient imparfaites.

J'ai une critique à formuler au sujet des travaux de la Chambre, et c'est que nous avons eu à étudier beaucoup de mesures législatives relativement sans importance. Bien que le projet de loi C-71 soit important, je suis certain que tous les députés auraient été prêts à l'adopter assez rapidement. Il n'a pas fait l'objet de beaucoup d'obstruction. Il me semble étrange que nous passions autant de temps sur ces projets de loi relativement sans conséquence lorsqu'il y a des questions à régler comme la dette nationale et le déficit. Il faut réformer le régime d'assurance-chômage. Il faut réformer le régime de soins de santé. Or, le gouvernement ne s'en préoccupe pas.


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(1335)

Je remarque que le ministre de l'Agriculture est présent à la Chambre. Il y a certainement des questions pressantes à régler dans le domaine de l'agriculture. Nous encourageons les députés d'en face à saisir la Chambre de ces questions très pressantes.

Oui, nous appuierons les mesures législatives sensées comme le projet de loi C-71, mais nous voulons un peu plus de substance. Nous voulons des mesures plus importantes à étudier.

Le projet de loi modifiant la Loi sur les explosifs permettra au Canada de ratifier une convention internationale sur le marquage des explosifs plastiques aux fins de détection, une cause très louable. La convention vise à faire en sorte que la plus grande quantité possible d'explosifs plastiques dans le monde puissent être détectés par les autorités, principalement dans les aéroports, afin d'enrayer le terrorisme.

Nous utilisons tous les aéroports, sauf peut-être les députés d'Ottawa qui, j'en suis certain, restent toujours chez eux. Nous reconnaissons l'importance de la sécurité et l'importance de pouvoir détecter les explosifs afin que le transport aérien continue d'être sûr. C'est un projet de loi contre le terrorisme. Par conséquent, j'appuie sans réserve cette mesure législative.

Après la tragédie d'Air India et l'explosion d'un appareil de PanAm au-dessus de Lockerbie, en Écosse, à la fin des années 80, les Nations Unies ont adopté deux résolutions distinctes, les deux en 1989. La première a été adoptée par le Conseil de sécurité et la seconde par l'Assemblée générale. Les deux résolutions exhortaient l'Organisation de l'aviation civile internationale, qui est un autre organisme des Nations Unies, à intensifier ses travaux sur la création d'un régime international de marquage des explosifs plastiques.

La convention dont j'ai parlé plus tôt fait suite à l'une de ces résolutions. Élaborée à Montréal en 1991, elle a été signée par 100 pays. Le Canada a signé la convention, mais il n'avait pas l'autorité juridique nécessaire pour la ratifier. Le projet de loi lui confère l'autorité voulue pour ratifier la convention, une raison de plus de donner notre appui au projet de loi.

Ces quatre dernières années, des recherches se sont déroulées de concert avec l'industrie afin de mettre au point un marqueur chimique. Des laboratoires du New Jersey y sont parvenus. Il est maintenant temps de passer aux actes.

Malheureusement, la convention ne pourra entrer en vigueur tant qu'elle n'aura pas été signée par 35 pays, dont cinq pays producteurs. Cinq pays qui fabriquent des explosifs plastiques doivent signer l'accord. Je crois savoir que cinq pays producteurs ont déjà signé, soit la Slovaquie, la Suisse, la Norvège, la République Tchèque et l'Espagne. Le Canada sera le sixième pays producteur à signer l'accord. Cela signifie que seulement 13 pays, dont le Canada, auront légalement ratifié la convention. Nous sommes encore bien loin des 35 signatures requises pour pouvoir appliquer la convention.

Je reconnais que les terroristes ordinaires qui n'ont pas de connections internationales auront plus de difficulté à se procurer du matériel indétectable. C'est pourquoi cette convention est une bonne chose.

Fait intéressant, les États-Unis ont signé la convention, mais n'ont pas encore adopté de loi de ratification. Nous avons parlé aux représentants de l'organisation des fabricants d'explosifs à Washington, l'institut des fabricants d'explosifs. Ils ont dit qu'ils étaient favorables à la convention et que l'administration fédérale de l'aviation, qui est le principal organisme responsable de cette question aux États-Unis, pourrait déposer prochainement un projet de loi de ratification, mais aucune mesure en ce sens n'a encore été présentée.

Aucun désastre, comme ceux de Lockerbie ou de l'avion d'Air India, ne s'est produit depuis plusieurs années. Malheureusement, le sujet a quelque peu perdu de son urgence et est devenu moins prioritaire. J'espère que nous n'attendrons pas qu'une autre tragédie ramène la question à l'avant-scène mondiale.

Pour une raison ou pour autre, la convention n'est pas encore en vigueur et n'est donc d'aucune utilité pour l'instant. Aucun pays important ne ratifiera vraisemblablement la convention tant que les États-Unis ne la reconnaîtront pas.

La modification de notre propre loi demeurera inutile tant que nous n'interviendrons pas au niveau politique pour amener les États-Unis à agir. Entre-temps, partout dans le monde, les passagers aériens seront moins que jamais à l'abri de la présence d'explosifs non détectés à bord des avions.

Il y a à peu près deux semaines, le député de Fraser Valley-Est a demandé à la ministre des Ressources naturelles d'insister auprès de ses homologues américains afin qu'ils fassent quelque chose à ce sujet et qu'ils ratifient la convention de façon que d'autres nations leur emboîtent le pas. Depuis, la ministre lui a écrit pour lui dire que les Américains étaient en train de préparer un projet de loi, laissant entendre par là que nous n'avions pas à nous préoccuper de ce problème.

(1340)

Nous pourrions lui répliquer qu'il y a des années que les Américains préparent un tel projet de loi sans toutefois passer à l'acte. La ministre doit absolument faire part de ses préoccupations à un niveau politique, directement à son homologue américain. Nous lui demandons encore une fois aujourd'hui de le faire. Nous voulons qu'elle appelle son homologue américain et le persuade d'accélérer les choses dans ce domaine. Nous insistons auprès des États-Unis afin qu'ils fassent avancer cette question et ratifient la convention afin que nous puissions garder le terrorisme hors de nos frontières. En fait, il n'y a de place nulle part pour le terrorisme.

La ministre a également promis dans sa lettre de participer à une étude américaine dont le but est d'examiner le coût et les avantages de marquer les explosifs conventionnels, comme ceux utilisés dans les attentats à la bombe dans le milieu des motards à Montréal, pour déterminer s'il serait rentable d'identifier tous les explosifs et pas seulement les explosifs plastiques. Nous nous réjouissons d'appren-


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dre que le Canada va participer à cette étude et nous sommes impatients de voir les résultats.

Pour conclure, je répète que j'appuie le projet de loi C-71. Mes collègues appuient le projet de loi C-71. Cette mesure législative ne va pas radicalement changer les choses, mais c'est un pas dans la bonne direction. Elle mérite notre appui. Il est honteux de la part du gouvernement de nous présenter seulement des projets de loi d'ordre administratif comme celui-ci, qui aurait pu être adopté en un rien de temps, au lieu des projets de loi que tous les Canadiens réclament.

Je suis heureux de pouvoir intervenir en faveur de ce projet de loi et je compte bien sur son adoption rapide.

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Monsieur le Président, la Loi sur les explosifs traite de la sécurité du public et des travailleurs. Elle réglemente la composition, la qualité et le genre des explosifs en circulation et établit les règles de fabrication, d'importation, de vente, d'achat, de détention et d'entreposage des explosifs. Elle contrôle aussi l'utilisation des pièces pyrotechniques.

La modification dont nous sommes saisis est nécessaire, car elle oblige les fabricants à intégrer un agent détectable dans les explosifs plastiques et comporte une disposition qui permet au gouverneur en conseil d'établir un règlement pour le contrôle des explosifs plastiques non marqués. Cette mesure freinera le terrorisme et permettra au Canada de ratifier la convention de l'OACI sur le marquage des explosifs plastiques aux fins de détection.

Les principales dispositions du projet de loi valent la peine d'être remarquées. Les voici: la mesure exige que la plupart des explosifs plastiques soient marqués aux fins de détection; elle interdit la fabrication, l'entreposage, la détention, la cession, le transport, l'importation et l'exportation d'explosifs plastiques non marqués, sauf selon les dispositions de la convention ou en cas de nécessité absolue à des fins militaires; elle autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements régissant la détention, la cession et l'élimination des explosifs plastiques non marqués.

L'adoption de cette mesure placera le Canada en avance par rapport aux États-Unis, puisqu'il sera le seul État des deux Amériques à avoir ratifié la convention.

La Loi sur les explosifs a suscité beaucoup de questions. Certaines sont d'ordre technique, d'autres ont trait à la politique gouvernementale et d'autres encore, aux aspects juridiques. J'ai l'intention de répondre à ces questions aujourd'hui.

Pour ce qui est des questions d'ordre technique, on s'est d'abord demandé si l'intégration d'un agent de détection pourra combattre le terrorisme. Le réponse est oui. La nature des agents de détection qui sont proposés est telle qu'ils peuvent être détectés par le matériel de détection d'explosif actuellement utilisé au Canada. Cela rendrait les explosifs plastiques marqués indésirables pour faire des bombes. Marquer les explosifs plastiques présente un autre avantage, celui de simplifier la détection des stocks illégaux.

Une autre question d'ordre technique qu'on pose souvent est: est-ce que la présence d'agent de détection peut nuire à la performance et à la sécurité des explosifs plastiques? La réponse est non. Un seul type d'explosif plastique, une version militaire connue sous le nom de C-4, est fabriqué au Canada et ce, en petites quantités. Les caractéristiques de la version marquée relatives à la sécurité et à la performance ont été vérifiées par le fabricant, par l'armée et par le Laboratoire canadien de recherche sur les explosifs.

Une autre question d'ordre technique qu'on pose est: pourra-t-on utiliser sans problème les stocks existants d'explosifs plastiques non marqués? La réponse est oui. Le fait que les stocks d'explosifs plastiques non marqués existants au Canada soient peu importants et que la période de grâce accordée pour utiliser ou détruire ces stocks soit de trois ans dans le cas du public et de 15 ans dans celui de la police militaire a été jugé satisfaisant lors des consultations qui ont eu lieu avec toutes les parties concernées.

(1345)

Une autre question d'ordre technique qu'on pose souvent est: La pyrotechnique ne fait-elle pas des progrès à un rythme tel que cette initiative sera bientôt dépassée? La réponse est non. La pyrotechnique est stationnaire à l'heure actuelle. En Amérique du Nord, très peu de bombes placées à bord d'un avion renfermaient des explosifs plastiques. L'interdiction d'importer, d'exporter et de transférer des explosifs plastiques non marqués dissuadera les terroristes de choisir le Canada pour placer une bombe à bord d'un avion.

De nombreuses questions d'ordre politique ont également été posées, entre autres: Au Canada, qui a le droit de fabriquer, de posséder et d'utiliser des explosifs plastiques et quelles vont être les conséquences de cette mesure législative sur les activités de ces entreprises? Les explosifs plastiques sous forme de charges de démolition militaires sont fabriqués en petites quantités, selon la demande, par la société Produits chimiques Expro Inc. de Valleyfield au Québec. Cette entreprise est autorisée à les fabriquer grâce à sa licence de fabrication, émise en vertu de la Loi sur les explosifs et des règlements afférents. Ce produit ne peut être vendu et distribué qu'aux militaires et aux services des explosifs des corps policiers.

Les explosifs plastiques commerciaux, sous forme de feuilles, sont importés légalement des États-Unis par les entreprises qui font la trempe de surfaces de métal et le soudage par explosion. Le seul fabricant canadien ne s'attend à aucun problème. Les importateurs d'explosifs plastiques commerciaux en feuilles pourraient toutefois avoir du mal à trouver des fournisseurs de produits marqués.

Sur le plan administratif, on demande aussi souvent si ces nouvelles restrictions auront des répercussions sur la compétitivité. La réponse est non. On calcule que le coût de l'ajout d'un agent de détection fera grimper les prix de vente de 1,25 p. 100 au maximum. En outre, il est bien possible que le fabricant canadien jouisse d'un avantage concurrentiel sur les marchés internationaux en étant le premier à offrir des produits marqués.

Une autre question administrative est souvent soulevée: Y a-t-il un lien entre cette mesure et le projet de loi sur le contrôle des armes à feu? La réponse est encore non. Cette initiative fait suite à une


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convention signée en mars 1991 et n'a rien à voir avec le projet de loi sur le contrôle des armes à feu déposé récemment à la Chambre.

Les gens posent aussi souvent des questions d'ordre juridique relativement à ce projet de loi. Ils demandent par exemple pourquoi la loi sera promulguée par décret. Il est prévu que la loi sera promulguée à une date déterminée par décret du gouverneur en conseil pour que les périodes de grâce stipulées dans la convention soient respectées. Ainsi, nous pourrons faire coïncider la date d'entrée en vigueur de la loi avec l'entrée en vigueur de la convention.

On demande aussi à quelle date la convention entrera en vigueur. Il est impossible de le prévoir. Le paragraphe 3 de l'article 13 de la convention stipule que la convention entrera en vigueur le soixantième jour après la date du dépôt du trente-cinquième instrument de ratification par un État, pourvu qu'au moins cinq États aient déclaré être des États producteurs. Si 35 instruments de ratification sont déposés avant le dépôt des instruments de ratification par cinq États producteurs, la convention entrera en vigueur le soixantième jour après la date du dépôt de l'instrument de ratification du cinquième État producteur.

Les gens demandent aussi ce qui adviendra de la définition de l'expression «agent de détection» si l'annexe technique est modifiée. Ceci ne présente aucun problème. Le mot convention, tel qu'il est défini, renvoie à la version éventuellement modifiée d'un document. Cela signifie que la définition de l'agent de détection sera variable. Elle variera avec toute modification éventuelle de l'annexe technique de la convention.

Finalement, une autre question juridique que l'on pose souvent c'est ce qui arrive de la définition des explosifs plastiques si la convention est modifiée? Les modifications à la définition des explosifs plastiques, dans la convention, ne se refléteraient pas automatiquement dans la Loi sur les explosifs parce que nous avons répété la définition au lieu d'y faire référence. Nous devrions modifier la définition de la Loi sur les explosifs pour qu'elle soit conforme à la modification apportée à la convention. Toutefois, d'un point de vue pratique, cela ne devrait pas être un problème. La définition des explosifs plastiques est standard. De plus, il est peu probable que la convention elle-même soit modifiée. Les seules modifications envisagées sont celles de l'annexe technique.

(1350)

En plus des questions techniques, des questions politiques et des questions juridiques, nous avons ce que l'on appelle les questions diverses. On demande souvent: Pourquoi a-t-il fallu presque cinq ans, depuis la signature de la convention en mars 1991, avant que l'on présente ce projet de loi? La préparation d'un protocole d'entente a commencé peu après la signature de la convention et a exigé des consultations très longues avec le ministère de la Défense, Douanes Canada et Transports Canada. On a perdu du temps également en 1993, car il y a eu un changement de gouvernement avant que le protocole d'entente n'ait été soumis au Cabinet pour approbation. Cela exigeait une deuxième consultation et une nouvelle présentation.

En conclusion, la Loi sur les explosifs est une loi que j'appuie. En tant que membre du comité des ressources naturelles, je recommande que le projet de loi C-71, modifiant la Loi sur les explosifs, soit adopté à l'étape du rapport par la Chambre des communes.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer au débat sur le projet de loi C-71, qui modifie la Loi sur les explosifs.

Lorsque je parcours ce projet de loi, je remarque qu'il présente des avantages très précis pour le Canada, notamment en ce qui concerne la détection des vapeurs. Le gouvernement désire vivement promouvoir des engins scientifiques et technologiques pour élargir notre base de connaissances et accroître l'emploi. Curieusement, le Canada est un chef de file mondial dans ce type de technologie.

Je suis heureux d'appuyer ce projet de loi. Je remarque qu'il s'inscrit dans une convention des Nations Unies. En substance, il rétablit l'engagement que nous avons pris auprès des Nations Unies et d'autres pays, soit de déceler les explosifs plastiques et de prévenir leur exportation dans le monde.

Il y a eu quelques exemples classiques d'explosifs plastiques utilisés par des terroristes tant au Canada qu'à l'étranger. Beaucoup d'entre nous se souviennent de la catastrophe d'Air India et de nombreux autres cas où des terroristes ont utilisé des explosifs plastiques qui ont entraîné la mort et la mutilation d'un grand nombre de personnes innocentes. Ce projet de loi se penche essentiellement sur cette question, en vue de déceler les explosifs plastiques et d'en empêcher l'utilisation à cette fin.

Il est très important d'adopter ce projet de loi pour reconnaître les engagements que nous avons pris auprès des Nations Unies et pour reconnaître aussi la nécessité de contrer les activités terroristes. Je remarque que le Canada est également producteur d'explosifs plastiques, mais ce sont nos forces armées qui en sont les principaux usagers. Sauf erreur, elles en sont approvisionnées pour dix ans. Je suis très heureux de constater que ce projet de loi prévoit un moratoire de 15 ans, ce qui permettra de réduire le stock d'explosifs plastiques non marqués et d'installer cet agent de détection sur ceux qui les remplaceront.

Je me rappelle que, lorsque j'étais à l'Aéroport international d'Heathrow, on utilisait des chiens et des mécanismes de détection pour contrôler l'exportation d'armes à feu et de substances dangereuses. Nous avons élaboré toute une technologie pour le faire. Les autres pays le font également très bien. Cependant, nous devons toujours être à l'affût de l'élaboration de nouveaux types de technologie. Les explosifs plastiques et les engins à petites composantes peuvent s'exporter très facilement.

(1355)

En terminant, j'appuie le projet de loi C-71 et j'espère qu'il aura pour effet de créer des emplois dans le secteur industriel au Canada.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

15283

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

Le Président: Chers collègues, j'ai l'honneur de déposer à la Chambre le rapport du vérificateur général du Canada, Volume 2, daté d'octobre 1995.

[Français]

Je rappelle aux honorables députés que, conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement, ce document est réputé renvoyé en permanence au Comité permanent des comptes publics.

[Traduction]

Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés.

______________________________________________


15283

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA SEMAINE NATIONALE DE LA FAMILLE

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Monsieur le Président, nous célébrons la semaine nationale de la famille au Canada. La famille est l'institution fondamentale de la vie et elle constitue la base solide sur laquelle nos ancêtres ont bâti ce grand pays.

La protection des familles, la vie familiale et les valeurs familiales doivent être prioritaire pour le gouvernement. Les débats sur les questions politiques, économiques et juridiques portent davantage sur les droits individuels et de l'État que sur les droits de la famille. C'est malheureux et il faut changer cela, car la famille est la réalité la plus importante qui soit sur terre.

Ce week-end, les familles célèbrent le Jour d'action de grâces au Canada et rendent grâce à Dieu pour notre grand pays, le Canada, pour nos familles et nos amis. Bonne Action de grâces à mes électeurs de Central Nova.

* * *

[Français]

L'UNION ÉCONOMIQUE QUÉBEC-CANADA

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, si nous choisissons de devenir souverains, nous pourrons faire nos choix en fonction de nos valeurs et de nos priorités. En offrant de nous associer au reste du Canada dans un partenariat, nous pourrons aussi prendre des décisions communes avec nos voisins. L'entente de partenariat proposée avec le reste du Canada, c'est la combinaison gagnante.

Elle marie l'autonomie et la coopération. Elle nous permet de profiter de ce que nous avons construit ensemble-la monnaie canadienne, l'espace économique canadien-et d'arrêter enfin de nous chamailler sur des sujets où nos intérêts sont divergents. Voter pour le changement, c'est voter pour nous-mêmes, Québécoises et Québécois, au-delà des politiciens ou des partis. Voter oui, c'est enfin tirer les conclusions de nos convictions, c'est voter pour ce que nous sommes et pour ce que nous voulons devenir.

* * *

[Traduction]

LES TRAGÉDIES AÉRIENNES

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour exprimer mes vives préoccupations à l'égard des neuf Canadiens dont l'hélicoptère s'est écrasé hier alors qu'ils s'apprêtaient à rentrer au Canada après un séjour à la mine d'or de Koumtor en Russie où ils s'efforçaient de mettre une nouvelle mine en exploitation.

De tous temps l'attrait de l'or a incité des prospecteurs à braver des obstacles incroyables, souvent avec un cheval de charge, un pic, une pelle et une batée pour tout matériel. Aujourd'hui l'hélicoptère a remplacé le cheval de charge et c'est pourquoi les travailleurs de l'industrie minière sont si émus quand un accident de ce genre se produit.

Métal précieux et de grand prix, l'or n'en continue pas moins d'exercer son attrait sur nous. Malgré tous les obstacles à franchir, la recherche de l'or continuera d'attirer les prospecteurs et les aménageurs de mines vers les sommets enneigés du monde entier. Pour l'heure, nos prières et nos voeux accompagnent les 15 personnes à bord, ainsi que leurs familles.

* * *

LES TAUX D'INTÉRÊT

M. John Solomon (Regina-Lumsden, NPD): Monsieur le Président, le rapport d'aujourd'hui du vérificateur général confirme ce que les néo-démocrates disent aux Canadiens depuis des années, c'est-à-dire que notre dette énorme découle de la politique de maintien des taux d'intérêt réels à un niveau élevé et non des dépenses consacrées aux programmes sociaux.

Les taux d'intérêt réels élevés nuisent à l'économie, font monter la dette et suppriment des emplois. Si on compare la dette fédérale de 546 milliards de dollars à une hypothèque, les Canadiens deviennent alors des locataires de leur propre maison, étant donné que ce sont des étrangers qui détiennent 46 p. 100 de leur dette.

La dette extérieure nette du Canada est, de loin, la plus élevée parmi les principaux pays industrialisés. Même l'Italie a une dette extérieure inférieure à 12 p. 100.

Les néo-démocrates disent que la politique de maintien des taux d'intérêt à un niveau élevé du gouvernement libéral est une catastrophe, et le vérificateur général est d'accord là-dessus. Les taux d'intérêt élevés sont responsables de près d'un tiers de notre dette. La Banque du Canada devrait détenir une plus grande partie de notre dette. Les dépenses consacrées aux programmes sociaux ne contribuent pas de façon marquée à notre endettement.

Étant donné ces faits, les libéraux vont-ils maintenant créer une politique économique équitable pour les Canadiens, plutôt qu'une politique s'adressant seulement aux investisseurs étrangers?


15284

LES PARCS NATIONAUX ET LES SITES HISTORIQUES

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais remercier aujourd'hui tous les employés laborieux de nos parcs nationaux et de nos sites historiques, ainsi que souligner leur travail.

En tant que Canadiens, nous pouvons être très fiers de la qualité des installations du Service canadien des parcs et de l'excellent service offert par les employés, hommes et femmes, dévoués qui prennent tant soin de nos parcs et sites historiques, qui constituent, sans aucun doute, certaines des plus grandes ressources naturelles du pays. Cela représente une partie importante de notre identité canadienne, dans tout le pays.

Dans la région de Parry Sound-Muskoka, le Service canadien des parcs est responsable du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne, dans l'ouest de ma circonscription, ainsi que de la Maison commémorative de Bethune, à Gravenhurst. Ces deux endroits ont une excellente réputation et attirent des visiteurs du monde entier, contribuant ainsi de façon importante à l'économie touristique locale.

Je félicite le personnel du Service canadien des parcs d'accomplir de l'excellent travail en notre nom et de conserver nos ressources de façon remarquable. Plus particulièrement, je voudrais souligner le dévouement de Mike Walton, ainsi que de Mary Ellen Corcelli et de ses employés, qui sont responsables de la Maison commémorative de Bethune et du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne.

* * *

[Français]

LA JOURNÉE MONDIALE DES ENSEIGNANTS

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, le 5 octobre 1966, une conférence intergouvernementale spéciale adoptait la recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant. Trente années se sont écoulées depuis l'adoption du document historique dont nous marquons aujourd'hui l'anniversaire par le lancement, pour la première fois, de la Journée mondiale des enseignants.

Le hasard fait bien les choses, puisque les cérémonies d'ouverture officielle du campus permanent de la Cité collégiale à Ottawa auront lieu le jour même où nous soulignons l'importante contribution des enseignants et des enseignantes. En Ontario, ces derniers, tout comme leurs élèves, peuvent se réjouir du fait que la Cité collégiale soit le premier collège d'arts appliqués et de technologie de langue française de la province.

Je profite donc de cette occasion pour remercier et féliciter tous ceux et celles qui oeuvrent dans le domaine de l'enseignement pour leurs efforts soutenus en vue de l'épanouissement de la jeunesse canadienne.

Bonne fête à tous les enseignants et enseignantes et longue vie à la Cité collégiale.

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso, Lib.): Monsieur le Président, plus tôt cette année, j'ai visité le siège social de la Société canadienne des postes, qui est situé ici, à Ottawa.

J'y ai vu une organisation vraiment moderne de distribution du courrier, qui se compare à n'importe quelle organisation n'importe où dans le monde. Son système de gestion pour retracer et suivre le courrier est apparemment des plus perfectionnés et la Société vend sa technologie partout dans le monde.

Garantir une livraison du courrier en temps rapide et efficace au niveau des coûts, c'est tout un défi. Le faire au beau milieu d'une révolution dans le monde des communications tout en réalisant un profit, voilà le défi que relève la Société canadienne des postes.

Pendant un certain temps, la fermeture de bureaux de poste dans les régions rurales a été considérée comme un moyen pour la Société de relever ce défi, mais le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a mis un terme à l'utilisation de cette solution en imposant un moratoire sur les fermetures. La décision s'est avérée judicieuse. La Société a réorienté son énergie et elle s'est rendu compte que ses 19 000 points de service et plus ne représentent pas du passif, mais d'importants éléments d'actif. Le temps est maintenant venu d'élargir la gamme des services que la Société canadienne des postes fournit, en particulier aux Canadiens des régions rurales.

Comme d'autres pays l'ont découvert, les possibilités sont infinies et elles sont infiniment excitantes.

* * *

[Français]

LA DETTE NATIONALE

M. Maurice Godin (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, chaque jour, en raison de l'énorme dette du Canada héritée du fédéralisme, nous constatons à quel point les taux d'intérêt et la politique monétaire sont déterminés par la Banque centrale de nos voisins du Sud et par les marchés financiers internationaux.

Même le ministre des Finances du Canada, le 16 mai 1994, avouait cette dépendance face aux marchés financiers, et je cite: «La dette du Canada, particulièrement celle contractée envers les étrangers, nuit à la souveraineté de ce pays. Notre souveraineté en souffre lorsque nous sommes obligés de maintenir nos taux d'intérêt élevés-même si l'inflation est une des plus basses au monde-afin d'attirer des investisseurs de l'étranger.»

Étant donné cette dépendance du Canada, il est évident que si le ministre des Finances oublie ses responsabilités de gestionnaire de la dette en refusant de négocier avec le Québec un nouveau partenariat économique, les marchés financiers nationaux et étrangers vont le remettre à sa place.


15285

(1405)

[Traduction]

LES SOINS DE SANTÉ

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, la date limite du 15 octobre, politiquement artificielle, que la ministre de la Santé a imposée aux provinces approche à grand pas.

Pourquoi a-t-on imposé cette date limite? Parce que certaines provinces ont osé réformer leur système de santé au mieux des intérêts de leurs habitants en leur offrant un choix. L'Alberta, par exemple, qui s'est attaquée aux problèmes chroniques de son système de santé, pourrait être pénalisée au point de perdre 7 millions de dollars par année.

Or, certains indices font penser que la ministre est peut-être en train de revenir sur son décret initial. Des hauts fonctionnaires de son ministère ont déclaré que le 15 octobre n'était que la date à laquelle ils établiront si certaines provinces ont enfreint les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Les sanctions financières ne seraient peut-être imposées que quelques mois plus tard.

Il est clair que la ligne tracée dans le sable par la ministre est effacée par le vent de réforme et d'innovation soulevé par le besoin de renouveau du fédéralisme canadien.

* * *

WATERLOO

M. Andrew Telegdi (Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'informer la Chambre que les autorités de Waterloo, au Québec, et celles de Waterloo, en Ontario, ont décidé de jumeler officiellement leurs villes respectives.

Le jumelage a pour objet de promouvoir les échanges à caractère social, culturel, économique, historique et sportif afin de renforcer les liens d'amitié existants et de fournir un cadre pour les échanges mutuellement bénéfiques d'information et d'expériences.

Les représentants des deux villes de Waterloo se sont d'abord rencontrés à Ottawa lors des audiences de la Commission Spicer, auxquelles j'ai eu l'honneur de participer à titre de conseiller municipal.

Les autorités de la ville ontarienne de Waterloo recevront leurs homologues québécois en fin de semaine à l'occasion de l'Oktoberfest, le plus grand festival de type bavarois tenu à l'extérieur de Munich. Lundi, Jour de l'Action de grâce, les maires des deux villes participeront au défilé de l'Oktoberfest qui sera télédiffusé à l'échelle nationale.

Nous félicitons les maires, Bernard Provencher et Brian Turnbull, ainsi que leurs conseils municipaux respectifs et les habitants des deux villes de promouvoir la bonne volonté et la bonne entente entre Canadiens.

Mon collègue de Kitchener et moi désirons inviter tous les députés à la Chambre et tous les Canadiens à venir dans la région de Kitchener-Waterloo à l'occasion de l'Oktoberfest.

[Français]

LE CHEF DE L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, hier le chef séparatiste de l'Action démocratique du Québec a demandé aux Québécois et aux Québécoises d'appuyer son projet de séparation du Québec parce que, dit-il, ce projet est basé sur la même approche que la révolution du bon sens de Mike Harris.

Cette déclaration du chef adéquiste contredit ouvertement les récents propos tenus par le chef du PQ concernant le nouveau gouvernement ontarien. On se rappelle que le chef péquiste a récemment déclaré au quotidien Le Soleil, et je le cite: «Ralph Klein et Mike Harris n'ont pas pris le taureau par les cornes, ils ont pris le public par les cornes.»

Le camp du oui doit cesser d'ajouter à la confusion et aux contradictions qui entourent le référendum et l'avenir du Québec. Peu importe les virages et les mirages qu'ils inventent, la population sait bien que le véritable enjeu c'est la séparation du Québec. Le 30 octobre, ce sera non.

* * *

LE CHEF DE L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, la déclaration du chef séparatiste de l'Action démocratique du Québec concernant un Québec indépendant calqué sur le modèle ontarien de Mike Harris ne fait pas que contredire son patron, le chef du Parti québécois. Par sa déclaration il écorche tout autant le chef du Bloc québécois.

En effet, le chef de l'opposition officielle a déjà déclaré que l'approche et les intentions du gouvernement conservateur de l'Ontario ne peuvent s'appliquer au Québec, et je le cite: «Ça m'inquiète et plusieurs personnes au Québec craignent ce genre de société.»

Il apparaît de plus en plus évident que les trois chefs du oui ne peuvent pas s'entendre entre eux sur le genre de société qu'ils souhaitent offrir aux Québécois et Québécoises. La population du Québec est très sensible à ce genre de contradictions et c'est pourquoi elle choisira de rester dans le Canada en votant non le 30 octobre prochain.

* * *

LE DOLLAR CANADIEN

M. Réjean Lefebvre (Champlain, BQ): Monsieur le Président, il est curieux de constater que certains tenants du non remettent toujours en question la possibilité pour un Québec souverain d'utiliser le dollar canadien. La décision d'un pays souverain de déterminer quelle monnaie a cours légal sur son territoire ne revient qu'à ce pays et à personne d'autre. Même les États-Unis n'ont aucun contrôle sur les transactions faites avec leur monnaie à l'extérieur de leurs frontières. Bien plus, il faut bien comprendre que si les


15286

Québécois délaissent le dollar canadien, cela aura un impact très négatif sur sa valeur.

Quant à la conduite de la politique monétaire, M. Johnson, dans ses déclarations d'hier, est bien le seul à penser que c'est le Parlement qui la contrôle. Au Canada comme dans la plupart des pays industrialisés, la banque centrale doit être indépendante des pouvoirs politiques afin justement d'être à l'abri des influences et des soubresauts politiques.

* * *

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, c'est encore reparti. Parce que le gouvernement libéral n'a pas réagi énergiquement aux actes terroristes de quelques voyous autochtones par le passé, voici que l'ordre public est encore menacé.

(1410)

Ces terroristes savent que le ministre de la Justice et le solliciteur général, soucieux de rectitude politique, n'appliqueront pas la loi dans toute sa rigueur en intentant des poursuites.

Les Canadiens, y compris les autochtones respectueux des loi, sont dégoûtés de cette politique de deux poids deux mesures. Apparemment, d'autres initiatives terroristes viendront, quelques autres têtes brûlées prévoient s'emparer de terres qui ne leur appartiennent pas et qu'ils n'ont aucune raison, historique ou autre, de revendiquer.

Que le gouvernement sache que les citoyens respectueux des lois le surveillent, qu'ils veulent que toutes les lois soient appliquées, qu'ils veulent que le gouvernement renonce à la rectitude politique et applique la loi dans toute sa rigueur à tous ceux qui menacent les Canadiens.

* * *

[Français]

LE CHEF DE L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, le chef séparatiste de l'ADQ est venu ajouter aux rumeurs qui circulent depuis quelques jours dans le camp des séparatistes du Québec, concernant le leadership du premier ministre péquiste.

Lors d'une conversation qu'il a eue hier avec des journalistes, le chef de l'ADQ a prévenu qu'advenant une victoire du non le 30 octobre prochain, il faut s'attendre, et je le cite: « . . . à un redéploiement des forces nationalistes du Québec . . . »

Bien que les organisateurs de la tournée aient tenté de minimiser l'importance de la déclaration et invité les journalistes à ne pas la publier, il n'en demeure pas moins que le chef adéquiste s'est permis de spéculer publiquement sur l'avenir politique du premier ministre péquiste.

Les ambitions politiques de certains chefs séparatistes ne doivent pas faire dévier le débat auquel les Québécois et les Québécoises sont conviés.

La seule et véritable question est la séparation du Québec et à cela, nous répondons non.

* * *

LES FRANCOPHONES HORS QUÉBEC

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président,le 14 septembre dernier, la porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine canadien émettait un communiqué de presse dans lequel elle déclarait, et je cite: «Le fédéral a échoué dans sa tâche de protéger et de promouvoir le français au Canada.»

En disant cela, l'opposition séparatiste cherche une façon de faire oublier que son projet de séparation du Québec implique qu'ils abandonneront les francophones hors Québec à leur sort.

Nous, du gouvernement canadien, avons réellement à coeur les intérêts de cette communauté. Grâce aux efforts concertés de notre gouvernement et de celui de l'Ontario, les quelque 200 000 francophones de l'est de l'Ontario disposent maintenant du plus important collège d'enseignement technologique francophone à l'extérieur du Québec.

Le premier ministre participera personnellement à l'inauguration officielle de la Cité collégiale cet après-midi. Voilà un autre exemple du rôle que joue le gouvernement canadien dans la promotion du français à la grandeur du pays.

* * *

[Traduction]

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, la sensiblerie du gouvernement libéral a déteint sur la division d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Sa décision d'autoriser Satpal Singh Jhatoo, meurtrier reconnu, à rester au Canada est condamnable. La commission dit que le tueur éprouve du remords, qu'il ne récidivera probablement pas, et elle l'autorise donc à rester.

Il a battu à mort la mère de six enfants avec un bâton de base-ball, arrosé son corps d'essence et mis le feu. Cela importe peu. Avant d'être condamné à l'emprisonnement à vie pour ce crime horrible, il a été reconnu coupable de voies de fait graves, ayant poignardé un homme dans le cou. Peu importe.

Il n'a pas respecté les conditions de sa libération conditionnelle. Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave non plus qu'il ait été pris à fumer de la marijuana pendant sa libération conditionnelle. Peu importe qu'il ait obtenu une semi-liberté après seulement sept ans de prison.

15287

Peu importe également que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ait les moyens et le pouvoir de déclarer que ce criminel est un danger public et de le faire expulser. Cela importe peu pour les libéraux si compatissants, mais cela importe beaucoup aux yeux des Canadiens.

* * *

LA BANQUE ROYALE

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, la Banque Royale est notre plus grande institution financière. Elle fait partie du secteur bancaire qui réclame plus d'accès aux autres secteurs de services financiers au Canada afin, paraît-il, de mieux soutenir la concurrence, face à la nouvelle mondialisation des échanges commerciaux.

Les Canadiens ont déjà chèrement payé la baisse de la concurrence dans le secteur des valeurs mobilières et voilà qu'on s'apprêterait à empiéter sur le domaine des assurances.

La Banque Royale a décidé d'arborer le drapeau des États-Unis dans certaines de ses succursales.

(1415)

Je comprends que cette décision s'inscrit dans le cadre d'une campagne de publicité, mais je tiens à signaler que les Canadiens se sentent quand même insultés par l'exposition d'un symbole étranger dans ce qui a été jusqu'à maintenant une institution canadienne, d'autant plus que ce sont les Canadiens qui ont appuyé cette banque de mille et une façons au fil des ans.

______________________________________________


15287

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans une décision unanime, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui regroupe l'ensemble des représentants des entreprises et des travailleurs, a dénoncé hier l'empiètement fédéral que constitue le projet de loi C-96 dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. L'organisme public demande au gouvernement fédéral de renoncer à mettre en place de nouvelles structures parallèles et à s'abstenir de toute intrusion additionnelle dans la compétence du Québec.

Je demande au premier ministre s'il reconnaît que par son projet de loi C-96, Ottawa se donne les moyens de s'ingérer davantage dans la formation de la main-d'oeuvre, avec comme conséquence d'accroître les chevauchements, les gaspillages, au détriment des chômeurs et des compétences du Québec?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'opposition ne s'est manifestement pas donné la peine de lire le projet de loi. Comme il s'en souviendra peut-être, aucun nouveau pouvoir n'est conféré au ministère des Ressources humaines.

Le ministère des Ressources humaines résulte du fusionnement de quatre ministères afin d'assurer une meilleure prestation des services à la grandeur du Canada. Les pouvoirs prévus à l'article 6 sont ceux que possédaient déjà ces anciens ministères. Au cours de la dernière année, ils nous ont permis de signer près de 50 000 contrats et ententes avec un large éventail d'organismes, dont le gouvernement québécois. Dans le cas du Québec, il s'agissait de mieux aider les Québécois à retourner au travail en leur offrant des programmes de formation, ce que nous avons fait dans un très grand esprit de collaboration.

J'espère que le chef de l'opposition ne va pas encore donner libre cours à son imagination, mais constatera par lui-même que le projet de loi ne prévoit aucun nouveau pouvoir. Nous nous efforçons seulement de mieux faire ce que notre gouvernement veut faire, à savoir aider les gens à retourner au travail.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je rappellerai au premier ministre et à son ministre que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre est un organisme non partisan, qui regroupe tout le monde intéressé dans le domaine au Québec, qui sait lire les projets de loi et y a vu un empiètement dangereux pour une juridiction du Québec.

Je demande au premier ministre s'il reconnaît que par ce projet de loi, son gouvernement agit dans le sens tout à fait contraire au très large consensus québécois sur le rapatriement des responsabilités budgétaires en matière de formation de la main-d'oeuvre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre du Développement des ressources humaines l'a dit bien clairement il y a quelques secondes. Il a dit que le projet de loi dont est saisi le Parlement en ce moment vise à regrouper des organismes gouvernementaux qui étaient dans différents ministères. Les pouvoirs délégués en ce moment au ministre sont exactement les mêmes qui existaient dans les législations antérieures.

Avec toutes les provinces, donc aussi avec le Québec, nous essayons de faire des arrangements administratifs, de telle façon qu'on puisse diminuer les dédoublements. D'ailleurs, le ministre a signé quelques accords avec le gouvernement du Québec au cours de l'été qui vient de se terminer.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement ne peut pas minimiser ce qui se passe. C'est une offensive sans précédent sur tous les plans législatifs qui, en soi, vise expressément à faire en sorte que le fédéral se donne les moyens de s'ingérer définitivement et globalement dans un domaine de juridiction québécoise où il va mettre la pagaille encore plus qu'il ne l'a mise maintenant.

Je rappelle ceci au premier ministre: que la dénonciation du projet de loi fédéral par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre a été adoptée unanimement avec l'appui de


15288

M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat et membre du camp du non.

Le premier ministre considère-t-il également que la position de son allié fédéraliste est un simple caprice et va-t-il également le balayer du revers de la main?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est un revirement très agréable. Hier, on me reprochait de forcer tous les gens d'affaires à être de mon bord. Il y en a qui ne sont pas d'accord avec nous; c'est cela, la démocratie.

(1420)

Je ne demande pas à tout le monde d'être de notre bord. Ce que nous faisons en ce moment, c'est d'essayer de donner des moyens législatifs au ministre du Développement des ressources humaines pour s'assurer que les programmes soient mieux coordonnés. Et nous essayons présentement de trouver avec les provinces, y inclus le Québec, des moyens de décentralisation et des arrangements administratifs pour que les citoyens puissent en profiter directement.

Je pense que notre but n'est pas de bâtir une fonction publique plus grande à Ottawa. On en a fait la preuve dernièrement en supprimant 45 000 postes de fonctionnaires au fédéral. Si nous étions ici pour bâtir des empires, on ne congédierait pas 15 p. 100 de la main-d'oeuvre.

Si on peut offrir les services aux citoyens d'une meilleure façon qu'à l'heure actuelle, on est toujours prêt à considérer ces options. Mais notre objectif est de nous assurer que, dans les régions du Canada où il y a un plus grand nombre de chômeurs, ils reçoivent à peu près les mêmes avantages que dans les régions prospères du Canada.

En tant que gouvernement canadien, notre devoir est de nous assurer que les régions riches et les citoyens prospères qui travaillent au Canada sont en mesure d'aider partout au Canada, dans les provinces de l'Atlantique comme au Québec, ceux qui sont malheureusement en situation difficile, sans travail présentement.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre a vivement dénoncé hier le projet de loi fédéral C-96 dans ces mots: «Le Québec va devenir le seul responsable des politiques d'adaptation de la main-d'oeuvre et de formation professionnelle sur son territoire et rapatrier en conséquence les budgets que le gouvernement fédéral alloue à ces programmes au Québec.»

Le ministre conviendra-t-il que le gouvernement fédéral, par son projet, se donne le pouvoir de passer directement une entente avec toute personne et tout organisme de son choix en se fichant du consensus des partenaires à la SQDM, de leurs priorités et des chômeurs québécois?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, la députée de Mercier devrait être plus avisée parce qu'elle a suivi attentivement une bonne partie des mesures et des initiatives que nous avons prises.

En vertu du pouvoir législatif actuel, qui serait simplement ratifié dans le nouveau projet de loi, nous avons conclu une entente avec le gouvernement du Québec afin d'accorder de l'aide aux travailleurs plus âgés qui ont perdu leur emploi.

Nous achetons des rentes. L'an dernier, nous avons aidé près de 2 000 travailleurs au Québec. Ledit pouvoir nous permet simplement d'acheter ces rentes pour aider les travailleurs âgés à toucher un certain revenu s'ils ne réussissent pas à trouver un autre emploi.

La députée de Mercier semble dire que le gouvernement fédéral ne peut pas travailler avec celui du Québec, que nous ne pouvons pas venir en aide aux travailleurs âgés, que nous ne pouvons pas acheter des rentes ni aider des gens qui ont perdu leur emploi. Elle nous dit de ne rien faire et de ne pas aider les gens qui n'ont plus d'emploi.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, après étude attentive et fouillée faite, les lois antérieures ne donnaient pas le pouvoir légal et constitutionnel au gouvernement de signer des ententes directement avec des individus ou des organismes. C'est ce que nous dénonçons.

Le ministre reconnaît-il que tout ce qu'il a à offrir aux Québécois, c'est une entente que Daniel Johnson lui-même a qualifié en compagnie de sa collègue actuelle, ministre du Travail, d'entente à rabais et qu'il n'a pas voulu signer parce qu'elle ne correspondait pas du tout au consensus québécois?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, la députée a fait une très grossière erreur sur les faits. Elle a dit que nous obtenions de nouveaux pouvoirs, en quelque sorte. Le fait est que La loi ne fait que confirmer les mandats existants en vertu de la compétence du Parlement dans des matières comme la Loi sur l'assurance-chômage et la Loi sur le ministère du Travail.

Ainsi, l'année dernière, en vertu des pouvoirs existants qui seront simplement confirmés dans la nouvelle loi, nous avons conclu près de 10 000 ententes avec des sociétés sans but lucratif. Nous avons conclu 9 300 ententes des entreprises privées. Nous avons conclu 2 800 ententes avec des organismes du secteur public et des municipalités. Nous avons même conclu un certain nombre d'ententes avec le gouvernement du Québec. Par exemple, quand l'usine Hyundai de Bromont était sur le point de fermer, nous avons travaillé de très près avec le gouvernement du Québec afin de venir en aide aux travailleurs en chômage.

(1425)

Nous faisons déjà ces choses-là en vertu du pouvoir actuel. Tout ce que nous voulons, c'est simplifier l'administration et arriver à une certaine cohésion afin de pouvoir offrir un meilleur service à la population du Québec.


15289

LE MAINTIEN DE LA PAIX

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, après une mission de maintien de la paix longue de plusieurs années et remplie dans des conditions très difficiles, nos troupes rentrent finalement de Bosnie. Nos militaires ont fait le meilleur travail qu'il était possible de faire et tous les Canadiens sont extrêmement fiers d'eux.

Le gouvernement est tombé à bras raccourcis sur le Parti réformiste lorsque celui-ci a demandé le retrait de nos troupes de Bosnie mais, hier soir, l'ONU a dit la même chose et le gouvernement s'est exécuté immédiatement. Maintenant que nos troupes reviennent au pays, le premier ministre peut-il donner l'assurance que, avant que le Canada s'engage dans d'autres missions, le Parlement aura la possibilité de définir une série de critères clairs qui détermineront tous nos engagements militaires futurs?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il est vrai que les soldats canadiens présents dans l'ex-Yougoslavie depuis trois ans ont accompli un excellent travail. Tout le monde le reconnaît.

Pour le moment, les Nations Unies ont décidé que les services du bataillon qui se trouve à Visoko ne seraient plus nécessaires parce que cette ville se trouve à l'intérieur du territoire contrôlé par le gouvernement bosniaque. Nous rapatrierons nos soldats avec plaisir et nous les remercions d'avoir si bien fait leur travail.

Nous sommes allés là-bas parce que les Nations Unies nous avaient demandé d'y aller. Maintenant que les Nations Unies nous disent que nos services ne sont plus essentiels, nous rentrons au pays.

Lorsque nous avons tenu un débat sur notre participation à la mission des Nations Unies, c'était une première. J'ai vu le Parti réformiste changer de position deux ou trois fois depuis mais, de notre côté, nous avons toujours été derrière les Nations Unies et derrière les soldats canadiens dont on dit qu'ils sont les meilleurs là-bas.

Maintenant, la mission est terminée. Nous sommes heureux. Nos soldats reviendront au Canada avec la satisfaction d'avoir accompli un excellent travail à Visoko. Nous sommes tous fiers d'eux au Canada.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le mandat en Bosnie n'existe plus depuis des mois. Il y a maintenant des mois que nous réclamons le retrait de nos troupes. Avant d'engager des troupes dans de telles missions, les Canadiens veulent savoir combien cela va coûter.

Ils veulent savoir combien de temps dureront ces missions. Ils veulent savoir si nous pouvons nous acquitter du mandat qui nous est confié. Ils veulent savoir si nous allons avoir notre mot à dire dans les décisions ou si nous ne ferons qu'obéir aux ordres.

Le premier ministre peut-il dire aux Canadiens que le gouvernement a tiré des leçons de cette mission et qu'il promet de faire participer le Parlement et de tenir un vote libre sur les critères qui s'appliqueront à notre participation au maintien de la paix?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le mandat que nous avons accepté en février, après un débat à la Chambre des communes, allait jusqu'à la fin de ce mois-ci.

Nous avons respecté notre mandat. L'ONU nous dit maintenant que nos troupes ne sont plus nécessaires parce qu'elle veut réduire les forces de maintien de la paix sur le terrain. Nous sommes heureux parce que, si nous ramenons nos soldats au Canada, ils seront bien mieux que là-bas.

Lorsque des gens se trouvent dans des situations difficiles, dans la misère, ou lorsqu'ils se font tuer, le Canada est toujours prêt pour protéger les familles, les enfants et le reste. Nous avons toujours été prêts. Nous le ferons encore et il y aura un débat à la Chambre des communes.

Les missions de paix ont été créées par le gouvernement du Canada. Les soldats des missions de maintien de la paix, qui sont si connus dans le monde, sont une idée du premier ministre Lester B. Pearson, qui a été chef du Parti libéral avant moi. Cette idée est apparue au moment de la guerre opposant l'Égypte à la Grande-Bretagne et à la France. À cette époque, pour la paix dans le monde, M. Pearson a eu le courage de dire aux Britanniques et aux français que cette guerre devait cesser.

C'est en nous inspirant de la philosophie de Lester B. Pearson que nous prenons les décisions qui concernent les Nations Unies.

(1430)

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je trouve cette réaction typique du gouvernement. Il reste tourné vers le passé. Il vit dans le passé et nous donne une leçon d'histoire. Il faut pourtant que nous nous tournions vers l'avenir. Le XXIe siècle approche. Les choses vont changer. La politique à l'ancienne mode ne fonctionnera plus.

Le gouvernement crie victoire en essayant de s'appuyer sur une décision prise par les Nations Unies. Il est à peu près temps que le gouvernement admette que nous avons besoin d'un ensemble de critères. La population réclame de tels critères et elle y tient.

Je me demande si le premier ministre ne fera que poursuivre les pratiques du gouvernement précédent qui consiste à faire les choses en secret puis à soumettre les décisions déjà prises au Parlement pour qu'il les approuve automatiquement et sans critiquer.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je crois percevoir l'ampleur de leur désespoir.

Je député parle du passé. Oui, le passé c'est la semaine dernière, lorsque le ministre des Affaires étrangères a prononcé un discours très important aux Nations Unies pour recommander la modernisation de cette organisation. Le député devrait lire ce discours afin de parfaire son éducation.


15290

[Français]

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Manifestement, le ministre s'apprête à commettre, avec son projet de loi C-96, la même erreur que le ministre de l'Industrie avec le projet de loi C-88 sur le commerce interprovincial, en s'arrogeant unilatéralement un pouvoir qui nie les responsabilités des provinces. Souvenons-nous qu'après avoir ridiculisé les objections de l'opposition officielle, le ministre de l'Industrie a dû admettre son erreur et faire marche arrière.

Pourquoi, si le ministre n'a pas l'intention de passer par-dessus la tête des provinces, se donne-t-il, noir sur blanc, par l'article 6 et l'article 20 du projet de loi, les moyens de le faire?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, en réalité, nous avons fait tout le contraire.

Comme je l'ai déjà dit à la Chambre, lorsque la ministre de l'Emploi a assumé ses nouvelles fonctions, je lui ai immédiatement écrit pour lui proposer que nous entreprenions des négociations sur toutes les questions liées au secteur du travail au Québec en vue de réexaminer 75 p. 100 des programmes que nous offrons dans cette province, de redéfinir les responsabilités, d'en transférer certaines s'il le faut et de faire de la planification conjointe. Elle a répondu non. Elle ne voulait même pas en parler.

Eh bien, j'ai essayé de nouveau. Je lui ai réécrit pour lui proposer que le SQDM, le gouvernement du Québec et mon gouvernement fassent une étude conjointe sur les dédoublements et les chevauchements. Je lui ai fait cette offre en précisant que nous allions même partager les frais. Encore une fois, la ministre de l'Emploi a refusé de répondre.

Je ne peux pas forcer la ministre de l'Emploi du Québec à collaborer avec moi. J'aimerais bien pouvoir compter sur sa collaboration. Je veux discuter avec elle pour voir comment nous pourrions arriver à un meilleur partage des responsabilités. Je prie instamment le député d'aller parler à la ministre de l'Emploi à Québec et de lui demander quand elle sera prête à collaborer. Dès qu'elle dira oui, je serai là.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, le ministre semble rêver de devenir le ministre de l'Éducation du Canada. Le ministre admettra-t-il qu'il se donne les moyens de passer outre les gouvernements provinciaux, parce qu'il souhaite établir une stratégie coast to coast d'intervention dans le domaine de la main-d'oeuvre, ce qui fait peut-être l'affaire des autres provinces, mais qui heurte de plein fouet le large consensus québécois maintes fois exprimé?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, c'est tout le contraire. Le député devrait savoir, puisqu'il est à la Chambre depuis maintenant deux ans, que nous avons un très bon accord collaboration dans le secteur de l'aide aux étudiants. Nous avons le Programme canadien de prêts aux étudiants, et le Québec a son propre programme.

Lorsque nous avons réformé notre programme cet été, nous avons prévu des subventions pour les étudiants handicapés et pour les étudiants qui ont des besoins financiers particuliers. Nous avons transféré l'argent directement à la province de Québec pour qu'elle puisse offrir les mêmes avantages à ses propres étudiants. C'est ce que j'appelle du fédéralisme flexible, de la collaboration, et non une prise de contrôle.

* * *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, ma question met en lumière la mauvaise gestion qui frappe le ministère de la Défense nationale au plus haut échelon et elle s'adresse au premier ministre.

(1435)

Il ne se passe pas une journée sans qu'il n'y ait une crise de leadership au ministère de la Défense nationale. Le ministre et le chef d'état-major de la défense sont en conflit ouvert. Cette situation résulte de problèmes propres aux libéraux, mais le gouvernement a recours à une enquête pour justifier son inaction. Les forces armées sont démoralisées, démotivées et ne peuvent pas attendre jusqu'en juin 1996 pour que le gouvernement agisse.

Pourquoi le gouvernement ne règle-t-il pas les scandales qui surviennent quotidiennement au ministère de la Défense nationale?

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, si les forces armées sont démoralisées, je peux vous assurer que le manque de pertinence des questions des députés du tiers parti y est pour quelque chose.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale a totalement manqué de perspicacité dans l'affaire de Chastelain, Kenward, Vernon et Labbé et cette situation persiste.

Ma question s'adresse au premier ministre. Le gouvernement libéral n'a rien fait pour remédier aux problèmes de leadership au ministère de la Défense nationale. Le premier ministre a eu tort d'accorder sa confiance au ministre de la Défense nationale et au chef d'état-major de la défense. Le premier ministre va-t-il régler ce problème de leadership en exigeant la démission du chef d'état-major de la défense et celle du ministre de la Défense?


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[Français]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai confiance au ministre de la Défense et au chef des Forces armées canadiennes. Nous débattons à ce moment-ci d'un problème qui est arrivé en Somalie avant que nous ne formions le gouvernement. Nous essayons d'aller au fond de ce problème. Nous avons nous-mêmes pris l'initiative pour qu'il y ait une enquête à ce sujet et je pense que, jusqu'à maintenant, le ministre, le chef des Forces armées canadiennes, et en particulier le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense, font tous un excellent travail.

* * *

LA FORMATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, il est absolument incroyable de voir le ministre du Développement des ressources humaines parler de la non-coopération du gouvernement du Québec dans le domaine de la main-d'oeuvre alors que, au moment même où on se parle, il a un projet par lequel il s'arroge des pouvoirs qu'il n'a jamais eus précédemment et qui constituent une intrusion incroyable et jamais égalée dans les compétences du gouvernement du Québec dans le domaine de la main-d'oeuvre. C'est tellement vrai que c'est dénoncé même par les fédéralistes fanatiques au Québec. Il y a des limites!

Est-ce que le ministre du Développement des ressources humaines admettra que, pour la première fois, par son projet, le gouvernement fédéral se donnera les assises juridiques pour passer directement par-dessus la tête du gouvernement du Québec? Est-ce qu'il l'admettra?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, franchement, le député déraille.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je demande à tous les députés de bien vouloir peser leurs mots.

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): Monsieur le Président, je pourrais mieux formuler ma pensée. Je crois que le député s'est passablement écarté de la ligne de la logique et de la raison.

Je vais simplement lui lire l'article 6 du projet de loi. C'est écrit noir sur blanc: «Les attributions du ministre s'étendent d'une façon générale aux domaines de compétence du Parlement . . . ». C'est dans la loi en vigueur. Il n'y a rien de changé, rien de modifié. Tout est pareil. Nous sommes tout simplement en mesure de conclure avec les provinces les ententes et les accords que le ministère du Travail, le ministère de l'Emploi et de l'Immigration, le ministère du Bien-être social et certaines parties de mon ministère qui étaient autrefois rattachées au ministère de la Citoyenneté ont conclu pendant 30, 40 ou 50 ans. Il n'y a rien de changé. Nous travaillons en fonction de l'assise législative existante. Nous ne faisons que réunir les pouvoirs parce que le ministère réunit désormais différentes responsabilités.

(1440)

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, c'est regrettable de constater que le ministre du Développement des ressources humaines utilise l'injure, qui est l'argument des faibles, l'argument de ceux qui n'ont rien à dire. Il ferait mieux de répondre aux questions. On préférerait des réponses plutôt que de l'arrogance. Ce serait apprécié des gens du Québec.

Je pose la question au premier ministre, peut-être aurais-je une réponse. Le premier ministre admettra-t-il que le projet de son ministre du Développement des ressources humaines illustre tout à fait parfaitement le fédéralisme par entente administrative qu'il propose aux Québécois, à savoir: première étape, Ottawa s'accapare tous les pouvoirs dans un domaine donné; deuxième étape, il demande aux provinces de venir quémander pour avoir de nouveau ces pouvoirs; et troisièmement, on va être obligé de l'ajouter, il les insulte quand ils le font?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre vient d'expliquer très clairement quelque chose qui n'est pas très compliqué à comprendre. On a amalgamé des ministères pour mettre toutes les ressources humaines ensemble. On donne les mêmes pouvoirs qui se trouvaient dans chacun des ministères au ministre à l'heure actuelle.

Le texte législatif le dit clairement: il n'y a aucun nouveau pouvoir donné aux ministres. Ce que nous cherchons, c'est de trouver, par des décisions et des accords administratifs qui vont varier nécessairement d'une province à l'autre parce qu'il y en a qui sont plus intéressées que d'autres, le moyen de faire des ajustements qui conviennent, selon les besoins et les désirs de chacune des provinces.

C'est un fédéralisme extrêmement flexible et il n'y a pas. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): D'autant plus qu'on dit toujours qu'on veut se bâtir un empire. Je voudrais répéter encore une fois qu'on vient de couper 45 000 emplois au gouvernement fédéral. Ce n'est pas parce qu'on veut avoir plus de pouvoir et plus de bureaucrates. Le ministre a éliminé 5 000 emplois dans son ministère pour rendre le service encore plus efficace et moins coûteux pour les citoyens. On nous accuse de vouloir bâtir des empires, alors qu'on est d'une gentillesse extrême.

* * *

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, le FMI a déclaré hier que le gouvernement du Canada devait accélérer le pas pour réduire le déficit fédéral afin de préserver la croissance économique. Le vérificateur général a dit aujourd'hui que des objectifs de réduction de la dette devraient être fixés à plus long


15292

terme, plutôt que tous les ans pour les deux années suivantes, comme le propose le ministre des Finances.

Le ministre des Finances va-t-il s'engager à la Chambre à présenter une mesure législative sur la réduction de la dette afin de garantir aux Canadiens et au FMI que la dette sera finalement maîtrisée?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, en fait, dans son rapport, le FMI a loué les mesures prises par le gouvernement du Canada. Aussi, le rapport du vérificateur général du Canada a applaudi aux mesures que nous avons prises tant sur le plan de la réduction du déficit que sur celui de la publication de l'information.

J'ai fait comprendre bien clairement que nous ne ferions pas comme le gouvernement précédent, c'est-à-dire se contenter de fixer des objectifs à long terme, la plupart après les élections, sans jamais les atteindre, et qu'il était beaucoup plus avantageux de fixer chaque année des objectifs pour les deux années suivantes. En fait, c'est pour cela que le gouvernement a été capable d'atteindre chaque objectif qu'il s'est fixé.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, le FMI veut savoir quand la dette va être maîtrisée. Le vérificateur général du Canada veut savoir la même chose. Les Canadiens veulent aussi une réponse.

Le ministre des Finances sait-il, mis à part les objectifs fixés tous les ans pour les deux années suivantes, quand le déficit va être éliminé?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, la maîtrise est une affaire de crédibilité. Le gouvernement a restauré la crédibilité du gouvernement sur le plan de ses projections financières et de ce qu'il fait. La maîtrise est atteinte quand un gouvernement réalise ses objectifs, d'une part, et que, d'autre part, il présente des mesures législatives équilibrées, de même qu'un programme équilibré pour accomplir ce qu'il a décidé d'accomplir.

(1445)

Notre objectif est de réduire le déficit, mais n'oublions pas que la réduction du déficit est un élément de l'objectif numéro un du gouvernement qui est de veiller à ce que de plus en plus de Canadiens travaillent. C'est ce que nous allons faire, au lieu de préconiser les politiques radicales et destructrices des réformistes.

* * *

[Français]

LA DETTE FÉDÉRALE

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le vérificateur général vient de déposer son deuxième rapport trimestriel. Alors que la dette fédérale approche les 600 milliards de dollars, ce dernier mentionne que le Parlement et le public ont besoin de plus d'informations, notamment en ce qui a trait à l'ampleur de la dette de même que sur les choix auxquels les contribuables ne peuvent se soustraire.

Le premier ministre admettra-t-il qu'en retardant après la période référendaire au Québec les mauvaises nouvelles de coupures dans les programmes sociaux, il retarde indûment la tenue d'un débat public sur les choix à faire, comme le recommande le vérificateur général?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le vérificateur général est entièrement d'accord avec nous que, pour tenir ce débat, et nous nous sommes en faveur de ce débat, il faut avoir au moins les statistiques et les chiffres. Il l'a dit clairement. Les chiffres de l'année passée ne sont pas encore prêts. Aussitôt qu'ils le seront et que le comité nous invitera, il nous fera un grand plaisir d'y assister.

Cela étant dit, j'aimerais ajouter ce que le vérificateur général nous a demandé. Il nous a demandé de présenter un rapport financier annuel; on l'a fait. Il nous a demandé de donner davantage de renseignements sur les dépenses fiscales; on l'a fait. Il nous a demandé de faire une mise à jour économique annuelle; on l'a faite pour nos deux premiers budgets et nous allons la faire cette fois-ci.

M. Richard Bélisle (La Prairie, BQ): Monsieur le Président, voici ma questions complémentaire.

Le vérificateur affirme également que nos choix deviennent de plus en plus pénibles.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Le ministre des Finances admettra-t-il que cette déclaration du vérificateur général explique la stratégie de son gouvernement qui consiste à cacher toutes les mauvaises nouvelles jusque après le référendum québécois?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Cacher, monsieur le Président? Dites-nous quel sera le niveau d'endettement d'un Québec séparé. Dites-nous quel sera la hausse des taux d'intérêt d'un Québec séparé. Dites-nous quel sera la hausse des impôts dans un Québec séparé. Mettons cartes sur table. Dites-nous la vérité. Qu'il nous dise la vérité, monsieur le Président, sur ce que seront les conséquences néfastes de l'indépendance du Québec?

* * *

[Traduction]

LA BFC SHEARWATER

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Dans l'avant-dernier budget, on annonçait des mesures ayant pour effet de réduire les effectifs de la Base des Forces canadiennes Shearwater et d'y supprimer 700 emplois. À force de persévérance et d'efforts, la communauté s'est adaptée. Cependant, les médias citent de nouvelles sources anonymes au ministère de la Défense qui avancent que ce dernier aurait l'intention de fermer complète-


15293

ment la base cet automne, ce qui entraînerait la disparition de 1 400 emplois de plus.

Je demande au ministre de dissiper l'angoisse que ces récentes rumeurs ont suscitée dans cette localité en déclarant qu'elles n'ont absolument rien à voir avec les intentions du gouvernement à l'égard de la BFC Shearwater.

M. Fred Mifflin (secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Dartmouth de sa question.

Comme il a été annoncé dans le budget de 1994, les activités de la Base des Forces canadiennes Shearwater ont été intégrées à celles de la BFC Halifax, de l'autre côté du port. Certaines de ces activités, strictement aériennes, sont transférées à la BFC Greenwood.

Les économies découlent essentiellement de la réduction des activités aériennes, à Shearwater, où, comme le sait le député, toutes les activités aéroportuaires ont été remplacées par des activités héliportuaires. Ces dernières se révèlent très rentables, et il n'est pas question de les transférer ailleurs.

En résumé, selon mes renseignements, il n'est pas question de fermer Shearwater pour le moment.

* * *

IPPERWASH

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

(1450)

Hier soir, les squatters autochtones radicaux ont mis le feu à un autre bâtiment du camp Ipperwash, poursuivant ainsi leur règne de terreur contre la population de Bosanquet. La police et les pompiers de la ville ont refusé de s'y rendre, à cause des menaces de violence antérieurement proférées à leur égard.

Depuis deux ans, le conseil municipal de Bosanquet demande que le gouvernement fédéral fasse quelque chose pour rétablir l'ordre public. Pourquoi le ministre ne répond-il pas aux demandes du conseil municipal? Pourquoi continue-t-il à ménager des bandits qui font fi des lois de notre pays?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il y a des procédures à suivre pour que le gouvernement fédéral accorde de l'aide aux autorités locales responsables de l'application de la loi.

C'est très simple. Si la province de l'Ontario estime qu'elle n'est pas en mesure de maîtriser la situation, elle demande l'aide du gouvernement fédéral qui répondra promptement et efficacement à la demande. Le mode d'action est très clair. Nous ne ménageons pas des bandits. Comme je l'ai dit, et je le répète, si la province de l'Ontario veut obtenir l'aide du gouvernement fédéral, il existe des moyens en place pour la demander.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis las d'entendre le ministre nous parler de domaine de compétence. De plus, je suis attristé de constater la lâcheté du ministre qui n'a pas le courage de protéger les Canadiens. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Chers collègues, dans le feu du débat, il nous arrive d'utiliser des termes qui, dans d'autres circonstances, seraient jugés non parlementaires.

Je demanderais au député de se retenir et de ne pas recourir à ce type de langage. Voudrait-il poser sa question.

M. Hanger: Le solliciteur général va-t-il ordonner à la GRC d'aider l'OPP pour mettre un terme à cette rébellion ou va-t-il aller à Bosanquet pour expliquer à la population pourquoi il ne fera rien?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit très clairement que le gouvernement fédéral était prêt à agir. Tout ce qu'il lui faut, c'est que le conseil municipal s'adresse au gouvernement de l'Ontario et que le gouvernement de l'Ontario nous dise qu'il n'est pas en mesure de résoudre l'affaire, auquel cas nous interviendrons. Si mon collègue ne comprend pas ce simple fait, alors il ne fait pas son travail.

* * *

[Français]

L'ACCÈS À L'INFORMATION

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le premier ministre affirmait, il y a deux jours en cette Chambre, et je cite: «Si on a besoin de renseignements, il y a la Loi sur l'accès à l'information. Tous les citoyens peuvent communiquer avec des ministères pour obtenir des renseignements.»

Après avoir invité l'opposition officielle à utiliser la Loi sur l'accès à l'information, comment le premier ministre explique-t-il que le Conseil privé refuse systématiquement depuis sept mois toute demande faite par l'opposition officielle, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le Conseil privé reçoit des demandes et la loi a été rédigée. Il y a des communications qui ne peuvent pas être rendues publiques suivant la loi, suivant l'administration. La loi a été votée par ce Parlement. Les communications internes entre ministres, dans tout gouvernement, ne sont pas mises à la disposition des gens de l'extérieur. C'est normal. Mais sur les matières que la loi nous oblige à rendre publiques, le Conseil privé a instruction de les rendre publiques.


15294

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, pour une fois, le gouvernement a un compte parfait: sur 17 demandes d'information, 17 ont été refusées. Ce n'est pas pire comme moyenne.

Dans ce cas-là, pourquoi le premier ministre refuse-t-il de rendre publiques les études sur les chevauchements et dédoublements, dont l'existence a été confirmée dans le document secret d'Industrie Canada? Ça, c'est clair!

(1455)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales a donné une explication plus qu'adéquate sur ce sujet il y a quelques jours à la Chambre.

* * *

[Traduction]

L'AGRICULTURE

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Les agriculteurs canadiens expédient du blé et de l'orge aux États-Unis et leurs produits traversent souvent les douanes canadiennes sans permis d'exportation de la Commission canadienne du blé. Mardi, trois camions américains chargés d'orge en provenance du Canada ont été saisis à la douane alors qu'ils s'apprêtaient à traverser aux États-Unis. Auparavant, ces mêmes camions transportant ces mêmes produits auraient eu le droit de se rendre aux États-Unis.

Est-ce légal ou non? Les exportations sont-elles permises ou non? Le ministre peut-il expliquer aux agriculteurs déconcertés pourquoi certains camions sont saisis et d'autres ne le sont pas?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, la loi est très claire en ce qui concerne l'exportation du blé et de l'orge du Canada. Il est évident que tout transporteur doit obtenir les documents et les autorisations appropriés de la Commission canadienne du blé. Autrement, l'exportation est contraire aux règlements. Ces règlements sont appliqués au moment opportun, comme la loi l'exige. Le Parti réformiste ne prône certainement pas le non-respect de la loi.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, la loi n'est pas toujours mise en application. En fait, les agriculteurs ne savent pas quelle est la loi puisqu'il n'existe aucune uniformité.

Le ministre responsable des douanes canadiennes, le ministre du Revenu national, a reçu avis que des camions transportant du blé et de l'orge appartenant aux agriculteurs se présenteraient aujourd'hui aux douanes, à Peace Gardens, au Manitoba. J'aimerais savoir si le ministre a donné des ordres aux agents des douanes pour qu'ils saisissent les camions ou s'il a donné des ordres pour que ces camions puissent passer aux États-Unis sans difficulté.

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, les agents du gouvernement du Canada, qu'ils travaillent pour mon ministère, pour Revenu Canada ou pour tout autre ministère du gouvernement du Canada, n'ont pas besoin de directives pour faire leur travail. Ils savent ce qu'ils ont à faire et ils assumeront leurs responsabilités.

* * *

[Français]

L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères. Il apparaît que les bloquistes ne peuvent pas décider s'ils veulent que le gouvernement fédéral dépense de l'argent au Québec ou non.

Le Québec reçoit-il une juste part des retombées des déboursés de l'aide publique au développement?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, enfin une question qui intéressera sûrement nos amis d'en face.

M. Chrétien (Saint-Maurice): Excellente question. On l'attendait depuis longtemps.

Une voix: Oh, oh!

M. Ouellet: Monsieur le Président, on voit qu'ils n'aiment pas avoir des chiffres qui démontrent clairement à quel point le Canada et le gouvernement du Canada bénéficient aux entreprises québécoises et à des Québécois.

En fait, dans l'aide publique au développement, 30 p. 100 des approvisionnements de cette aide publique au développement sont effectués au Québec, 33,4 p. 100 des consultants qui sont inscrits viennent du Québec.

Une voix: Cent pour cent libéral.

M. Ouellet: Plus du tiers, 36,3 p. 100 des marchés sont conclus au Québec.

En particulier, j'entends quelqu'un qui crie «libéral». Je rappellerais à nos amis d'en face qu'un des organismes qui reçoit le plus d'assistance de l'ACDI est l'Hydro-Québec.

Des voix: Oh, Oh!

Des voix: Ah!

* * *

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Lundi, le ministre des Affaires intergouvernementales et le premier ministre déclaraient que le Québec avait plus que sa part des dépenses fédérales en science et technologie. Or, le document secret préparé pour Opération unité indique clairement que le québec ne recevait en 1993 que 17,1 p. 100 du total des dépenses fédérales en recherche et développement.

Devant les chiffres avancés par Industrie Canada, le premier ministre reconnaîtra-t-il qu'il faisait fausse route en affirmant que le Québec obtenait sa juste part et que, dans les faits, le Québec a été traité de façon inéquitable en ce qui concerne l'implantation de centres de recherche fédéraux?


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(1500)

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a aucun doute que l'honorable députée sait à quel point le gouvernement du Canada s'est efforcé d'assurer l'implantation d'une industrie très importante, même dans sa circonscription.

C'est toujours étonnant d'entendre les membres de l'opposition poser des questions sur certains secteurs où le Québec est sans aucun doute le chef de file de toutes les provinces canadiennes. J'aurais pensé que l'honorable députée aurait été très heureuse de connaître les succès qui ont été obtenus chez elle.

* * *

[Traduction]

LES AFFAIRES INDIENNES

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, lundi, les membres de la réserve de Frog Lake, en Alberta, ont évincé leur chef et lui ont donné 25 000 $ pour qu'il parte. Ils sont frustrés parce que la Loi sur les Indiens ne donne aucun pouvoir aux membres des bandes.

Quand le ministre confiera-t-il à d'autres ministères fédéraux, comme Revenu Canada et le Vérificateur général, le mandat de s'assurer qu'on rende compte des fonds fédéraux, de sorte que les membres des bandes, et non seulement leurs chefs, se sentent protégés?

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, la situation de la bande de Frog Lake n'est pas si simple, comme la députée devrait le savoir puisqu'elle habite à proximité de la réserve, bien qu'elle la visite très rarement.

À Frog Lake, ceux qui veulent des logements et ceux qui désirent un bureau de bande sont divisés, à un point tel que la santé du chef-c'est un bon chef-s'est détériorée considérablement et qu'il désire s'en aller.

La députée serait plus utile à ses électeurs de cette bande naissante si elle se rendait sur place et venait en aide à ce chef, car il se trouve dans une situation très difficile et dans un mauvais état de santé.

* * *

L'ÉCONOMIE

L'hon. Audrey McLaughlin (Yukon, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le gouvernement continue de dire que ce sont les programmes sociaux et de santé qui sont la principale cause du déficit et de la dette, mais comme le ministre le sait pertinemment et comme il l'a déclaré lui-même, à la Chambre, en fait, ce sont les échappatoires fiscales et la politique de maintien des taux d'intérêt à un niveau élevé qui sont à blâmer.

Aujourd'hui, le rapport du vérificateur général confirme que la dette extérieure du Canada est la plus élevée parmi les principaux pays industrialisés et que cette dette nous empêche de contrôler notre politique monétaire.

Le ministre pourrait-il me dire s'il est prêt à envisager deux mesures grâce auxquelles nous pourrions commencer à contrôler notre politique monétaire? Est-il disposé, d'une part, à rétablir les exigences en ce qui concerne les réserves que les banques à charte doivent avoir auprès de la Banque du Canada, pour que cette dernière soit en mesure d'assumer une plus grande partie de la dette canadienne et va-t-il réduire, d'autre part, la proportion de 20 p. 100 qu'on peut investir à l'étranger dans le cadre de REER, ce qui encouragerait les Canadiens à investir au Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, la députée a certes bien signalé un problème que le gouvernement a relevé, lui aussi, dans le cadre de son programme de réduction du déficit et qu'il cherche à résoudre, c'est-à-dire le très fort niveau d'endettement à l'égard des étrangers qu'on constate principalement dans le secteur privé et dans le cas d'un certain nombre de gouvernements provinciaux.

Je ne crois pas, cependant, que les solutions proposées par la députée conviennent vraiment. Il faut, en fait, accroître le pourcentage de l'épargne au Canada.

En ce qui concerne les réserves des banques, si nous voulons créer des emplois au Canada, nous devons, bien entendu, nous assurer que nos banques sont compétitives par rapport à d'autres banques.

En ce qui a trait à la règle des 20 p. 100, nous nous sommes penchés là-dessus. Comme les députés le savent, d'aucuns recommandent d'accroître la proportion de 20 p. 100 en question. Je ne suis pas prêt à donner suite à ces recommandations pour le moment.

Le Président: Cela met fin à la période des questions. Nous en arrivons maintenant à la question habituelle du jeudi. J'entendrai donc cette question d'abord, puis nous passerons au rappel au Règlement.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au leader du gouvernement à la Chambre. Je voudrais lui demander si le menu législatif des prochaines semaines sera aussi léger que celui que nous avons eu dans les dernières semaines.

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis surpris que le leader parlementaire de l'opposition ne considère pas de grandes mesures relatives à la sécurité publique en ce qui concerne la protection des témoins et la réforme de notre régime de libération conditionnelle et l'amélioration du processus de réglementation des transports comme des questions sérieuses.

15296

(1505)

Le député et ses collègues ont pleinement participé à ces débats. Je pense que la population, contrairement au député, estimera que notre menu législatif a comporté et comporte toujours des sujets importants et sérieux.

La priorité sera donnée aujourd'hui et demain à l'étude en deuxième lecture du projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi. Je me demande si ce qu'il vient de dire à l'un de ses collègues, c'est qu'il ne trouve pas qu'il s'agit d'un projet de loi important. Si l'étude de ce projet de loi n'est pas terminée à la levée de la séance demain, nous la reprendrons le 16 octobre.

Nous aborderons ensuite l'étude du projet de loi S-9 qui a trait à la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, puis d'autres projets de loi dont des comités ont déjà fait rapport ou sont sur le point de faire rapport. L'étude en comité d'un bon nombre de mesures législatives tire à sa fin et nous espérons recevoir les rapports sous peu.

Par la suite, nous passerons à la deuxième lecture du projet de loi concernant la Commission du droit du Canada, qui sera présenté demain, et à l'étude du projet de loi sur la convention fiscale, qui a été présenté ce matin.

Je suis heureux de faire état de ces importantes initiatives ministérielles, que nous aborderons d'ici le week-end et à notre retour du congé de l'Action de grâces.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement parce que, au cours de la période des questions, le ministre a mis en doute mon engagement à l'égard de la réserve de Frog Lake. Aux fins du compte rendu, je rappelle que j'ai vécu sur cette réserve et que j'y ai enseigné. À titre de famille d'accueil, j'ai reçu des enfants de la réserve qui sont venus vivre chez moi. Il n'y a pas lieu de jeter un doute sur mon engagement envers ces gens ni sur la crise qu'ils traversent actuellement.

______________________________________________

15296

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

DROITS DE LA PERSONNE ET CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a consentement unanime à l'égard de la motion suivante:

Que quatre députés du Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées soient autorisés à se rendre à Halifax, Nouvelle-Écosse, afin d'assister à la réunion des commissions provinciales consultatives sur les personnes handicapées, les 17 et 18 octobre 1995.
(La motion est adoptée.)


15296

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR L'ÉQUITÉ EN MATIÈRE D'EMPLOI

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.) propose: Que le projet de loi C-64, Loi concernant l'équité en matière d'emploi, soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Monsieur le Président, comme le leader à la Chambre vient de le dire, il y a quelques minutes, la mesure législative proposée par notre gouvernement est très importante.

Au début du débat en troisième lecture, je tiens d'abord à remercier plusieurs députés. On se rappelle que nous avons présenté ce projet de loi un peu à titre expérimental. Plutôt que de procéder aux étapes habituelles de première et de deuxième lectures, nous avons renvoyé la mesure directement après la première lecture au comité, pour qu'il puisse vraiment lui conférer la forme voulue. Nous voulions ainsi garantir que le projet de loi ne représente pas simplement la réponse à une série de propositions du gouvernement, mais qu'il comporte et définisse les éléments que le comité juge primordiaux.

Je remercie les membres du Comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées de l'énorme quantité de travail, du grand nombre d'audiences et du temps qu'ils ont consacrés. Mes remerciements s'adressent à tous les membres du Comité, peu importe leur allégeance.

Je suis particulièrement reconnaissant envers la secrétaire d'État (Formation et Jeunesse) et mon secrétaire parlementaire, qui ont tous deux travaillé avec diligence pour assurer une nouvelle présentation efficace du projet de loi à la Chambre. J'ai lu le hansard et j'ai constaté que le projet de loi a donné lieu à un débat très productif et à une bonne réaction, à l'étape du rapport.

(1510)

On peut juger du bon déroulement du débat au fait que lorsqu'un parti d'opposition proposait des amendements susceptibles d'améliorer le projet de loi, nous étions disposés à les accepter pour en arriver à un meilleur texte de loi. Je félicite les députés qui ont consacré beaucoup de travail à l'étude du projet de loi.

Le projet de loi C-64 a un objectif fondamental, supprimer les obstacles systémiques qui empêchent les gens de travailler. On peut résumer tout cela en une phrase, mais comme je dispose de 30 minutes, je prendrai plus de temps pour entrer dans les détails.

Ce que nous voulons dire en réalité, c'est que des pratiques, des attitudes et des habitudes conventionnelles se sont développées au fil des années dans une grande variété de milieux de travail et ont eu pour effet d'empêcher des gens de se servir de leurs talents et de leurs capacités innés non pas à cause de leur valeur mais à cause d'une étiquette qui leur était attachée.

Je ne parle pas de pur fanatisme et de pure discrimination, mais du genre de pratiques et de règles informelles qui se développent au fil des années, d'une génération à l'autre, et qui érigent simplement une série de handicaps, de barrières et d'obstacles qui empêchent


15297

des gens en milieu de travail de jouir de leurs pleins droits de participer.

Un grand nombre de femmes, d'autochtones, de personnes handicapées et de membres des minorités visibles ont ainsi été privés d'égalité et de liberté d'accès au plein développement et à la pleine exploitation de leurs possibilités dans le milieu de travail.

Il y a dix ans, j'ai eu l'honneur d'instituer la Commission royale Abella, présidée par le juge Rosalie Abella de la Cour de l'Ontario, pour examiner cette vaste question de la discrimination systémique en milieu de travail. Le juge Abella a déposé un rapport historique. Malheureusement, au moment du dépôt du rapport, les Canadiens avaient, dans leur sagesse, décidé de m'envoyer, moi et un certain nombre de mes collègues, passer une longue période sabbatique de l'autre côté de la Chambre. Je n'étais donc pas en mesure de mettre pleinement en oeuvre les recommandations de la Commission Abella. Le soin en revenait au gouvernement précédent.

Il a donc présenté en 1986 la Loi sur l'équité en matière d'emploi qui a été adoptée la même année. Elle obligeait les employeurs dont les activités relèvent de la compétence fédérale et qui ont plus de 100 employés à appliquer l'équité en matière d'emploi et à faire rapport de leurs progrès.

Bien que remplie de beaux principes et de nobles objectifs, la loi initiale sur l'équité en matière d'emploi comportait quelques lacunes graves. En quelque sorte, elle proposait le respect volontaire des dispositions, sans contraindre. Il s'agissait simplement d'une liste de voeux pieux, de mesures qu'on était invité à prendre.

Par conséquent, lorsque nous avons voulu que les employeurs prennent des mesures positives pour améliorer l'égalité et la liberté d'accès au milieu de travail et que certains s'y refusèrent, il n'y avait rien que nous puissions faire. Il s'est donc produit au fil des années un certain nombre de cas où la discrimination a continué à s'exercer en matière d'emploi.

L'autre lacune grave de la loi de 1986, c'est qu'elle ne s'appliquait pas à l'État. C'était un cas classique où l'on enjoignait les gens de faire ce que l'on dit, non ce que l'on fait.

C'est en raison de ces deux grandes lacunes du projet de loi initial que, dans le livre rouge que nous avons présenté aux électeurs en 1993, nous nous sommes engagés à apporter des modifications importantes à la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Le projet de loi qui en est maintenant à la troisième lecture vise à combler ces deux grandes lacunes et à tenir l'engagement que nous avons pris envers les Canadiens en 1993, comme nous en avons reçu le mandat. Il s'agit de donner à la Loi sur l'équité en matière d'emploi un peu de mordant pour appliquer des mesures visant à réduire la discrimination et d'assujettir l'administration fédérale à la loi.

Le projet de loi accroît les pouvoirs conférés à la Commission canadienne des droits de la personne pour qu'elle puisse contrôler dans les secteurs public et privé l'application du principe de l'équité en matière d'emploi.

(1515)

La mesure prévoit également que le Tribunal des droits de la personne peut au besoin se transformer en Tribunal de l'équité en matière d'emploi pour garantir que les droits de tous les Canadiens, employés et employeurs, sont respectés. Il y a droit d'appel.

[Français]

Ce projet de loi va avoir un impact positif au Québec. Plus de 150 employeurs et environ 350 000 employés seront touchés par cette initiative.

Ces Québécois et Québécoises vont avoir droit à un système plus fort avec la Commission des droits de la personne et un tribunal, si nécessaire, pour s'assurer de la mise en application de l'équité en matière d'emploi.

Aussi, l'application des mesures d'équité en matière d'emploi à la fonction publique est plus juste. Cela va permettre aux femmes, aux personnes handicapées et aux autres groupes désignés d'avoir accès à l'emploi, à la formation ou encore à une promotion. Je pense que c'est une bonne réponse aux demandes des femmes du Québec, aux besoins des personnes handicapées, des autochtones et aux minorités visibles.

Je pense que le projet de loi démontre l'engagement du gouvernement fédéral à des mesures progressistes pour les Canadiens et pour les Québécois et Québécoises.

[Traduction]

Malgré ce que certains ont soutenu, le projet de loi n'impose pas de contingents. Mettons les choses au point. Il a été question de contingents dans le débat d'hier. Or, loin de prévoir des contingents, le projet de loi les interdit expressément. Ceux qui tentent de faire croire que nous suivons l'exemple de lois que les Américains ont adoptées il y a 20 ou 30 ans ne sont ni justes ni honnêtes lorsqu'ils parlent de contingents, puisque la loi les interdit carrément.

Le projet de loi ne vise pas non plus à abaisser les exigences pour permettre à un plus grand nombre de personnes non qualifiées d'entrer dans la population active. Ce projet de loi ne vise pas à abaisser les normes, mais à renverser les barrières. Telle est sa raison d'être.

Notre objectif, c'est de faire en sorte que le monde du travail reflète toute la richesse et la diversité de la société pour que tous aient des chances égales lorsqu'il s'agit de décrocher un emploi, d'obtenir une promotion ou une chance d'avancement.

Le projet de loi ne vise pas à remplacer le principe du mérite par quelque chose d'autre, loin de là. Je dirais même qu'il renforce ce principe en stipulant de manière non équivoque qu'aucun candidat qui a du mérite ne sera écarté. Ce qui s'est passé au fil des ans, c'est que des personnes ayant des qualifications, un mérite, une ambition, une motivation considérables n'ont jamais eu la chance d'exploiter leur potentiel parce qu'il y avait des obstacles, des barrières, des


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filtres, des écrans, en milieu de travail, qui ont souvent été mis en place à l'insu de tous.

Parfois, les qualifications dépendaient de la taille. Parfois, on disait que les femmes, par exemple, ne pouvaient pas s'acquitter de certains travaux physiques, même si cela n'avait jamais été prouvé. Pourtant, depuis quelques années, nous avons constaté dans la police, les forces armées et les services de prévention des incendies que les femmes et les hommes étaient également capables d'assumer la totalité des tâches de ces métiers dangereux.

(1520)

Le programme d'équité en matière d'emploi fait du lieu de travail un meilleur endroit. Études après études ont montré que les entreprises qui adoptent l'équité en matière d'emploi comme principe fondamental de planification de leurs ressources humaines s'améliorent en devenant plus productives, plus compétitives, plus rentables et plus efficaces.

C'est avec intérêt que j'ai écouté, puis lu dans le hansard, des observations de députés réformistes au sujet du projet de loi. Pour résumer, quoique j'hésite beaucoup à le faire de peur de faire dire aux députés des choses qu'ils n'ont pas dites, ils proposent essentiellement de laisser faire le marché, de laisser les entreprises embaucher qui elles veulent et les personnes qui leur conviennent le mieux.

Des progrès ont été accomplis. Des entreprises se sont améliorées et tout le mérite leur en revient. Mais je dirai aux députés réformistes qu'il est nécessaire de faire plus. Nous ne sommes pas encore allés assez loin. Je tiens à citer aux députés deux ou trois observations intéressantes. S'ils sont parfois tentés de ne pas prendre ce que je dis pour parole d'évangile, peut-être seront-ils convaincus par le rapport des Nations Unies sur le développement.

Il est dit dans le rapport de cette année qu'il est peu probable que le déroulement libre des processus économique et politique assure l'égalité des chances. Le marché peut faire merveilleusement bien certaines choses. Il peut fabriquer des produits, offrir des services réaliser des profits, générer de la croissance et créer des emplois. Mais il n'est pas très bon pour assurer des chances vraiment égales à tous. C'est là que le gouvernement entre en jeu pour simplement établir un équilibre et s'assurer que des règles sont appliquées et que tout le monde est traité de la même façon.

Je dirais que le fait d'être Canadiens a pour conséquence heureuse que nous avons toujours assuré un bel équilibre entre le service à la population et le marché et trouvé le moyen de les faire fonctionner en tandem. Je crois que le projet de loi C-64 en est un bon exemple.

Pour faire valoir un autre point, je tiens à citer le Business Council of British Columbia, qui se compose de représentants du secteur privé de toute la province. Voici: «Les employeurs ne peuvent pas à eux seuls assurer l'équité en matière d'emploi. Les employeurs veulent faire partie de la solution dans le cadre d'un partenariat avec le gouvernement, les syndicats, les représentants des employés, les maisons d'enseignement et les organisations de groupes désignés.» Le mot clé est «partenariat». Un partenariat pour réaliser l'équité. Si j'avais à mettre une étiquette sur ce projet de loi, je dirais que c'est de cela qu'il retourne: un partenariat pour assurer l'équité au travail.

La réalité de beaucoup de femmes, de membres de minorités visibles, d'autochtones et de personnes handicapées n'est pas celle de l'homme blanc moyen en matière d'emploi et de rémunération. Nous formons un group privilégié depuis des générations. Par conséquent, d'autres membres de notre société ont pris du retard.

En tout, 51 p. 100 des femmes occupent des emplois dans les bureaux ou dans les domaines de la vente ou des services, tous des emplois moins bien rémunérés, comparativement à 20 p. 100 des hommes. Les femmes touchent seulement les deux tiers du traitement versé aux hommes, et ce, à un niveau de scolarité semblable.

Tous les députés, j'en suis convaincu, ont été heureux d'apprendre récemment que, selon l'indice de développement des Nations Unies, le Canada occupe le premier rang pour ce qui est de l'alphabétisation, de la formation et de l'éducation, de l'investissement dans les ressources humaines et de la qualité de la vie. Cependant, lorsque nous tenons compte de la différence entre les sexes, le Canada tombe au neuvième rang. Cela prouve qu'il y a quelque chose qui cloche. Le projet de loi dont nous sommes saisis tend à corriger la situation.

Au cours du débat d'hier, j'ai entendu certains députés dire que le projet de loi ne devrait peut-être pas viser les minorités visibles. Encore une fois, les faits prouvent le contraire, puisque les membres des minorités visibles, qui sont en moyenne plus instruits que les Canadiens, touchent un salaire inférieur de près de 10 000 $ à celui des autres travailleurs canadiens. La corrélation entre ces deux faits devrait nous faire comprendre que le milieu de travail n'est pas juste, ouvert et accessible.

(1525)

Tous les jours, nous entendons le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien décrire la situation désespérée des autochtones dont le taux de chômage atteint parfois 40 p. 100, 50 p. 100 ou même 60 p. 100 et dont le revenu moyen est inférieur à 10 000 $, ce qui représente le quart du salaire que touche le travailleur type au Canada.

Aujourd'hui, le Globe and Mail publiait un article où l'on reprochait aux entreprises canadiennes de ne pas tenir compte de la main-d'oeuvre autochtone. Mme Pamela Sloan, une des associés de la firme torontoise d'experts-conseils Hill Sloan, vient juste de publier un rapport sur les relations des entreprises avec les autochtones. Selon l'article, les secteurs public et privé ont fait certaines tentatives, qui ont été couronnées de succès, mais ne sont pas allés assez loin. Mme Sloan a dit: «Il faudrait appliquer des mesures d'équité, car cette décision serait très bonne pour les affaires.»

Il était intéressant d'observer, tout au long du débat, jusqu'à quel point les faits sont grandement reconnus. Les Canadiens, tant du secteur public que du secteur privé, se sont rendu compte qu'il fallait cesser de priver certaines personnes, simplement à cause de leur sexe, de leur race ou de leur condition physique, de la chance de


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s'épanouir et de contribuer à la société. Ils comprennent que ce projet de loi tend à donner des chances égales à tous les Canadiens.

Je voudrais citer une affirmation qui a été faite à la Chambre. Cet homme est dans un certain sens un mandataire du Parlement, puisque nous l'avons chargé d'examiner la situation des droits de la personne au Canada. Cette personne, c'est M. Max Yalden. Lorsque certains députés ont dit que le projet de loi entraînait une discrimination à rebours et qu'il nuisait aux intérêts des hommes, M. Yalden a dit que, loin d'être en reste, les hommes aptes au travail semblent obtenir plus que leur juste part de l'embauche et que de telles données ne tracent guère un tableau convaincant de discrimination à rebours.

Le projet de loi à l'étude n'enlève pas à certains pour donner à d'autres; il accroît simplement l'accessibilité pour tous. Il garantit simplement un traitement juste et équitable.

Nous devrions rejeter les mythes. Cessons de créer de nouvelles divisions en opposant la situation pénible des hommes à celle de tous les autres. En réalité, nous devons tous relever un défi énorme, celui d'assurer un emploi à tous les Canadiens. Le marché du travail subit des transformations comme jamais nous n'en avons vu dans l'histoire de l'humanité. Avec la nouvelle technologie, la concurrence à l'échelle mondiale et les différents changements qui surviennent sur le marché du travail, la situation est difficile. Notre seule chance de réussir, c'est de rendre le milieu de travail et le marché de l'emploi également accessibles à tout le monde et de mettre ainsi tous ces talents à contribution. Nous ne devrions pas mettre un groupe de côté et le traiter différemment.

Les gens demandent ceci: Comment notre pays peut-il réussir? Comment pouvons-nous relever le défi d'un nouveau marché du travail et éviter la phobie et la peur dont parlent les Jeremy Rifkin? C'est là une des réponses. Je crois sincèrement que, de nos jours, les ressources humaines sont l'élément clé qui fait réellement fonctionner un pays. Je suis peut-être partial parce que je dirige le ministère du Développement des ressources humaines, mais je considère comme un privilège le fait qu'on m'ait confié cette responsabilité. J'estime que c'est un élément d'une importance pour aider notre pays à fonctionner. Cela signifie que tout le monde doit travailler et non pas seulement 50 ou 75 p. 100 de la population; tout le monde doit pouvoir mettre à profit ses talents, libérer sa créativité et pouvoir se prévaloir de toutes les possibilités afin de contribuer à la pleine mesure de ses capacités au marché du travail.

(1530)

Je fais une légère digression, mais il est intéressant de souligner une question que m'a posée le député de Regina, il y a quelques jours, au sujet de données sur la baisse de revenu des familles canadiennes que Statistique Canada a déposées la semaine dernière. Cela vaut la peine d'y revenir. Ces données révélaient que, de plus en plus, la baisse du revenu est attribuable à une participation de moins en moins importante des femmes et des mères chefs de familles monoparentales sur le marché du travail. En fait, depuis quelques années, ce taux de participation a diminué de près de 15 p. 100. C'est l'une des principales causes de la baisse du revenu des familles canadiennes, notamment celles qui sont dirigées par une femme.

Le gouvernement cherche à renverser cette tendance et à modifier les structures de base, afin de prévenir ce genre de déclin. Nous sommes en train d'examiner un important programme de garderies et nous essayons de travailler avec les provinces et les peuples autochtones. Nous sommes en train de récrire notre législation en matière d'emploi pour qu'elle fasse une plus grande place aux femmes qui reviennent sur le marché du travail et leur permette d'acquérir les outils dont elles ont besoin. Nous sommes en train d'examiner de quelle manière nous pouvons mieux aider les jeunes à revenir sur le marché du travail.

Voilà le genre de réponse que nous préférons et qui consiste à ne pas abandonner la partie, à ne pas rentrer dans sa tanière, à ne pas vivre dans le passé et à ne pas s'accrocher aux mots d'ordre du passé, mais à affirmer résolument: «Nous pouvons le faire, nous pouvons faire une différence et nous pouvons adopter une loi comme le projet de loi C-64.» Voilà de quoi il retourne.

Il semble se dégager de ce débat l'impression que cette mesure va à l'encontre des intérêts du secteur privé, que le secteur privé va se révolter si le projet de loi est adopté.

Quand on examine les déclarations qui ont été faites devant le comité, qui a été fort bien présidé par mon collègue de Winnipeg-Nord, il importe de savoir quels sont les organismes qui ont appuyé le projet de loi. L'Association canadienne des manufacturiers, l'Association des banquiers canadiens, la Chambre de commerce du Canada ont dit au comité que l'équité en matière d'emploi était en fait un atout. Ces organismes ont fait valoir au comité qu'ils avaient constaté que la diversité rapportait d'importants dividendes. Elle ne coûte rien, elle rapporte des dividendes. Elle leur assure un meilleur accès à un plus grand nombre d'employés hautement qualifiés parmi lesquels choisir. C'est ça l'équité en matière d'emploi.

Pourquoi agiter ces épouvantails, pourquoi jeter de la poudre aux yeux et tenter de faire croire qu'il y a une appréhension largement répandue? Il est même intéressant de souligner qu'au cours du débat amorcé par l'actuel gouvernement de l'Ontario durant la campagne électorale sur les effets de l'équité en matière d'emploi, la plupart des employeurs de l'Ontario ont dit: «Nous voulons le projet de loi.» Qu'on ne se laisse pas séduire par quelque idéologie, par quelque argument emprunté à un quelconque groupe fondamentaliste du Sud des États-Unis qui pense que l'équité en matière d'emploi est une politique inspirée par le diable. Nos entreprises disent. . .

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Pourquoi en faire une loi alors?

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): Monsieur le Président, c'est un peu ennuyeux que le député de je ne sais plus où, qui est arrivé à la Chambre il y a environ deux minutes, n'ait pas entendu la première partie du discours où j'ai expliqué pourquoi les entreprises ont dit qu'elles avaient besoin d'une loi pour que tout le monde soit traité équitablement.


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(1535)

Comme j'ai entendu la remarque du député d'en face, permettez-moi de lui donner une liste d'autres sociétés de sa propre région qui appuient cette mesure législative: la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, la Banque de Montréal, la Sun Life, la Banque royale du Canada, B.C. Hydro. Et écoutez bien cela: la société Alberta Government Telephones appuie le projet de loi. Je ne sais pas jusqu'où nous pouvons aller, mais je suppose que, par extension, nous pourrions dire que Ralph Klein est en faveur de cette mesure législative, du moins sa société d'État l'est.

Pour faire valoir mon point plus directement, dans un sondage Compas mené auprès d'entreprises ontariennes durant le débat sur cette question, seulement 8 p. 100 des entreprises répondantes ont dit qu'elles aboliraient leur programme, si l'on révoquait la loi sur l'équité en matière d'emploi, et 68 p. 100, plus des deux tiers, ont dit qu'elles maintiendraient leur programme d'équité en matière d'emploi déjà en place et qu'elles en comprenaient la valeur.

La justice a une grande valeur. Les Canadiens le comprennent, les entreprises le comprennent. Les seules personnes qui ne semblent pas le comprendre sont certains députés d'en face qui sont probablement encore en train de lire la documentation étrangère bizarre où ils puisent leurs idées. S'ils voulaient bien regarder ce qui se passe au Canada, regarder comment l'équité en matière d'emploi fonctionne chez nous et en comprendre l'importance, nous aurions peut-être plus de commentaires éclairés et moins de remarques acrimonieuses.

Je vais m'adresser un moment aux députés du Parti réformiste.

M. McCormick: Ils sont trois ici actuellement.

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): Trois importants députés du Parti réformiste.

Je crois qu'il est très important que les députés du Parti réformiste comprennent qu'il y a des choses que le gouvernement peut et doit faire bien. Lorsqu'ils ont dit dans leur rapport minoritaire. . .

M. McClelland: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je suppose qu'il n'est pas habituel de faire allusion à l'absence ou à la présence des députés.

Le Président: Je n'ai rien entendu au sujet de l'absence ou de la présence des députés. Le ministre du Développement des ressources humaines a la parole.

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): Monsieur le Président, je suis prêt à m'adresser aux hordes de députés réformistes qui occupent les banquettes de l'opposition. Il s'agit simplement de les mettre au fait. Il m'arrive parfois de revenir à de vieilles habitudes et de me dire: «Apprenons ensemble à la Chambre.»

Quand les réformistes fondent leur dissidence dans leur rapport minoritaire sur une fausse prémisse, quelqu'un doit intervenir. Il y a lieu de se demander, après ce que nous avons pu voir pendant la période des questions, aujourd'hui, si certains députés lisent les projets de loi que nous présentons. Des députés du Bloc ont déclaré aujourd'hui qu'ils n'avaient pas lu le projet de loi sur le développement des ressources humaines. Le projet de loi a été déposé il y a quatre mois, mais les bloquistes ont attendu tout ce temps pour poser des questions. Cela a sans doute quelque chose à voir avec une certaine date à la fin d'octobre.

De toute évidence, les réformistes n'ont pas lu l'article 6 du projet de loi que je vais lire. Il dit ceci: «L'obligation de mise ne oeuvre de l'équité en matière d'emploi n'oblige pas l'employeur à engager ou promouvoir des personnes non qualifiées.» En ce qui concerne le secteur public, il exige d'engager ou de promouvoir des personnes sans égard au mérite. Le rapport mentionne à plusieurs endroits que le principe du mérite est écarté et que des quotas sont imposés alors que le projet de loi dit le contraire.

L'article 33, qui se trouve tout à la fin du projet de loi et n'est donc pas facile à trouver, est libellé ainsi: «Ni la Commission, ni le tribunal ne peuvent donner un ordre ou rendre une ordonnance qui lui (l'employeur) imposerait un quota.» Est-il assez clair que ni la Commission, ni le tribunal ne peuvent donner un ordre ou rendre une ordonnance qui imposerait un quota?

Dans ce cas, pourquoi les réformistes disent-ils, dans leurs discours, leurs rapports minoritaires et leur déclarations publiques que des quotas sont imposés? Auraient-ils un projet de loi dont nous ignorons l'existence? Ont-ils rédigé un document secret qu'on ne connaît pas et qu'ils entendent publier inopinément à l'intention de la population canadienne? Peut-être bien, mais cela n'aurait rien à voir avec le projet de loi C-64. C'est important que nous comprenions bien cela.

(1540)

M. White (Fraser Valley-Ouest): Parlez-leur de la GRC, Lloyd.

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): C'est lui qui ne cesse d'appeler la GRC, pas moi.

Comment serait-il possible d'être plus clair? Nous faisons en sorte que toutes les personnes qui le méritent aient plus de chances, plus d'occasions de postuler des emplois, d'acquérir une formation, d'obtenir une promotion. N'est-ce pas mieux que le principe du mérite?

Quand on demande aux sociétés d'examiner leur propre conception des qualités physiques et morales qu'il faut avoir pour occuper un emploi, quand on s'arrête à penser à ce qu'on demande à nos travailleurs, à la façon d'améliorer leurs compétences, quand on s'assure qu'il n'y a pas d'obstacles injustifiés dressés par les vieilles habitudes et les conceptions anciennes qui nuisent au développement des ressources humaine disponibles sur les lieux de travail, est-ce que cela n'améliore pas aussi le mérite des candidats?

Le projet de loi sur l'équité en matière d'emploi vise à mettre le mérite en valeur. C'est une mesure concrète dont l'efficacité peut être démontrée en milieu de travail. Elle vise à ouvrir des portes qui étaient fermées depuis bien trop longtemps et à beaucoup trop de monde. C'est pourquoi je crois que les Canadiens appuient cette mesure. Ils savent que notre société sera plus fonctionnelle si tout le monde a une chance de travailler.

Je voudrais lire un extrait d'une lettre qu'une jeune employée de l'industrie de la construction m'a envoyée. Elle a de la difficulté à garder son emploi parce que seuls 2,4 p. 100 des travailleurs de la


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construction sont des femmes. Je dois signaler que nous avons créé, au sein du ministère, un programme spécial intitulé Femmes dans les métiers et les professions de pointe, qui regroupe un conseil d'employeurs de tout le Canada chargé de promouvoir les stages et les formations d'apprenti à l'intention des femmes intéressées aux métiers et aux techniques de pointe, où elles ne forment que 2 p. 100 des travailleurs.

Cette femme ne se plaint pas et ne demande pas de privilèges spéciaux. Elle ne réclame rien personnellement. Elle m'exhorte simplement, ainsi que les autres députés, à mettre un terme à la discrimination dans cette industrie comme dans d'autres. Elle termine sa lettre en demandant à tous les députés d'adopter le projet de loi C-64. Elle dit: «Lorsque vous examinerez le projet de loi C-64, pensez à ma nièce de cinq ans qui veut devenir constructeur, tout comme moi.»

J'invite tous les députés, des deux côtés de la Chambre, à travailler dans le même esprit que cette jeune femme qui nous demande d'agir comme des bâtisseurs, de bâtir un monde meilleur, un monde plus ouvert et plus juste, afin que tous les Canadiens, hommes et femmes, personnes handicapées, personnes de couleur, quels que soient les obstacles qu'elles aient connus, puissent tous contribuer à bâtir notre pays. C'est la raison de notre présence ici.

Je crois que le projet de loi C-64 nous donne à tous un moyen d'agir en bâtisseurs. J'espère que tous les députés appuieront ce projet de loi.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir, et surtout avec intérêt que j'interviens aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-64 portant sur l'équité en matière d'emploi.

Tel que nous l'avons énoncé auparavant à maintes reprises, le Bloc québécois appuie le principe de l'équité en matière d'emploi. Le Bloc québécois reconnaît également l'importance d'une telle législation et qu'elle soit efficace dans ce domaine.

Pour faire un bref historique, en 1970, dans la foulée du rapport de la commission royale d'enquête sur la situation de la femme, le gouvernement fédéral mettait sur pied ses premiers programmes d'action positive. Ce n'est toutefois qu'en 1984, suite au rapport de la commission sur l'égalité en matière d'emploi, connue sous le nom de Commission Abella, que la base des politiques actuelles d'équité était jetée. Le rapport Abella soulignait la nécessité d'adopter des mesures spéciales pour garantir l'équité des chances à tous et toutes, peu importe leur sexe, leur race, leur origine ethnique ou leur handicap.

Adoptée en 1986, la loi actuelle sur l'équité en matière d'emploi s'applique aux employeurs et aux sociétés d'État assujettis à la réglementation fédérale et qui comptent 100 employés ou plus. La loi exige des employeurs qu'ils améliorent les perspectives d'emploi des groupes désignés: les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles.

(1545)

Elle exige également que les employeurs suppriment les règles et usages qui désavantagent les membres de ces groupes et qu'ils prennent des mesures concrètes pour accroître leur représentation au sein de leur organisation. Les dispositions actuelles prévoient également l'élaboration d'un plan énonçant les objectifs à atteindre au cours de l'année ou des années subséquentes et un échéancier de mise en oeuvre.

Les employeurs doivent enfin déposer, auprès du ministère du Développement des ressources humaines, un rapport annuel contenant tous les renseignements pertinents à l'application de la loi dans leur entreprise. Voilà, en gros, l'état de la législation actuelle sur l'équité en matière d'emploi.

Le projet de loi C-64, dont la Chambre fait aujourd'hui troisième lecture, vient remplacer complètement la loi. Les principales modifications sont les suivantes: la loi s'appliquera également à la fonction publique fédérale; les éléments que doivent contenir les plans d'entreprise seront mieux précisés; la Commission canadienne des droits de la personne devient responsable de la détermination de l'observation par les employeurs de certains articles. Elle se voit confier un pouvoir d'enquête; un tribunal de l'équité en matière d'emploi est aussi prévu.

C'est une version améliorée que nous présente aujourd'hui le gouvernement. Il y a maintenant dix mois, lors du premier débat sur le projet de loi, j'en dénonçais certaines lacunes. Je suis fort aise de constater que les témoins qui se sont présentés devant le comité permanent ont su en convaincre certains d'améliorer le projet de loi.

Il ne faudrait pas non plus oublier les modifications proposées par mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, dont certaines ont été retenues. Il en reste malheureusement deux avec lesquelles le comité n'était pas d'accord et sur lesquelles je reviendrai un peu plus loin.

Contrairement aux dires de mes collègues du Parti réformiste, je crois qu'une législation sur l'équité en matière d'emploi est souhaitable et nécessaire. Laissons parler Mme Glenda Simms, présidente du défunt Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, qui disait, lors de sa comparution devant le Comité permanent en février dernier: «Depuis 1975, nous défendons l'idée que la Loi sur l'équité en matière d'emploi est un moyen d'arriver à l'égalité, pour les femmes, sur le marché du travail. Au cours de la dernière décennie, on a expliqué en détail dans de nombreux rapports gouvernementaux et non gouvernementaux, dans quelle mesure les femmes, en tant que groupe, connaissent des inégalités importantes et systémiques sur le marché du travail, surtout en ce qui concerne la rémunération, les conditions de travail et l'accès à l'emploi. Les femmes ne sont pas évaluées en fonction de leur mérite personnel, mais plutôt en fonction de leur race, de leur sexe ou du fait qu'elles sont handicapées.»

Par conséquent, les femmes sont surreprésentées dans les postes moins rémunérés. Environ 60 p. 100 de toutes les femmes appartenant à la main-d'oeuvre de l'équité en matière d'emploi occupent des postes d'écriture et elles sont considérablement sous-représen-


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tées dans des postes de gestion. Les hommes blancs non handicapés occupent encore 78 p. 100 des postes de gestion de la fonction publique.

En termes d'impacts de la discrimination systémique dont sont victimes les femmes, Mme Simms soulignait: «Il ne faut pas sous-estimer les coût de la discrimination. On a amplement prouvé la corrélation entre sexe et pauvreté au Canada. Un grand nombre d'études réalisées par le gouvernement ont confirmé que les femmes sont plus pauvres que les hommes, et que parmi les pauvres, les femmes handicapées, les femmes immigrantes et celles appartenant à des minorités visibles ainsi que les femmes autochtones sont parmi les plus pauvres.»

Il est faux de dire, comme le prétendait, entre autres, mon collègue d'Edmonton-Sud-Ouest, il y a deux jours, que «c'est de la discrimination à rebours, c'est prétendre qu'on peut trouver du travail, être promu ou engagé en fonction de caractéristiques physiques plutôt que du mérite.»

Cette vision reflète, et vous excuserez la dureté apparente de mes mots, une vision sexiste et machiste de la situation.

Cette vision refuse de voir la réalité en face, celle que vivent des milliers de Canadiennes et Québécoises, de Canadiens et de Québécois. Je parle bien sûr des membres des groupes identifiés par la loi: les femmes, les personnes handicapées, les minorités visibles et les autochtones.

C'est à cette réalité que faisaient référence Mme Simms et bon nombre d'autres témoins qui sont venus représenter leurs collègues de travail moins privilégiés.

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Quelques chiffres illustrent d'ailleurs très bien leurs revendications. Statistique Canada indique que, en 1993, les femmes travaillant à temps complet gagnaient 72 p. 100 du salaire des hommes. Et c'est même la réalité présentement dans la fonction publique fédérale, où les femmes gagnent 72 p. 100 du salaire des hommes. J'espère qu'on va procéder très rapidement à une rectification de cette situation au sein même de la fonction publique fédérale.

Cependant, le revenu moyen des travailleuses immigrées représentait 54 p. 100 de celui des travailleurs immigrés et près de 80 p. 100 des femmes handicapées avaient un revenu annuel de moins de 10 000 $. C'est donc une situation alarmante et nous devons procéder à une telle loi pour rectifier le tir. On sait aussi que les 10 emplois les moins bien rémunérés au Canada sont occupés à 75 p. 100 par des femmes. Selon le Conseil du statut de la femme, la proportion des femmes dans les métiers les moins payants a progressé quatre fois plus que dans les professions les mieux rémunérées. Cet organisme explique cette situation par la division sexuelle du travail, qui a conduit à une sous-évaluation du travail rémunéré des femmes, dont découle naturellement les iniquités salariales.

Les organisatrices de la grande marche québécoise du printemps dernier ont rappelé que cet état de fait, cette inégalité des revenus entre les hommes et les femmes compromet la sécurité économique des femmes maintenant et au moment de la retraite. Quant aux autres groupes désignés, on sait, d'après les données mêmes du ministère du Développement des ressources humaines, qu'ils sont caractérisés par une grave sous-représentation des peuples autochtones et des personnes handicapées et une concentration de leurs membres dans des emplois peu rémunérés. La situation serait particulièrement aiguë pour les autochtones des deux sexes. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une loi sur l'équité en matière d'emploi.

Non contents de dénigrer les fondements mêmes d'une loi sur l'équité dans l'emploi, nos amis réformistes nient allègrement la dure réalité que vivent nos concitoyens et concitoyennes des groupes désignés. Encore il y a deux jours, mon collègue d'Edmonton-Sud-Ouest déclarait: «Ce fondement laisse entendre que les Canadiens sont mesquins, réactionnaires, racistes et portés à faire de la discrimination. Les Canadiens ne sont pas comme cela. Nous ne sommes pas comme cela. Une telle discrimination n'existe pas au travail.» Donc, ils nient le problème.

«Sur les lieux de travail, surtout à l'extérieur de la fonction publique fédérale, les Canadiens sont très progressistes. C'est l'industrie qui donne le pas. Cette loi est parfaitement inutile.» C'est la politique de l'autruche. Et il faut se demander pourquoi un certain segment de la population refuse de reconnaître que leurs concitoyens et concitoyennes sont quotidiennement victimes de discrimination.

La question se pose à savoir si ce ne serait pas parce que ces représentants ne souffrent pas, eux, de la discrimination systémique constatée à répétition par les études dans ce domaine. Règle générale, les hommes blancs s'en tirent assez bien, si on les compare aux autres groupes. Alors, contrairement à ce qu'en pensent certaines personnes, il est nécessaire d'avoir, comme société, une loi favorisant l'équité en matière d'emploi.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, la législation actuelle était déficiente et devait être améliorée, d'où le projet de loi à l'étude. Au Québec, les femmes ont obtenu de leur gouvernement le dépôt prochain d'un projet de loi proactif sur l'équité salariale. En vertu de ce projet de loi, les entreprises auront à créer un mécanisme paritaire d'évaluation des emplois pour identifier ceux qui sont relativement sous-payés. Les entreprises auront ensuite un délai pour ajuster les salaires.

Un document produit par le Comité de la marche Du pain et des roses présentait cette revendication des femmes, par la phrase suivante: «Reconnaissant que la discrimination n'est pas l'exception mais la règle et qu'elle affecte l'ensemble des travailleuses, l'adoption d'une loi proactive est nécessaire.» Les réformistes, dans leurs discours, ne comprennent rien à la réalité québécoise et au type de société dans lequel nous voulons évoluer. S'ils ont la prétention de vouloir venir faire une percée au Québec, ils devraient s'ajuster aux discours, aux réalités québécoises et à ce que nous préconisons comme valeurs sociales dans notre société.

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Bien sûr, il s'agit d'équité salariale, alors que le projet de loi à l'étude porte sur l'équité dans l'emploi. En fait, les deux dimensions sont intimement reliées et visent à diminuer l'écart entre les


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femmes et les hommes, entre les Blancs et les membres des minorités visibles, entre les personnes avec un handicap et celles qui n'en ont pas. Il s'agit d'une question de justice sociale et de politiques gouvernementales qui contribueront à solutionner le problème.

Tel que je l'avais mentionné au début de mon discours, le Bloc québécois a proposé deux amendements qui n'ont pas été retenus, malheureusement, par le Comité et qui auraient, à notre avis, amélioré le projet de loi.

Le premier amendement concerne l'article 14 du projet de loi et porte sur l'élaboration du plan d'équité. Nous aurions préféré que le plan soit élaboré conjointement par l'employeur et les employés. Dans son état actuel, l'employeur ne se voit confier qu'une obligation de consulter les représentants des employés, ce qui, à notre avis, semble nettement insuffisant.

Les porte-parole de l'Association nationale de la femme et le droit ont, elles aussi, noté les rares possibilités qui s'offrent aux employés, à leurs représentants et aux membres des groupes désignés de participer à la conception et à la mise en place des plans d'équité en matière d'emploi. Nous déplorons leur absence dans ce processus.

De même, nous avions suggéré que le plan d'équité soit affiché dans les aires communes du milieu de travail, et ce, à des fins d'information des employés.

Enfin, nous croyons qu'il serait certainement conforme à l'esprit de la loi qu'au sein du tribunal, constitué de trois personnes, siège au moins un représentant des travailleurs et travailleuses des catégories désignées. Je pense qu'il est essentielle qu'une de ces personnes soit désignée pour siéger à un tel tribunal. L'Association nationale de la femme et le droit s'est étonnée de l'absence d'une telle mesure dans le projet de loi.

Elle a également recommandé que tant les agents d'application que les membres des tribunaux soient spécialisés dans le domaine de l'équité en matière d'emploi et soient des représentants de groupes désignés.

Ce serait, pour traduire une expression anglaise bien connue, «mettre notre argent où est notre bouche», soit, en anglais, «put your money where your mouth is».

Pour les femmes surtout, l'enjeu est majeur, ainsi que pour tous les autres groupes désignés également. Mme Simms, présidente du défunt Conseil consultatif sur la situation de la femme, l'a d'ailleurs très bien exprimé lors de sa présentation en concluant que: «le Conseil exhorte le gouvernement à suivre la recommandation pour s'assurer que l'équité en matière d'emploi réussit à donner aux femmes la possibilité, dénuée de préjugés et de sexisme, de faire leurs preuves sur le marché du travail et, du même coup, de montrer qu'elles ont le droit à la dignité, au respect et à l'équité dans notre société.» Et cela s'avère tout aussi bien pour les autres groupes désignés. Ce qui est bon pour les femmes est aussi bon pour les autochtones, les handicapés et les minorités visibles. Nous devons avoir cette sensibilité.

J'invite ainsi tous les membres de cette Chambre à appuyer toute mesure de justice sociale qui tend à diminuer l'écart entre les plus démunis et les mieux nantis. Il est dommage de constater que nous soyons encore à débattre l'adoption d'une telle loi alors que, à mon avis, les énergies devraient être plutôt concentrées à la mise en oeuvre de mesures correctives pour que les groupes visés atteignent un jour l'égalité et que la discrimination soit une chose du passé.

Il faut aspirer à ce que toute personne puisse avoir accès à un emploi bien rémunéré, qu'elle ne subisse aucune discrimination et que les conditions de travail soient adaptées pour certaines personnes afin qu'elles puissent évoluer dans un milieu de travail. Nous devons également aspirer à l'égalité des chances et à l'équité au travail.

En terminant, j'aimerais demander ceci au gouvernement: Comment ce gouvernement pourra-t-il appliquer une telle loi, qui est louable en soi? Pour avoir participé à la conférence à Beijing, je sais que le gouvernement a annoncé qu'un plan d'action sera mis sur pied pour évaluer, selon les sexes, toutes les politiques qui seront prises, et ce, ministère par ministère.

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Donc, avec la nouvelle réforme des programmes sociaux, qui n'a pas encore été annoncée mais qui le sera probablement après le référendum, j'aimerais savoir si on a mesuré l'impact d'un tel plan d'action, d'une telle loi sur la réforme des programmes sociaux, et comment ce plan d'action affectera les gens. Il me semble que cela va de soi. On sait très bien que les femmes, les handicapés, les minorités visibles, avec la nouvelle loi sur la réforme des programmes sociaux qui s'en vient, sont ceux et celles qui auront, justement, à payer pour toutes les coupures qu'on s'attend à faire dans la fonction publique. Donc, le projet de loi est louable, mais les efforts du gouvernement seront-ils à la mesure de cette loi?

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les dissertations de mes collègues d'en face.

Je tiens tout de suite à préciser, au nom de mon parti, que nous n'atribuons pas de motif négatif aux libéraux pour avoir présenté cette mesure législative. En fait, nous sommes persuadés qu'ils croient foncièrement bien faire. Nous pensons seulement que cette mesure législative est stupide, inutile et contraire au but recherché.

Nous ne leur attribuons pas de motif négatif, si ce n'est que, intrinsèquement, ils souhaiteraient vivre dans un monde parfait, ce qui n'est pas le cas. On ne peut rendre le monde parfait au moyen d'une mesure législative. Peut-être est-il possible de rapprocher le monde de la perfection grâce à l'éducation, mais il y a des choses dans la vie que ne peut tout simplement pas accomplir une mesure législative et celle-ci est l'une d'elles.

Malheureusement, le fondement de l'équité en matière d'emploi ou de l'action positive dans notre pays présupposent que, d'une certaine façon, les Canadiens ont été, sont et seront toujours, d'une manière ou d'une autre, des gens à l'esprit méchant, des gens qui


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font de la discriminination les uns contre les autres. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas le cas.

Plus tôt, cet après-midi, le ministre a dit que le milieu des affaires était en faveur de l'équité en matière d'emploi et que c'était l'avis des personnes qui avaient comparu devant le comité. Lorsque des gens sont invités à comparaître devant un comité pour présenter un mémoire sur un sujet comme l'équité en matière d'emploi, que sont-ils censés faire? Sont-ils censés dire qu'ils ne croient pas au concept d'équité en matière d'emploi, autant discriminer contre les autres? Bien sûr que non.

Dans notre pays, le monde des affaires est très progressiste. Il est très en avance sur le gouvernement. En fait, l'entrepreneur moyen n'a jamais reçu la visite d'un agent de police de l'équité en matière d'emploi aux termes de la loi en vigueur. La conduite de la plupart des Canadiens, y compris la plupart des gens d'affaires, est guidée par un intérêt personnel éclairé. Comme je le disais l'autre jour, il n'y a là rien de mal, c'est efficace.

Au cours des quelques minutes dont je dispose aujourd'hui, j'aimerais contrer certains des arguments présentés en faveur de l'action positive ou équité en matière d'emploi et expliquer ce qui risque d'arriver lorsque cette mesure législative aura pris la société canadienne dans son étau.

La disposition la plus importante du projet de loi C-64 donne un fondement législatif à l'action positive dans la fonction publique fédérale y compris la GRC, les forces armées, les agences de sécurité publiques, les entreprises à charte fédérale et toute entreprise ayant au moins 100 employés et faisant affaire avec le gouvernement fédéral. Ça en fait du monde tout ça. Quelqu'un a-t-il calculé le nombre d'agents de la police de l'équité en matière d'emploi qu'il faudra pour s'assurer que ça marche?

De par sa nature, ce projet de loi constitue une ingérence dans les affaires du secteur privé. Aux termes de ce dernier, un employeur est obligé de se soumettre à une vérification de la conformité à l'équité en matière d'emploi faite par un agent agissant au nom de la Commission des droits de la personne.

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D'après les résultats de cette vérification, la Commission canadienne des droits de la personne peut ordonner qu'un employeur se conforme aux dispositions de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. S'il ne se conforme pas à cette directive, un employeur peut être passible d'une amende, à l'initiative du ministre responsable pour l'administration de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, pouvant atteindre 50 000 $. On ne sait pas encore qui sera le ministre responsable, mais nous supposons que ce sera le ministre des ressources humaines.

Il est important de remarquer que les députés libéraux et les députés du Bloc utilisent le plus souvent équité en matière d'emploi, alors que vous entendrez les députés de notre côté parler d'action positive. Les libéraux n'aiment pas beaucoup utiliser l'expression «action positive», parce qu'elle n'est pas particulièrement bien vue, même par ceux qui sont censés en avoir profité, il y a trente ou quarante ans, principalement aux États-Unis.

Aux dernières élections en Ontario, la notion d'action positive a été solidement défaite lorsque les néo-démocrates ont été déchus du pouvoir par les conservateurs qui disaient dans leur programme électoral qu'ils se débarrasseraient de la loi sur l'équité en matière d'emploi.

Cela nous conduit à nous demander pourquoi le gouvernement libéral d'en face présente cette mesure législative maintenant. Il faut bien reconnaître qu'ils croient, au plus profond d'eux-mêmes, qu'ils font ce qui est juste et c'est pour cela qu'ils vont aller de l'avant contre vents et marées. Qu'importe les torpilles, car torpilles il y aura lors des prochaines élections. Ils devront alors expliquer pour quelles raisons ils ont inscrit dans la loi le principe de la discrimination inverse et l'ont codifié à la grandeur du pays.

Les libéarux auront, par le truchement de cette mesure législative, semé des germes de ressentiment qui brûleront dans le ventre de milliers et de milliers de personnes qui auront été privées d'une possibilité qui leur appartenaient à juste titre. Elles seront privées de cette possibilité parce qu'il y a aura un quota établi en fonction de la race, du sexe. En voyant cela, les gens se demandent si nous vivons encore dans un pays libre. Est-ce bien ce que veut dire l'article 15 de la Charte des droits et libertés où on peut lire en toutes lettres que les Canadiens sont tous égaux, quel que soit leur race, leur croyance ou leur sexe? Bien sûr, il y a le paragraphe suivant à propos des groupes désignés qui autorise l'introduction de cette loi ou d'autres mesures législatives de ce genre.

L'opposition fondamentale entre l'action positive et l'équité en matière d'emploi, la juge Rosalie Abella l'a bien expliquée il y a une dizaine d'années. La commission royale a recommandé une loi sur l'équité en matière d'emploi de préférence à une loi en faveur de l'action positive parce que l'action positive, l'expression «action positive», avait si mauvaise presse à cause de sa totale inefficacité.

On ferait bien de ne pas l'oublier. On a beau lui accoler toutes sortes d'étiquettes, l'action positive sera toujours l'action positive. Le loup peut bien revêtir une peau d'agneau, ses longues oreilles finiront tôt ou tard par poindre. On a beau la dissimuler sous d'autres vocables, l'action positive ne donnera jamais les résultats escomptés.

Les députés d'en face laissent entendre que les mesures législatives d'équité en matière d'emploi ou d'action positive ont leur origine dans la sociologie appliquée et dans le phénomène de l'accélération forcée due aux changements démographiques. J'aimerais maintenant présenter une intéressante série de données statistiques.

La situation démographique du Canada change rapidement. Compte tenu de sa composition actuelle, la Chambre ne reflète pas la situation démographique mouvante de notre pays. Si nous regardons autour de nous, à la Chambre, nous constatons que la vaste majorité des députés du Parti libéral, du Bloc et du Parti réformiste qui représentent des circonscriptions sont des hommes de race


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blanche et d'âge moyen. Ce n'est pas notre faute; les choses changent. Elles changent lentement, mais elles changent.

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Selon le recensement de 1991, 9 p. 100 des Canadiens âgés de 15 ans ou plus, soit 1,9 million de personnes, font partie des minorités visibles. Sur les 9 p. 100 ou 1,9 million de personnes qui font partie des minorités visibles au Canada, seulement 15 p. 100 sont nées au Canada. Un très petit nombre sont nées au Canada. Trente-cinq pour cent des membres des minorités visibles au Canada sont arrivés depuis 1983. Soixante-sept pour cent de tous les membres des minorités visibles au Canada sont arrivés depuis 1972.

Le Canada est un pays depuis une période relativement courte, depuis quelque 130 années, mais ce n'est qu'au cours des 30 dernières ans que la composition démographique des minorités visibles a réellement changé au Canada. Il est mal de laisser entendre qu'il y a une discrimination systémique dans notre pays. Nous n'avons pas eu l'occasion d'en avoir.

La composition démographique des employés, à tous les niveaux, dans un pays vieux de 128 ans ne peut être changée radicalement à la suite de changements sociaux et démographiques survenus sur une période de 30 ans, et plus particulièrement, au cours des 12 dernières années. Ces changements se produiront, mais il faudra attendre au moins une ou deux générations, si on les laisse se produire sans qu'une mesure en ce sens soit imposée par la loi. Comme je l'ai déjà dit, si nous regardons la composition démographique de la Chambre des communes, nous constaterons que c'est le cas.

Si l'on tente de faire correspondre la composition de la main-d'oeuvre à celle de la population, c'est-à-dire que, s'il y a x pour cent d'un groupe racial précis, x pour cent de ce groupe doit faire partie d'une profession pour qu'il y ait équité, il faudrait émettre l'hypothèse déraisonnable que la durée de résidence et l'étendue de l'expérience de travail au Canada n'ont rien à voir avec le droit de faire partie de la population active ou les considérations liées à la promotion. N'est-il pas logique que le taux de participation à la population active et le taux d'avancement professionnel soient fonction du nombre d'années de résidence au Canada ou des connaissances du pays?

Sans parler du fait que tous les organismes gouvernementaux traités dans ce projet de loi et beaucoup d'entreprises privées ont une main-d'oeuvre syndiquée où les employés ont des difficultés à avoir des promotions ou des mutations et sont embauchés ou congédiés au gré des syndicats. Cela n'a rien à voir avec la direction. C'est le syndicat qui décide. Il s'agit de savoir qui est arrivé le premier.

Parlons de buts et d'objectifs. Posons-nous la question: les buts sont-ils des objectifs et sont-ils en réalité des quotas? D'aucuns se sont élevés contre le fait que des députés de ce côté-ci disaient que les objectifs étaient des quotas. En vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, l'employeur n'est pas tenu d'engager une personne non qualifiée ni de lui accorder une promotion. On le dit dans le projet de loi, et je le reconnais. Les employeurs ne sont pas obligés de faire cela ou de créer des postes et la Commission canadienne des droits de la personne ne peut imposer à un employeur des quotas, c'est-à-dire la nécessité d'engager un nombre fixe ou arbitraire de personnes durant une période donnée ou de leur accorder une promotion.

Cependant, voilà où le bât blesse. Lorsque les groupes désignés sont sous-représentés, l'employeur doit préparer un plan dans lequel on établit des objectifs quantitatifs à court terme pour l'embauchage et la promotion de membres de groupes désignés, ainsi que des objectifs à long terme pour ce qui est d'accroître leur représentation.

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Un instant. Est-ce que je ne viens pas de dire qu'il n'est pas question de quotas? Il s'agit pourtant d'établir des objectifs quantitatifs. Qu'est-ce qu'un objectif quantitatif sinon un quota?

Si, de l'avis de l'enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne, un employeur n'a pas fait d'efforts raisonnables, il peut avoir à payer une amende de 50 000 $. Cela ressemble à un quota, pour moi. Si cela a toutes les apparences d'un quota, si cela a les mêmes résultats, il y a de fortes chances pour que ce soit un quota. Peu importe qu'on appelle cela l'équité en matière d'emploi, il s'agit toujours d'action positive. Peu importe qu'on parle de buts ou d'objectifs quantitatifs, si on limite le nombre, c'est un quota. Ce ne peut être que cela.

Au cas où quelqu'un penserait que des quotas ne sont pas déjà en vigueur dans le cadre de la procédure d'embauchage du gouvernement, essayez simplement de vous faire engager par la GRC, comme un de mes électeurs d'Edmonton l'a fait. Il s'appelle Barry Ceminchuk. Il vit à Edmonton. Il m'a appelé pour me dire ceci: «Je vous demande de parler de mon problème. J'ai voulu obtenir un emploi de la GRC, mais on a même refusé ma demande.» La GRC ne l'accepte même pas, alors il a fait certaines recherches.

Voici dont les renseignements tirés du guide sur l'équité en matière d'emploi du ministère de la Justice. N'est-il pas incroyable que ce ministère ait un guide sur l'équité en matière d'emploi?

Aux téléspectateurs qui suivent nos travaux, je vais expliquer pourquoi, au prochain recensement, on pourrait demander à chacun son origine raciale. On demande l'origine raciale pour pouvoir vérifier, dans le cadre des études démographiques, si les entreprises locales emploient suffisamment de membres des diverses races qui sont représentées dans la région géographique. Voilà la raison.

Cela vient du ministère de la Justice. Nous n'avons pas les quotas, mais nous avons leurs objectifs d'équité en matière d'emploi. Au printemps 1991, le Conseil du Trésor a mis en oeuvre une nouvelle stratégie pour établir ces objectifs, afin d'assurer une représentation et une distribution équitables des groupes désignés au sein du ministère. La nouvelle stratégie est basée sur le roule-


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ment, c'est-à-dire qu'elle met l'accent sur une répartition équitable des groupes désignés au niveau du recrutement et des promotions.

On y donne la liste des groupes désignés et on explique quels sont les quotas-qui ne sont pas des quotas-pour les femmes. Dans la catégorie scientifique et professionnelle, le recrutement est fixé à 43,8 p. 100 et les promotions, à 43,6 p. 100. Dans la catégorie de l'administration et du service extérieur, c'est 39,9 p. 100 pour le recrutement et 66 p. 100 pour les promotions. Au ministère de la Justice, dans la catégorie du soutien administratif, la situation favorise les femmes, mais pas les hommes, parce que les femmes auront droit à 93 p. 100 des promotions.

Les gens d'en face applaudissent. Il importe peu de savoir qui est la personne la plus qualifiée, l'avancement est en fonction du sexe. C'est insensé.

Ma fille est une femme qualifiée et compétente. Elle enrage chaque fois qu'on laisse entendre qu'elle progresse dans sa carrière ou qu'elle a un emploi parce qu'elle est une femme et qu'il y a un programme d'équité en matière d'emploi ou d'action positive. Elle travaille en génie électrique, c'est un domaine à prédominance masculine. Ma fille a réussi parce qu'elle est vraiment une excellente ingénieure en électricité. Sa réussite n'a rien à voir avec le fait qu'elle soit femme. Si elle fait sa marque, c'est à cause de son professionnalisme. Elle sort de ses gonds quand une féministe la traite de victime. Elle n'a rien d'une victime.

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Quoi qu'il en soit, continuons de parler. Parlons donc de qualifications. Le projet de loi dit à l'article 6 que l'employeur n'est pas obligé d'engager ou promouvoir des personnes non qualifiées. Mais le corollaire, c'est que l'employeur n'a pas la liberté d'engager automatiquement le candidat le plus qualifié. La notion de «personne la plus qualifiée» n'a rien à voir avec les préjugés systémiques. Ce projet de loi élimine en grande partie la subjectivité dans l'embauche. Or, on ne peut pas dicter des attitudes en légiférant.

Il y a pas mal de remous en face. Les députés ne sont pas du tout à l'aise parce qu'ils savent qu'ils devront sous peu justifier cette mesure draconienne.

Mme Clancy: Je suis on ne peut plus à l'aise. Vous ne vous faites pas idée à quel point je suis à l'aise.

M. McClelland: Ils vont essayer de faire passer ce truc lamentable pour une merveille, et ils vont avoir du mal. Je leur souhaite bonne chance. Lorsqu'ils essaieront de monter ce bateau aux électeurs, les torpilles vont venir de tous les côtés.

D'une certaine façon, j'ai hâte de voir ce projet de loi décoller, parce que le gouvernement devra subir les conséquences. C'est un peu comme le chien qui court après une voiture. Que fait-il lorsqu'il la rattrape? Mes collègues d'en face vont rattraper cette voiture aux prochaines élections.

Parlons maintenant de statistiques et de législation sur l'équité en matière d'emploi. Supposons que la loi repose sur des statistiques erronées. Une bonne partie du travail d'application exigera de s'identifier. Quand le contrôleur de l'action positive se rendra visiter une entreprise et distribuera un formulaire à remplir, les répondants seront tenus de s'identifier. Quiconque essaiera d'obtenir un emploi dans la fonction publique devra maintenant décliner son origine raciale et son appartenance, le cas échéant, à un groupe minoritaire. Tout cela est prescrit dans la loi.

Le contrôleur de l'équité en matière d'emploi va obliger les gens à s'identifier. Je ne sais pas si nous mettons simplement cette mesure à l'essai parce que la Chambre des communes est un endroit vraiment progressiste ou s'il s'agit d'une loi d'essai. Lorsque nous en avons fait l'essai, la Chambre des communes comptait 1 700 employés. Le taux de réponse a été de 23 p. 100, et la moitié seulement des répondants ont dit qu'ils appartenaient à un groupe désigné.

Les gens n'aiment pas s'identifier. Ce fait a d'ailleurs été reconnu dans le document du ministère de la Justice que j'ai cité tout à l'heure. Il parlait de l'efficacité de la déclaration volontaire.

Je me permets de citer un passage du guide du ministère de la Justice concernant l'équité en matière d'emploi: «L'efficacité du processus de déclaration volontaire est douteuse. Le Conseil du trésor est en train d'examiner le processus pour l'améliorer. Il y aura toujours un certain nombre de personnes qui préféreront ne pas s'identifier comme membres d'un groupe-cible pour diverses raisons. Une des raisons les plus fortes tient à la crainte de passer pour un employé symbolique, de ne pas être considéré comme quelqu'un qui a été embauché pour ses qualifications ou parce qu'il a mérité son poste.» Cela vient du ministère de la Justice.

Celui qui a rédigé ce projet de loi au ministère de la Justice a dû avaler des Tums toute la journée, car cela a dû être une journée de travail longue et difficile.

Il est intéressant de noter que le nombre des Canadiens qui ont déclaré une incapacité a augmenté de 30 p. 100 entre le recensement de 1986 et celui de 1991. Nous devons nous demander ce qui explique cette hausse de 30 p. 100 du nombre des gens qui ont déclaré souffrir d'une incapacité au cours de cette période de cinq ans. Comment expliquer cette hausse, étant donné que les gens ont tendance à faire de fausses déclarations sur les formulaires d'auto-identification? Au risque de paraître mesquin aux yeux de certains, je crois que des gens pourraient déclarer appartenir à l'un des groupes désignés simplement pour pouvoir avoir une chance d'obtenir une promotion ou un emploi.

(1625)

M. Bevilacqua: Voyons donc.

M. McClelland: Cela pourrait arriver. Imaginez, il y a des gens qui pourraient se dire: «Comment pourrais-je m'y prendre pour obtenir un emploi dans cette firme? Je sais que j'ai les mêmes compétences que la vaste majorité des candidats. Comment vais-je


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pouvoir décrocher un emploi? Je devrai peut-être me déclarer membre d'un de ces groupes.»

Cela m'amène à parler d'une anomalie dans la notion des minorités visibles et des groupes défavorisés. Selon Statistique Canada, les Canadiens d'origine japonaise figurent parmi les Canadiens touchant les revenus les plus élevés et ayant les plus hauts niveaux de scolarité. Pourtant, aux termes de ce projet de loi, ils pourraient être considérés comme des membres d'un groupe défavorisé. Essayez d'y comprendre quelque chose. Cela vous semble-t-il logique?

Il y a un silence éloquent de l'autre côté de la Chambre. Donnons-leur quelques instants pour réfléchir à la question. Il y a, au Canada, un groupe démographique dont les membres affichent le plus haut niveau de scolarité et touchent les revenus moyens les plus élevés, mais peuvent aussi se déclarer membres d'un groupe défavorisé à cause de la couleur de leur peau.

M. Bevilacqua: Quelle est la situation réelle des minorités visibles?

Mme Clancy: Parlez-nous des minorités visibles.

M. McClelland: Un instant. Considérons un dernier cas. Parlons des Canadiens d'origine portugaise. Fait intéressant, les Canadiens d'origine portugaise n'ont pas le même niveau de revenu que les Canadiens d'origine japonaise, mais devinez quoi? Ils ne forment pas une minorité visible, car ils ne sont pas d'une couleur différente. Malédiction des malédictions, disgrâce des disgrâces, ils sont blancs. Ils ne sont donc pas admissibles, conformément à la loi. Cela a-t-il le moindre sens? Voilà pourquoi on a tort d'établir, dans une société libre et démocratique, une loi fondée sur la race, la couleur, la croyance ou le sexe. Cela n'a absolument pas sa place.

Ce qu'il faudrait faire, dans notre société, c'est s'assurer que la commission des droits de la personne fonctionne de telle sorte que, lorsque des personnes sont victimes pour une raison ou pour une autre de discrimination, elles aient un endroit où aller, peu importe leur orientation sexuelle, leur couleur ou leur sexe.

Parlons de lois inutiles dans notre pays. Ici même, sur la colline du Parlement, on est à réaliser un projet de réfection des immeubles qui prendra dix ans et coûtera 100 millions de dollars. Une femme travaillait sur le chantier de construction. Elle a été congédiée parce qu'elle est une femme et qu'un des hommes ne voulait pas travailler avec elle. Elle a porté son cas devant la Commission des droits de la personne, qui l'a renvoyée à la commission provinciale des droits de la personne.

Si l'on veut accomplir quelque chose, on devrait faire cause commune, se donner une commission des droits de la personne qui ait de vrais pouvoirs, réaliser un semblant d'uniformité entre les lois fédérales, provinciales et municipales sur les droits de la personne et sur les droits de la personne au travail.

Nous ferions oeuvre utile. Si quelqu'un est victime de discrimination au Canada, que fait-il? Il est absolument laissé à lui-même. Il doit faire la queue devant ces commissions pendant six mois à un an avant d'être entendu. C'est là-dessus que nous devrions concentrer nos efforts. Nous pourrions expliquer aux gens pourquoi c'est mal d'exercer de la discrimination pour quelque raison que ce soit. Il n'est pas nécessaire de légiférer pour cela.

Il faut ensuite nous assurer que les victimes de discrimination sous toutes ses formes ont des recours. Ce n'est pas le cas actuellement. Ce n'est pas un acte criminel. On peut exercer de la discrimination contre n'importe qui; il ne s'agit pas d'une infraction criminelle. Il faut faire des pirouettes pour obtenir satisfaction. Nous devrions faciliter les choses aux victimes au lieu d'agir ainsi. C'est ridicule.

(1630)

Puisque c'est la commission des droits de la personne qui sera chargée d'appliquer ces dispositions, combien d'argent lui faudra-t-il pour pouvoir s'acquitter de ces fonctions? Que fait-on pour aider la Commission canadienne des droits de la personne et M. Yalden à faire leur travail? Déposez une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne aujourd'hui et voyez combien de temps il faudra avant que vous n'obteniez satisfaction. Confiez la responsabilité à cet organisme et voyez combien de temps il lui faudra pour se rendre du point A au point B.

Réfléchissons à cela. Pensons aux dernières dispositions législatives sur l'équité en matière d'emploi que la Chambre a adoptées et voyons ce qui a été fait partout au Canada pour y donner suite. Absolument rien n'a été fait. Qu'arrive-t-il quand quelqu'un qui estime avoir été victime de discrimination se tourne vers la commission des droits de la personne? Celle-ci ne fiche rien. Il n'y a rien qui se produit là. Que faisons-nous alors? Nous adoptons de nouvelles dispositions législatives qui n'ont aucun effet. Les libéraux défendent ces beaux principes en paroles pour pouvoir renforcer leur position en disant qu'ils sont de grands bienfaiteurs et qu'ils se sont occupés de tous ces groupes cibles. Eh bien, les libéraux ne sont pas leurs grands bienfaiteurs.

M. Bevilacqua: C'est vous qui l'êtes.

M. McCLelland: Les députés d'en face disent, sarcastiquement j'imagine, que je le suis. Monsieur le Président, je considère cela comme un compliment, car je le suis effectivement. Je vais aborder ces questions honnêtement et sans détour. Je n'userai jamais de faux-fuyants.

Mme Clancy: Je n'ai jamais fait cela de ma vie.

M. McClelland: Les députés d'en face me chahutent. J'ai du mal à ne pas rire parce que certains de leurs cris sont assez drôles. Les gens qui regardent à la télévision ne peuvent pas entendre ce qu'ils disent; je vais donc essayer de faire comme si je ne les entendais pas.

Je vais terminer mon intervention en lançant un défi à nos vis-à-vis, les libéraux. Ils contrôlent tout à la Chambre. Ils forment la majorité. S'ils s'opposent à une mesure, ils n'ont qu'à la rejeter. En fait, ce ne sont pas vraiment les libéraux, c'est le Cabinet. Ce n'est peut-être même pas le Cabinet, c'est le bureau du premier ministre. Ce n'est peut-être même pas le bureau du premier ministre non plus, mais une ou deux personnes qui se demandent comment faire pour que le premier ministre soit réélu.

Quoi qu'il soit, peu importe qui tire les ficelles chez nos vis-à-vis, je leur lance un défi: appliquez la loi sur l'équité en matière


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d'emploi à la Chambre des communes. Pourquoi la Chambre des communes est-elle exclue de ce projet de loi?

M. Clancy: Cela va pour moi.

M. Bevilacqua: Êtes-vous d'accord?

M. McClelland: Le député d'en face dit d'élargir la portée du projet de loi. Je leur lance un défi: appliquez la loi sur l'équité en matière d'emploi à la Chambre des communes.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement, ce soir: l'honorable député de Lévis-Les subventions gouvernementales; et l'honorable député de Halifax-Ouest-Les affaires étrangères.

Nous allons maintenant procéder à la prochaine étape du débat, ce qui va permettre aux députés de disposer d'un maximum de 20 minutes pour leurs discours, sujets à une période de 10 minutes de questions et commentaires.

[Traduction]

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais avoir le temps de répondre à mon collègue point par point. Ce n'est peut-être pas permis, mais je le ferai au comité dont il est membre.

J'interviens dans le débat de troisième lecture sur le projet de loi C-64 pour faire connaître à la Chambre les sentiments des électeurs de Winnipeg-Nord, ma circonscription. Ce projet de loi, qui a trait à l'équité en matière d'emploi, reflète l'âme de notre nation. Il traite d'égalité, une valeur qui nous est commune. Il témoigne de notre humilité parce que nous reconnaissons l'existence d'inégalités. Il démontre l'imagination dont notre peuple peut faire preuve lorsqu'il s'agit de trouver des solutions aux problèmes.

La discrimination systémique demeure un problème endémique, un mal national, un obstacle à l'égalité des chances dans l'emploi. Dans les années 1960, la discrimination dans l'embauchage était vue comme un problème de relations humaines, le résultat de la malveillance et de préjugés. C'est pourquoi une loi sur les droits de la personne a été promulguée, mais elle n'a pas permis de régler le problème global. Le Parti réformiste voudrait aujourd'hui que nous revenions en arrière et renoncions aux progrès accomplis.

(1635)

Les programmes d'action positive volontaires ont été tentés dans les années 1980, mais ils n'ont pas donné les résultats attendus. Les femmes, les autochtones, les minorités visibles et les personnes handicapées demeurent défavorisés, ils connaissent un taux de chômage moyen supérieur et les membres de ces groupes qui travaillent occupent souvent des emplois des catégories les moins bien rémunérées et accèdent rarement aux postes supérieurs de gestion.

Il est rapidement devenu évident pour les dirigeants nationaux que la discrimination ne résultait pas seulement de préjugés conscients, mais également de méthodes et de systèmes d'embauchage dépassés. En d'autres mots, une politique d'emploi en apparence non discriminatoire diminuait les possibilités d'emploi de certaines personnes en raison de leur race, de leur sexe, de la couleur de leur peau et de leur état de santé. L'expression «discrimination systémique» renvoie à ce genre d'obstacle à l'égalité qui n'est pas volontaire.

La persistance du problème a secoué la conscience nationale juste au moment où le Canada entrait dans une nouvelle ère. En 1982, la Constitution canadienne était ramenée de Londres et la Charte canadienne des droits et libertés voyait le jour.

Au paragraphe 15(1) de la charte, il est dit que tous les Canadiens ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi. Quelle puissante déclaration nationale d'égalité dont nous pouvons tous être fiers.

Sans doute conscients de l'existence d'injustices involontaires en milieu de travail et de la nécessité d'éliminer ces injustices, les rédacteurs de la charte ont voulu s'assurer que les futurs gouvernements canadiens ne seraient pas entravés dans leurs efforts en vue d'élaborer des programmes visant à traiter ce mal social.

Ils ont donc ajouté le paragraphe 2 à l'article 15. Ce paragraphe autorise le gouvernement à élaborer des programmes destinés à donner des chances égales aux personnes défavorisées dans notre société. Il autorise le Parlement à adopter des lois visant à assurer l'égalité d'accès à l'emploi pour les groupes défavorisés. Il n'est pas question de préférence ni de supériorité, mais bien d'égalité. Ces lois résisteront à toute contestation d'inconstitutionnalité.

Ces deux paragraphes dans un article de la charte reflètent l'ingéniosité des Canadiens, notre recherche d'égalité et la prévoyance dont nous faisons preuve en tant que nation dans notre législation sociale. Cet article permet au Canada de reconnaître et de respecter les différences entre ses citoyens et d'en tenir compte.

L'égalité en milieu de travail ne peut pas et ne doit pas être synonyme d'un traitement identique pour tous. L'égalité veut également dire qu'il faut améliorer la situation des individus ou groupes défavorisés, ce qui nécessite parfois qu'on les traite différemment. Par conséquent, les femmes ont droit au congé de maternité, pour donner un exemple, mais pas les hommes.

Se fondant sur ces principes désormais consacrés dans la charte des droits et libertés et voulant mettre fin à la discrimination généralisée, le gouvernement libéral de l'époque a vite formé la Commission sur l'égalité en matière d'emploi. Présidée par le juge Rosalie Abella, la commission a publié son important rapport, intitulé Égalité en matière d'emploi, en 1984. Dans son rapport, la commission confirmait que les pratiques discriminatoires, intentionnelles ou non, avaient le même résultat: un emploi inférieur, un salaire inférieur ou pas d'emploi du tout.

La commission confirmait que certains systèmes et certaines pratiques pouvaient avoir un effet néfaste sur certains groupes au sein de notre société. Elle a donc recommandé une approche systémique pour corriger la situation. C'est ce qui a mené à l'adoption de la Loi sur l'équité en matière d'emploi de 1986. Cette loi a contribué


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à faire avancer l'équité en matière d'emploi, mais pas suffisamment.

Le gouvernement fédéral actuel savait cela avant son accession au pouvoir en octobre 1993. Il a par conséquent demandé et obtenu de la population canadienne le mandat d'étendre l'application de la loi au secteur public fédéral et d'y inclure un mécanisme pratique qui la rendrait exécutoire. Le gouvernement a voulu remplir ce mandat et faire avancer la cause de l'égalité en matière d'emploi au travail sans ajouter un lourd fardeau aux employeurs et aux entreprises.

(1640)

Le projet de loi C-64, déposé à la Chambre des communes le 12 décembre 1994 et modifié au comité et à l'étape du rapport, fait partie de notre programme national. J'ai eu l'honneur de présider, plus tôt cette année, le Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, qui a effectué une étude approfondie de l'équité en matière d'emploi et a entendu les opinions des Canadiens d'un océan à l'autre.

Nous avons entendu 52 associations et particuliers et reçu 18 mémoires. Les opinions des employeurs, des syndicats, des groupes désignés et de nombreux Canadiens intéressés sont représentées équitablement dans les témoignages recueillis par le comité.

Je suis heureux de faire part à la Chambre, à mes électeurs et à mes concitoyens canadiens d'une partie de ce que les témoins nous ont dit.

Le chef de l'Assemblée des premières nations, M. Ovide Mercredi, a déclaré que le Canada est souvent présenté comme un pays qui croit dans l'égalité des chances, mais que lorsqu'on y regarde de plus près on constate que l'égalité n'est pas pour les autochtones.

Le Congrès des peuples autochtones a déclaré qu'il soulignait la forte participation des autochtones sur le marché du travail pour montrer que ces derniers veulent travailler, mais que la structure de l'économie canadienne semble les condamner à n'être que des spectateurs.

L'Association nationale de la femme et du droit a affirmé: «La situation consternante dans laquelle les femmes se trouvent sur le plan de l'emploi et de l'économie est évidente. En règle générale, ce sont des femmes qui occupent la plupart des emplois à court terme et elles sont cantonnées dans les emplois de soutien peu rémunérateurs du secteur des services et de l'administration.»

Le Conseil ethnoculturel du Canada, un regroupement de 37 groupes ethniques des quatre coins de notre pays, considère que: «La réalité, à l'heure actuelle, c'est que les minorités visibles sont sous-employées dans l'ensemble de notre main-d'oeuvre. C'est révélateur pour l'économie canadienne et l'avenir de notre pays.»

L'Association canadienne des paraplégiques a émis l'opinion suivante: «Il est clair que les personnes handicapées se butent encore à de nombreux obstacles dans le monde du travail . . . tant qu'on n'accordera pas plus d'attention aux programmes d'études, de formation et de perfectionnement conçus pour les personnes handicapées, ce sera illusoire de croire à une représentation raisonnable de ce groupe dans l'ensemble de la main-d'oeuvre canadienne.»

On constate aisément le ton désespéré des arguments présentés par seulement quelques-uns des nombreux groupes qui sont venus témoigner, parmi les groupes défavorisés.

L'Institut professionnel de la fonction publique signale que: «En s'assurant que tous les secteurs d'emploi relevant de la compétence fédérale témoignent de la diversité de la population canadienne, le gouvernement du Canada permet d'enrichir le milieu de travail de toutes les personnes intéressées.»

Le représentant du Centre de la sécurité des télécommunications nous a dit: «J'ai le plaisir de vous informer que le CST pense pouvoir se soumettre aux conditions du projet de loi sans prendre de mesures spéciales.»

La GRC nous a déclaré que: «Selon notre processus d'embauche, ce que nous pouvons faire, c'est d'engager les personnes les meilleures et les plus qualifiées dans tous les groupes», de façon à respecter la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Selon le CRTC: «Si le but ultime est d'encourager les gens à agir spontanément de façon intelligente . . . alors l'élaboration de ce projet de loi est nettement dans la bonne voie.»

De l'Association des banquiers canadiens: «Les banques du Canada-et je parle plus particulièrement des six grandes banques-se sont engagées à atteindre les objectifs d'équité en matière d'emploi depuis l'adoption de la loi actuelle, en 1986. À notre avis, l'équité en matière d'emploi a des effets positifs non seulement pour ce qui est de la gestion de nos effectifs mais aussi pour les affaires.»

Je vous cite à présent M. Alan Borovoy, de l'Association canadienne des libertés civiles: «Ainsi, le but des objectifs quantitatifs n'est pas de rattraper le temps perdu. Il ne faut pas se précipiter pour arriver à la même répartition que dans le reste de la société. On fixe des objectifs pour exercer des pressions sur les employeurs pour qu'il n'y ait pas de discrimination. C'est ça l'objectif de fixer des objectifs. On choisit un objectif quantitatif correspondant au nombre d'employés qu'embaucherait l'employeur s'il recrutait vigoureusement, adoptait des normes de travail justes et ne faisait pas de discrimination.» Ce sont là les propos du conseiller général de l'Association canadienne des libertés civiles.

(1645)

M. Max Yalden, président de la Commission des de la personne, a dit:

. . . permettez-moi également de préciser que l'équité en matière d'emploi n'a rien à voir avec les quotas. Un quota est un chiffre arbitraire sur le nombre de postes au sein de l'effectif qu'il faut pourvoir, qu'il existe ou non des candidats compétents pour ces postes.
J'espère que ces témoignages convaincront mêmes les sceptiques de l'autre côté que les groupes défavorisés, leurs défenseurs et les défenseurs des libertés civiles de renom ne sont pas les seuls à appuyer le projet de loi C-64. Dans tous les secteurs, la plupart des employeurs louent également ce projet de loi. Ils reconnaissent que l'équité en matière d'emploi a des effets positifs sur la productivité et les affaires et qu'elle est source d'initiative et de créativité.

Le ministre du Développement des ressources humaines a déjà réfuté le mythe que le Parti réformiste veut répandre au sujet de la compétence, du mérite et des quotas. Ces questions ont été examinées dans le cadre de ce projet de loi. Pour économiser du temps, je


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renvoie le député d'en face au projet de loi. Il verra par lui-même que ses arguments sont boiteux.

Durant le débat, il nous a dit qu'il s'opposerait au recensement parce que l'on demanderait à chacun sa race. Je n'ai pas peur et je n'ai pas honte de ma race. Je n'ai pas honte de mon héritage.

S'il s'inquiète vraiment de ce que les Canadiens d'origine portugaise ne sont pas couverts par cette loi, il a raison. S'il est établi qu'ils sont lésés, le gouvernement adoptera un programme en leur faveur. C'est l'avantage d'un recensement de ce genre, on peut ainsi obtenir les renseignements et les chiffres nécessaires pour élaborer de bonnes mesures législatives en fonction des besoins des Canadiens.

Je le répète, ce projet de loi ne vise pas à corriger les erreurs du passé. Il vise à éviter que l'on ne répète les erreurs passées aux dépens des générations présentes et à venir.

Un peu plus tôt dans le débat, on a parlé d'embaucher les plus compétents. Je pense que le Parti réformiste sera surpris par les propos de l'un des témoins, Mme Katawne, directrice du Système de téléphone du Manitoba, qui a dit:

Selon moi, les gens qui pensent que déterminer qui est la personne la plus compétente est une science exacte se font des illusions. Ils sont au pays des rêves. Ce n'est pas comme ça que ça se passe au sein d'un comité de sélection.
Nous avons besoin d'une loi sur l'équité en matière d'emploi.

Outre les amendements proposés par notre comité à la suite de l'étude du projet de loi article par article, nous avons également publié un rapport narratif distinct intitulé «Équité en matière d'emploi: respect du principe du mérite». Je conseille aux députés qui s'opposent au projet de loi de lire ce rapport très attentivement. J'espère que ça leur fera changer d'avis et qu'ils reviendront sur leur décision. Le rapport reflète le sentiment du comité qui est convaincu que la nouvelle loi canadienne sur l'équité en matière d'emploi assurera la primauté du principe du mérite et l'élimination de la discrimination systémique présente dans les pratiques d'emploi.

Avec ce projet de loi, les employeurs et les employés sont gagnants sur toute la ligne. Le rapport et le projet de loi procèdent tous deux du caractère unique du Canada au sein du concert des nations où nous faisons figure de chef de file à la recherche de l'excellence dans les entreprises humaines ainsi que de la justice sociale, en général, et de l'équité en matière d'emploi, en particulier.

Assumer la présidence des audiences sur le projet de loi C-64 a été une expérience très enrichissante pour votre humble serviteur, expérience qui a reconfirmé pourquoi je suis si fier d'être Canadien.

(1650)

Je terminerai en citant un souvenir de l'époque où je présidais le comité chargé d'examiner ce projet de loi. Il s'agit d'une lettre de la Filipino Technical Professional Association of Manitoba, une ethnie à laquelle j'appartiens.

L'association déclare, dans cette lettre, que ses membres sont fiers des efforts que le gouvernement canadien a consentis afin de montrer au monde entier que notre société se préoccupe des droits de ses citoyens et fiers aussi du fait que les Nations Unies ont reconnu le Canada comme premier pays au monde quant à la qualité de vie de ses habitants.

Elle souligne le fait qu'il y a déjà, au Canada, de nombreux immigrants et nouveaux citoyens compétents et qualifiés qui ne parviennent pas à trouver de l'emploi dans leurs domaines respectifs parce que leur formation, leur expérience et leurs compétences ne sont pas reconnues. Le procédé d'accréditation n'est même pas adéquatement structuré. Les employeurs exigent souvent une expérience canadienne, ce qui ferme bien des portes. Aux yeux des membres de cette association, cela équivaut à une discrimination systémique.

Je peux facilement être de leur avis car il est très pénible et contraire à la dignité de quelqu'un de constater qu'on lui interdit systématiquement de pratiquer un métier maîtrisé au prix de longues années d'effort.

Ils reconnaissent, comme moi, que l'équité en matière d'emploi peut être une solution à ce problème, mais je répète que cette mesure ne donnera rien si l'on n'abolit pas les obstacles systémiques.

En travaillant ensemble, nous pourrons maintenir la remarquable tradition de ce pays en matière d'équité et d'égalité des chances et nous pourrons développer un meilleur pays pour nous tous. L'équité en matière d'emploi reflète l'engagement du Canada à l'égard du mérite et de la justice sociale, elle crée un cadre favorable à la sensibilisation du public, elle favorise l'intégration et crée une situation où tout le monde est gagnant. Le Canada a un devoir à remplir.

Je suis fier d'appartenir à un gouvernement qui fait preuve de leadership en ce domaine. Je prie donc tous les députés d'en face de voter solidairement en faveur du projet de loi C-64.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, cet après-midi, j'ai écouté attentivement les discours qui ont été faits à la Chambre au sujet du projet de loi C-64. Je constate que je suis d'accord non pas avec le projet de loi, mais avec beaucoup des déclarations qui ont été faites, et en particulier avec celles du dernier intervenant qui disait que nous devons travailler à l'égalité. L'égalité est essentielle. Nous la voulons tous. Tous les Canadiens veulent l'égalité.

Cependant, je trouve décourageant que l'on parle de vouloir l'égalité. Nous voulons que tous soient Canadiens. Nous voulons simplement l'égalité. C'est ce que tout le monde veut.

Il nous faut maintenant poser les questions qui vont permettre de faire la différence entre l'égalité et l'absence d'égalité. Cela nous ramène à quelque chose dont on a parlé pendant les élections, une chose dont ont parlé ceux qui n'aiment pas être qualifiés de Canadiens à rallonge. Ce sont ceux qui pensent au jour merveilleux où tout le monde sera Canadien, ou il n'y aura plus de Canadiens français, de Canadiens japonais, de Canadiens autochtones, de Canadiens californiens, de Canadiens irlandais ou quoi que ce soit


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d'autre. Ils aimeraient bien que cela disparaisse. Leur message est clair et net. Tous les députés l'ont entendu.

Je pense que les gens seront d'accord pour dire que c'est ce que nous aimerions voir. Mais, tout d'un coup, nous avons une mesure législative qui apparaît, juste avant un recensement qui va poser la question: «De quelle race êtes-vous?» J'ai parlé à beaucoup de gens qui s'inquiètent de cela et qui se demandent: «Qu'est-ce qui va arriver si j'écris Canadien?» Les gens qui posent cette question pourrait écrire Canadiens à rallonge, car ils ne sont pas comme moi.

(1655)

Les gens de ma circonscription qui viennent d'origines ethniques différentes se demandent:«Qu'est-ce qu'on est censé écrire dans cette case?» Un de mes bons amis qui est tôlier me disait: «Est-ce que je vais écrire Canadien africain, parce que je suis noir?» Il refuse de faire cela, parce qu'il est né au Canada. Il me disait: «Je vais écrire Canadien et mes enfants aussi.» J'admire ce genre d'attitude. C'est un exemple parfait de personne qui aimerait être considérée comme égale. Mais les lois du gouvernement l'obligent à déclarer qu'il ne l'est pas.

Mon collègue a dit que la loi était stupide. Elle est stupide parce qu'elle force beaucoup de gens à déclarer qu'ils ne sont pas canadiens à cause d'un trait d'union. Ils ne veulent pas faire cela.

Beaucoup de gens d'affaires m'ont dit qu'ils se sont toujours conformés à cette loi. Ils tiennent à éviter toute discrimination contre qui que ce soit. N'importe quel député peut se rendre dans sa circonscription et parler à des entrepreneurs de toutes sortes qui pratiquent ce principe.

J'ai passé 20 des 30 années depuis que je suis au Canada dans un poste de surveillance où je devais embaucher des gens. À quelques reprises, nous avons veillé à ce que personne ne soit maltraité à cause de leur sexe, de leur race, etc.

Je me souviens d'avoir engagé plusieurs enseignants de toutes sortes de milieux qui étaient excellents. Cela fait tellement longtemps que nous ne pensions pas à leur couleur. Nous ne pensions qu'à leurs qualifications et à leur compétence. Nous allons maintenant forcer les entreprises qui s'adonnent à ces pratiques à tenir compte de la couleur, de la race et du sexe de leurs employés.

Encore une fois, beaucoup d'entrepreneurs canadiens sont surchargés d'impôts et ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts. La principale raison pour laquelle ils ont ce problème, c'est parce que le gouvernement s'est mis le nez partout et s'ingère constamment dans leurs affaires avec tous ses règlements. Les entreprises sont devenues des percepteurs d'impôt à cause de la TPS et d'autres taxes, ce qui les oblige à engager des employés pour faire le travail du gouvernement. Et nous allons maintenant leur imposer une autre loi.

Je pense que les entrepreneurs de toutes les régions du pays et de toutes les races en ont assez. Ils diraient probablement à mes amis d'en face: «Vous avez manqué votre coup. Ce dont nous n'avons certes pas besoin, c'est d'une ingérence accrue du gouvernement. Nous sommes des adultes. Nous sommes intelligents. Nous sommes canadiens. Nous pouvons régler nos affaires nous-mêmes. Mêlez-vous de vos affaires et laissez-nous tranquilles.»

Mais non. Cela fait 30 ans que je vois le gouvernement se persuader qu'il a raison. Le gouvernement sait ce qui est bon pour les Canadiens. Il doit se mêler de leurs affaires et imposer des choses qui se produisaient probablement sans son aide. Sinon, nous avons un mécanisme pour punir les gens qui enfreignent la loi en faisant preuve de discrimination. Nous avons un tel mécanisme: la Commission des droits de la personne. Mais non. C'est le gouvernement qui a raison.

(1700)

C'est ainsi depuis combien de temps? Souvenez-vous du système métrique. Il n'y avait pas beaucoup de gens en faveur de ce système, mais le gouvernement nous l'a quand même imposé. Souvenez-vous de la Loi sur les langues officielles. Nombreux étaient ceux qui s'opposaient à cette mesure, mais le gouvernement l'a quand même imposée.

Prenons un exemple récent. La TPS. La situation était on ne peut plus limpide. Les Canadiens ne voulaient pas de cette taxe, mais elle est bel et bien là.

M. McClelland: Et maintenant les libéraux tiennent à cette taxe.

M. Thompson: C'est exact, les libéraux veulent maintenant conserver cette taxe.

On nous fait des promesses à cet égard. Le gouvernement veille à ce que le monde entier, y compris les Canadiens, sache que c'est lui qui a raison. Le gouvernement veut s'immiscer dans vos affaires et vous montrer comment gérer votre entreprise. Il veut vous dire quoi faire, qui recruter et comment vous y prendre.

Pour qui le gouvernement se prend-il? Je croyais que nous étions ici pour gouverner et non pour imposer notre loi.

Mme Clancy: Vous n'êtes pas ici pour gouverner; c'est nous qui gouvernons.

M. Thompson: Monsieur le Président, nous sommes venus ici pour gouverner, tandis que les libéraux sont ici pour imposer leur volonté. Cette mesure législative illustre parfaitement ce que je dis.

C'est une honte. C'est une honte que le gouvernement ne reconnaisse même pas que 70 p. 100 des mères au travail ont dit que si elles n'étaient pas obligées de travailler, elles préféreraient être à la maison avec leurs enfants. Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas quelque chose pour que ce souhait se concrétise? Cela surprend peut-être les libéraux, y compris la députée de Halifax, mais il y a beaucoup de mères au travail qui aimeraient vraiment rester à la maison avec leurs enfants. Faisons en sorte que cela soit possible. Réduisons les impôts. Voyons ce que nous pouvons faire pour aider ces femmes. Hélas, le gouvernement préfère imposer des mesures comme celle-ci aux pauvres entrepreneurs canadiens, sous prétexte que ceux-ci ne savent pas ce qu'ils font.


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J'ai jeté un coup d'oeil à un autre document qui m'a été remis. Je veux féliciter le gouvernement. Il y a maintenant six personnes de ma circonscription, y compris mon fils de 22 ans, qui ont déménagé aux États-Unis parce qu'elles peuvent trouver du travail là-bas, ce qui n'est pas le cas au Canada. Mon fils est l'un de ces six jeunes hommes et j'aimerais bien qu'il reste au Canada et continue d'être un Canadien. Il doit s'expatrier parce qu'il veut être policier depuis l'âge de six ans. Les personnes qui veulent entrer dans la police n'ont pas la moindre chance de réaliser leur rêve ici parce que les gouvernements se comportent comme celui-ci le fait aujourd'hui. Je n'ai pas de remerciements à faire aux libéraux. Ils me confirment que mon fils ne reviendra pas au Canada, car il ne peut y trouver d'emploi comme pompier, policier ou membre de la GRC parce qu'il ne répond pas aux critères de sélection; c'est un homme et il est blanc.

Cinq autres résidents de ma circonscription ont obtenu leur carte verte et m'ont avisé de leur départ. C'est du beau travail que les libéraux ont fait là; ils ont encore chassé des gens du pays. Mais ça, ce n'est pas de la discrimination, je suppose. On dira que c'est du bon gouvernement. Si c'est cela qu'ils appellent du bon gouvernement, je n'en ai que faire. J'en ai marre.

Je pense que, si les libéraux continuent comme ça et qu'ils répètent constamment aux gens d'affaires qu'ils ne savent pas vraiment ce qui est bien et bon, que seul le Parlement le sait, ils risquent de trouver le réveil brutal aux prochaines élections. Je suis certain que je serai encore assez en forme pour voir ce qui va arriver à ce moment-là. Et je rirai d'eux comme ils rient de nous aujourd'hui quand nous faisons des commentaires sur le genre de mesure législative qu'ils présentent, une mesure qui est source de racisme et de discrimination et qui ne règle rien par-dessus le marché. Réveillez-vous pendant qu'il est encore temps.

Mme Mary Clancy (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une toute petite question.

Comme l'a mentionné mon collègue, le député de Winnipeg-Nord, s'il y a un groupe qui appuie cette mesure législative, qui a réclamé cette mesure législative, qui a collaboré étroitement avec le gouvernement, le ministère du Développement des ressources humaines, le ministre, le secrétaire parlementaire et d'autres, un groupe avec lequel j'ai travaillé en étroite collaboration sur le chapitre de l'équité en matière d'emploi quand j'étais dans l'opposition, c'est bien l'Association des banquiers canadiens.

(1705)

Quand je dresse la liste des groupes radicaux qui manifestent en faveur de la politique sociale et qui continuent de défendre les thèmes chers à la gauche, je dois avouer que ce n'est pas le nom de l'Association des banquiers canadiens qui me vient à l'esprit. Quoi qu'il en soit, je tiens à féliciter l'Association des banquiers canadiens de la clairvoyance dont elle fait preuve. Elle a mis en place depuis fort longtemps, à tout le moins depuis que je siège à la Chambre des communes, des groupes d'équité en matière d'emploi. Elle a réuni des représentants des diverses banques du pays. Elle a oeuvré au sein de ses propres organismes à la promotion des femmes, des minorités, des personnes handicapées et ainsi de suite, et cela a donné d'assez bons résultats.

Je ne voudrais cependant pas que mes amis des banques du Canada aillent s'imaginer que je les crois parfaits, car il y a encore du pain sur la planche. Je pourrais citer bien des domaines où ils pourraient faire mieux sur le chapitre de l'équité en matière d'emploi, mais ils sont bel et bien à l'avant-garde.

Je ne doute pas des 70 p. 100 de mères travailleuses dont a parlé le député. Ce que je mets en doute, c'est son interprétation des statistiques. J'ai plusieurs amies qui ont des enfants de tous âges, et il ne fait aucun doute que, pour les femmes, il n'est pas facile d'harmoniser la vie de famille et la carrière. Le syndrome de la superfemme est très réel. La situation est particulièrement difficile quand il faut se séparer quelques heures de jeunes en bas âge pour aller travailler. Néanmoins, il est encore plus dramatique de ne pas pouvoir leur offrir les choses nécessaires à la vie telles que la nourriture, un toit et le reste.

Si le député veut laisser entendre par là que nous conseillons à toutes les mères de petits enfants de rester à la maison et que nous allons accroître la dette nationale en versant un salaire aux mères qui restent à la maison, je trouve cela très intéressant, tout comme son explication des raisons pour lesquelles un groupe comme l'Association des banquiers canadiens souscrit aux principes de l'équité en matière d'emploi. J'aimerais savoir si le Parti réformiste préconise que nous payons, à même les deniers publics, un salaire aux femmes afin qu'elles restent à la maison pour élever leurs enfants. J'aimerais qu'il précise à combien devrait s'élever ce salaire.

M. Thompson: Monsieur le Président, j'ignore au juste comment répondre à ce discours. Je vais commencer par les banquiers.

Bravo pour les banquiers. S'ils pensent que ce projet de loi et l'action positive sont de bonnes choses, eh bien soit. Tout le monde s'en fiche. Si c'est ce qu'ils souhaitent, ils devraient avoir le droit de le faire, car nous vivons dans une démocratie.

Ce qui ne devrait pas arriver, selon moi, c'est que quelqu'un soit forcé de faire quelque chose qui n'est peut-être pas bon pour son entreprise, peu importe ce que c'est. Je pense que nous devons faire confiance aux employeurs pour s'assurer qu'ils ne font pas de discrimination. S'ils souhaitent avoir des méthodes d'embauchage qui ressemblent à l'équité en matière d'emploi ou à l'action positive ou je ne sais quoi, nous vivons en démocratie et c'est donc leur choix. Il n'y a rien de mal là-dedans.

Je ne crois pas que les mères avec des enfants qui choisissent de rester à la maison veulent être payées. Selon moi, elles ne tiennent pas plus à cela qu'à payer des frais de garderie et des gardiennes. Cependant, je crois que si le gouvernement donnait suite à certaines des mesures fiscales et des encouragements fiscaux proposés, il pourrait alors rendre cela possible. Ainsi, le gouvernement parle de dépenser plus d'argent en laissant les mères à la maison. Je ne comprends pas. Le gouvernement les laisse travailler et il va dépenser plus d'argent pour les garderies. Ne payez pas pour les garderies. Épargnez cet argent pour que les mères puissent rester à la maison


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avec leurs enfants en accordant aux conjoints qui travaillent des allégements fiscaux.

(1710)

Je ne sais pas, mais nos vis-à-vis ont peut-être du mal à calculer. C'est tout à fait sensé. À une époque, les couples mariés dont l'un des conjoints restait à la maison étaient en mesure de le faire, mais ce n'est plus le cas, car ils sont traités de la même façon que les couples mariés dont les deux conjoints travaillent.

Nous pouvons faire beaucoup dans ce domaine. Je suppose que c'est une autre question. Mais non, les mères ne s'attendent pas à être payées. Si nous devons donner davantage d'argent aux autres femmes qui peuvent travailler, si nous devons payer d'autres personnes pour s'occuper de leurs enfants afin qu'elles puissent travailler, je suppose que si nous voulons être équitables, nous devrons faire la même chose pour les mères qui décident de rester à la maison.

Quoi qu'il en soit, il y a peu de choses que la députée a dites qui m'ont paru sensées de toute façon. C'est compréhensible, étant donné la source.

M. Ron MacDonald (Dartmouth, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas si je suis chanceux ou malchanceux. Chaque fois que nous traitons de sujets comme l'équité en matière d'emploi, la discrimination ou l'équité dans l'embauche, je prends toujours la parole après le député de Wild Rose. Cela signifie que je n'ai habituellement pas besoin de me référer au texte d'un discours que quelqu'un d'autre a préparé pour moi. En effet, le député m'incite habituellement à trouver en-dedans de moi des choses qui touchent à mon existence même, à mon essence et à la raison pour laquelle je suis entré en politique.

Certaines des sottises que raconte ce député causent un préjudice non seulement à ses électeurs mais aussi à son parti et au Parlement. Ce député passe son temps à prouver qu'il est acceptable de prendre la parole au Parlement du Canada-je ne dis pas qu'il n'a pas le droit ou le privilège de le faire-et de prétendre que les choses sont différentes de ce qu'elles sont vraiment.

Le député s'est interrogé sur le sort de l'homme blanc. Il a dit à tous ceux qui l'écoutaient ce soir que son fils de 23 ans avait dû déménager aux États-Unis et obtenir sa carte d'immigrant reçu. Je le regrette. J'espère que mon fils pourra trouver un emploi au Canada lorsqu'il sera prêt à joindre le marché du travail. Je veux toutefois lui donner un avertissement. Beaucoup de jeunes de ma circonscription dont la couleur et la langue maternelle diffèrent des miennes et de celles du député de Wild Rose ont des pères qui ne peuvent trouver d'emploi dans notre pays, non pas parce qu'il n'y a pas d'emplois mais uniquement à cause de la couleur de leur peau, de leur langue ou de leur culture. C'est une réalité canadienne.

Si le député de Wild Rose a besoin de preuves concrètes, je l'invite à venir voir chez nous. Je lui ferai parcourir les ruelles de Preston, au Nouveau Brunswick, pour qu'il puisse rencontrer les gens qui se battent pour leur intégration depuis des générations. Ils n'ont pas demandé qu'on leur accorde de régime particulier ni ne fasse de distinctions à leur égard. Ils demandent simplement d'être considérés au même titre que l'homme blanc qu'est son fils de 23 ans afin de pouvoir participer au marché du travail dans la toute la mesure de leurs capacités. C'est de cela qu'il retourne.

Le déni du député est révélateur, et le fait qu'il n'hésite pas à faire des déclarations comme celle-là à la Chambre témoigne davantage de l'esprit de tolérance qui anime cette institution démocratique que nous appelons le Parlement que de la valeur de l'opinion qu'il véhicule.

Le député d'en face ainsi que ses collègues réformistes se servent de cette haute instance qu'est le Parlement-que John Turner avait l'habitude d'appeler la plus haute cour du pays, ce qu'il est effectivement-comme d'une tribune pour faire valoir des points de vue qu'ils savent malhonnêtes, surtout quand ils prétendent que le gouvernement fédéral, le premier gouvernement du pays, la plus haute cour du pays, n'a pas besoin d'énoncer dans des politiques et des programmes ce qu'il considère comme des normes qui devraient être observées pour ainsi dire dans son patelin, c'est-à-dire par ses propres employés dans des secteurs relevant de sa compétence, des entreprises sous réglementation fédérale.

(1715)

À entendre le député et les gens du même acabit, en face de nous, on croirait que tout va bien et que le statu quo, il faut non seulement le maintenir, mais aussi le chérir. «C'est ainsi que nous faisons les choses et c'est ainsi qu'elles doivent être».

M. Thompson: C'est pour ça que vous le faites.

M. MacDonald: Monsieur le Président, il n'y a pas si longtemps encore, en Nouvelle-Écosse, il était interdit aux noirs de s'asseoir à côté des blancs au cinéma. Il n'y a pas un siècle de cela. Ce n'est qu'au début des années soixante que l'on a mis fin à cette pratique.

Le député devrait vérifier dans les livres d'histoire quand les autochtones, les premiers habitants du territoire que nous occupons, ont enfin été reconnus en tant que peuple et ont obtenu le droit de vote. C'est arrivé de mon temps.

M. Thompson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Il est question d'équité en matière d'emploi. Jamais de ma vie je n'ai affirmé qu'il devrait y avoir une forme de racisme. Je suis heureux que le racisme n'existe pas.

Une voix: Ce n'est pas un recours au Règlement.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. De toute évidence. . .

M. Thompson: Je ne vais pas tolérer de telles conneries.

Une voix: Surveillez votre langage.

M. Thompson: Je n'ai jamais traité qui que ce soit de raciste.

Le président suppléant (M. Kilger): De toute évidence, le débat est vigoureux. Les députés expriment fermement leurs idées sur toutes les questions. Celle-ci soulève aussi de vifs arguments. Avec tout le respect que je dois au député de Wild Rose, je dois lui dire


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que c'est une question de débat et qu'il n'y a pas de recours au Règlement.

Pendant que je suis debout, je sais que de telles questions sont importantes, mais j'invite tous les députés à manifester du respect envers l'institution et l'un envers l'autre.

M. MacDonald: Monsieur le Président, je tiens à ce que le compte rendu indique que ce député n'a fait allusion à personne à la Chambre et n'a accusé personne de racisme ou d'étroitesse d'esprit. Je ne prête d'intentions à aucun député. Je souhaite que le compte rendu fasse état de la réalité de la société canadienne d'aujourd'hui. Même si nous avons fait du chemin, il reste encore une longue route à parcourir.

Un bon gouvernement doit avoir ce point à son programme. Il doit veiller à ce que les normes du travail que les Canadiens veulent voir respectées, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, soient constamment améliorées.

Je rappelle simplement à tous les députés qui n'ont pas compris ou qui ne le savent pas, que l'iniquité a toujours fait partie de la vie au Canada depuis l'arrivée des premiers Européens. C'est un fait.

Cela ne veut pas dire que la société, en soi, est raciste, mais que parfois, le groupe majoritaire doit comprendre qu'il peut y avoir des obstacles à la participation des groupes minoritaires. Nous devons comprendre qu'il peut s'agir de barrières systémiques et que ces groupes minoritaires, même si nous ouvrons la porte toute grande à leur participation, n'auront peut-être pas l'impression que la porte est ouverte.

Ce projet de loi ne vise pas à tout refaire, mais à pousser un peu plus loin la loi déjà adoptée par la Chambre, pour en étendre l'application à plus d'industries dans le secteur privé et au secteur fédéral. C'est tout.

Il dit que les employeurs doivent reconnaître qu'il peut y avoir un déséquilibre sur le marché du travail. Nous ne voulons pas qu'ils fixent des quotas ou des objectifs numériques, car je n'approuve pas cette méthode. À ce jeu-là, les minimums deviennent des maximums. Le projet de loi cherche à montre d'abord qu'il y a un problème et ensuite que l'industrie peut le régler elle-même. C'est tout ce qu'il vise à faire.

Si les députés viennent dans ma région ou celle de la députée de Halifax, dans notre coin de la Nouvelle-Écosse, ils verront qu'il y a des obstacles à la participation de bien des groupes. Les dirigeants d'une société ne devraient pas déclarer qu'ils veulent embaucher un candidat de race noire titulaire ayant fait des études universitaires, peu importe le niveau, pas plus qu'ils devraient dire qu'ils ne veulent absolument pas d'un employé de race noire possédant un diplôme universitaire.

(1720)

Le projet de loi nous demande simplement d'examiner la situation de l'emploi dans la région où nous vivons. S'il est évident qu'il y a des obstacles visibles ou invisibles qui nuisent à l'intégration de certaines personnes au marché du travail, il faut sciemment faire des efforts pour tenter d'abolir ces obstacles. C'est tout. Il n'est pas question de quotas. Je ne vois rien d'infâme dans ce projet de loi. On y dit simplement que le gouvernement croit que, là où il y a inégalité, il faudrait prendre des mesures pour corriger la situation, c'est tout. Voilà ce que prévoit le projet de loi pour les milieux de travail assujettis à la réglementation fédérale.

Je ne suis pas de ceux qui croient qu'il faudrait imposer des quotas, car cela me semble fondamentalement injuste. Il arrive bien souvent que des gens soient embauchés ou nommés à un conseil, à cause d'un système, officiel ou non, de contingentement. Même s'ils sont les candidats les plus qualifiés pour l'emploi, leurs collègues auront plutôt tendance à les considérer comme des gens qui ont profité d'un avantage, grâce à leur race, leur sexe ou tout autre facteur.

Nous voulons abolir ces obstacles. C'est l'objectif que vise le projet de loi, où est énoncée la politique gouvernementale selon laquelle les employeurs devraient veiller à ce que leurs effectifs soient, dans la mesure du possible, représentatifs de la population active. Dans les régions où il y a une forte concentration de Noirs originaires du Canada, il faut veiller à ce que ces gens fassent une demande d'emploi et soient embauchés dans la fonction publique fédérale, s'ils sont qualifiés.

Il faut surtout veiller à ce que toutes les candidatures soient examinées. Dans les faits, les femmes ont cessé de postuler des emplois non traditionnels dans la fonction publique, parce que leur candidature était trop souvent rejetée.

Si l'employeur est une société d'État ou un ministère fédéral qui a, comme politique, de favoriser une plus forte participation des femmes sur le marché du travail, par exemple, il envoie un message très clair aux femmes, qui ont alors la certitude que, si elles sont qualifiées, leur candidature sera évaluée en fonction de leurs compétences et non rejetée à cause de leur sexe.

La même chose vaut pour les noirs et les autochtones. Dans les circonscriptions où vivent un grand nombre d'autochtones, cela se reflète-t-il dans l'effectif des organismes fédéraux? Parfois oui, parfois non. Ce que vise à faire ce projet de loi, c'est reconnaître que dans les régions où ces facteurs sont réels, on s'efforce de mettre en place un programme visant à encourager les membres des minorités visibles à participer. Voilà. C'est tout.

Il n'a pas pour objet d'ordonner à un employeur d'embaucher trois blancs d'ascendance gaélique, par exemple, ou une quinzaine de femmes. Tout ce qu'il dit, c'est ceci: «Nous voulons que vous soyez conscients de la façon dont vous menez votre entreprise et que vous essayez d'encourager la participation de groupes minoritaires qui sont peut-être exclus depuis toujours.» Un point, c'est tout.

Je termine mes observations, car je sais que la députée de Halifax souhaite aussi prendre la parole. J'encourage les députés à modérer leurs propos. Je sais que je me suis plutôt emporté aujourd'hui. Je fais attention à ce que je dis ici, car j'ai beaucoup de respect pour le


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siège que j'occupe. J'ai beau avoir des opinions bien marquées, j'essaie de les tempérer lorsque je prends la parole ici.

Après sept années passées ici, j'ai beaucoup de mal à tolérer que des gens d'en face tiennent officiellement, peut-être sans le savoir, des propos qui risquent d'ajouter au manque de compréhension et de conciliation qui existe entre tous les Canadiens et de détourner les Canadiens de leur désir d'être justes et raisonnables.

Le député d'en face qui a pris la parole avant moi a fait savoir que cette loi suppose que les employeurs devront embaucher des membres des minorités visibles et des minorités linguistiques et des femmes, ce qu'ils n'auraient pas fait dans le passé. Malheureusement, il a peut-être raison. Dans le passé, personne ne remarquait la couleur d'un candidat au moment de l'embauche, parce qu'on n'embauchait pas de gens de couleur. Personne ne remarquait le sexe d'un candidat au moment de l'embauche, parce que, souvent, on n'embauchait pas de femmes. Personne ne remarquait la langue d'un candidat parce que, autrefois, on n'embauchait pas de candidat appartenant à un groupe linguistique différent.

J'attends avec impatience le jour où nous n'aurons plus à nous préoccuper de ces facteurs. En réalité, les problèmes actuels viennent du fait qu'on n'a pas tenu compte de ces facteurs dans le passé. Le seul moyen que nous ayons pour rectifier la situation, c'est l'adoption d'une politique officielle. C'est ce que permet ce projet de loi, et je l'appuie donc sans réserve.

(1725)

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement le dernier intervenant et je crois qu'il a soulevé un point valable. Il me semble cependant que le projet de loi dont il parlait est discriminatoire et que le gouvernement tente de résoudre le problème par une notion qu'on appelle l'équité en matière d'emploi.

Sauf erreur, je crois que l'an dernier, lorsque la Chambre des communes a reconnu la Journée de la femme, une députée libérale a déclaré que la Chambre des communes avait encore beaucoup de chemin à faire puisque l'électorat canadien compte 51 p. 100 de femmes mais que la Chambre compte seulement 18 p. 100 de femmes. Où est le problème? Les femmes ont le droit de vote. Elles ont l'intelligence voulue pour le faire.

Mme Clancy: Puis-je répondre à cela?

M. Gouk: Les gens peuvent poser leur candidature. Beaucoup de femmes ont été candidates mais n'ont pas été élues. Je me suis présenté contre deux femmes dans ma circonscription. Les gens ont le droit de choisir. Les femmes peuvent voter comme les hommes et faire leur choix.

En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, on a commencé à parler d'action positive dans le système de contrôle de la circulation aérienne parce qu'il n'y avait pas suffisamment de femmes qui occupaient des postes de contrôleurs aériens. J'ai travaillé à l'époque avec une contrôleuse aérienne très compétente à qui on avait demandé de participer à un programme d'action positive pour attirer davantage de femmes dans ce secteur d'activité. Elle a accepté de participer afin d'amener un plus grand nombre de femmes à poser leur candidature et apprendre à connaître le système. Toutefois, aucun employé, homme ou femme, n'aurait accepté que les pratiques d'emploi soient modifiées afin de permettre d'embaucher une femme qui aurait été moins compétente qu'un homme.

Le député accepterait-il un système où, par souci d'atteindre les fameux quotas, il n'y a pas d'autre façon de le dire, on ne recruterait pas nécessairement les candidats les plus qualifiés?

M. MacDonald: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je crois qu'il a raison de la poser.

Je tiens à faire deux distinctions dès le départ. Le projet de loi n'établit pas de quotas. Je ne suis pas en faveur d'un système de quotas. Ce n'est pas la chose à faire. Je suis cependant en faveur d'un cadre législatif qui rappellerait aux employeurs relevant de la compétence fédérale, c'est-à-dire des sociétés d'État et des ministères fédéraux, quelle est la situation sur le marché. Beaucoup de députés refusent encore d'admettre que des obstacles existent vraiment sur le marché du travail. Pourtant, ils sont bien là.

J'espère qu'un tel projet de loi ou une telle orientation ne viendra jamais obliger quelqu'un à embaucher une personne qui n'est pas compétente. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Le projet de loi établit un mécanisme qui nous permet de constater que, lorsque la main-d'oeuvre d'une entreprise, d'un ministère ou d'une société d'État ne compte aucun employé autochtone alors que ce groupe représente 22 p. 100 de la population, il existe des obstacles à l'embauche de ceux-ci. Si l'obstacle en question, c'est simplement qu'aucun des autochtones ayant postulé un emploi n'a été engagé, on fait prendre conscience de ce fait en établissant des buts relativement à la participation autochtone.

Mais je ne suis pas d'accord. Ce projet de loi ne fait pas cela et je n'appuierais pas un projet de loi qui dit à un employeur d'engager quelqu'un qui n'est pas compétent. Le député sait aussi bien que moi que, si l'on parle d'un poste situé au bas de l'échelle ou au milieu de l'échelle, les exigences minimales d'admissibilité au poste n'exigent pas que le candidat soit un scientifique de pointe, mais plutôt qu'il ait terminé son secondaire, qu'il soit capable de lever une boîte, de taper à la machine, d'opérer une fournaise ou que sais-je encore.

Le projet de loi n'oblige personne à engager quelqu'un en fonction de son sexe ou de sa couleur.

(1730)

Il oblige les entreprises régies par la réglementation fédérale ainsi que le gouvernement fédéral à faire en sorte que les inégalités flagrantes soient contrées au moyen d'un programme volontaire encourageant la participation de représentants de groupes minoritaires qui se qualifient pour le poste.

C'est tout ce que fait le projet de loi. Si le député s'imagine autre chose, je suis désolé, mais je lui demanderai de relire la mesure, parce que je crois qu'il n'a pas compris l'objectif réel du projet de loi.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je crois que, lorsque le député d'en face déclare qu'il ne fait pas confiance aux quotas, il est très sincère. Peu importe


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comment on appelle la mesure, dès qu'on fixe un objectif quantitatif, il s'agit d'un quota. Ne mâchons pas les mots.

Je demande donc au député d'en face de répondre à deux brèves questions. En faisant ses observations, un peu plus tôt, il a dit qu'il était déplorable qu'une femme ne puisse obtenir un emploi simplement parce qu'elle est une femme. Est-il aussi déplorable qu'un homme ne puisse obtenir un emploi simplement parce qu'il est un homme?

Au ministère de la Justice, le guide sur l'équité en matière d'emploi fixe des objectifs précis et il renferme un tableau indiquant ce qui suit: pour les autochtones, recrutement à 2,2 p. 100 du nombre total d'employés et avancement à 1,1 p. 100; pour les handicapés, recrutement à 2 p. 100 et avancement à 2,8 p. 100; pour les minorités visibles, recrutement à 4,4 p. 100 et avancement à 2,7 p. 100. Si ces chiffres ne correspondent pas à des quotas, que représentent-ils?

M. MacDonald: Monsieur le Président, je ne comprends pas ce que les députés d'en face n'arrivent pas à saisir. Ce projet de loi est très simple et il s'insère dans un contexte. Il modifie une loi existante. Au cours des sept dernières années, personne n'a communiqué avec mon bureau pour se plaindre du fait que la Loi sur l'équité en matière d'emploi excluait qui que ce soit qui possède les qualités et les compétences requises. Les fonctionnaires sont très nombreux dans ma circonscription et personne n'a jamais formulé une plainte de la sorte.

Bien des gens, lorsqu'ils n'obtiennent pas un emploi, crient à qui veut les entendre: «Un noir a été embauché à ma place et c'est certainement parce qu'il était noir.» Je tiens à dire au député que, dans le passé, bien des membres de minorités visibles ou linguistiques, bien des noirs et des femmes n'ont pas obtenu d'emploi non pas parce qu'ils n'étaient pas compétents, mais parce qu'ils étaient des noirs, des femmes ou des immigrants ou que leur langue maternelle était différente. Ça, c'est la réalité.

Il n'est pas question ici de quotas. Je n'approuve pas le système des quotas. Toutefois, en ma qualité de législateur fédéral, je ne me déroberai pas; je vais tenter d'élaborer, pour le secteur public dont nous sommes responsables, une politique dénonçant les anomalies qui peuvent exister dans les pratiques et les politiques d'embauche de certains ministères gouvernementaux.

Ou bien l'on souscrit à l'idée que les gens de couleur ou les femmes sont incapables d'atteindre certains niveaux de rendement et c'est pourquoi ils ne sont pas embauchés, ou bien l'on favorise l'adoption d'objectifs qui inciteront l'organisation ou l'entreprise du secteur privé à examiner si la composition de son personnel reflète celle du marché du travail et, si tel n'est pas le cas, qui l'inciteront à élaborer un plan afin de trouver des candidats compétents en nombre suffisant pour remédier à la situation.

Je ne suis pas d'accord avec la notion de quotas, mais je suis d'avis que nous n'avancerons à rien en niant la situation et en prétendant que l'équité en matière d'emploi existe déjà alors que ce n'est pas le cas. Ce projet de loi contribuera à faire valoir que l'équité est une priorité pour les Canadiens et le gouvernement. Je suis fier de dire que j'appartiens à un gouvernement qui a décidé d'inscrire cet objectif à son programme législatif.

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais signaler à la Chambre que, en raison de la déclaration ministérielle et des réponses qui ont suivi, l'étude des initiatives ministérielles prendra fin à 17 h 46, après quoi nous passerons aux initiatives parlementaires.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je trouve intéressant de regarder de l'autre côté de la Chambre. Je vois plus de liens qui nous unissent que de choses qui nous séparent, même dans un domaine aussi délicat de l'équité en matière d'emploi à laquelle nous nous opposons.

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Le député a dit des choses très éloquentes sur des sujets à l'égard desquels nous avons beaucoup de points en commun. Dans ce parti, nous déplorons la discrimination à l'endroit de qui que ce soit et nous nous y opposons de toutes nos forces. Nous nous battrions jusqu'au dernier contre quiconque se rendrait coupable de ce délit sur notre sol.

Je trouve donc étonnant que le gouvernement veuille imposer l'équité en matière d'emploi qui, de par sa nature même, est discriminatoire et va à l'encontre de notre charte des droits et libertés.

Les idéaux qui ont donné naissance à l'équité en matière d'emploi ou action positive, à savoir l'équité, la justice et l'égalité des chances, sont ce pour quoi notre parti se bat. Ils constituaient le but original. Malheureusement, l'équité en matière d'emploi dévie de cet objectif. Elle a été à ce point déformée et plastifiée qu'elle ne ressemble plus à l'original.

Tragiquement, dorénavant l'équité en matière d'emploi signifiera que les gens seront embauchés ou promus sur la foi de caractéristiques choisies par le gouvernement pour assurer leur avancement. Ces caractéristiques n'ont rien à voir avec la compétence ou le mérite, éléments importants dont devrait dépendre l'embauche.

De par sa nature même cette mesure est discriminatoire puisqu'elle permet de promouvoir des gens selon des critères non objectifs; en outre, elle nuit à l'économie. C'est aussi une insulte pour les gens qui sont embauchés en fonction de caractéristiques qui n'ont rien à voir avec leur formation, leur compétence ou leur mérite. Je ne pense pas que le gouvernement ait jamais pris cet aspect en considération.

Je ne pense pas que le gouvernement se soit mis à la place des personnes qui sont embauchées pour ces raisons. De plus, cela crée des divisions et de la discrimination dans le milieu de travail. Ce n'est pas juste et ce n'est pas bon pour l'âme de ce pays.

La logique de la nouvelle Loi sur l'équité en matière d'emploi est un abus flagrant de la Charte des droits et libertés. En fait, si on regarde la Charte, on peut arguer que l'équité en matière d'emploi est de la discrimination et que, pour cette simple raison, elle devrait être rejetée. Si on regarde d'autres parties du monde où l'équité en


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matière d'emploi a été adoptée, on constate qu'en Californie et en Ontario, par exemple, elle est maintenant rejetée. Pourquoi cela? Parce qu'elle ne fonctionne pas, elle est discriminatoire et elle entraîne des divisions sociales incroyables au sein des populations qu'elle est censée aider.

Ce n'est pas ce que nous voulons au Canada. Nous voulons un pays où tout le monde est traité de la même façon, où tout le monde avance selon ses mérites et où tout le monde peut regarder son voisin en face, avec respect et admiration mutuels, parce qu'il est son égal.

Nous ne voulons pas d'un Canada qui adopte des politiques qui divisent la population en groupes opposés les uns aux autres. Il y a trop longtemps que nous agissons de cette façon. Je mets au défi les gens du gouvernement d'aller dans la rue et de demander aux gens qui travaillent ce qu'ils en pensent. Tragiquement c'est la situation. Dans un pays aussi beau que le nôtre, un pays qui, historiquement, a fait un travail admirable d'intégration des nombreux groupes ethniques dans un environnement pacifique, nous ne devrions pas avoir une mesure comme celle-là. Tous les Canadiens devraient être fiers de leur pays tel qu'il est, parce que bien peu de pays dans le monde ont la même chose.

L'équité en matière d'emploi cherche également à imposer des quotas. Quoi qu'en disent les députés de la majorité, équité en matière d'emploi signifie quotas. Elle signifie chiffres. N'importe quel employeur vous dira que c'est ce à quoi on l'oblige.

Le malheur c'est que l'équité en matière d'emploi amène aussi la question du travail de valeur égale. C'est une notion artificielle qui amène le gouvernement à essayer de déterminer combien rémunérer un type de travail en comparaison d'un autre entièrement différent. Comment, dans un pays, dans une économie, devrait-on déterminer la valeur d'un travail? La seule place légitime pour décider combien rémunérer un travail, c'est le marché libre. Le pouvoir gouvernemental ne peut pas décider de ce genre de chose. Dans une économie libre, c'est le marché qui doit en décider. Toute autre solution est extrêmement destructive.

(1740)

Les gouvernements doivent se concentrer sur les lois antidiscriminatoires. Le débat qui a eu lieu il y a quelque minutes opposait mon collègue à un député de la majorité. Ce que j'ai trouvé très intéressant c'est qu'ils défendaient tous les deux le même point. Nous voulons tous des lois qui soient antidiscriminatoires et nous estimons que le rôle du gouvernement est de faire en sorte que ces lois existent et qu'elles soient appliquées.

Le deuxième rôle du gouvernement est de faire appliquer l'égalité d'accès. C'est impératif, particulièrement pour ceux qui sont les moins bien placés dans notre société pour profiter de l'égalité d'accès. C'est l'une des lacunes que nous voyons. Bien des gens des couches socio-économiques inférieures n'ont pas cette chance. Il est important que nous la leur offrions afin qu'ils puissent donner le meilleur d'eux-mêmes. Tel est le rôle légitime du gouvernement. Nous de ce parti y travaillerons très énergiquement et collaborerons avec les ministériels à l'élaboration de plans et de mesures législatives solides pour créer tout plein de possibilités pour nos concitoyens.

Il s'agit ensuite d'assurer l'équité. Il importe peu que l'on soit noir, brun, picoté, autochtone, homme, femme, juifs, chrétien, musulman ou hindou. Cela n'a pas d'importance. Ce qui compte, c'est que les lois et les possibilités d'emploi soient les mêmes pour tous.

Le député a invoqué le cas de gens qui sont victimes de discrimination au moment de l'embauche. C'est également notre avis. Nous sommes tout à fait d'accord pour qu'on applique les lois chez nous de façon qu'une personne qui présente une demande d'emploi soit traitée selon ses compétences et son mérite.

Le troisième rôle du gouvernement, c'est de créer des compétences. Le plus tragique, c'est que nous avons été témoins très récemment de compressions dans l'enseignement postsecondaire. Nous comprenons parfaitement que le gouvernement et tous les gouvernements du pays sont confrontés à des problèmes financiers. Il y a cependant moyen de contourner la difficulté. On peut procéder à des coupes dans le budget fédéral tout en donnant aux provinces la capacité de mobiliser des fonds pour l'éducation. On ne peut pas bâtir une économie forte et doter nos citoyens des compétences qui leur seront nécessaires pour trouver un emploi au XXIe siècle si on n'arrive pas à leur offrir des possibilités d'accès à l'enseignement.

Le facteur décisif dans l'obtention d'un emploi, c'est les études postsecondaires. Il est important que nous encouragions les établissements d'enseignement postsecondaire à bien comprendre les besoins de l'économie de demain. Nous devons offrir aux établissements d'enseignement le moyen de communiquer ces besoins économiques aux étudiants, surtout ceux du niveau secondaire, pour qu'ils puissent préparer leur avenir.

J'espère que nous ne poursuivrons pas la notion d'équité en matière d'emploi. Elle s'est soldée par un échec dans d'autres régions du monde. Elle est discriminatoire. C'est un exemple tragique de la sociologie appliquée d'Orwell, un genre de sociologie appliquée dont nous n'avons pas besoin au Canada.

Nous sommes très sensibles aux besoins des personnes défavorisées. Le député a mentionné la situation critique des autochtones. J'ai travaillé avec beaucoup d'autochtones dans les circonstances les plus tragiques et les plus pénibles qui soient. Ce qu'ils doivent endurer me fend le coeur. Il est très important que nous comprenions que, sur le plan historique, nous avons créé un État-providence institutionnalisé où l'âme de ces personnes s'est perdue. Il est important que nous nous penchions sur leurs besoins avec sensibilité et que nous leur offrions les compétences et les perspectives qui leur permettront de briser le joug de la pauvreté et de la discrimination qui les écrase depuis si longtemps.

Cependant, il n'incombe pas au gouvernement de pousser des gens vers des emplois en fonction de leurs caractéristiques. J'espère que le gouvernement prendra cela à coeur. J'espère que le ministre des affaires autochtones s'engagera dans des activités qui aideront ces personnes à s'aider elles-mêmes. J'espère que nous pourrons créer un pays exempt de préjugés, plein de perspectives, où les

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Canadiens seront traités également et où nous pourrons vivre, côte à côte, en égaux, dans un climat de paix et d'harmonie.

Je sais que nous, dans notre parti, voudrions nous joindre à tous les députés de la Chambre pour qu'on adopte une mesure législative permettant à tous les Canadiens de vivre dans un climat de ce genre.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 46, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

L'ÉCONOMIE SOUTERRAINE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 27 septembre, de la motion.

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de parler aujourd'hui de la motion M-382 présentée par le député de Mississauga-Sud.

La question de l'économie souterraine me préoccupe et devrait inquiéter tous les Canadiens. La plupart se sont fait offrir un prix plus avantageux, s'ils payaient comptant. Lorsqu'une personne offre un meilleur prix à ceux qui paient comptant et ne fournit pas de facture, au moins deux choses se produisent: tout d'abord, le consommateur n'a absolument aucune protection ni aucun recours si le travail est mal effectué et, ensuite, les gouvernements perdent des recettes.

Plus l'économie souterraine est forte, moins les recettes gouvernementales sont élevées. L'économie souterraine crée une concurrence injuste pour les entreprises honnêtes. Cela entraîne des pertes d'emplois et les contribuables honnêtes doivent payer davantage que leur juste part d'impôt.

Je parle de l'économie souterraine avec des gens de ma circonscription. Ceux qui respectent la loi et paient leur part d'impôt n'aiment pas avoir à supporter un fardeau fiscal plus lourd parce que d'autres essaient d'échapper au fisc. Les entrepreneurs qui essaient de gagner honnêtement leur vie n'apprécient pas d'être désavantagés sur le plan de la concurrence par rapport aux entreprises et aux gens de métier qui demandent à être payés comptant pour éviter de payer des impôts.

Mes électeurs se demandent dans quelle mesure les recettes perdues nuisent à la capacité du gouvernement de maintenir les programmes socio-économiques si importants à notre bien-être. Lorsque nous acceptons de payer comptant, nous souscrivons à un crime et nous favorisons l'évasion fiscale.

En tant que consommateurs, les Canadiens doivent refuser de payer comptant pour du travail fait au noir. Il est dans leur intérêt de le faire. Premièrement, le travail au noir constitue un danger pour les consommateurs s'il est mal fait ou s'il n'est pas d'aussi bonne qualité qu'on l'aurait voulu. Deuxièmement, comme je le disais, il fait augmenter indûment les taxes et les impôts. Troisièmement, il compromet les services sociaux essentiels dont nous bénéficions tous.

Les entreprises doivent se rendre compte qu'en fin de compte, l'économie souterraine fait plus de mal que de bien. En effet, les entreprises honnêtes se trouvent désavantagées sur le plan de la concurrence parce qu'elles sont incapables d'offrir aux consommateurs les mêmes aubaines que les personnes qui effectuent le travail sans percevoir de taxe. De plus, la réputation d'un secteur d'activité entier peut se voir ternie à cause d'une poignée d'entrepreneurs malhonnêtes qui font du travail de mauvaise qualité.

Dans ma circonscription de Essex-Windsor, j'entends parler de gens qui exploitent des entreprises à partir du sous-sol de leur maison ou de leur garage, exigeant d'être payés comptant et s'en remettant au bouche-à-oreille pour obtenir des contrats. Ces entrepreneurs vous proposent généralement deux prix; l'un pour un travail payé comptant et l'autre, plus élevé, incluant les taxes applicables. Un grand nombre de gens et d'entreprises font des transactions illégales de ce genre pour ne pas avoir à payer de taxe ni d'impôt. Ils pensent seulement tromper le fisc. Or, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous payons tous pour leur action.

Les conséquences néfastes de l'activité économique souterraine prennent la forme d'une diminution de l'épargne et de services essentiels, de taxes et d'impôts plus élevés qu'ils ne le seraient autrement, de concurrence déloyale et d'un niveau de vie moins élevé pour les contribuables honnêtes. Les gouvernements ne peuvent se permettre de laisser cette pratique se perpétuer sans rien faire. Il faut que le public sache que le régime fiscal est juste, que les règles du jeu sont équitables pour les entreprises honnêtes et que les mesures qui s'imposent seront prises à l'égard des gens qui essaient de frauder le système.

Le gouvernement a institué des mesures pour éliminer l'économie souterraine et s'assurer que le régime fiscal est administré de façon équitable. Le plan d'action du ministre du Revenu national invite Revenu Canada:

Premièrement, à encourager la conformité volontaire en clarifiant son importance et en expliquant les conséquences.

Deuxièmement, à travailler en étroite collaboration avec les provinces en échangeant de l'information afin de mieux cibler et d'améliorer les mesures d'application.

Troisièmement, à renforcer le programme du ministère visant à identifier les non-déclarants et les non-inscrits.

(1750)

Quatrièmement, à établir des équipes de vérification spéciales chargées d'examiner les secteurs où le taux de non-conformité est élevé, comme la construction, la rénovation domiciliaire, les bijoux, l'industrie de l'accueil, les réparations automobiles et les autres secteurs de services.

Cinquièmement, à travailler en étroite collaboration avec d'autres ministères fédéraux, des groupes industriels clés et des organisations professionnelles.


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Finalement, à trouver des moyens, dont les modifications législatives, d'améliorer le processus de rapport, l'efficacité des sanctions ainsi que les techniques de vérification et d'enquête.

Les mesures prises à ce jour ont donné d'excellents résultats. Au 31 mars dernier, plus de 860 millions de dollars, soit plus de trois quarts d'un milliard de dollars d'impôts supplémentaires avaient été recouvrés en conséquence de l'initiative du gouvernement contre l'économie souterraine. Or, cette initiative ne représente qu'une partie de tous les efforts déployés par Revenu Canada en matière d'application de la loi, qui ont entraîné des cotisations supplémentaires de 3,7 milliards de dollars au cours de l'exercice 1994-1995.

Le gouvernement a aussi noué d'étroites relations au sein de nombreuses associations, dont les membres savent d'expérience comment l'économie souterraine est susceptible de nuire aux entreprises canadiennes. Revenu Canada a consulté plus de 240 groupes, dont l'Association des comptables généraux agréés, l'Institut canadien des comptables agréés, l'Association canadienne des constructeurs d'habitations et l'Association de ventes à domicile.

Ces groupes lui ont expliqué comment s'effectue la perte de recettes et d'emplois. Ils savent que les entreprises sont confrontées à une concurrence déloyale de la part de ceux qui n'observent pas les règles. Les consommateurs sont perdants quand ils obtiennent des produits et des services de l'économie souterraine, puisqu'ils renoncent à la garantie de qualité que fournissent les entreprises reconnues. Avec l'aide de ces groupes, Revenu Canada perfectionne ses stratégies, cerne les domaines de non-respect et explore les mesures à prendre pour améliorer le respect de la loi.

Dans ma circonscription, le ministère a communiqué avec l'Association des constructeurs d'habitations et il reçoit des renseignements qui peuvent se révéler utiles pour déceler les cas de non-respect.

Revenu Canada entretient aussi des liens étroits avec toutes les provinces, avec lesquelles il a conclu des arrangements de collaboration. Revenu Canada va au-delà du simple échange de renseignements et effectue des vérifications conjointement avec les provinces. Il y a échanage de stratégies de vérification, de matériel de formation et de connaissances. Les provinces ont fourni à Revenu Canada des bases de données contenant des renseignements, notamment sur les inscrits aux fins de la TVP, les permis de vente d'alcool, les permis de construire et l'immatriculation de véhicules, ainsi que les adresses et vendeurs d'automobiles neuves et usagées.

Le fédéral et le provincial collaborent aussi afin de faire en sorte que les contribuables disposent des renseignements leur permettant de se conformer volontairement à la loi, ainsi que des renseignements sur les conséquences d'un non-respect de la loi.

Par exemple, Revenu Canada effectue des visites dans les régions avec des représentants des administrations fiscales provinciales. Dans le cadre de ces visites, des renseignements sont fournis aux entreprises sur l'économie souterraine et sur la façon de se conformer aux lois fiscales. Les représentants du ministère s'assurent aussi que les entreprises sont dûment inscrites aux fins de l'impôt et ils encouragent celles-ci à se conformer à la loi lorsqu'elles ne le font pas déjà.

Plus de 40 visites ont été effectuées un peu partout au pays, ce qui a permis de rejoindre plus de 10 000 entreprises. Le ministère a accru le nombre de ses vérifications et il les a ciblé en fonction des secteurs où l'on constate un degré élevé de non-respect de la loi. Il a aussi amélioré sa capacité de découvrir les non-déclarants et les non-inscrits.

En 1994-1995, un montant supplémentaire de 245 millions de dollars a été cotisé grâce au programme visant les non-déclarants, et la même somme a aussi été cotisée grâce au programme visant les non-inscrits. Près de 11 000 vérifications ont été faites dans les secteurs à risque élevé, ce qui a permis de cotiser une somme supplémentaire de 90 millions de dollars.

En outre, Revenu Canada fait plus de publicité sur les condamnations pour fraude fiscale. Au cours de 1994-1995, il y a eu plus de 170 condamnations pour fraudes liées à l'impôt sur le revenu et à la TPS. Le nombre de divulgations volontaires a doublé et le ministère reçoit maintenant environ 19 000 appels par année de Canadiens qui en ont marre de voir leurs voisins ou leurs amis ne pas payer leur juste part d'impôt.

Revenu Canada préfère encourager l'observation volontaire de loi. Cette méthode donne de bons résultats. En effet, 95 p. 100 de toutes les recettes fiscales sont perçues sans qu'il soit nécessaire de prendre des mesures d'exécution. On a fait beaucoup progrès depuis que le ministre du Revenu national a lancé son plan d'action visant à éliminer l'économie souterraine en novembre 1993.

Le gouvernement a présenté des mesures concrètes pour remédier au problème de l'économie souterraine, mais la responsabilité ne lui incombe pas entièrement. Tous les Canadiens doivent faire leur part, les particuliers aussi bien que les entreprises.

Les Canadiens doivent parler des conséquences négatives de l'économie souterraine. Ils doivent résister à la tentation et refuser simplement d'y participer. J'exhorte les députés à livrer ce message à leurs électeurs. Je les exhorte à travailler activement avec eux pour trouver les solutions au problème.

Je tiens à remercier le député de Mississauga-Sud d'avoir présenté cette motion et de nous avoir donné l'occasion de discuter d'une question qui revêt une énorme importance pour tous les Canadiens. La motion a forcé les députés des deux côtés de la Chambre à parler d'un grave problème. J'espère que nos efforts auront éventuellement pour résultat d'amener ceux qui exercent actuellement leurs activités dans l'économie souterraine à réintégrer l'économie légitime. Je suis convaincue que nous faisons progresser la justice en nous attaquant au problème.


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(1755)

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir dire quelques mots de la motion no 382 du député de Mississauga-Sud.

Disons tout d'abord que j'ai discuté de l'économie souterraine avec un certain nombre de dirigeants d'entreprise de ma circonscription, Lambton-Middlesex. Ceux qui respectent la loi et paient leurs impôts ne sont pas ravis de payer plus d'impôts simplement parce que d'autres trichent le système.

Les entrepreneurs et les dirigeants de petites entreprises qui travaillent très fort pour gagner leur vie ne prisent pas d'être désavantagés face à la concurrence des entreprises et des ouvriers qui se font payer en liquide pour échapper à l'impôt. Mes électeurs s'inquiètent aussi parce que les pertes de recettes fiscales risquent de priver le gouvernement des moyens de maintenir les programmes sociaux et économiques qui sont si importants pour notre bien-être.

Le problème soulevé dans cette motion est extrêmement important pour tous nos concitoyens. Plus grande est l'activité de l'économie souterraine, moins le gouvernement a de recettes. L'économie au noir constitue une concurrence injuste pour les entreprises honnêtes. Des emplois disparaissent et les contribuables honnêtes doivent payer plus que leur juste part d'impôt.

On a beaucoup écrit sur la taille, l'étendue, la nature et les causes de l'économie souterraine. Comme les députés le savent sans doute, les estimations de la taille de l'économie parallèle varient énormément d'après la méthodologie employée, allant de 2,5 ou 3 p. 100 du PIB à plus de 20 p. 100, ou de 20 milliards de dollars à 140 milliards. Quelle que soit la taille de cette économie, des faits incontestables demeurent. L'économie souterraine existe et ses effets destructeurs imposent un lourd tribut à la société canadienne.

Pour quelles raisons décide-t-on de travailler au noir? Les raisons sont nombreuses, mais je soutiens qu'aucune d'entre elles n'est légitime. Comme les gens ont l'impression que tout le monde le fait, cela les incite à en faire autant. Les contribuables perçoivent la TPS comme une taxe injuste et justifient ainsi leur comportement. D'autres jugent le régime fiscal trop complexe et trop lourd pour s'en préoccuper. Certains estiment qu'il est facile de frauder le fisc, alors ils tentent leur chance.

Force nous est aussi de constater un manque flagrant de respect envers le gouvernement et les dirigeants politiques et le sentiment chez les contribuables canadiens qu'ils n'en ont pas pour leur argent, parce que le gouvernement gaspille les deniers publics.

Aucune de ces raisons ne peut justifier le comportement de ceux qui ne paient pas leur juste part de taxes et d'impôts, mais il faut reconnaître que, lorsqu'une personne décide de travailler au noir, sa décision a malheureusement un effet de boule de neige. Elle a l'impression qu'il est trop difficile de faire marche arrière.

Ceux qui travaillent au noir depuis longtemps craignent de ne pas pouvoir régulariser leur situation, même s'ils le veulent, car il leur serait impossible de payer les taxes, et encore moins les intérêts et les pénalités, puisqu'ils ne peuvent pas produire les documents de base, notamment les factures. Dans ces circonstances, ceux qui songent à abandonner leurs mauvaises habitantes ont l'impression que c'est impossible. Ils se sentent coincés.

L'un des aspects les plus intéressants de la motion 382 est le fait qu'elle prévoit une amnistie restreinte, pour les intérêts et les pénalités qu'il doit, au contribuable qui déclare de son propre chef du revenu auparavant non déclaré. Cela encouragerait les contribuables contrevenants qui disposeraient d'un certain temps pour avouer leurs torts sans s'exposer à des pénalités et recommencer à payer leur juste part de taxes et d'impôts.

La motion prévoit aussi un crédit d'impôt pour les contribuables qui effectuent des travaux de rénovation ou d'amélioration domiciliaire afin d'encourager la production des documents de base et de faciliter la communication de l'information.

La motion dont la Chambre est saisie témoigne d'un désir de la part du député de Mississauga-Sud d'amener les Canadiens à parler des conséquences néfastes de l'économie parallèle et à trouver des moyens d'encourager le plus de monde possible à retourner à l'économie légale.

Il faut qu'une campagne publique d'information insiste sur le fait que l'évasion fiscale est un délit qui n'est certes pas sans victime, comme on le soutient souvent. Tous les Canadiens en sont victimes, car l'évasion fiscale mène à des pertes d'emplois et à un accroissement du déficit, oblige les contribuables honnêtes à porter un fardeau plus lourd et expose les entreprises légitimes à une concurrence déloyale, qui les accule parfois à la faillite.

(1800)

J'estime que, ensemble, le programme d'amnistie, le crédit d'impôt à la rénovation et un programme traditionnel d'information publique serviraient à instruire les Canadiens sur la gravité du problème de l'économie parallèle et sur la façon dont ils peuvent contribuer à le résoudre. Je crois aussi que les Canadiens voudront de plus en plus payer leur juste part d'impôt si l'on arrive à les convaincre que le gouvernement va assumer la responsabilité qu'il a d'exécuter la loi avec sévérité et justice.

Depuis un an et demi, et c'est tout à son honneur, le ministre du Revenu national a réussi à récupérer plus de 800 millions d'impôts impayés grâce à une série de mesures bien conçues. Le ministère a


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toutefois fait plus que simplement percevoir des impôts impayés. En consultant plus de 240 groupes et associations, le ministère a appris comment raffiner ses stratégies, déterminer les secteurs où la loi n'est pas respectée et trouver des moyens pour qu'elle le soit davantage. Ainsi, les mesures que le gouvernement a annoncées dans son dernier budget pour régler le problème de l'économie souterraine dans l'industrie de la construction sont directement issues de ses efforts de consultation.

Le ministère publicise davantage les condamnations pour fraude fiscale. En conséquence, le nombre de divulgations volontaires a doublé, et le ministère reçoit maintenant environ 19 000 dénonciations par année de Canadiens qui en ont assez de voir des voisins et amis ne pas payer leur juste part d'impôt.

La motion dont la Chambre est saisie témoigne de la volonté de certains députés d'inciter les Canadiens à parler des conséquences négatives de l'économie souterraine, dans l'espoir de trouver des façons d'encourager le plus de gens possible à renoncer au travail au noir et à contribuer à l'économie régulière.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour appuyer sans réserve la motion présentée par le député de Mississauga-Sud et pour inviter tous les députés à faire de même.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole sur le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député de Mississauga-Sud. J'espère que ses électeurs reconnaîtront les durs efforts qu'il a consacrés à ce projet de loi. Je sais que cette question le préoccupe profondément. Nos électeurs nous ont tous fait part de leurs préoccupations à cet égard. Aucune autre question sans doute ne préoccupe davantage tous les Canadiens que celle de l'économie souterraine. Je remercie le député d'essayer d'apporter une solution à ce problème.

L'économie souterraine coûte aux contribuables plus de 90 milliards de dollars chaque année. Elle témoigne de la colère et des craintes des contribuables. Ces derniers sont en colère parce que leur chèque de paye s'érode de plus en plus et qu'ils touchent de moins en moins d'argent pour subvenir à leurs besoins. Il est de plus en plus difficile de survivre dans notre pays, et la principale cause en est peut-être la structure fiscale. Je vais aborder cette question un peu plus tard.

Les impôts élevés nuisent également à notre capacité de soutenir la concurrence internationale. Pour un pays comme le nôtre, qui compte sur les exportations pour maintenir le niveau de vie de ses habitants, les impôts élevés constituent peut-être notre pire handicap qui nuit à notre compétitivité. Nous avons travaillé dur pour obtenir la signature de l'ALENA et de l'ALE, mais nous avons hélas réduit la capacité de nos entreprises de soutenir la concurrence internationale. Et la principale cause en est le régime fiscal. Nombres d'entreprises ont été acculées à la faillite. Quand je retourne chez moi à Toronto, je constate que nombre d'entreprises transmises de père en fils ont fait faillite. La structure fiscale en est partiellement la cause.

(1805)

Une foule d'entreprises s'en vont au sud de la frontière. D'aucuns prétendent que l'ALE nuit à notre compétitivité. Mais la vraie raison de cet exode vers le Sud, c'est que les impôts élevés nuisent à la compétitivité de nos entreprises. Nos impôts sont parmi les plus élevés du monde.

Hier, le FMI nous a donné une mauvaise note quant à notre capacité de lui emprunter de l'argent. Cela s'explique par le fait que nous ne réduisons pas assez notre dette et notre déficit. Les impôts élevés sont la conséquence directe de la dette et du déficit élevés de notre pays. Ces dernières sont dues, évidemment, aux dépenses excessives qui ont été faites pendant des années par des gouvernements successifs. Tout cela s'est ajouté à une structure fiscale extrêmement complexe et à des frais d'administration élevés pour produire le régime fiscal déplorable que nous avons aujourd'hui. De là, l'économie souterraine qui nous coûte au moins 90 millions de dollars par année. C'est ce qui a amené le député de Mississauga-Sud à présenter sa motion.

Je me bornerai à dire ce que j'aime et ce que j'aime moins dans cette motion. La partie C de la motion, celle où le député préconise un crédit d'impôt pour les contribuables qui embauchent des gens pour faire des travaux à leur maison, est une très bonne idée. Elle donne de la transparence à un système qui en manque singulièrement. Une bonne citoyenne de la circonscription d'Esquimalt-Juan de Fuca, Mme Shirley Wilde, m'a présenté une idée semblable pour que je la transmette en son nom au ministre du Revenu. J'attends avec impatience la réponse du ministre, qui devrait sans doute me parvenir sous peu. J'espère que nous pourrons tous étudier ensemble cette idée.

Je suis cependant contre la partie A de la motion, celle sur un programme d'information, pour la simple raison que cela entraînerait des coûts et que le gouvernement n'a pas l'argent nécessaire à moins d'alourdir le fardeau fiscal des Canadiens.

À mon sens, il serait préférable que le gouvernement recherche des moyens innovateurs de réduire ses dépenses, d'éliminer le déficit et de s'attaquer au véritable monstre, c'est-à-dire à la dette. Nous avons présenté un plan de réduction du déficit, le plan zéro en trois. J'espère que le gouvernement l'étudiera parce qu'il contient des moyens très intelligents, mais bien concrets, de réduire les dépenses sans faire souffrir les Canadiens, surtout les plus démunis, dont le sort nous préoccupe tous.

Deuxièmement, nous devons abaisser le taux de la TPS et en simplifier l'administration. Lorsque nous nous entretenons avec des gens d'affaires, nous constatons que rien ne les irrite davantage que la TPS, parce que le système de la TPS est incompréhensible et extrêmement complexe, et que le coût de son administration engouffre plus du tiers des recettes que cette taxe génère.


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Troisièmement, il faut alléger l'ensemble des impôts. En 1992, le gouvernement avait réduit les impôts et, ce qui est intéressant, il a constaté que cela avait fait augmenter ses recettes. Comment a-t-il réagi ensuite? Il s'est mit à taxer à gauche et à droite. Cette folie, plutôt que de faire augmenter ses recettes, les a fait diminuer. Il y a là une leçon pour tous les gouvernements: réduisez les impôts et la population déclarera ses revenus plus honnêtement et dépensera davantage. Cela stimulera l'économie.

Quatrièmement, je demanderais au gouvernement et aux ministres des Finances et du Revenu d'étudier l'idée de l'impôt uniforme sur le revenu que notre parti a proposée. Un tel impôt apporterait un calme relatif à tous les Canadiens.

L'une des choses qui rendent les Canadiens extrêmement furieux, c'est qu'ils ont l'impression que plus ils travaillent, moins il leur reste d'argent, que plus ils travaillent fort, plus ils donnent d'argent au gouvernement. Peu de facteurs peuvent éroder l'économie canadienne, ou n'importe quelle autre économie, autant qu'un travailleur qui a l'impression que, s'il travaille plus fort, il aura moins d'argent. Nous devons redonner aux Canadiens le goût de participer à l'économie canadienne. Ils ont perdu ce goût. Les travailleurs canadiens se demandent pourquoi ils devraient travailler plus fort lorsqu'ils donnent de plus en plus d'argent au gouvernement et qu'ils ont de moins en moins d'argent à dépenser.

(1810)

Je demanderais que nous donnions aux Canadiens une plus grande capacité de gain et un revenu disponible plus élevé. La seule façon dont nous pouvons contribuer à éliminer l'économie souterraine, c'est en contrôlant les dépenses publiques. Les Canadiens en ont assez de ces dépenses excessives. Nous devons le faire non seulement pour l'avenir des gens qui sont ici à la Chambre et de leurs familles, mais aussi pour les générations qui vont nous succéder.

Je remercie le député d'avoir présenté cette motion d'initiative parlementaire. J'espère que nous pourrons nous inspirer de la partie C de ce projet de loi pour trouver de nouvelles façons d'accroître la transparence afin d'éliminer l'économie souterraine. Nous pourrons ainsi avoir plus d'argent dans les coffres de l'État et un régime fiscal plus juste.

Nous travaillons ensemble pour atteindre ce but et j'espère que nous arriverons à élaborer un régime fiscal qui sera juste pour tous les Canadiens et qui permettra au gouvernement de contrôler ses dépenses tout en donnant aux Canadiens plus d'argent à dépenser.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Monsieur le Président, je tiens d'abord à féliciter le député de Mississauga-Sud d'avoir présenté la motion no 382, qui concerne le problème de l'économie parallèle. En plus de montrer l'intérêt de mon collègue pour ce problème, la motion nous donne l'occasion de discuter d'un phénomène qui nuit au gouvernement dans sa lutte contre le déficit et dans ses efforts en vue de maintenir nos programmes sociaux, car l'économie parallèle réduit les recettes de l'État.

J'espère que ce débat éveillera aussi l'intérêt des Canadiens pour la question de l'économie parallèle et les fera réfléchir aux difficultés qu'elle crée. Dans ma circonscription, Windsor-Sainte-Claire, j'entends souvent parler des électeurs qui comprennent le phénomène et qui en veulent à leurs voisins qui s'adonnent à cette pratique.

Les transactions au comptant, les spiritueux de contrebande bon marché, l'emploi sous le manteau et autres pratiques de ce genre nous pénalisent tous. Ceux qui agissent de la sorte ne paient pas d'impôt. Or, les impôts servent à financer les régimes de santé, l'infrastructure, les universités et les programmes sociaux. L'économie parallèle soumet les commerçants honnêtes qui paient des impôts à une concurrence déloyale. Nos voisins qui pratiquent l'économie parallèle font augmenter notre compte d'impôt.

La motion dont nous sommes saisis demande au gouvernement d'avoir recours à certains moyens pour éliminer l'économie parallèle qui existe actuellement au Canada. On a beaucoup écrit sur ce phénomène, son ampleur, ses coûts sociaux et économiques, les raisons pour lesquelles les gens abandonnent l'économie légale en faveur des transactions au noir, et de nombreuses solutions ont été proposées pour remédier au problème.

La question de l'économie parallèle me préoccupe beaucoup et elle devrait aussi préoccuper tous les Canadiens, car cette pratique a de sérieuses conséquences pour tout le monde. Comme je le disais plus tôt, plus l'économie parallèle prend de l'ampleur, moins le gouvernement encaisse de recettes. La création d'une concurrence déloyale pour les entreprises honnêtes a obligé certaines petites entreprises, de nouvelles entreprises, des entreprises à peine rentables à fermer leurs portes, ce qui a entraîné des pertes d'emploi et nous a obligés à payer plus d'impôts.

Je suis d'accord avec le député de Mississauga-Sud. Les Canadiens doivent faire quelque chose pour éliminer l'économie souterraine. Je parle ici de tous les Canadiens parce ce problème n'est pas seulement la responsabilité du gouvernement. Nous avons tous une responsabilité et un rôle à jouer. La confiance du public à l'égard du régime fiscal canadien dépend de ce que nous payons tous notre juste part et soyons sûrs que nos voisins en font autant.

Les individus et les entreprises qui participent à l'économie souterraine ne respectent pas les règles du jeu. Les gouvernements ne peuvent pas se permettre de laisser faire. Le public doit savoir que le régime fiscal est juste. Il doit savoir que, pour les entreprises honnêtes, les règles du jeu sont équitables et que les gens qui essaient de tricher vont être punis comme il se doit.

La confiance du public dépend aussi de la mise en place de mesures gouvernementales efficaces. C'est pour cette raison que notre gouvernement a proposé des mesures en vue de s'attaquer au problème de l'économie souterraine et d'autres formes de non-respect de la loi. Revenu Canada a mis en place une stratégie d'autocotisation et d'observation volontaire de la loi grâce à des programmes d'aide, d'information, de services et d'exécution responsables. Il veut s'assurer que les recettes légitimement dues au gouvernement sont bien recouvrées. La stratégie qu'il a mise en place est


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globale. Elle englobe tout le portefeuille de Revenu Canada et toutes les dimensions de l'administration des recettes. Elle est dynamique en ce sens qu'elle est sensible aux pratiques commerciales actuelles et aux forces changeantes des économies nationale et locales.

(1815)

C'est un programme ciblé qui utilise les dernières techniques, les recherches sur l'observation et le rapprochement de l'information provenant des importantes bases de données de Revenu Canada, d'autres ministères fédéraux et d'autres administrations provinciales.

Le ministère tient compte dans son approche des différents types de contribuables: particuliers, sociétés, employés salariés et autres.

Le ministère a aussi lancé des projets spéciaux pour s'attaquer aux problèmes systémiques, comme l'initiative annoncée par le ministre du Revenu en novembre 1993 pour s'attaquer au problème de l'économie souterraine. Le ministère a mis sur pied des équipes de vérification spéciales qui se concentrent sur les secteurs de la construction, de la rénovation domiciliaire, de la bijouterie, de la représentation, de la vente d'automobiles, des réparations et d'autres services où le taux de non-observation de la loi est élevé. Dans le cadre de cette initiative, des accords ont été conclus avec toutes les provinces afin de coordonner les mesures et de voir à ce que des progrès soient faits.

L'initiative mise en place par le gouvernement pour éliminer l'économie souterraine suppose aussi une collaboration étroite des entreprises, des syndicats, de l'industrie et des groupes professionnels afin d'identifier des moyens d'intensifier les efforts de Revenu Canada pour faire appliquer la loi et d'encourager l'observation volontaire de la loi. L'an dernier, les fonctionnaires du ministère ont mené d'intensives consultations auprès de plus de 240 groupes. Ils savent que l'évasion fiscale se fait au détriment des travailleurs honnêtes, qu'elle fait perdre des emplois stables et sûrs et qu'elle compromet la capacité des gouvernements d'offrir les services convenus. Les fonctionnaires veulent aider à régler ces problèmes.

Je veux traiter plus précisément de la partie de la motion qui propose d'offrir un pardon relatif, en ce qui a trait aux intérêts et aux autres pénalités exigibles, au contribuable qui déclare de son propre chef ses revenus précédemment non déclarés. Cette partie de la motion réclame une amnistie. C'est une suggestion intéressante parce qu'elle peut faciliter la réintégration dans l'économie légitime des personnes et des entreprises qui oeuvrent dans l'économie souterraine, mais les contribuables ne devraient pas, à mon avis, pouvoir s'en tirer sans payer les impôts qu'ils doivent. L'idée de base de cette proposition a un certain mérite, mais je crois qu'elle pose des problèmes dans sa formulation actuelle.

Les Canadiens qui n'ont pas déclaré tous leurs revenus ont déjà différentes solutions qui leur sont proposées. Ils peuvent déjà se présenter à Revenu Canada et mettre de l'ordre dans leur dossier. Le comportement le plus souhaitable, chez les participants à l'économie souterraine, c'est évidemment la divulgation volontaire. Le ministère a une telle politique. Avant d'être élue députée, il m'arrivait, en tant qu'avocate, d'aider des clients qui avaient employé des pratiques commerciales et fait des déclarations d'impôt non conformes à la loi.

Cette politique permet aux personnes, aux partenariats, aux sociétés, aux trusts, aux organisations sans but lucratif, aux organismes de charité et à d'autres sociétés de corriger les lacunes de leur dossier fiscal, auprès du ministère. Quand un contribuable déclare de son propre chef les revenus qu'il avait cachés au ministère, et ce, avant que celui-ci ait entrepris une vérification ou d'autres mesures d'exécution, le contribuable ne se voit imposer aucune pénalité ou sanction. Il ne fait pas l'objet de poursuites pour évasion fiscale, par exemple. Le contribuable doit simplement payer les droits et les impôts qu'il doit, plus les intérêts. Selon moi, cette politique est équitable. C'est une forme d'amnistie qui existe depuis longtemps.

Je ne suis toutefois pas d'accord pour que les intérêts soient inclus dans cette amnistie. Les intérêts dûs représentent la véritable valeur de l'argent et sont une indication du fait que ceux qui n'ont pas payé leurs impôts à temps ont en fait profité de cet argent qu'ils détenaient en fiducie pour le gouvernement, en quelque sorte.

C'est également une indication que Revenu Canada, dans le cadre de sa politique concernant la divulgation volontaire d'infractions, adopte une approche responsable à l'égard du recouvrement des créances. On pourra s'entendre sur les modalités de versement de façon à ce que les impôts dûs au gouvernement lui soient payés sans pour autant représenter une charge par trop onéreuse pour les contribuables. Cet aspect est particulièrement important pour les particuliers ou les entreprises qui font affaire sur le marché noir depuis longtemps et qui craignent d'encourir de lourdes pénalités s'ils décident de déclarer honnêtement leurs revenus.

On peut faire une divulgation volontaire en contactant directement un bureau de Revenu Canada ou en demandant à quelqu'un de le faire à sa place, par exemple, un comptable, un avocat ou un ami disposé à aider. On considère qu'une divulgation est volontaire tant que Revenu Canada n'a pas entrepris de vérification ou pris d'autre mesure d'exécution.

(1820)

J'aimerais également mentionner que grâce à des ententes de coopération entre Revenu Canada et les provinces, nous travaillons à l'élaboration d'une politique concernant la coordination de la divulgation volontaire des infractions avec toutes les provinces. Nous sommes d'avis qu'une politique commune au fédéral et aux provinces à l'égard de la divulgation facilitera les choses pour les contribuables ayant décidé de retourner à l'économie légale.

Il faut faire attention quand on envisage une amnistie fiscale. Dans le passé, lorsqu'on a eu recours à des amnisties plus généreuses que celles accordées dans le cadre du programme de divulgation volontaire, elles n'ont eu que des effets limités. Les amnisties fiscales peuvent inciter au non-respect, au lieu du contraire. Les gens croient que, puisqu'ils ont déjà profité d'une amnistie, ils auront droit à d'autres amnisties par la suite et, ainsi, ils attendront


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et remettront la coopération à plus tard. Il en résultera une moins grande observation de la loi et non une observation accrue.

Les gens croient aussi que la politique d'amnistie signifie qu'ils n'auront pas à payer les intérêts, qu'ils pourront éviter les intérêts sur les impôts et n'auront plus à assumer cette responsabilité.

Nous avons fait énormément de progrès depuis que le ministre du Revenu national a présenté son plan d'action pour mettre fin à l'économie parallèle. Cette démarche a procuré au gouvernement plus de 860 millions de dollars en cotisations supplémentaires et elle a permis à Revenu Canada d'améliorer son efficacité dans la recherche des non-déclarants et des non-inscrits. Le ministère est parvenu à des ententes de coopération avec toutes les provinces et il travaille en partenariat avec certains groupes du secteur privé.

Il est évident que les Canadiens sont préoccupés par l'économie parallèle et sont prêts à collaborer pour trouver des solutions. Je remercie à nouveau le député de sa motion. Je le félicite, car cette motion prouve que le député et ses électeurs veulent amener les Canadiens à discuter des conséquences négatives de l'économie parallèle et à trouver des façons d'encourager les gens à revenir à l'économie légitime.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais faire quelques observations en faveur de la motion no 382, présentée par le député de Mississauga-Sud.

Au gouvernement, nous demandons à la population de ce pays de faire des sacrifices importants au nom de la réduction du déficit. Je pense que la plupart des Canadiens comprennent le sérieux de la situation et sont prêts à faire ces sacrifices.

Même si certains se plaignent des impôts, j'aimerais dire au départ que je pense que les Canadiens, d'une façon générale, sont prêts à verser une juste part de leur revenu en échange des services dont ils ont besoin. Ils ont dit clairement que les services qu'ils désirent sont l'assurance-maladie, des systèmes solides d'infrastructure et de transport, des collectivités sûres et la sécurité du revenu pour tous les Canadiens.

Toutefois, je pense aussi qu'ils sont las de voir leur argent gaspillé, depuis des années, d'une façon qu'ils n'appuieraient jamais. Ils veulent que nous dépensions l'argent de la même façon qu'ils le dépenseraient eux-mêmes, c'est-à-dire avec soin, après mûre réflexion, après avoir considéré le travail que cet argent a exigé. Cette attente est juste car, après tout, c'est leur argent.

Le public nous surveille étroitement. Lorsqu'il entend parler de dépenses somptuaires ou de fonds gaspillés, à quelque niveau de gouvernement que ce soit-fédéral, provincial ou municipal-sa confiance dans les gouvernements en général s'en trouve diminuée.

En tant que gouvernement, nous avons constaté cela dès le début et nous avons pris de nombreuses mesures pour que les contribuables en aient pour leur argent. Je pense que c'est extrêmement important et j'invite tous les députés à faire preuve de vigilance dans ce domaine.

Lorsque le public considère le gouvernement comme un grand trou noir qui pompe leur argent sans jamais rien leur donner en retour, ils ont tendance à se demander pourquoi ils devraient payer des taxes sur ce travail de rénovation de leur cuisine ou sur ce camion de gravier.

(1825)

Pour beaucoup de particuliers et d'entreprises qui profitent de l'économie souterraine, c'est devenu une façon pratique non seulement d'éviter de payer des taxes, mais aussi de se prémunir, à petite échelle, contre le fardeau injuste auquel ils se considèrent soumis par les gouvernements.

Ils peuvent estimer que leur situation financière justifie leurs gestes. Il y a peut-être plusieurs années qu'ils n'ont pas eu d'augmentation de salaire, voire de chèques de paye réguliers. Ils ont peut-être perdu leur emploi précédent parce que le gouvernement a diminué son personnel. Ils estiment peut-être que le régime fiscal est trop complexe ou trop injuste.

Quelle que soit la raison, il est de première importance qu'ils comprennent qu'ils font du tort à l'économie du pays et que, en fin de compte, ils se font du tort à eux-mêmes. Les estimations faites quant à l'ampleur de l'économie souterraine varient énormément, allant de 20 à 140 milliards de dollars par année, selon la méthode employée.

Même en supposant que le chiffre le moins élevé soit celui qui se rapproche le plus de la réalité, les gouvernements seraient privés de 20 milliards au moment de fournir les services nécessaires à la population.

L'économie souterraine crée une concurrence déloyale pour les entreprises respectueuses des lois. Cette situation entraîne des pertes d'emplois et contraint les travailleurs honnêtes à payer plus que leur juste part d'impôt, leur donnant ainsi le sentiment que l'on profite d'eux. C'est un cercle vicieux et il faut bien comprendre que nous sommes tous victimes de l'économie souterraine.

Les députés, ainsi que tous les Canadiens, doivent prendre conscience des coûts réels de l'économie souterraine. Ces coûts sont énormes. Ils se traduisent par une diminution des services essentiels, des impôts plus élevés, une concurrence déloyale et une baisse du niveau de vie des contribuables honnêtes.

Quelle incidence l'économie souterraine a-t-elle sur le chef d'entreprise légitime qui tâche de rester compétitif? Les chefs d'entreprise honnêtes sont désavantagés dès le départ parce qu'ils ne peuvent offrir au client le même marché que celui qui lui est offert par celui qui exécutera le travail sans percevoir les taxes. Il en résulte que le chef d'entreprise légitime fait face à une concurrence déloyale, et cela entraîne des pertes d'emplois.

Le client qui choisit le prix inférieur et qui paie comptant doit comprendre qu'il triche le système et devient en fait le complice d'une fraude fiscale. Il doit en arriver à comprendre qu'il bénéficie de la gamme complète des services de l'État, mais qu'en s'engageant dans l'économie souterraine, il ne paie plus sa juste part. Il

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participe à une transaction qui met en péril nos services de santé, d'éducation et autres services économiques et sociaux essentiels.

La motion dont la Chambre est saisie recommande au gouvernement d'informer le public et de l'encourager à contribuer à résoudre le problème. J'appuie cette recommandation de tout coeur. Les Canadiens ont besoin de connaître les faits à propos de la gravité du problème de l'économie souterraine et à propos de ce qu'on peut faire pour en réduire la gravité.

Le gouvernement a reconnu cette vérité fondamentale et a fait de l'information un élément fondamental de son plan d'action visant à réprimer l'économie souterraine.

Au cours de l'année dernière, les fonctionnaires de Revenu Canada ont consulté activement des particuliers et des associations partout au Canada.

Avec l'Institut canadien des comptables agréés, par exemple, le ministère a établi un comité de travail chargé d'enquêter sur les causes de l'économie souterraine, d'examiner les techniques de vérification, de déterminer la formation qui aiderait à retracer les revenus non déclarés ou déclarés en partie et d'identifier les possibilités de réduire le coût et le fardeau administratif de l'observation de la loi pour les entreprises et les particuliers.

Ces organismes font ensuite connaître à leurs membres les risques qu'il y a à s'engager dans l'économie souterraine. Le message est simple. Chaque citoyen et chaque entreprise a un rôle à jouer dans l'élimination de l'économie souterraine. Les particuliers peuvent commencer par refuser de faire affaire avec des entreprises et des travailleurs qui demandent d'être payés en espèces. Les entreprises peuvent faire leur part en refusant de travailler «sous la table».

(1830)

La publicité accrue que le ministre du Revenu national fait pour dénoncer ce problème a un effet. Le nombre de divulgations volontaires, c'est-à-dire de personnes qui font volontairement des démarches pour régulariser leur situation fiscale, a doublé depuis un an. Je crois que l'idée d'accorder une amnistie restreinte, pour les intérêts et les pénalités qu'il doit, au contribuable qui déclare de son propre chef du revenu auparavant non déclaré est une bonne idée qui encouragera encore plus de Canadiens honnêtes à déclarer la totalité de leur revenu.

Je suis convaincu que nous faisons des progrès dans notre lutte contre l'économie souterraine et d'autres formes de fraude fiscale et je félicite le député de Mississauga-Sud pour ses efforts en vue de stimuler la discussion sur ce sujet. Je prie instamment les députés de transmettre le message à leurs électeurs.

En tant que gouvernement, nous avons reconnu la nécessité de prendre des mesures pour regagner la confiance et le respect des citoyens, et nous faisons notre part. J'exhorte les députés à parler à leurs électeurs de l'économie souterraine, de la gravité de ce problème et de la façon dont nous pouvons l'atténuer, et j'exhorte les Canadiens à faire leur part en n'encourageant pas cette activité nuisible.

Le président suppléant (M. Kilger): Cela met fin au débat sur la motion d'initiative parlementaire M-382.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

Le président suppléant (M. Kilger): La motion est adoptée avec dissidence.

(La motion est adoptée.)

______________________________________________


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MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES SUBVENTIONS GOUVERNEMENTALES

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, mon intervention va porter sur une réponse, à mon avis insatisfaisante, qui m'a été donnée lors de la période des questions du 28 septembre dernier, alors que je m'adressais au ministre du Développement des ressources humaines, question qui avait deux volets: l'assurance-chômage et la formation professionnelle.

Voilà que dans sa réponse, le ministre du Développement des ressources humaines s'est livré à un commentaire que je qualifierais d'un peu indécent puisqu'il m'a répondu, comme il n'acceptait pas ma position vis-à-vis de la formation professionnelle:

. . . ça ne tourne pas rond dans sa tête. J'ai ici une lettre qu'il m'a écrite pour me demander d'appuyer un projet à l'intention des jeunes parrainé par le gouvernement fédéral dans sa circonscription. Je suis très heureux de lui dire que je lui assurerai mon appui à l'égard de ce projet s'il peut m'assurer qu'il appuiera le non le 30 octobre.
M. Crête: Inacceptable.

M. Dubé: Comme mon collègue de Kamouraska-Rivière-du-Loup me le suggère, c'est tout à fait inacceptable parce que c'est un mépris de la démocratie.

Le ministre du Développement des ressources humaines est pourtant un parlementaire de longue expérience. C'est un parlementaire qui a vécu pendant neuf ans au moins le rôle de l'opposition. Pendant neuf ans, et j'ai lu et relu beaucoup de ses discours, il s'est livré à des critiques assez sévères à l'endroit des réalisations du gouvernement conservateur, et c'était son rôle de le faire. Je ne critique pas le fait qu'il l'ait fait. Lorsqu'il était dans l'opposition, c'était son rôle de le faire, de critiquer les programmes du gouvernement.

Dans ce cas-ci il parle d'une lettre, et le lendemain, le secrétaire parlementaire m'a précisé qu'il y avait une deuxième lettre qui touchait deux projets. Je rappelle les projets en question. C'était un projet parrainé par Ateliers Jeunesse de mon comté, un projet qui s'appelait JET, qui visait à créer une banque d'emplois à temps

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partiel pour des jeunes de niveau secondaire. Cela n'avait rien à voir avec la formation professionnelle.

(1835)

Le lendemain, le secrétaire parlementaire, au nom du ministre, m'a parlé d'un autre projet lié à Service jeunesse Canada. Oui, bien sûr, j'ai critiqué Service Jeunesse Canada, mais c'était pour un programme incubateur d'emplois. Lors de mes critiques concernant le programme Service Jeunesse Canada, je déplorais que des volets de formation allaient à l'encontre de la formation professionnelle, du consensus québécois à l'égard de la formation professionnelle.

Or, j'ai été conséquent et c'est pourquoi j'ai appuyé le projet présenté dans ce programme, parce que, justement, il n'y avait pas de volet, dans le projet en question, concernant la formation professionnelle; il s'agissait plutôt d'un volet incubateur d'emplois consistant à aider des jeunes à créer leur propre entreprise.

Je pourrais parler longtemps de cela, mais comme il reste très peu de temps, je dirai que c'est une question de principe. À mon avis, c'est du chantage, une atteinte à la vie démocratique.

J'ai été élu par les gens de mon comté pour les représenter. C'est ce que j'ai voulu faire en envoyant au ministre des projets pour son acceptation. Il me demande maintenant d'appuyer le non, et si j'appuie le non, il va m'accorder une réponse positive à ce projet. Je trouve cela inacceptable.

S'il s'agissait d'un geste isolé, je dirais qu'il s'agit d'une parole irréfléchie. À ce moment-là, le ministre aurait dû dire: «Écoutez, les mots ont dépassé ma pensée; ce n'est pas ce que je pense.» Mais non, le lendemain, il n'était pas là, et il a fait répondre son secrétaire parlementaire qui en rajoute. En fait, il critiquait les critiques que j'avais faites à l'endroit de ce programme.

Je trouve cela inacceptable, d'autant plus que, dans le contexte présent, on se fait, tous les jours, remarquer. Par exemple, dans un document secret d'Industrie Canada, on pointait de quelle allégeance politique les entreprises étaient afin de savoir si on allait financer un projet ou non.

Je trouve cela inacceptable. Mon intervention d'aujourd'hui est faite dans cette enceinte de la Chambre des communes, une enceinte qui réunit des gens élus par la voie démocratique. J'invoque ce droit pour que cela soit rétabli, pour que les gens d'en face, du côté du gouvernement, cessent leur chantage car, nous, on ne l'accepte pas.

Je vous remercie, monsieur le Président, de m'avoir permis de m'exprimer. Il semble que personne ne va me donner la réplique. Une autre preuve de la démocratie.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord indiquer que le ministre du Développement des ressources humaines a été plutôt étonné de l'appui manifesté par le député de Lévis à l'égard de la réalisation d'un projet de Service Jeunesse Canada dans sa circonscription.

C'est ce député lui-même qui a déjà affirmé que le Service Jeunesse Canada représentait une ingérence dans un champ de compétence provinciale. Il est donc difficile de faire le rapprochement entre l'appui enthousiaste manifesté par le député à l'égard de la proposition et son opinion des initiatives fédérales.

Néanmoins, comme le secrétaire d'État à la formation et à la jeunesse l'a indiqué au député dans une lettre en date du 5 septembre 1995, la proposition dont il est question est toujours très, très valable, mais nous devons obtenir certaines précisions la concernant.

Le promoteur, Alliance-Jeunesse, a été invité à réviser sa proposition, et le secrétariat du Service Jeunesse Canada lui a offert de charger l'un de ses représentants de se rendre sur place et de lui fournir de l'aide. Dès que nous aurons reçu la proposition, je peux garantir au député que celle-ci sera traitée immédiatement.

Pour l'instant, je pense que le député sera heureux d'apprendre que le ministre a déjà fourni beaucoup d'aide à l'emploi dans sa circonscription. Cette aide se chiffre à 7,7 millions de dollars au titre de l'aide fournie aux habitants de la circonscription de Lévis, selon les dernier chiffres de l'année financière 1994-1995. Donc, c'est un montant très, très important.

Ce fait, plus que tout autre, en dit long sur l'argument du député selon lequel le ministre fonde ses décisions en matière de financement sur les votes passés ou les intentions de vote du député qui représente cette circonscription.

Les faits démontrent que cette allégation n'est pas du tout fondée.

(1840)

[Traduction]

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, durant la période des questions aujourd'hui, j'ai posé une question concernant la part des retombées de l'aide canadienne au développement international qui échoit au Québec. Il me semble, selon ce que j'ai entendu au cours des dernières semaines durant la période des questions, que le Bloc québécois n'arrive pas à décider s'il veut que le gouvernement fédéral dépense de l'argent au Québec ou non.

Le Bloc prétend que le Québec se porterait mieux s'il devenait un pays séparé, extérieur au Canada. Toutefois, les faits et même les rapports produits par le gouvernement du Parti québécois montrent que ce n'est pas le cas. Ces rapports indiquent que le Québec est mieux à l'intérieur du Canada qu'il ne le serait à l'extérieur comme pays séparé.

L'aide au développement international est un exemple qui illustre bien ce fait.

[Français]

Pour l'année financière 1992-1993, dernière année pour laquelle une comparaison provinciale a été effectuée, près de 30 p. 100 des approvisionnements de l'APD sont effectués au Québec. Le tiers-ce qui veut dire 33,4 p. 100-des consultants inscrits sont au Québec. Plus du tiers-ce qui veut dire 36,3 p. 100-des marchés sont conclus au Québec. La valeur des marchés conclus au Québec-un peu moins de 100 millions de dollars-représente environ un tiers, soit 33,1 p. 100, du total national.

15327

[Traduction]

Il est donc évident que, avec un peu moins de 25 p. 100 de la population totale du Canada et près d'un tiers des contrats ayant trait à l'aide internationale, le Québec s'en tire fort bien dans le cadre des programmes de l'ACDI et des programmes d'aide internationale.

Par ailleurs, dans le passé, le Canada atlantique ne s'en est pas aussi bien tiré. En fait, ces dernières années, le Canada atlantique a reçu moins que sa juste part des retombées de l'aide au développement international. Nous cherchons à redresser cette situation.

J'ai eu le plaisir de faire partie du Comité des affaires étrangères jusqu'à tout dernièrement, quand je suis passé au Comité de la justice. Le printemps dernier, lorsque la présidente de l'Agence canadienne de développement internationale a comparu devant le comité au sujet du budget, j'ai eu l'occasion de lui poser des questions sur un certain nombre de choses. Une des questions que je lui ai posées concernait la part des contrats d'aide au développement et les retombées qui allaient à la région de l'Atlantique. Elle a convenu qu'il y avait du travail à faire pour améliorer cela. Je pense qu'elle reconnaît ou devrait reconnaître que les sociétés du Canada atlantique peuvent s'en tirer aussi bien que toutes les autres. Nous avons montré, pendant le sommet du Groupe des Sept, à Halifax, que les Canadiens de l'Atlantique peuvent réussir aussi bien que quiconque ailleurs dans notre pays et, en fait, dans le monde.

J'attends avec impatience les résultats de cette année. J'espère que la part des marchés de l'ACDI qui vont au Canada atlantique augmentera considérablement.

Le Canada atlantique a d'autres plaintes à formuler dans d'autres secteurs où nous estimons ne pas toujours recevoir notre part. Cependant, nous avons une grande confiance dans notre pays. J'estime que la majorité des Québécois ont également une grande confiance dans notre pays; ils croient dans le Canada. Comme la majorité des Québécois, nous estimons pouvoir continuer de travailler ensemble pour résoudre nos problèmes. Nous pouvons continuer d'améliorer et de construire le Canada, le meilleur pays au monde.

[Français]

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, toutes les régions du Canada, sans exception, profitent des retombées du budget alloué à l'aide publique au développement. Le gouvernement canadien n'hésite pas à faire appel au savoir-faire des Canadiens qui ont les compétences nécessaires ainsi que le désir de contribuer à l'essor des pays en développement.

Le Québec est riche de ces compétences. Le Québec s'est toujours engagé à aider les populations les plus démunies. Le gouvernement du Canada en est pleinement conscient et fait appel régulièrement à ce capital de savoir et de bonne volonté dans la mise en application de son programme d'aide.

C'est ainsi que plusieurs compagnies québécoises ont obtenu des contrats du gouvernement canadien qui leur a permis d'exporter leur savoir-faire. Qu'il me soit permis d'en nommer quelques-unes dont l'apport est reconnu. Je pense, entre autres, à la Société Vitronov de Montréal qui a remporté cette année un prix d'excellence de l'Association des exportateurs canadiens pour un projet innovateur dans le secteur de la biotechnologie au Maroc. J'ai aussi en tête des compagnies telles que SR Télécom, ADS Associés, Tecsult, et j'en passe.

Le fait que le Québec obtienne sa large part des retombées de la l'APD canadienne est établi. Près de 30 p. 100 des approvisionnements de l'APD sont effectués au Québec. Qui plus est, au-delà du tiers, soit 36,3 p. 100, des marchés sont conclus au Québec.

On estime que des 45 000 emplois créés au Canada par l'aide publique au développement, plus de 12 000 se retrouvent dans la belle province.

À l'instar des autres Canadiens, les Québécois s'ouvrent de plus en plus sur le monde. Ils comprennent en cette fin de millénaire que les enjeux planétaires sont d'une telle importance qu'ils nécessitent la mise en commun de nos ressources et le renforcement des partenariats existants.

Le programme d'APD cherche à régler les problèmes qui posent une menace réelle sur la sécurité, aussi bien au Canada que dans le reste du monde. Le gouvernement canadien entend continuer à faire appel à l'excellence du savoir-faire québécois dans sa contribution à l'instauration d'un monde plus prospère et plus juste.

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 47.)