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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 6 décembre 1995

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LA SEMAINE NATIONALE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

LE SRI LANKA

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LA PORNOGRAPHIE

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LE PROJET DE LOI C-103

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LE COMITÉ DU PATRIMOINE CANADIEN

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LE DÉPUTÉ DE BONAVENTURE-ÎLES-DE-LA-MADELEINE

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 17274

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

QUESTIONS ORALES

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17275
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17275
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17275
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17275
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17276

L'ÉCONOMIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17276
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17276
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17277

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17277
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17277

L'ÉCONOMIE PARALLÈLE

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17278
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17278
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 17279
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17279
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 17279
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 17279

LE COMITÉ DU PATRIMOINE CANADIEN

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17279
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17279
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17279
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17280
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17280

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 17280
    M. Breitkreuz (Yellowhead) 17280

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    Mme Gagnon (Québec) 17281
    Mme Gagnon (Québec) 17281

L'ÉDITION DES PÉRIODIQUES

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

LE SECTEUR BANCAIRE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 17282

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LA CONDITION FÉMININE

    Mme Gagnon (Québec) 17283
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 17284

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

SANTÉ

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 17286

SANTÉ

PÉTITIONS

LE SRI LANKA

LA LOI SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

    M. Harper (Simcoe-Centre) 17287

LE CODE CRIMINEL

    M. Harper (Simcoe-Centre) 17287

LA MILICE

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDES DE DOCUMENTS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

MOTION PORTANT QUE LE DÉBAT NE SOIT PLUS AJOURNÉ

    Adoption de la motion par 146 voix contre 93 17288

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 17289
    Adoption de la motion 17289

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

    Reprise de l'étude de la motion 17289
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 17289
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 17291
    M. Harper (Simcoe-Centre) 17296

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

    M. White (North Vancouver) 17301
    M. Chrétien (Frontenac) 17304

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

    Reprise de l'étude de la motion et de l'amendement. 17307
    M. Chrétien (Frontenac) 17309
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 17320
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17342
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 17343

ANNEXE


17271


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 6 décembre 1995


La séance est ouverte à 14 heures.

_______________

Prière

_______________

Le Président: Comme le veut notre coutume, nous allons chanter l'hymne national, et ce sera aujourd'hui sous la direction du député de Kootenay-Est.

[Note de l'éditeur: Tous les députés chantent l'hymne national.]

______________________________________________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LA SEMAINE NATIONALE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, c'est cette semaine la Semaine nationale de la sécurité routière.

Il y a dix ans, 4 364 Canadiens ont été tués et 259 200 autres ont été blessés dans des accidents d'autos. On estimait à l'époque que les décès dus à des accidents de la route étaient attribuables à l'alcool dans environ 43 p. 100 des cas.

En 1994, même si le nombre de véhicules sur les routes avait doublé, on ne comptait plus que 3 260 décès attribuables à des collisions, soit une réduction de 25 p. 100, et 245 000 blessures, soit 5 p. 100 de moins. Toutefois, l'usage de l'alcool était encore en cause dans 44 p. 100 des cas.

La conclusion saute aux yeux. Nos efforts pour réduire le nombre de victimes de la route ont donné de bons résultats, mais la conduite en état d'ébriété est un problème qu'il ne faut pas négliger. C'est pourquoi le thème de cette année pour la Semaine nationale de la sécurité routière, c'est «la face cachée de la conduite en état d'ébriété». Il arrive encore que des Canadiens aient des accidents qu'ils auraient pu éviter s'ils n'avaient pas bu avant de prendre le volant.

* * *

LE RENOUVELLEMENT DU FÉDÉRALISME CANADIEN

M. Hugh Hanrahan (Edmonton-Strathcona, Réf.): Monsieur le Président, les propositions d'unité nationale des libéraux auront des conséquences défavorables pour le Canada. Ces propositions diviseront davantage le pays qu'elles ne l'uniront. La disposition sur la société distincte sera considérée comme l'équivalent d'un statut particulier accordé au Québec. En donnant aux gouvernements provinciaux plutôt qu'au peuple le droit de veto consenti au gouvernement fédéral en vertu de la Constitution, le gouvernement ne fera que susciter des conflits entre les provinces.

Les propositions du gouvernement auront pour résultat final d'accroître les inégalités. Il n'y a aucun doute qu'en niant l'égalité constitutionnelle de tous les citoyens, on répandra l'idée que les Canadiens ne sont pas égaux.

Les électeurs de ma circonscription, Edmonton-Strathcona, et moi-même appuyons la politique du livre bleu réformiste, qui énonce clairement notre engagement envers le Canada en tant que nation unique et notre vision du Canada comme une fédération équilibrée, formée de dix provinces égales où les citoyens sont égaux.

* * *

LE SRI LANKA

Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): Monsieur le Président, Sri Lanka est un pays déchiré par la violence. Le conflit qui oppose l'armée sri-lankaise et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul a fait 50 000 morts depuis 1983. En outre, 500 000 Tamouls ont été forcés de s'exiler.

Le ministre des Affaires étrangères a énoncé la politique canadienne: Les problèmes de Sri Lanka ne peuvent être résolus sur le champ de bataille. Le ministre et le secrétaire d'État ont tous deux déclaré à maintes reprises que le Canada était prêt à offrir ses services pour trouver une solution au conflit, si les deux côtés en faisaient la demande.

La situation à Sri Lanka est grave. Des innocents sont victimes d'une violence terrible, de la faim et du désespoir. Et au milieu de toute cette violence, certains prétendent que l'argent destiné à l'aide humanitaire sert à acheter du matériel militaire.

J'applaudis le ministre et le secrétaire d'État pour avoir offert leurs services en vue de résoudre ce différend et je les encourage à prendre les mesures nécessaires pour que l'aide parvienne à ceux qui en ont le plus besoin.

* * *

[Français]

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le caractère spécial de cette journée.

En effet, comme à chaque année depuis six ans, nous sommes appelés le 6 décembre à réfléchir sur la violence faite aux femmes. Depuis le jour où 14 jeunes femmes ont été abattues à l'École polytechnique de Montréal, les Canadiens et les Québécois sont devenus de moins en moins tolérants face à toutes les formes de violence, et en particulier face à la violence faite aux femmes. En


17272

effet, comment ne pas s'indigner lorsqu'on apprend que trois femmes sur dix au Canada ont été victimes d'au moins un acte de violence physique perpétré par leur conjoint.

Le gouvernement du Québec a compris l'importance d'agir et dépose aujourd'hui sa politique sur la violence faite aux femmes.

Le gouvernement fédéral devrait s'inspirer de cet exemple et s'attaquer aux causes de la violence qui sont avant tout la détresse psychologique et le désespoir liés au chômage, à l'endettement et à la pauvreté.

* * *

[Traduction]

LA PORNOGRAPHIE

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, je prends la parole pour attirer l'attention de la Chambre sur les sérieuses préoccupations que suscite la pornographie chez beaucoup de mes électeurs.

Le chapitre local de la Catholic Women's League de Saint John m'a envoyé plusieurs petit rubans à l'occasion de la semaine des rubans blancs contre la pornographie, ou WRAP en anglais. Du 22 au 29 octobre, la CWL a participé à une variété d'activités dans le cadre de cette campagne.

Les membres de la CWL et des paroissiens arboraient ces rubans qu'ils m'ont envoyés après y avoir écrit leur nom pour manifester leur opposition à toute forme de pornographie. Nous avons besoin de lois plus strictes pour nous protéger contre cette menace destructrice qui pèse sur notre société.

Aujourd'hui, nous commémorons la mort tragique des 14 jeunes femmes qui ont été brutalement assassinées à l'École polytechnique de Montréal, il y a cinq ans. Alors que nous honorons leur mémoire, souvenons-nous que la pornographie contribue aux actes de violence du genre de celui qui leur a ôté la vie.

Je félicite mes électeurs pour leurs efforts; je suis parfaitement d'accord avec eux. J'exhorte le gouvernement à prendre la défense des Canadiens et à adopter des lois plus strictes contre la pornographie.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

M. Derek Wells (South Shore, Lib.): Monsieur le Président, nous nous souvenons aujourd'hui de la tragédie qui s'est produite le 6 décembre 1989. Voilà six ans que 14 jeunes femmes de l'École polytechnique de Montréal ont perdu la vie. La tristesse de cette journée est toujours fraîche à notre esprit.

Bien que nous ayons déjà fait beaucoup pour sensibiliser le public à la violence faite aux femmes, il suffit de lire les journaux pour voir que cela se produit encore chaque jour. Un coup d'oeil aux statistiques démontre que les femmes continuent d'être la cible d'actes de violence.

Des mesures ont été prises par le gouvernement libéral au cours des deux dernières années pour réduire la violence contre les femmes et promouvoir l'égalité des femmes au sein du Canada et au niveau international. Au Canada, le plan fédéral d'égalité des sexes a été annoncé, tandis qu'au niveau international, le Canada a joué un rôle de leader à la conférence des Nations Unies sur les femmes. Toutefois, nous avons encore beaucoup de chemin à faire.

Aujourd'hui, en cette journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence dirigée contre les femmes, prenons un moment pour nous souvenir des 14 jeunes femmes qui sont mortes, ainsi que toutes les autres qui ont souffert, ici, au Canada, et dans le monde entier.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

Mme Rose-Marie Ur (Lambton-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le sixième anniversaire de la mort tragique de 14 jeunes femmes à l'École polytechnique de Montréal.

En l'honneur de cette journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence dirigée contre les femmes, le gouvernement du Canada demande à tous les Canadiens de reconnaître que la violence contre les femmes est une violation des droits de la personne et qu'elle n'a pas sa place dans la société canadienne.

(1405)

Malheureusement, trop de femmes continuent de souffrir de diverses formes d'agression aux mains de leur partenaire, de leurs connaissances ou d'étrangers. En conséquence, l'élimination de la violence reste une priorité du gouvernement canadien.

Depuis la tragédie de Montréal, le gouvernement fédéral a redoublé d'efforts pour éliminer la violence contre les femmes. En fait, le Canada est considéré comme un des leaders mondiaux en ce qui concerne ce problème, du fait des mesures prises au niveau de la communauté, de l'échange d'informations et de la sensibilisation, et de la création de refuges pour les femmes battues et les enfants.

Je demande à tous les Canadiens de prendre leurs responsabilités et de participer à l'éradication de toutes les formes de violence contre les femmes.

* * *

LE PROJET DE LOI C-103

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier, un comité du Sénat a proposé un amendement au projet de loi C-103 qui accorderait à la version canadienne du magazine Sports Illustrated un statut spécial en vertu de droits acquis. En faisant cette recommandation, il a joint sa voix à celles du Parti réformiste, du groupe de travail sur l'industrie canadienne du périodique et du présent ministre du Commerce international.

Il est incroyable que le ministre du Patrimoine canadien compromette notre réputation internationale en insistant pour que Sports Illustrated soit banni rétroactivement, à compter de mars 1993. Si le Sénat, un groupe de travail spécial sur les éditions dédoublées et le ministre du Commerce international reconnaissent tous que Sports


17273

Illustrated a le droit de publier une édition dédoublée au Canada, pourquoi le ministre du Patrimoine canadien refuse-t-il de l'admettre?

C'est peut-être qu'il ne sait pas ce qu'il fait. Il a déclaré hier que le gouvernement voulait s'assurer que les entreprises canadiennes demeurent canadiennes, qu'elles puissent prendre de l'expansion et exporter, car l'exportation était essentielle à leur développement. N'est-il pas étonnant, dans ce cas, de voir que le projet de loi C-103 imposera une taxe d'accise de 80 p. 100 à toutes nos exportations de périodiques? C'est tout à fait incroyable.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, il y a cinq ans, une ancienne députée néo-démocrate, Mme Dawn Black, a obtenu l'appui unanime de la Chambre des communes pour son projet de loi qui déclarait le 6 décembre Journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence dirigée contre les femmes. Comme nous l'avons fait chaque année depuis 1990, nous commémorons aujourd'hui les 14 étudiantes tuées il y a six ans à Montréal.

Cependant, ce jour n'est pas un jour de souvenir et de deuil uniquement, c'est aussi un jour d'action. À cet égard, les libéraux n'ont pas respecté leur engagement envers les femmes. Au cours de l'année qui s'achève, le gouvernement fédéral a aboli le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Il affirme qu'il est déterminé à faire cesser la violence faite aux femmes, mais il met fin aux programmes qui apportent aux femmes un appui vital.

Bon nombre de ces programmes sont financés par le Régime d'assistance publique du Canada ou par les paiements de transfert aux provinces et aux territoires, qui sont réduits considérablement, ce qui menace la survie des refuges d'urgence pour les femmes, des garderies et des autres services semblables qui viennent en aide aux femmes et à leurs familles.

Les libéraux doivent réaffirmer leur engagement envers les femmes par des gestes et non par des paroles.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui une journée nationale de deuil et de commémoration à la mémoire des 14 jeunes femmes tuées, dans la fleur de l'âge, il y a six ans, pour la seule raison qu'elles étaient des femmes.

Alors que nous pleurons leur mort, nous devrions nous rappeler que plus de 50 p. 100 des femmes au Canada, un tiers des femmes de la Colombie-Britannique sont victimes de violence physique et morale, ainsi que de cruauté mentale. Battues physiquement et mentalement, vivant dans une impuissance et une douleur chroniques, c'est un héritage d'amertume qu'elles transmettent à leurs enfants, les enfants du Canada.

En tant que parlementaires, hommes ou femmes, libéraux, réformistes ou bloquistes, il est de notre devoir de mettre un terme à ce cauchemar dans lequel tant de femmes sont plongées au lieu de vivre une vie normale. Le ministre de la Justice, la ministre de la Santé et la secrétaire d'État chargée de la Situation de la femme donnent clairement l'exemple à ce chapitre, mais cela ne suffit pas.

Nous devons mobiliser nos collectivités, les médias et les entreprises. Il faut faire de cette question une cause nationale. Les crimes violents coûtent à notre pays plus de 4 milliards de dollars par année, mais le coût réel en ce qui concerne les vies humaines et les espoirs perdus est incommensurable.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui une journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence dirigée contre les femmes.

Nous nous souvenons, nous pleurons la mort de femmes et nous agissons. Nous nous rappelons 14 étudiantes qui ont perdu tragiquement la vie à l'École polytechnique à la suite d'un acte insensé de violence contre les femmes. Nous pleurons la perte de 14 de nos jeunes femmes les plus brillantes qui avaient un avenir prometteur.

Nous nous engageons à agir avec détermination pour éliminer la violence contre les femmes partout. En moyenne, une femme est tuée tous les six jours au Canada, souvent dans une maison et par quelqu'un qu'elle connaît. L'arme de choix est généralement une arme à feu. Ce sont des faits alarmants et donnant à réfléchir, mais c'est la situation à laquelle nous sommes confrontés.

Le gouvernement réagit en lançant des initiatives, notamment en exerçant un contrôle plus strict sur les armes à feu, en veillant à ce qu'on ne puisse plus plaider l'état d'ébriété comme moyen de défense, en faisant mieux respecter les engagements de garder la paix, etc. Cependant, la suppression de toute violence contre les femmes exige la pleine participation de tous les membres de la société: le gouvernement, les médias, les entreprises, les collectivités, les individus et les familles.

J'encourage tout le monde à collaborer pour éliminer la violence faite aux femmes. Agissez.

* * *

(1410)

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

M. John English (Kitchener, Lib.): Monsieur le Président, il y a six ans, dans une université, un lieu de haut savoir, une tragédie canadienne s'est produite. En ce jour, en 1989, un homme seul dirigea sa rage contre 14 femmes innocentes qui étudiaient à l'École Polytechnique de Montréal.

Dans un pays comme le Canada, où tant de femmes sont exposées à un certain niveau de violence, physique ou sexuelle, il nous faut tout mettre en oeuvre pour maintenir notre réputation de pays possédant la meilleure qualité de vie au monde et faire en sorte que notre société ne connaisse pas la violence fondée sur l'ethnie ou les sexes.

Nous célébrons ce jour pour rendre hommage à la mémoire des victimes du massacre de Montréal et pour sensibiliser davantage les Canadiens au fait que la violence faite aux femmes n'est pas seulement un crime, mais également une infraction aux droits de la personne.

La violence faite aux femmes, ce n'est pas la preuve que l'on exerce un pouvoir sur quelqu'un d'autre, mais une forme d'expression de la peur qu'éprouvent les lâches.


17274

[Français]

LE COMITÉ DU PATRIMOINE CANADIEN

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, il y a quelques jours, le gouvernement présentait une motion touchant la reconnaissance du Québec comme société distincte.

Cependant, cette manifestation d'amour envers les Québécois se révèle comme la plus pure des fumisteries, à la lumière des propos incendiaires tenus par certains députés libéraux et réformistes du Comité du patrimoine.

Quel fédéraliste québécois peut croire à la sincérité des députés libéraux lorsqu'ils s'objectent de façon véhémente à ce que Téléfilm Canada subventionne des productions audiovisuelles françaises, qu'ils estiment trop favorisées par rapport au poids démographique des francophones?

Aucun Québécois ne peut demeurer indifférent devant le chantage éhonté que ces députés ont fait subir au Conseil des Arts, la semaine dernière, et à Téléfilm hier, s'ils maintiennent leur politique de subventionner tout projet artistique sur la base du mérite créatif et non pas sur la base de l'engagement partisan des créateurs québécois envers le fédéralisme.

Devant ce spectacle, il est clair que nous assistons au. . .

Le Président: Je regrette, votre temps de parole est écoulé. L'honorable député de New Westminster-Burnaby a maintenant la parole.

* * *

[Traduction]

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour marquer le 6 décembre qui, dans notre conscience nationale, reste le jour où des étudiantes de Montréal ont trouvé la mort. L'année dernière, à pareille date, après avoir prêté l'oreille aux beaux discours des ministériels, je mettais en doute la sincérité de certains députés libéraux, Une année s'est écoulée depuis et le temps est venu de se pencher sur le bilan du gouvernement, lequel a fait peu de choses pour les victimes.

Certes, on a maintenant une réglementation plus stricte sur les armes à feu, mais ce n'est pas ce qui va empêcher la perpétration de meurtres à Montréal. Les victimes ne jouissent pas d'un traitement global particulier devant les tribunaux et dans le Code criminel. Il y a toujours l'article 745 qui prévoit la libération anticipée des meurtriers et l'étude de mon projet de loi d'initiative parlementaire en faveur des victimes n'a pas encore été abordée à la Chambre.

J'exhorte le gouvernement à tenir compte des bons sentiments qui sont toujours exprimés en ce jour en veillant à ce que d'ici l'année prochaine à la même époque des modifications de fond aient été apportées à la loi afin que cette journée commémorative ait un sens. Puisse-t-on dire de la Chambre que, non seulement elle a raison, mais également qu'elle sait passer de la parole aux actes.

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, il y a six ans, l'innommable s'est produit à Montréal. Je voudrais rendre un hommage particulier à mes anciennes collègues, Dawn Black et Mary Collins. Il y a cinq ans, dans une rare manifestation d'unanimité, la Chambre a adopté le projet de loi d'initiative parlementaire de Mme Black instituant à jamais ce jour-ci en tant que journée de commémoration et d'action.

Je voudrais également rendre hommage à la députée de Saint-Hubert qui, elle aussi, appuie très fortement bon nombre des mesures pour lesquelles nous nous sommes battus en faisant abstraction du sectarisme politique à la Chambre.

La violence faite aux femmes est une horreur très particulière à laquelle notre pays est confronté. Ce n'est pas un problème qu'on peut régler simplement avec des lieux communs. Ce n'est pas un problème qu'on peut régler avec des réactions politiques négatives aux programmes sociaux et au contrôle des armes. . .

Le Président: Le député de Richmond-Wolfe.

* * *

[Français]

LE DÉPUTÉ DE BONAVENTURE-ÎLES-DE-LA-MADELEINE

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, le très volubile député de Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine a tenu à démontrer cette semaine qu'il n'avait pas encore atteint les limites de l'arrogance et de l'absurde.

Se croyant toujours au défunt Parlement jeunesse du Canada, celui que l'on surnomme «Monsieur 31» a confirmé qu'il avait toutes les qualités requises pour tenir le rôle du jeune premier dans un vaudeville.

Mme Lise Bissonnette a rapporté dans l'éditorial du journal Le Devoir que le jeune député avait fait une charge à fond de train contre la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en affirmant qu'elle était incapable de faire son travail et que son gouvernement pourrait s'entendre directement avec les partenaires. Mme Bissonnette qualifie ironiquement les propos du député en écrivant, et je la cite: «La vérité, comme on le sait, sort de la bouche des enfants.»

(1415)

Balzac écrivait que le pouvoir ne grandit que les grands. Cette leçon d'humilité. . .

Le Président: Je regrette de devoir interrompre le député, mais son temps de parole est expiré. J'accorde la parole à l'honorable député d'Outremont.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

M. Martin Cauchon (Outremont, Lib.): Monsieur le Président, en cette journée du 6 décembre, nous avons tous en mémoire ces 14 jeunes femmes pleines d'avenir et d'espoir qui ont été assassinées à

17275

l'École polytechnique. Nous pensons également aux milliers d'autres femmes pour qui la violence est une réalité quotidienne.

Nous avons tous le devoir et la responsabilité de combattre la violence sous toutes ses formes. C'est ce que fait notre gouvernement, spécialement avec la Loi sur le contrôle des armes à feu que nous venons d'adopter.

Je veux remercier les familles des victimes de l'École polytechnique qui ont été si vigilantes et courageuses dans leurs démarches de sensibilisation et d'appui au contrôle des armes à feu. Je suis certain que leur geste va contribuer à sauver des vies.

______________________________________________


17275

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, la fin de semaine dernière, la ministre du Travail a affirmé sur les ondes de tous les postes de télévision et de radio au Québec que le gouvernement fédéral créerait, avec la réforme de l'assurance-chômage, un fonds de réserve pour pallier d'éventuelles crises économiques, d'éventuels ralentissements, disait-elle.

Par ailleurs, le budget 1995 du ministre des Finances prévoit que les surplus de la caisse d'assurance-chômage serviront à éponger le déficit fédéral. C'est écrit en toutes lettres aux pages 89 et 94 du budget. Hier, le ministre des Finances n'a pas répondu à nos questions; aujourd'hui, je vais poser la question au premier ministre.

Compte tenu que les propos de la ministre du Travail contredisent très clairement et formellement ce qui est écrit dans le budget du gouvernement, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, entre ces deux ministres, qui dit vrai?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Les deux, monsieur le Président.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, je demanderai donc ceci au premier ministre.

Puisque les deux disent vrai, comment concilie-t-il sa réponse avec l'évidence des choses? De deux choses l'une: ou bien la ministre du Travail dit vrai et on fera une réserve pour pallier les difficultés économiques, ou bien cela est vrai, ou bien les dispositions du budget ne sont plus exactes. Comment le premier ministre peut-il honnêtement et sincèrement considérer que ces deux ministres disent vrai, alors qu'ils se contredisent?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsqu'il y a un surplus dans le fonds de l'assurance-chômage, il est inscrit dans les livres comme un surplus et on se sert de cet argent dans les comptes courants du gouvernement. Mais dans le livre, c'est considéré comme une dette qu'on doit à ce fonds. Au lieu d'emprunter sur le marché, on se sert de ce fonds. On tient compte dans les livres que c'est une réserve qu'on devra rembourser si nécessaire. Mais comme nous travaillons très fort pour réduire le chômage, depuis que nous formons le gouvernement, au lieu de faire état d'un déficit dans l'assurance-chômage nous avons tous les ans un surplus parce que nous avons une bonne administration.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, je ne sais pas si le premier ministre réalise ce qu'il vient de dire. Il vient de nous expliquer que le déficit du gouvernement pour cette année sera plus élevé de cinq millions qu'en réalité parce que le ministre des Finances a pris le surplus de la Caisse d'assurance-chômage, l'a soustrait dans la colonne, a mis les revenus d'assurance-chômage dans les revenus, puis il nous a dit: «Voici ce que sera mon déficit.»

Réalise-t-il qu'avec sa réponse il vient de confirmer, en tant que chef du gouvernement, que le déficit du ministre des Finances sera plus élevé de cinq millions?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous considérons, comme je l'ai dit plus tôt très clairement, que les fonds en question sont composés d'argent qu'on a emprunté. Au lieu de l'emprunter dans le secteur privé, on l'a emprunté à nous-mêmes. Mais dans les livres, comme bons comptables, on dit que ce n'est pas notre argent, que c'est de l'argent en réserve.

Au lieu d'aller l'emprunter sur le marché et faire concurrence au secteur privé, on se finance avec cet argent qu'on sait qu'on devra rembourser un jour.

(1420)

Mais il est fort probable que dans les années qui viennent, puisque le gouvernement travaille très fort pour créer des emplois, en ce faisant au lieu d'avoir un déficit à l'assurance-chômage on aura, encore l'an prochain, un surplus.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse aussi au premier ministre.

Les données disponibles dans la revue financière du ministre des Finances révèlent que 82 p. 100 des réductions de dépenses de programmes mises de l'avant par le fédéral l'ont été dans le seul programme de l'assurance-chômage.

Dans ce contexte, comment le premier ministre peut-il refuser d'admettre que la seule stratégie de son gouvernement en matière de lutte au déficit a été de couper les prestations aux chômeurs?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, quand le gouvernement du Parti québécois dit qu'on a coupé les transferts aux provinces, il contredit à ce moment-là ce que vient de dire le député qui dit qu'on n'a pas coupé, qu'on a coupé seulement les prestations aux chômeurs et pas les transferts.

Alors, on a coupé partout, sauf qu'on a diminué les transferts comme ceux qu'on fait pour la santé et les autres programmes, mais par contre on a augmenté les paiements de péréquation. En fait, depuis que nous sommes au gouvernement les transferts à la province de Québec sont exactement au même niveau et même un peu plus


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élevés qu'ils ne l'étaient lorsque nous avons formé le gouvernement.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre détourne la question. On dit que dans l'ensemble des coupures de programmes que son gouvernement a faites relativement aux transferts aux provinces, au niveau de l'assurance-chômage, 82 p. 100 de ces coupures ont été faites dans le fonds de l'assurance-chômage. C'est cela qu'on lui dit aujourd'hui. Et c'est cela qu'il tente de dévier comme information.

Je lui pose la question suivante: Le premier ministre se rend-il compte que la façon dont il s'y prend pour réduire le déficit par le truchement des surplus à l'assurance-chômage est odieuse et témoigne de son incapacité à assainir les finances publiques autrement que par une taxe à l'emploi? Car c'est bien cela son assurance-emploi, c'est une taxe sur l'emploi.

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, le député tente encore une fois d'induire les Canadiens en erreur.

Revenons à vendredi dernier et arrêtons-nous sur deux faits essentiels. Il est très important de dissiper la confusion que les bloquistes provoquent constamment.

Premièrement, les économies de 800 millions de dollars qui sont réalisées au titre du régime sont utilisées directement aux fins des prestations d'emploi pour remettre les Canadiens au travail. Il s'agit donc d'un changement important des prestations de revenu en des prestations d'emploi, qui devrait nous permettre de nous adapter aux nouvelles situations relatives au travail. Ce changement nous donne un moyen efficace et rapide pour que les Canadiens réintègrent le marché de l'emploi.

Les chiffres que le député cite n'ont absolument aucun rapport avec notre déclaration voulant que l'argent soit directement réutilisé.

Deuxièmement, nous commençons à réduire les cotisations au régime. Nous réduisons de 1,3 milliard de dollars les cotisations des employeurs et des employés, afin qu'ils puissent créer des emplois et avoir plus d'argent dans leurs poches.

[Note de l'éditeur: Interruption due à une panne d'électricité.]

Des voix: Oh, oh!

M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre): Monsieur le Président, mon argument est tellement puissant qu'il surcharge le circuit électrique de la Chambre. La difficulté, c'est que dès que les bloquistes interviennent, tout le monde est plongé dans l'obscurité.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre dit qu'il veut régler la question de sa politique de fortune sur l'unité et s'occuper ensuite des emplois et de l'économie. Soit.

Pour l'instant, le plus grand obstacle à la création d'emplois et à la croissance économique est ce fardeau de la dette fédérale de 570 milliards de dollars, que le gouvernement alourdit au rythme effarant de près de 100 millions de dollars par jour.

Le FMI et des groupements canadiens du monde des affaires ont réclamé à maintes reprises du ministre des Finances qu'il revienne sur terre et révise ses objectifs trop timides de réduction du déficit.

Le premier ministre a-t-il expressément ordonné au ministre des Finances de proposer un nouvel objectif en matière de réduction du déficit, le seul qui veuille dire quelque chose pour le contribuable canadien, soit un déficit nul au plus tard en 1997-1998?

(1425)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes en bonne voie d'atteindre les objectifs que nous avons proposés aux Canadiens.

Nous avons dit que nous avions hérité d'un déficit de 6,2 p. 100 du PIB et que nous le ramènerions à 3 p. 100 en trois ans. Nous y arriverons. Nous avons fixé des objectifs réalistes de manière à ne pas paralyser la croissance. Et tout en abaissant le déficit, nous avons réduit le chômage. Nos politiques donnent d'excellents résultats.

La plupart du temps, les députés du tiers parti ne posent pas de questions sur l'économie. Hier, par exemple, ils ont passé la journée à parler des armoiries. Est-ce que c'est d'une importance cruciale?

Le 15 janvier 1994, le chef du Parti réformiste a critiqué les partis d'opposition précédents, en disant que n'importe qui pouvait se ridiculiser à la période des questions. Hier, le Parti réformiste en a donné une belle preuve.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, l'ancien président du Conseil économique du Canada, John Deutsch, avait du mal à amener M. Trudeau à prendre au sérieux le problème de la dette et du déficit. Je me demande siM. Trudeau a transmis le virus à l'actuel premier ministre.

La seule manière dont M. Deutsch réussissait à amener Trudeau à prendre les finances publiques au sérieux, c'était de les lier d'une manière quelconque à la question du Québec ou de l'unité. Nous pourrions peut-être piquer l'intérêt du premier ministre en lui signalant un récent sondage CROP selon lequel 80 p. 100 des Québécois pensent que le gouvernement devrait s'efforcer de vraiment réduire le déficit. Voici un souci que les Québécois partagent avec les autres Canadiens.

Si le premier ministre cherche des moyens d'unir le pays, pourquoi n'engage-t-il pas personnellement son gouvernement à équilibrer le budget avant la fin de son mandat? Je lui demande de ne pas répondre en parlant de ses 3 p. 100.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, à la dernière campagne électorale, nous avons pris grand soin de mettre par écrit ce que nous allions faire. Nous


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atteignons nos objectifs. Nous respectons les engagements que nous avons pris et nous tenons le cap.

Le budget que nous avons déposé en février dernier a été extrêmement bien reçu par tous les observateurs. Nous avions fait ce qu'il fallait. Nous réduisons le déficit de façon rationnelle, mais nous ne le faisons pas de manière à provoquer des problèmes sociaux.

C'est pourquoi nous sommes un parti centriste. Nous ne sommes pas doctrinaires. Nous n'allons pas éliminer l'assurance-maladie pour équilibrer le budget. Nous allons appliquer des politiques qui respectent la personne et assurent une saine administration.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre se complaît dans le passé. Se rappelle-t-il de l'époque, en 1978, où M. Trudeau s'est rendu à un sommet économique en Allemagne de l'Ouest et a été en quelque sorte converti, fût-ce brièvement, à la cause de la réduction du déficit? Il est rentré au Canada et a fait une allocution télédiffusée. Le premier ministre s'en rappelle-t-il? M. Trudeau a annoncé des compressions de 2 milliards de dollars sans même prévenir son ministre des Finances, qui est aujourd'hui premier ministre.

Le premier ministre pourrait-il faire un court voyage, peut-être à Queen's Park, suivre quelques cours de M. Harris sur la manière d'équilibrer le budget, prendre ensuite la parole à la télévision pour s'engager à faire des compressions qui permettront d'équilibrer le budget fédéral?

Huit des onze gouvernements des échelons supérieurs au Canada sont maintenant déterminés à éliminer leur déficit. Le premier ministre fera-t-il en sorte que le gouvernement central soit le neuvième en s'engageant à rétablir l'équilibre budgétaire au plus tard en 1997-1998?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le leader du Parti réformiste fait trop de voyages à Queen's Park. Il va perdre très rapidement son seul député ontarien à la Chambre s'il ne modifie pas ses plans de voyage.

Nous avons un bon plan pour réduire le déficit. En même temps, nous faisons en sorte que l'économie tourne bien. Nous réussirons à ramener le déficit de 6,2 p. 100 à 3 p. 100 en trois ans, comme nous l'avons promis. La réduction se fera graduellement, et nous finirons par avoir un budget équilibré.

(1430)

Mais nous ne sommes pas comme l'ami des réformistes aux États-Unis, Gingrich, qui parle d'équilibrer le budget en 2002. Nous ne tenons pas le même discours. Au Canada, nous agissons.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Un peu plus d'un mois après le référendum du Québec, la réforme de l'assurance-chômage déposée par le gouvernement prévoit et le maintien de normes nationales et la mise en place de cinq nouveaux programmes dans le champ de la main-d'oeuvre revendiqué par le Québec.

Compte tenu du maintien de normes nationales et de la mise en place de nouveaux programmes de main-d'oeuvre, le premier ministre admettra-t-il que la réforme mise de l'avant ne respecte nullement le caractère distinct et unique du peuple québécois?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la réforme que nous avons faite est bien accueillie dans tout le pays. J'ai des chiffres devant moi qui me disent qu'au Québec, en ce moment, 66 p. 100 des gens trouvent que c'est une réforme bien équilibrée qui respecte les régions.

Mais un chômeur, c'est un chômeur. Et de quoi a-t-il besoin? Il a besoin que le gouvernement ait un bon programme. Ce n'est pas relié à la question de la langue. En fait, le système d'assurance-chômage prend de l'argent dans les parties du Canada où les gens ont l'avantage de travailler et le distribue dans les endroits où les gens n'ont pas le privilège de travailler. Cela n'a rien à voir avec la langue et la culture; cela a tout à voir avec le respect de la personne qu'on veut égal pour tous les citoyens au Canada.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, il a été établi très clairement que cette réforme cible et vise le Québec et les provinces Maritimes. Alors, on est très loin des propos du premier ministre.

Comment le premier ministre peut-il prétendre que sa motion sur le caractère distinct du Québec veuille dire quelque chose, alors qu'à la première occasion, il bafoue une requête unanime de l'Assemblée nationale du Québec en traitant le Québec comme toutes les autres provinces canadiennes puisqu'il sera soumis aux mêmes normes nationales dans le dossier de la main-d'oeuvre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons fait ce que nous avions dit que nous ferions, c'est-à-dire nous retirer du champ de la formation de la main-d'oeuvre; et nous voulons que l'argent soit vraiment mis au service des personnes qui sont nos clients et qui sont les chômeurs. On veut s'assurer que l'argent qu'ils ont payé alors qu'ils travaillaient leur soit retourné à eux et et non pas à d'autres.

En ce qui a trait à la question de la société distincte, je note, encore une fois, et pour la troisième fois, que les députés du Parti québécois et du Bloc québécois, dans leur grande hypocrisie voteront encore. . .

Des voix: Oh, oh!

M. Chrétien (Saint-Maurice): Oui, monsieur le Président, ils vont encore voter contre la société distincte, parce qu'ils nous font des reproches et lorsque c'est le temps de voter en Chambre, ils votent contre. . .

Des voix: Oh, oh!


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Le Président: Chers collègues, je vous demande à tous d'être un peu plus judicieux dans le choix des mots que vous utilisez pendant la période des questions. Nous savons que lorsque nous utilisons des mots qui incitent un côté, d'habitude, nous avons des mots qui vont inciter l'autre.

(1435)

[Traduction]

J'exhorte tous les députés à peser leurs mots avec soin. Naturellement, nous ne pouvons tolérer que certains termes soient employés au sujet de députés, mais, lorsqu'ils sont utilisés de manière générale, la Chambre peut les accepter.

* * *

L'ÉCONOMIE PARALLÈLE

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, le ministre du Revenu national, et du fisc, s'est vanté la semaine dernière de pouvoir tirer des recettes de 1,1 milliard de dollars de l'économie parallèle.

S'il a vraiment l'intention de s'attaquer à l'économie parallèle, pourquoi a-t-on donné pour instructions aux vérificateurs de Revenu Canada de ne pas faire de vérification auprès des minorités visibles?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, la question du député repose sur une fausse prémisse.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, si c'est vraiment là sa réponse, s'il croit vraiment que la prémisse est fausse, le ministre ne fait pas son travail.

Ernst Young a préparé un rapport sur l'économie parallèle, aux fins duquel on est allé voir un grand nombre de vérificateurs sur place pour les interviewer. On leur a demandé ce qui se passait. Six, sept ou huit exposés de cas ont été effectués. L'étude et certaines déclarations confidentielles de la part des vérificateurs ont confirmé qu'ils avaient eu pour instructions de ne pas faire de vérification auprès de certaines minorités visibles «par crainte de répercussions politiques explosives».

Le ministre devrait en outre savoir que 90 p. 100 de l'alcool de contrebande en Ontario transite par un certain point de la frontière situé près de Cornwall.

Je le lui demande encore une fois, quelles mesures le ministre prend-il pour veiller à ce que ses vérificateurs appliquent le règlement de l'impôt sur le revenu à tout le monde également, sans distinction de race?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, le député parle d'information confidentielle; cela n'a rien d'étonnant de sa part.

Les agents de Revenu Canada ont à faire face à un certain nombre de situations qui peuvent se révéler difficiles. Cela se voit, par exemple, dans le cas du transport du grain vers les États-Unis: on dit à nos agents de douane de ne pas se mettre dans le chemin d'un camion fonçant à grande vitesse. Il leur suffit de noter le numéro de la plaque d'immatriculation, et nous arrêtons le camion plus tard. Voilà le genre de situation que nous connaissons aux postes frontières et que le Parti réformiste, qui approuve qu'on passe la frontière sans s'arrêter, considère sûrement comme une bonne chose.

Dans le cas d'autres situations qui pourraient présenter des risques pour nos agents, nous leur disons de ne pas courir de risques inutiles. Nous leur disons de poursuivre leur travail. Nous ne leur donnons certainement pas pour instructions, comme le député le prétend, d'éviter les minorités visibles.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines. En diminuant le maximum de la rémunération assurable, le gouvernement effectue sa plus importante réduction de taxe, soit 900 millions de dollars, au profit des hauts salariés. Parallèlement, il réduit les prestations des travailleurs saisonniers et va chercher des cotisations chez les travailleurs dont le statut est le plus précaire.

Alors qu'il prétendait sa réforme équitable, le ministre reconnaît-il que le nouveau régime qu'il propose est régressif et inéquitable, donnant à ceux qui ont un emploi stable et bien rémunéré une partie des avantages qu'il enlève aux plus démunis?

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, fidèle à son habitude, le député semble ne comprendre que la moitié de l'équation.

La deuxième moitié de l'équation, c'est que les travailleurs à revenu élevé toucheront moins de prestations, parce qu'ils paieront moins de cotisations. Cette décision a été prise parce que le maximum de rémunération assurable a augmenté et est désormais de40 p. 100 supérieur au salaire moyen dans l'industrie. Le groupe d'étude sur le travail saisonnier et la Chambre des communes ont tous deux recommandé de geler ou de réduire ce maximum, parce qu'il dépassait, et de loin, la somme nécessaire et que des prestations trop généreuses étaient versées aux des travailleurs à revenu élevé. Voilà pourquoi nous avons proposé cette réforme. Nous voulions être justes.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, l'autre moitié de l'équation, c'est que le ministre prend l'argent chez ceux qui n'en fournissaient pas auparavant. Le ministre admet-il qu'il est inéquitable de voir les hauts salariés profiter d'une baisse des cotisations d'assurance-chômage, alors que les travailleurs à temps partiel de moins de 10 heures par semaine paieront dorénavant des cotisations sans avoir le droit de retirer les bénéfices du programme d'assurance-chômage?

(1440)

[Traduction]

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, le pauvre député fait complètement fausse route. C'est incroyable de se tromper à ce point. La vérité, c'est que nous avons accordé la protection de l'assurance-chômage aux travailleurs à temps partiel.


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Un plus grand nombre de travailleurs à temps partiel seront désormais protégés. S'ils ne sont pas admissibles au programme, nous leur rembourserons leurs cotisations, jusqu'à concurrence de 2 000 dollars. De toute évidence, le député ne sait pas lire.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, vendredi dernier, le ministre du Développement des ressources humaines a annoncé deux mégaprojets de formation, un de 800 millions de dollars, l'autre, de 300 millions de dollars.

Les programmes de formation fédéraux se sont avérés des échecs colossaux. Le vérificateur général dit que les programmes de développement régional ne créent pas d'emplois, sauf, bien entendu, pour les fonctionnaires fédéraux.

Pourquoi le ministre dépense-t-il plus d'un milliard de dollars dans des programmes de formation ruineux, alors que le vérificateur général dit que les programmes ne créeront pas d'emplois?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord d'apporter une rectification à ce qu'a dit la députée. Les mesures d'emploi ne consistent pas uniquement en de la formation. Elles comprennent un certain nombre de mesures particulières qui aideront les gens à réintégrer le marché du travail.

Le travail indépendant en est un excellent exemple. Depuis deux ans, un certain nombre de projets pilotes mis en oeuvre partout au Canada nous ont permis d'aider des prestataires de l'assurance-chômage à lancer leur propre entreprise et à créer ainsi un emploi pour eux et pour d'autres. Quelque 60 000 emplois ont été créés grâce à l'un des éléments de ce train de mesures.

Le supplément salarial est une autre mesure qui aide aussi les petits entrepreneurs à se donner les outils nécessaires. Selon nos évaluations, les gens qui se prévalent des mesures que nous avons prévues peuvent prolonger leur période d'emploi d'au plus 15 semaines d'emploi et, surtout, accroître leur revenu d'un montant pouvant atteindre 5 000 $. Cela me semble être un très bon investissement.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je ne parle pas des projets pilotes. Je parle de la création d'emplois durables à long terme, pas de ces projets de création d'emplois bidon qui coûtent des milliards de dollars.

Dans son dernier rapport, le vérificateur général a dit qu'il n'y a absolument aucune preuve que la formation s'accompagne de la création de nouveaux emplois. La somme de 1,1 milliard de dollars nécessaire pour ces programmes ruineux est dépensée au détriment des travailleurs à temps partiel.

Alors que le vérificateur général a dit que ces programmes de formation seront un échec, pourquoi le gouvernement accable-t-il les travailleurs à temps partiel en les privant d'un milliard de dollars qu'il investit dans le gouffre sans fond de la pseudo-création d'emploi et de mégaprojets de formation?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais citer à la députée des propos qu'elle considérera peut-être encore plus valables que ceux du vérificateur général, ceux de la députée de Calgary-Sud-Est, elle-même.

Le 10 avril, elle m'a écrit pour m'expliquer que la population de Calgary-Sud-Est avait un projet de centre de formation. Il est bien connu que cette région de Calgary compte de nombreuses personnes sans emploi qui se démènent tant bien que mal et qui n'ont pas les compétences nécessaires.

J'encourage la députée à appuyer ce projet de formation et à aider à la relance de Calgary-Sud-Est. Si la députée de Calgary-Sud-Est souhaitait des programmes de formation pour les habitants de sa circonscription, pourquoi les rejette-t-elle pour le reste des Canadiens?

* * *

[Français]

LE COMITÉ DU PATRIMOINE CANADIEN

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier, des députés ministériels siégeant au Comité du patrimoine affirmaient qu'il n'y avait pas de culture québécoise, qu'il n'y avait qu'une seule et grande culture et qu'elle était canadienne. Du même souffle, ils critiquaient vertement Téléfilm Canada pour ses subventions versées à des artistes québécois souverainistes.

(1445)

Le premier ministre est-il d'accord avec les députés de son caucus, qui affirment qu'il n'y a qu'une seule culture au Canada et que Téléfilm Canada doit dorénavant subventionner les artistes en fonction de leur opinion politique?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il y a une culture française au Canada, qui est une culture canadienne. Elle se trouve en majorité au Québec, mais je pense que la culture des Acadiens et Antonine Maillet font partie de la culture française et cette culture n'est pas nécessairement québécoise.

Alors, lorsqu'on dit qu'il y a une culture canadienne, elle peut s'exprimer en langue française, elle peut s'exprimer en langue anglaise. Ce matin, j'ai passé du temps avec les autochtones du Canada, qui avaient des cérémonies, et eux-mêmes ont une culture qui est tout à fait typique, mais qui est canadienne aussi, parce que c'est une culture qui couvre tout le territoire du Canada, parce qu'il y a des gens de cette culture qui sont en Colombie-Britannique comme au Québec, comme dans les Maritimes.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le chat sort enfin du sac. Le premier ministre, qui est Québécois, vient de nier sa propre culture. Le premier ministre admettra-t-il que ses beaux discours des dernières semaines sur le caractère distinct du Québec n'étaient que pure hypocrisie, puisqu'il n'a même pas réussi à convaincre son. . .

Le Président: Vous voyez, mes chers collègues, quand nous employons d'un côté ou de l'autre des mots qui incitent. Je vous demande encore une fois, mes chers collègues, de ne pas utiliser ces mots qui nous incitent d'un côté à l'autre comme ça. Alors, encore une fois, je demanderais à l'honorable députée d'être très judicieuse


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dans l'emploi ou dans le choix de ses mots. Comme j'ai fait auparavant, je vous demanderais de ne pas utiliser ce mot, «hypocrite». Maintenant, si la députée pouvait s'il vous plaît poser sa question.

Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata): Monsieur le Président, je vais poser ma question en utilisant le même mot que le premier ministre avait utilisé. Alors, admettra-t-il, puisqu'il n'a même pas réussi à convaincre les députés de son propre caucus, que le Québec est un peuple, qu'il a une culture distincte et que le gouvernement fédéral doit en tenir compte dans l'application de ses programmes?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je reviens à l'argument. La culture française ne se limite pas seulement au Québec. La culture anglaise se trouve aussi au Québec. Gabrielle Roy était de Saint-Boniface au Manitoba et elle était considérée comme une des plus grandes gloires de la littérature française au Canada. On se sert encore de ses oeuvres aujourd'hui dans les écoles au Québec. C'est pour montrer la qualité. Ensuite, je pense que le député de Québec-Est, qui est né à Penetanguishene, a appris la culture française et la langue française en Ontario et il n'est pas moins français parce qu'il est avec le Bloc québécois aujourd'hui.

(1450)

Ce que je dis, et j'en ai plusieurs exemples, c'est que la culture française se retrouve partout au Canada et la culture anglaise se retrouve au Québec. On ne peut pas dire que le Québec est strictement français parce qu'il y a toutes sortes de gens au Québec. Il y a beaucoup de francophones qui sont de fiers francophones et qui vivent en dehors du Québec.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

L'adoption de la loi C-68 a été un moment historique pour le Canada et pour les familles des 14 victimes de l'école Polytechnique.

[Traduction]

Le projet de loi C-68 est le plus grand monument que notre gouvernement ait pu ériger pour les jeunes femmes et leur famille. Dans l'esprit de cette journée nationale consacrée au souvenir et à l'action contre la violence faite aux femmes, quels seront les effets du projet de loi C-68 d'après le ministre?

[Français]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord souligner l'importance de la contribution faite par ceux qui ont perdu un membre de leur famille dans la tragédie de Montréal, il y a six ans aujourd'hui.

[Traduction]

Le fait est que sans l'engagement, le travail acharné et la persévérance des familles de ces victimes, cette importante question n'aurait pas été propulsée à l'avant-scène nationale. Nous leur sommes redevables pour le travail qu'ils ont accompli afin de garantir l'adoption du projet de loi.

Plus précisément, en réponse à la question de la députée, dont le propre travail a été important à cet égard, puis-je souligner que tous les jours au Canada quelque 13 000 ordonnances sont prises par les tribunaux du pays pour interdire à des gens d'avoir des armes parce qu'ils ont fait montre d'une propension à la violence? Trop souvent, cette violence se manifeste dans le cadre du foyer. Dans une proportion de deux pour un, quand des hommes tuent des femmes à la maison, ils le font avec une arme à feu, et il s'agit, huit fois sur dix, d'un fusil de chasse ou d'une carabine. Et il s'agit presque toujours d'armes détenues légalement.

Le système d'enregistrement que prévoit ce projet de loi permettra à la police de faire respecter ces ordonnances de saisie d'armes et de sauver des vies. Ce n'est qu'une des manières par lesquelles ce projet de loi contribuera aux efforts que nous devons constamment déployer pour lutter contre la violence faites aux femmes par les hommes.

* * *

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président, les résultats du plébiscite tenu en Alberta sur les exportations de blé et d'orge par les producteurs ont été rendus publics aujourd'hui. Soixante-six pour cent des producteurs d'orge et 62 p. 100 des producteurs de blé, soit une forte majorité, ont voté pour avoir la possibilité d'exporter leurs céréales sans passer par la Commission canadienne du blé.

Le ministre de l'Agriculture respectera-t-il la volonté des agriculteurs en les laissant exporter eux-mêmes leur blé et leur orge?

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je demande à mes vis-à-vis de placer les résultats du plébiscite annoncés aujourd'hui dans une juste perspective.

Ces résultats nous font connaître l'opinion d'un certain nombre de producteurs d'une seule province sur une question précise. Mais tout l'ouest du Canada est touché. Le nombre de producteurs qui ont exprimé leur opinion représente juste un peu plus de 10 p. 100 de tous les producteurs de céréales de l'ouest du Canada qui détiennent un carnet de permis.

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de l'Agriculture et le premier ministre semblent oublier qu'une promesse non tenue est une dette impayée.

Il y a deux ans, le ministre et le premier ministre ont tous deux promis aux agriculteurs des Prairies un plébiscite sur la commercialisation des céréales. Il n'a fallu que quelques semaines au premier ministre pour donner suite aux engagements qu'il avait pris envers les séparatistes du Québec et pour forcer la Chambre des communes à adopter une loi d'apaisement envers le Québec. Les agriculteurs


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des Prairies sont-ils des citoyens moins importants que les séparatistes du Québec?

Ma question s'adresse au premier ministre: tiendra-t-il sa promesse et ordonnera-t-il au ministre de l'Agriculture de tenir un référendum dans les Prairies sur la commercialisation des céréales, et de respecter le résultat de ce référendum?

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, avant de faire des déclarations sur ce que le premier ministre aurait prétendument affirmé, le député devrait vérifier ses informations. Je ne me souviens pas que le député ait été là lorsque le premier ministre a fait cette déclaration. Moi j'y étais.

(1455)

Le premier ministre a dit que le ministre donnerait suite. Le ministre a créé un groupe sur la commercialisation du grain de l'Ouest et lui a donné pour mandat de consulter tous les acteurs de l'industrie du grain de l'Ouest avant d'apporter quelque changement que ce soit, s'il doit y en avoir, au système de commercialisation des céréales.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la secrétaire d'État à la Situation de la femme.

Dans l'allocution qu'elle prononçait lors de la 4e Conférence mondiale sur les femmes, l'honorable secrétaire d'État réclamait, au nom de toutes les femmes, l'égalité des droits. Au cours de la même occasion, elle présentait au monde entier le fameux Plan pour l'égalité entre les sexes concocté par son gouvernement pour assurer ce noble objectif.

Puisqu'il est reconnu que la lutte à la violence passe par l'égalité économique des femmes, la secrétaire d'État peut-elle nous dire si son gouvernement a mis en application son fameux Plan pour l'égalité entre les sexes lorsqu'est venu le temps de réformer l'assurance-chômage?

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, oui, et on a certainement fait une étude en profondeur en analysant toutes les données qui touchent la vie des femmes de même que celle des hommes pour nous assurer d'avoir une connaissance de l'impact de toutes les actions entreprises par le ministre du Développement des ressources humaines à cet égard.

Je dois vous dire également, monsieur le Président, qu'on a pris en considération le fait qu'en donnant, pour chaque heure travaillée, une rémunération à chaque personne, les femmes sortaient gagnantes en bout de ligne. Je suis fière des démarches qui ont été faites.

De plus, les décisions de notre gouvernement à l'égard des familles et des enfants pauvres a pris une place importante dans les démarches qu'on a entreprises. Nous devrions tous être fiers et donner les informations correctes de la démarche que notre parti a entreprise à cet égard.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, voici ma question complémentaire.

Puisqu'on sait que 70 p. 100 des travailleurs à temps partiel sont des femmes et que la réforme de l'assurance-chômage aura des impacts très négatifs sur les femmes, la secrétaire d'État admettra-t-elle que son fameux Plan pour l'égalité entre les sexes ne fonctionne tout simplement pas et qu'il constitue un échec total?

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Non, monsieur le Président, je ne reconnais pas ces faits qui ne sont ni actuels ni vrais. Notre ministre a répondu à cela à plusieurs reprises en démontrant de quelle façon les travailleuses à temps partiel et les travailleuses saisonnières auront un meilleur rendement pour les heures de travail qu'elles effectueront pour le bien-être de leur société et aussi pour leur propre famille.

Je crois que ce serait une bonne idée si ma collègue étudiait plus précisément les données; elle serait très heureuse des résultats.

* * *

[Traduction]

L'ÉDITION DES PÉRIODIQUES

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, hier, un comité du Sénat a proposé qu'on modifie le projet de loi C-103 afin d'accorder une exemption pour droits acquis à l'édition canadienne de Sports Illustrated. C'est un des amendements que le Parti réformiste a proposés. Le groupe de travail sur l'édition des périodiques a également fait une recommandation à cet égard.

Fait intéressant, en janvier 1994, le ministre du Commerce international a écrit au ministre du Patrimoine canadien pour lui proposer la même chose. Cela veut-il dire qu'il y a désaccord au sein du Cabinet au sujet des éditions à tirage dédoublé?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, il y a consensus au sein du Cabinet sur cette question. Dans la lettre qu'il m'a envoyée le 27 janvier, le ministre du Commerce international me rapportait une conversation qu'il avait eue avec son homologue américain, Mickey Kantor. Il est tout à fait normal pour le ministre du Commerce international de communiquer au ministre du Patrimoine canadien les opinions exprimées aux États-Unis.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, en lisant attentivement la lettre, on voit clairement que le ministre du Commerce international faisait au ministre du Patrimoine canadien une recommandation dont celui-ci a choisi de ne pas tenir compte.


17282

(1500)

L'aspect le plus troublant de ce projet de loi, c'est que le gouvernement canadien a décidé d'imposer dorénavant une taxe sur toutes les éditions à tirage dédoublé de périodiques canadiens distribuées aux États-Unis. Si ce projet de loi devient loi, un périodique canadien qui veut exporter un périodique très semblable aux États-Unis se verra imposer une taxe d'accise de 80 p. 100 par le gouvernement canadien.

Comment le ministre du Patrimoine canadien a-t-il bien pu créer une loi aussi ridicule qui punit l'industrie canadienne?

L'hon. Michel Dupuy (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, la politique concernant les éditions à tirage dédoublé est en vigueur depuis une trentaine d'années. Elle a aidé l'industrie canadienne des périodiques, qui, à son tour, nous a aidés à nous comprendre nous-mêmes en tant que Canadiens. Elle contribue à notre identité. Elle contribue à l'unité nationale, ce dont nos collègues réformistes ne se rendent pas compte parce que l'unité nationale ne les intéresse pas.

* * *

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le Centre de recherche sur la violence faite aux femmes et aux enfants, dans ma circonscription, a publié hier deux études à caractère économique qui chiffrent le coût observable de la violence à plus de 4,2 milliards de dollars. À eux seuls, les coûts des soins de santé liés à la violence s'élèvent à 1,5 milliard de dollars par année.

Je voudrais demander à la secrétaire d'État chargée de la Situation de la femme dans quelle mesure les coûts de la violence faite aux femmes, maintenant que nous les connaissons, influenceront les mesures que le gouvernement prendra pour régler ce problème capital.

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord remercier la députée de London-Ouest de sa question et particulièrement le docteur Greaves du Centre de recherche sur la violence faite aux femmes et aux enfants qui a entrepris de faire cette étude commandée par Condition féminine Canada.

Le problème de la perversion que soulève la violence faite aux femmes et aux enfants et les conséquences négatives qu'il dégage pour notre société, notre économie, notre santé et notre système de justice est très grave. Il ne fait aucun doute que les questions soulevées dans cette étude sont cruciales pour nous tous.

Je vais étudier les conclusions et je recommanderai des mesures à prendre au ministre de la Justice et à la ministre de la Santé. Par ailleurs, je voudrais que tous les députés à la Chambre, tous les ordres de gouvernement, la société et les municipalités sachent que la résolution de ce problème n'appartient pas seulement à notre gouvernement, qui a fait un travail remarquable auprès des criminels, grâce au ministre de la Justice.

Il nous reste à s'attaquer aux aspects social et économique du problème. Tant que nous ne nous serons pas penchés sur la question des intérêts économiques des femmes, nous continuerons d'assister à des manifestations de violence faite aux femmes et aux enfants.

LE SECTEUR BANCAIRE

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre et concerne les profits bancaires scandaleux annoncés ces derniers jours.

Suite aux changements apportés à l'assurance-chômage, près d'un milliard de dollars ont été pris dans les poches des travailleurs et des exploitants de petites entreprises. Compte tenu des profits scandaleux déclarés par les banques, quelles mesures le premier ministre entend-il prendre pour obliger les banques à payer leur part du déficit?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, comme les autres sociétés, les banques paient de l'impôt sur les profits. Dans le dernier budget, le ministre des Finances a assujetti les profits bancaires à une taxe spéciale de 100 millions de dollars. Ces institutions paient plus que la part normale, mais le ministre des Finances examinera la question. Cela montre en quelque sorte que l'économie se porte mieux.

J'espère que les profits bancaires rapporteront beaucoup de recettes fiscales car cet argent pourra servir à créer des emplois au Canada.

Le Président: Avant de passer à des rappels au Règlements, je voudrais faire une annonce. Pendant la période des questions, l'éclairage a vacillé. Je tenais à prévenir les députés pour qu'ils sachent ce qui s'est passé lorsqu'ils retourneront à leurs bureaux. Une partie du centre-ville d'Ottawa est frappée par une panne générale d'électricité et les génératrices de secours de la Chambre ont pris la relève. Nous enregistrons le signal de télévision, mais rien ne sera distribué tant que le courant n'aura pas été rétabli.

(1505)

Le réseau informatique est tombé et il faudra environ une heure pour le relancer. La publication des bleus de la période des questions sera donc retardée.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole sur un rappel au Règlement pour demander le consentement unanime de la Chambre d'observer une minute de silence à la mémoire des 14 jeunes Canadiennes qui ont été assassinées à Montréal, il y a six ans de cela aujourd'hui. C'était le 6 décembre 1989.

Le Président: La Chambre a entendu la proposition. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

[Note de l'éditeur: La Chambre observe un moment de silence.]

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, mon rappel au Règlement fait suite à une réponse que le ministre du revenu et des douanes a donnée. Il a dit que le Parti

17283

réformiste encourageait les agriculteurs à passer illégalement la frontière américaine sans s'arrêter.

Le Parti réformiste n'a jamais encouragé les agriculteurs à passer la frontière sans s'arrêter avec leurs céréales. Le fait est que les douanes. . .

Le Président: Je crois que le député veut éclaircir un point. Selon moi, ce n'est pas un rappel au Règlement, mais un élément de débat. Je le remercie d'avoir fait cette précision.

______________________________________________


17283

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 16 pétitions.

* * *

[Français]

LA CONDITION FÉMININE

L'hon. Sheila Finestone (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui est une journée de commémoration.

Nous marquons aujourd'hui un temps d'arrêt pour réfléchir aux événements tragiques qui se sont produits le 6 décembre 1989, alors que 14 femmes dans la fleur de l'âge ont perdu la vie. Nous voulons aussi penser aux milliers de femmes victimes de violence dans leur vie de tous les jours.

Il y aura aussi 25 ans demain, la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme a déposé son rapport définitif devant cette Chambre.

[Traduction]

Le rapport est une étude sur la situation de la femme qui a fait époque. Il renfermait 167 recommandations visant à assurer l'égalité des chances pour les femmes en milieu de travail et à reconnaître les contributions égales des deux conjoints au moment du partage des biens familiaux, à la rupture du mariage. La plupart de ces recommandations ont aujourd'hui été mises en oeuvre. Ainsi, la discrimination fondée sur le sexe est maintenant interdite dans toutes les lois canadiennes sur le travail, les salaires minimums sont les mêmes pour les femmes et les hommes, et on peut demander des congés de maternité et des prestations parentales.

(1510)

La commission royale d'enquête n'a pas mentionné la violence au nombre des problèmes graves, mais ses membres entrevoyaient déjà les mesures à prendre pour réaliser l'égalité entre les sexes. Ils ont prédit que, au fur et à mesure que les racines, les causes et les conséquences de l'inégalité des femmes seraient identifiées, il surgirait de nouveaux problèmes auxquels il faudrait trouver des solutions. Ils ont vu juste. Au cours des 25 dernières années, nous avons découvert un lien étroit entre l'inégalité entre les sexes et la vulnérabilité des femmes face à la violence, et nous avons exposé le problème au grand jour.

À la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes qui a eu lieu à Beijing, le Canada s'est engagé à mettre en oeuvre le Programme d'action adopté à la conférence, un programme mondial dynamique de promotion de la femme. Parmi les douze thèmes principaux, on retrouve un plan d'action pour mettre fin à la violence faite aux femmes. Le Programme d'action réitère que la violence faite aux femmes n'est pas une question privée et que les États doivent faire preuve de diligence afin de s'assurer que les foyers, les écoles, les milieux de travail et les rues sont libres de toute violence.

[Français]

Le gouvernement s'est aussi doté d'un autre outil, le Plan fédéral pour l'égalité entre les sexes, publié en août. Il s'agit d'un cadre d'intervention fédérale destiné à faire progresser l'égalité des femmes au Canada.

Élaboré en même temps que nos documents préparatoires en vue de la Conférence de Beijing, ce plan renferme diverses mesures que le Canada s'est engagé à prendre pour contrer la violence faite aux femmes.

Or, bien des changements sont survenus depuis le dépôt du rapport de la Commission royale d'enquête, lorsque la Chambre ne comptait qu'une seule députée, Grace MacInnis.

[Traduction]

Il y a maintenant 54 femmes à la Chambre. Peu importe notre allégeance politique, nous partageons la même dette de gratitude envers la commission royale d'enquête. Sans la vision éclairée de ses membres, la route aurait été encore plus longue et difficile. Les femmes se font maintenant entendre à la Chambre. La violence faite aux femmes y est maintenant discutée ouvertement. Les femmes et les hommes unissent leurs efforts pour trouver des solutions. J'ai bon espoir que, ensemble, nous pouvons trouver des solutions à tous les niveaux de la société.

Aujourd'hui, tout particulièrement, je tiens à féliciter la Chambre d'avoir appuyé une loi historique sur le contrôle des armes à feu. L'arme utilisée à l'École polytechnique sera bientôt interdite.

Nous voulons tous accroître la sécurité des femmes au Canada. Nous réussirons avec l'aide de nos conjoints, des hommes qui siègent à la Chambre et de tous les Canadiens, des ONG, des particuliers, des syndicats, des entreprises et des autres niveaux de gouvernement.

Afin d'honorer comme il se doit la mémoire des femmes qui sont mortes il y a six ans, il faut faire porter nos efforts sur la prévention de telles tragédies et permettre aux femmes et aux filles d'occuper la place qui leur revient dans la société.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, c'est avec beaucoup d'émotion que, comme tous mes collègues de cette Chambre, je tiens à rendre hommage aujourd'hui aux 14 jeunes femmes qui ont péri sous les balles d'un assassin il y a maintenant six ans. Nous nous joignons à leurs parents et amis pour penser à elles et à l'impact que leur mort aura eu sur notre société.


17284

Comme l'a fait remarquer la secrétaire d'État à la condition féminine, la tragédie de la Polytechnique nous a incités, collectivement, à réfléchir sur les moyens à mettre en oeuvre pour éviter que de tels événements se reproduisent. Il s'agit ici d'une oeuvre commune à laquelle chacun et chacune d'entre nous doit contribuer. Il y va de la vie et de la sécurité de nos filles, soeurs, collègues, amies, concitoyennes.

C'est non pas pour critiquer mais pour construire que j'aborderai la deuxième partie de mon allocution. En effet, je crois que nous devons, en tant que parlementaires, nous parler franchement des sujets qui nous préoccupent, afin de faire avancer la cause commune qu'est l'égalité des femmes. Comme l'a relevé à juste titre la secrétaire d'État à la condition féminine, les membres de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme en étaient arrivés à la conclusion, il y a de cela maintenant 25 ans, que c'est en assurant aux femmes l'égalité que nous diminuerons le phénomène de la violence envers elles.

(1515)

Je suis heureuse de pouvoir constater que le gouvernement québécois agit de façon très concrète aujourd'hui même, dans le domaine de la violence conjugale. Aujourd'hui, le gouvernement québécois déposait à l'Assemblée nationale sa politique d'intervention en matière de violence conjugale. Il importe de s'y arrêter.

Je dois d'abord souligner que six ministres ont uni leurs efforts afin de présenter un plan d'action systématique et intégré. Ce sont les ministres de la Justice, de la Santé et des Services sociaux, de la Sécurité publique, de l'Éducation, de la Famille et, enfin, de la Condition féminine.

Plusieurs mesures d'intervention ont été prévues. Je n'en nommerai que quelques-unes. Dans tous les cas, lors de l'enquête sur la mise en liberté provisoire de l'accusé, les substituts du procureur général devront demander au tribunal d'imposer à l'accusé comme condition la remise de ses armes aux policiers.

Deuxièmement, les victimes seront informées rapidement et systématiquement de la mise en liberté provisoire de l'accusé et des conditions imposées par la cour. Elles seront également informées de la mise en liberté dans le cadre d'un programme d'absence temporaire ou en libération conditionnelle.

Troisièmement, on mettra sur pied une campagne de prévention sur la violence faite aux femmes. De plus, on inscrira au Centre des renseignements policiers du Québec tous les cas de violence conjugale et toutes les conditions de remise en liberté. On procédera aussi à la saisie des armes à feu des conjoints dès leur arrestation. Dans le domaine de l'éducation, on privilégiera la prévention de la violence conjugale et le dépistage des enfants témoins de cette violence. Voilà de l'action.

Je répète que ce ne sont que quelques-uns des éléments du programme d'action québécois. En mon nom et au nom de mes collègues, au nom des femmes victimes de violence conjugale, au nom de la population québécoise, je félicite le gouvernement québécois pour son importante intervention.

Pendant ce temps, pendant que le Québec agit dans le cadre de ses champs de compétence, que fait le gouvernement fédéral?

Mme Finestone: On a mis des lois en place pour agir en ce sens.

Mme Gagnon: Nous pouvons constater qu'il y a un peu d'inertie, et pas juste un peu. Commençons par ce que le gouvernement a fait, tel que nous l'a rappelé la secrétaire d'État à la Condition féminine. J'ai d'ailleurs une certaine sympathie pour la secrétaire d'État à la Condition féminine, car elle doit oeuvrer au sein d'un gouvernement qui a mis au rancart, sitôt l'élection passée, la défense de la cause des femmes.

Une voix: You know that is not true.

Mme Gagnon: Ce gouvernement, donc, adopte un plan pour l'égalité entre les sexes. Monsieur le Président, est-ce qu'on peut me laisser terminer? Il s'engage à mettre en oeuvre le programme d'action adopté à la 4e Conférence mondiale sur les femmes. Il fait adopter une Loi sur le contrôle des armes à feu. C'est bien, mais c'est fort mince comme bilan, après deux ans.

Penchons-nous maintenant sur ce que le gouvernement n'a pas fait. Penchons-nous sur les occasions ratées, et il y en a. Ce que le gouvernement n'a pas fait, c'est de modifier le Code criminel pour interdire spécifiquement les mutilations génitales féminines. Ça aussi, c'est de la violence. Ça ne se passe pas ici, ça se passe ailleurs, mais c'est de la violence. Ça se passe aussi en territoire canadien. Ce qu'il n'a pas fait, c'est de protester auprès des autorités chinoises quand la situation des orphelines, des bébés de sexe féminin a été rendue publique pas plus tard que la semaine dernière. Ça aussi, c'est de la violence faite aux femmes. Ce sont des femmes de trop.

Ce qu'il n'a pas fait, c'est modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour protéger les personnes homosexuelles contre la discrimination. Ça aussi, c'est une autre forme de violence. Ce qu'il n'a pas fait, c'est de faire passer ses fameux projets de réforme par le prisme de son plan pour l'égalité entre les sexes, condamnant ainsi beaucoup de femmes à la pauvreté. C'est une autre forme de violence, et nous sommes loin de l'égalité entre les sexes.

En terminant, j'inviterais le gouvernement à suivre réellement l'esprit et la lettre de ces recommandations énoncées il y a déjà 25 ans. J'invite le gouvernement à adopter, dans le respect intégral de ses champs de compétence, de vraies mesures pour favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes, afin qu'un jour nous puissions dire que l'événement tragique de Polytechnique a été un terrible incident isolé.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je crois que tous les députés de cette Chambre partagent le souvenir terrible de la mauvaise soirée d'il y a six ans, en 1989, où, à l'école Polytechnique, à Montréal, on a perdu 14 filles, des enfants de notre pays, victimes d'un crime dénué de sens.


17285

(1520)

[Traduction]

Nous croyons tous que les droits des victimes doivent venir avant les droits des criminels. Aujourd'hui, nous ressentons ces sentiments encore plus vivement.

Il y a exactement un an aujourd'hui, dans cette Chambre, nous tenions un débat d'urgence sur la violence faite aux femmes. J'apprécie les nobles sentiments que continuent d'exprimer ceux qui ont épousé cette cause et d'autres du même genre, car moi aussi je partage ces idéaux. Je trouve toutefois très inquiétant que, dans les douze mois qui se sont écoulés depuis ce débat d'urgence, très peu ait été fait pour améliorer la situation.

Je trouve inquiétant que la Chambre se contente de voeux pieux pour régler le problème de la violence faite aux femmes, aux enfants et même aux hommes, car nous ne devons pas nous limiter à l'élimination de la violence faite aux femmes. Nous devons étendre notre action et devenir des activistes pacifiques pour faire disparaître la violence insensée qui règne dans notre société. Nous devons nous rallier à ce sentiment et, par nos efforts pour réduire la criminalité, protéger nos concitoyens et défendre les droits des victimes, nous devons montrer au monde entier que le Canada est un chef de file en la matière.

Pour ce faire, nous devons nous attaquer à la racine du problème et ne pas nous contenter de masquer les symptômes. À lui seul, le contrôle des armes à feu ne suffira pas à résoudre le problème de la violence dans notre société.

Je pense que tant que le gouvernement du jour n'aura pas déterminé les causes de la criminalité, les raisons de la violence domestique et de la violence faite aux femmes, nous continuerons à nous réveiller tous les matins et à devoir faire face aux tragédies personnelles causées par la criminalité.

Aujourd'hui, le gouvernement doit prendre des mesures plus concrètes pour combattre la violence faite aux femmes et prouver sa détermination à éliminer les problèmes auxquels la ministre a fait allusion.

Dans son communiqué de presse du 27 novembre, Condition féminine Canada disait de la violence faite aux femmes que c'était une violation des droits de la personne. Je partage cette opinion et j'aimerais que le gouvernement mette ses sentiments en pratique.

Le gouvernement a envoyé une grosse délégation à la conférence des femmes en Chine, à grands fais pour le contribuable. Je me suis opposée au site choisi pour la conférence du fait de la triste histoire de la Chine en matière de respect des droits de la personne, particulièrement en ce qui concerne les femmes, les enfants et les dissidents politiques. À cette conférence, notre gouvernement a confirmé que l'élimination de la violence demeurait une priorité. Et à juste titre. D'après la secrétaire d'État, cet objectif n'est pas unique au Canada, il se retrouve à l'échelle de la planète.

Aujourd'hui est une journée grave pour chacun d'entre nous, une journée pour nous souvenir, une journée pour refermer les blessures. Aujourd'hui, nous devrions tous prendre l'engagement d'aller de l'avant. Nous devons promouvoir des attitudes propices à la paix et à la tolérance, et exprimer notre tolérance zéro pour les violations des droits de la personne et la violence faite aux femmes.

Me faisant l'écho de la secrétaire d'État à la Situation de la femme, je m'engage, et engageons-nous tous à la mémoire des jeunes femmes abattues il y a six ans, à poursuivre avec vigueur notre campagne contre la violence pour que jamais une telle tragédie ne se reproduise.

M. Taylor: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je demande le consentement de la Chambre pour traiter brièvement de ce sujet au nom du Nouveau Parti démocratique.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole en ce jour si important. J'interviens au nom du Nouveau Parti démocratique en ce 6 décembre pour souligner la Journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence dirigée contre les femmes.

Nous commémorons aujourd'hui le massacre de l'École polytechnique de Montréal, qui a coûté la vie à quatorze femmes en ce jour, en 1989. Ce fut une terrible tragédie. Nous nous rappelons, nous pleurons leur décès, nous réfléchissons et nous demandons que d'autres mesures soient prises pour prévenir la violence faite aux femmes.

(1525)

En ce jour, je tiens aussi à rappeler le travail d'une ancienne collègue, Mme Dawn Black, députée néo-démocrate de la Colombie-Britannique, dont les efforts durant la législature précédente ont mené à la création de ce jour national de commémoration et d'action. Je pense à son dévouement à la Chambre et à la cause de la violence faite aux femmes lorsque je pense à la motion aujourd'hui.

Je me souviens aussi des familles de ces quatorze femmes, tuées simplement parce qu'elles étaient des femmes, et je tiens à réitérer ma sympathie à leur égard. Ces familles doivent vivre avec les répercussions de cette tragédie d'une manière que la majorité d'entre nous ne comprendra jamais vraiment.

On ne peut tolérer la violence, mais on ne peut y remédier par le châtiment seulement. Nous devons la comprendre, traiter ses causes, de même que les criminels qui la commettent. Un plan d'action doit être mis en oeuvre chaque jour de l'année, dans chaque région du pays et dans chacune de nos actions. Nous devons nous attaquer à l'origine socio-économique des circonstances qui engendrent la violence faite aux femmes. Nous étudions des projets de loi de nature économique et sociale à la Chambre. Nous devrions toujours garder à l'esprit les conséquences possibles de ces mesures législatives sur les êtres humains. Nous sommes confrontés quotidiennement à des décisions que nous pouvons prendre à la Chambre, dont l'impact sur les gens pourrait mener à la violence et nous devons en tenir compte.

Aujourd'hui, nous réfléchissons, nous commémorons la violence faite à ces femmes. Nous devons réaliser qu'il est nécessaire d'agir davantage dans ce domaine. J'espère que tous les députés à la Chambre tiendront compte de cet appel à l'action en ce jour si important.

Mme Wayne: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais également avoir l'occasion de parler de ce sujet.


17286

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui la journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence dirigée contre les femmes et c'est pourquoi je prends la parole pour dire que mon parti compati à la souffrance des victimes de violence de tout le pays.

Il y a six ans, 14 jeunes femmes ont été brutalement assassinées à l'École polytechnique de Montréal. Cet acte de violence s'est répercuté dans tout le pays. Cet acte insensé nous a tous profondément bouleversé. Il nous a fait mettre en doute la direction que suivait la société canadienne. Il a conduit le gouvernement fédéral à prendre des mesures pour s'attaquer à cette question, ici et au plan international.

En tant que société, nous devons être résolu à mettre un terme à la violence contre les femmes, à la maison et à l'extérieur de la maison. Nous devons nous attaquer aux causes de la violence. En tant que députés, nous devons adopter des projets de loi qui conduiront à ce résultat. On fait des progrès, mais seuls des efforts permanents de nous tous, des deux côtés de la Chambre, changeront les attitudes qui perpétuent la violence.

Aux familles des 14 jeunes femmes dont les vies ont été si brutalement écourtées, il y a six ans, et à toutes les femmes qui ont souffert de violence, nous offrons nos pensées et nos prières. Il ne suffit pas d'avoir une politique de tolérance nulle contre la violence. En tant que législateurs, nous devons prendre des mesures concrètes de sorte que les femmes, en fait tous les Canadiens, puissent vivre sans craindre la violence. Nous devons essayer de trouver ce qui s'est produit et ce qui a changé dans notre société pour que l'on assiste à des actes brutaux de ce genre.

* * *

(1530)

[Français]

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. Réginald Bélair (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, en vertu de l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française ainsi que le rapport financier concernant la réunion de la 12e session de l'Assemblée régionale Amérique de l'AIPLF qui a été tenue à Québec du 12 au 14 juillet 1995.

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

SANTÉ

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'ordre de renvoi reçu de la Chambre le 8 novembre 1995, j'ai l'honneur, au nom du président du comité, l'honorable député de Burin-St. George, de faire rapport du projet de loi C-95, Loi constituant le ministère de la Santé et modifiant ou abrogeant certaines lois, avec des propositions d'amendement.

[Français]

Votre comité a différé l'étude du projet de loi à un sous-comité et, conformément à la résolution du comité permanent datée du 7 novembre 1995, en anticipation de l'ordre émanant de la Chambre, le rapport du sous-comité a été adopté d'office comme le 7e rapport du comité permanent à sa réunion tenue hier.

[Traduction]

Des exemplaires des procès-verbaux et témoignages appropriés du sous-comité et du comité permanent sont également déposés.

SANTÉ

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, conformément aux paragraphes 108(1) et 108(2) du Règlement, j'ai l'honneur, au nom du président du comité, l'honorable député de Burin-St. George, de présenter le huitième rapport du Comité permanent de la santé intitulé Une étude de la stratégie nationale sur le SIDA: rapport du Sous-comité du VIH et du SIDA.

Conformément à l'article 109 du Règlement, nous demandons au gouvernement de fournir une réponse à notre rapport.

[Français]

Ce sous-comité a été créé par le Comité permanent de la santé, en novembre 1994. Il a pour mandat précis d'étudier la propagation du VIH, sa prévention, son traitement et l'appui aux séropositifs et sidéens en portant une attention particulière au rôle de la pauvreté et de la discrimination.

Le sous-comité a maintenant terminé la première étape de son travail, l'examen en profondeur de la Stratégie nationale sur le sida, avec des audiences tenues de décembre 1994 à mai 1995.

Le rapport aborde brièvement l'épidémiologie du VIH sida au Canada et dans le monde. Il traite des éléments de la stratégie, l'orientation, la coordination, le partenariat, le budget, l'action communautaire, l'éducation et la prévention, les soins, le traitement et enfin la recherche. Il contient plusieurs recommandations visant à renforcer l'action du gouvernement fédéral devant l'épidémie du sida.

[Traduction]

Des exemplaires des procès-verbaux appropriés du sous-comité et du comité permanent sont également déposés.


17287

PÉTITIONS

LE SRI LANKA

Mme Anna Terrana (Vancouver-Est, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais présenter une pétition signée par 110 habitants de la Colombie-Britannique, dont un grand nombre d'électeurs de la circonscription de Vancouver-Est que je représente.

Les pétitionnaires souhaitent attirer l'attention du Parlement sur l'infraction militaire qui se poursuit au Sri Lanka et sur l'arrestation à Toronto de M. Manickavasagam Suresh.

Les pétitionnaires prient le Parlement de confirmer la neutralité du Canada afin que le conflit national au Sri Lanka ne s'envenime pas; d'intervenir immédiatement pour faire libérer M. Suresh; d'agir en faveur de la levée de l'embargo économique et de la censure de la presse dans le nord et l'est du Sri Lanka; d'assurer la liberté de mouvement des civils du nord et de l'est du Sri Lanka qui vivent actuellement dans la peur, l'intimidation et la terreur; de résoudre le conflit qui oppose le peuple tamoul au gouvernement sri-lankais grâce à des négociations pacifiques entre le gouvernement sri-lankais et le LTTE, l'organisation qui représente le peuple tamoul.

LA LOI SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions que je désire présenter aujourd'hui au nom des habitants de Simcoe-Centre.

Le premier groupe de pétitionnaires demande que le gouvernement du Canada ne modifie pas la Loi sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle». Les pétitionnaires sont préoccupés par le fait que cette expression n'est pas définie. Ils craignent à juste titre qu'une expression aussi vaste n'englobe toutes sortes de conduites sexuelles.

LE CODE CRIMINEL

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition porte sur l'article 718.2 du Code criminel.

Les pétitionnaires craignent que, en désignant certains groupes dans la loi, d'autres groupes ne soient pas protégés et que la détermination de la peine fondée sur la notion de haine ne soit très subjective et ne mine notre système de justice.

(1535)

LA MILICE

M. Jim Jordan (Leeds-Grenville, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition demandant au gouvernement de respecter et de maintenir l'importance historique des unités de la milice au Canada. Cette pétition vient de Brockville et, bien sûr, les pétitionnaires font expressément référence aux célèbres et historiques Brockville Rifles.

Ils sont d'avis que, dans l'empressement à rationaliser le rôle des forces militaires du Canada, on considérera la milice comme une cible facile dont on peut se passer sans heurts. Cependant, je rappelle au gouvernement que, très souvent, dans les petites localités, elle représente l'unique symbole de la présence de l'État. Par conséquent, je voudrais qu'on maintienne et qu'on remanie la milice ou qu'on redéfinisse son rôle. Les pétitionnaires comprennent que des changements sont inévitables, mais ils ne sont pas prêts à voir les réserves disparaître. Je suis très heureux de présenter cette pétition.

La deuxième pétition que j'ai ici renferme 2 500 signatures et porte sur le même sujet, soit le maintien des Brockville Rifles, mais sa présentation laisse un peu à désirer. J'utilise quand même cette méthode pour signaler cette préoccupation à la population.

LA SOMATOTROPHINE BOVINE

M. Tony Ianno (Trinity-Spadina, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions d'électeurs de Trinity-Spadina. Fondamentalement, les pétitionnaires voudraient que le Parlement interdise l'utilisation de BST au Canada et n'accepte pas les produits laitiers venant de pays où on se sert de BST pour traiter les vaches laitières.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: D'accord?

Des voix: D'accord.

* * *

[Français]

DEMANDES DE DOCUMENTS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suggère que tous les avis de motion portant production de documents soient réservés.

Le Président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Le Président: Je tiens à signaler à la Chambre que conformément à l'alinéa 32(2)b) du Règlement, par suite de la déclaration ministérielle, on va prolonger de 20 minutes la période réservée aux initiatives ministérielles.

> 17288


17288

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

MOTION PORTANT QUE LE DÉBAT NE SOIT PLUS AJOURNÉ

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne la motion du gouvernement no 26, je propose:

Que le débat ne soit plus ajourné.
Le Président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le Président: Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 391)

POUR

Députés
Alcock
Anderson
Arseneault
Assad
Assadourian
Augustine
Axworthy (Winnipeg South Centre/Sud-Centre)
Bakopanos
Barnes
Bélair
Bélanger
Bellemare
Bertrand
Bethel
Bevilacqua
Bhaduria
Blondin-Andrew
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Brushett
Bryden
Caccia
Calder
Campbell
Cannis
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chan
Chrétien (Saint-Maurice)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Comuzzi
Cowling
DeVillers
Dhaliwal
Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Finestone
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagliano
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Gerrard
Godfrey
Graham
Gray (Windsor West/Ouest)
Grose
Guarnieri
Harper (Churchill)
Harvard
Hopkins
Hubbard
Ianno
Irwin
Jackson
Jordan

Keyes
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacDonald
Maclaren
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Martin (LaSalle-Émard)
Massé
McCormick
McGuire
McKinnon
McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
McWhinney
Mifflin
Milliken
Mills (Broadview-Greenwood)
Minna
Mitchell
Murphy
Murray
Nault
Nunziata
O'Brien
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Phinney
Pillitteri
Proud
Reed
Regan
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Serré
Shepherd
Sheridan
Simmons
Skoke
Speller
St. Denis
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Ur
Valeri
Vanclief
Verran
Volpe
Walker
Wappel
Wells
Whelan
Wood
Young
Zed-146

CONTRE

Députés
Abbott
Ablonczy
Althouse
Asselin
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Bélisle
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Blaikie
Breitkreuz (Yellowhead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brown (Calgary Southeast/Sud-Est)
Caron
Chatters
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Daviault
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Duncan
Epp
Fillion
Forseth
Gagnon (Québec)
Gauthier
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Grubel
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harper (Simcoe Centre)
Hart
Hayes
Hermanson
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Jennings
Johnston
Kerpan
Lalonde
Landry
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Lefebvre
Leroux (Richmond-Wolfe)
Leroux (Shefford)
Loubier
Manning
Marchand
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Ménard
Meredith
Mills (Red Deer)
Nunez


17289

Penson
Picard (Drummond)
Plamondon
Riis
Ringma
Rocheleau
Sauvageau
Schmidt
Scott (Skeena)
Silye
Solberg
Solomon
Speaker
St-Laurent
Stinson
Strahl
Taylor
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
White (Fraser Valley West/Ouest)
White (North Vancouver)
Williams-93

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Bouchard
Brien
Canuel
Copps
Culbert
Dalphond-Guiral
de Savoye
Debien
Dingwall
Fewchuk
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Marleau
Mercier
Ouellet
Paré
Pomerleau
Robichaud
Robillard

(1620)

Le Président: Je déclare la motion adoptée.

M. Strahl: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Nous venons de tenir un vote très important à la Chambre des communes. J'ignore où se trouve le député de Sherbrooke. Je me demande si nous pourrions peut-être. . .

Des voix: Oh, oh!

* * *

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je pense que vous vous apercevez qu'il y a consentement unanime pour accepter la motion suivante. Je propose:

Que, dans l'éventualité où, le jeudi 7 décembre 1995, un vote est demandé concernant une affaire relative à l'article 81 du Règlement, ce vote soit reporté à 18 h 30, le lundi 11 décembre 1995; et
Que, le vendredi 8 décembre 1995, nonobstant l'ordre adopté le jeudi 30 novembre 1995, la mise aux voix sur toute motion relative aux travaux des subsides, conformément à l'article 81 du Règlement, soit différée jusqu'à 18 h 30, le lundi 11 décembre 1995.
(La motion est adoptée.)

[Français]

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, je crois que la Chambre donnerait son consentement unanime à la proposition suivante. Je propose:

Que, pour les fins du débat relatif à l'Affaire émanant du gouvernement no 26 aujourd'hui, le Président n'accepte aucune motion dilatoire ou appel de quorum, et qu'à la fin de la période prévue pour le débat, la motion soit réputée mise aux voix et le vote par appel nominal réputé demandé et différé jusqu'à 18 h 30, le lundi 11 décembre 1995.
(La motion est adoptée.)

* * *

[Traduction]

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 29 novembre, de la motion.

(1625)

La présidente suppléante (Mme Maheu): M. Manning propose l'amendement suivant:

Qu'on modifie la motion par adjonction, immédiatement après le mot «conséquence», de ce qui suit:
«(5) rien dans cette motion:
(i) ne confère ou ne soit interprété comme conférant à l'assemblée législative ou au gouvernement du Québec de nouveaux pouvoirs législatifs ou exécutifs, droits de propriété, statut ou tout autre droit ou privilège qui ne soient pas conférés à l'assemblée législative ou au gouvernement d'une autre province;

(ii) ne diminue ou ne soit interprété comme diminuant d'aucune façon les droits et libertés d'un habitant du Québec;

(iii) ne nie ou ne soit interprété comme niant que le Canada représente une nation.»

M. Boudria: Madame la Présidente, j'invoque le paragraphe 43(2) du Règlement. Les députés libéraux partageront leur temps de parole, de sorte que la durée des discours sera de dix minutes d'ici à la fin de la période prévue pour le débat.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Madame la Présidente, j'avais préparé un discours et je vais être obligée d'en mettre la moitié de côté, parce qu'il s'est passé aujourd'hui un incident, à la période des questions, que j'estime extrêmement important. D'abord, puis-je attirer votre attention sur le fait que tous les députés du Bloc ne parleront que dix minutes.

Mercredi dernier, dans son allocution, au moment où il déposait sa motion, le premier ministre déclarait, et je cite:

[. . .] le Québec forme une société distincte au sein du Canada. Comme Québécois et francophone, je comprends et je partage le désir de mes compatriotes de faire reconnaître notre différence.
Il parlait sur la motion qu'il avait déposée en Chambre, motion qui se lit comme suit:

Que
Attendu que le peuple du Québec a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme,
(1) la Chambre reconnaisse que le Québec forme au sein du Canada une société distincte;
(2) la Chambre reconnaisse que la société distincte comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;
Cet après-midi, à la période des questions, j'ai interrogé le premier ministre à savoir s'il était d'accord avec ses collègues du Comité du patrimoine qui, depuis deux semaines, en ont contre la


17290

société distincte et en ont contre la culture québécoise. Je demandais au premier ministre s'il reconnaissait que ses collègues avaient le droit d'affirmer qu'il n'y a, au Canada, qu'une seule culture et que Téléfilm devait, dorénavant, subventionner les artistes en fonction de leur opinion politique.

Le premier ministre s'est levé dans cette Chambre pour dire que, au Canada, il n'y avait qu'une culture, qu'elle était canadienne, soit de langue française, soit de langue anglaise. Le premier ministre, à deux semaines d'intervalle, ou bien n'a pas compris la motion qu'il a déposée lui-même en Chambre parce que c'est quelqu'un de son personnel qui l'a écrite, où il est écrit entre autres que nous sommes distincts par notre culture qui est unique. Alors, si notre culture est unique, elle est donc québécoise, puisque nous sommes au Québec et c'est ce que nous réclamons.

Notre culture est unique parce qu'elle est francophone, entre autres, la majorité est d'expression française et, aujourd'hui, le premier ministre disait: «Bien non. Il y a une seule culture, mais elle est canadienne.» Alors, de deux choses l'une. Ou bien le premier ministre ne comprend pas le sens de la motion ou bien il comprend très bien le sens de cette motion et, pour la première fois cet après-midi, quand il s'est levé en Chambre, il a reconnu que le Québec n'était pas un peuple, qu'il n'y a qu'un seul peuple et il est Canadien, anglais de préférence, mais il nous reconnaît la distinction d'exprimer la culture anglaise en français. C'est le sens de ce qu'il a dit cet après-midi.

Pourtant, lors de l'adoption du projet de loi, quand on a créé le ministère du Patrimoine canadien, nous avons réclamé que le gouvernement soit responsable et reconnaisse qu'il y avait au Québec une société distincte. Nous avons répété nos invitations, nous avons demandé d'apporter des amendements pour faire reconnaître la culture québécoise, et le gouvernement libéral a banalisé le Québec. Il l'a fondu au creuset de la culture canadienne, l'excluant ainsi d'office de son projet de loi sur la culture et niant même son existence distincte, son droit fondamental à exprimer sa différence.

(1630)

Au cours des deux dernières semaines, les représentants du Parti libéral ont pratiquement fait une allergie au Comité permanent du patrimoine chaque fois qu'ils entendaient ou qu'ils rencontraient des témoins, soit ceux qui finançaient les artistes soit ceux qui finançaient les films.

Aujourd'hui, le peuple québécois réclame une reconnaissance comme peuple et les pouvoirs qui en découlent. Le 30 octobre dernier, 49,5 p. 100 des Québécois et des Québécoises ont voté pour se donner un pays; le gouvernement fédéral nous propose une coquille vide qui n'a qu'une valeur symbolique, et on se rend compte encore aujourd'hui que ça valait encore moins que le papier sur lequel c'était écrit il y a deux semaines.

Les Québécois forment un peuple. Déjà dès 1766 le gouvernement anglais Murray disait des Québécois, qu'on nommait à ce moment-là Canadiens, qu'ils étaient un peuple brave et courageux.

En 1791, l'Acte constitutionnel divisait le territoire du Canada en deux colonies, et ce, en reconnaissance de l'existence des deux peuples sur son territoire. Ces deux peuples, à ce moment, étaient nommés le peuple canadien, mais il habitait au Québec, donc les Québécois d'aujourd'hui, et le peuple britannique.

En 1839, lord Durham, qu'on ne peut quand même pas soupçonner d'être nationaliste québécois ni d'avoir une mentalité de séparatiste, posait le diagnostic suivant dans son rapport sur l'état de la colonie, et je cite: «L'origine des problèmes du Bas-Canada n'est ni politique ni administrative, mais vient de la coexistence forcée de deux nations distinctes dans un même État.»

En 1905, sir Wilfrid Laurier, un grand libéral devant l'Éternel, déclarait, et je cite: «Chaque fois que je retourne dans ma province, je regrette d'y constater qu'un sentiment y existe que le Canada n'est pas fait pour tous les Canadiens. Nous sommes forcés d'arriver à la conclusion que le Québec seul est notre patrie.»

En 1965, la Commission Laurendeau-Dunton, dont le premier ministre Trudeau s'est empressé de faire avorter les travaux, a publié un rapport préliminaire dans lequel il constatait que le Canada traversait la plus grave crise de son histoire. La Commission mettait à jour en ces termes le malentendu sur lequel était et est encore basée la crise canadienne, et je cite: «[. . .] les anglophones dont beaucoup manifestaient de la bonne volonté [. . .] ne comprenaient pas [. . .] la tendance profonde de tant de Québécois vers une autonomie accrue et leur conviction grandissante que le Québec devient une nation distincte, maîtresse de ses institutions économiques et sociales.»

Cette incompréhension du Québec par le Canada anglais demeure la même aujourd'hui, et c'est pour cela que l'avenir constitutionnel est sans issue et que nous ne serons jamais reconnus comme peuple. La Commission Laurendeau-Dunton établissait comme condition nécessaire à la survivance du Canada une association réelle comme il n'en peut exister qu'entre partenaires égaux.

En fait, cette motion est tout à fait à l'image de ce que déclarait M. Gary Filmon, le premier ministre du Manitoba, au Toronto Star, le 27 avril dernier, et je cite:

[Traduction]

«Le Québec doit prendre sa décision en tenant compte de ce qui, je crois, est le meilleur pays du monde, mais il ne doit pas s'attendre que nous modifions le pays pour qu'il soit plus acceptable à ses yeux.»

[Français]

En clair, le premier ministre du Manitoba nous dit: Prenez le Canada comme il est ou allez-vous en. C'est pourquoi la position du Bloc québécois est de rejeter fondamentalement la motion qui est devant nous aujourd'hui, et cela n'étonnera personne au Québec que nous votions contre. Le Québec n'est plus à se contenter de miettes. Les Québécoises et les Québécois se sont levés, ils sont debout, ils portent la tête haute, ils s'affirment comme un peuple qui veut être reconnu comme tel, et négocier d'égal à égal.


17291

Robert Bourassa, au lendemain de l'échec de Meech, disait, et je cite: «Le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement.»

(1635)

Au congrès de son parti, en mars 1991, il faisait adopter la résolution suivante, la résolution Allaire, et on pouvait lire: «L'échec de l'Accord du lac Meech s'impose comme un événement historique. Cet échec a placé le Canada devant l'impératif du changement. Et plus que tout, cet échec de l'Accord du lac Meech est survenu à un moment de son histoire où la société québécoise a atteint un degré de maturité, d'ouverture et de développement qui l'autorise à se sentir pleinement en contrôle de son avenir. Le Québec a désormais, hors de tout doute, les moyens et les ressources nécessaires à la réalisation de ses choix.»

Les Québécois et les Québécoises sont conscients du vide que nous propose le premier ministre. Aujourd'hui, ils ont compris que le premier ministre est incapable de citer un seul auteur québécois. Ses références ne sont que canadiennes. Le Québec n'acceptera rien de moins que d'être reconnu comme peuple avec tous les pouvoirs que cela implique.

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Madame la Présidente, encore une fois, les députés du Bloc ont oublié que les Québécois et les Québécoises ont quand même réaffirmé leur appartenance à ce pays.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je regrette de vous interrompre. Le greffier vient de m'aviser qu'il n'y aura pas de questions et commentaires, étant donné que nous débattons d'une motion spéciale. Le temps de parole sera partagé avec le député de Richmond-Wolfe.

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Madame la Présidente, je veux profiter de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de prendre la parole sur la résolution présentée par le premier ministre et esquisser un schéma de revendications traditionnelles du Québec, afin de démontrer que cette résolution du Parti libéral du Canada n'est rien d'autre qu'une parodie visant à diluer les aspirations de la nation québécoise.

Je vais répartir mon discours en trois étapes pour les trente dernières années. Que s'est-il passé à chaque décennie, depuis 30 ans?

Il y a 30 ans, dans le cadre de la Révolution tranquille, s'amorce au Québec un mouvement clair en faveur de l'émergence de l'État québécois comme maître d'oeuvre des politiques sociales et économiques. Le gouvernement du Québec veut alors engager des discussions portant sur le rapatriement de la Constitution, c'est-à-dire sur un nouveau partage des compétences et sur une formule d'amendement qui pourrait le satisfaire.

En 1964, la formule Fulton-Favreau restreint la capacité du gouvernement fédéral d'agir seul puisqu'elle prévoit une majorité des deux tiers des provinces pour modifier l'essentiel des institutions fédérales. À ce moment, une opposition large s'élève au Québec.

En fait, la formule Fulton-Favreau remet à plus tard les négociations sur le fond, c'est-à-dire sur le partage des compétences et ne veut régler que la question de la forme, c'est-à-dire le rapatriement de la Constitution.

Dès lors, le gouvernement du Québec précise sa démarche en subordonnant toute entente sur le rapatriement de la Constitution à des résultats concrets et satisfaisants sur le réarrangement des compétences; une revendication qui sera désormais considérée comme traditionnelle. La nouvelle Constitution doit accorder les plus larges compétences possible au gouvernement du Québec sur la base de l'affirmation du caractère de deux nations au Canada dans ses structures politiques, économiques et sociales.

Pierre Trudeau et le Parti libéral du Canada ne l'entendent cependant pas ainsi. M. Trudeau s'oppose aux politiques fondées sur la nation québécoise. On veut à tout prix, dans le processus de rapatriement de la Constitution, disposer de la rhétorique québécoise reposant sur la notion de droits collectifs ainsi que du phénomène d'identification entre nation canadienne-française et gouvernement du Québec.

À ce stade de l'évolution des négociations pour le rapatriement de la Constitution canadienne, la pensée politique du premier ministre Pierre Trudeau est sans équivoque; le fédéralisme canadien ne peut, sous peine de s'hypothéquer, permettre une asymétrie constitutionnelle dans la répartition et l'usage des compétences législatives.

En plus, pour ce dernier, il n'y a essentiellement que les citoyens et les libertés individuelles face à l'État. Ainsi, la collectivité québécoise doit se fondre dans la nation canadienne.

(1640)

La Charte constitutionnelle de Victoria est le point de départ d'une deuxième décennie de négociations et de pourparlers devant aboutir au rapatriement de la Constitution. La Charte reconnaît la compétence du Québec en matière de politiques sociales, mais veut lui imposer une problématique de normes nationales. Dans une lettre de refus de souscrire à la Charte de Victoria adressée au premier ministre du Canada par le premier ministre de l'époque,M. Robert Bourassa, il est affirmé, et je cite: «Le fédéralisme canadien doit être décentralisé pour refléter la diversité des régions et doit aussi permettre au gouvernement du Québec d'assurer l'avenir culturel de la majorité de la population.»

En mars 1976, Pierre Trudeau, alors toujours premier ministre du Canada, affirme dans une lettre envoyée à tous les premiers ministres provinciaux, que si l'unanimité ne semble pouvoir se faire, force sera au gouvernement fédéral de décider s'il doit ou non recommander au Parlement le rapatriement de l'Acte constitutionnel de 1867.

La troisième décennie de pourparlers et de négociations sur le rapatriement de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique s'ouvre sur l'échec du gouvernement québécois à vouloir obtenir de l'électorat québécois un mandat de négocier avec le reste du Canada la


17292

souveraineté-association, qui sous-tend la reconnaissance nationale du peuple québécois et un réaménagement en profondeur des compétences constitutionnelles en faveur du Québec. Dès 1981, malgré sa réélection aux commandes de l'État québécois, le Parti québécois se retrouve dans une position d'extrême faiblesse face au gouvernement fédéral. La réponse du gouvernement canadien, du Parti libéral du Canada au pouvoir à Ottawa, va être cinglante. Le premier ministre canadien profite de cette faiblesse de l'État québécois et procède au rapatriement unilatéral de la Constitution.

Le 1er décembre 1981, l'Assemblée nationale du Québec adopte une résolution déclarant qu'elle n'acceptera pas un rapatriement unilatéral de la Constitution. L'État du Québec réaffirme en cela sa volonté que soit inscrit dans la nouvelle Constitution la reconnaissance de l'égalité fondamentale des deux peuples fondateurs, et que lui soient reconnues, comme découlant naturellement de son statut de nation distincte, des compétences et juridictions élargies et exclusives.

Le «Canada Bill» c'est-à-dire la Loi constitutionnelle de 1982 est la conclusion provisoire d'un processus qui dure depuis plus de 20 ans. La Charte des droits et libertés, enchâssée dans cette nouvelle Constitution canadienne, est le fondement même du principe national canadien. Elle accorde au pouvoir central un rayonnement politique sans précédent, un pouvoir centralisateur incomparable.

On connaît la suite, le jour où Pierre Trudeau a décidé de rapatrier unilatéralement la Constitution, le Parti libéral du Canada a perdu le Québec; jamais depuis l'élection de 1984, il n'a pu obtenir au Québec plus du tiers des votes. Il représente désormais essentiellement le Canada. Le Parti conservateur prend le pouvoir à Ottawa et promet de faire signer la nouvelle Constitution rapatriée, par le Québec. Des pourparlers, encore une fois, vont s'engager entre les premiers ministres et vont aboutir à l'Accord du lac Meech de juin 1987. Une base sérieuse de négociation est alors établie entre le Canada et le Québec puisque cet accord fait obligation aux tribunaux, de la Cour suprême en descendant, d'interpréter toute la Constitution, y compris la Charte des droits et libertés, en tenant compte des revendications traditionnelles du Québec.

Cependant, le Parti libéral du Canada, encore une fois, ne l'entendait pas ainsi et va tout mettre en oeuvre pour faire échouer l'accord de 1987. Tout l'effort du premier ministre actuel et chef du Parti libéral consistera à diluer la reconnaissance du caractère distinctif du Québec, avec l'aide du député de Sherbrooke. Au Canada anglais, où il y avait beaucoup d'opposition à l'Accord du lac Meech, sa voix a été entendue comme étant extrêmement efficace pour détruire toute base politique au succès de l'Accord.

L'actuel premier ministre du Canada, chef du Parti libéral, réitère alors la position de son parti: le fédéralisme canadien ne peut s'astreindre à une asymétrie constitutionnelle sous peine de s'affaiblir considérablement et la collectivité québécoise ne peut être considérée comme nation, seuls les droits des individus sont reconnus par la Charte des droits et libertés qui est l'unique outil d'interprétation de la Constitution et du statut de l'État québécois.

(1645)

Le chef du Bloc québécois a décrit le rapprochement de la fin des années 1980 entre le Parti conservateur et le Parti libéral du Canada de la semaine dernière en Chambre, un rapprochement qui s'est traduit par la rédaction du rapport Charest, qui faisait en sorte que la clause interprétative allouée au Québec, dû à son caractère distinct, en sa qualité d'État représentant une nation, lui était formellement niée.

Le début de la troisième décennie de pourparlers et de négociations entourant le statut du Québec au sein de la confédération canadienne, encadré par une Constitution à laquelle le Québec n'a jamais souscrit, s'amorce de nouveau par une radicalisation de la position du Québec. Désormais, voyant qu'il ne peut rien obtenir de la part du Canada anglais, le gouvernement québécois, alors appuyé grandement par l'électorat, préconise une démarche résolument souverainiste, ce qui se manifeste par: premièrement, l'émergence du Bloc québécois et une élection massive à Ottawa; deuxièmement, par la disparition à toutes fins pratiques du Parti conservateur; troisièmement, par le rejet de l'Accord de Charlottetown; et finalement, par la prise du pouvoir du Parti québécois à Québec.

Désormais, le Québec ne s'impliquera plus dans d'interminables et inutiles rondes de négociations. Les résultats du deuxième référendum québécois sur la souveraineté de l'État québécois marquent la mi-temps de cette troisième décennie, en consacrant l'évolution fulgurante de l'idée souverainiste au Québec depuis l'échec de l'Accord du lac Meech. Le Québec s'oriente désormais vers sa souveraineté politique et rien ne pourra le ramener au passé. Ce n'est certainement pas cette résolution ridicule de la reconnaissance par la Chambre des communes du caractère distinct de la société québécoise présentée la semaine dernière par le premier ministre du Canada. C'est une reconnaissance symbolique.

Aujourd'hui même, en cette Chambre, à la période de questions, le premier ministre a nié lui-même la culture québécoise inscrite dans sa propre résolution, en affirmant que, au Canada, il n'y a qu'une seule culture, la culture canadienne. Nous rejetons cette proposition, c'est l'hypocrisie au grand jour.

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Madame la Présidente, c'est avec grand plaisir que je m'adresse aujourd'hui aux députés de la Chambre des communes, dans le cadre du débat de la motion de reconnaissance du Québec comme société distincte au sein du Canada. Pour bien saisir la portée du geste que pose le gouvernement du Canada en proposant cette résolution, il nous faut l'interpréter en regard du sens du vote du 30 octobre dernier.

Ce que les Québécoises et les Québécois nous ont indiqué, ce sont deux choses très claires. Les Québécois veulent être reconnus au sein du Canada pour ce qu'ils sont, un peuple dont la langue de majorité d'expression française et dont la culture et les traditions sont différentes et distinctes, et ils souhaitent que des changements profonds soient apportés au fonctionnement de la fédération canadienne.


17293

Bien sûr, notre gouvernement doit répondre aux impératifs économiques et à la nécessité d'assurer le maintien de nos programmes sociaux, et pour ce faire, nous devons établir de nouveaux partenariats avec les provinces. Mais nous devons également reconnaître la réalité du malaise québécois, malaise directement lié aux blessures du passé, dont la plus importante est l'insuccès de l'Accord du lac Meech.

Le chef de l'opposition nous a donné, dans sa réplique au discours du premier ministre, sa version de l'histoire récente de notre pays et de son cheminement dans les méandres constitutionnels. Vous me permettrez de vous donner la mienne, celle d'une Québécoise ayant une toute autre perspective. J'ai vécu l'échec de l'Accord du lac Meech.

(1650)

Et je n'ai pas fait comme le Parti québécois et plusieurs députés du Bloc québécois en votant contre l'Accord du lac Meech. J'ai souhaité, à l'instar de la majorité de mes concitoyennes et de mes concitoyens, que l'on reconnaisse que le Québec est distinct, différent et j'ai eu l'impression, à cette époque, que ce pays ne m'acceptait pas telle que j'étais.

[Traduction]

Toutefois, j'ai compris que ce n'était pas le pays qui refusait de me reconnaître. Ce n'était pas mes concitoyens qui refusaient de me reconnaître. Si nous sommes dans une impasse, nous le devons plutôt au processus même des négociations constitutionnelles et de la ratification des accords. Je me suis donc posé la question suivante: Est-il nécessaire de briser un pays seulement parce que nous n'arrivons pas à nous entendre sur le processus à adopter?

La réponse est claire pour moi. Je crois qu'il est possible de poursuivre la discussion et de continuer à bâtir ce pays prospère dans une atmosphère de respect et de générosité.

[Français]

Au même titre qu'une majorité de Québécoises et de Québécois, je crois fermement qu'il nous est possible de concilier deux réalités: notre identité québécoise, dont nous sommes très fiers, et notre appartenance au Canada.

J'ai toujours été d'avis que ces deux réalités ne sont nullement contradictoires et ne justifient aucunement que l'on détruise le pays que les générations qui nous ont précédés ont contribué à édifier au prix de tant d'efforts et avec autant de détermination. C'est ce que j'ai défendu à l'époque, comme membre du gouvernement du Parti libéral du Québec. Et c'est cette même vision que je défends aujourd'hui comme membre du présent gouvernement libéral depuis mon arrivée à Ottawa.

Pendant la campagne référendaire, le premier ministre du Canada a pris des engagements qu'il respecte aujourd'hui, notamment en reconnaissant que le Québec est une société distincte. Reconnaître que le peuple du Québec forme une société distincte, c'est reconnaître l'histoire, notre histoire commune. C'est se rappeler les origines du Canada de 1867 qui opta pour l'adoption d'un système fédéral destiné à concilier le droit à la différence du Québec et l'autonomie des provinces avec les mises en commun nécessaires à la construction de ce vaste pays qu'est le Canada.

Dans un discours prononcé devant l'Assemblée législative de la province de Québec, le 24 novembre 1871, Sir Wilfrid Laurier déclarait, et je cite: «C'est un fait historique que la forme fédérale ne fut adoptée qu'afin de conserver à la province de Québec cette position exceptionnelle et unique qu'elle occupait sur le continent américain.»

Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur le sens de mes propos. Je souligne tout simplement que, contrairement à celles et ceux qui croient que la séparation est l'unique solution pour permettre au Québec de prendre sa place au sein du Canada, j'ai l'intime conviction que nous pouvons, sans rupture, régler la question différemment.

Le chef de l'opposition pourra toujours argumenter qu'il n'y a plus personne qui parle de société distincte au Québec, il n'en demeure pas moins que les Québécoises et les Québécois souhaitent ardemment une reconnaissance de leur différence. Et nous, du gouvernement, nous l'avons bien compris. Évidemment, d'aucuns auraient voulu que cette reconnaissance soit immédiatement enchâssée dans la Constitution, parce que l'aboutissement logique de cette reconnaissance, c'est qu'elle soit inscrite dans la loi fondamentale de notre pays.

Nous aurions souhaité pouvoir le faire dès maintenant. Mais le gouvernement du Parti québécois et le chef du Bloc québécois ont déjà fermé la porte à toute discussion. Pourtant, en refusant le projet de séparation du Québec, le 30 octobre dernier, les Québécoises et les Québécois ont clairement donné à leur gouvernement provincial le mandat de travailler en partenariat avec le gouvernement canadien pour trouver des solutions réalistes et ainsi faire évoluer positivement le Québec au sein de la fédération canadienne.

(1655)

Le gouvernement du Canada a bien saisi le message et a présenté, dans un premier geste d'ouverture, la motion que nous débattons maintenant à la Chambre des communes. Nous avons répondu à notre engagement. La balle est maintenant dans le camp du Parti québécois et du Bloc québécois. Par leur entêtement à refuser toute possibilité d'ouverture, ce sont eux qui, aujourd'hui, disent non aux Québécois et aux Québécoises. Et ne nous leurrons pas, quelle que soit la formule choisie pour décrire la société distincte, que ce soit Meech 1, Meech 2, Meech 3, Charlottetown 1, Charlottetown 2, Charlottetown 3, la réponse du chef du Bloc québécois a été très claire: «Je suis un souverainiste et jamais, jamais, je ne signerai une entente avec le gouvernement canadien.»

Alors, réalisons-le, le chef de l'opposition nous dit souvent que les Québécoises et les Québécois se souviennent du passé pour justifier leur option. Je lui dis aujourd'hui que les Québécoises et les Québécois se souviendront également que le Bloc québécois et son chef ont refusé de voter pour la reconnaissance du Québec comme société distincte dans cette Chambre.

Reconnaître le Québec comme société distincte au sein du Canada sous la forme d'une résolution est un pas dans la bonne direction, comme l'ont reconnu nos partenaires fédéralistes du Québec. C'est là la pierre d'assise sur laquelle s'établiront de nouveaux rapports constructifs avec tous nos compatriotes canadiens. Pour une pre-


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mière fois, le Parlement du Canada sera lié et solidaire. Et lorsque nous aurons adopté cette motion, il devra prendre en considération la spécificité du Québec. Pour la première fois, les représentants élus de toute la population canadienne posent un geste solennel et lourd de signification à l'égard de la population du Québec. En tant que Québécoise, je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui reconnaît le caractère distinct du peuple du Québec et fière d'être membre de ce gouvernement qui continuera à travailler pour inscrire cette reconnaissance dans la Constitution canadienne.

Parce qu'il y va de l'intérêt du Québec et également de l'intérêt de tout le Canada, je voterai en faveur de cette motion.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Madame la Président, je suis heureux de participer à ce débat historique qui porte sur la motion du premier ministre reconnaissant le Québec comme étant une société distincte de par sa langue, sa culture et sa tradition de droit civil.

La motion dont nous débattons fait partie de trois initiatives de changement que le premier ministre a annoncées la semaine dernière et qui donnent suite aux engagements pris durant la campagne référendaire au Québec. En plus de reconnaître que le Québec est une société distincte au sein du Canada, le gouvernement fédéral accordera dorénavant un droit de veto régional sur toutes les modifications constitutionnelles et se retirera du domaine de la formation de la main-d'oeuvre.

Ces initiatives sont le résultat des promesses que le premier ministre a faites à ses compatriotes québécois au cours de la campagne référendaire, et notamment au grand rassemblement de Montréal où se trouvaient plus de 150 000 personnes, dont 500 de ma circonscription de Simcoe-Nord et de la circonscription voisine.

Il est important de noter que ces initiatives ne constituent pas la totalité de la réaction du gouvernement au référendum québécois, mais elles constituent néanmoins une étape importante. De plus, elles démontrent encore une fois que lorsque le premier ministre s'engage auprès des Canadiennes et des Canadiens, il tient parole.

Pendant le référendum, tout le monde parlait de la nécessité de changement, que dorénavant, les choses devraient se faire différemment si notre pays était pour demeurer uni. Cependant, j'ai le pressentiment que le changement auquel faisaient référence la grande majorité des politiciens ne reflétait pas ce que les Québécois recherchent.

(1700)

En effet, lorsque je faisais du porte à porte pendant la campagne référendaire, on me répétait sans cesse que ce que les gens recherchent, ce sont des emplois, plus de stabilité économique, un avenir meilleur pour leurs enfants, un bon climat social, etc. Je peux assurer cette Chambre que les nombreux Québécois que j'ai rencontrés ne donnaient pas beaucoup d'importance aux changements constitutionnels et à toutes les chicanes qui s'y rattachent.

À cet égard, les Québécois et les Québécoises ne sont pas très différents de tous les autres citoyens du Canada. Dans ma circonscription de Simcoe-Nord, j'entends les mêmes préoccupations venant de mes électeurs. C'est pourquoi je dis que la promesse de changement à laquelle nous devons accorder beaucoup d'importance est celle que le peuple canadien, y compris les Québécois, veulent. Et c'est pourquoi je suis fier de mon gouvernement qui s'attarde, depuis les deux dernières années, au vrais problèmes de la population canadienne, soit la création d'emplois et la croissance économique.

Cela dit, les propositions mises de l'avant par le premier ministre ne sont tout de même pas faites sans fondement ni légitimité. La motion sur la société distincte est importante, car elle reconnaît un fait historique évident et rassure les Québécois de leur appartenance à notre pays. De fait, la notion de société distincte n'est pas nouvelle, ni en termes historiques, ni en pratique constitutionnelle.

[Traduction]

Selon le professeur Ramsay Cook, les francophones de l'Amérique du Nord britannique et du Canada ont vite pris conscience de leur caractère distinct, tant individuellement que collectivement. Le signe le plus évident de ce caractère distinct a été la langue, et le Code civil a fourni un fondement juridique de la différence.

Le principe du caractère distinct est même reconnu implicitement dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Ne serait-ce qu'en établissant la province de Québec, on commençait à reconnaître l'existence d'une société distincte au Canada. Ce fait est même reconnu explicitement dans la Constitution. Par exemple, l'article 94 reconnaît le droit civil du Québec comme étant distinct. L'article 133 a fait du Québec la seule province bilingue parmi les provinces initiales et a stipulé, pour la première fois, que le français était une langue officielle du Canada.

La motion proposée par le premier ministre est un autre moyen explicite de reconnaître le caractère distinct du Québec. Même si la motion que nous débattons n'est pas d'ordre constitutionnel, c'est un engagement solennel qui permet au gouvernement fédéral, le seul gouvernement qui représente tous les Canadiens, d'énoncer la manière dont il entend gérer ses affaires. En effet, elle indique à tous les Canadiens et à toutes les autorités gouvernementales la volonté de la Chambre des communes de reconnaître encore une fois que le Québec forme une société distincte au sein de la fédération canadienne.

Je tiens à assurer tous les Canadiens que l'expression «société distincte» n'est pas du tout exhaustive. Même si la motion mentionne simplement que la société distincte comporte certains aspects qui sont particuliers au Québec, elle n'en exclut pas d'autres. Elle n'exclut pas le fait que le Québec est une société pluraliste et démocratique et que tous ses citoyens sont égaux devant la loi, la Charte canadienne des droits et libertés ou la Constitution canadienne.

La motion à l'étude et les autres mesures annoncées par le premier ministre représentent de sa part un premier pas important pour honorer les promesses qu'il a faites pendant la campagne référendaire. Elles constituent également un pont important conduisant à la conférence des premiers ministres sur la formule de modification de la Constitution qui doit se tenir en avril 1997. Dès le début de ces négociations, nous aurons bénéficié de la mise en


17295

application de la motion concernant la société distincte et du projet de loi concernant le veto régional.

Le premier ministre a laissé entendre très clairement que ces mesures pourront un jour être inscrites dans la Constitution si tel est le désir de la province de Québec et des autres provinces. Le gouvernement du Québec a cependant déclaré carrément qu'il ne voulait participer à aucune discussion constitutionnelle. Tant que cette position déraisonnable du gouvernement du Parti Québécois n'aura pas changé, il nous sera impossible d'incorporer ces mesures dans la Constitution.

(1705)

[Français]

Je suis d'avis qu'une grande majorité de Québécoises et Québécois verront ces initiatives d'un bon oeil. Ils verront que le premier ministre est sérieux d'entreprendre les changements que désirent les Québécois.

Il est évident que les députés du Bloc québécois et du Parti québécois ne voudront rien avoir à faire avec ces changements. La raison est simple: ils sont des séparatistes. Ils n'ont aucune intention d'améliorer la Confédération, leur seul but est de détruire le Canada. Comme Jacques Parizeau l'a déclaré pendant la campagne référendaire: «On n'en veut pas, de société distincte, ce qu'on veut, c'est un pays.»

Malgré les intransigeances du Bloc québécois et du Parti québécois, nous ne leur permettrons pas d'empêcher l'adoption de ces changements non constitutionnels, des changements souhaités par la population du Québec et des autres régions canadiennes.

[Traduction]

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais informer la Chambre que je partagerai mon temps de parole avec mon collègue, le député de Simcoe-Centre.

Je suis heureux et en même temps triste de participer au débat d'aujourd'hui et d'aborder la motion no 26 du gouvernement, qui veut faire reconnaître le Québec comme une société distincte. Je suis également ravi, en tant que Canadien loyal, de prendre la parole à la Chambre pour expliquer les raisons pour lesquelles je m'oppose à cette motion.

Aujourd'hui, j'espère réussir à expliquer clairement les raisons historiques, juridiques et personnelles qui m'incitent à m'opposer à cette motion. La motion représente la deuxième moitié-le projet de loi C-110 constituant la première moitié-de la stratégie qu'emploient les libéraux pour apaiser les séparatistes du Québec après avoir traité de façon si désastreuse le référendum du 30 octobre. Du point de vue historique, je veux rappeler de nouveau ce vieux dicton qu'on entend souvent à la Chambre: ceux qui ne tirent pas de leçon des erreurs du passé sont condamnés à les répéter. Il semble donc que les concepteurs de ce projet de loi n'avaient absolument aucune notion d'histoire.

Pour la gouverne des députés libéraux qui n'étaient pas à la Chambre la semaine dernière lorsque j'ai participé au débat sur le projet de loi C-110, je répète que, si ce projet de loi était un film d'horreur de deuxième ordre, on aurait très bien pu l'appeler Meech II. Cette motion, ou plutôt cette reprise d'un film médiocre, est vouée à l'échec, car elle ne fait que reprendre des éléments des accords du lac Meech et de Charlottetown, que les Canadiens ont rejetés en bout de ligne. Si les Canadiens avaient voix au chapitre, ils rejetteraient sûrement d'emblée cette motion.

Je n'étais pas à la Chambre des communes pour les débats sur les accords du lac Meech et de Charlottetown. J'ai donc attendu plusieurs années pour exprimer mon opinion à ce sujet, mais mes observations sont tout aussi pertinentes aujourd'hui qu'elles ne l'auraient été en 1987 ou en 1992, lorsque l'ancien gouvernement conservateur a tenté de faire adopter des mesures similaires à celle dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Oui, madame la Présidente, oui, messieurs et mesdames les députés des deux côtés de la Chambre, je me souviens. Je me souviens des échecs de ces initiatives, même si les députés d'en face les ont, de toute évidence, oubliés. Je me souviens aussi d'un ex-premier ministre et de son gouvernement, bouffis d'arrogance, mais totalement dépourvus de solutions, qui nous proposait essentiellement les mêmes mesures. Je me souviens aussi du sort qui attendait ce gouvernement à peine un an plus tard.

C'est parce que la population se souvient et tire des leçons des erreurs du passé que je peux dire, en toute confiance, que cette motion paraît tout à fait inadmissible aux yeux des Canadiens.

Du point de vue juridique, cette motion soulève plus de questions qu'elle ne propose de solutions. Cela ne poserait pas nécessairement de problèmes, sauf que le premier ministre refuse de répondre à toute question au sujet de la signification de l'expression «société distincte». Que signifie-t-elle?

(1710)

Ce manque de transparence du premier ministre ne fait qu'ajouter à la confusion. Par exemple, est-ce que la motion confère des pouvoirs supplémentaires au Québec, oui ou non? Si, comme je le crains, elle aura pour effet, avec le temps, d'accorder au Québec des pouvoirs qui ne le seront pas aux autres provinces, il est clair qu'il faut s'opposer à cette motion.

En outre, cette motion est-elle le prélude à une tentative de la part du premier ministre d'inscrire la notion de société distincte dans la Constitution? Si oui, et je soupçonne le premier ministre de vouloir le faire au moment de l'examen de la Constitution prévu en 1997, les Canadiens ne devraient-ils pas le savoir maintenant? Que le gouvernement soit franc.

Qui plus est, tout enchâssement de la clause de la société distincte en tant que clause interprétative dans la Constitution sera inacceptable pour les Canadiens pour les mêmes raisons qu'en 1992. De plus, la notion de société distincte ne porte-t-elle pas atteinte au principe selon lequel tous les Canadiens sont égaux? Encore une fois, le gouvernement n'a rien d'autre à nous offrir que des lubies.


17296

Par des observations personnelles, je voudrais communiquer aux députés siégeant des deux côtés de cette enceinte la teneur d'une lettre fort lucide que j'ai reçue récemment. La lettre en question vient de François Labrecque, qui vit depuis longtemps au Québec. J'ai eu l'honneur de le rencontrer lors de mon récent passage à Québec, et il m'a écrit pour me faire part de ses pensées sur la société distincte. Il écrit d'une manière assez intuitive: «Je ne suis pas sûr que le concept de société distincte devrait être présenté de cette façon. Au lieu de penser à des pouvoirs et à des droits, quand il est question de la société distincte, il vaudrait mieux penser aux responsabilités des personnes, des groupes, aux responsabilités de la population elle-même et à celles des provinces en matière de préservation du caractère distinct.»

Il conclut en partie en disant que l'approche du Parti libéral consiste à offrir le statut de société distincte au Québec et rien aux autres régions et provinces, ce qui provoque une réaction négative dans le reste du Canada et constitue clairement un ferment de division.

C'est un Québécois qui dit cela et qui comprend clairement le défaut de la proposition de la société distincte. Les réformistes sont d'accord avec lui.

Pour éclairer davantage la lanterne des députés libéraux, je dirai qu'aucun Canadien ne doute que le Québec est distinct par sa langue et sa culture. Sa langue est dynamique, et sa culture, florissante. Ces deux caractéristiques à elles seules assureront sa survie. C'est pourquoi les efforts déployés pour légaliser ou inclure le concept dans la Constitution sont si insultants pour beaucoup de Québécois.

Les libéraux demandent aux Québécois d'adopter une mentalité d'assiégés et de prétendre que leur langue et leur culture sont faibles et se meurent. Heureusement, les Québécois eux-mêmes savent que le contraire est vrai et ils savent aussi qu'en assumant l'entière responsabilité dans certains domaines clés, ils pourront sauvegarder le caractère distinct du Québec.

La semaine dernière, le 27 novembre, j'ai regardé le premier ministre déposer sa motion. À ce moment-là, je n'ai pu m'empêcher de penser que l'on vendait mon droit d'être canadien pour parvenir à un accord. Je n'arrive pas à comprendre qu'un gouvernement qui se prétend si attaché aux principes d'égalité puisse défendre une idée si éloignée de ces principes. Mais, lorsque l'on pense au projet de loi C-64, le projet de loi du gouvernement sur les quotas raciaux, on ne s'étonne plus.

(1715)

Je demande aux députés de réfléchir aux conséquences que la motion aura sur le droit à l'égalité des Canadiens.

Je ne peux pas appuyer la motion du gouvernement et reconnaître le Québec comme étant une société distincte. Rien ne garantit que les nationalistes québécois ne se serviront pas de cette motion pour servir leurs fins. Rien ne garantit que la motion ne servira pas à donner des pouvoirs additionnels à la législature du Québec. Rien ne garantit qu'elle ne permettra pas de faire primer les droits collectifs sur les droits individuels. La motion ne donne aucune protection au groupe minoritaire dans la province.

Le chef du Parti réformiste a présenté un amendement qui calmerait beaucoup des inquiétudes que j'ai exprimées. J'espère que mes vis-à-vis l'appuieront. Faire autrement et adopter la motion du gouvernement dans sa forme actuelle équivaudrait à dire que certains Canadiens sont distincts et d'autres sont des citoyens de seconde classe.

En conclusion, à moins que l'amendement ne soit adopté par la Chambre, j'ai l'intention de voter contre la motion du gouvernement.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je suis heureux de parler contre la motion visant à reconnaître que le Québec forme une société distincte. Nous parlons d'une promesse ou d'un engagement. Je vais parler de certaines promesses qui ont été faites et de certains engagements qui ont été pris.

Je vais commencer par une promesse qui a été faite à la onzième heure. Une promesse qui a été faite à contrecoeur. Une promesse inspirée par la panique et le désespoir. Une promesse qui a été faite parce que le gouvernement comprenait mal les Québécois. Une promesse qui ne tient pas compte du passé ni de l'avenir. Une promesse qui va à l'encontre des désirs de l'ensemble des Canadiens. En fait, 55 p. 100 des Canadiens en dehors du Québec s'opposent à la reconnaissance d'une société distincte.

Nous essayons de tenir une promesse que les Canadiens ont déjà rejetée. Je veux parler ici du lac Meech et de Charlottetown. Les Canadiens ont eu voix au chapitre et ils ont rejeté la notion de société distincte. Pourtant, nous voici encore en train d'essayer de faire passer cette idée d'une manière détournée, sans consultation. Le gouvernement a imposé la clôture pour accélérer le processus. Son attitude, c'est qu'il sait mieux que personne ce que les Canadiens veulent. Cette promesse, c'est pour le Québec et non pour le Canada.

En octobre 1993, les Canadiens du Québec et des autres provinces ont réclamé des changements. Le message que j'ai entendu en octobre 1993, c'est que les Canadiens étaient inquiets. La réponse du gouvernement depuis les élections a été «ne vous en faites-pas, soyez heureux». Après deux ans d'inaction de la part du gouvernement, nous avons presque perdu le pays le lundi 30 octobre.

Il est intéressant de constater que, pendant le référendum, les séparatistes ont eu 30 jours pour propager leur option incontestée. Les destructeurs du Canada ont bénéficié de 30 jours pour communiquer leur message. Le gouvernement invoque la clôture, de sorte que nous, qui voulons défendre la cause du Canada et promouvoir le fédéralisme, nous voyons accorder 30 heures de débat. Nous disposons de 30 heures pour débattre d'une des motions vraisemblablement les plus importantes à avoir jamais été présentées à la Chambre depuis les deux ans que nous siégeons dans cette enceinte.


17297

Que penser de la transparence du gouvernement? Que penser de la réponse du gouvernement aux électeurs? Il ne faut pas se surprendre. Voilà le gouvernement qui a dû nommer des candidats parce qu'il ne faisait pas confiance aux électeurs canadiens pour choisir les bons. Voilà le gouvernement qui manifeste son prétendu vif intérêt pour la démarche démocratique. Voilà le gouvernement qui a affiché son arrogance tant de fois depuis les deux ans que nous siégeons dans cette enceinte et qui a réprimandé ses députés parce qu'ils s'étaient prononcés contre le contrôle des armes à feu.

(1720)

Il s'agissait d'une promesse inspirée par le désespoir. Voyons maintenant quelques-unes des promesses qui ont été faites aux Canadiens ou certains des engagements pris à leur endroit. Qu'est devenue la promesse de créer des emplois? Il y a deux ans, les libéraux ont promis de créer beaucoup d'emplois, mais aujourd'hui le taux de chômage atteint 9,4 p. 100. En novembre, le Canada a perdu 44 000 emplois. Que sont devenus ces emplois? Qu'est devenu le programme d'infrastructure tant vanté qui devait fouetter l'économie et créer des emplois? Ce fut un autre échec. Tout ce que ce programme a fait a été de nous enfoncer d'un autre six milliards de dollars dans l'endettement, sans créer d'emplois. Un comité vient d'être chargé d'examiner le problème de la création d'emplois.

Il est également intéressant de signaler que les seuls emplois qui sont créés actuellement proviennent du libre-échange. Le gouvernement actuel, qui s'était opposé au libre-échange, est heureux maintenant des emplois que le libre-échange a permis de créer.

Que dire de la promesse de lutter contre le déficit? Le gouvernement n'a rien fait en deux ans, en dépit des mises en garde de Moody's et du FMI. Les ministériels étaient occupés à tirer sur le messager lorsque Moody's a prévenu le ministre des finances qu'il n'allait pas assez loin dans la lutte au déficit. Nous savons que le FMI a, depuis, servi le même avertissement au gouvernement, en lui faisant savoir qu'il ne s'attaquait pas sérieusement au déficit et que le Canada courait un grand danger.

Que dire des allégements fiscaux? Les fumeurs sont, à ma connaissance, les seuls qui ont bénéficié d'un allégement fiscal puisque le gouvernement a cédé aux contrebandiers. Le reste des Canadiens n'ont bénéficié d'aucun allégement fiscal. En fait, les automobilistes canadiens paient des taxes supplémentaires, qu'ils n'ont d'ailleurs guère les moyens de supporter, en dépit de la promesse du gouvernement d'accorder des allégements fiscaux.

Le livre rouge préconisait l'adoption de mesures rigoureuses pour combattre la criminalité et la violences, mais ces mesures se font toujours attendre. L'article 745 du Code criminel permet toujours aux auteurs de meurtre au premier degré de recouvrer leur liberté après 15 ans de détention. La reconnaissance des droits des victimes tarde encore.

Le gouvernement n'a pas encore entamé la réforme des institutions politiques. Nous avons tous pu constater le cynisme et la méfiance des électeurs envers les politiciens, mais le gouvernement ne s'est pas encore attaqué à ce problème. Il n'a encore pris aucune mesure concernant la révocation de députés. À vrai dire, un projet de loi d'initiative parlementaire portant sur la révocation des députés a été rejeté à la Chambre. Le gouvernement ne croit pas dans les référendums, une occasion pour les Canadiens de se prononcer sur les grands enjeux qui ont des incidences directes sur leur existence.

On devait remplacer la TPS. Or, deux années ont passé et rien n'a été fait à propos de la TPS. La vice-première ministre devait démissionner si la question n'était pas réglée en l'espace de deux ans. La dernière fois que je l'ai vue, elle était encore à la Chambre des communes.

Je fais état de ces promesses parce qu'elles ont été faites à toutes les Canadiens. Si elles avaient été tenues, ces promesses auraient grandement contribué à la résolution de la crise qui menace l'unité du pays. La population du Québec, tout comme celle de l'Ontario et de la Colombie-Britannique d'ailleurs, s'inquiète de ce que le gouvernement fédéral est incapable de contenir ses dépenses, qu'il ne s'occupe pas du système de justice pénale, qu'il ne prend pas la défense des victimes et qu'il n'écoute pas les politiciens qui ont été élus pour représenter les citoyens de leurs circonscriptions.

Lors du référendum, on a entendu des Québécois se demander: «Est-ce que les choses pourraient être pires si on s'arrangeait tout seuls?» C'est qu'ils avaient devant les yeux un gouvernement fédéral qui ne se préoccupe pas des grands problèmes de l'heure au pays. Dans ces circonstances, il n'est que normal que certains d'entre eux aient été enclins à se demander: «Pourquoi on ne se sépare pas? Le gouvernement fédéral nous endette de plus en plus. Rien ne laisse supposer qu'il a tiré les leçons qui s'imposent du passé et qu'il va prendre des mesures pour remédier à la situation.»

Il est évident que nous n'avons rien appris du passé. Je me rappelle de la commission sur le bilinguisme et le biculturalisme créée en 1965. Elle était censée s'occuper de la pire crise à laquelle notre pays était confronté. J'ai appuyé ses travaux en 1965, car je pensais qu'on réglerait alors les problèmes d'unité que nous avions à cette époque-là.

Après 30 ans, on constate que cela a été un échec complet. Tout ce que les ministériels ont à faire maintenant, c'est de regarder de l'autre côté de l'allée pour voir 53 députés du Québec qui ont été élus pour déchirer le pays et qui sont un symbole vivant de l'échec de la politique du passé, du statu quo.

Des changements s'imposent sans aucun doute. C'était le message lancé en octobre 1993. Je suis fier de dire que les réformistes ont soumis 20 modifications constructives qui ont reçu un appui très fort au Québec et à l'extérieur de la province.

(1725)

Ces 20 propositions n'exigeaient pas de rouvrir la Constitution. Un gouvernement disposé à le faire aurait pu les mettre en pratique. Selon nous, tout le monde sortait gagnant de cela. Ces mesures auraient aidé, dans une large mesure, à garder notre pays uni. On aurait pu également résoudre ainsi une bonne partie de nos problèmes reliés aux dépenses excessives, car beaucoup de ces modifications portaient sur un réalignement des pouvoirs, la décentralisation, la suppression des chevauchements et la nécessité de rapprocher les gouvernements des gens qu'ils servent.

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Nous n'avons pas tenu compte du message de la Commission Spicer, non plus. Cette commission a parcouru tout le pays et s'est adressée à plus de 400 000 Canadiens, à 300 000 étudiants des niveaux élémentaire et secondaire. Dans son rapport, elle a fortement appuyé l'égalité des provinces et des Canadiens. Elle a également défendu fermement la reconnaissance des différences du Québec, mais il n'était pas vraiment question d'avoir deux classes de citoyens. Or, c'est l'objet de ce projet de loi.

Durant nos vacances de novembre, j'ai tenu une série d'assemblées dans toute ma circonscription. Je voulais tâter le pouls de la population sur la situation à laquelle nous allions être confrontés, sur la possibilité d'un autre référendum ou la possibilité encore de reconnaître le Québec comme société distincte.

J'ai remis aux gens présents un questionnaire. À la fin de l'assemblée, je leur ai demandé de répondre à cette question: «Seriez-vous en faveur d'un statut de société distincte pour le Québec si cela signifiait accorder à cette province des pouvoirs spéciaux dont ne peuvent profiter les autres provinces?» Eh bien, 98 p. 100 de ceux qui ont répondu au questionnaire ont rejeté l'idée d'accorder un statut spécial, de cette façon, au Québec.

Il est temps que le gouvernement tienne tête aux séparatistes, les mette au pied du mur. Le moment est venu de défendre le Canada et de parler pour le Canada dans son ensemble.

Nous avons un merveilleux pays. Il ne pourra conserver sa grandeur que s'il est basé sur l'égalité des provinces et celle des citoyens. J'invite les ministériels à s'opposer à la reconnaissance d'une province en particulier. Autrement, ils vont détruire notre grand pays, le pays sur lequel comptent nos enfants et nos petits-enfants.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime pour déclarer qu'il est 17 h 30 et passer aux initiatives parlementaires?

Des voix: D'accord.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 17 h 30, la Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés, selon l'ordre indiqué au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Français]

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager l'opportunité de revoir et réformer le financement des partis politiques.
-Madame la Présidente, le système actuel de contributions financières aux partis politiques comporte des lacunes qui se doivent d'être corrigées. Il est trop facile d'entendre les gens dire continuellement que les grosses compagnies mènent le pays, que ce sont elles qui peuvent retirer le plus de bénéfices en marge de leurs contributions financières à des partis politiques. On entend cela couramment.

Comme on le sait, cette perception est très mauvaise dans une démocratie, et c'est pour cela que je trouve nécessaire d'étudier les changements qui s'imposent.

Le système actuel coûte à l'État, présentement, près de 30 millions de dollars par année, selon des données obtenues pour les quatre dernières années, incluant la campagne électorale de 1993. J'ai évidemment toutes les données.

Si d'une façon ou d'une autre le contribuable doit payer sous une forme ou sous une autre, il paie de toute façon à la fin. Nous proposons la solution suivante, à savoir que l'État verse un dollar par tête d'habitant, et la démocratie sera ainsi mieux servie.

Il y a de nombreux avantages à cela et je vais vous en donner quelques-uns. Ce sera le système le plus démocratique qui existe pour le financement des partis politiques. Tout le monde serait égal, évidemment. Les députés n'auraient plus à collecter des fonds en vue d'élections générales. Comme on le sait, cela prend beaucoup de temps, beaucoup d'efforts, et même les partis politiques sont obligés de verser de l'argent pour aller en chercher auprès du public.

Il faut dire que le coût pour l'État serait moindre, ayant été très conservateur dans les chiffres que j'ai mentionnés. J'ai effectivement démontré qu'il en coûterait moins à l'État dans un tel système.

Cela mettra fin à la perception de la population qu'il s'agit de caisse occulte, car il n'est pas sain que la population ait une telle perception. Ainsi, aucun politicien ou député ne serait redevable à qui que ce soit.

Il est donc temps de revoir le système afin de se doter d'une démocratie vraiment efficace et de pouvoir, une fois pour toutes, travailler les mains libres de toute attache que ce soit.

[Traduction]

La démocratie exige que le processus permettant de choisir les représentants du peuple traite également tous les citoyens. Le système électoral canadien porte actuellement atteinte à ce principe d'une manière fondamentale, car il est financé par des sources privées.

Lorsque des intérêts privés participent au financement des partis, le processus politique ne devient plus qu'un pâle reflet de la démocratie. La participation de sociétés, de syndicats et de particuliers au processus politique est évidemment inévitable et indispensable à bien des égards, mais elle ne devrait aucunement englober le financement des partis politiques.

À mon avis, il est d'une importance primordiale de corriger ce défaut structurel. Tout pays qui prétend sérieusement souscrire à un idéal démocratique devrait assurer un financement public de ses partis politiques, grâce à un mécanisme liant directement leurs appuis financiers et leurs appuis politiques.

Après avoir examiné le système actuel, puis diverses options de financement, je propose un mode de financement public non coûteux et souple. Voici au moins trois de ses objectifs. Le financement actuel des partis politiques tourne en dérision la pierre angulaire de


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notre démocratie, le principe selon lequel le processus qui permet de choisir les représentants du peuple devrait traiter également tous les citoyens. Il permet à des organismes privés qui n'ont absolument pas le droit de participer au scrutin d'avoir indirectement des centaines de votes, par leur appui financier à un parti politique donné.

À cause de cela, les orientations sont examinées avec moins de souplesse, car les partis politiques doivent tenir davantage compte de l'opinion des bailleurs de fonds les plus importants. Cela n'est pas compatible avec l'idée d'une démocratie vraiment représentative. Les partis politiques devraient avoir des comptes à rendre uniquement à leurs membres et, bien entendu, à la population.

Les actionnaires de sociétés et les membres de syndicats n'appuient pas nécessairement les dons faits en leur nom. Le financement des partis par des organismes privés dénature, de manière flagrante, le processus démocratique. Cependant, dans une société libre et démocratique, les particuliers devraient avoir le droit de verser leurs contributions personnelles au parti de leur choix.

Cela semble logique. Quoi qu'il en soit, il y a au moins trois objections fondamentales à cette solution. Il faudrait que les partis politiques passent beaucoup plus de temps, qu'ils consacrent un temps fou à faire des activités de financement. C'est là un rôle tout à fait inconvenant et inefficace pour les représentants du peuple.

Il incombe à un parti politique d'élaborer des politiques, pas d'organiser des campagnes de financement. Cette solution ne règle pas le problème fondamental de l'iniquité. Dans toute démocratie financée par des fonds privés, qu'ils proviennent d'organisations privées ou de particuliers, le principe démocratique fondamental est dénaturé. Cette situation est anormale et inacceptable dans notre système. Elle n'offre aucune protection contre les abus.

Aux États-Unis, il est courant que les membres de la haute direction d'une entreprise versent simultanément à un parti ou à un candidat la contribution maximale autorisée pour un particulier, ce qui équivaut, dans les faits, à un don de société.

(1735)

L'idée du financement individuel est une généralisation erronée du principe que, dans un société libre et démocratique, toute personne a le droit d'appuyer le parti de son choix. Ce droit est inaliénable, mais il ne devrait pas s'étendre à l'utilisation de la richesse personnelle. Le droit d'appuyer le parti de son choix sous-entend le droit de voter pour le parti de son choix et de travailler pour le parti de son choix. Toutefois, il semble trop facile de se contenter de signer un chèque, et c'est injuste pour ceux qui n'ont pas les moyens de faire une contribution importante.

Le mécanisme est très simple. Je vais présenter un mécanisme démocratique de financement public simple, souple et très peu coûteux qui rendra certainement le système plus juste et plus équitable.

Nous éliminerions toute forme de financement privé des partis politiques, établirions un fonds de financement des partis au moyen d'une cotisation annuelle de 1 $ par électeur prise sur les recettes générales, distribuerions une part du fonds aux partis politiques enregistrés selon une répartition proportionnelle du vote populaire et distribuerions le reste aux partis politiques enregistrés.

Le coût est négligeable. Un dollar par électeur par année, c'est une petite somme pour financer des élections démocratiques. En outre, le coût annuel pour le Trésor serait en réalité moindre par rapport au coût actuel de 30 millions de dollars. Le mode de distribution est souple et démocratique.

La distribution de la première part du fonds proportionnellement au vote populaire assure un lien direct entre le soutien financier et le soutien politique. Cette façon de faire garantit que les partis qui ont davantage la faveur du public auront un soutien financier plus important.

La distribution de la deuxième part du fonds contrebalancerait l'effet causé par les majorités importantes, assurant ainsi que les partis moins populaires reçoivent suffisamment d'argent pour être en mesure de faire connaître efficacement leurs politiques à la population.

[Français]

En terminant, il y a des conclusions très évidentes. Le financement public est le seul financement des partis politiques qui soit vraiment démocratique. Le financement des partis politiques se fait présentement par l'entremise de crédits d'impôt pour des particuliers et de déductions d'impôt pour les compagnies, aussi bien que par les contributions faites par l'État pour chaque candidat à une élection qui obtient un minimum de 15 p. 100 du vote exprimé.

Le financement public obligera les partis politiques à rendre compte de l'utilisation de tous leurs fonds. Le financement politique libérera évidemment les partis politiques de cueillir des fonds, ce qui requiert beaucoup de temps et d'efforts. Le temps des partis politiques devra servir plutôt à l'élaboration des politiques. Finalement, le financement politique améliorera considérablement la perception des gens concernant les hommes politiques, les partis politiques et le processus politique.

Essentiellement, ce sont les explications que je voulais apporter sur la nécessité de faire des changements dans notre système politique, le financement des partis politiques. S'il y a d'autres députés qui veulent faire des commentaires à ce sujet, qu'ils le fassent, et s'il y a des questions, il me fera plaisir d'y répondre.

M. Louis Plamondon (Richelieu, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole sur la motion de l'honorable député. Mais en même temps, cela m'attriste de devoir le faire, parce que si ce vénérable député du gouvernement ressent le besoin de déposer une telle motion, c'est qu'il se rend compte que son propre gouvernement a renié ses engagements du livre rouge, a renié ses engagements de la dernière campagne électorale.

Mais qu'il se rassure. S'il observe comme il faut le comportement du gouvernement depuis deux ans, il a renié tout ce qu'il avait


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comme engagement, que ce soit sur le plan social, que ce soit sur le plan des interventions dans le domaine militaire, que ce soit sur le plan de tous les éléments du livre rouge.

(1740)

Donc cette nécessité pour un simple député de devoir rappeler à son propre gouvernement qu'il avait promis une réforme en profondeur du financement des partis politiques montre quel désintéressement ce gouvernement a face à son engagement électoral.

Je voudrais citer l'engagement du livre rouge dans ce domaine. Il y est inscrit textuellement: «de restaurer la confiance des électeurs et électrices, de promouvoir l'intégrité dans les institutions politiques, de limiter les conflits d'intérêts et les jeux d'influence grâce à une réflexion en profondeur sur le financement des partis politiques.»

La motion manifeste ce désir-là. Sauf que, si on se rappelle bien, il y a un an, en mars 1994, j'avais lancé un débat qui s'est rendu en troisième lecture, c'est-à-dire une motion privée qui disait que la solution était le financement populaire des partis politiques, c'est-à-dire de restreindre à une personne qui a le droit de vote le droit de contribuer à un parti politique, et d'éliminer par le fait même les institutions, les corporations économiques, les syndicats et les associations à but non lucratif ou à but lucratif, seulement les personnes ayant droit de vote.

Cela est un gage de démocratie, un gage de transparence, mais les propres membres de son parti, en très grande majorité, ont voté contre cela, parce que ce parti n'est pas différent de l'autre parti qu'il a remplacé. Comme on dit dans le langage populaire au Québec, il a à soigner ses chums après l'élection, il doit renvoyer l'ascenseur aux grosses firmes d'ingénieurs, d'architectes, aux grosses firmes bancaires, parce que ce sont ces gens-là qui l'ont financé, qui l'ont fait élire.

Donc le gouvernement refuse, dans ce domaine comme dans bien d'autres, de prendre ses engagements et de les mettre en pratique à l'aide de projets de loi ou à l'aide de modifications de lois existantes.

La motion qui été déposée n'est au fond qu'un voeu pieux. Qu'est-ce-qu'un voeu pieux au juste? Ce sont les décisions que l'on n'a pas prises concrètement. Et c'est cela que le député manifeste, un voeu pieux. Il sait bien concrètement que son gouvernement n'est pas intéressé à changer le système, parce que son gouvernement est financé par des multinationales et par des intérêts privés dans une très forte proportion, comme l'était le gouvernement conservateur.

Il me semble que sa motion aurait davantage dû aller dans le sens d'une décision concrète. Non pas «nous allons étudier», comme il dit, ou «nous allons regarder le financement des partis politiques». Il aurait dû dire «nous allons changer de telle ou telle façon le financement des partis politiques, par exemple, en instaurant le financement populaire qui consiste à donner le droit de contribution seulement à ceux qui ont droit de vote. Cela aurait été concret, parce qu'au fond, ce qu'il fait ici est d'exprimer un intérêt de reconsidérer. Il fait exactement comme le gouvernement conservateur lorsqu'il a voulu se laver les mains de son engagement électoral de 1988.

Le premier ministre Mulroney, à l'époque, avait garanti sur son honneur, une semaine avant l'élection, qu'il instaurerait le financement populaire. Je me souviens d'un article en première page du journal La Presse. Mais après, qu'est-ce qu'il a fait? Il a fait un comité d'études qu'on appelait la Commission Lortie qui a abouti, après 20 millions de dépenses, à un rapport dont on n'a pas pris les recommandations en considération, ni le gouvernement conservateur ni le gouvernement libéral.

La vraie solution au problème du financement des partis politiques est à l'exemple de ce qui se passe au Québec. Mais, soyons honnêtes, il y a eu des pas de franchis depuis 20 ans, par exemple, le fait d'accorder un crédit d'impôt. Il y a 20 ans, 95 p. 100 du financement provenait des compagnies. Le reçu d'impôt qu'on accorde aux corporations et aux individus a fait en sorte que la contribution des corporations a baissé de 40 p. 100. C'est un premier pas. N'oubliez pas que certaines provinces sont intervenues pour limiter également l'ingérence dans l'appareil gouvernemental par le biais de contributions politiques. Tous les partis politiques parlent de réforme, mais personne ne le fait concrètement. Le Parti libéral est un peu comme ces vieux partis-là.

(1745)

N'oublions pas également que le fait de vouloir assainir le financement des partis politiques va aussi dans le sens du respect du Code criminel, parce qu'il est bien inscrit au Code criminel, à l'article 121, que c'est une infraction criminelle que de tenter d'obtenir un privilège spécial grâce à une contribution financière. Bien des ministères doivent être nerveux de certaines contributions.

À ce moment-là, assainir les finances politiques va dans le sens du respect du Code criminel également. C'est également un désir de transparence à l'égard de la population. Les électeurs exigent maintenant des élus qu'ils sachent qui ils servent à Ottawa. Ils veulent que les députés soient au service du bien commun et non de certains privilégiés. Ils veulent que l'électeur qui fait une contribution de20 $ reçoive autant de respect de la part des élus qu'une entreprise qui contribue 50 000 $.

Ils veulent également que la collecte de fonds se fasse selon des normes bien définies et qu'elle serve la masse des gens et non pas certains privilégiés. C'est également dans le sens de perpétuer notre démocratie devant cette agression des multinationales et des gros contributeurs aux partis politiques.

En mettant le financement populaire au service de la démocratie et des partis politiques, nous donnons de l'importance à l'électeur. Nous obligeons également les partis à se rapprocher des électeurs et à se préoccuper de leurs besoins, parce que c'est eux qui vont nous financer.

On donne plus de valeur, on valorise le membership d'un parti politique. On contribue également à un sentiment d'appartenance qui se développe dans les partis politiques par le respect qu'ils ressentent d'avoir financé ces partis politiques. On augmente également la vigueur démocratique d'une société et on force le parti à une décentralisation de ses décisions. Plus nous nous approchons du financement populaire, plus nous le réalisons pleinement, plus l'acte démocratique qui se vit au Québec ou au Canada est grand et noble et plus il va dans le sens de la vraie démocratie et de la transparence.


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Je terminerai mes dix minutes par un énoncé de principe qui est le suivant: Dis-moi qui te finance et je te dirai qui tu sers. C'est à peu près ça la leçon à tirer de la réflexion que nous essayons de faire ensemble grâce au dépôt de cette résolution.

Je voudrais quand même rendre hommage au député qui a eu le courage, à l'intérieur de son parti, de réaliser à quel point son parti et le système de partis politiques traditionnels est au service de certaines entreprises, de certains contributeurs privilégiés plutôt qu'au service de l'ensemble des citoyens.

Quant à sa suggestion de contribution de 1 $ par électeur au parti existant, inspirée par un professeur du Nouveau-Brunswick, est une suggestion qui me paraît noble; cependant, elle empêcherait un nouveau parti politique de pouvoir voir le jour. Par exemple, comment le Parti réformiste ou le Bloc québécois, deux partis nés à la dernière élection, auraient-ils pu naître sans cette contribution?

Alors, il y aura un danger de faire en sorte que le financement de l'État serve, par cette contribution, à maintenir les partis existants, empêchant de laisser grandir, de laisser germer d'autres idées, d'autres formations, d'autres regroupements politiques. Il y a donc une grande hésitation, un grand point d'interrogation, je dirais, sur cette suggestion.

Mais j'espère que le fait d'en reparler servira peut-être à faire comprendre au Parti libéral que même dans ses propres rangs, il y a une nécessité de faire un changement en profondeur. Et ce changement en profondeur ne peut être autre chose que le financement populaire des partis politiques.

[Traduction]

M. Ted White (North Vancouver, Réf.): Madame la Présidente, à la première lecture, j'ai approuvé d'emblée l'idée de base de la motion no 367, qui dit ceci:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager l'opportunité de revoir et réformer le financement des partis politiques.
(1750)

La seule chose qui m'inquiète, c'est que cette formulation est un peu vague. La motion dit: «envisager l'opportunité de». Il est regrettable que le député n'aie pas plutôt dit:«Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait réviser et réformer le financement des partis politiques». Cette formulation aurait été plus claire et plus efficace.

Je vois que cette motion ne sera pas mise aux voix. Cette heure de débat est donc relativement inutile. J'aimerais bien que la motion du député fasse l'objet d'un vote pour qu'on puisse au moins exprimer notre opinion à ce sujet.

Avant de poursuivre mon discours, madame la Présidente, je veux demander le consentement unanime de la Chambre pour que cette motion soit mise aux voix.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

M. White (North Vancouver): Madame la Présidente, c'est absolument inouï. Les propres collègues du député lui refusent le droit à un vote sur sa motion. Il a parlé de l'importance de la démocratie au sein des partis politiques et il ne peut même pas obtenir le consentement de ses collègues pour mettre sa motion aux voix à la Chambre. C'est certainement un symptôme du fonctionnement de ce gouvernement.

D'une façon générale, je suis d'accord avec la motion. Je voudrais lire la politique du Parti réformiste en ce qui concerne le financement des partis politiques. C'est dans le livre bleu qui a été préparé et communiqué à nos membres. Il dit: «Le Parti réformiste s'oppose à toute contribution publique aux partis politiques et aux lobbys politiques, y compris au remboursement des dépenses des candidats ou des partis, à la publicité pendant les périodes électorales, à l'embauche de personnel parlementaire contre remboursement, aux crédits d'impôt pour les contributions aux partis politiques fédéraux et au transfert des crédits d'impôt pour les campagnes à la direction d'un parti, pour les campagnes de mise en candidature ou pour les partis au niveau provincial ou municipal.»

On peut voir que nous avons une politique relativement détaillée. Elle résulte de la façon dont nous avons construit notre parti.

J'ai entendu le député du Bloc parler de la difficulté de constituer un nouveau parti. Nous avons dû construire le nôtre à partir de rien, nous n'avions pas un sou noir pour commencer. Je suis membre pratiquement depuis le tout début, depuis la fin de 1987. En fait, une des personnes qui fait maintenant partie du comité exécutif de mon association de circonscription était l'un des signataires originaux de la Charte du Parti réformiste.

Nous avons dû lever des fonds en faisant des ventes de gâteaux, des ventes de garage, en allant de porte en porte demander 10 $ ici ou 1 $ là. Mais cela en valait la peine. Il est vraiment satisfaisant d'être capable de construire un parti de cette façon. Si on ne juge pas utile de travailler pour une chose, c'est qu'elle n'en vaut pas la peine.

À cet égard, je ne suis pas d'accord avec la position du député qui dit que l'État devrait financer les partis, car sinon c'est injuste à l'égard de ceux qui ne peuvent pas payer. Si ça ne vaut pas la peine que l'on travaille pour le bâtir, ça ne vaut pas la peine de l'avoir.

Même si le Parti réformiste, et le Bloc, ont commencé très loin derrière, avec des désavantages énormes, il est vraiment satisfaisant d'avoir été capable de construire un parti à partir de rien.

Le député disait que le système actuel est injuste à l'égard de ceux qui ne peuvent pas contribuer. Non, ce n'est pas vrai. Ceux qui ne peuvent pas se permettre de contribuer financièrement peuvent travailler comme bénévoles et peuvent aider. Ils peuvent même participer aux levées de fonds. Je ne pense pas que le système actuel soit injuste du tout.

Bien que le député de Gatineau ait une formule qui, à ce qu'il prétend, serait démocratique et juste, j'y vois un élément qui accorderait un montant égal à chaque parti, mais il y a un élément qui


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accorderait de l'argent en fonction de la proportion des votes remportés lors des élections précédentes. De toute évidence, il s'agit là d'un avantage injuste pour le parti au pouvoir. Cela ne reflète pas d'une façon démocratique le soutien dont jouissent les partis au moment des élections suivantes. C'est un défaut important dans la démarche qu'a proposée le député de Gatineau. Elle ne fait qu'accorder un avantage au parti au pouvoir, pour qu'il puisse faire sa propagande et cacher son manque d'intérêt pour la volonté politique de la population entre les élections.

(1755)

Le gouvernement montre très clairement qu'il ne s'intéresse pas aux opinions de la population entre les élections. Je ne crois pas qu'il prendra la motion de ce député au sérieux, car la participation de la population ne l'intéresse tout simplement pas.

Lorsque les députés d'en face ont refusé que cette motion fasse l'objet d'un vote, il était évident que la démocratie ne les intéressait aucunement. Dans le cas contraire, ils prendraient note de l'opinion de la population au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils n'ont rien fait pour la rendre plus efficace.

Si on demande aux gens de partout dans le pays si les rues de leurs localités sont plus sûres qu'elles ne l'étaient il y a deux ans, lorsque le gouvernement a été élu, ils disent que non. Selon tous les sondages, les gens ont le sentiment que les dangers sont beaucoup plus présents qu'ils ne l'étaient à ce moment-là.

En ce qui concerne les revendications territoriales des Indiens, le gouvernement se fiche des propos des députés de la Colombie-Britannique au sujet de ce qui se passe dans cette province. Il ne se soucie aucunement de ce que pensent les gens de la Colombie-Britannique. Nous pourrions également parler du projet de loi sur l'équité en matière d'emploi et de la façon précipitée dont il a été adopté à la Chambre, ainsi que du manque de démocratie dans le fonctionnement de l'État.

Franchement, je dis souvent à mes électeurs que, si les députés ne venaient à la Chambre qu'une fois par année pendant 15 minutes, qu'ils déposaient tous les projets de loi pour l'année et participaient à un seul vote, le résultat serait exactement le même. Les députés du Parti réformiste estiment que les partis politiques devraient collecter leurs fonds auprès des gens qu'ils prétendent représenter, et que ces derniers ne devraient pas pouvoir déduire cet argent de leur revenu imposable. Il devrait vraiment s'agir d'argent donné pour appuyer le parti de leur choix. C'est un endroit où les partis, plutôt que. . .

La présidente suppléante (Mme Maheu) :Le député pourrait-il m'expliquer quel est le lien entre ses observations et la motion d'initiative parlementaire dont nous sommes saisis?

M. White (North Vancouver) :Madame la Présidente, c'est que mon vis-à-vis propose d'établir un mécanisme de financement démocratique aux partis. Or, les ministériels ne s'intéressent pas du tout à la démocratie. Ils rejetteront la motion. Ils ne voudront pas qu'elle donne lieu à un vote, parce que la démocratie ne les intéresse pas. La seule chose qu'ils veulent, c'est appliquer leur programme politique.

Si madame la Présidente demande que je m'en tienne de plus près à la motion, je suis certes disposé à le faire.

Je suis favorable à l'idée voulant que le gouvernement revoie et réforme le financement des partis politiques, mais il devrait le faire dans le sens que propose le député. Personnellement, je crois que la Chambre devrait plutôt se pencher sur la proposition du Parti réformiste, selon laquelle les partis politiques devraient dépendre des fonds qu'ils peuvent lever auprès de ceux qu'ils veulent représenter.

Après tout, les partis politiques ne sont rien de plus que des groupes d'intérêts spéciaux. Pour l'instant, les partis politiques sont des groupes d'intérêts spéciaux qui présentent un avantage particulier parce que les dons qu'ils reçoivent sont déductibles. Au niveau des impôts, ces dons sont encore plus avantageux que les dons effectués à des organismes de charité ou à d'autres groupes d'intérêts spéciaux.

Dans le passé, les politiciens ont décidé de se doter d'un avantage sur tous ceux qui lèvent des fonds auprès de la population.

Je le répète, s'il ne vaut pas la peine de travailler pour une chose, il ne vaut pas la peine de l'avoir. Il vaut certainement la peine de travailler pour bâtir un parti politique.

Le Parti réformiste n'est pas d'accord non plus avec l'idée qu'on rembourse les dépenses électorales des candidats et des partis. Cela ne fait qu'obliger encore et toujours les contribuables à payer pour des groupes d'intérêt qu'ils n'ont absolument aucun intérêt à soutenir. C'est clairement anti-démocratique et non démocratique, comme le député voudrait nous le faire croire.

En résumé, je tiens à répéter une fois de plus la position du Parti réformiste sur ce genre de motion. Je vais la lire de nouveau.

Le Parti réformiste s'oppose à toute contribution publique aux partis politiques et aux lobbys politiques, y compris au remboursement des dépenses des candidats ou des partis, à la publicité pendant les périodes électorales, à l'embauche de personnel parlementaire contre remboursement, aux crédits d'impôt pour les contributions aux partis politiques fédéraux et au transfert des crédits d'impôt pour les campagnes à la direction d'un parti, pour les campagnes de mise en candidature ou pour les partis au niveau provincial ou municipal.

(1800)

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député de Gatineau-La Lièvre qui propose cette motion à la Chambre. Je suis heureux que nous ayons l'occasion d'aborder cette question intéressante.

Toutefois, les paroles prononcées par le député de North Vancouver figurent parmi les déclarations les plus extraordinaires que j'ai entendues depuis longtemps. Il nous a exposé la politique du Parti réformiste qui nous dit encore une fois, comme il le fait souvent à la Chambre: «Faites ce que je dis et non ce que je fais».


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Nous savons tous que, pendant les dernières élections, les députés du Parti réformiste ont puisé dans les fonds publics. Bien qu'ils aient en horreur le concept du financement public des élections, ils ont quand même réclamé au gouvernement fédéral la remise à laquelle ils avaient droit. Ensuite, leur parti a réclamé au Trésor fédéral le remboursement de 22,5 p. 100 auquel il avait droit. Autant que je m'en souvienne, les députés réformistes n'ont pas hésité à réclamer cet argent.

Aujourd'hui, ils affirment qu'ils ont comme politique de ne pas toucher à cet argent. Pourtant, selon les rumeurs qui circulent, les réformistes organisent des activités de financement de temps à autre. Ils remettent des reçus aux donateurs, comme le font les autres partis, même s'ils prétendent que cela est contraire à leur politique.

Ils nous disent une chose, mais font tout le contraire. Ils emploient les mêmes tactiques que les autres partis pour tirer profit des lois canadiennes qui accordent certains avantages aux partis politiques. Franchement, ils sont en droit de le faire, mais pas s'ils soutiennent que leur politique est différente de celle des autres partis. C'est ce que j'appelle de l'hypocrisie, mais je crois qu'il serait antiparlementaire de dire qu'un député est hypocrite. Je ne le ferai pas. J'affirme cependant que la politique du Parti réformiste en cette matière est, quant à elle, très hypocrite.

Les députés réformistes utilisent cet argent à des fins peu orthodoxes, notamment pour verser une indemnité vestimentaire de 30 000 $ par année à leur chef afin qu'il soit bien habillé, même s'il refuse d'utiliser la voiture mise à sa disposition par l'État.

M. White (North Vancouver): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais savoir en quoi cela est lié à la motion dont nous sommes saisis.

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne doute pas que le secrétaire parlementaire en viendra bientôt au fait. Nous n'aurons pas à attendre bien longtemps.

M. Milliken: Monsieur le Président, en effet, cela ne sera pas long parce que je parle de financement électoral, ce sur quoi porte la motion. Le député est peut-être passé à côté de la question parce qu'il a parlé des jeunes contrevenants, notamment. J'essaie de m'en tenir au sujet de la motion qui est, après tout, le financement électoral, mais cela lui a peut-être échappé. Ses observations ont semblé porter sur une foule de choses.

L'autre chose que le député devrait savoir, c'est que son collègue et notre bon ami, le député d'Edmonton Sud-Ouest, a présenté un projet de loi sur le financement électoral, qui fait maintenant l'objet d'une étude par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, dont j'ai l'honneur d'être le président. Je sais que le projet de loi figurera à l'ordre du jour mardi prochain. Il est inscrit à l'ordre du jour pour l'étude en comité.

Ce projet de loi abolit-il le financement public des partis? Non. Il supprime le financement des partis ayant obtenu moins qu'un certain pourcentage des votes, mais il le maintient pour tous les autres. Je crois savoir qu'une entente a été conclue entre le député et des députés des autres partis dans le but d'améliorer quelque peu la situation. Cependant, je ne sais pas quel est le résultat final et je ne me risquerai pas à parler des derniers détails du projet de loi parce que je ne les connais pas.

Je pense que le député de North Vancouver devrait être conscient que, dans le projet de loi que le député d'Edmonton-Sud-Ouest a présenté au Parlement et sur lequel il presse actuellement la Chambre de faire rapport pour que celle-ci puisse l'adopter, le député d'Edmonton-Sud-Ouest ne tient absolument aucun compte de la politique de son parti, politique que le député de North Vancouver a débitée avec une telle apparente sincérité.

J'espère que le député de North Vancouver sera présent à la Chambre pour pouvoir appuyer le projet de loi de son collègue quand il sera mis aux voix. Il s'agit d'une mesure pouvant faire l'objet d'un vote, et il aura ce privilège. Je suis impatient de voir ce qu'il dira, car, d'un côté, il lit la politique, et de l'autre, il aura la chance d'appuyer celle-ci en votant contre le projet de loi de son collègue. Nous verrons ce qui se produira alors.

Les libéraux qui font partie du comité que je préside appuient le projet de loi, tout comme les députés du Bloc québécois. Ils agissent de manière sensée. Le député de North Vancouver aurait intérêt à se renseigner auprès de son collègue, le député d'Edmonton-Sud-Ouest, et à laisser tomber la politique ridicule que, dit-il, les membres de son parti ont adoptée. Je trouve cela tout à fait aberrant. Permettez-moi de revenir à la motion dont la Chambre est saisie.

(1805)

La Loi électorale du Canada prévoit le remboursement d'une partie des dépenses électorales engagées par les partis politiques enregistrés. Ainsi, un parti enregistré peut se faire rembourser22,5 p. 100 des dépenses qu'il a déclarées dans son rapport, à condition qu'il ait dépensé au moins 10 p. 100 de la limite prévue pour l'élection.

Certains d'entre nous ont dénoncé cela, car nous estimons que cela encourage les partis à dépenser pour pouvoir obtenir un remboursement. S'ils ne dépensent pas jusqu'à 10 p. 100 de la limite de dépenses prévue, ils n'obtiennent pas de remboursement. Ils doivent donc engager des dépenses folles pour y avoir droit. La limite peut être assez élevée, comme les députés le savent. Lorsqu'ils atteignent cette limite, ils se font rembourser 22,5 p. 100 de leurs dépenses, de sorte que, pour chaque dollar de dépense, ils n'ont déboursé qu'environ 75c.

Il n'y a pas de limite aux contributions politiques qui peuvent être versées à un parti politique enregistré, mais il y en a une au montant qui peut être dépensé.

La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis politiques a recommandé que les partis enregistrés soient tenus de recueillir au moins 1 p. 100 des suffrages exprimés lors d'une élection avant de pouvoir avoir droit à un remboursement et qu'ils reçoivent ensuite un remboursement de 60c. par vote obtenu, jusqu'à un maximum de 50 p. 100 de leurs dépenses électorales. Ils ne pourraient ainsi se faire rembourser plus de50 p. 100 de leurs dépenses en vertu de ce système.


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Au cours de la dernière législature, nous avions un comité spécial sur la réforme électorale qui a examiné la question, mais qui n'a pas appuyé la recommandation Lortie. J'étais membre de ce comité. Je crois que je suis le seul qui reste à la Chambre. Les autres sont passés à autre chose.

Nous avons examiné le rapport et recommandé que le minimum de 10 p. 100 s'applique aux dépenses électorales directes d'un parti et que le taux de remboursement soit augmenté à 25 p. 100 des dépenses directes, un changement modeste par rapport à la loi actuelle.

Je n'hésite pas à dire que, si nous n'avons pu nous entendre sur rien d'autre, c'est à cause de la majorité conservatrice, qui voyait s'envoler ses chances électorales. Ces députés se sont rendu compte que, si nous adoptions la règle des 60c. par vote, comme le recommandait la commission Lortie, ils auraient très peu d'argent s'ils perdaient beaucoup de votes, comme les sondages indiquaient que ce serait le cas à ce moment-là. Et c'est exactement ce qui s'est passé. Si cette règle avait été en place, le Parti conservateur aurait été plus qu'en faillite. Il est en difficulté dans le moment, mais cela aurait été encore pire; la règle en vigueur actuellement l'a beaucoup aidé aux dernières élections.

Le député d'Edmonton-Sud-Ouest a proposé un projet de loi qui éliminerait le remboursement pour les partis qui obtiennent moins de 2 p. 100 des suffrages à l'échelle nationale. Il a obtenu le consentement des autres partis pour apporter des changements à cet égard. Comme je ne sais quels sont ces changements, je ne m'attarderai pas plus longtemps à parler de son projet de loi.

Nous avons maintenant une proposition du député de Gatineau-La Lièvre. Je suis certain que le député d'Edmonton-Sud-Est, dans sa générosité, a examiné d'autres possibilités. Je sais qu'il l'a fait parce qu'il a reçu des suggestions d'autres députés durant les délibérations du comité. Il a dit que tout cela été sensé et que nous devions faire d'autres changements. Il est en train de faire d'autres changements, et je l'en félicite. Je suis impatient de voir le projet de loi sous sa forme définitive lorsque le comité en fera rapport la semaine prochaine peut-être. Si cela se concrétise, nous pourrons tous profiter de ces changements, et peut-être que la motion du député de Gatineau-La Lièvre n'aura plus sa raison d'être.

Cependant, nous étudions sa motion aujourd'hui. En dépit des efforts déployés par le député de North Vancouver, ce n'est pas une motion qui fera l'objet d'un vote. Nous devrons la prendre comme elle est. Nous aurons un débat sur cette motion puis nous passerons à autre chose.

Même si le désir de réforme de nos vis-à-vis est sincère, ils ne s'entendent pas sur le moyen de procéder. Ils essaient de relever le niveau du débat en discutant de ces choses, et je l'accepte, surtout de la part du député d'Edmonton-Sud-Ouest. J'ai l'impression qu'il nous prépare un discours. Je l'attendrai avec impatience.

La question, c'est de trouver la solution au problème. Je ne connais pas la réponse, mais je crois que le rapport de la commission Lortie mérite un nouveau coup d'oeil. Le but était de faire en sorte que les partis politiques soient remboursés selon le nombre de votes obtenus. Une autre possibilité consiste, comme l'a suggéré le député de Gatineau-La Lièvre, à créer un fonds commun où l'argent vers correspond aux limites des dépenses électorales permises. Après les élections, l'argent serait divisé entre les partis qui ont pris part aux élections en proportion du nombre de votes obtenus par chacun.

Je crois que tout le monde s'entend à dire qu'aucun parti politique ne devrait se faire rembourser plus de 50 p. 100 de ses dépenses, pour ne pas qu'un parti qui a remporté plus de la moitié des voix obtienne plus de la moitié de l'argent disponible. Cela me semble raisonnable.

Cependant, je ne crois pas que c'est ce que l'on a proposé ce soir et je pense qu'il nous faut étudier ces propositions très en détail. Nous devons étudier la question à la lumière de la Charte des droits et libertés parce que, comme nous le savons, les limites des dépenses imposées, surtout aux tiers qui ne présentent pas de candidats, ont été contestées devant les tribunaux.

Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre se penchera sur toutes ces questions lorsqu'il étudiera la Loi électorale du Canada, ce qui ne tardera pas, je l'espère. Il ne fait aucun doute que, à ce moment-là, le comité étudiera la proposition très valable du député de Gatineau-La Lièvre.

(1810)

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, je voudrais, d'entrée de jeu, rendre hommage au député de Gatineau-La Lièvre pour avoir présenté cette motion. Quoique très timide, la motion, et pour un parti comme le Bloc québécois, elle est très timide, mais à l'intérieur du PLC, c'est une motion révolutionnaire.

Je pense que pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, je vais me permettre de relire la motion:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait envisager l'opportunité de revoir et réformer le financement des partis politiques.
C'est très peu. En fait, c'est presque un voeu pieux. Cependant, lorsque je regardais le Journal des débats du 6 mai 1994, j'y lisais, dans le cadre d'une discussion similaire, des propos étonnants pour un libéral fédéral. Je vais me permettre de citer quelques phrases de son discours.

Ici, il disait: «Je prétends, et je ne suis pas le seul, que la façon dont on finance les partis politiques laisse beaucoup à désirer.» Il y a un certain ex-premier ministre qui est sous enquête présentement, qui poursuit le gouvernement canadien, et si on avait une bonne politique de financement des partis politiques dans ce pays, je suis convaincu que des situations comme celle-là n'existeraient pas.


17305

Cela fait un peu plus de deux ans, monsieur le Président, que je siège en votre compagnie dans cette enceinte. Les gens de ma circonscription prétendent que j'ai un gros salaire, mais je peux vous dire que pour que je devienne millionnaire en politique, il faudrait que quelqu'un m'aide, en dehors de mon salaire mensuel.

Et pourtant, je connais des personnes qui n'ont fait que de la politique et qu'on dit millionnaires plusieurs dizaines de fois. Probablement qu'ils savent administrer leur paye mieux que moi.

Mais je voudrais citer au passage quelques extraits du discours de mon collègue de Gatineau-La Lièvre. Je vous rappelle qu'il a été à la bonne école, mon collègue de Gatineau-La Lièvre, puisqu'il a siégé à l'Assemblée nationale du Québec:

Pas de compagnies, de bureaux d'avocats, d'architectes, d'ingénieurs; on connaît la gamme de ceux qui contribuent aux caisses des partis politiques. Il n'est pas nécessaire de faire un dessin. Je ne crois pas que les grosses contributions soient faites par amour de la démocratie. Il faut faire face à cette question, qu'on le veuille ou non. C'est une opinion que j'exprime en cette Chambre comme député de Gatineau-La Lièvre.
Dans le Journal des débats de la Chambre des Communes, en date du 6 mai 1994, page 4019, on retrouve le texte que je viens de vous citer.

Évidemment, le député de Gatineau-La Lièvre sait ce dont il parle, parce que je me suis permis de vérifier auprès du bureau du président des Élections la façon dont le député de Gatineau-La Lièvre a financé sa campagne électorale de 1993. Ces chiffres sont officiels et n'importe qui peut les vérifier à Élections Canada. Dans le cas de ce député, les contributions de particuliers ont totalisé 15 168 $, ce qui représente 55 p. 100 de son financement, et les contributions de compagnies, 12 311 $, soit 44 p. 100 de son financement.

(1815)

Je me suis permis de vérifier dans le comté de Saint-Maurice, le comté du premier ministre. Les contributions de particuliers n'y représentent que 25 p. 100 et celles des compagnies, 33 p. 100. Il y a un syndicat qui a versé 5 500 $ et il y a eu, évidemment, un transfert de son parti, étant donné qu'il était dans les bonnes grâces de son parti.

Évidemment, lorsqu'on sait qui finance le parti politique qui est au pouvoir, on peut penser aux intentions de ceux qui le financent. Le 3 octobre 1994, le journal Le Soleil de Québec titrait: Contributions aux partis politiques: le PC et le PLC peuvent dire merci aux grandes sociétés. Je vous donne quelques exemples. Écoutez-moi bien, monsieur le Président, je pense bien que ça en vaut le coup.

La plus importante contribution fut de 216 000 $ au Parti conservateur de la part d'une compagnie inscrite seulement au nom de T'ANG Management Limited. Donnez-moi une raison pour laquelle cette compagnie a versé au Parti conservateur, dirigé parMme Campbell, 216 000 $. Donnez-moi une seule raison. Le député de Gatineau-La Lièvre disait, en mai 1994: «Ce n'est sûrement pas pour l'amour de la démocratie.»

Si ce n'est pas pour l'amour de la démocratie, est-ce que c'est contre cette même démocratie? Dans le livre rouge, le parti qui est assis devant moi avait pris l'engagement de changer le financement des partis politiques, la même chose que Brian Mulroney avait décidé de faire une semaine avant les élections de 1988. Il n'a rien fait.

Au sein du Parti conservateur, il y avait un député aussi courageux que le député de Gatineau-La Lièvre, François Gérin, ex-député de Mégantic-Compton-Stanstead. Non seulement il prônait le financement des partis politiques uniquement par des électeurs et électrices, mais il l'appliquait dans son comté, en refusant toute contribution de bureaux d'avocats, d'ingénieurs, d'architectes ou de grosses ou petites compagnies ou de syndicats, ce que, malheureusement, le député de Gatineau-La Lièvre n'a pas fait en 1993, tout au moins, puisqu'il a accepté des sommes assez généreuses de compagnies dans sa circonscription ou ailleurs.

La Banque royale du Canada, ce matin, nous annonçait qu'elle avait réalisé 1,3 milliard de dollars en bénéfices nets. Pourquoi les banques font-elles tant d'argent? Elles sont connectées sur les gouvernements. En nourrissant les bleus et les rouges, elles ne prennent pas de chance pour être sûres d'être du bon bord et pour avoir des lois qui leur sont favorables. Regardez, en 1993, la Banque royale du Canada a donné 88 700 $ au Parti libéral et 85 300 $ aux conservateurs. Elles ne prennent pas de chance.

Pensez-vous que ce parti est sérieux lorsqu'il désire moderniser le financement des partis politiques? Qu'a fait ce même parti, il y a à peine six semaines, au Québec? Il a bafoué la démocratie québécoise en dépensant inconsidérablement, d'une façon inconsidérée, allais-je dire, trois jours avant le référendum, en organisant un gros party d'amour qui a coûté près de la totalité des montants permis pour le camp du non, qui ne sera malheureusement pas comptabilisé. L'amende n'est que de 10 000 $.

(1820)

On a même payé la journée de fonctionnaires, de professeurs. On a fermé des écoles, on a aussi fermé des bureaux pour permettre aux fonctionnaires de quitter Hull et Ottawa pour venir manifester leur amour qui a duré à peine une heure, une heure et demie. On n'a pas respecté la démocratie au Québec lors de cette journée. On a même commencé à installer de façon illégale des panneaux du camp du non.

Le Parti réformiste lui aussi n'est pas sans tache. Je rappellerai qu'en 1993, ils ont accepté 25 000 $ du Canadien Pacifique et 10 000 $ de John Labatt. Évidemment, c'était plus modeste, mais les grosses compagnies savaient que le Parti réformiste n'avait aucune chance d'accéder au pouvoir. Les libéraux s'en sont donné à coeur joie et ils ont accepté volontiers. Je souhaite que le premier ministre ne soit pas poursuivi à son tour ou être sous enquête à son


17306

tour dans 4, 5, 6 ou 10 ans. Pour la démocratie, si on y croit, il faut payer quelques efforts.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, par respect pour la tradition à la Chambre, j'interviendrai très brièvement pour permettre au député de résumer sa position si la Chambre y consent.

Je tiens à dire quelques mots à propos de la motion à l'étude. Comme la Chambre le sait et comme le député de Kingston et les Îles l'a fait très clairement remarquer, un des comités est saisi d'un projet de loi que j'ai proposé au sujet du financement des campagnes électorales. Je félicite d'ailleurs mon collègue d'en face d'avoir proposé cette motion à la Chambre.

Je n'appuis pas la motion, car elle ne porte pas aux nouveaux partis le respect qu'elle devrait. D'autres députés ont déjà abordé cet aspect. Elle n'a pas de respect pour les nouvelles idées et les nouveaux partis qui ne réussiront peut-être jamais à faire élire personne, mais qui apportent des idées neuves et fraîches dans la vie politique canadienne. C'est extrêmement important pour notre discours politique en tant que pays. La motion ne respecte pas non plus les résultats. Il me paraît absolument essentiel de respecter et de récompenser les résultats. Quelle que soit leur importance historique, les partis qui ne suscitent pas d'écho dans le public ne devraient pas être récompensés.

Le député de Kingston et les Îles s'est donné beaucoup de mal pour faire ressortir une contradiction dans le fait que je proposais à la Chambre un projet de loi qui aurait une incidence sur le financement des campagnes électorales, mais qui ne reflète pas directement la politique du parti. Je tiens à dire bien clairement, pour que tout le monde comprenne, que mon projet de loi a un caractère progressif. L'idée dont il s'inspire, c'est qu'il permettra aux contribuables canadiens d'économiser environ un million de dollars, ce qui constitue à mon avis un montant très appréciable. Les mesures prévues dans ce projet de loi assureraient en particulier que les partis politiques aient de l'argent seulement s'ils ont une certaine popularité auprès des électeurs du Canada, qu'ils n'en obtiennent pas simplement parce qu'ils ne peuvent pas en avoir d'autres sources.

J'ai suivi le débat, cet après-midi. Je trouve qu'il est particulièrement important. Quand j'ai commencé à faire enquête sur le financement électoral, j'ai remarqué que tous les livres que je consultais avaient huit ou neuf pouces de hauteur. Je parle des livres sur le financement électoral du Canada.

Le député du Bloc a souligné la nécessité de s'assurer que, au Canada, le processus politique reste aussi libre que possible de toute apparence de scandale ou de trafic d'influence. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'en suis arrivé à la conclusion que nous pouvons apprendre beaucoup de la province de Québec, pour la façon dont elle traite les contributions financières à des partis politiques.

Je remercie la Chambre de m'avoir donné une chance de m'exprimer. Je félicite encore une fois mon collègue d'en face pour avoir suscité ce très important débat à la Chambre.

(1825)

Je suis d'accord avec mon collègue de North Vancouver pour déplorer le fait que cette proposition ne fasse pas l'objet d'un vote, afin qu'on puisse savoir ce qu'en pensent vraiment les députés.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Si je comprends bien, l'honorable député de Gatineau-La Lièvre est déjà intervenu sur cette motion.

M. Assad: Combien de temps reste-t-il, monsieur le Président?

Le président suppléant (M. Kilger): Il reste encore quelques minutes. Alors, en vertu du droit de réplique, je suis prêt à reconnaître l'honorable député, mais je voudrais avertir la Chambre qu'une fois que le député de Gatineau-La Lièvre aura pris la parole, il sera le dernier à intervenir sur cette motion.

La Chambre y consent-elle?

Des voix: D'accord.

M. Assad: De combien de temps est-ce que je dispose, monsieur le Président?

Le président suppléant (M. Kilger): Habituellement, dans de telles circonstances, la Chambre accepte d'accorder une période d'environ deux minutes pour que le député puisse clôturer le débat.

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, évidemment, il ne me reste pas de temps pour réfuter plusieurs des objections que nous avons entendues au cours du débat sur cette motion.

D'après la recherche que j'ai effectuée, je pourrais démontrer qu'il y a beaucoup moins de lacunes dans cette proposition que dans le système actuel. Mais cela pourrait faire l'objet d'un débat un autre jour, je l'espère.

J'aurais voulu que mes collègues dans cette Chambre réalisent qu'il ne s'agit pas d'une idée «révolutionnaire», tel que je l'ai entendu d'un de mes collègues du Bloc québécois. Je considère qu'il ne s'agit que du gros bon sens.

Évidemment, il s'agit d'un sujet que je véhicule depuis plusieurs années, même à l'Assemblée nationale, quand j'ai eu l'honneur de servir mes concitoyens au palier provincial. J'ai soulevé cette question du financement des partis politiques en 1974. Donc, il ne s'agit pas d'un sujet que j'ai abordé il y a quelques semaines.

J'ai vu l'évolution et la multitude de scandales qui ont entouré le financement des partis politiques.

L'idée que je voulais lancer aujourd'hui est très simple. Je demande un débat où, en plus d'entendre les députés dans cette Chambre qui peuvent régler cette question, la population aurait un mot à dire.

Vous le savez, j'ai fait l'exercice. J'ai demandé à plusieurs personnes: «Croyez-vous que la façon actuelle de financer les partis politiques est démocratique et juste ou pensez-vous qu'il y a des passe-droits, du favoritisme ou des caisses occultes?» La plupart des gens me répondent: «Me prenez-vous pour un maillet? On ne croit pas que le système est juste et équitable. Loin de là.»

17307

Je vous dirais que si vous consultez dix personnes, il y en a au moins neuf qui vont vous dire que le système est littéralement pourri. Donc, le temps est arrivé d'étudier la façon dont on finance les partis politiques. Il n'est pas nécessaire d'adopter le système que je propose mot pour mot. Des études faites antérieurement par un professeur de l'université du Nouveau-Brunswick qui a fait son doctorat dans le domaine, que j'ai consulté et avec qui j'ai échangé de l'information, ont démontré que la façon la plus démocratique, c'est de laisser l'ensemble du peuple financer les partis politiques.

Ce n'est pas compliqué; c'est peut-être même trop simple. C'est ce qui arrive trop souvent quand une chose est trop simple, on a de la difficulté à faire passer l'idée.

En conclusion, c'est un début. Il faut espérer que d'autres groupes intéressés à notre société réaliseront que le financement des partis politiques est fondamental dans une démocratie, et on ne peut pas laisser des grosses multinationales ou des personnes qui ont beaucoup d'argent être les plus importants fournisseurs de fonds à des partis politiques. C'est fondamentalement important dans notre démocratie.

(1830)

Espérons donc que c'est le début, parce que les données que j'ai peuvent démontrer facilement que ce serait le système et le régime le plus équitable, qui ne coûterait pas plus cher à l'État, pas un sou de plus qu'il ne lui en coûte actuellement.

Le président suppléant (M. Kilger): La période prévue pour l'étude des Affaires émanant des députés est maintenant expirée. Conformément à l'article 96 du Règlement, l'ordre est rayé du Feuilleton.

______________________________________________


17307

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA RECONNAISSANCE DU QUÉBEC COMME SOCIÉTÉ DISTINCTE

La Chambre reprend l'étude de la motion et de l'amendement.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole pour appuyer la motion au nom des habitants de Guelph-Wellington.

La vie du Canada a toujours était faite d'épreuves et de triomphes. Ce pays a été unifié par le chemin de fer alors que certains disaient que c'était une tâche insurmontable. Il a répondu à l'appel en faveur de la paix et de la liberté pendant les deux guerres mondiales alors que certains disaient que notre pays était trop petit pour faire une différence.

Nous avons toujours réussi à maintenir l'unité de ce pays incroyablement vaste, magnifique à l'extrême, et au climat rigoureux. Je suis certaine que nous pourrons transformer l'épreuve du référendum de 1995 en un triomphe de plus pour notre pays.

Cette motion nous rappelle que les personnes qui ont été élues à cette assemblée nationale ont la responsabilité de faire ce qui est bon pour le Canada. Les habitants de Guelph-Wellington savent que parfois cela veut dire reconnaître l'évidence.

Le 27 octobre 1995, des habitants de Guelph-Wellington ont pris part, à Montréal, avec d'autres membres de la grande famille canadienne, à la croisade en faveur du Canada. Cette croisade n'a pas pris fin quand les autocars sont revenus. Elle n'a pas pris fin le jour du référendum avec les prières de mes électeurs à l'église unie de la rue Dublin, à Guelph. Elle n'a pas pris fin quand l'encre des signatures a séché sur les pétitions exprimant l'amour et l'affection des étudiants du conseil scolaire séparé du comté de Wellington. Cette croisade n'a pas pris fin dans le coeur des habitants de Guelph-Wellington et des Canadiens d'un bout à l'autre du pays.

Leur croisade, c'est des promesses à tenir, des liens à resserrer et une nation à continuer à édifier. Nous le devons aux gens qui ont pris l'autobus à 3 heures du matin, le 27 octobre. Nous le devons aux gens qui ont voté non le 30 octobre et nous le devons à tous les Canadiens qui aiment ce pays et qui y sont suffisamment attachés pour le défendre et pour appuyer cette motion.

La population de Guelph-Wellington est découragée par les membres des partis politiques qui pensent qu'ils ont été élus pour célébrer la division et accueillir tout ce qui est négatif. Ils savent que le Bloc québécois et le Parti réformiste n'étaient pas à la manifestation du 27 octobre. Ils sont conscients que si un parti travaille pour la séparation, l'autre est anxieux d'exiger que les termes de la séparation soient précisés, ils sont un peu comme des vautours.

Jamais auparavant la différence entre le parti au pouvoir et les partis d'opposition n'a été plus claire. Le gouvernement libéral rappelle aux Canadiens tout ce qu'ils ont. Le Bloc et le Parti réformiste se plaignent de tout, chaque jour. Nous sommes les croisés, ils sont les pillards.

Nous cherchons l'unité, ils cherchent la division. Le premier ministre disait à la Chambre, le 29 novembre, que «l'esprit de coopération et de partenariat dont nous nous inspirons devrait nous motiver à continuer à bâtir ce pays dans une atmosphère de générosité et de respect.» Ce que le premier ministre propose est à la fois raisonnable et prudent. En votant en faveur de cette motion, nous représentons les intérêts de tous les Canadiens dans le contexte de tout ce qui est bon pour le Canada.

La population de Guelph-Wellington est fière de son passé et est prête à reconnaître le caractère distinct du Québec, car elle a confiance dans son avenir. Elle espère que les députés sauront construire des ponts au lieu de creuser des fossés.

Nous pouvons accorder des vetos régionaux sans détruire le tissu de cette nation. Nous n'avons rien à craindre. L'histoire de la collectivité que je représente est riche, parce que nous avons connu le succès en travaillant ensemble. Il ne fait aucun doute que le référendum fut une expérience difficile pour les gens de Guelph--


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Wellington et pour tous les Canadiens. Il a mis notre patience à rude épreuve, mais n'a pas atténué notre détermination à sauvegarder le pays.

(1835)

Mes électeurs me disent que je dois m'élever au-dessus des chefs de la division et parler directement aux gens du Canada, aux familles canadiennes qui vivent au Québec, en Colombie-Britannique et dans chaque collectivité du pays. Ils croient que les options du premier ministre valent mieux que celles du Bloc et du Parti réformiste. Nous avons une vision de l'unité et de la paix.

Nous voulons que le gouvernement poursuive la mise en oeuvre de son programme de création d'emplois et de croissance. Ils savent qu'un Canada uni signifie plus d'emplois, une plus grande stabilité économique et un pays plus fort pour leurs enfants et leurs petits-enfants. Ils me disent que nous devons poursuivre ce que nous avons entrepris, tenir les promesses faites aux Québécois avant le référendum et oublier ceux qui veulent détruire le Canada. Ils désirent faire état de leur grande affection pour le Québec et dire aux Québécois que nous avons tous, chacun d'entre nous, réussi dans le cadre de la Confédération.

La question fondamentale est donc la suivante: Comment transformer l'épreuve du 30 octobre en un triomphe pour tous les Canadiens? Je ne crois pas qu'on y parvienne en étant fermés, intolérants et étroits d'esprit. Nous ne devons pas oublier ceux qui ont prié, écrit, téléphoné, marché et manifesté en faveur de notre pays durant les jours précédant le référendum. Le triomphe demande une certaine force intérieure. Il exige que nous oubliions nos différences. Il se situe bien au-dessus des peurs et des frustrations.

Nous formons la seule assemblée élue qui puisse parler au nom de tous les Canadiens. si ce pays est ce qu'il est, ce n'est pas parce que nos dirigeants ont passé leur temps à en dire du mal. Le Canada est le meilleur pays au monde. Notre premier ministre peut à juste titre s'enorgueillir d'être à la fois un bon Canadien et un bon Québécois.

Je suis fière de la communauté de Guelph-Wellington que je représente. J'ai déjà dit ici même que c'était à mes yeux la meilleure communauté au Canada. Dans Guelph-Wellington, nous sommes des champions de la cause canadienne. Pour nous, le rallye de Montréal c'est un commencement et non pas une fin. Pour nous, cette motion constitue un autre pas vers l'édification du pays. Certes, nous sommes fiers de notre communauté et fiers de notre province, mais nous sommes d'abord et avant des Canadiens.

C'est un Québécois, sir Wilfrid Laurier, qui a dit que le XXe appartient au Canada. C'est un autre Québécois, notre premier ministre, qui a dit le 27 octobre que, grâce à cette motion et à d'autres mesures prises par le gouvernement, ce pays entrera dans le XXIe siècle, fort et uni.

Les citoyens de Guelph-Wellington ne souhaitent rien de plus qu'un Canada fort et uni. Ils ont contribué à bâtir notre pays. La famille et la communauté sont des valeurs qui leur sont chères. Ils ont travaillé d'arrache-pied et ils veulent ce qui est bon pour le Canada. Ils sont d'abord des Canadiens.

Cette motion concerne le changement, non pas le changement pour le changement, mais le changement pour le mieux-être du Canada. Les gens de Guelph-Wellington sont des Canadiens convaincus. Ils savent qu'on peut reconnaître ce qui saute aux yeux, qu'on peut accorder des vetos aux régions et qu'on peut former un gouvernement centralisé, sans pour cela détruire notre pays. Ils savent que les partis politiques aux idées négatives vont voter contre cette motion, mais ils sont néanmoins persuadés que le Canada ne sera pas vaincu. Le Canada a eu sa part d'épreuves, mais nous avons toujours fini par les surmonter.

En quittant leur autocar à Montréal le 27 octobre, les gens de ma circonscription se sont vu remettre un message de la part de Québécois. J'espère que les députés du Bloc écoutent ceci. Voici le message que des Québécois ont remis à mes électeurs le 27 octobre: «Les Québécois aimeraient vous remercier pour votre appui, votre amour et votre enthousiasme. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accompli ce geste généreux et nous vous remercions du fond du coeur. Merci.»

Ce message, je l'ai lu et relu plusieurs fois. Cette motion est destinée à l'auteur de ce message et à tous ceux et toutes celles qui croient au Canada.

(1840)

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le privilège et l'honneur de parler, au nom des électeurs de Hamilton-Ouest, d'une motion extrêmement importante que le très honorable premier ministre a déposée.

Durant et après la campagne référendaire au Québec, le premier ministre nous a garanti qu'il saurait bien répondre à la demande très claire de changements véritables au sein de la fédération. Il tient la promesse qu'il a faite aux Canadiens.

À l'instar de beaucoup de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, je participe à ce débat dans l'esprit bien canadien de conciliation, de compromis et de bonne volonté. À une époque où divers groupes dans le monde entier s'entretuent, au nom du néonationalisme, c'est vraiment typiquement canadien que le gouvernement fédéral s'attaque aux démons du néonationalisme dans le cadre d'un débat parlementaire relativement calme et pondéré.

Il y a deux jours, dans le cadre du débat sur la motion no 27 du gouvernement, nous avons discuté du récent accord de paix de Dayton et de la nécessité pour le Canada de contribuer aux efforts constants de la communauté internationale pour instaurer une paix et une sécurité durables dans les Balkans, en participant à une force d'intervention militaire multinationale sous le commandement de l'OTAN.

Les députés ne devraient pas perdre de vue l'importance de ces deux motions. C'est vraiment typiquement canadien que nous atta-


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chions tellement d'importance au maintien de la paix et de la sécurité dans toutes les régions déchirées par la guerre et que nous souhaitions aider d'autres régions à parvenir à une paix durable entre elles. En ce qui concerne le débat actuel, il est typiquement canadien de notre part de donner un exemple au monde entier en choisissant la conciliation plutôt que la confrontation, la diplomatie au lieu de la rébellion, la paix et non la guerre.

À ma connaissance, il n'y a pas un autre pays au monde où on retrouve autant de différences culturelles, linguistiques, géographiques, économiques et politiques, susceptibles de conduire à des conflits, et où les citoyens, malgré leurs divergences, ne sont pas engagés dans une guerre civile sanglante et ne s'entretuent pas au nom de ces différences.

De par sa nature même, le Canada est un symbole d'espoir dans le monde où la notion de coexistence pacifique cède souvent le pas à des conflits en apparence irréconciliables entre diverses factions. Il est donc non seulement opportun, mais également tout à fait canadien de la part du premier ministre de se présenter aux Québécois un rameau d'olivier à la main, après le référendum du 30 octobre.

Les résultats de ce référendum nous rappellent qu'on ne peut pas tenir le Canada pour acquis, qu'il faut respecter la diversité. Ainsi, le gouvernement agit rapidement pour lancer un processus qui, selon le très honorable premier ministre, garantira l'unité et l'évolution du Canada pour répondre aux aspirations de tous les Canadiens.

Je pense que cela mérite d'être répété. Le gouvernement cherche à répondre aux aspirations de tous les Canadiens, de toutes les régions. Des députés moins diplomates que votre serviteur ont laissé entendre que les membres de l'opposition officielle, le prince noir du séparatisme, ont tellement soif de pouvoirs qu'ils perdent de vue leur principale responsabilité qui consiste à protéger la sécurité des Québécois sur les plans socio-économique et politique.

D'autres personnes plus cyniques que moi estiment que le désir du chef de l'opposition de scruter à la loupe les échecs constitutionnels de ses anciens camarades politiques témoigne de son refus de mettre de côté son ambition politique irrépressible et intéressée pour se concentrer sur l'avenir à long terme des Québécois. Pour ma part, j'ai l'impression que le discours marathon qu'a prononcé le chef de l'opposition a été quelque peu mal compris.

De toute évidence, nous pouvons tous comprendre comment on peut facilement devenir dérouté par le changement constant de programme politique de l'ancien fédéraliste du Parti conservateur qui est devenu séparatiste et qui prétend maintenant accéder au poste de premier ministre du Québec.

(1845)

Je voudrais écarter toute cette confusion pendant un instant et me concentrer sur la motion d'unité. Cette motion est une déclaration solennelle qui énonce la façon dont le gouvernement du Canada mènera ses affaires à l'endroit du Québec en particulier et du Canada en général. L'adoption de cette motion indiquera à tous les Canadiens et à toutes les autorités fédérales que la Chambre des communes veut reconnaître le caractère distinct de la société québécoise dans le cadre de la fédération canadienne.

Je sais ce que c'est que de faire partie de l'opposition. Malheureusement, des attaques exagérées et injustifiées contre des initiatives gouvernementales directes sont souvent l'apanage peu impressionnant de l'opposition. Si l'on s'élève au-dessus du badinage séparatiste des gens d'en face, on s'aperçoit qu'il y a un gouvernement, voire toute une nation de gens qui sont unis en raison de leur inquiétude à l'égard de l'avenir des Québécois au sein de la fédération. Les Canadiens veulent faire des efforts pour préserver l'unité de leur pays.

Il ne faut pas oublier les dizaines de milliers de lettres et d'appels téléphoniques ainsi que le rassemblement auquel ont participé des gens de Hamilton, Dundas, Ancaster, Flamboro, Burlington et de partout au Canada, afin de manifester chaleureusement aux Québécois leur appui et leur inquiétude avant, pendant et, plus important encore, après le référendum du 30 octobre. Rappelons-nous que l'évolution du fédéralisme a permis au Québec et aux autres provinces de bénéficier de pouvoirs plus grands et d'une décentralisation graduelle, compte tenu du caractère unique de chaque province au sein d'un régime fédéraliste solide et flexible.

Nous reconnaissons et respectons le caractère distinct du Québec, sa majorité de francophones, sa culture unique, son droit civil. Le Québec est différent, mais pas supérieur. Comme les Canadiens le veulent, le gouvernement fédéral continue de reconnaître et de respecter les droits et les préoccupations des groupes minoritaires, y compris ceux du Québec.

Au nom des électeurs d'Hamilton-Ouest, je tiens à dire que nous sommes fiers des efforts que déploie le premier ministre pour préserver notre fédération. Je suis fier parce que le gouvernement fédéral a décidé de s'occuper, avec diplomatie et dans un esprit de conciliation, des véritables préoccupations dont lui ont fait part les Québécois.

Si c'est ce qu'il faut pour que le Canada soit connu dans le monde comme fédération qui privilégie la paix et pour qu'il garde sa réputation de meilleur pays où vivre, alors, en appuyant cette motion, je suis fier d'être un Canadien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, c'est un moment important dans ma vie personnelle, en tant que nationaliste québécois, en tant que député du Bloc québécois dans cette 35e législature, d'intervenir sur cette motion présentée en Chambre sur la reconnaissance du peuple québécois comme société distincte, mais seulement comme simple motion.

Avant de commencer mon allocution, je trouve très tardif, en 1995, à l'aube de 1996, qu'on s'aperçoive que le Québec est quelque peu différent de l'Ontario, quelque peu différent de l'Ouest et quelque peu différent des Maritimes.


17310

(1850)

Je me rappelle, bien sûr, à trois jours du 30 octobre, la très grande déclaration d'amour que plusieurs dizaines de milliers de Canadiens de l'extérieur du Québec sont venus nous témoigner. Je me souviens très bien du premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, d'une main qui venait nous dire «je vous aime», et qui faisait le tour des industries limitrophes à sa province et disait alors «venez-vous en chez nous, je vous aime, amis québécois». Pourtant, il voulait voler nos industries. L'amour, en autant que cela paie! Depuis plusieurs siècles, la fédération canadienne est très payante notamment pour l'Ontario.

En soumettant ces propositions de changement, dont la reconnaissance de la société distincte pour le Québec, le premier ministre du Canada a tenu la promesse qu'il s'était faite à lui-même, celle de tenter de piéger le chef du Bloc québécois avant son départ. Et je cite ici le premier ministre: «Je rêve du jour où je me lèverai en cette Chambre afin de voter pour que le Québec soit reconnu comme société distincte, et je regarderai avec un sourire le chef de l'opposition voter contre.»

C'est le premier ministre, un député du Québec, le député de Saint-Maurice, qui ne vient malheureusement pas assez souvent au Québec et qui est littéralement déconnecté de l'opinion francophone québécoise. Il disait, à 20 jours du référendum, à qui voulait l'entendre: «Nous allons écraser, comme Claude Garcia, les Québécois et les Québécoises, nous allons gagner avec 65 p. 100.» Voyez-vous comme cet homme peut être déconnecté de sa province natale.

C'est mesquin ce qu'il disait, beaucoup trop mesquin comme stratégie, mais c'est à l'image du premier ministre et du député de Saint-Maurice.

La présentation de la motion reconnaissant la société distincte n'est pas le fruit d'une réflexion logique dans le sens du bien du pays, ni non plus dans le sens de l'amélioration de la société canadienne et québécoise, et encore moins dans le sens d'un changement majeur en vue de sauver le pays.

Non, ce ne sont pas ces nobles motifs qui ont inspiré la réflexion du premier ministre mais plutôt des motifs de vengeance et de discrédit envers le chef de l'opposition.

Vengeance et discrédit sont mauvais conseillers dans cette période où la survie de deux peuples est en jeu. Mais ni la population canadienne ni les Québécois et les Québécoises ne sont dupes du stratagème du premier ministre, pas plus d'ailleurs qu'ils ne sont dupes des larmes de crocodile de la vice-première ministre.

La population a compris que cette proposition de la société distincte présentée en catastrophe, il faut le dire, avant même les recommandations du comité, dont nous avons maintenant la preuve qu'il est bidon, que cette motion, dis-je, de la reconnaissance de la société distincte d'une façon si superficielle est dépassée et ne figure même plus dans les débats au Québec, ni chez les souverainistes, ni chez les fédéralistes qui veulent des changements sérieux.

C'est la preuve que le premier ministre du Canada est complètement déconnecté, je le répète, de la réalité québécoise, et son fanatisme l'empêche de comprendre le signal que lui a lancé la population du Québec, le 30 octobre dernier.

(1855)

À ce chapitre, même les journaux partisans fédéralistes accusent le premier ministre. À titre d'exemple, dans le journal La Presse du 29 novembre dernier, nous pouvons lire dans l'éditorial de M. Alain Dubuc, et je cite: «Le premier effort timide montre surtout que le gouvernement Chrétien a encore le plus grand mal à comprendre ce qui se passe à Québec et au Canada, et surtout à accepter des changements qui, pour nous tous, sont incontournables.»

Tous sont d'avis à admettre que la reconnaissance de la société distincte exprimée dans une simple déclaration à la Chambre des communes ne règle pas le problème de fond. Même le fait de l'inscrire plus tard dans la Constitution ne répond désormais plus aux aspirations des Québécois et des Québécoises.

Le gouvernement libéral a manqué son coup et ni le chef de l'opposition ni les députés du Bloc québécois ne seront embarrassés de voter non sur cette motion. Au contraire, puisque adopter cette motion signifie un recul majeur dans le cheminement du Québec vers la reconnaissance de son statut de peuple.

«La société distincte, disait Gérald Larose, achalez-nous plus avec ça.» Ce que l'on veut maintenant, c'est d'être un peuple, un peuple normal et un peuple tranquille.

Le Québec ne veut plus de ces slogans vides de sens, ne veut plus être une société laissée à l'arbitraire d'Ottawa et du Canada anglais, et ne veut plus rien entendre de ce que dit le premier ministre qui dit qu'il n'a jamais dit ce qu'il a dit, avant de le dire et après l'avoir dit.

Si l'opposition officielle acceptait cette motion, il en résulterait un affaiblissement important du Québec, étant donné, et c'est reconnu par tous, que ce concept de société distincte que propose Ottawa se situe en deçà de ce que l'on retrouvait dans l'Accord du lac Meech, en deçà de ce que Charlottetown nous offrait et ce que les Québécois ont rejeté et ce que le reste du Canada a également rejeté.

Donc, cette motion présentée par le premier ministre sur la reconnaissance du caractère distinct du Québec par la Chambre des communes ne peut d'aucune façon être perçue comme une réponse à la demande de changements exprimée par les Québécois lors du référendum du 30 octobre dernier. Il faut se rappeler qu'il y a un peu plus d'un mois, la moitié des Québécois ont voté en faveur de la souveraineté du Québec et qu'une moitié s'est prononcée pour un renouvellement en profondeur du fédéralisme canadien.

En terminant, la motion présentée est en dessous de toute aspiration de la part des Québécois. Elle est inacceptable, tant pour les souverainistes que pour les fédéralistes.

Le premier ministre du Canada a encore une fois pris la mauvaise décision et tous les Québécois et Québécoises, et tous les Canadiens et Canadiennes le savent. C'est pourquoi, le jour du vote, je pense que le premier ministre va sourire, comme il l'a dit, mais avec un sourire jaune.

En terminant, on peut rire d'un peuple un jour, mais on ne peut pas rire d'un peuple toujours.


17311

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, la motion présentée par le premier ministre sur la société distincte m'a ramené en 1992, au moment de l'entente de Charlottetown. C'est aussi à ce moment-là de ma vie que j'ai songé poursuivre ma carrière en défendant les intérêts du Québec directement à Ottawa, comme le faisaient déjà huit députés du Bloc québécois, assis dans le fond de la Chambre, à l'écart, mais avec une efficacité indéniable.

J'ai l'habitude de me pencher sur les offres qu'on me présente. Je ne rejette jamais rien du revers de la main sans y avoir réfléchi un tant soit peu.

(1900)

Les Québécois et Québécoises n'adoptent sûrement pas une autre attitude. C'est donc après avoir entendu et lu la motion du premier ministre que je me permets de déclarer que voilà le plus beau virage en rond qu'il m'a été donné de voir depuis que je m'intéresse à la politique. Le premier ministre a bâclé son travail. Le premier ministre a paniqué à la suite des résultats du référendum.

Dans la semaine précédant le scrutin, il s'est cru obligé de faire des promesses de changement et voilà ce que nous avons devant nous maintenant: une coquille vide, un trou noir, le néant. Allô, société distincte! Dans cette copie carbone des offres de Charlottetown, que le Québec et le Canada ont rejetées, est-il utile de le rappeler, on ne reconnaît aucunement le peuple québécois. Où diable vit le premier ministre pour croire que le Québec en est rendu à accepter moins que Meech 1 et 2, moins que Charlottetown, si c'est possible?

On nous dit là-dedans que nous parlons français au Québec et que nous avons une tradition de droit civil. La belle affaire. Il n'y a rien d'autre qu'un voeu pieux là-dedans. Le rapatriement de la Constitution de 1982 a nié l'existence même du peuple québécois. Il existe, depuis ce temps, une seule nation, la nation canadienne. Heureusement, aucun gouvernement du Québec, pas même les libéraux, n'a entériné cette rebuffade. Meech 1 était enchâssé dans la Constitution, il y avait des conséquences juridiques et politiques dans cet accord qui permettaient au Québec de relever la tête.

L'actuel premier ministre a réussi, avec ses alliés, à faire de cet accord une coquille vide. Tiens, on dirait une spécialité que le Québec a rejetée, tout comme le Canada anglais. Pas pour les mêmes raisons, bien sûr. Comment le chef du gouvernement ose-t-il revenir ainsi en arrière et penser sérieusement que la résolution répond aux aspirations historiques et légitimes du Québec?

Son allié dans le camp du non lors du dernier référendum, le chef de l'opposition du Québec, M. Daniel Johnson, a exigé que le caractère distinct soit enchâssé dans la Constitution. Le premier ministre sait pertinemment que sa résolution ne veut rien dire. Il la présente seulement pour pouvoir dire qu'il répond aux promesses de changements qu'il a faites à la dernière minute lorsque le oui résonnait à ses oreilles.

On l'a vu en 1992, lors du référendum sur les accords de Charlottetown, que de dire, d'affirmer, de souhaiter que le Québec soit reconnu comme société distincte n'était plus suffisant. À cette époque, la clause de société distincte n'avait qu'une portée symbolique, tellement que la plupart des analystes québécois francophones étaient persuadés que ce concept n'avait plus la portée qu'il avait dans l'Accord du lac Meech. C'était tellement dilué que même Clyde Wells considérait la clause comme étant sans danger qu'elle serve de tremplin à l'affirmation d'un statut particulier pour le Québec. Bien, voilà ce que le premier ministre nous présente.

En tant que représentant d'un comté du Québec, je ne peux souscrire à une proposition réductrice qui va bien en-deçà de toutes les revendications minimales que le Québec a exigées au fil des ans. Les députés québécois qui le feront démontreront que, pour eux, il n'existe pas de peuple au Québec. Il n'existe que des gens qui parlent français sur un territoire donné de leur pays, point à la ligne.

Nous savons tous que cette résolution n'est justement qu'une simple résolution. Avec tout le respect qu'on doit démontrer à cette Chambre, il faut avouer qu'il n'y a aucun effet juridique même si une majorité d'élus l'adoptent. En fait, il ne s'agit que d'une volonté exprimée par des parlementaires qui ne lieraient aucun tribunal de ce pays. C'est du vent.

Dans sa tentative de présenter des changements au peuple québécois, le premier ministre a aussi touché à la formation de la main-d'oeuvre et au droit de veto. Brièvement, je tiens à dire que, dans le dossier de la formation de la main-d'oeuvre, je cherche encore le changement annoncé. Ah! oui, il y en a un. On sait dorénavant que quand le premier ministre parle de décentralisation, cela veut dire que le fédéral conserve la mainmise sur la distribution des sommes d'argent.

En fait, le fédéral empêche le Québec de mettre de l'avant une véritable politique de formation de la main-d'oeuvre. Pourtant, au Québec, tout le monde s'entend pour réclamer tous les pouvoirs en cette matière.

(1905)

C'est rare que tout le monde s'entende sur une même chose, au Québec comme ailleurs. Quant au droit de veto, il ne faut pas se leurrer, ce qui est proposé, c'est la possibilité de tenir des référendums régionaux dont les modalités et les questions auront été élaborées à Ottawa, où le Québec est minoritaire, comme vous le savez. Le fédéralisme flexible, c'est donc Ottawa qui décide et les provinces qui disposent.

J'écoutais le premier ministre, il y a trois semaines, qui disait: «Écoutez, je suis premier ministre d'un comté du Québec, je suis francophone, je suis Québécois. Faites-nous confiance.»

Moi, j'étais prêt à lui faire un peu confiance. Je me disais: «Écoute, il y a eu des erreurs, il a commis des erreurs en 1982. Mais des fois, un gars qui fait une erreur, dans la vie, il peut se relever. Donc, je vais faire un bout de chemin et je vais lui faire confiance.»

Dans la motion qu'il a présentée, la motion no 26, je croyais y trouver la reconnaissance de la société distincte, mais qu'elle serait aussi enchâssée dans la Constitution. Ça n'a pas été le cas. Tout à l'heure, j'écoutais un député d'en face qui disait que nous voulions la séparation, nous voulions ci, nous voulions ça. Je vous dirais que mon père est un homme d'affaires bien connu au Québec et au Canada. Il a négocié dans les dix provinces du Canada. Quand mon père revenait de l'Ouest, la première question que je lui posais: «Papa, comment ça a négocié dans l'Ouest?» Il me disait: «Jean, ça


17312

a été très ardu, très difficile. J'ai un sentiment, j'ai un feeling que l'Ouest va se séparer avant le Québec.»

Si on regarde ici, en cette Chambre, où le Québec a dit non à cette proposition du premier ministre, M. Chrétien, qui est député de Saint-Maurice, et même les anglophones qui sont le troisième parti, le Parti réformiste, eux aussi ont dit non à cette proposition. Il y a sûrement un problème lorsque des francophones disent non et des anglophones aussi disent non.

À ce moment-là, il faut reconnaître vraiment ce que les Québécois exigent depuis 25 ans. Ce n'est pas la mer à boire que de dire qu'on veut être reconnu comme une société distincte. On l'a fait avec les Indiens, pourquoi on ne le ferait pas avec les Québécois? On leur a donné des territoires. On ne demande pas un territoire, on l'a déjà. On demande tout simplement d'être reconnus.

Je vous dis en toute honnêteté que les Québécois, les francophones du Québec, depuis 25 ans qu'ils se battent pour cela, auraient cru l'avoir cette fois-ci. Mais le premier ministre nous a dit: «Mes chers amis, attendez en 1997, attendez au mois d'avril 1997, on va ouvrir la Constitution.» Moi, je vous le dis en toute honnêteté, comme homme politique qui a décidé de venir à Ottawa parce que je me suis dit: «La seule façon de pouvoir gagner cette cause, ce sera d'être sur le champ, d'être à Ottawa, d'être avec nos amis qui sont anglophones.» Moi, les amis de l'Ouest, je le dis en toute honnêteté, ce sont mes amis.

Ce n'est pas parce que nous avons une façon de penser différente qu'on ne peut pas être amis avec ceux de l'Ouest ou ceux des Maritimes. Mais pas du tout. L'important, c'est d'arriver à être sur une même longueur d'onde et de faire adopter le principe d'une société, des gens, des hommes, des femmes, des Québécois et Québécoises qui, un jour, veulent être reconnus.

J'ai fait confiance au premier ministre. Je suis un peu déçu, parce que j'aurais aimé trouver dans sa résolution qu'on puisse dire que ce sera enchâssé dans la Constitution. Ce n'était pas la mer à boire, je le dis, mais ça n'a pas été fait.

Je vous dis que c'était sa dernière chance. Trois jours avant le référendum, et je tiens à le préciser, des milliers d'anglophones sont venus à Montréal. Je suis fier parce que ce sont des gens qui sont venus visiter notre région. Nous dire qu'on nous aime, c'est quelque chose, mais nous le prouver, c'est autre chose.

Donc, pour moi, j'aimerais que ce soit enchâssé dans la Constitution et je réfléchirai sur la décision.

[Traduction]

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre part à un débat qui n'est rien moins qu'historique.

(1910)

J'aimerais parler de deux ou trois choses qui sont importantes concernant l'unité nationale du pays. Il y a des choses que les députés d'en face ont peut-être oublié de mentionner quand ils ont parlé de ce qu'ils considéraient comme les torts ou les injustices dont leurs compatriotes ont souffert dans diverses parties du pays. Je parle des diverses régions du pays, car ce genre de plaintes ne viennent pas d'une province seulement. Nous les entendons de la part de plusieurs provinces. Nous l'entendons exprimer par les premiers ministres provinciaux quand ils se plaignent de certains des changements que le gouvernement propose d'apporter à la formule de modification. Je sais que la Chambre n'est pas saisie de cette mesure ce soir, mais elle fait partie de la série de réformes que le gouvernement a annoncées et dont j'ai le plaisir de pouvoir parler.

Les députés ne le mentionnent pas souvent, mais on devine toujours à l'arrière-plan de leurs interventions la fameuse bataille qui a eu lieu au Canada sur les Plaines d'Abraham. Je n'aborderai pas le sujet, mais il y a eu une autre bataille que je considère presque d'égale importance pour l'avenir du pays et qu'on ne mentionne jamais. Je tiens à rappeler cette histoire aux députés, car elle revêt une énorme importance pour le Canada.

Cette bataille s'est déroulée il y a 220 ans cette année. Une révolution avait commencé aux États-Unis. Le Congrès continental révolutionnaire américain décida d'envoyer une armée envahir le Canada et conquérir la colonie de Québec, qui faisait alors partie de l'Empire britannique, ayant été conquise 15 ans plus tôt lors de la fameuse bataille dont j'ai déjà parlé.

Les Américains envoyèrent le général Montgomery pour s'emparer de la province de Québec, ou de ce qui constituait alors la colonie de Québec. À partir de septembre, il remonta la rivière Richelieu et prit le fort Saint-Jean et le fort Chambly avant le 18 octobre 1775. Il attaqua ensuite Montréal, où le gouverneur britannique, sir Guy Carleton, était en poste.

Le gouverneur Carleton comprit que la défense de Montréal était sans espoir étant donné que ses forces étaient nettement insuffisantes face à l'armée américaine. Il avait seulement 800 soldats britanniques des forces régulières pour défendre toute la colonie. Il a quitté Montréal par bateau et s'est mis en route pour Québec le 11 novembre 1775, et il a immédiatement commencé à fortifier la ville.

Le général Montgomery s'est emparé de Montréal le 13 novembre, y a laissé 500 hommes en garnison et est parti pour Québec avec 300 autres. Il a pris avec lui des hommes dans les campagnes, des habitants pour l'aider dans son attaque sur la ville de Québec.


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On estime que, aux portes de Québec, il avait entre 1 600 et 1 800 hommes lorsqu'il a entrepris le siège de la ville, le 5 décembre 1775. Le gouverneur, sir Guy Carleton, était retranché derrière de puissantes fortifications, apparemment muni d'une quantité suffisante de vivres. Bien entendu, la ville de Québec a dû essuyer les bombardements des troupes de Montgomery.

Comme l'hiver s'installait, que le froid sévissait et que la situation devenait plus pénible pour les troupes de Montgomery, celui-ci s'est aperçu que, pour maintenir sa position, il devait s'emparer de la ville et en finir avec la bataille assez rapidement. Il a donc lancé une attaque contre Québec le 31 décembre 1775, aux petites heures du matin. Il faisait sombre. Il y a eu de nombreux échanges de coups de feu, et Montgomery a fini par être tué dans les rues de Québec. Les Américains avaient perdu la bataille. Le siège s'est poursuivi jusqu'au printemps, mais un navire britannique est alors arrivé et, le siège levé, les Américains ont dû battre en retraite.

La victoire a été arrachée grâce à l'aide que les habitants de la ville ont donnée au gouverneur britannique. Ils se sont rangés du côté du gouverneur britannique, du conquérant récent, afin de préserver ce qui leur semblait un meilleur mode de vie, sous la couronne britannique, dans une région de l'Amérique du Nord qui ne faisait pas partie des États-Unis. Lorsqu'ils ont pris cette décision très importantes, ces gens sont devenus, pour ainsi dire, les premiers loyalistes. S'ils avaient plutôt opté de se ranger du côté des Américains et de lutter contre les forces britanniques, ce qu'ils auraient très bien pu faire, il ne fait aucun doute que la ville de Québec serait tombée et que nous serions devenus américains à la suite de la guerre d'indépendance américaine.

(1915)

Les hommes et les femmes qui ont pris cette décision vivaient dans la ville de Québec et la région environnante. Ils furent, à mon avis, les premiers grands fondateurs du Canada. Jamais les députés du Bloc québécois et les séparatistes n'en font mention lorsqu'ils parlent de l'unité canadienne.

Cette bataille revêt une importance énorme. Lorsque j'ai visité la ville de Québec, j'ai vu la rue où Montgomery a été tué. Je crois même qu'une plaque marque l'endroit où il a trouvé la mort.

Certains des vieux immeubles de la ville de Québec ont pendant longtemps porté les marques du bombardement subi aux mains des Américains au cours d'une guerre qui a eu lieu il y a 220 ans. À la fin du mois, on célébrera d'ailleurs l'anniversaire de l'attaque qu'a menée Montgomery contre la ville de Québec.

Ce fut un événement très déterminant dans l'histoire du Canada, qui a sauvé la ville de Québec, essentiellement la seule région du Canada qui avait alors une quelconque importance, comme possession britannique, à l'intérieur d'un groupe de colonies qui ont commencé à croître et à prospérer, certaines plus rapidement que d'autres, mais qui ont toutes prospéré, qu'on songe à la Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au Québec et même, plus tard, au Haut-Canada, à l'Ontario.

Puis, il y a eu l'Acte d'union de 1840, qui plaçait les provinces du Haut-Canada et du Bas-Canada sous un seul régime, du moins du point de vue législatif.

S'en sont suivis les débats sur l'union des provinces canadiennes. Je veux parler de ces débats et citer les paroles de certains bâtisseurs de notre pays. C'est le rôle que nous essayons de jouer bien modestement, ici, aujourd'hui.

Il est important de rappeler ce qu'ont dit certaines de ces personnes. Je veux d'abord citer les propos de l'honorable sir John A. Macdonald. Il n'avait pas le titre de «sir» à l'époque. Il était alors le procureur général de la partie ouest de la province du Canada et le député de Kingston.

Il a été l'un des principaux Pères de la Confédération. Je vais citer ce qu'il a dit à l'époque, au sujet de la Confédération. Ce passage est tiré des débats sur la Confédération, en 1865, et il concerne l'union du Haut et du Bas-Canada.

L'on a senti que cette dissolution eût détruit le crédit que nous avons acquis par cette union de deux provinces faibles et insignifiantes, et qu'en y ayant recours, nous nous exposions à rabaisser notre niveau au lieu de nous élever au rang d'une nation puissante.
Ces paroles s'appliquent tout à fait à la situation que nous avons vécue au Canada, avant le référendum, il y a quelques semaines. Je pense qu'elles sont tout aussi importantes maintenant qu'elles l'étaient à l'époque. Il a ajouté ceci:

Les Bas-Canadiens, au lieu de concourir de bonne volonté à l'exercice de ce nouveau régime. . .
Il parlait d'un autre régime que celui mentionné dans le passage que j'ai lu tout à l'heure. . .

. . .comme nationalité représentée par des chefs et soumise à des principes, n'auraient vu dans ce changement constitutionnel que leurs intérêts menacés, et n'auraient plus écouté que le désir de sauvegarder leurs institutions, leurs lois et leur avenir matériel.
Il parlait de l'établissement d'un gouvernement unitaire où il n'y aurait pas de partage fédéral des pouvoirs comme actuellement, partage qui confère à différentes parties du pays le droit de décider certaines choses.

Nous sommes dans une situation où les deux partis de l'opposition soutiennent que le gouvernement fédéral devrait céder des pouvoirs et où le gouvernement fédéral a reconnu que c'était le cas et a choisi de le faire.

Voici ce que disait sir John A. Macdonald dans sa conclusion:

Je supplie la Chambre de ne pas laisser échapper cette occasion, qui ne se présentera peut-être jamais, et qui a été amenée par un concours particulier de circonstances. Il faut donc en profiter, car si nous la négligeons, nous pourrions un jour regretter de ne pas avoir accepté cette heureuse opportunité de fonder une nation puissante.


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Je voudrais maintenant citer sir George-Étienne Cartier, le grand partenaire de Macdonald dans l'avènement du Canada. Il a dit, et ces mots s'appliquent aussi bien à aujourd'hui qu'à cette époque, dans les mêmes débats de 1865;

Désirons-nous demeurer séparés, désirons-nous conserver une existence simplement provinciale, lorsque, unis ensemble, nous pourrions devenir une grande nation? Il n'est pas une seule réunion de petits peuples qui ait encore eu la bonne fortune de pouvoir aspirer à la grandeur nationale avec tant de facilité. Dans les siècles passés, des guerriers ont lutté pendant de longues années pour ajouter à leur pays une simple province.
(1920)

Alors qu'ici, les peuples ont bien voulu s'unir pour former ce grand pays dont nous profitons maintenant.

Je citerai un autre grand édificateur, sir Wilfrid Laurier, un des grands premiers ministres de notre pays. L'extrait suivant est tiré de la page 1833 du compte rendu des débats du 13 mars 1900;

S'il est une chose à laquelle j'ai consacré ma vie politique, c'est le développement de l'union et de l'harmonie entre les différents éléments de notre population. Mes amis peuvent m'abandonner et me retirer leur confiance, mon parti peut m'enlever le commandement qu'il m'a confié, mais jamais je ne dévierai d'une ligne de la politique que je me suis tracée. Quelles que soient les conséquences, que je perde pouvoir, prestige et popularité, je sens que je suis dans le vrai, et je sens qu'un jour viendra où tous les citoyens, y compris l'honorable député de Labelle lui-même, me rendront pleine et entière justice sur cette question.
Comme nos ancêtres l'ont fait, nous devons nous aussi nous engager sur la voie de l'édification de ce grand et vaste pays qui est le nôtre.

Mme Marlene Cowling (Dauphin-Swan River, Lib.); Monsieur le Président, je suis fière d'être canadienne et de vivre dans un pays qui comprend le Québec. Je suis fière de vivre dans un pays qui ne fait pas que reconnaître la diversité, mais qui la respecte et la nourrit.

Quel pays ennuyant ce serait si nous étions tous pareils. Nos différences font que nous restons vigoureux et dynamiques, et notre capacité de respecter ces différences tout en travaillant ensemble a fait de nous l'envie du monde.

Les Nations Unies ont déclaré que le Canada était le meilleur pays au monde. Nous devons cet honneur en grande partie à ceux et celles qui ont édifié le Canada, qui sont venus ici avec l'espoir de vivre une vie meilleure.

Notre pays est la somme des qualités que des gens de partout dans le monde y ont amenés. Ces qualités, qui sont l'espoir, la tolérance et la compassion, unissent tous les Canadiens et nous donneront la force de faire face aux défis qui nous attendent.

Les pays ne sont pas immuables comme la roche ou la pierre dont ils sont faits. Ils doivent être fluides et malléables pour pouvoir survivre.

Depuis la confédération, le Canada a très bien réussi à s'adapter à un monde qui évolue rapidement. Nos frontières ont changé et une nouvelle province, Terre-Neuve, s'est jointe à nous il y a moins de 50 ans. Nous sommes maintenant en train de créer un nouveau territoire, le Nunavut.

Notre base économique s'est élargie et diversifiée de telle sorte que le Canada a une économie fortement intégrée et est un concurrent dont il faut tenir compte sur les marchés mondiaux. Il y a un siècle, la population canadienne, qui vivait surtout de l'agriculture et du piégeage, n'aurait jamais pu imaginer que le Canada deviendrait un leader dans les télécommunications, l'aérospatiale et les finances et que, en même temps, ses produits agricoles seraient vendus partout dans le monde.

La société canadienne a changé radicalement. Notre population a beaucoup augmenté et n'est plus en majorité rurale, mais est en majorité urbaine. L'arrivé d'immigrants de partout dans le monde a fait du Canada une mosaïque culturelle unique.

Le Canada a grandi et prospéré parce qu'il est capable de percevoir les signes des changements et de s'adapter. Le vote du 30 octobre a été un vote en faveur du Canada. C'était un signe de changement.

Comme le secrétaire d'État au Multiculturalisme l'a fait remarquer pendant le débat de vendredi, le premier ministre, le gouvernement et le Parlement ont le devoir de sauvegarder l'unité du Canada, car la nation est indivisible.

Les Québécois et les Canadiens ont demandé au gouvernement de garder le Canada uni. Le premier ministre a répondu rapidement à la demande de changements. Il a agi pour que le Canada reste un pays uni. C'est ce que veulent les Canadiens et les habitants de ma circonscription, Dauphin-Swan River.

(1925)

Lorsque les députés bloquistes utilisent le terme Canada anglais pour désigner le reste du Canada, ils ne rendent pas service aux centaines de Canadiens-français qui habitent ma circonscription, Dauphin-Swan River, des Canadiens-français qui ont gardé leur langue, leur culture et leurs traditions dans une région rurale du Manitoba.

Je suis heureuse et fière de représenter des localités à prédominance francophone comme Ste-Rose-du-Lac, Laurier, St-Lazare et San Clara, où des gens de diverses origines ethniques, qu'ils soient d'origine anglaise, française, ukrainienne, polonaise ou autochtone, travaillent ensemble à la poursuite de leur but commun, qui est de bâtir des collectivités fortes et de contribuer à la préservation d'un Canada fort et uni.

J'ai été ravie de la réponse des habitants de Dauphin-Swan River au sujet de l'avenir du Canada. Les gens de ma circonscription me disent que, pour le bien actuel et futur du Canada, nous devons rester unis.


17315

Comme le premier ministre l'a dit si éloquemment, le Canada sans le Québec n'est pas le Canada, et le Québec sans le Canada n'est pas le Québec.

J'apporte aussi à la Chambre un message des jeunes Canadiens. Ils veulent exprimer leur opinion dans le débat sur le Canada qu'ils hériteront de nous, et ils le méritent.

En novembre, j'ai visité des écoles de ma circonscription, Dauphin-Swan River, pour écouter ce que les jeunes avaient à dire au sujet de leur vision du Canada. Les élèves m'ont dit que leur Canada comprend le Québec. Il est important pour eux que nous fassions tous les efforts possibles pour que le Canada reste un pays uni d'un océan à l'autre. C'est le Canada qu'ils connaissent, le Canada qu'ils veulent, le Canada qu'ils méritent.

C'est aussi le message que trois jeunes de Russell, au Manitoba, m'ont apporté à Ottawa en s'en allant au grand rassemblement à Montréal. Ces jeunes ont dépensé l'argent qu'ils avaient gagné durement pour se rendre à Montréal afin de joindre leurs voix à celles des autres Canadiens venus dire aux Québécois qu'ils sont importants pour le Canada. Le courage et la détermination de ces jeunes est un exemple frappant de l'attachement qu'ont les gens de l'Ouest à l'égard d'un Canada fort et uni.

Nous devons prêcher par l'exemple. Nous devons montrer à nos jeunes que tout obstacle peut être surmonté et que les compromis sont préférables aux conflits. En tant que députée et en tant que membre du gouvernement libéral, je suis déterminée à préserver un Canada fort et uni pour le bien des habitants de Dauphin-Swan River et de tous les Canadiens. En tant que mère et grand-mère, je veux laisser à mes enfants et à mes petits-enfants un Canada qui comprend le Québec.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): C'est avec plaisir que je prends la parole, ce soir, au sujet de la motion no 26.

C'est un plaisir de prendre la parole au sujet de toute mesure législative d'initiative ministérielle qui revêt une importance par les temps qui courent, car le gouvernement libéral a pris l'habitude d'invoquer la clôture pour les projets de loi d'envergure qui prêtent à la controverse. Cela dépasse l'entendement. Nous débattons d'un des sujets les plus cruciaux dont la Chambre puisse être saisie, et le gouvernement impose des limites au débat. De quoi le gouvernement a-t-il peur? De ce que la population voit enfin clair dans son jeu?

Ce n'est pas facile pour moi de puiser dans le vocabulaire des termes parlementaires pour exprimer l'indignation que je ressens lorsque le gouvernement fait adopter des mesures législatives à toute vapeur sans donner aux députés la chance de faire valoir les préoccupations de leurs électeurs. Mais je m'écarte de mon propos. Je suis là pour parler de la motion à l'étude de la Chambre aujourd'hui. J'ai avantage à saisir l'occasion qui m'est offerte avant que les libéraux ne décident d'invoquer la clôture au beau milieu de mon discours.

La motion est plutôt simple, mais elle laisse bien des questions sans réponse. La motion no 26 invite la Chambre à reconnaître que le Québec est une société distincte au sein du Canada. Avant de donner mon opinion sur le caractère distinct du Québec, je voudrais parler de ce que cela signifie pour le reste du Canada.

(1930)

Si le Québec est distinct, cela veut-il dire que le reste du Canada ne l'est pas? Faut-il comprendre qu'il n'y a aucune différence entre les petits ports isolés de la côte de Terre-Neuve et le centre-ville de Toronto? Est-ce à dire qu'il n'y a aucune différence entre les communautés autochtones isolées du Nord et le centre-ville de Vancouver? N'y aurait-il donc aucune différence entre les céréaliculteurs des régions rurales des Prairies et les citadins d'Ottawa?

La réponse à ces questions est évidente. C'est non. Non seulement les neuf autres provinces sont distinctes les unes par rapport aux autres, mais il y a des distinctions importantes au sein des provinces elles-mêmes.

Ma première adjointe administrative sur la colline était une francophone de Campbellton, au Nouveau-Brunswick. J'accepte fort bien qu'elle et ses compatriotes néo-brunswickois francophones se considèrent distincts des Québécois qui vivent sur l'autre rive de la rivière Restigouche.

Cette motion reconnaît également la distinction entre les francophones du Québec et ceux du Nouveau-Brunswick, mais elle fait abstraction de celle qui existe entre les Acadiens du Nouveau-Brunswick et les Nouveau-Brunswickois d'origine britannique. Faut-il comprendre qu'il n'y a pas de distinction entre ces deux groupes? Voilà la principale lacune de la motion no 26. Elle exige que la Chambre reconnaisse une seule distinction.

Examinons le cas des trois principales villes canadiennes. J'ai aimé mes séjours à Montréal et j'aurais pu passer des journées entières à déambuler dans les rues de la vieille ville. Toutefois, à l'instar de Toronto et Vancouver, Montréal est un mélange de Canadiens de vieille souche et de communautés d'immigrants plus récentes et plus nombreuses. Les immigrants de ces villes viennent de partout dans le monde. Ce qui différencie ces trois villes entre elles, c'est leur composition ethnique respective.

En dépit de cette différence, ces trois villes sont de grandes cités cosmopolites qui possèdent leur quartier des affaires avec ses gratte-ciel et, tout autour, un mélange de communautés industrielles et résidentielles.

Or, le gouvernement nous demande de reconnaître Montréal comme une ville distincte, mais non Vancouver et Toronto. Pourquoi? En effet, dans la partie 2 de la motion, le gouvernement demande à la Chambre de reconnaître que la société distincte comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil.

Nous savons maintenant pourquoi la ville de Montréal doit être considérée comme distincte, mais non Vancouver et Toronto. La ville de Montréal est distincte en raison de sa majorité d'expression française, mais que fait-on des minorités anglophone et allophone? D'après cette motion, elles doivent être indistinctes. Je voudrais


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revenir un peu en arrière, juste après le référendum au moment où le premier ministre Parizeau a fait sa déclaration au sujet du vote ethnique. Ses propos ont été vertement condamnés, et à juste titre.

Les députés d'en face ont dénoncé de façon particulièrement énergique la critique formulée par le premier ministre Parizeau. Comment le gouvernement a-t-il réagi? Il a présenté cette motion qui dit que le Québec est distinct en raison de sa majorité d'expression française. Le gouvernement veut légiférer pour conférer un statut spécial aux francophones du Québec et, ce faisant, les séparer des minorités ethniques. Or, c'est précisément ce que les libéraux ont reproché au premier ministre Parizeau d'avoir fait.

Encore une fois, le gouvernement applique une logique que seuls les députés ministériels peuvent comprendre. Il faut sans doute en chercher l'explication dans l'eau potable de leur salon.

Mais revenons à la question; Le Québec est-il distinct? Oui, le Québec est distinct, mais c'est une province diversifiée dont les régions sont distinctes entre elles, comme dans toutes les provinces.

Les régions du nord de la Colombie-Britannique et de l'Alberta sont très différentes de celles du Sud. Je me rappelle les propos que tenaient les séparatistes après avoir perdu le référendum. Selon eux, les résultats témoignaient de l'existence d'une division au sein du Canada. Hé bien, non! Le résultat du référendum a fait apparaître une division dans la province de Québec. Même si le Québec n'est plus une province homogène, le gouvernement fédéral est tout disposé à le traiter comme si c'était le cas.

Les paragraphes (3) et (4) de la motion disent ceci;

(3) la Chambre s'engage à se laisser guider par cette réalité;
et

(4) la Chambre incite tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence.
C'est extrêmement ambigu. Le premier ministre dit aux Québécois que ces dispositions accorderont beaucoup de pouvoirs, alors qu'il tient un langage tout autre aux Canadiens hors Québec. Qu'en est-il au juste? Il faut prendre le soin de préciser le contenu de cette motion. Les députés du Parti réformiste ont essayé de clarifier le sens de l'expression «société distincte» par le truchement d'un amendement qui se résume à ceci; cette motion ne confère au Québec aucun pouvoir, aucun droit, aucun statut ou privilège qui ne soit pas accordé à toute autre province. Notre amendement vise à ce que tous les Québécois soient traités également.

(1935)

Par notre amendement nous entendons faire comprendre clairement qu'il n'y a rien dans cette motion qui nie le fait que le Canada forme une seule nation. C'est le risque que l'on court en adoptant la motion du gouvernement sans l'amendement que propose le Parti réformiste. En qualifiant le Québec de «société distincte», le gouvernement souscrit au principe fondamental de la doctrine séparatiste qui veut que les Québécois soient différents des autres Canadiens. Les libéraux croient-ils honnêtement qu'une fois qu'ils auront reconnu cette différence, ils pourront contrer la seconde partie de l'argument des séparatistes qui prétendent que du fait de cette différence, les Québécois ont besoin de leur propre nation?

En abordant cette question, j'essaie de faire ce que le gouvernement se refuse à faire, c'est-à-dire demander l'opinion des gens ordinaires. Dans mon dernier bulletin parlementaire qui commence simplement à arriver dans les maisons de mes électeurs, j'ai inclus mon questionnaire habituel de dix questions. Je pose deux questions, en fait. Tout d'abord, croyez-vous que le Québec devrait obtenir un statut de société distincte si cela lui confère des privilèges ou des pouvoirs spéciaux? Ensuite, croyez-vous qu'on devrait accorder au Québec le statut de société distincte si cela ne lui confère pas de privilèges ou de pouvoirs spéciaux?

Malheureusement, étant donné que le gouvernement est tellement pressé d'étouffer le débat, je n'aurai pas suffisamment de temps pour donner une réponse vraiment représentative à ces questions. Cependant, en ce moment, la réponse à la première question est très majoritairement non. Dans le cas de la seconde question, les électeurs sont encore trop partagés pour qu'on puisse voir une tendance se dessiner. Ce que je reproche le plus à cette motion, c'est que le gouvernement croit avoir le droit de prendre ces décisions graves, de son propre chef, sans consulter les Canadiens.

Il aurait été préférable que le gouvernement s'en tienne à son plan initial et nous demande de nous prononcer sur cette motion demain, le 7 décembre. Il aurait été tout à fait approprié que le gouvernement fasse adopter cette motion envers et contre tous de cette façon et ce, en un jour déjà tristement célèbre. Je suppose que nous devrons trouver nous-mêmes notre propre journée tristement célèbre, mais de toute façon, le gouvernement nous fournit tellement d'occasions à cet égard.

Les gens de Surrey-White Rock-South Langley devraient avoir l'occasion d'exprimer leur opinion sur cette motion et la question du veto directement, dans le cadre d'un référendum national. Cependant, ils devront se satisfaire du fait que leur députée puisse participer à ce débat. Il est vraiment regrettable que tant de Canadiens n'aient pas la chance que leur député fasse connaître sa position sur cette question.

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je participe aujourd'hui au débat sur la motion concernant la société distincte, motion que le premier ministre et son gouvernement ont présentée à l'intention du Québec.

Si nous débattons de cette motion, tard ce soir, c'est en raison des promesses de dernière minute que le premier ministre a désespérément faites aux Québécois à la fin de la campagne référendaire. Avec cette motion, le veto constitutionnel et le transfert de la formation de la main-d'oeuvre au Québec, le premier ministre estime qu'il a maintenant fait ce qui était le mieux dans l'intérêt de l'unité nationale et il croit que nous allons tous vivre heureux jusqu'à la fin de nos jours.

J'ai bien peur de ne pouvoir souscrire à sa logique ni approuver ses propositions et le moment choisi pour les faire. Il a ressuscité les vieux fantômes constitutionnels et il obtiendra le même résultat qu'avec les accords du lac Meech et de Charlottetown; un échec.


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Premièrement, en analysant les composantes de la motion sur la société distincte, je me pose la question suivante; Le premier ministre croit-il vraiment que cela satisfait réellement les désirs, les espoirs et les besoins des Québécois? Le premier ministre est lui-même un Québécois. Si quelqu'un devrait savoir ce que les Québécois veulent, c'est bien lui.

Durant la campagne référendaire, il a toutefois mal interprété, mal compris et mal expliqué au reste du Canada ce qu'il convenait de faire. Il s'est réjoui que nous restions calmes et il a dit qu'il ne fallait s'inquiéter, que les Québécois ne se sépareraient pas. Il nous a recommandé de ne rien dire qui puisse les indisposer et il a dit que tout irait bien. Il a failli tout louper et il le sait.

Il a demandé au ministre des Pêches, le capitaine Tobin, de miser sur la popularité qu'il a acquise dans le conflit du flétan noir et d'organiser, à Montréal, un rassemblement en faveur de l'unité canadienne, rassemblement auquel étaient conviés tous les Canadiens d'un océan à l'autre. Il s'est ensuite ravisé et a fait des promesses aux séparatistes, aux souverainistes, aux nationalistes et aux fédéralistes. Même si le premier ministre n'est pas réputé pour tenir ses promesses-il a promis de renégocier l'ALENA, mais il ne l'a pas fait; il a promis de supprimer la TPS, mais il ne l'a pas fait; il a promis d'éliminer les nominations faites par favoritisme, mais il ne le fera pas; il a promis des votes libres, ce qu'il ne peut peut-être pas faire-il promet maintenant de reconnaître que le Québec forme une société distincte au sein du Canada.

(1940)

En tant que Québécois, il devrait savoir ce que veulent les Québécois quand ils parlent de société distincte. Il sait que ce qu'ils veulent, c'est que le reste du Canada reconnaisse le Québec comme l'une des deux nations fondatrices. Il sait que les Québécois qui réclament une clause sur la société distincte ne pensent pas qu'il en coûterait quoi que ce soit de reconnaître qu'ils forment l'une des deux nations fondatrices. Ils veulent obtenir une clause sur la société distincte qui protégera leur langue, leur culture et leur code civil, tout en gardant la province francophone.

Personnellement, je ne suis pas en désaccord avec certaines des aspirations des Québécois. Ce qui m'inquiète, ce sont les conséquences de l'absence de définition de la société distincte. Si la société distincte signifie que les Québécois sont différents en raison de leur langue, de leur culture et de leur droit civil, je le reconnais. Cela signifie qu'ils sont uniques et distincts des autres provinces et des autres peuples, tout comme les autres provinces sont distinctes les unes des autres.

Cependant, si les Québécois veulent que la clause sur la société distincte ne signifie pas seulement qu'ils sont différents, mais qu'ils ont aussi des pouvoirs législatifs que le reste du Canada n'a pas, alors, je m'y oppose. Je regrette, mais je ne peux pas accepter qu'une province soit traitée différemment des autres.

Les réformistes peuvent reconnaître les différences, mais ils n'acceptent pas de donner aux Québécois un statut spécial parmi les autres Canadiens. Cela est fondamentalement inacceptable et je crois sincèrement que la plupart des Québécois le comprennent.

Tout ce que les Québécois veulent, c'est l'assurance qu'ils ne seront pas piétinés ni bousculés, comme le fait en ce moment le ministre du Développement des ressources humaines avec son nouveau régime d'assurance-emploi.

La frustration du Québec provient du fait qu'il y a trop d'ingérence du gouvernement fédéral dans les domaines de compétence provinciale. Les Québécois veulent que le gouvernement fédéral ne se mêle plus de leur vie et se retire de beaucoup de domaines. C'est cela la solution au problème de l'unité nationale. Il faut donner aux provinces les pouvoirs qu'elles veulent et dont elles ont besoin et laisser le gouvernement le mieux placé pour faire les choses les faire. Il faut en venir à avoir un gouvernement plus petit et plus ouvert que c'est le cas actuellement.

En termes simples, je dirai que toutes les provinces veulent la haute main sur les budgets des programmes s'adressant le plus directement à la population, elles veulent fournir ces programmes à moindre coût que ne le fait en ce moment la monstrueuse bureaucratie d'Ottawa.

Je ne m'oppose pas à une motion où on reconnaîtrait que le Québec forme une société distincte au sein du Canada, à la condition que l'on définisse clairement ce que signifie cette expression et que le Québec ne bénéficie pas d'un statut qui le place au-dessus des autres provinces. C'est pourquoi je demande au premier ministre et au gouvernement d'appuyer les modifications que propose le Parti réformiste pour cette motion sur la société distincte, afin qu'ils puissent jouir d'un appui plus fort de la part de la population canadienne, y compris des Québécois, qui ont des doutes sur cette motion. Avec ces modifications, les Québécois et les autres Canadiens obtiendraient ce qu'ils veulent: non pas un statut particulier, mais une reconnaissance et des pouvoirs.

Je demande au gouvernement d'appuyer nos modifications, parce que nous essayons de plaire à la majorité des Québécois, et non à une minorité. Si nous persistons à présenter des programmes et des définitions conçus pour plaire aux séparatistes, ça ne marchera jamais. On échoue depuis 25 ans et on continuera à échouer pendant encore 25 ans. Les séparatistes agissent comme des enfants gâtés-pas tous les Québécois, seulement les séparatistes.

La plupart des Québécois veulent ce qu'il y a de mieux pour eux, mais la même chose est vraie pour moi, en tant qu'individu distinct de l'Alberta. Je veux ce qu'il y a de mieux pour ma province, tout comme les Québécois veulent ce qu'il y a de mieux pour la leur.

Tâchons de concevoir une motion qui plaise à la majorité des Québécois et à la majorité des Canadiens. C'est ainsi que nous pourrons nous appuyer solidement sur l'unité nationale. C'est pour le salut de l'unité nationale que je demande au premier ministre de bien vouloir tenir compte de l'opinion et de l'information qui lui ont été transmises par le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques sur la question du droit de veto constitutionnel. J'espère que le gouvernement écoute, parce que ce comité a fait valoir des idées intéressantes.


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Nous pouvons débattre de l'idée que le gouvernement fédéral partage son droit de veto avec quatre ou cinq régions. Ce n'est pas vraiment le fond de la question. Je crois qu'il y a cinq régions, parce que la Colombie-Britannique ressemble plus aux provinces de l'Atlantique qu'aux Prairies.

Mais là n'est pas la question. Le véritable enjeu à défendre, c'est que ce droit de veto devrait être donné aux Canadiens, et non à leurs assemblées législatives. La clause de modification constitutionnelle prévoit déjà qu'il faut sept provinces sur dix représentant 50 p. 100 de la population. Le Parti québécois, parti séparatiste, aura maintenant un droit de veto sur les modifications à la Constitution du Canada. C'est ridicule. Ce sont les Québécois qui devraient avoir le droit de veto, et non les politiciens.

(1945)

Nous devrions avoir dix provinces égales, ayant les mêmes objectifs ainsi que les mêmes droits, privilèges et pouvoirs-et je crois que c'est bien ce que nous avons. Si nous voulons modifier ces droits, privilèges et pouvoirs, nous devons le faire dans le cadre d'un référendum national où la base se prononcerait, plutôt que les représentants élus.

Il faut considérer la situation très sérieusement. Nous devons conclure que beaucoup de gens au Canada veulent des changements, pas seulement la province de Québec ou ceux qui ont voté au référendum. Dans tout le pays, les gens veulent des changements, des améliorations. Ils ne veulent pas des changements qui justifient le statu quo.

Nous devons regarder des questions comme la modification de la Constitution ou le fait de donner à une province une reconnaissance qui pourrait comporter des pouvoirs spéciaux, comme le reste du pays le craint. Nous devons étudier cela. Pourquoi serait-ce répréhensible? Nous devons tous travailler à unifier le pays d'un océan aux autres.

Il faut apporter des modifications à la Constitution, pour qu'elle puisse vivre et être modifiée. Mais il faut que ce soit difficile. Une fois que l'on a défini les pouvoirs, les niveaux de responsabilité et la façon dont les dix provinces travailleront ensemble, il ne faut pas que des modifications à la Constitution puissent être apportées facilement. Il faut longuement réfléchir à la façon de faire ces changements. Nous ne pouvons pas donner un veto à chaque province, car cela interdirait tout changement à jamais. Nous ne pouvons pas mettre la Constitution dans un coffre-fort et la laisser mourir. Il faut lui donner vie. Il faut que ce soit un document vivant. Il faut qu'il soit difficile à modifier, mais il faut néanmoins qu'il permette le changement.

Il faut regarder les différentes provinces et les différentes régions et essayer de reconnaître quels sont leurs besoins et leurs désirs particuliers. Il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas les satisfaire. Il n'y a pas de raisons pour lesquelles nous ne pourrions pas trouver un mécanisme qui donne au Québec ce qu'il veut et reconnaît que c'est une société distincte. Il n'y a pas de doute que le Québec est différent. Il est unique. Il a contribué utilement à la construction de ce grand pays qu'on appelle le Canada.

Si cela signifie que le Québec devrait également obtenir des pouvoirs spéciaux, en plus d'être reconnu comme distinct, nous ne considérons pas cela juste et nous tenons à le dire aux Québécois. C'est ce que les séparatistes veulent, mais pas tous les Québécois. Ceux qui le veulent désirent protéger la langue française. Nous devrions être en mesure de les aider à protéger la langue et la culture françaises.

À leur tour, ils devraient protéger les droits des minorités dans la province, les droits des anglophones et des autres immigrants, et essayer de réduire les problèmes qu'ils sont susceptibles d'avoir au niveau de la province. C'est ce qu'ils font. Ce que je dis, c'est que nous avons des façons de parvenir à un accord collectif si nous savons identifier le vrai problème.

De la part du premier ministre et de son gouvernement, c'est la réponse à un mouvement de panique. Il s'agit de respecter une promesse qui a été faite dans les dernières minutes d'une partie qu'il pensait perdre. Cette partie c'était l'unité et il craignait de perdre le pays. Le premier ministre ne voulait pas que l'histoire se souvienne de lui comme du fossoyeur du Canada, après qu'il nous ait dit: «Je suis de cette région, ne vous en faites pas, ils ne partiront pas»; alors qu'ils sont presque partis.

C'est triste. Maintenant que tout est terminé, c'est un peu comme s'il s'adressait à nous et nous demandait: «Qu'est-ce que le Parti réformiste a fait?» Nous leur avons toujours conseillé de dire aux Québécois quelles seraient les conséquences de la séparation, le prix de la séparation. Ils ne l'ont pas fait. Nous allons le faire et jamais à l'avenir une province ne pourra se dire qu'elle peut se séparer et que tout sera comme avant. Nous allons leur dire quel sera le prix de la séparation.

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir m'adresser à la Chambre aujourd'hui pour parler de la motion du gouvernement proposant que l'on reconnaisse le Québec comme une société distincte.

Je tiens à rappeler aux députés que, lors du récent référendum, la majorité des Québécois ont voté en faveur de l'unité du Canada. La motion vise à donner suite à cet engagement des Québécois.

Avec tout ce qui se dit, les Canadiens ont du mal à comprendre la situation. Le Bloc dit aux Québécois que cette proposition est vide, qu'elle ne renferme que des platitudes sans aucun sens, que le Canada anglais, comme on l'appelle, ne veut pas vraiment qu'ils demeurent au sein du Canada. Le Parti réformiste nous dit que nous faisons toutes les concessions au Québec, que nous accordons à cette province des privilèges que les autres n'ont pas et que, grâce à la motion, le Québec pourra prendre d'autres mesures et obtenir des pouvoirs spéciaux.

(1950)

Il n'est pas surprenant que les Canadiens aient du mal à comprendre. Franchement, on ne leur sert pas uniquement de la rhétorique, on leur raconte aussi des mensonges. Cela est troublant si l'on songe à l'importance de la question pour le Canada et l'avenir du pays.


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L'opposition nous présente certaines vérités, mais ce ne sont que des demi-vérités. Le Bloc dit qu'il ne veut pas parler de Constitution, puis déplore que la motion n'accorde pas de pouvoir constitutionnel spécial au Québec. Comment peut-il dire, d'une part, qu'il refuse de parler de la Constitution et, d'autre part, que la motion n'a pas un impact constitutionnel suffisant?

Franchement, il est normal que les Canadiens ne veuillent pas parler de la Constitution. Ils veulent entendre parler d'autres choses; des emplois, de l'accès à l'éducation pour leurs enfants et de soins de santé adéquats. Voilà ce qui préoccupe les Canadiens.

Le premier ministre s'est engagé à répondre à certaines attentes des Québécois lors du rassemblement de Montréal, auquel bon nombre de mes électeurs ont participé d'ailleurs et j'en suis fier. Je sais que le Parti réformiste nous reproche les résultats très serrés. J'admets que les Canadiens se sont regroupés durant la dernière semaine pour donner un nouvel élan au référendum et faire connaître leurs véritables sentiments aux Québécois.

Au nom des électeurs de Haldimand-Norfold, mais aussi au nom de tous les Canadiens, je tiens à répéter que je suis très fier de ces Canadiens de Haldimand-Norfold qui, de leur propre initiative, se sont rendus à Montréal pour exprimer leur ardent désir de sauvegarder l'unité du Canada.

Tous les Canadiens du Québec et du reste du pays comprennent que, pour le moment, rien de ce que l'on pourrait offrir au gouvernement du Québec et au Bloc québécois ne les satisferait. Il n'y a rien que nous puissions proposer pour les amener tout à coup à dire qu'ils veulent demeurer au sein du Canada. Ils ne sont pas disposés à faire cela.

Ce que le premier ministre fait, et très bien selon moi, c'est soumettre une motion rédigée de telle façon qu'elle lui donne ainsi la possibilité de tenir exactement ses promesses. Il ouvre la porte à de futurs engagements et à des négociations à venir en 1997 ou 1998. Il donne aux Canadiens le temps de se pencher sur certains problèmes auxquels nous sommes confrontés au Canada.

J'invite tous les Canadiens à relever le défi du premier ministre, à se rendre au Québec, en Alberta ou en Colombie-Britannique et à dire aux habitants de ces provinces que nous devons conserver le pays uni et que ce n'est pas par erreur que les Nations Unies considèrent le Canada comme le meilleur pays du monde.

C'est parce que nous sommes en mesure de rester unis, de travailler ensemble, malgré notre diversité, de centrer notre attention sur la nécessité d'améliorer la situation non seulement des Canadiens, mais du pays dans son ensemble. Nous sommes restés ensemble toutes ces années du fait de ce désir des Canadiens.

Certains demandent ce qu'est un Canadien ou le Canada. D'aucuns affirment que le Canada est simplement un pays différent des États-Unis. Je crois que nous avons vu à Montréal le sens profond du Canada, c'est-à-dire le partage, la compassion et la collaboration. La motion essaie de bâtir sur cela. Je demande aux Canadiens de défier ceux qui s'opposent à tout et ceux qui, au Québec, affirment que le Canada anglais ne veut pas des Québécois, que l'histoire et les faits le prouvent.

Récemment, nous avons marqué le jour du Souvenir par des cérémonies dans le cadre desquelles nous nous sommes rappelés du grand dévouement de nombreux Canadiens à l'égard de leur pays. Nous avons dernièrement célébré le 50e anniversaire de la fin de la guerre en Europe. Des Canadiens sont morts pour leur pays, car ils croyaient dans le Canada. Je me demande ce qu'ils penseraient aujourd'hui du débat en cours à la Chambre, de la stupidité de certaines des choses qui sont dites. Ils ont combattu et tout donné pour leur pays. Ils méritent qu'on leur donne quelque chose en retour. Nous devrions nous asseoir, parler et mettre de côté la politique et les belles paroles, pour nous laisser guider plutôt par la mémoire, dans le cadre de nos délibérations.

(1955)

[Français]

Je veux dire au peuple québécois de la part de mes commettants de Haldimand-Norfolk qu'il existe chez nous un désir de rectifier les choses. On croit que les Québécois reçoivent des mensonges au sujet de ce que les Canadiens anglophones ruraux pensent. Mes commettants veulent une chance de parler en tête à tête avec leurs vis-à-vis francophones.

À Haldimand-Norfolk, nous sommes fiers du Canada et on croit fortement que l'on a beaucoup accompli durant ces dernières années ensemble. Nous voulons que vous, les Québécois, preniez un peu de temps pour comprendre comment nous nous sentons. Ne croyez pas la rhétorique qui raconte que les anglophones veulent vous laisser partir et ne sont pas prêts à faire de compromis. Nous sommes prêts. Parlons-en.

[Traduction]

J'ignore, monsieur le Président, si vous avez compris ce que j'ai dit. Vous pourrez peut-être lire la traduction après coup. J'ai dit, au nom des gens de Haldimand-Norfolk que nous devions nous asseoir, laisser tomber les belles paroles, mettre de côté la politique et partager plutôt nos valeurs communes à titre de Canadiens. Nous pouvons faire cela et, en même temps, nous pencher sur ce que les Canadiens souhaitent vraiment.

Il est possible de prendre des mesures pour relancer l'économie. Nous pouvons nous pencher sur un système de soins de santé qui fait l'envie du monde entier. Il s'agit aussi de protéger l'environnement. Ce sont toutes des questions très importantes auxquelles il faut s'attaquer. Nous n'avons pas besoin de parler de Constitution à ce stade-ci.

Dans notre plan en trois points, nous essayons de nous assurer qu'en tant que Canadiens et législateurs responsables de tout le Canada et non pas simplement d'une région ou d'une province, nous faisons savoir très clairement aux Québécois que nous aimons notre pays, que nous avons besoin d'eux pour lui conserver sa force et que nous reconnaissons leur caractère distinct. Nous reconnaissons que leur langue diffère de celle de beaucoup de Canadiens et qu'il en va


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de même de leur culture et de leur système juridique. Je souhaiterais simplement que l'opposition officielle le reconnaisse.

Le président suppléant (M. Kilger): Je peux assurer le député de Haldimand-Norfolk que j'ai tout compris et je me permets de le féliciter pour son effort à parler dans l'autre langue officielle.

[Français]

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de participer ce soir à ce débat du premier ministre du Canada sur la motion portant sur la société distincte du Québec à l'intérieur du Canada. En appuyant cette motion, j'aimerais m'exprimer tout d'abord à titre d'Acadien de la Nouvelle-Écosse. Comme vous le savez, les Acadiens ont été parmi les premiers à s'implanter au Canada après nos Premières nations et nous avons connu au coeur des presque quatre siècles derniers, depuis l'établissement des premières communautés à Port-Royal, notre part de bouleversements, de luttes et de dérangements.

(2000)

Sauvegarder notre langue et notre culture n'a jamais été quelque chose de facile. Nous avons dû nous battre et nous devons nous battre encore pour notre part de reconnaissance. Mais nous avons longuement reconnu que nos chances de survivre comme communauté culturelle étaient drôlement améliorées par le fait que nous partageons cette lutte avec les francophones du Québec, du Manitoba et d'ailleurs au Canada.

Nous savons que la préservation et l'épanouissement de notre langue et de notre culture dépendent inestimablement de notre appartenance à un pays plus large qui a pu inclure nos préoccupations ainsi que les préoccupations d'autres communautés culturelles à l'intérieur d'un espace plus vaste et une vision plus grande. Ceci est le Canada.

La Loi sur les langues officielles et la politique de bilinguisme ont fourni un support fondamental et une démonstration pratique de cette vision plus grande qu'est la Canada.

Je me considère très chanceux d'avoir pu vivre le caractère distinct du Québec de façon personnelle. Pendant quatre ans, au début des années 1980, j'étais étudiant à l'Université Laval où je me suis fait de nombreux et de proches amis parmi les Québécois et les Québécoises. J'ai eu la chance de discuter longuement avec eux sur la nature de leur conception et de leur place à l'intérieur du Québec et du Canada.

J'ai trouvé qu'en général le sens distinct du Québec et des Québécois ne reposait pas sur une opposition ou une séparation par rapport au reste du Canada, mais plutôt d'une affirmation de soi-même et de leur sentiment de solidarité qui trouve son expression et son âme dans la vitalité et dans l'expression de la langue française, que le chansonnier Michel Rivard exprime si bien: «La langue de mon coeur est le coeur de ma vie».

Mais en dépit de la rhétorique politique et du mouvement souverainiste, les Québécois que j'ai connus et que je connais toujours manifestent un profond attachement à ce pays, le Canada. Et je pense que si on peut travailler ensemble, toutes les communautés culturelles d'un bout à l'autre de ce grand pays, nous pouvons vivre et nous pouvons faire grandir ce pays qui est une merveille au monde.

[Traduction]

Je ne trouve rien à redire à ce que le Québec soit considéré comme une société distincte au sens où on l'entend dans cette motion. Je ne vois pas non plus de contradiction dans l'idée que, même si elle ne confère pas des pouvoirs particuliers au gouvernement du Québec, cette motion n'est pas purement symbolique, même si elle est chargée d'un symbolisme qui n'est pas sans importance, loin de là.

En reconnaissant le caractère distinctif du Québec en ce qui concerne ses politiques, ses lois, ses règlements et ses programmes, cette motion fait ressortir un prisme de plus à travers lequel le gouvernement du Canada s'engage à se laisser guider dans l'élaboration de ses lois, de ses règlements, de ses politiques et de ses programmes, avant même de les promulguer et de les mettre en oeuvre.

Les députés du Parti réformiste ont du mal à comprendre cela parce qu'ils n'arrivent pas à saisir comment fonctionne un gouvernement moderne. Quand une politique gouvernementale est élaborée puis soumise à l'étude du Cabinet ou quand une modification est apportée à un ensemble de règlements ou encore quand une nouvelle loi ou un nouveau programme est arrêté et présenté au Parlement, il y a tout lieu de l'évaluer sous différents angles ou points de vue. Pour cela, il s'agit de trouver un juste équilibre entre les diverses incidences du programme sur l'égalité des sexes, sur la conjoncture socio-économiques, sur les diverses régions ou provinces.

(2005)

Un bon exemple de cela, c'est la loi qu'a déposée la semaine dernière le ministre du Développement des ressources humaines. Dans la trousse d'information qui accompagnait le projet de loi créant l'assurance-emploi figure, au tout début, un tableau faisant état des incidences financières de l'assurance-emploi par province. Aucun gouvernement ne saurait se lancer dans un programme de l'envergure de l'assurance-emploi sans tenir compte de ses incidences sur les diverses provinces.

Un autre exemple de prisme à travers lequel on évalue une orientation gouvernementale est fourni par la Charte des droits et libertés qui, en 1982, a été inscrite dans la Constitution canadienne. La Charte des droits et libertés garantit que les lois, les règlements et les programmes adoptés par le gouvernement fédéral respectent les libertés et les droits fondamentaux des citoyens canadiens que nous avons inscrits dans la Constitution.

Un troisième exemple nous vient de la Loi sur les langues officielles, mise en oeuvre par la Commission des langues officielles du Canada, et de toute la politique et l'infrastructure favorisant le bilinguisme officiel au Canada, qui assurent que les minorités linguistiques, y compris les Acadiens et d'autres groupes francophones de partout dans le pays, ainsi que les anglophones du


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Québec, bénéficient d'une reconnaissance de leur langue et reçoivent des services dans la langue de leur choix.

Ce sont là des engagements que le gouvernement fédéral a pris envers lui-même et envers ses programmes. Ils font partie du prisme à travers lequel le gouvernement du Canada doit évaluer toutes les lois, tous les règlements et tous les programmes.

La motion portant sur la société distincte que le premier ministre a présentée cette semaine servira d'une manière différente de prisme et de guide et donnera au gouvernement fédéral une occasion de prendre ses engagements et de s'assurer que ses programmes et ses orientations reflètent cet aspect culturel particulier, à savoir le caractère distinct du Québec dans ces domaines très importants: une langue, une culture et une tradition de droit civil qui sont propres au Québec. C'est en un sens le génie de la démarche du premier ministre pour reconnaître le Québec comme société distincte et pour faire en sorte que le gouvernement du Canada agisse en conséquence.

Une des raisons pour lesquelles les Canadiens continuent d'appuyer si fortement le premier ministre du Canada et de lui témoigner une aussi grande confiance, c'est que, grâce en majeure partie à sa vaste expérience du gouvernement, il a trouvé un moyen de concrétiser les engagements et les promesses qu'il a faites aux Québécois et aux Canadiens à propos d'un changement et de la reconnaissance de la place particulière qu'ils occupent dans la Confédération, et ce, d'une manière qui n'enfreint pas les droits d'autres Canadiens et ceux des provinces, mais qui éclaire la conduite du gouvernement du Canada.

Si, pendant les discussions constitutionnelles, d'autres Canadiens et d'autres provinces décident d'inscrire ce principe dans la Constitution canadienne et peuvent s'entendre à ce sujet, cela renforcera la notion de société distincte que nous avons adoptée et que nous adopterons au cours de cette législature.

[Français]

Je conclus mes propos en disant que je sais que cette initiative ne satisfera jamais les séparatistes du Bloc québécois ou du Parti québécois.

Le vice-président: Je suis désolé, mais le temps de parole du député est expiré. J'accorde maintenant la parole à l'honorable député de Beauport-Montmorency-Orléans.

(2010)

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans, BQ): Monsieur le Président, on va rassurer le collègue qui vient de s'exprimer qu'effectivement, ça ne saura jamais nous satisfaire.

«Quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse, le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte.» C'est en ces termes que s'exprimait, au lendemain de l'échec de l'Accord du lac Meech, le premier ministre fédéraliste libéral du Québec, M. Robert Bourassa. «Dorénavant, il n'y aura plus de discussion à onze ou à dix, il n'y aura que des discussions bilatérales.»

C'est une preuve qu'avec la motion qui nous est présentée aujourd'hui par le gouvernement libéral fédéral, plus on avance, plus on recule. Cette notion de société distincte fut développée par le Parti libéral du Québec. En fait, cette notion même remonte aux préliminaires de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, la Commission Laurendeau-Dunton de 1965, où on y retrouve l'expression de société distincte dans une note marginale à côté du paragraphe qui définit la société québécoise, à la page 103.

Dans un discours, le 9 mai 1986, le ministre des Relations intergouvernementales du Québec, M. Gil Rémillard, énonce les cinq conditions minimales qui pourront amener le Québec à adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982. Pendant ce temps-là, au Parti québécois, on parlait de peuple distinct.

Par l'Accord du lac Meech, en 1990, on était d'opinion que l'Assemblée nationale du Québec aurait le rôle de protéger la dualité et de promouvoir le caractère distinct du Québec. Et c'est pour ça qu'on appuyait l'Accord du lac Meech, parce qu'il devait reconnaître le caractère distinct du Québec. On sait que cette disposition n'aurait pas pour effet de déroger au pouvoir existant du fédéral.

Dans le fond, ce qu'on demandait par l'inclusion dans la Constitution, où on voulait corriger l'affront de 1982, alors que le premier ministre libéral, en 1980, M. Pierre Elliott Trudeau, nous disait dans un discours, le 14 mai 1980, à la veille du référendum du 20 mai: «Nous mettons nos sièges en jeu, et si vous votez non, ce non sera un oui au nouveau Canada.» Ce non, un oui au nouveau Canada, a été concrétisé par le rapatriement unilatéral de la Constitution en 1982 avec la complicité du premier ministre actuel.

Dans la foulée de mon collègue député de la Nouvelle-Écosse, comment peut-on avoir confiance en ces personnes? Dans le fond, qu'est-ce qu'on demandait? On demandait aux juges de tenir compte des deux notions, soit la dualité canadienne et la société distincte dans leurs interprétations des Lois constitutionnelle de 1967 et de 1982, cette dernière comprenant la Charte canadienne des droits et libertés, le petit bébé du premier ministre, comme il se plaît à nous le rappeler régulièrement en cette Chambre.

La clause sur la société distincte, dans ce temps-là, aurait limité la portée centralisatrice et uniformisatrise de la Charte. On sait que certains articles de la Loi 101 ont été jugés inconstitutionnels par la Cour suprême, et c'est ce qui aurait pu permettre de les adopter de nouveau par l'Assemblée nationale du Québec.

Un autre événement important et un acteur qu'on a vu lors de la dernière campagne référendaire d'octobre dernier, initié par le rapport Charest, du nom du député de Sherbrooke qui brille souvent par son absence dans cette Chambre, lequel rapport Charest datait de. . .

Le vice-président: Je m'excuse de vous interrompre, mais le député n'a pas le droit de noter l'absence d'un collègue de cette Chambre, si j'ai bien compris ce qu'il a dit. Je demande au député


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de ne pas faire de remarque sur la présence ou l'absence d'un député.

M. Guimond: Merci, monsieur le Président. Encore une fois, vous faites preuve de vigilance et je veux retirer mes propos.

Par ce rapport Charest, en mai 1990, on voulait atténuer la portée de la notion de société distincte, notamment en déclarant que la clause sur la société distincte ne diminuait en rien l'efficacité de la Charte.

Dès le départ, on s'est rendu compte, en mai 1990, que certains premiers ministres provinciaux étaient réfractaires à l'idée de la société distincte. Déjà là, l'Accord du lac Meech commençait à avoir ce qu'on appelle en termes de chasseur, du plomb dans l'aile.

(2015)

Le caractère quasi officiel de la notion de société distincte aurait pu, selon certains premiers ministres, inciter les tribunaux canadiens à ne pas recourir à cette clause pour interpréter la Constitution canadienne. Par la suite, il y a eu les accords de Charlottetown, où on banalisait la portée constitutionnelle de la société distincte dans un ensemble de huit caractéristiques fondamentales définissant le Canada. Comment les tribunaux auraient-ils pu voir clair là-dedans?

On nous laissait croire que la notion de société distincte occupait une position hiérarchique supérieure aux autres caractéristiques fondamentales. Mais l'économie générale de l'entente de Charlottetown nous indique que la notion de société distincte n'aurait pas eu de portée réelle. Donc, déjà là, c'était une indication de coquille vide. C'est pour cela que les Québécois et les Québécoises, lors du référendum du 26 octobre 1992 sur l'entente de Charlottetown, ont voté non, parce qu'ils considéraient que ça n'en donnait pas assez au Québec et les provinces du reste du Canada ont voté non elles aussi, parce qu'elles considéraient que ça en donnait trop au Québec. Imaginez-vous!

Je viens de survoler Meech 1, Meech 2, le rapport Charest, l'entente de Charlottetown, mais je n'ai jamais vu un emballage de Noël sans cadeau à l'intérieur. C'est le cas des propositions du premier ministre, de son équipe libérale et des «savants» comités qu'il a mis sur pied pour démontrer aux Québécois et aux Québécoises son amour envers ceux-ci.

Il n'y a rien sur la reconnaissance des Québécois en tant que peuple dans cette motion de la Chambre des communes. On sait qu'une motion de la Chambre des communes n'a aucune valeur juridique et encore moins constitutionnelle. La résolution du gouvernement libéral devant nous est une coquille vide, sans conséquence juridique et politique. C'est une opération de panique qui vise essentiellement à endormir ceux et celles qui veulent de véritables changements concernant le statut du Québec.

Mais heureusement, les Québécois et les Québécoises voient clair et sont capables de dégager les vraies choses qui sont bonnes pour eux. La réaction du premier ministre de nous proposer cette motion fait état d'une terrible menace. Il a conservé l'expression «société distincte» parce qu'il aurait été difficile d'en faire autrement, mais il a tout fait pour la vider de son contenu. Imaginez, la proposition du gouvernement libéral est inacceptable pour les libéraux du Québec, dont le chef, Daniel Johnson, a demandé récemment que le caractère distinct de la société québécoise soit inscrit dans la Constitution.

La définition de société distincte, telle que présentée par le premier ministre, est identique à celle formulée dans l'entente de Charlottetown, que les Canadiens et les Québécois ont rejetée majoritairement. De plus, sa définition va moins loin que celle initialement contenue dans l'Accord du lac Meech. Est-ce que quelqu'un ici va penser qu'on pourrait faire autrement que d'être contre? Voyons donc! Il ne faudrait quand même pas nous prendre pour des dupes.

La motion présentée par le gouvernement sur la reconnaissance du caractère distinct du Québec ne peut en aucune façon être perçue comme une réponse à la demande de changement exprimée par les Québécois et les Québécoises, lors du référendum du 30 octobre dernier. Il faut se rappeler qu'en octobre dernier, les Québécois ont voté en faveur de la souveraineté dans une très forte proportion et qu'une majorité de Québécois, même ceux qui ont voté non, se sont prononcés en faveur d'un renouvellement en profondeur du fédéralisme canadien.

Étant donné que mon temps s'écoule, j'aimerais vous dire que nous sommes en faveur de l'accession du peuple du Québec à la souveraineté et qu'il n'est pas question que les Québécois et les Québécoises négocient des ententes que même Daniel Johnson avait qualifiées, dans le cas de la formation de la main-d'oeuvre, d'ententes à rabais.

(2020)

Il est clair que les propositions du gouvernement fédéral ne donnent rien au Québec.

En terminant, je pense, comme beaucoup de personnes, qu'il faut faire attention pour ne pas miner le capital de bonne foi qui reste encore entre les partis. Il faut au contraire établir des liens qui nous amèneront vers un partenariat. . .

Le vice-président: Je regrette, mais le temps de parole du député est expiré. Je cède la parole à l'honorable député de Chicoutimi.

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, c'est vrai que c'est un moment historique que nous partageons tous dans ce débat, puisque, pour moi, ce moment consacre l'incapacité du fédéralisme de se renouveler.

Jamais je n'aurais cru devoir intervenir en cette Chambre sur quelque chose d'aussi vide que ce débat sur la reconnaissance du Québec comme société distincte. Cette proposition du gouvernement est à toutes fins pratiques un cataplasme sans effet. C'est le vide le plus complet.

Depuis le 30 octobre, l'improvisation règne en maître ici en cette Chambre. Tellement que la Ligue nationale d'improvisation du Québec a maintenant de la compétition et cette compétition est très sérieuse.

Avant le 30 octobre, on refusait systématiquement de parler du dossier constitutionnel. On nous répétait continuellement que les Canadiens et les Canadiennes voulaient entendre parler d'économie, de travail, de jobs, de création d'emplois. Mais surprise, le


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lendemain du 30 octobre, le projet souverainiste a été à un cheveu de se concrétiser.

Quelques jours plus tard, nous avons vu le camp fédéraliste réagir en catastrophe devant une victoire possible du oui. Nous avons eu droit, à Verdun, à un discours du premier ministre, discours qui n'était pas sans nous rappeler des souvenirs. En 1980, nous étions aussi à la veille d'un référendum, et un autre premier ministre était venu au Québec pour faire des promesses. Le premier ministre actuel était d'ailleurs présent sur la même tribune.

Le 30 octobre, le camp fédéraliste a laissé échapper un soupir de soulagement. Mais la réalité est toute entière. Avec une mince victoire, les fédéralistes se sont certainement consultés et ont décidé de réagir. Et quelle réaction. Quand je disais tout à l'heure que nous avions eu droit à de l'improvisation, deux comités ont été formés ici même. Mais tout à coup, le premier ministre lui-même fait l'annonce d'une reconnaissance du Québec comme société distincte. Au diable les comités, il passe par-dessus ses créatures, il passe par-dessus la tête de tout le monde.

La motion de la société distincte, telle que déposée, ne représente que des paroles, des paroles vides de tout sens. Cette motion ne signifie rien d'autre que de la poudre aux yeux. En effet, il s'agit d'une simple résolution de la Chambre des communes qui pourrait être abolie selon le bon vouloir de n'importe lequel gouvernement fédéral. Donc, rien dans la Constitution, aucune reconnaissance du Québec comme peuple. Tout ce que cette motion signifie, c'est que dans l'avenir on pourra dire aux Québécois et aux Québécoises: vous êtes distincts. Êtes-vous contents, vous êtes distincts? Mais de là à donner des moyens d'agir de façon distincte aux Québécois, non, certainement pas. Encore moins pour le gouvernement libéral de tout mettre en oeuvre pour une reconnaissance constitutionnelle. Encore là, c'est trop, c'est non.

Mais en y réfléchissant bien, à quoi aurions-nous pu s'attendre d'autre quand le premier ministre lui-même disait en septembre dernier, en cette Chambre, que lorsqu'il parlait en anglais, tout le monde sait que le Québec est distinct, et que dans cette mesure on n'a pas à l'écrire dans la Constitution. Si c'est cela sa compréhension de sa motion de la semaine dernière, sa motion de la semaine dernière est justifiée. Si c'est cela sa compréhension de sa motion de la semaine dernière, sa motion de la semaine dernière est justifiée.

(2025)

Le premier ministre aurait certainement besoin d'un cours d'histoire. L'histoire, c'est que chaque fois que le gouvernement fédéral veut le bien des Québécois, il dilue chaque fois son discours. C'est comme si quelqu'un faisait du café avec la même mouture; après cinq ou six fois, il ne resterait pas grand-chose. Chez nous, on appelle cela de l'eau de vaisselle. C'est ce que fait le gouvernement avec cette résolution. D'abord Meech, puis Charlottetown et maintenant, la résolution de 1995. Il ne reste plus rien. Il ne reste effectivement pas grand-chose. C'est un simple incitatif pour les organismes des pouvoirs législatifs et exécutifs du gouvernement à prendre note de la reconnaissance que le Québec forme une société distincte.

Contrairement à certains députés libéraux, pour nous, le passé est important. Il y a aussi une phrase célèbre qui dit que le passé est garant de l'avenir. L'histoire, les Québécois et les Québécoises la connaissent. Ils savent également ce qu'ils veulent. La motion du premier ministre passera également à l'histoire. Elle passera surtout comme étant une injure de plus à l'intelligence des Québécois; un geste qui tente de leur faire croire qu'avec une simple résolution, on règle enfin le dossier.

Ce gouvernement oublie également autre chose. La devise du Québec est Je me souviens. Le 30 octobre dernier, il y a eu encore quelques Québécois et Québécoises qui ont décidé de donner une dernière chance au Canada. C'était une dernière chance. Ils ont cru encore une fois que le reste du Canada saurait les reconnaître comme un peuple et qu'il leur donnerait les pouvoirs d'un peuple. Malheureusement, ils sont, une fois de plus, face à la réalité, désappointés. La réalité, c'est une résolution qui nous ramène encore plus en arrière.

C'est une résolution faite en catastrophe parce que le premier ministre sait très bien qu'il doit répondre aux questions de l'opposition officielle. Contrairement à 1980, où le Québec était représenté à la Chambre des communes par 74 députés libéraux, en 1995, c'est une autre histoire: 53 députés du Bloc québécois ont eu comme mandat des Québécois et des Québécoises de défendre leurs intérêts. Le premier ministre sait très bien qu'il ne peut faire croire aux Québécois qu'il livre la marchandise sans que personne ne dénonce son discours. Le mandat que nous a donné le peuple du Québec est clair, et ce mandat, il est encore plus clair depuis le 30 octobre.

Dans ma région, on dit souvent que les lendemains de la veille sont difficiles. Jamais la population de ma région aura eu plus raison qu'en examinant les lendemains du 30 octobre. J'ai mentionné au début de mon discours que jamais je n'aurais cru intervenir sur quelque chose d'aussi vide de sens. Je suis convaincu que les gens de chez nous sont d'accord avec moi.

C'est encore une leçon d'histoire dont les Québécois et les Québécois se souviendront. C'est également une leçon pour ceux et celles qui laissaient une dernière chance au Canada. Mais, à force de se souvenir, le peuple du Québec agira, et ça, j'en suis certain. Il n'est pas loin le jour où l'histoire du peuple du Québec commencera.

La résolution du premier ministre est insipide, incolore et inodore. Elle doit être rejetée par tous ceux et celles qui croient que le Québec est un peuple.

(2030)

[Traduction]

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député d'Ottawa-Vanier.

En pensant à ce que j'allais dire ce soir au sujet de la motion, je me suis posé bien des questions. Je suis triste de devoir traiter de cette question à ce moment-ci de notre histoire. Le Canada est confronté à tant de difficultés. Or, nous voici de nouveau saisis d'un


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débat qui ne fera rien pour mettre du pain sur la table, pour éliminer la pauvreté, pour créer des emplois, pour favoriser la capacité des Canadiens de travailler, de se perfectionner et de gagner leur vie. Si j'ai bien compris les propos des bloquistes ce soir, ce débat est fondé sur le rappel constant d'une histoire qui ne les a pas servis particulièrement bien et qui n'a pas si bien servi le Canada.

Il y a une chose que j'ai du mal à comprendre. Peu après mon élection à la Chambre, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de voyager au Québec, dont une pour étudier à Jonquière. Pendant un certain temps, j'y suis allé suivre des cours de français au cégep et j'ai pu bénéficier de l'accueil chaleureux du député de Jonquière. Il m'a fait visiter sa circonscription et m'a présenté à des électeurs. Nous avons eu des échanges très enrichissants sur les mesures que le Canada devrait prendre pour s'attaquer au déficit, les programmes sociaux et toutes sortes de sujets qui portaient sur tous les coins du pays.

Par la suite, j'ai eu l'occasion, à titre de membre du comité du développement des ressources humaines, d'aller à Montréal, Québec, Lévis et Rivière-du-Loup, pour parler avec les gens et recevoir des mémoires sur l'ensemble des programmes sociaux, en particulier sur l'assurance-chômage, car l'examen devait être assez exhaustif.

Trois députés bloquistes ont fait partie de ce comité. Ensemble, nous sommes allés partout au Canada. Partis de Vancouver, nous avons traversé tout le pays. Je vais vous parler d'une chose qui m'a frappé. Au cours de nos audiences à Vancouver, à Toronto et à Montréal, après les premiers moments où des groupes organisés venaient manifester en criant et en gesticulant, nous avons pu discuter avec les gens qui nous ont fait part de leurs préoccupations, des mesures qu'ils attendaient du gouvernement, des problèmes qu'ils voulaient que le gouvernement règle. Or, personne n'a parlé de «Constitution». Ils n'ont jamais dit qu'ils étaient «embarrassés» ou «insultés».

J'ai entendu les gens discuter de la façon d'aider nos jeunes à s'instruire et des moyens d'acquérir des connaissances et de trouver du travail. J'ai entendu des gens de Lévis et de Rivière-du-Loup se dire très inquiets de leur avenir et du fait que leurs enfants avaient à quitter leur ville pour trouver du travail. J'ai entendu dans ces localités des francophones unilingues dire les mêmes choses que des anglophones unilingues disaient en Saskatchewan, en Alberta et dans ma province, le Manitoba.

Je ne prends pas ce qui s'est passé à la légère. Quand 50 p. 100 des électeurs d'une région votent pour se séparer d'un pays aussi fort et merveilleux que le Canada, il y a un problème.

J'en ai parlé avec des députés du Bloc. Il se tient beaucoup de conversations à la Chambre, dont certaines sur le parquet de la Chambre comme ce soir. Je converse deux ou trois fois par semaine au gymnase avec le député de Québec-Est. Nous discutons de ce qui est à la racine des préoccupations qui poussent des Québécois à vouloir se séparer du Canada. J'ai eu plusieurs longues conversations avec la députée de Mercier sur ce qu'elle pense des programmes sociaux au Canada ou au Québec. J'avoue bien franchement que ses points de vue sont très compatibles avec ce que je pense des programmes sociaux au Québec. Il a été très difficile pour moi d'essayer de comprendre ce qui motive ce désir de briser le pays.

Je voudrais expliquer aux députés du Bloc une chose qui, je l'espère, les aidera à comprendre les sentiments éprouvés ailleurs au Canada au sujet de ce problème. J'étais le leader de l'opposition à l'assemblée législative du Manitoba lorsque l'accord du lac Meech n'a pas réussi à y être adopté. Lorsque la législature manitobaine a été saisie du projet de modification de la Constitution, elle y a consacré un examen public très détaillé et très approfondi.

(2035)

Un comité a été formé, composé de députés des trois partis représentés à la législature. Le comité a parcouru tout le Manitoba. Les membres du comité sont allés dans des réserves indiennes dans le nord de la province. Ils sont allés dans des petites localités rurales dans le nord, le sud, l'est et l'ouest de la province et ont passé plusieurs jours dans la ville de Winnipeg, donnant aux Manitobains l'occasion de venir exprimer leurs sentiments à l'égard de l'accord du lac Meech.

Le Manitoba a donc proposé des amendements à l'accord tel qu'il était conçu. Après avoir entendu les propos d'autres députés qui ont dit qu'on n'avait pas respecté le Québec, qu'on l'avait insulté, je tiens à leur dire que le sujet n'a jamais été abordé au cours de ces audiences.

L'accord du lac Meech disait, au paragraphe 2(1):

Toute interprétation de la Constitution du Canada doit concorder avec:
b) la reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une société distincte.
(3) La législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec. . .
C'est ce que disait l'accord du lac Meech, si j'ai bien compris les députés d'en face.

Après avoir tenu des audiences dans toute la province, fait des recherches, étudié et débattu la question, les trois partis à l'Assemblée législative du Manitoba ont conclu que la disposition devait se lire ainsi:

Toute interprétation de la Constitution du Canada doit concorder avec la reconnaissance que les éléments suivants constituent des caractéristiques fondamentales du Canada:
d) le Québec forme au sein du Canada une société distincte;
L'accord du lac Meech dit que le Québec forme au sein du Canada une société distincte. La recommandation de tous les partis politiques au Manitoba disait exactement la même chose.

Ma province a reconnu ce fait et en a soutenu la reconnaissance dès 1990. Cette résolution, qui invite la Chambre à reconnaître que le Québec forme au sein du Canada une société distincte, est tout à


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fait conforme et elle va dans le même sens que les déclarations que le député donne en exemple de ce que voulait le Québec. C'est exactement ce que les trois partis à l'Assemblée législative et les Manitobains étaient prêts à appuyer et ce que le premier ministre nous demande maintenant d'appuyer.

Notre rôle, comme législateurs, comprend six éléments. Nous adoptons, modifions ou abrogeons des lois. Nous approuvons, refusons ou comprimons les dépenses. Nous adoptons des règlements. Mais il y aussi une chose plus insaisissable, le leadership, que nous devons assurer.

Il est temps que nous discutions non de la manière de diviser ce pays, mais de l'unir, d'assurer collectivement un leadership qui permettra d'améliorer le sort des Canadiens au lieu de leur nuire.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, mon allocution de ce soir a pour titre Lettre ouverte à mes cousines québécoises de la fesse gauche; elles se reconnaîtront sûrement.

D'abord, je tiens à les remercier, ces cousines, des discussions que nous avons eues lors de la campagne référendaire. Une d'elles était responsable du camp du oui dans son patelin du bas du fleuve. Nous avons eu la chance d'échanger quelques remarques, à l'avant-veille du référendum, dans une atmosphère tout aussi sereine qu'agréable.

Les deux autres me reçurent à souper en banlieue de Montréal, par un soir de tempête automnale. À l'intérieur, ce fut un ouragan d'idées, de concepts, de négations et d'affirmations. Une très belle soirée, en fin de compte, et je les en remercie.

Nous avons discuté, lors de cette soirée, entre autres de l'Acte constitutionnel de 1982, du lac Meech, de chevauchements, de dédoublements, d'immigration, du français en Amérique du Nord, du français au Canada et du français au Québec. Bien sûr, nous avons aussi parlé de la notion de société distincte.

(2040)

Et me voici aujourd'hui à participer au débat relancé par le premier ministre et le chef de l'opposition mercredi dernier. Ce jour-là j'ai écouté très attentivement le discours du chef de l'opposition. Si je ne l'appelle pas par son nom, chères cousines, ce n'est pas par manque de respect, c'est plutôt que la tradition et les règles de la Chambre exigent que l'on s'adresse à lui ainsi.

Je disais donc que j'ai écouté très attentivement. Plusieurs de ses déclarations sont si habilement habillées qu'il faut s'arrêter une minute ou deux pour en deviner le sens, surtout lorsqu'il traite de l'Acte constitutionnel de 1982. Voici d'ailleurs quelques extraits de son discours à ce sujet, et je cite: «. . .une des choses que 1982 a introduites dans le paysage juridique et politique du Canada et du Québec, c'est que, pour la première fois, on tentait-et on l'a fait effectivement-d'introduire dans la Constitution la notion d'une nation unique, d'une nation canadienne.»

Plus tard, il continue: «C'est la première fois qu'on voit apparaître dans les textes constitutionnels et dans les textes juridiques, l'affirmation qu'il n'y a au Canada qu'une seule nation, la nation canadienne. Bien sûr, le corollaire, c'était le peuple québécois se trouvant implicitement, sinon expressément, nié dans son existence.»

Et finalement, et je le cite toujours: «. . .mais jamais il ne m'est arrivé de penser que le Canada, une démocratie, que le Canada anglais, un peuple tolérant, ouvert, respectueux des droits des autres, pourrait un jour se servir de son poids pour écraser la volonté du Québec, déchirer la Constitution qui a été convenue par mes ancêtres en 1867, et lui substituer une autre Constitution qui n'est pas celle du Québec, qui a été imposée au Québec, que le Québec a répudiée. . .» et j'en passe.

On pourrait passer des heures à faire la preuve du fait qu'il n'y a pas eu de substitution ou de déchirement de Constitution, que tous les Québécois n'ont pas répudié, comme l'affirme le chef de l'opposition, cet acte constitutionnel. Mais je ne ferais qu'alimenter, en ce faisant, la polémique qui règne au sein de la classe politique. J'aime mieux, pour l'instant, m'adresser à mes cousines.

Devant une telle condamnation en règle de 1982, j'ai pensé qu'il était temps de relire l'Acte constitutionnel de 1982, ce que j'ai fait. J'ai eu beau chercher ce principe écraseur qu'il évoque et que certains aimeraient glisser dans la mémoire historique des Québécois, je ne le trouve tout simplement pas.

J'ai eu beau chercher l'endroit où l'existence du peuple québécois se trouvait niée implicitement ou expressément, même résultat. Ni vu ni connu.

J'ai eu beau chercher l'extrait qui indique que le Canada anglais-et je vais revenir à cette fâcheuse et agaçante expression plus tard-s'est servi de son poids pour écraser la volonté du Québec. C'était encore une fois peine perdue.

On est donc en droit de se demander, monsieur le Président et très chères cousines, si le but cherché par l'auteur de ces paroles n'est pas de perpétuer et de renforcer un mythe, un mythe créé de toutes pièces et entretenu par les forces séparatistes.

Chères cousines, j'ai une question pour vous. En quoi l'Acte constitutionnel de 1982 vous brime-t-il? Serait-ce l'enchâssement dans la Constitution de vos libertés fondamentales, des libertés comme la liberté de conscience et de religion, liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de presse et d'autres moyens de communication? Je ne crois pas.

Serait-ce la liberté de réunions pacifiques? Non plus. La liberté d'associations? J'en doute. Serait-ce l'enchâssement de vos droits démocratiques, de vos libertés de circulation et d'établissement, de vos garanties juridiques? Je ne le crois pas. À ce jour, je n'ai pas rencontré de Canadiens qui sont contre ces droits, ni personne du Québec d'ailleurs.


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Serait-ce alors l'enchâssement dans la Constitution du français et de l'anglais comme langues officielles du pays? En êtes-vous réellement brimées? Ou serait-ce encore que l'on a inséré les notions typiquement canadiennes de péréquation et d'inégalité régionale dans la Constitution, deux concepts qui continuent de bien servir le Québec.

Je ne vois toujours pas ce qui cause cette humiliation nationale dont ont tant parlé les apôtres de l'indépendance. En quoi, si l'on fait allusion aux points que j'ai évoqués ci-haut, a-t-on écrasé la volonté du Québec?

Chères cousines, en ce soir d'automne où nous nous sommes rencontrés, j'ai beaucoup apprécié notre capacité de se parler franchement, directement et dans le respect mutuel. Je vous demande donc de réfléchir sérieusement et aussi objectivement que possible à la question suivante: En quoi l'Acte constitutionnel de 1982 vous brime-t-il, vous personnellement?

(2045)

Dans un autre ordre d'idées, et je le mentionnais tout à l'heure, l'expression Canada anglais que les députés du Bloc et leur chef s'empressent à utiliser à toutes les sauces ces jours-ci, avec l'intention à peine voilée de continuer à ériger des murs entres les Canadiens, est une expression que l'on retrouve au moins une dizaine de fois dans le discours de mercredi dernier du chef de l'opposition.

Eh bien, je vous demande, vous du Bloc, qui dénoncez sans cesse sur tous les toits, à tous les instants, de toutes vos tripes, le manque d'ouverture d'esprit envers la société québécoise, de grâce, cessez d'ignorer le million de Canadiens français qui n'habitent pas au Québec. Un peu de respect, s'il vous plaît.

D'ailleurs, l'expression est erronée, puisque le Nouveau-Brunswick est officiellement bilingue. Un autre de ces changements opprimants sans doute de l'Acte constitutionnel de 1982! On peut comprendre pourquoi le Bloc tient tant à utiliser un vocabulaire séparatiste. Mais vous, mes cousines, vous n'êtes pas dupes, j'espère. Vous le savez, en Ontario, dans le nord et l'est, il y a beaucoup de Canadiens français, vos cousins entre autres. Un beau jour, il faudra discuter de l'évolution des expressions et des raisons pour lesquelles, il y a à peine une génération, nous étions des Canadiens français, alors que, aujourd'hui, nous sommes Franco-Ontariens, Québécois, Acadiens, Fransasquois, etc.

Il faudrait peut-être s'acharner à réinventer des traits d'union, n'en déplaise à feu le très honorable John Diefenbaker. D'accord, nous sommes tous Canadiens. Nous sommes tous aussi des Canadiens assortis d'un ou de plusieurs traits d'union. Certains sont nouveaux Canadiens, d'autres Canadiens anglais ou Canadiens français. Dans ce grand pays aux traditions de tolérance, d'ouverture d'esprit, il y a de la place pour tout le monde, même les communautés qui forment une société distincte.

À bien y penser, le trait d'union me semble un symbole tout désigné pour le Canada. Ne sommes-nous pas un des traits d'union entre la France et le Royaume-Uni, entre l'Europe et les États-Unis d'Amérique? Ne retrouvons-nous pas ce trait d'union tout au long de notre histoire entre le Bas-Canada et le Haut-Canada et même dans l'Acte d'union?

La beauté du trait d'union, c'est qu'il réussit à rapprocher deux entités parfois distinctes l'une de l'autre. N'est-ce pas l'essence même du Canada? La quadrature du cercle, la dualité dans l'unité? Chères cousines, il s'agit certes là d'un thème intéressant de discussion pour notre prochaine rencontre, vous en conviendrez. Entre-temps, reconnaissons en cette Chambre le caractère distinct de la société québécoise en approuvant la motion proposée par le premier ministre, une motion qui est, à tout le moins, un pas en avant. Sur ce, chères cousines, je vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments les meilleurs.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour m'opposer à la motion no 26 que le premier ministre a présentée à la Chambre. Je vais voter contre cette motion, à moins qu'elle ne soit amendée comme l'a proposé mon chef, le député de Calgary-Sud-Ouest.

Je déplore que le gouvernement fédéral ait eu recours à la clôture pour limiter le débat sur une question aussi importante que le mode de fonctionnement du Canada, le respect que nous nous portons mutuellement, la façon dont nous nous traitons les uns et les autres et l'opportunité pour notre pays de reconnaître le principe de la société distincte.

Il a déjà été question de la clôture ou de l'attribution de temps à maintes occasions à la Chambre. Je ne condamnerai pas longuement cette façon de procéder. Je me contenterai de répéter que, selon moi, ce n'est pas correct d'agir ainsi. Je sais que les députés d'en face ont déjà dénoncé cette façon de faire lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Le député de Kingston et les Îles disait que, du point de vue moral, le gouvernement Mulroney agissait mal en proposant l'attribution de temps et la clôture. Pourtant, le gouvernement libéral a eu recours à cette solution beaucoup plus souvent que les conservateurs sous le gouvernement Mulroney. Les libéraux ne sourcillent même pas. Ils ne voient rien de mal à limiter le débat sur des questions importantes, qui n'ont pas à être traitées de toute urgence parce que l'intérêt national est en jeu.

La discussion sur la société distincte nous rappelle des souvenirs. Je me souviens d'avoir entendu cette expression pour la première fois lors du débat sur l'accord du lac Meech. Elle existait peut-être auparavant, mais je ne la connaissais pas avant le débat sur cet accord. Par la suite, elle a constitué une pomme de discorde lorsque, dans le cadre d'un référendum national, la population a dû se prononcer sur l'accord de Charlottetown et qu'elle l'a rejeté.

(2050)

Il est intéressant de signaler que le responsable de l'échec de l'Accord du lac Meech est ici parmi nous. Certes, Terre-Neuve et son premier ministre s'opposaient à cet accord, et le gouvernement du Manitoba résistait aux pressions du gouvernement fédéral, mais


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le député provincial du Manitoba qui, à l'époque, a sans doute été responsable plus que tout autre Canadien de l'échec de l'Accord du lac Meech est l'actuel député de Churchill, qui siège maintenant à la Chambre des communes.

Il est également intéressant de noter que le député de Churchill, reconnaissant d'autres problèmes qui assaillent les peuples autochtones, a convoqué une assemblée sacrée. En tant que peuple, les autochtones font leur examen de conscience. Ils en appellent à une force supérieure à eux pour trouver des solutions à leurs problèmes.

Peut-être que si, en tant que nation, nous commencions à réfléchir à Celui que notre Constitution reconnaît comme notre autorité suprême, nous serions en meilleure posture qu'en gaspillant tout ce temps à conférer des privilèges, des droits spéciaux, comme la société distincte, quel que soit le sens qu'on donne à cette notion, à un groupe de personnes. La Constitution nous demande de reconnaître la suprématie de Dieu. Or, si on interprète cela correctement, cela veut dire que Dieu nous considère tous comme égaux, quelles que soient notre langue, notre race ou notre culture. Je crois que nous sommes tous égaux à ses yeux. Nous sommes tous spéciaux, et il ne dirait certainement pas que certains d'entre nous sont distincts et qu'ils méritent des privilèges particuliers.

Je voudrais dire, en quelques mots, pourquoi cette notion de société distincte me préoccupe. Je m'inquiète un peu de l'interprétation qui en sera donnée dans l'avenir. Franchement, je ne fais pas confiance au gouvernement fédéral quand il prétend que cette clause ne veut rien dire en réalité.

Je me souviens d'un politique libéral du passé qui, lorsqu'il était de passage dans l'Ouest, ne parlait guère du programme énergétique national. Il abordait rarement ce sujet parce qu'il avait de l'expérience et qu'il n'ignorait pas que les Canadiens de l'Ouest savaient que le programme énergétique national avait détourné des milliards de dollars de l'économie de l'Ouest au profit du trésor fédéral et que des avantages proportionnels n'avaient été accordés à la population à qui appartenait cette ressource naturelle. Les ressources naturelles sont évidemment de compétence provinciale.

Le même homme politique libéral expérimenté est allé dans le Canada atlantique, loin de l'Ouest, et, là, il s'est étendu sur les vertus du Programme énergétique national. Je l'ai vu à la télévision. Ce qui est merveilleux de la télévision, c'est qu'elle peut montrer dans une région ce qui a été enregistré dans une autre.

Nous devons prendre bien garde de transmettre le même message dans toutes les régions du Canada, qu'il s'agisse du Programme énergétique national ou de la société distincte.

J'ai l'étrange impression que lorsque l'on parle de société distincte, le message n'est pas le même au Québec et dans les autres régions du Canada. On dit aux Québécois que la motion répond à leurs aspirations, qu'elle peut leur donner le sentiment de former une nation et qu'elle satisfait aux exigences des séparatistes. En reconnaissant que le Québec forme une société distincte on répond aux exigences des séparatistes et on apaise les sentiments nationalistes.

Dans le reste du Canada, le message est différent. On dit que l'expression société distincte ne signifie pas grand chose, que ce n'est que la reconnaissance d'un état de fait. Ce n'est que symbolique, il n'y a pas de quoi s'inquiéter et, en plus, cela peut garder le pays uni.

J'en doute beaucoup. Je ne crois pas que l'on puisse raisonnablement donner un message aux Québécois et un autre aux Canadiens des autres provinces. Quelque chose cloche. Il ne faut pas s'interroger sur le message, mais sur le messager. Je ne pense pas que le gouvernement soit franc avec les Canadiens lorsqu'il explique ce que signifie la reconnaissance de la société distincte.

Nous devons nous demander sérieusement comment cette expression sera interprétée à l'avenir. À la Chambre des communes, les ministériels et le premier ministre peuvent bien dire que l'expression signifie ceci ou cela. Or, nous savons que, dans l'avenir, les tribunaux et les gouvernements interpréteront l'expression «société distincte», de sorte que nous devons nous soucier de la définition que nous allons donner à cette expression.

(2055)

Pour parler franchement, je ne trouve rien dans la motion no 26 ou dans tout autre document d'information qui nous éclaire sur le sens exact de l'expression «société distincte» dans le cas qui nous occupe. On nous dit qu'elle englobe la majorité francophone. Elle ne dit rien à propos des autres Québécois. On nous dit que cette expression servira de guide à la Chambre. On nous dit que la Chambre incitera tous les organes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre acte de la reconnaissance de la société distincte et à adopter une ligne de conduite en conséquence.

À mon sens, c'est comme signer un chèque en blanc. Cela revient à dire que nous allons adopter l'expression «société distincte» pour désigner le Québec et que allons faire des efforts assidus pour s'y conformer sans vraiment savoir de quoi elle retourne. Nous interpréterons cette expression dans l'avenir. Nous laisserons aux politiques et aux gouvernements de demain, peut-être même des gouvernements séparatistes, le soin de définir pour nous l'expression «société distincte». Et le gouvernement nous demande de lui faire confiance parce que tout ira bien.

Cela m'inquiète énormément, comme Canadien, parce que je me rends compte que, lorsqu'on parle de l'avenir de notre pays, il n'y a pas que le discours d'aujourd'hui qui vaille. Nous ne tenons même pas compte des gens qui prennent les décisions à la Chambre et dans les assemblées législatives de toutes les provinces. Nous faisons référence aux décisions que prendront, dans l'avenir, les parlementaires et les gens des divers parlements, dont peut-être un gouvernement séparatiste au Québec.


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Pour terminer, je voudrais m'attarder sur toute la question de l'octroi d'un statut particulier ou de droits spéciaux à un groupe précis de la société. Pourquoi ferions-nous cela? Pour trois raisons. La première, c'est parce que ces gens sont inférieurs à nous et ont besoin d'une aide quelconque. Cela ne vaut pas pour les Québécois que j'estime être mes égaux. La deuxième, c'est parce que ces gens sont supérieurs et méritent un statut particulier. Cela ne vaut pas non plus puisque nous sommes sur le même pied d'égalité. La troisième, c'est parce que certains de leurs ancêtres étaient là avant certains des nôtres, ce qui leur vaut d'avoir gravi un barreau de l'échelle de plus. Je n'accepte pas cette théorie. D'où que l'on vienne, on doit tous être traités également. Personne ne devrait se voir conférer un statut particulier. Par conséquent, à moins que nous n'adoptions les amendements du Parti réformiste, je ne peux appuyer la motion.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de la motion no 26 qui, si elle est adoptée, influera profondément sur l'avenir de notre pays.

Je tiens à expliquer clairement mon opinion. En tant que réformiste, Albertain et Canadien et parce que je considère le Canada comme ma patrie, je ne puis appuyer la notion de société distincte pour quelque province que ce soit. Je ne puis consentir à ce qu'une province devienne supérieure à une autre, tout comme je n'accepte pas de faire de différence entre les riches et les pauvres. Je crois que tous les hommes, femmes et enfants de notre pays ont droit à l'égalité et l'équité, peu importe leur race, leur couleur, leur croyance, leur origine ou leurs capacités.

Ce serait un pur euphémisme que de dire de cette motion qu'elle est mal conçue. Cette motion est un désastre total, un affront à la Chambre, une honte pour notre pays et elle va à l'encontre des valeurs chères au Canada.

Au moment même où nous poursuivons l'oeuvre de nos ancêtres et préparons l'avenir pour nos descendants, il nous incombe de diriger notre pays en ayant pour guides la démocratie, la liberté et l'égalité. Nous devons rendre compte de nos actes tout comme ceux qui sont venus avant nous ont été jugés par l'Histoire.

L'Histoire comporte des événements marquants qui ont été salués en leur temps comme de grandes réalisations mais qui, avec le recul de l'Histoire, font figure de gestes vides qu'il aurait mieux valu ne pas réaliser. Je pense en particulier à ce moment où, en 1938, M. Chamberlain, qui avait promis la paix à sa génération, montrait un document qui n'était, comme je l'ai déjà dit, qu'un accord à sens unique. Un an plus tard, sa proclamation en faveur de la paix était foulée aux pieds par une armée qui allait déferler sur toute l'Europe.

(2100)

En 1982, le premier ministre de l'époque a proclamé une nouvelle Constitution canadienne en disant qu'elle allait durer 1000 ans. Or, cette Constitution ne portait pas la signature du Québec et, comme la proclamation de M. Chamberlain en 1938, elle était une accord à sens unique.

Je prédis que les historiens diront de la motion dont nous sommes saisis qu'elle était un accord à sens unique. Elle ne durera pas 1000 ans et ne permettra même pas d'acheter la paix à notre époque. Le gouvernement nous promet que cette motion apportera la paix et l'harmonie dans notre pays. Comme l'accord de 1938, cette motion est fondée sur un souci d'apaisement et non pas sur la résolution. Il s'agit d'une offre et non pas d'un accord avec le Québec.

Examinons la motion proposée. Le gouvernement veut que la Chambre reconnaisse que la province de Québec constitue une société distincte. L'expression «société distincte» n'est pas définie. Ceux qui ont demandé à être reconnus comme une société distincte au cours des dernières années ne cherchent pas un quelconque trophée qu'ils pourraient exhiber fièrement. Ils veulent que cela leur permette d'exercer plus de pouvoirs, que cela leur confère plus d'avantages. Ils veulent un traitement préférentiel aux dépens du reste du Canada. Tâchons de ne pas oublier ces précisions.

Le gouvernement croit à tort que de discuter d'un enjeu, de faire des déclarations à ce sujet, équivaut à trouver une solution. Notre débat d'aujourd'hui est un parfait exemple d'hypocrisie. En adoptant cette motion, le premier ministre croira avoir fait la paix. Mais nous savons maintenant que le Québec n'est pas satisfait. Nous savons que les dirigeants du mouvement séparatiste, au Québec, vont se moquer de cette mesure et poursuivre dans la même voie.

Quelle preuve avons-nous, aujourd'hui, que cette entente achètera la paix et l'harmonie au Canada, que cela jettera les bases d'un Canada uni et que les forces séparatistes ne s'organiseront pas et ne réuniront pas leurs ressources pour donner l'assaut encore une fois à l'unité de notre pays? Nous n'en avons pas.

L'Alberta et la Colombie-Britannique réclament depuis trois ans qu'on apporte des changements au sein de notre fédération unie, mais ils expriment leurs préoccupations par des voies démocratiques, en travaillant de façon positive pour obtenir des changements. Ces deux provinces sont considérées comme des provinces riches aux fins de la formule de péréquation. Ces deux provinces ont versé des milliards au cours des dernières décennies pour promouvoir et protéger la Confédération. Elles continuent à respecter leurs engagements sans demander à recevoir autant qu'elles ne versent au pays.

Pour avoir la paix au pays nous avons besoin de bonne volonté et de dévouement de la part des partis en cause, non une simple motion un peu frivole débattue à la Chambre après avoir été préparée à la hâte par le gouvernement, dans le vain espoir qu'elle serait la panacée qui mettrait fin à des décennies de dissensions.

Le Parti réformiste a proposé trois amendements très simples à cette motion pour lui donner de la force et la focaliser. Tout d'abord, le gouvernement nous demande de reconnaître le Québec comme une société distincte. En tant que réformistes nous disons que c'est parfait à condition que nous reconnaissions que cela ne peut pas être utilisé comme levier pour obtenir plus de pouvoirs et de privilèges aux dépens des autres provinces. Naturellement, notre amendement confirme ce qui est au coeur de toute fédération, de toute famille et de toute société qui veut survivre, l'égalité de tous.

(2105)

Deuxièmement, nous reconnaissons la majorité francophone, la culture et les traditions juridiques du Québec. Ce sont des faits de


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tous les jours, des choses qui existent déjà. Toutefois, nous reconnaissons également la grande promesse du nouveau monde qui garantit l'égalité à tous, quels qu'ils soient, quoi qu'ils soient et d'où qu'ils viennent.

Troisièmement, même si nous nous engageons à être guidé par la réalité d'une société distincte et reconnaissons ce fait, nous nous engageons aussi à être guidé par la réalité et à reconnaître le fait que cette nation est une, d'un océan à l'autre.

Les modifications à la Constitution et la dévolution de pouvoirs fédéraux est un processus que l'on peut gérer, mais il est géré d'une façon particulièrement disgracieuse par le gouvernement fédéral. Le Parti réformiste sait que les Canadiens peuvent travailler ensemble-et travaillent effectivement ensemble-et qu'avec un vrai leadership, ils peuvent rester ensemble. Mais pour faire preuve de leadership il faut avoir une vision. Le leadership exige une déclaration claire de la façon dont on souhaite atteindre la terre promise.

Face à la possibilité d'une rupture dans ce pays, le Parti réformiste a répondu avec un plan et un programme. Un Canada fort et fier ne pourra aller de l'avant que lorsque son leadership aura préparé une vision claire du pays créé, accepté et appuyé par la grande majorité des Canadiens et des provinces.

La motion, telle qu'elle est présentée, n'est pas la réponse.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends part au débat sur la motionno 26 qui reconnaîtrait le Québec comme société distincte.

À entendre les députés de l'opposition, nous nous demandons ce que nous faisons ici. Le fait est que la société distincte ne fera pas augmenter le prix de l'essence. Elle n'aura aucune incidence sur notre chèque de paye. Elle n'aura que peu ou pas de conséquences pour la vie des Canadiens.

J'ai envoyé un bulletin aux électeurs de Durham. Je suis heureux de rapporter qu'un bon nombre d'entre eux y ont répondu, donnant leur opinion sur la question. Leur principal souci est l'unité du pays qu'ils veulent fort. Mais pas à n'importe quel prix. Il y a des limites. Ils tiennent à ce que nous respections les droits de tous les Canadiens. Cette motion ne porterait pas atteinte aux droits des individus sur le territoire québécois.

Les gens sont prêts à reconnaître que chacun de leurs concitoyens est distinct; il est toutefois inhabituel pour une société de reconnaître l'un de ses éléments comme distinct. Cela signifie forcément que les autres éléments sont eux aussi distincts. Il y a une polarisation de la pensée. Je pense que c'est sain et utile dans notre système.

En venant à la Chambre, ce soir, je pensais à tous les débats et à tous les arguments auxquels ces deux mots ont donné lieu depuis 20 ou 30 ans. Je me demandais ce qui se passerait si, en nous couchant ce soir, nous étions tous frappés d'amnésie. Nous oublierions notre passé. Nous oublierions notre histoire. Nous oublierions ce que nous faisions lorsque nous vivions ensemble.

(2110)

Que se passerait-il quand nous nous réveillerions demain matin? Nous constaterions que nous avons toujours un grand pays, la deuxième plus grande nation au monde. Nous découvririons que, au sein de cette nation, il y avait des groupes linguistiques différents: des francophones, des anglophones, des allophones.

Nous verrions que, au cours des années, ils avaient conclu des ententes les uns avec les autres. C'est là que le gouvernement trouve tout son sens: conclure des contrats et des accords entre les gens.

Nous découvririons que nous avions bâti une société bienveillante, que nous avions élaboré un système d'assurance-maladie, un système d'assurance-chômage, un système de pensions pour nos personnes âgées. Nous nous rendrions compte que nous avions créé toutes ces choses qui faisaient partie intégrante de notre tissu social et de ce qui est devenu le Canada.

Nous constaterions que nous avions aussi fait d'autres choses, comme emprunter beaucoup d'argent pour défrayer ces programmes sociaux à des époques où nos recettes ne suffisaient pas pour en assumer les coûts. Nous verrions, à l'examen des livres, que nous avions des dettes considérables: certaines fédérales, bien d'autres provinciales, mais toutes aboutissant à une facture énorme que nous devions tous payer.

Après avoir passé ces aspects en revue, nous verrions aussi que nous avions hérité de ressources extraordinaires: des forêts, des mines, des rivières, un pays de montagnes et de lacs d'un océan à l'autre. Nous devions tous partager cette grande nation.

Il me semble que nous aurions de la difficulté à découvrir ce que nous n'aimions pas les uns des autres. Nous serions très respectueux les uns envers les autres et nous nous sentirions humbles de vivre dans un pays pareil. On découvrirait qu'on était tout disposé à respecter l'intégrité culturelle des nombreux groupes qui cohabitent dans ce pays, que nos objectifs n'étaient pas de dominer ou d'écraser l'autre culture, mais bien de vivre en harmonie côte à côte.

Si nous consultions le calendrier, nous verrions que nous approchons du XXIe siècle. Nous prendrions en compte nos dettes et nos ressources et nous essaierions de voir comment nous pourrions vivre ensemble et travailler ensemble à l'aube du XXIe siècle. Je suis sûr que nous trouverions une solution à tout cela.

Le revers de la médaille, c'est que nous ne souffrons pas d'amnésie. Or, qu'avons-nous oublié? Peut-être avons-nous oublié les éléments négatifs de notre histoire. Nous avons oublié les Plaines d'Abraham. Nous avons oublié bien d'autres aspects de la vie au Canada aujourd'hui. Nous avons probablement oublié par exemple tous ces symboles que nous arborons si fièrement en ce pays, symboles qui évoquent le passé. Il s'agit de symboles de notre patrimoine, dont nous ne saurions nous débarrasser, mais il reste qu'il nous faut évoluer en tant que nation.

Dans mes déplacements d'un bout à l'autre du Canada, je constate qu'il y a des Canadiens qui ne savent plus ce que le gouverneur général fait ou représente. Depuis mon élection à ce poste, encore plus au début, j'aime bien entre autres me rendre dans les écoles pour octroyer le prix du gouverneur général. Comme on le sait, le


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prix du gouverneur général est attribué chaque année à l'élève le plus méritant d'une école secondaire. Ma circonscription compte plusieurs écoles et je participe à de nombreuses cérémonies du genre.

Au moment de décerner le prix, je demande toujours aux lauréats de citer le nom du gouverneur général. En deux ans, aucun d'eux n'a pu le nommer. Si nos institutions gouvernementales sont devenues à ce point désuètes, il y a tout lieu d'en changer.

Si nous voulons établir et renouveler de nouveaux liens entre nos deux cultures, il nous faut nous adapter les uns aux autre. Je remets en question la position de certains de mes collègues d'autres régions du pays qui veulent maintenir le statu quo, nos symboles du passé.

(2115)

Il y a deux jours, j'ai été surpris d'entendre mes collègues réformistes critiquer le changement des armoiries du Canada, un changement qui exprime notre volonté de travailler pour améliorer notre pays. Imaginez que certains sont tellement attachés au statu quo qu'ils ne voient rien d'utile dans ce simple changement. Je voudrais modifier beaucoup d'autres choses au Canada. Je sais qu'il y a un grand nombre de Canadiens qui respectent la monarchie et, en fait, c'est une partie de notre passé qu'on ne peut effacer.

Il est temps de modifier certains de nos symboles. Je ne vois rien de mal à ce que notre monnaie reflète des symboles bien canadiens.

Je me suis intéressé au référendum au Québec. J'ai eu le privilège d'assister à la manifestation de Montréal et de voir les panneaux du «oui» qu'on retrouvait au Québec. On n'y montrait qu'un seul côté d'une pièce de 1 $, c'est-à-dire celui où figure le huard. Je voudrais demander à certains de mes collègues si cela ne nous apprend pas quelque chose. Ne doit-on pas en conclure que si nous voulons évoluer en tant que pays, il est clair que nous devons le faire ensemble?

Je suis enclin à dire qu'il serait très bon que nous puissions tous souffrir d'amnésie collective et mettre de côté toutes les choses dans notre passé qui nous déplaisent, en reconnaissant, par contre, la véritable force et la grande richesse de notre pays. Au fond, nous devrions bien nous entendre. Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes. Le déficit canadien est un fardeau énorme. C'est un peu comme si un couple marié avait une très grosse hypothèque et les deux conjoints n'avaient donc pas les moyens de divorcer.

Je voudrais rappeler à tous ces gens là-bas qu'il n'est pas question de tout donner. Il s'agit de très petites dépenses. Cependant, en fin de compte, il est temps de changer notre nation.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole ce soir, pour traiter de cette résolution qui reconnaît que le Québec est une société distincte de par sa majorité d'expression française, sa culture et son régime de droit civil.

Il y a environ un mois, le référendum au Québec a amené notre pays au bord du gouffre. Lorsque je faisais campagne au Québec pendant la campagne référendaire, il me semblait, lorsque je m'entretenais avec des Québécois et que je songeais à ce qui se passait là-bas, que nous avions terriblement du mal à nous comprendre les uns les autres au Canada. Il me semblait que les gens de l'extérieur du Québec ne comprenaient pas bien les préoccupations des Québécois et à quel point ceux-ci désiraient sincèrement préserver leur langue et leur culture dans l'immense mer d'anglophones qu'est l'Amérique du Nord. Étant donné l'immense région anglophone qui entoure le Québec, et qui comprend les États-Unis et le reste du Canada, les préoccupations des Québécois sont très sérieuses.

J'ai constaté que certains Québécois francophones ne comprenaient pas bien le point de vue des gens de l'extérieur du Québec et leur amour pour le Québec, et qu'ils ne comprenaient pas bien non plus la réaction éventuelle du reste du Canada à un vote pour le oui au Québec. Les conséquences en auraient été très graves pour nous tous. Les députés du Bloc n'ont certainement pas su le reconnaître non plus.

Cela me rappelle que nous avons presque perdu un pays magnifique.

(2120)

Nous devons nous rappeler que le Canada jouit d'une réputation importante dans le monde. Elle suscite beaucoup de respect. Pourquoi? On nous respecte parce que nous faisons et maintenons la paix partout dans le monde. On nous respecte parce que nous donnons au monde l'exemple de gens qui vivent en paix malgré leurs différences. C'est un exemple magnifique et on nous respecte beaucoup parce que nous avons l'art de faire des compromis.

Il y a deux semaines, je regardais à la télévision Allison Smith interviewer l'auteur israélien Amos Oz qui vient de recevoir un prix. Il était intéressant de l'entendre parler de son oeuvre. Dans ses romans, il tente toujours de réunir les Palestiniens et les Israéliens.

Il parlait de la nécessité de faire des compromis et d'élaborer des solutions dans son pays. Il citait l'exemple des Israéliens et des Palestiniens. Il a fait remarquer que les Israéliens ont toujours considéré que le territoire qui se trouve sur la rive occidentale était très important pour leur pays et faisait partie d'eux-mêmes. Ils jugent essentiel que ce territoire fasse partie de leur pays. Par contre, les Palestiniens croient qu'il leur faut absolument ce territoire, qu'il leur est indispensable et qu'il fait partie d'eux-mêmes.

Comme M. Oz l'a souligné, nous avons souvent l'impression que, si nous discutons, nous pouvons régler ce genre de difficultés. Il n'y avait pas un manque de compréhension de la part de ces deux peuples. Ils se comprenaient, mais le problème, c'est qu'ils voulaient tous deux la même chose. Il y a donc eu une impasse et un conflit.

L'auteur a bien fait remarquer que, lorsqu'on se rend compte qu'il y a un conflit, un jour ou l'autre, on arrive à la conclusion que la seule façon logique et rationnelle de le régler, c'est de faire un compromis. Comme il l'a dit, le compromis, c'est la vie et la vie, c'est le compromis.


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Bien sûr, tous ceux qui sont mariés savent que c'est vrai, car la vie est remplie de compromis. Comment un mariage peut-il exister sans compromis? C'est une partie essentielle d'un bon mariage. Le compromis permet de vivre malgré les différences.

Au Canada, nous devons reconnaître que nous avons des points de vue différents et que nous devons faire des compromis entre tous ces points de vue.

Par exemple, certains sont d'avis qu'au Canada, nous avons deux groupes linguistiques qui sont des peuples fondateurs. Par ailleurs, d'autres laissent entendre que nous avons dix provinces fondatrices égales. Ce sont deux points de vue différents. Entre les deux, il faut trouver un terrain d'entente.

[Français]

Nous connaissons l'histoire des Maritimes. En 1867, les deux grandes provinces qui faisaient partie de la Confédération, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, se sont unies avec le Québec et l'Ontario, mais la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick avaient une économie très importante en ce temps-là. Leur économie était plus forte que celle des autres provinces, comme l'Ontario et le Québec, en ce temps-là. Alors, il est évident que de notre point de vue, en Nouvelle-Écosse, par exemple, c'était un accord entre provinces égales, entre partenaires égaux.

Mais, quand même, il faut comprendre l'histoire du Bas-Canada et du Haut-Canada, l'Ontario et le Québec, où on retrouvait les deux grands groupes linguistiques. Ces groupes se sont mis ensemble pour créer ce pays. Ces deux aspects sont une partie de la réalité. Ce n'est pas l'un ou l'autre qui représente la réalité, ce sont les deux. Mais il y a une différente compréhension du pays et c'est difficile, parfois, pour ceux qui en ont une certaine compréhension, de comprendre l'autre point de vue.

[Traduction]

Je voudrais parler un instant du terme « distinct » qui figure dans la motion à l'étude. Selon la définition qu'en donne le Concise Oxford Dictionary, c'est un adjectif qui a trois significations différentes:

1.a. non identique; séparé; individuel. b. différent en nature et en qualité; pas semblable. 2.a. qui se perçoit nettement; évident. b. clairement compréhensible; bien déterminé. 3. qu'on ne peut pas ne pas reconnaître, marqué.
Beaucoup de francophones ne se rendent pas compte qu'en anglais, le terme «distinct» s'entend souvent au sens de «distingué», ce qui évoque une certaine supériorité ou un niveau élevé. Quand on parle d'une personne distinguée, on parle d'une personne qui a atteint un niveau élevé dans la vie. Cela, dans le passé, a créé un problème au Canada.

(2125)

[Français]

J'en viens au mot «distinct» et à la difficulté de faire comprendre aux deux côtés, aux anglophones et aux francophones, la différence de cette définition. C'est un problème que j'ai vu quand j'ai visité le Québec. J'ai parlé avec certains étudiants à Saint-Jovite et une jeune fille m'a dit: «Pourquoi les anglophones ne vont pas chercher un dictionnaire français pour vérifier la définition du mot «distinct» en français? Les dictionnaires parlent de «différent», ils ne suggèrent pas du tout une supériorité».

Mais quand même, chez moi, en Nouvelle-Écosse, dans ma circonscription de Halifax-Ouest, quand je parle avec les gens, ils disent: «Pourquoi les francophones ne veulent pas considérer la définition et le sens du mot «distinct» qui, en anglais, a un sens différent.»

On voit que c'est difficile de considérer le point de vue de l'autre et vice versa. C'est toujours difficile. Mais on voit, avec ces différents points de vue, que la réponse n'est pas de se séparer, mais de communiquer et de trouver un compromis.

[Traduction]

Chaque fois qu'on se trouve dans une impasse, la seule solution est d'en arriver à un compromis. Un tel compromis existe dans les mesures que nous avons proposées cette semaine. Par exemple, nous savons que le Québec voulait obtenir pour lui-même un droit de veto sur les changements constitutionnels. Dans le système régissant la solution que le gouvernement fédéral propose à ce problème, nous offrons un droit de veto à quatre régions, et non pas seulement au Québec. Nous avons également reconnu dans cette résolution que le Québec constitue une société distincte en raison de sa culture, de sa langue et de son code civil. Il s'agit d'un important compromis pour le pays. Prises ensemble, ces mesures forment une importante position de compromis qui nous aidera à faire le pont avec la conférence constitutionnelle de 1997.

Il ne s'agit pas d'une modification à la Constitution, mais ces mesures n'empêchent pas de lui en apporter. Il appartiendra aux participants à la conférence de 1997 de décider s'ils souhaitent ou non lui apporter éventuellement des modifications. Cette question est remise à plus tard.

Les habitants de ma région disent: «Réglons cela rapidement. Réglons cela de façon claire et nette et mettons cette question de côté pour le moment afin de pouvoir nous attaquer aux véritables problèmes de notre pays.»

Le Québec est-il distinct? S'il devait se séparer, il serait aussi distinct que le Mexique par rapport aux autres provinces canadiennes. Il possède une langue différente et une culture différente à bien des égards, mais non à tous égards, de ce qu'on trouve dans le reste du Canada. La langue de la majorité y est différente. Nous ne pouvons pas en dire autant à propos des autres provinces. Le Québec est nettement distinct à cet égard.

Cela rend-il le Québec supérieur? Non. Cela reconnaît-il et célèbre-t-il nos différences? Oui.

Le vice-président: Le temps de parole du député est écoulé.


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[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir à moi aussi, tout comme mes collègues du Bloc québécois, de prendre la parole aujourd'hui en cette Chambre sur la motion reconnaissant le caractère distinct du Québec.

Mais avant de prendre la parole sur la motion comme telle, je voudrais citer un court passage du Guide pratique des affaires émanant des députés qui donne la définition d'une motion. Et je cite, à la page 2, de ce guide: «L'effet recherché est le premier critère à considérer au moment de choisir entre le projet de loi et la motion. Lorsqu'elle adopte une motion»-comme c'est le cas ici-«exprimant une résolution, la Chambre émet un voeu sans engager le gouvernement à prendre une mesure ou une orientation précise.»

On émet un voeu qui n'engage pas le gouvernement à prendre une mesure ou une orientation précise. C'est important de le rappeler, c'est cela la motion vers laquelle on s'oriente. Je poursuis: «Par contre, s'il est adopté par le Parlement, un projet de loi peut-être lourd de conséquence, et pour le gouvernement, et pour le public.»

Mais on n'a pas à se faire de peur, ce n'est pas un projet de loi, c'est une motion, c'est-à-dire un voeu qui n'engage pas le gouvernement à prendre ni une mesure, ni une orientation. Autrement dit, ce n'est pas grand-chose.

Je voudrais aussi rappeler qu'en cette Chambre, le 13 décembre de l'année dernière, une motion a été adoptée qui se lit comme suit: «Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement reconnaisse officiellement la contribution historique des Patriotes du Bas-Canada et des Réformistes du Haut-Canada à l'établissement d'un gouvernement démocratique et responsable.»

(2130)

Elle fut adoptée le 13 décembre passé. Que s'est-il passé depuis ce temps concernant cette motion? Absolument rien, parce qu'il s'agissait d'un voeu qui n'engageait pas le gouvernement.

Je voudrais vous rappeler également qu'on a adopté une motion reconnaissant le hockey comme sport national d'hiver, et la crosse comme sport national d'été. Que s'est-il passé depuis ce temps? On a aboli complètement à zéro le budget de l'équipe nationale de crosse au Canada. Qu'est-ce que ça veut dire, une motion? Absolument rien.

Mais en plus de ne vouloir rien dire, on la contredit en partant, parce que, dans cette motion, on peut y lire, et je cite:

Que [. . .] la Chambre reconnaisse que la société distincte comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;
«Une culture qui est unique». Dès cet après-midi, ma collègue de Rimouski-Témiscouata posait une question au premier ministre, et je la lis:

Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Hier, des députés ministériels siégeant au Comité du patrimoine affirmaient qu'il n'y avait pas de culture québécoise. . .
On dit qu'au Québec il y a une culture unique. Unique veut dire qu'elle est juste au Québec, je pense.

Donc, des députés ministériels affirmaient qu'il n'y avait pas de culture québécoise, qu'il n'y avait qu'une seule et une grande culture canadienne. Il me semble que cela va à l'encontre de la motion sur laquelle ces mêmes députés vont voter.

La réponse du premier ministre:

Monsieur le Président, il y a une culture française au Canada, qui est une culture canadienne.
Il y a une seule culture au Canada, c'est une culture canadienne. Ce sont les mots du premier ministre. Cette motion, proposée par le premier ministre lui-même et appuyée par la vice-première ministre, dit qu'il y a une culture unique au Québec. Et on dit dans cette même motion:

Que [. . .] la Chambre incite tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre note. . .
-ce n'est pas grand-chose, ça, «prendre note»-

. . .de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence.
Qu'a fait le premier ministre cet après-midi? Le contraire. Le contraire de quoi? D'une motion qui ne veut pas dire grand-chose. Sommes-nous en mesure de douter? Je vous laisse y répondre, monsieur le Président.

Cependant, pendant la campagne référendaire, le premier ministre a, à maintes occasions, affirmé qu'il ne voulait absolument pas parler de Constitution, mais plutôt des vrais problèmes, soit la création d'emplois et la réduction du déficit. Pourquoi en sommes-nous rendus aujourd'hui à parler de cette motion? C'est parce qu'ils ont eu peur. Ils ont regardé les sondages et ils ont constaté qu'ils étaient en train de perdre. Donc, devant la montée du oui dans les sondages d'opinion en fin de campagne, et placé devant la possibilité d'une défaite référendaire, le premier ministre a subitement décidé de changer d'idée. Il en a donc résulté la mise sur pied d'une opération trompe-l'oeil qui a consisté à faire croire à la population québécoise que le gouvernement fédéral s'engageait à apporter des changements importants au régime fédéral actuel après un non hypothétique.

Étant donné que cette manoeuvre a été improvisée du début à la fin, cela s'est évidemment reflété par des propos ambigus et vides de sens du premier ministre canadien lors des derniers jours de la campagne référendaire. Ainsi, le 24 octobre dernier à Verdun, il affirmait ce qui suit, et je le cite: «Les Québécois veulent voir le Québec reconnu au sein du Canada comme une société distincte par sa langue, sa culture et ses institutions. Je l'ai dit et je le répète, je suis d'accord.» Cependant, aujourd'hui, il nous a dit qu'il n'y a qu'une culture au Canada, alors que sa motion nous dit qu'il y a une culture distincte au Québec. Mais ce n'est pas grave, il a le droit d'être mêlé.

De même, le gouvernement libéral s'est senti pressé de concrétiser ses vagues promesses de changement du régime fédéral à la suite de la très courte victoire du non le 30 octobre dernier.


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(2135)

Pour y arriver, il a mis sur pied deux comités bidon, dont l'un sous la présidence du ministre des Affaires intergouvernementales. Son but: sauver le Canada. Belle petite mission.

Mais avant même d'obtenir les conclusions de ce comité, le premier ministre annonçait en catastrophe, le 29 novembre dernier, trois initiatives visant à répondre à la volonté de changement de la très grande majorité québécoise.

Au chapitre de la reconnaissance du Québec comme société distincte, on constate que ce n'est guère édifiant, malheureusement. Mais avant d'aller plus loin, permettez-moi de lire le texte de la motion:

Attendu que le peuple du Québec a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme,
(1) la Chambre reconnaisse que le Québec forme au sein du Canada une société distincte;
(2) la Chambre reconnaisse que la société distincte comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;
Peut-être que je ne suis pas bon en français, mais «culture qui est unique», cela veut dire qu'elle n'est pas comme les autres.

(3) la Chambre s'engage à se laisser guider par cette réalité;
(4) la Chambre incite tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence.
C'est-à-dire que c'est à l'envers de ce qu'on a fait cet après-midi, de ne pas reconnaître cette motion.

À la lecture de cette motion, on constate que celle-ci n'est qu'une simple reconnaissance de la réalité du Québec d'aujourd'hui. C'est une constatation mathématique, ce n'est pas plus compliqué que cela.

Nulle part à l'intérieur de ce texte fait-on mention de pouvoirs additionnels dévolus au Québec. Même le ministre nous dit que ça ne donne pas de pouvoir pour le Québec. Il est franc.

Cette motion n'est qu'une coquille vide, une simple reconnaissance symbolique de ce que nous savons déjà, soit que nous sommes différents du reste du Canada. Cela, même le premier ministre l'a dit.

Nous nous retrouvons donc en face du fait suivant: la reconnaissance du caractère distinct du Québec, telle que proposée actuellement par le gouvernement libéral, se situe très loin, à des années-lumières de ce qui déjà été proposé dans le passé à ce sujet.

En effet, lors des négociations fédérales-provinciales de 1986-1987 concernant l'adhésion dans l'honneur et l'enthousiasme du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982, le Parti libéral du Québec exigeait, par le biais de son programme politique de juin 1985-1986, ce qui suit. Ici je m'adresse aux libéraux du Québec qui ont une carte de membre du Parti libéral dans leurs poches: «Qu'un gouvernement libéral réclame l'inscription, dans un préambule de la nouvelle Constitution, d'un énoncé reconnaissant explicitement le Québec comme foyer d'une société distincte et pierre d'assise de l'élément francophone de la dualité canadienne.»

Ce ne sont pas des méchants séparatistes qui ont écrit cela dans leur programme séparatiste, c'est le Parti libéral du Québec.

Ces propositions du Parti libéral du Québec ont mené à ce qu'il a été convenu d'appeler l'Accord du lac Meech. Bien que la portée du concept de société distincte contenu dans l'Accord du lac Meech n'avait pas de très grande valeur, il avait au moins le mérite d'être enchâssé dans la Constitution canadienne. De plus, la clause sur la société distincte était interprétative, ce qui faisait en sorte que les dispositions de la Constitution canadienne devaient être interprétées, entre autres, à la lumière de celle-ci. Nous sommes donc, avec la motion sur la société distincte d'aujourd'hui, très loin de ce qui avait été accepté dans le cadre de l'Accord du lac Meech. Il y avait un minimum de pouvoirs interprétatifs là-dedans. Aujourd'hui, il n'y en a aucun.

Aujourd'hui, rien de tel n'est proposé, et en plus on s'illusionne du côté ministériel à penser que les Québécoises et les Québécois vont accepter avec le sourire une proposition et une démarche aussi ridicules, et je pèse mes mots.

(2140)

Mais où étaient les gens du gouvernement libéral quand la population du Québec a presque dit oui à la souveraineté du Québec le 30 octobre dernier, à 49,4 p. 100? Le premier ministre et ses acolytes croient-ils réellement que la population québécoise va se contenter de cette bouillie pour les chats lorsqu'elle est venue à un cheveu de se donner un pays avec le plein contrôle sur l'ensemble de ses pouvoirs? Non. Que le gouvernement fédéral arrête de se conter ses histoires. Qu'il regarde la réalité en face.

Ce n'est pas une société distincte qui habite le Québec, c'est un peuple, le peuple québécois. Les Québécois et les Québécoises le savent déjà, et c'est pour cette raison qu'ils ne se reconnaissent pas dans le concept vide de sens qu'est la société distincte. Si nous pouvons tirer une leçon du référendum du 30 octobre dernier, c'est que le peuple québécois est en route vers sa souveraineté.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, c'est un plaisir en même temps qu'une nécessité que d'intervenir sur cette motion dont mon collègue a précédemment bien décrit la nature, un voeu de la Chambre des communes sur le Québec société distincte.

Il y a dans ce pays, le Canada, depuis longtemps, une profonde mésentente sur la nature supposée de cette province de Québec. Le Québec n'est pas une province comme les autres. C'est un peuple, une nation. C'est un peuple, une nation forgée par l'histoire, mixte dans sa société, métissée avec les autochtones, les nombreux immigrants qui sont venus la transformer et se transformer à son contact, l'enrichir, s'imprégner de son empreinte.

Le Québec n'est pas une province comme les autres, et aussi longtemps que ce fait ne sera pas reconnu autrement que par une motion sur la société distincte ou un quelconque accord de Charlottetown sur une société aussi falotement distincte, il n'y aura pas d'autre choix pour les Québécoises et Québécois que de travailler à


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faire en sorte que, lors du prochain référendum, le résultat ne soit pas 49,4 p. 100, qui est une courte défaite ou une courte victoire, mais bien un résultat largement majoritaire.

Je le souhaite vivement non seulement pour le Québec, mais je le souhaite vivement pour le Canada qui, aussi longtemps que cette question qui le hante ne sera pas tranchée, ne pourra pas se regarder lui-même avec ses atouts et ses problèmes, et diriger l'orientation de son économie, de son histoire, dans le sens qui sera le plus avantageux pour les Canadiens.

Nous prétendons au Québec, et nous allons continuer de prétendre, que le meilleur pour le Québec et pour le Canada serait de convenir d'un partenariat.

(2145)

Nous savons que le résultat que nous venons d'obtenir au référendum ne permet pas de négocier immédiatement ce partenariat. Nous voulons dire de toutes nos forces qu'on ne peut pas penser, au Canada, qu'avec des symboles aussi falots, aussi faibles, aussi petits qu'une motion sur la société distincte, on ne va pas faire quoi que ce soit pour avancer, ne serait que d'un iota, dans la résolution du problème, qui n'est pas que le problème du Québec, mais aussi celui du Canada.

Mes jeunes années, qui sont, il faut l'avouer, loin derrière moi, ont été consacrées à l'histoire. L'histoire est une quête passionnée de la compréhension de ce qui fait les peuples et les nations. Le peuple québécois, la nation québécoise a franchi un long chemin depuis cette première phase de l'immigration française en terre de Canada, qui est un nom autochtone. Cette immigration française a été rapidement métissée.

Je n'ai qu'à parler du régiment de Carignan-Salières, dont les soldats étaient nombreux, des mercenaires de tous les pays d'Europe, qui se sont installés ici et qui vont faire que quand la Conquête anglaise ne laissera d'autres choix à la population d'ici que de se plier au conquérant, ce métissage va expliquer que tous les historiens qui ont étudié cette histoire disent qu'à cette époque même, les Canadiens, les «Canayens», seraient devenus relativement à court terme, comme les Américains, ex-colons anglais, autonomes et indépendants dans un pays qui se serait appelé autrement.

La fortune, si on peut s'exprimer ainsi, que fut la conquête anglaise, fit en sorte qu'il y a eu colonie dans la colonie et que depuis toutes ces années, le Québec, au travers d'une histoire compliquée, mais en même temps claire et unilatérale, a fini par s'imposer comme peuple et comme nation de plus en plus. Et de plus en plus clairement et certainement depuis 1960, où, au terme d'une période où une bourgeoisie d'affaires et économique s'était reconstituée depuis 1760, où toute une population jeune s'est exprimée dans un cri qui se retrouvait dans le «Maîtres chez nous», dans «Égalité ou indépendance» qui s'exprimait, soit par le Ralliement pour l'indépendance du Québec, le RIN, ou même le FLQ, a fait en sorte que ce peuple, qui existait déjà, s'est exprimé à lui-même. Le général de Gaulle n'a pas nui quand il s'est exprimé, du haut du balcon, en disant: «Vive le Québec libre!»

L'histoire du Québec est passée par la prise de pouvoir du Parti québécois, par l'échec de ce premier référendum, douloureux échec pour ceux qui ont travaillé si fort, mais en même temps fertile, parce que 15 ans plus tard, en 1995, ce référendum de 1980 est devenu quasi gagnant.

Dans de si brèves minutes, on ne peut pas reproduire toute la densité de cette histoire du Québec. Mais ce que je veux dire, c'est que je respecte énormément tous les Canadiens et toutes les Canadiennes que nous entendons s'exprimer ici, qui sont attachés à leur pays. Je leur dit que la seule manière dont ce pays du Canada et ce pays du Québec peuvent se développer et devenir vibrants, c'est en se reconnaissant mutuellement.

(2150)

C'est en se reconnaissant mutuellement, non pas comme une société distincte qui ne veut presque rien dire, mais en reconnaissant toute la densité, l'épaisseur, la profondeur, toute la nature profonde de ce peuple et cette nation, québécoise comme canadienne, et qu'enfin, on prépare, mutuellement et collectivement, l'avenir sur de vraies bases.

La tristesse de cette situation, c'est que malheureusement, au lieu de nous rapprocher d'un avenir auquel les Canadiennes et les Canadiens, les Québécoises et les Québécois ont droit, elle nous en éloigne, parce qu'elle semble caractériser une solution dans un voeu qui n'a absolument rien à voir avec la nature profonde, la naturelle réelle des besoins.

Je souhaite vivement que le constat que nous allons faire aide les Québécoises et les Québécois, les Canadiennes et les Canadiens à franchir le vrai pas vers leur avenir.

L'hon. Marcel Massé (président du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre chargé du Renouveau de la fonction publique, Lib.): Monsieur le Président, c'est un grand honneur pour moi d'appuyer la motion qui est devant nous aujourd'hui.

Je suis Québécois, et c'est d'abord à ce titre que je m'associe à la présente motion. Je le fais parce qu'elle correspond aux intérêts du Québec et aussi parce qu'elle ouvre la voie à un partenariat renouvelé pour l'ensemble du Canada.

Les pays de rêve n'existent pas, sauf dans l'imagination de certaines personnes et le Canada n'est pas parfait, nous en convenons tous. Le Canada doit changer. Il doit changer pour mieux refléter sa propre réalité.

[Traduction]

Quelle est cette réalité? Celle d'un vaste pays habité par une population clairsemée et diverse. Celle d'un pays où les identités régionales s'expriment avec force. Celle d'un pays où les francophones sont concentrés dans un province, mais où un million d'autres sont répartis sur tout le reste du territoire.

[Français]

Voilà la réalité canadienne. Elle doit non seulement être prise en compte et reconnue, il faut en plus que nos institutions la reflètent si nous voulons que ce pays fonctionne et réalise son potentiel.

[Traduction]

Le 30 octobre, les Québécois nous ont envoyé un double message très clair. Tout en réaffirmant leur attachement au Canada, ils ont dit


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qu'ils voulaient que le Canada change rapidement dans le sens de leurs aspirations. Nous devons savoir comment interpréter ce message. Il ne suffit pas d'en prendre note. Il faut y répondre de façon concrète, sans quoi notre pays est voué à l'échec.

Comme le premier ministre l'a si bien dit lorsque la motion a été déposée, les résultats du référendum nous ont montré qu'il ne fallait pas tenir le Canada pour acquis. C'est dans ce contexte que le premier ministre a pris trois engagements fermes au nom du gouvernement canadien au cours de la campagne référendaire. Ces trois engagements sont les suivants: reconnaître que le Québec forme une société distincte à l'intérieur du Canada; s'abstenir de faire des modifications constitutionnelles touchant le Québec sans l'accord des Québécois et enfin apporter des changements pour rapprocher les citoyens des services et de la prise de décisions.

[Français]

Le temps est venu maintenant de remplir ces engagements, le temps est à l'action. La motion qui est devant cette Chambre amorce l'aboutissement concret des engagements pris par le premier ministre. En la soumettant aux députés de façon aussi diligente, le gouvernement démontre qu'il ne s'est pas engagé à la légère. Il démontre à quel point cette question est importante, non seulement pour le Québec, mais aussi pour l'ensemble du Canada.

(2155)

[Traduction]

Pourquoi les Québécois veulent-ils être reconnus comme membres d'une société distincte? Les raisons sont évidentes. Le Québec est le foyer de la majorité d'expression française, d'une culture unique et d'une tradition civiliste. Le Québec a été bâti sur ces éléments essentiels pendant plus de trois siècles. Reconnaître ce fait, ce n'est pas seulement prendre acte d'une réalité, c'est aussi convenir que ces caractéristiques de la société québécoise doivent être préservés et encouragés dans un contexte où le Québec doit coexister en Amérique du Nord avec une population d'environ 300 millions d'anglophones.

Adopter cette motion, c'est reconnaître que le caractère français du Québec doit être protégé. C'est aussi affirmer que le Québec doit avoir la sécurité culturelle. C'est reconnaître la dualité linguistique qui est la nature même du Canada et contribue à sa richesse culturelle et sociale.

[Français]

En reconnaissant le caractère distinct du Québec et en reconnaissant que la définition de société distincte dans la présente résolution n'est pas exhaustive, cette Chambre s'engagera à se laisser guider par cette réalité. Elle engagera les organismes législatifs et exécutifs du gouvernement à intégrer cette reconnaissance dans l'ensemble de leurs activités et de leurs décisions. C'est dire que cette résolution aura un impact réel sur la manière dont seront adoptées les lois de cette Chambre et dont seront prises les décisions des ministères et agences du gouvernement.

Mais il y a plus. La motion qui est devant nous aujourd'hui fait partie d'un ensemble de gestes du gouvernement. Le premier ministre s'est aussi engagé, durant la campagne référendaire, à ne procéder à aucun changement constitutionnel sans le consentement du Québec. Cet engagement est reflété dans le projet de loi déposé récemment par le ministre de la Justice concernant le droit de veto régional. Ce projet de loi exigera le consentement du Québec et des autres régions du Canada à toute modification constitutionnelle que pourrait présenter le gouvernement du Canada.

[Traduction]

L'objet de la motion est clair. Il consiste à protéger le Québec contre des amendements qui pourraient réduire les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec. Le gouvernement du Canada reconnaît ainsi que le gouvernement du Québec, en tant que seul gouvernement représentant une majorité francophone en Amérique du Nord, a un rôle crucial à jouer dans l'évolution du Canada.

[Français]

Nous sommes très loin de la coquille vide qu'ont évoquée les séparatistes au cours des derniers jours. Par ce projet de loi, le gouvernement fédéral renforce les régions, et particulièrement le Québec. Il constitue à nos yeux un premier pas vers un fédéralisme plus souple et plus efficace.

[Traduction]

On aurait tort de prétendre que le seul objet de la motion est de répondre aux aspirations du Québec. Le Canada n'est pas un creuset et ne l'a jamais été. Nous avons ici des propositions qui illustrent bien la nature profonde du Canada. Nous nous devons de préserver non seulement notre unité nationale, mais aussi l'harmonie et l'efficacité de nos institutions.

J'ai suivi le débat avec beaucoup d'intérêt. J'ai entendu les réserves qui ont été exprimées par l'opposition officielle et qui n'avaient rien de bien surprenant. J'ai aussi entendu les réserves d'autres députés qui prétendent défendre le Canada tout en s'opposant à cette motion. Je voudrais dire à ces députés qu'il est facile de critiquer lorsque la crise est passée. Toutefois, que diront ceux qui s'opposent à la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui lorsque les séparatistes lanceront une nouvelle attaque? Je les invite à répondre à cette question dès maintenant, avant qu'il ne soit trop tard.

Le Canada est une fédération de partenaires. C'est en préservant cet esprit de partenariat et de collaboration et en reconnaissant les différences de ses habitants et les objectifs qu'ils ont en commun que notre pays parviendra à croître et à prospérer. La motion d'aujourd'hui porte justement sur le concept du partenariat. Le Canada auquel nous aspirons tous est un pays où chaque région possède ses propres caractéristiques et la liberté de les exprimer. Voilà l'essence même de la motion.

(2200)

Une fédération n'est pas un regroupement de partenaires égaux. L'objectif d'une fédération est de reconnaître et d'accepter les différences des diverses régions au sein d'un même pays. Sinon, il faut parler d'un État unitaire, ce que n'est pas notre pays, puisque nous avons commencé avec un groupe de gens qui étaient différents et que nous avons fondé un régime de gouvernement capable d'accepter ces différences. Il est bien malheureux que nous ayons


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désormais au Canada un parti qui n'admet pas que ces différences font partie intégrante de la richesse de notre pays.

[Français]

La motion dont nous débattons aujourd'hui a précisément trait à cette notion de partenariat. Le Canada que nous voulons tous, c'est un pays où chaque région possède son génie propre et la latitude nécessaire pour le déployer. C'est l'essence même de ce qui se trouve dans cette motion.

Les Canadiens souhaitent un pays uni. Ils sont ouverts aux changements susceptibles d'assurer son unité et son épanouissement. J'en veux pour preuve les résolutions reconnaissant le caractère distinct du Québec adoptées récemment par les assemblées législatives de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve.

Je suis persuadé que la majorité des Québécois et des Canadiens se reconnaissent dans cette motion, et je soumets humblement à l'opposition officielle ainsi qu'au gouvernement du Québec qu'ils ont tort de rejeter celle-ci.

Bien sûr, les séparatistes ne peuvent accepter des propositions qui ont pour objet de faire mieux fonctionner le Canada. Cette attitude est antidémocratique parce qu'elle nie d'abord les résultats du référendum. Ensuite, elle condamne le Québec à l'immobilisme et au rejet de toute amélioration au système. Et en cela, elle est en contradiction avec ce que souhaite la majorité des Québécois.

Nous ne nous faisons pas d'illusion, le gouvernement du Québec étant voué uniquement à son option, nous ne nous engagerons pas dans des pourparlers constitutionnels qui, dès le départ, seraient voués à l'échec. Mais cela ne nous empêche pas d'agir aujourd'hui dans le sens de ce que souhaitent les Québécois et l'ensemble des Canadiens. Mais il va de soi que si le Québec et les autres régions du pays y consentent, le gouvernement sera ouvert à constitutionnaliser les changements contenus dans cette motion.

[Traduction]

Tous les députés ont l'occasion, en votant en faveur de cette motion, de reconnaître la nature même du Canada: un pays diversifié, un pays ouvert, un pays qui a toujours fondé son essor sur la reconnaissance et la préservation des différences de ces régions.

[Français]

Car au-delà de ces différences, il y a les valeurs et les objectifs communs que nous nous sommes toujours fixés comme Canadiens, où que nous soyons dans ce pays: la liberté, la tolérance, la création et la distribution de la richesse pour les individus et les régions.

Les prochains mois et les prochaines années nous donneront sûrement l'occasion de montrer concrètement que nous allons bien au-delà des principes et des voeux pieux.

[Traduction]

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir exprimer ce que m'ont dit des électeurs de ma circonscription qui ont suivi le processus et qui y ont participé avec nous tous ou avec la plupart d'entre nous-car nous savons que certains députés et partis à la Chambre n'y ont pas participé-afin de tendre la main au Québec et de faire en sorte que, dans l'unité, notre pays poursuive son objectif et son engagement à préserver ce pays qui fait l'envie du monde entier.

(2205)

Je voudrais remercier publiquement les habitants de la circonscription de Prince Edward-Hastings qui ont fait un long voyage en autocar pour pouvoir être à Montréal le 27 octobre, pour tendre la main aux Québécois et pour leur dire encore une fois que leur Canada comprend le Québec. Je sais que ces efforts étaient bien intentionnés et qu'ils ont été très utiles. Je veux remercier ces gens d'avoir fait cet effort supplémentaire et je veux remercier les particuliers et les entreprises de ma circonscription qui ont rendu cette journée possible, à un moment critique pour l'avenir de notre pays.

La motion dont nous discutons est certainement la concrétisation honnête et réfléchie d'un engagement important que le premier ministre a pris envers les Québécois durant la campagne référendaire. En tant que Canadiens, nous avons de la chance que notre premier ministre agisse avec une intégrité et une sincérité indéniables et que, lorsqu'il nous fait une promesse, il la tienne.

Comme nous le savons, le train de mesures qui vise à assurer l'unité et qui a été présenté à la Chambre et aux Canadiens de chaque province comporte trois volets: la reconnaissance de ce que le Québec, au sein du Canada, forme une société distincte; l'engagement à ne pas procéder à des modifications constitutionnelles qui ont des répercussions sur le Québec sans le consentement des Québécois; et l'engagement à rapprocher les services et le processus décisionnel des citoyens, tout d'abord dans le secteur de la formation de la main-d'oeuvre.

Il faut du leadership pour présenter ce genre de mesures aux Canadiens et à la Chambre, et c'est certainement de cela dont nous avons besoin aujourd'hui pour panser toutes nos blessures et pour pouvoir progresser ensemble à titre de Canadiens. Cette motion, de même que le projet de loi sur le droit de veto et les autres initiatives de la chambre en matière de formation de la main-d'oeuvre constituent certainement une manifestation non équivoque de la réconciliation nationale.

La motion qui répond aux préoccupations légitimes des Québécois en ce qui concerne notre reconnaissance du caractère distinct de la société québécoise n'est que la reconnaissance de la réalité telle qu'elle est.

Si on analyse la deuxième partie de la motion, on constate qu'il est dit très clairement que le Québec comprend une majorité d'ex-


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pression française. C'est une réalité. La motion stipule que le Québec a une culture unique. C'est une réalité. Et elle dit que le Québec est régi par une tradition de droit civil, et c'est aussi une réalité.

Cette motion ne confère pas de statut spécial à la population du Québec. Elle ne fait que reconnaître ce que nous répétons tous les jours, à savoir que notre pays se compose de plusieurs cultures. Cependant, le Québec comprend 6 millions de francophones qui ont une culture unique, différente de celle d'un grand nombre d'entre nous.

La motion leur donne l'assurance que le gouvernement fédéral sera guidé par la reconnaissance de ce caractère distinct et que le premier ministre et son gouvernement s'engagent avec joie à inclure cette notion dans la Constitution dès que les provinces, y compris le Québec, voudront bien adopter une résolution à cet effet.

Où que nous soyons, dans nos circonscriptions, au sein d'un organisme particulier ou même à la Chambre, nous savons qu'il y a des différences, que des gens pensent différemment; mais l'important, que ce soit dans notre famille, notre circonscription, notre province, notre municipalité ou à la Chambre, c'est que l'on doit reconnaître et respecter nos différences.

(2210)

Nous avons peut-être parfois des divergences d'opinion, mais le seul moyen pour une famille de s'en sortir, que cette famille soit la Chambre des communes ou tout le Canada, c'est d'avancer en un seul bloc. Nous sommes plus forts lorsque nous tirons tous dans la même direction. La plupart des Canadiens doivent certainement être déçus lorsqu'ils voient à la Chambre des communes un parti politique qui veut séparer le Québec du Canada et un autre qui affirme très clairement qu'il serait très heureux, et pas du tout bouleversé, que le Canada se passe un jour du Québec.

Ceux qui prétendent que la motion donne des pouvoirs particuliers au Québec ou qu'elle est l'aveu du manque de souplesse de la Constitution ne s'appuient tout simplement sur rien.

Cette motion n'a aucun effet juridique, mais elle exprime certainement un important engagement de la part de nous tous, les députés, qui parlons au nom de tous les Canadiens. La motion reconnaît un fait évident sans donner aux Québécois des pouvoirs que n'ont pas les Canadiens des autres provinces.

Ce n'est pas ce que vise la motion. La Chambre des communes entend traiter tous les Canadiens également, et c'est d'ailleurs un défi pour elle. Par ailleurs, nous devons reconnaître que les Canadiens ne sont pas tous pareils puisqu'ils ne parlent pas tous la même langue, n'ont pas la même culture et, dans le cas des Québécois, le même appareil judiciaire, ceux-ci possédant un code civil propre.

Le changement peut parfaitement être inscrit dans la Constitution et le gouvernement peut parfaitement le faire. La volonté du gouvernement du Québec d'apporter ce changement à la Constitution aiderait certainement beaucoup puisque cela donnerait plus de poids à l'initiative.

Je suis déçu que l'opposition officielle et le troisième parti à la Chambre s'opposent à cette motion et refusent de reconnaître la diversité de ce merveilleux pays dont nous faisons tous partie.

La contribution négative que certains députés et certains partis à la Chambre ont apportée au débat durant la campagne référendaire a failli nous coûter notre pays. Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise de nouveau. Une telle attitude dénote un manque de logique et une étroitesse d'esprit qui sont contraires à notre caractère national.

Le Canada doit réaffirmer sa force. Nous devons unir notre peuple. C'est quelque chose que le gouvernement est prêt à faire et est en train de faire. C'est le but visé par cette motion, l'héritage de notre gouvernement et du premier ministre.

Notre pays est incroyablement riche sur le plan de la culture, des ressources, de la beauté, de la géographie et des possibilités. J'encourage tous les députés à faire ce que nous pouvons faire, individuellement et collectivement, pour rendre notre pays encore plus fort qu'il ne l'est actuellement. J'exhorte tous les députés à appuyer cette motion.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec un collègue.

En mai 1987, Pierre Trudeau a écrit une lettre ouverte aux Canadiens après la signature de l'Accord du lac Meech. Voici ce qu'il écrivait au sujet du Québec comme société distincte:

La vraie question [. . .] est de savoir si les Canadiens français qui vivent au Québec ont besoin d'un gouvernement provincial ayant plus de pouvoirs que ceux des autres provinces. Je crois qu'une réponse affirmative serait une insulte pour nous. [. . .] La nouvelle génération n'a que faire de cette mentalité d'assiégé dans laquelle l'élite des jours passés se réfugiait. [. . .] Les jeunes n'éprouvent pas de complexe d'infériorité et ils se sentent bien débarrassés de l'époque où nous n'osions pas nous mesurer aux «autres» sans craindre et trembler. Ils n'int pas besoin de béquilles. Bien au contraire, la jeune génération sait que les Québécois sont capables de jouer un rôle de leaders au Canada.
M. Trudeau croyait que la reconnaissance du Québec comme société distincte ouvrirait la voie à la souveraineté du Québec et que l'octroi de pouvoirs spéciaux au Québec sonnerait le glas du rêve canadien. Je crois qu'il avait raison.

Reconnaissez le Québec comme une société distincte, promettez de prendre les décisions en tenant compte de ce statut et les souverainistes en profiteront pour dire qu'ils sont enfin reconnus comme une société distincte, qu'une société distincte est une nation et qu'il ne leur reste plus qu'une étape à franchir.

La notion de société distincte était à la base du discours souverainiste pendant la dernière campagne référendaire et elle sera utilisée avec encore plus de force si la motion dont nous sommes saisis est adoptée.

(2215)

La promesse de dernière minute du premier ministre concernant la reconnaissance de la société distincte est le fruit d'une réaction de panique. Elle constitue un geste d'apaisement envers les souverai-


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nistes du Québec et va à l'encontre de la politique traditionnelle du Parti libéral.

Je suis d'accord avec M. Trudeau au sujet de la société distincte, mais je ne suis pas de son avis lorsqu'il affirmait que l'unité nationale reposait sur sa nouvelle Constitution et sa Charte et que ces deux documents seraient les fondements d'une fédération qui durerait mille ans.

Au contraire, en envahissant les champs de compétence des provinces, en concentrant les pouvoirs à Ottawa et en nous engageant sur la voie de l'endettement qui a conduit le Canada à la crise financière actuelle, M. Trudeau a déclenché une suite d'événements qui ont failli aboutir à la séparation le 30 octobre. Il y a autre chose qui n'aide pas, c'est le fait que notre premier ministre actuel soit si étroitement associé au rapatriement de notre Constitution, ayant été ministre des Finances à l'époque où cette crise financière a commencé.

Durant la campagne référendaire, et après, le premier ministre a mené la stratégie fédérale en promettant pratiquement le statu quo, même si le Québec demande depuis 1920 que le gouvernement fédéral se retire des champs de compétence provinciaux. Le premier ministre annonce maintenant qu'il décentralise un peu le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. C'est trop peu, mais ce n'est pas encore trop tard.

Finalement, l'absence de stratégie fédérale prouve qu'on ne fait rien pour accommoder la face changeante du Canada. Le nouveau Canada est plus que deux peuples fondateurs. Notre pays a grandi et ne peut plus se résumer à deux peuples fondateurs. Nous formons un peuple de près de 30 millions de personnes, et nous continuons à croître. Nous sommes un peuple formé de 30 millions de personnes égales. Nous n'avons plus seulement deux langues, nous en avons plusieurs. Le Canada est plus que deux provinces centrales riches et peuplées. C'est un pays dont l'Ouest est en pleine expansion, avec la population pour le servir.

Dans l'ancien Canada, l'Ontario et le Québec pouvaient se permettre de ne faire aucun cas de l'arrière-pays de l'ouest. Toutefois, dans 20 ans, la Colombie-Britannique sera presque aussi peuplée que le Québec. L'Alberta et la Colombie-Britannique ont déjà les deux économies les plus fortes du pays. L'Ouest n'est pas égal qu'en théorie, il a vraiment une voix égale à celle des provinces centrales à la table des négociations.

Les libéraux semblent vivre dans le passé, dans l'ancien Canada. C'est pour cette raison que la notion de société distincte a aussi peu de succès dans l'Ouest. Si le premier ministre veut donner un statut spécial au Québec et que ce statut entraîne des pouvoirs particuliers et un traitement inégal des Canadiens, sans égard à la race, le sexe, la langue ou la culture, cette idée ne prendra pas en Colombie-Britannique et dans le reste du Canada.

C'est pourquoi nous avons proposé ces amendements. Pour qu'il soit clair comme de l'eau de roche que cela n'implique pour aucun Canadien des pouvoirs supplémentaires ou un traitement différent. S'il continue à traiter les provinces de façon inégale, il va finir par semer une pomme de discorde dans l'Ouest alors qu'elle n'existait qu'au nord de la rivière des Outaouais.

Je pense qu'il n'est pas faux de dire que tous les députés dans cette Chambre se sentent aujourd'hui la cible de pressions énormes de la part de leurs électeurs, de leurs collègues au sein de leur parti, des gouvernements provinciaux et même des générations à venir qui devront vivre en fonction de ce que nous allons décider. En un sens, ils attendent de nous que nous fassions ce qui est bon pour le Canada.

Je dois dire que je regrette ce qui se passe ici. Comme dit le proverbe, une maison divisée contre elle-même ne peut tenir. À ce point crucial de notre histoire, la Chambre des communes est divisée, non seulement entre fédéralistes et séparatistes, ce qui se comprend, mais aussi entre fédéralistes.

Le gouvernement semble prétendre avoir la science infuse en matière d'unité nationale, mais les résultats du référendum ont prouvé qu'il avait tristement tort. Si, au début de la campagne référendaire, le premier ministre avait dit au chef du Parti réformiste: «Nous représentons chacun des opinions valables. Ensemble nous pouvons établir une stratégie pour défaire les séparatistes au Québec», je pense que le chef du Parti réformiste se serait fait un plaisir de coopérer. Il semble ne pas y avoir de place pour les compromis dans les rangs libéraux.

Au lieu de cela, le premier ministre remet en question la loyauté des réformistes simplement parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le Parti libéral sur la façon de combattre les séparatistes. Bien entendu, ce n'est pas vrai, nous ne manquons pas de patriotisme. Comme la plupart des Canadiens, nous avons seulement le sentiment d'avoir été exclus du processus et nous pensons que la stratégie est mauvaise.

Quel fut donc le processus? La résolution a été présentée à la Chambre après deux jours d'avis, une heure d'avis dans le cas de la presse, et une réunion d'information pour le caucus libéral, tenue le jour même de la conférence de presse du premier ministre. Aucun autre député à la Chambre n'a eu droit à une séance d'information. Tout à été fait sans consultation publique et même sans consultation des provinces, dont plusieurs rejettent cette notion de société distincte.

Que vous le vouliez ou non, les députés du Parti réformiste représentent le point de vue bien réel de Canadiens bien réels. Les libéraux peuvent vouloir faire abstraction des députés réformistes à la Chambre, mais ils ne pourront faire abstraction des Canadiens qui ont voté pour nous. En ne tenant pas compte de la pensée réformiste, le premier ministre s'aliène de solides forces fédéralistes à l'extérieur de son petit cercle fermé. Lorsque les députés réformistes protestent, le premier ministre les réprimande comme des enfants d'école en disant que c'est honteux, qu'ils s'acoquinent avec les séparatistes, puis il offre un droit de veto constitutionnel au gouvernement séparatiste du Québec.

(2220)

Le gouvernement souhaite sincèrement sauvegarder l'unité nationale. Je n'en doute pas, mais je dis que ses tactiques sont fausses.


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Il y a, de ce côté-ci de la Chambre, certaines sagesses qui valent la peine d'être entendues.

Permettez-moi de vous lire un extrait du hansard. Lorsque j'ai demandé au premier ministre pourquoi il présentait une telle résolution, alors qu'il savait ou aurait dû savoir que l'Ouest n'accepterait jamais la notion de société distincte, son ministre de la Justice a déclaré: «Monsieur le Président, je doute que l'on puisse tenir pour acquis que le député parle au nom de la population de la Colombie-Britannique.»

Je répondrai une seule chose. Un brillant avocat de Toronto ne parle pas au nom des gens de la Colombie-Britannique. S'il veut savoir ce que pense la population de la Colombie-Britannique, il devrait se rendre dans les cafés, assister aux réunions publiques, participer aux émissions-débats, se rendre dans l'Ouest et tendre l'oreille. En écoutant, il réaliserait à quel point cette motion va creuser un fossé entre la Colombie-Britannique et le reste du Canada. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement présente cette motion.

La politique du Parti réformiste est de confronter les séparatistes québécois, que ce soit des durs ou des mous, en donnant des réponses réalistes aux questions difficiles que les souverainistes aiment glisser sous le tapis. Nous détaillerons le coût de la séparation pour les Québécois et nous nous assurerons que tous l'entendent. Un énorme pourcentage des électeurs du Québec que nous connaissons pensaient qu'ils pouvaient voter oui et continuer à bénéficier de la citoyenneté canadienne. Parce que le gouvernement fédéral n'a pas su établir le coût de la séparation, n'a pas su dire ce qui allait réellement se passer, ce qui allait arriver, nous sommes passés à un rien de la séparation le 30 octobre. C'est ce que nous devrions faire d'une part.

D'autre part, les réformistes en appelleront aux nationalistes canadiens du Québec qui représentent plus de la moitié de la population. Nous ferons cela en leur montrant exactement ce que le Canada peut modifier, comment nous pouvons remettre des programmes et des responsabilités à toutes les provinces.

Nous avons répertorié 20 domaines différents où nous pouvons agir, sans modification constitutionnelle, simplement en faisant en sorte que le gouvernement fédéral se retire de domaines de compétence provinciale. Notre stratégie consisterait d'une part à confronter les séparatistes et d'autre part à encourager le nationalisme canadien et à cultiver l'unité parmi les fédéralistes de tout le pays, en garantissant le maintien du principe d'égalité.

C'est une stratégie raisonnable, une stratégie qui fonctionnera. J'en appelle à tous les députés, je les invite à laisser tomber cette motion désastreuse de société distincte, pendant qu'il en est encore temps. Arrêtons de nous insulter lorsque nous parlons des idées des autres et nous y verrons peut-être un soupçon de vérité.

J'invite tous les fédéralistes à créer une stratégie pour tous les députés, une stratégie qui n'émane pas du Bureau du premier ministre. Il est temps que l'Ouest soit dans le tableau. Il est temps que les fédéralistes travaillent ensemble pour dire aux séparatistes québécois ce qui les attend et pour offrir une nouvelle vision d'un Canada uni.

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si je pourrais obtenir le consentement de la Chambre pour que je partage mes dix minutes de temps de parole avec le député d'Elk Insland.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Mme Ablonczy: Monsieur le Président, c'est un geste très insensé de la part du gouvernement. À mon sens, il est uniquement inspiré par des considérations d'ordre politique. Le premier ministre a bousillé la campagne référendaire et, face à une partie de la population d'une province qui menace de se séparer du pays, il veut maintenant montrer à tout prix qu'il a un plan d'action. Si c'était une idée si lumineuse, il aurait dû la mettre en oeuvre il y a deux ans, alors qu'il est maintenant contraint de se lancer à l'assaut tellement ça va mal pour lui.

Les députés d'en face ne cessent de clamer que cette mesure va unifier le pays. En vérité, cette offre de reconnaissance d'une société distincte ne fera qu'intensifier les divisions au sein du Canada. Dans les quelques minutes qu'il me reste, je vais préciser les raisons pour lesquelles j'en arrive à cette conclusion.

Premièrement, une fois qu'on a concédé que le Québec est distinct, on lui a fourni une très bonne raison de se séparer. Deuxièmement, la reconnaissance en bonne et due forme, c'est-à-dire dans la Constitution, du caractère distinctif du Québec est dénuée de sens si elle ne débouche pas sur un principe qui autorise l'interprétation de la Constitution en ce sens. Les règles de fonctionnement de notre pays seraient alors toujours interprétées de manière à traiter une province comme une entité distincte et spéciale.

(2225)

Ainsi, cette province aurait un statut particulier et des pouvoirs constitutionnels, car, si nous déclarons que, bien qu'il soit une société distincte, le Québec n'a pas plus de pouvoirs que les autres provinces, en fin de compte, il ne sera pas plus distinct que les autres. Tout le processus ne serait que de la frime, car il ne servirait pas mieux les intérêts du Québec. Les séparatistes pourraient le dénoncer comme encore un autre geste futile et le mécontentement envers le gouvernement fédéral augmenterait au lieu de diminuer.

Le plus grand danger, c'est que le fait d'accorder au Québec le statut de société distincte dans la Constitution serait presque certainement interprété comme le fait de lui accorder également un statut particulier et des pouvoirs constitutionnels. En 1987, l'ancien premier ministre Trudeau a souligné que les politiciens du Québec adopteraient la position selon laquelle «si la Constitution dit une chose, c'est qu'elle voulait dire quelque chose». Selon ce vieux principe de rédaction législative, les législateurs ne parlent pas habituellement pour ne rien dire. Cela peut se produire, mais pas lorsqu'ils rédigent des lois. Ainsi, nous devons présumer que la notion de société distincte signifie quelque chose.


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Trudeau aurait également fait observer que, si quelqu'un pense que la reconnaissance du Québec comme société distincte ne veut rien dire, «vous allez être bien étonnés».

Quiconque a étudié les interprétations qu'ont faites les tribunaux des dispositions constitutionnelles actuelles au cours des dernières années n'aura aucun mal à comprendre cela. Les Canadiens ont été stupéfaits, par exemple, lorsque nos tribunaux nous ont dit que, selon la Constitution, si une personne est extrêmement ivre lorsqu'elle tue quelqu'un, elle n'est pas coupable d'un crime.

Nous n'avons peut-être l'intention que de reconnaître un fait sociologique et historique lorsque nous amendons la Constitution pour désigner le Québec comme société distincte, mais en fin de compte, il est clair qu'il revient aux tribunaux de décider si cette disposition donne, en fait, un statut et des pouvoirs spéciaux à l'une des dix provinces, qu'elle soit insérée dans la Constitution ou dans toute autre mesure législative, comme la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Quelle importance que le Québec ait un statut et des pouvoirs spéciaux? La réponse est simple. Cela ne ferait qu'accroître les divisions au Canada.

Tout d'abord, cela irait à l'encontre du principe de l'égalité qui est fondamental pour caractériser le Canada comme une démocratie où tous les citoyens ont les mêmes droits et la même valeur. Il serait tout à fait inacceptable qu'on décide que certains Canadiens ont des droits différents ou supérieurs aux autres, une valeur différente ou plus grande. Dans le passé, nous avons condamné des sociétés qui ont cherché à fonctionner à partir de ce principe. Nous jugeons cette idée même répugnante. Allons-nous maintenant considérer qu'il est acceptable d'accorder un statut spécial à certains au Canada? Jamais.

De plus, loin d'unir les Canadiens, cette initiative les séparerait et soulignerait encore davantage les différences entre eux. Le premier ministre va essayer de nous faire croire que la décision d'accorder un statut de société distincte et un veto constitutionnel au Québec est un acte de générosité et de réconciliation.

On reconnaît depuis longtemps que les Canadiens sont tolérants et généreux. Nous ne voudrions pas être accusés d'agir autrement. Cependant, je crois que les Canadiens doivent imposer des limites raisonnables à cette générosité. Ainsi, nous devons nous demander s'il est raisonnable d'accorder à un gouvernement séparatiste bien décidé à briser notre pays un veto sur la Constitution du Canada. En fait, cela va conduire fondamentalement à restructurer le Canada pour que certains citoyens aient davantage leur mot à dire et puissent exercer un plus grand contrôle que tous les autres citoyens.

Si notre objectif est de parvenir à un Canada uni, la seule solution judicieuse consiste à s'en tenir aux questions sur lesquelles les Canadiens s'entendent plutôt que d'aborder les questions sur lesquelles ils sont divisés. La vision du Parti réformiste pour un Canada nouveau et meilleur s'appuie sur le principe fondamental d'égalité des provinces et des citoyens. C'est la seule base solide à partir de laquelle nous pouvons aller de l'avant en tant que peuple confiant et uni.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Monsieur le Président, ce soir je suis à la fois fâché et peiné. Je suis fâché parce qu'une chose qui m'est très chère, soit le pays que nous habitons, est l'objet d'une grande indifférence de la part du gouvernement. Par ailleurs, je suis aussi peiné parce que les principes mêmes de l'égalité sont violés dans la motion proposée.

(2230)

J'ai adhéré au Parti réformiste et je suis au Parlement en raison de mon engagement à l'égard du principe de l'égalité des Canadiens. Je ne comprends pas qu'un gouvernement ne voit pas que les politiques des 30 dernières années ont creusé un profond fossé au Canada. Comment les ministériels peuvent-ils conclure qu'en s'agitant davantage dans ce fossé, nous allons favoriser l'unité? Je trouve cela insensé.

Cela me met en colère. Je suis peiné parce qu'ici, au Parlement, nous ne pouvons pas débattre de la question de façon honnête et appropriée. Chaque fois que nous faisons valoir nos idées, on se borne à nous dénigrer sans qu'il soit possible de débattre honnêtement de ce genre de question et des principes qui sont en jeu.

Notre régime parlementaire ne réagit pas. Il n'y a aucun mécanisme au Parlement pour modifier la proposition dont nous sommes saisis et qui est clairement fautive. La raison, c'est que tous les députés du côté du gouvernement ne sont pas libres de parler et de voter selon leurs convictions.

Je ne peux pas croire que sur les 176 députés d'en face, pas un seul n'ait de sérieuses réserves à l'égard de cette motion. Quatre ministériels viennent de l'Alberta. Tous les députés réformistes de l'Alberta ont entendu de nombreux électeurs se plaindre des problèmes graves que soulève l'engagement des Canadiens dans ce genre de mesures. Les quatre députés libéraux de l'Alberta ont certainement entendu ces messages. S'ils ont préféré de ne pas les écouter et de ne pas les rapporter à la Chambre, à cause de cette détestable ligne de parti qui explique que la Chambre ne soit pas efficace, je suis très fâché. Cela signifie que notre régime gouvernemental archaïque ne permet pas de réagir en cas de crise majeure.

Je supplie les gens d'en face de se servir de leur intelligence, de leur jugement et de leurs convictions pour confronter le gouvernement. Seuls ces députés peuvent agir, parce que le gouvernement est majoritaire. Eux seuls peuvent sauver le Canada.

Si nous continuons à suivre le plan proposé, il est inévitable que les divisions s'accentuent entre nous. Dans cette tentative bien faible pour apaiser une province qui a des revendications légitimes, le gouvernement met en danger l'unité de tout le pays. Les ministériels agissent impunément, comme s'ils s'en moquaient.

C'est honteux. Je suis découragé. Je souhaite ardemment que les députés libéraux obéissent à leurs principes et oublient la politique qui les force à se prononcer comme on le leur dit. C'est comme cela qu'ils détruiront le pays.


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L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, pour reprendre le libellé de la résolution, nous discutons aujourd'hui de la proposition du gouvernement de reconnaître que le Québec forme au sein du Canada une société distincte.

La résolution définit cette société distincte en reconnaissant que le Québec comporte, tout d'abord, une majorité d'expression française, ce qui est certainement distinct puisque aucune autre province du Canada ne possède une telle majorité d'expression française; deuxièmement, une culture qui lui est unique puisque elle repose sur la langue française qui est également unique et distincte au Canada; et, troisièmement, un système de droit civil qu'aucune autre province ne possède. Il ne s'agit pas de traits exclusifs de la société distincte, mais simplement de ses traits marquants.

Je ferai remarquer que ces trois éléments distinctifs qui figurent dans la résolution ont été d'abord reconnus et accordés par les Britanniques dans l'acte de cession de 1763 et dans l'Acte de Québec de Ces traits distinctifs que la résolution attribue au Québec ne sont pas nouveaux. Aujourd'hui, nous ne faisons que réaffirmer ce caractère distinct d'une façon différente dans notre siècle.

(2235)

Société distincte, cela ne signifie pas supérieure, mais différente. Nous avons au Québec le droit civil. Les habitants des autres provinces ont la common law. Ni l'un ni l'autre ne sont supérieurs, mais différents. Voilà ce que signifie la clause de société distincte.

La clause de société distincte ne signifie pas un statut spécial. La Constitution comporte certaines dispositions spéciales concernant le Québec et toutes les provinces, et elles ont toutes un statut spécial d'une certaine façon, mais ce n'est pas le sens ni l'objet de la clause de société distincte.

Enfin, la clause de société distincte ne signifie pas plus de pouvoir pour le Québec. Je soutiens que ceux qui le prétendent font preuve d'un esprit malveillant, destructeur et trompeur. J'ai trouvé extrêmement blessant d'entendre les réformistes prétendre les uns après les autres que cette résolution est une modification constitutionnelle qui aura des conséquences constitutionnelles.

Les sources des pouvoirs fédéraux et provinciaux sont les Lois constitutionnelles de 1867 et de 1982, et plus précisément les articles 91 et 92 de la loi de 1867. Le seul moyen de modifier, abroger, accroître ou réduire ces pouvoirs, c'est de modifier la Constitution. C'est la seule manière.

La résolution dont la Chambre est saisie n'est pas un projet de loi. C'est une résolution. Ce n'est pas un projet de modification de la Constitution. Prétendre le contraire, c'est induire les Canadiens en erreur, et cela frise la malhonnêteté. Il s'agit d'une résolution des Communes. Ce n'est pas un projet de loi qui deviendra un jour loi. Ce n'est pas un projet de révision de la Constitution. Cette résolution ne permet aucunement d'accroître les pouvoirs du Québec, de réduire ceux du gouvernement fédéral ou d'une autre province. Le gouvernement actuel ou un autre voudront peut-être un jour, mais pas maintenant, pas au moyen de cette résolution, modifier ces pouvoirs.

Si cette résolution n'a pas pour but d'accorder un statut particulier ou de nouveaux pouvoirs, quelle est sa raison d'être? Elle vise à donner aux Québécois l'assurance que, malgré leur culture et leur droit différents, nous voulons qu'ils restent avec nous, que nous les honorons et les respectons dans leur spécificité, avec leurs différence et avec leur caractère distinct. C'est une forme d'engagement pris par le Parlement du Canada, qui représente tous les Canadiens: nous reconnaissons qu'ils sont distincts et nous voulons qu'ils restent avec nous tels qu'ils sont. Nous ne voulons pas les assimiler, ni les perdre dans la masse. Une fois adoptée, cette résolution servira aussi de guide, sans entraîner d'obligations juridiques. Elle servira simplement de guide.

À bien des égards, la résolution ressemble beaucoup à la grande manifestation qui a eu lieu à Montréal, le 27 octobre dernier. Des Canadiens de toutes les régions du pays se sont rendus à Montréal, à grands frais, pour dire qu'ils voulaient que le Québec demeure au sein de la Confédération, qu'ils respectaient les Québécois exactement comme ils sont, avec leurs différences. Cette manifestation n'a toutefois eu aucune conséquence juridique ou constitutionnelle. Elle a eu de grandes conséquences symboliques et politiques, mais aucune répercussion juridique ou constitutionnelle. On peut dire la même chose de la résolution dont nous sommes saisis aujourd'hui.

En adoptant la clause de la société distincte, nous disons au Québec que nous reconnaissons sa culture et ses institutions distinctes, qui ne font qu'enrichir le Canada. Ses conséquences sont politiques et symboliques, mais aussi extrêmement importantes, compte tenu du climat régnant dans notre pays aujourd'hui.

J'estime que cela fait du Canada un meilleur pays parce que le fait d'avoir deux langues et deux cultures lui procure un avantage sur les autres pays. Ces deux langues et cultures sont de formidables atouts, non un fardeau. Contrairement aux États-Unis, à la France, au Royaume-Uni, à l'Italie, à l'Allemagne et au Japon, qui n'ont qu'une seule langue officielle, le Canada peut faire affaire en anglais et en français, faire de la diplomatie en anglais et en français, faire de la recherche en anglais et en français, écrire des pièces de théâtre, des romans et des poèmes en anglais et en français, produire des émissions de télévision, des films et des chansons en anglais et en français. Il a de grandes universités, des bibliothèques et des centres de recherche anglais et français.

(2240)

À elle seule, cette motion ne fera pas le travail, mais avec le projet de loi sur le droit de veto, c'est un très bon début, car on donne ainsi l'assurance aux Québécois que nous les acceptons tels qu'ils sont avec les différences énoncées dans la motion et que nous voulons qu'ils restent avec nous.

J'exhorte les Canadiens et mes collègues députés à se mettre à la place des Québécois francophones un instant. Nous avons ici un îlot d'environ 8 millions de francophones dans une mer nord-américaine de quelque 350 millions d'anglophones. Mettez-vous à leur place. Inversons les langues. Disons qu'il y a 8 millions d'anglo-


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phones dans une mer de 350 millions de francophones. Les francophones estiment que cette situation met en danger leur langue et leur culture, que leur langue et leur culture propres sont menacées par l'écrasante majorité des anglophones en Amérique du Nord.

Au moment de l'adoption de l'Acte de Québec en 1774, les Québécois francophones formaient la majorité au Québec, même si celui-ci était une colonie britannique. Au moment de l'adoption de l'Acte constitutionnel de 1791, qui créait le Bas et le Haut-Canada, la population francophone du Bas-Canada était sensiblement égale à la population du Haut-Canada. Cette égalité s'est maintenue de l'Acte d'union à 1867.

Maintenant, les francophones sont majoritaires uniquement dans une province sur dix et représentent un bien faible pourcentage de la population totale. Je demande aux députés d'essayer de comprendre la situation, de se mettre à la place des Canadiens français du Québec. Essayez de comprendre pourquoi ils auraient toutes les raisons de croire que leurs institutions uniques seraient menacées dans pareille situation.

C'est pourquoi des assurances sont nécessaires, et la clause de la société distincte est justement une assurance. Je presse les députés de l'appuyer, d'y réfléchir et de l'appuyer.

Le vice-président: Chers collègues, il y a deux députés qui souhaiteraient prendre la parole. Il est prévu que nous nous arrêtions à 23 heures. Je me demande si ces deux députés accepteraient de partager leur temps de parole, à moins que nous ne décidions de ne pas voir la pendule jusqu'à ce que chacun est terminé. Est-ce que cela paraît acceptable?

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Cela irait de ne pas voir la pendule.

Le vice-président: Il est acceptable de ne pas voir la pendule.

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Je comprends que mon collègue d'Esquimalt ne puisse voir la pendule à l'heure qu'il est. Je suis certain que lui et moi serions heureux de partager le temps à notre disposition.

Malgré ce qu'ont dit certains députés de son parti qui ont déjà pris la parole et qui ont laissé entendre que nous, de ce côté-ci, nous sentions obligés de voter conformément à la ligne du parti ministériel, je puis donner à la Chambre l'assurance que, lorsque nous participons à ce débat, nous respectons le désir profond des Canadiens qui veulent que nous parlions en faveur de notre pays, de la façon dont nous comprenons celui-ci et de ce que nous tentons de réaliser. Nous avons peut-être nos divergences de vues, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que, tous ensemble, nous devons essayer de trouver ce qui est bon pour notre pays.

Comme l'a dit un grand premier ministre du Canada, sir Wilfrid Laurier, il y a de nombreuses années, les élections décident de tout et n'apportent de réponse à rien. Il en va un peu de même du référendum. Il a permis au Québec de prendre une décision, celle de rester au sein du Canada, mais il n'a pas permis de répondre à la question de savoir à quelles conditions il allait rester. Il n'a pas apporté de réponses à de nombreuses questions fondamentales sur lesquelles nous devons nous pencher, à titre de parlementaires.

Je crois sincèrement et sérieusement que l'initiative du premier ministre n'est pas une initiative constitutionnelle, mais une initiative réaliste. Elle répond aux aspirations des Québécois. Avec elle, le gouvernement fédéral et le pouvoir exécutif s'engagent solennellement à tenir compte dans leurs décisions de la culture, des caractéristiques linguistiques et de la tradition de droit civil du Québec, qui lui sont propres.

[Français]

Lorsque nous venons dans cette Chambre, nous arrivons tous avec l'expérience que nous avons en tant qu'individu et Canadien. Je suis moi-même né à Montréal, mais j'ai passé ma jeunesse en Colombie-Britannique, à Vancouver. La plupart de ma famille habite encore Vancouver.

(2245)

Je suis là régulièrement. Je me considère comme une sorte de westerner, si j'ose dire, mais j'habite maintenant à Toronto. J'ai eu l'occasion et le privilège d'enseigner à l'Université de Montréal et à l'Université McGill, donc je me considère aussi comme un Québécois.

Lorsque je regarde l'histoire du Québec depuis 1774, depuis l'Acte de Québec, depuis que nos collègues ont rejeté la formule de Lord Durham de submerger les Québécois dans un océan anglais, si je peux employer cette expression, lorsque je regarde l'histoire de mon pays, les grands Franco-Canadiens comme M. Cartier,M. Laurier, M. St. Laurent, M. Trudeau, M. Chrétien, les Québécois fédéralistes fidèles à leur peuple et qui croient que le fédéralisme est la meilleure façon de protéger l'existence de leur peuple, pourquoi peut-on dire cela?

On peut le dire parce qu'il y a une spécificité de la province de Québec. Il y a une existence québécoise différente du reste du Canada qui est déjà là, au Québec. On a la loi 101, qui protège la langue française au Québec. Il y a un contrôle de l'immigration au Québec qui est différent des autres provinces. Sur le plan international, qui m'intéresse particulièrement en tant que président du Comité permanent des affaires extérieures, on regarde le Québec, dans la francophonie, avec ses accords privilégiés avec la France, comme différent des autres provinces.

Donc, on peut dire que, dans le domaine de la protection de la culture et de la langue françaises en Amérique du Nord, pour les raisons déjà évoquées par mon collègue qui m'a précédé, il existe déjà une spécificité, une différence du Québec, une sorte de société distincte qui est déjà là. Cela est pour nous, le reste du Canada, un atout très important. Mon collègue de Glengarry-Prescott-Russell a parlé l'autre jour de la protection de la langue française hors Québec d'une façon émotive et qui m'a beaucoup persuadé que, de notre point de vue, moi, comme Ontarien, je dois protéger la spécificité et la société distincte du Québec.


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[Traduction]

Je parle en qualité d'Ontarien. Les Ontariens ou les habitants de la Colombie-Britannique peuvent-ils dire qu'il est dans leur intérêt de protéger une société distincte au Québec? Est-ce que l'existence d'une majorité francophone dans une province enrichit la vie culturelle et politique du Canada et fait de notre pays un pays différent?

La question sort de l'ordinaire et est complexe. Nous pouvons dire que ceux qui, tout à l'heure, ont dit que les habitants de la Colombie-Britannique étaient distincts ont raison. Bien sûr que c'est vrai. Nous sommes tous distincts.

Cependant, je suis de Toronto, et il faut reconnaître que notre culture ne survivra en Amérique du Nord, à la télévision nord-américaine, et elle ne résistera aux énormes pressions que nous subissons de notre voisin du sud, tant économiques et environnementales que culturelles, que si nous gardons le Québec, qui fait partie de nous, qui nous enrichit et qui nous confère un trait caractéristique. Nous, les Ontariens, sommes différents parce que nous avons la société distincte québécoise à côté de nous. Nous, les Ontariens, vivons dans un pays bilingue et biculturel qui possède deux systèmes juridiques.

Lorsque j'étais un jeune avocat, j'ai voyagé à l'extérieur du Canada. L'une de mes plus grandes expériences a été de travailler pour le Canada à des conférences internationales. Des gens me disaient: «Vous représentez un pays qui a à la fois une tradition de droit civil et une tradition de common law. Vous représentez un pays qui a des traditions gaéliques et des traditions anglo-saxonnes. Vous pouvez servir de pont dans ce nouveau monde interdépendant où nous vivons. Vous pouvez apporter au monde une contribution différente de celles Américains, des Britanniques, des Français et de tous les autres pays.» Cela, c'est justement parce que nous sommes Canadiens et parce qu'une partie de nous est formée par la société distincte qu'est le Québec. Nous n'avons pas à rejeter cela. Cela nous enrichit. Nous pouvons être ce que nous sommes parce que le Québec fait partie de nous. Nous serions plus pauvres sans cela. Nous serions appauvris si nous n'avions pas le Québec qui forme une société distincte dans le Canada.

(2250)

Si nous nous tournons vers le XXIe siècle, nous devons admettre que les Canadiens auront beaucoup de défis à relever. Que nous soyons de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, des Maritimes, de l'Ontario ou du Québec, nous devrons nous adapter à des transformations radicales. Durant ces changements, notre flexibilité et notre capacité d'adaptation tiendront précisément au fait que nous aurons été capables de partager avec nos collègues du Québec une expérience linguistique et culturelle, ce qui veut dire que nous pouvons vivre ensemble et faire du Canada un pays différent de tous les autres.

C'est pourquoi je suis en faveur de la société distincte. Je respecte l'opinion des autres, et je leur demande de respecter la nôtre. Ce n'est pas un vote politique. C'est une ferme conviction de la population.

M. Epp: Et l'inégalité?

M. Graham: Il n'est pas question d'inégalité, comme mon collègue le laisse entendre. La société distincte n'est pas un statut spécial. En reconnaissant le Québec comme une société distincte, nous ne nous diminuons pas. Au contraire, nous nous enrichissons. Il n'y a aucune notion de supériorité dans cela. Il s'agit simplement de reconnaître une différence avec laquelle nous vivons, une différence qui nous permet de nous enrichir en nous y adaptant et en l'intégrant à notre culture.

[Français]

Je sais que mon temps de parole est pratiquement expiré. Je dis qu'en tant qu'Ontarien, dans notre culture en Ontario, nous avons une communauté francophone très importante, une communauté dont la survie dépend de l'existence d'une société québécoise distincte, une société québécoise qui contribue à l'enrichissement de notre société en Ontario et qui contribue à l'existence de l'Ontario distinct des États-Unis. Donc, je dis à cette Chambre, à mes collègues dans cette Chambre, que l'existence du Canada en tant que société distincte dépend d'une reconnaissance du Québec comme une société distincte.

[Traduction]

Je vais répéter cela en anglais parce que j'en suis très convaincu. L'existence et l'avenir du Canada en tant que société distincte dépendent de notre volonté de reconnaître l'existence du Québec en tant que société distincte au sein du Canada. Ce sera notre force. Ce sera notre avenir. Ce sera l'avenir du Canada.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, l'égalité de tous est le principe fondamental d'une société démocratique. En reconnaissant le statut de société distincte à une province, la motion présentée par le gouvernement annihile et foule aux pieds le principe même de l'égalité.

Les Canadiens tiennent à ce principe, pour lequel ils ont combattu et ont donné leur vie. C'est le principe fondamental de notre pays, un principe que notre parti et les Canadiens à l'extérieur du Québec n'accepteront pas de voir détruire.

Le Canada est un flambeau d'espoir sur notre planète, l'espoir de l'égalité, de la paix et de la tolérance. Ce sont là les valeurs que défend le Canada. Pourtant, la ligne de conduite que le gouvernement adopte présentement va à l'encontre de ces valeurs et viole le principe même de l'égalité que nous défendons.

Au lieu de nous mener vers l'unité, le gouvernement nous conduit vers la désunion. En fait, le gouvernement est en train de balkaniser notre pays qui est perçu dans le monde comme le flambeau de l'espoir pour l'unité et la tolérance.

(2255)

La reconnaissance du Québec comme une société distincte n'est pas une mesure banale. Elle permet à une province d'avoir un statut spécial face aux autres provinces. C'est le premier pas vers la reconnaissance du caractère distinct dans la Constitution. Certains feront valoir qu'il s'agit d'une mesure banale et nécessaire, mais elle va néanmoins directement à l'encontre du principe de l'égalité de tous les Canadiens.

17344

Cela renforce également les droits collectifs du Québec au détriment des droits individuels des Québécois. Cela permettrait à un gouvernement provincial agressif de se soustraire à ses responsabilités et de bafouer les droits des minorités du Québec. Les déclarations faites par des dirigeants séparatistes après le référendum nous ont forcément amenés à croire que ces personnes sont racistes.

En outre, si la province de Québec était reconnue comme une société distincte, elle pourrait damer le pion à la politique fédérale en alléguant qu'elle constitue une moitié du Canada, le reste étant l'autre moitié. Elle pourrait manipuler la politique fédérale à partir de là. C'est tout à fait injuste, parce que le Canada est formé de dix provinces, et non de deux groupes.

Malheureusement, le gouvernement actuel, comme les précédents, ne cherche pas à réunir le Canada, il cherche à apaiser les protestataires. On en trouve des exemples frappants.

Le gouvernement fédéral donne sept milliards de dollars par année au Québec. En 30 ans, Ottawa a transféré 160 milliards au Québec.

Trois sièges de la Cour suprême sont réservés pour des juges du Québec.

On a permis au Québec d'invoquer la clause de dérogation pour piétiner les droits des anglophones de cette province. Le Québec tolérerait-il que le reste du Canada invoque la clause de dérogation pour faire la même chose? Je ne pense pas. Et le reste du Canada non plus.

Le reste du Canada ne piétine pas les droits des Québécois. Au contraire, il s'est lancé dans un processus d'apaisement. Franchement, la population du reste du Canada en a assez et elle ne tolérera pas cela plus longtemps. C'est pour cela qu'une société distincte avec un veto est intolérable pour le reste du Canada. Malheureusement, nous commençons à entendre des souhaits de séparation dans le reste du Canada. Ce n'est pas quelque chose dont nous pouvons être fiers.

Nous sommes les témoins d'une tragédie. Le Canada est en train de se scinder en de nombreux groupes différents. Les gens parlent du Canada d'une façon défaitiste. Ils sont en train de dire que nous n'avons pas de vision, pas de direction, pas d'identité et pas de culture. Certains diraient que le Canada est comme un navire sans gouvernail au milieu de l'océan, ballotté par des circonstances qui échappent à son contrôle.

Je n'accepte pas cela. Le Canada a une identité, le Canada a une âme et le Canada reste fort. Le Canada a du courage, comme en témoignent nos soldats de la paix. Le Canada a de la culture, et Céline Dion et le Groupe des Sept en sont la preuve. Le Canada apporte une contribution scientifique par l'entremise du docteur Fraser Mustard.

Le Canada tire sa force de ses citoyens, des actions quotidiennes de tous les Canadiens. C'est ce qui fait du Canada le grand pays qu'il est de nos jours. Ce sont les héros du Canada. C'est l'identité du Canada et c'est pourquoi notre pays a une si bonne réputation dans le monde entier. C'est notre identité. C'est très clair pour ceux qui voyagent dans d'autres régions du monde. Nous ne sommes pas un pays obscur, sans identité et sans importance. Nous sommes un grand pays.

L'unité du pays est basée fondamentalement sur la notion d'égalité de tous les citoyens. Nous ne sommes pas d'abord et avant tout des anglophones et des francophones, des Québécois ou des habitants de la Colombie-Britannique, des Canadiens d'origine africaine ou indienne. Nous sommes, par-dessus tout, simplement des Canadiens. En insistant sur la diversité de nos origines comme on l'a fait jusqu'à maintenant, on ne favorise pas l'unité dans la différence. On divise. Nos différences, linguistiques ou culturelles, ne devraient pas nous enfermer dans des «ghettos». Plutôt, nous pouvons chérir nos différences. Elles nous unissent en tant que citoyens et être humains.

Ça m'irrite énormément, ça me rend furieux et ça me chagrine aussi de voir que nos différences servent à nous séparer plutôt qu'à nous rapprocher. Nous devons changer d'attitude dès maintenant et, pour cela, nous avons besoin d'un solide leadership.

Au premier ministre, je demande qu'il cesse de négocier avec les dirigeants séparatistes, car il ne gagnera pas. C'est inutile. Qu'il soumette ses principes d'égalité, de compréhension et de tolérance directement à la population du Québec et au reste du Canada. Tous deux ont besoin de panser leurs blessures. Tous deux ont besoin de se rapprocher et de se comprendre. Que le premier ministre fonde ses décisions sur le principe de l'égalité pour tous.

On ne saurait confier aux politiciens le soin de procéder à des modifications constitutionnelles. Pas question de s'en remettre aux provinces. Elles doivent être soumises directement à la population. Elles doivent être soumises, dans le cadre d'un référendum national exécutoire, à tous les Canadiens, puisqu'elles nous concernent tous. Le gouvernement semble manquer de confiance dans les habitants de notre pays et ne pas croire qu'ils feront preuve de tolérance et de respect mutuels dans les décisions qu'ils prennent.

Il n'y a rien que les habitants du reste du Canada et ceux du Québec, j'en suis convaincu, ne souhaitent davantage que d'être traités sur un pied d'égalité. Il n'y a rien qu'ils ne souhaitent davantage que de vivre leur culture et leur langue. Si nous confions les questions culturelles et linguistiques directement aux provinces, comme il se doit, les Québécois seront les maîtres de leur destin en matière culturelle et linguistique.

Voilà ce qu'ils demandent. Voilà ce qu'ils doivent avoir, et ce que les habitants du reste du Canada doivent avoir eux aussi. Voici donc le message que nous adressons aux Québécois et aux habitants du reste du Canada. Nous nous reconnaissons ici aujourd'hui tout simplement comme de fiers Canadiens possédant une histoire et un avenir fondés sur ce qui nous distingue comme sur ce qui nous unit, et sur la tolérance et le respect mutuels.

Ce n'est pas une idée fantasque. C'est un idéal que nous pouvons poursuivre et réaliser. Tout ce qu'il faut pour cela, c'est un leadership exercé ici et au niveau local, et la volonté de travailler ensemble pour hisser le Canada au sommet qu'il peut atteindre.

17345

Le vice-président: Conformément à l'article 57 du Règlement, je dois interrompre les délibérations et mettre aux voix sur-le-champ toute question nécessaire pour disposer de la motion dont la Chambre est saisie.

[Français]

Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la motion est réputée avoir été mise au voix et le vote par appel nominal est réputé avoir été demandé et différé jusqu'à 18 h 30, le lundi 11 décembre.

[Traduction]

Je voudrais, au nom de la Chambre, remercier tous ceux et toutes celles qui nous ont permis de tenir ce débat jusqu'à une heure aussi tardive, qui ont fait de longues heures et travaillé fort ce soir.

Comme il est 11 heures passées, la Chambre s'ajourne à10 heures demain.

(La séance est levée 11 h 04.)