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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 2 novembre 1995

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVS PÉCUNIAIRESEN MATIÈRE D'AGRICULTURE ET D'AGROALIMENTAIRE

    Projet de loi C-61. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 16107
    Adoption de la motion par 125 voix contre 76 16107
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 16108

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

INITIATIVES PARLEMENTAIRES-MOTION M-473

PÉTITIONS

LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

LA PRIÈRE PARLEMENTAIRE

L'ORIENTATION SEXUELLE

LA LOI SUR LE DIVORCE

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR LE COMMERCEINTÉRIEUR

    Projet de loi C-88. Reprise de l'étude endeuxième lecture 16110
    M. Leroux (Shefford) 16112
    Report du vote sur la motion 16120

LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE

    Projet de loi C-103. Motion de troisième lecture 16120
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 16122
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoptiondu projet de loi 16130

LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

    Projet de loi C-95. Motion de deuxième lecture 16130

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES GRIZZLIES DE VANCOUVER

L'UNITÉ CANADIENNE

LE PROJET DE LOI C-101

LES RÉFUGIÉS

LES RÉSERVES DU MONARQUE

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

LE PREMIER MINISTRE DU NOUVEAU-BRUNSWICK

L'ALBERTA

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

LA CIRCONSCRIPTION DE SAINT-MAURICE

LE CHEF DU PARTI QUÉBÉCOIS

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

L'UNITÉ NATIONALE

    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 16141

HOMMAGE AU PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC

QUESTIONS ORALES

LE RÉFÉRENDUM

    M. Harper (Calgary-Ouest) 16143
    M. Harper (Calgary-Ouest) 16143
    M. Harper (Calgary-Ouest) 16144

DÉSIGNATION D'UN DÉPUTÉ

LE RÉFÉRENDUM

DÉSIGNATION D'UN DÉPUTÉ

LES RESSOURCES NATURELLES

L'AIDE SOCIALE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16146
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16146

SRI LANKA

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 16147
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16147
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 16147
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 16147

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS ORALES

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE
DES QUESTIONS

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE
DES QUESTIONS

    M. White (North Vancouver) 16149

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    M. Speaker (Lethbridge) 16150

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

    Projet de loi C-95. Reprise de l'étude de la motion 16150
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 16156
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 16157
    M. White (North Vancouver) 16163
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 16164

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA «MARCHE SUR OTTAWA»

    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 16175

16107


CHAMBRE DES COMMUNES

Le jeudi 2 novembre 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES PÉCUNIAIRES EN MATIÈRE D'AGRICULTURE ET D'AGROALIMENTAIRE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 1er novembre, de la motion: Que le projet de loi C-61, Loi établissant un régime de sanctions administratives pécuniaires pour l'application de la Loi sur les produits agricoles au Canada, de la Loi relative aux aliments du bétail, de la Loi sur les engrais, de la Loi sur la santé des animaux, de la Loi sur l'inspection des viandes, de la Loi sur les produits antiparasitaires, de la Loi sur la protection des végétaux et de la Loi sur les semences, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Le Président: Comme il est 10 heures, conformément à l'article 45 du Règlement, la Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-61, Loi établissant un régime de sanctions administratives pécuniaires pour l'application de la Loi sur les produits agricoles au Canada, de la Loi relative aux aliments du bétail, de la Loi sur les engrais, de la Loi sur la santé des animaux, de la Loi sur l'inspection des viandes, de la Loi sur les produits antiparasitaires, de la Loi sur la protection des végétaux et de la Loi sur les semences.

Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 364)

POUR

Députés
Adams
Alcock
Anawak
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Baker
Bakopanos
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bellemare
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Blaikie
Bonin
Boudria
Brushett
Bryden
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Cowling
Crawford
Culbert
DeVillers
Dhaliwal
Dingwall

Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fewchuk
Finestone
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Graham
Gray (Windsor West/Ouest)
Grose
Guarnieri
Harvard
Hickey
Hopkins
Hubbard
Iftody
Irwin
Jackson
Keyes
Kirkby
Knutson
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Lee
Loney
MacAulay
MacDonald
Maclaren
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Massé
McCormick
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Milliken
Minna
Murphy
Nault
O'Reilly
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Phinney
Pickard (Essex-Kent)
Pillitteri
Proud
Reed
Rideout
Robichaud
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Simmons
Speller
St. Denis
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Taylor
Telegdi
Terrana
Tobin
Ur
Vanclief
Verran
Walker
Wells
Whelan
Wood
Zed-125

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Asselin
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bridgman
Brien
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
de Savoye
Debien
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier
Gouk
Grey (Beaver River)

16108

Grubel
Guimond
Hanger
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Harris
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Kerpan
Lalonde
Landry
Laurin
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Shefford)
Loubier
Marchand
Mayfield
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Ménard
Mercier
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré
Penson
Picard (Drummond)
Pomerleau
Ringma
Rocheleau
Sauvageau
Silye
Solberg
Speaker
St-Laurent
Strahl
Thompson
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
White (Fraser Valley West/Ouest)
White (North Vancouver)-76

DÉPUTÉS-«PAIRÉS»

Bouchard
Canuel
Ianno
Jacob
Jordan
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
McGuire
Plamondon
Thalheimer
Venne

(1025)

Le Président: Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

M. Chan: Monsieur le Président, si mon avion avait été à l'heure, j'aurais voté du côté du gouvernement.

______________________________________________


16108

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.

* * *

INITIATIVES PARLEMENTAIRES-MOTION M-473

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je voudrais solliciter le consentement de la Chambre pour que, me concernant, je puisse interchanger la motion 473 pour la motion 474 sur l'ordre des priorités des affaires émanant des députés. Je sollicite le consentement de la Chambre.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre accorde-t-elle son consentement unanime?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): J'accorde la parole à l'honorable député de Calgary-Ouest sur un recours au Règlement.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Si je comprends bien la motion, elle vise à éviter la tenue d'un débat sur le droit du Québec à l'autodétermination en vertu du droit international. Comme il ressort des déclarations du Bloc que la question fera éventuellement l'objet d'un débat, le Parti réformiste estime que le Parlement doit, en tant que représentant de l'ensemble des Canadiens, pouvoir débattre de cette question. Par ocnséquent, le Parti réformiste s'oppose à ce que la motion soit retirée du Feuilleton.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conséquemment, nous n'avons pas le consentement unanime.

* * *

PÉTITIONS

LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Madame la Présidente, c'est un honneur pour moi de présenter cette pétition au sujet des petites et moyennes entreprises.

[Traduction]

À peu près tout le monde sait que les petites et moyennes entreprises sont importantes pour la création d'emplois au Canada et pour la qualité de vie des Canadiens. Les pétitionnaires demandent simplement que, lorsque les gouvernements prennent des décisions pouvant avoir des répercussions sur les petites et moyenns entreprises, ils tiennent compte de l'importance de ces dernières pour la création d'emplois et notre qualité de vie.

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

M. Lyle Vanclief (Prince Edward-Hastings, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par 33 Canadiens de la région de Edward-Hastings qui demandent au Parlement d'interdire l'entrée de la somatotrophine bovine au Canada en adoptant une loi imposant un moratoire sur l'utilisation et la vente de la somatotrophine bovine jusqu'à l'an 2000 et d'examiner les questions sanitaires et économiques en suspens dans le cadre d'un examen public indépendant.

(1035)

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de déposer une pétition qui regroupe plusieurs centaines de personnes, un certain nombre de jeunes qui demandent au gouvernement canadien d'amender la Loi canadienne sur les droits de la personne pour inclure, comme dixième motif illicite de discrimination, l'orientation sexuelle.


16109

J'appuie avec enthousiasme cette pétition et j'espère que le gouvernement agira avec célérité.

[Traduction]

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition qui a circulé partout au Canada. Cette pétition est signée par un certain nombre de Canadiens de Stratford, en Ontario.

Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que la gestion du foyer familial et le soin d'enfants d'âge préscolaire constituent une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société. Ils affirment, en outre, que la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire à l'égard des familles qui choisissent de prendre soin, à domicile, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

Par conséquent, les pétitionnaires prient le Parlement de prendre les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination fiscale dont sont victimes les familles qui décident de s'occuper, à domicile, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

LA PRIÈRE PARLEMENTAIRE

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, j'ai l'honneur de présenter une pétition de la part des citoyens de la ville et du comté de Peterborough. Selon les pétitionnaires, attendu que le nom de Jésus-Christ et le Notre Père sont inclus dans la prière parlementaire historique de la Chambre des communes depuis 1867, que le Canada est fondé et a été bâti sur les principes du christianisme et qu'une vaste majorité de Canadiens pratiquent la foi chrétienne, les pétitionnaires demandent à la Chambre des communes de terminer la prière parlementaire par les mots «Par Jésus-Christ, Notre Père, Amen» et de rétablir le Notre Père à la fin de la prière.

L'ORIENTATION SEXUELLE

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Madame la Présidente, j'ai une autre pétition signée par de nombreux citoyens de l'est de l'Ontario.

Les pétitionnaires signalent que des gestes discriminatoires sont posés quotidiennement dans toutes les régions du Canada à l'endroit des lesbiennes, des homosexuels et des bisexuels et que c'est inacceptable dans un pays qui a la réputation de respecter les droits de la personne et de reconnaître l'égalité et la dignité de tous les citoyens.

Ces pétitionnaires demandent donc au Parlement de modifier rapidement la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'interdire la discrimination pour des motifs d'orientation sexuelle et de modifier toutes les mesures qu'il faudra pour que la loi fédérale reconnaisse les relations entre personnes de même sexe au même titre que les autres.

[Français]

LA LOI SUR LE DIVORCE

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Madame la Présidente, en vertu de l'article 36 du Règlement, j'ai le plaisir aujourd'hui de présenter une pétition signée par 111 résidants du comté de Labelle dans ma circonscription.

Cette pétition porte sur une question qui préoccupe de nombreux Canadiens. Elle demande au Parlement de modifier la Loi sur le divorce, de manière à y inclure une disposition identique à l'article 611 du Code civil du Québec qui dispose que les père et mère ne peuvent, sans motif grave, faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents et qu'à défaut d'accord entre les parties, les modalités de ces relations soient réglées par le tribunal.

* * *

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, nous répondons aujourd'hui à la question no 239.

[Texte]

Question no 239-M. White (Fraser Valley-Ouest):

En ce qui concerne la Société canadienne des postes, pour la plus récente période de douze mois, a) quelle a été la ventilation détaillée de tous les frais d'accueil de clients d'affaires et autres, en précisant les loges et les billets de saison aux stades et aux arénas de sports professionnels, y compris les frais remboursés aux employés, et b) quels ont été les frais réclamés par les quatre principaux cadres supérieurs de la Société canadienne des postes à Vancouver, Calgary, Edmonton, Regina, Winnipeg, Toronto, Ottawa et Montréal?
L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Lib.): En tant que société d'État à vocation commerciale, la Société canadienne des postes n'est pas assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Le gouvernement a décidé de ne pas imposer cette loi aux sociétés d'État telles que la Société canadienne des postes, étant donné qu'elles doivent fonctionner dans un milieu concurrentiel. La Loi sur la protection des renseignements personnels protège également les renseignements personnels contre l'accès d'une tierce partie, puisqu'ils sont considérés comme confidentiels du point de vue commercial.

[Traduction]

M. Milliken: Madame la Présidente, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

> 16110


16110

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR LE COMMERCE INTÉRIEUR

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 1er novembre 1995, de la motion: Que le projet de loi C-88, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Lorsque la Chambre a étudié le projet de loi C-88 la dernière fois, il restait onze minutes de débat à l'honorable député de Joliette.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Madame la Présidente, en effet, lorsque j'ai dû interrompre mon intervention hier pour laisser place à la poursuite de l'ordre du jour, j'en étais à parler de la véritable portée du projet de loi C-88, et particulièrement de l'article 9 de ce projet de loi.

Le libellé de l'article 9 permet une interprétation très large qui pourrait permettre au gouvernement fédéral d'intervenir et d'imposer des mesures de rétorsion, même lorsqu'il n'est pas partie au litige.

Le Bloc québécois a toujours été en faveur de la libéralisation des échanges, et nous ne pouvons faire autrement qu'appuyer le principe de cette libéralisation des échanges, mais lorsqu'il s'agit, par un article comme celui-ci, d'accorder au gouvernement fédéral des pouvoirs très larges, nous devons, à ce moment-ci, nous opposer à l'acceptation du projet tel que déposé, ou du moins au libellé de l'article 9. En effet, cet article pourrait laisser place à deux interprétations très différentes.

(1040)

Une première interprétation pourrait faire en sorte que le gouvernement fédéral se donne des pouvoirs, parce qu'il a une obligation, en vertu de l'Accord, de se doter de la possibilité d'imposer des mesures de rétorsion, mais seulement dans le cas où il serait une partie lésée. Nous croyons que le libellé de l'article 9 du projet de loi ne dit pas ceci. En effet, le premier paragraphe de l'article 9 dit ceci:

(1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, aux termes de l'article 1710 de l'Accord, en vue de suspendre des avantages d'une province ou de prendre contre elle des mesures de rétorsion ayant un effet équivalent. . .
Alors, le gouvernement fédéral peut intervenir et imposer diverses mesures que je ne vais pas lire au complet, mais simplement pour les résumer: suspendre certains droits ou privilèges, modifier l'application d'un texte législatif, assujettir une province à l'application d'un texte législatif fédéral, ou encore prendre toute autre mesure qu'il estime nécessaire.

Tel que libellé, nous pourrions interpréter ce que ceci veut dire. Dans le cas où une partie est reconnue fautive, aux termes de l'article 1710 de l'Accord, le gouvernement fédéral, qu'il soit partie ou non au litige, se donne le droit d'imposer des mesures de rétorsion contre cette partie. Les parties, on a vu hier, pouvaient être une province, le gouvernement fédéral ou toute autre tierce partie qui a un lien étroit soit avec la province, soit avec le gouvernement fédéral.

Nous avons aussi mentionné hier, que, de par son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral s'immisçait déjà dans nombre de domaines ou d'activités de juridiction strictement provinciale, déjà la latitude du gouvernement fédéral était très large en fonction de cette définition qu'on a donnée aux parties. Puisqu'il y a déjà une très large latitude qui est accordée dans la définition au gouvernement fédéral, il serait superflu d'en ajouter encore ici et de permettre au gouvernement fédéral d'intervenir, même lorsqu'il n'est pas une partie lésée. Nous croyons que cette interprétation est contraire à l'Accord.

En effet, il n'est pas prévu dans l'Accord que le gouvernement fédéral puisse imposer des mesures de rétorsion à une partie fautive. Il pourrait le faire seulement s'il était reconnu comme une partie lésée dans ce litige.

La deuxième interprétation que l'on pourrait donner, celle avec laquelle nous pourrions être d'accord, est que si on voulait dire, par ce libellé, que le gouvernement fédéral peut imposer des mesures de rétorsion à une partie fautive, aux termes de l'article 1710 de l'Accord, il pourrait le faire uniquement lorsqu'il est la partie lésée dans le litige.

Si c'est ce qu'on veut dire par ce texte, nous pourrions être d'accord. Cependant, comme il y a matière à interprétation et qu'il peut y avoir ambiguïté à cause du libellé, nous souhaiterions que pour éclaircir ce paragraphe, un amendement devrait être apporté dans le sens suivant: lorsque le gouvernement fédéral est reconnu comme une partie lésée par une mesure contraire à l'Accord qui lui est imposé par une autre partie, le gouverneur en conseil peut, par décret, aux termes de l'article 1710 de l'accord. . . et le reste de l'article 9 pourrait demeurer le même. C'est une première remarque que nous avons à faire sur l'article 9.

(1045)

Un autre point que je voudrais soulever, c'est que l'éventail de rétorsions dont se dote le gouvernement fédéral, par le même article 9 du projet de loi, est bien trop large.

En effet, en se dotant de pouvoirs de modifier ou de suspendre l'application, pour une province, de tout texte législatif fédéral ou encore de l'assujettir à un texte législatif fédéral ou encore de prendre toute autre mesure jugée nécessaire, le gouvernement fédéral se donne un pouvoir de réplique démesuré qui peut toucher l'ensemble des citoyens d'une province. Le problème vient du fait qu'Ottawa a un pouvoir législatif qui touche l'ensemble des Canadiens et qu'il impose déjà des lois aux provinces. Ces pouvoirs, les provinces ne les ont pas, et nous pensons ici, encore une fois, que le gouvernement fédéral pourrait s'imposer aux provinces en vertu de cet article.

Il faudrait aussi encadrer ce pouvoir de riposte du gouvernement fédéral et limiter ce pouvoir strictement aux sphères commerciales déjà décrites dans l'Accord. Ainsi, si on était d'accord pour faire ces adoucissements, le gouvernement fédéral ne pourrait plus riposter dans des sphères sociales et s'attaquer, par exemple, au Transfert social canadien.


16111

Alors, pour le Bloc québécois, c'est un autre point de vue sur cet article qui, pour nous, est très important.

Enfin, je voudrais faire mention d'un autre aspect litigieux de ce projet de loi. L'article 14 de ce projet de loi parle de pouvoirs de nomination.

Le gouverneur en conseil peut, par décret, nommer les personnes aux postes qu'il estime nécessaires ou indiqués pour la mise en oeuvre de l'Accord.
Là encore, comme dans bien d'autres domaines, le Bloc québécois croit que ces nominations devraient être entérinées par la Chambre des communes au lieu de procéder tout simplement par décret du gouverneur en conseil. À l'instar de plusieurs commissions importantes où les nominations sont entérinées par la Chambre des communes, nous pensons que, dans ce cas où les échanges commerciaux interprovinciaux sont très importants, c'est un domaine où il y a beaucoup de choses concernées, où il y a des milliards de dollars de transactions impliquées et qui sont régis par cette loi, par cet Accord, nous pensons qu'il est très important que les nominations qui y sont faites soient connues et qu'il y ait un certain contrôle de la Chambre. En fait, nous demandons systématiquement que ces nominations soient faites, ou peut-être suggérées par le gouverneur en conseil, mais qu'elles soient entérinées par la Chambre des communes.

Voilà les trois points que je voulais soulever en vertu de cet article 9.

[Traduction]

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour commenter l'objet du projet de loi C-88, ce présumé accord sur les barrières au commerce intérieur.

Ce projet de loi est une véritable comédie et n'aurait jamais dû être présenté à la Chambre. Il n'ajoute rien au commerce intérieur qui ne soit pas déjà prévu dans la Loi constitutionnelle. Il n'assure même pas le maintien de la même norme. Permettez-moi de citer un extrait de l'article 121 de l'AANB. Le libellé actuel établit ceci: «Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d'aucune des provinces, seront admis en franchise dans chacune des autres provinces.»

Voyons maintenant ce qui est prévu à l'article 101 de cet accord sur le commerce entre les provinces. Cet article établit que le but de l'accord est de réduire et d'éliminer, dans la mesure du possible, les barrières à la libre circulation des produits et des services.

N'est-ce pas restreindre la portée de l'article 121 de l'AANB, qui dit que les échanges doivent se faire librement? Oui, de toute évidence. J'ai bien peur que ce projet de loi soit comme un décor de théâtre. C'est bien beau en apparence, mais sans contenu. Cet accord manque de mordant, et j'ai de bonnes raisons de penser ainsi.

(1050)

J'ai appliqué le projet de loi à certains cas. Une entreprise de ma circonscription a conclu un marché avec le CN pour transporter les travailleurs du CN de Grand Prairie, en Alberta, jusque dans la région de Dawson Creek, en Colombie-Britannique, ce qui représente un trajet d'environ 60 milles. L'entreprise a alors découvert qu'elle ne pouvait obtenir de permis pour se rendre en Colombie-Britannique. Elle doit se soumettre à des restrictions et, même si elle a obtenu ce contrat, elle ne peut pas se rendre dans cette région avec ses taxis.

Nous avons décidé de mettre à l'épreuve le nouvel accord sur le commerce intérieur. Nous avons demandé au ministère de l'Industrie et au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de voir ce qu'ils pouvaient faire pour régler le problème de cette société. Il n'y a absolument rien qu'ils puissent faire.

Ce présumé accord commercial est creux. Ce n'est qu'un ramassis de mots vides de sens. Il ne va rien faire pour régler le problème des obstacles au commerce intérieur qui nous coûtent entre huit et dix milliards de dollars par an. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre ce genre de dépenses. Nous vivons dans un monde où le commerce international est très concurrentiel et nous devons donner à nos entreprises la possibilité de faire des économies d'échelle sur le marché intérieur avant de se lancer sur le marché international.

Parlons un moment du commerce international. Le Canada a signé de très bons accords de commerce internationaux, dont le nouvel accord du GATT, l'Uruguay round, l'ALENA et, avant ça, l'Accord de libre-échange canado-américain. Nous avons de meilleurs accords commerciaux à l'échelle internationale qu'entre provinces. C'est absolument ridicule. Prétendre que ce projet de loi règle nos problèmes, c'est induire les Canadiens en erreur.

La Communauté économique européenne regroupe maintenant 15 pays. Il y a moins d'obstacles au commerce entre ces 15 pays de l'Union européenne qu'entre les provinces du Canada. C'est toute une fédération décentralisée! Il nous faut un accord applicable entre les provinces, et le fédéral doit faire preuve de leadership. Voilà de quoi il retourne. Le gouvernement doit jouer un rôle de leader, servir d'intermédiaire et rallier les parties au genre d'accord dont nous avons besoin. De toute évidence, ce n'est pas ce que fait le projet de loi C-88.

Des segments entiers de l'économie sont exclus de ce projet de loi, dont l'agriculture. Il n'y est pas question de certains marchés publics ni de développement régional. Ce sont des domaines notoires en ce qui concerne les obstacles au commerce.

Un exemple suffit pour démontrer à quel point les règles de notre commerce intérieur et les obstacles auxquels nous nous heurtons sont ridicules. Une entreprise de camionnage avait un contrat de transport de gravier en Alberta, à neuf milles de la frontière de la Colombie-Britannique. Tout s'est bien passé dans la province de l'Alberta, mais, à la fin de la journée, les camionneurs ont voulu se rendre avec leurs camions dans la ville la plus près pour manger dans les restaurants et se loger à l'hôtel pour la nuit. Ils n'ont pas eu l'autorisation de le faire. Pourquoi? Parce que leurs camions n'étaient pas conformes aux règlements de la Colombie-Britannique. Leurs camions devaient être vides et la distance entre les axes des essieux n'était pas la bonne; pour se conformer, il aurait fallu qu'il se procurent des permis à gros prix. Il a donc fallu faire venir un véhicule spécial pour transporter les travailleurs jusqu'à l'hôtel en Colombie-Britannique. Voilà à quel point notre système peut devenir ridicule.


16112

Je suis d'avis que c'est le genre de situation qui existait en Russie, il y a dix ans, sous le régime communiste. Nous devons décidément évoluer vers d'autres règles si nous voulons être efficaces dans l'économie mondiale.

Rien n'a été résolu dans le domaine des ressources naturelles et de l'énergie, des secteurs vitaux du commerce au Canada. Cela nous coûte quelque huit milliards de dollars par année. Nous n'avons pas les moyens de dépenser de telles sommes. Nous devons avoir un gouvernement qui fait preuve de leadership et nous ne l'avons certainement pas ici.

Le premier ministre a déclaré que cette proposition était modeste. Elle est effectivement très modeste. La plupart des Canadiens diraient même qu'elle est une pure perte de temps et d'argent. Je suis tout simplement consterné de voir que le ministre de l'Industrie nous présente ce projet de loi comme une mesure législative qui réglera nos problèmes de restrictions commerciales.

Je demande au ministre de reprendre son travail. Qu'il réunisse les premiers ministres provinciaux. Qu'il réunisse les représentants de l'industrie et qu'il leur montre les coûts du système actuel tant pour la société en général que pour leur propre industrie. Nous pouvons faire infiniment mieux. Je défie le ministre de faire mieux.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je voudrais faire remarquer à la Chambre que nous sommes maintenant rendus aux discours de dix minutes, sans période de questions et commentaires.

(1055)

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Madame la Présidente, je voudrais d'abord rendre hommage aux gens de mon comté qui, lors du référendum, ont voté à 52,7 p. 100 en faveur du oui, pour la partie provinciale de Shefford, et également la partie d'Iberville. Dans le comté d'Iberville on a voté à 56 p. 100.

Je voudrais d'abord vous dire que j'ai l'intention de demeurer en cette Chambre et de terminer mon mandat comme député du Bloc québécois.

Ce matin, j'interviens sur le projet de loi C-88, Loi portant sur la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. Comme vous le savez, le Québec et ses députés qui avaient été élus ici en 1988, le Québec est responsable de l'adoption de l'Accord de libre-échange. En effet, n'eut été du Québec et de ses électeurs, cela aurait été beaucoup plus difficile pour le Canada de signer cette entente entre le Canada et les États-Unis qui a été très profitable pour nos deux pays.

En effet, le Québec est un État qui est ouvert sur le monde. Actuellement, nous le constatons avec beaucoup de tristesse, il est plus facile de faire du commerce avec les États-Unis que d'en faire avec le reste du Canada à cause de cette loi qui n'existait pas et qui faisait que, entre les provinces canadiennes, il était très difficile de faire des échanges. Difficile, parce que, comme le disait le ministre du Commerce, les lois canadiennes dataient des années 1940 et on avait refusé d'évoluer.

Le Québec, comme je le disais tout à l'heure, commerce de plus en plus avec l'étranger, et notre partenaire principal devient de plus en plus les États-Unis d'Amérique. Nous faisons également du commerce avec le reste du Canada; même s'il diminue d'année en année, nous faisons du commerce avec le reste du Canada, et nos relations avec le reste du Canada ou avec nos partenaires des autres provinces sont également importantes.

Le projet de loi C-88 présentement à l'étude vise à régulariser une situation et de normaliser ce qui n'existait pas avant. En effet, si nous regardons l'article 9 de ce projet de loi qui nous pose problème, dans l'article 9 on dit que:

Le gouverneur en conseil peut, par décret, aux termes de l'article 1710 de l'Accord,
accord intervenu entre les provinces

en vue de suspendre des avantages d'une province ou de prendre contre elle des mesures de rétorsion ayant un effet équivalent:
Ce que nous reprochons à ce projet de loi, c'est encore une fois que le fédéral se donne le haut du pavé. Dans les relations fédérales-provinciales, le Canada s'est toujours donné le haut du pavé et un droit de désavouer. Ici, il pourrait même y avoir punition au lieu d'avoir un tribunal d'arbitrage comme il existe normalement dans des relations d'un État à un autre ou d'une province à une autre.

Ce pouvoir qu'Ottawa veut se donner, dans cette loi-là, nous ne sommes pas du tout d'accord avec ça. Comme je le disais tout à l'heure, le Québec a toujours été d'accord pour qu'il se fasse du commerce entre les différentes provinces du Canada.

Peut-on m'expliquer pourquoi le Canada administre son commerce intérieur un peu comme le GATT régissait les échanges internationaux à la fin des années 1940? C'est le ministre Manley qui nous dit ça, l'actuel ministre du Commerce au Canada.

(1100)

Ce qui est important, c'est de voir que dans cette loi, le gouvernement se donne un pouvoir de désavouer et de punir, par l'article 9. Il y a également un autre article qui nous choque, et c'est l'article 14, que je vais vous lire. L'article 14 stipule:

14. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, nommer les personnes aux postes qu'il estime nécessaires ou indiqués pour la mise en oeuvre de l'Accord.
Cela veut dire que le Parlement, encore une fois, n'aura pas son mot à dire dans les nominations. Les libéraux parlent continuellement de réforme. On dit continuellement qu'on souhaite réformer le système. Or, lorsqu'on nous présente des projets de loi, on s'aperçoit que c'est impossible, que le système est irréformable et qu'il n'y en aura pas, de réforme.

Encore une fois, le gouverneur en conseil se donne le privilège de nommer, sans que la nomination de ces personnes soit approuvée ou acceptée par le Parlement. On se demande parfois ce qu'on vient faire ici, nous, les députés élus, qui représentons toutes les parties de ce pays. On se réunit ici et on sait ce que ça coûte que de réunir un groupe de personnes qui représentent les citoyens dans un Parlement et, lorsqu'il est temps de faire confiance à cette assemblée, de demander l'assentiment de cette assemblée, on s'aperçoit que le gouvernement passe par-dessus et décide par décret ou par arrêté ministériel de nommer des personnes.


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Si le Canada songe à se réformer, il faudrait corriger cette situation et il faudrait donner beaucoup plus d'importance au Parlement dans lequel on siège. Vous savez, les Canadiens et les Québécois ne sont pas dupes. Ils s'aperçoivent de plus en plus qu'ici, dans cette enceinte, on n'a pas grand-chose à décider, sauf de parlementer. Tout est décidé d'avance et cela, je le dénonce. Je dois dire que nos collègues du Parti réformiste le dénoncent également, et c'est tout à leur honneur, même si on n'est pas tout à fait d'accord sur ce qu'on voudrait. Nous, on pense qu'on est un pays différent. Nous, on pense qu'on pourrait régler la situation chaotique dans laquelle le Canada gît présentement en faisant en sorte qu'il y ait un changement constitutionnel.

La balle est maintenant dans le camp de nos amis d'en face. Qu'est-ce qu'ils vont faire avec cela? Probablement rien. On va attendre. On s'attend, nous, à ce qu'il y ait des discussions stériles pendant les 30 prochaines années, et je dois vous dire qu'on n'a pas l'intention d'être là très, très longtemps.

Donc, en conclusion, cette loi donne encore au fédéral un pouvoir au-dessus de la tête des provinces et je pense que c'est inacceptable. C'est inacceptable, parce que lorsqu'on discute entre partenaires-et les relations commerciales devraient être cela-on ne peut pas se donner le rôle de tout régir et de tout gouverner.

Donc, en terminant, je veux dire que le fédéralisme nous prépare encore une fois à des situations difficiles. Ce projet de loi sera sans doute adopté, comme plusieurs autres, sans amendement, grâce à la majorité libérale. En demeurant à l'intérieur de la fédération canadienne, le Québec aura à subir les effets de cette loi qui augmente le pouvoir du fédéral sur le dos des provinces.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Madame la Présidente, voilà au moins un an que cette mesure législative a été présentée. Elle s'est promenée dans le labyrinthe de notre processus politique et elle s'est finalement retrouvée ici, à la Chambre des communes.

Je pensais en parler hier et j'avais, dans ce but, regardé ce qui s'était passé les 1er novembre dans l'histoire. Évidemment, aujourd'hui nous sommes le 2 novembre. Il est intéressant de noter que Michel-Ange terminait son travail sur la chapelle Sixtine, après seulement quatre ans et demi d'efforts. Cette mesure législative aussi avance lentement, mais personne ne la comparera au travail de Michel-Ange sur la chapelle Sixtine.

(1105)

En fait, pour de nombreux observateurs, elle a plutôt l'air d'un projet de création d'emplois pour la forme. Quiconque a consacré à cela un peu de matière grise comprend et apprécie combien c'est ridicule dans un pays uni d'un océan à l'autre. Il est plus difficile de faire du commerce à l'intérieur de nos frontières que de faire du commerce avec nos autres partenaires commerciaux, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.

Lors de la préparation cette mesure législative et des débats entre les délégations commerciales des provinces, il y avait plus de monde autour de la table, pour essayer de supprimer ces barrières commerciales interprovinciales, qu'il n'y en avait lorsque nous essayions de supprimer les barrières entre nous et les États-Unis, alors que nous tentions de parvenir à un accord de libre-échange nord-américain.

Nous étions en train de négocier un accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique et il y avait moins de monde autour de la table que lorsque nous essayions de supprimer les barrières au commerce à l'intérieur du Canada même.

Comment se trouve-t-on dans une situation comme celle-ci? Comment se fait-il que notre pays se présente ainsi? Il y a un moment, nous avons entendu mon collègue du Bloc. J'ai eu le plaisir de passer de nombreuses heures au comité avec ce député et de l'entendre défendre les intérêts unilatéraux du Québec. En deux ans, je ne l'ai jamais entendu une seule fois dire un mot des droits, des intérêts ou des valeurs du Canada en tant que nation. Chaque mot qui est sorti de sa bouche, et de celle de tous les députés du Bloc, visait le Québec: Comment mieux servir les intérêts du Québec?

La raison pour laquelle nous avons un problème de commerce interprovincial dans ce pays, c'est que nous avons ce genre d'esprit de clocher au sujet de nos institutions. C'est une des principales raisons pour lesquelles il y a tellement de mécontentement dans tout ce pays. Pendant des années, les Canadiens des régions du Canada, de la côte est, de la côte ouest, des Prairies et du Nord, étaient simplement des marchés pour les centres manufacturiers du Canada central, à Montréal et dans le sud de l'Ontario.

L'occasion nous est maintenant offerte d'éliminer les barrières commerciales au Canada, ce qui aurait pour effet d'améliorer considérablement les perspectives économiques de l'ensemble des régions, dont les deux grands centres industriels que sont l'Ontario et le Québec. Or, que faisons-nous? Nous nous amenons à une table pour débattre de la possibilité d'améliorer encore notre pays.

Les Canadiens ont dépensé 1,5 million de dollars pour queM. Michael Porter, de la Harvard Business School, réalise une étude sur la compétitivité du Canada dans le monde. Les auditeurs intéressés doivent savoir que la même étude, ou une étude très semblable, aurait pu être obtenue pour la somme de 2 000 $ en se procurant une série vidéo produite par la Harvard Business School. C'est identique, il s'agit de stratégies concurrentielles.

Quoi qu'il en soit, cette étude qui a coûté 1,5 million de dollars formule une recommandation à la page 98 qui préconise des «efforts soutenus en vue d'accroître la rivalité». Tout le monde le sait, il n'y a rien de tel que la concurrence pour donner un produit de meilleure qualité à un prix inférieur. C'est ce qu'on entend par rivalité.M. Porter, dans son étude, pose la question de savoir comment nous allons pouvoir être compétitifs dans le monde si nous ne le sommes même pas chez nous. Comment pouvons-nous être compétitifs chez nous si nous tolérons des barrières commerciales qui entravent notre compétitivité? C'est logique.

Cela me rappelle la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés quand nous avons conclu l'accord de libre-échange avec les États-Unis, cet accord, je vous le rappelle, que les députés d'en


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face ont contesté si vigoureusement. À l'instar des députés de ce côté-ci, j'y étais on ne peut plus favorable.

(1110)

Une voix: Ils renaissent.

M. McClelland: Mon collègue dit que les libéraux renaissent. Ils apprennent. Maintenant qu'ils forment le gouvernement, ils souscrivent à l'accord de libre-échange pour le plus grand bien de tous. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce qu'ils reviennent de leurs erreurs.

Comme se fait-il que nous ayons conclu un accord de libre-échange avec les États-Unis, la nation commerçante la plus dynamique, la plus puissante au monde, avant même d'éliminer les barrières qui gênent les échanges commerciaux à l'intérieur même de nos frontières? C'est un peu comme croiser le fer avec le plus costaud des élèves dans la cour de récréation en disant: «Je vais livrer un combat juste. Je vais m'attacher une main derrière le dos pour que ce soit juste, vu que tu es si costaud. Soit dit en passant, juste au cas où tu penserais que je vais te battre à plates coutures, même si j'ai une main attachée derrière le dos, je tiens à te dire que mes taux d'intérêt n'ont jamais été aussi élevés, que le cours de mon dollar est fort et que je vais maintenant lutter avec toi dans le cadre d'un accord de libre-échange».

Cela ressemblait un peu au sketch de Monty Python où le chevalier qui n'avait plus ni bras ni jambes, mais simplement une tête et un torse, et qui tenait le couteau entre ses dents, disait à son adversaire que s'il luttait loyalement, il pourrait alors le battre. C'est ce que nous avons fait. Nous nous sommes mis à plat ventre en ayant des taux d'intérêt et un cours du dollar élevés et, surtout, en ne supprimant pas les barrières commerciales à l'intérieur du Canada pour être plus efficients avant de nous lancer dans l'arène du libre-échange, du marché mondial dans laquelle nous nous trouvons maintenant. Il est absolument essentiel de faire tomber ces barrières commerciales.

On en arrive ainsi à la principale raison pour laquelle nous n'appuyons pas ce projet de loi. Les gens vont se demander comment il se fait que je parle de façon si constructive de la nécessité absolue de supprimer les barrières commerciales, alors que les membres de mon parti vont se prononcer contre ce projet de loi. C'est parce que le gouvernement se doit de donner l'exemple à ce chapitre et de s'assurer que nous faisons bien tomber ces barrières commerciales.

Après des mois et des mois de discussions avec les provinces, rien ne se produit. Il y a de grandes disparités entre les provinces dans la façon dont elles abordent tout cela. En toute honnêteté, le gouvernement fédéral n'est pas entièrement responsable. Les gouvernements provinciaux ont également leur part de responsabilité. Lorsqu'il est arrivé pour négocier l'Accord de libre-échange, le gouvernement albertain avait une page sur laquelle ne figurait qu'une seule ligne qui disait simplement qu'il ne devrait pas y avoir d'obstacles au libre-échange au Canada. Nos provinces voisines, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, sont arrivées à la même réunion avec tout un éventail de choses qu'elles voulaient protéger. On m'a dit que l'Ontario a fait d'importantes concessions. Bien entendu, le Québec devait tout protéger, y compris le secteur laitier, etc.

C'est là que la question de leadership entre en jeu, mais le gouvernement libéral au niveau fédéral n'a pas donné l'exemple. Son mandat consiste à garder les intéressés à la table de négociations pour s'assurer qu'on adopte les lois voulues afin de répondre le mieux possible aux besoins de notre pays à l'avenir.

En conclusion, je voudrais signaler ce qu'est le leadership. Les libéraux vont se tourner vers cette ère de notre histoire et espérer que les historiens ne les jugeront pas trop sévèrement. Ce sera le cas, s'ils profitent de l'occasion qui leur est donnée de faire l'histoire au lieu de se laisser entraîner et dépasser par les événements.

M. John Maloney (Erie, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir traiter ce matin du projet de loi C-88 portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur.

Cette mesure législative fait date. Avec elle, nous mettrons en oeuvre, au sein de la compétence fédérale, les obligations du gouvernement fédéral aux termes du premier accord global sur le commerce intérieur à être signé au Canada depuis l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Depuis les 128 années qui ont suivi 1867, l'économie canadienne s'est développé et a évolué selon des façons que les Pères de la Confédération n'avaient jamais imaginées. L'alinéa 91a) de la Constitution donne toujours au gouvernement fédéral compétence pour les échanges et le commerce et, notamment, le commerce interprovincial.

(1115)

Depuis 1867, le monde a changé considérablement. Les provinces jouent des rôles importants pour influencer la croissance économique et la réglementation des échanges et du commerce sur leurs territoires respectifs. Ainsi, les ententes et les règlements commerciaux sont nés dans des cas particuliers, souvent en réponse à un besoin régional précis.

Beaucoup de ces mesures ont créé, souvent involontairement, des obstacles au commerce qui ont entravé la libre circulation des produits, des services, des personnes et des capitaux à l'intérieur du Canada. De tels obstacles peuvent mener à l'utilisation inefficace des ressources et limiter la capacité de l'industrie de tirer parti des économies d'échelle et de soutenir la concurrence sur les marchés. Cela a souvent eu pour effet de réduire la compétitivité de nos entreprises et de nuire à notre économie.

Les exemples de ces obstacles sont nombreux: les différences dans les normes professionnelles provinciales limitent la mobilité de la main-d'oeuvre entre les provinces; par leurs politiques sélectives d'inscription au catalogue, certaines régies des alcools exercent une discrimination envers les produits de l'extérieur de leur province; la réglementation des transports, les codes de sécurité, les


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modalités d'inspection et les normes sur les véhicules qui varient d'une province à l'autre créent des entraves au camionnage interprovincial; les politiques d'achat gouvernementales accordent la préférence aux entreprises locales; les programmes provinciaux d'encouragement du développement industriel; et les codes du bâtiment qui varient d'une province à une autre. Ce ne sont là que les barrières et entraves les plus communes au commerce interprovincial que nous constatons actuellement au Canada.

Nous avons reconnu que cet amas de règlements, de normes et autres obstacles au commerce interprovincial était une caractéristique inadmissible de notre marché intérieur. C'est pourquoi les gouvernements ont convenu de négocier l'Accord sur le commerce intérieur. L'inquiétude grandissante devant la preuve que ces obstacles au commerce nuisent sérieusement à notre capacité de soutenir la concurrence internationale explique l'urgence d'établir un nouveau système commercial au Canada qui serait fondé sur un commerce interprovincial plus actif, qui encouragerait la libre circulation des personnes et des investissements à l'intérieur du Canada et qui permettrait de collaborer pour régler des différends commerciaux intérieurs.

Le projet de loi C-88 traduit justement l'effort du gouvernement fédéral en ce sens. Il définit le cadre qui permettra de progresser vers une élimination des barrières au commerce interprovincial des produits et des services, de faciliter la mobilité interprovinciale des travailleurs et des capitaux d'investissement et ce mettre en place un mécanisme non judiciaire de règlement des différends commerciaux.

Le processus qui a conduit à ce projet de loi a été très long. Il a exigé la collaboration de nombreuses personnes et l'étude d'un grand nombre de questions et de points de vue. Y ont participé non seulement des ministres et fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, mais aussi des représentants du secteur privé.

Les représentants du secteur privé, en particulier des intérêts commerciaux, ont continuellement fait pression sur tous les paliers de gouvernement pour exiger une solution aux problèmes que représentent les barrières au commerce interprovincial et les coûts économiques qui en découlent pour le Canada. L'Association des manufacturiers canadiens a calculé que les obstacles au commerce dans notre marché intérieur coûtent à l'économie canadienne plus de 7 milliards de dollars par année en pertes d'emploi et de revenu.

Il a fallu un processus long et approfondi pour identifier les questions qui posent problème et élaborer des solutions pratiques et applicables. Ce processus s'est notamment caractérisé par l'esprit de coopération dont ont fait preuve toutes les parties intéressées. L'Accord sur le commerce intérieur constitue un exemple remarquable de ce qu'on peut accomplir dans un esprit de coopération au Canada.

Il est également important de noter que les partis politiques de toutes tendances et représentatifs de toutes les perspectives régionales ont participé au processus.

Toutes les parties au processus de négociation se sont entendues sur un point fondamental en reconnaissant qu'un environnement commercial plus ouvert sera bénéfique pour le Canada.

Le processus a été long, mais il a été caractérisé par l'esprit de coopération et un sentiment de mission commune. L'accord représente un pas important vers la réalisation de notre objectif commun, à savoir améliorer l'environnement commercial intérieur et éliminer les obstacles au commerce, aux investissements et à la mobilité des travailleurs au Canada.

L'accord sur le commerce intérieur comporte les éléments suivants: un système à base de règles régissant le commerce intérieur au Canada; un mécanisme de règlement des différends pour résoudre les problèmes relatifs au commerce intérieur; l'interdiction de nouveaux obstacles; un engagement à tenir d'autres négociations visant à élargir et approfondir l'accord; un code d'éthique pour empêcher une concurrence destructive pour les investissements; une mobilité accrue des travailleurs; et un engagement à concilier les mesures normatives. Il s'agit là de réalisations importantes.

(1120)

Un élément essentiel de cet accord, et de n'importe quel accord commercial d'ailleurs, réside dans la façon de régler les différends. L'accord représente en effet une solution unique à notre situation canadienne unique. Il prévoit une solution proprement canadienne, à base de consultation et de coopération, pour favoriser le respect de l'accord plutôt que le recours à des procédures judiciaires. Cette solution est fondée sur des règles inspirées de concepts établis dans le contexte commercial international, mais raffinées pour servir dans un contexte canadien.

Dans le commerce international, on relève plusieurs exemples d'accords et d'ententes qui prévoient des règles sur le commerce entre pays. Il existe de très nombreux mécanismes chargés de régler les différends et d'appliquer les accords. Parmi les exemples les plus connus, notons l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le plus souvent appelé GATT, et l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, l'Union européenne et l'Accord de libre-échange nord-américain.

D'aucuns ont avancé que le Canada devrait s'en tenir à l'un ou l'autre de ces modèles, dans sa situation propre. C'est oublier un aspect important, celui de la souveraineté des parties à tout accord, ainsi que le degré de contrôle politique que les parties elles-mêmes sont prêtes à sacrifier dans le cadre du mécanisme d'exécution.

Dans le cas de l'Union européenne, par exemple, l'autorité centrale est suprême et ses pouvoirs priment ceux des divers pays membres. L'accord de l'Union européenne est un accord complet qui donne à l'autorité centrale le pouvoir suprême de proposer et d'appliquer des lois qui visent toutes les parties. Ce régime s'appuie sur un cadre législatif et judiciaire, et, si une entreprise ou un particulier s'estime lésé par une mesure prise en vertu des lois d'un pays donné, il peut soumettre sa cause au Conseil de l'Union européenne, qui est l'autorité suprême.


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Ainsi, les parties à l'accord sur l'Union européenne ont renoncé à leur autorité souveraine dans certains domaines du droit commercial, de la politique sur la concurrence et du soutien étatique de l'industrie et ont convenu d'accepter un mécanisme officiel de règlement des différends qui a le pouvoir de faire appliquer ses décisions. Si nous appliquions ce modèle au Canada, cela voudrait dire que le gouvernement fédéral exercerait un pouvoir qui primerait celui de tous les autres gouvernements. Je me demande si ceux qui préconisent le modèle européen en sont conscients.

L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le GATT, offre un modèle différent. Les États signataires du GATT ne renoncent pas à leur souveraineté et les objections sont soulevées par un gouvernement souverain qui défend les intérêts de son pays. Les différends sont renvoyés à un groupe spécial qui peut recommander des changements à une politique commerciale ou à un plan d'action, mais dont les recommandations ne peuvent être imposées par une loi. Par conséquent, les États membres du GATT préservent leur droit souverain d'adopter et de faire respecter des lois dans leur propre pays, mais n'ont pas accès à un mécanisme d'exécution pour modifier le comportement de ceux qui ne respectent pas l'accord au-delà de leurs frontières.

L'Accord de libre-échange nord-américain ressemble davantage au GATT, puisque le gouvernement national de chacun des États signataires demeure souverain et porte les différends devant la Commission de l'ALENA, formée des ministres responsables de chacun des pays qui sont chargés de créer un groupe spécial pour l'étude des différends.

Bien que les États membres de l'ALENA conservent leur pouvoir souverain d'adopter et de faire respecter des lois nationales, ils ont accepté de reconnaître l'autorité de la Commission de l'ALENA d'imposer au nom des parties lésées des mesures de rétorsion comme sanctions ayant force exécutoire. Donc, aux termes de l'ALENA, les États membres demeurent souverains, mais ont effectivement cédé une partie de leur souveraineté.

Bien que tous ces modèles renferment des éléments utiles, aucun d'entre eux ne peut s'appliquer à la situation du Canada.

Conformément à l'Accord sur le commerce intérieur, un Comité du commerce intérieur a été chargé de surveiller la mise en oeuvre et l'application continue de l'entente. Tous les gouvernements signataires de l'accord, c'est-à-dire les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, sont représentés à ce comité.

Le comité sera doté d'un secrétariat qui fournira des services administratifs et opérationnels. Dans le cadre de son mandat, le comité sera appelé à collaborer au règlement des différends découlant de l'interprétation et de l'application de l'accord.

Le comité et l'accord se fondent sur une théorie réalisable: utiliser la consultation et la conciliation pour régler les différends. Les parties en cause seront invitées à tout tenter, que ce soit la collaboration, la consultation ou tout autre mécanisme de règlement des différends, pour trouver une solution.

Je pense que le projet de loi C-88 devrait obtenir l'appui de tous les députés. Il s'agit d'une mesure législative progressive. Ce projet de loi sera bon pour notre pays et bon pour les habitants de la circonscription d'Erie que je représente.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Madame la Présidente, je prends aujourd'hui la parole sur le projet de loi C-88, visant à mettre en application les dispositions relatives à l'Accord sur le commerce intérieur.

(1125)

Comme on le sait, le gouvernement fédéral doit faire entériner cet Accord par le Parlement. Ce projet de loi prévoit plusieurs points, à savoir: le processus de nomination d'un représentant fédéral au Comité du commerce intérieur; le paiement par le gouvernement fédéral de sa quote-part des frais liés au fonctionnement du secrétariat; le pouvoir, pour le gouverneur en conseil, de suspendre les avantages prévus par l'Accord dans des cas particuliers. Il y aussi le point suivant: aucun recours privé ne peut être exercé sur la base des dispositions du texte ou de ses décrets d'application, ni des dispositions de l'Accord, sauf exception expresse, sans le consentement du procureur général du Canada. En voici quelques autres: le pouvoir de rétorsion dans le cas où le gouvernement fédéral est une partie lésée; la modification de certains textes législatifs fédéraux pour les rendre conformes à l'Accord, tel que la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, la Loi sur l'intérêt et la Loi sur le transport routier.

Le rôle du Comité du commerce intérieur est de superviser la mise en oeuvre de l'Accord et de faciliter le règlement des différends. Ce projet de loi assure un traitement égal des personnes, des biens et des entreprises, peu importe leur provenance au Canada. Il harmonise les normes et les règlements de façon à éliminer le recours à certaines pratiques pouvant faire obstacle au commerce interprovincial. Il prévoit la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux.

Les onze secteurs concernés par l'Accord sont le marché public, les investissements, la mobilité de la main-d'oeuvre, les mesures et les normes en matière de consommation, les produits agricoles et alimentaires, les boissons alcoolisées, la transformation des ressources naturelles, les communications, les transports, l'énergie et la protection de l'environnement. Ces différents secteurs sont touchés à des degrés divers.

Des mesures de rétorsion peuvent être prises par la partie lésée à l'encontre de la partie qui ne se conforme pas à l'Accord. Une partie est une province, un territoire ou le gouvernement fédéral.

L'objectif principal du projet de loi C-88 est d'entériner l'Accord sur la libéralisation du commerce intérieur. Comme d'autres collègues de mon parti l'ont dit avant moi, le Bloc québécois a toujours été en faveur de la libéralisation des échanges, tant au niveau domestique qu'international. Par conséquent, nous appuyons le principe de ce projet de loi et moi-même, je n'ai jamais compris pourquoi il y a des barrières commerciales entre les différentes provinces au Canada.


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Je signale que je suis contre le libellé de l'article 9 stipulant que:

Le gouverneur en conseil peut, par décret, aux termes de l'article 1710 de l'Accord, [ . . . ]suspendre des avantages d'une province ou prendre contre elle des mesures de rétorsion ayant un effet équivalent:
Son interprétation pourrait permettre au gouvernement fédéral d'intervenir et d'imposer des mesures de rétorsion, même lorsqu'il n'est pas partie au litige. Ottawa se donne, par ce projet de loi, les moyens de sanctionner les provinces. Le gouvernement fédéral pourrait ainsi imposer toutes sortes de sanctions, y compris une réduction des paiements de transfert aux provinces qui ne respectent pas cet Accord. Cette nouvelle intrusion du fédéral est inacceptable.

J'ai dit que le Bloc québécois est en faveur du libre-échange, tant au niveau interne qu'au niveau international. J'aimerais dire quelques mots à propos de l'ALENA et de la libéralisation du commerce au niveau continental, au niveau des Amériques.

Au Sommet des présidents et des chefs de gouvernement tenu à Miami en décembre 1993, il y a eu des discussions à cet égard et une décision a été prise à l'effet d'élargir l'ALENA à tous les pays des trois Amériques, dans la plus vaste zone de libre commerce, de l'Alaska jusqu'à la Terre de Feu.

(1130)

Et le premier pays qui adhérera à ce traité de libre-échange après les États-Unis, le Canada et le Mexique sera le Chili, et j'appuie entièrement et fortement la décision du Chili, mon pays d'origine, d'adhérer à l'ALENA. Le Bloc québécois l'a fait également. Tout était prévu pour que le Chili adhère à l'ALENA le 1er janvier 1996 mais, malheureusement, la législation «fast-track» n'a pas été adoptée au Congrès des États-Unis et il n'y aura pas de négociations rapides, tel que prévu. Il faudra plusieurs mois additionnels pour que le Chili puisse adhérer à ce traité.

J'aimerais dire également que, bien que je sois en faveur des zones de libre-échange, y compris de l'ALENA, j'ai beaucoup de critiques à faire sur ce traité, notamment son manque de dimension sociale, quoi qu'un accord parallèle sur le travail ait été adopté et qu'un secrétariat commence à fonctionner au Texas avec des fonctionnaires des trois pays. J'ai participé, en mars dernier, à une conférence à San Juan, Porto Rico, pour examiner justement les aspects sociaux de l'ALENA avec des participants du Mexique, de Porto Rico, des États-Unis, du Canada et du Québec. Nous avons constaté et je constate également que, malheureusement, il n'y a pas eu beaucoup de discussions dans ce Parlement, ni au Canada, à propos des résultats et de l'impact de l'ALENA pour les travailleurs. J'ai noté que les syndicats n'ont aucun rôle à jouer dans le fonctionnement et l'administration de l'ALENA.

Ayant vécu en Europe un certain nombre d'années, je connais le processus d'intégration européen. J'ai constaté que les Européens avaient plus de préoccupations sociales. Par exemple, ils ont prévu dans leur traité la création d'un fonds social pour venir en aide aux travailleurs affectés par les fermetures d'entreprises, la mise en place d'une charte sociale qui contient des principes et des dispositions visant à protéger les travailleurs, un conseil économique et social où les employeurs et les salariés peuvent se rencontrer et discuter de l'intégration européenne.

Malheureusement, dans l'ALENA, il n'y a pas de normes minimales de travail, à l'exception de trois secteurs: il faut respecter des normes minimales en matière de santé et sécurité au travail, le travail des enfants est interdit et il faut que chaque pays membre de l'ALENA respecte sa législation sur le salaire minimum. Mais il n'y a pas de normes en vigueur pour les trois pays. Il n'y a aucune uniformisation sur le plan social et dans le secteur du travail. On aurait pu prévoir que les normes internationales du travail puissent s'appliquer au sein de l'ALENA; par exemple, la Convention sur la liberté syndicale, la libre négociation collective, le droit d'association. Il n'y a rien dans l'ALENA sur la libre circulation des travailleurs, rien pour protéger les travailleurs immigrants. Il faut donner au traité de libre-échange sur le plan international une dimension sociale, comme il faut également donner cette dimension sociale à tout traité de libre-échange ou marché commun.

[Traduction]

M. George S. Rideout (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Madame la Présidente, l'accord sur le commerce intérieur est entré en vigueur le 1er juillet. Le projet de loi C-88 vise à permettre au gouvernement fédéral de s'acquitter de ses obligations aux termes de l'accord. À mon avis, il est donc important que la Chambre étudie avec célérité le projet de loi C-88.

(1135)

Depuis des années, des entreprises et des groupes du secteur privé se plaignent aux autorités fédérales et provinciales des obstacles au commerce intérieur et réclament un marché intérieur plus libre et ouvert. De nombreuses études, qui remontent jusqu'à la Commission Rowell-Sirois, en 1940, ont reconnu le problème et documenté sa vaste portée.

En 1991, l'Association des manufacturiers canadiens a évalué à quelque 6,5 milliards de dollars par année les coûts liés aux barrières et à l'inefficacité économique. Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, en 1990, les exportations de biens et services entre les provinces étaient évaluées à 141 milliards de dollars par année et étaient à l'origine, directement ou indirectement, de 1,7 million d'emplois.

Une étude récente de la Chambre de commerce a fait ressortir le fait que le marché intérieur canadien est le plus interdépendant de tous les marchés du monde. En acceptant de négocier cet accord, les gouvernements du Canada ont reconnu à quel point le bon fonctionnement de notre économie intérieure est la clé de notre prospérité nationale et de notre capacité de soutenir la concurrence à l'échelle internationale. Une économie et un marché intérieurs ouverts permettront aux Canadiens et aux entreprises de notre pays d'être davantage concurrentiels sur la scène internationale et de trouver de nouvelles perspectives qui seront gages de croissance et de prospérité. Au bout du compte, la solution de rechange à cela se traduit


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seulement par un protectionnisme autodestructeur qui n'avantage que quelques intérêts spéciaux, aux dépens de tout le pays.

Lorsqu'ils ont accepté de négocier l'accord sur le commerce intérieur, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont aussi tous reconnu et accepté l'importance de travailler ensemble dans l'intérêt de notre pays. En concluant cet accord, les différents gouvernements du Canada ont montré qu'ils sont prêts à conjuguer leurs efforts, maintenant et dans l'avenir.

Comme l'a dit à la Chambre mon collègue, le ministre de l'Industrie, l'accord est consensuel. Certains députés d'en face ont dit qu'il était inadéquat et insuffisant. Il n'est peut-être pas parfait, mais il constitue une amélioration par rapport à ce qui existait auparavant. Il témoigne d'un consensus sur le principe d'une économie nationale ouverte et efficace. Il établit un cadre de règles détaillées pour le commerce interprovincial et prévoit un processus uniforme et précis pour la prévention et le règlement des différends pouvant survenir au sujet de questions ou de mesures particulières.

Toutes les parties ont accepté, à un degré plus ou moins grand, des mesures qui, dans les secteurs visés, amélioreront dans l'avenir le fonctionnement de l'économie du pays. Ce sera possible. En fait, le gouvernement a l'intention de travailler à l'amélioration de l'entente et d'en élargir la portée. Pour l'instant, c'est un début, un bon point de départ. Il faut bâtir sur cette base.

Certains députés ont également critiqué le gouvernement de ne pas avoir invoqué son pouvoir constitutionnel dans le domaine du commerce interprovincial pour libérer avec un peu plus de force le marché interne. L'économie nationale est devenue beaucoup plus complexe qu'à l'époque où les pouvoirs constitutionnels ont été répartis entre les paliers de gouvernement en 1867. Dans le contexte du fédéralisme canadien moderne et de l'économie d'aujourd'hui, les points de vue de ces gens-là sont franchement simplistes.

Ce qui est clair, c'est qu'un pays peut bien fonctionner si tous les niveaux de gouvernement collaborent dans l'intérêt national et n'agissent pas de manière unilatérale, et certainement pas par décret. Les gouvernements ne négociaient pas des changements constitutionnels dans l'entente sur le commerce international. Ils cherchaient plutôt à s'entendre, compte tenu de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités propres, sur les moyens à prendre pour faire fonctionner l'économie d'une manière plus efficace et efficiente.

Le recours aux actions unilatérales peut, en principe, permettre d'atteindre les mêmes objectifs. D'aucuns considèrent peut-être cela comme une manière de procéder souhaitable. Cependant, ce n'est tout simplement pas une manière efficace et acceptable pour faire fonctionner le fédéralisme canadien.

Certains députés d'en face ont prétendu que le gouvernement fédéral avait des objectifs cachés en présentant le projet de loi C-88, qu'il voulait s'en servir pour empiéter sur des pouvoirs des provinces et forcer ces dernières à se plier à ses volontés. C'est faux, purement et simplement. Le ministre de l'Industrie a répondu longuement et de façon détaillée à ces allégations, et ces dernières ne méritent pas que je m'y attarde davantage. Ces explications devraient écarter même les interprétations les plus obtuses du libellé du projet de loi.

(1140)

Le projet de loi C-88 ne porte par sur les responsabilités des provinces ou sur des mesures provinciales, mais uniquement sur les responsabilités fédérales et des mesures fédérales. Il ne vise qu'à permettre au gouvernement fédéral de s'acquitter de toutes les obligations que lui impose l'accord et de jouer son rôle pour assurer le succès de l'accord.

Le projet de loi C-88 autorise le gouvernement à apporter des modifications à certaines lois pour pouvoir respecter ses obligations. Il modifie également certaines lois pour qu'il soit plus facile aux provinces de s'acquitter de certaines obligations que leur impose l'accord.

Le ministre de l'Industrie a déclaré au sénateur Roberge et à ses homologues provinciaux qu'il avait l'intention de proposer un ou deux amendements à l'étape de l'étude en comité. Je crois que ces amendements élimineront ce qui prête à de mauvaises interprétations et ce qui suscite de fausses déclarations concernant les intentions du gouvernement.

Il faut qu'il soit bien clair que le projet de loi C-88 n'impose pas un accord commercial international. L'accord a déjà été signé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Lorsqu'il est entré en vigueur, le 1er juillet, tous les gouvernements ont dû se conformer aux obligations qu'ils ont acceptées en signant l'accord.

Chaque gouvernement doit prendre lui-même les mesures pour se conformer aux obligations de l'accord et assumer les responsabilités qu'il lui impose. Lors de la conférence annuelle des premiers ministres, l'été dernier, les premiers ministres provinciaux et les leaders des territoires ont réitéré leur volonté d'éliminer les obstacles au commerce et d'adopter l'accord. Deux provinces, l'Alberta et Terre-Neuve, ont déjà adopté leur loi de mise en oeuvre.

Je le répète, je crois qu'il est important que le gouvernement fédéral adopte rapidement sa loi. Le gouvernement fédéral a été la force motrice qui a amené tous les gouvernements à se pencher ensemble sur les questions de commerce international pour trouver des solutions profitables à l'ensemble des Canadiens.

Le projet de loi C-88 fait ce qui est nécessaire pour que le gouvernement fédéral puisse continuer de jouer son rôle dans le processus de coopération entre les gouvernements. Nous ne devrions pas en retarder davantage l'adoption.

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Madame la Présidente, je veux prendre quelques minutes pour parler du projet de loi C-88 parce que je veux examiner certaines des allégations que certains députés ont faites à l'égard de cette mesure législative durant les débats précédents et les


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craintes non justifiées que ces allégations ont pu créer chez d'autres personnes.

Les allégations des députés de l'opposition au sujet de projet de loi C-88 découlent de leur incapacité ou de leur refus d'en comprendre la signification. Le ministre de l'Industrie a répondu de façon détaillée à ces allégations faites par d'autres députés à la Chambre en mai et en juin. Je vais revenir sur certains points qui valent la peine d'être répétés.

Il arriverait rarement que le gouvernement fédéral soit le plaignant dans un différend relatif à l'Accord sur le commerce intérieur. Si un différend était réglé en faveur du gouvernement fédéral et si la province concernée refusait de se conformer à la décision du groupe spécial impartial, le gouvernement fédéral pourrait alors enlever à la province des avantages équivalents.

Une telle mesure de rétorsion devrait être dans le même secteur que l'infraction initiale ou dans un autre secteur visé par l'accord. Elle ne pourrait pas-et je crois que c'est là un point important-toucher les paiements de transfert ou les programmes sociaux parce que ces choses ne sont pas visées par l'accord.

Le projet de loi C-88 ne fait pas du gouvernement fédéral le chien de garde de l'Accord sur le commerce intérieur, comme l'opposition le croit à tort. Il suffit de lire attentivement l'article 9 du projet de loi C-88 et l'article 1710 de l'Accord sur le commerce intérieur et de faire preuve d'un minimum de logique pour constater que les allégations farfelues qui ont été faites ne sont absolument pas fondées.

Il est important de souligner que le projet de loi C-88 ne traite que de ce que le gouvernement fédéral doit faire pour respecter ses obligations aux termes de l'Accord sur le commerce intérieur et rien d'autre. En dépit du fait que les préoccupations exprimées étaient totalement injustifiées et qu'elles ont été exprimées pour des raisons purement tactiques, le ministre de l'Industrie a passé un certain temps en comité et ailleurs à discuter d'amendements au projet de loi C-88.

(1145)

Je veux réaffirmer le fait que, jusqu'à maintenant, l'Alberta et Terre-Neuve ont adopté des mesures législatives pour mettre en oeuvre l'accord et respecter leurs obligations aux termes de cet accord. Depuis la présentation du projet de loi C-88, le 1er mai, nous l'avons vu sous son vrai jour. Nous nous sommes rendus compte qu'il s'agit d'une mesure non litigieuse qui vise simplement à permettre au gouvernement fédéral de tenir les obligations que lui impose l'Accord de commerce intérieur et les engagements juridiques et moraux qu'il a négociés avec les autres parties à l'accord, soit les provinces et les territoires.

Il y aurait tant de choses à dire à l'appui de ce projet de loi, mais je tiens à souligner que les discussions et les débats au cours de l'étude de ce projet de loi ont montré qu'il s'agit d'une mesure claire. Il importe de reconnaître le caractère urgent de ce que nous demandons maintenant. Le projet de loi C-88 doit être adopté pour permettre au gouvernement fédéral de jouer son rôle dans la mise en oeuvre de l'accord.

Cette mesure législative historique permettra au gouvernement fédéral de continuer de jouer un rôle de premier plan, de concert avec les autres gouvernements qui sont parties à l'accord. Ce projet de loi vise également à mettre en oeuvre le premier accord général de commerce intérieur au Canada depuis l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Depuis 1867, soit il y a 128 ans, l'économie canadienne s'est développée d'une façon inimaginable pour les pères de la Confédération. Le gouvernement fédéral demeure responsable du commerce interprovincial en vertu de la Constitution, mais les gouvernements fédéraux successifs ont choisi de collaborer avec les provinces pour surmonter les problèmes de commerce intérieur.

Les barrières et entraves au commerce intérieur ne permettent pas une utilisation efficace des ressources et limitent la capacité de l'industrie de tirer profit des économies d'échelle et de demeurer concurrentielle sur les marchés. Cette situation finit par réduire la compétitivité de l'entreprise et nuire à l'économie canadienne.

Il incombe à tous les gouvernements canadiens de collaborer entre eux pour que l'économie nationale tourne de manière aussi efficace et efficiente que possible, de sorte que tous les Canadiens puissent profiter des avantages d'un développement, d'une croissance et d'une prospérité économiques solides. Je demande à tous les députés d'examiner cette mesure législative qui est simple, cette mesure législative qui va assurer le type de mécanisme permettant de créer, ensemble, le type de climat dont ont besoin les entreprises canadiennes.

Nous avons cherché à travailler dans un esprit de coopération. L'accord auquel nous sommes arrivés en témoigne. Notre approche prouve que le gouvernement canadien agit de façon responsable. C'est pourquoi nous pouvons veiller à ce que ces arrangements entre provinces fonctionnent. Je demande aux députés d'appuyer cette mesure législative.

La présidente suppléante (Mme Maheu): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, les oui l'emportent.


16120

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Maheu): Convoquez les députés.

(1150)

Après l'appel du timbre:

La présidente suppléante (Mme Maheu): Conformément au paragraphe 45(7) du Règlement, le whip en chef du gouvernement, avec l'accord des whips de tous les partis reconnus, m'a demandé de reporter le vote sur la motion dont la Chambre est saisie à 18 heures lundi. Le timbre ne sonnera pas plus de 15 minutes.

* * *

LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE

L'hon. Michel Dupuy (au nom du ministre des Finances, Lib.) propose: Que le projet de loi C-103, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la troisième fois et adopté.

-Madame la Présidente, je suis très heureux de présenter le projet de loi C-103, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu, à l'étape de la troisième lecture. Cette mesure vise à défendre l'industrie canadienne du magazine.

Les périodiques canadiens sont un élément vital d'expression culturelle. Ils présentent des nouvelles et de l'information, des analyses critiques, des commentaires raisonnés et des dialogues animés, et tout cela contribue au développement de notre identité, en tant que Canadiens.

Sur le plan culturel, l'industrie canadienne du magazine est un secteur florissant. Plus de 1 000 éditeurs nous offrent plus de 1 300 publications différentes. Les pages éditoriales des revues canadiennes nous présentent des idées et de l'information équivalant, en nombre de pages, à 2 500 livres par année.

[Français]

Les périodiques rejoignent des auditoires spécialisés que les autres médias, comme les journaux et la télévision, ne peuvent atteindre. Ils s'adressent et donnent la parole à de nouveaux publics et contribuent ainsi à susciter un sentiment d'appartenance chez les lecteurs qui partagent des intérêts semblables. Certes, les avantages culturels qu'ils procurent à une société aussi dispersée et diversifiée que la nôtre sont des plus évidents.

Les périodiques canadiens forment également un lieu d'expression pour les écrivains et les artistes. Environ 92 p. 100 du contenu rédactionnel des périodiques canadiens est produit par des rédacteurs canadiens qui travaillent pour ces périodiques ou qui sont embauchés à la pige. De même, ce sont des Canadiens et des Canadiennes qui conçoivent les illustrations et réalisent les photographies dans une proportion supérieure à 92 p. 100.

Les Canadiens et Canadiennes peuvent se procurer un large éventail de revues et de périodiques canadiens. Ces publications vont des revues d'actualités comme L'Actualité et Maclean's, ou des revues spécialisées dans des domaines tels que les arts, les sciences ou les loisirs, en passant par les périodiques d'intérêt général à grande échelle.

Certaines de ces publications sont académiques alors que d'autres sont des revues à faible tirage dont l'ouverture à l'expérimentation artistique et littéraire permet à la culture de se renouveler.

Les premiers périodiques canadiens ont été créés à la fin des années 1700, en Nouvelle-Écosse, par des immigrants de la Nouvelle-Angleterre. L'histoire des périodiques au Canada est celle de nombreux écrivains, artistes et commerçants. Elle a présidé à la conception d'idées avant-gardistes, à la création d'images visuelles originales et à l'émergence de nouvelles formes d'expression culturelle.

Fait plus important encore, l'histoire des périodiques au Canada est aussi une saga politique dans laquelle des intérêts particuliers ont survécu dans un milieu dominé par des intérêts étrangers.

(1155)

Pour le gouvernement, le défi a toujours consisté à établir un équilibre entre la préservation de l'autonomie culturelle canadienne et l'autorisation de la libre circulation des idées.

[Traduction]

Les conditions dans lesquelles les éditeurs canadiens doivent se livrer concurrence pour gagner l'attention des lecteurs canadiens sont influencées par des facteurs comme l'impact des magazines étrangers sur notre marché, la taille relativement restreinte de la population canadienne, la difficulté de distribuer les revues sur notre vaste territoire et le coût que cela suppose, l'ouverture des Canadiens face aux produits culturels étrangers, l'effet sur la structure de prix canadienne du prix des revues importées, la concurrence des revues étrangères qu'on trouve en kiosque et l'impact de la publicité de débordement sur les possibilités du marché publicitaire du Canada.

En outre, la situation financière et fiscale difficile fait aussi des ravages. Par exemple, en 1992, plus de la moitié des revues canadiennes n'ont enregistré aucun bénéfice d'exploitation. Le bénéfice d'exploitation moyen pour l'ensemble de l'industrie n'est que de 2,36 p. 100. Cette industrie réussit donc mieux sur le plan culturel que sur le plan financier. Les entreprises de publication canadiennes de tous les genres survivent grâce à la créativité des auteurs et des éditeurs ainsi qu'à l'intérêt des lecteurs.

Les revues doivent se constituer une clientèle stable de lecteurs, à long terme. Les publicitaires sont aussi indispensables à leur survie. Les revues canadiennes tirent 65 p. 100 de leurs revenus de la publicité.

[Français]

Les grands objectifs de la politique gouvernementale d'aide à l'industrie canadienne des périodiques ont donc été les suivants: inciter les annonceurs canadiens à publier des annonces dans les périodiques canadiens; encourager l'apport de recettes publicitaires canadiennes aux périodiques ayant un contenu original au lieu d'un contenu réutilisé; procurer aux éditeurs une aide à la diffusion de façon qu'ils rejoignent leur marché.

Depuis 1965, deux mesures favorisent l'apport de recettes publicitaires à l'industrie canadienne des périodiques; il s'agit du Code tarifaire 9958 qui interdit l'importation d'éditions à tirage dédoublé et de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu qui permet une déduction des frais de publicité s'adressant aux marchés canadiens, à condition que cette publicité soit placée dans les éditions cana-


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diennes des périodiques et des journaux de propriété et sous contrôle canadien.

En avril 1993, l'apparition de Sports Illustrated Canada sur les rayons de nos kiosques à journaux a indiqué une nouvelle tendance de l'industrie des périodiques américains sur le marché canadien.

[Traduction]

L'édition canadienne de Sports Illustrated a été en mesure de contourner le code tarifaire 9958 en transmettant par voie électronique le contenu de ses principaux articles depuis les États-Unis jusqu'à un imprimeur au Canada, au lieu d'importer physiquement l'édition dédoublée au Canada. De la publicité locale remplaçait la publicité étrangère et certains articles canadiens étaient ajoutés au contenu existant. Ainsi, l'édition canadienne de Sports Illustrated démontrait que le code tarifaire ne permettait plus d'empêcher les tirages dédoublés.

Cette nouvelle situation soulignait la nécessité de mettre à jour les mesures législatives en place pour appuyer ce secteur important de notre industrie culturelle. On avait affirmé que les lignes directrices établies en application de la Loi sur Investissement Canada et annoncées en juillet 1993 empêcheraient la possibilité de tout nouveau tirage dédoublé sur le marché canadien. Ces lignes directrices, toutefois, ne s'appliquent qu'aux entreprises canadiennes. Comme nous l'avons vu avec l'édition canadienne de Sports Illustrated, l'éditeur n'a pas besoin d'avoir des bureaux au Canada pour publier une édition dédoublée dans notre pays. C'est pourquoi nous proposons le projet de loi C-103.

(1200)

Premièrement, une modification à la Loi sur la taxe d'accise imposera une taxe d'accise aux éditions canadiennes de périodiques qui sont des tirages dédoublés.

Deuxièmement, une modification à l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu empêchera la déduction des frais de publicité. Cela garantira que les journaux et les périodiques qui se prétendent canadiens sont effectivement la propriété de Canadiens et sous le contrôle de Canadiens.

Ce sont des mesures qui égaliseront les chances de tout le monde dans le secteur de la publication de périodiques au Canada. Elles sont équitables. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que le secteur des périodiques au Canada puisse soutenir la concurrence en matière de publicité.

[Français]

Le groupe de travail sur l'industrie canadienne des périodiques a été établi parce que le cas de Sports Illustrated Canada a démontré que la législation en place pouvait être contournée. Et j'aimerais ici clarifier un point important.

Le problème ne réside pas dans le fait que l'on publie au Canada un périodique sur les sports en général. C'est plutôt une question de revenus publicitaires. L'apparition d'une édition dédoublée de Sports Illustrated Canada dans nos kiosques à journaux démontre qu'il est possible pour les éditions à tirage dédoublé d'entrer sur le marché publicitaire du Canada, malgré les instruments législatifs en place.

Les membres du groupe de travail ont entamé leurs travaux en avril 1993. Ils avaient pour mandat de trouver des mesures solides et applicables afin de maintenir l'efficacité de la politique fédérale d'aide à l'industrie canadienne des périodiques.

Le groupe de travail était formé de personnes qui possèdent une somme considérable de connaissances et d'expérience relatives à l'industrie canadienne des périodiques. Il comptait des représentants de toutes les régions du pays. Certains membres étaient des conseillers au service de l'industrie de la publicité, de la Consumers' Association of Canada, des représentants de l'industrie canadienne des périodiques, ainsi que des spécialistes du commerce international.

Ce groupe de personnes hautement compétentes s'est bien acquitté de son mandat. Les membres du groupe de travail ont non seulement fourni une analyse approfondie et à jour de l'industrie canadienne des périodiques, mais également démontré la nécessité d'actualiser les instruments législatifs en place qui appuient l'industrie canadienne des périodiques.

[Traduction]

Nous nous en sommes remis à l'avis du groupe de travail, car il a examiné de près toutes les options possibles. Par exemple, il avait conclu que les tirages dédoublés pouvaient conduire, pour l'industrie, à une perte possible de quelque 40 p. 100 des revenus de publicité. Cela représente environ 200 millions de dollars par année.

Des considérations financières éliminaient la possibilité de mettre sur pied un programme d'appui d'une telle ampleur. La taxe proposée est la mesure la plus raisonnable et la plus pratique sur le plan structurel. À 80 p. 100, la taxe peut atteindre son objectif qui est d'encourager un contenu original.

Le groupe de travail avait conclu que l'adoption d'une mesure faisant appel à la taxe d'accise, qui ferait que les revenus de publicité iraient de préférence aux périodiques contenant des articles originaux, serait la meilleure façon d'aider le secteur des périodiques canadiens d'une manière qui soit conforme à nos engagements commerciaux. En favorisant un contenu original, la taxe permet à tous les éditeurs de rivaliser entre eux sur un pied d'égalité pour l'obtention des recettes publicitaires au Canada.

Un certain nombre de questions et de préoccupations ont été soulevées au cours du débat sur le projet de loi C-103. Permettez-moi d'aborder quelques-unes d'entre elles.

D'aucuns ont fait valoir que les éditeurs de magazines canadiens devraient saisir les possibilités offertes par l'Accord de libre-échange pour réaliser des ventes aux États-Unis. Or, la culture populaire américaine fait partie intégrante de la vie quotidienne des Canadiens, si bien que le contenu éditorial des magazines américains intéresse les Canadiens. Mais la réciproque n'est pas vraie. La culture populaire canadienne et les dossiers canadiens ne font pas partie intégrante de la vie quotidienne des Américains.

(1205)

Pour percer aux États-Unis, les magazines canadiens se verraient obligés de modifier leur contenu éditorial à un point tel qu'il ne s'agirait plus de magazines canadiens.

On a soulevé la question de savoir si la taxe d'accise proposée constitue un usage valable du pouvoir fiscal du gouvernement fédéral. Je peux donner à la Chambre l'assurance que le projet de loi


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C-103 est bel et bien un exercice valable du pouvoir fiscal fédéral. Il s'agit d'une mesure de portée générale, puisqu'elle s'applique à tous les tirages dédoublés qui sont distribués au Canada. Les mesures fiscales ne visent pas toujours le seul objectif de percevoir des recettes. Elles peuvent également poursuivre d'autres objectifs économiques et sociaux.

C'est le cas, par exemple, des traitements fiscaux des cotisations à un REER et des prestations pour enfants.

[Français]

Finalement, à ceux et à celles qui critiquent l'adoption d'une telle taxe en raison de sa nature discriminatoire, je réponds que cette mesure fiscale s'appliquerait à n'importe quelle édition dédoublée, qu'elle soit publiée par un éditeur canadien ou par un éditeur étranger.

En allant de l'avant avec le projet de loi C-103, le gouvernement a comme objectif non pas de limiter l'accès aux périodiques étrangers, mais de préserver un milieu dans lequel les périodiques canadiens peuvent croître et prospérer au Canada, tout en continuant de coexister avec des périodiques étrangers.

La politique fédérale d'appui à l'industrie canadienne des périodiques, qui existe déjà depuis fort longtemps, demeure inchangée. Le projet de loi C-103 ne fait que la renforcer en adaptant les instruments déjà en place aux réalités actuelles. Il permettra à l'industrie de faire face aux défis que créent les changements technologiques, tels ceux qui ont causé le phénomène des éditions dédoublées au Canada.

Un régime ouvert et stable d'échanges transfrontaliers compte parmi les plus grands atouts sur lesquels le Canada peut tabler. Dans un marché mondial imposant, diversifié et marqué par une globalisation croissante du commerce, notre culture nous permet de nous distinguer des autres pays du monde. En tant que gouvernement, notre défi consiste et a toujours consisté à maintenir des politiques et des outils d'intervention efficaces et propices à l'épanouissement culturel. Nous devons également viser un équilibre entre les objectifs parfois concurrentiels que représentent nos échanges commerciaux avec les autres pays et la préservation de notre identité culturelle.

[Traduction]

Le projet de loi C-103 atteint ces objectifs importants. Les Canadiens attachent de l'importance à ce qu'ils sont en tant que peuple et pays. Ils veulent et méritent un accès à des produits culturels qui reflètent l'expérience canadienne et, pour ce faire, il faut que nos industries culturelles demeurent solides.

Il ne suffit pas de dire, par exemple, que le tirage des principaux magazines canadiens augmente, alors que celui des principaux magazines américains au Canada baisse. En réalité, nos grands magazines sont confrontés à la force combinée du beaucoup plus grand nombre de magazines américains en circulation.

En conclusion, dans les années 70 et 80, nous avons été témoins d'une explosion sans précédent de l'activité culturelle qui a conduit à la création d'un large éventail de produits artistiques canadiens. Durant cette période, les Canadiens ont continué de se définir eux-mêmes et leurs valeurs d'une façon bien à eux.

[Français]

Le gouvernement du Canada a pris diverses mesures pour accroître la part du marché intérieur détenue par les produits culturels canadiens et pour améliorer la capacité des artistes et des industries culturelles du Canada de créer et de commercialiser leurs produits au Canada. Dans les années 1990, la politique culturelle canadienne a revêtu de multiples facettes. Cette complexité résulte de la mondialisation des marchés et de la croissance extraordinaire de nos activités artistiques et culturelles.

(1210)

Le principal objectif de la politique culturelle du Canada est encore de s'assurer que les Canadiens aient accès à des produits canadiens, de façon à ce qu'ils partagent des valeurs et des symboles communs et qu'ils continuent de se forger une identité culturelle à la mesure de leur image.

Le projet de loi C-103 s'inscrit dans le prolongement de ces politiques culturelles. Même si les défis sont nombreux, notre expérience nous révèle que nous pouvons non seulement nous y mesurer, mais le faire avec excellence.

[Traduction]

Je vais terminer par une citation contenue dans le rapport du Groupe de travail sur l'industrie canadienne des périodiques: «Les magazines canadiens contribuent à entretenir chez nous le sens de notre identité. Ils nous aident à nous voir comme personne d'autre ne peut nous voir. Ils nous font aussi voir le monde dans un éclairage canadien. Ils sont le fil qui relie les fibres de la nation.»

J'exhorte mes collègues à appuyer le projet de loi C-103, à l'étape de la troisième lecture.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, nous débattons aujourd'hui, en troisième lecture, du projet de loi C-103 intitulé Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu. Je prends la parole aujourd'hui pour réitérer l'appui du Bloc québécois à ce projet de loi qui, je le rappelle, a essentiellement pour objectif de mettre un terme à la production de magazine dédoublé au Canada et de renforcer la mesure visant à accorder une déduction fiscale aux entreprises canadiennes qui font du placement publicitaire dans les journaux ou périodiques canadiens.

Pour le bénéfice de ceux et celles qui nous écoutent, je rappelle qu'un magazine dédoublé est un périodique dont le contenu est étranger à plus de 20 p. 100.

Ce projet de loi, est-il important de le rappeler, a été rendu nécessaire par l'inaction du gouvernement à prendre les mesures requises pour interdire l'impression de magazines dédoublés au Canada.

En effet, en 1993, Time Warner a fait part au gouvernement canadien de son intention de distribuer un magazine dédoublé au Canada, soit Sports Illustrated. Comme je le rappelais dans mon discours du 25 septembre dernier, plutôt que d'agir, le gouverne-


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ment d'alors a choisi de créer un groupe de travail pour étudier la question. Sports Illustrated est donc passé à l'action sans problème, au vu et au su du gouvernement.

Time Warner a tout simplement décidé d'expédier au Canada, par voie électronique, le contenu rédactionnel de son magazine américain. Par la suite, il a vendu de la publicité aux entreprises canadiennes, imprimé son magazine au Canada et l'a distribué au Canada. Sports Illustrated était donc en mesure de faire du dumping sur la publicité, puisque l'entreprise avait déjà absorbé ses coûts de production sur son marché domestique. L'entreprise pouvait donc vendre sa publicité à rabais et, ainsi, miner les industries québécoises et canadiennes du périodique.

Toutefois, et je veux être très claire, cette mesure n'est pas dirigée uniquement contre Sports Illustrated. En effet, elle a été rendue nécessaire parce que Sports Illustrated a été la première entreprise à contourner l'esprit de la loi canadienne. Mais je sais, et cela a été souvent répété au Comité des finances, que d'autres entreprises n'attendent qu'un fléchissement de la part du législateur canadien pour faire exactement ce que fait Sports Illustrated: du transfert de contenu rédactionnel au Canada et du dumping sur la publicité.

Je rappelle également que ce projet de loi a été revendiqué par les représentantes et les représentants de l'industrie du périodique du Québec et du Canada pour deux raisons principales: d'abord, parce que l'industrie ne se serait pas développée sans la mise en place des mesures visant à la protéger; ensuite, parce que la santé financière de ce secteur de l'industrie culturelle est précaire.

Ainsi, au Comité des finances, M. Jean Paré, rédacteur en chef de l'Actualité et porte-parole de l'Association québécoise des éditeurs de magazines, parlait en ces termes de l'impact qu'ont eu les mesures prises par le Canada pour protéger l'industrie du périodique canadien, et je cite: «La grande majorité de ces magazines n'existeraient pas sans les mesures que les gouvernements successifs du Canada ont prises depuis 30 ans pour remettre à niveau les chances des Canadiens dans le marché international et à assurer l'équité de la concurrence.»

(1215)

«La preuve de ce que nous avançons, c'est qu'avant l'adoption de ces législations, notre industrie était inexistante. Le magazine que je représente n'aura que 20 ans dans quelques mois. Lors de sa fondation, il n'existait que trois des 57 magazines que je représente aujourd'hui. Le tirage annuel combiné des magazines existant alors n'était que de six millions d'exemplaires annuels. Aujourd'hui, celui de no 57 membres atteint 80 millions d'exemplaires, et si l'on y ajoute celui des non-membres, 138 millions d'exemplaires. Les législations adoptées il y a 25 ans ont déclenché l'investissement dans ces entreprises. L'évolution de l'industrie du magazine est à peu près identique au Canada anglais.»

Dans sa présentation devant le Comité des finances, M. Paré soulignait que, à première vue, on pourrait croire que ces chiffres indiquent que le secteur des magazines se porte bien, alors que ce n'est pas le cas. En effet, devant le Comité, M. Paré est venu confirmer les conclusions du Groupe de travail sur l'industrie canadienne des périodiques. M. Paré déclarait, et je cite:

«On pourrait croire qu'il s'agit d'un secteur robuste et florissant de l'industrie des communications. Il n'en est rien. Neuf sur dix de ces magazines ne sont pas rentables et n'existent que par le soutien de quelques titres profitables dans l'attente d'un profit éventuel. Et cette minorité de magazines rentables doit se contenter de profits qui ne dépassent guère, en moyenne, 10 p. 100, ce qui est bien au-dessous des normes considérées comme minimales aux États-Unis. De 60 à 70 p. 100 des revenus de ces magazines viennent de la publicité et une réduction de l'assiette publicitaire de 10 p. 100 liquiderait probablement toute l'industrie du magazine au Canada.»

Le magazine Sports Illustrated est venu aussi témoigner devant le Comité des finances. Au cours de sa présentation, l'entreprise a déclaré que le projet de loi C-103 était injuste, parce qu'il visait spécifiquement Sports Illustrated.

En fait, il est exact que le projet de loi prévoit imposer une taxe d'accise de 80 p. 100 sur les revenus publicitaires des magazines dédoublés et que cette mesure doit s'appliquer à Sports Illustrated. En effet, le projet de loi dit que cette mesure ne s'applique pas aux périodiques à tirage dédoublé déjà publiés et distribués au Canada le 26 mars 1993. Or, Sports Illustrated commençait sa distribution canadienne le 1er avril 1993.

Contrairement à ce que tente de nous faire croire Time Warner, la maison mère de Sports Illustrated, cette mesure ne vise pas que son magazine. Dans son allocution devant le Comité des finances,M. Paré décrivait ainsi la concurrence à laquelle pourraient être confrontés les magazines québécois si le projet de loi C-103 ne devait pas être entériné par cette Chambre, et je cite:

«Les géants de l'édition ne sont pas qu'Américains. Ils ne publient pas qu'en anglais. Notre concurrence vient autant des sociétés allemandes, françaises et britanniques qu'américaines. Ces entreprises gigantesques, qui possèdent parfois des centaines de titres, dont les plus petits dépassent parfois les plus grands tirages canadiens, publient de plus en plus dans toutes les langues et adaptent leurs contenus dans des éditions réduites, de façon à écrémer les revenus publicitaires dans le plus grand nombre de marchés possible. Ces éditeurs internationaux sont actuellement en train de découvrir le Canada.»

Ainsi, le projet de loi C-103 ne vise pas exclusivement Sports Illustrated, comme tente de nous le faire croire Time Warner, mais également toutes les autres entreprises de périodiques qui attendent de voir ce qu'il adviendra de l'expérience tentée par le magazine américain sur le marché canadien.

Dans sa présentation devant le Comité des finances, Sports Illustrated a fait valoir qu'il participait à la vie canadienne, d'abord en traitant dans ses pages d'équipes et d'athlètes canadiens, comme les Blue Jays de Toronto et Elvis Stojko, ensuite en créant des emplois au Canada. À cet égard, les représentants du magazine déclaraient, et je cite:


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«[. . .]l'entreprise y voyait l'occasion de créer pour des Canadiens des emplois dans les domaines de l'impression et de la distribution, de même que des possibilités d'affectation pour des journalistes et photographes sportifs canadiens.»

(1220)

Or, selon nos informations, le contenu canadien dans Sports Illustrated est très minime. De plus, on nous dit que les reportages de Sports Illustrated qui mettent les athlètes canadiens à l'honneur sont ceux qui, de toute façon, seraient inclus dans la version américaine du magazine. En effet, Elvis Stojko est peut-être canadien, mais il est également le médaillé d'or en patinage artistique, ce qui en fait une vedette internationale. Il n'est donc pas étonnant alors qu'il fasse la une de Sports Illustrated; ce qui étonnerait serait plutôt que Sports Illustrated ne parle pas d'Elvis Stojko.

Quant à la création d'emplois, mes informations indiquent que l'apport de Sports Illustrated dans ce domaine est plutôt mince. Les deux versions de Sports Illustrated étant entièrement produites à New York, l'apport rédactionnel en provenance du Canada est à toutes fins utiles inexistant. Quant au travail d'impression, un imprimeur évalue qu'il faut au maximum neuf heures de presse pour imprimer une édition de Sports Illustrated. On peut donc questionner sérieusement la contribution de Sports Illustrated à la culture et à la main-d'oeuvre canadiennes.

En revanche, il est clair que Sports Illustrated écrème le marché de la publicité en vendant ses espaces publicitaires à rabais. Et dans son mémoire déposé devant le Comité des finances, cette entreprise annonce son intention de passer de la formule du mensuel à celle de l'hebdomadaire, ce qui est loin d'être rassurant pour l'industrie canadienne si le gouvernement n'agit pas avec diligence.

Cette mesure législative est importante pour l'industrie du magazine. Cependant, je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour rappeler au gouvernement qu'il lui faudrait mettre en application les autres mesures préconisées par le Groupe de travail sur l'industrie des périodiques.

Ces mesures sont: premièrement, geler les sommes réservées au programme du subside postal au niveau où elles étaient en 1995; deuxièmement, abolir la TPS sur tout ce qui se lit. Le Parti libéral du Canada avait pris des engagements clairs et formels à cet égard. En effet, il avait adopté la résolution suivante, et je cite: «Un gouvernement libéral réaffirmerait le principe historique qui assure une franchise d'impôt à l'industrie de l'édition et abolirait la taxe sur les produits et services, la TPS, sur les ouvrages de lecture.» On attend toujours qu'il concrétise ses promesses.

Troisièmement, forcer le gouvernement canadien et inviter le gouvernement des provinces à acheter leurs placements publicitaires destinés au public canadien uniquement dans des magazines canadiens; et, quatrièmement, amender la loi d'Investissement Canada afin de s'assurer que le ministère du Patrimoine donne son approbation à toute mesure adoptée par Investissement Canada et portant sur les magazines et les périodiques.

[Traduction]

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de parler du projet de loi C-103.

Lorsqu'ils présentent une mesure législative portant sur des questions comme la politique relative au marché culturel, les gouvernements doivent surtout se demander qui est le véritable gardien du marché culturel et de la culture au Canada. Il s'agit de savoir qui protège vraiment les consommateurs canadiens? Est-ce le gouvernement ou les Canadiens eux-mêmes? Ce sont des questions fondamentales.

Je ne vais pas m'arrêter aujourd'hui sur tous les aspects administratifs de ce projet de loi. On l'a déjà fait au comité et au cours des derniers jours, dans le cadre d'autres discours. Je ne me pencherai pas là-dessus, mais je vais beaucoup parler du principe en cause lorsqu'il s'agit de savoir qui doit définir la culture, de décider du type de culture qui mérite d'être protégée et de justifier cette protection. C'est vraiment la question qui sous-tend le débat d'aujourd'hui. Nous tenons un débat de forme sur ce projet de loi, mais ce débat va plus loin que cela. Il consiste réellement à savoir qui est le défenseur de la culture au Canada. Nous pouvons même élargir ce débat et dire qu'il rejoint en fait tout le débat autour de la campagne référendaire qui vient d'avoir lieu au Québec. La question est de savoir qui est le mieux placé pour décider de ce qu'est la culture.

(1225)

Je voudrais aborder cette question sous divers angles dans mon discours. Je voudrais en parler du point de vue culturel et du point de vue économique. Encore une fois, il s'agit de se demander qui est le mieux placé pour protéger la culture et pour défendre les intérêts du consommateur moyen qui paie des impôts. Je soutiens que, idéalement, dans les deux cas, c'est le consommateur lui-même et, à défaut de cela, les paliers inférieurs de gouvernement.

Je voudrais traiter d'abord des questions économiques. Le ministre a longuement parlé de l'importance de protéger l'industrie des revues au Canada et de la nécessité d'adopter cette mesure législative pour ce faire. Que dire de toutes les autres personnes qui sont touchées par ce projet de loi? Ce n'est pas seulement l'industrie des revues qui a des intérêts en jeu ici. Les agences publicitaires recourent aux revues pour transmettre leur message aux consommateurs. Quel effet ce projet de loi aura-t-il sur elles?

Je voudrais illustrer la façon dont ce projet de loi nuit au publicitaire ordinaire et pourquoi cela pose un problème. Prenons le cas d'une entreprise quelque part en Ontario qui vend des ordinateurs et qui se sert de la revue Sports Illustrated pour transmettre son message, les lecteurs de cette revue étant le public cible le plus indiqué pour ce genre de produit. Tout à coup, nous l'empêchons de se servir de ce moyen. Cependant, sa concurrente, IBM aux États-Unis, ne sera pas privée de ce moyen et pourra recourir à l'édition distribuée aux États-Unis pour livrer son message aux dépens de l'entreprise ontarienne. Elle aura ainsi un avantage concurrentiel injuste.


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L'entreprise ontarienne qui cherche à vendre des ordinateurs n'y est pour rien. C'est la faute du gouvernement qui refuse à Sports Illustrated la chance d'entrer au Canada et de vendre des annonces à ces entreprises. Ces produits ont une valeur pour ceux qui les utilisent. C'est pourquoi ils y consacrent de l'argent.

Nous refusons à cette entreprise la chance d'utiliser ce moyen pour avoir sa part du marché. Par conséquent, il se pourrait qu'IBM domine au Canada, du fait qu'elle a accès à une publicité peu coûteuse, contrairement à l'entreprise qui est établie quelque part en Ontario. Nous exerçons une discrimination envers des annonceurs, des entreprises qui fournissent de l'emploi au Canada et qui paient des impôts au gouvernement canadien. Nous leur nions cette chance. Voilà une raison pour laquelle ce projet de loi est mauvais.

Le ministre a mentionné qu'il y avait un grand nombre de revues canadiennes et que les gens y avaient accès. Qu'en est-il des revues auxquelles nous n'avons pas accès à cause de cette mesure législative? Nous ignorons lesquelles. Selon une théorie économique, on ne voit jamais les résultats parfois imprévisibles et invisibles d'une politique économique.

Qu'en est-il des revues dont le tarif d'abonnement est trop élevé? Qu'en est-il des revues dont les recettes publicitaires leur permettent d'abaisser le tarif d'abonnement, ce qui leur permet de hausser leur tirage et, en conséquence, de hausser le tarif des annonces? Nous n'entendrons jamais parler de ces revues. Elles ne sont pas distribuées ici parce qu'il n'y a pas de recettes publicitaires qui appuient les recettes provenant des abonnements. On nous refuse l'accès à ces revues. Nous ne saurons jamais ce que nous manquerons puisque nous ne les verrons jamais.

Le même argument s'applique au prix que nous payons pour les revues qui sont distribuées au Canada.

(1230)

Tout le monde sait que le prix de vente au Canada des revues américaines ou étrangères est plus élevé que le prix auquel elles se vendent dans leur pays d'origine. Je suis d'avis que cette différence est due au fait que les recettes provenant des abonnements ne sont pas appuyées par les recettes publicitaires. Nous sommes donc encore une fois confrontés à une situation où nous pénalisons les consommateurs pour protéger une classe de privilégiés, un groupe d'éditeurs de revues canadiennes qui ont la chance de bénéficier de la protection du gouvernement canadien.

De toutes ces façons différentes, les consommateurs et les annonceurs paient le gros prix pour cette politique gouvernementale. Je fais remarquer encore une fois que ce faisant, nous privons les gens d'une occasion d'utiliser leur revenu disponible pour le dépenser dans d'autres domaines et de contribuer ainsi à la croissance de l'économie et à la création d'emplois, ce qui a un effet multiplicateur. Voilà exactement comment le fonctionne le système en contexte de libre-échange.

Je parlerai du libre-échange en général dans un instant, mais je voudrais auparavant aborder brièvement l'idée d'une taxe de 80 p. 100. Je veux parler des principes sur lesquels l'industrie canadienne des périodiques s'est appuyée pour mener le combat sur cette question. Pour en trouver l'origine, il nous faut remonter à un débat antérieur, le débat sur la TPS.

J'ai trouvé dans le numéro du lundi 30 octobre de la Gazette de Montréal un article très instructif, dont je voudrais citer un passage. Il met en perspective les arguments exploités par l'industrie canadienne des périodiques et nous aide à comprendre le fond de leur pensée. L'article est signé par William Watson, responsable de la section affaires économiques à la Gazette, qui dit:

Ceux qui sont favorables au projet de loi, c'est-à-dire l'industrie canadienne des périodiques, soutiennent que les Américains ont un avantage déloyal: comme les articles américains ont déjà été écrits, ils ne coûtent à peu près rien à l'édition à tirage dédoublé. Par contre, comme le contenu rédactionnel des magazines entièrement canadiens est tout à fait nouveau pour le marché canadien, les règles du jeu sont inégales.
Eh bien, les règles du jeu concernant les bananes et les oranges sont inégales elles aussi, car les pays tropicaux les produisent à bien moindre coût que nous, mais nous n'insistons pas pour que les amateurs canadiens de fruits achètent des oranges et des bananes produites au Canada. Si les lecteurs canadiens préfèrent le contenu rédactionnel américain moins cher au contenu rédactionnel canadien plus cher, pourquoi Ottawa se mêlerait-il de leur choix?
Lors du débat sur la TPS, l'industrie canadienne de l'édition a mené une campagne publicitaire articulée autour de l'argument d'après lequel d'autres pays brûlent les livres, mais nous nous contentons de les taxer. Or, la même industrie est favorable à une taxe de 80 p. 100 sur une forme de publication.
Il est correct de brûler des livres, je suppose, tant qu'il s'agit de livres américains.
Cet article, à mon avis, expose un très bon argument contre celui qu'utilise l'industrie canadienne des périodiques. Il fait valoir également un argument très convaincant pour que les Canadiens se fassent les protecteurs de la culture. Il dit que les Canadiens devraient être les gardiens de la culture de notre pays.

Il s'agit du même vieux cliché: il n'y a pas de laides amours. Bien que le gouvernement du Canada puisse penser qu'un certain contenu rédactionnel n'est pas très bon et peut-être même non canadien, d'autres peuvent l'apprécier. Ces revues enrichissent leur vie, comme la lecture le fait toujours. Les lecteurs y trouvent satisfaction. C'est pourquoi ils les lisent.

En refusant à certains périodiques l'accès aux recettes publicitaires au Canada, nous refusons parfois à des périodiques la chance d'être diffusés ici. Selon moi, cet article met en pièce l'argumentation du secteur canadien des périodiques remontant au débat sur la TPS, qui était présentée comme une sorte d'autodafé de livres. Mais lorsqu'il s'agit d'une taxe de 80 p. 100 sur Sports Illustrated, la situation se présente différemment, pour une raison quelconque.

Je pense au fond que l'enjeu est de savoir qui sont les vrais gardiens de la culture au Canada. Permettez-moi de m'attarder un peu à cette question. Je voudrais parler maintenant du libre-échange en général et revenir sur un point dont j'ai parlé hier. Je crois qu'il fait bien ressortir ce que je veux dire. J'y reviens donc.

(1235)

Je me souviens, tout comme une autre personne avec qui je bavardais ce matin, de tous les articles, coupures de journaux, vidéos, etc. que nous avons vus, à l'époque du débat sur le libre-échange, en 1988, au sujet des effets que le libre-échange aurait sur


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la viticulture au Canada. Je parie que beaucoup s'en souviennent. On disait que les effets seraient dévastateurs pour les viticulteurs canadiens. Il y a eu toutes sortes de protestations, notamment dans l'Okanagan et dans le sud de l'Ontario.

Au bout du compte, c'est exactement le contraire qui s'est produit. Non seulement la viticulture a prospéré, mais l'industrie viticole canadienne est maintenant reconnue dans le monde comme l'une des plus prometteuses et l'une des meilleures du monde. Nous avons remporté une foule de prix grâce à la concurrence que le libre-échange a suscitée et qui a forcé les viticulteurs à devenir efficaces et à se hisser au rang des meilleurs du monde.

La même chose se produit dans tous les secteurs, pour peu que nous le permettions. On en revient encore à la grande question: qui doit décider de ce qui est bien pour le pays? Le gouvernement qui protège les intérêts acquis? Des intérêts particuliers qui, bien entendu, ne refuseront jamais la protection proposée par le gouvernement? Ils la demanderait, plutôt. Mais en fin de compte, qu'est-ce qu'il y a de mieux pour les consommateurs? Ceux-ci se retrouvent avec des produits meilleur marché, un meilleur choix, une qualité supérieure. Est-ce que ce n'est pas vers cet objectif qu'il faut tendre? Le libre-échange nous permet justement d'atteindre ces objectifs, même dans les industries culturelles.

Je le répète, les Canadiens sont les gardiens et les protecteurs de leur propre culture. Ils sont plus que capables de défendre leurs intérêts. Ce sont des gens d'un grand savoir-faire qui sont en mesure de prendre leurs propres décisions. Je voudrais vous donner quelques exemples de domaines où nos industries culturelles réussissent extrêmement bien à soutenir la concurrence internationale.

Permettez-moi, auparavant, d'aborder brièvement une question que le ministre a soulevée. Il a dit que certaines revues d'intérêt général publiées aux États-Unis semblent intéresser les Canadiens, mais que le contraire n'est pas toujours vrai. Autrement dit, les Américains ne s'intéressent pas beaucoup aux revues d'intérêt général publiées au Canada. Je ne suis pas complètement en désaccord avec le ministre. Il a probablement raison. Certains pourraient affirmer que les Canadiens à la retraite qui s'installent aux États-Unis lisent peut-être ces revues d'intérêt général, et c'est probablement vrai, mais là n'est pas la question.

Je me rends à l'argument du ministre. Que dire toutefois de toutes les revues spécialisées? Que dire, par exemple, d'un magazine sur le golf? Pourquoi un magazine sur le golf doit-il être importé des États-Unis? Pourquoi les magazines sur le golf ne pourraient-ils pas être publiés au Canada et exportés aux États-Unis? Pour l'amour de Dieu, c'est le même jeu dans les deux pays. Il y a même des golfeurs canadiens qui évoluent sur le circuit professionnel. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas?

Nous avons entendu un témoin qui représentait, j'imagine, les intérêts de l'industrie canadienne des périodiques. Ce témoin a admis qu'environ 30 p. 100 du tirage de sa revue était vendu sur le marché américain. De toute évidence, son entreprise ne veut pas perdre cet avantage. Cela les aide à réaliser des bénéfices et cela renforce leur industrie.

À mon avis, si nous voulons renforcer les industries, nous ne pouvons pas miser sur la population du Canada qui est relativement modeste par rapport à celle des États-Unis ou du reste du monde. Qui plus est, un représentant de l'industrie québécoise du magazine qui a comparu devant nous a parlé de la menace qui pèserait sur les magazines québécois si les éditions à tirage dédoublé étaient autorisées au Canada. Il a évoqué la possibilité qu'une foule de magazines de l'étranger entrent dans notre pays. Évidemment, il ne craignait pas tant les États-Unis, car ils ne publient pas grand-chose en français, que ce grand concurrent qu'est la France. Il a parlé plus particulièrement de la France et de l'Allemagne, mais aussi des Suédois, des Suisses et des Belges, qui constituent une menace. Cela m'a paru très curieux que des petits pays, certains plus petits que le Canada, menacent notre pays avec leur industrie de l'édition. Cela m'a semblé extrêmement curieux.

(1240)

Quand on y pense, ces gens ont compris et disent qu'on ne peut survivre, et cela vaut probablement aussi pour cette forteresse française, en demeurant bornés et en se repliant sur soi. Nous devons commercialiser notre produit et l'exporter ailleurs dans le reste du monde. Ils ont essayé de faire cela au Québec, et très probablement ailleurs dans le monde. C'est ainsi qu'ils ont non seulement survécu, mais aussi prospéré.

Je trouve cela tout à fait sensé. Si l'on a un petit marché, la meilleure façon de riposter contre ceux qui utilisent les économies d'échelles à notre détriment, c'est de renverser la situation et de réutiliser celles-ci contre eux, d'utiliser notre contenu éditorial, d'en faire une production de masse et de l'exporter à l'étranger. C'est possible de faire cela dans les magazines spécialisés. Les magazines canadiens qui sont déjà aux États-Unis nous en donnent la preuve dans une certaine mesure, mais ce qui est certain, c'est qu'il y a un énorme marché pour continuer d'agir ainsi ou un énorme marché qui recèle d'extraordinaires possibilités d'expansion.

Si nous élevons des obstacles qui nous empêchent de le faire, comme le fait le projet de loi C-103 sur les éditions à tirage dédoublée, qui empêchent les magazines canadiens-et c'est incroyable-moins largement distribués aux États-Unis qu'au Canada de publier au Canada le même corps rédactionnel par le truchement d'une édition dédoublée, nous élevons en fait des obstacles qui empêcheront notre industrie du magazine de croître, d'entrer sur de nouveaux marchés et de devenir plus viable à long terme. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous agissons ainsi.

Au nombre des entreprises canadiennes qui ont comparu devant le comité, il y en a une qui publie un magazine, Harrowsmith, aux États-Unis. Ce magazine canadien est publié à New York, mais le même corps rédactionnel sert à une édition dédoublée pour le Canada. Les éditeurs de ce magazine ont dit de leur plein gré que si c'était là un argument utilisé à l'encontre de ce projet de loi, ils cesseraient de publier une édition dédoublée parce que, en fin de compte, ce serait dans leur intérêt. Ce n'est pas un argument valable, à mon avis. C'est facile pour eux de dire cela, car ils sont déjà établis là-bas, mais qu'en est-il de ceux qui veulent aller s'y


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implanter en créant, par exemple, un magazine spécialisé s'adressant aux Canadiens et aux Américains et à quiconque parle la langue anglaise? Pourquoi élevons-nous des obstacles? C'est justement comme cela qu'on peut rendre notre industrie viable.

D'après ce que j'ai vu dans l'industrie du livre, nos rédacteurs sont parmi les meilleurs au monde. Nous pouvons produire un corps rédactionnel qui soit meilleur que n'importe où dans le monde. Nous l'avons déjà prouvé. Il suffit d'examiner l'industrie du livre, d'examiner le travail de nos rédacteurs et de penser qu'ils sont lus largement dans le monde entier pour se rendre compte que nous produisons de grands rédacteurs et que nous pouvons le faire. C'est la même chose dans le cas des rédacteurs francophones. Nous pourrions produire le meilleur corps rédactionnel du monde, mais on nous refuse le droit de le faire, notamment avec la disposition sur les éditions dédoublées qui se trouve dans le projet de loi C-103.

Mais c'est plus que cela. C'est l'attitude que nous affichons. Nous disons qu'il ne faut pas laisser entrer les Américains et que nous n'irons pas chez ces derniers. La question est tranchée. C'est stupide parce que nous avons tellement de choses à partager avec le reste du monde, que nous avons les meilleurs artistes, rédacteurs et créateurs de tous genres dans notre pays. C'est absolument insensé de faire cela.

J'ai soulevé cette question hier, mais je parlerai de nouveau du congrès de l'Association canadienne des radiodiffuseurs auquel j'ai assisté le week-end dernier. Le ministre était là aussi et a pris la parole à ce congrès. Ce que je veux dire, c'est que les radiodiffuseurs ont dépassé nos frontières et ont accumulé les succès dans le monde parce qu'ils n'ont pas eu peur d'utiliser les économies d'échelle et de vendre un produit canadien partout dans le monde.

(1245)

L'un des meilleurs exemples de cela nous est donné par CanWest Global, de Winnipeg, qui est très fort en Nouvelle-Zélande et en Australie. Power Corporation, qui est maintenant très gros en Europe, est un autre bon exemple. Je crois savoir que Power est le plus gros radiodiffuseur en Europe et qu'il fait d'excellentes affaires. Il y a aussi Electrohome ltée et d'autres encore.

Ces entreprises ont pris les émissions qu'ils produisent ici et, pour profiter au maximum des économies d'échelle, ils les ont commercialisées partout dans le monde. Ils réussissent très bien, ce qui se traduit par des emplois pour des réalisateurs, des comédiens et des scénaristes canadiens. Nous avons déjà au Canada les débuts d'une industrie culturelle prospère, mais cette prospérité n'est possible que dans la mesure où nous lui permettons d'affronter librement la concurrence sur les marchés mondiaux.

Nous ne devrions pas nous replier sur nous-mêmes. Je reviens à ce que je disais en commençant: le véritable gardien de la culture canadienne ne peut pas être le gouvernement. Il ne peut pas prendre les décisions. Il y a trop d'opinions divergentes dans la société. Les véritables gardiens de la culture canadienne doivent être les Canadiens eux-mêmes. Les gens sont très intelligents. Ils peuvent prendre leurs décisions. Ils n'ont pas besoin que le gouvernement les prenne par la main pour leur dire que telle ou telle chose mérite d'être protégée. C'est idiot. Nous sommes assez mûrs pour nous passer de cela.

Par ailleurs, il faut se demander ce qui arrivera si nous devenons trop protectionnistes. Justement, il n'y a pas si longtemps-et le ministre a été mêlé à l'affaire-nous avons éprouvé certains problèmes lorsque nous avons décidé d'expulser CMT. CMT est une chaîne de télévision de musique country qui présente des vidéos et qui diffusait au Canada depuis plusieurs années. Lorsqu'un service canadien a été mis sur pied, CMT a été jetée dehors. Cette décision a été à l'origine d'un différend entre les Américains et nous.

Nous sommes un pays exportateur. Je ne voudrais pas que ce marché soit fermé aux producteurs culturels canadiens parce qu'il leur rapporte beaucoup. Il permet à ces gens de survivre. Ce que nous avons vu lors de l'incident de CMT, c'est la possibilité qu'on ferme ce marché à nos exportations culturelles, ce qui est extrêmement dangereux. Pour constater l'importance de ce marché, il suffit de voir la croissance rapide des industries culturelles du secteur privé au cours des quelques dernières années.

À mesure que les subventions gouvernementales ont diminué-et le ministre reconnaîtra certainement qu'elles ont diminué au cours des années-les industries culturelles du secteur privé ont connu une forte croissance. Premièrement, elle n'ont pas besoin de protection ni de subventions. Deuxièmement, elles continuent d'exporter, avec succès, leurs produits aux États-Unis et dans d'autres pays à travers le monde, ce qui a certainement contribué à cette forte croissance. Les recettes, qui étaient d'environ 16 milliards de dollars en 1993, ont atteint 22 milliards de dollars en 1994, soit environ 3,7 p. 100 du PIB. Ce secteur connaît vraiment une croissance très rapide, ce qui, à mon avis, est de bon augure. Je parlerai de ce point de façon plus détaillée un peu plus tard.

Le protectionnisme est une arme très dangereuse si la rentabilité de nos industries culturelles dépend d'autres marchés. Si on nous ferme ces marchés, nous aurons de graves problèmes.

Je veux parler pendant un instant de ce que je perçois comme étant la meilleure façon de faire prospérer les industries culturelles dans notre pays. J'ai mentionné le fait que les industries culturelles du secteur privé connaissent une croissance exceptionnelle pour certaines raisons. Une des ces raisons, c'est que, à mesure que la population vieillit, nous voyons les gens dépenser de plus en plus d'argent pour des produits culturels comme le cinéma, le théâtre, les livres, les revues et ainsi de suite. Dans un discours prononcé à la Chambre il n'y a pas très longtemps, le ministre a signalé que l'augmentation du revenu disponible des Canadiens au cours des années a favorisé la croissance de l'industrie des périodiques dans notre pays. Cette augmentation du revenu disponible est très importante.

(1250)

Cela nous ramène à toute la question du déficit, de la dette et des impôts. Je déteste en parler, mais je le fais chaque fois que je prends la parole, car il s'agit d'une épée de Damoclès qui pend au-dessus de


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nos têtes. Notre dette nationale atteint les 560 milliards de dollars. Hier, nous apprenions que 34c. de chaque dollar d'impôt, c'est-à-dire le tiers des recettes fiscales, servent au paiement de l'intérêt sur la dette. C'est une somme colossale.

Si nous n'avions pas à payer cette dette et si les gens pouvaient garder cet argent pour eux, les députés peuvent-ils s'imaginer à quel ils seraient beaucoup plus nombreux à dépenser? Les industries culturelles connaîtraient une véritable croissance. Nous n'aurions même pas à discuter, comme nous le faisons en ce moment, de la protection de nos industries culturelles. Elles exploseraient littéralement.

À mon avis, nous ne devrions pas gaspiller notre temps et le temps précieux des fonctionnaires et de la population à accroître la réglementation et à adopter de nouvelles mesures de protection. Nous devrions plutôt faire baisser le déficit et la dette afin que les gens puissent avoir plus d'argent dans leurs poches. Les Canadiens appuieront l'industrie canadienne des magazines non p

Comme je l'ai dit au comité, tant que les politiciens gaspilleront de l'argent à Ottawa et que la criminalité sévira dans nos rues, les gens se préoccuperont de ce qui se passe à Ottawa, au gouvernement et dans leur pays.

La meilleure façon de le savoir, c'est de s'informer auprès de ceux qui publient les magazines canadiens, car ils jouissent d'un avantage énorme au départ. Ils ont déjà l'histoire derrière eux et les gens qui dirigent ces magazines connaissent le pays. C'est un avantage considérable sur tout ce qui vient de l'étranger.

S'ils ont le revenu disponible, les Canadiens prendront eux-mêmes ces décisions. Ces gens sont les vrais protecteurs de la culture canadienne. Ils prendront ces décisions pour eux-mêmes.

Au fil des ans, les Canadiens ont prouvé, mieux que n'a su le faire le gouvernement, qu'ils sont de loin plus aptes que nous ici à Ottawa, que les bureaucrates et même que les gouvernements provinciaux et municipaux, de prendre des décisions sur des questions importantes. À mon avis, ces deux paliers de gouvernement prennent de meilleures décisions que le gouvernement fédéral. À la fin, les gens ont montré qu'ils étaient plus que capables de prendre d'excellentes décisions pour eux-mêmes, leurs communautés et leur familles.

Au-delà des questions techniques et des détails, tout ce débat a fait ressortir qui devait décider ce qui est dans mon intérêt. Le gouvernement ou moi? Mes collègues et moi, tout comme de nombreux Canadiens, sommes d'avis que les gens sont les mieux placés pour décider pour eux-mêmes. Laissons tomber l'idée que le gouvernement sait ce qui est dans l'intérêt du public, car les gens n'y croient plus. Laissons tomber l'idée qu'un homme ou qu'un cabinet peut décider, au nom de 30 millions de personnes et de tous les groupes qui forment cette population, ce qu'est la culture, ce qu'est l'art.

C'est impossible. C'est dément. Nous avons une chance de renverser le courant en votant contre cette mesure législative. J'encourage tous les députés à examiner attentivement les principes derrière cette mesure législative et à se demander qui devraient être les gardiens de la culture canadienne. Le gouvernement du Canada, les bureaucrates ou les gens eux-mêmes?

En fin de compte, ils reconnaîtront au fin fond d'eux-mêmes que les gens sont mieux en mesure de prendre ces décisions.

Mme Jean Augustine (secrétaire parlementaire du premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'espère apporter un peu de cohérence dans ce débat en intervenant sur le projet de loi C-103. Le projet de loi C-103 jouera un rôle majeur en préservant une industrie canadienne du magazine forte et florissante. J'utiliserai le temps qui m'est alloué pour présenter dans une perspective plus large les efforts du gouvernement pour aider cette industrie.

(1255)

Ce projet de loi doit être examiné dans le contexte d'une tradition de longue date, qui veut que le gouvernement appuie l'industrie canadienne du magazine, ainsi que la contribution de cette industrie à l'économie canadienne. Plus important encore, sur un territoire dont la géographie complique les communications, les revues jouent un rôle majeur d'unification de la population.

Les revues canadiennes sont un mode d'expression culturelle essentiel pour les Canadiens. Elles canalisent les idées et les informations et sont des véhicules pour les valeurs. Elles font partie intégrante du processus d'identification des Canadiens, en tant que nation.

Outre l'influence sociale et culturelle directe de l'industrie canadienne du magazine, on remarque aussi des effets indirects importants qui contribuent au fonctionnement harmonieux de notre économie.

Malheureusement, nos revues connaissent des difficultés qui sont particulières au Canada: le marché canadien est envahi de revues importées, la population canadienne est relativement restreinte et dispersée sur un vaste territoire, les Canadiens se montrent ouverts aux produits culturels étrangers, le prix des revues importées influe sur la structure de prix canadienne et la publicité de débordement influe sur les possibilités du marché publicitaire du Canada.

Même si l'industrie du magazine a du succès sur le plan culturel puisqu'elle compte plus de 1 300 titres, sa réussite financière reste fragile. En 1993-1994, ses bénéfices avant impôt s'élevaient dans l'ensemble à moins de 6 p. 100 des recettes, qui se chiffraient à 795 millions de dollars.

Le gouvernement canadien a toujours appuyé notre industrie des périodiques et il continuera à le faire, pour diverses raisons. La première c'est l'importance que les Canadiens accordent aux


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moyens d'exprimer leur identité particulière et le milieu difficile dans lequel se trouve notre industrie des périodiques.

La nécessité de mesures structurales d'appui à l'industrie est reconnue depuis longtemps et, au cours des années, les différents gouvernements du Canada on a mis sur pied nombre de politiques et de programmes pour faire en sorte que l'industrie canadienne des périodiques se développe sans restreindre la vente des périodiques importés.

Mes collègues d'en face qui ont parlé de cette question se fourvoient. Collectivement, nous avons fait beaucoup pour qu'il y ait chez nous une culture originale et dynamique qui nourrisse notre identité nationale. Des questions comme: «Qu'est-ce que la culture?» ou «Avons-nous une politique culturelle dominante?» sont peut-être de bons sujets de discussion. La vérité c'est qu'on a toujours répondu aux défis culturels du Canada par des politiques culturelles particulières conçues par les gouvernements.

Si nous regardons les objectifs des politiques culturelles adoptées par les gouvernements canadiens consécutifs ou successifs au cours du demi-siècle passé, on constate une constance remarquable. Les objectifs politiques particuliers, arrêtés par une série de gouvernements, reflètent clairement la réalité d'une culture canadienne originale. Ce qui vient en tout premier dans ces objectifs, c'est la propriété et le contrôle canadiens des entreprises culturelles, il y a ensuite un système de radiodiffusion canadien, la protection de la souveraineté dans le domaine des arts et de l'expression culturelle, la création d'un environnement permettant aux industries culturelles de subvenir à leurs besoins et la reconnaissance à l'échelle internationale des réalisations artistiques et culturelles canadiennes. D'une façon générale, notre politique culturelle a été conçue pour promouvoir le développement d'une culture canadienne diversifiée, mais distincte, qui fasse la promotion d'une compréhension mutuelle, d'une identité et d'une qualité de vie qui nous sont propres.

(1300)

Les gouvernements successifs ont reconnu que le Canada, grâce à ses deux langues officielles, bénéficie d'un accès facile à deux des plus grandes cultures du monde. La présence de nos premières nations et les origines très diverses de notre population sont, à juste titre, considérées comme une source fertile d'inspiration.

Les gouvernements canadiens ont également compris l'influence des États-Unis sur la culture et l'identité du Canada. D'une part le tissu de notre société est enrichi par notre accès direct aux produits culturels et aux moyens d'expression américains. D'autre part, cet accès peut également altérer notre capacité de créer et de nous exprimer d'une façon typiquement canadienne chez nous.

Les gouvernements canadiens se sont rendus à l'évidence que les Canadiens veulent des produits culturels canadiens et que les Canadiens sont prêts à en payer le prix. En outre, les Canadiens acceptent que le gouvernement joue un rôle dans le délicat équilibre à assurer entre les soutiens au développement de la culture canadienne et l'accès aux autres cultures. En un mot, les gouvernements canadiens interviennent dans l'orientation culturelle parce qu'il y va de l'intérêt public.

Plus que tout autre domaine peut-être, la culture canadienne est vulnérable. Nous avons dit dans le livre rouge, et je cite:

La culture est l'essence même de l'identité nationale, elle est à la base de la souveraineté et de la fierté de notre pays. À l'heure de la mondialisation des échanges et de l'explosion des technologies de l'information, les frontières entre les pays s'estompent. Le Canada doit plus que jamais favoriser son développement culturel.
La culture canadienne est aussi le fondement et le reflet de ce que nous sommes et de ce que nous formons en tant que peuple. Notre paysage en fait partie; nos goûts, nos langues, nos passe-temps, notre conception du monde, tout cela y contribue. Notre culture et notre vie, en tant que nation, sont intimement liées. Reflet de ce que nous sommes, notre expression culturelle devient la somme de nos voix et de nos énergies créatrices. Ne serait-ce que pour cela, le développement culturel du Canada et la qualité de son expression culturelle méritent que le gouvernement s'y intéresse.

Selon mon collègue réformiste, les gouvernements devraient se retirer de ce domaine. Or, nous savons que les Canadiens sont enthousiastes lorsqu'ils constatent la situation actuelle des arts chez nous et la participation de tous les gouvernements à leur développement. La qualité et l'abondance du travail de création et d'interprétation n'ont jamais été aussi grandes. Je pense que mon collègue l'a noté. La force et la certitude s'expriment actuellement dans l'oeuvre de nos écrivains, de nos artistes, de nos interprètes. Nous célébrons leurs réalisations et leur engagement, un engagement à notre égard, après tout.

Comme société, nous voulons récompenser nos artistes. Ils ont besoin non seulement de notre attention, mais également de conditions matérielles qui leur permettent de se consacrer à leur oeuvre et à leur art pour nous aider à nous réaliser tant collectivement qu'individuellement. Pour avoir beaucoup d'amis qui sont artistes, je sais qu'ils doivent se démener pour survivre.

La culture est un tout complexe. Elle englobe la connaissance, les croyances, l'art, la morale, les lois, les coutumes et toutes les autres aptitudes et compétences qu'acquièrent les membres d'une société donnée. Comme pour d'autres concepts fondamentaux, on ne peut comprendre la culture qu'en se familiarisant avec les réalités qu'elle résume. Il est peut-être difficile de définir la culture américaine, française ou canadienne, mais les produits artistiques de ces cultures, leurs livres, leurs magazines et leurs films, par exemple, peuvent facilement refléter les cultures dont ils proviennent.

(1305)

Les Canadiens sont de grands consommateurs de produits culturels. Nous sommes, par exemple, les deuxièmes plus importants acheteurs, par habitant, de disques et de cassettes dans le monde. Je pense que les Hollandais viennent après nous en ce qui concerne les ventes de disques. Nous comptons également parmi les plus grands amateurs de cinéma dans le monde.

La culture canadienne prospère dans nos principales villes. Elle est florissante dans tous les hameaux et elle tire sa force de toutes les régions. Elle est le fruit de la passion, du talent, des engagements et du travail acharné. Ce qui est surprenant dans la culture canadien-


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ne, dans toute sa diversité, c'est sa capacité d'étendre nos horizons sur le plan individuel et de nous rassembler en tant qu'êtres humains et que société. Notre culture, diversifiée et originale, fait partie de notre identité et de notre grandeur. Nous devons la préserver. C'est l'âme de notre pays.

Nos librairies, nos kiosques à journaux, nos magasins de disques, nos cinémas et nos écrans de télévision sont la preuve que le Canada est l'un des plus grands importateurs de produits culturels du monde. Nous apprécions notre accès à d'autres cultures. Cependant, nous ne cessons de nous demander s'il ne devrait pas y avoir un équilibre plus normal entre les produits canadiens et ceux d'ailleurs. C'est au coeur de ce projet de loi.

Ensemble, nos industries artistiques et culturelles apportent plus de 24 milliards de dollars au produit intérieur brut ou représentent, si vous préférez, 4 p. 100 de toute notre économie et, chose plus importante, 660 000 emplois. Cela n'a rien d'accidentel. Contrairement à ce que notre collègue d'en face dirait, ce n'est pas en laissant les gens à eux-mêmes qu'on est parvenu à ce résultat. C'est plutôt le fruit du désir et de la détermination de gouvernements successifs, ainsi que du grand talent qu'on retrouve au Canada.

Les défis que le marché canadien doit relevr sur le chapitre du contenu culturel deviennent de plus en plus complexes tous les jours. Il est évident que le programme d'austérité actuel va continuer de toucher nos activités futures. Les priorités en matière de politique changent pour tenir compte des nouveaux défis, des tendances mondiales et des nouvelles possibilités qui s'offrent. Par contre, les objectifs qu'on vise ne devraient pas changer. La situation change, mais pas les valeurs.

C'est un travail important, un travail que le gouvernement accomplit avec succès, depuis des années, grâce à des instruments de politique comme les institutions culturelles publiques, les mesures de soutien, les mesures législatives et les règlements. En fait, l'adoption de mesures législatives et de règlements est très utile pour promouvoir la souveraineté culturelle du Canada. Rares sont les mesures qui ont été plus efficaces que celles qui portent sur le contenu canadien.

Le Canada n'est pas le seul pays à mettre en oeuvre des mesures législatives et réglementaires de ce genre. Par exemple, des restrictions précises sur l'édition, la cinématographie et la vidéo sont courantes dans des pays comme l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la France et le Mexique. Ai-je besoin d'en nommer d'autres?

Le Venezuela a des orientations et des exigences précises au sujet de l'édition de quotidiens et de périodiques. En cinématographie et en vidéo, la France, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique, les Philippines, le Portugal, l'Espagne et la Suisse imposent des restrictions, à divers degrés, sur l'investissement de l'extérieur. Le Mexique maintient des restrictions sur la cinématographie et la vidéo, la radiodiffusion et l'édition de périodiques. Le Brésil a groupé la télévision, la radio et la presse parmi les industries stratégiques auxquelles il applique les mêmes restrictions sur l'investissement étranger.

Nous ne pouvons pas appliquer la règle qui veut que celui qui a le plus d'argent l'emporte. Le marché canadien ne représente que le dixième du marché américain. La réalisation d'un film ou d'une émission télévisée coûte aussi cher au Canada qu'aux États-Unis. Or, nous n'avons que le dixième de la capacité de recouvrer nos coûts.

Je dois souligner qu'il ne s'agit surtout pas d'interdire d'autres produits. Ce n'est pas là l'objectif du projet de loi. Le Canada est le pays le plus ouvert qui soit lorsqu'il s'agit d'apprécier les produits culturels de l'étranger. La question est d'assurer le développement et la diffusion d'un contenu canadien et de faire en sorte que les Canadiens sachent qu'il existe et qu'ils y ont accès.

(1310)

Le gouvernement canadien est conséquent avec lui-même. Sa politique sur les revues n'a pas changé. Pour la gouverne des députés réformistes qui ont parlé contre ces mesures, ce que fait le gouvernement fédéral avec ces modifications de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est qu'il modernise ses instruments de politique. Ainsi, toute sa gamme d'instruments de politique et de programme permettra mieux d'atteindre l'objectif global qui consiste à avoir une industrie du magazine indispensable et florissante au Canada.

Les gens de l'industrie comptent sur nous, à la Chambre, pour que le projet de loi C-103 soit adopté rapidement.

[Français]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

* * *

[Traduction]

LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.) propose: Que le projet de loi C-95, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse d'intervenir en faveur du projet de loi-95 visant à créer le ministère de la Santé du Canada.

Je voudrais dire un mot au sujet du référendum tenu cette semaine. Comme de nombreux autres députés, je me réjouis du résultat, mais je ne voudrais pas minimiser les défis qui nous attendent. À son arrivée au pouvoir, le gouvernement avait un programme de changements qu'il mettra en oeuvre de façon appropriée, afin


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d'améliorer l'efficacité et de créer une meilleure gestion ascendante qui reconnaisse les différences et les besoins particuliers des régions de notre vaste pays. Nous sommes toujours engagés à effectuer des changements, pour le Québec et pour tout le Canada.

Depuis que nous formons le gouvernement, nous avons entrepris des réformes visant à permettre au pays de mieux fonctionner, à éliminer le double emploi et l'administration hiérarchisée, et à assurer que les services soient fournis par le palier de gouvernement le mieux placé et le mieux en mesure de le faire. Je m'arrête brièvement sur certains de ces changements.

Nous avons signé des accords avec neuf provinces pour réduire le double emploi fédéral-provincial. Nous avons signé des accords avec toutes les provinces afin d'éliminer les obstacles au commerce intérieur et de promouvoir le mouvement efficace des produits et des services partout au Canada.

Donnant suite à notre promesse de conclure des partenariats avec tous les paliers de gouvernement et le secteur privé, une mission commerciale sans précédent d'Équipe Canada, dont faisaient partie les premiers ministres de neuf provinces et de nombreux dirigeants municipaux, est allée en Chine et en a rapporté des marchés valant plus de 8 milliards de dollars, dont vont bénéficier les entreprises canadiennes de toutes les provinces.

Nous avons dissous des conseils et des comités inutiles, réduisant ainsi la taille du gouvernement. Nous avons supprimé les subventions aux entreprises et à divers groupes, pour que les activités gouvernementales soient plus pertinentes et moins intrusives. Nous avons confié la gestion de nombreux programmes à des autorités locales, procédant ainsi à une rationalisation et éliminant le double emploi et l'inefficacité. C'est toujours en recherchant une plus grande efficacité et une plus grande pertinence que nous avons présenté le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Le projet de loi C-95 marque une étape dans l'évolution d'un régime de soins de santé qui soulève l'envie partout dans le monde. En plus de deux générations, les Canadiens de tous les coins du pays, sous la direction de plusieurs premiers ministres et ministres libéraux de la Santé, ont bâti le système de santé du Canada avec beaucoup de soin et de courage, avec prévoyance et compassion. Nous sommes fiers et honorés de poursuivre la réalisation de leur vision inchangée, tout en répondant au besoin et au défi de trouver de nouvelles façons de réaliser ces objectifs.

(1315)

Le projet de loi modifie le nom du ministère fédéral pour lui donner une mission plus précise. Il confirme et renforce la raison d'être du ministère de la Santé, qui est de promouvoir et de préserver la santé des Canadiens. Il en réaffirme la mission, à savoir aider les Canadiens à maintenir et améliorer leur état de santé. Le ministère continuera de poursuivre ces objectifs grâce à l'assurance-maladie et à des mesures de santé publique, grâce à la recherche et aux enquêtes, grâce à l'éducation et à la sensibilisation, et grâce à la surveillance et à l'examen des aliments, drogues, instruments et produits qui pourraient mettre en danger la sécurité des Canadiens.

Les programmes gouvernementaux d'assistance sociale et de soutien du revenu, qui relevaient auparavant du ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, ont été confiés au ministère du Développement des ressources humaines, et avec raison. À l'aube du XXIe siècle, des problèmes comme la pauvreté, le chômage et le bien-être social sont devenus inextricablement liés à la notion d'habilitation résultant de la création de chances grâce à l'acquisition de compétences, à la formation et à l'éducation, qui visent toutes à développer le potentiel des ressources humaines.

Le projet de loi C-95 répond au besoin de mettre l'accent, de façon claire et proactive, sur les ressources primordiales du Canada, c'est-à-dire ses habitants, afin d'en équilibrer et d'en améliorer la qualité de vie et l'état de santé. Il nous permet de nous concentrer sur le vaste éventail des problèmes qui ont aujourd'hui une incidence sur la santé des Canadiens, sur les défis et les promesses qu'il y a à accepter et à explorer les nouvelles découvertes complexes de médicaments et de technologies qui apparaissent à un rythme si étourdissant dans le monde de la science biomédicale.

Ces innovations nous ont ouvert de nouvelles perspectives emballantes en matière de prévention, de diagnostic et de traitement des maladies et d'allégement des souffrances, mais ont par ailleurs suscité des problèmes en termes de sécurité, d'économie, d'éthique et d'évaluation des valeurs sociales.

Cette loi aidera notre ministère à proposer une vision d'avenir et en même temps à renouveler et à renforcer notre engagement à assurer la coopération, la coordination et le partenariat avec tous les gouvernements au Canada, les provinces, les territoires, les divers organismes et les collectivités. Dans la droite ligne de cette évolution, ce projet de loi fait les changements que le gouvernement a pour mandat d'apporter.

Le changement de nom du ministère de la Santé est beaucoup plus qu'un simple changement de nom. Il y a là une clarification de l'orientation et une occasion de proposer une nouvelle vision d'avenir qui améliorera grandement l'état de santé des Canadiens et apportera des innovations propres à améliorer et à renforcer ce qui est déjà l'un des meilleurs systèmes de santé du monde.

Cela n'est dit nulle part plus clairement que dans la partie de la loi qui déclare que les éléments du bien-être social se rapportant à la santé sont la responsabilité du ministère de la Santé. Nous savons tous que le bien-être social est multifactoriel du fait de ses liens divers, et qu'il fait intervenir les responsables des politiques de tous les ministères et tous les ministres. Le bien-être social a des liens avec l'économie, la justice, l'emploi, la pauvreté ou la richesse, les questions culturelles et spirituelles, le sexe, l'origine ethnique et l'environnement. Nous savons que la nouvelle définition de la santé n'est pas simplement l'absence de maladie. Elle englobe également la qualité de la vie de la personne et sa capacité de surmonter les handicaps.

Dans le cas de Santé Canada, cette responsabilité, qui a toujours implicitement fait partie de son mandat, est maintenant explicitement énoncée. Le contexte du libellé du projet de loi montre clairement que le ministère ne peut appliquer cette définition large de la santé que dans les domaines relevant du ministre de la Santé. Le projet de loi ne confie pas au ministre de la Santé le mandat


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d'empiéter sur les responsabilités des autres ministres. Toutefois, on peut constater, d'après le libellé, que le Canada s'est engagé à utiliser la définition de la santé qu'a adoptée l'Organisation mondiale de la santé, qui soutient que la santé ne se résume pas simplement aux soins de santé. Selon cette définition, la santé n'est pas simplement l'absence de maladies.

C'est un état de bien-être physique, mental, spirituel et social absolu. C'est ce que le nouveau ministère veut pour tous les Canadiens. Il renoue ainsi avec la longue et glorieuse tradition qu'ont respectée pendant bien des années et même des décennies les gouvernements et les dirigeants libéraux.

(1320)

De nombreux Canadiens éminents ont été associés de près à l'évolution du système de santé du Canada: l'honorable Judy LaMarsh; l'honorable Paul Martin, père; le juge Emmett Hall; l'honorable Marc Lalonde; l'honorable Monique Bégin; et le regretté Tommy Douglas, pour n'en nommer que quelques-uns. Il est manifeste que cette vision de la santé a reçu l'appui des gens de toute affiliation politique, bien que les députés du tiers parti, comme nous le savons tous, ont tenté de la contester ces derniers temps. Nous pouvons associer l'évolution de notre engagement au bien-être social de la population canadienne à la contribution de chacune de ces personnalités.

Ainsi, il y a un peu plus de dix ans, notre engagement se concrétisait grâce à la Loi canadienne sur la santé, loi adoptée à l'unanimité par le Parlement canadien et parrainée par l'honorable Monique Bégin, ministre fédérale et libérale de la Santé à l'époque. La Loi canadienne sur la santé, qui a marqué cette époque, contenait un préambule où il était question d'une action collective contre les causes sociales, environnementales ou professionnelles des maladies. Cet énoncé se fondait sur l'importance accrue de la nutrition, de la lutte contre le stress, de la condition physique, de la sécurité au travail et de l'environnement en général. Ces concepts touchent à la santé, pas à la maladie. Ces concepts, créés et défendus par un autre ministre libéral de la Santé, l'honorable Marc Lalonde, ont été par la suite adoptés par de nombreux autres pays. D'ailleurs, cette définition de la santé est maintenant devenu incontestable.

Ces concepts de la santé préconisent la prévention et la promotion, et non seulement les soins, comme façons de parvenir à la santé. Cette stratégie nous propose de planifier à long terme au lieu de seulement réagir. En fait, elle représente la véritable révolution en matière de soins de santé au Canada.

Dans le projet de loi C-59, l'accent mis sur le préambule visant la santé ne signifie pas que notre vision de l'avenir, au chapitre de la santé, soit gênante ou limitative. À l'instar de la loi qu'il remplace, l'article 12 du projet de loi précise clairement qu'aucune disposition de la loi n'autorise le ministre de la Santé ou un fonctionnaire de Santé Canada à exercer sa compétence ou son autorité sur un organisme de santé régi par une loi provinciale. Comme je viens de l'expliquer en détail, cela donne certainement une définition nouvelle et plus vaste de la santé.

Le projet de loi confirme et renforce l'intérêt national du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé et il constitue une réponse à ceux qui voudraient balkaniser les soins de santé. Nous savons que les soins de santé sont d'abord et avant tout de nature locale. Les gens qui tombent malades sont généralement traités à proximité de leur domicile, par leur médecin. Au besoin, il sont conduits dans des hôpitaux situés dans leur ville ou à proximité de celle-ci. Il est bien accepté, par Monsieur Tout-le-monde et dans la Constitution, que les aspects du système de santé du Canada qui ont trait à la gestion et à l'administration relèvent de la compétence des provinces.

Les valeurs, les convictions et les idéaux intrinsèques du Canada ne sont toutefois pas de nature locale. Ils définissent qui nous sommes comme peuple et ce qui nous est cher. Les principes de la Loi canadienne sur la santé reflètent ces valeurs et convictions.

Les contributions financières que le gouvernement fédéral verse aux provinces et aux territoires subventionnent une part importante des soins de santé, mais le rôle et les contributions du gouvernement du Canada dans le domaine de la santé vont bien au-delà de ses responsabilités en matière de financement.

Le travail du ministère de la Santé a des répercussions sur la vie quotidienne de tous les Canadiens. Ce ministère surveille en effet la salubrité des aliments que nous mangeons, des médicaments que nous prenons et des produits de consommation que nous achetons pour nos familles. En fait, il est le chien de garde qui protège les consommateurs. Il détermine les risques pour la santé que nous devrions éviter et il entreprend des programmes de recherche qui améliorent la santé des enfants, des femmes, des personnes âgées et de tous les groupes de la société. C'est un organe qui dispense des soins proactifs.

La protection de la santé entre en jeu bien avant que l'on intervienne auprès des malades. Elle ne se limite pas simplement au traitement de la maladie. Il est dans l'intérêt national que l'examen systémique des tendances concernant les maladies et les risques pour la santé se fasse à un seul endroit accessible, endroit où les données sur la santé publique de partout au Canada et dans le monde puissent être recueillies et évaluées, et qu'il y ait un centre où l'on puisse élaborer les stratégies de santé pour l'ensemble de la population et où les repères sur l'état de santé des Canadiens puissent être établis.

À cette fin, le Laboratoire de lutte contre la maladie qui est situé dans les locaux du ministère s'occupe des programmes visant à prévenir, à contrôler et à réduire l'impact des maladies chroniques et transmissibles au Canada.

(1325)

Il y va de l'intérêt national de travailler avec d'autres pays dans la lutte contre les menaces à la santé qui ne connaissent pas de frontières. Le gouvernement du Canada appuie la collaboration internationale dans la lutte contre la menace commune de maladies. L'intérêt national exige que l'on fasse de la recherche sur les causes et les traitements de la maladie.

Le gouvernement fédéral consacre plusieurs centaines de millions de dollars par année à la recherche sur la santé. Les résultats de cette recherche sont mis à la disposition de toutes les provinces, de tous les hôpitaux et de tous les médecins du pays. Ils profitent à tous


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les Canadiens. Ils sauvent la vie de tous les Canadiens. Il est évident que le rôle de Santé Canada en tant que coordonnateur, gestionnaire de données et centre d'information est inestimable.

L'intérêt national exige que l'on évalue les médicaments et les appareils médicaux pour garantir, quels que soient leur origine ou l'endroit où ils sont utilisés, qu'ils sont sécuritaires pour le public et qu'ils donnent bien les résultats promis par leur fabricant. Le ministère de la Santé analyse les produits pharmaceutiques que lui soumettent les fabricants et certifie leur efficacité et leur sécurité. Il veille à ce que les aliments consommés par les Canadiens soient sécuritaires, nourrissants et de haute qualité. C'est au nom de l'intérêt national que le ministère de la Santé fait toutes ces choses-là. L'intérêt national exige aussi que des normes soient établies et appliquées pour garantir aux Canadiens des services de santé comparables, quelle que soit la province où ils résident ou sont en visite.

De nombreux sondages ont révélé que les Canadiens voulaient une vision nationale pour la santé et le bien-être social. Les sondages ont révélé, l'un après l'autre, que le système de soins de santé est l'un des principaux éléments qui lient les Canadiens. Ces derniers considèrent leur système de soins de santé comme un élément constitutif de l'identité canadienne.

Le dernier sondage de Santé Canada montre que 89 p. 100 des Canadiens appuient les principes de la Loi canadienne sur la santé. Le troisième parti, qui est prêt à piétiner ces principes, devrait se remettre en contact avec la population du Canada.

Santé Canada a un rôle évident à jouer dans la sensibilisation du public et l'éducation en santé, et il a pour responsabilité de protéger les défavorisés. Le gouvernement est fier des mesures qu'il a prises pour aider des groupes ayant des besoins spéciaux et dont la santé est plus menacée comme les autochtones, les enfants, les personnes âgées et d'autres groupes défavorisés. Parallèlement, puisque l'état de santé des peuples autochtones, y compris des Inuit, exige des efforts permanents et actifs, nous avons étendu et amélioré nos programmes de santé s'adressant à eux.

Par exemple, l'an dernier, la ministre de la Santé a annoncé un programme pour l'amélioration de la santé dans les collectivités autochtones. En consultation avec les dirigeants autochtones, nous mettrons ce programme en oeuvre pour agir dans trois secteurs critiques: la lutte contre l'inhalation de solvants, la santé mentale et les soins infirmiers à domicile.

Nous savons très bien que les programmes de santé conçus et mis en oeuvre par les collectivités autochtones elles-mêmes connaissent souvent plus de succès que les programmes fournis par des organismes extérieurs. Je l'ai personnellement constaté lorsque je pratiquais la médecine auprès de collectivités autochtones et je l'ai à nouveau constaté lorsque je me suis rendu dans des collectivités autochtones de tout le Canada avec le Comité permanent de la santé.

Nous travaillons de concert avec les premières nations pour les aider à gérer elles-mêmes leurs ressources. Nous avons aidé beaucoup de bandes à faire la transition qui devrait les mener à assumer entièrement la gestion et l'administration des programmes, ce qui est une étape essentielle sur la voie de l'autonomie administrative.

Il faudrait trop de temps pour mentionner ici tous les programmes qui existent pour habiliter les Canadiens les moins capables de s'aider eux-mêmes, ceux qui sont défavorisés, dans le besoin ou délaissés. Cependant, avec l'indulgence de la Chambre, j'en mentionnerai quelques-uns. Prenons, par exemple, les personnes âgées. En finançant des groupes qui offrent des programmes communautaires originaux aux personnes âgées, nous appuyons la recherche sur de nouvelles méthodes de soin favorisant l'autonomie et permettant aux personnes âgées de demeurer à la maison, près de leurs amis et de leur famille, dans leur environnement familier. C'est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons d'objectifs en matière de santé englobant la qualité de vie.

Pour les enfants, Santé Canada est un élément clé de l'ensemble de programmes gouvernementaux, puisque ce ministère travaille à l'amélioration de l'espérance de vie des enfants à risque. Une chose est claire, c'est que pendant les premières années de vie, certains facteurs prennent une importance déterminante pour l'avenir d'un individu. Le gouvernement fédéral administre un certain nombre de programmes pour les enfants canadiens et leurs familles afin qu'ils aient accès aux meilleures possibilités au niveau de la santé et du développement. Le ministère appuie directement un vaste éventail de programmes stratégiques destinés aux enfants qui sont plus exposés que d'autres aux abus ou aux blessures, aux problèmes sociaux ou physiques.

(1330)

Et les femmes? Pendant trop longtemps, les femmes ont été reléguées au second plan dans le domaine de la santé. Notre gouvernement a pris d'importantes mesures pour corriger cette grave injustice. Nous avons fortement appuyé la recherche sur le cancer du sein au Canada. Nous avons adapté en fonction du sexe nos programmes de promotion de la santé comme la stratégie canadienne antidrogue et la stratégie de réduction du tabagisme, travaillant avec les groupes communautaires pour voir à ce que les femmes puissent obtenir de l'aide au niveau local.

Les données de Statistique Canada révèlent que le taux de mortalité prénatale dans notre pays s'est accru en 1993. En tant que médecin, je sais qu'une bonne nutrition durant la grossesse est un facteur essentiel à la diminution du taux de nouveaux-nés de poids insuffisant à la naissance, qui sont plus exposés que les autres aux handicaps et aux maladies chroniques. Le programme de nutrition prénatale de Santé Canada à l'intention des mères à faible revenu et des autres mères à risques fait suite à un engagement que nous avions pris dans le livre rouge pour résoudre ce problème tragique. Je suis fière de dire que de nombreux bébés à risques bénéficieront de ce programme simple et efficace à l'avenir.

Les députés du troisième parti, qui ont une vision très étroite des choses, peuvent être certains que les dépenses au titre de ces programmes de santé ne vont pas à l'encontre de la réduction de la dette, qui demeure la priorité de notre gouvernement. Chaque dollar dépensé pour prévenir la maladie permet d'économiser des dizaines et des centaines de dollars en frais de soins de santé.

Je vais maintenant passer aux détails du projet de loi à l'étude. Comme je l'ai déjà dit, il vise essentiellement à changer le nom du


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ministère pour mettre davantage l'accent sur la santé. Les députés verront que la majeure partie du contenu du projet de loi se trouvait déjà dans l'ancienne mesure législative. On a cependant ajouté quelques nouvelles dispositions pour clarifier le mandat du ministère et pour accroître sa capacité de s'acquitter de son mandat. Je vais faire quelques brèves remarques à ce sujet.

Aux termes de l'article 4 du projet de loi, les attributions du ministre comprennent notamment la promotion et le maintien du bien-être physique, mental et social de la population. Les députés comprendront la signification du terme «bien-être social» à la lumière des remarques que j'ai faites précédemment relativement à ce projet de loi. Nous nous intéressons seulement à l'aspect «santé» du bien-être social parce que la santé ne se limite pas aux soins de santé. La santé dépend de l'environnement global dans lequel l'organisme vit et se développe, où les bébés naissent, les jeunes grandissent et les personnes âgées trouvent une qualité de vie. La santé repose sur l'ordre social de la communauté.

Nous parlons du bien-être social des Canadiens en même temps que de leur bien-être physique, mental et spirituel. Non seulement cette terminologie correspond-elle à la réalité de l'existence humaine, mais elle reprend les termes mêmes employés par l'Organisation mondiale de la santé des Nations Unies.

Un paragraphe de cet article confirme la responsabilité du ministère en ce qui concerne l'innocuité des produits de consommation et du matériel utilisé en milieu de travail. Il y a donc un transfert de responsabilité de l'ancien ministère de la Consommation et des Affaires commerciales.

Aux termes de l'article 5, les fonctionnaires de Santé Canada auront les mêmes pouvoirs d'inspection des agents pouvant être porteurs de maladie à leur arrivée au pays que les pouvoirs qu'ils possèdent actuellement en vertu de la Loi sur les aliments et drogues.

L'article 6 autorise le ministre à facturer le coût des services fournis aux entreprises, sous réserve des règlements pris par le Conseil du Trésor. Je m'empresse de préciser à l'intention du tiers parti que les frais modérateurs ne visent pas les soins médicaux nécessaires. Il ne doit y avoir aucune confusion à cet égard. Les députés savent que le gouvernement demeure opposé à tous frais modérateurs.

Le recouvrement des coûts auprès de l'entreprise porte uniquement sur les services gouvernementaux qui ont une valeur commerciale, comme l'évaluation de médicaments, d'appareils, de pesticides, etc., que les contribuables ne devraient évidemment pas avoir à subventionner.

Je voudrais rassurer les députés et la population canadienne au sujet d'un fait fondamental concernant le mandat et la mission de Santé Canada. Le ministère continuera d'aider les Canadiens à maintenir et à améliorer leur santé. Nous continuerons d'appliquer la Loi canadienne sur la santé pour que tous les Canadiens continuent d'avoir accès à une gamme complète de services de santé de bonne qualité qui répondent à des besoins médicaux. Le Parti libéral a toujours eu pour objectif de faire en sorte que le système de soins de santé demeure accessible aux Canadiens lorsqu'ils en ont besoin.

(1335)

Dans cet ordre d'idées, les députés savent que la ministre de la Santé a donné aux provinces jusqu'au 15 octobre pour interdire la facturation de frais modérateurs pour la prestation de services médicaux nécessaires dans les cliniques privées, faute de quoi elles verront leurs paiements de transfert réduits. Le message est clair et simple: nous ferons tout ce qu'il faut pour empêcher l'idée de la facturation de frais modérateurs de se développer, pour la refouler et pour empêcher la création d'un système de santé à deux vitesses qui contrevient à chacun des cinq principes du régime d'assurance-maladie que les Canadiens appuient pleinement.

Nous ne nous opposons pas au recours aux cliniques privées. Elles peuvent constituer un moyen créatif et rentable d'assurer des services sans contrevenir à la Loi canadienne sur la santé si des critères clairs et bien définis sont établis.

Nous nous sommes engagés à tenir, avec nos collègues provinciaux, des consultations ouvertes et approfondies. Nous avons prouvé que nous voulions chercher avec eux des solutions aux problèmes et réformer leur régime de soins de santé-car une réforme est effectivement nécessaire-d'une façon qui préserve et respecte les principes et valeurs qui sont le fondement de la Loi canadienne sur la santé. Cependant, l'objectif doit demeurer: aucun Canadien ne doit avoir à faire face à des problèmes financiers à cause de la maladie. Ce principe n'a pas changé depuis le rapport d'Emmett Hall et depuis que le premier ministre libéral Lester Pearson a introduit l'assurance-maladie. Il ne changera pas tant qu'il y aura un gouvernement libéral à la tête du Canada.

Nous poursuivrons les diverses activités mises en oeuvre en vue de prévenir la maladie et de promouvoir la santé. Nous savons que c'est le meilleur investissement que nous puissions faire pour veiller à la santé des Canadiens.

Nous savons qu'il est possible de prévenir 60 p. 100 des maladies. Nous savons que le dépistage précoce, l'information et la sensibilisation du public, la recherche et une politique de santé adéquate peuvent changer considérablement la vie des Canadiens, même dans le cas de maladies pour lesquelles il n'existe pas de remède connu. Nous avons créé un centre d'échange d'informations sur le cancer du sein. Nous avons mis en place des stratégies pour réduire l'usage du tabac et pour combattre la violence familiale, de même qu'un programme de nutrition prénatale afin d'améliorer la condition des nouveaux-nés présentant un risque identifiable. Nous avons annoncé la mise en place d'un programme Bon départ pour répondre aux besoins des enfants autochtones vivant dans les centres urbains et dans les grandes communautés du Nord. Nous avons fait nôtre la théorie de la bonne santé fondée sur un régime alimentaire sain et l'exercice. Mon ministère fournit des lignes directrices sur la nutrition et une aide financière pour appuyer les activités visant à promouvoir le conditionnement physique et une vie active.

Personne ne veut dépenser plus d'argent que nécessaire pour la santé. Nous voulons en avoir le plus possible pour notre argent. Pour y arriver, nous devons prévenir la maladie et promouvoir un mode de vie sain en favorisant l'épanouissement de collectivités en santé.

Le docteur Brock Chisholm, ancien sous-ministre au Canada et premier directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, a un jour modernisé le vieux dicton qui dit qu'une once de prévention vaut mieux qu'une livre de soins. Le docteur Chisholm a dit: «On ne


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peut soigner qu'au détail, mais on peut faire de la prévention en gros.» Nous sommes d'accord là-dessus.

Le nouveau ministère de la Santé poursuivra tout le travail essentiel qui a aidé les Canadiens à se placer au premier rang mondial pour la qualité de leurs services de santé et à y rester. Toutefois, comme je le disais au départ, nous avons l'intention de faire beaucoup plus que de conserver la sacro-sainte tradition. Nous avons l'intention de relever les nouveaux défis avec enthousiasme et de saisir énergiquement les occasions d'innover dans le domaine de la santé et des soins de santé.

Nous serons ouverts aux perspectives excitantes du futur en restant vigilants face aux revers et aux incertitudes de notre époque qui évolue rapidement. Nous attendons du Forum national sur la santé qu'il nous aide à mettre au point le nouveau concept du système médical canadien en prévision du XXIe siècle. Nous croyons que ce forum est un moyen adéquat d'y parvenir, parce qu'il respecte le droit des Canadiens d'être consultés sur un sujet aussi primordial. Il réunit des spécialistes de plusieurs domaines qui peuvent faire connaître leur opinion. Il favorise le dialogue avec toutes les couches de la population. Il n'empiète pas sur les pouvoirs de la conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé, qui est bien établie et efficace. La participation personnelle du premier ministre, en tant que président du forum, montre bien l'importance que le gouvernement accorde à ses délibérations.

Le Forum national sur la santé, qui permettra d'établir un dialogue avec les Canadiens, est une étape unique et importante dans l'évolution du système médical du Canada. C'est aussi la réalisation d'une promesse que le Parti libéral a faite quand il a sollicité l'appui des Canadiens, aux dernières élections, la promesse de faire plus de place aux partenariats et de donner au public la chance de s'exprimer. Le forum inviterait pour la première fois un troisième interlocuteur à apporter une contribution importante et pratique aux discussions sur les soins de santé: le consommateur.

Je signale aux députés que notre démarche pour réaliser les engagements du livre rouge sur le chapitre de la santé est passablement avancée. Pensons seulement au forum, au programme d'aide préscolaire pour les autochtones, au programme de nutrition prénatale, aux centres d'excellence pour la santé des femmes et à tant d'autres initiatives. La santé, c'est l'affaire de tout le monde. C'est un investissement dans l'économie canadienne. La santé est une ressource économique. Les gens en bonne santé travaillent, s'amusent et sont des consommateurs actifs.

(1340)

De nombreux groupes d'analystes ont fait des études démontrant ce que la maladie coûtait à l'économie. Il est donc important de comprendre que chaque dollar investi par le Canada dans les soins de santé rapporte énormément.

En 1972, année où était instauré notre régime d'assurance-maladie, le Canada et les États-Unis consacraient une proportion à peu près équivalente de leur PIB à la santé, soit 8,4 p. 100. Depuis, nous arrivons beaucoup mieux à contenir nos dépenses. L'an dernier, les Américains ont consacré 14 p. 100 de leur PIB à la santé et35 millions d'entre eux ne sont pas encore assurés. Par contre, nous consacrons environ 9,7 p. 100 de notre PIB à un régime universel complet auquel tous les Canadiens ont accès, quel que soit leur revenu. Cela correspond à une économie de 30 milliards de dollars par an par rapport au système américain.

Quels en sont les résultats? Selon les statistiques de l'OCDE et de l'OMS, le Canada arrive au troisième rang, et parfois au deuxième, en ce qui concerne la santé, alors que les États-Unis ne se classent encore qu'entre le 15e et le 17e rang. Au troisième parti, je dis que plus d'argent n'est pas synonyme de soins meilleurs.

Qui profite de ces économies? Les employeurs canadiens. Qui ne paie pas des frais généraux élevés pour assurer ses employés contre les risques de base en matière de santé? Les entreprises canadiennes. Nous sommes gagnants. En fait, les grosses compagnies américaines admettent que c'est une raison importante pour investir au Canada. En outre, la main-d'oeuvre canadienne est plus souple et plus mobile, car les travailleurs ne craignent pas de perdre leur assurance-maladie en changeant d'emploi.

Cet avantage sur le plan de la santé ne se retrouve pas uniquement au niveau de la prestation des soins de santé. On prétend parfois, à tort, que le régime d'assurance-maladie est trop bureaucratique et qu'une trop grande partie des fonds est consacrée à l'administration et à la paperasserie. En fait, c'est tout l'inverse. Au Canada, les frais d'administration du régime de soins de santé sont d'environ 272 $ par personne. Aux États-Unis, ils sont presque deux fois et demie plus élevés, soit 615 $ par personne.

L'administration publique, qui est l'un des cinq principes des soins de santé, est efficace. Nous ne consacrons que 5 p. 100 du budget des soins de santé à l'administration. Les États-Unis y consacrent 25 p. 100. Le département américain des comptes publics a calculé un jour que si les 25 p. 100 qui sont consacrés à l'administration allaient aux services de soins de santé, les35 millions d'Américains qui ne sont pas assurés le seraient.

Nous nous sommes engagés à gérer efficacement et prudemment en cette période de difficultés économiques. En matière de soins de santé, il existe de nombreuses stratégies de gestion innovatrices, qui font économiser et assurent quand même la qualité des soins; par exemple, des services fondés sur les soins évidents, des soins actifs adéquats, des services communautaires et l'évaluation des technologies. Cependant, ces stratégies exigent une grande collaboration avec les provinces et les territoires. Le gouvernement s'est efforcé d'éviter les dédoublements de programmes et de services. Si les provinces peuvent administrer un programme plus efficacement, et dans bien des cas elles le peuvent, nous leur laissons cette responsabilité. Notre objectif est de coopérer et de demeurer souples afin d'éviter tous les chevauchements coûteux. Nous menons de vastes consultations auprès des gens du milieu et des Canadiens avant d'agir.

J'ai parlé des réalisations du ministère de la Santé qui augurent bien de son avenir. Il a toujours favorisé des soins de santé de très grande qualité et une meilleure santé pour tous les Canadiens, à un coût raisonnable. Il a acquis et maintenu une réputation internationale pour ses efforts en faveur de la santé et de la prévention des maladies.


16136

Je suis donc fière de parrainer ce projet de loi qui créera le nouveau ministère de la Santé du Canada et je prie tous les députés de veiller à ce qu'il soit rapidement adopté par le Parlement.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, j'ai le plaisir aujourd'hui d'intervenir pour un discours de40 minutes sur le projet de loi C-95, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois.

Dans les faits, ce projet de loi vise à changer l'appellation du ministère de la Santé et du Bien-Être social par le titre abrégé de ministère de la Santé. Néanmoins, en lisant le projet de loi C-95, on se rend compte que certains articles ont été soit modifiés, abrogés ou ajoutés, et à la lecture, on s'aperçoit que le gouvernement se propose, sur l'aspect de bon gouvernement, de donner des pouvoirs, l'autorité légitime au ministre de la Santé d'intervenir encore une fois dans des champs de compétence exclusive aux provinces. Encore cette volonté extraordinaire de vouloir tout centraliser.

(1345)

Comme j'aime bien remettre les pendules à l'heure, on va faire ici un peu d'histoire.

En 1867, au moment où on en était à définir le type de régime politique qui prévaudrait dans la future union canadienne, on pouvait aisément discerner deux visions opposées en ce qui concerne les relations fédérales-provinciales. D'un côté, John Macdonald souhaitait un gouvernement central fort qui pourrait à sa guise redistribuer certains pouvoirs aux provinces. De l'autre côté, Cartier penchait définitivement pour une confédération où les pouvoirs seraient fortement décentralisés vers les provinces. Dans le dictionnaire français, confédération, c'est l'union de plusieurs États souverains.

Le résultat, on le connaît trop bien: il y a effectivement eu une distribution des pouvoirs entre les deux paliers de gouvernement, de façon à donner à chacun d'eux la juridiction exclusive dans les domaines qui lui sont propres.

Mais comme on le sait, les choses présentées par le fédéral ne sont jamais aussi simples qu'elles en ont l'air. Il se gardait en effet une carte maîtresse en son sens, mais dorénavant néfaste pour les relations avec les provinces: les pouvoirs de dépenser et de légiférer au nom de la paix, de l'ordre et de bon gouvernement.

Par sa disposition, le fédéral se gardait la possibilité d'intervenir selon son bon vouloir et sans égard au partage des pouvoirs garantis par la Constitution dans tous les champs de compétence provinciaux. Et ses interventions étaient bel et bien prévues et souhaitées. En font preuve les dires de Alexander Galt, un des Pères de la Confédération, qui affirmait que le partage des pouvoirs tel que décrit dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 n'accordait pas une part de financement assez importante aux provinces pour que celles-ci puissent s'occuper convenablement des champs de compétence sous leur juridiction. Autrement dit, il était prévu dans le document même qui a donné naissance à une nouvelle union canadienne que les provinces n'auraient pas assez d'argent et que le fédéral devrait intervenir pour compenser les membres.

Puisque John Macdonald n'a pas réussi à avoir un régime fédéral fortement centralisé dès le début, il s'est donc assuré qu'avec son pouvoir d'empiètement, il réussirait à intervenir dans tous les champs désirés et à imposer ses vues aux provinces, même si le champ de compétence en question leur était exclusif.

Il est peut-être difficile pour certains d'admettre aujourd'hui que telle ait pu être la volonté de ceux qui ont imaginé l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, difficile de croire que ce qu'ils se plaisent à appeler, à tort d'ailleurs, le régime le plus décentralisé au monde prévoyait même, à l'état embryonnaire, une centralisation de plus en plus intense des pouvoirs vers Ottawa.

Pourtant, les propos d'Alexander Galt que j'ai cités plus haut ne laissent aucun doute quant aux intentions initiales, pas plus que ceux d'un autre artisan de l'Acte de 1867 qui s'était dit qu'à la longue, les provinces ne deviendraient rien d'autre que de grosses municipalités sous la tutelle et grandement dépendantes du fédéral. Nous n'étions pas présents à l'époque pour voir et comprendre ce qui se dessinait. Eux, oui; ils ont dit, même écrit, ce qu'il en était.

C'est comme cela que le régime dans lequel nous vivons malheureusement encore aujourd'hui a été imaginé et créé. Si je me suis permis de faire une parenthèse historique dès le début de mon intervention, c'est pour bien montrer qu'encore aujourd'hui, et contrairement à ce que plusieurs tentent de nous faire croire, rien n'a changé. C'est encore cette vision centralisatrice donnant une place plus que prépondérante au gouvernement central qui domine non pas les discours, mais bien les gestes des principaux dirigeants fédéraux d'aujourd'hui. Et le meilleur exemple pour illustrer cet état de fait est sans aucun doute le domaine de la santé en général, où le fédéral n'a cessé, depuis des dizaines d'années, d'intervenir de façon de plus en plus pressante. Le projet de loi C-95 dont il est question aujourd'hui en est la preuve.

La Loi constitutionnelle, à l'alinéa 92.16, attribue aux provinces la compétence générale en matière de santé sur le territoire en prévoyant généralement toutes les matières d'une nature purement locale ou privée dans la province. De plus, les paragraphes 92.7, 92.13 et 92.16 de la même loi attribuent aussi aux provinces la compétence sur les hôpitaux, la profession médicale et la pratique de la médecine, de même que sur les lois de santé en général dans la province.

(1350)

Enfin, nous pouvons dire aussi que ce domaine est de compétence des provinces, parce que cela relève de la propriété et des droits civils.

Il ressort clairement de ce que je viens de dire, que la santé est un domaine qui normalement devrait relever des provinces et non du fédéral. Toutefois, le gouvernement fédéral est intervenu dans ce domaine depuis plusieurs années, et de plusieurs façons.

La Loi sur l'assurance-hospitalisation et les services diagnostiques, de même que la Loi sur les soins médicaux, et plus récemment l'adoption de la fameuse Loi canadienne sur la santé qui regroupe les précédents et cristallise les normes dites nationales, montre bien ce que le gouvernement fédéral fait du partage des champs de compétence. Ces interventions visant à accroître la place du fédéral

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dans ces champs exclusifs aux provinces sont justifiées par le pouvoir de dépenser qui ne cause pas seulement des problèmes au niveau de la santé, mais le temps ne m'est pas alloué, ce ne serait pas suffisant pour seulement énumérer les litiges qu'il a causé. D'autres, j'en suis sûre, s'en chargeront.

Pour ma part, je me contenterai de dresser un tableau qui montre bien ce qui arrive quand un gouvernement ne veut pas admettre qu'il n'a pas les moyens de tout faire et de tout décider à la place des provinces. Ce tableau a pour toile de fond la crise aiguë que traverse actuellement le système de santé au Canada et au Québec.

La tentation ou la volonté du gouvernement fédéral de s'ingérer dans le domaine de la santé ne date pas d'hier. En effet, il faut remonter jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour se rappeler qu'à l'époque le fédéral avait pris possession de tous les principaux champs de taxation, s'assurant ainsi la grande majorité des ressources fiscales normalement levées par les provinces.

À la fin de la guerre, il lui est venue une idée lumineuse: au lieu de redonner les pouvoirs de taxation aux provinces, on a pensé redistribuer l'argent, à travers des subventions conditionnées à des normes décidées par le gouvernement fédéral. C'était une façon ingénieuse de prendre encore un peu plus de place dans les champs qui ne sont pas les siens, à une époque où le Conseil privé de Londres, qui jouait alors le rôle de la Cour suprême d'aujourd'hui, semblait vouloir mettre un frein aux visées centralisatrices du gouvernement central. Au niveau de la santé, la Loi sur le financement des programmes établis est un bon exemple de ce que j'affirmais plus haut: ce gouvernement qui refuse d'accepter qu'il ne peut pas tout faire à la place des autres.

Instauré en 1977, le financement des programmes établis est demeuré le même dans sa structure. Par contre, le rythme de croissance prévu n'est plus respecté depuis un dizaine d'années. C'est ce qui a donné naissance à ce qu'on appelle le manque à gagner des provinces et du Québec en matière de santé. En 1986, le fédéral réduisait le taux de croissance des transferts de 2 p. 100. C'était le début d'une longue série de réductions de versements. En 1989, une autre réduction du facteur d'indexation de 1 p. 100. En 1990, en adoptant le projet de loi C-69, on gèle les transferts au niveau de 1989-1990 pour une supposée période de deux ans. En 1991, le fédéral annonce qu'il prolonge le gel de trois ans. Pendant la majorité de cette période néfaste pour l'ensemble du système de santé, le parti d'opposition criait au scandale. Il scandait haut et fort que cette façon de procéder ne pouvait que mener le système de santé à sa perte.

Et pourtant, c'est ce même parti aujourd'hui, au gouvernement, qui continue d'affaiblir encore plus le système. Entre 1977 et 1994, la contribution du fédéral pour la santé est passé de 45,9 p. 100 à 33,7 p. 100, une baisse de 10,6 p. 100 que le Québec et les provinces ont dû absorber tant bien que mal. Malheureusement, la mauvaise gestion que condamnait il n'y a pas si longtemps la ministre du Travail, de même que la vice-première ministre, ne semble pas en voie de disparaître.

Mes prévisions pour 1997-1998 indiquent que la pente du fédéral descendra aussi bas que 28,5 p. 100 du financement. Avec les années, à mesure qu'Ottawa se désengageait du financement de la santé, c'est près de huit milliards de dollars qui ont manqué au Québec seulement, huit milliards que le gouvernement du Québec a dû se dépouiller pour trouver ailleurs. À cette somme, on peut ajouter les coupures prévues au titre du Transfert social canadien, 308 millions pour 1995-1996, et plus de 587 millions en 1997-1998.

(1355)

La marge de manoeuvre que le Transfert social canadien devait amener, ce n'est en fait qu'une possibilité pour le Québec et les provinces de choisir elles-mêmes où elles couperaient pour absorber ce désengagement unilatéral. C'est là la vision que l'actuel gouvernement libéral a de la décentralisation. C'est ce qu'il entend quand il parle de fédéralisme flexible. Non, merci, nous ne sommes pas intéressés.

Comme je le mentionnais plus haut, les articles 92.7 et 16 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique attribuent la santé et les services sociaux exclusivement aux provinces. Pourtant, le fédéral a, lui aussi, un ministère de la Santé.

L'année prochaine, le ministère fédéral de la Santé coûtera aux contribuables plus de un milliard de dollars, un milliard de gaspillé pour faire ce que les gouvernements du Québec et des provinces pourraient très bien faire eux-mêmes.

De plus, ce ministère superflu attribue des sommes importantes pour des programmes et projets qui existent déjà au Québec. Des exemples, monsieur le Président, je vais vous en fournir: la stratégie pour l'intégration des handicapés, la lutte contre la violence familiale, le programme Nouveaux Horizons, le Secrétariat du troisième âge, la lutte contre le tabagisme, la stratégie antidrogue, la stratégie contre le SIDA, le programme sur la grossesse et le développement de l'enfant, le Bureau de l'enfance, et j'en passe, et j'en passe.

C'est au niveau de ces dédoublements que le fédéral aurait dû couper, mais il s'entête à vouloir dire son mot partout, et le résultat désastreux au niveau des finances publiques ne semble pas suffisant pour lui faire accepter la réalité.

Le Président: Chère collègue, je dois vous interrompre. Vous aurez de nouveau la parole après la période des questions. Comme il est 14 heures, nous passons aux déclarations de députés.

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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LES GRIZZLIES DE VANCOUVER

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui l'équipe de basket-ball des Grizzlies de Vancouver jouera son match inaugural dans la National Basketball Association à Portland, en Orégon. Arthur Griffiths et le gérant général Stu Jackson conduiront sans doute notre nouvelle équipe de basket-ball à de nombreuses victoires.


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L'espoir est grand à Vancouver. Les Grizzlies joueront à la Place GM, un stade ultramoderne qui donnera à l'équipe un avantage par rapport au reste des équipes de la ligue. Les partisans ne seront pas déçus, car ils pourront assister à un des jeux les plus excitants et les plus populaires au monde.

Les Canadiens devraient être fiers d'avoir deux équipes de la NBA. Nous nous devons de capitaliser sur le succès d'un jeu qui a été lancé par un Canadien, le Dr James Naismith. Les Grizzlies de Vancouver et les Raptors de Toronto nous feront honneur.

Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour souhaiter bonne chance au Canucks de Vancouver et beaucoup de succès au cours de leur nouvelle saison. Les Canucks joueront aussi à la Place GM, sous la direction du gérant général Pat Quinn qui a réuni une équipe de valeur comportant des joueurs de grand talent.

Au Grizzlies de Vancouver et au Canucks de Vancouver je souhaite bonne chance.

* * *

L'UNITÉ CANADIENNE

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je suis sûre que ce gouvernement a enfin saisi que des millions de Canadiens veulent des changements.

Aujourd'hui, les frontières du Canada sont peut être intactes, mais l'unité du peuple canadien ne l'est pas. Les Canadiens sont divisés en au moins trois groupes. Un groupe qui est mécontent du mode de vie actuel et veut partir, un autre groupe qui veut rester et conserver le mode de vie actuel, c'est-à-dire garder le statu quo. Et un troisième groupe qui veut rester, mais faire les changements nécessaires pour améliorer le mode de vie canadien.

Le groupe qui préconise le statu quo est, en quelque sorte, responsable de l'existence des deux autres groupes. Le statu quo n'est pas efficace et doit maintenant appartenir à l'histoire. Le groupe en faveur de la séparation n'a pas réussi.

Pour éviter que cela se reproduise, le gouvernement doit faire preuve de leadership et apporter les changements nécessaires. J'invite le gouvernement à se servir du nouveau plan de confédération présenté par le Parti réformiste. Des exemplaires sont disponibles sur demande et peuvent être envoyés dans des enveloppes brunes, non marquées, si on le demande.

* * *

LE PROJET DE LOI C-101

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, le projet de loi C-101 va au-delà de la simple restructuration du réseau ferroviaire dans l'ouest du Canada. À vrai dire, pour compenser la suppression de la subvention du Nid-de-Corbeau, cette mesure législative fait pencher injustement l'équilibre des pouvoirs vers l'ultime bénéficiaire des chemins de fer.

Je prie la Chambre de ne pas oublier les expéditeurs captifs dont l'économie tout entière sera touchée par l'adoption de ce projet de loi. La Saskatchewan compte plus de 60 000 agriculteurs qui ont un intérêt direct dans l'adoption ou le rejet de ce projet de loi. Il s'agit des agriculteurs qui assument désormais l'ensemble des coûts d'expédition, qui sont au bout de la chaîne, pour ainsi dire, et qui ne peuvent pas refiler l'augmentation des coûts d'expédition à quelqu'un d'autre.

Il est important que ces producteurs aient droit à des chemins de fer performants et à de bons services à prix raisonnable. Il est également important que le Canada possède un secteur agricole prospère parce que, sans ces producteurs et ces expéditeurs, l'économie de l'ouest du Canada ne connaîtra pas la croissance.

Une fois de plus, il semble que les libéraux se préoccupent des bénéfices des sociétés que des moyens de subsistance des milliers d'agriculteurs des Prairies.

* * *

LES RÉFUGIÉS

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, depuis que les Nations Unies existent, le sort des personnes non désirées et déplacées tient un rôle central dans les affaires du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Depuis sa création en 1950, cet organisme a assuré la protection temporaire de millions de personnes chassées de leur maison par la guerre, la famine ou la persécution politique. Le Canada appuie et finance les activités des Nations Unies lorsqu'il y a lieu de protéger et de réinstaller les personnes déplacées et qui vivent dans la peur d'être persécutées.

Les réfugiés représentent une réalité fondamentale du monde dans lequel nous vivons. Notre défi consiste non seulement à protéger, mais également à collaborer avec les Nations Unies à la consolidation de la paix et à la création de conditions favorables au retour sans entrave des réfugiés dans leur pays d'origine. Je peux donner aux Canadiens l'assurance que notre gouvernement continuera d'entretenir de bonnes relations de travail avec le bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

* * *

LES RÉSERVES DU MONARQUE

M. Gar Knutson (Elgin-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de m'adresser à la Chambre aujourd'hui au sujet d'un événement important qui se produit dans ma circonscription.

Les réserves nationales de faune de Long Point et de Prince Edward Point, ainsi que le Parc national de la Pointe-Pelée ont tous été désignés officiellement comme réserves du monarque. Dans le cadre du programme de coopération environnementale entre le Canada et le Mexique, cette décision vient s'ajouter aux autres mesures environnementales déjà prises au sujet de Long Point.

Long Point est un endroit bien spécial où on retrouve une grande variété de faune. C'est déjà une réserve de biosphère et un site au titre de la convention de Ramsar. À l'heure actuelle, l'ensemble de terres publiques et privées qui forment cette zone fragile donnent un des systèmes les plus uniques et les plus délicats au Canada. Long Point est l'un des trois endroits où le monarque se rassemble avant


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d'entreprendre son long voyage vers sa zone d'hivernage, au Mexique.

La plupart d'entre nous reconnaissent que le monarque est un papillon bien spécial et en assurant la santé et le bien-être futurs de cet insecte, les gens de Elgin-Norfolk et tous les Canadiens peuvent être fiers de participer à cette importante initiative environnementale.

Je félicite l'Observatoire d'oiseaux de Long Point et les naturalistes de terrain de Norfolk.

* * *

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, une fois de plus, le Canada a donné l'exemple au monde entier. Nous avons eu un débat civilisé sur la question la plus grave qu'une nation puisse avoir à trancher: sa propre existence.

Alors que d'autres pays ont recours à la violence armée et à la destruction pour imposer des changements, nous avons mené une campagne dynamique, mais pacifique, la décision ultime étant prise par voie de scrutin. Acceptons tous la décision que les Québécois ont prise en faveur de la tolérance, de l'ouverture et du respect mutuel. Répondons rapidement à la nécessité de modifier notre Confédération de façon équitable pour toutes les provinces et tous les territoires.

Réglons nos différends dans un esprit de coopération et de compromis raisonnable. C'est la marque de commerce des Canadiens, c'est ainsi que les choses se font au Canada. Lançons-nous dans un nouveau chapitre de notre illustre histoire et faisons à nouveau face au monde avec confiance et fierté. Ô Canada, nous sommes vraiment tous là pour te protéger.

* * *

[Français]

LE PREMIER MINISTRE DU NOUVEAU-BRUNSWICK

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, le comportement du premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, qui fait du maraudage auprès des entreprises québécoises pour les attirer dans sa province, est plus que disgracieux. Alors qu'il suppliait les Québécois de dire non au référendum en leur demandant, encore une fois, de croire au fédéralisme canadien,M. McKenna travaillait dans l'ombre pour s'accaparer leurs emplois.

Quelle belle démonstration d'amour au peuple québécois nous fait le premier ministre du Nouveau-Brunswick. C'est cet homme qui, alors que le Québec était en position de faiblesse et présentait des demandes minimales, a été le premier à le poignarder en répudiant l'Accord du lac Meech.

Lorsque les Québécois auront à nouveau à se prononcer sur leur avenir, ils ne seront pas dupes des véritables intentions de gens comme M. McKenna et de leurs attitudes hypocrites.

[Traduction]

L'ALBERTA

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement de l'Alberta a récemment annoncé la tenue de son propre référendum sur l'avenir des Albertains.

Le vote portera sur la liberté des Albertains, sur la dévolution des pouvoirs du gouvernement fédéral à la province et à sa population, sur le droit des Albertains de mener leurs affaires comme bon leur semble à l'avenir.

(1405)

Au Canada, où les gens respectent les résultats d'un référendum permettant à une province de quitter la Confédération, le gouvernement fédéral et le ministre de l'Agriculture respecteront sûrement les résultats d'un plébiscite permettant aux agriculteurs de choisir la façon de vendre leurs céréales.

Entre le 14 et le 24 novembre, les 50 000 producteurs de blé et d'orge de l'Alberta auront leur mot à dire. Ils choisiront entre la poursuite du monopole de la commission du blé sur l'achat de blé et d'orge, et le droit de vendre leurs produits à la commission ou directement au consommateur.

Les agriculteurs de l'Alberta ont maintenant la chance de se faire entendre. Allez voter.

* * *

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Monsieur le Président, le récent référendum au Québec était comparable à la pièce de monnaie du proverbe chinois. D'un côté, il a suscité un sentiment de profonde anxiété et, de l'autre, il a fait naître parmi tous les Canadiens un sentiment de fierté nationale.

Même si la victoire a été serrée, en fin de compte, nous avons tous été gagnants. Il vaut mieux travailler au changement ensemble, dans un pays uni, que négocier dans l'amertume en tant que nations séparées.

Les Québécois ont manifesté leur foi envers le Canada en votant non. Les habitants de la Colombie-Britannique ont ravivé leur fierté nationale et les francophones de la province ont encore une fois le sentiment que leur patrimoine est protégé. Il est temps de commencer à panser les blessures.

Le respect des différences, qui constitue la force de notre pays, doit nous faire avancer ensemble, dans un esprit de compréhension et de compromis.

Le Canada a entrepris de prouver que des populations diversifiées et multiculturelles, avec une dualité linguistique et un patrimoine varié, peuvent vivre ensemble dans la paix et la tolérance.

Le monde voit en nous une source d'inspiration et d'espoir. Malgré ses défauts, le Canada reste le meilleur pays où vivre.


16140

[Français]

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Bloc québécois a fait preuve d'un mépris sans précédent à l'égard de la démocratie lors d'une déclaration qu'il a faite à la sortie de la Chambre avant-hier.

Il a déclaré, et je le cite: «Jamais plus les souverainistes ne quémanderont quoi que ce soit du reste du Canada. Jamais plus nous ne nous assoirons à une table de négociations sans rapport de force.» Le chef bloquiste doit mettre ses frustrations personnelles de côté et accepter le résultat du vote référendaire de lundi.

Les Québécois et les Québécoises ont rejeté l'option de la séparation du Québec. En tant que député fédéral représentant une circonscription du Québec, le chef bloquiste doit prendre acte de la volonté des Québécois. La séparation a été rejetée. Travaillons maintenant à favoriser l'émergence des changements que souhaitent les Québécois et les Québécoises à l'intérieur du Canada.

* * *

LA CIRCONSCRIPTION DE SAINT-MAURICE

M. Réjean Lefebvre (Champlain, BQ): Monsieur le Président, le comté du premier ministre du Canada, le comté de Saint-Maurice a voté oui au référendum, un oui solide, à 56 p. 100, une augmentation de 9 p. 100 par rapport à 1980.

Les citoyens et les citoyennes de son propre comté ont dit au premier ministre que sa compréhension du Québec n'était pas la bonne. Le oui dans Saint-Maurice demande bien autre chose que les quelques changements cosmétiques sans signification que propose le premier ministre. Le oui dans Saint-Maurice, c'est l'expression d'une volonté très marquée des gens de Shawinigan qui veulent un pays, un pays bien différent que celui qu'essaie de leur vendre le député de Saint-Maurice.

* * *

LE CHEF DU PARTI QUÉBÉCOIS

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, le chef du Parti québécois a annoncé qu'il quittait la scène politique. Cette annonce survient au lendemain d'une des plus incroyables déclaration d'intolérance qu'un chef de parti politique ait pu faire dans toute l'histoire du Québec.

Certains stratèges séparatistes s'activent déjà à essayer de faire croire que le départ de leur chef signifie la mort du racisme et de la xénophobie au sein des séparatistes du Québec. Il ne faut pas oublier que le chef péquiste n'a pas été le seul à faire ce genre de commentaire raciste.

Beaucoup d'autres de ses acolytes se sont déjà laissés aller à ce genre de propos discriminatoire et n'ont pas encore démissionné, eux. Qu'est-ce qu'ils attendent?

La seule façon pour les séparatistes de convaincre la population qu'ils représentent tous les Québécois et les Québécoises, c'est de respecter le verdict de la majorité et de commencer enfin de s'attaquer aux vrais problèmes.

* * *

[Traduction]

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, les observations du premier ministre et de la vice-première ministre montrent bien leur mépris à l'égard des principes de justice et d'unité.

Alors que le chef du Parti réformiste a proposé une vision du Canada incluant le Québec, le premier ministre a porté l'attaque la plus destructrice dans cette interminable bataille référendaire.

Hier soir, le premier ministre a comparé la mince victoire du «non» à une partie de hockey où une équipe l'emporte par un but. L'entraîneur devrait être congédié. Au début de la troisième période, son équipe avait neuf points d'avance, mais elle a frôlé la défaite.

(1410)

Quant à la vice-première ministre, elle a loué les libéraux pour la piètre campagne qu'ils ont menée au Québec et elle a vanté les efforts du député de Sherbrooke, ce disciple de Mulroney. Elle a aussi attaqué ses opposants en les qualifiant de rapaces. En fait, les seuls rapaces seront en face, à tournoyer autour du chef peu crédible du Parti libéral, désireux de prendre sa place.

Pourtant, ces tactiques du Parti libéral ne surprennent plus les Canadiens, qui savent bien que si ça a l'air d'un rat, si ça marche comme un rat, si ça crie comme un rat, c'est sûrement un rat.

* * *

[Français]

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, le premier ministre du Canada a livré un important discours hier soir devant un large auditoire de gens d'affaires de Toronto.

En plus de faire le bilan des principales réalisations de notre gouvernement et de réitérer notre volonté de respecter nos engagements du livre rouge, le premier ministre a aussi soulevé la question de l'unité nationale. Livrant son premier discours majeur à l'extérieur du Québec depuis le référendum, il a invité tous les Canadiens et les Canadiennes à joindre leurs efforts afin de rendre possible les changements qui sont tant attendus d'un bout à l'autre du pays.

Le message de notre premier ministre en est un de stabilité, de réconciliation et d'optimisme. Je suis heureux de m'associer aux propos de mon chef et j'assure la population canadienne de notre entière détermination à faire de ce pays un symbole d'unité et de prospérité.

16141

LE PREMIER MINISTRE DU CANADA

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre a révélé une fois de plus son vrai visage au cours des derniers jours. L'artisan du rapatriement unilatéral de la Constitution en 1982 a décidé, encore une fois, de remettre le Québec à sa place. En effet, après avoir affirmé qu'il ne respecterait pas la voix du Québec en cas d'un oui, voilà que le premier ministre déclare qu'il va le museler en l'empêchant de s'exprimer de nouveau.

Le premier ministre a ainsi affirmé qu'il n'hésiterait pas à utiliser tous les pouvoirs à sa disposition pour contrecarrer l'expression légitime du peuple du Québec. Rien n'a changé. La vision du fédéralisme intraitable et centralisateur de Pierre Elliot Trudeau est toujours vivante dans l'esprit du premier ministre.

Pour lui, le Québec est une province comme les autres et doit le demeurer. Quarante-huit heures à peine après le référendum de lundi, le Canada est dans l'impasse, puisque le fédéralisme reste imperméable à tout changement réel et les Québécois ne veulent pas du statu quo.

* * *

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, dans l'histoire d'un pays, il se présente rarement une occasion de changer définitivement le cours des choses. Cette occasion nous est offerte aujourd'hui.

Le référendum a montré que le Québec était une province profondément divisée et qu'il y avait un désir intense de voir toutes les provinces s'attaquer aux problèmes qui nous assaillent tous.

Nous devons saisir cette occasion pour aller de l'avant et décentraliser les pouvoirs fédéraux. Les Canadiens doivent pouvoir choisir leurs représentants au Sénat et à la Cour suprême. Cependant, ne nous y trompons pas. Ces changements doivent toucher toutes les provinces, parce que, si l'on accorde un traitement de faveur à une province en particulier, on ne fait que créer des divisions et de la rancoeur.

Il faut aller de l'avant. C'est le moment de faire preuve de leadership. Il ne faut pas regarder en arrière et invoquer l'histoire pour se justifier de briser le pays. Nous devons aller de l'avant et guérir les plaies dont souffre le Canada aujourd'hui, afin de rassembler tous les Canadiens dans un pays fort et uni à jamais.

[Français]

HOMMAGE AU PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC

L'hon. Jean J. Charest (Sherbrooke, PC): Monsieur le Président, je veux aujourd'hui rendre hommage à M. Jacques Parizeau qui, en tant que premier ministre du Québec, a annoncé, il y a quelques jours, sa démission et son intention de prendre sa retraite politique.

M. Parizeau, je veux le dire au-delà de toute partisanerie, au-delà de nos différences d'opinion sur l'avenir du Québec, aura joué un rôle extrêmement important dans l'édification du Québec moderne.

Il aura été conseiller économique de plusieurs premiers ministres. Il a contribué à mettre en place la Caisse de dépôt et placement. Il aura conseillé le gouvernement de M. Lesage sur la nationalisation de l'électricité. Il a joué un rôle très important dans la Révolution tranquille.

M. Parizeau était également un homme de conviction, un homme qui a travaillé fort pour mener à bout son grand projet et, aujourd'hui, je veux dire à M. Parizeau et à Mme Lisette Lapointe tout notre respect au moment où ils entreprennent une nouvelle phase de leur vie.

______________________________________________


16141

QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LE RÉFÉRENDUM

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, dans un discours prononcé hier soir à Toronto, le premier ministre a apporté une nouvelle contribution à la démocratie canadienne. Il a d'abord confié à son auditoire qu'il était frustrant de voir les Québécois voter dans un référendum sur leur souveraineté et compromettre ainsi la stabilité politique du Canada. Il a conclu en laissant clairement entendre qu'il interviendrait pour empêcher désormais la tenue d'un tel vote.

Ma question s'adresse à la vice-première ministre. Aurait-elle l'obligeance de nous dire quels moyens le gouvernement fédéral entend prendre pour empêcher la démocratie québécoise de voter en conformité avec ses lois à elle?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, la différence entre le premier ministre et le premier ministre du nouveau parti dont le chef de l'opposition va devenir bientôt chef, c'est que, selon les paroles du premier ministre du Canada, il reconnaît que le droit de vote de tous les Québécois, c'est égal.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, sauf qu'il veut leur enlever le droit de vote.


16142

C'est égal dans le sens que personne ne pourra voter.

Monsieur le Président, manifestement, vivre en démocratie commence à tomber sur les nerfs du premier ministre.

Faut-il comprendre que, dorénavant, au lieu de répudier les résultats du référendum, comme il s'apprêtait à le faire si le oui l'avait emporté, le chef du gouvernement fédéral empêchera tout simplement la tenue de référendums éventuels? En envisageant de telles extrémités, ce curieux personnage ne fait-il pas la démonstration de son désespoir et de son impuissance à sortir de l'immobilisme?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, la différence entre le chef de l'opposition et le premier ministre du Canada, c'est que le premier ministre a respecté le résultat du référendum.

On a écouté le chef de l'opposition qui, le soir du vote, a dit qu'il respectait lui-même la décision prise. J'espère bien qu'advenant son arrivée à Québec bientôt, il va écouter ses propres ministres, tel Serge Ménard qui a dit mercredi, et je cite: «Ne tenir qu'un référendum m'apparaît sage. Cet effort de consensus qu'on demande à l'occasion d'un référendum, il faut consulter le peuple avant de lui imposer. Il faut attendre une autre élection dans laquelle nous leur dirions nos intentions. Il faut s'attaquer aux problèmes urgents du Québec, redresser les finances publiques, gouverner.»

Aussi, monsieur le Président, les commentaires du ministre de la Justice du nouveau gouvernement de M. Bouchard a dit, et je cite: «On ne fait pas un référendum parce qu'on a perdu le premier et qu'on pense avoir un meilleur score trois semaines plus tard.» C'est ça le respect de la démocratie.

Le Président: Encore une fois, mes chers collègues, je vous demanderais de vous adresser les uns aux autres en utilisant le nom de vos comtés.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, tous les souverainistes québécois qui ont voté pour le oui, 49,4 p. 100, continuent de payer leurs impôts à Ottawa, de respecter les lois fédérales parce qu'ils reconnaissent que la démocratie québécoise a parlé. Je l'ai dit et je le répète, nous sommes d'abord et avant tout des démocrates, et le premier devoir des démocrates et des citoyens, c'est de respecter un vote démocratique, comme celui qui a été tenu lundi au Québec.

Cela étant dit, il faut aussi reconnaître que le peuple est maître de son droit de vote et que, si le peuple du Québec décide un jour de refaire un référendum, il pourra le faire. Et on vient de citer les propos du ministre de la Justice qui ne citait que la loi québécoise qui prévoit que, pour refaire un deuxième référendum, il faut avoir une élection. Il n'y a rien qui exclut qu'il y ait des élections au Québec éventuellement puisque nous sommes une démocratie, et qu'il y a des élections dans une démocratie.

On pourra toujours voter au Québec. Il ne semble pas que ce soit le cas au Canada.

(1420)

La vice-première ministre admettra-t-elle que si le gouvernement fédéral en est réduit à recourir à des mesures aussi antidémocratiques que d'interdire un vote, c'est tout simplement parce qu'il a peur d'un prochain référendum, sachant qu'il fera du Québec un pays souverain?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, la différence, et je le répète parce que c'est très important qu'on s'en souvienne, le soir du référendum, M. Parizeau lui-même a dit que ce sont les ethnies et l'argent qui les a fait perdre.

Trois semaines avant cela, c'est le chef en face qui a fait appel à la race blanche et qui n'a jamais fait d'excuses. La différence entre le premier ministre et le chef de l'opposition, c'est que le premier ministre respecte la parole et le vote de tous les Québécois. Et tous les Québécois ont voté au référendum, et ils ont voté en majorité non. Et nous, on respecte le résultat. Et on croyait qu'il ferait la même chose.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, la vice-première ministre ne peut pas se défiler comme cela. Quand on lui parle du respect de la démocratie. . .

Une voix: Quel respect?

M. Gauthier: . . .de citer des paroles à gauche et à droite. Ce n'est pas cela la question qui est en cause.

Ce n'est pas cela qui est en cause, monsieur le Président. Ce qui est en cause, c'est le respect de la démocratie. Or, dans le discours de Toronto, le premier ministre hier a dit que le reste du Canada avait été. . .

Des voix: Oh! Oh!

M. Gauthier: Ils devraient écouter, monsieur le Président, cela leur montrerait ce que pense leur premier ministre. Ce n'est pas toujours joli.

Donc, dans son discours de Toronto, le premier ministre a dit que le reste du Canada avait été extrêmement généreux de permettre au Québec de tenir, non pas un mais deux référendums.

M. Bouchard: Quelle générosité!

M. Gauthier: Quelle générosité, monsieur le Président.

M. Loubier: Merci beaucoup.

M. Bouchard: Merci infiniment.

Une voix: Québec on t'aime.

M. Gauthier: En plus de nos remerciements les plus chaleureux à l'endroit du premier ministre.

Une voix: Thank you so much.

Une voix: We love you.

M. Manley: Sit down and shut up!

M. Manning: If there is no question, sit down!


16143

M. Gauthier: Doit-on comprendre, monsieur le Président, que le premier ministre du Canada remet désormais en question le droit des Québécoises et des Québécois de se prononcer sur leur avenir politique? C'est cela la question.

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député d'en face sort des paroles de droite à gauche. Les paroles que j'ai citées tantôt. . .

Une voix: Répondez à la question.

Mme Copps: . . .ne sont pas des paroles de droite à gauche, ce sont les paroles du ministre de la Justice qui, je prétends, fera partie du caucus du chef de l'opposition bientôt. Et ce qu'il a dit, et je cite: «On ne fait pas un référendum parce qu'on a perdu le premier et qu'on pense avoir un meilleur score trois semaines plus tard.» Ce sont les paroles du ministre de la Justice du Québec.

Ce qui est important, c'est qu'on se rappelle des paroles du chef de l'opposition, le soir, quand il parlait du résultat. Il a dit: «Le débat référendaire a démontré la discipline, la maturité politique, le profond attachement des Québécois et Québécoises aux valeurs démocratiques, et on doit respecter les paroles et le vote démocratique mis de l'avant par tous les Québécois.»

On ne peut pas choisir une race blanche, comme l'a fait le chef de l'opposition, on doit respecter le vote de tous les Québécois. Espérons qu'il va le faire.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, il y a des limites. Le premier ministre du Canada vient nous dire qu'on est chanceux qu'il nous ait permis de tenir un référendum. On questionne la vice-première ministre là-dessus, sur le droit du peuple du Québec à décider lui-même de son avenir, et la vice-première ministre nous répond n'importe quoi. C'est un scandale!

Des voix: Oui!

M. Gauthier: Doit-on comprendre que le premier ministre du Canada vient de s'arroger le droit de déterminer lui-même quelles sont les limites de la démocratie au Québec?

[Traduction]

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, dans son discours d'hier soir, le premier ministre a défendu le droit de tous les Québécois. Il a même emprunté des propos du chef de l'opposition, qui a déclaré à la Fête du Canada, l'été dernier, que nous vivions dans le pays le plus démocratique du monde. Les Québécois se sont prononcés.

(1425)

Une voix: Ce n'est plus vrai.

Mme Copps: C'était vrai lundi soir. Entre lundi soir et mercredi, les choses ont changé, mais la réalité, c'est que. . .

M. Bouchard: Vous avez changé de point de vue.

Une voix: Pas du tout. Vous ne pouvez pas supporter la pression.

Une voix: Qu'on vote oui, et c'est démocratique.

[Français]

Mme Copps: Monsieur le Président, ce qui est le plus malheureux, en parlant de la démocratie, c'est que les paroles deM. Parizeau, l'autre soir, n'ont jamais été retirées par le chef de l'opposition. Les paroles du chef de l'opposition, il y a trois semaines, quand il a fait appel à la race blanche, n'ont jamais été retirées. Cela démontre que ceux qui ne respectent pas le droit de vote de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, ce n'est pas le premier ministre, c'est Lucien Bouchard et le Parti québécois.

[Traduction]

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, dans son discours d'hier soir, le premier ministre a dit qu'il n'était pas prêt à tolérer d'autres référendums sur la souveraineté du Québec.

Ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales. Nous voudrions savoir de quelle façon au juste le gouvernement entend s'y prendre. Songe-t-il, par exemple, à faire adopter une loi fédérale interdisant les référendums provinciaux? Quelle mesure se propose-t-il de prendre exactement?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, voilà encore une occasion pour le Parti réformiste de joindre les rangs des Canadiens qui souhaitent bien franchement que tous les gouvernements du pays s'occupent de gouverner. Or, le député souhaite au contraire un autre référendum parce qu'il n'est pas satisfait des résultats du premier.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens souhaitent plutôt obtenir du gouvernement des réponses à des questions toutes simples. Ils ne veulent pas qu'il défende le genre de propositions démagogiques que nous voyons parfois énoncer ici.

Si les séparatistes ne peuvent pas tenir un autre référendum sur la souveraineté du Québec, ce qu'ils seraient bien mal avisés de chercher à faire dans un avenir rapproché, ils peuvent tout simplement solliciter un mandat au moyen d'élections, chose qu'il serait beaucoup plus facile de faire.

Le gouvernement pense-t-il vraiment que ce serait là, pour le Canada, une solution préférable au référendum?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, la meilleure façon d'éviter un autre référendum consiste clairement à apporter des changements touchant la société distincte et le droit de veto, et plus spécialement des changements touchant les pouvoirs respectifs des gouvernements fédéral et provinciaux.

Nous avons déjà commencé à apporter ces changements. Nous en avons manifesté l'intention. Le gouvernement fédéral est actuellement en train de redéfinir ses rôles et ses responsabilités. Nous le faisons à un coût moindre pour les Canadiens, car nous réduirons de 20 p. 100 les effectifs de la fonction publique fédérale.


16144

(1430)

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, à propos du programme constitutionnel naissant du gouvernement, il serait bien avisé de travailler à l'unité du pays en s'attachant aux questions sur lesquelles les Canadiens s'entendent, non aux questions sur lesquelles ils sont divisés.

Le premier ministre a dit hier qu'il proposerait un droit de veto non pour le gouvernement du Québec, mais pour la population du Québec. Je suppose que ce droit s'exercerait par référendum. Or, il a dit qu'il ne veut plus d'autres référendums au Québec.

Prévoit-il ou non d'autres consultations populaires au Québec et hors du Québec sur l'avenir constitutionnel du Québec?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que de grands changements s'imposent dans la fédération canadienne. Je crois que nous nous entendons tous sur ce point.

Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de direction. Il doit redéfinir ses rôles et ses responsabilités. Il doit mettre de l'ordre chez lui. Il a d'ailleurs commencé à le faire. Les divers moyens qui seront utilisés à l'avenir pour clarifier la position constitutionnelle ou pour redéfinir les compétences à tous les paliers de gouvernement seront pris quand cela sera nécessaire et de la façon qui s'imposera.

Nous ne devons cependant pas oublier que le Canada n'est pas seulement la somme des dix provinces. Il représente tous les Canadiens qui votent ensemble dans un contexte fédéral pour élire un gouvernement et des représentants chargés de s'occuper des intérêts nationaux, pas seulement des intérêts provinciaux.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le chef de l'opposition s'est publiquement dissocié des propos de M. Parizeau dès le lendemain, ici même au Parlement, et j'accuse donc la vice-première ministre d'avoir sciemment menti à cette Chambre, il y a quelques instants.

Le Président: Mon cher collègue, je vous demanderais, avec respect, s'il vous plaît, de retirer les mots que vous avez utilisés ici, il y a quelques minutes, à propos de la vice-première ministre.

M. Duceppe: Monsieur le Président, je vous respecte, mais je me respecte aussi et je respecte la vérité, contrairement à la vice-première ministre, et je ne peux retirer mes paroles.

* * *

DÉSIGNATION D'UN DÉPUTÉ

Le Président: Mes collègues, comme vous le savez, il faut toujours nous respecter ici, à la Chambre. Quand je vous demande de retirer vos paroles, quels que soient les mots, c'est avec la pleine autorité de la Chambre des communes que je vous le demande.

[Traduction]

Notre pays traverse une période de grande tension. J'en surprendrai peut-être plusieurs en agissant aussi vite, mais je le fais en sachant fort bien que ma fonction première à la Chambre est de veiller à ce que notre institution soit respectée par tous ceux qui y siègent.

J'ai demandé au député de Laurier-Sainte-Marie. . .

[Français]

-de retirer ses paroles, et il m'a répondu qu'il ne le ferait pas.

(1435)

Alors, monsieur Duceppe, je dois vous nommer pour n'avoir pas respecté l'autorité de la Présidence et, conformément au pouvoir que m'accorde l'article 11 du Règlement, je vous ordonne de vous retirer de la Chambre pour le reste de la séance d'aujourd'hui.

[Note de l'éditeur: Et M. Duceppe s'étant retiré.]

* * *

[Traduction]

LE RÉFÉRENDUM

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, hier soir, le premier ministre a déclaré aux Canadiens qu'il comprenait parfaitement bien le mécontentement de ceux qui ont observé le référendum sans pouvoir y participer et leur a dit que cela ne se reproduirait plus.

Pourtant, hier, au cours de la période des questions, le premier ministre a carrément rejeté l'idée de consulter directement les Canadiens dans le cadre d'assemblées de citoyens.

Ma question s'adresse à la vice-première ministre. Si ce n'est dans le cadre ni d'un référendum ni d'assemblées de citoyens, comment va-t-elle consulter les Canadiens sur l'avenir de leur pays?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, quelques jours avant le vote, les Canadiens de toutes les régions du pays ont été invités à se rendre au Québec pour exprimer leur solidarité envers le Canada.

Des députés de tous les partis politiques ont accepté cette invitation. Malheureusement, des 52 députés réformistes, 51 étaient trop occupés pour répondre à cet appel lancé aux Canadiens.

En tant que députés, nous devons, au nom de nos électeurs, continuer de travailler pour bâtir une meilleure démocratie. Il reste à espérer que, la prochaine fois, le Parti réformiste décidera de lutter avec nous et non contre nous.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, je rappelle à la vice-première ministre que des réformistes de toutes les régions du Canada ont participé au ralliement de Montréal, et je parle ici de citoyens et non de politiciens.

L'échec de l'Accord de Charlottetown montre clairement que les Canadiens ne veulent pas accepter comme tels le statut de société distincte ou le droit de veto. Ils veulent plutôt que le gouvernement


16145

fédéral décentralise les pouvoirs et desserre son étreinte sur les pouvoirs. C'est ce que veulent les gens de l'Ouest, l'Ontario et le leader libéral du Québec, Daniel Johnson.

Quand la vice-première ministre respectera-t-elle la promesse de modifier la fédération et commencera-t-elle à transférer aux provinces les pouvoirs qui leur reviennent?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, en 1929, le Sénat a reconnu que les femmes politiques étaient aussi des personnes. Parmi les participants au ralliement de Montréal, il y avait des citoyens, mais aussi des dirigeants politiques.

Malheureusement, le Parti réformiste a délibérément choisi de ne pas participer au ralliement, conformément à la position qu'il a adoptée pendant toute la campagne référendaire, parce qu'il ne voulait pas vraiment voir les Québécois demeurer au Canada.

Pour ce qui est des pouvoirs à partager, j'étais à Whitehorse il y a dix jours et nous avons obtenu l'accord unanime. . .

Mme Grey: À donner, pas à partager.

Mme Copps: «À donner, dit-elle, pas à partager.»

J'étais à Whitehorse il y a dix jours et nous avons obtenu l'accord unanime des ministres de l'Environnement, y compris du ministre de l'Environnement de l'Alberta, pour harmoniser les activités dans les secteurs où les responsabilités sont partagées, et non simplement pour tout céder.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, sachant que le chef de l'opposition s'est dissocié immédiatement et le lendemain des propos tenus par M. Parizeau, je demande à la vice-première ministre, par votre intermédiaire, si elle aura la décence, en cette Chambre, de s'excuser auprès du chef de l'opposition pour lui avoir mis des paroles dans la bouche qu'il n'a jamais dites et dont il s'est excusé publiquement. Je lui demande si elle a la décence de retirer ses paroles.

(1440)

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, il faut se rappeler que le chef actuel du Parti québécois n'était pas la le premier à faire appel à la race. En effet, dans un discours durant la campagne référendaire, c'est justement le député de Lac-Saint-Jean qui a fait appel à la race, qui a demandé au peuple de race blanche française de faire des enfants.

Moi, j'ai demandé des excuses, le lendemain. Je n'ai jamais, jamais entendu une excuse du député d'en face et j'attends toujours.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, plus la vice-première ministre parle, plus elle en met et plus elle ment en cette Chambre.

Une voix: Menteuse.

M. Bellehumeur: C'est une menteuse!

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Chers collègues, c'est la deuxième fois aujourd'hui.

M. Bouchard: Parlez-lui à elle!

Des voix: Oh, oh!

[Traduction]

Vous voyez, chers collègues, la raison pour laquelle il n'est pas acceptable d'utiliser un langage antiparlementaire.

Sauf tout le respect que je vous dois, je vous rappelle que nous sommes les parlementaires du Canada et que nous sommes ici pour discuter dans le respect et la dignité.

[Français]

Je demande une fois à l'honorable député de Berthier-Montcalm de retirer ses paroles.

M. Bellehumeur: Monsieur le Président, le chef de l'opposition s'est publiquement dissocié des propos de M. Parizeau. Je retirerai mes propos uniquement une fois que la vice-première ministre aura retiré, elle. . .

* * *

(1445)

DÉSIGNATION D'UN DÉPUTÉ

Le Président: Monsieur Bellehumeur, je dois vous nommer pour n'avoir pas respecté l'autorité de la Présidence.

Conformément au pouvoir que m'accorde l'article 11 du Règlement, je vous ordonne de vous retirer de la Chambre pour le reste de la séance d'aujourd'hui.

[Note de l'éditeur: Et M. Bellehumeur s'étant retiré.]

* * *

[Traduction]

LES RESSOURCES NATURELLES

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre nous a promis des changements majeurs. Même si, aux termes de la Constitution, les ressources naturelles relèvent exclusivement des provinces, le gouvernement fédéral continue pourtant de s'immiscer dans ce domaine de compétence provinciale. Dans la nouvelle confédération proposée par le Parti réformiste, le rôle du gouvernement fédéral dans le secteur des ressources naturelles serait réduit au strict minimum.

Quels changements précis le premier ministre propose-t-il pour restreindre le rôle du gouvernement fédéral dans le domaine des ressources naturelles?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.


16146

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour expliquer que nous ne nous immisçons pas dans les compétences provinciales. En fait, le ministère que je dirige a profité de l'examen des programmes de l'an dernier, qui a mené au budget déposé en février 1995, pour consulter toutes les provinces. Nous avons travaillé en coopération avec les provinces et nous avons collaboré avec elles afin de supprimer les chevauchements dans le secteur des ressources.

Nous avons défini notre rôle, et les provinces ont défini le leur. À ma connaissance, elles sont assez satisfaites du résultat.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, les ministres provinciaux de l'énergie et des mines ont pressé leur homologue fédérale d'harmoniser la réglementation. Depuis plus de deux mois, les lettres qu'ils ont envoyées à la ministre pour tenter de la rencontrer, elle et le ministre des Affaires intergouvernementales, sont restées sans réponse. En fait, dans une de leurs lettres, les ministres se disent très inquiets du peu de progrès réalisés récemment et du ralentissement des efforts d'harmonisation.

La ministre prendra-t-elle aujourd'hui les dispositions nécessaires pour organiser une rencontre où elle, le ministre des Affaires intergouvernementales et leurs homologues provinciaux pourront discuter de la question de l'harmonisation?

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, les ministres des affaires intergouvernementales des provinces et du gouvernement fédéral discutent constamment des changements possibles. En fait, j'ai été en rapport avec l'un d'eux aujourd'hui même, pour essayer de voir si nous pourrions accroître l'harmonisation au chapitre des ressources naturelles, de la décentralisation et de l'efficacité du projet fédératif.

Nous travaillons sans relâche et essayons de trouver de nouvelles façons de diriger la fédération qui soient moins coûteuses pour les contribuables et qui permettent aux gouvernements fédéral et provinciaux d'agir là où ils sont le plus efficaces.

* * *

[Français]

L'AIDE SOCIALE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le ministre sera sans doute intéressé d'apprendre dans les journaux d'aujourd'hui que les dépenses du Québec au chapitre de l'aide sociale au cours des quatre premiers mois de la présente année financière, soit d'avril à juillet, dépassent de 322 millions de dollars le budget prévu. Cette triste situation est causée par le fait qu'il y a plus de ménages à l'aide sociale au Québec que prévu.

Le ministre reconnaîtra-t-il enfin que les coupures répétées et ciblées à l'assurance-chômage ont provoqué cette forte augmentation des coûts de l'aide sociale au Québec?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, nous avons parlé de cette question à plusieurs reprises.

Il importe que la députée et tous les autres députés sachent que le taux d'augmentation des demandes d'aide sociale dans la province de Québec a diminué par rapport à l'an dernier, passant d'une hausse moyenne d'environ 8 p. 100 à 1,5 p. 100, ce qui ne colle pas aux faits soulevés par la députée. En fait, depuis quatre mois, soit le mois d'août, le nombre de demandes a connu une baisse nette d'environ 7 000. Cela s'explique, comme chacun sait, par le fait que nous avons réussi à créer plus de 125 000 emplois au Québec depuis deux ans.

(1450)

En vertu des modifications que nous avons apportées au régime d'assurance-chômage l'an dernier, nous avons accordé une prestation spéciale aux bas salariés pour que les personnes ayant des personnes ou des enfants à charge touchent 1 000 $ en sus de leurs prestations ordinaires; il en est résulté que plus de 130 000 Québécois ont pu toucher ces prestations supplémentaires.

L'été dernier, j'ai conclu, avec le gouvernement du Québec, une importante entente prévoyant le versement direct de 81 millions de dollars aux bénéficiaires de l'aide sociale afin que ces derniers reçoivent un supplément de revenu leur permettant de retourner au travail et d'avoir un revenu suffisant.

Au lieu que la députée nous fasse perdre notre temps en chipotant sur des détails insignifiants, nous devrions parler des moyens à prendre pour faire en sorte que les deux paliers de gouvernement unissent leurs efforts afin d'aider les gens qui ont de vrais problèmes dans la vraie vie. C'est ça la vraie question.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, quand le ministre qualifie «de petits détails de statistique» 20 000 personnes de plus à l'aide sociale dans une situation où, dit-on, nous sommes en prospérité, alors que le gouvernement va couper, par le Transfert social canadien, les subventions à l'aide sociale, qu'est-ce que ce sera lors de la prochaine récession? C'est inadmissible.

Le ministre admettra-t-il enfin que les coupures draconiennes qu'il s'apprête à faire de nouveau au régime d'assurance-chômage vont refouler davantage de ménages à l'aide sociale et aggraver encore en conséquence le problème budgétaire du gouvernement du Québec?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, contrairement à ce que la députée et les autres députés du Bloc et du Parti québécois ont dit à la population du Québec, dans une tentative assez délibérée de désinformation, je dirai à la députée que, dans le cadre du


16147

nouveau régime d'assurance-chômage et comme le premier ministre l'a dit dans son discours hier soir, nous allons principalement accorder une protection de base aux familles à bas revenu avec enfants. C'est une idée dont on parle depuis pas mal de temps au Canada, et nous avons l'intention de le faire.

Je dirai à la députée qu'au lieu de ressasser des arguments éculés et de promouvoir la destruction du pays, elle devrait plutôt tenter d'épauler le gouvernement pour que nous puissions vraiment aider les plus démunis. C'est ça le meilleur moyen d'assurer la sécurité et un régime bienveillant.

* * *

SRI LANKA

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État aux Affaires étrangères.

Les Canadiens s'inquiètent de la grande offensive militaire que le gouvernement de Sri Lanka vient de lancer contre la péninsule de Jaffna. La guerre civile et cette attaque massive constituent une grave menace pour la population civile tamoule et risque d'entraîner le déplacement d'un nombre considérable de personnes.

Le secrétaire d'État peut-il dire à la Chambre ce que fait le Canada pour tenter d'arrêter ces effusions de sang?

L'hon. Raymond Chan (secrétaire d'État (Asie-Pacifique), Lib.): Monsieur le Président, je voudrais saisir cette occasion pour rendre hommage à notre ambassadeur en Chine, décédé mardi. L'ambassadeur John Paynter a bien servi le Canada en Inde et en Chine. Nous présentons nos condoléances à son épouse, Inga, et à ses trois enfants.

Pour répondre à la question de la députée, je dois dire que la situation qui existe à Sri Lanka nous préoccupe vivement. L'été dernier, je me suis rendu moi-même dans ce pays en mission d'information. Pendant mon séjour, j'ai dit au président de Sri Lanka que nous étions déçus que, unilatéralement, les Tigres libérateurs de l'Eelam Tamoul, ou LTTE, aient repris les hostilités le 19 avril, après 14 semaines de paix. Toutefois, nous avons également dit au gouvernement que la solution militaire n'était pas une option à envisager à Sri Lanka. Nous continuons d'exhorter le gouvernement et les LTTE à reprendre les négociations pour trouver une solution pacifique.

Le Canada déplore la reprise et l'escalade du conflit à Sri Lanka, car il entraîne de lourdes pertes de vies. Le Canada condamne sans réserves le massacre, ces derniers jours, de personnes innocentes, aussi bien tamoules que cinghalaises. Cela ne fait rien pour améliorer la situation.

(1455)

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier, le ministre du Développement des ressources humaines a admis que le Régime de pensions du Canada n'était pas viable. Pour remédier à la situation, il a annoncé une nouvelle ponction fiscale. Il augmente les charges sociales en dépit du fait que, dans son budget, le ministre des Finances a déclaré que les charges sociales tuaient la création d'emplois.

Jusqu'où le gouvernement prévoit-il hausser les charges sociales pour étayer un système au bord de l'effondrement?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, comme la députée le sait, toute la question du financement du Régime de pensions du Canada fait actuellement l'objet d'un examen.

Avant la fin de l'année, nous présenterons à la Chambre un document contenant une série de recommandations. Dans ce domaine, nous devons collaborer avec les provinces. C'est une responsabilité qui est partagée afin que les dizaines de millions de Canadiens qui comptent sur le Régime de pensions du Canada soient en mesure de le soutenir et de garantir tant à la présente génération de bénéficiaires qu'aux prochaines générations que le RPC sera là pour assurer leur sécurité financière au moment de leur retraite.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, la dernière affirmation du ministre ne mérite même pas qu'on y réponde. Le régime risque de s'effondrer vers 2010.

Notre plan de renouvellement du Régime de pensions du Canada inclut la protection des pensions des personnes âgées, sans augmentation des charges sociales. Ce sont des changements positifs de ce genre que le Parti réformiste offre pour le renouvellement de la confédération.

Le ministre du Développement des ressources humaines est-il prêt à annuler l'augmentation des charges sociales et à renoncer à cette attaque obscène contre l'emploi?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, la députée affirme qu'elle ne veut pas se prononcer sur un système de protection qui existe depuis plusieurs décennies, mais elle a elle-même déposé un rapport du Parti réformiste qui, s'il était adopté, enlèverait toute sécurité aux personnes handicapées, aux survivants ayant charge d'enfants et aux personnes âgées, et qui, en plus, éliminerait toute forme de prestations aux Canadiens à faible revenu.

La députée est l'auteure d'un programme qui minerait complètement le régime public de pensions du Canada.


16148

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, encore une fois aujourd'hui, les agriculteurs des Prairies essaient de vendre eux-mêmes leurs céréales aux États-Unis, augmentant ainsi les tensions commerciales entre nos deux pays et nous exposant encore une fois à l'imposition d'une limite en ce qui concerne les ventes.

Le ministre de l'Agriculture est-il prêt à dire aujourd'hui qu'il ne laissera pas le Canada courir le risque de se voir fermer la porte du marché américain en disant aux Canadiens qu'il verra à ce que les ventes se fassent strictement par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, la loi canadienne est très claire quant aux pouvoirs de la Commission canadienne du blé. Cette loi existe depuis très longtemps, et on peut dire que, de façon générale, elle a été respectée jusqu'à maintenant. Elle doit être respectée.

Ceux qui pensent le contraire et qui voudraient qu'on apporte des modifications au système actuel peuvent exposer leurs idées pour qu'on puissent en discuter. Nous avons établi un processus à cette fin.

Je tiens à dire à ceux qui enfreignent délibérément la loi qu'ils ne font pas avancer leur cause de cette façon, bien au contraire. En fait, ils ne font que miner la démocratie. Outre la nature illégale de leurs actes, ils risquent de causer un problème commercial très grave avec les États-Unis, problème qui pourrait avoir un effet dévastateur sur le revenu et le gagne-pain de tous les agriculteurs canadiens.

Il y a donc deux choses que je tiens à signaler à ceux qui envisagent d'enfreindre la loi. Premièrement, ils doivent respecter la loi, car les activités illégales ne mènent à rien. Deuxièmement, ils s'exposent à de très graves répercussions commerciales.

(1500)

Le Président: Chers collègues, cela met fin à la période des questions.

Je vais entendre une question de privilège dont on m'a donné avis, ainsi que trois ou quatre rappels au Règlement.

* * *

[Français]

QUESTION DE PRIVILÈGE

LA PÉRIODE DES QUESTIONS ORALES

Le Président: L'honorable chef de l'opposition qui demande la parole sur une question de privilège me dirait-il s'il s'agit de quelque chose qui s'est passé pendant la période des questions orales?

M. Bouchard: Oui, monsieur le Président.

Le Président: J'accorde la parole à l'honorable chef de l'opposition sur une question de privilège.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, tous ont pu entendre tout à l'heure la vice-première ministre affirmer que je ne m'étais pas dissocié des propos tenus par M. Parizeau le soir du référendum. Or, dès le lendemain, lors d'un point de presse tenu ici, dans le foyer de la Chambre, je me suis publiquement et clairement dissocié de ses propos. J'ai rappelé en plus que ceux qui ont participé au référendum de lundi sont tous des Québécois, que nous sommes encore tous des Québécois et qu'il n'y a pas lieu d'établir de distinction entre les votes exprimés.

Cette déclaration que j'ai faite a été portée à la connaissance de la vice-première ministre tout à l'heure, à deux reprises, par deux députés du Bloc, qui a refusé de retirer son accusation.

Cette affirmation qu'elle a faite laisse entendre que, par mon silence, j'aurais cautionné et avalisé les propos de M. Parizeau. Il y a là une atteinte à mes droits de parlementaire et à ma réputation.

Je voudrais, au nom de la démocratie parlementaire, vous prier de vous adresser à la vice-première ministre en lui offrant une dernière chance de se comporter correctement en lui demandant de retirer ses propos.

Le Président: Mes chers collègues, c'est peut-être très désagréable ce que le chef de l'opposition a entendu ou n'a pas pas entendu, et peut-être qu'il se sent lésé. Mais, à mon avis, ce que quelqu'un a dit ou n'a pas dit ne fait pas partie d'une question de privilège mais d'un débat. C'est ma décision.

Au lieu d'inviter à la continuation de ce qui est vraiment un débat, ma décision est que cela n'est pas une question de privilège.

[Traduction]

On invoque le Règlement. Le whip du Parti réformiste.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Monsieur le Président, je crois que je vais avoir besoin de votre aide. La meilleure référence que je puisse trouver dans Beauchesne est probablement le paragraphe 481(e) des commentaires. Voici. La vice-première ministre a dit deux faussetés délibérées aujourd'hui. Dans le premier cas, elle a prétendu. . .

(1505)

Le Président: Je m'adresse ici directement au whip du Parti réformiste, bien sûr.

Les mots que le député a employés, à savoir qu'une de nos collègues a dit des faussetés délibérées, ne sont pas acceptables et je lui demande de les retirer.

M. Ringma: Monsieur le Président, je retire les mots «faussetés délibérées», même si je crois que c'est la vérité.

Des voix: Oh, oh!


16149

Le Président: Je vous pose la question carrément. Vous rétractez-vous, oui ou non?.

M. Ringma: Oui, monsieur le Président, je retire le mot «faussetés».

Des voix: Oh, oh!

Le Président: J'accepte cette rétractation totalement, sans explication. Nous laisserons les choses ainsi.

Si le député veut maintenant invoquer le Règlement, je lui saurais gré de le faire sur-le-champ.

M. Ringma: Monsieur le Président, j'affirme que deux déclarations erronées ont été faites cet après-midi à la Chambre.

Dans le premier cas, on a accusé le Parti réformiste d'avoir délibérément omis d'apporter son appui à la manifestation qui a eu lieu à Montréal. Dans le second cas, on a dit que le Parti réformiste voulait décidément que les tenants du oui gagnent.

Ces deux déclarations sont complètement erronées.

Des voix: Bravo!

Le Président: Chers collègues, ce n'est pas au Président de juger de la véracité de ce qui est dit à la Chambre au cours des débats ou de la période des questions et réponses.

Avec tout le respect que je dois au whip du Parti réformiste, j'estime qu'il s'agit d'une divergence de vues. Même s'il n'est pas d'accord avec ce qui a été dit, c'est une chose qui se voit tous les jours à la Chambre.

Ma décision est que le point qu'il soulève ne constitue pas un rappel au Règlement. Pour un rappel au Règlement, le député de Calgary-Centre.

M. Silye: Monsieur le Président, je me demandais si, étant donné que vous avez du nommer deux députés aujourd'hui, cela signifiait que la composition des partis ayant changé, nous formions à présent l'opposition officielle?

(1510)

Des voix: Oh, oh!

M. White (Fraser Valley-Ouest): Nous voulons l'argent.

Le Président: C'est peut-être un point qui demande à être éclairci, mais ce n'est pas un rappel au Règlement.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, le ton utilisé dans cette assemblée peut être aussi important que ce qui s'y dit en réalité. Au cours de la période des questions, la vice-première ministre a dit, en réponse à une question que lui avait posée le député de Beaver River, que 51 députés réformistes étaient trop occupés à autre chose pour se joindre au rassemblement à Montréal.

Par le ton qu'elle a utilisé, la vice-première ministre semblait prêter des intentions et insinuer que. . .

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le Président: Je donnerai l'occasion de poser la question du jeudi dans une minute. Je veux d'abord donner ma réponse ici.

[Traduction]

Il est vrai que ce ne sont pas seulement les paroles prononcées à la Chambre qui peuvent être offensantes, en fait non parlementaires. Il est vrai que le ton employé peut aussi faire dire à la présidence que tel ou tel propos est non parlementaire.

J'ai suivi très attentivement le débat. Nombre de déclarations faites aujourd'hui de part et d'autres avaient un caractère offensant. Néanmoins, pour ce qui s'agit du décorum et de la conduite de la période des questions, elles étaient à mon avis dans les limites de l'acceptabilité.

Ma décision est donc que cette question de privilège n'en est pas une.

* * *

[Français]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas un recours au Règlement, mais la question du jeudi. Je voudrais que notre collègue nous indique quel sera le menu législatif.

[Traduction]

Le Président: La parole est au solliciteur général.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole à titre de leader du gouvernement à la Chambre.

Le Président: Veuillez m'excuser. Vous vous ressemblez beaucoup. Le leader du gouvernement à la Chambre.

M. Gray: Monsieur le Président, je tiens à ce que ce soit clair dans le compte rendu des débats que je m'adresse à la Chambre d'une voix calme, d'un ton mesuré et sans aucune intention de faire du sarcasme ou des insinuations.

Des voix: Oh, oh!

M. Gray: Nous avons l'intention de poursuivre notre examen des articles à l'ordre du jour de la Chambre pour aujourd'hui. Ce sont plus précisément le projet de loi C-95, sur la réorganisation du ministère de la Santé, à l'étape de la deuxième lecture; le projet de loi C-94, sur des additifs de l'essence, à l'étape de la troisième lecture; le projet de loi C-96, sur la réorganisation du ministère du Développement des ressources humaines, à l'étape de la deuxième lecture; enfin le projet de loi C-52, sur la réorganisation du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, aux étapes du rapport et de la troisième lecture.

Demain, j'aimerais que nous traitions du projet de loi C-108, qui modifie la Loi nationale sur l'habitation. Nous reviendrons ensuite à la liste que je viens de donner.

16150

Finalement, nous poursuivrons les consultations auprès des partis d'opposition pour établir le programme pour le reste des travaux de la Chambre, y compris les journées d'opposition.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, puis-je poser une question au leader du gouvernement à la Chambre? Mes collègues et moi-même sommes très inquiets du programme du gouvernement pour cet automne.

Le fait est que, au cours des 46 ou 47 derniers jours, seulement quatre nouveaux projets de loi ont été déposés à la Chambre, nous n'avons vu aucun document sur le vieillissement et aucune mesure législative sur la réforme de l'assurance-chômage. Le gouvernement se refuse à ce qu'on étudie les projets de loi auxquels les séparatistes s'opposeraient. Sur dix-neuf projets de loi, douze ont ainsi été. . .

Le Président: Si je comprends bien, nous parlons des travaux de la Chambre. Avec tout le respect que je lui dois, je demanderais au leader du Parti réformiste à la Chambre de bien vouloir poser sa question.

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, j'y arrive.

J'implore le leader du gouvernement à la Chambre de prévoir un programme législatif sérieux pour la Chambre avant la fin de la session automnale et j'aimerais savoir en quoi il consiste.

(1515)

À l'heure qu'il est, nous n'avons encore eu aucune indication que la Chambre serait saisie de mesures législatives sérieuses; pas la moindre déclaration d'intention et certainement rien de concret.

M. Gray: Monsieur le Président, lorsque nous avons repris la session, j'ai dit que nous avions 30 mesures qui attendaient à l'ordre du jour depuis la fin des débats, en juin. J'ai dit que nous allions procéder de façon ordonnée et que ces mesures étaient prioritaires.

Je ne sais pas pourquoi nos collègues pensent que nous devrions renoncer à toutes ces mesures. Je pensais qu'ils voulaient une mesure pour renforcer le système de correction et de libération conditionnelle, c'est le projet de loi C-45. Maintenant, ils s'y opposent. Je pensais qu'ils voulaient une mesure pour avoir un meilleur système de protection des témoins, c'est le projet de loi C-58, maintenant ils s'opposent à cela également.

Maintenant que nous avons terminé l'étude du projet de loi créant un commissaire à l'environnement, ils sont en train de nous dire que c'était inutile. Alors que nous parlons de mesures sur les additifs dangereux à l'essence, ils nous disent qu'ils ne veulent pas que l'on parle de cela. Maintenant que nous avons parlé d'une mesure pour moderniser notre réglementation sur les transports, le Parti réformiste nous dit que ça ne valait pas la peine.

Je vais terminer mes propos sans que vous ayez à me dire quoi que ce soit, M. le Président. Je peux lire vos pensées sur votre visage, vous n'avez pas à ouvrir la bouche. Les députés réformistes ont participé au débat sur chacune de ces mesures, ils ont présenté des amendements et ils ont demandé des mises aux voix. Par leurs actions, ils ont démontré que le leader à la Chambre du Parti réformiste ne sait tout simplement pas de quoi il parle.


16150

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

La Chambre reprend l'étude de la motion.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, pourriez-vous m'indiquer combien de temps il me reste?

Le Président: Vous disposez encore de 27 minutes.

Mme Picard: Monsieur le Président, il est difficile de commencer à débattre d'un projet de loi et d'être interrompue par la période de questions, mais je vais quand même résumer un peu ce que j'ai dit, et je poursuivrai ensuite.

Nous intervenons sur le projet de loi C-95, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois. Je disais que dans les faits, ce projet de loi vise à changer l'appellation du ministère de la Santé et du Bien-être social par le titre abrégé de ministère de la Santé.

En général, il n'y a pas beaucoup d'articles qui ont changé, mais à la lecture de ce projet de loi, on se rend compte que certains articles ont été modifiés, abrogés ou ajoutés, mais seulement certains. Dans certains articles, on s'aperçoit que le gouvernement, sous l'aspect de bon gouvernement, vient de nouveau légitimer son autorité ou donne l'autorité au ministre de la Santé d'intervenir encore une fois dans les champs de compétence exclusive aux provinces.

J'avais fait un bref historique, mais je vais faire un résumé de ce que j'ai dit pour conclure avec les articles dont je vous ai parlé tantôt et où on retrouve les pouvoirs du ministre qui pourrait intervenir dans les champs de compétence des provinces.

En vertu des dispositions constitutionnelles, aux paragraphes 92.7 et 92.16 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'interprétation des tribunaux, les secteurs de la santé et des services sociaux relèvent de la compétence exclusive du Québec et des provinces. Or, depuis aussi loin que 1919, Ottawa multiplie ses interventions dans ces secteurs, contraignant même en cela le Québec au respect des normes et des objectifs dits nationaux.

(1520)

Les initiatives que mène le gouvernement fédéral dans les secteurs de la santé, en ce qui nous concerne ici, de même que dans les services sociaux, mises à part les interventions qui sont rattachées à ces compétences spécifiques à l'égard de certaines catégories de personnes, militaires, marins, indiens, immigrants et prisonniers, n'ont donc pas de fondement constitutionnellement clair. Elles ne s'appuient que sur son pouvoir de dépenser, lequel l'a autorisé à multiplier les interventions majeures.

En 1919, il y a eu la création du ministère de la Santé et l'octroi des premières subventions. En 1948, il y a eu instauration du programme de subventions nationales à la santé; en 1957, il y a eu adoption de la Loi fédérale sur l'assurance-hospitalisation et les


16151

services diagnostiques; en 1966, adoption de la Loi sur les soins médicaux; et en 1984, adoption de la Loi canadienne sur la santé, le C-6. Cette loi canadienne sur la santé qui remplace les lois de 1957 et de 1966 édictent des normes nationales et vient par les conditions qu'elle impose limiter l'autonomie du Québec et des provinces. Ainsi, la loi C-6 est venu préciser les obligations des provinces, soit l'universalité des services, l'accessibilité, la transférabilité interprovinciale, la gestion publique et l'intégralité, à défaut de quoi Ottawa peut retenir les paiements de transfert qu'il effectue aux provinces aux fins du financement des services de santé.

Québec dénonce, dès 1926, l'ingérence du fédéral dans le secteur de la santé et les réticences alors manifestées par le gouvernement Taschereau ont trouvé écho dans toutes les administrations qui lui ont succédé. Santé Canada a acquis une envergure telle que son budget des dépenses 1995-1996 indique des besoins financiers de l'ordre de 1,5 milliards pour le fonctionnement, ce qui veut dire 347 millions en personnel et 703 millions en biens et services, et de 6,9 milliards pour les paiements de transfert. Cette dernière contribution aux provinces, et c'est ici où j'étais arrivée, liée au respect des normes nationales n'empêche toutefois pas Ottawa de procéder à ses propres initiatives en matière de santé et de services sociaux, comme en témoigne la liste que je viens de vous donner quand on parle de dédoublements.

La stratégie nationale pour l'intégration des handicapés, en 1991, dotée d'un budget de 46 millions sur cinq ans, l'initiative fédérale de lutte contre la violence, en 1991, avec des crédits de 136 millions sur quatre ans, le programme Nouveaux Horizons, le secrétariat du troisième âge, la stratégie nationale de lutte contre le tabagisme, la stratégie nationale antidrogue, la stratégie nationale sur le SIDA, le programme sur la grossesse et le développement de l'enfant, le bureau de l'enfance, le Forum national sur la santé. Tout ce qui précède représente des empiètements directs complémentaires à des programmes qui existent déjà. Ce sont des dédoublements, des chevauchements et cela coûte beaucoup d'argent.

J'aimerais maintenant vous parler un peu du mandat que le gouvernement s'était donné dans son Livre rouge intitulé Le Forum national sur la santé. Le gouvernement fédéral entend tenir la bride haute aux provinces dans le secteur de la santé, et cela il nous l'avait promis en campagne électorale, à l'automne 1995, faisant part de son intention, si élu, de tenir son forum national sur la santé.

La ministre fédérale de la Santé n'a pas fait de mystère des intentions centralisatrices d'Ottawa. Au cours de sa campagne électorale fédérale, le Parti libéral du Canada rendait public un document intitulé, pour la création d'emploi et la relance économique: «Le plan d'action libéral pour le Canada», document mieux connu sous l'appellation de Livre rouge. Il est fait mention de l'engagement de la tenue d'un forum national sur la santé, lequel dans sa description cache mal la volonté fédérale de s'arroger le contrôle du secteur de la santé au Canada. Je vais citer ce qu'on y mentionne: «Le gouvernement fédéral doit avoir pour mission de mobiliser les efforts en rassemblant les compétences et les connaissances dans le domaine de la santé au Canada.» Si ce n'est pas une volonté centralisatrice, je ne sais ce que c'est. «La santé intéresse tous les Canadiens et le gouvernement fédéral doit leur donner les moyens de s'impliquer et de s'informer pour bien comprendre les enjeux.»

(1525)

Malgré les objections des provinces, la ministre fédérale de la Santé annonçait la création de ce Forum le 29 juin 1994. Jusqu'à ce jour, quatre séances de travail ont eu lieu, et aucune province n'est partie prenante de ce Forum. Son mandat est le suivant: élaborer une vision de ce que sera le système de santé canadien au XXIe siècle; favoriser le dialogue avec les Canadiennes et les Canadiens au sujet de leur système de santé, afin que le renouveau qui s'amorce permette, tout en respectant les grands principes de ce système, d'en préserver les avantages et de l'améliorer, et conduire à une santé publique plus florissante; définir les priorités pour l'avenir et susciter un plus large consensus à l'égard des changements qui s'imposent.

Alors, à l'invitation que lui adressait la ministre de la Santé,M. Rochon, le ministre québécois de la Santé et des Services sociaux, écrivait, le 14 octobre 1994, au titre des motifs pour lesquels le gouvernement du Québec refusait de s'associer aux travaux du Forum, que:

Le mandat de ce Forum constitue un empiètement du gouvernement fédéral dans un champ de compétence essentiellement provincial, ce qui est inacceptable. La volonté clairement exprimée par votre gouvernement de confier à ce Forum le mandat de déterminer les priorités de l'avenir en regard du renouvellement du système de santé ainsi que les moyens à prendre pour y parvenir, représente une intrusion directe dans les responsabilités des gouvernements des provinces, que ne saurait masquer le caractère consultatif que vous prêtez aux recommandations émanant de ce Forum.
C'est le ministre de la Santé du Québec qui répondait à la ministre fédérale de la Santé.

De plus, le ministre de la Santé du Québec soulignait que le renouvellement du système de santé n'avait pas attendu, au Québec, le leadership présumé du gouvernement fédéral, que d'importants gestes concrets avaient été posés en ce sens, que de vastes consultations publiques avaient permis aux Québécois d'exprimer leurs attentes et leurs besoins et avaient donné lieu à une concertation sur les priorités et les moyens d'action et, enfin, que le gouvernement fédéral avait sabré de façon importante dans ses transferts aux provinces au cours des dernières années.

C'est une autre initiative du gouvernement fédéral qui démontre encore sa volonté d'intervenir dans le secteur de la santé en nous présentant ce projet de loi C-95 avec les articles qui nous indiquent très bien qu'on donne des pouvoirs légitimés à la ministre de la Santé pour intervenir, une fois de plus, dans les champs de compétence des provinces.

Si on regarde bien ces articles-là, loin de vouloir faire preuve de bonne foi en se retirant de ce domaine qui ne lui appartient pas, tous les moyens de gruger petit à petit les champs de compétence des provinces sont à son avantage. Ici, je ne dis pas que ce projet est un mégaprojet de loi; il nous est présenté comme un simple projet de loi inoffensif et sans conséquence, mais la réalité est toute autre.


16152

Dans le projet de loi C-95, au paragraphe 4(1), on retrouve les pouvoirs et fonctions du ministre de la Santé. Cet article propose que les pouvoirs du ministre de la Santé s'étendent à «tous les domaines de compétence du Parlement liés à la promotion et au maintien de la santé de la population.»

On retrouvait une disposition semblable dans la Loi concernant le ministère de la Santé et du Bien-Être social. Cependant, la compétence du Parlement peut porter à confusion lorsqu'on fait référence à la santé publique. Il y aurait certainement là une place pour plus de précision.

Mais ce sont les articles suivants qui sont plus subtiles. Le paragraphe 4(2) décrit les attributions du ministre de la Santé, dont «la promotion et le maintien du bien-être physique, mental et social de la population».

La population en question est la population canadienne, et cet article donnerait donc l'autorité et la légitimité au fédéral d'intervenir dans un domaine qui est de compétence exclusive aux provinces.

Le paragraphe 4(2) poursuit en mentionnant «la protection de la population contre la propagation de la maladie et les risques pour la santé.» Ceci n'apparaît pas dans la loi originale que le projet de loi C-95 aspire à remplacer.

(1530)

Cela laisse la possibilité pour le gouvernement fédéral d'invoquer l'intérêt national et le pouvoir lié à la paix, l'ordre et le bon gouvernement, pour intervenir afin d'assurer la protection de la santé et de la sécurité de la population. À l'alinéa 4c) de ce même article, on peut lire que les enquêtes et les recherches sur la santé publique, y compris le contrôle suivi des maladies, relèvent du fédéral.

Cette mention pose un problème car, plus loin, à l'article 12, on lit qu'«aucune disposition de la présente loi ou de ses règlements n'autorise le ministre ou un fonctionnaire du ministère à exercer son autorité sur un organisme de santé régi par une loi provinciale.» Alors, il y a sûrement une confusion qui m'apparaît très évidente.

Comment le ministère de la Santé entend-il assurer ce contrôle suivi des maladies sans avoir accès aux renseignements nécessaires? Les établissements de santé sont, aux termes de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, des organismes de santé régis par une loi provinciale.

Est-ce un réel problème? Est-ce que l'article 12 restreint bien le champ d'intervention du fédéral en matière de santé, ou ne se veut-il pas plutôt une simple façade visant à rassurer les provinces, façade que le fédéral traversera allègrement selon son bon vouloir, comme il l'a si bien fait dans les dernières années?

L'article 4 peut donc être interprété de façon très large et généreuse. Il y a certainement lieu de s'interroger sur la portée réelle de cet article, qu'on peut interpréter de plusieurs façons et auquel on peut prêter plusieurs intentions. C'est de cette façon que, fidèle à ses habitudes, le gouvernement fédéral essaie d'étendre ses tentacules sur les champs de compétence provinciale par un projet aux allures simplistes et inoffensives.

Mais personne n'est dupe au point de ne pas voir ce manège qui se prépare devant nous. Le projet de loi C-95 est un autre exemple typique de la façon de procéder du fédéral, silencieusement, sans faire de vagues. C'est parce qu'il sait très bien que personne n'est d'accord avec sa façon de faire en matière de santé.

Il va de soi que, pour l'ensemble de toutes ces raisons et pour bien d'autres-mes collègues auront l'occasion de soulever ces autres raisons plus tard-il nous est impossible d'accorder le moindre appui à ce projet de loi C-95. Monsieur le Président, avant de terminer, j'aimerais présenter un amendement au projet de loi C-95.

Je propose, appuyée par mon collègue de Joliette:

Que tous les mots suivants le mot «que» soient retranchés et remplacés par ce qui suit: «cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-95, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois, parce que le principe du projet de loi ne prévoit pas donner au ministre, dans le cadre de ses attributions, le pouvoir d'accorder une compensation financière pleine et entière à une province désirant exercer pleinement sa compétence en matière de santé.»
(1535)

[Traduction]

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, le projet de loi C-95 n'est rien d'autre qu'un projet qui vise à changer le nom du ministère de la Santé. Il est donc surprenant que nous accordions autant de temps à ce débat. Si je demandais aux élèves d'une classe d'école secondaire combien de temps il faut pour changer le nom d'un ministère, ils répondraient sans doute une minute.

Je constate que mes collègues en profitent pour parler des soins de santé en général et je profiterai donc moi aussi de l'occasion. Ce projet de loi est tout à fait dans l'axe de ce que mon leader parlementaire a dit un peu plus tôt, lorsqu'il a mentionné que le programme législatif était bien mince depuis quelque temps.

J'amorcerai donc mes commentaires sur les soins de santé en général en faisant une déclaration que je voudrais bien voir gravée sur le front de mes collègues d'en face comme si le porte-parole du Parti réformiste pour les questions de santé en était l'auteur. Je me répéterai tant et aussi longtemps qu'il le faudra pour qu'ils reconnaissent enfin mon message: notre régime d'assurance-maladie est le meilleur programme social que nous ayons. Le régime d'assurance-maladie est le programme que nous devrions protéger à tout prix selon moi.

Une assurance-maladie et une médecine de style américain seraient tout à fait inacceptables pour les Canadiens et les réformistes. Personne au Canada ne désire voir le pays s'orienter vers un système semblable à celui des États-Unis. Combien de fois devrai-je le répéter? Combien de fois puis-je le dire? Combien de fois faudra-t-il que je le grave sur le front de mes collègues?

Notre système public, qui est financé par les impôts, qui est universel, qui est global, qui est accessible à tous et qui est administré par l'État, est sans pareil. Le régime d'assurance-maladie est notre meilleur programme social. Toutefois, il y a certains points faibles dans ce programme social. Il faut parler de ces failles et les


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corriger. Si nous ne faisons rien, si nous laissons ce merveilleux programme social s'effriter, nous n'aurons pas accompli notre devoir de législateurs.

Je prie mes collègues d'en face d'abandonner leurs belles paroles. Je les prie de ne plus parler de ce système à deux vitesses à la mode américaine. Je leur demande d'écouter attentivement les propositions que je vais formuler. Je leur demande d'examiner ces propositions ligne par ligne et d'en discuter franchement, sans employer de jargon au goût du jour, de rhétorique ni de platitudes. Je leur demande de débattre des véritables questions.

Pourquoi y a-t-il des failles dans notre régime de soins de santé? Quels sont les points faibles que je vois? Je vois le vieillissement de la population au Canada. Nous savons que chacun de nous, en vieillissant, coûte plus cher en soins de santé. Depuis les trois dernières années, nous dépensons 70 p. 100 de toutes les sommes consacrées à nos soins de santé.

Je vois de nouvelles technologies innovatrices qui s'annoncent et que nous n'avions jamais prévues au moment de la création du régime d'assurance-maladie. Je vois les transplantations d'organes, les prothèses articulaires, des choses auxquelles on n'avait jamais rêvé avant que le régime d'assurance-maladie ne voit le jour. Certaines de ces interventions sont extrêmement coûteuses. Certaines sont très difficiles à faire cadrer avec nos disponibilités.

(1540)

Enfin, à l'origine des failles, et je souhaiterais que ce ne soit pas le cas, il y a bien sûr le financement insuffisant. La raison en est que le gouvernement fédéral affecte plus de 1 200 $ par personne au service de la dette, au service de l'intérêt sur la dette chaque année, alors qu'il dépense 268 $ par personne au titre de l'assurance-maladie.

Ces trois choses, à tout le moins, qui interviennent dans l'assurance-maladie provoquent des failles profondes. Si on fait comme si de rien n'était, si on n'y prête pas attention, pas plus d'ailleurs qu'à nos précieux programmes sociaux, non seulement il va y avoir des failles, mais ça va imploser. Le régime ne survivra pas.

De crainte que quelqu'un n'en conclut que le régime d'assurance-maladie est révolu, je vais répéter de nouveau: le régime d'assurance-maladie est notre programme social le plus précieux. Il faut l'appuyer. Il faut le protéger. Il ne s'agit pas d'en faire un régime à deux vitesses comme aux États-Unis. Combien de fois dois-je le répéter?

Deux voies s'ouvrent à nous en ce qui concerne les changements à apporter au régime d'assurance-maladie. Certes, des changements s'imposent dans ce domaine, mais il y a, selon moi, deux façons de les introduire.

La première façon consiste à rationner les services. Ce rationnement peut se faire par l'attente. On peut attendre si longtemps qu'on finit par prendre patience et, dans certains cas, par y perdre la vie. C'est le rationnement par l'attente.

Nous pouvons restreindre les budgets. Nous pouvons laisser entendre que c'est tout qu'on peut faire dans les limites de nos moyens. Nous ne pouvons pas faire davantage. Nous pouvons passer de 100 jours-salles d'opération à 30. Nous pouvons fermer des lits. Nous pouvons, en fait, les retirer du système. C'est ce qui arrive. Nous pouvons licencier des infirmières et leur dire qu'on n'a plus besoin de leurs services, qu'elles peuvent toujours se recycler comme comptables peut-être. C'est une avenue, celle sur laquelle nous nous sommes engagés, j'en ai bien peur, celle du rationnement des services. Je m'oppose à cela et prétends que cela ne suffit pas.

L'autre avenue serait plutôt de dire que si notre système de soins de santé ne répond pas aux besoins des gens, ils devraient avoir le choix d'obtenir des services à l'extérieur du système public. C'est le virage que nous devrions prendre. Cela ne veut pas dire pour autant qu'on doive jeter au rebut notre bon système public. Notre système financé par les impôts des Canadiens demeurera, mais, s'il ne répond pas aux besoins d'un patient en particulier, ce dernier devrait pouvoir se procurer des services à l'extérieur. La meilleure façon d'expliquer cela est d'utiliser des exemples.

Une petite fille appelée Stephanie, une petite patiente, a des problèmes de végétations adénoïdes, ainsi que du fluide dans ses oreilles. Elle souffre. Sa vie n'est pas menacée, mais elle ne peut pas entendre aussi bien qu'elle le voudrait. Elle est sans cesse inquiète. Elle s'en va chercher ses antibiotiques et le spécialiste dit alors à ses parents que Stephanie a vraiment besoin qu'on lui enlève ses végétations adénoïdes et qu'on draine le fluide contenu dans ses oreilles. Lorsque les parents demandent au médecin combien de temps cela va prendre, ils apprennent alors qu'il faut compter huit mois d'attente à Nepean pour cette procédure chirurgicale.

(1545)

Stephanie n'éprouve pas des problèmes terribles, mais que va-t-il se produire dans les huit mois en question? Elle prend des antibiotiques toutes les trois semaines et ces médicaments coûtent environ 40 $. Elle souffre de maux supplémentaires et doit manquer parfois la prématernelle. Dans ce cas-là, sa mère doit rester à la maison, au lieu d'aller travailler, ou faire venir une gardienne. Ce sont des questions économiques, et je vais les mettre de côté et dire que ce n'est pas si grave. Cependant, c'est Stephanie qui doit endurer ces souffrances et qui subit tous ces dérangements. Ses parents m'ont demandé les choix qui s'offraient à eux. Étant donné que notre système de soins de santé ne peut lui offrir ce service avant huit mois, ils voulaient savoir s'il n'y avait rien qu'ils puissent faire. Eh bien oui, il y a une possibilité qui s'offre à un couple de Nepean de nos jours. Ils peuvent aller à Rochester. Ils ont envisagé très sérieusement de le faire pour que leur petite chérie n'ait plus à souffrir.

Il y a une autre solution. J'ai le regret de dire qu'elle n'existe pas en Ontario pour le moment. Il s'agit d'une petite clinique située en Alberta. Elle est dirigée par un oto-rhino-laryngologiste aussi compétent que celui de Stephanie. Il a mal accepté que la liste d'attente en Alberta soit de huit mois. Il s'est dit qu'il devait avoir une autre façon. Il n'y avait pas assez de lits ouverts pour qu'il puisse faire hospitaliser cette enfant. Il ne s'agissait pas d'une procédure très difficile. Il a calculé que les installations allaient lui coûter environ 30 000 $ et que, pour ce prix, il pourrait obtenir le microscope en salle d'opération dont la stérilisation ne posait pas un problème. Il a pensé alors qu'il pourrait faire cette stérilisation dans son bureau avec un anesthésiste et l'équipement nécessaire. Il s'est demandé s'il y avait une demande pour cela.

Il le fait aujourd'hui, en Alberta. Le malade doit débourser 125 $. La période d'attente est de deux semaines. On donne un choix à la petite Stephanie qui souffre. C'est ce que je veux. Je veux que les parents de Stephanie aient le choix. Si le régime public et la période


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d'attente de huit mois sont acceptables pour Stephanie et ses parents, soit. S'ils disent que ce n'est pas acceptable pour eux, je veux désespérément qu'ils puissent avoir accès à cet établissement. Il ne devrait pas être à Rochester, mais à Ottawa.

S'il y a un député à la Chambre qui voudrait priver cette gentille petite fille de ce choix, je veux qu'il le dise maintenant, car je ne peux pas imaginer qu'un Canadien puisse agir de la sorte.

On s'engage sur la pente savonneuse? Notre régime public s'effrite parce qu'on pourrait avoir un choix? Qu'on me nomme un pays qui a un régime public comme celui du Canada et des cliniques privées complémentaires qui ont causé l'effritement du régime public, et je me tairai. Un tel pays n'existe pas.

Permettez-moi d'aborder maintenant l'autre côté de la médaille. Ma mère, qui vit en Alberta, a récemment été opérée pour des cataractes. Elle avait le choix. Une clinique de l'Alberta acceptait de l'opérer pour 1 250 $ et, là encore, la période d'attente était très courte, deux semaines. Dans le régime public, elle devait attendre quatre mois. Ma mère dit: «Mille deux cent cinquante dollars, c'est beaucoup d'argent, beaucoup d'argent. Comment sont mes yeux? Pas si mal que ça. Je peux encore regarder la télévision et lire les journaux. Je vais attendre. Je peux facilement attendre quatre mois.» Et c'est ce qu'elle a fait. La chirurgie n'a soulevé aucun problème. Le régime public a répondu à ses besoins comme il le fallait.

(1550)

Si les Canadiens s'opposent à tout autre régime que celui de l'assurance-maladie, il n'y aura pas de cliniques privées. Il est intéressant de noter que, dans un pays que je connais bien, certaines des cliniques privées qui avaient été établies ont fait faillite, parce que le régime public est devenu très efficace et fournit tous les services, de sorte que les cliniques privées ne sont plus nécessaires.

Pourquoi les Canadiens ne font-ils pas davantage confiance à ce programme social si précieux et pourquoi disent-ils qu'il s'effondrera si des cliniques de qualité ouvrent leurs portes? Comment expliquer que ce programme social si précieux ne survivrait pas s'il y avait un choix possible et si le seul choix était d'aller en Europe? Cela n'a pas de bon sens, à mon avis.

J'ai dit que le financement diminuait à cause de la dette. Qu'arrivera-t-il si le financement du gouvernement baissait tellement qu'il en manquerait dans une collectivité?

Demain, je vais prononcer un discours à la faculté de droit, dans la circonscription de Saskatoon, qui est voisine de la mienne. J'y suis déjà allé. Je me suis rendu compte qu'à Saskatoon, les fonds versés par les gouvernements provincial et fédéral depuis trois ans ne couvrent pas les dépenses en capital. Ils ont dit qu'ils avaient fait quelque chose que les gens de Saskatoon voulaient avoir et ils ont recueilli deux millions de dollars en faisant une levée de fonds auprès des sociétés, des gens ordinaires et des intervenants dans le secteur des soins de la santé. Ils ont investi ces fonds dans l'amélioration des immobilisations: du matériel et de la nouvelle technologie.

La population n'acceptera pas un produit inférieur dans le domaine de la santé. Pour les Canadiens, la santé est plus importante que tout ce qu'ils possèdent et ce que nous pouvons leur donner.

Je répète que les gens qui refusent de débattre de cette question directement avec les réformistes, qui n'hésitent pas à parler ouvertement des failles-non de l'explosion, de l'effondrement ou de la crise, mais des failles dans notre programme social le plus précieux-c'est qu'ils sont motivés par une idéologie, et non par la compassion, la conscience des besoins en matière de santé et le bon sens.

En terminant, je maintiens que l'assurance-maladie est notre programme social le plus précieux. La menace la plus grave qui guette l'assurance-maladie au Canada vient des politiciens qui se couvrent d'un drapeau et refusent de s'attaquer vraiment aux problèmes.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Nous allons maintenant procéder à la prochaine étape du débat sur le projet de loi C-95. Durant les cinq prochaines heures, les députés auront un maximum de 20 minutes et les discours pourront faire l'objet de 10 minutes de questions ou observations.

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais d'abord féliciter la ministre qui parraine ce projet de loi. Avec détermination et avec succès, elle a défendu les principes dont le Parti libéral se fait le champion, depuis un demi-siècle qu'il travaille à l'édification du système de santé au Canada. En cours de route, l'assurance-santé a été menacée bien des fois dans son intégrité. Les menaces venaient tantôt d'une direction, tantôt d'une autre.

(1555)

Fidèle à la tradition perpétuée par ses illustres prédécesseurs, la ministre vient de repousser les dernières attaques contre le système et tous les Canadiens lui en sont reconnaissants.

L'équipe libérale qui forme aujourd'hui le gouvernement est fière, et avec raison, de tous ces pionniers qui ont veillé à la bonne croissance de l'assurance-santé. Les gouvernements libéraux qui se sont succédé ont apporté des améliorations au système pour qu'il conserve toute sa vigueur et tout son mordant. Voilà pourquoi le Canada possède aujourd'hui un système de santé qui est à la fine pointe du progrès, aussi bien du point de vue technique que du point de vue social. La qualité des soins offerts n'a pas encore été dépassée. L'égalité d'accès est assurée autant que possible.

La santé est la condition du progrès social. Un peuple en bonne santé est un peuple productif. C'est un peuple qui peut se livrer aux activités qui font que la vie vaut la peine d'être vécue, un peuple qui a de meilleures chances d'être heureux, un peuple qui peut bâtir une nation vigoureuse.

L'un des défis constants qui se posent au ministère de la Santé consiste a trouver quelles sont les politiques et quels sont les programmes parmi tous ceux qui sont mis de l'avant qui pourraient contribuer réellement, et de façon optimale, à la santé et au bien-être des Canadiens et des Canadiennes.

Sans rien enlever au mérite des professionnels canadiens de la santé, je tiens à féliciter la ministre de la Santé et Santé Canada pour la priorité qu'ils accordent à ces secteurs essentiels que sont la prévention de la maladie et la promotion de la santé.


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Dans le passé, la médecine préventive, c'était par exemple l'immunisation, qui a pratiquement éliminé des fléaux comme la variole, la diphtérie ou la poliomyélite pour les générations précédentes. Aujourd'hui, les tests sophistiqués et le matériel de pointe nous avertissent des dangers et permettent aux Canadiens de toutes les régions du pays d'accumuler collectivement les années de bonne santé.

Il y a vingt ans, un ministre libéral de la Santé, l'honorable Marc Lalonde, publiait un document de travail intitulé Nouvelle perspective de la santé des Canadiens qui allait influencer les systèmes de santé du monde entier. Pour l'époque, il s'agissait d'un document visionnaire. Cela fait chaud au coeur, aujourd'hui, de constater que tant d'aspects de la vision de Marc Lalonde se sont concrétisés grâce au ministère dont le nom nous occupe aujourd'hui.

Bien des éléments fondamentaux du système de santé que nous connaissons aujourd'hui ont été empruntés au document Lalonde. Le préambule à la Loi canadienne sur la santé, qui évoque les causes sociales, environnementales ou industrielles des maladies, s'en inspire. Le modèle des facteurs déterminants de la santé, sur lequel se penche aujourd'hui le Forum national sur la santé, a son origine dans le document Lalonde.

Selon Nouvelle perspective de la santé des Canadiens, et je cite: «Si nous évaluons soigneusement toutes les répercussions de l'environnement et des habitudes de vie sur la santé [. . .] il ne fait aucun doute que dans un tel contexte, l'équation traditionnelle entre le niveau de santé et le nombre de médecins et d'hôpitaux ne tient pas compte de la réalité.» Avec justesse, le document prédit que pour améliorer la santé des Canadiens dans l'avenir, nous devrons assainir le milieu, réduire les risques auxquels nous nous exposons nous-mêmes et approfondir notre connaissance de la biologie humaine.

C'est là qu'est né le raisonnement en faveur d'un mieux-être social qui est au coeur même du nouveau projet de loi, comme le constateront les honorables députés. De là viennent les arguments contre le tabac et la consommation excessive d'alcool, qui sont repris aujourd'hui par la Stratégie de réduction de la demande tabac, de Santé Canada, et par les activités du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

De là viennent les arguments en faveur de la recherche sur la santé qui guident les travaux de laboratoire de Santé Canada et les activités du Conseil de recherches médicales, lequel ne relève pas du ministère, mais du Parlement, auquel il rend compte par l'intermédiaire du ministre de la Santé. De là vient l'argument selon lequel chacun est responsable de sa propre santé et doit se maintenir suffisamment en forme pour assurer son propre bien-être. Comme les honorables députés le savent, la responsabilité de la promotion de la condition physique a été rapatriée à Santé Canada.

(1600)

Désormais, c'est au ministère de la Santé qu'il incombe d'encourager les Canadiens et les Canadiennes à rester actifs physiquement tout au long de leur vie, car l'activité physique est importante au maintien de la santé. Santé Canada aide de nombreuses organisations à ouvrir et à élargir l'accès à l'activité physique pour tous les Canadiens en général et pour toutes les personnes handicapées en particulier, car ces dernières sont sans doute celles qui ont le plus besoin d'activité physique et celles qui se heurtent au plus grand nombre d'obstacles en ce domaine.

Avec la réorganisation du ministère de la Santé-raison principale de la présentation du projet de loi C-95-un autre élément déterminant de la santé des Canadiens est intégré aux activités ministérielles. C'est la sécurité des produits, dont la responsabilité est transférée de l'ancien ministère de la Consommation et des Affaires commerciales au ministère de la Santé. En effet, assurer la sécurité des produits fait partie de cette tâche plus vaste qu'est la protection de la santé des Canadiens. Les accidents au foyer et au travail sont une cause importante de décès et d'invalidité chez les 5 à 35 ans. Ils diminuent la jouissance de la vie, ils entraînent des pertes économiques et ils font grimper les frais médicaux et hospitaliers.

Beaucoup de ces accidents sont liés à des produits de consommation ou à des produits ménagers. C'est Santé Canada qui administre maintenant la Loi sur les produits dangereux. Cette loi réglemente la vente, l'annonce et l'importation de certains produits dangereux et elle exige que les consommateurs soient bien informés des dangers rattachés au mauvais usage d'autres produits.

Avant de conclure, j'aimerais souligner un point auquel nous n'accordons pas assez d'importance, à mon avis, lorsque nous pensons à ce qui contribue à la santé et au bien-être des Canadiens. Bien sûr, ce sont les provinces qui se chargent de fournir les services de santé à la population, mais certains problèmes de santé franchissent les frontières provinciales. Leurs causes, en effet, sont profondément enracinées dans le tissu social.

Pour que les Canadiens soient en bonne santé, il est essentiel que leurs besoins de base soient satisfaits. Ils doivent avoir un emploi et un revenu raisonnable et pouvoir s'occuper de leur famille. Le gouvernement fédéral joue ici un rôle important. Il doit contribuer à maintenir une structure économique viable, propice à l'atteinte de ces objectifs.

Le programme gouvernemental Emploi et croissance est étroitement lié à l'amélioration de la santé des Canadiens. La réduction du déficit donnera des résultats positifs sur le plan économique et la santé des Canadiens s'en trouvera améliorée. Nous travaillons donc à la même cause et c'est Santé Canada qui tient le flambeau. Pour ces raisons, j'appuie le projet de loi C-95 et ce, sans aucune hésitation.

[Traduction]

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à saisir l'occasion de commenter certains propos du député de Macleod. Je remarque qu'il ne se trouve pas à la Chambre.

Le président suppléant (M. Kilger): Je rappelle à la secrétaire parlementaire que le Règlement de la Chambre nous interdit de signaler l'absence d'autres députés, d'autant plus que nous savons


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tous à quelles contraintes de temps nous devons nous plier à divers moments.

Mme Fry: Monsieur le Président, je vous prie de m'excuser. Je voudrais donc commenter les propos du député de Macleod. Sans vouloir manquer de respect à William Shakespeare, il me semble que le député proteste un peu trop. Il a répété tant et plus que le Parti réformiste ne voulait pas d'un régime médical comme celui des États-Unis, que le tiers parti appuyait l'assurance-maladie.

Le député est souvent revenu à la charge. Je dois dire, en toute déférence, que les grandes déclarations et les répétitions ne veulent rien dire puisque, dans les faits, le Parti réformiste appuie un régime à deux volets qui ferait disparaître l'assurance-maladie telle que nous la connaissons.

Le député a parlé de listes d'attente.

(1605)

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais avoir des éclaircissements de la part de la secrétaire parlementaire.

Je reconnais que le député de MacLeod a parlé avant le dernier orateur, un député ministériel, auquel s'adresse la période des questions et des réponses. J'admets qu'un député puisse faire une observation sur les propos de l'orateur précédent et, pertinence oblige, que le député revienne à l'intervention du dernier orateur, le député de Pierrefonds-Dollard. Je demande à la secrétaire parlementaire de traiter des observations du dernier orateur.

Mme Fry: Monsieur le Président, je voudrais faire des observations sur le régime d'assurance-maladie et sur la façon dont il sera restructuré. Comme le député vient de le dire, des changements structurels sont nécessaires pour faire entrer le système dans le XXIe.

Le coût du régime d'assurance-maladie et les changements qu'il faut y apporter, ainsi que je l'ai dit dans mon propre discours et que le député vient de le dire, ont trait au fait qu'il existe des préoccupations et un intérêt nationaux que le nouveau ministère national de la Santé doit étudier avec soin.

La recherche embrasse un large éventail de questions. Il y a de toute évidence des domaines locaux de recherche, de promotion et de prévention de la santé qui relèvent des provinces parce qu'ils ont trait à des questions liées à des problèmes régionaux, à des problèmes écologiques locaux et à des caractéristiques régionales et locales.

Dans cet éventail, il y a des questions plus générales qui ont trait à la question globale de la santé en tant que telle ainsi qu'à toute la gamme des problèmes de la santé auxquels sont confrontés les Canadiens. En fait, il est efficace et efficient pour le gouvernement fédéral et la santé nationale que l'on se penche sur ces questions-là. C'est efficace parce que la collecte de données à un seul point entraîne des économies et produit une base unique facilitant la coordination et permettant l'utilisation des données au besoin sans qu'il soit nécessaire de dédoubler le service et de reproduire les données recueillies dans 12 différents centres, comme ce serait le cas si nous laissions chaque province et chaque territoire répéter ou reproduire ce que d'autres provinces font déjà. Les questions de soins de santé, de promotion de la santé et de prévention de la maladie transcendent les frontières provinciales et les intérêts régionaux ou locaux étroits.

Le gouvernement fédéral a un rôle précis à jouer dans le domaine de la recherche et de la promotion de la santé de même que dans les programmes concernant les bébés à faible risque. Ce sont là des sujets qui concernent tous les Canadiens. Aucun ne touche qu'une seule province.

Lorsque nous parlons d'efficacité, de soins efficaces et d'efforts suffisants, nous devons mettre l'accent sur cela et il convient que le gouvernement fédéral s'en occupe. Je le répète, c'est là un domaine où le gouvernement fédéral peut agir plus efficacement qu'une province seule. Nous savons tous que, lorsqu'ils se sont rencontrés, les ministres de la santé ont reconnu que c'était là un rôle véritable du gouvernement fédéral.

Si l'on parle de sécurité, il est beaucoup plus facile pour un organisme central d'évaluer les médicaments, les appareils et les aliments qui arrivent au pays, puisque tout ce qui entre dans une province peut ensuite être transporté librement dans tous les coins du pays, que ce soit l'île-du-Prince-Édouard ou l'île de Vancouver. Par conséquent, un organisme central peut mieux garantir un certain niveau de sécurité que plusieurs organismes agissant chacun de leur côté.

L'existence d'un ministère national de la santé est dans l'intérêt de toute la population et ne constitue pas une ingérence dans un domaine de compétence provinciale. C'est, pour le gouvernement fédéral, un très bon moyen de garantir la sécurité et de s'occuper de promotion de la santé et de prévention des maladies.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): J'aimerais tout simplement savoir à nouveau si l'honorable député de Pierrefonds-Dollard a des commentaires à ajouter à ceux qui sont faits au sujet de son discours?

J'accorde la parole à l'honorable député de Pierrefonds-Dollard.

M. Patry: Monsieur le Président, je remercie la secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé. À mon avis, la déposition aujourd'hui, le fait de discuter du projet de loi C-95 est quand même très important, parce que c'est une évolution comme telle dans le sens de la santé. On parle beaucoup plus de prévention et on rapatrie, auprès du ministère de la Santé, certaines réglementations, telles que les produits dangereux et d'autres produits similaires, au chapitre du conditionnement physique des citoyens sous le chapeau de la santé.

(1610)

Pour moi, l'avenir de la santé au Canada est la prévention. On a beaucoup parlé de soins aux gens, mais avant de donner des soins, il faut prévenir. C'était le but du projet de loi aujourd'hui, et j'en suis fier.

[Traduction]

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais poser une question à mon collègue, qui est médecin et qui a écouté très attentivement le discours fort éloquent de mon autre collègue du Parti réformiste. J'ajouterai même que c'est l'un des meilleurs discours que j'aie entendus à la Chambre. Il a entendu le député raconter de façon très éloquente l'histoire tragique de Stephanie. Mon collègue a dû avoir de nombreux


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patients comme cela qui ont terriblement souffert parce qu'ils n'avaient pas accès à ce que nous considérons comme étant des services essentiels, à cause des contraintes imposées par la Loi canadienne sur la santé.

La ministre de la Santé a souvent dit à la Chambre que nous devons voir à ce que les Canadiens aient accès aux services essentiels dans le secteur des soins de santé et que les propositions du Parti réformiste auront pour effet de limiter en quelque sorte cet accès. Comment peut-on parler d'accès accru, compte tenu de la hausse des coûts, du vieillissement de la population et de l'augmentation de la demande? Lorsque la demande augmente et que nos ressources sont limitées, comment pouvons-nous assurer l'accès aux services essentiels dans le secteur des soins de santé?

Nous voulons modifier, et non détruire, la Loi canadienne sur la santé pour permettre l'exploitation de cliniques privées, où l'argent dépensé serait celui des particuliers et non celui des contribuables, pour permettre que des services privés soient accessibles aux Canadiens. Ce n'est peut-être pas un système équitable, mais il donne à tous les Canadiens un accès accru aux soins de santé.

Comment notre plan va-t-il détruire les soins de santé dans ce pays s'il accroît l'accès aux soins de santé pour tous les Canadiens, quel que soit leur revenu?

[Français]

M. Patry: Monsieur le Président, ce que j'ai retenu dans le discours précédent, avant les remarques de mon collègue, dans le discours du député du Parti réformiste, c'est le fait qu'il a dit à cette Chambre que le système de santé canadien était quand même un des meilleurs sinon le meilleur au monde et qu'il ne voulait en aucune façon avoir un système de santé calqué sur le modèle américain.

Pour moi, le fait de pouvoir avoir des cliniques privées, tel que mentionné par l'autre collègue, serait le début du démantèlement comme tel du système de santé tel qu'on le connaît au Canada et le début d'un système pour deux classes de gens, un pour les riches et un pour les pauvres.

Je suis très conscient des cas tels que mentionnés par le député de Macleod, le cas de Stephanie. Il y en a dans tous les comtés de notre pays, mais je crois que, actuellement, les services essentiels sont bien desservis. Il y a quand même des améliorations à apporter aux services essentiels, et ces améliorations passent par la prévention. Je crois que, sans cette prévention, nous aurons des problèmes dans l'avenir. Mais, avec la vision actuelle du gouvernement telle que nous l'avons présentement, la prévention est essentielle et on abordera le prochain millénaire dans cette direction.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi que je commente aujourd'hui est le projet de loi C-95, intitulé Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois. D'entrée de jeu, il m'apparaît essentiel de rappeler à mes concitoyens et concitoyennes que la santé est un domaine de juridiction provinciale.

En vertu des paragraphes 7 et 16 de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'interprétation qu'en ont faite les tribunaux jusqu'à ce jour, il est clairement établi et reconnu que la santé et les services sociaux relèvent de la compétence exclusive des provinces.

(1615)

Or, les interventions du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé sont légion et ne datent pas d'aujourd'hui. En effet, depuis le début du siècle, le gouvernement fédéral a adopté les législations suivantes en matière de santé: en 1919, le gouvernement fédéral crée son ministère de la Santé et octroie ses premières subventions; en 1948, il instaure un Programme national de subventions à la santé; en 1957, il adopte la Loi fédérale sur l'assurance-hospitalisation; en 1966, il adopte la Loi sur les soins médicaux; en 1984, il adopte la Loi canadienne sur la santé qui établit les principes fédéraux du système de santé canadien.

Le gouvernement du Québec a toujours dénoncé les interventions du gouvernement fédéral dans le domaine de la santé. Dès 1926, le gouvernement Taschereau a été le premier à s'opposer à l'ingérence du fédéral dans le domaine de la santé et toutes les administrations québécoises qui lui ont succédé depuis ont fait de même.

Au fil des ans, toutes ces intrusions du gouvernement fédéral ont coûté de plus en plus cher aux contribuables canadiens et québécois. Et Ottawa a pu se permettre d'être prodigue, le gouvernement payait ses dépenses avec l'argent des provinces ou encore avec des emprunts, ce qui a eu pour conséquence de nous endetter tous.

Je rappellerai brièvement que, lors de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement central d'Ottawa avait invoqué l'effort de guerre pour empiéter sur les impôts des particuliers et des compagnies qui appartenaient jusqu'alors uniquement aux provinces. Cette mesure qui devait n'être que temporaire perdure.

Il est bien clair que le gouvernement fédéral a succombé à la tentation d'exercer de plus en plus de contrôle et de ne pas retourner aux provinces les pouvoirs fiscaux d'avant guerre. Il a décidé plutôt d'octroyer des subventions conditionnées à l'établissement des programmes décidés par le gouvernement canadien.

Ce contrôle des ressources fiscales a permis une centralisation ininterrompue du gouvernement fédéral qui s'est traduite par des dédoublements sans fin et un gaspillage éhonté des fonds publics. Ce qui est encore plus grave, c'est que pour se maintenir au pouvoir, des générations de politiciens et de politiciennes du fédéral ont donné des cadeaux en endettant les générations futures de Québécois et de Québécoises et de Canadiens et de Canadiennes.

À l'heure actuelle, et ce, malgré qu'il agisse clairement dans un champ de juridiction provinciale, Santé Canada jouit aujourd'hui d'une stature importante: son budget de fonctionnement atteint plus de un milliard de dollars en 1995-1996, alors que les paiements de transfert aux provinces atteignent 7 milliards pour la même année.

Et le gouvernement fédéral n'a jamais démontré l'intention de relâcher son emprise sur le système canadien de la santé. Ainsi, lors de la campagne électorale de 1993, le Parti libéral du Canada publiait dans son livre rouge, et je cite: «Le gouvernement fédéral doit avoir pour mission de mobiliser les efforts en rassemblant les compétences et les connaissances dans le domaine de la santé au Canada. La santé intéresse tous les Canadiens et le gouvernement


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fédéral doit leur donner les moyens de s'impliquer et de s'informer pour bien comprendre les enjeux.»

Pour une fois, le Parti libéral a tenu parole. Le 29 juin dernier, malgré l'opposition de toutes les provinces canadiennes, la ministre de la Santé annonçait la création du Forum national sur la santé. Ce forum avait pour mandat, premièrement, d'élaborer une vision de ce que sera le système de santé canadien au XXIe siècle; deuxièmement, de favoriser le dialogue entre les Canadiens et les Canadiennes et le Canada au sujet de leur système de santé; et troisièmement, de définir les priorités pour l'avenir.

(1620)

Le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec,M. Jean Rochon, écrivait à la ministre fédérale de la Santé, le 14 octobre 1994, pour lui rappeler ceci, et je cite:

Le mandat de ce Forum constitue un empiétement du gouvernement fédéral dans un champ de compétence essentiellement provinciale, ce qui est inacceptable. La volonté clairement exprimée par votre gouvernement de confier à ce Forum le mandat de déterminer les priorités de l'avenir en regard du renouvellement du système de santé, ainsi que les moyens à prendre pour y parvenir, représente une intrusion directe dans les responsabilités des gouvernements des provinces que ne saurait masquer le caractère consultatif que vous prêtez aux recommandations émanant de ce Forum.
Le ministre Rochon ajoutait dans sa lettre que le Québec n'avait pas attendu le leadership du fédéral pour adapter son système de santé aux besoins du jour et qu'il avait déjà tenu des consultations importantes auprès de la population québécoise.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec rappelait à la ministre fédérale que les coupures qu'elle avait imputées à ses transferts aux provinces en matière de santé ne constituaient pas la meilleure action qu'un gouvernement puisse prendre pour défendre et promouvoir un système de santé au Canada.

Ce sont justement ces coupures majeures qui remettent en question les principes mêmes prônés par la Loi fédérale sur la santé.

En effet, alors que le gouvernement fédéral poursuivait son offensive de mainmise sur une juridiction du domaine provincial, il diminuait unilatéralement et dramatiquement ses contributions au financement des programmes de santé des provinces canadiennes.

À ce sujet, au printemps 1995, le Conseil national du bien-être social, un organisme qui a pour mandat de conseiller la ministre de la Santé, la mettait en garde contre une telle situation en déclarant et je cite: «Il serait extrêmement hypocrite de réduire les contributions aux provinces [. . .] tout en accroissant les exigences qu'elles devraient respecter».

C'est pourtant exactement ce que le gouvernement est en train de faire. Il est opportun de rappeler que lors de la création, par le ministère des Finances, du programme nommé «Financement des programmes établis» dans le cadre duquel se font les transferts aux provinces aux chapitres des services sociaux, de la santé et de l'éducation postsecondaire, il avait été convenu que ces paiements de transfert seraient indexés en fonction de l'accroissement de l'économie canadienne.

Or, depuis 1986, le gouvernement fédéral puise à même ces transferts pour limiter son déficit. De manière unilatérale et sans égard à la capacité de payer des provinces, il a économisé, seulement sur le dos des Québécois et des Québécoises, entre 1982 et 1995, au chapitre de la santé, 8 milliards de dollars. Ce manque à gagner pour le Québec s'est traduit par une hausse d'impôt pour pallier au désengagement du gouvernement fédéral.

J'ajoute que selon une étude effectuée par l'Institut C.D. Howe, de 1988 à 1992, alors que les dépenses au titre du Financement des programmes établis étaient stagnantes, les dépenses des autres programmes du gouvernement fédéral augmentaient de 25,5 p. 100. Autrement dit, alors que le fédéral disait aux provinces de se serrer la ceinture, il dépensait allègrement et continuait à augmenter le déficit.

Le manque de stabilité du financement fédéral dans le domaine de la santé crée un grave problème. Les montants sont tour à tour gelés, réduits, désindexés selon l'humeur du ministre des Finances et les besoins de trésorerie de son ministère. Il n'y a plus de formule de financement fixe, acceptée de tous. Les montants sont fixés unilatéralement et de manière arbitraire par le gouvernement fédéral, sans égard aux coûts réels des programmes provinciaux.

Cette variation constante du financement, qui est toujours à la baisse, est devenue le cauchemar de tous les intervenants et intervenantes du domaine de la santé.

Ce qui est plus grave, c'est que le ministre des Finances ne semble pas se rendre compte qu'il ne jongle pas uniquement avec des colonnes de chiffres, mais qu'il joue avec la santé des citoyens et des citoyennes du Québec et du Canada.

(1625)

En février dernier, le ministre des Finances, dans son dernier budget, a choisi de réduire une fois de plus les transferts aux provinces au chapitre de la santé. Par conséquent, le Québec devra absorber un manque à gagner de 650 millions, seulement au chapitre de la santé et des services sociaux en 1996-1997, et de1,9 milliard en 1997-1998. Cela fait sans doute partie des bienfaits du fédéralisme.

Au printemps de 1995, le Conseil national du bien-être social commentait ainsi les coupures prévues au financement des programmes de santé du Canada, et je cite: «Les projets annoncés dans ce budget [. . .] auraient pour conséquence vraisemblable d'entraîner le démantèlement d'un système national [. . .] de services sociaux que nous avons mis une génération à bâtir.»

Le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, pour sa part, déclarait à propos de ces coupures, et je cite:

[Traduction]

«Le budget de février dernier, qui réduisait les transferts aux provinces au titre de la santé [. . .] a forcé les provinces à envisager des réductions désagréables qui menacent l'assurance-maladie.»


16159

[Français]

Si la ministre de la Santé du Canada avait tant à coeur le système de santé du Canada, elle aurait fait comme son collègue de Notre-Dame-de-Grâce et se serait opposée au dernier budget de son gouvernement qui attaquait les programmes sociaux. Elle se serait tenue debout lors des réunions du Conseil des ministres où ces décisions ont été prises et aurait opposé, aux chiffres du ministre des Finances, les besoins pressants de la population canadienne pour des soins de santé de qualité. La ministre de la Santé aurait pu suggérer au gouvernement d'aller chercher des ressources chez ceux et celles qui ont beaucoup d'argent et qui bénéficient de nombreux abris fiscaux, en commençant par la liste des généreux bailleurs de fonds du Parti libéral, sans oublier les compagnies du ministre des Finances.

Mais ce n'est pas ce qu'elle a fait. Aujourd'hui, elle nous présente un projet de loi qui perpétue la mainmise du fédéral sur la santé, un domaine de juridiction exclusive des provinces. Les paragraphes 2a) et 2b de l'article 4 pourraient aisément être utilisés par le gouvernement fédéral pour s'immiscer davantage dans l'administration des soins de santé au Canada.

Le projet de loi qui est devant nous pousse l'hypocrisie jusqu'à inscrire à l'article 12, et je cite:

Aucune disposition de la présente loi ou de ses règlements n'autorise le ministre ou un fonctionnaire du ministère à exercer sa compétence ou son autorité sur un organisme de santé régi par une loi provinciale.
Lorsque par ses coupures, le gouvernement fédéral réduit de manière aussi draconienne le financement des services de santé des provinces, il intervient dans le fonctionnement des organismes soumis à l'autorité provinciale en réduisant leur capacité de continuer à offrir un niveau de services adéquats aux besoins des citoyens et des citoyennes du Québec et du Canada.

Le Bloc québécois dénonce ce projet de loi parce qu'il consacre l'ingérence du fédéral dans les juridictions provinciales. Le Québec, dans le domaine de la santé, a ses priorités et doit avoir le droit de les gérer par lui-même, et ce, conformément à la Constitution actuelle. Ce projet de loi ne parle pas d'assurer un financement adéquat et stable pour la santé. La ministre a abdiqué ses responsabilités dans ce domaine et se soumet aux diktats du ministre des Finances.

Ce projet de loi attaque tellement les provinces, sans aider à régler aucun des problèmes pressants du domaine de la santé, que même les plus ardents fédéralistes ont décidé de combattre les initiatives de la ministre de la Santé.

Le ministre conservateur de la Santé de l'Ontario, Jim Wilson, a déclaré le 19 septembre dernier que l'on devait combattre la volonté du fédéral de dicter aux provinces son interprétation des principes qui devraient régir le système de santé, et je le cite:

[Traduction]

«On devrait, par principe, se battre contre le gouvernement fédéral parce qu'il dicte aux provinces son interprétation de ce qu'est l'assurance-maladie.»

[Français]

Ce même jour, Ralph Klein, premier ministre conservateur de l'Alberta, dénonçait lui aussi l'inflexibilité du fédéral, et je cite:

[Traduction]

«Marleau [. . .] n'envoie pas un bon message au Québec. Son message dit qu'il n'y a aucune flexibilité au sein de la confédération.»

[Français]

Dans un communiqué commun à l'occasion d'une rencontre des ministres de la Santé, les provinces déclaraient que la volonté fédérale de prendre des décisions unilatérales pour le financement de la santé, l'interprétation des normes ou la fixation de dates limites arbitraires pour la fin des consultations n'aidait en rien à résoudre le problème.

(1630)

Parce que le gouvernement fédéral est incapable d'assurer adéquatement la protection de la santé des citoyens et des citoyennes du Québec et du Canada, parce que les coupures continuelles constituent la principale menace qui pèse sur la santé de la population du Québec et du Canada, le gouvernement fédéral devrait se retirer du domaine de la santé et transférer aux provinces les ressources fiscales qui leur permettraient de prendre la relève avec beaucoup plus de succès.

[Traduction]

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, j'ai apprécié les remarques de la députée. J'aimerais bien pouvoir parler couramment cette belle langue qu'est le français, mais je ne suis pas encore assez bonne pour tenir des conversations aussi détaillées. Je dois m'en tenir à l'anglais.

Les besoins des Québécois en matière de soins de santé sont les mêmes que ceux des habitants de ma province, la Nouvelle-Écosse. Toutes nos provinces ont été confrontées à de graves problèmes de déficits, et nous avons dû prendre des mesures pour réduire ces déficits. Je tiens cependant à rappeler à la députée que le Québec n'a encore rien fait pour essayer de réduire son déficit, contrairement aux autres provinces. C'est un point important à considérer lorsqu'il est question des soins de santé.

Une autre différence qui existe dans le système de soins de santé, c'est que certaines provinces incluent dans leur régime des services que d'autres n'incluent pas. Par exemple, dans certaines provinces, la chirurgie esthétique fait partie du régime de soins de santé. Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, nous offrons plus que la protection de base dans certains programmes comme les soins dentaires pour les enfants. C'est un excellent programme qui couvre les soins dentaires pour les enfants jusqu'à l'âge de 16 ans.

Ce qui est arrivé, c'est que les provinces ont ajouté à leurs régimes toutes sortes de choses qui vont au-delà des soins de santé de base, mais elles n'en ont pas les moyens. Nous avons entendu dire récemment que le Québec doit fermer quelque 25 hôpitaux, et ce n'est pas à cause des réductions faites par le gouvernement fédéral, mais bien à cause des dépenses excessives faites par cette


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province et des programmes qu'elle a ajoutés à son régime de soins de santé.

Ce que le gouvernement fédéral veut, et je demande à la députée si elle est d'accord avec moi sur ce point, c'est que tous les Canadiens aient accès à des soins de santé de base. C'est essentiel à l'unité du pays. Nous devons adopter une approche fédéraliste forte pour répondre à nos besoins en matière de soins de santé, sans quoi nous courons au désastre.

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, je voudrais rappeler plusieurs choses à ma collègue. D'abord, je la remercie de sa question et de ses commentaires. Mais je veux lui rappeler qu'entre 1988 et 1992, les dépenses du Financement des programmes établis ont été stagnantes. Pendant ce temps-là, le gouvernement fédéral a gaspillé dans les autres programmes, avec 25,5 p. 100 d'augmentation dans les autres programmes.

Alors, quand on me dit qu'il faut couper parce qu'il y a un déficit, il faut d'abord couper où on gaspille, madame, entre autres dans les budgets de l'armée.

M. Milliken: Ah, oui. Toujours, toujours.

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): L'augmentation des programmes, entre 1988 et 1992, ça a été stagnant pour la santé.

M. Milliken: Il faut vous calmer.

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Laissez-moi parler, vous, monsieur le député d'en face, là.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais dire un petit mot, simplement pour rappeler à mes collègues des deux côtés de la Chambre de toujours faire leurs commentaires par l'entremise de la Présidence. Je crois que, de cette façon, ça peut aider quand même à ce qu'on puisse s'exprimer avec toute la vigueur nécessaire. Mais, par contre, qu'on se souvienne toujours de la Présidence.

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, très juste, merci de me le rappeler. Mais j'aimerais bien que ma collègue, avant de dire ce qu'elle a dit sur le Québec, qu'elle prenne les informations à la source. Le Québec a modifié considérablement son programme de santé.

(1635)

Le Québec a même perdu le référendum, peut-être. Un des éléments qui nous a fait perdre le référendum, c'est peut-être la réforme Rochon. Alors, dans le domaine de la santé, nous avons pris les grands moyens, on a modifié considérablement des choses. C'est sûr qu'il y a des soins de santé qu'on prodigue au Québec qui sont refusés dans d'autres provinces. Par exemple, on peut faciliter pour toutes les femmes les avortements si elles le veulent; il y a d'autres provinces qui négligent cela. On a fait le virage ambulatoire. On réduit considérablement le temps d'hospitalisation. On a fermé des hôpitaux. On a modifié la fonction et les services de certains hôpitaux; certains d'entre eux qui offraient des soins journaliers offrent maintenant des soins qui requièrent une hospitalisation et des soins prolongés.

Donc, avant de regarder dans la cour du voisin, j'inviterais la députée a regarder dans sa propre province parce que, la veille du référendum, son ministre des Finances disait qu'il ne serait plus capable de contrôler ses finances si le Québec se séparait.

[Traduction]

Mme Hedy Fry (secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais commenter brièvement le discours de la députée et lui poser une question.

Elle nous a donné un merveilleux historique des événements survenus depuis 1919. À la fin de ce survol, la députée a déclaré que le point culminant de tout cela était ce que nous appelons maintenant le régime d'assurance-maladie du Canada, régime qui, je m'empresse de l'ajouter, a été créé par un premier ministre libéral.

Ce régime bénéficie à tous les Canadiens, y compris aux Québécois. Il fait aussi l'envie du monde. Tous les sondages et toutes les études qui ont été faites démontrent que 89 p. 100 des Canadiens, dans toutes les provinces, y compris au Québec, disent qu'ils veulent conserver ce régime. Il est important pour eux en tant que Canadiens. C'est ce que le Canada possède de plus important. En fait, l'assurance-maladie a été quelque chose de très positif et les Canadiens y sont très attachés.

Je voudrais parler un peu du forum national sur la santé, qui, selon la députée, constituerait une ingérence dans un domaine de compétence provinciale.

Les membres de ce forum proviennent de toutes les provinces, y compris du Québec. Il est composé de simples citoyens. Il n'est pas composé de fonctionnaires.

Je me demande si la députée croit que le gouvernement du Canada n'a pas le droit de parler aux Canadiens de toutes les provinces, puisque c'est à cela que sert le forum. Le forum ne modifie rien. C'est un lieu où le gouvernement peut dialoguer avec des citoyens ordinaires. Le gouvernement du Canada ne peut-il pas dialoguer avec des Canadiens ordinaires? Dans notre livre rouge, nous avions promis que nous serions à l'écoute des simples citoyens et que nous tiendrions compte de leur opinion.

La députée parle de compressions et d'ingérence dans les domaines de compétence provinciale. La responsabilité de Santé Canada, en ce qui concerne la Loi canadienne sur la santé et l'assurance-maladie, est une responsabilité contractuelle. Le gouvernement du Canada signe avec les provinces un contrat où il s'engage à leur donner des fonds et où elles s'engagent à respecter certaines conditions pour obtenir ces fonds.

Les provinces ne sont tenues d'accepter aucune condition, mais dans ce cas, elles ne reçoivent pas d'argent puisque c'est ce qui est prévu dans le contrat. Une partie accepte de donner de l'argent et


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l'autre accepte de respecter certaines conditions. C'est exactement ce que font les provinces lorsqu'elles signent le contrat.

Enfin, la députée a parlé des répercussions des compressions sur la capacité du gouvernement du Québec de fournir les services. Ce gouvernement prévoit consacrer 13,4 milliards de dollars à la santé au cours de l'année 1995-1996. Il a réduit le budget de la santé de 565 millions de dollars bien avant que le gouvernement fédéral fasse connaître le montant des compressions qui frapperont ses paiements de transfert au titre de la santé pour 1996-1997.

La députée pourrait-elle me dire pourquoi le gouvernement du Québec a-t-il fait ces compressions si son système de santé avait vraiment besoin d'argent? Pourquoi a-t-il réduit le budget de la santé de 545 millions de dollars si, selon la députée, le système de santé du Québec a besoin de plus d'argent?

(1640)

[Français]

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, c'est quand même triste d'entendre ce qu'on entend ici dans cette Chambre. On a essayé de démontrer à la population du Québec qu'il n'y avait pas d'avantage à être dans la Confédération canadienne et, chaque jour depuis qu'on est revenu, on accumule des preuves additionnelles, de l'incompréhension totale et absolue de ce qui se passe dans ce pays. Les gens sont aveugles. Les politiciens et les politiciennes sont aveugles.

D'une part, on nous reproche de ne pas couper; d'autre part, on nous reproche d'avoir coupé avant le temps. Je pense que notre gouvernement a pris ses responsabilités. Il y avait une réforme à faire dans le domaine de la santé, parce qu'on est capable de prévoir que vous allez nous couper les fonds. Quand il va nous manquer 650 millions et 1,9 milliard en deux ans, cela fait près de 2,5 milliards de dollars. Il me semble que si on est un gouvernement responsable, on prévoit le coup. Mais ce que je trouve répréhensible de ce gouvernement qu'on a en face de nous, c'est de ne plus payer et de vouloir encore tout contrôler.

Quand j'étais jeune et que je vivais chez mon père, j'acceptais les conditions, puisque c'était lui qui me logeait et me nourrissait. Mais quand j'ai pris mon propre appartement que j'ai payé avec mon propre argent, j'ai décidé de vivre ma propre vie.

Alors quand on ne paie plus, on n'a pas le droit de dire aux autres quoi faire avec l'argent. Quand on a une juridiction qui ne nous appartient pas, on n'a pas le droit d'aller la voler aux autres et de leur dire: «Elle vous appartient, mais je vais faire ce que je veux avec.» C'est inacceptable dans la conjoncture actuelle de voir autant d'insensibilité, autant d'incompréhension, autant d'arrogance, autant de mépris. Et d'insultes de vous, monsieur, on n'en prend plus.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de passer au débat sur le projet de loi C-95, je demande aux députés des deux côtés de la Chambre de poursuivre nos travaux avec tout le respect auquel nous tenions tant lorsque nous avons été élus lors des dernières élections fédérales qui ont précédé la 35e législature.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, j'appuie le projet de loi C-95. Le ministère de la Santé est très important. C'est le ministère qui s'occupe de l'homologation des médicaments, de la sécurité des produits et de la mise en oeuvre des lois sur la santé. C'est aussi le ministère qui protège contre les maladies, qui sont l'ennemi commun de tous les Canadiens.

De temps à autre, les députés de l'opposition ont reproché au ministère de la Santé de trop dépenser d'argent. À mon avis, c'est de l'argent bien dépensé et le ministère ne dépense pas plus que l'exigent ses responsabilités. Pensez un peu à toute la gamme d'activités essentielles que recoupe la mission du ministère, qui consiste à aider les Canadiens à rester en santé et à améliorer leur santé.

(1645)

Santé Canada joue un rôle capital dans la protection de la santé des Canadiens. Depuis un certain temps la Chambre des communes est préoccupée par les coupures, mais les députés savent très bien que certaines exigences qui pèsent sur le système de santé ne disparaîtront pas uniquement parce que les budgets sont coupés.

Les menaces qui planent sur la santé ne connaissent pas les compressions budgétaires. Le ministère de la Santé doit relever le défi consistant à maintenir une infrastructure qui garantit la qualité des soins que reçoivent les Canadiens en période de prospérité comme en période de contraintes.

Plus de 2 000 personnes travaillent au ministère pour protéger la santé des Canadiens. Ils élaborent des règlements sur les produits et les services, principalement en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, mais aussi en vertu d'autres lois sur la qualité de l'air et de l'eau.

Santé Canada doit gérer les risques chimiques et radiologiques qui pèsent sur l'environnement. Chaque année, il faut trouver le moyen et les fonds pour examiner 1 000 nouveaux appareils médicaux avant qu'ils soient mis sur le marché.

Santé Canada interdit ou réglemente la vente de produits dangereux et la publicité sur ces produits, et informe les consommateurs sur ceux qui sont mis en marché. Avec toutes leurs autres préoccupations, les gens ne veulent pas avoir à s'inquiéter de ces produits. Le ministère les libère de ce fardeau.

Dans son sens large, la protection de la santé inclut la sécurité des produits. Les accidents qui surviennent à la maison et au travail constituent une cause majeure de décès et d'invalidité chez les personnes de 5 à 35 ans. De plus, ces accidents entraînent des pertes économiques et exigent beaucoup de ressources financières de nos services médicaux et hospitaliers.

Chaque année, des milliers d'inspections d'aliments et de médicaments-près de 3 000 l'an dernier-sont effectuées dans les établissements. Chaque inspection nécessite en moyenne cinq analyses d'aliments, de médicaments et d'appareils médicaux-14 000 l'an dernier. Le ministère est responsable de la


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qualité nutritionnelle des aliments. Il doit aussi s'assurer que les additifs et les produits chimiques utilisés en agriculture ainsi que les méthodes de transformation sont sans danger.

En 1994, plus de 77 000 analyses ont été faites sur des substances qu'on croyait être des drogues illégales. Santé Canada administre la Loi sur les stupéfiants. Le ministère veille également à ce que les drogues qui sont utiles lorsque utilisées telles que prescrites ne puissent pas représenter un risque inacceptable lorsqu'elles sont consommées autrement. Tous les produits pharmaceutiques utilisés au Canada doivent être certifiés par le ministère. On a modifié le processus de renouvellement de la certification des médicaments pour que les consommateurs soient mieux protégés et qu'ils puissent avoir accès plus facilement à d'importantes nouvelles drogues.

Au cours des 12 derniers mois, on a enquêté sur 20 cas où l'on avait constaté une flambée de certaines maladies, notamment la tuberculose, le choléra, l'hépatite B, le virus hanta et la maladie du hamburger. Nous sommes incapable de prévenir ou de contrôler certaines nouvelles infections, parce que nous n'en savons pas assez à leur sujet. Tous les jours, la radio, la télévision et la presse écrite nous font part de notre incapacité de dépister les bactéries résistantes aux drogues ou les nouveaux virus. La population est mieux renseignée que jamais dans l'histoire.

Le renseignement sanitaire, c'est une façon pratique de regrouper les connaissances, l'information disponible et la compréhension qu'on a de certains problèmes de santé dans différents champs de compétence et parmi les intervenants de la santé.

(1650)

Le Laboratoire de lutte contre la maladie du ministère de la Santé s'occupe actuellement d'améliorer le réseau de renseignement sanitaire. Cette initiative a l'appui des gouvernements provinciaux et devrait nous amener à participer à l'élaboration d'un nouveau réseau mondial destiné à détecter les nouvelles maladies. Les provinces savent qu'il est indispensable de faire preuve de leadership national dans ce domaine, si nous voulons faire les choix les plus rentables parmi toutes les options et les techniques de pointe qui s'offrent à nous.

Le gouvernement atteindra son objectif d'en avoir le plus possible pour son argent, dans le domaine de la santé, en prévenant la maladie avant qu'elle se manifeste et en favorisant des conditions de vie saines. Chaque dollar consacré à prévenir des conditions de santé déficientes nous permet d'économiser des centaines de milliers de dollars en coûts de traitement.

Le renseignement sanitaire est un des outils utilisés par le ministère pour traiter des questions complexes et persistantes comme la santé nationale, le cancer, le SIDA, la violence familiale, les maladies cardiaques et pulmonaires ou les carences prénatales. Le ministère appuie la recherche destinée à déterminer ce qui est susceptible d'améliorer la santé. Ensuite, il en fait la promotion par des campagnes d'éducation et de sensibilisation et en mettant sur pied des infrastructures et des programmes.

Par exemple, le ministère est à la fine pointe d'un réseau de programmes gouvernementaux visant les enfants. On est parti du principe, aujourd'hui très clair, que l'avenir des enfants dépend de leur première année de vie.

Le gouvernement dans son ensemble consacre plus de 15 milliards de dollars par an aux enfants canadiens et à leur famille, pour leur santé et leur développement. Santé Canada fournit toute une gamme de programmes pour les enfants à risque, soit d'agression, soit de blessures, soit de maladies sociales ou physiques. Cette année, son Initiative pour le développement de l'enfant comprend un système innovateur d'information sur les cancers de l'enfance et des stratégies pour la santé mentale des enfants.

Les députés ont entendu parler du programme de nutrition prénatale du ministère qui vise à réduire la tragédie des handicaps pouvant résulter de la malnutrition de la mère. C'est un effort intensif qui comprend la distribution de suppléments alimentaires ainsi que la fourniture de conseils dans le domaine de la nutrition et du mode de vie, notamment en ce qui concerne l'usage du tabac ou des drogues, le contrôle du stress et la violence familiale.

Alors que nous nous apprêtons à passer dans un nouveau siècle, pensons que lorsque nos arrières-grands-parents ont fait le même passage, leur espérance de vie moyenne était bien des années inférieure à la nôtre. Jusque dans les années 30, l'espérance de vie à la naissance du Canadien moyen était de 60 ans. Un garçon naissant aujourd'hui peut espérer vivre au moins 25 p. 100 plus longtemps. C'est l'équivalent d'une semaine supplémentaire par mois ou 13 semaines par année ou 15 ans de vie supplémentaire. Pour une fille, l'espérance de vie a été accrue de 18 ans.

L'amélioration de la nutrition, du logement, des conditions de travail, de l'hygiène ont contribué à l'amélioration de notre santé et à la prolongation de notre vie. Mais les merveilles de l'ingéniosité humaine s'appliquent également à la santé. Le choléra et le typhus, qui faisaient des ravages chez nos ancêtres, ont été enrayés. Nos enfants sont protégés contre la variole, la diphtérie et la poliomyélite par de simples vaccinations. Nous avons appris à prévenir les ravages de la syphilis et de la tuberculose. Dans les deux cas, le triomphe est total. Dans les deux cas, on a épargné des milliers de vies et évité des pertes énormes en ce qui concerne la productivité de ce pays. Dans les deux cas, on a économisé des milliards de dollars en termes de coût des soins de santé.

(1655)

Chaque année, le gouvernement fédéral consacre des millions de dollars à la recherche sur la santé, argent qu'il met à la disposition de toutes les provinces, de tous les hôpitaux, de tous les médecins du Canada. Les résultats de leurs recherches sauvent la vie des Canadiens.

Malheureusement, la triste réalité est qu'il y a toujours des maladies. Elles frappent au hasard et de façon imprévisible. Pour la plupart, pour ce qui est des maladies graves surtout, ce sont des accidents aveugles. Nous ne pouvons que les traiter une fois qu'elles ont fait leur apparition. Nous devons faire appel aux méthodes des soins de santé dans ces cas.

Heureusement, au Canada nous n'ajoutons pas à la tragédie de la maladie celle des coûts du traitement. Les dépenses sont entièrement payées par nos régimes universels et complets d'assurance--


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maladie, qui payent les honoraires du médecin de famille et du spécialiste, les frais des tests, de la radiothérapie, de la chimiothérapie, des chirurgies et de l'hospitalisation, ainsi que tout ce qui est nécessaire. Ce système est une source de fierté nationale.

Dans certaines provinces, on demandait aux patients de payer la différence entre le montant exigé par les intervenants et le montant payé par le régime provincial d'assurance-maladie. On a appelé cette pratique le ticket modérateur ou la participation aux frais. De même, certains médecins facturaient les patients en sus des taux approuvés par les provinces pour leurs services. Les honoraires médicaux supplémentaires et la participation aux frais menaçaient gravement notre régime national d'assurance-maladie.

Pour mettre fin à cette érosion, le gouvernement libéral du jour a promulgué la Loi canadienne sur la santé en 1984. Celle-ci promulguait les cinq principes qui constituent toujours le fondement de notre régime. Tout le monde a droit à tous les soins médicaux de base. Il y a égalité d'accès aux soins. Ce droit est transférable d'une province à l'autre. C'est le secteur public qui s'occupe de l'administration et des paiements. C'est toujours cette mesure législative qui régit le meilleur régime de soins de santé qui soit au monde, le nôtre.

C'est au ministère de la Santé qu'il incombe d'appliquer et d'exécuter cette loi, la pierre angulaire de la cohésion canadienne. C'est cette mesure législative, le projet de loi C-95, qui permet encore plus efficacement au ministère de s'acquitter de ses responsabilités qui sont tellement dans l'intérêt national. Voilà pourquoi j'ai l'intention de voter pour son adoption qui, je l'espère, se fera sans heurts.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours du député. Dans un passage de son discours, il a fait remarquer qu'on ne considère pas la maladie comme une tragédie au Canada, parce que le régime paie pour tout. Je voudrais juste raconter une petite anecdote et poser une question au député à ce sujet.

En 1989, un homme que je connais a remarqué qu'il y avait du sang dans ses selles. Il est donc allé voir le médecin, qui lui a dit: «Votre cas a l'air assez sérieux. Nous allons devoir vous référer à un spécialiste.» Il fallait attendre six semaines pour rencontrer le spécialiste. Une période d'attente de ce genre n'est pas inusitée. Toute personne qui a consulté un médecin et a dû être référée à un spécialiste sait que cela est courant au Canada. L'homme a dit au médecin, et cela se passait à Vancouver: «Je ne suis pas prêt à attendre six semaines; cela pourrait être une question de vie ou de mort. Donnez-moi le nom d'un médecin que je pourrais voir aux États-Unis car, lorsqu'il s'agit d'une question de vie ou de mort, je suis prêt à payer.»

Le médecin lui a répondu: «Écoutez, je vais essayer de tirer quelques ficelles.» Le médecin a tiré quelques ficelles et, deux jours plus tard, on s'est tout à coup occupé de cet homme. S'il s'est retrouvé en haut de la liste d'attente, ce n'est pas parce que c'était juste, mais parce qu'il avait protesté. Il doit voir le spécialiste qui lui dit: «Il faut vraiment passer une résonance magnétique pour déterminer l'étendue du problème. Il vous faudra attendre dix semaines avant de subir cet examen à l'hôpital St. Paul de Vancouver, étant donné le manque de fonds. L'appareil ne permet que cinq balayages par jour, dont un seul qui soit autre que crânien.» Quand on a un chat malade, on peut payer pour qu'il passe une résonnance magnétique après les heures de travail, mais c'est impossible dans le cas d'un être humain.

(1700)

La personne a dit: «Je ne vais pas attendre dix semaines, donnez-moi le nom d'un endroit aux États-Unis où je peux subir cet examen.» Le médecin a répondu: «D'accord, c'est possible à l'hôpital St. Joseph, à Bellingham. Je téléphone pour prendre les dispositions.» Le rendez-vous a été fixé au lendemain, pas dix semaines plus tard, mais le lendemain même.

Comme le lendemain ne lui convenait pas, l'homme y est allé deux jours plus tard. Il a été traité comme un client, pas comme un numéro. On l'a accueilli à l'hôpital sans même lui demander s'il pouvait assumer les frais.

Je sais que cette histoire est vrai, parce que c'est à moi qu'elle est arrivée. On n'a pas demandé à l'homme s'il pouvait payer. On l'a accueilli à l'hôpital, il a passé la résonnance magnétique et le médecin lui a dit: «Allez manger et boire un café, puis revenez dans deux heures chercher votre rapport et vos photos.»

En quatre heures, les examens étaient terminés et j'étais de retour à Vancouver avec les résultats que je n'aurais pas eus autrement en moins de dix semaines.

Le pire, c'est qu'à la toute fin, après tous les tests, ils ont dit: «Comment allez-vous payer pour les tests?» J'ai dû payer 1 000 $ US à l'hôpital St. Joseph's, à Bellingham, alors que j'aurais préféré le faire à l'hôpital St. Paul's à Vancouver.

Quel genre de système stupide est-ce là? Ce n'est pas une question de riche ou de pauvre. C'est une question de vie ou de mort.

Quand le député dit que le système canadien ne fait pas de la maladie une tragédie, il devrait penser un peu plus aux cas réels. C'est la réalité. Par chance, j'ai eu le choix de traverser la frontière et de payer 1 000 $US pour qu'on me sauve la vie. Si mon seul choix avait été le système abject et malade que le gouvernement continue de soutenir, je serais mort aujourd'hui à cause des files d'attente.

Tout ce que le Parti réformiste veut, pour ce qui est du régime de soins de santé, c'est qu'on ait le choix. C'est tout. Il n'est pas question de priver les gens de quoi que ce soit. Si j'avais pu payer 1 000 $ à l'hôpital St. Paul's de Vancouver, j'aurais subventionné un test d'IRM pour un patient incapable de payer. C'est ça le principe.

C'est pourquoi les services de consultation ophtalmologique de l'Alberta obtiennent autant de succès. Les gens qui ont un peu d'argent et qui sont prêts à aller ailleurs raccourcissent les files d'attente.

Je voudrais entendre les observations du député à cet égard. Qu'il me dise pourquoi il appuie un système à cause duquel j'aurais pu mourir.


16164

M. Culbert: Monsieur le Président, je suis heureux de répliquer aux observations du député et d'essayer peut-être de répondre à sa question finale.

Il a qualifié de stupide le meilleur système de santé dans le monde, un système qui fait l'admiration des citoyens de tous les pays du monde. Ce système prend non pas en considération les moyens de payer du patient, mais son besoin de soins.

Le député n'a pas poursuivi. Je le vois sortir maintenant. . .

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. Je tiens à rappeler aux députés qu'ils ne doivent jamais faire allusion de quelque façon que ce soit à l'absence de la Chambre de quelque député que ce soit, ni certainement la signaler.

M. Culbert: Merci, monsieur le Président, de me le rappeler. La simple politesse exigerait cependant qu'on reste pour écouter la réponse quand on a posé une question.

Je suis étonné que le député préfère le système de nos bons amis des États-Unis, où des millions de gens ne bénéficient pas de soins médicaux. Nous avons tous entendu ces histoires d'horreur à propos de gens qui ont perdu leurs économies de toute une vie, et même leur maison, à cause d'un problème de santé. Le député ne préconisait sûrement pas ce genre de système pour le Canada.

Les principes consacrés dans la loi ont été établis pour protéger le système de santé pour tous les Canadiens de sorte qu'ils soient tous traités sur un pied d'égalité.

Je ferai remarquer au député, à propos du cas particulier qu'il a évoqué, que s'il s'était agi d'un cas d'urgence, la plupart des hôpitaux que j'ai connus au fil des années-j'ai siégé une quinzaine d'années au conseil d'administration d'un hôpital-réservent toujours du temps pour les cas d'urgence dans leur service de consultations externes, leur salle d'urgence et leurs salles d'opérations. Ils inscrivent également au programme les interventions chirurgicales électives qui doivent être faites. Il peut s'agir dans certains cas de chirurgies d'un jour, d'autres peuvent être un peu plus sérieuses et exiger plus de temps.

Tout n'est pas parfait dans tous les hôpitaux, mais dans le cas particulier évoqué par le député, le médecin-que je ne veux certes pas critiquer-aurait dû intercéder en faveur de son patient s'il s'agissait réellement d'un cas d'urgence pour obtenir du temps en salle d'opération ou en chirurgie d'un jour, et s'assurer que le traitement de son patient était inscrit au programme. Il y avait une certaine responsabilité à exercer en l'occurrence.

(1705)

Nous avons le meilleur système de soins de santé du monde. Nous le constatons chaque jour. Il peut toujours être amélioré et c'est exactement ce que nous sommes en train de faire. Nous essayons, de concert avec les provinces, d'éliminer les chevauchements et d'améliorer le programme.

Les ministres provinciaux de la Santé essaient de mettre au point un programme plus efficace qui continuera d'évoluer pour être encore meilleur qu'il ne l'est aujourd'hui. À mon avis, l'amélioration du programme et le maintien des principes de base qui font qu'il fait l'envie du monde entier, exigent notre collaboration à tous, la collaboration de tous les praticiens.

Des voix: Bravo!

Le président suppléant (M. Kilger): Il nous reste à peu près dix minutes pour la période des questions et des commentaires. Je demanderais donc la coopération du député pour que je puisse accorder au député de Carleton-Charlotte un temps égal pour répondre.

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Monsieur le Président, je lui laisserai le temps de répondre. Je voulais le remercier de m'avoir donné la possibilité de lui répondre que non, je ne suis pas en faveur d'un système de soins de santé à l'américaine, pas plus que quiconque ici au sein du Parti réformiste.

Les députés réformistes ont clairement indiqué que nous étions en faveur d'un régime d'assurance-maladie plus, qui est très différent. La Suède applique un système similaire. Je peux aussi citer l'exemple de ma mère de Nouvelle-Zélande qui a 82 ans et qui a eu besoin d'être opérée pour des cataractes. La période d'attente dans le système public est de six ans. Si vous avez 82 ans et que vous devez attendre six ans, qu'est-ce qui arrive? Comme les gens là-bas peuvent choisir, elle a payé quelque deux mille dollars pour se faire opérer un oeil. Le nombre de personnes âgées qui en ont fait autant est tel que cela a allégé la liste d'attente. Quand elle s'est adressée au système public pour se faire opérer l'autre oeil, elle a dû attendre seulement deux semaines. La liste d'attente a disparu en peu de temps.

Nous ne sommes pas en faveur d'un système de soins de santé à l'américaine. Nous sommes en faveur du système actuel, avec en plus la possibilité de choisir, ce qui est logique.

Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie le député de sa collaboration. J'en attends autant du député de Carleton-Charlotte.

M. Culbert: Bien sûr, monsieur le Président. Je suis heureux d'apprendre que le député et ses collègues sont favorables au système de soins de santé, au régime d'assurance-maladie, que nous avons au Canada. Je ne peux pas parler en détail du système en vigueur en Nouvelle-Zélande, dont il a parlé, je crois. Je ne l'ai pas étudié et je ne commenterai donc pas sur cette question.

Je sais cependant, et je l'ai constaté personnellement durant bien des années, que notre régime d'assurance-maladie présente de nombreux avantages. Oui, il pourrait être amélioré. Oui, nous devrions continuer à tâcher de l'améliorer et de faire en sorte qu'il réponde encore mieux aux besoins. C'est un système qui fait l'admiration du monde entier, et nous devons donc continuer, pour bien des années à venir, à le mettre en valeur et à le protéger.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, avant de commencer, je voudrais féliciter mon collègue de Vancouver-Nord, parce qu'il a exposé à la Chambre un problème personnel de santé. Je peux dire aux députés d'en face qui


16165

l'interpellaient que, s'il n'avait pas fait ce qu'il a fait, c'est-à-dire aller aux États-Unis, il serait mort aujourd'hui. C'est un exemple très réel d'échec de notre système de soins de santé, un échec dont sont victimes d'autres Canadiens d'un océan à l'autre. La raison pour laquelle il a pu avoir aux États-Unis une opération qui lui a sauvé la vie, c'est qu'il avait de l'argent. C'est ce que le gouvernement préserve aujourd'hui. Il préserve un système qui permet aux riches de recevoir de meilleurs soins que les pauvres.

(1710)

Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi C-95 qui crée le ministère de la Santé. C'est un projet de loi administratif, un projet de loi qui modifie des mots, mais qui ne fait rien dans le domaine de la dévolution des pouvoirs, rien pour changer le personnel, rien pour apporter une nouvelle vision qui pourrait sauver le système de soins de santé de notre pays, un système qui, je dois le dire, est dans un état critique et a vraiment besoin d'aide.

Il est extrêmement tragique que nous débattions aujourd'hui de ce projet de loi. Au cours des deux dernières années, la ministre de la Santé n'a pas présenté une seule mesure législative pour modifier et améliorer le système de soins de santé des Canadiens. Il n'y a eu que le projet de loi C-7 qui ne venait ni de son ministère ni d'elle-même, mais d'une autre source.

La ministre n'arrête pas de nous dire que nous n'avons pas de problèmes, que nous nous acheminons vers une réorganisation. Elle prétend que nous sommes en faveur d'un système qui empêche l'accès aux pauvres. Le problème est une question d'accès. Les Canadiens n'ont pas accès à leurs services essentiels de soins de santé d'un océan à l'autre. C'est cela le problème. Le gouvernement est en train de défendre un système qui s'écroule de l'intérieur.

J'aimerais faire un bref historique. Au moment d'élaborer la Loi canadienne sur le santé en 1984, ses auteurs, malgré les meilleures intentions du monde, ne pouvaient pas prévoir l'augmentation des coûts, la demande de plus en plus forte et les variations démographiques qui ont abouti au vieillissement de la population. Ça n'était pas prévu. Ce qui fait qu'aujourd'hui, nous disposons d'une loi sur la santé qui date de plus de dix ans pour résoudre des problèmes qui n'existaient pas alors. Il est donc normal que la Loi canadienne sur la santé ne vienne pas à bout des problèmes d'aujourd'hui.

Si nous persistons dans cette voie, nous n'aurons plus bientôt de régime de soins de santé dans notre pays. Nous ne verrons que des personnes souffrant à des degrés divers. Les personnes qui souffriront le plus, ce seront nos pauvres. Je vais fournir un exemple.

On est en train de fermer des salles d'opération un peu partout. On les ferme parce que les hôpitaux doivent faire des économies. Or, les listes d'attente s'allongent. À l'hôpital de la Colombie-Britannique où j'ai travaillé, les autorités avaient décidé de procéder à des transfusions sanguines et de stocker le sang en prévision des besoins relatifs aux opérations. Il en coûtait 125 $ au patient. Le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, M. Ramsay, a dit: «Non, vous ne pouvez pas faire ça, c'est contraire à la Loi canadienne sur la santé.» Un mois plus tard, la Colombie-Britannique connaissait une grave pénurie de sang.

J'avais des patients à la hanche fracturée, qui saignaient à mort, dont le taux d'hémoglobines était bas, et je ne pouvais pas leur donner du sang, vu la pénurie. Si l'on avait pu procéder à des transfusions préalables, nous n'aurions pas eu à affronter ce problème. S'agit-il bien d'accès? Pas précisément.

À Victoria, il faut attendre 16 mois pour subir une radiothérapie dans le cas d'un cancer de la prostate. Que fait-on? On envoie les patients aux États-Unis, dans l'État de Washington, où l'on a créé toute une infrastructure pour s'occuper des Canadiens souffrant du cancer et leur offrir des services de radiothérapie. Peut-on encore parler d'accès au Canada?

Les gens qui souffrent du syndrome du canal carpien dans les poignets doivent attendre six mois pour une intervention chirurgicale. Ils ne peuvent travailler pendant six mois. On peut pratiquer cette chirurgie dans une clinique privée dans les deux semaines. Peut-on parler de bon accès?

Imaginez-vous, monsieur le Président, qu'un de vos grands-parents a besoin d'une nouvelle hanche et souffre beaucoup. Si cette personne vit en Colombie-Britannique, dans 40 p. 100 des cas, elle devra attendre plus de 13 mois pour qu'on remplace sa hanche et pendant tout ce temps là, elle souffrira. Peut-on parler de bon accès? Pas du tout.

Notre système de soins de santé tombe en morceaux. Les riches se rendent aux États-Unis pour obtenir les soins de santé dont ils ont besoin. Les ministériels affirment que la Loi canadienne sur la santé est intouchable. Ils disent qu'ils sont en faveur de soins de santé pour tous les Canadiens, qu'ils doivent veiller à ce qu'ils aient l'accès voulu, car ils ne veulent pas que les terribles réformistes modifient la Loi canadienne sur la santé et mettent en place un système de type américain dans lequel seuls les riches ont accès à des services, alors que les pauvres doivent souffrir. C'est exactement le contraire de la vérité.

(1715)

Mes collègues et moi n'avons jamais voulu détruire notre système de soins de santé. Nous avons vu les souffrances que devaient endurer les gens dans les salles d'urgence des hôpitaux de tout le pays et nous sommes intervenus pour sauver notre système de santé. Nous reconnaissons qu'un problème se pose et nous ne souhaitons pas détruire notre système de soins de santé, mais bien modifier la Loi canadienne sur la santé pour que tous les Canadiens, quel que soit leur revenu, puissent profiter des soins de santé nécessaires dans les délais voulus. Mes collègues et moi avons donné des exemples pour montrer que ce n'est pas ce qui se produit.

Nous avons proposé de modifier la Loi canadienne sur la santé pour qu'on puisse ouvrir des cliniques privées. En gros, les gens qui ont de l'argent pourraient payer pour obtenir des services de santé dans une clinique privée. Le Trésor public ne servirait absolument pas à financer ce système. Est-ce un système inégal? Oui. Cependant, n'est-il pas préférable d'avoir un système inégal qui offre un meilleur accès à tous les gens que le système actuel dans lequel les Canadiens ont un accès relativement semblable, mais qui est de moins en moins bon? De nos jours, les riches peuvent aller aux États-Unis pour se faire soigner, alors que les autres restent au Canada et meurent.


16166

À Toronto, où j'ai suivi ma formation, la liste d'attente pour des pontages aortocoronariens est de sept mois. Les gens meurent en attendant un pontage. Je sais qu'on a assisté à une situation semblable en 1986, lorsque je finissais ma formation en Colombie-Britannique. Des hommes et des femmes dans la cinquantaine mouraient en attendant d'obtenir un pontage, à Vancouver. On ne peut pas parler d'accès dans ce cas-là.

Nous sommes confrontés ici à une baisse du financement et à une hausse des demandes. Mais, au beau milieu de tout cela, il y a le patient, le malade qui a peur et qui s'inquiète, ainsi que sa famille qui est aussi tenaillée par la peur et l'inquiétude. Au moment où ils ont le plus besoin de notre régime de soins de santé, ce dernier risque de leur faire défaut. Ce n'est pas ce que nous voulons, ce n'est pas ce que veulent les Canadiens et le gouvernement, et ce n'est certainement pas ce que veut le Parti réformiste.

J'invite la ministre de la Santé et le gouvernement à mettre de côté leurs discours politiques. Oublions un peu la politique. Travaillons ensemble pour élaborer une nouvelle Loi canadienne sur la santé qui permette à tous les Canadiens d'un bout à l'autre du pays d'obtenir des services en temps voulu. Mous voulons protéger le régime de soins de santé, pas le démanteler.

Nous ne pouvons sacrifier ce qui représente, comme mon collègue de Macleod l'a déclaré, notre programme social le plus important, notre régime de soins de santé. Nous ne pouvons permettre que disparaisse une caractéristique fondamentale du Canada. Nous devons préserver notre régime, parce que c'est le bien le plus précieux que chacun de nous possède.

Je demande incidemment à la ministre de tenir compte des travaux très intéressants réalisés par un des meilleurs cerveaux au Canada, le Dr Fraser Mustard. À Toronto, ce dernier s'est penché sur les principes des soins de santé. Il a examiné les soins de santé selon une autre perspective et il en a présenté une nouvelle vision. Les principes qui sous-tendent le régime ne sont plus les mêmes que dans le passé. Si nous investissons dans le développement des tout petits, c'est toute la société canadienne qui en bénéficiera grandement plus tard sous divers aspects.

J'invite la ministre de regarder ce que cet homme a fait, parce que ses travaux sont innovateurs et nos programmes de soins de santé, tant au niveau fédéral que provincial, pourraient en tenir compte.

Le gouvernement a aussi besoin d'un plan financier. Comme nous avons pu le constater il y a six mois, le FMI a évalué assez durement la situation au Canada, disant très clairement au ministre des Finances que si nous n'avons pas un plan pour réduire la dette, le Canada sera en très grave difficulté. Ce qu'il faut comprendre de cela, c'est que nos programmes sociaux seront en difficulté. Personne à la Chambre ne souhaite cela. Nous voulons préserver le système d'une manière financièrement soutenable. Les soins de santé seront touchés comme tous les autres programmes sociaux. Malheureusement, ce sont les malades qui souffriront.

(1720)

J'exhorte la ministre de la Santé à demander au ministre des Finances et aux autres membres du Cabinet d'examiner notre plan visant à éliminer le déficit en trois ans et de s'inspirer de celui-ci pour remettre de l'ordre dans nos finances publiques.

Un de mes collègues a dit aujourd'hui qu'au lieu de modifier la Loi canadienne sur la santé, nous devrions adopter des mesures préventives. C'est bien beau tout cela. Mais la prévention consiste-t-elle à réduire les taxes sur le tabac? Consiste-t-elle à réduire de moitié la stratégie de lutte contre le tabagisme? Consiste-t-elle à mettre en application des programmes législatifs et des plans qui accroissent de 10 ou 15 p. 100 la consommation du tabac dans notre pays, particulièrement chez les jeunes?

M. Thompson: C'est de la prévention libérale.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): C'est exact. D'un côté, le gouvernement parle de prévention, mais de l'autre, il va inciter des centaines de milliers de jeunes Canadiens à commencer à fumer et causer entre 40 000 et 200 000 décès prématurés au Canada au cours des 20 ou 30 prochaines années. Ce n'est pas cela la prévention.

Si le gouvernement avait adopté des solutions sensées au sujet du tabac au Canada, nous aurions pu l'accepter et nous nous serions montrés coopératifs. Mais je ne puis accepter que, d'un côté, on parle de prévention comme de la solution aux problèmes de santé au Canada, alors que de l'autre, on réduit les taxes sur le tabac et que l'on restreint la stratégie de lutte contre le tabagisme. Cela n'a tout simplement pas de sens.

J'implore le gouvernement de travailler avec nous pour modifier la Loi canadienne sur la santé afin que le régime de soins de santé garantisse des services essentiels à tous les Canadiens d'un océan à l'autre. Le gouvernement doit se rendre compte qu'il y a bien un problème. Ce n'est pas en faisant des déclarations empreintes de pédantisme à propos des soins de santé préventifs, ni en disant qu'il va accroître l'efficacité du système, ni en faisant de la chirurgie endoscopique la panacée pour la maîtrise des coûts de la santé qu'il réglera le problème. Il va falloir qu'il fasse des changements plus radicaux, réfléchis et délicats pour que le système réponde aux besoins de tous les Canadiens.

Cela me blesse beaucoup que des députés d'en face nous accusent de vouloir un régime de soins de santé semblable à celui des Américains. Ils nous accusent de dire que ce qui compte, c'est l'argent que l'on a quand on a besoin de services de santé. Nous déplorons cette attitude. Ils jettent l'anathème sur nous, et nous nous défendrons énergiquement contre ces accusations. D'après mon évaluation en tant que médecin, il me semble que notre parti est le seul à proposer un plan pour sauver non seulement le système de soins de santé, mais tous nos programmes sociaux.

Si nous mettons de côté nos parti-pris politiques et que nous travaillions ensemble au renforcement de notre régime de soins de santé et de nos programmes sociaux, nous réussirons à édifier un meilleur pays pour tous les Canadiens. Nous édifions ce pays pour tous les Canadiens d'un océan à l'autre et nous essayons plus particulièrement de préserver nos programmes sociaux pour ceux qui en ont le plus besoin.

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey, Lib.): Monsieur le Président, j'ai attendu toute la journée. Il n'y a rien qui me tienne plus à coeur que le travail et les soins de santé.

16167

À midi et demi, j'ai eu la chance d'entendre l'Américain Ralph Nader, ce grand lutteur, parler des soins de santé à l'association des infirmières. Il leur a dit que quelque 80 000 personnes meurent chaque année dans les hôpitaux américains en raison de fautes professionnelles. C'est plus que le nombre de victimes d'accidents de la circulation et d'homicides. M. Nader affirmait que les fautes professionnelles étaient en partie responsables et qu'il y avait même des médecins qui pratiquaient des interventions chirurgicales sur des personnes qui n'étaient pas malades du tout.

(1725)

Nous avons beaucoup entendu parler des systèmes de santé dans le monde. M. Nader a dit, et je crois que la secrétaire parlementaire de Vancouver-Centre l'a dit également, que le système canadien se classe parmi les trois meilleurs au monde, ce qui ne fait aucun doute. M. Nader a également dit que quelque 30 millions d'Américains ne participent à aucun régime d'assurance-maladie. Selon lui, ceux qui ne bénéficient d'aucune protection sont ceux qui doivent attendre le plus longtemps pour se faire soigner.

Les députés d'en face parlent d'un système à deux vitesses. Je voudrais justement en parler. Disons que nous avons 72 milliards de dollars. Que se passerait-il si nous commencions à dépenser une partie de cet argent ailleurs? L'appât du gain attirera beaucoup de gens, notamment les compagnies d'assurance. La plupart des médecins sont très compétents. Je n'ai rien à redire à cet égard car je compte plusieurs médecins parmi mes amis. Ils respectent tous le serment d'Hippocrate, ils sont versés dans leur art et sont de bons chrétiens qui veulent aider les gens. Toutefois, il arrive que certains médecins se préoccupent plus de l'aspect pécuniaire.

Un de mes amis qui vit à Los Angeles m'a fourni une pile de livres sur leur système de soins de santé américain. On y parle des files d'attente comme si c'était la solution à tout aux États-Unis. Les fraudeurs sont légion aux États-Unis. Il y a le système de capitation. Disons que cinq médecins ont chacun 1500 patients et que chacun leur verse environ 200 $ par mois, ça fait tout un tas d'argent. Le patient peut choisir un des cinq médecins. Toutefois, si ce dernier a l'habitude d'envoyer trop souvent ses patients subir des examens TDM ou d'autres services coûteux, il peut être sommé de comparaître devant le comité des actes médicaux et les patients devront attendre longtemps.

Il n'y a pas de solutions faciles. Nous avons un bon système, mais il faut l'améliorer. Nous ne pouvons pas légiférer pour empêcher les gens de se comporter bêtement et incorrectement. S'il y a une longue liste de gens qui attendent d'être opérées dans la hanche, par exemple, je suis sûr que le conseil d'administration de l'hôpital affectera suffisamment de ressources pour réduire l'attente.

Comment le député d'Esquimalt-Juan de Fuca envisage-t-il le système à deux vitesses que les réformistes préconisent? Quand les gens qui sont malades n'ont pas les moyens de payer pour les services médicaux, on finit par avoir un système à deux vitesses. Le médecin qui les reçoit dit qu'il les verra le soir, à la clinique de l'autre côté de la rue, parce que le système n'a pas les ressources suffisantes pour les traiter. Voilà comment les choses se passent dans un système à deux vitesses.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je suis ravi que le député ait soulevé un ou deux points qui montrent que le gouvernement ne comprend rien aux soins de santé.

Il a suggéré de mettre ces 72 milliards de dollars ou une partie de cette somme dans un système de cliniques privées-ce à quoi nous sommes totalement opposés. Pas un sou, je l'ai dit une douzaine de fois à la Chambre et je le répète, pas le moindre denier public, pas le moindre sou de l'argent des contribuables n'ira à un système privé.

Les gens qui s'adresseront au système privé pour se faire soigner au lieu de s'adresser au système public devront en fait payer de leur poche. Ils continueront cependant, par leurs impôts, de cotiser à la caisse du système public, qui sera ainsi préservé.

Étant donné que, dans le système public, le nombre de gens inscrits sur la liste d'attente diminuera, le montant dont on disposera par habitant augmentera, ce qui permettra d'assurer un meilleur accès et d'améliorer l'équipement.

La deuxième remarque que je veux faire, c'est que si les hôpitaux constatent un besoin urgent, ils trouveront les ressources nécessaires. Le problème est qu'ils n'ont pas les ressources, qu'ils sont en train de réduire tous les services et que, de ce fait, les gens n'ont pas accès aux soins. Nous avons ici une grande possibilité, celle de ne copier aucun autre système au monde, mais de faire en sorte que notre système qui était déjà excellent continue de l'être. Nous pouvons y arriver en procédant aux changements nécessaires pour préserver le régime public d'assurance-maladie grâce à la modification de la Loi canadienne sur la santé. Si nous ne le faisons pas, ce pays sera sans loi en matière de santé. Les gens n'auront pas accès à un système de santé public en temps voulu. Encore une fois, poursuivre dans la voie actuelle, c'est aller au devant d'une tragédie.

Le Président: Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


16167

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA «MARCHE SUR OTTAWA»

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD) propose:

Que, de l'opinion de 1a Chambre, le gouvernement devrait, à l'occasion du 60e anniversaire de la «marche sur Ottawa», s'excuser officiellement et de façon non équivoque des actes commis par le gouvernement de l'époque, lequel est condamnable pour:
(1) avoir mis fin à la marche à Regina, en Saskatchewan, le 1er juillet 1935, en faisant appel aux forces combinées de la police municipale de Regina et de la Gendarmerie royale, lesquelles ont recouru à la violence et causé des pertes de vie, fait des blessés et emprisonné des grévistes;
(2) avoir approfondi la misère des chômeurs, au lieu de la soulager,
a) en forçant beaucoup de jeunes chômeurs à aller dans des camps de travail;
b) en empêchant les marcheurs de venir à Ottawa exercer leur droit démocratique de demander une amélioration de leurs conditions de travail dans les camps;
c) en abdiquant la responsabilité qu'il avait, en cette époque de chômage généralisé, de prendre les mesures voulues pour créer des emplois décents à plein temps et bien rémunérés;

16168

(3) s'être livré à un raid violent contre les marcheurs en route vers Ottawa, sans prendre la moindre initiative politique susceptible d'assurer aux chômeurs des emplois et des salaires dignes de ce nom.
-Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je saisis l'occasion de présenter cette motion à la Chambre aujourd'hui. Cette année marque le 60e anniversaire de la «marche sur Ottawa», et la motion vise à demander des excuses qui sont en retard de 60 ans.

Une plaque commémorative a été installée à Regina, devant le quartier général de la police municipale. On peut y lire ceci:

Le 1er juillet 1935, à 20 h 17, une émeute s'est déclenchée ici, place du Marché, quand la GRC et les policiers municipaux ont arrêté les dirigeants de la «marche sur Ottawa» qui étaient en train de s'adresser aux marcheurs et aux habitants de la ville. L'émeute s'est alors propagée jusque dans le quartier de la 11e Avenue et de la rue Scarth. Les violences se terminaient peu avant minuit, mais elles avaient fait d'énormes dommages à la propriété, de nombreux blessés et un mort, le détective C. Millar, policier des services municipaux.
Les marcheurs étaient des hommes célibataires partis de la Colombie-Britannique pour aller réclamer à Ottawa de meilleures conditions dans les camps de travail créé à l'intention des chômeurs. Les autorités fédérales, craignant une révolution si la marche se rendait à Ottawa, les ont arrêtés à Regina le 14 juin. Une rencontre entre les dirigeants de la marche et le Cabinet fédéral a fait croître la méfiance et on a interdit aux marcheurs de poursuivre ou de retourner chez eux. Pour dénouer l'impasse, Ottawa a ordonné l'arrestation des dirigeants. L'émeute qui s'ensuivit était l'expression de la déception des marcheurs devant leur échec et de l'amertume accumulée au cours des années de chômage.
Le jour suivant, le gouvernement provincial prenait des dispositions pour permettre aux marcheurs de retourner chez eux.
Signé en 1979 par le gouvernement de la Saskatchewan, le texte gravé sur cette plaque raconte cet événement tragique qu'on a appelé l'émeute de Regina. Le texte est court et sobre et il explique mal pourquoi le gouvernement provincial aurait apposé un monument en mémoire d'une émeute. Je vais donc tenter de le faire.

Les faits ont révélé par la suite que l'émeute avait été planifiée et provoquée, non pas par les marcheurs, mais par la police, selon des ordres reçus directement du gouvernement fédéral. En agissant ainsi, celui-ci usurpait les pouvoirs du gouvernement provincial, qui était en train de négocier un règlement avec les marcheurs.

Cette émeute fut le point culminant d'une grève déclenchée en Colombie-Britannique, le 4 avril 1935, par les travailleurs des camps. Ayant présenté les conditions sur lesquelles le syndicat des travailleurs des camps s'était entendu lors d'une réunion tenue à Kamloops, le 10 mars 1935, les grévistes sont restés deux mois à Vancouver. Ils ont ensuite commencé à marcher vers Ottawa pour présenter leurs demandes au gouvernement du premier ministreR. B. Bennett.

Le long du parcours, les rangs des marcheurs avaient grossi. À leur arrivée à Regina, ils étaient 2 000 marcheurs, mais ni eux ni le gouvernement de la Saskatchewan ne savaient que Regina était leur destination finale, et non Ottawa.

Les ayant stoppés à Regina, le premier ministre Bennett a pris des dispositions pour rencontrer quelques représentants. De toute évidence, il voulait éviter que tous les marcheurs arrivent à Ottawa avec en plus tous ceux qui se seraient joints à eux en chemin.

Malheureusement, la rencontre avec le premier ministre ne donna aucun résultat. Bennett offrit d'installer un camp provisoire près de Lumsden, en Saskatchewan, où seraient logés les marcheurs en attendant que les dispositions soient prises pour les ramener à leurs camps permanents où ils retrouveraient les mêmes conditions inhumaines que lorsqu'ils les avaient quittés. Les faits prouvent que la seule option que le gouvernement fédéral ait jamais été disposé à offrir aux marcheurs n'en était pas une. Le mot d'ordre était le maintien du statu quo.

Lorsque les représentants des marcheurs qui s'étaient rendus à Ottawa revinrent à Regina, ils essayèrent de sortir de l'impasse dans laquelle les avait mis l'offre du premier ministre en faisant une contre-proposition. Ils travaillèrent d'arrache-pied pour organiser des rencontres avec toutes les autorités. Les chefs des marcheurs décidèrent de tenir une réunion publique pour informer les citoyens du résultat de leur rencontre avec le premier ministre. Ils annoncèrent la réunion par voie d'affiches et on apprit que seuls quelques marcheurs assisteraient au rallye.

(1735)

Tôt le matin du 1er juillet, les chefs des marcheurs entreprirent des négociations avec les gouvernements fédéral et provincial dans l'espoir d'obtenir un accord prévoyant le retrait rapide des marcheurs. L'un des chefs, Arthur Evans, demanda une rencontre entre représentants du fédéral, de la province et des marcheurs. Le principal représentant fédéral à Regina refusa de rencontrer les fonctionnaires provinciaux mais accepta de rencontrer les représentants des marcheurs à 10 h 30.

À ce moment-là, les fonctionnaires fédéraux d'Ottawa laissèrent échapper une excellente occasion de parvenir à un compromis pacifique. Ils refusèrent tout compromis, mais les chefs des marcheurs ne se découragèrent pas. Ils allèrent trouver le premier ministre libéral de la Saskatchewan, Jimmy Gardiner, qui leur promit une réponse pour le lendemain matin. Il avait prévu une réunion de son cabinet ce soir-là.

Le fait est que, alors même que les marcheurs discutaient avec Gardiner, le gouvernement fédéral préparait des mandats d'arrêt et une stratégie pour procéder à l'arrestation d'Evans et de six autres chefs de la marche. Ce soir-là, le rallye attira quelque 2 200 personnes venues écouter le rapport de la délégation que les marcheurs avaient envoyée à Ottawa. Dans cette foule, il n'y avait pas plus de 300 marcheurs puisque la plupart avaient déjà été informés et qu'ils avaient prévu d'assister à un match de base-ball qui se déroulait ailleurs. Autrement dit, il était évident que la réunion s'adressait aux citoyens et non aux marcheurs.

Pourquoi ont-ils choisi d'arrêter les chefs de file devant la foule de leurs partisans? Ce point soulève de graves questions. Jamais personne n'a expliqué pourquoi ils n'ont pas attendu que la foule se disperse après la réunion avant de procéder aux arrestations. Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour comprendre que c'est le type


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d'arrangement et la façon de le mettre en application qui ont provoqué l'émeute. On aurait pu prendre des dispositions plus discrètes et moins provocatrices et réussir quand même les arrestations.

L'émeute découlant de ces actions a causé la mort de Charles Millar, policier en civil de la ville de Regina et des blessures à des tas de marcheurs, de citoyens et de policiers; elle a entraîné l'hospitalisation de plusieurs marcheurs et citoyens de Regina blessés par balles. Le centre-ville de Regina a été complètement dévasté.

L'émeute a commencé alors que le premier ministre de la Saskatchewan et les autorités provinciales étudiaient les propositions des marcheurs. Le gouvernement provincial n'avait pas été informé des intentions des services de police. Le premier ministre Gardiner a envoyé un télégramme au premier ministre Bennett tard ce soir-là pour protester contre l'intervention policière et pour offrir de démanteler le groupe de marcheurs, sous les auspices provinciales. Il est facile de comprendre pourquoi cet événement a marqué le début d'un différend entre les autorités fédérales et provinciales. M. Gardiner craignait que l'attitude intransigeante du gouvernement fédéral mène à la reprise des hostilités et il a demandé aux autorités fédérales d'adopter une position plus raisonnable.

Le gouvernement fédéral avait pris le contrôle dans un domaine de compétence provinciale, par le truchement de la GRC qui a organisé l'intervention des services de police de Regina et de la police des chemins de fer. Pour se préparer à la manifestation, le gouvernement fédéral a aussi envahi d'autres domaines de compétence provinciale, notamment le transport, en bloquant l'accès aux routes pour les marcheurs et en leur permettant de quitter la ville uniquement s'ils acceptaient de se rendre au camp près de Lumsden.

Les autorités fédérales avaient de toute évidence pris l'initiative de diriger la GRC de la Saskatchewan non seulement dans l'application de la Loi sur les chemins de fer, mais aussi dans l'application de la loi criminelle ordinaire. Cela aussi violait la compétence provinciale.

D'après les échanges entre les gouvernements Bennett et Gardiner, il est juste de dire que le premier ministre de la Saskatchewan a imputé la responsabilité de la fin tragique de la marche à Regina directement au gouvernement fédéral du moment. Le premier ministre provincial n'était d'ailleurs pas le seul à être de cet avis.

Il y a dix ans, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la «marche sur Ottawa», j'ai présenté une motion similaire dans cette Chambre. À cette époque, j'avais l'appui bienveillant d'une collègue qui est maintenant de l'autre côté de la Chambre. Elle disait: «Nous devrions présenter nos excuses. Ce geste ne représente peut-être pas grand chose, compte tenu des terribles souffrances endurées par les personnes qui ont connu la Dépression, mais ce serait une première mise au point.» C'est cité dans le hansard de la Chambre des communes du 7 octobre 1985. La vice-première ministre appuyait des excuses officielles aux marcheurs et à la ville de Regina.

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Elle disait aussi: «Il faudrait aussi que nous, en tant que députés, en tant que gouvernement, nous faisions des excuses à ces chômeurs qui ont été obligés d'aller dans la rue pour chercher leurs propres droits qui auraient dû être donnés de la main de notre premier ministre à cette époque-là, et qui a vraiment [abdiqué] ses responsabilités là-dessus.»

Comme notre collègue en 1985, je mets le gouvernement au défi d'écouter et de rétablir les faits à propos de cet événement clé de notre patrimoine. Je veux croire que ce gouvernement est différent du précédent. L'histoire ne doit pas nécessairement se répéter.

Il y a dix ans, la vice-première ministre et députée de Hamilton-Est accusait le gouvernement Mulroney de prendre la même attitude que le gouvernement Bennett en ce qui concerne la crise du chômage, c'est-à-dire de ne rien faire. Elle disait: «Nos vis-à-vis ne veulent pas s'occuper de création d'emplois, car pour une raison quelconque les gouvernements conservateurs n'aiment pas l'idée d'une participation directe du gouvernement dans la création d'emplois. En fait, la solution Bennett a consisté, à l'époque, à envoyer les travailleurs dans des camps de travail où ils vivaient dans des conditions intolérables et privés de leur dignité, puisqu'on leur refusait même des élections démocratiques.»

La situation est inversée aujourd'hui. La députée est au pouvoir et elle peut faire quelque chose pour garantir non seulement la démocratie, mais l'emploi, la justice sociale et un avenir pour nos jeunes.

Le gouvernement a commencé en créant des emplois avec son programme des infrastructures, mais il s'est produit quelque chose. Le gouvernement a été pris en otage par un groupe quelconque, ayant un programme différent.

La motion que j'ai soumise à la Chambre pourrait être considérée comme une note de bas de page dans l'histoire de notre pays, si ce n'était que l'histoire a tendance à se répéter. Depuis le budget du présent exercice, au lieu de trouver des emplois, on subit des compressions et des diminutions massives dans les paiements de transfert provinciaux. Les emplois, nous a-t-on dit, ce n'est pas au gouvernement qu'il appartient d'en créer. Ils seront l'oeuvre des forces du marché-comme du vivant du premier ministre Bennett!

En laissant les provinces le bec dans l'eau, certains dirigeants provinciaux ont tôt fait de ramener le pays aux années 30. L'actuel gouvernement a encore la possibilité d'honorer ses promesses électorales et de faire renaître l'espoir qu'elles avaient soulevé. Le gouvernement fédéral n'a pas à affamer les provinces en se déchargeant de ses responsabilités sur ceux et celles qui y habitent. La réduction du déficit peut rester une exercice à visage humain.

Je suis d'accord avec l'appui à ma motion de 1985 qu'avait alors formulé la députée de Hamilton-Est quand elle disait à propos des excuses que «ce geste de bonne foi et de bonne volonté de la part du gouvernement commencerait à rétablir sa crédibilité qu'il a perdue en réclamant l'adoption de mesures contre les travailleurs, contre la famille et contre les syndicats. Le gouvernement doit agir, car on ne le croira plus sur parole. Il a maintenant la chance de trouver quelque peu de sa crédibilité qui s'est effritée depuis», et j'ajouterais, la fin d'octobre 1993.


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Laissons au gouvernement l'occasion de montrer qu'il n'est pas simplement un autre parti spécialisé dans l'élimination des emplois. Le gouvernement a la chance de faire la preuve qu'il a le courage de ses opinions en présentant officiellement ses excuses à ces personnes, aux grévistes, des excuses publiques de nature générale.

Comme le vice-premier ministre le disait encore il y a dix ans: «S'il-il s'agit du gouvernement Mulroney-souhaite sincèrement retrouver la confiance des jeunes travailleurs, des jeunes chômeurs, des vieux travailleurs et des vieux chômeurs, il est important qu'il se rende compte qu'il est temps de ratifier une résolution de tous les partis appelant des excuses pour des événements qui sont produits il y a 50 ans et qui sont représentatifs d'une mentalité des conservateurs qui a gravé dans l'esprit des Canadiens l'idée que, sous les conservateurs, les temps sont durs.»

Le plus triste de l'affaire, c'est que cette histoire, comme je viens de le souligner, se répète à bien des égards un peu partout dans notre pays. Bon nombre des problèmes auxquels les marcheurs cherchaient des solutions dans les années 30 ont ressurgi dans les années 80 et persistent dans les années 90. Une fois de plus, nous sommes confrontés à un énorme chômage, à un grand nombre de faillites d'entreprises, à des saisies d'exploitations agricoles, à des faillites personnelles, à des banques d'alimentation, à des frais d'utilisation, à des droits d'admission et à des politiques qui nous rappellent une ère que nous espérions révolue.

On peut faire beaucoup de parallèles entre la situation actuelle et les répercussions politiques et les suites de la «marche sur Ottawa». Dans son rapport de 1995 sur le dernier budget du gouvernement, le Conseil national du Bien-être dit que la politique des années 90 va nous ramener aux années 50. Des déclarations et des actions récentes d'au moins deux gouvernements provinciaux tendent à confirmer cela. Dans un article paru en 1987 dans la Revue canadienne de la politique sociale, Duncan Rogers, un ancien sous-ministre des Services sociaux de l'Alberta a dit des années 50 qu'il s'agissait des restes de l'ancienne époque du secours populaire des années 30. Il a ajouté qu'il n'était pas rare que des enfants, surtout ceux de grosses familles, soient arrêtés parce qu'ils étaient négligés et deviennent des pupilles de la Couronne, simplement parce que la famille n'avait pas les moyens de s'en occuper.

(1745)

On accuse souvent le gouvernement libéral de poursuivre la politique conservatrice, tout en promettant des mesures qui vont créer des emplois et ouvrir des débouchés à tous les Canadiens. Étant donné que près de 10 p. 100 des Canadiens sont sans emploi, le chômage est devenu un problème chronique. Le taux de chômage chez les jeunes est encore pire. Il s'établit à 18 p. 100. Le taux pour les Canadiens âgés de 15 à 24 ans est presque le double de la moyenne nationale, ce qui coûte au moins quelque 4,5 milliards de dollars par année à l'économie.

Cependant, ce n'est pas le prix le plus élevé que nous devons payer. Le Canada a maintenant le troisième taux de suicide chez les jeunes le plus élevé dans le monde. Il a quadruplé depuis 1960. Les conditions socio-économiques dans lesquelles les jeunes vivent créent un phénomène social qu'on appelle le désespoir existentiel. Est-ce le meilleur pays du monde?

S'agit-il de construire davantage de prisons et de prévoir des peines plus lourdes pour remédier aux problèmes? Tout cela ne servira à rien si on ne peut espérer un avenir dans lequel les gens seront récompensés de leurs efforts et pourront se réaliser pleinement.

Je suis conscient de l'énorme dette à laquelle notre pays et le secteur public sont confrontés à cause de la gabegie des gouvernements précédents. Je sais que nous devrons relever tout un défi pour commencer à résoudre nos problèmes financiers. Je suis sûr que nous pouvons trouver des façons de nous attaquer à nos problèmes sans le faire au détriment des personnes âgées et des pauvres.

Comme une étude de Statistique Canada l'a montré, ce ne sont pas des augmentations dans les dépenses gouvernementales qui sont la source de notre dette. En fait, à peine 6 p. 100 de notre dette est attribuable à l'augmentation des dépenses publiques. Le reste est dû à une perte de recettes et une augmentation des paiements d'intérêt. Sur cette hausse de 6 p. 100 des dépenses gouvernementales, à peine 2 p. 100 découlent d'augmentations dans les programmes sociaux.

Ce ne sont pas ces programmes qui sont responsables de notre dette. Pourtant, c'est à eux qu'on s'attaque. On sabre dans les services de santé, l'assurance-chômage, les programmes destinés à aider à former nos jeunes et à créer des emplois pour eux. C'est là où on fait porter le fardeau pour remédier aux terribles erreurs que les gouvernements conservateurs et libéraux du passé ont commises.

Notre niveau de vie baisse. Récemment, Statistique Canada a émis un rapport dans lequel on disait qu'en 1993, le revenu familial moyen au Canada avait baissé de quelque 3 p. 100, si on tenait compte de l'inflation. La baisse pour les familles monoparentales durant cette année-là a été de 8,3 p. 100. Nous sommes en chute libre.

Nous devons adopter de nouvelles solutions novatrices. Chose certaine, les solutions de R.B. Bennett n'ont pas fonctionné à l'époque et ne fonctionneront pas maintenant. Je mets le gouvernement au défi de présenter de nouvelles propositions dénotant une certaine imagination pour donner espoir à nos jeunes, pour leur donner du travail et pour leur assurer un avenir.

J'exhorte la Chambre à adopter la motion pour s'excuser de la façon dont ces grévistes ont été traités en 1935, à Regina, il y a une soixantaine d'années. Ils souhaitaient venir à Ottawa pour exprimer leur espoir en un nouvel avenir, pour faire part de leur désir de travailler. Ils ne voulaient pas de l'assistance sociale, mais des emplois. De nos jours, de nombreux jeunes au chômage cherchent un emploi. Ils ne demandent pas la charité. Ils veulent un avenir.

J'exhorte la Chambre à adopter la motion à titre de geste symbolique à l'égard de nos jeunes, pour leur montrer que nous nous inquiétons de leur avenir.


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M. John English (secrétaire parlementaire du président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole pour traiter de la motion du député de Regina-Qu'Appelle, concernant la «marche sur Ottawa» et l'émeute qui a eu lieu à Regina en 1935.

La motion du député rappelle une époque très éloignée du Canada d'aujourd'hui. C'était l'époque de la Grande Dépression, une époque de chômage extrêmement élevé, de sécheresse prolongée et terrible et de quasi effondrement des économies nationales. Les marchés rétrécissaient, les prix chutaient, et tout cela contribuait à une misère humaine et des épreuves d'une ampleur rarement vue auparavant en Amérique du Nord.

(1750)

C'était une époque où une femme qui travaillait dans une usine de textiles au Québec pouvait toucher seulement 5 $ pour 60 heures de travail par semaine. Les millions d'acres de champs de blé dans les Prairies ont été transformés en déserts de poussière et les agriculteurs ont dû quitter les fermes familiales où ils avaient travaillé toute leur vie.

En 1929, au début de la dépression, 107 000 personnes étaient au chômage au Canada. En 1933, au plus fort de la dépression, il y avait 646 000 chômeurs, soit environ le quart de la main-d'oeuvre du Canada à l'époque.

Le gouvernement Bennett a réagi à la dépression en prévoyant des camps de travail pour les jeunes hommes. Ces camps de travail ont été organisés sous la direction du ministère de la Défense nationale. Les travailleurs recevaient 20c. par jour. C'était une première forme, très dure, de programme de travail obligatoire.

Les conditions qui régnaient dans les camps ont été bien décrites par le député de Qu'Appelle. On y travaillait pour la forme. «Nous jouons à construire des routes», a signalé le gréviste dans son journal. «Que nous sommes marrants. Un jour, nous creusons un fossé, puis nous changeons les plans et constatons qu'il se trouve au mauvais endroit.» Un fonctionnaire du gouvernement conservateur a dit: «Pas un cent du trésor public n'a été dépensé pour des livres et des articles de loisir.»

Le député nous a rendu service en attirant notre attention sur les conséquences d'une telle attitude envers les chômeurs et sur les répercussions du recours aux camps de travail, aux programmes de travail obligatoire ou à d'autres mesures de ce genre pour s'occuper des chômeurs.

Un des travailleurs a écrit à l'époque: «C'est réellement le fait que nous gaspillons notre vie qui nous pousse à marcher sur Ottawa. Nous sommes véritablement une légion perdue de jeunes qui se meurent lentement de ne pas pouvoir dépenser sainement leur énergie.»

Les camps de travail étaient organisés en Colombie-Britannique, il faut le dire, surtout par des travailleurs communistes. Les travailleurs se sont préparés à la marche sur Ottawa et, lorsqu'ils sont arrivés à Regina en juin 1935, ils étaient 12 000. M. Gardiner, premier ministre libéral de la province, a protesté parce que le gouvernement fédéral de l'heure avait décidé que les travailleurs n'iraient pas plus loin. Le premier ministre Bennett les a rencontrés. La réponse qu'il leur a donnée a été très dure et, en fait, il a même refusé de les laisser parler.

Le 1er juillet s'est déroulée la tragédie qu'a décrite le député d'en face. Un policier est mort et nous pleurons sa mémoire. Des dizaines de policiers et d'autres personnes, des travailleurs, de toute évidence, ont été blessés. C'est ne page sombre de l'histoire de la dépression. C'est également une page sombre de l'histoire de la ville de Regina.

La motion du député laisse entendre que le gouvernement conservateur de l'époque est en grande partie à blâmer pour ce qui est arrivé à Regina et pour le jugement de l'histoire. Dans le cas présent, le jugement de l'histoire corrobore beaucoup les arguments du député. Or, pendant la dépression, il n'y avait pas de solutions faciles. Les pays ont élaboré toutes sortes de solutions. Le «New Deal» s'est révélé un succès pour les États-Unis, même si de nombreux autres pays ont jugé cette politique trop autoritaire.

En Italie, Mussolini a réagi en s'assurant que les trains roulent selon les horaires établis, mais aussi en causant des guerres aussi loin qu'en Abyssinie, alors qu'en Allemagne, les projets des travaux publics ont réussi à créer des emplois.

Le parti que représente aujourd'hui le député, le CCF, a été formé dans les années 1930 et il était aussi à la recherche de solutions. Je me reporte au manifeste de Regina, qui réclamait la propriété et la gestion publiques de l'économie canadienne, selon lequel: «Toutes les institutions financières, les moyens de transport, les communications, l'électricité et toutes les autres industries et services essentiels à la planification sociale devraient être nationalisés et gérés par l'État; de plus, aucune indemnité ne doit être prévue en cas de faillite d'intérêts privés à des promoteurs et à des détenteurs d'actions et d'obligations.»

Ce n'est évidemment plus la position que défend le parti du député. Si je le mentionne, c'est simplement parce que nous devons respecter les opinions de l'époque sans approuver la décision prise alors par R.B. Bennett dans ces circonstances particulières. Toutefois, nous pouvons reconnaître que notre jugement aujourd'hui ne peut s'appliquer aux opinions d'une autre époque. Nous ne pouvons, sauf dans des circonstances exceptionnelles, présenter des excuses pour ce qui s'est passé autrefois. Les seules personnes qui pourraient présenter des excuses pour les événements de Regina le 1er juillet 1935 sont celles qui ont pris les terribles décisions qui ont précipité l'émeute. Or, ces personnes sont décédées.

Présenter des excuses pour les mesures prises par un gouvernement en 1935 serait un geste bien intentionné, mais futile. Si nous ne pouvons modifier le cours de l'histoire, nous pouvons en tirer des leçons et nous pouvons nous examiner les fautes d'hier pour agir aujourd'hui.

(1755)

Si on examine les revendications des grévistes de 1935, on peut constater que les hommes qui ont marché sur Ottawa ont vu leurs souhaits exaucés à plusieurs égards.


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Les Canadiens ont chassé le gouvernement Bennett du pouvoir à Ottawa en octobre 1935, et le gouvernement libéral qui a pris le pouvoir sous Mackenzie King a réparé bon nombre des injustices contre lesquelles les grévistes protestaient. Il a aboli, par exemple, l'article 98 du Code criminel qu'on avait invoqué pour arrêter arbitrairement des grévistes et d'autres gens.

L'assurance-chômage a été créée en 1940. Par la suite, nous avons bâti un système de sécurité sociale qui a offert un minimum que n'avaient pas connu les grévistes ni les victimes de la grande crise économique.

Le Canada dans lequel nous vivons aujourd'hui constitue le meilleur monument à la mémoire des grévistes de 1935. Ce monument est constitué de notre régime d'assurance-maladie créé 25 ans plus tard; de notre régime d'assurance-chômage; de nos services sociaux complets et de nos pratiques d'embauche équitables, qui étaient la principale revendication des travailleurs de Regina en 1935.

Compte tenu de la situation actuelle, est-ce que la marche sur Ottawa et l'émeute de Regina pourraient se reproduire au Canada aujourd'hui? Absolument pas. Le député a rendu service à la population en saisissant la Chambre de sa motion, mais même si je ne suis pas d'accord avec sa demande d'excuses officielles, j'approuve vraiment le sentiment dont s'inspire la motion, exprimant le profond regret que le gouvernement actuel et tous les Canadiens ressentent pour ce qui est arrivé aux Canadiens pendant la grande crise économique.

Pour honorer leur mémoire, il conviendrait davantage de profiter de l'occasion que nous donne la motion pour réitérer notre engagement à l'égard des principes de justice sociale qui faisaient défaut au Canada de 1935.

Travaillons donc ensemble à bâtir un pays caractérisé par l'égalité sociale et l'égalité des chances pour tous. On aurait tort de comparer notre époque à celle des années 30 et de laisser entendre que les conditions d'aujourd'hui ressemblent en quoi que ce soit à celles des années 30. Les jeunes dans les camps de travail étaient payés 20c. par jour. Il n'y avait pas d'assurance-chômage, pas d'assurance-maladie, pas de système de sécurité sociale, et pas de solutions faciles non plus.

Aujourd'hui, aussi sérieux que soient nos problèmes, nous avons un taux de chômage qui est probablement le tiers de ce qu'il était durant la crise économique. Les gens qui ont perdu leur emploi jouissent d'une certaine protection. Nous avons un gouvernement qui est résolu à créer des emplois pour les Canadiens et à maintenir un système de sécurité sociale qui protège les intérêts de tous les Canadiens.

J'espère que les députés, y compris celui de Regina-Qu'Appelle, s'accorderont pour dire que les progrès que nous avons accomplis depuis 1935 constituent en eux-mêmes le meilleur monument à la mémoire des grévistes de juillet 1935 à Regina.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je suis particulièrement heureux d'intervenir en cette fin de journée sur la motion du député de Regina-Qu'Appelle, qui porte sur la marche vers Ottawa qui avait été entreprise à partir de Vancouver et qui s'est arrêtée à Regina, le 1er juillet 1935.

Je pense qu'il est important de rappeler aux gens qui nous écoutent le contexte dans lequel ça s'est fait, puis en même temps essayer de voir s'il y a des leçons à tirer d'un événement pareil pour l'histoire et pour les années à venir. On se souvient que 1935 est dans les pires années de la grande Dépression qui, on peut dire, est à peu près le plus grand désastre économique du XXe siècle.

Il faut se souvenir aussi que ce désastre s'est réalisé dans un contexte où les gouvernements disaient: «Moins on intervient, mieux c'est. Moins on va s'assurer d'avoir prise sur les décisions et les orientations qu'on se donne, plus cela va permettre une création de la richesse plus grande et donc, une plus grande répartition ensuite.» Dans la réalité, ce n'est pas ce qui s'est passé. Il y a eu un très grand manque de confiance en l'économie. Il y a eu des taux de chômage soudainement absolument astronomiques et qui ne répondaient plus à aucune réalité, qui ne permettaient plus aux gens d'avoir des revenus suffisants pour assurer leur survie.

À ce moment-là, rappelons-le-nous, il n'existait pas de programmes sociaux comme l'aide sociale, comme l'assurance-chômage. Ce sont des choses qui n'étaient pas en place et donc, lorsqu'on n'avait plus de travail, on n'avait plus rien de possible et c'était la mendicité.

(1800)

Le gouvernement, à ce moment-là, pour essayer de réagir à cela avait créé des camps de travail. Malheureusement, on retrouvait dans ces camps de travail des conditions absolument inacceptables, et c'est à la suite de cela que la grève avait été organisée.

Je pense qu'il faut retenir des aspects importants de cette grève pour en tirer leçon pour le présent. Aujourd'hui nous sommes à la veille d'une réforme du régime des pensions de vieillesse, une réforme du régime d'assurance-chômage, et aussi à des choix cruciaux sur, par exemple, le financement de l'aide sociale. Lorsqu'on ne regarde pas d'où viennent ces choses, souvent on peut porter des jugements un peu hâtifs sur l'impact réel de ces mesures.

Finalement, on a créé ces mesures pour s'assurer qu'il y ait une répartition de la richesse, une répartition du revenu et une chance d'égaliser la consommation. Parce que lorsque ce ne sont que les bien nantis qui possèdent la majorité des biens, quand ils ont satisfait leurs besoins de base, le reste devient du luxe, donc ça fait rouler l'économie beaucoup moins que si tout le monde a le minimum suffisant pour vivre et pour faire vivre sa famille.

Une grève de ce type-là qui a été réprimée dans la violence a existé parce que l'État, à ce moment-là, n'avait pas les mécanismes suffisants pour répartir la richesse.

Pour permettre d'éviter ces excès du passé, pour permettre une redistribution de la richesse, il faut absolument éviter des gestes comme celui posé, par exemple, par le gouvernement de l'Ontario, de dresser une liste pour indiquer à des gens qu'ils peuvent vivre, s'alimenter avec 90 $ par mois, dans une liste d'aliments dans lesquels on oublie de prévoir qu'il faut du lait avec les céréales, des choses absolument aberrantes et qui pourraient amener des compor-


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tements semblables à ce type de grève qui s'est présenté. On oublie de respecter la dignité de base des humains.

L'autre élément qu'on peut retenir, c'est que le travail obligatoire dans des conditions inacceptables est quelque chose qui doit être mis de côté, qui ne doit pas être retenu parce que là encore cela ne respecte pas la dignité des gens. Cela entraîne des réactions excessives qui, sans être justifiées, peuvent être explicables lorsqu'on les regarde de près.

Il y a un autre élément qu'on a moins fait ressortir cet après-midi, c'est l'intervention policière. Il y en a eu plusieurs dans l'histoire du Canada, qui ont été plus ou moins justifiées dans le passé. On nous parle ici d'une qui touche des travailleurs dans l'ouest du Canada, en 1935.

Au Québec il y en a eu une autre qui nous a touchés de façon très particulière, c'est lors de la crise d'octobre en 1970, où par un laxisme de contrôle sur l'action des forces policières on a vu des comportements inacceptables, des arrestations sans mandat, comme on le mentionnait tantôt pour ce qui s'est passé à Regina. La même chose s'est passée à Montréal, à Québec, pendant la crise d'octobre en 1970.

Comme État, comme pays qui prétend être un des plus démocratiques, avoir des pratiques démocratiques très intéressantes qui peuvent être vantées à la face du monde, on a quand même un certain nombre de leçons qui doivent être retenues de ces exemples et qui doivent nous amener à s'assurer que nos forces policières ont des mandats bien précis, qu'ils ont une formation adéquate pour faire face aux situations qui se présentent. Ils doivent obtenir des mandats des juges dans des situations particulières, de telle sorte qu'on ne puisse pas donner place à des excès semblables.

Je pense qu'avec le recul on peut dire que les jeunes hommes, parce que c'était principalement de jeunes hommes qui travaillaient dans ces camps de travail, représentaient un peu l'avenir du Canada au moment où cette grève s'est présentée. Le fait d'avoir été bafoués comme ils l'ont été, ce sont des choses qui ne doivent plus jamais se reproduire dans le futur.

(1805)

Un des participants à cette marche, M. Joe McEwen, a un peu résumé la situation en disant, en conclusion de son explication sur ce qui s'était passé lors de la grève: «Nous étions le sel de la terre». Des gens qui ont 20 ans, 30 ans et qui ont le goût de travailler et veulent des conditions acceptables, ne les trouvent pas et prennent les moyens pour manifester au gouvernement cette insatisfaction, ce besoin de changement. Ils ont trouvé comme seule écoute, une réaction très fermée qui a résulté en de l'agressivité et des comportement inacceptables, probablement des deux côtés de toute façon, mais qui, aujourd'hui, doivent nous servir de leçon pour être certain qu'on ne démolira pas tout ce qu'on a construit et pour éviter que de telles situations se présentent.

Si la prochaine réforme de l'assurance-chômage amène les gens, comme on craint que cela se produise, à devoir travailler 26 semaines au lieu de 20 semaines la première année qu'ils sont admissibles à l'assurance-chômage, on va voir s'accroître et se perpétuer la statistique actuelle qui veut qu'il y ait de plus en plus de gens à l'aide sociale, parce qu'ils ne sont pas admissibles à l'assurance-chômage. Ce genre de réforme mène directement à des comportements violents, car lorsqu'on ne peut plus assurer l'alimentation, les besoins de base de nos familles, c'est un peu normal que les gens cherchent à s'en sortir et ils manifestent leur insatisfaction parfois de façon agressive.

L'autre réforme pour laquelle il faut tirer des leçons du même type, c'est la réforme des pensions de vieillesse. On a développé au Canada, depuis 15 ou 20 ans, un régime qui a permis à nos personnes âgées, tout au moins au niveau de leur vie économique, d'avoir une sécurité supérieure à celle qu'ils avaient auparavant. Dans la réforme qui s'en vient, il faudra s'assurer qu'on ne remette pas en question cette sécurité économique, pour que nos personnes âgées puissent continuer à avoir un revenu décent, un revenu qui leur permette de répondre à leurs besoins de base, leurs besoins minimaux et à contribuer à la société de façon adéquate.

Souvent, quand on discute de ces choses, on nous dit: Vous êtes un peu des épouvantails, vous voulez faire peur aux gens. Je pense qu'il faut se servir des leçons du passé pour voir que souvent, l'histoire se répète et qu'il faut toujours être vigilant dans la défense des droits. C'est la principale leçon que je retiens de cette motion qui demande au gouvernement fédéral de s'excuser officiellement et de façon non équivoque pour les actes commis par le gouvernement de l'époque, lesquels étaient condamnables.

La leçon principale que j'en tire, aujourd'hui, en 1995, c'est de s'assurer que comme Parlement, le gouvernement qui est en face ne va pas répéter les mêmes erreurs et va faire en sorte que notre système de programmes sociaux soit adéquat pour répondre aux exigences du XXIe siècle. La mondialisation des échanges ne signifie pas l'uniformisation des programmes sociaux et cela m'apparaît être un défi du XXIe siècle pour le Québec et le Canada.

[Traduction]

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, étant né et ayant grandi en Saskatchewan, je connais depuis ma tendre enfance les récits des émeutes du jour de la fête du Dominion et des événements bien pires encore qui se sont produits vers la même époque pendant la grève de la mine d'Estevan.

Je ne crois pas que quiconque a un peu de jugeote niera que les camps de travail constituent une page sombre de l'histoire du Canada. Aucune des personnes que je connais ne nierait sans doute que la décision du gouvernement de l'époque d'arrêter les chefs des marcheurs était stupide et injustifiée.

Malheureusement, toute l'histoire est remplie de récits de violence et d'injustice. Le révisionnisme historique aura beau exister, on ne peut pas changer l'histoire. Comme on dit, ce qui est fait est fait et ne peut être défait.

Je ne me sens pas du tout à l'aise face à l'idée de présenter des excuses aux personnes que mes ancêtres pourraient avoir fait souffrir autrefois. Nous avons affaire à des gens qui veulent qu'on leur présente des excuses pour ce que leurs ancêtres ont subi. Il y a à l'heure actuelle des Canadiens d'ascendance ukrainienne qui demandent des excuses parce que leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents ont été internés pendant la Première Guerre mondia-


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le. Des Canadiens d'ascendance chinoise demandent des excuses à la société à cause de la taxe d'entrée.

(1810)

Où allons-nous nous arrêter? Allons-nous présenter des excuses indéfiniment? Certains de mes ancêtres ont été dépossédés de leurs terres en Écosse pour qu'on puisse y faire l'élevage de moutons. Dois-je aller exiger des excuses de personnes qui n'ont en rien été mêlées à ces actes? Je ne le crois pas.

Mais outre la question de savoir où s'arrêter, il faut surtout s'interroger sur l'utilité d'excuses. Rien de ce que nous pourrons dire ou faire aujourd'hui n'effacera ce qui a été fait il y a 60 ans. Pour avoir un sens, les excuses exigent une certaine contrition. En toute honnêteté, je ne me sens pas coupable d'actes perpétrés dans ma province du temps où j'étais seulement un petit garçon. Je n'ai personnellement fracassé le crâne de personne et je ne connais personne dans mes relations qui l'ait fait.

Si le député de Regina-Qu'Appelle veut apaiser sa conscience ou faire mea culpa, qu'il ne compte pas sur moi pour l'assister. À mon avis, s'il veut vraiment faire quelque chose, qu'il retire quelques milliers de dollars de son compte en banque, qu'il se lance sur la trace des survivants et qu'il offre à chacun une bouteille de ce qu'il y a de meilleur. Ce serait de sa part un geste louable, qui aurait un sens, et auquel j'applaudirais avec ferveur.

Par contre, ce qu'il propose aujourd'hui à la Chambre n'a aucun sens; c'est de la poudre aux yeux. Nous n'allons pas ressusciter les morts, nous n'allons pas guérir les blessures des gens dont on a fracassé le crâne il y a 60 ans. La vie continue. Nous avons à nous inquiéter de choses plus importantes à la Chambre.

Je n'appuierai pas la motion du député.

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire de la ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, ce qui est intéressant, quand on est secrétaire parlementaire, c'est qu'on reste tard. Nous sommes donc là. Je tiens à remercier le député de Regina-Qu'Appelle de m'avoir gardé jusqu'ici et d'avoir proposé la motion à l'étude.

La motion dont nous sommes saisis demande au gouvernement fédéral, à l'occasion du 60e anniversaire de la «marche sur Ottawa», de s'excuser des actes commis à l'époque. Selon le texte de la motion, la réaction du gouvernement a trahi une indifférence complète aux chômeurs. Le gouvernement a été responsable de la violence, des pertes de vie, des blessures et de l'emprisonnement contestable de plusieurs participants.

En proposant cette motion, le député nous donne l'occasion de mesurer tout le progrès accompli en 60 ans. Je voudrais comparer la situation actuelle du mouvement syndical à celle d'alors. C'est à peu près tout ce que nous pouvons faire, car il est impossible de revenir en arrière.

Le 3 juin 1935, plus de 1 000 chômeurs ont entrepris la «marche sur Ottawa». Ils étaient exaspérés et en colère devant le sort qui leur était fait et déterminés à faire comprendre aux dirigeants politiques et au pays tout entier qu'ils méritaient mieux que cela. Ils ont fait des pauses à Calgary, à Medicine Hat, à Swift Current et à Moose Jaw avant de parvenir à Regina.

À Regina, une délégation de huit hommes a été choisie et dépêchée à Ottawa pour rencontrer le premier ministre. Ces entretiens ont échoué. Après des tentatives d'arrestation des dirigeants du mouvement, la situation a rapidement dégénéré, ce qui a donné lieu à l'émeute de Regina. Lorsque le calme est revenu, un policier avait perdu la vie, plusieurs dizaines de manifestants, d'agents et de passants avaient été blessés et 130 manifestants avaient été arrêtés. Les événements survenus le 1er juillet 1935 ont été incroyablement traumatisants et ont marqué notre histoire. Qu'est-ce que cette marche a accompli? Quelles leçons pouvons-nous en tirer encore aujourd'hui?

(1815)

Je crois que nous pouvons en tirer plusieurs leçons. Premièrement, il est crucial de ne pas accorder plus d'importance à une idéologie qu'aux besoins de la population. Les gouvernements ne devraient jamais laisser leur adhésion à une idéologie ou la crainte d'une certaine idéologie leur faire oublier les besoins réels de la population. Certains partis représentés à la Chambre des communes devraient tenter d'assimiler ce message.

Cette marche nous a montré également que, si notre société aspire à la prospérité économique et à la paix sociale, nous devons encourager la participation des citoyens et les inviter à s'associer aux groupes de lutte contre la pauvreté, aux organismes sociaux et aux syndicats.

Ces temps-ci, les tenants de la droite dénigrent beaucoup les syndicats, mais il faut comprendre que les sociétés libres et les syndicats libres vont de pair. Les sociétés qui n'ont pas un mouvement syndical fort pour les obliger à évaluer et ré-examiner leurs politiques et leurs comportements sont en mauvaise posture. Les changements économiques et sociaux profonds observés au Canada après la Deuxième Guerre mondiale sont survenus, parce que la population ne voulait plus du statu quo. Les demandes des Canadiens se sont transformées en mesures efficaces.

S'il n'y avait pas de gens qui s'agitent-comme le fait mon collègue d'en face-de gens qui critiquent les gouvernements, remettent en question les politiques et groupent leurs concitoyens en syndicats, ce serait la stagnation. Nous n'aurions jamais fait les progrès que nous avons réalisés jusqu'ici au Canada.

C'est grâce aux défis lancés par les marcheurs et par d'autres que nous sommes parvenus à élaborer des mesures sociales qui vont de pair avec l'essor économique et la prospérité. Prenons, à titre d'exemple, le régime de soins de santé universel et gratuit. Non seulement il repose sur des principes sociaux éclairés, mais il procure aux entreprises canadiennes un certain avantage concurrentiel. Le régime d'assurance-maladie a réduit les coûts des soins de santé que doit assumer notre économie, ce qui fait plus d'argent dans les poches des particuliers et des entreprises.

De même, une législation équilibrée du travail qui reconnaît les droits et les besoins des syndicats ouvriers tend à promouvoir la stabilité en milieu de travail, améliore la productivité, protège le

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pouvoir d'achat et mène à la création de fonds de pension pouvant servir par la suite à financer des investissements privés et publics.

Je pourrais vous donner d'autres exemples, mais je crois avoir réussi à faire valoir mon point. Notre expérience collective des périodes économiques difficiles, une expérience qui inclut la marche sur Ottawa, nous a permis d'envisager la politique sociale d'une certaine manière, de même que la signification et les objectifs des programmes sociaux. À court terme, la marche sur Ottawa n'a probablement pas servi à grand-chose. Dans une perspective plus générale, elle témoigne toutefois d'un changement d'attitude, les efforts des marcheurs et des autres activistes de l'époque ayant contribué dans une large mesure à la naissance du mouvement ouvrier au Canada.

La marche n'a pas entraîné la création d'une organisation officielle, mais elle a éveillé un intérêt parmi les chômeurs et les travailleurs. Elle a mis en place les conditions nécessaires à l'épanouissement du mouvement ouvrier. Avant qu'un puissant mouvement ouvrier puisse s'implanter, il fallait que les ouvriers prennent conscience de leur pouvoir, de leur valeur et de leur dignité. La marche sur Ottawa a permis cette prise de conscience. Depuis, les syndicats sont devenus une force importante dans la société canadienne. Alors qu'aux États-Unis seulement 10 p. 100 de la main-d'oeuvre est organisée, au Canada, les syndicats se portent relativement bien et représentent environ 30 p. 100 des travailleurs de notre pays.

La société canadienne a évolué, dans une large mesure, grâce au travail et aux pressions des syndicats. Je reconnais et j'estime à leur juste valeur le rôle qu'ils ont joué au Canada. J'ai un préjugé extrêmement favorable à leur endroit, car je gagnais ma vie dans ce secteur avant de venir ici. Le mouvement ouvrier actuel doit beaucoup aux participants à la marche sur Ottawa et à tous les autres hommes et femmes qui ont lutté pour rendre la société canadienne plus juste, compatissante et démocratique. L'avènement du mouvement ouvrier a entraîné l'adoption de nouvelles lois. Un événement marquant a été l'adoption du décret du C.P. no 1003 qui, en 1944, a inscrit dans la loi le droit des travailleurs d'adhérer à des syndicats et de négocier collectivement. Imaginez, ce n'est pas si loin tout cela.

Depuis, les gouvernements ont adopté nombre de lois concernant les conditions de travail, la santé et la sécurité au travail ainsi que la protection des travailleurs. Je suis fier que nos lois soient beaucoup plus progressistes que celles des États-Unis et qu'elles répondent davantage aux besoins des travailleurs.

(1820)

Pour que nos lois demeurent représentatives des besoins de notre main-d'oeuvre actuelle et qu'elles continuent d'y répondre, nous procédons en ce moment à un examen exhaustif du Code canadien du travail. Ce printemps, nous comptons présenter à la Chambre un projet de loi que tous les députés pourront étudier. Notre objectif est de garantir un système équilibré dont tous bénéficient.

Je tiens à remercier à nouveau le député d'avoir présenté cette motion qui rappelle les moments difficiles qu'ont vécus des millions de Canadiens il y a 60 ans. Les marcheurs n'ont pas essayé d'obtenir des changements en vain. Cela nous donne une idée du chemin que nous avons parcouru en travaillant ensemble pour créer les conditions propices à la paix sociale. C'est un héritage que nous devons protéger de manière que les travailleurs canadiens puissent continuer de bâtir notre pays et de créer de nouvelles perspectives pour tous.

Je voudrais dire au député que je crois moi aussi, à l'instar de mes collègues d'en face qui ont pris la parole avant moi, que nous ne pouvons revenir en arrière pour essayer de comprendre ce qui a motivé pareille conduite. Nous pouvons toutefois tirer une leçon de nos erreurs et progresser comme nous l'avons fait dans notre pays. Comme je l'ai dit, espérons que les leçons que nous ont enseignées les marcheurs seront intégrées dans nos lois. Ceux-ci occuperont toujours une place spéciale dans nos coeurs et dans notre histoire pour la simple et bonne raison qu'ils ont contribué à la naissance du mouvement ouvrier au Canada.

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso, Lib.): Monsieur le Président, je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais comme il reste du temps, je voudrais dire quelques mots au sujet de la motion présentée par le député de Regina-Qu'appelle, que je suis heureux d'appuyer cet après-midi.

Si j'appuie cette motion, c'est pour nous permettre de débattre de cet événement de l'histoire du Canada qui nous ramène à l'esprit certaines des périodes difficiles qui ont donné naissance à nombre de lois et de programmes sociaux progressistes dont nous jouissons aujourd'hui au Canada.

Il importe que nous nous rappelions les événements comme la marche sur Ottawa d'il y a 60 ans et les luttes que nos aïeux ont livrées pour paver la voie à certains des programmes sociaux dont nous sommes si fiers aujourd'hui.

Quant à savoir s'il faut s'excuser officiellement et de façon non équivoque, je suis porté à ne pas appuyer cette partie de la motion pour les mêmes raisons que des députés des deux côtés de la Chambre ont déjà invoquées, à savoir que nous ne pouvons pas, aujourd'hui, juger les actes de nos ancêtres, mais seulement en tirer des enseignements. Je tenais à faire cette réserve, même si j'appuie la motion dont nous sommes maintenant saisis cet après-midi.

La tentative du député de comparer la situation actuelle à celle de la crise qui a provoqué la «marche sur Ottawa» et tous les événements malheureux survenus le 1er juillet 1935, à Regina, m'a laissé un peu perplexe. J'estime que le Canada a fait beaucoup de progrès depuis cette époque. Les luttes et les sacrifices de ces travailleurs comptent parmi les facteurs qui ont fait du Canada ce qu'il est aujourd'hui.

(1825)

J'estime que les difficultés économiques que nous éprouvons à l'heure actuelle ne sont absolument pas comparables à celles que les travailleurs ont connues pendant la crise des années 30 et que le député et d'autres à la Chambre ont éloquemment décrites comme étant des expériences desquelles le Canada doit tirer des enseignements.

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Ces réserves étant faites, je tiens à féliciter le député de Regina-Qu'Appelle d'avoir présenté cette motion, d'avoir attiré notre attention sur ce chapitre de l'histoire du Canada et d'avoir permis aux députés des deux côtés d'en tirer des leçons.

Le président suppléant (M. Kilger): Chers collègues, il ne reste que quelques minutes à la période des initiatives parlementaires. Plaît-il à la Chambre que le député au nom duquel la motion est inscrite au Feuilleton mette fin au débat sur cette motion en parlant pendant au plus deux minutes en vertu du droit de réplique, après quoi la séance serait levée?

Des voix: D'accord.

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, je veux remercier les députés de la Chambre de me donner l'occasion de clore le débat. J'essaierai de ne pas dépasser deux minutes.

Je veux remercier aussi le député de Cap-Breton Highlands-Canso d'avoir appuyé ma motion, ce qui a permis qu'elle soit débattue à la Chambre aujourd'hui. Comme aucun député de mon parti n'était présent, je lui sais gré d'avoir eu la gentillesse de permettre que son nom soit utilisé comme comotionnaire. Je reconnais également que, lorsqu'il a posé ce geste, cela ne voulait pas nécessairement dire qu'il appuyait tout le contenu de la motion et toutes les remarques que j'allais faire.

Il est vrai, comme certains députés l'ont dit, qu'on ne peut pas refaire le passé. On ne peut pas ressusciter les morts. Cependant, je crois qu'il est important, dans certains cas, de dire que ce qui a été fait était condamnable. Nous le faisons de façon officielle en présentant des excuses.

À mon avis, le fait de reconnaître officiellement une erreur au moyen d'une motion du Parlement, c'est-à-dire reconnaître dans ce cas que les actes commis lors de l'émeute de Regina étaient condamnables et s'en excuser, est un signe de l'évolution de notre société.

Certains députés, particulièrement chez les ministériels, ont dit qu'il y avait une différence énorme entre les conditions à l'époque et les conditions aujourd'hui. C'est vrai. Beaucoup d'entre nous craignent que nous ne soyons en train de nous diriger vers une situation qui ressemble à la dernière dépression.

C'est l'une des raisons pour lesquelles je veux soulever cette question. Même s'il y a des différences, il y a également, malheureusement, des ressemblances, particulièrement le désespoir que ressentent beaucoup de nos jeunes qui n'ont pas d'emplois, pas de possibilités, pas d'avenir. C'est certainement ce même sentiment de désespoir qui a poussé les jeunes qui étaient dans ces camps à entreprendre la marche sur Ottawa pour porter à l'attention du Parlement les conditions qui existaient à l'époque.

J'espère que nous ne connaîtrons plus jamais de telles conditions, mais il n'en reste pas moins que, pour beaucoup de nos jeunes Canadiens, l'avenir n'est pas synonyme d'espoir et de possibilités, mais bien de désespoir et de chômage.

J'espère que le gouvernement et le Parlement se souviendront de ce que le gouvernement Bennett a fait à l'époque, qu'ils reconnaîtront que ce n'est pas là une solution aux problèmes que nous connaissons, et que nous travaillerons tous ensemble pour trouver une nouvelle solution au problème.

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément au paragraphe 96(1) du Règlement, l'article est rayé du Feuilleton.

Comme il est 18 h 30, la Chambre s'ajourne à 10 heures vendredi, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 30.)