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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 26 janvier 1994

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE DÉCÈS DE M. G. CAMPBELL EATON

LE JEU DES TUEURS EN SÉRIE

LES BARRIÈRES COMMERCIALES INTERPROVINCIALES

LA SÉCURITÉ SOCIALE

    Mme Brown (Oakville-Milton) 379

LE COMITÉ DU PRIX NOBEL DE LA PAIX

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DOUANES

LE CURLING

LE RÉSEAU MULTIMÉDIA ET TRANSACTIONNEL

LE SOMMET DU GROUPE DES SEPT

    M. Speaker (Lethbridge) 381

LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

M. ROD HAY

    M. Breitkreuz (Yellowhead) 381

L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 381

LA SEMAINE DES INFIRMIÈRES DE L'ORDRE DE VICTORIA

QUESTIONS ORALES

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 382
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 382
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 383

LA DÉFENSE NATIONALE

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 383
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 383
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 384

LES ABRIS FISCAUX

    M. Martin (LaSalle-Émard) 384
    M. Martin (LaSalle-Émard) 384

L'IMPÔT SUR LE REVENU

    M. White (North Vancouver) 384
    M. Martin (LaSalle-Émard) 384
    M. White (North Vancouver) 384
    M. Martin (LaSalle-Émard) 384

LES AFFAIRES INDIENNES

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 385
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 385

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 385
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 385

LA MIL DAVIE

INVESTISSEMENT CANADA

LE DÉFICIT

    M. Martin (LaSalle-Émard) 387
    M. Martin (LaSalle-Émard) 387

L'AMBASSADE DU CANADA EN CHINE

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 387
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 388

LES PÊCHES

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

LES DROITS DE LA PERSONNE

DOUANES CANADA

    M. Hill (Prince George-Peace River) 390

LE LOGEMENT

AFFAIRES COURANTES

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

LA LOI SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE L'ÉTAT ET LECONTENTIEUX ADMINISTRATIF

    Projet de loi C-4. Motion portant présentation et premièrelecture adoptée d'office. 391

PÉTITIONS

LES PENSIONS DE RETRAITE DES PERSONNES ÂGÉES

LE SÉNAT

LES LOGEMENTS SOCIAUX

LE CODE CRIMINEL

LES MÉDICAMENTS D'ORDONNANCE

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

LES CARTES DE TUEURS EN SÉRIE

LA HAUSSE DE LOYER DES LOGEMENTS SOCIAUX

    M. Chrétien (Frontenac) 392

QUESTION AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LES ESSAIS DE MISSILES DE CROISIÈRE

    M. Lavigne (Beauharnois-Salaberry) 401
    M. O'Brien (London-Middlesex) 439
    Mme Kraft Sloan 441
    Mme Kraft Sloan 443
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 445

ANNEXE


379


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mercredi 26 janvier 1994


La séance est ouverte à 14 heures

_______________

Prière

_______________

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE DÉCÈS DE M. G. CAMPBELL EATON

L'hon. William Rompkey (Labrador): Monsieur le Président, permettez-moi de rendre hommage aujourd'hui à un éminent Terre-Neuvien, M. G. Campbell Eaton, qui est décédé hier à St. John's.

Il a servi avec distinction dans le 166e Régiment de campagne de Terre-Neuve de l'Artillerie royale durant la Seconde Guerre mondiale et a reçu la Croix militaire pour bravoure insigne, sang-froid et conduite remarquable sous le tir durant des affrontements en Italie. Après la guerre, M. Eaton a été commandant du régiment et il a par la suite reçu le titre honorifique de colonel du Régiment royal de Terre-Neuve.

C'était un homme d'affaires en vue et respecté, qui se dévouait pour le mieux-être de ses concitoyens, notamment dans les domaines de la santé, de l'habitation et de l'éducation. L'université Memorial lui a attribué le titre de docteur en droit et, en 1978, en reconnaissance de ses services distingués et remarquables, le pays l'a fait officier de l'Ordre du Canada.

Je pourrais dire que Cam Eaton était un gentleman dans tous les sens du mot. Grâce à sa grande dignité, faite de sagesse et de jugement, il s'élevait définitivement au-dessus de la moyenne.

Je présente mes plus vives condoléances à sa veuve, Betty, et à toute sa famille.

* * *

[Français]

LE JEU DES TUEURS EN SÉRIE

M. Maurice Godin (Châteauguay): Monsieur le Président, l'opposition à la distribution et à la vente du jeu Serial Killer Board Game est une tendance qui rejoint toutes les citoyennes et tous les citoyens d'un océan à l'autre.

Les parents et les grands-parents demandent que la mise en marché de ce jeu en provenance de Seattle soit interdite au Canada.

Ce jeu contient une housse mortuaire, 25 bébés et 4 figurines de meurtriers. La personne qui réussit à tuer le plus grand nombre de bébés remporte la partie.

Le conseil des commissaires de la Commission scolaire de Châteauguay, de la circonscription de Châteauguay, a récemment adopté une résolution condamnant de tels produits, dont l'objet est de commettre des meurtres.

Ces produits, qui diffusent une culture de la violence, sont à proscrire à tout prix. Le gouvernement fédéral doit agir; il doit éliminer de la carte de tels objets.

* * *

(1405)

[Traduction]

LES BARRIÈRES COMMERCIALES INTERPROVINCIALES

M. Hugh Hanrahan (Edmonton-Strathcona): Monsieur le Président, je profite de l'occasion pour vous féliciter de votre élection à la présidence.

Je veux aussi informer la Chambre que l'on compte actuellement plus de 500 barrières commerciales interprovinciales qui coûtent annuellement plus de 6,5 milliards de dollars aux Canadiens. À cause de ces barrières, il est plus facile de faire des échanges commerciaux avec le Mexique et les États-Unis que d'en faire à l'intérieur de nos frontières.

Le fait de créer un marché unique au Canada aiderait à contrer la tendance actuelle à constituer des marchés régionaux. En outre, les Canadiens pourraient ainsi travailler là où ils choisissent de le faire.

Les gouvernements fédéral et provinciaux ont signé la semaine dernière une entente prévoyant l'abolition d'un bon nombre de ces 500 barrières, ce qui est très encourageant.

Le caucus du Parti réformiste appuie les démarches en ce sens et est très heureux que les gouvernements fédéral et provinciaux aient établi une définition claire de ce qui constitue une barrière commerciale interprovinciale. Ces gouvernements méritent aussi des félicitations pour leur volonté manifeste de respecter la date limite, fixée au 30 juin 1994.

* * *

LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton): Monsieur le Président, je voudrais encourager tous les députés à jouer un rôle de


380

premier plan dans la réforme du système de sécurité sociale canadien.

Dans le discours du Trône, le gouvernement s'est fixé un ambitieux échéancier de deux ans pour réaliser la modernisation du système de sécurité sociale national et mieux l'adapter aux réalités économiques et sociales des années 90 et au-delà.

Le système de sécurité sociale actuel, mis en place il y a des décennies, nous a bien servis mais les temps ont changé. Les Canadiens n'acceptent plus et ne doivent plus accepter des niveaux de chômage de 10 p. 100 et plus, qui annoncent la perte d'une génération de jeunes et l'aggravation du phénomène de la pauvreté chez les enfants. Les Canadiens sont conscients de la nécessité des réformes et ils espèrent également assurer un meilleur avenir, pour eux-mêmes autant que pour leurs enfants.

J'ai déjà reçu bon nombre d'excellentes idées de la part de mes électeurs et j'espère en recevoir d'autres. Je sais que le ministre a consulté abondamment les représentants des provinces, les organisations sociales, les entreprises, les représentants du monde du travail et le milieu universitaire.

* * *

LE COMITÉ DU PRIX NOBEL DE LA PAIX

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord): Monsieur le Président, le 13 septembre 1993, l'Organisation de libération de la Palestine et l'État d'Israël ont signé une déclaration de principe reconnaissant l'autonomie politique des Palestiniens. Cette entente constitue une étape historique pour les autorités politiques et les peuples du Moyen-Orient. Elle fait également naître un espoir nouveau dans une région du monde où les bains de sang et le désespoir continuent de dominer la vie de beaucoup de monde.

Cette entente est le résultat des efforts déployés par deux hommes courageux qui ont su venir à bout des pressions insurmontables exercées par des groupes qui persistent à préférer la violence à la paix.

Je tiens à informer la Chambre que le 20 janvier 1994, j'ai écrit au Comité norvégien responsable du prix Nobel de la paix pour proposer les candidatures de M. Yitzhak Rabin, premier ministre d'Israël, et de M. Arafat, président de l'OLP, au prix Nobel de la paix de 1994.

Les Canadiens doivent continuer de jouer un rôle de premier plan dans la recherche et la promotion de la paix; ce faisant, nous continuons sur la lancée d'hommes comme feu le premier ministre Lester B. Pearson.

* * *

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DOUANES

Mme Susan Whelan (Essex-Windsor): Monsieur le Président, je prends la parole pour me joindre aux députés et à tous les Canadiens qui, aujourd'hui, célèbrent la Journée internationale des douanes. Comme le savent les députés, les quelque 5 000 agents des douanes de Revenu Canada sont les premières personnes à qui ont affaire les visiteurs qui arrivent chez nous et les Canadiens qui rentrent chez eux.

(1410)

Cette année est l'Année internationale de la famille. Les agents des douanes de Revenu Canada contribuent à la réunification des familles en retrouvant et en rendant à leurs parents ou tuteurs des enfants portés disparus ou enlevés. Ils font beaucoup plus que leur métier, qui consiste à inspecter les arrivages de marchandises, contrôler l'entrée de 122 millions de voyageurs par an, et, comme c'était le cas l'an dernier, saisir pour plus de 1,3 milliard de dollars de drogues illicites.

Je tiens à dire aux députés de cette Chambre ainsi qu'à tous les Canadiens que ce gouvernement est déterminé à maintenir et à renforcer tous les éléments du ministère du Revenu national pour qu'ils soient plus à même de répondre aux besoins des Canadiens.

Je demande à tous les députés de se joindre à moi pour saluer nos agents des douanes en ce 41e anniversaire de la Journée internationale des douanes.

* * *

LE CURLING

M. Glen McKinnon (Brandon-Souris): Monsieur le Président, il y a environ 800 000 Canadiens qui jouent au curling et le tiers d'entre eux sont des femmes.

Je suis très fier d'annoncer que le Tournoi de coeurs de Scott du Manitoba pour les dames aura lieu ce prochain week-end, dans ma ville de Verdun, au Manitoba. Les 16 équipes comptent sept capitaines qui sont d'anciennes championnes provinciales et qui, ensemble, ont remporté 16 titres provinciaux, trois canadiens et trois mondiaux.

Les compétitions menant aux championnats canadien et mondial seront sans doute plus excitantes que jamais.

Je souhaite bonne chance aux 16 équipes participantes et une nombreuse assistance au comité organisateur de Verdun.

* * *

[Français]

LE RÉSEAU MULTIMÉDIA ET TRANSACTIONNEL

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, je voudrais proposer à cette Chambre de féliciter bien chaleureusement le groupe Vidéotron Ltée et cinq de ses partenaires qui ont uni leurs efforts en vue de développer et d'implanter un réseau multimédia et transactionnel qui offrira aux consommateurs un accès direct à une vaste gamme de services, 24 heures par jour, à partir du confort de leur foyer.

Ce projet est connu sous le nom de UBI pour: Universalité, Bidirectionnalité et Interactivité. Le consortium est formé de la Banque nationale du Canada, d'Hydro-Québec, de Loto Québec, de la Société canadienne des postes et des services d'annonces classées de Vidéoway. Le consortium offrira une variété de biens et services qui sont caractéristiques du potentiel d'une autoroute électronique d'informations.


381

Qui plus est, les services offerts par UBI seront transmis directement dans les foyers au moyen des systèmes de câble existants et d'un terminal multimédia.

Ces nouveaux services qui seront véhiculés par le réseau câblé de Vidéotron débuteront dans la région du Saguenay.

Que tous ceux et celles qui ont contribué à ce projet trouvent ici l'expression et la reconnaissance de tous les parlementaires.

* * *

[Traduction]

LE SOMMET DU GROUPE DES SEPT

M. Ray Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, comme bien des députés le savent, le Canada aura le grand honneur de recevoir les leaders du Groupe des sept pays les plus industrialisés qui doivent participer à un sommet en 1995.

On me dit que l'endroit exact de la réunion du G-7 n'a pas encore été déterminé. Comme le processus de sélection du site doit commencer sous peu, le premier ministre de l'Alberta, Ralph Klein, et moi-même voudrions recommander la région de Calgary-Banff-Canmore, qui serait un excellent endroit pour ce sommet. La région a acquis une réputation mondiale en étant l'hôte des Jeux olympiques d'hiver de 1988.

De plus, l'Alberta serait un lieu significatif pour la réunion. Le 1er septembre 1995 marquera le 90e anniversaire de son entrée dans la Confédération. Célébrer cet anniversaire avec le prestige d'un sommet international ne ferait que souligner la vigueur de notre pays. J'encourage le premier ministre à accepter l'invitation des Albertains.

* * *

LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT

Mme Sue Barnes (London-Ouest): Monsieur le Président, je tiens à mettre en relief la question de la recherche et du développement. Dans ma circonscription, il y a un parc de recherche industrielle, soit celui que forment l'Université Western Ontario et l'hôpital universitaire.

Une croissance économique durable ne peut être fondée uniquement sur l'exploitation des ressources naturelles. La compétitivité de notre pays au sein de l'économie mondiale dépend aujourd'hui de notre capacité à mettre au point et à appliquer une nouvelle technologie. Il faut pour cela assurer un investissement stable à long terme dans des activités de recherche et de développement et cela, dans des secteurs stratégiques à forte intensité de connaissances.

Au cours de la dernière décennie, le Canada a consacré à la recherche et au développement un moindre pourcentage de son produit intérieur brut que tous les autres pays du G-7 ou presque.

J'encourage les députés à appuyer les initiatives de recherche et de développement qui vont permettre à l'industrie d'être vraiment compétitive et de créer des emplois pour les Canadiens.

(1415)

[Français]

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

M. André Caron (Jonquière): Monsieur le Président, les députés se souviennent qu'il a été souvent question, hier, de la contrebande de cigarettes au Québec et dans l'est du Canada, particulièrement à Saint-Eustache et dans les territoires mohawks de Kanesatake, de Kahnawake et d'Akwesasne.

Je désire faire part à la Chambre que la très grande majorité des habitants mohawks de ces territoires et des Mohawks qui vivent ailleurs au Québec, en Ontario et dans l'est de l'État de New York, sont des gens pacifiques qui s'inquiètent eux aussi de la montée de la contrebande de cigarettes et de la violence qui en résulte.

Je tiens a vous dire que le problème est causé par un petit nombre de contrebandiers qui profitent du laxisme des forces policières, particulièrement de la part de la Gendarmerie royale du Canada, dans la région de Cornwall et sur le territoire mohawk d'Akwesasne.

* * *

[Traduction]

M. ROD HAY

M. Cliff Breitkreuz (Yellowhead): Monsieur le Président, en novembre dernier, aux finales canadiennes de rodéo qui se sont tenues à Edmonton, le championnat canadien de cheval sauvage ensellé a été remporté par Rod Hay.

Cet excellent jeune cowboy est originaire du coeur de la circonscription de Yellowhead, soit de la petite ville de Mayerthorpe. Ses parents, Fred et Sharon, sont nés et ont grandi à Onoway, ma ville natale.

Toute la famille fait du rodéo. La soeur de Rod est une écuyère professionnelle et donne des spectacles à Las Vegas. Son frère, Denny, pratique aussi la discipline du cheval sauvage ensellé, dans laquelle leur père a excellé avant eux.

Mais ce qui rend l'événement de l'automne dernier tellement spécial, c'est que c'est la troisième fois en quatre ans que Rod remporte ce titre prestigieux. Surveillez bien les championnats mondiaux de l'automne prochain!

Je demande à tous les députés de féliciter avec moi ce jeune talent exceptionnel.

* * *

[Français]

L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul): Monsieur le Président, c'est avec regret que nous avons appris le meurtre crapuleux, survenu en fin de semaine dernière, de la jeune Sarah Dutil, une jeune fille de 11 ans de ma circonscription de Verdun-Saint-Paul.

À titre personnel, au nom de tous mes commettants et en celui de mes honorables collègues de la Chambre, je désire offrir à

382

Mme Lorraine Dutil, à M. Frank Coculuzzi, ainsi qu'à tous les membres de leur famille, mes condoléances les plus sincères et l'assurance de notre sympathie la plus vive dans cette épreuve difficile qui les frappe.

À la suite de ce meurtre, je note que dans une déclaration qu'il a faite hier à la Chambre des communes, l'honorable Allan Rock, ministre de la Justice, a annoncé qu'il entend modifier le Code criminel pour s'assurer qu'un procès puisse suivre son cours même si le juge d'instruction est muté dans ses fonctions.

* * *

[Traduction]

LA SEMAINE DES INFIRMIÈRES DE L'ORDRE DE VICTORIA

Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre): Monsieur le Président, au nom de tous les Canadiens, je voudrais souligner la Semaine des Infirmières de l'Ordre de Victoria.

Depuis près de 100 ans, les Infirmières de l'Ordre de Victoria fournissent des soins primaires aux Canadiens, tant à domicile que dans les établissements communautaires. Les Infirmières de l'Ordre de Victoria sont une agence de soins infirmiers unique, car il s'agit d'un organisme national et d'un organisme de charité enregistré.

En 1992-1993, les 74 chapitres des Infirmières de l'Ordre de Victoria des dix provinces ont contribué à améliorer la qualité de vie et la santé de plus de 250 000 Canadiens et de leur famille. Le personnel infirmier de l'organisme a reçu une formation spéciale pour fournir des soins complexes, des soins à domicile nécessitant du matériel technique, des soins de gérontologie, des soins palliatifs, des soins de réhabilitation et des soins de podologie.

Les infirmières auxiliaires autorisées et les travailleurs des services de maintien à domicile de l'Ordre de Victoria sont des assistants indispensables des équipes d'infirmiers et d'infirmières qui effectuent les visites à domicile. Plus de 8 700 bénévoles compétents secondent les Infirmières de l'Ordre de Victoria.

Je suis convaincue que tous les députés voudront, avec moi, féliciter les Infirmières de l'Ordre de Victoria de tout ce qu'elles font pour les Canadiens.

Le Président: J'aimerais faire une suggestion.

Les députés savent qu'il est difficile de lire rapidement. S'ils en ont le temps, je leur demanderais donc de penser à remettre à l'avance le texte écrit de leur déclaration, s'ils en ont un, à nos interprètes. Cela leur faciliterait un peu la tâche. Je vous serais reconnaissant d'y penser.

_____________________________________________


382

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA CONTREBANDE DE CIGARETTES

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, ma question est adressée au premier ministre. Pendant que les gouvernements hésitent et se renvoient la balle, le mouvement de révolte des commerçants fait tache d'huile et s'étend à l'ensemble des régions du Québec. Pendant ce temps, c'est le contrat social qui se déchire, ce contrat implicite mais fondamental en vertu duquel les citoyens acceptent de payer des taxes à l'État. Ébranlé par l'ampleur du mouvement, le premier ministre, pour la première fois hier, a semblé disposé à agir pour combattre la contrebande de cigarettes.

(1420)

Ma question est donc celle-ci: Si le premier ministre a vraiment la volonté d'agir, je lui demande de nous dire, aujourd'hui, quelles sont exactement les mesures concrètes qu'il va prendre pour accroître les contrôles à la frontière, une compétence qui relève exclusivement du fédéral, sans qu'il soit besoin d'attendre les provinces.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, le solliciteur général a clairement indiqué dans cette Chambre que la GRC a depuis plusieurs semaines le mandat de remplir ses fonctions partout au Canada et de faire respecter la loi par tous les citoyens. C'est ce que nous avons l'intention de faire. Nous n'avons pas besoin de donner des ordres supplémentaires à ce moment-ci. S'il y a d'autres problèmes, nous leur donnerons les ressources nécessaires, s'ils en ont besoin. Mais pour le moment, les policiers ont pour instruction de faire respecter la loi.

L'hon. Lucien Bouchard (Lac-Saint-Jean): Monsieur le Président, le premier ministre a dit, hier, qu'il allait abaisser les taxes, après s'être concerté avec le Québec. Compte tenu de l'urgence de la situation, a-t-il vraiment l'intention d'attendre le retour de M. Johnson d'Europe avant d'agir? Qu'est-ce que son gouvernement attend pour poser les gestes qui comptent, notamment par une déclaration ministérielle immédiate qui pourrait abaisser les taxes fédérales?

Le très hon. Jean Chrétien (Saint-Maurice): Monsieur le Président, tout le monde est d'accord pour dire qu'il serait beaucoup plus efficace si tous les gouvernements pouvaient collaborer.

Nous sommes actuellement en discussion avec plusieurs gouvernements provinciaux. Le ministre des Finances en a parlé vendredi dernier à la réunion des ministres des Finances, et nous essayons de trouver une solution qui pourra satisfaire tout le monde. Dès que nous serons prêts, nous agirons. Je suis content de constater que le premier ministre du Québec ait dit qu'il agirait à son retour. Je suis très heureux qu'il ait pris cette décision. Nous analysons ce que nous pouvons faire du côté fédéral et, comme je le dis, nous voulons le faire en collaboration avec les gouvernements provinciaux.

J'en ai discuté à plusieurs reprises avec M. Johnson. Nous avons même parlé, lors de la réunion fédérale-provinciale, alors qu'il n'était pas encore premier ministre, de la méthode à suivre pour régler ce problème dans les plus brefs délais et de façon définitive. Il vaut mieux agir avec prudence et efficacité que de se faire bousculer et prendre une décision qui ne sera pas très efficace.

L'hon. Lucien Bouchard (Lac-Saint-Jean): Monsieur le Président, je comprends que ces bonnes intentions procèdent d'un réflexe de prudence normale, mais la situation n'est pas normale. Nous assistons tous les jours et tous les soirs à une rébellion ouverte et délibérée en pleine télévision qui inspire de mauvais sentiments et de mauvaises tentations aux autres contri-


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buables. Il n'y a pas que les taxes sur le tabac; il y a toutes les autres taxes.

Je voudrais demander au premier ministre, étant donné qu'on a souvent parlé d'une façon très embrouillée des instructions qu'on donne, qu'on donnerait, ou qu'on ne donne pas-je ne sais-à la GRC, de nous dire, une fois pour toutes, clairement, de nous garantir, dans cette Chambre, qu'il a personnellement donné l'ordre à la GRC de mettre immédiatement en accusation les trafiquants au sujet desquels elle a accumulé des preuves.

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je n'ai pas à donner d'instructions à la GRC de faire son travail. C'est un corps policier qui a une réputation internationale; lorsqu'ils ont des accusations valables devant eux, les policiers agissent immédiatement, comme c'est leur devoir de le faire. Je ne pense pas que le solliciteur général ait besoin de dire aux policiers ce qu'ils doivent faire; ils le savent déjà.

* * *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, depuis le début de la semaine, l'opposition officielle a questionné le gouvernement relativement aux événements très graves survenus vendredi dernier à Kanesatake.

Le ministre de la Défense nous a répondu que le tout était sous enquête de la Sûreté du Québec, ce qui, on l'a découvert par la suite, était inexact. Le premier ministre, lui, a banalisé l'événement en disant qu'il n'y avait pas de trous de balle sur l'hélicoptère. Il a parlé de tirs de lance-pierres, on s'en souviendra. Pendant ce temps-là, des informations très sérieuses et dignes de foi nous parviennent et nous inquiètent car le gouvernement semble vouloir cacher toute cette affaire.

(1425)

Ma question s'adresse au premier ministre. Cinq jours après l'événement, est-ce qu'il pourrait nous dire s'il y avait des trous de balle qui ont été trouvés sur l'avion Hercules CC130, no 130310, qui a participé à l'opération au-dessus de Kanesatake?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, pour répondre directement au député, il n'y avait pas de trous de balles ni dans l'hélicoptère Labrador ni dans l'avion Hercules impliqués dans cet incident.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval): Monsieur le Président, est-ce que le premier ministre accepterait de déposer en cette Chambre le carnet de route ainsi que les rapports de vol des appareils impliqués dans l'opération au-dessus de Kanesatake?

[Traduction]

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants): Monsieur le Président, le député devrait savoir que ces renseignements ne sont habituellement pas rendus publics.

Je voudrais apporter quelques précisions sur un point soulevé hier au sujet du rôle de la Sûreté du Québec dans cette affaire. Vendredi dernier, la SQ a participé aux opérations de recherche et de sauvetage après que le signal électronique a été capté.

Une fois au sol, nos gens ont effectué des recherches qui leur ont permis de déterminer qu'aucun avion ne s'était écrasé dans la région. Comme ils s'apprêtaient à repartir, un individu s'est approché d'eux- comme je l'ai déjà expliqué à la Chambre-et leur a dit que des coups de feu avaient été tirés. Nos forces sont parties parce qu'elles voulaient éviter tout affrontement et qu'elles étaient raisonnablement certaines qu'aucun appareil ne s'était écrasé dans le secteur. La SQ n'a plus rien à voir dans cette affaire aujourd'hui, mais elle a participé aux opérations vendredi dernier.

* * *

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Une note adressée au premier ministre de la part du secrétaire du Cabinet et parvenue hier entre les mains des médias fait état d'une sérieuse divergence d'opinions entre certains ministres au sujet du rôle du fédéral dans le programme national d'infrastructure.

Cette note signale que le ministre responsable de l'infrastructure préconise un programme coopératif dans le cadre duquel les provinces et les municipalités respecteraient les critères fédéraux, tandis que le ministre du Développement des ressources humaines favoriserait un contrôle fédéral et ministériel beaucoup plus direct sur les projets.

Le premier ministre pourrait-il nous dire comment a été résolue cette lutte de pouvoir et ce qu'il fera pour empêcher le programme national d'infrastructure de dégénérer et tomber au niveau de la politique de l'assiette au beurre d'autrefois?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, j'ai reçu la note, je l'ai lue et le problème a été résolu.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): J'ai une question supplémentaire pour le premier ministre, monsieur le Président. La réponse n'était guère satisfaisante.

Des voix: Oh, oh!

M. Manning: Je pourrais peut-être poser une question plus précise. Les ministres fédéraux dans chaque province auront-ils un droit de veto sur les projets d'infrastructure proposés dans la province, même si le projet n'a rien à voir avec leur portefeuille et a été approuvé et recommandé par les autorités provinciales et municipales dans cette province?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le dent, les décisions sont prises par le ministre responsable, soit le président du Conseil du Trésor. Il entend les requêtes, il écoute ce qu'ont à lui dire les ministres et les députés aussi, mais c'est lui qui prend la décision finale.


384

Il entend les requêtes de tout le monde, mais c'est lui qui est responsable du programme, car je suis le premier ministre et je lui ai confié cette responsabilité.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest): Monsieur le Président, voilà une réponse intéressante de la part du premier ministre, mais je lui avais posé une question bien simple et directe. Vous devriez peut-être faire un autre effort. Je voulais tout simplement savoir si le ministre. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: À l'ordre. En toute déférence, je demanderais au député de bien vouloir poser sa question en s'adressant à la présidence.

M. Manning: Monsieur le Président, ma question vise simplement à obtenir une précision de la part du premier ministre.

Les ministres dans chaque province ont-ils, oui ou non, un droit de veto sur les projets d'infrastructure recommandés par les autorités municipales. . . la réponse est non.

(1430)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, la réponse est n-o-n, non.

* * *

[Français]

LES ABRIS FISCAUX

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, le ministre des Finances a refusé jusqu'à présent de répondre aux questions que je lui ai posées dans cette Chambre concernant ses intentions. Par contre, il multiplie ses déclarations hors de l'enceinte du Parlement, affirmant notamment que les Québécois et les Canadiens lui ont dit hier qu'ils étaient prêts à payer plus d'impôt.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Les Québécois et les Canadiens lui ont-ils dit aussi, et surtout, qu'ils en avaient assez des injustices fiscales et qu'ils s'attendaient à ce qu'il élimine le régime des fiducies familiales et les échappatoires dont bénéficient les gens jouissant de très hauts revenus?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, on fait peut-être allusion à la conférence d'hier. Les Canadiens nous ont dit très clairement qu'ils voulaient examiner toute la question de l'assiette fiscale et des échappatoires. Ensuite, les Canadiens et les Canadiennes nous ont dit qu'ils voulaient des emplois, comme nous le disons dans notre livre rouge.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot): Monsieur le Président, par respect pour cette Chambre, par respect pour les Québécois et les Canadiens les plus démunis et par respect pour les personnes à revenus moyens qui sont étranglées par les taxes et les impôts fédéraux, le ministre des Finances peut-il s'engager ici, dans cette Chambre, à donner un répit à toutes ces personnes et à s'attaquer aux vrais problèmes que sont les échappatoires fiscales qui profitent aux personnes à très hauts revenus? C'est là qu'est le vrai scandale de la fiscalité canadienne.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, depuis le début de ces conférences, nous parlons de nous attaquer à ces échappatoires fiscales. Je ne sais pas d'où vient. . . Non, je sais d'où cela vient. Je comprends très bien. Nous avons dit très clairement que nous avions l'intention d'insérer dans notre système fiscal plus d'équité qu'il y en a maintenant, cela en nous attaquant aux échappatoires fiscales.

* * *

[Traduction]

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Ted White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Selon un article paru dans le journal The Gazette du 22 janvier 1994, un député ministériel de Terre-Neuve aurait demandé au ministre de modifier la loi afin que le gouverneur général paie de l'impôt sur le revenu.

J'ai reçu de nombreux appels d'électeurs de la circonscription de Vancouver-Nord, outrés de cette nouvelle. Ainsi, Mme Elinor Ryan s'indigne que non seulement le gouverneur général ne paie pas d'impôt sur le revenu, mais qu'en plus, il ait droit à un chèque de remboursement de la TPS puisqu'il n'a pas de revenu imposable.

Quelles mesures le ministre compte-t-il prendre pour encourager le gouverneur général à payer de l'impôt sur le revenu?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, à ma connaissance, on a fixé le salaire du gouverneur général en tenant compte du fait que celui-ci ne paie pas d'impôt sur le revenu; en conséquence, le fisc n'essuie aucune perte nette.

Je dois dire que je n'ai pas discuté de la question avec le gouverneur général. Je ne l'ai pas vu depuis mon assermentation et je ne crois pas que ce moment était particulièrement indiqué pour que j'aborde le sujet.

M. Ted White (Vancouver-Nord): Monsieur le Président, je comprends parfaitement que le ministre hésite à aborder cette question.

L'an dernier, Sa Majesté la Reine Élizabeth a, de son propre chef, commencé à payer de l'impôt sur le revenu. Il me semble pour le moins contradictoire que la Reine paie de l'impôt alors qu'il en va autrement de son représentant au Canada.

Le ministre invitera-t-il le gouverneur général à payer volontairement de l'impôt sur le revenu?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, certains de mes collègues ont proposé que nous prenions en considération les revenus relatifs de la Reine et du gouverneur général.

Je considère la question du député comme une demande et je puis lui donner l'assurance que, la prochaine fois que je verrai le gouverneur général, ce qui risque tout de même de prendre un certain temps, je lui en toucherai un mot.


385

(1435)

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, en l'absence du ministre des Affaires indiennes, ma question s'adresse au premier ministre. Le ministre québécois responsable des Affaires autochtones, M. Christos Sirros, a déclaré avant-hier que l'autonomie gouvernementale autochtone peut être réalisée par entente administrative, c'est-à-dire sans aucun amendement constitutionnel.

Je demanderais donc au premier ministre s'il partage toujours l'opinion du ministre québécois selon laquelle la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des autochtones peut se faire uniquement sur la base d'ententes administratives.

[Traduction]

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Ce que j'ai dit à la Chambre la semaine dernière, c'est que nous devons nécessairement modifier la Constitution. Il est évident que M. Sirros en est arrivé à la même conclusion.

[Français]

C'est une recommandation qui a d'ailleurs été faite par la Commission d'enquête sur les droits autochtones présidée par deux personnes, un juge du Québec et M. Erasmus, qui ont dit que nous pouvions atteindre les mêmes buts sans pouvoir faire de changements à la Constitution canadienne.

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, le premier ministre, qui est d'ailleurs ancien ministre des Affaires indiennes, ne convient-il pas que pour fonder l'autonomie gouvernementale des autochtones sur des bases solides, cela nécessite des amendements constitutionnels comme le soutient et le réclame le chef des Premières nations, M. Ovide Mercredi?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, je ne pense pas qu'à ce moment-ci il y ait une disposition au Canada pour faire des conférences constitutionnelles sur quoi que ce soit. Je pense qu'il serait même très prudent d'avoir un système d'autonomie pour les Indiens, après plusieurs années, quand on saura exactement comment le système fonctionne et qu'il ira très bien. S'il est nécessaire à ce moment-là de l'enchâsser dans la Constitution, on pourra le faire.

Il est peut-être plus prudent d'agir comme cela que de faire un amendement constitutionnel sans savoir exactement quelles en seront toutes les conséquences à long terme.

* * *

[Traduction]

LA FORMATION PROFESSIONNELLE

M. Ken Epp (Elk Island): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines, et elle m'a été proposée par M. Bryan Dale, de Willowdale, en Ontario.

Selon le Globe and Mail de mardi, le ministre aurait déclaré: «L'équité veut qu'un décrocheur de 18 ans ait autant le droit de prétendre à un emploi sûr et durable qu'un économiste qui sort de Queen's University et est au service d'une maison de courtage.»

Le ministre ne conviendrait-il pas que promettre des emplois sans égard à la formation reçue, ce n'est pas le bon message à transmettre à des adolescents qui songent à abandonner leur études?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest canadien): Monsieur le Président, je suis tout à fait d'accord. Faire miroiter des possibilités d'emploi à des jeunes qui n'ont aucune formation n'est pas une approche acceptable.

C'est pourquoi le gouvernement veut mettre en oeuvre un grand programme d'apprentissage et un important Service jeunesse, réviser à fond et restructurer les programmes d'emploi, de formation et d'aide sociale, de manière à donner à tous les jeunes, où qu'ils en soient dans leur vie, un véritable espoir pour l'avenir. Voilà ce que je voulais dire: tous, dans notre société, doivent être traités de manière équitable. Telle est l'optique des libéraux.

M. Ken Epp (Elk Island): Monsieur le Président, ayant été moniteur dans un institut technique pendant de longues années, j'attache moi aussi une grande valeur au principe de l'équité pour les élèves de tous les niveaux de compétence.

Comment le ministre va-t-il s'y prendre pour inciter les décrocheurs de 18 ans à reprendre les études, à se donner de meilleures compétences, ce qui garantira à tous l'équité?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'Économie de l'Ouest Canadien): Monsieur le Président, je vais certainement faire appel à l'expérience du député dans le domaine de l'éducation.

Cela sera très important lorsque le Parlement s'attaquera aux questions fondamentales que sont le remaniement de nos programmes de formation et d'études pour éliminer les obstacles, les difficultés, les problèmes qui existent maintenant dans nombre de nos programmes de sécurité du revenu et compliquent la tâche aux jeunes qui veulent revenir sur le marché du travail ou reprendre une formation.

J'espère que le député, ainsi que tous ses collègues, nous feront part de leurs opinions afin que nous puissions faire appel à leur sagesse et à celle de nos électeurs pour faire en sorte que les nombreux jeunes qui n'ont rien à attendre en ce moment puissent reprendre un peu espoir dans les mois à venir.

* * *

[Français]

LA MIL DAVIE

M. Michel Guimond (Beauport-Montmorency-Orléans): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. La semaine dernière mon collègue, le député de Lévis, est intervenu dans cette Chambre relativement à l'impact


386

catastrophique qu'aurait pour toute la région de Québec la fermeture du chantier naval MIL Davie. On parle ici de 10 000 emplois directs et indirects.

(1440)

Le plan d'affaires qui prévoit une conversion des contrats militaires en des contrats civils stipule, entre autres, l'octroi au chantier de Lévis du contrat de construction du traversier des Îles-de-la-Madeleine.

Ce plan d'affaires a reçu l'appui de tous les intervenants économiques de la région de Québec et celui de tous les candidats libéraux du Québec lors des dernières élections, y compris celui de M. Jean Pelletier, candidat défait dans la circonscription de Québec et actuel chef de cabinet du premier ministre.

J'aimerais donc savoir quand et comment le ministre des Transports entend donner suite aux promesses du Parti libéral, qui dit appuyer le plan d'affaires élaboré par la MIL Davie.

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, la question du Lucy Maud Montgomery, qui relève de mon ministère, est sur les tablettes depuis très longtemps. Évidemment, le chef de l'opposition est au courant puisqu'il était ministre du gouvernement conservateur alors que le Lucy Maud Montgomery devait être remplacé.

Quant à nous, notre responsabilité est très claire. Il va falloir remplacer le Lucy Maud Montgomery, soit en achetant un navire construit à la MIL Davie ou ailleurs, soit en louant un navire, soit en restaurant le Lucy Maud Montgomery, soit en achetant un navire outre-mer. Mon ministère est en train d'examiner toutes ces options.

M. Antoine Dubé (Lévis): Monsieur le Président, comment le ministre des Transports peut-il essayer de gagner encore du temps dans l'étude de ce dossier, alors que sa réponse indique que l'étude de ce dossier par le gouvernement fédéral dure depuis deux ans déjà, que le gouvernement libéral s'est engagé à créer des emplois, que les gens du chantier de Lévis sont très inquiets devant la perspective de la fermeture prochaine, d'ici quelques mois, du chantier et qu'on prévoit un an de préparatifs avant que la construction du traversier puisse commencer? Comment le ministre peut-il justifier le retard à prendre une décision?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute qu'il est très difficile de justifier le retard d'une décision. Il est vrai qu'on n'est là que depuis deux mois et demi. Le chef de l'opposition a été là pendant quelques années, et aucune décision n'a été prise à cette époque.

Je peux assurer à l'honorable député que la décision sera prise sous peu.

[Traduction]

INVESTISSEMENT CANADA

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Le ministre n'ignore sans doute pas que nombre de Canadiens travaillent pour des entreprises qui exercent leur activité aux termes d'engagements conclus avec Investissement Canada.

La Division de l'examen des investissements doit maintenant veiller à ce que les acquéreurs d'entreprises canadiennes respectent leurs engagements.

Quelle mesure entend prendre le gouvernement pour forcer les intéressés à respecter les engagements écrits qu'ils ont pris auprès d'Investissement Canada?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, le député souligne avec raison que lors de l'examen des propositions d'investissement il arrive très souvent qu'on demande aux acquéreurs de prendre des engagements par écrit en ce qui concerne les niveaux d'emplois, le réinvestissement, la R-D, etc.

Selon la procédure habituelle, après un an et demi ou deux ans, les représentants d'Investissement Canada rencontrent les dirigeants de l'entreprise pour déterminer s'ils ont respecté leurs engagements.

Si l'entreprise n'a pas respecté ses engagments pour des raisons indépendantes de sa volonté, des efforts sont alors déployés pour réorienter les engagements. Si ces derniers ne sont pas encore respectés, Investissement Canada dispose de recours aux termes de la Loi sur Investissement Canada pour sanctionner l'entreprise en cause.

* * *

LE DÉFICIT

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Au cours de la campagne électorale, le gouvernement a promis de réduire le déficit annuel à 3 p. 100 du PIB en l'espace de trois ans. En décembre, le ministre des Finances a réitéré cette promesse.

La semaine dernière, lorsqu'a eu lieu le premier vote de la 35e législature, tous les ministériels ont voté contre la motion visant à limiter les dépenses.

Pourquoi la population canadienne devrait-elle croire que le gouvernement songe sérieusement à réduire le déficit et à réaliser son objectif triennal, alors qu'il refuse de faire le premier pas vers une réduction des dépenses de seulement 6 p. 100 pour l'exercice en cours?

Le Président: Le ministre peut répondre à la question s'il le désire, mais c'est une question qui met en cause tous les députés.


387

(1445)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, je vais répondre à la question.

Nous allons atteindre notre objectif en prenant une combinaison de mesures propres à relancer la croissance, à réduire les dépenses superflues et à instaurer plus d'équité dans notre régime fiscal. Nous n'atteindrons pas-pas plus que d'autres d'ailleurs-ce genre d'objectif en nous livrant au jeu de massacre préconisé par le député.

M. Leon E. Benoit (Végréville): Monsieur le Président, j'ai une question supplémentaire. Au cours des dernières semaines, les banques à charte n'ont pas adapté les baisses du taux d'escompte aux baisses similaires de leurs taux d'intérêt préférentiels. Elles hésitent, disent-elles, parce que le gouvernement ne se montre pas suffisamment empressé à s'attaquer au déficit.

Le ministre pourrait-il préciser quels sont ses objectifs concernant la réduction du déficit pour 1994-1995? Qu'entend-il faire pour atténuer ce problème?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec)): Monsieur le Président, premièrement, notre gouvernement s'est fixé des objectifs bien précis concernant la réduction du déficit. Deuxièmement, les banques n'ont pas tenu les propos qu'on leur prête. Troisièmement, les banques ont plutôt dit qu'elles suivaient l'évolution de la situation aux États-Unis. Quatrièmement, l'écart actuel entre le taux d'escompte et le taux préférentiel n'a rien d'exceptionnel. Cinquièmement, grâce aux mesures prises par notre gouvernement, la Banque du Canada affiche actuellement une tendance à la baisse, ce qui n'est pas le cas des banques fédérales.

* * *

[Français]

L'AMBASSADE DU CANADA EN CHINE

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Nous apprenions lundi que la construction de la nouvelle ambassade du Canada en Chine aura coûté plus de 78 millions de dollars aux contribuables canadiens, soit plus du double du montant initialement prévu il y a 15 ans.

Parmi les petites douceurs réservées au personnel de l'ambassade, on note une piscine et un gymnase ayant coûté un million de dollars, de même qu'un jardin d'érables importés de cinq millions de dollars. La décoration de cette somptueuse ambassade, à elle seule, aura coûté près de un million de dollars.

Dans le contexte de restrictions budgétaires actuel, alors que le gouvernement s'apprête à sabrer dans les programmes destinés aux plus démunis de notre société, comment le ministre des Affaires étrangères peut-il justifier des dépenses de cette ampleur?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Monsieur le Président, permettez-moi de dire que je partage les sentiments du député qui vient de poser la question. Il me semble que des erreurs très graves ont été commises lors de la réalisation de ce projet. Je dois lui dire que, malheureusement, à cause de cela, beaucoup de gens veulent devenir ambassadeurs dans ce magnifique établissement qui a été construit par l'administration précédente.

Il est évident que j'ai demandé à mes fonctionnaires de prendre toutes les mesures nécessaires pour que toute nouvelle construction ou toute nouvelle réparation qui pourrait être faite aux propriétés du gouvernement à l'étranger se fasse selon des critères très précis et que l'on ne dépasse pas les budgets projetés pour ces travaux.

M. Stéphane Bergeron (Verchères): Monsieur le Président, j'aimerais d'abord rappeler au ministre que la décision de construire l'ambassade a été prise il y a 15 ans, sous une administration libérale.

D'autre part, dois-je comprendre de la réponse qui vient d'être donnée par le ministre qu'il prend l'engagement formel de ne pas laisser de telles situations se reproduire à l'avenir?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères): Très simplement, oui, monsieur le Président.

* * *

[Traduction]

LE RAPPORT DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales.

Hier, le ministre a reconnu avoir dépensé, aux frais des contribuables, 172 920 $ pour aller prononcer un discours à l'Université Harvard. Ce montant est environ trois à quatre fois plus élevé que le revenu familial annuel moyen dans notre pays.

Même si je suis nouveau à la Chambre, j'avoue que je n'ai jamais entendu un discours d'une aussi grande valeur. Le ministre pourrait-il prononcer de nouveau ce discours extraordinaire à la Chambre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, il s'agissait du coût du voyage.

(1450)

Je pense que pour être juste envers tout le monde, il faut préciser une chose. Ces avions sont depuis longtemps à la disposition du gouvernement. Nous essayons de répartir les coûts en capital sur tous les voyages. Chaque vol aller-retour coûte tant. Quand l'avion est remisé dans son hangar et qu'il n'est pas utilisé, il y a quand même des coûts en capital.

C'est un peu comme si quelqu'un prenait la parole à la Chambre aujourd'hui pour dire que l'édifice vaut plus d'un milliard de dollars et que nous devons répartir les coûts en capital entre tous les députés. Dans ce cas, rien que pour entendre le député qui vient de prendre la parole, cela nous coûte trois millions de dollars.

M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, de toute évidence, nous n'allons pas pouvoir entendre ce précieux discours.

Le premier ministre est-il prêt à donner des directives à ses ministres pour interdire des dépenses aussi futiles quand ce n'est pas nécessaire?


388

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre): Monsieur le Président, nous avons, bien entendu, donné des directives très strictes pour éviter toute forme d'utilisation abusive de ces appareils. Ils n'en demeurent pas moins à la disposition des ministres et du gouvernement.

J'ai moi-même eu à m'en servir. Comme j'avais besoin de vacances, j'ai voulu prendre un vol commercial. On m'a dit que, pour des raisons de sécurité, je devais utiliser un appareil du gouvernement. Le Nouvelliste a publié en manchette que j'avais dépensé un demi-million de dollars pour aller en vacances. Ce n'est pas juste, parce que ce n'est pas vrai. Si l'avion s'était trouvé à Ottawa, cela aurait coûté exactement le même montant.

Nous devons dire la vérité aux Canadiens. Si on extrapole de cette façon en se basant sur le rapport du vérificateur général, on arrive à des conclusions ridicules, à savoir, par exemple, qu'un voyage à Vancouver, qui coûte un demi-million de dollars, ne coûtera que 20 000 $ si on loue un avion.

Au lieu d'avancer des chiffres aussi extravagants, le député devrait se montrer plus réaliste et examiner ce que coûtent réellement les déplacements.

* * *

LES PÊCHES

M. Derek Wells (South Shore): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans et concerne la pêche côtière dans la région de l'Atlantique.

Le Comité sénatorial permanent des pêches et le Conseil de conservation des ressources de la pêche ont tous deux recommandé qu'on recueille plus de renseignements sur les pratiques de capture du poisson et sur la sélection des engins de pêche.

Je voudrais demander au ministre quelles sont les mesures que prend son ministère pour donner suite à ces recommandations.

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans): Monsieur le Président, je remercie le député de son excellente question.

Les résultats d'une étude publiés ces derniers jours révèlent que la biomasse des stocks de morue continue de diminuer dans la région de l'Atlantique. Il va de soi que les informations que demande le député sont d'une importance cruciale.

Pour ce qui est de recueillir plus de renseignements sur une sélection d'engins permettant de protéger nos stocks de morue, j'ai annoncé tout juste avant Noël, de concert avec le ministre du Développement des ressources humaines, le lancement d'un projet pilote.

Nous avons embauché et formé un certain nombre de pêcheurs ne travaillant plus dans le secteur de la pêche pour qu'ils mènent une étude sur leurs pairs. Cette étude est en cours. Au départ, ce projet pilote, qui regroupait jusqu'à 70 personnes, visait à demander aux pêcheurs de mettre à profit leur expérience et leurs connaissances des engins et de leur sélection, ainsi que de leur travail dans le Canada atlantique.

L'évaluation de ce projet pilote est en cours. À la mi-février, le ministre du Développement des ressources humaines et moi nous réunirons pour l'évaluer encore plus en profondeur. Si ce processus semble valable, et il l'est à ce stade-ci, nous l'appliquerons peut-être non seulement dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et au Cap-Breton, mais également au Nouveau-Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Québec, à Terre-Neuve et au Labrador.

Nous croyons qu'il est temps de tirer parti des connaissances, de l'expérience et de la base de données des pêcheurs eux-mêmes pour prendre les bonnes décisions sur la question de la protection des ressources de la pêche.

* * *

[Français]

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Lors de la dernière campagne électorale, l'équipe libérale, dirigée par l'actuel premier ministre, s'était engagée à investir un milliard de dollars additionnels au chapitre de la recherche et développement, et ce, au cours des quatre prochaines années.

Le premier ministre et l'actuel ministre des Finances n'ont cessé d'affirmer que la prospérité future du Canada était liée à des investissements substantiels en matière de recherche et développement. Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie. Le ministre réitère-t-il devant cette Chambre, sur la foi de son honneur, l'engagement de son gouvernement d'investir un milliard de dollars additionnel en recherche et développement?

(1455)

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, je suis très heureux de voir que le député s'intéresse de la sorte à la question de la recherche et du développement ainsi qu'à celle des sciences au Canada. Je peux l'assurer que même dans le discours du Trône, nous avons indiqué notre intention d'établir le fonds d'investissement du Canada, ainsi que des réseaux de recherche, en plus d'autres moyens pour encourager la recherche au Canada.

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve): Monsieur le Président, le ministre n'a pas répondu à ma question, mais je lui conserve mon amitié quand même. Je désire lui poser une question supplémentaire. Le ministre entend-il s'assurer qu'il y aura une répartition équitable de ces fonds entre toutes les régions du Canada afin de corriger les injustices qui ont prévalu par le passé, où le Québec a obtenu un maigre 18 p. 100 des fonds disponibles, alors que l'Ontario en récoltait plus de la moitié?

[Traduction]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie): Monsieur le Président, pour ce qui est de l'affectation des fonds à la recherche et au développement dans les domaines scientifique et technologique au Canada, je peux promettre au député que nous ferons tout pour que chaque dollar versé par les contribuables soit utilisé pour produire les meilleurs résultats sur le plan scientifi-


389

que et pour stimuler le développement d'une base économique innovatrice dans toutes les régions du Canada.

* * *

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Charlie Penson (Peace River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense.

Le Citizen d'Ottawa rapportait, samedi et de nouveau aujourd'hui, que le ministère de la Défense a une équipe de plus de 100 militaires chargés de s'occuper des déménagements du personnel; or, le ministère paie plus cher pour ses déménagements que ne le font les entreprises privées. En outre, des sociétés privées ont fait savoir qu'elles pouvaient fournir ce service administratif gratuitement au gouvernement, ce qui lui permettrait de débourser entre 10 p. 100 et 25 p. 100 de moins qu'à l'heure actuelle pour ses déménagements.

Le ministre va-t-il étudier les possibilités d'économie qui s'offrent, au moment où on parle de réduire le déficit?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants)): Le député de Cambridge a posé la même question vendredi dernier et je lui ai donné une réponse détaillée. Mon collègue ne se trouvait peut-être pas à la Chambre.

Je crains que le ministère ne bénéficie pas des tarifs les plus bas et j'ai demandé à mes fonctionnaires de faire rapidement la lumière au sujet des questions que vient de soulever mon collègue et celles qu'a déjà soulevées le député de Cambridge.

M. Charlie Penson (Peace River): Je voudrais poser une question supplémentaire au ministre. Peut-il au moins nous donner l'assurance qu'il rétablira le projet pilote concernant l'examen des économies de coûts créé par le gouvernement précédent?

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants)): Tout d'abord, je voulais dire mon collègue de Waterloo. J'espère que je n'ai pas contrarié le député de Cambridge, qui n'est peut-être pas d'accord.

Le projet pilote auquel le député fait référence, et dont j'ai parlé vendredi dernier, avait été créé sans autorisation par trois ministres du gouvernement conservateur précédent. Une des premières mesures que nous avons prises à notre arrivée au gouvernement a été d'annuler ce projet.

Je n'ai pas d'objection à examiner la question afin de trouver un moyen d'obtenir le meilleur tarif possible. De fait, l'administration fédérale effectue des déménagements dont l'ensemble représente, sauf erreur, 35 p. 100 de tous les déménagements effectués au Canada. Il s'agit d'une activité économique importante qui se chiffre à plus de 100 millions de dollars.

Nous allons certainement nous pencher sur la question. Je souligne cependant que le gouvernement précédent avait procédé d'une manière tout à fait inacceptable et, comme je le disais vendredi dernier, ce n'est pas notre façon d'agir.

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Osvaldo Nunez (Bourassa): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Les violations des droits de la personne se poursuivent au Salvador, et ce nonobstant les accords de paix de 1992. Même le ministre des Affaires étrangères du Canada déplorait, le 17 décembre 1993, et je le cite: «. . .la réapparition de la violence politique au Salvador.» Malgré cette situation alarmante, une cinquantaine de ressortissants salvadoriens, résidant au Québec, dont les demandes d'asile ont été rejetées par la Commission d'immigration et du statut de réfugié, sont menacés d'expulsion du Canada. Ma question est la suivante: Le ministre entend-il intervenir dans ces décisions d'expulsion qui mettent en danger la vie des réfugiés salvadoriens s'ils étaient forcés de retourner au Salvador?

(1500)

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, je veux remercier mon ami de sa question et, tout d'abord, lui offrir mes félicitations pour avoir été choisi porte-parole de son parti en matière de citoyenneté et d'immigration.

[Traduction]

Au sujet de la cinquantaine de Salvadoriens, je dois dire que la législation sur la protection des renseignements personnels m'interdit de vous communiquer les détails. Je suis sûr que le député comprend cela.

Ces personnes ont maintenant passé l'étape de l'audience en vue de la reconnaissance de leur statut de réfugié. Elles ont porté leur cause en appel devant la Cour fédérale et obtenu un réexamen de leur dossier. Elles ont aussi écrit à mon cabinet pour demander à rencontrer les autorités, et des fonctionnaires de mon ministère rencontrent actuellement ces personnes-on nous a dévoilé leurs noms il y a quelques jours seulement-pour entendre la proposition qu'elles veulent nous faire.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa): Je désire poser une question additionnelle, monsieur le Président.

Pourquoi le gouvernement a-t-il suspendu les expulsions de ressortissants de la Chine, d'Haïti et de la Somalie et pourquoi ne s'engage-t-il pas à accorder le même traitement aux Salvadoriens?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, pour ce qui est du Salvador, le pouvoir de déterminer qui est un réfugié et qui ne l'est pas relève uniquement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. C'est vrai que les ressortissants de Chine et d'Irak ne sont pas retournés dans leur pays.

390

Le ministère des Affaires étrangères, notre mission au Salvador et le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés nous apprennent qu'en effet, nous retournons dans leur pays des ressortissants salvadoriens.

Il est vrai qu'à l'approche des élections de mars, les flambées sporadiques de violence ont empiré. Nos autorités compétentes surveillent la situation. Si la situation se détériore au point où nous croyons qu'il est injuste, nuisible et dangereux de retourner ces gens chez eux, le gouvernement n'hésitera pas à le reconnaître.

* * *

DOUANES CANADA

M. Jay Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

On rapporte que le ministère de la Justice a ordonné à Douanes Canada de ne pas intercepter les faux documents, y compris les passeports canadiens contrefaits, qui sont découverts dans le courrier qui entre au Canada. La raison que l'on invoque, c'est que la saisie des faux documents décelés au cours de fouilles habituelles pourrait contrevenir à la protection contre les fouilles et les saisies abusives prévue dans la Charte des droits et libertés. Il s'agit là d'un recours scandaleux à la charte.

Le ministre peut-il expliquer aujourd'hui à la Chambre ce qu'il faut faire pour autoriser Douanes Canada à saisir les faux documents qui entrent au Canada et à ne pas hésiter à poursuivre les responsables?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration): Monsieur le Président, non seulement nous avons lu le même article, mais les fonctionnaires de mon ministère ainsi que du ministère du Revenu ont reçu une opinion émise par le ministère de la Justice, que nous respectons puisqu'elle reflète les termes de la loi.

Cependant, je me permets de déclarer clairement qu'en dépit du fait que nous observons la loi, mes fonctionnaires et moi jugeons les conséquences d'une telle directive totalement inacceptables. J'espère pouvoir compter sur la collaboration du parti du député, des fonctionnaires de la Justice, du Revenu et de l'Immigration, pour apporter au plus tôt des modifications aux lois sur les douanes et sur l'immigration afin d'assurer la meilleure protection possible aux frontières canadiennes. D'ici là, nous nous efforcerons d'observer la loi tout en garantissant cette protection.

J'ajoute également que toute personne qui franchit la frontière avec de faux documents, qu'il s'agisse de visas ou de passeports, sera certainement arrêtée et accusée.

* * *

LE LOGEMENT

M. Paul Zed (Fundy-Royal): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre responsable du logement.

Le ministre pourrait-il nous entretenir de la promesse gouvernementale exposée à grands traits dans le discours du Trône de rétablir l'important Programme d'aide à la rénovation résidentielle?

L'hon. David Dingwall (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à remercier et à féliciter mon collègue, le député de Fundy-Royal, pour sa première question à la Chambre.

Le programme PAREL comprend trois volets distincts selon qu'il s'adresse aux propriétaires, aux personnes handicapées ou aux personnes qui ont besoin de faire effectuer des réparations d'urgence. Se trouve ainsi confirmée dans le discours du Trône une autre promesse que le premier ministre a faite au cours de la campagne électorale, à savoir consacrer 100 millions de dollars sur deux ans au programme PAREL. Cela permettra d'aider les Canadiens à faible revenu à réparer leur maison et de créer en outre des emplois tellement nécessaires.

(1505)

La date de mise en place du programme est la même que celle de la présentation du discours du Trône, à savoir le 18 janvier.

_____________________________________________


390

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. Joe Fontana (secrétaire parlementaire du ministre des Transports): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 34(1) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement; le procès-verbal de la réunion préparatoire du Comité des affaires économiques du Conseil de l'Europe en vue du débat annuel de l'OCDE qu'ont tenue l'Association parlementaire du Conseil de l'Europe et le Parlement européen à Londres, à Paris et à Bruxelles, du 23 juin au 2 juillet 1993.

J'ai aussi l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de l'Association parlementaire Canada-Europe à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et du débat de l'OCDE que le Conseil de l'Europe a tenu à Londres et à Strasbourg, du 22 septembre au 2 octobre 1993.

L'hon. William Rompkey (Labrador): Monsieur le Président, conformément à l'article 34 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre le premier rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN qui porte sur la session de printemps de l'Assemblée de l'Atlantique Nord tenue à Berlin le 20 mai 1993. Je présente également un deuxième rapport, portant celui-là sur la session annuelle de l'Assemblée de l'Atlantique Nord qui a eu lieu à Copenhague du 7 au 12 octobre 1993.


391

LA LOI SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE L'ÉTAT ET LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): demande à présenter le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif.

(La motion est adoptée d'office, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

PÉTITIONS

LES PENSIONS DE RETRAITE DES PERSONNES ÂGÉES

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur le Président, j'ai une pétition où il est dit que les pensions de retraite des personnes âgées ne reflètent pas leurs véritables besoins. L'indice du coût de la vie ne traduit pas leurs besoins financiers. Les pétitionnaires croient que les pensions de vieillesse actuelles, même avec le supplément de revenu, en contraignent beaucoup à vivre sous le seuil de la pauvreté. Par conséquent, beaucoup de personnes âgées se voient dans une situation extrêmement difficile.

(1510)

Les pétitionnaires exhortent le gouvernement à examiner tout le régime fiscal pour que leurs pensions de vieillesse soient suffisantes.

LE SÉNAT

M. Vic Althouse (Mackenzie): Merci, monsieur le Président. J'ai des pétitions signées par des habitants de Macom et des environs, en Saskatchewan, qui attirent l'attention de la Chambre sur le fait que le Sénat n'est pas élu, qu'il n'a de comptes à rendre à personne et est devenu un refuge pour les bénéficiaires de faveurs politiques, et qu'il y a longtemps qu'il a perdu de vue les intérêts des contribuables.

Les pétitionnaires ajoutent que puisque les articles 41 et 42 de la Loi constitutionnelle de 1982 permettent de modifier certaines institutions, dont le Sénat, par voie de motion de la Chambre des communes, la Chambre devrait adopter une motion visant à abolir le Sénat.

[Français]

LES LOGEMENTS SOCIAUX

M. Maurice Godin (Châteauguay): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer une pétition de 20 pages signée par 173 citoyens et citoyennes du comté de Châteauguay qui demandent au gouvernement de renoncer à toute hausse de loyer dans les logements sociaux et de dégeler le budget de la Société canadienne d'hypothèques et de logement afin de permettre la réalisation de nouveaux logements sociaux et coopératifs.

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. John Nunziata (York-Sud-Weston): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter à la Chambre une pétition émanant d'un organisme établi à Calgary, en Alberta, qui se veut la voix des enfants innocents, à propos de l'article 745 du Code criminel.

Les pétitionnaires font valoir que les individus trouvés coupables de meurtre au premier degré sont condamnés à l'emprisonnement à perpétuité, sans admissibilité à la libération conditionnelle avant 25 ans; or, l'article 745 du Code criminel permet aux meurtriers de présenter une demande de réduction de peine même s'ils ont été jugés, trouvés coupables et condamnés à une peine par un tribunal; par ailleurs, les individus trouvés coupables de meurtre au premier ou au second degré et condamnés à l'emprisonnement à perpétuité peuvent être admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé 15 années d'emprisonnement seulement aux termes de l'article 745 du Code criminel. Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter une mesure législative ayant pour objet de supprimer l'article 745 du Code criminel.

Je devrais ajouter que je présenterai très bientôt de nouveau à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire qui aurait pour effet de supprimer l'article 745 du Code criminel.

LES MÉDICAMENTS D'ORDONNANCE

M. John Solomon (Regina-Lumsden): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai le plaisir de présenter une pétition que le greffier de la Chambre a jugée correcte quant à la forme et au contenu.

Cette pétition est signée par des Canadiens de ma circonscription, celle de Regina-Lumsden, et d'autres localités de la Saskatchewan, dont Saskatoon, Sedley, Cadillac, Ituna, Lumsden, Spirit Wood, Anaroyd, Lanagan et Grandura, pour n'en nommer que quelques-unes.

Ces pétitionnaires, monsieur le Président, sont très inquiets des répercussions du projet de loi C-91 qui a été adopté durant la dernière législature et qui prolonge jusqu'à 20 ans la période d'exclusivité conférée par le brevet de certains médicaments prescrits, permettant ainsi aux entreprises pharmaceutiques de fixer des prix de monopole et de réaliser d'importants bénéfices aux dépens des Canadiens.

À la suite de l'adoption de ce projet de loi, les médicaments prescrits coûtent plus cher au Canada que n'importe où dans le monde. Ces pétitionnaires, monsieur le Président, demandent donc à la Chambre d'abroger le projet de loi C-91, afin de réduire le fardeau financier qui pèse sur les consommateurs ayant besoin de médicaments prescrits et sur les régimes d'assurance-médicaments provinciaux.

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

M. Walt Lastewka (St. Catharines): Monsieur le Président, au nom du député de Welland-St. Catharines-Thorold, j'ai le plaisir de déposer deux pétitions. Celles-ci sont présentées au nom des grands-parents de la circonscription qui déplorent vivement d'être privés de la possibilité de voir leurs petits-enfants lorsque des familles sont divisées par la mort, par une séparation ou par un divorce.

Durant la dernière législature, bon nombre de mes collègues du caucus libéral ont soulevé cette question qui continue de nous tenir à coeur. Je vous remercie.

(1515)

LES CARTES DE TUEURS EN SÉRIE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est): Monsieur le Président, en conformité de l'article 36 du Règlement, j'ai une pétition à présenter au nom de mes électeurs. De nombreux résidents de la circonscription de Calgary-Nord-Est appuient les mesures pri-

392

ses par Mme Debbie Mahaffy pour que l'importation de cartes de tueurs soit empêchée à la frontière canado-américaine et que ces cartes soient saisies pour éviter qu'elles ne soient distribuées.

Les cartes des jeux de tueurs en série, de meurtriers de masse et de bandits n'apportent rien de bon aux enfants et pas davantage aux adultes. Elles dépeignent simplement de la violence.

Les pétitionnaires prient donc humblement le Parlement de modifier les lois canadiennes pour interdire l'importation, la diffusion, la vente et la fabrication de ces cartes. Ils lui demandent aussi de prévenir les producteurs que les cartes, si elles sont destinées au marché canadien, seront saisies et détruites.

[Français]

LA HAUSSE DE LOYER DES LOGEMENTS SOCIAUX

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac): Monsieur le Président, j'ai ici une pétition qu'ont signée plus de 80 de mes électeurs et électrices. Ces gens de Frontenac, de Black Lake, de Thetford et de Saint-Ferdinand s'opposent à la hausse de loyer des logements sociaux.

Attendu que le gouvernement fédéral a gelé le budget de la SCHL pour les cinq prochaines années tout en lui demandant de réaliser des économies, supposément pour venir en aide à de nouveaux ménages, et attendu que, pour ce faire, le gouvernement fédéral envisage d'augmenter de 20 p. 100 le coût des loyers à loyer modique, nous, soussignés, demandons au Parlement:

-premièrement, de renoncer à toute hausse de loyer des logements sociaux;

-deuxièmement, de dégeler le budget de la Société canadienne d'hypothèques et de logement en matière de logements sociaux et coopératifs.

* * *

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes): Monsieur le Président, je regrette, mais je demande encore une fois que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

_____________________________________________


392

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LES ESSAIS DE MISSILES DE CROISIÈRE

L'hon. David Michael Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants) propose:

Que la Chambre, reconnaissant qu'il existe un accord-cadre bilatéral sur les essais d'armes entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis, prenne note des aspects nationaux, internationaux et bilatéraux du fait de permettre au gouvernement des États-Unis d'Amérique de procéder à des essais du missile de croisière sur le territoire canadien et, en particulier, à deux essais du missile de croisière pendant le premier trimestre de 1994.
-Monsieur le Président, par suite de l'expérience concluante du débat d'hier sur le maintien de la paix, le débat d'aujourd'hui revêt une importance capitale pour le gouvernement, car il l'aidera à prendre la décision définitive d'autoriser ou non la poursuite des essais du missile de croisière.

Le premier ministre s'est engagé pendant la campagne électorale à consulter davantage le Parlement au sujet de questions liées à de grandes orientations comme celle-ci.

Le ministre du Développement des ressources humaines, du temps où il était dans l'opposition, avait bien raison de poser des questions au ministre de la Défense d'alors et de lui dire qu'en vertu de l'accord renégocié en 1993 les essais ne pouvaient être faits sans que la Chambre des communes en ait d'abord discuté. Nous en discutons aujourd'hui.

L'un de nos vis-à-vis ne veut pas qu'on utilise le mot «audience» pour décrire le débat de ce soir, qui se prolongera peut-être encore jusqu'à minuit. Il tentera en effet de nous faire croire que la séance de ce soir n'est pas une audience. Pourtant, il n'y a pas meilleure audience publique que lorsque tous les députés participent à une discussion en direct à la télévision nationale.

Ne jouons donc pas sur les mots. Il s'agit bien d'une audience. C'est un débat parlementaire en bonne et due forme sur une question très délicate. Je ne doute pas que le ministre du Développement des ressources humaines, qui était le porte-parole de notre parti sur la politique étrangère lorsque nous étions dans l'opposition, considère, par sa seule présence, que le débat de ce soir est tout à fait pertinent.

Comme pour le débat d'hier, les députés n'ont pas de discipline de parti à respecter. Ils peuvent exprimer librement leurs opinions. Je ne voudrais pas préjuger de l'issue du débat.

Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et il le fera en temps et lieu. Le gouvernement veut qu'il soit absolument clair que les points de vue des députés l'aideront à prendre une décision définitive.

(1520)

Je voudrais faire brièvement l'historique de la question pour les nouveaux députés. Jai eu le malheur de ne pas avoir été à la Chambre ces dernières années, mais j'y étais pendant de nombreuses années où l'entente a d'abord été négociée par le gouvernement libéral de M. Trudeau.

Un missile de croisière, c'est essentiellement un petit engin téléguidé propulsé par un moteur à réaction. Les missiles à long rayon modernes, pour lesquels les États-Unis ont fait des essais depuis quelques années au Canada, sont équipés de systèmes de guidage hautement perfectionnés qui leur permettent de suivre des trajets prédéterminés à différentes altitudes. En fait, les essais des missiles de croisière faits au Canada ont pour but de prouver l'efficacité de ces systèmes de guidage.


393

Les missiles de croisière peuvent être vecteurs de charges conventionnelles ou nucléaires, mais je tiens à faire remarquer que les missiles testés au Canada n'ont aucune charge nucléaire.

[Français]

Les essais de missiles de croisière non armés ont été effectués en vertu d'un accord entre le Canada et les États-Unis, l'Accord d'essai et d'évaluation. Cet accord, signé en 1983, a été approuvé initialement pour une période de dix ans. Il a permis aux États-Unis de tester et d'évaluer des systèmes d'armes et d'autres équipements en territoire canadien.

L'accord a été renégocié par le gouvernement précédent en février 1993, et il a été renouvelé pour une période additionnelle de dix ans.

[Traduction]

Pour la première fois, l'accord est réciproque. C'est quelque chose de nouveau. Le Canada a obtenu un accès parallèle aux centres d'essais militaires américains. En outre, les coûts marginaux des procédés d'enlèvement sont les mêmes dans les deux pays, ce qui pourrait signifier des économies substantielles pour le Canada.

Au printemps dernier, les États-Unis ont fait parvenir au gouvernement précédent leurs prévisions annuelles relativement aux essais de routine et lui ont demandé l'autorisation de faire deux essais de missiles de croisière au-dessus du Canada au début de l'année 1994.

Il est très important de bien comprendre l'ordre chronologique des événements. En août 1993, l'ancien gouvernement avait fait savoir aux autorités américaines que les deux essais étaient en principe approuvés et qu'elles pouvaient donc en tenir compte dans leur planification. La planification s'est poursuivie après l'arrivée de notre gouvernement au pouvoir.

Avant Noël, un responsable du ministère de la Défense nationale a fait savoir à son homologue, à Washington, qu'il risquait d'y avoir un problème à cause des engagements pris antérieurement par notre parti. Le débat que nous avons aujourd'hui tient bien compte de la mise en garde que nous avons faite aux États-Unis.

Si les États-Unis demandent à effectuer des essais de missiles de croisière non armés au-dessus de notre territoire, c'est parce que le corridor canadien où se font ces essais présente un défi particulièrement difficile. Comme on le sait, notre territoire réunit des conditions extrêmement propices à de tels essais. Notre territoire présente une série de particularités qui n'existent pas aux États-Unis, par exemple une latitude élevée, des températures polaires et, sur le plan topographique, toute une gamme d'éléments nécessaires à l'essai complet du système de navigation. D'où l'importance que les Américains attachent à ces essais et au régime général prévu dans l'accord en matière d'essai et d'évaluation.

Les États-Unis se rendent compte que le gouvernement actuellement au pouvoir, à Ottawa, pourrait bien vouloir changer les choses. Tous les députés à la Chambre reconnaîtront que la question des essais du missile de croisière a toujours fait, au Canada, l'objet d'une controverse qui va sans nul doute refaire surface aujourd'hui à la Chambre.

Je voudrais revenir un petit peu en arrière pour vous donner une meilleure idée de la façon dont les choses ont évolué ces dix dernières années. En 1983, quand le gouvernement a accepté que se fassent les premiers essais, la situation était très différente de ce qu'elle est aujourd'hui.

Premièrement, les essais du missile de croisière s'inscrivaient dans le contexte de la guerre froide. C'était au début des années 80, alors que les relations est-ouest étaient très mauvaises, avec l'invasion de l'Afghanistan par les troupes soviétiques, l'histoire de l'appareil de la Korean Airlines abattu en plein vol et la controverse provoquée par le déploiement en Europe de missiles de croisière à portée intermédiaire. Dans les circonstances, le Canada avait toutes les raisons de voir dans le fait d'autoriser les essais du missile de croisière une importante contribution à la défense collective contre la menace soviétique.

Deuxièmement, la question des essais du missile de croisière était une question nucléaire, je dis bien nucléaire. Le missile de croisière aéroporté qui était testé dans notre espace aérien, celui qui avait le nom de code AGM-86B, était un système d'arme nucléaire, non armé, bien sûr, durant les essais au-dessus du territoire canadien.

(1525)

Les essais devaient donc se faire dans le cadre d'une politique canadienne non seulement de dissuasion, mais aussi de désarmement et de limitation des armemnts. Avec le temps, les circonstances qui avaient permis les essais du missile de croisière ont commencé à changer, et ont vraiment changé, surtout avec la fin de la guerre froide. La confrontation a fait place à la détente, qui a elle-même donné lieu rapidement à une coopération est-ouest sur toute une gamme de questions. Nous avons assisté à l'une des transformations politiques les plus remarquables de l'histoire moderne. En l'espace de seulement deux ans, des révolutions dans le centre et l'est de l'Europe ont provoqué l'effondrement du Pacte de Varsovie, la réunification de l'Allemagne et la désintégration de l'Union soviétique.

Nous avons également assisté à des progrès remarquables dans le domaine de la limitation des armements. Ainsi, l'équilibre nucléaire américano-soviétique s'est nettement amélioré avec la signature des accords sur la réduction des armements stratégiques prévoyant une réduction considérable de ces arsenaux.

[Français]

Bien sûr, les changements survenus au cours des dix dernières années n'ont pas tous été aussi positifs.

La fin de la guerre froide a donné naissance à de nouveaux problèmes de sécurité. C'est le cas notamment des conflits ethniques et des disputes pour l'appropriation des ressources qui n'avaient pas éclaté pendant la guerre froide.

De plus, tout au long de ces dernières dix années, des régimes hostiles, comme ceux de la Libye, de l'Iraq et de la Corée du Nord, ont défié périodiquement la volonté de la communauté internationale.

À mesure que la situation a changé, le programme d'essai a changé aussi, tout comme ont changé les raisons qui le justifient.


394

[Traduction]

En 1989, le gouvernement a approuvé l'essai d'une nouvelle variante du missile de croisière, le missile de croisière perfectionné. Ce missile représente une amélioration par rapport au système initial. Il est plus précis, peut voler plus loin et est plus difficile à détecter par radar. En outre, le missile de croisière constitue maintenant une importante composante de l'arsenal d'armes conventionnelles de nombreux pays. Si l'on retourne quelques années en arrière et que l'on s'arrête à des conflits comme celui de la guerre du Golfe, on se rend compte que les systèmes d'armes conventionnelles sont parfois plus importants que les systèmes d'armes nucléaires. Comme nous pouvons donc le constater, l'essai des missiles de croisière n'a jamais été une question statique.

Si les observations que j'ai faites cet après-midi vous portent à croire que j'approuve l'essai des missiles de croisière, vous vous trompez. Ce que j'essaie de faire, c'est de vous dire honnêtement-je sais que la pratique veut que je m'adresse directement à vous, monsieur le Président, mais veuillez ne pas vous en offusquer-que ce que nous tentons de faire, c'est de faire ressortir les raisons pour lesquelles les États-Unis ont procédé à des essais du missile de croisière par le passé et voudraient recommencer.

Or, mes observations n'auront aucune incidence sur la décision du gouvernement de se pencher sur la question des essais du missile de croisière, en 1994, dans le cadre de l'accord d'essai et d'évaluation. Autrement dit, c'est le Cabinet qui décidera, après les délibérations aujourd'hui, si ces essais pourront avoir lieu ou non pendant le premier trimestre de 1994.

M. Robinson: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Je me demande si le ministre serait disposé à répondre à une très brève question à ce sujet.

Le président suppléant (M. Kilger): Je demande le consentement unanime de la Chambre. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

[Français]

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition): Monsieur le Président, la question qui fait l'objet du débat d'aujourd'hui a trait à l'un des aspects les plus significatifs des rapports entre le Canada et les États-Unis. Il met en cause de façon concrète le cadre dans lequel s'effectue la coopération que nous avons forgée pour assurer notre sécurité réciproque. Mais elle soulève aussi les questions connexes de la paix et du désarmement.

Ces deux dernières questions sont plus actuelles que jamais. Le monde éprouve présentement un douloureux déchirement entre l'espoir d'une paix durable et l'horreur des massacres qui, au même moment, rivalisent en atrocité, même en Europe, berceau de la civilisation. Il n'en est pas moins vrai qu'un authentique espoir a été suscité par l'ordre nouveau qui a semblé naître. Mais cet espoir, il s'est surtout nourri des efforts et des succès, des succès partiels, il faut le dire, mais encourageants, de désarmement accomplis entre les États-Unis et l'ancienne Union soviétique, confirmés ensuite par la Russie.

(1530)

Toutes les populations souhaitent ardemment qu'on accentue cet effort. Ce dernier progressera d'autant mieux, d'autant plus sûrement qu'il s'effectuera de façon ordonnée, consolidant chaque gain par le maintien de mesures réalistes, propres à assurer la sécurité de tous. Le désarmement doit aller de pair avec la sécurité, qui devra toujours être assurée par un minimum de dissuasion.

Il y a donc d'abord la question des liens entre Canadiens et Américains, qui sont anciens, solides et multiples. Aux côtés des États-Unis, le Canada est membre de l'OTAN depuis 1949 et de NORAD depuis 1958. Nos engagements mutuels nous lient, par conséquent, aussi bien pour une défense intégrée de l'Amérique du Nord que des autres pays de la zone atlantique nord. Dans le cadre de ces traités, notre aviation, notre marine et notre armée de terre ont, depuis longtemps, établi des modes d'opérations communs. Les équipements militaires sont souvent interchangeables et les officiers des différentes armées entretiennent d'étroites relations fonctionnelles et même personnelles. Les activités d'entraînement, d'expérimentations, d'exercices et de manoeuvres sont on ne peut plus fréquentes. Et tout cela se fait en général conjointement. Bref, il n'y a pas, au monde, d'organisations militaires plus près l'une de l'autre. Si bien que les tiers pays arrivent parfois difficilement à percer cette quasi-osmose, quand il s'agit, par exemple, de vendre des équipements militaires au Canada.

C'est dans cet esprit qu'un gouvernement libéral a conclu, en 1983, avec les États-Unis, une entente de 10 ans, appelée de l'un de ces jargons impossibles, dans ce cas-ci c'est CANUSTEP, prévoyant la possibilité pour les États-Unis de procéder à des essais d'armements en territoire canadien. Chaque série d'essais doit recevoir l'autorisation du gouvernement canadien.

Les engagements du Canada à l'égard de la force de dissuasion stratégique sont essentiellement soumis à des mesures de coopération inter-alliées. Le Canada ne possède aucun armement stratégique au sein de ses forces. Cependant, dans la mesure où il oriente sa défense en fonction de l'entente inter-alliée et aussi dans la mesure où il bénéficie de la sécurité collective, il doit se porter volontaire, le cas échéant, à collaborer à la mise en place de cette force de dissuasion stratégique. Cet élément fait partie intégrante de la politique nationale de défense, telle qu'il apparaît dans les Livres blancs de la Défense de 1971, de 1987 et de l'énoncé politique en matière de défense de 1992.

Parmi les armements visés se trouvent les missiles de croisière qui, à peu près chaque année, de 1983 à 1993, ont été soumis à de nombreux essais dans le Nord canadien, plus précisément à l'intérieur d'un couloir de 2 200 kilomètres comprenant des parties des Territoires du Nord-Ouest, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan. Rappelons que ces missiles, d'un rayon d'action de 3 000 kilomètres, sont lancés à partir de bombardiers et guidés ensuite vers leur cible par un dispositif sophistiqué d'auto-pilotage. Le territoire canadien était et reste le seul endroit au monde, pour les Américains, dont les dimensions et la topographie se prêtent à de tels essais.

En 1983, les raisons qui ont motivé l'adhésion du gouvernement canadien avaient évidemment à faire avec la guerre froide qui sévissait entre les superpuissances américaine et soviétique.


395

C'était l'époque de la stratégie de dissuasion nucléaire dans un monde bipolaire.

Le missile de croisière satisfaisait à toutes les exigences de l'époque puisqu'il peut transporter indifféremment une tête nucléaire ou conventionnelle, d'où l'avantage de flexibilité qu'il présente. Cependant, l'accord de 1983 excluait formellement toute possibilité de procéder aux essais de missiles munis d'ogives nucléaires.

Comme on le sait, la situation géopolitique devait subir des modifications substantielles à partir de 1989. La dislocation du Pacte de Varsovie, dressé face à l'OTAN, devait profondément altérer les données stratégiques.

Des deux organisations, seule l'OTAN a survécu. Mais le dégel politique a accentué le mouvement de désarmement. Si bien qu'en 1991 et 1992, les traités START I et START II imposaient une réduction du nombre de missiles et d'ogives nucléaires déployés par les États-Unis et leur vis-à-vis. Depuis lors, le plafond imposé aux deux interdit la construction de nouveaux missiles de croisière, sauf pour combler l'attrition. Ils doivent donc se contenter d'en bonifier les performances, c'est-à-dire, concrètement, d'améliorer la précision et la fiabilité des sytèmes de guidage.

(1535)

C'est pourquoi les États-Unis ont demandé en 1993 au gouvernement canadien, qui l'a accepté, de renouveler pour une autre décennie, soit jusqu'en l'an 2013, l'entente de 1983.

Dans son énoncé politique de l'an dernier en matière de sécurité, le Canada a rajusté sa position sur les questions stratégiques en ne reconnaissant plus le monde stratégique en fonction de sa bipolarité. Les nouvelles puissances nucléaires étant considérées comme instables par nature, il devenait problématique pour le Canada et ses alliés de se dissocier de la dissuasion nucléaire, de sorte que cette dernière n'a pas été évacuée par le nouvel énoncé politique.

[Traduction]

On est donc en droit de se demander pourquoi le gouvernement a engagé le débat d'aujourd'hui si le Canada, après avoir évalué la situation qui prévalait à l'époque, a conclu une entente de principe qui le lie jusqu'en l'an 2003.

Dans les faits, en vertu de l'accord récemment renouvelé, les États-Unis demandent au gouvernement du Canada l'autorisation de procéder à des essais d'un système de guidage amélioré dont ils veulent doter leurs missiles de croisière. Or, plusieurs députés chevronnés du Parti libéral se sont déjà prononcés contre ces essais.

Le gouvernement cherche-t-il aujourd'hui à se trouver des alliés à la Chambre pour qu'ils appuient la réponse négative, déjà toute prête, à la demande que font les Américains? Certaines allusions se dégageant du discours aseptisé du ministre pourraient nous porter à croire que tel est bien le cas.

Pour sa part, le Bloc québécois estime qu'il importe de voir sérieusement et en toute objectivité, en faisant abstraction des grands principes et des opinions préconçues, où résident les intérêts et les responsabilités véritables du Canada dans cette affaire.

Les adversaires de la reprise des essais fondent essentiellement leur argumentation sur le danger que présente la prolifération de ce type de missile, surtout à une époque où l'emploi de la force de dissuasion nucléaire n'a plus sa place. Il est vrai que la technologie de base servant à la fabrication de ces armes peut être à la portée de bien des pays. Les Russes ont déjà réalisé leur version de cet engin, l'AS-15, et ils ne sont pas tenus de demander à qui que ce soit l'autorisation de perfectionner leur système puisqu'ils peuvent effectuer des essais au-dessus des vastes steppes de Sibérie.

En 1992, dans un article paru dans le New York Times, le professeur Kosta Tsipis, du MIT, signale le risque de prolifération d'une telle arme, et je cite:

Tout pays capable de fabriquer un avion rudimentaire est en mesure de construire un missile de croisière assez puissant pour transporter une charge d'une tonne sur une distance d'au moins 300 milles et de le faire tomber à moins de 30 pieds de la cible.
[Français]

En fait, ce ne sont pas les essais américains au Canada qui créent la menace de prolifération. Soulignons que ces essais, qui sont sollicités par le gouvernement américain, n'impliquent pas de nouvelles technologies nucléaires. Ces essais ne sont contraires ni à la lettre ni à l'esprit des traités START, du Traité de non-prolifération nucléaire ou du régime de contrôle sur la technologie des missiles. Ce faisant, elles ne contribuent pas à une escalade des forces stratégiques dissuasives nucléaires. De plus, en juillet 1993, la construction du nouveau missile de croisière furtif air-sol a été restreinte à 460 unités, soit 1 000 de moins que le nombre initialement prévu. Il est également important de noter que, depuis quelques années, les essais portent sur la détection, l'interception et le guidage des missiles. En ce sens, tout essai qui améliore les techniques de repérage et d'interception de ces engins contribue à limiter le danger que représentent la fabrication et l'utilisation des autres missiles de croisière mis au point par d'autres pays. La détection et la destruction en vol de cette arme sont les seules rispostes efficaces.

Il faut savoir à ce sujet que les Américains ne sont pas les seuls à tirer profit d'une amélioration, à l'occasion de ces essais, des techniques de repérage. Le Canada en retire aussi un bénéfice, puisque nos pilotes participent aux opérations de surveillance et de détection.

Les changements apportés à la situation internationale ne sont pas tous favorables, d'abord parce que le climat politique en Russie est loin d'offrir toutes les garanties de stabilité. Les récentes élections ont révélé l'essor d'un très fort mouvement de droite. Les déclarations de son chef, M. Vladimir Jirinovski, ne sont pas de nature à rassurer sur le maintien de la politique de détente advenant un retour au pouvoir des militaristes.

(1540)

Ce ne serait pas la première fois qu'on aurait vu un parti d'opposition former le gouvernement à la suite d'élections éventuelles.


396

Ensuite, parce que la fragmentation de l'URSS, si bénéfique en ce qui a trait à la réduction de la tension internationale, a aussi produit un effet secondaire qui ne laisse pas d'inquiéter. À la faveur de l'effondrement de l'empire soviétique, de nouvelles puissances nucléaires ont surgi. Les résistances de l'Ukraine sont révélatrices à cet égard, quoiqu'elle ait montré des signes de coopération.

On a pu douter que les contrôles concernant la quantité, la consommation et même l'utilisation des stocks d'armes dont ces républiques ont hérité soient totalement efficaces. Sans compter les autres pays qui détiennent ou l'arme nucléaire ou font tout pour l'obtenir. La Chine, l'Inde et le Pakistan l'ont déjà. Les journaux font régulièrement état des visées de plusieurs autres pays, dont l'Irak, pour développer un programme nucléaire. Il ne faut pas prendre à la légère la menace que constituerait l'utilisation possible, par tous ces pays, de missiles de croisière à courte portée munis de têtes nucléaires.

Le meilleur moyen de contrer cette menace est encore de raffiner les méthodes de repérage et d'interception, ce qui est l'une des retombées positives des essais dont nous discutons aujourd'hui.

Rappelons d'ailleurs que le missile de croisière peut servir de vecteur pour une charge conventionnelle. Tout indique même que c'est dans le sens de cette utilisation que devrait préférablement s'orienter son perfectionnement. Les essais projetés sont particulièrement intéressants à cet égard puisque, selon les informations données par les Américains, ils porteront sur un nouveau système de guidage visant à améliorer la fiabilité et la précision de la frappe. Les moyens de destruction de masse, comme l'arme nucléaire, n'ont guère besoin d'améliorer la précision déjà atteinte. Dans la mesure où la nouvelle donne géopolitique exige des alternatives à la frappe de type nucléaire, la nécessité s'accroît donc de mettre au point des armes conventionnelles plus performantes.

Dans ce domaine, et à l'heure présente, qui dit plus performant dit plus précis. Les stratèges souhaitent de plus en plus mettre à la disposition de leurs armées les moyens d'intervenir sûrement, à distance, et de façon pointue. C'est la seule manière d'atteindre une cible restreinte mais d'intérêt stratégique, en épargnant les populations civiles avoisinantes. Le missile de croisière est le moyen par excellence de satisfaire à ces exigences. On a vu, durant la guerre du Golfe, les résultats spectaculaires remportés par les Tomahawks, ces missiles de croisière armés de charges classiques. Tout essai visant à améliorer cette arme chirurgicale s'inscrit donc dans le sens d'une stratégie mieux adaptée aux impératifs de l'après-guerre froide.

En plus, il n'existe à peu près pas de coûts économiques directs pouvant être reliés à la mise en essai des missiles de croisière en sol canadien. S'il en existe, ils sont compensés par le gouvernement américain en vertu des accords qui ont été conclus. À l'inverse, ces essais favorisent, au moins indirectement, l'accès, pour la défense nationale canadienne, à des installations pouvant mettre à l'épreuve des technologies militaires développées ici au Canada.

Est-ce qu'il existe un coût environnemental? Il est pour ainsi dire inexistant si l'on considère la très faible fréquence des vols, quelques-uns tout au plus, une fois par année, étirés sur un parcours de 3 000 kilomètres de long, au-dessus d'un territoire à peu près désert.

Mais il y a aussi l'aspect politique de la question. Qui nous demande de tenir ces essais? Il ne faudrait tout de même pas oublier qu'il s'agit des États-Unis, le meilleur ami du Canada, son seul voisin, son allié le plus sûr et son principal partenaire économique, une grande nation qui parle la même langue que celle de la majorité canadienne. Les États-Unis, faut-il le rappeler, sont les piliers de l'OTAN et de NORAD, les deux pactes d'où nous tirons les garanties de notre sécurité. Si jamais une menace militaire devait peser sur nous, ce que nous ne souhaitons pas-nous prions que cela n'arrive jamais et sommes à peu près certains que cela n'arrivera pas, mais le doute étant là, il faut quand même retenir l'hypothèse-, si jamais une menace nucléaire pesait sur le Canada et sur le Québec, vers qui se tourneraient les Canadiens et les Québécois? Vers qui? Je n'ai même pas à formuler la réponse, tant elle est évidente. Nous serions bien aises alors de pouvoir compter sur un allié qui dispose de missiles de croisière développés à ses frais.

Au reste, nous ferions bon marché de la valeur de nos engagements, de la valeur de la signature canadienne, en interrompant brusquement la longue séquence des essais effectués depuis 1983. Je me demande bien comment le premier ministre pourrait expliquer ce volte-face à nos amis de toujours, lors de son prochain voyage à Washington. Et même s'il était accompagné du ministre des Affaires étrangères, je crois que l'explication serait laborieuse.

(1545)

Je peux comprendre et je fais mien le désir de nous démarquer des Américains quand nos intérêts l'exigent, mais ce n'est pas le cas présentement. Au contraire, dans cette affaire, la balance des avantages penche du côté de la coopération avec les États-Unis et d'une contribution sans frais à notre propre protection.

Je respecte, sans les partager, les arguments de ceux qui fondent leur opposition sur leur certitude d'une détente à jamais acquise. J'espère qu'ils ont raison, mais je voudrais seulement en être sûr. Et comme personne ne peut en être sûr, il faut bien examiner les questions de sécurité. En tout cas, j'ose espérer que le gouvernement prendra sa décision quelle qu'elle soit, à partir de motifs rationnels et réfléchis. Mais beaucoup s'inquiéteraient de voir le gouvernement chercher simplement à dire non aux essais uniquement pour plaire à un lobby anti-américain là-dessus qui a encore quelques racines dans certaines parties du pays.

Surtout, il y aurait, dans le geste de rupture que constituerait le refus aux essais, quelque chose de subit et d'incohérent.

Nous en sommes encore à voir la première page du Livre blanc que le gouvernement nous a promis sur la révision de nos politiques de défense. Où est l'analyse de notre situation militaire et internationale? Quels seront les objectifs assignés à notre aviation? Quel rôle jouera la marine? Quelle sera la mission de l'armée de terre? Quelle sera la nature et le niveau de notre participation à l'OTAN et à NORAD? Quel sera notre de degré d'engagement en Europe? Allons-nous maintenir nos missions de paix? Si oui, à quelles conditions, avec quel équipement et selon quels critères? Quelle contribution allons-nous demander


397

aux États-Unis dans le maintien de notre sécurité? Allons-nous continuer de nous abriter sous leur parapluie?

Toutes ces questions et bien d'autres sont encore sans réponse. Pourquoi alors poser un geste isolé, précipité qui, rompant avec la continuité de nos engagements et privé de toute assise cohérente, prendrait les allures d'un coup de tête et serait jugé comme tel?

Le Bloc estime donc que dans l'état actuel des choses, il n'y a pas lieu de rompre la coopération qui caractérise les rapports que nous entretenons avec nos voisins. Le réexamen de toutes ces questions devra passer par un effort de réflexion global et approfondi, qui, j'ose le croire, pourra bénéficier en outre d'une large consultation du grand public.

M. Robinson: Question et commentaire, monsieur le Président.

Le président suppléant (M. Kilger): Y a-t-il consentement unanime à ce que le député de Burnaby-Kingsway puisse poser une question?

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il n'y a pas consentement unanime, il y a reprise du débat.

[Traduction]

Dans un esprit de justice et de coopération à la Chambre, les députés du Parti réformiste peuvent-ils dire à la présidence qui sera le prochain à prendre la parole?

M. Frazer: Monsieur le Président, nous croyions que la prochaine période était réservée au Parti libéral. Voulez-vous qu'elle soit plutôt accordée à notre parti?

Le président suppléant (M. Kilger): Oui.

M. Jack Frazer (Saanish-Les Îles-du-Golfe): Monsieur le Président, je ne veux pas revenir sur tout ce qui a déjà été dit. Je tiens cependant à signaler que cet accord a été signé en 1983. On a prolongé son application pour cinq ans en 1988 et on l'a renouvelé en février 1993 pour une nouvelle période de dix ans. Cet accord vient appuyer un pacte de défense mutuelle d'une grande importance pour le Canada. C'est un élément de stabilité non négligeable.

Même si l'URSS a disparu, à toutes fins pratiques, et qu'elle ne représente plus une menace évidente pour nous, la région n'est certainement pas sous contrôle. Elle est encore marquée par une grande instabilité. Quand on sait que les Russes ont construit une arme très semblable à celle qu'on propose de tester au Canada, il faut penser que beaucoup de pays de cette région ont des problèmes de trésorerie et des difficultés sur le marché des changes. Ces pays sont très vulnérables aux offres que pourraient leur faire des organisations disposées à payer des sommes importantes en échange du pouvoir de faire régner la terreur.

(1550)

Le fait que ces armes ont été utilisées très efficacement à l'occasion de la guerre du Golfe est révélateur du pouvoir qu'elles donnent à leur propriétaire. Je vous rappelle les propos du chef de l'opposition, qui disait que n'importe quel pays ayant les moyens de construire un avion peut aussi construire une de ces armes pouvant transporter une tonne de dynamite ou d'explosifs sur une distance d'au moins 300 milles, pour aller exploser sur un objectif très précis.

Les essais effectués au Canada présentent un autre avantage, soit celui de permettre à nos pilotes de s'entraîner à l'interception des missiles de ce genre et de mettre leur matériel à l'épreuve. Ce facteur pourrait être d'une valeur inestimable en cas de besoin, non seulement au Canada, mais partout où nos forces pourraient avoir à intervenir un jour.

Il y a une autre retombée avantageuse. Dans le cadre de cet accord, ou de façon accessoire, le Canada profite conjointement avec les États-Unis de leurs programmes d'essai. Nous en tirons des renseignements intéressants et ils nous permettent d'échanger des données. C'est un programme productif.

Plusieurs de nos circonscriptions chevauchent le couloir réservé aux essais. À ma connaissance, nous n'avons reçu aucune plainte de la part de nos électeurs qui habitent dans cette zone. Certains s'inquiètent des conséquences de ces vols et s'en sont plaints mais, dans nos circonscriptions, nos électeurs n'ont formulé aucun commentaire à cet égard. Je considère que les conséquences environnementales de ces survols doivent être minimes, s'il y en a.

Si vous me permettez, je veux vous faire part de mon expérience personnelle à titre d'officier des opérations de la base, à l'époque où j'étais responsable du champ de tir de la base des Forces canadiennes Cold Lake. C'était un secteur rectangulaire d'environ 100 milles sur 60.

Une faune très abondante vivait dans ce champ de tir-des orignaux, des caribous, des ours grizzlis et bien d'autres espèces. J'ai souvent survolé ce champ de tir et j'ai déjà vu un orignal qui se trouvait là, la tête dans l'eau; le vol de notre appareil ne l'a pas du tout dérangé. En fait, j'ai aussi été au même endroit en hélicoptère et j'ai pu constater que le bruit de l'hélicoptère le perturbait bien davantage que celui des avions à réaction survolant la région. Ces avions volent à une altitude de 50 pieds à des vitesses de plus de 600 noeuds, soit plus de 700 milles à l'heure. Les animaux s'adaptent.

Je peux vous donner un autre exemple de leur faculté d'adaptation; lorsque j'ai visité ce champ de tir en 1976, un troupeau de huit bisons y vivait, à l'intérieur du périmètre du champ et non à l'extérieur. Lorsque j'ai quitté la région, en 1979, le troupeau comptait 13 bêtes.

Dans le présent cas, les tests ne peuvent être effectués qu'à l'intérieur d'une fenêtre bien déterminée. Si j'ai bien compris, les vols entravés, c'est-à-dire lorsque le missile est attaché à l'aile d'un B-52, sont effectués entre octobre et décembre.

Seulement deux des vols libres dont on parle maintenant doivent avoir lieu entre janvier et la fin de mars. La raison pour cela, c'est que si les vols se faisaient à d'autres moments de l'année, alors que le sol n'est plus recouvert de neige, en cas d'accident, si le missile devait s'écraser, il pourrait causer un incendie de forêt.


398

Les autorités militaires américaines qui veulent effectuer ces essais sont préoccupées par le fait que nous contemplons l'idée de reporter l'approbation à plus tard. Ces essais serviront aussi les intérêts du Canada et on devrait les autoriser.

L'entente a été signée de bonne foi; le Canada devrait la respecter et permettre la tenue des essais.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant d'entendre le rappel au Règlement que veut faire le secrétaire parlementaire, j'aimerais demander une précision au député de Saanich-Les Îles-du-Golfe. Dois-je comprendre que les députés du Parti réformiste ont l'intention de partager leur temps en périodes de dix et cinq minutes?

M. Frazer: Oui, monsieur le Président, c'est exact. Je regrette de ne l'avoir pas précisé plus tôt.

M. Mifflin: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Mon parti a l'intention de partager son temps en des périodes de dix et cinq minutes, compte tenu du grand nombre de députés qui veulent intervenir. Je propose humblement de procéder de la sorte et je regrette de ne pas avoir eu le temps de consulter ceux d'en face. Nous connaissons la position du Parti réformiste.

(1555)

Je propose, si nous sommes d'accord, que tous les partis de la Chambre optent immédiatement pour la formule de dix et cinq minutes, de manière à faciliter une discussion en profondeur et l'intervention d'un plus grand nombre de députés qui ont des opinions bien arrêtées pour ou contre les essais.

[Français]

M. Plamondon: Monsieur le Président, le secrétaire parlementaire parle-t-il au nom de tous les partis pour que, jusqu'à la fin du débat, soit à 22 heures ou minuit, selon qu'il y ait prolongement ou pas, la durée des interventions soit de 10 minutes-5 minutes pour tous les partis?

En ce qui nous concerne, nous n'avons pas d'objection à ce que les autres partis fonctionnent ainsi, mais la durée d'intervention de nos trois premiers orateurs sera de 20 minutes-10 minutes.

Le président suppléant (M. Kilger): Je puis assurer l'honorable député de Richelieu qu'à titre de parti le Bloc québécois peut diriger ses interventions de la façon dont il le souhaite.

Toutefois, du côté ministériel, le secrétaire parlementaire nous indique que la durée de chacune de leurs interventions sera de 10 minutes-5 minutes. Je crois que le Parti réformiste fera de même.

M. Robinson: Monsieur le Président, étant donné qu'il est très clair que, dans l'opposition, le chef du Bloc québécois prend position en faveur des essais de missiles de croisière, même position que celle prise par le Parti réformiste, j'espère que le NPD sera entendu assez tôt au cours de ce débat, parce que, sinon, nous n'entendrons que la voix de ceux qui disent oui aux Américains et oui aux essais des missiles de croisière.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Je ne crois pas que cela constitue un rappel au Règlement, mais plutôt une opinion.

Passons maintenant aux questions et observations; vous avez cinq minutes.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue pour son intervention.

Je voudrais soulever deux questions. La première est la suivante: selon un certain nombre de personnes, la raison initiale des essais du missile de croisière n'est plus valable. J'aimerais savoir ce qu'en pense mon collègue.

L'autre question, qui est tout aussi importante, concerne les plaintes. Je dois reconnaître que je n'ai pas nécessairement toute l'information en main, mais je crois comprendre que certaines réserves ont été exprimées au moins par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et par certaines personnes au nom des territoires. Il y en a peut-être eu d'autres.

Si c'est le cas, et comme le Parti réformiste se dit plus sensible que d'autres aux préoccupations des gens, j'aimerais connaître le point de vue du député.

M. Frazer: Monsieur le Président, je remercie beaucoup le député de m'avoir posé cette question.

Vous avez probablement raison de dire que les motifs qui sont à l'origine des essais du missile n'existent plus. Toutefois, la guerre du Golfe a démontré que ce genre d'armement conserve son utilité. Ce type d'arme peut pénétrer dans un territoire et y détruire des installations sans qu'il soit nécessaire de risquer la vie d'un pilote. Pour le cas où il serait nécessaire d'utiliser le missile, je crois que cela constitue une bonne raison de l'inclure dans l'arsenal.

En ce qui concerne les plaintes, je prends très au sérieux ce que vous dites. Lorsque j'ai dit qu'aucune plainte n'avait été faite par des électeurs, je parlais de ceux qui sont représentés par des députés du Parti réformiste.

Je crois savoir qu'il y a eu des plaintes en provenance des Territoires du Nord-Ouest, et j'ai déjà déclaré que si les personnes qui dénoncent les essais de missiles veulent présenter leurs plaintes à un comité parlementaire, je serai tout à fait disposé à participer aux audiences de ce comité afin d'entendre les deux versions de l'histoire directement de la bouche des personnes concernées. Je crois que nous devrions prendre en considération leurs plaintes et leurs préoccupations.

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn): Monsieur le Président, la raison invoquée à l'origine pour justifier les essais de missiles de croisière dans l'ouest et dans le nord du Canada était que cette région ressemblait beaucoup à l'Union soviétique.


399

Étant donné que l'Union soviétique n'existe plus et que les conflits qui ont éclaté dernièrement dans le monde, se sont déroulés dans des régions désertiques, comme en Irak, ma question au député est la suivante: ne serait-il pas plus judicieux de procéder aux essais de missiles de croisière dans des régions semblables au Nevada, plutôt qu'au Canada?

(1600)

M. Frazer: Monsieur le Président, outre la région du golfe Persique, il existe un risque de menace en provenance de pays couverts de neige une bonne partie de l'année. J'ai fait état un peu plus tôt de l'instabilité qui règne dans les pays de l'ex-URSS. Je ne veux pas insinuer qu'ils ont l'intention d'attaquer l'Ouest, mais cela pourrait arriver accidentellement.

Procéder à des essais, dans la neige et dans le désert, me semble tout à fait valable.

Mme Deborah Grey (Beaver River): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir exprimer mon opinion au sujet de ces essais qui concernent tous les Canadiens et, plus particulièrement, les électeurs de Beaver River que je représente, puisque c'est dans cette circonscription que se situe la base des Forces canadiennes Cold Lake, où atterrissent les missiles de croisière pendant les essais.

Je suis ce dossier de très près depuis le tout début de ma carrière dans l'enseignement alors qu'on commençait à en parler, au début des années 80.

N'oublions pas que l'une des fonctions les plus importantes d'un gouvernement est d'assurer la sécurité de l'État et des citoyens. La sécurité des Canadiens dépend d'un certain nombre de facteurs géopolitiques, le principal étant la proximité des États-Unis. La meilleure façon de prévenir d'éventuelles menaces, proches ou lointaines, consiste à recourir à l'aide d'alliés et le Canada doit être considéré comme un partenaire sûr et efficace dans de telles alliances.

Bref, notre sécurité est liée à celle de nos partenaires. Quoi qu'on en dise ou pense, il nous faut absolument préserver notre lien avec les États-Unis.

Bien que la fin de guerre froide et de la confrontation Est-Ouest nous ouvre des possibilités exceptionnelles de progresser vers la paix, les conflits régionaux et les manifestations de nationalisme violentes devraient nous imposer un temps d'arrêt et de réflexion.

Parlons un peu du missile de croisière même. Il s'agit d'un véhicule aérodynamique télépiloté et continuellement propulsé par des turboréacteurs aérobies. C'est un véhicule qui se déplace tout seul. Un de mes élèves qui l'avait vu venir au-dessus des arbres était venu me dire: «Madame Grey, vous ne pouvez imaginer ce que je viens de voir.» Cela fait plusieurs années, mais l'expérience avait impressionné de façon incroyable ce garçon du cours secondaire.

Le missile de croisière qui vole à basse altitude peut difficilement être détecté par radar en raison du fouillis du sol. La détection exige des systèmes coûteux possédant des capacités de traitement perfectionnées. L'élaboration d'une défense efficace contre le missile de croisière s'en trouve donc compliquée, ce qui représente évidemment un de ses atouts.

Les missiles de croisière armés conventionnels sont dotés de systèmes d'autoguidage terminal leur conférant une précision supérieure. Il est important de le noter, parce que le missile peut identifier une cible à partir d'échos radars. L'autoguidage terminal offre un guidage amélioré et poursuit la cible ou le cône de charge de façon précise, très précise, où qu'il pointe. On peut s'attendre que les futures versions du missile de croisière offrent une vitesse supérieure, une grande manoeuvrabilité, un portée plus longue, des signatures radars et autres, ainsi que des aides à la pénétration, notamment des contre-mesures électroniques.

Comme nous pouvons le constater, le missile de croisière a fait du chemin. Même si la guerre froide est officiellement terminée, nous nous rendons bien compte que, dans certains points chauds du globe-nous en avons débattu hier-, nous ne sommes pas arrivés à imposer la paix.

Le missile de croisière intéresse les militaires, notamment parce qu'il se prête à une gamme d'applications incroyablement vaste. Sa possibilité d'être déployé en grand nombre le rend très efficace. Il présente aussi l'avantage de combiner qualité et quantité en une seule pièce d'armement et de pouvoir être modifié. Il ne s'agit donc pas simplement d'un véhicule doté d'un seul système; il possède toutes sortes d'avantages que les analystes militaires n'hésitent pas à mettre en valeur.

Le ministère de la Défense nationale a donné la liste des objectifs de ce projet particulier, par exemple:

«On peut le mettre sur une trajectoire d'une longueur et d'une largeur réelle avec une distance de sécurité représentative du point de lancement au point de chute. De plus, on peut lancer le missile au-dessus d'un terrain relativement plat, dont la surface varie et peut notamment être couverte de neige ou de glace.»

(1605)

Au cours de la période des questions et des observations, le député a mentionné que les militaires devaient pouvoir observer le terrain et faire voler les missiles de croisière en hiver, au-dessus de lacs gelés et couverts de neige. Ils doivent pouvoir effectuer des essais dans des conditions atmosphériques réalistes.

Je peux garantir à tous les députés que, du 1er janvier au 31 mars, dans le nord-est de l'Alberta, à Beaver River en fait, ils trouveront des conditions atmosphériques réalistes. Ma résidence est située exactement à une heure de route au sud de la base militaire de Cold Lake, où atterrissent les missiles. Je peux vous dire que les militaires qui doivent évaluer le fonctionnement de l'altimètre de radiodétection au-dessus de terrains boisés, de superficies enneigées et de lacs gelés sont bien servis à Beaver River.

La trajectoire de vol mentionnée un peu plus tôt comprend un corridor de 2 600 kilomètres de long qui traverse les Territoires du Nord-Ouest, la vallée du Mackenzie et le nord-est de la Colombie-Britannique, en passant par l'Alberta et la Saskatche-


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wan, pour aboutir au polygone de tir aérien de Cold Lake-Primrose.

Je viens juste de mentionner les périodes d'essai et je voudrais établir la différence entre les deux. Lorsque les missiles sont lancés par des B-52 et voyagent en vol libre, les essais doivent être effectués entre le 1er janvier et le 31 mars. Quant aux essais en vol captif, où le missile ne quitte jamais l'avion-porteur B-52, ils peuvent être effectués n'importe quand.

On autorise six vols par année. Donc, les gens ont tort d'affirmer que les missiles de croisière volent constamment au-dessus du nord du Canada. Aux termes de l'accord conclu entre le Canada et les États-Unis, seulement six essais sont autorisés par année.

Prenons quelques minutes pour rappeler les faits. Le premier vol a été effectué en mars 1984. Jusqu'à maintenant, 23 essais du missile de croisière ont été réalisés au Canada. En février 1986, environ deux ans après le début du programme, un missile de croisière s'est écrasé immédiatement après son lancement d'un avion-porteur B-52. Le moteur du missile ne s'est pas allumé. Le gouvernement fédéral a alors interrompu temporairement le programme d'essai du missile de croisière.

En janvier 1990, un essai a été conçu pour évaluer la capacité du F-18 canadien d'intercepter les missiles de croisière, un élément évidemment très important du programme d'essai. D'ailleurs, des avions américains F-15 et F-16 ont également participé à l'expérience. Malheureusement, comme la plupart des députés s'en souviendront probablement, en janvier 1990, l'un des F-18 canadiens a explosé au décollage, incitant leurs détracteurs à réclamer de nouveau l'abolition des essais du missile de croisière au Canada. Je me souviens très bien de cet incident, puisque le CF-18 avait décollé de la base de Cold Lake pour tenter d'intercepter le missile. Ce fut une véritable tragédie.

Devant tous ces faits et après le débat que nous avons tenu hier, devons-nous annuler ces projets parce qu'une tragédie s'est produite?

Comme on l'a déjà mentionné, en janvier 1991, plusieurs missiles de croisière ont été utilisés pendant la guerre du Golfe. Le conflit en Irak a permis d'établir la très grande précision des missiles guidés qui ont atteint leur cible sans endommager autant les structures civiles qu'auparavant. Il faut bien comprendre que la fin de la guerre froide ne signifie pas que la paix règne partout dans le monde. Il faut faire preuve de prudence et se rendre compte que la situation reste explosive dans certaines régions. Voilà pourquoi les essais sont essentiels.

On pourrait toujours demander pour la forme: ces missiles de croisière pourraient-ils être utilisés sans avoir été testés au préalable? Je ne le crois pas. Je voudrais rendre hommage aux collectivités des petites localités de Cold Lake, de Grand Centre et, surtout, de la Base des Forces canadiennes de Cold Lake. Elles collaborent de façon étroite et régulière avec les Américains. Au printemps, la BFC de Cold Lake est le théâtre d'un exercice militaire appelé Maple Flag et des Américains viennent y participer en nombre divers. Nous entretenons de bonnes relations avec les Américains et cela est bénéfique pour l'économie de notre région.

En outre, en tant que membre du G-7, le Canada est obligé de participer à certaines de ces activités et ne peut tout simplement pas laisser le champ libre aux Américains, leur laisser tout faire, sans assumer la moindre responsabilité.

Je me permets de dire à nouveau à quel point il importe que nos pilotes canadiens participent à l'essai des missiles de croisière pour que les systèmes d'interception de nos F-18 soient efficaces.

(1610)

Enfin, je voudrais seulement rendre hommage au commandant de la base de Cold Lake, le colonel Dave Bartram, et aux membres de la 4e Escadre pour leur excellent travail. Il faut que nous reconnaissions le rôle important que jouent nos militaires et que nous leur tirions notre chapeau. Il serait sage que le gouvernement continue d'entretenir de bonnes relations avec les Américains.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Monsieur le Président, je voudrais citer à la députée de Beaver River l'argumentation que le ministre de la Défense de l'époque a tenue en avril 1993 dans une lettre qu'il a adressée à Project Ploughshares. En voici un extrait:

Afin d'assurer la sécurité collective [. . .]la communauté internationale doit disposer de moyens militaires efficaces pour décourager les agresseurs potentiels et, si l'usage de la force s'imposait, pour y recourir efficacement tout en réduisant au minimum les risques pour les effectifs militaires alliés. Pour assurer la sécurité collective, ces trois dernières années, nous avons mis en danger la sécurité des membres des Forces canadiennes. On continuera probablement à les déployer vers des situations dangereuses qui ne sont pas toujours prévisibles et, compte tenu de la dissémination des armes raffinées, nos militaires continueront de risquer leur vie pour empêcher la guerre ou rétablir la paix dans des régions instables de la planète. [. . .]Compte tenu de tout cela, le renouvellement de l'Accord Canada-États-Unis d'essai et d'évaluation sert les intérêts du Canada. L'essai des missiles de croisière, qui fait depuis longtemps partie de notre collaboration de défense avec les États-Unis, c'est ce que le Canada peut faire pour s'assurer que la collectivité internationale dispose des moyens militaires nécessaires pour assurer la sécurité collective. Les essais bénéficient au Canada d'un ensemble unique de conditions et vont contribuer à assurer que ces armes sont efficaces et fiables.
J'estime que c'est là une déclaration extraordinaire qui laisse clairement entendre que le gouvernement canadien était disposé à envisager d'utiliser des armes nucléaires, ou du moins la menace de l'arme nucléaire, contre des États qui, pour la plupart, ne possèdent même pas d'armes nucléaires. Cela vient nettement à l'encontre de la politique canadienne officielle de non-prolifération des armes nucléaires qui inclut le respect des assurances négatives, à savoir des engagements internationaux de ne pas utiliser d'armes nucléaires contre des États non dotés de telles armes.


401

Je me demande si la députée de Beaver River voudrait commenter cette position.

Mme Grey: Monsieur le Président, j'aimerais avoir une meilleure mémoire pour me souvenir de tout ce que le député a dit. J'ai cependant pris quelques notes.

Il serait bon que tous les députés se rendent compte que le Canada n'a pas du tout l'intention de se doter du pouvoir de lancer des missiles de croisière. Le Canada offre aux Américains l'utilisation de son territoire unique parsemé de glace, de forêts et de lacs gelés, pour qu'ils testent le missile.

Il est vrai qu'il y a eu un ou deux terribles écrasements dans l'histoire du missile de croisière, mais si on y pense bien, n'est-il pas préférable que cela se produise dans une région très peu peuplée du nord du Canada que dans une région densément peuplée où il y aurait risque de pertes de vies?

Le député a aussi dit que le personnel canadien était en danger. Il n'y a pas un militaire au Canada aujourd'hui qui ne sait pas que sa vie est constamment en danger. Lorsque quelqu'un est dans l'armée, il se prépare à affronter le danger. Beaucoup de nos militaires sont beaucoup trop jeunes pour se souvenir de la Seconde Guerre mondiale, mais lorsqu'ils ont pris part à la guerre du Golfe, ils se sont très rapidement rendu compte que leur vie était constamment en jeu. Les militaires canadiens sont tout à fait prêts et savent que tout comporte un risque.

Je ne crois pas que le député ait raison de dire que nous devrions tout simplement rompre toute relation avec les États-Unis. Il ne s'agit pas pour le Canada de prendre les devants dans ce dossier de défense, mais en tant que membre du G-7, nous aidons un pays allié en travaillant en collaboration avec lui.

[Français]

M. Laurent Lavigne (Beauharnois-Salaberry): Monsieur le Président, j'ai bien écouté les propos de l'honorable députée, de même que ceux de mon chef, le député de Lac Saint-Jean. Ces propos, dans une certaine perspective, me semblent logiques.

(1615)

On peut difficilement avoir des arguments pour contrecarrer ce qui a été avancé dans un discours comme dans l'autre parce que, effectivement, advenant le cas où il pourrait être attaqué, le Canada, quand on considère sa capacité d'armement, sa force de frappe, a besoin évidemment du soutien américain. On est très près, évidemment, d'ententes, de parfaite collaboration avec la défense américaine, et j'en suis très heureux.

Par contre, il y a tout le côté moral face à la guerre et c'est cela qui me chicote un peu. Mais au niveau technique, sur le plan des ententes et de la capacité de se défendre en collaboration avec les États-Unis, tout cela me semble logique, se tient et se défend bien.

Par contre, quand on pense à la période de la guerre froide qui s'est terminée récemment, à la période de désarmement, alors qu'on pense plutôt se diriger vers la paix, c'est à ce moment-là que je mets un bémol sur les essais dont on parle aujourd'hui, des essais qu'on prévoit faire dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y aurait peut-être lieu d'entendre d'autres discours pour que je sois vraiment vendu à l'idée d'accepter ces projets d'essais.

Il y a tout le côté environnemental aussi qui est pour moi un point d'interrogation. À quel point touche-t-on à la question environnementale? Je vois que vous me faites signe d'accélérer, monsieur le Président. Donc je voudrais, dans la mesure du possible, en réplique à mes propos, que la députée me parle de la question environnementale et du coût des écrasements d'avions et des pertes de nos soldats.

Le président suppléant (M. Kilger): Avec le peu de temps qu'il reste à la période de questions et commentaires, je demanderais à la députée de Beaver River d'être très brève.

[Traduction]

Mme Grey: Monsieur le Président, le député me demande de répondre. Malheureusement, il a pris tout le temps dont j'aurais disposé pour répondre.

Je terminerai en disant que pour avoir la paix, nous devons préparer la guerre. Cette maxime peut parfois avoir l'air d'un anachronisme, mais personne ne peut nier qu'il faut être prêt. L'ennemi est partout dans le monde.

Comme nous l'avons entendu pendant le débat d'hier, les conflits n'opposent pas toujours des États. Il peut y avoir des remous à l'intérieur même des pays. D'ailleurs, le député n'est pas sans créer de remous à l'intérieur du Canada. Il est clair que l'ennemi peut être à l'intérieur. Tenons-nous prêts aux conflits dans l'espoir de ne jamais avoir à nous y engager.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur le Président, en prenant la parole aujourd'hui pour débattre la question des missiles de croisière, j'ai l'impression de faire un bond en arrière dans l'histoire. Les missiles de croisière n'ont presque jamais existé. Ils ont fait l'objet de discussions durant les échanges Nixon-Brejnev de 1972 à Moscou. Le président Ford et M. Brejnev en ont également discuté de façon détaillée en 1974 à Vladivostok. Ils sont inclus dans le traité SALT II, qui a été signé par les États-Unis et l'ancienne Union soviétique et qui fait probablement partie du droit international coutumier même s'il n'a pas été ratifié.

Si je mentionne tout cela, c'est à cause de ce qui aurait pu arriver. À ce moment-là, on proposait d'échanger le missile de croisière, domaine dans lequel les Américains étaient en mesure de faire des essais très poussés, contre le bombardier soviétique Backfire, domaine dans lequel les Soviétiques étaient considérablement plus avancés que les Américains. En fait, des modifications ont été apportées des deux côtés et, avec le traité SALT II, les missiles de croisière ont été limités aux missiles dont la


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portée ne dépasse pas 600 kilomètres et qui sont lancés depuis une base terrestre ou depuis un navire.

Vous vous souviendrez peut-être que la Cour suprême du Canada a été saisie de la question en 1985. Essentiellement, elle a jugé que les essais de missiles de croisière n'étaient pas anticonstitutionnels, même si ses motifs étaient fondés sur des questions de procédure plutôt que sur des questions de fond. La question refait surface maintenant avec, comme toile de fond, les réalisations du Canada comme leader mondial dans le domaine du désarmement. La situation a beaucoup évolué depuis la Deuxième Guerre mondiale, époque où les armes nucléaires n'étaient pas illégales. Aujourd'hui, de nombreux juristes estiment que l'utilisation des armes nucléaires est anticonstitutionnelle.

Un groupe d'avocats américains diplômés de la même école de droit que le président Clinton veulent porter cette question devant la Cour internationale de justice et le gouvernement du Canada. Je crois qu'on avait demandé au gouvernement précédent du Canada d'intervenir au besoin dans cette affaire.

(1620)

Je veux parler simplement du contexte général, du mouvement mondial dans ce domaine, du droit international qui évolue progressivement grâce aux déclarations de l'Assemblée générale des Nations Unies. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans cette évolution en signant une série de conventions multilatérales comme le Traité de Moscou sur l'interdiction des essais, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et le Traité sur l'espace extra-atmosphérique, y compris la lune. Une série de traités bilatéraux entre les États-Unis et l'ancienne Union soviétique ont également été signés, dont le traité SALT I. Toutefois, plus récemment, le Traité de limitation des armes nucléaires de moyenne portée a été conclu en 1987 par le président Reagan et M. Gorbatchev, secrétaire général du Parti communiste.

On en est venu à un point où, dans un ouvrage publié en 1989, mon distingué ami, M. Nagendra Singh, qui était alors président du Tribunal international de justice-je me souviens de l'avoir vu moi-même-se demandait si l'utilisation des armes nucléaires était carrément illégale. C'est une question dont le Tribunal international de justice pourrait être saisi sous peu.

Tout cela m'amène à parler des immenses efforts que l'actuel président des États-Unis a déployés depuis son élection pour combler les lacunes qui existent dans le processus d'interdiction des armes nucléaires. Il veut étendre la portée du traité sur les FNI aux armes nucléaires à courte portée et aussi aux armes intercontinentales qui sont visées dans une certaine mesure par le SALT I, ses accords provisoires et les protocoles limitant le nombre d'armes offensives stratégiques. Le président Clinton est un homme de paix et il accorde une importance énorme au désarmement nucléaire.

Cela m'amène à la question qui nous occupe. Les armes nucléaires offensives n'ont rien à voir avec les essais de missiles de croisière dans les territoires du Nord canadien. Il est clair qu'on n'a enfreint aucune loi internationale.

Il est plutôt question en l'occurrence de choix et de sagesse politiques. J'hésite à faire appel à mon expérience d'aviateur et de pilote de 19 ans. J'ai toujours pensé que les essais avaient été autorisés au Canada simplement parce que le territoire canadien reproduit les conditions d'accès par le nord à la ville soviétique alors connue sous le nom de Leningrad. J'ai survolé ces approches d'Arkhangelsk à Leningrad à bord d'un avion civil. La comparaison avec le nord du Canada est assez juste.

Tout cela est cependant de l'histoire ancienne. La guerre froide est chose du passé. Nous avons affaire à un accord conclu de bonne foi avec un pays ami et allié, et que ce dernier nous demande maintenant de respecter. Il existe un argument, le plus solide de tous, en faveur du respect des accords que l'on a conclus: les contrats doivent être respectés.

Compte tenu de tout cela, à moins d'une affaire de violation du droit international ou de quelque autre raison de politique supérieure, je dirais qu'il faut respecter nos engagements à l'échelle internationale. J'espère que notre gouvernement parlera au président Clinton, qu'il l'encouragera dans sa décision de mener à bien le désarmement nucléaire et qu'il soulèvera la question de savoir si les essais sont nécessaires.

Je mets en garde contre toute tentation de refuser unilatéralement d'honorer un engagement que l'on a pris, car cela ouvre la porte à des réactions unilatérales de même nature. Certains sénateurs américains souhaitent apporter des changements à la loi américaine pour réduire les obligations que les États-Unis et le Canada ont contractées en matière de commerce international et à d'autres égards. Il faut tenir compte du risque que ce genre de décision unilatérale ne provoque la réciproque.

Le gouvernement canadien devrait parler franchement à son ami, les États-Unis, et demander: «Avez-vous vraiment besoin de ces essais? Nous les autoriserons néanmoins de bonne foi si vous en avez besoin.»

Deux autres arguments me font approuver la poursuite des essais. Il y a d'abord la dépendance, c'est-à-dire les attentes bien nettes des localités du Nord qui ont fait reposer l'économie locale et la création locale d'emplois sur la poursuite de ces essais. Il y a aussi le principe de l'application régulière de la loi, à savoir qu'il ne faudrait pas décevoir soudainement ces attentes à moins qu'il y ait de bonnes raisons d'agir autrement. Je tiens compte des intérêts économiques et des préoccupations des habitants de ces localités nordiques qui sont représentées ici par certains des députés d'en face.

Je tiens compte également de l'opinion de notre collègue, la députée de Western Arctic, dont j'ai lu l'opinion qu'on a publiée. Il est clair que ces essais ont soulevé des objections chez les autochtones qui invoquent le principe de la propriété de l'espace aérien, à savoir que celui à qui appartient le sol est propriétaire de l'espace aérien situé au-dessus. Dans cette mesure, il n'est pas normal d'emprunter l'espace aérien pour les essais sans avoir la courtoisie d'en demander la permission, chose qu'il faut éviter à tout prix.

(1625)

Si les essais devaient se poursuivre, je recommanderais fortement au Cabinet que le gouvernement canadien songe à demander au gouvernement américain d'indemniser les autochtones dont il empiète sur les droits de propriété en pénétrant dans leur espace aérien. Je comprends les objections des autochtones. Cela n'était peut-être pas pertinent en 1983, mais la conscience juridique des Canadiens et des autres peuples a évolué, et je pense


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que nous devrions être respectueux de ce genre de droits de propriété.

Ma recommandation est très claire à ce sujet. Nous avons pris un engagement. Il s'agit d'un des principaux points de la politique étrangère du Canada définie par une série de ministres canadiens des Affaires extérieures et de distingués ambassadeurs canadiens pour le désarmement. Je songe au général Burns, à Doug Roche du côté conservateur, et à Alan Beesley, un ami et fonctionnaire de carrière. Nous avons joué un rôle de premier plan en matière de désarmement nucléaire. Nous devrions continuer de le faire. Nous devrions encourager dans cette voie le président Clinton, qui fait montre d'une attitude ouverte et constructive à cet égard.

Quant aux essais du missile de croisière, je ne pense pas qu'il s'agisse d'un problème important. Je recommande aux groupes favorables au désarmement nucléaire de prêter attention à l'idée lancée par le groupe ILEANA en vue d'instituer un tribunal international. Je leur recommande de prêter attention aux préoccupations de nos autochtones et, compte tenu de ces réserves, je suis disposé à continuer d'approuver pour le moment la poursuite des essais du missile de croisière.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je félicite le député d'en face de son exposé fort bien structuré et très informatif. Je n'ai pas de question à lui poser. Je voulais simplement lui dire que son exposé était très instructif et bien structuré.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm): J'ai écouté avec attention le discours du député de Vancouver Quadra. Il a un peu répondu à mon interrogation durant son discours. Je ne savais pas trop, finalement, s'il était pour ou contre ces essais. J'aimerais qu'il nous dise, étant donné qu'il vient de la région de Vancouver, si ses commettants ont communiqué avec lui pour donner leur opinion face à ces essais-là. Est-ce que le député a eu des conversations ou quoi que ce soit d'autre pour dire si oui ou non ses commettants étaient en faveur de tels essais?

M. McWhinney: J'ai eu beaucoup de conversations avec les électeurs de ma circonscription. Sur ce point-là, je puis vous assurer que j'avais accepté, avant d'être élu comme député, d'être conseiller juridique et avocat devant la Cour internationale de La Haye, s'il y avait un procès sur cette question. Il n'y a rien qui soit en contradiction avec le discours que j'avais donné ici. J'avais tenté de faire une contribution équilibrée à notre discussion. Oui ou non, c'est trop catégorique. Dans les circonstances actuelles, il me semble qu'on peut répondre: oui, continuez l'accord avec les États-Unis. Cela ne nuit pas au droit international, aux intérêts de la politique étrangère du Canada. Si on veut changer la politique mondiale du désarmement, il me semble qu'il y a des moyens, des voies plus propices pour cela. Et je demande encore une fois l'intervention possible du gouvernement canadien dans ce procès dans l'avenir devant la Cour internationale de La Haye sur la légalité des essais nucléaires.

[Traduction]

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, je remercie le député de son discours. La tenue de ce débat parlementaire me réjouit certainement, mais je tiens à souligner que ce que le député de Winnipeg-Sud-Centre a promis il y a un an, ce à quoi il a engagé le Parti libéral, ce qu'il a demandé au Parti conservateur, c'est la tenue d'audiences publiques permettant aux simples citoyens, qu'ils soient militants pacifistes, autochtones ou habitants du Nord, de se prononcer sur cette question capitale. Il est certes important que les politiciens fassent part de leurs idées, mais j'aurais aimé que le gouvernement libéral donne à Monsieur Tout-le-Monde la possibilité de s'exprimer.

(1630)

Il y a par ailleurs une question encore plus fondamentale qui se pose en l'occurrence et je vais la soumettre directement au député de Vancouver Quadra. Elle concerne l'intégrité et l'honnêteté politiques.

J'ai en main un document qui a été envoyé par le Parti libéral du Canada et qui est daté du 15 septembre 1993. Il s'agit d'une réponse à un questionnaire du groupe End the Arms Race qui posait la question suivante. Le Canada autorise les États-Unis à faire l'essai de missiles de croisière à capacité nucléaire en Alberta, et l'OTAN à effectuer, à des fins de formation, des vols à basse altitude au Labrador. Votre parti compte-t-il annuler tout autre essai de missiles de croisière au Canada et tout autre vol à basse altitude effectué à des fins de formation? Voici la réponse du Parti libéral du Canada, qui rejoint probablement celle du député de Vancouver Quadra. Les libéraux s'opposent à tout nouvel essai de missiles de croisière depuis 1987. Nous mettrons un terme à ce programme d'essais.

Le député de Vancouver Quadra peut-il nous dire ce qu'il est advenu de cette promesse?

[Français]

On sait fort bien que le Bloc québécois a pris position en faveur des essais du missile de croisière.

[Traduction]

Qu'est-il advenu de la promesse du Parti libéral du Canada de mettre un terme à ces essais et que dire de l'intégrité et de l'honnêteté du Parti libéral du Canada, qui a bel et bien pris cet engagement envers les Canadiens?

M. McWhinney: Monsieur le Président, je ne vois aucune contradiction. Il peut s'agir d'une tactique qui fait place à la diplomatie. À mon avis, ce serait un affront que de dénoncer unilatéralement un accord qui a été conclu comme il se doit avec un pays étranger et reconduit par les gouvernements précédents.

Tout comme mon parti, j'insiste beaucoup sur le recours à une persuasion cordiale. Ce n'est pas George Bush qui est président des États-Unis. L'actuel président a eu les mêmes professeurs que moi; il tient à la dénucléarisation, et elle doit se faire dans les meilleurs délais. Nous tâcherons de persuader Washington. Nous avons avec l'administration américaine des relations nouvelles qui sont autres qu'une inconditionnelle soumission. Ce sont des


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relations franchement amicales, comme à l'époque de Lester Pearson, par exemple.

Ma réponse est donc qu'il faut respecter nos obligations, qui ont été normalement contractées, préservant ainsi nos engagements internationaux, et que nous tenterons de persuader les États-Unis. Je crois que nous aurons un bon accueil.

À mon sens, les essais d'armes nucléaires sont un anachronisme, sur le plan militaire. Ces armes sont dépassées. Les missiles de croisière ne sont pas armés d'ogives nucléaires. Il est vrai qu'il y a des inconvénients pour la population de cette région. J'ai essayé de connaître les vues des autochtones. J'ai avancé qu'il pouvait y avoir eu négligence volontaire. Ce manque de courtoisie mérite compensation.

Voyons les choses en face. Un vent nouveau souffle sur Washington. Ce n'est plus George Bush, ce n'est plus un nouvel épisode de la guerre froide. Mettons-nous au travail et demandons-leur des modifications. Je crois que, par la persuasion, à la manière de Lester Pearson, nous pourrons atteindre nos objectifs.

M. Robinson: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je crois que la période des questions et observations n'est pas terminée. Je voudrais poser une autre question très brève.

Le président suppléant (M. Kilger): La période est terminée. Les députés ministériels ont scindé leur temps de parole: dix minutes pour l'intervention, cinq pour les questions. Cinq minutes pour tous les députés, ce n'est pas long, mais il est certain que la période des questions du dernier député qui a pris la parole est terminée.

M. Bill Graham (Rosedale): Monsieur le Président, c'est avec fierté que je prends la parole pour la première fois à la Chambre. Je voudrais d'abord remercier les électeurs de Rosedale de m'avoir confié la responsabilité de parler en leur nom à la Chambre pour la première fois sur une question de cette importance. Je ne parlerai pas de ma circonscription, comme le font habituellement les députés quand ils prononcent leur premier discours à la Chambre. J'espère que mes électeurs ne m'en voudront pas, mais le Règlement exige qu'on ne parle que de la question dont la Chambre est saisie.

D'abord, il est clair que nous nous préoccupons tous de la même chose, c'est-à-dire de la paix et de la sécurité dans notre pays et de la sécurité des Canadiens où qu'ils soient dans le monde d'aujourd'hui, qui est formé de pays de plus en plus interdépendants et qui, à bien des égards, est plus complexe et plus menaçant.

(1635)

Dans ce contexte, monsieur le Président, il me semble que nous débattrons de deux questions aujourd'hui. Le député de Vancouver Quadra a parlé de bond en arrière dans l'histoire. Il n'a pas tort. C'est ce bon vieux débat sur le missile de croisière, celui que nous connaissons tous, à savoir allons-nous permettre aux Américains de se servir de notre territoire pour perfectionner leurs armements nucléaires?

Nombre d'entre nous s'inquiétaient beaucoup de cette question et, compte tenu de ce qu'on peut vraiment considérer comme la fin de la guerre froide, ne voyaient pas la nécessité de poursuivre les essais. Pour ma part, je ne défendrais pas un tel programme même si j'appuyais la position du député de Vancouver Quadra en ce qui concerne les accords internationaux. Le député de Vancouver Quadra est un avocat international réputé et il sait que les accords peuvent être interprétés, discutés.

Quant à moi, j'en parlerai sur un plan quelque peu différent, monsieur le Président. Je suis d'avis qu'il existe une nouvelle approche, un nouveau programme, de nouvelles questions que nous devons examiner à la Chambre afin de décider s'il convient ou non d'autoriser la poursuite des essais du missile de croisière. Je voudrais vous faire part de ces considérations.

À l'instar de plusieurs autres députés, je pense que la fin de la guerre froide n'a pas rendu notre monde plus simple, plus sûr, elle ne nous a pas rendu la vie plus facile. À mon avis, d'autres dangers ont surgi.

Voyons cela dans le contexte de notre pays. Il y a de nouveaux pays, il y a de nouvelles menaces, il y a des pays comme la Libye, la Corée du Nord, comme on l'a rappelé hier, mais il y aussi plein de groupes qui, en cette nouvelle ère technologique, ont maintenant accès à des armements sophistiqués dont ne disposaient autrefois que les grandes puissances. Comme l'a dit un précédent orateur, bien des groupuscules peuvent, avec des moyens moins sophistiqués, avec moins d'argent, disposer d'une technologie de nature à faire planer une grave menace sur l'intégrité du Canada. Et puis il y a le fait que nos soldats peuvent devoir intervenir dans des conflits un peu partout dans le monde.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le débat d'hier sur la Bosnie-Herzégovine. Il en est ressorti, entre autres, que les soldats canadiens, hommes et femmes, n'ont pas fini de partir dans des missions internationales. Les Nations Unies évoluent de telle façon que nous continuerons de participer à l'effort de maintien de la paix. Nous devons faire en sorte que ces hommes et ces femmes aient la meilleure formation possible, ainsi que toutes les données technologiques nécessaires à leur sécurité.

Se pose alors la question que nous devons trancher aujourd'hui: compte tenu de ce nouvel environnement dans lequel nous vivons, des menaces actuelles qui diffèrent de celles d'hier et des nouvelles menaces que font peser de nouveaux ennemis, les essais de cette arme exceptionnelle, très sophistiquée, maintenant dépourvue de munitions nucléaires, feront-ils en sorte que les Canadiens seront mieux à même de se défendre


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contre la menace que présente une éventuelle utilisation d'armes de ce genre contre eux?

D'après les lectures que j'ai pu faire à ce sujet, deux raisons militent en faveur de ces essais. La première, c'est que les États-Unis pourront ainsi perfectionner cette arme. La deuxième, mais qui n'est pas moins importante et sur laquelle nous devons nous pencher aujourd'hui, c'est que cela nous permet de comprendre le fonctionnement de ces armes et de trouver des moyens efficaces de s'y opposer.

Tous les députés ont été témoins de la guerre du Golfe, de la défense de Tel Aviv contre les missiles Scud, et de la performance des missiles Patriot. Si, en observant ce missile à l'action et en participant à l'opération, les Canadiens, les Forces canadiennes, tant dans notre pays que partout dans le monde, devenaient aptes à mieux se défendre contre une attaque similaire par un engin similaire, les essais de ce missile n'auraient-ils pas servi à quelque chose? C'est la question que je me pose et que j'adresse au ministre de la Défense nationale.

(1640)

J'exhorte le gouvernement, le ministre de la Défense nationale et le Cabinet à examiner cette question. Le ministre a dit clairement qu'ils le faisaient. Je voudrais qu'ils puissent confirmer à la Chambre et s'assurer eux-mêmes, après avoir obtenu les meilleurs conseils possibles auprès de spécialistes des questions technologiques et militaires, que le Canada devrait autoriser ces essais, puisqu'il pourra ainsi recueillir des renseignements qui permettront à nos troupes de se défendre au Canada ou ailleurs.

Il me semble que ce serait conforme à ce que j'appellerais le nouveau programme de défense, qui est nécessaire dans un monde où surgissent constamment de nouvelles menaces, des menaces que nous ne connaissons pas encore, qui viennent de régions étrangères et qui découlent de nouvelles technologies qui tombent entre les mains de nombreux groupes disparates dont nous ne savons rien pour le moment.

C'est là la nouvelle orientation du débat. Le débat ne porte plus sur la guerre froide et sur l'essai d'un missile qui, pour faire un parallèle avec la guerre des étoiles, aurait donné le coup de grâce à l'Union soviétique. Il s'agit de procéder à des essais d'une arme perfectionnée pour déterminer notre capacité de nous défendre contre elle.

Je suis convaincu que ces essais nous permettront de le faire. Je pense que ce serait dans notre intérêt, tant pour nous au Canada que pour nos soldats qui servent sous la bannière des Nations Unies ou à d'autres titres à l'étranger.

Enfin, je voudrais vous faire part à vous, monsieur le Président, et aux députés à la Chambre d'une dernière réflexion. Comme les autres députés l'ont fait remarquer, il s'agit, bien sûr, d'une question mondiale, d'une question géopolitique et de nos relations avec notre voisin du Sud, les États-Unis. La secrétaire d'État responsable de la formation et de la jeunesse avait dit, en 1989, que ce dont avait besoin le Canada, c'était d'une politique de défense qui ne consiste pas en l'essai de missiles de croisière ou de sous-marins à propulsion nucléaire, mais qui soit mise au service d'une stratégie destinée à assurer la sécurité mondiale et qui mette l'accent, notamment, sur les aspects économiques, environnementaux et non militaires de la sécurité.

Il me semble qu'autoriser les Américains à poursuivre les essais, c'est reconnaître que ceux-ci nous rapporteront. Dans le cadre de cette entente, faisons pression sur eux pour les amener à adhérer à l'idée de la création d'un conseil de l'Arctique, une idée qui a été proposée par ce gouvernement, par ce parti. Faisons pression sur les Américains qui bloquent actuellement la création d'un tel conseil pourtant censé reconnaître aux habitants du Nord, obligés de vivre avec la mise en valeur du Nord, le droit de contribuer à leur avenir, le droit à la parole et censé aussi être une mesure de maintien de la paix, une mesure défensive grâce à laquelle le Canada pourra participer plus pleinement à la mise en valeur de cette très importante région du monde qui a la chance de partager une frontière avec d'importants voisins.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Monsieur le Président, je voudrais féliciter l'honorable député de son exposé. Je partage d'ailleurs assez amplement son opinion. Je pense qu'il a raison quand il dit qu'il y là deux débats. Il y a le vieux débat et le nouveau débat dans la nouvelle conjoncture qu'on connaît.

Je vous avoue que personnellement, dans le vieux débat, j'étais totalement opposé aux essais de missiles de croisière, parce qu'à l'époque ces essais s'accumulaient derrière un arsenal nucléaire épouvantable qui terrorisait systématiquement toute la planète.

Dans ce vieux débat, aussitôt qu'on amenait quelque chose de nouveau du côté de l'armement, une intelligentsia, tant canadienne que québécoise, se levait et disait: Il faut cesser d'investir des sommes massives dans l'armement. Cela, c'est le vieux débat. À l'époque, j'étais sur les barricades et je participais aux manifestations pour protester contre les essais du missile de croisière.

La guerre froide est maintenant terminée, mais il y a quand même sur la planète des lieux qui menacent des démocraties et qui, automatiquement, menacent la nôtre. Il y a actuellement des pays qui assoient leur autorité sur le terrorisme et qui étranglent des démocraties. On l'a vu avec la guerre du Golfe et on a vu que le type d'intervention prôné par l'ONU permet maintenant d'éviter des destructions massives de civils. On peut, avec ce type d'engin, avec la sophistication du téléguidage, aller frapper directement des cibles, avec le moins de pertes civiles possible.

(1645)

Dans ce nouveau débat, je pense que, effectivement, pour protéger la démocratie comme telle, la nôtre ainsi que toutes les démocraties, il est important qu'on se dote d'outils qui ne sont plus des outils de destruction massive mais des outils de chirurgie qui permettent de soustraire ceux qui menacent ces démocraties-là.

Ma question est la suivante: À la suite de mon exposé, est-ce que vous partagez aussi le volet que certains pays accentuent leur intervention politique étrangère sur le terrorisme, avec ce type d'instrument chirurgical, en allant frapper exactement où sont les vrais délinquants de la démocratie? Pensez-vous que cet


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instrument comme tel peut nous être plus utile que moins utile dans le débat que nous tenons actuellement?

M. Graham: Monsieur le Président, j'hésite à dire combien je me réjouis de l'appui que le député du Bloc a accordé à mon argumentation; je peux vous dire que vous suivez la même ligne de pensée que moi.

J'étais un peu de votre avis. Dans l'ancien débat, j'étais complètement contre, mais dans le nouveau débat, c'est beaucoup plus délicat et beaucoup plus complexe. Une des complexités qu'il faut reconnaître est exactement cet aspect de terrorisme, cette multiplication, cette prolifération d'armes sophistiquées, dont le chef de l'opposition a fait référence dans son intervention devant la Chambre.

Je reviens donc à ma proposition. Est-ce que le gouvernement, dans ce débat, peut assurer les membres de cette Chambre que les tests en question vont faire avancer cette forme de défense contre ces armes? Si le gouvernement peut nous assurer de cela, je crois qu'il est de notre obligation d'accepter cette explication du gouvernement et de suivre les tests jusqu'à ce que nous soyons complètement armés avec la meilleure défense possible, dans un monde plus complexe, plus difficile et, dans un certain sens, beaucoup plus dangereux.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Il reste moins de deux minutes pour les questions ou observations. Je donne la parole au député de The Battlefords-Meadow Lake.

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake): Monsieur le Président, j'espérais pouvoir prendre la parole pendant un peu plus de deux minutes, mais je n'abuserai pas des droits de la présidence et je me contenterai de résumer une lettre que j'ai reçue aujourd'hui.

Ma circonscription est située dans le nord-ouest de la Saskatchewan, à la frontière de l'Alberta. Elle abrite la partie du polygone d'évaluation de Primrose Lake qui est située en Saskatchewan, ainsi que la bande indienne de Canoe Lake qui, il y a quelques années, avait revendiqué les territoires actuellement utilisés par la Défense nationale pour les essais de diverses armes et l'entraînement militaire.

Le député a parlé de la possibilité de faire participer les habitants de ces régions nordiques et, je suppose, les autochtones, au processus décisionnel. Par conséquent, je voudrais lui poser une question au sujet d'une lettre que le chef de la bande indienne de Canoe Lake a envoyée hier au premier ministre du Canada.

Le chef mentionne que le gouvernement du Canada a rejeté la revendication territoriale de la bande. Or, la Commission des revendications des Indiens, qui avait été chargée de faire enquête sur cette revendication, entre autres, a recommandé que l'on accède à la revendication du territoire de Primrose Lake présentée par la bande de Canoe Lake.

Dans la lettre qui a été envoyée aujourd'hui au premier ministre, il est demandé au gouvernement d'examiner, en plus de la question des essais des missiles de croisière, le rapport de la Commission des revendications des Indiens et ses recommandations concernant l'approbation de la revendication territoriale. Le chef de la bande indienne de Canoe Lake souligne que, comme c'est le cas ailleurs au Canada, le programme d'essais du polygone d'évaluation de Primrose Lake cause beaucoup de tort aux habitants qui vivent à proximité et, par conséquent, leur cause énormément de tort à eux.

(1650)

Le député est-il prêt, comme le lui demande la bande indienne de Canoe Lake, à intervenir auprès du premier ministre afin qu'ils soient autorisés à participer aux discussions concernant leur revendication territoriale?

M. Graham: Monsieur le Président, la question du député comporte deux volets; avant de répondre, j'aimerais revenir à la fin de mon discours que je n'ai pas pu terminer adéquatement étant donné les limites de temps.

Ce que j'essayais de dire au sujet du Conseil de l'Arctique-et j'attire particulièrement l'attention du député à ce sujet car cela ne concerne pas directement la bande indienne de Canoe Lake dont il a parlé-, c'est qu'il s'agit d'une proposition que le Canada a adoptée depuis longtemps. Elle ferait intervenir l'Union soviétique, l'Alaska et tous les pays et les participants du cercle polaire. Elle permettrait aux gens de cette région, y compris les autochtones de l'Union soviétique et des autres pays de l'Arctique, de se rencontrer et de collaborer.

En ma qualité de simple député, je demandais au gouvernement de profiter de cette occasion pour dire à nos vis-à-vis américains que, s'ils veulent absolument poursuivre les essais, nous aimerions qu'ils prennent des mesures en vue d'accélérer la mise en place du Conseil de l'Arctique. Ainsi, on pourrait peut-être progresser et régler les problèmes qui préoccupent la députée de Western Arctic, dont j'ai parlé dans mon discours.

Vous m'excuserez, mais je ne connais pas très bien les inquiétudes précises de la bande indienne de Canoe Lake et les faits que le député me rapportait. Je dois donc me fier uniquement à ce qu'il a dit à ce sujet. Il me semble qu'il serait raisonnable de dire que nous devrions examiner attentivement la légitimité des revendications et faire de notre mieux pour obtenir les résultats appropriés, conformément au présent débat, et pour nous assurer que les droits de toute personne habitant la région où les missiles pourraient être testés seront absolument protégés, comme l'a suggéré mon collègue, le député de Vancouver Quadra, dans son intervention.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères): À l'occasion de cette première intervention formelle en cette Chambre, il me fait plaisir, monsieur le Président, tout d'abord, de vous adresser mes plus sincères félicitations pour votre nomination à cette honorable fonction.


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J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour féliciter celle et ceux qui ont également été désignés pour prendre place à ce fauteuil. Je puis vous assurer de mon appui le plus total, de ma collaboration et de celle des collègues de la formation politique à laquelle j'appartiens.

Vous me permettrez également de profiter de cette occasion pour saluer les citoyens et les citoyennes de la circonscription de Verchères qui, en m'accordant leur confiance, le 25 octobre dernier, m'ont fait l'honneur de les représenter en cette Chambre.

Je suis souverainiste convaincu depuis l'âge de 15 ans, et le mot souverainiste dans la bouche de la députée de Beaver River, comme on a pu le voir tout à l'heure, semblait vouloir dire dire «un ennemi de l'intérieur». Je suis souverainiste depuis l'âge de 15 ans. J'étais loin de me douter, à cette époque, que j'allais un jour représenter mes concitoyens et concitoyennes à la Chambre des communes, symbole par excellence du fédéralisme canadien. J'ai toutefois le plaisir d'appartenir à une formation politique, le Bloc québécois, dont la raison d'être est de faire valoir en cette Chambre la cause de la souveraineté du Québec.

Évidemment, le Québec n'est pas encore un État souverain. Il fait encore partie de ce vaste pays qui s'appelle le Canada. Et si j'aborde la question de l'autorisation des essais des missiles de croisière en insistant sur ce concept de souveraineté qui m'est si cher, c'est tout simplement que, dans certains milieux, on envisage cette question sous l'angle d'une atteinte à la souveraineté du Canada.

Certains prétendent en effet que la reconduction de l'entente-cadre canado-américaine et l'autorisation périodique des essais des missiles de croisière en territoire canadien, en cette période d'après-guerre froide, relève d'une inféodation inacceptable aux impératifs de la politique étrangère et de la politique de défense de nos voisins du Sud, voyant là une atteinte à la souveraineté politique du Canada.

Une voix: Justement!

M. Bergeron: Mais puisque la capacité de défense des frontières est l'un des attributs de tout État souverain, force est de reconnaître que la souveraineté politique et territoriale du Canada est, en grande partie, tributaire de sa partipation au système de sécurité collective mis en place dans le cadre de l'OTAN et de NORAD.

(1655)

On doit reconnaître en effet que le Canada ne dispose pas des ressources nécessaires pour assurer lui-même la sécurité et la défense complètes de son vaste territoire.

Le Canada est membre de l'OTAN depuis 1949 et de NORAD depuis 1958. Les essais du missile de croisière ne sont pas liés stratégiquement à NORAD dans le sens où cette alliance a une vocation essentiellement défensive, à savoir la surveillance du territoire nord-américain, et que l'utilisation du missile de croisière doit être perçue dans ce contexte comme étant fondamentalement une mesure contre-offensive. Les essais de missiles de croisière permettent toutefois d'améliorer les techniques de détection et d'interception qui relèvent du mandat de NORAD.

Comme le Canada ne possède aucun armement stratégique au sein de ses forces, et dans la mesure où il oriente sa défense en fonction du système de sécurité collective mis en place dans le cadre de l'OTAN, il doit se porter volontaire, le cas échéant, pour collaborer avec ses alliés à la mise en place d'une force de dissuasion stratégique.

En vertu de cette approche, le Canada était invité, en 1983, à accepter des essais du missile de croisière sur son territoire, et ce, en dépit du fait que cette stratégie de dissuasion nucléaire ne s'appuyait pas directement sur la stratégie de l'OTAN. Cette force de dissuasion stratégique s'inscrivait à l'époque dans un contexte mondial de bipolarité, en fonction d'un équilibre stratégique entre les deux superpuissances.

Or, aujourd'hui, la conjoncture internationale a changé depuis la disparition du Pacte de Varsovie et l'effondrement du bloc de l'Est. Cependant, la menace nucléaire demeure et prend une dimension plus complexe avec l'apparition de nouvelles puissances nucléaires. Je pense notamment à l'Ukraine, par exemple, ou au Kazakhstan. Dans son énoncé politique de 1992 en matière de défense, le Canada reconnaissait que l'environnement géopolitique s'était considérablement modifié et que l'équilibre mondial ne reposait plus sur une structure bipolaire. On a progressivement vu apparaître un certain nombre de nouvelles puissances nucléaires, souvent très instables politiquement. Dans ces circonstances, il devenait problématique pour le Canada et ses alliés de remettre en question le système de sécurité collective qui avait conditionné leur politique de défense depuis l'époque de la guerre froide. Le missile de croisière est une arme qui s'inscrit parfaitement dans ce nouveau cadre stratégique, qui caractérise maintenant le système de sécurité collective dans lequel nous évoluons.

Les essais qui font l'objet de la demande du gouvernement américain n'ont pas pour objet d'ajouter à l'escalade des nouvelles technologies nucléaires. Un plafond a déjà été désigné en ce qui a trait au nombre total de missiles déployés, selon les conventions des traités START I et START II. Ce plafond ne peut être transgressé, ni en nombre de missiles déployés, ni en force de frappe, c'est-à-dire le calibrage des charges nucléaires.

Ce qu'il convient donc de préciser à l'égard de cette catégorie de missile, c'est qu'il peut être utilisé pour des missions de type conventionnel, et c'est un des aspects de la question qui n'est certainement pas sans importance. Le conflit du golfe Persique, même s'il n'a pas été le théâtre d'affrontements nucléaires, a cependant démontré l'efficacité des attaques très localisées sur des cibles bien définies. On a vu que les missiles de croisière ont été mis à contribution pour détruire des postes de commandements armés, des sites d'entreprosage d'armements conventionnels ou chimiques, de même que des sites de fabrication d'armes conventionnelles, chimiques ou nucléaires, ou devrais-je dire potentiellement nucléaires. Sans ces missiles, on aurait certainement eu recours à des bombardements massifs pour en arriver à la destruction de ces cibles. Des bombardements massifs conventionnels auraient été extrêmement coûteux en vies humaines car la majorité des sites détruits étaient situés dans des zones densément habitées. L'utilisation d'armes de ce type permet d'éviter le recours à des bombardements massifs pouvant causer de très nombreuses pertes en vies humaines chez les populations civiles.

Bien que certains missiles aient sensiblement dévié de leur trajectoire durant le conflit de la guerre du golfe Persique, il ne


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fait aucun doute que dans l'ensemble les missiles de croisière ont connu un succès tangible. Il demeure néanmoins que certaines imperfections inhérentes à ces missiles de croisière ont occasionné des erreurs de ciblage. C'est sur la base de ces erreurs et par souci de perfectionnement que de nouvelles technologies plus performantes sont depuis mises à l'essai sur ces missiles, expliquant dès lors la nécessité pour les États-Unis d'améliorer ce type d'armement, d'où la prolongation des programmes de développement de ces nouveaux missiles. Les essais de missile cruise en sol canadien ont donc essentiellement pour objet d'améliorer et de perfectionner son système de guidage.

Ces essais, dont la fréquence n'excède pas deux à trois fois par année, sont réalisés dans des zones relativement peu habitées. Par ailleurs, les missiles de croisière sont assez silencieux. Les effets sur l'écosystème et les populations locales sont donc faibles.

On doit également préciser que ces essais n'impliquent aucune dépense de fonds publics canadiens puisque l'entente-cadre prévoit que les autorités américaines doivent assumer tous les coûts inhérents à la tenue de tels essais. Ils ne peuvent donc pas occasionner une augmentation des budgets alloués à la défense nationale.

(1700)

Le Bloc québécois, tout en s'opposant fermement à la poursuite de la course aux armements, ne peut ignorer le contexte international instable qui prévaut depuis le démantèlement de l'ex-URSS et les menaces potentielles qui pèsent actuellement sur le monde. L'OTAN a récemment voulu faire preuve de cet esprit de collaboration et de coopération qui devrait normalement prévaloir en ces lendemains de guerre froide, en initiant un geste d'ouverture à l'égard des pays d'Europe de l'Est, ce à quoi M. Jirinovski, le chef du Parti libéral-démocrate de Russie, a répondu que l'admission de ces pays dans les rangs de l'OTAN ne pouvait que conduire à une troisième guerre mondiale. La montée de l'extrême droite en Russie et l'accroissement du nombre de puissances nucléaires font en sorte qu'il serait imprudent et irresponsable de baisser la garde et de ne pas demeurer à l'affût de l'évolution du contexte stratégique mondial.

Dans ces circonstances, le Canada ne peut se permettre de remettre en question ses engagements à l'égard de ses alliés en matière de défense. Sa crédibilité sur la scène internationale en serait grandement affectée, de même que ses relations privilégiées avec les États-Unis. La détérioration des relations politiques entre le Canada et les États-Unis pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur le plan économique et commercial, alors que nous éprouvons déjà certaines difficultés à faire respecter l'esprit et à faire appliquer les différentes dispositions de l'Accord de libre-échange.

La conjoncture internationale actuelle ordonne donc que l'on maintienne les structures du système de sécurité collective auquel nous appartenons et, conséquemment, exige du Canada qu'il respecte ses engagements à cet égard. Toutefois, il y a lieu de suivre attentivement l'évolution de la conjoncture internationale et d'adapter, le cas échéant, notre politique de défense aux nouvelles réalités mondiales. En fonction de ces nouvelles réalités, nous pourrions éventuellement être appelés à réviser nos engagements internationaux en matière de défense. Il est donc essentiel que le gouvernement s'engage formellement à reprendre annuellement l'exercice auquel nous participons aujourd'hui et à soumettre annuellement la question de l'essai des missiles de croisière à l'approbation et aux discussions du Parlement.

En terminant, je m'interroge sur les intentions du gouvernement quant à la politique de défense du Canada. Le discours du Trône nous annonçait en effet une redéfinition de la politique de défense canadienne. À peine une semaine après la lecture du discours du Trône, avant même que les orientations du gouvernement en matière de défense aient été définies et qu'un débat public soit amorcé sur cette nouvelle politique de défense, le gouvernement demande au Parlement de se pencher sur deux questions qui concernent directement la politique de défense du Canada, à savoir la présence des Casques bleus canadiens en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, de même que l'autorisation des essais des missiles de croisière en territoire canadien. Le gouvernement a-t-il l'intention de prendre une décision sur ces deux importantes questions avant d'avoir défini une nouvelle politique de défense ou cherche-t-il simplement à sonder l'opinion de la Chambre des communes sur deux aspects fondamentaux de cette politique de défense avant de définir ses orientations? Bien qu'on doive saluer l'initiative du gouvernement de consulter les parlementaires sur ces deux importantes questions, nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence de cet exercice à ce moment bien précis. L'improvisation et la tentation de vouloir faire diversion transpirent de cette initiative gouvernementale.

Ce débat sur les missiles de croisière n'a de sens que dans la mesure où il est directement relié à la politique de défense du gouvernement canadien. Comme nous ne connaissons pas les orientations que le gouvernement a l'intention de mettre de l'avant pour redéfinir la politique de défense du Canada, il nous apparaît qu'un véritable débat ne pourra être entrepris et qu'une décision finale sur la question des essais des missiles de croisière en territoire canadien ne pourra être prise que lorsque le gouvernement aura déposé son Livre blanc sur la politique de défense.

[Traduction]

M. Ron MacDonald (Dartmouth): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député du Bloc québécois pour les observations qu'il a faites. Je voudrais faire quelques remarques et peut-être lui poser une question ou deux au sujet de la dernière partie de son intervention.

Le député a clairement exposé sa propreposition et celle de son parti qu'a énoncée un peu plus tôt le chef du Bloc québécois et chef de l'opposition.

À la fin de son intervention, mon collègue a demandé pourquoi nous nous livrons à cet exercice et quelle est la raison des consultations actuelles. Au cours de la campagne électorale, le premier ministre et le Parti libéral, qui forme maintenant le gouvernement, ont déclaré que le Parlement actuel serait différent.

Je siège à la Chambre des communes depuis 1988. Je n'en suis qu'à mon second mandat, mais je puis néanmoins dire à mes collègues que les consultations qui ont eu lieu dès les dix premiers jours de la législature actuelle témoignent d'une approche très différente de celle qui prévalait dans le passé. Le gouvernement s'efforce de changer la façon dont fonctionne la Chambre des communes.


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(1705)

Hier, nous avons tenu un débat sur le rôle des gardiens de la paix canadiens, en particulier en Bosnie-Herzégovine. Je crois que cet exercice s'est révélé très fructueux.

Dans les informations d'hier soir, le premier commentaire indiquait que la Chambre des communes, qui démontrait dans le passé un parti pris trop marqué et qui se contentait d'approuver pour la forme la politique gouvernementale déjà décidée au bureau du premier ministre et dans le cercle restreint des ministres influents, allait maintenant se comporter différemment.

Je trouve rafraîchissant le processus consultatif entamé hier, qui a permis aux députés de ce côté-ci de la Chambre, aux simples députés qui ne sont pas membres du Cabinet de faire valoir leurs divergences d'opinions sur des sujets de grande importance.

Si nous tenons ce débat aujourd'hui, c'est parce que le premier ministre a déclaré que les députés de tous les partis pourraient contribuer à l'élaboration de la politique gouvernementale et à la mise en place du cadre législatif lors de l'étude de questions comme celle-ci. Cette approche diffère considérablement de ce que j'avais l'habitude de voir ici depuis cinq ans.

En terminant, je tiens à dire que les interventions de mon collègue et d'autres députés à la Chambre aujourd'hui contribueront grandement à définir le processus d'élaboration d'une politique à long terme.

Le député a dit que nous devrions peut-être avoir un livre blanc sur la défense. Cette question a déjà retenu l'attention des députés et du public canadien. Je crois que le premier ministre et le ministre de la Défense nationale ont indiqué qu'en ce qui concerne la politique de défense, ils ne se contenteraient pas d'attendre que l'examen soit achevé. Les députés devraient donc être consultés prochainement.

Je me réjouis de constater que mon collègue croit au processus consultatif et j'ai hâte de prendre connaissance de ses observations lorsque les comités constitués par le gouvernement entameront l'examen général de la politique de défense nationale.

[Français]

M. Bergeron: Monsieur le Président, je remercie mon honorable collègue de son commentaire. J'aimerais simplement dire que je comprends l'enthousiasme qu'il manifeste depuis que le premier ministre a permis à cette Chambre de s'exprimer sur une question avant que la politique gouvernementale ne soit annoncée. Je crois comprendre de son intervention qu'il est ici depuis quelques années à la Chambre et qu'il n'a jamais eu l'occasion de s'exprimer librement sur une politique gouvernementale avant que celle-ci ne soit annoncée. Alors, je comprends fort bien son enthousiasme à cet égard.

Toutefois, ce contre quoi j'en ai, ce n'est pas tellement la possibilité de pouvoir s'exprimer à la Chambre sur cette question-là, c'est le processus chronologique de la décision et du débat qui me pose problème. Si vous me permettez d'utiliser une expression bien de chez nous, j'ai l'impression que le gouvernement a mis «la charrue devant les boeufs», dans la mesure où on entreprend ce débat sans même savoir où le gouvernement s'en va sur sa politique de défense.

Vous admettrez avec moi, en fonction de l'argumentation que je viens de développer, que si le gouvernement décide que le système de sécurité collective dans lequel nous avons évolué depuis la fin des années 1940 n'est plus adéquat et qu'on doit s'en retirer, cela aura une influence fondamentale sur le maintien ou non des essais du missile de croisière sur le territoire canadien. C'est donc dire qu'on ne peut pas discuter de cette question-là avant d'avoir défini l'ensemble de la politique canadienne en matière de défense.

Alors, il y a comme une évolution chronologique qui n'est pas tout à fait logique dans l'action du gouvernement. On devait tenir un débat semblable. Je suis d'accord à ce qu'il ait lieu, ce n'est pas ce que je remets en question. Je suis d'accord à ce qu'il ait lieu, mais qu'il se fasse au moment où on connaîtra les orientations du gouvernement en matière de défense.

Cependant, on nous fait entreprendre un tel débat, à quelques jours de préavis, sans possibilité d'avoir accès aux documents du ministère de la Défense nationale. Ainsi, les parlementaires ne sont pas bien outillés pour entreprendre ce débat. J'espère que ce n'est pas une intention délibérée de la part du gouvernement de nous engager dans un débat, à la dernière minute, et en donnant comme instruction au ministère de la Défense nationale de ne pas nous fournir les documents dont on aurait besoin pour l'entreprendre.

Actuellement, c'est ce contre quoi j'en ai. On a entrepris un débat. Fort bien. C'est intéressant de permettre aux députés de s'exprimer sur une politique gouvernementale, mais encore faut-il qu'on sache vers quoi va s'orienter cette politique gouvernementale dans son ensemble pour voir si ce dont on traite actuellement va pouvoir encore s'y retrouver dans quelques semaines ou dans quelques mois.

(1710)

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le Président, je tiens également à remercier mon collègue, j'oserai même dire mon ami, pour son premier discours à la Chambre; je l'ai trouvé particulièrement bien ficelé. Bien qu'il prétende ne pas avoir eu beaucoup de temps pour se préparer, il a certainement fait du bon travail, surtout sur certains détails techniques.

J'ai une question hypothétique à lui poser, monsieur le Président, pour laquelle j'accepterai avec plaisir une réponse hypothétique. Si ces essais avaient lieu dans le nord du Québec, plutôt que dans le nord-ouest du Canada, ses observations, ses inquiétudes et les questions qu'il poserait seraient-elles les mêmes?

[Français]

M. Bergeron: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question hypothétique à laquelle je répondrai le plus précisément possible.

Évidemment, la question est hypothétique en ce sens qu'on ne prévoit pas que ces essais couvriront le territoire québécois. Si tel devait être le cas, on devrait s'assurer, comme on l'a fait dans le cas des essais du missile de croisière depuis 1983, que de tels essais se fassent dans les meilleures conditions possibles, c'est--


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à-dire, comme je le soulignais dans mon intervention, dans un corridor très faiblement peuplé et là où cela aurait très peu d'effets sur l'écosystème.

Dans ces conditions, notre réponse serait la même que celle que nous donnons aujourd'hui concernant les essais qui ont lieu dans l'Ouest canadien.

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Monsieur le Président, aujourd'hui est un très triste jour pour les milliers de Québécois et de Québécoises qui appuient le mouvement de la paix.

Pour ma part, je suis franchement déçu et même étonné de la position prise par le chef du Bloc québécois, et les autres membres de ce parti sur cette question. Le Bloc avait l'occasion de dire oui à une nouvelle ère et de dire non à la guerre froide. Mais les voix des Québécois et des Québécoises, qui sont très fortes dans le mouvement de la paix au Québec, ne se reflètent pas dans les commentaires du Bloc.

Je vais poser une question au député qui vient de parler. J'ai entendu un de ses collègues qui était contre cette position très conservatrice du Bloc québécois. Je vais poser la question suivante à mon collègue du Bloc québécois. On parle de missiles nucléaires. Le député ne croit-il pas que cela serait très déstabilisant, comme le député de Papineau-Saint-Michel, l'actuel ministre des Affaires étrangères, l'a affirmé en 1988? Il a parlé de l'effet déstabilisant de la technologie des missiles de croisière sur la balance stratégique internationale. Il a tout à fait raison.

Il y a maintenant M. Jirinovski en Russie. Bien sûr, c'est un homme dangereux. Cela donnerait à M. Jirinovski un argument bien important: Voyons donc! Ils essaient les missiles de croisière au Canada.

Pourquoi le Bloc québécois ne réfléchit-il pas à la position de changement du mouvement de la paix et ne reconnaît-il pas l'importance d'une nouvelle stratégie rejetant ces essais de missiles de croisière au Canada?

M. Bergeron: Monsieur le Président, je remercie encore une fois mon collègue de Burnaby-Kingsway de la question qu'il vient de me poser concernant, semble-t-il, la position conservatrice du Bloc québécois sur la question des essais des missiles de croisière.

Dans un premier temps, je pourrais lui répondre que j'ai l'impression qu'il a mal écouté mon discours, parce qu'il ne s'agit pas pour nous de reprendre le contexte de la guerre froide et de nous y inscrire. J'ai bien précisé dans mon allocution que la réponse du Bloc québécois à la question qui nous est posée s'inscrivait dans un nouveau contexte mondial. Justement, j'invoquais la présence de Jirinovski en Russie et la présence de nouvelles puissances nucléaires pour justifier la poursuite des essais.

Par ailleurs, je signalais également que les essais visent essentiellement à raffiner, à perfectionner le système de téléguidage du missile et qu'en conséquence cela n'a aucun effet direct sur la course aux armements nucléaires.

Par ailleurs, j'aimerais lui dire que si le député de Papineau-Saint-Michel a des contradictions, qu'il vive avec cela. Moi, je n'ai rien à voir avec cela.

(1715)

[Traduction]

M. Ron MacDonald (Dartmouth): C'est un plaisir pour moi de participer à ce débat aujourd'hui. Hier, je n'ai pas pu intervenir officiellement dans notre premier débat sur des questions de défense nationale, mais j'ai profité au maximum des périodes réservées aux questions et observations. Je pense que j'ai quand même pu faire valoir tout ce qui me tenait à coeur.

Le débat d'aujourd'hui est très important. Comme je viens de le dire dans un commentaire que j'adressais à mon collègue du Bloc québécois, l'opposition officielle, la Chambre des communes n'est plus ce qu'elle était. Nous avons entamé notre présent mandat en tâchant, en tant que gouvernement libéral, de donner suite aux discours que nous tenions dans l'opposition. Nous disions alors que la Chambre devrait agir différemment et que, pour que nos travaux soient dignes de respect, il fallait reconnaître que les 295 hommes et femmes qui occupent un siège ici ont le droit de s'exprimer sur les enjeux qui les touchent. Ils devaient, dans la mesure du possible, faire connaître les intérêts et les points de vue des gens qui les ont élus et qu'ils ont le devoir de représenter.

Le débat d'aujourd'hui sur les essais des missiles de croisière est nettement une autre preuve que nous tenons l'engagement que nous avions pris durant la campagne électorale. Comme mon collègue de Rosedale l'a mentionné un peu plus tôt, un nouveau débat se dégage de la question des essais de missiles de croisière. Avant, je pense que bien des députés seraient intervenus dans le débat pour appuyer, du moins à court terme, la poursuite des essais du missile de croisière au-dessus du territoire canadien; il y a quelques années à peine, certains députés auraient prononcé des paroles très différentes.

Nous devons admettre que le monde a changé de façon radicale depuis cinq ans. Nous avons vu le démantèlement de l'Union soviétique et la fin de la guerre froide. Je me souviens d'avoir entendu, il y a seulement quelques années, bon nombre de députés, surtout des néo-démocrates, intervenir constamment en faveur d'un dividende de paix et expliquer comment le gouvernement en place devait rationaliser, éliminer, voire abandonner complètement certains éléments de notre établissement de défense.

Comme j'aurais aimé que leurs discours portent fruit. En réalité, le monde a changé. La guerre froide est terminée. Par contre, il se peut qu'on soit moins en sécurité dans le monde d'aujourd'hui qu'on l'était pendant la guerre froide.

Les débats qu'ont eus la population et les parlementaires jusqu'à maintenant sur les essais de missiles de croisière au Canada étaient bien différents du débat dont nous sommes saisis aujourd'hui. La question consistait à se demander si, en permettant les essais de missiles de croisière au-dessus du territoire canadien, notre gouvernement favorisait la prolifération des armes nucléaires des deux superpuissances. C'était une question


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et une préoccupation que nous partagions tous, même si nous avions différents points de vue.

Or, le débat d'aujourd'hui ne porte plus du tout sur la même question. Il y a seulement deux ans, au cours de la guerre du Golfe, nous avons constaté que la technologie des Américains, la technologie des missiles de croisière, pouvait aussi devenir un instrument stratégique pour attaquer de façon très précise l'arsenal d'adversaires, dans ce cas précis, les Irakiens. J'ose dire que la technologie élaborée au départ en vue de produire des armes nucléaires tactiques a été utilisée avec des armes conventionnelles de telle sorte qu'elle a minimisé, à mon avis, les pertes de vie et réduit probablement la durée de cette guerre.

La réalité, c'est que nous, en tant que Canadiens et parlementaires, nous sommes aujourd'hui confrontés à une crise. D'un côté de la Chambre, et nous invitons la collaboration de tous les autres députés, nous essayons d'élaborer une politique de défense nationale, non seulement pour cette année ou l'an prochain, mais pour les années à venir.

Depuis longtemps, nous nous sommes fiés à notre participation à des organisations internationales comme NORAD et l'OTAN, pour qu'elles assurent notre sécurité collective en tant que pays. J'irais même jusqu'à dire que le coût par habitant que nous avons assumé pour la défense de notre pays était très bas en comparaison du coût assumé par d'autres pays membres de l'OTAN ou de NORAD.

Quand on accepte de faire partie d'une équipe, il faut donner et recevoir. Hier, on a beaucoup parlé de donner. Le Canada a donné au monde une chose qui s'appelle le maintien de la paix et il l'a fait selon l'admirable noble méthode Pearson. Nous en avons débattu hier. Malgré sa faible population, notre pays a fait sa marque dans le monde et, grâce à ses efforts militaires dans le cadre des opérations des Nations Unies, il a acquis l'appui et la confiance de ses voisins, non pas en faisant la guerre ou en s'attaquant à un autre pays, mais en maintenant la paix. Telle est la contribution que nous avons apportée à la paix et à la sécurité par l'entremise de la communauté internationale et des accords de l'OTAN et de NORAD. Soyons justes. Les Américains, ces géants qui vivent à notre porte, assurent la plus grande partie de la défense de notre pays parce que c'est dans leur intérêt stratégique de le faire par l'entremise de ces organisations. Il nous faut offrir quelque chose en retour. Ce qu'ils nous ont demandé jusqu'à maintenant, et cela a suscité énormément d'inquiétude parmi les Canadiens, c'est de leur permettre de procéder à l'essai des missiles de croisière en sol canadien.

(1720)

Le présent débat vise à savoir si les députés estiment que l'accord que le gouvernement précédent a reconduit l'an dernier pour une période de dix ans devrait être maintenu et à déterminer ici quel genre de politique nous souhaitons adopter en matière de défense.

Cela me semble plutôt clair. C'est le chef de l'opposition, je crois, qui a cité un physicien du nom de Kosta Tsipis. Cette citation est importante, car elle a trait à la technologie utilisée dans la fabrication du missile de croisière lui-même. D'après M. Tsipis, tout pays qui peut fabriquer un simple avion peut construire un missile de croisière capable de porter une charge d'une tonne sur au moins 300 milles et d'atterrir à au plus 30 pieds de la cible visée.

Il est clair que nous avons pratiquement affaire maintenant à la seconde génération d'essais par les Américains de la technologie du missile de croisière. Nous savons que d'autres pays ont la technologie qu'il faut pour mettre au point des missiles du genre du missile de croisière. Nous savons que certains de ces pays ne sont pas des pays amis ou des pays stables.

Nous savons que, par suite de l'effondrement de l'Union soviétique, une bonne partie de l'arsenal que l'ancien gouvernement communiste protégeait au moins par la force est ou sera peut-être mis en vente. Il serait téméraire de la part du gouvernement canadien de vouloir faire respecter une certaine paix au plan international et de ne pas maintenir, du moins tant que la politique de défense n'est pas clairement redéfinie, l'engagement de permettre au gouvernement américain de continuer ici l'essai du missile de croisière.

Pourquoi ces essais? Pour lancer des ogives nucléaires? Non pas. D'après ce que j'ai lu, cette série d'essais vise essentiellement à assurer que les États-Unis puissent mettre au point de meilleures méthodes de détection des missiles de croisière étrangers et d'autres produits technologiques du genre.

Est-ce là une observation valable? Je le crois et je crois que nous devons nous entendre là-dessus. Étant donné les pays où nos troupes canadiennes sont envoyées en mission, qui sait si dans un an, six mois ou deux ans, elles ne seront pas la cible d'ennemis conventionnels ou de radicaux participant à une guerre civile qui les attaqueront au moyen de missiles de croisière.

Dans le contexte actuel, la meilleure défensive reste l'offensive. Il faut examiner ce que nous pouvons faire pour aider les Américains à mettre au point une deuxième génération de technologies afin de détecter les missiles similaires aux missiles de croisière volant à basse altitude que pourraient lancer d'autres pays.

Il importe aussi de considérer la discussion d'aujourd'hui comme une prélude à un débat beaucoup plus large, plus vaste et plus crucial que tiendra la Chambre.

Il ne fait aucun doute que l'armée et les dépenses militaires ont été deux des grands enjeux de la campagne électorale. Un thème revenait souvent, notamment dans la région que je représente et où vivent plus de 10 000 et peut-être même 15 000 personnes occupant divers postes au sein des Forces armées canadiennes. Dans notre région, il y a la marine canadienne, la base militaire de Shearwater et beaucoup de membres des Forces armées canadiennes.

Il semble évident que, devant l'évolution de la situation géopolitique, le gouvernement canadien doit prendre l'initiative et réviser sa politique de défense. Pendant la campagne électorale, nous avons affirmé que notre gouvernement tiendrait de vastes consultations non seulement auprès des parlementaires, mais également auprès des Canadiens de toutes les régions du pays, pour déterminer le rôle que nous devrions jouer, par l'entremise des Nations Unies, afin d'assurer la paix et la sécurité dans le monde et de protéger notre souveraineté nationale.

En attendant que la question soit étudiée en profondeur, je crois qu'il faudrait, pour préserver la paix et la sécurité dans le monde entier de même que le rôle que joue le Canada sur la scène internationale en étant partie de divers accords internationaux, que la décision du gouvernement précédent de continuer de


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permettre aux Forces armées américaines de procéder à des essais du missile de croisière en territoire canadien soit maintenue et que cette décision soit entérinée au cours d'un débat pancanadien exhaustif sur le rôle que nous voulons confier à l'avenir à nos forces armées et la politique nationale à adopter en ce sens.

(1725)

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, l'honorable député vient de nous livrer un discours dont je partage un bon nombre d'éléments. Cependant, un peu avant lui, à quelques rangées derrière lui, le député de Rosedale a utilisé une expression sur laquelle je suis en désaccord, et je vais demander au député ce qu'il en pense.

Donc, l'expression utilisée était «testing of a new weapon». Je suis en désaccord sur cela parce qu'«il ne s'agit pas d'une arme», et c'est ce que j'ai cru comprendre de votre discours: nous n'avons pas devant nous une arme, nous avons un système de livraison, a delivery system. De fait, ce système de livraison pourrait vraisemblablement livrer n'importe quoi, y compris le courrier de Postes Canada, et là je vois déjà le titre «Cruisolator»!

Cela pourrait donc nous amener vraisemblablement à des applications civiles du système de navigation. Mais regardons le système de navigation comme tel. Il s'agit d'un ordinateur, avec une mémoire du terrain, qui sait reconnaître son chemin.

On parle déjà, on le sait, de la possibilité pour les voitures de se promener à travers la campagne grâce à des systèmes de navigation automatiques. On parle également de voitures qui pourraient faire la même chose à l'intérieur de nos villes. Imaginons combien ce serait pratique que de venir ici au Parlement, le matin, sans avoir besoin vraiment de surveiller toute cette circulation sur les ponts. Je dis «sur les ponts», on le comprendra, parce que je demeure de l'autre côté de la rivière.

Cela dit, est-ce que l'honorable député a fait une investigation des applications civiles qui pourraient éventuellement découler de ces tests de navigation pour les missiles de croisière?

[Traduction]

M. MacDonald: Monsieur le Président, le député d'en face a fait des observations fort intéressantes au sujet de la technologie. Je crois qu'il a raison. Il est question ici de mettre à l'essai la nouvelle technologie que représente le missile de croisière, cette fusée à réaction sans pilote munie d'un système de guidage.

Je suis certain que le député sera également d'accord avec moi pour dire que la plupart des technologies novatrices mises au point par l'industrie du matériel de défense ont la plupart du temps trouvé des applications dans l'industrie civile.

Je suis heureux qu'il ait soulevé ce point. Le Parti libéral, qui forme maintenant le gouvernement, a dit clairement durant la campagne électorale qu'il mettrait sur pied un programme de conversion de l'industrie du matériel de défense. Beaucoup d'industries canadiennes qui, durant la guerre froide, dépendaient de la fabrication du matériel de défense et des activités de recherche et de développement dans le domaine de la défense obtiendraient du gouvernement toute l'aide dont elles ont besoin pour s'adapter à la nouvelle situation géopolitique mondiale. Nous aiderions ces industries pour qu'elles trouvent des façons d'appliquer à des fins civiles toutes ces technologies novatrices qui ont été mises au point à des fins militaires.

Nous croyons que c'est là une bonne façon de voir à ce que ces technologies ne soient pas perdues à cause des changements politiques qui surviennent partout dans le monde. Nous croyons que les Canadiens pourront trouver des emplois grâce à l'aide que le gouvernement fournira pour faire le pont entre l'industrie du matériel de défense et l'utilisation de la technologie de défense dans l'industrie civile.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, je suis d'accord avec la conclusion à laquelle arrive le député, à savoir que nous devrions conserver l'entente conclue par le précédent gouvernement, mais il semble se contredire lorsqu'il dit que nous devons conserver cet accord jusqu'à ce qu'il soit réexaminé. Selon ce qui a été prévu, l'accord ne se termine qu'en 2003.

Le député veut-il dire que nous ne devons garder l'accord qu'un an ou deux, ou que six mois? Devons-nous tenir un autre débat sur la question dans dix mois pour décider si nous annulons l'accord? Allons-nous simplement décider de garder l'accord jusqu'à son échéance? Laissons-nous la question de côté tant que le gouvernement n'aura pas eu l'occasion de l'examiner plus à fond?

Je ne crois pas que les Américains aimeraient beaucoup que nous prenions ce genre de décision.

(1730)

M. MacDonald: Monsieur le Président, je serai très clair. Je pense que le débat d'aujourd'hui porte sur des principes. Nous avons signé un accord avec les États-Unis, mais, si le gouvernement du Canada, pays souverain, jugeait que la population ne veut plus de cet accord ou que celui-ci ne cadre plus dans sa politique de défense, je suis convaincu que nos voisins du sud comprendraient et accepteraient d'y mettre fin.

Cependant, ce que je veux dire, c'est que j'appuie cet accord, mais que je ne veux pas fausser le débat puisqu'il sera à nouveau question de cet accord lorsque nous examinerons la politique de défense. Je ne crois pas que l'on puisse entreprendre un tel examen en disant que nous avons décidé à l'avance que tel ou tel programme et 22 bases sont intouchables et qu'il est hors de question de discuter des essais de missiles de croisière au Canada.

De ce côté-ci de la Chambre, nous voulons amener les parlementaires et les simples Canadiens, qu'ils appartiennent ou pas à l'appareil de défense, à élaborer une politique de défense qui correspond d'abord et avant tout aux besoins du Canada. À mon sens, il faudrait qu'une telle politique tienne sérieusement compte des patrouilles dans les zones de pêche, de la lutte au trafic des drogues dans nos eaux territoriales et de notre engagement face à la communauté internationale, notamment dans les missions de maintien de la paix de l'ONU.


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Personnellement, je crois que nous devons prendre l'engagement de respecter l'accord qui existe, mais que nous devons aussi faire savoir aux Américains qu'il y aura un vaste débat au Canada, un débat libre et ouvert, pour définir notre politique nationale de défense.

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Ouest): Monsieur le Président, permettez-moi d'abord de remercier les électeurs de Mississauga-Ouest de m'avoir fait l'honneur de me choisir comme députée fédérale. Mississauga-Ouest vient au deuxième rang parmi les circonscriptions les plus populeuses du Canada et je commence à croire qu'il est beaucoup plus facile de gagner à ma cause 140 000 électeurs que mes collègues, les députés. Je me sens comme une colombe au milieu d'un groupe de faucons.

Je participe aujourd'hui à un débat qui revêt une grande importance non seulement pour les Canadiens, mais aussi en ce qui concerne la réputation fort enviable de leur pays en matière de relations internationales. Au lieu d'aborder la question d'un point de vue purement technique, je vais laisser mon coeur parler aujourd'hui.

Comme nous le savons tous, depuis bien des années, le gouvernement américain a facilement accès à l'espace aérien du Canada pour faire l'essai de missiles de croisière. Les essais se poursuivent, mais, de toute évidence, ils ne produisent pas de résultat concluant. Chaque année, nous continuons de coopérer à la réalisation de ce projet avec nos voisins américains, même si des centaines de milliers de Canadiens s'opposent fondamentalement et avec véhémence à notre participation à la course aux armements.

Je félicite le premier ministre de son ouverture d'esprit et de son empressement à discuter de cette importante question à la Chambre des communes. Des Canadiens de toutes les régions suivent nos travaux et évaluent dans quelle mesure nous respectons notre engagement concernant la réforme parlementaire.

Bien qu'elle suscite certaines préoccupations, la question des essais de missiles de croisière est un bon exemple de notre nouvelle façon de fonctionner, car je semble avoir à ce sujet une opinion différente de celle de la majorité des députés de mon parti.

J'exhorte tous les députés à prendre sérieusement en considération les faits, les répercussions et les conséquences éventuelles liés aux essais de missiles de croisière. Depuis la signature de l'accord à ce sujet il y a dix ans, le monde a profondément changé. Il y a à peine cinq ans, on aurait difficilement pu imaginer l'effondrement de l'empire soviétique, le rétablissement de la démocratie dans la majeure partie de l'Europe de l'Est ou la reconnaissance de nouvelles libertés qui s'amorce finalement en Afrique du Sud.

Presque partout, on sent l'enthousiasme et l'espoir de même que la foi en un avenir dont serait définitivement écartée la perspective d'une guerre mondiale. Désormais, Américains et Soviétiques ne vivent plus dans un climat de méfiance mutuelle et de confrontation quotidienne imminente. Les Américains ont élu un nouveau président qui s'est engagé à assurer la paix dans le monde, à réduire les dépenses militaires et à améliorer les services de santé, les infrastructures et le système d'éducation des États-Unis. Les dividendes que les Américains tireront de la paix serviront probablement à financer des programmes sociaux plus humains.

Ces dernières années, les gouvernements américain et canadien ne se sont jamais donné d'objectifs aussi semblables que maintenant en vue d'améliorer les soins de santé, les infrastructures et le système d'éducation. Notre gouvernement doit appuyer ces objectifs. Il doit mettre à profit les dividendes de la paix et le maintien de la sécurité à l'échelle mondiale.

Les missiles de croisière et autres armes nucléaires connexes appartiennent à une époque révolue sur le plan politique. On se demande d'ailleurs s'ils ont déjà eu leur place chez nous. Depuis le début de ces essais, les Canadiens se méfient beaucoup de toutes les formes d'armements nucléaires et de propagande belliciste, quand ils ne s'y opposent pas véhémentement. Les gouvernements libéraux et conservateurs précédents ont refusé d'accepter des ogives nucléaires en sol canadien.

(1735)

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada a été un pays de moyenne puissance indépendant, raisonnable et estimé, jouissant d'une réputation inattaquable en matière d'équité et de participation au maintien de la paix dans le monde. À une époque où les Américains étaient très occupés à pourchasser ceux qu'ils soupçonnaient de sympathies communistes, en détruisant des réputations et des vies en cours de route, les Canadiens étaient présents au Moyen-Orient où ils contribuaient à la mise en oeuvre d'un règlement pacifique dans la zone du canal de Suez. Dans les années 1960, le Canada a montré l'exemple au monde entier en entamant des relations commerciales avec la Chine et l'Union soviétique, alors que les Américains se laissaient entraîner dans la guerre du Vietnam.

Tout au long de leur histoire, les Canadiens ont chéri leur réputation et leur indépendance. À l'heure actuelle, il nous faut affirmer une fois de plus notre indépendance dans nos affaires intérieures et notre souveraineté sur notre territoire. Il est temps d'annuler l'accord conclu avec les États-Unis sur les essais du missile de croisière. Il est temps d'envoyer un message positif de soutien et de solidarité aux habitants de démocraties aussi fragiles que la Russie et l'Ukraine, des pays qui ont besoin d'un renfort positif dans leur combat en vue d'établir un régime démocratique.

Nous demandons aux membres de l'ex-Union soviétique de démanteler leurs armements nucléaires. Nous leur demandons de contribuer à établir la paix et la démocratie. Or, nous continuons d'envoyer des messages très contradictoires en continuant d'autoriser les essais de missiles au-dessus de notre territoire.

Les missiles de croisière sont destinés à servir contre les pays de l'ancien bloc soviétique. Voilà pourquoi il font l'objet d'essais au-dessus de notre territoire, dont la géographie et le climat sont supposément similaires à ceux de l'ex-Union soviétique.

Beaucoup de Canadiens trouvent inacceptable et hypocrite de prêcher la paix et d'exiger le désarmement universel tout en poursuivant les essais d'armes nucléaires fondamentalement offensives. Alors que nous devrions montrer l'exemple, nous suivons au contraire aveuglément les politiques et les pratiques d'une autre époque et d'une autre réalité politique.

Il est temps de donner un meilleur exemple, de répondre à une exigence supérieure et de tendre une main pacifique et amicale vers nos voisins du monde entier. Il n'y a pas de guerre nucléaire qu'on puisse gagner. Il n'y a pas de bonnes guerres. On ne peut diviser le monde en deux camps. Nous faisons tous partie d'un monde qui se rétrécit sans cesse, un monde où il faut maintenant


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renoncer pour toujours aux armes du passé et aux politiques de haine, de méfiance et de propagande. Le Canada a toujours été à l'avant-garde mondiale en matière de paix. Nous ne devons pas laisser passer cette occasion de renouveler notre engagement en faveur d'un avenir plus sûr.

Nous avons tous vu des images bouleversantes sur la Bosnie et l'Éthiopie. Nous avons entendu parler de la torture et des ravages de la haine. Les gardiens de la paix canadiens se retrouvent fréquemment dans des situations difficiles où leur vie et leur sécurité sont menacées. Qui sait quand la bonne volonté des puissances étrangères se tarira? Qui peut dire quand nos gardiens de la paix seront soudain indésirables en terre étrangère? Nous devons tout faire pour garantir la sécurité de nos soldats, où qu'ils soient affectés.

L'interdiction des essais des missiles de croisière revêtirait une grande signification dans la cause du désarmement et de la paix. Aux yeux du monde, nous affirmerions notre souveraineté et notre engagement à l'égard de la paix mondiale.

Qui plus est, nos autochtones, qui ont été oubliés lorsqu'il y a eu des essais par le passé, seront finalement en paix, n'ayant plus à se préoccuper des missiles qui sifflent au-dessus de leur tête. Par le passé, les gouvernements n'ont fait aucun cas des chefs autochtones. Leurs dénonciations ont été banalisées et il n'a pas été tenu compte de leurs préoccupations pour la sécurité et l'environnement. Nous avons parlé avec condescendance de gouvernement autonome pour les autochtones. Nous nous félicitons entre nous chaque fois que nous réglons un différend avec les peuples autochtones. Pourtant, nous sacrifions tout le capital de bonne volonté qui peut exister en violant régulièrement leur espace aérien avec des avions et des missiles étrangers. Dans la vallée et le delta du Mackenzie, au-dessus de la mer de Beaufort, des territoires des Dénés, des Inuit et des Métis, les missiles de croisière volent à basse altitude dans un jeu militaire révoltant.

Pendant combien de temps les Américains pourraient-ils tester leurs missiles au-dessus des villes du sud de l'Ontario? Vous imaginez le tollé, monsieur le Président? Mon exemple est extrême, mais il illustre bien ce que je veux dire. Les autochtones, même s'ils sont largement dispersés, ont le droit de jouir de leur vie et de leur environnement sans craindre une catastrophe. Les mêmes principes devraient s'appliquer pour tout le monde, partout au Canada.

Je demande à tous les députés de peser avec soin les arguments avancés dans ce débat, de tenir compte de la situation mondiale, des préoccupations des écologistes, des autochtones et de nos autres concitoyens pour qui la paix est un intérêt vital. Le monde nous regarde. Nous devons, avec détermination, donner l'exemple et nous devons le faire maintenant, pas plus tard, lorsque tout aura été testé, que le missile sera parfaitement au point et que nous serons bien armés.

(1740)

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix): Madame la Présidente, je suis d'accord sur ce qu'a dit la députée qui m'a précédé lorsqu'elle a mentionné la souveraineté et l'indépendance sur notre territoire. Je pense que nous du Bloc l'acceptons tous.

Le Canada a comme mission première de faire la paix, de la protéger ou de la maintenir dans le monde.

Vous me permettrez de mentionner, compte tenu du débat qui a eu lieu hier sur la Bosnie, ainsi que de celui d'aujourd'hui sur les missiles, le mandat des Casques bleus en Bosnie, que nous avons discuté de long en large hier pendant plus de 14 heures en cette Chambre. Le but de ce débat était de savoir si le gouvernement du Canada allait prolonger le mandat de l'intervention des Casques bleus en Bosnie après le 31 mars 1994, même à des coûts qui sont très dispendieux. Est-ce l'argent ou le coeur qui va l'emporter?

Je pense que c'est le coeur pour plusieurs raisons: pour protéger les personnes âgées qui sont sans défense; protéger les pères et mères de famille qui se doivent d'être les protecteurs et nourriciers de millions d'enfants; et également pour protéger des millions d'enfants sans défense.

Pour ce qui est des essais du missile de croisière, est-ce l'argent ou le coeur qui va l'emporter? Ça peut être le coeur mais c'est peut-être aussi l'argent. Les essais sur le territoire canadien ne coûtent rien en argent aux contribuables du Québec et du Canada. Le Canada n'a pas les moyens financiers d'avoir une armée de l'ampleur de celle des États-Unis ou de la Russie.

Advenant que le Canada soit malheureusement pris dans une guerre, notre principal allié serait sûrement les États-Unis. Pour une raison de coeur, les missiles de croisière sont à être perfectionnés pour être le plus efficace possible afin d'affaiblir l'adversaire et de façon très précise, sans que cela ne coûte la vie à des milliers de personnes.

M. Plamondon: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. Je pense que la députée doit intervenir à la suite de l'intervention du député du Bloc. C'est elle qui avait parlé pendant 10 minutes.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je m'excuse auprès de l'honorable député, je crois qu'il a raison.

[Traduction]

Mme Parrish: Madame la Présidente, mon problème, c'est que je ne comprends que l'anglais. J'en appelle donc à votre patience.

On a parlé de la protection de millions d'enfants et de familles et on a parlé des Américains comme de nos protecteurs. J'estime que si le Canada et les États-Unis sont engagés dans une vraie guerre, nous n'aurons rien pour nous protéger. Les Américains disposent d'une armée imposante et des moyens formidables grâce auxquels ils ont pu traditionnellement jouer le rôle de gardien de la paix dans le monde libre. Ils l'ont fait, et je les en remercie.

Cependant, un changement s'impose. Afin de protéger les millions de gens et d'enfants, la prochaine génération et l'envi-


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ronnement, nous devons en finir avec les armées permanentes et les guerres, nous devons cesser de nous menacer mutuellement avec des armes. La vraie protection, quels que soient les coûts que cela comporte, réside dans le désarmement complet. Et par désarmement, je n'entends pas le simple dépôt des armes et leur cession à la génération suivante.

(1745)

M. David Chatters (Athabasca): Madame la Présidente, comme c'est la première fois que je prends la parole à la Chambre, je voudrais féliciter le Président de la Chambre de son élection à ce poste et féliciter nos collègues qui ont été nommés vice-président et président suppléant. Nul doute que vous aurez pleins de défis à relever, mais aussi des compensations, dans vos nouvelles fonctions. Vous pouvez compter sur ma collaboration totale.

Mes félicitations vont aussi à tous les députés qui ont été élus ou réélus. J'ai hâte de les rencontrer et de débattre avec eux, d'une manière productive et ordonnée, des questions importantes qui concernent le Canada.

De plus, je tiens à remercier mes électeurs de m'avoir confié cette responsabilité des plus importantes à ce tournant de l'histoire politique du pays. C'est vraiment un honneur pour moi de me voir confier cette grande responsabilité, et mes électeurs peuvent avoir l'assurance que je ne prendrai pas cette responsabilité à la légère. Je ferai tout ce que je peux pour protéger leurs intérêts et ceux du pays tout entier au cours de cette nouvelle législature.

Je voudrais remercier tout spécialement ma femme, Evelyn, qui m'a tellement aidé et encouragé à relever les défis que comporte mon nouveau rôle de député.

Si je suis entré en politique, c'est parce que je me préoccupe beaucoup du sort de notre pays, le meilleur qui soit dans le monde. Je me préoccupe de l'avenir du pays à cause du dérapage des dépenses publiques et de l'explosion de la dette à cette époque de déclin des ressources naturelles et de chômage élevé.

Même si c'est mon premier discours, je ne parlerai que de la question des essais du missile de croisière des Américains. Si le polygone d'évaluation de Primrose Lake où se termineront ces essais ne se trouve pas dans ma circonscription, le corridor au-dessus duquel ils seront effectués passe en plein dedans. Ce qui inquiète les habitants de ma circonscription et qui m'inquiète également, moi qui suis leur représentant à la Chambre.

Je voudrais féliciter le gouvernement d'avoir permis la tenue d'un débat sur une question aussi importante. J'espère qu'il se montrera toujours aussi ouvert lorsqu'il examinera sa politique de défense, ce qu'il s'est engagé à faire.

Avant d'aborder cette question, je voudrais parler un peu de ma circonscription. La circonscription d'Athabasca est située dans la partie nord-est de l'Alberta. D'une superficie d'environ 196 000 kilomètres carrés, c'est une des plus vastes circonscriptions au Canada. Pour vous donner une idée, la circonscription d'Athabasca est plus grande que les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard réunies. Ces provinces ont à elles trois 25 représentants à la Chambre, alors que la circonscription d'Athabasca n'en a qu'un seul. Vous pouvez imaginer la tâche énorme qui est la mienne. C'est néanmoins volontiers que j'accepte les défis qui m'attendent.

Dans la circonscription d'Athabasca, les principales industries sont l'agriculture, la foresterie, l'exploitation minière, le pétrole, le gaz et le tourisme. La plus grande usine de pâte à papier kraft du monde, Alpac, se trouve dans ma région qui abritera bientôt une usine de papier. Les champs de pétrole et de gaz les plus productifs du Canada se trouvent situés dans les régions de Slave Lake et de High Prairie, dans le nord de ma circonscription. Des compagnies exploitent les sables bitumineux de Fort McMurray, dans la partie nord-est de ma circonscription. Ces compagnies contribuent énormément à la viabilité économique du pays.

Par exemple, les compagnies qui mettent en valeur les sables bitumineux font une contribution considérable au gouvernement fédéral et à celui de la province. Ces compagnies emploient des milliers de personnes qui payent toutes des impôts utilisés pour appuyer les programmes gouvernementaux. Syncrude, un des consortiums travaillant à la mise en valeur des sables bitumineux, emploie directement ou indirectement 10 500 personnes et verse 1,5 milliard de dollars au titre de l'impôt des grandes sociétés et de l'impôt sur les revenus des particuliers. Ces gisements de sables bitumineux sont très importants pour les besoins énergétiques du Canada. En fait, on estime que les réserves de pétrole dans ma circonscription sont suffisantes pour subvenir pendant des siècles aux besoins en pétrole du Canada, qui consomme actuellement 1,5 million de barils de pétrole par jour.

Les quatre gisements connus de sables bitumineux se trouvent en Alberta, dont deux dans ma circonscription. Ces gisements représentent à eux quatre 1,7 billion de barils. Les 307 milliards de barils que l'on peut produire dès à présent pourraient à eux seuls pourvoir aux besoins en énergie du Canada pendant 475 ans.

(1750)

Ma circonscription, Athabasca, compte une importante population d'autochtones, 12 bandes, environ 50 réserves et un certain nombre d'établissements de Métis. C'est en raison de cette importante population d'autochtones que je m'intéresse à l'autonomie gouvernementale des autochtones et que je suis membre du comité de mon parti chargé d'examiner les questions autochtones.

On retrouve également, dans ma circonscription, certaines des terres agricoles les plus productives du Canada. Les producteurs et les exportateurs de la région de Westlock-Athabasca sont reconnus pour l'excellente qualité de leurs céréales, de leurs oléagineux, de leur porc et de leur boeuf. J'ai participé pendant longtemps à l'élevage du boeuf et je suis fier de dire qu'il s'agit là d'un des secteurs de l'agriculture les moins subventionnés. Ça devrait être, pour d'autres secteurs de l'agriculture, un modèle de libre entreprise et d'exploitation dans un marché libre.


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Je suis d'accord avec la députée d'Essex-Windsor qui a déclaré à la Chambre, lundi dernier, qu'un pays incapable de subvenir à ses propres besoins alimentaires devient vite dépendant des autres pays.

Dans le même ordre d'idées, je crois aussi, et l'histoire le prouve, qu'un pays incapable de protéger sa souveraineté ne peut survivre longtemps. Cela m'amène à la question dont la Chambre est saisie aujourd'hui.

En 1983, l'actuel ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, qui était alors ministre de la Défense, a signé le premier accord d'essai et d'évaluation avec les États-Unis.

Récemment, ce ministre a déclaré que le Canada n'avait plus rien à retirer de ces essais parce que la guerre froide était terminée. La guerre froide est peut-être terminée, mais ce monde est encore aussi instable, sinon plus, qu'au temps de la guerre froide.

Au lieu d'avoir une grande menace, nous en avons maintenant plusieurs plus petites. Même si le rideau de fer est tombé et que l'on nous a ouvert les bras, il ne faudrait pas croire que nous vivons dans un monde idéal. À preuve, la récente guerre du Golfe où les Forces canadiennes sont intervenues et où des missiles de croisière ont été utilisés.

La participation du Canada à ces essais nous permet de nous acquitter des obligations que nous avons contractées en vertu de notre alliance avec le NORAD et de nous tenir au courant des toutes dernières technologies en matière de défense. En participant à ces essais, nos forces acquièrent une expérience précieuse qu'elles ne pourraient acquérir autrement.

De même, les habitants de ma circonscription et moi pensons que si le Canada veut faire partie d'organisations comme le NORAD et l'OTAN, c'est tout simplement parce que nous ne sommes pas capables, actuellement, sans l'appui de nos alliés, de défendre notre souveraineté nationale. Je ne parle pas seulement en mon nom, mais aussi en celui des habitants de ma circonscription qui vivent dans la trajectoire de ces essais.

Je n'ai relevé aucune plainte, aucune pétition, aucune lettre d'électeurs d'Athabasca s'opposant à la tenue de ces exercices. Et puis, mes électeurs savent bien que leur environnement n'est nullement menacé.

Les missiles utilisés dans le cadre de ces exercices ne sont pas armés. C'est écrit noir sur blanc dans l'article 8 du premier accord de test et d'évaluation: «En aucun cas le matériel de guerre nucléaire, biologique et chimique apporté au Canada . . . [ainsi que les]. . . missiles de croisière ne doivent être armés.»

Par ailleurs, le ministère de la Défense nationale m'a informé qu'une évaluation environnementale initiale avait été menée en 1983 et revue en 1989 et en 1992. Ces études montrent que les essais du missile de croisière n'ont aucune incidence marquée ou négative sur l'environnement.

En outre, l'article 13 du même accord stipule que les corridors de vol utilisés pour les essais du missile de croisière au Canada doivent être choisis en consultation avec les autorités canadiennes, afin de nuire le moins possible aux opérations de l'aviation civile et de déranger au minimum les gens au sol.

Si le gouvernement devait abroger cet accord, accord que le gouvernement conservateur a signé il y a un an à peine, le Canada, comme membre d'organismes tels que le NORAD, perdrait sa réputation de pays sur lequel les alliés peuvent compter pour contribuer au maintien de la paix et à la défense de la souveraineté de l'Amérique du Nord et du monde libre.

Comme je l'ai dit plus tôt dans mon discours, j'ai consulté mes électeurs. Ils sont prêts à assumer leur responsabilité en tant que partie au NORAD. Le Canada devrait en faire autant.

(1755)

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud): Madame la Présidente, je voudrais féliciter le député de son premier discours. Je sais que nous tenons à produire des résultats à la Chambre.

Je voudrais faire observer que, d'une façon générale, la poursuite des essais du missile de croisière au Canada ne contribuera ni à prévenir une guerre nucléaire ni à limiter davantage l'escalade des armes nucléaires. Ce sont pour ces raisons que le gouvernement précédent a renouvelé cet accord en février 1993. En fait, la poursuite de ces essais ne servira qu'à miner les efforts du Canada pour empêcher la prolifération des armes nucléaires.

Dans sa politique actuelle sur la prolifération des armes nucléaires, le gouvernement canadien souscrit à une assurance négative, c'est-à-dire qu'il s'est engagé avec d'autres pays à ne pas utiliser des armes nucléaires contre des pays non nucléarisés.

Le 16 décembre 1993, le gouvernement, dont je fais partie, a réitéré son appui à l'assurance négative lorsqu'il a voté en faveur de la résolution 4873 de l'Assemblée générale des Nations Unies.

Étant donné les événements des dernières années, le député pourrait-il nous dire s'il estime que nous devrions continuer de souscrire aux raisons qui ont motivé cet accord conclu pour une période de dix ans et dont l'annulation nécessite un préavis de douze mois? Selon le gouvernement, un accord de dix ans, c'est extrêmement long. Le député verrait-il une objection à ce que la Chambre demande qu'on le modifie ou qu'on en réduise la durée?

M. Chatters: Madame la Présidente, sauf erreur, le débat qui se déroule à la Chambre aujourd'hui ne porte pas sur les armes nucléaires, mais bien sur l'essai d'une arme précise appelée missile de croisière et sur son système de guidage. Ce missile est fort capable de transporter des armes non nucléaires, comme on l'a démontré avec beaucoup d'efficacité pendant la guerre du Golfe. Par conséquent, je ne crois pas que ce débat ait quelque incidence que ce soit sur les engagements que nous avons pris à l'égard de la non-prolifération des armes nucléaires. Je souscris


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donc à la poursuite des essais du missile de croisière et de son système de guidage.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Madame la Présidente, j'ai particulièrement apprécié le discours du député d'Athabasca. Ses propos correspondent à un bon nombre de mes préoccupations. J'en suis d'autant plus heureux que la députée de Mississauga-Ouest qui l'avait précédé avait fait mention de son désir de voir le monde se désarmer plutôt que de poursuivre les tests.

J'aimerais partager avec notre collègue d'Athabasca une réflexion et obtenir sa réaction à ma réflexion. Je compare la présente situation à celle d'une automobile munie d'une ceinture de sécurité. Je sais bien que je conduis prudemment, mais je sais aussi que d'autres conducteurs peuvent, éventuellement, déraper et venir me heurter. Alors, malgré toute ma prudence, je porte ma ceinture de sécurité et je suis drôlement content qu'elle ait été correctement testée.

J'adresse cette question au député d'Athabasca. Est-ce qu'effectivement nous ne sommes pas dans une situation où ces tests vont nous permettre d'assurer pour nous-mêmes une plus grande sécurité, tout en sachant que nous ne vivrons jamais dans un monde qui sera parfait?

[Traduction]

M. Chatters: Madame la Présidente, je suis tout à fait d'accord avec le député pour dire que, si le monde était parfait, nous n'aurions besoin ni de forces armées ni de systèmes d'armement. Malheureusement, la perfection n'est pas de ce monde. Tant qu'il y aura des gens cupides qui voudront conquérir des pays et s'emparer de territoires, nous aurons besoin d'un moyen de défense. C'est pour cette raison que je souscris à ces essais.

(1800)

M. Charlie Penson (Peace River): Madame la Présidente, c'est mon premier discours à la Chambre, et je voudrais donc saisir cette occasion pour féliciter le Président de son élection, et vous féliciter également de votre nomination à la vice-présidence.

Je tiens à féliciter aussi tous les députés qui ont été élus à cette 35e législature du Parlement du Canada. C'est une période historique qui s'annonce pour nous tous ici et je serai certainement heureux de participer avec humilité aux travaux de cette assemblée.

Bien entendu, je désire remercier mes électeurs de la circonscription de Peace River de m'avoir accordé leur confiance, et remercier ma famille qui m'a appuyé pendant les deux ans qu'il m'a fallu pour atteindre mon objectif de me faire élire député.

Je voudrais remercier également un certain nombre d'amis de ma circonscription. Je vais glisser une petite histoire. Chez moi, à Noël, quelqu'un m'a demandé comment je m'en tirais. Comme je lui disais que je commençais à me sentir un peu plus à l'aise sur la Colline, il m'a répondu que je ne devrais pas m'y sentir trop confortablement installé. Je pense que c'était un bon conseil.

Je voudrais vous parler un peu de la circonscription de Peace River. Mon collègue d'Athabasca vous a déjà parlé de sa circonscription, je commencerai donc par dire que nous avons une limite commune. Ensemble, nous représentons en quelque sorte la moitié nord de l'Alberta. C'est une très grande circonscription, une des plus grandes au Canada. À l'ouest, il y a la Colombie-Britannique et au nord, les Territoires du Nord-Ouest.

Permettez-moi de rappeler un peu l'histoire de la circonscription de Peace river. Il y a environ 200 ans, avant que la rivière de la Paix ne s'appelle ainsi, deux tribus indiennes rivales se sont rencontrées sur ses rives pour négocier la paix, d'où le nom de la rivière que notre circonscription a repris.

Cette rivière était la principale artère vers l'ouest du pays. C'est justement cette route que suivit Alexander Mackenzie pour atteindre le Pacifique en 1793, il y a 200 ans.

La région en général a été colonisée au début des années 1900, par des immigrants d'Europe et des États-Unis et par des habitants de l'est du Canada qui voulaient défricher un nouveau territoire, trouver de nouvelles possibilités.

M. McGuire: Des gens des Maritimes.

M. Penson: Des gens de la région d'Ottawa aussi, je crois.

Par la force des choses, ayant vécu sous un climat nordique, ces gens ont développé leur créativité et leur débrouillardise. L'agriculture est probablement la principale industrie de la région. Le pétrole et le gaz viennent en deuxième lieu et l'exploitation forestière occupe aussi une grande place dans l'économie de la circonscription.

La ville de Grande-Prairie est le plus grand centre de la circonscription; elle compte environ 30 000 habitants.

La discussion d'aujourd'hui est très pertinente pour nous car les essais des missiles de croisière se font dans un corridor qui traverse notre circonscription. Même si le Nord est peu peuplé, comme quelqu'un l'a déjà dit, cette région est la plus populeuse le long de la route des essais.

Je tiens à vous dire aussi que cette région ressemble énormément à celle que les Américains avaient à l'esprit en préparant ces essais, c'est-à-dire que le climat y est semblable à celui de la Russie et plus précisément à celui de Moscou. Nous sommes à la même latitude.

J'aimerais simplement souligner un petit détail. J'ai lu l'autre jour que la capitale du Canada était la plus froide de toutes les capitales du monde, de sorte que je vis peut-être dans le nord de l'Alberta où le climat est semblable à celui de Moscou, mais il y fait encore moins froid qu'ici à Ottawa.

Le sol de cette région est aussi semblable à celui de la Russie.

En réalité, le principal débat sur les essais des missiles de croisière a eu lieu il y a 10 ans déjà. Je crois que dans une certaine mesure, celui-ci est redondant. La question a été soulevée et amplement débattue en 1983, avant que les essais ne commencent, et je ne crois pas que la situation ait changé beaucoup


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depuis. En fait, s'il était tellement important, le débat aurait dû avoir lieu au moment du renouvellement du traité, en février 1993.

(1805)

Je n'ai reçu aucune plainte ni réserve de la part de qui que ce soit dans ma circonscription. Durant la dernière campagne électorale, j'ai parlé de beaucoup de choses mais cette question n'a jamais été soulevée. Je ne connais personne qui soit opposé aux essais du missile. Les tenants de l'interdiction des essais étaient peu nombreux en 1983 dans ma circonscription et je crois qu'ils le sont encore moins aujourd'hui.

Je suis en faveur d'un examen de notre politique de défense et j'encourage le gouvernement à le faire, mais nous avons néanmoins des engagements à honorer. Nous avons renouvelé le traité en février et je crois que nous sommes liés par cette entente.

On a rappelé hier durant le débat sur les forces de maintien de la paix qu'il y a encore des points chauds dans le monde où la situation pourrait dégénérer en conflit majeur. L'ancienne république yougoslave a été le théâtre du début de la Première Guerre mondiale et cette région, où les conflits ont tendance à dégénérer, connaît encore une fois des troubles. Nous savons que cela risque de s'aggraver.

Nous savons qu'il y a des risques de problèmes en Russie même si nous espérons que la démocratie est maintenant bien implantée dans ce pays et qu'elle continuera à s'y épanouir. Je crois cependant que nous devons être prêts à toute éventualité.

Le Canada s'en est remis jusqu'à maintenant en grande partie à son voisin et ami du Sud pour assurer sa défense et je pense que nous devrons continuer dans cette voie. Nous pouvons compter sur nos partenaires de l'OTAN. Le Canada fait partie d'une importante organisation de défense et je suis d'avis que nous devons honorer les engagements qui nous lient à elle.

Je crois que les résidants de la circonscription de Peace River sont en faveur des essais du missile de croisière dans notre région et au Canada. Le missile de croisière constitue un de nos moyens de défense et il est une arme dissuasive qui s'est révélée très efficace en Irak. Les Nations Unies ont reçu le mandat de se rendre dans ce pays et le Canada était associé à ce mandat, durant lequel le missile de croisière a constitué une arme dissuasive très efficace.

Je suis en faveur de la poursuite des essais du missile de croisière dans ma circonscription et je crois que les résidants de Peace River le sont aussi.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse): Madame la Présidente, du côté de l'opposition officielle, étant donné que nous travaillons depuis fort longtemps avec le concept de la souveraineté, nous sommes bien placés pour situer tout le débat dans le contexte de la protection de la souveraineté canadienne. Mais la conception que nous avons de la souveraineté n'est pas fragile ou frileuse; c'est une conception ouverte sur le monde. Nous concevons une souveraineté qui nous permet de nous entendre avec nos voisins et avec nos amis, particulièrement, dans ce cas-ci, avec les États-Unis.

Nous, souverainistes du Québec, avons plusieurs choses en commun avec les États-Unis. Nous comprenons facilement ce que les Américains ont réalisé il y a plus de deux siècles et que nous allons bientôt réaliser nous-mêmes chez nous. C'est évident. Nous comprenons également que la défense d'un pays ne peut pas se faire à l'intérieur de limites géopolitiques strictement établies à partir de tel ou tel parallèle et qu'il s'agit ici d'une défense continentale que nous partageons avec les États-Unis d'Amérique. D'ailleurs, nous allons continuer de le faire entre bons amis lorsque la souveraineté sera acquise pour nous.

Cela dit, madame la présidente, j'ai une question à poser à l'honorable député de Peace River. Je n'ai pas exactement compris le sens de son appui à la poursuite des essais du missile de croisière. J'ai cru déceler qu'il était en faveur de la poursuite des essais tout simplement parce que nous avions déjà une entente de signée.

(1810)

J'aimerais que l'honorable député de Peace River me dise s'il partage les arguments de fond qui ont été soulevés quant à la poursuite des essais, au-delà du simple aspect juridique et technique de la question qui consiste à respecter une entente déjà signée avec les États-Unis d'Amérique.

[Traduction]

M. Penson: Madame la Présidente, je remercie le député de sa question. C'est une bonne question. Qu'il soit rassuré, je crois fermement aux arguments justifiant les essais. Cela fait partie de la force de dissuasion dont nous avons besoin pour continuer à nous développer en tant qu'État souverain et à participer au maintien de la paix dans le monde entier.

J'estime également que nous avons signé un accord de bonne foi et que nous devons le respecter. Je suis absolument convaincu que cela est un élément important de notre défense. Cela devrait faire partie intégrale du réexamen de la défense. Pour ma part, je suis en faveur des essais du fait qu'ils sont essentiels pour renforcer la défense du Canada et nécessaires au maintien de la paix.

L'hon. Charles Caccia (Davenport): Madame la Présidente, quand cette proposition a été présentée pour la première fois, en 1981, je m'y étais fermement opposé, dans la mesure où la solidarité ministérielle me le permettait. Je m'y oppose toujours. Je suis très heureux que le gouvernement nous offre aujourd'hui la possibilité d'en discuter à la Chambre.

J'ai deux convictions profondes qui m'amènent à m'y opposer. D'abord, le Canada milite en faveur du contrôle des armements et du désarmement. En tant que pays pacifique oeuvrant en faveur de la paix dans le monde, il ne devrait pas prêter son territoire aux essais d'armes qui peuvent transporter des ogives nucléaires et servir à neutraliser d'autres pays.

Nous savons tous que le Canada s'est distingué dans le monde par son opposition à toute forme de guerre nucléaire. Nous avons volontairement renoncé à l'usage des armes nucléaires. Nous


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avons interdit le déploiement d'armes nucléaires en sol canadien. Le Canada fut l'un des premiers pays à signer les traités sur la non-prolifération et sur l'interdiction des essais nucléaires.

Considérant ces réalisations, comment le Canada peut-il se permettre d'autoriser l'essai d'une arme qui pourrait servir à lâcher une bombe atomique? Par ailleurs, maintenant que la guerre froide est terminée, une question se pose, comme je le soulignais à la députée de Beaver River: qui est l'ennemi? Pourquoi aurions-nous besoin d'une telle arme?

Ironiquement, ce débat d'aujourd'hui a lieu justement le lendemain d'un discours du président Clinton dans lequel il disait: «Les missiles stratégiques nucléaires de la Russie ne seront bientôt plus pointés vers les États-Unis, de même que les nôtres ne pointeront plus vers eux. Plutôt que de construire un armement dans l'espace, a-t-il dit, nous construirons, de concert avec les scientifiques russes, une station spatiale internationale.» M. Clinton a insisté hier en disant qu'au bout du compte, la meilleure stratégie pour garantir la sécurité et la paix durable consistait à appuyer le progrès de la démocratie dans le monde.

(1815)

À mon avis, les essais de missiles de croisière appartiennent au passé, c'est-à-dire du temps de la guerre froide et des jours où les armes nucléaires des autres pays pouvaient menacer notre sécurité et où le Canada était considéré comme une reproduction de la morphologie de l'Union soviétique. Aujourd'hui, la situation politique a beaucoup changé, comme l'ont déjà fait remarquer certains orateurs.

Ma deuxième raison a trait à la sécurité dans le contexte des années 1990. En effet, la notion de sécurité ne doit plus se limiter à un pays, mais doit plutôt s'étendre à tout être humain, comme il est mentionné dans le rapport de 1993 du Programme des Nations Unies pour le dévelopment.

D'après moi, la véritable menace à la sécurité vient d'ailleurs. Elle vient d'une gestion à courte vue des ressources naturelles, des pêches et des forêts, du gaspillage de l'eau, de la désertification, des changements climatiques, de la détérioration de la couche d'ozone, de la diminution de terres arables et du déboisement.

Elle vient de l'explosion démographique de certaines parties du globe, qui représente en tout une augmentation de 92 millions d'habitants par année, alors que les ressources sont limitées et que la production alimentaire est de moins en moins garantie. Elle vient du manque d'appui pour les projets de traités internationaux tels que celui sur le droit de la mer. Elle vient de mégaprojets qui sont lancés dans le monde sans qu'il y ait d'évaluations environnementales adéquates. Dernier point, mais non le moindre, la menace vient de la pauvreté chronique de l'Afrique, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, entre autres.

Il me semble qu'en 1994, plutôt que de consacrer du temps et des ressources à des essais de missiles, les gouvernements devraient rassembler toute leur énergie pour exécuter des programmes visant à remédier aux problèmes actuels, soit la faim, l'analphabétisme et la pauvreté des être humains.

La paix mondiale n'est pas menacée par le manque de missiles de croisière, mais plutôt par les gouvernements qui se donnent une mauvaise priorité, et le sujet que nous débattons aujourd'hui est une mauvaise priorité.

Nous devrions nous attaquer à la façon de garantir la production alimentaire pour tous les humains, de faire connaître la planification familiale dans les pays en développement, de réaliser le développement durable des ressources naturelles, d'assurer la gestion sûre des déchets toxiques; de prévenir les changements climatiques et leurs effets concomitants un peu partout dans le monde, d'améliorer la qualité de l'eau, de protéger la biodiversité, d'éliminer la pauvreté dans bien des pays membres de la communauté internationale et de mieux répartir la richesse. Tous ces maux pourraient contribuer à intensifier l'insécurité et l'instabilité au niveau mondial et même à provoquer des conflits.

Je le répète, le manque de missiles de croisière améliorés ne menace aucunement la paix mondiale. Là n'est pas la question. La menace vient plutôt des maux que je viens d'énumérer et que nous devrions tenter d'enrayer. Je voudrais citer un extrait du rapport sur le développement humain publié par le PNUD en 1993: «Il faut compter sur la diplomatie préventive pour atténuer les tensions dans le monde avant que des conflits n'éclatent.»

(1820)

C'est donc dire qu'au lieu d'appuyer des solutions archaïques et des objectifs désuets, il serait préférable que nous, les pays industrialisés, consacrions notre temps et notre énergie à l'élimination des causes possibles de conflit.

Pour terminer, j'exhorte donc le gouvernement du Canada à faire face aux dangers qui menacent la paix. Ces dangers n'ont rien à voir avec l'équipement militaire, mais tout à voir avec les dommages causés à l'environnement et les troubles socio-économiques qui sont engendrés par l'accroissement de la pauvreté et l'intensification des bouleversements et susceptibles de menacer la sécurité mondiale.

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Madame la Présidente, je félicite le député de s'exprimer avec autant de passion. Il parle beaucoup de l'environnement et ses objectifs sont certes louables.

Je voudrais revenir sur certaines questions qu'a posées le député quant à la possibilité qu'éclate une guerre nucléaire, à l'identité de l'ennemi, aux raisons de procéder à l'essai d'une arme qui peut transporter une ogive nucléaire, et à l'idée qu'il vaut mieux appuyer l'avance de la démocratie que de préparer la guerre. Et, à bien des égards, je crois que le député a raison. Certes, les démocraties libérales ne se font pas mutuellement la guerre.

Mais c'est aussi la triste réalité que bien des pays ne sont pas des démocraties libérales et qu'il y en a encore beaucoup qui sont dirigés par des hommes qui n'ont aucun scrupule à tuer des gens ou à envahir d'autres pays.


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Pendant que nous essayons de répondre à ces questions, il faut procéder à l'essai d'armes qui peuvent transporter des ogives nucléaires, car nous serons peut-être un jour dans le triste devoir d'intercepter des armes de ce genre dans notre territoire aérien. Il importe donc que nous soyons capables de nous défendre contre de telles armes.

Quant à savoir qui est l'ennemi, il y a bien des pays, tels ceux de l'ancienne Union soviétique, et plus particulièrement la Russie, depuis l'avènement de Vladimir Jirinovski, auxquels nous devrions songer avant de qualifier le monde de paisible.

Cela étant dit et comme de nombreux pays, qui sont loin d'être des démocraties libérales, peuvent produire des armes nucléaires, le député ne conviendra-t-il pas que nous devons nous préparer à intercepter des missiles de ce genre que ces pays pourraient un jour nous lancer?

M. Caccia: Madame la Présidente, je serai heureux de répondre à la question du député de Medicine Hat.

Si les missiles de croisière étaient des engins d'interception, sa question serait valable. Mais ce n'est pas le cas. Les missiles de croisière sont des engins d'attaque destinés à porter des ogives. La question du député passe donc à côté du sujet puisqu'il ne parle pas du bon type d'arme.

Pour ce qui est des dispositifs d'interception dans l'espace aérien canadien, il peut s'agir d'autres engins, mais certainement pas des missiles de croisière qui n'ont pas du tout été conçus pour remplir ce rôle. Ce sont des engins d'attaque destinés à porter des ogives nucléaires jusque dans d'autres pays.

(1825)

Le député de Medicine Hat ne nous a pas démontré qu'il s'agissait d'armes d'interception, et, ce qui est plus important, il ne nous a pas dit quels étaient nos ennemis potentiels. Je lui dirais que notre ennemi à tous, c'est nous-mêmes et nos peurs, et qu'il est temps d'arrêter de penser comme au temps de la guerre froide parce que les choses ont évolué depuis.

Les choses ont changé très rapidement et il est tout à fait inutile de dépenser temps et énergie à chercher le moyen de prévenir une attaque. Il s'agit maintenant de trouver le moyen d'éliminer les facteurs qui, partout dans le monde, je le répète, causent la pauvreté et la détérioration de l'environnement. C'est à cela que doivent s'attaquer les gouvernements.

M. George Proud (Hillsborough): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole encore une fois à la Chambre pour participer à ce débat sur la défense nationale, ou plutôt sur une politique du gouvernement qui a des répercussions sur sa politique de défense.

D'abord et avant tout, je voudrais remercier le premier ministre et son Cabinet de m'avoir donné ainsi qu'à tous les députés l'occasion d'exprimer nos opinions sur ce sujet. On a dit beaucoup de choses cet après-midi au sujet de cette question. Certains sont d'avis que ce débat est redondant. D'autres disent que le gouvernement aurait dû établir une politique que nous aurions pu débattre.

J'ai siégé dans une assemblée législative provinciale et je siège à la Chambre des communes depuis quelques années, et je crois que la plupart des députés que j'ai côtoyés ces dernières années voulaient ce débat. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est exprimer nos opinions. Nous ne sommes pas tous d'accord les uns avec les autres. Nous avons tous des points de vue différents, et ce débat nous donne justement l'occasion d'exprimer nos opinions et de communiquer nos idées au ministre et au gouvernement afin qu'il soit plus facile pour eux d'élaborer une politique qui, à son tour, fera l'objet d'un débat. Voilà ce que nous faisons ici aujourd'hui.

Nous apprécions tous cette nouvelle politique d'ouverture à la Chambre des communes, cette grande institution où nous avons été envoyés par nos électeurs. Je suis certain que tous les députés seront d'accord avec moi pour dire que le respect que montre le gouvernement à notre égard contraste certainement avec ce que nous avons vu ici depuis un certain nombre d'années.

Évidemment, la question dont nous sommes saisis est très complexe. C'est une question qu'on ne peut pas régler durant un débat d'une journée ni même d'une semaine. Comme nous l'avons vu, c'est une question qui soulève toutes sortes de passions chez les députés et chez les Canadiens en général.

Certains se demandent aussi pourquoi nous débattons cette question ici aujourd'hui alors que nous avons déjà signé une entente avec les États-Unis. Nous avons effectivement signé une entente dont certaines personnes beaucoup plus éloquentes que moi ont parlé aujourd'hui. Oui, nous avons une entente, mais si pour une raison ou une autre nous annulions cette entente ou nous acceptions de la mettre en application sans débat comme celui-ci, je suis convaincu que tous les députés qui font carrière en politique depuis un certain temps sont conscients du tollé que cela déclencherait dans les médias et au sein de la population en général.

J'ai mentionné hier, durant le débat sur le maintien de la paix, que j'estime que le temps est venu pour nous d'évaluer le rôle de nos forces armées ici, au Canada, et à l'étranger. Nous devons leur donner tous les outils dont ils ont besoin pour intervenir dans les points chauds du monde. Nous devons nous doter d'une politique de défense à plusieurs niveaux et toujours voir à ce qu'elle soit suffisamment souple pour s'adapter à un monde en constante évolution.

(1830)

Comme je l'ai dit hier également, le monde a beaucoup changé par rapport à ce qu'il était il y a à peine cinq ans. Lorsque le mur de Berlin est tombé et que les régimes communistes d'Europe de l'Est se sont effondrés, certains d'entre nous étaient convaincus que la paix était enfin arrivée et que nous avions gagné la guerre froide. Malheureusement, tous les problèmes du monde ne se sont pas réglés au cours des cinq dernières années. Les tensions


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mondiales, qui ont tendance à être cycliques, semblent être de nouveau à la hausse.

Il y a actuellement de l'activité militaire dans bien des régions du monde. C'est un point qui a été mentionné à plusieurs reprises aujourd'hui. Les relations entre certaines des anciennes république de l'Union soviétique sont pour le moins hostiles. La situation dans la région du golfe Persique est loin d'être réglée, comme nous le savons tous.

Plusieurs autres points chauds sont apparus dans le monde, nous causant à tous de vives inquiétudes. Il y a le nouveau nationalisme et les vieilles haines ethniques qui surgissent en de nombreux points du globe, et on ne peut prédire à quel endroit et par quelle étincelle peut éclater un nouveau conflit dangereux.

Je veux dire que les changements que nous avons salués avec tant d'optimisme il y a cinq ans seulement n'ont pas automatiquement suscité un nouvel ordre mondial ni apporté une garantie de paix à notre époque. Nous espérons toujours que le Canada sera à l'avant-garde pour trouver des solutions diplomatiques aux problèmes du monde, mais nous devons, je le crains fort, être prêts à réagir en cas d'échec de ces solutions.

Je n'envie pas le ministre de la Défense nationale pour les décisions qu'il aura à prendre dans l'année qui vient ou d'ici un an ou deux à cause de l'état lamentable de l'économie canadienne, et notre énorme déficit va causer des problèmes pour la planification à long terme et pour le maintien des établissements de défense que nous avons à l'heure actuelle.

Je sais, à en juger d'après les propos qu'il tient depuis quelques jours, que le ministre est aux prises avec la politique de défense à long terme et avec la décision qu'il aura à prendre, et c'est pourquoi je recommande à cet égard d'envisager la question dans une perspective à long terme et de ne pas inciter le ministre à prendre une décision hâtive, une décision qui ne serait peut-être pas dans l'intérêt à long terme des Canadiens.

J'ai rappelé hier le fait que le sommet du prestige du Canada à l'étranger a été atteint à l'époque de la crise de Suez en 1956. Le sommet de l'honneur militaire canadien a été atteint à la fin de la Seconde Guerre mondiale quand notre pays s'est mobilisé et a combattu comme un participant à part entière à ce conflit.

Depuis, notre capacité militaire a diminué et nous avons commencé à être de plus en plus tributaires de la protection et de la technologie des autres pour assurer notre défense. Dès le début, nous avons fait partie de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord. Nous avons toutefois accepté de devenir de plus en plus dépendants des autres, notamment des États-Unis, au regard de la technologie militaire.

En rétrospective, notre déclin militaire a peut-être commencé à la fin des années 50, lorsque nous avons abandonné le projet concernant le chasseur Avro Arrow. À partir de ce moment, notre technologie militaire a commencé à être de plus en plus à la remorque de celle des États-Unis et ce sont les Américains qui nous ont permis de bénéficier des plus grandes percées.

Je ne veux pas m'engager dans un débat philosophique sur l'opportunité ou le danger d'une telle dépendance. Ce que je dis, c'est que, à cause de notre situation géographique et de notre réalité économique, notre politique de défense est nécessairement liée étroitement à celle de nos voisins du Sud. L'ancien premier ministre avait décrit la situation en ces termes: c'est comme quand on dort aux côtés d'un éléphant; on est conscient du moindre petit mouvement.

Compte tenu du déficit qui est prévu pour l'année qui vient ou pour les deux prochaines années, il est évident que nous ne pourrons pas lancer beaucoup de nouveaux projets dans le domaine de la défense. En conséquence, nous continuerons de dépendre très étroitement de nos amis les Américains tant que nous maintiendrons nos politiques actuelles en matière de défense et de relations extérieures.

Voilà qui m'amène à la grande question de ce débat: devrions-nous ou non autoriser l'essai de missiles de croisière en sol canadien?

(1835)

Dans mon introduction, j'ai essayé d'exposer ma position de façon plutôt pragmatique. J'estime que nous devons autoriser les essais en attendant que le ministre de la Défense nationale, la Chambre et les comités compétents étudient l'ensemble de notre politique de défense. Selon moi, ce serait pure folie que d'annuler ces essais maintenant, car nous ne savons pas quelle sera notre politique à long terme et nous ignorons comment la situation politique mondiale va évoluer.

J'espère que les députés n'interpréteront pas mes observations comme celles d'un faucon, pour reprendre un vieux terme, mais qu'ils y verront plutôt l'expression des préoccupations légitimes d'un député qui observe avec un vif intérêt la scène mondiale et l'évolution de nos forces armées.

Il nous faut adopter une orientation très nette et élaborer une politique de défense claire. Il serait dans l'intérêt supérieur de notre pays que cet accord soit respecté tant que notre gouvernement n'aura pas arrêté notre politique de défense.

Comme je l'ai dit hier, les fondements de la politique étrangère du Canada n'ont pas changé de façon substantielle au fil des ans. Nous tenons encore à assurer notre défense et notre sécurité collective avec nos alliés. Nous préconisons toujours le contrôle des armes et le désarmement, ainsi que le règlement pacifique des conflits.

Nous ne devons donc pas prendre avec précipitation des mesures qui modifieraient fondamentalement notre politique sans que nous ayons fait l'étude minutieuse dont j'ai parlé tout à l'heure. Je sais que d'autres députés ont des vues très arrêtées sur la question, et c'est avec plaisir que je les écouterai, ainsi que tous les autres députés.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Madame la Présidente, l'honorable député est le premier aujourd'hui à situer le sujet dans un axe qui me tient particulièrement à coeur, et je le cite.


422

[Traduction]

Le député a dit que nous devions aborder à plusieurs niveaux notre politique de défense.

[Français]

Cela m'amène à exposer une de mes préoccupations sur laquelle j'aimerais que l'honorable député commente.

On sait que ces missiles de croisière seront guidés par un système d'ordinateurs qui permettra la reconnaissance du terrain et des formes, cela grâce aux technologies de l'intelligence artificielle. Ces logiciels sont extrêmement sophistiqués et font l'objet de recherche et de développement aux États-Unis. Or, les tests qui auront lieu au-dessus de notre territoire permettront aux Américains de valider la qualité de leur programmation. En retour, des contrats seront donnés aux fournisseurs des forces armées américaines.

Lorsqu'on parle d'une approche à plusieurs niveaux pour notre politique de la défense, on ne doit pas centrer tout cela uniquement sur les aspects militaires, mais aussi sur les aspects économiques. Il y a des emplois qui sont reliés à ces technologies. Le gouvernement libéral ne devrait-il pas faire en sorte que ces emplois aient des retombées chez nous, au Québec et au Canada?

[Traduction]

M. Proud: Je tiens à remercier le député de ses observations et de sa question.

Nous avons parlé de mettre notre territoire à la disposition des autres pour les essais. Il y a deux ans, le Canada a envoyé des troupes en Californie s'entraîner en prévision de la mission de paix en Somalie. Comme le député l'a dit, les États-Unis se sont dotés d'une matériel perfectionné, et les entrepreneurs américains qui ont fait le travail en ont tiré profit.

Dans cette nouvelle collectivité planétaire que nous édifions depuis dix ans, je crois qu'il nous est possible de participer, qu'il s'agisse de ce type d'opération ou de bien d'autres. Les sociétés canadiennes pourraient décrocher des marchés pour construire ces instruments de technologie de pointe. C'est de ce côté qu'est l'avenir. Nous avons déjà parlé de cela, mais à propos d'une autre question, économique celle-là. L'avenir économique du Canada se trouve dans les nouveaux systèmes de télécommunication de pointe et les produits semblables. Je crois que le Canada devrait avoir sa part de ce gâteau, et les autres pays voudront la leur également. Nous y avons droit autant que quiconque.

(1840)

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke): Madame la Présidente, je voudrais remercier le député des observations claires qu'ils a faites là-dessus. Il me semble que nombre de députés ont tendance à s'embrouiller dans leurs arguments ou les principes qu'ils invoquent.

L'orateur précédent, qui siège en face, a semblé vouloir faire porter le débat sur la question du nucléaire. Je m'empresse de lui faire remarquer que nos forces armées disposent d'une foule de vecteurs pour transporter des charges nucléaires. Il n'y a pas que le missile de croisière.

Le missile de croisière n'est pas une arme nucléaire. Il n'est qu'un vecteur. Pendant la guerre du Golfe, il a servi à transporter des charges conventionnelles et on a pu constater sa grande précision grâce à laquelle les civils innocents ont été épargnés.

Nous avons entendu tout à l'heure la députée de Mississauga-Ouest parler avec émotion. Elle a laissé parler son coeur plutôt que de s'en tenir aux faits. C'est son droit.

Je trouve intéressant et même curieux que le député de Burnaby-Kinsgway, qui a proposé hier qu'on se serve de frappes aériennes en Bosnie pour garantir l'acheminement de l'aide humanitaire, s'oppose maintenant aux essais du missile de croisière quand on sait que c'est précisément cette arme-là qui servirait aux frappes aériennes qu'il propose.

Je voudrais remercier le député qui vient de parler de sa clarté, de sa concision et de ne pas avoir tenté d'embrouiller le sujet.

M. Proud: Madame la Présidente, je voudrais remercier le député de Kootenay-Ouest-Revelstoke de ses remarques. Comme je l'ai dit au début de mes observations, j'estime que nous avons tous des idées différentes. J'ai les miennes et je suis très heureux de pouvoir les exprimer.

Certes, le missile de croisière peut transporter ou non des charges nucléaires. Mais nous avons conclu une entente. Nous avons besoin de nos alliés et nous devons faire des échanges avec eux. Jusqu'à ce que la Chambre, le pays et le gouvernement décident de l'orientation de notre politique de défense, j'estime que nous devons éviter de nous disputer avec nos voisins.

[Français]

M. Louis Plamondon (Richelieu): Madame la Présidente, vous me permettrez également, comme mes autres collègues, de vous offrir mes félicitations pour votre nomination, vous souhaiter bon succès et vous assurer notre collaboration, celle des députés du Bloc tout entier.

Je vais, avant d'arriver au coeur du sujet, parler peut-être un peu de la pertinence du débat. Je suis surpris, depuis le début de ce débat, d'abord par la déclaration du ministre. Le ministre, pendant les cinq premières minutes, nous laissait croire que oui il était favorable, et les cinq autres minutes il avait des doutes et revenait à la pertinence d'avoir ces essais-là. En fin de compte, il terminait en disant: j'écouterai la Chambre.

Mais, dans cette interrogation que le ministre se faisait, on sentait qu'il y avait une intention de gagner du temps, et je m'interroge.

(1845)

Je félicitais le gouvernement pour le débat d'hier, puisque nous devons reconsidérer nos engagements de paix en avril, mais il me semble que, dans ce cas-ci, il aurait pu y avoir une réflexion plus globale sur notre rôle militaire et sur nos ententes globales et internationales, surtout avec les États-Unis. Je m'interroge, puisque le gouvernement ne semble avoir aucune politique définie. En tenant un débat semblable pour tâter le pouls de la Chambre, il pourra gagner du temps, mais il y a des gens qui nous disent: Où sont ces députés libéraux qui, leur chef en tête, pendant la dernière campagne électorale, se promenaient avec le livre rouge, quasiment comme les disciples de Mao, et répon-


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daient à n'importe quelle question en disant: Regardez dans le livre rouge; référez-vous au livre rouge au niveau économique; référez-vous au livre rouge au niveau de la défense? C'était, le livre rouge, à la main qu'on devait régler toutes les questions.

On arrive ici, et autant le Parti réformiste que le Bloc ouvrent le débat en disant: Nous sommes ouverts à une nouvelle forme de participation des députés, mais dans cette forme de participation il ne faut pas tomber dans l'autre extrême. Cela permet au gouvernement de faire des débats d'une journée, comme ceux d'hier et aujourd'hui, et on se propose de faire des débats semblables pendant trois autres jours la semaine prochaine. Mais cela fait trois mois que l'élection est passée, trois mois que les gens attendent l'application du livre rouge! On a eu un discours du Trône très généraliste et, tout à coup, on n'a pas de projets de loi à déposer.

Les chômeurs de ma circonscription font une comparaison sous le signe de l'humour en disant: Quelle différence y a-t-il entre un député libéral fédéral et un chômeur? Ils répondent: Le chômeur, lui, a déjà travaillé. Sommes-nous au point où nos députés libéraux élus ne poussent plus sur leur gouvernement, ne croient plus en leur Livre rouge? Qu'est-ce qui se passe? Dans le débat d'aujourd'hui, l'un dit blanc et l'autre dit noir, mais où sont les gros canons du parti? Ils ne s'expriment pas. Peut-on avoir un vrai débat, alors que l'opposition a une position claire, alors que le Parti réformiste a une position claire, alors que le NPD, je pense, a une position claire? Je suis d'ailleurs surpris qu'ils ne participent pas à ce débat. Le feront-ils tout à l'heure? Je l'espère.

M. Robinson: J'invoque le Règlement, madame la Présidente. J'aimerais corriger le député. On essaie de participer à ce débat depuis trois heures. Il n'est pas juste de dire qu'on ne veut pas y participer. On essaie de le faire. On veut y participer parce qu'on est les seuls à être contre les essais des missiles de croisière, étant donné que le Bloc adopte la position du gouvernement.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): À mon avis, ce n'est pas un rappel au Règlement.

[Français]

M. Plamondon: Madame la Présidente, je comprends très bien la position de mon honorable confrère. Imaginez-vous que j'ai vécu cela pendant trois ans. Cependant, je veux lui dire que je souhaite énormément que son point de vue soit exprimé puisqu'il représente quand même un parti qui, pendant longtemps, a marqué l'histoire du Canada, et en partie, à l'occasion, celle du Québec.

Je termine sur la pertinence du débat et surtout sur l'absence de position du gouvernement. Quand je parle du gouvernement, je parle des ministres, qui sont plus impliqués. Je suis surpris également de l'absence d'information du ministère de la Défense nationale. Nous avons fait des demandes de documents au Service des affaires publiques du ministère de la Défense nationale. Le ministère de la Défense nationale était prêt à nous livrer toute la documentation dont nous avions besoin, mais à cause d'une directive du gouvernement, nous n'avons pu obtenir ces documents-là. Je demande donc au ministre-j'en vois un qui est assis-de transmettre le message au Bureau du premier ministre. Si jamais vous répétez un tel débat, que ce soit sur ce sujet ou sur un autre, je souhaiterais que vous manifestiez alors une certaine ouverture d'esprit afin que nous puissions avoir accès à tous les documents nécessaires pour faire un véritable débat. Nous ne voulons pas gagner du temps. Nous voulons vraiment exposer notre point de vue et nous voulons que le gouvernement en fasse autant. Nous voulons qu'il dise son point de vue et que les députés puissent aussi s'exprimer, mais en ayant la possibilité de se référer à tous les documents qui peuvent orienter notre politique en matière de défense.

(1850)

Je passerai maintenant au contenu. Je voudrais rappeler l'excellente intervention du député de Saint-Jean lorsqu'il a parlé d'anciens et de nouveaux débats, lorsqu'on parle de la possibilité de permettre aux Américains de faire leurs essais. Effectivement, la situation que l'on retrouvait à l'époque où, comme le NPD aujourd'hui qui n'a pas changé d'idée même si la situation mondiale a complètement changé, on avait des raisons de croire en une guerre nucléaire, c'était alors la prolifération des armes que de consentir à de tels essais. Aujourd'hui, il faut voir ce débat de façon complètement nouvelle. Le contexte mondial a changé, comme l'ont dit tout à l'heure les députés du Parti réformiste et notre chef, mais il a changé dans le sens que ce sont maintenant non plus deux blocs qui s'affrontent, mais des îlots occasionnels de conflits.

De plus en plus, comme le disait mon collègue de Saint-Jean, en se sécurisant par ces essais et en ciblant davantage les actes que nous aurons à poser pour la défense de notre démocratie, nous mettons moins en danger la vie d'enfants ou d'autres personnes, et même de notre personnel armé.

D'ailleurs, tout à l'heure mon collègue de Portneuf comparait ces essais et la permission de donner aux Américains la possibilité de faire ces essais. Il comparait cela à une ceinture de sécurité d'automobile. Bien sûr que nous n'aurons peut-être jamais d'accident, mais il vaut mieux toujours mettre sa ceinture de sécurité. C'est dans ce sens-là que nous approuvons les essais, dans le but de maximiser la sécurité de nos territoires dans le respect, et aussi dans le cadre d'un accord avec les Américains avec qui nous avons des accords militaires, bien sûr, mais aussi des accords de sécurité et d'ordre économique importants.


424

J'aurais pu vous citer également mon collègue de Champlain ou celui de Lotbinière qui me disait hier soir qu'il avait procédé à la lecture d'un document fort important à ce sujet, ainsi que mon collègue de Champlain, celui de Berthier qui est également dans notre caucus régional, et nous avons eu le loisir de tirer une ligne de pensée que je développerai en cinq points en terminant mon intervention.

Je voudrais revenir sur le discours du député de Verchères, lorsqu'il a fait un lien entre la souveraineté du Canada et la permission de ces essais. Il disait, et je cite: «Si j'aborde la question de l'autorisation des essais des missiles de croisière en insistant ainsi sur ce concept de souveraineté qui m'est si cher, c'est tout simplement que, dans certains milieux, on envisage cette question sous l'angle d'une atteinte à la souveraineté du Canada.»

Et il poursuivait: «Certains prétendent en effet que la reconduction de l'entente-cadre canado-américaine et l'autorisation périodique des essais des missiles de croisière en territoire canadien, en cette période d'après-guerre froide, relève d'une inféodation inacceptable aux impératifs de la politique étrangère et de la politique de défense de nos voisins du Sud, voyant là une atteinte à la souveraineté politique du Canada. Mais puisque la capacité de défense des frontières est l'un des attributs de tout État souverain, force est de reconnaître que la souveraineté politique et territoriale du Canada est, en grande partie, tributaire de sa participation aux systèmes de sécurité collective mis en place dans le cadre de l'OTAN et de NORAD. On doit reconnaître, en effet, que le Canada ne dispose pas des ressources nécessaires pour assurer lui-même la sécurité et la défense complète de son vaste territoire.»

Voilà ce que le député de Verchères disait dans son intervention au cours de la journée, et qui va exactement dans le sens du discours du chef de notre parti. Ce dernier faisait allusion, par exemple, aux liens entre ces essais et la question environnementale.

(1855)

Je me permets de le citer: «Existe-t-il un coût environnemental? Il est pour ainsi dire inexistant, si l'on considère la très faible fréquence des vols, quelques-uns tout au plus, une fois par année, étirés sur un parcours de 3 000 kilomètres de long, au-dessus d'un territoire à peu près désert.»

Et il ajoutait également sur l'aspect politique-et je pense que nous devons y revenir souvent-de la décision que nous allons prendre:

Mais il y a aussi l'aspect politique de la question. Qui nous demande de tenir ces essais? Il ne faudrait tout de même pas oublier qu'il s'agit des États-Unis, le meilleur ami du Canada, son seul voisin, son allié le plus sûr et son principal partenaire économique; une grande nation, qui parle la même langue que celle de la majorité canadienne.
Les États-Unis, faudrait-il le rappeler, sont les piliers de l'OTAN et de NORAD, les deux pactes d'où nous tirons les garanties de notre sécurité. Si jamais une menace militaire devait peser sur nous, vers qui se tourneraient Canadiens et Québécois? Je n'ai même pas à formuler la réponse tant elle est évidente. Nous serions bien aise alors de pouvoir compter sur un allié qui dispose de missiles de croisière développés à ses frais.
Voilà ce que notre chef disait ce matin lorsqu'il parlait de l'aspect politique.

Il ajoutait d'ailleurs sur la question stratégique un commentaire qui me plaìt énormément aussi et qui fait l'unanimité à l'intérieur de nos troupes. Il disait:

Les engagements du Canada à l'égard de la force de dissuasion stratégique sont essentiellement soumis à des mesures de coopération inter-alliées. Le Canada ne possède aucun armement stratégique au sein de ses forces. Cependant, dans la mesure où il oriente sa défense en fonction de l'entente inter-alliée et aussi dans la mesure où il bénéficie de la sécurité collective, il doit se porter volontaire, le cas échéant, à collaborer à la mise en place de cette force de dissuation stratégique. Cet élément fait partie intégrante de la politique nationale de défense, tel qu'il apparaît dans les livres blancs de la Défense de 1971, de 1987, et de l'énoncé politique en matière de défense de 1992.
Voilà des arguments courts, simples, que nous a livrés notre chef et plusieurs de nos nouveaux députés du Bloc ici, soit dans leurs interventions de 20 minutes, soit dans des questions pertinentes posées à des gens qui venaient de terminer un discours.

Puisqu'il me reste environ cinq minutes, en terminant, je voudrais également m'interroger sur certaines déclarations qui ont été faites par certains députés; je suis d'ailleurs surpris qu'ils ne soient pas là. Il y a eu des déclarations faites au moment où ils siégaient dans l'opposition, mais on dirait que quand on traverse de l'autre bord, sur certains dossiers, il y a parfois une espèce de courant électrique qui nous atteint et qui fait en sorte que nos livres rouges deviennent nos livres bleus.

C'est le cas de certains députés, comme celui de Glengarry-Prescott-Russell, lorsqu'il disait: «End cruise missile testing now! There, I have said it.» On dirait qu'il regrettait d'avoir dit ça, en mars 1987. Est-il encore du même avis? Pourquoi, dans un débat que l'on prétend si important, ces gens qui se sont positionnés ne viennent-ils pas, aujourd'hui, répéter leur engagement ou donner les raisons qui les ont amenés à voir une voie nouvelle à ces ententes?

Je pourrais aussi parler du député de Saint-Maurice, chef du parti, lorsqu'il a dit: «Le gouvernement a-t-il l'intention de confirmer»-il s'adressait, à ce moment-là, au gouvernement conservateur en place-«que les Canadiens s'opposent carrément à l'utilisation du territoire canadien pour ces dangereux essais?» Est-ce qu'il est encore du même avis? S'il est encore du même avis, c'est que ce gouvernement-là prendra cette position-là. Alors, pourquoi faire un débat? Est-ce une frime?

Je suis surpris de ce que les gros canons de ce parti, tel qu'on les appelle habituellement, ne se prononcent pas. Cependant, j'ai vu mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce qui, à chaque moment, a toujours pris position; je le félicite aussi de s'apprêter à le faire.

Je suis surpris de ce que le député de Winnipeg-Sud-Centre, qui incarnait la politique du Parti libéral lorsqu'il était dans l'opposition, ne prenne position aujourd'hui, alors que ce débat était pourtant annoncé comme un débat crucial.

Je termine, madame la Présidente, car il me reste trois minutes exactement, je crois, par quelques arguments, les trois arguments principaux en faveur de ces essais de missiles de croisière.

(1900)

Mon premier argument est celui-ci: le Canada a toujours considéré les essais de missiles de croisière comme une occasion


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de démontrer que notre pays appuie la défense collective. Dans le passé, le Canada a donné le feu vert à ces essais parce qu'il estimait que notre sécurité était inséparable de celle de nos alliés de l'OTAN.

Le deuxième argument: l'accord d'essai et d'évaluation est un élément important de notre relation globale avec les États-Unis, relation étroite, complexe et d'une ampleur sans égale. Nous sommes partenaires en vertu de l'accord commercial bilatéral, le plus important du monde. Nous partageons toute une gamme de valeurs politiques, sociales et culturelles, et nous sommes des alliés dans la défense de l'Amérique du Nord et de l'Europe.

Troisièmement, la poursuite des essais présente un avantage financier pour le Canada. Les essais des missiles de croisière sont au coeur même de l'accord d'essai et d'évaluation. Or, cet accord contient désormais une disposition relative à l'établissement des coûts supplémentaires. Cette disposition pourrait permettre aux contribuables canadiens d'économiser des milliers de dollars chaque année, en réduisant le coût des essais qu'effectue le Canada aux États-Unis.

Voilà, il me semble, trois arguments concluants qui me font dire que la position que notre chef a établie ce matin dans son discours, encore une fois remarquable, et que nos confrères ont défendue au cours de cette journée, est une position claire, logique, qui va dans le sens des intérêts du Québec et des intérêts du Canada.

[Traduction]

M. Jack Ramsay (Crowfoot): Madame la Présidente, je suis très impressionné par les interventions qui ont été faites jusqu'ici sur cette question, que les députés aient été sympathiques ou hostiles à la cause. Je voudrais remercier le député qui vient de prendre la parole.

Certains discours prononcés ici ce soir étaient fort percutants et directs. Je voudrais faire certains commentaires au sujet de celui du député de Davenport, qui a posé une question très importante. Faisant allusion à la menace posée à notre sécurité, il a demandé qui était l'ennemi.

Qui est l'ennemi? Et en quoi la sécurité d'un enfant qui a été maltraité est-elle menacée? En quoi la sécurité d'une femme qui a été violée ou d'une personne âgée qui a été tuée est-elle menacée?

M. Allmand: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Avec tout le respect que je dois au député, il me semble que la période de questions de dix minutes est réservée aux commentaires sur l'intervention du dernier député qui a pris la parole ou aux questions adressées au député qui a fait la toute dernière intervention. Elle ne doit pas porter sur des discours prononcés plus tôt au cours de la journée.

Je sais que le député est nouveau à la Chambre, mais il n'en demeure pas moins que la période de questions de dix minutes doit mettre l'accent sur la dernière intervention qui a été faite. Elle n'a rien à voir avec les discours antérieurs.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Le député de Notre-Dame-de-Grâce a entièrement raison. Le député de Crowfoot voudrait-il bien poursuivre en nous faisant part de ses commentaires sur l'intervention du député qui l'a précédé?

M. Ramsay: Madame la Présidente, si je comprends bien on peut faire n'importe quel commentaire dans ce débat.

La seule menace à la sécurité contre laquelle nous devions nous protéger est celle qui résulte du mépris de certains pour les droits juridiques et humains d'autrui. Tant que nous aurons des gens comme Saddam Hussein, Joseph Staline et autres dictateurs fantoches si nombreux dans les annales de l'histoire, nous aurons à nous protéger contre leur mépris pour les droits individuels.

Cela commence ici même. Pendant des années j'ai suivi le fonctionnement de la Chambre à la télévision, et maintenant je le vois de l'intérieur.

(1905)

Lorsque des députés ne font pas preuve de suffisamment de tolérance pour respecter les règles de la Chambre et les violent, nous nous trouvons devant une menace à la sécurité de l'individu. C'est simplement un niveau. Qu'on monte de quelques crans et la menace s'étend à plusieurs individus, à des communautés, à des nations.

Je voudrais poser une question au député qui vient de parler. Cela n'a pas de rapport avec ce que je viens de dire. Pendant la guerre froide, il y avait deux grandes puissances: les États-Unis et l'Union soviétique. Elles contrôlaient la majorité des armes nucléaires du monde. Depuis le démantèlement de l'Union soviétique, le député ne ressent-il pas une menace plus grande d'attaque nucléaire contre une nation quelconque?

[Français]

M. Plamondon: Madame la Présidente, je remercie mon confrère député de son commentaire ainsi que de sa question.

Je pense que le député touche un des points du débat qui peuvent diviser des gens et pousser certaines personnes à s'interroger.

Sommes-nous encore en guerre froide, dit-on. Si ce n'est plus le cas, puisqu'il y a eu démantèlement de l'empire soviétique, pourquoi permettre les missiles? Certains se posent cette question-là. D'autres diront: Faut-il continuer une espèce d'escalade de moyens techniques pour faire la guerre, alors qu'on devrait affecter l'argent ailleurs? C'est toujours la question entre la guerre et la paix. Lorsque le député parle de guerre froide, il ne doit jamais oublier que, s'il n'y a plus deux blocs qui s'affrontent, il y a maintenant plusieurs îlots à travers le monde où il peut y avoir conflit et où, souvent, le fanatisme s'est installé.

Je n'ai pas à vous rappeler le comportement du dirigeant irakien pendant la guerre du Koweït. Je n'ai pas à vous rappeler certaines déclarations au Liban. Pourtant, ces pays-là sont très près de posséder ou possèdent déjà des armes nucléaires qui pourraient être déclenchées instantanément.

Est-ce que la menace est dangereuse immédiatement? Je dirais que non, mais garder cette assurance de sécurité ne pourrait que servir les intérêts de la démocratie canadienne et québécoise, de celle des États-Unis et de celle du monde occidental.

Non, il n'y a plus deux blocs qui s'affrontent, mais il y a encore plusieurs petits endroits qui sont souvent moins contrôlés. Il y a 10 ans, les deux blocs contrôlaient chacun la moitié de la terre.


426

Maintenant, il y a des endroits où il n'y a plus de contrôle ni d'un bloc ni de l'autre.

Mon confrère de Saint-Jean parlait de l'ancienne réflexion et de la nouvelle réflexion qu'on doit faire sur cette pratique des essais. Eh bien, il faut la voir dans sa nouvelle perspective mondiale. Il faut la voir non pas comme un événement annuel qui fait en sorte qu'il y a une accélération vers une guerre nucléaire, mais plutôt comme une accélération vers une sécurité plus grande, puisque les essais ne se font pas nécessairement avec des ogives nucléaires.

Également, lorsque des techniques de plus en plus modernes sont développées par les militaires, on leur trouve souvent des applications civiles par la suite. Y aura-t-il des applications civiles? On n'en voit pas pour le moment, ou presque pas, mais ce contrôle de missiles à basse altitude, à partir d'informatique et de photos aériennes qu'on a prises de satellites, débouchera peut-être sur une possibilité d'utilisation pour d'autres fins militaires.

(1910)

Et le fait de faire ces essais ne va pas du tout dans le sens d'une accélération d'un affrontement vers le bloc communiste, comme c'était dans le temps. Il va beaucoup plus dans un sens réservé puisque, grâce aux actes de désarmement et aux traités signés dernièrement, on ne peut pas avoir plus de 460 missiles. C'est 1 000 de moins qu'auparavant. On les remplace par attrition, comme on dit, c'est-à-dire qu'on ne dépasse jamais le nombre de 460. Dans ce sens-là, c'est beaucoup plus un perfectionnement pour les rendre plus efficaces, plus ciblés, mettant ainsi moins de vies humaines en danger.

[Traduction]

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Madame la Présidente, je voudrais d'abord vous féliciter, vous et vos collègues, de votre nomination. Je vous assure que vous pouvez compter en tout temps sur mon entière collaboration.

Je voudrais également féliciter le gouvernement d'avoir prévu ce débat aujourd'hui, tout comme le débat d'hier sur le maintien de la paix. Il est rafraîchissant de constater que, contrairement au gouvernement précédent, celui-ci invite tous les députés à s'exprimer avant de prendre une décision ou de mettre fin à un accord, comme ce sera le cas ici, je l'espère.

Je suis particulièrement ravi de pouvoir aborder la question des essais du missile de croisière. Comme les députés le savent peut-être, je me suis opposé à ces essais dès le début, en 1983, et j'ai voté contre chaque fois que la Chambre a été saisie de cette question.

Heureusement, la guerre froide est terminée, et je m'oppose à ces essais encore plus que par le passé. Comment se fait-il que cette question soit si importante pour moi et que mon opposition soit aussi vive?

Tout d'abord, le missile de croisière est une arme extrêmement dangereuse. Il est petit, facile à dissimuler, mobile et précis. Il est capable d'échapper à la détection radar, car il vole au ras du sol, sous les faisceaux et les capteurs radar. Il peut également transporter une tête explosive nucléaire ou conventionnelle.

Comme les missiles de croisière peuvent échapper à la détection radar, on peut les utiliser avec succès au cours d'une première frappe et, partant, détruire complètement les armes de l'adversaire.

Au début, je me suis opposé aux missiles de croisière parce que, selon moi, ils ont contribué dans une très grande mesure à encourager la course aux armements. Ils ont contribué à l'instabilité sur le plan international et allaient à l'encontre des principes énoncés dans le traité de non-prolifération que le Canada avait signé et appuyé avec conviction.

Au départ, dans un accord conclu en février 1983, le Canada a accepté de procéder aux essais de ces armes pour les États-Unis. On avait dit, à l'époque, que les États-Unis voulaient que les essais aient lieu dans le nord-ouest du Canada, car le terrain de cette région ressemblait à celui du nord de l'Union Soviétique.

En février 1988, l'accord d'essai a été renouvelé d'office pour cinq autres années et, en 1993, le gouvernement conservateur a conclu un nouvel accord d'une durée de dix ans. Depuis 1983, il y a eu 23 essais, à raison de deux ou trois par année. Le dernier s'est déroulé en mars 1993.

Je voudrais, toutefois, qu'il soit bien compris que cet accord entre les États-Unis et le Canada ne fait pas partie et n'a jamais fait partie des obligations que nous avons contractées envers l'OTAN.

J'ai dit que, dès le départ, j'étais contre les essais du missile de croisière. Je le suis plus que jamais aujourd'hui.

Au cours de la précédente législature, le 24 janvier 1989, notre parti, le Parti libéral, s'est prononcé contre la poursuite des essais du missile de croisière. Je vais citer le premier paragraphe du document que notre parti a publié le 24 janvier 1989: «Le Parti libéral du Canada a exhorté aujourd'hui le gouvernement conservateur à se libérer de sa mentalité inspirée de la guerre froide et à interdire la poursuite des essais du missile de croisière au Canada, geste tangible et positif en vue de l'amélioration du climat des relations Est-Ouest et des négociations en cours sur le désarmement.» L'auteur du document était le chef de l'opposition de l'époque.

(1915)

C'était tout un changement de politique. Jusqu'alors, le Parti libéral avait été favorable aux essais du missile de croisière. Personnellement, j'y étais opposé, mais pas le parti. J'ai eu l'impression d'y être pour quelque chose dans la décision qu'a prise mon parti de changer de politique.

Par ailleurs, je tiens à souligner que notre parti, lors d'un grand congrès d'orientation tenu en 1986, a adopté deux importantes résolutions. Je ne vais pas les lire faute de temps, mais elles figurent dans notre livre des résolutions de 1986. Elles exprimaient notre opposition aux essais du missile de croisière.

Voici quelles sont les raisons qui ont amené notre chef à modifier notre politique en la matière en 1989.

Premièrement, la guerre froide était terminée.


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Deuxièmement, la nécessité d'effectuer des essais sur un terrain semblable à celui de la Russie ne se posait plus puisque la Russie n'était plus notre ennemi.

Troisièmement, la poursuite de ces essais risquait de relancer la course aux armements, pas nécessairement avec la Russie, ou ce qu'on appelait alors l'Union soviétique, mais bien avec d'autres pays comme la Chine, la Corée du Nord et ainsi de suite.

Je ferai observer que 15 pays sont sur le point de fabriquer des armes nucléaires et que les missiles constituent le principal vecteur de ces engins. Ces deux types de dispositifs sont essentiels pour une frappe performante.

Comment les États-Unis et le Canada, s'ils continuent d'effectuer des essais de ces armes, peuvent-ils oser demander à ces 15 pays de ne pas aller de l'avant avec leurs projets d'armes nucléaires? Soit dit en passant, ils exhortent ces 15 pays à signer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Comment peuvent-ils à la fois inciter ces pays à signer et poursuivre leurs essais d'armements sophistiqués capables de transporter des armes nucléaires? Ce n'est pas évident!

Non seulement la poursuite des essais de missiles de croisière incitera d'autres pays à mettre au point de nouvelles armes dangereuses, mais ces armes, une fois mises à l'essai et perfectionnées, risquent de devenir des produits pour le commerce international des armes.

Après la guerre d'Irak, nous avons découvert que 90 p. 100 des armes utilisées par ce pays contre nos propres soldats lui avaient été vendues par les cinq grandes puissances: l'Union soviétique, la Chine, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Plus de 90 p. 100!

Tout le monde sait que la plupart des armes achetées par des pays pauvres du tiers monde ont été mises au point, testées et vendues par des pays industrialisés. En effet, pour que la mise au point d'armes comme les missiles de croisière soit faisable, sur le plan économique, il faut les fabriquer en grandes quantités et vendre le surplus aux pays intéressés.

Sur le plan militaire, les États-Unis et l'OTAN sont beaucoup plus avancés que les anciens pays de l'Est et d'autres pays qui pourraient éventuellement devenir leurs ennemis. Nous n'avons pas besoin de missiles de croisière améliorés pour maintenir cette avance. Comme je l'ai dit, cela ne fera que justifier la fabrication et la prolifération d'armes dans d'autres pays.

Au cours du débat, d'aucuns ont fait valoir que l'annulation de cet accord offusquera les États-Unis. Le président Clinton et le gouvernement américain reconnaissent eux-mêmes que la guerre froide est terminée. Ils ont travaillé avec l'Ukraine et l'Union soviétique afin de réduire les armes dans ces pays. En fait, ils viennent tout juste de signer un accord dans lequel ils se sont engagés à ne plus pointer d'armes en direction l'un de l'autre. Les États-Unis ont fermé certaines bases. J'ai visité, aux États-Unis, plusieurs endroits où le président Clinton procède à la fermeture de bases. Tout le monde parle du dividende de la paix.

En encourageant l'avancement de la course aux armements comme nous le faisons si nous autorisons les essais des missiles de croisière, car c'est bien de cela dont il s'agit, nous mettons en danger le rôle d'honnête courtier que joue le Canada sur la scène internationale. Nous mettons en danger notre crédibilité en tant que nation pacifique.

Hier, nous avons débattu la question du maintien de la paix. Le Canada joue depuis longtemps, dans ce domaine, un rôle très envié. Notre pays a l'une des meilleures réputations mondiales en matière de maintien de la paix et aussi en matière de développement international. Si nous autorisons la poursuite des essais de missiles de croisière, nous mettrons en danger toutes ces belles qualités.

Je vois le député de Nunatsiaq et j'ai parlé à l'autre députée des Territoires du Nord-Ouest. C'est au-dessus de leur région que se dérouleront les essais de missiles. Tous deux s'opposent vivement à ces armes.

(1920)

En terminant, je rappelle que le premier ministre a dit qu'il voulait la tenue d'un débat libre. Il l'a certainement obtenu de notre part, mais je n'ai pas constaté beaucoup de libre expression au sein du Parti réformiste, qui s'était pourtant prononcé en faveur d'un débat libre. Les députés réformistes ont tous chanté le même air du début à la fin et ils ont tous voté de la même façon à tous les scrutins auxquels ils ont participé jusqu'à maintenant. Aujourd'hui encore, ils tiennent tous le même discours. Aussi, je doute un peu de leur sincérité lorsqu'ils parlent de vote libre et de libre expression.

J'ai également été consterné par les déclarations de certains de mes collègues libéraux, en particulier ceux qui siégeaient à la Chambre avec moi durant la dernière législature, puisqu'ils avaient approuvé la politique d'opposition aux essais du missile de croisière adoptée par notre parti en 1989. Je comprendrais s'ils avaient avancé de nouveaux arguments leur permettant d'enterrer la politique qu'ils appuyaient encore l'an dernier, mais ce n'est pas le cas.

La fabrication et l'essai du missile de croisière au Canada ne sont plus nécessaires et ne feraient que contribuer à la poursuite de la course aux armements et à l'instabilité dans le monde.

J'exhorte le gouvernement, lorsqu'il évaluera le débat actuel, à tenir compte non seulement du nombre de députés qui sont intervenus mais des arguments qu'ils ont fait valoir.

[Français]

M. André Caron (Jonquière): Madame la Présidente, je remercie le député de Notre-Dame-de-Grâce de son plaidoyer. Je le félicite pour la fidélité qu'il a envers les idées qu'il a défendues depuis 1983. Mais je suis quand même étonné d'un certain nombre de ses arguments et je vais rapidement motiver la raison de mon étonnement. Je vais aussi lui poser une question.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce a débuté en spécifiant les raisons pour lesquelles il s'oppose aux essais des missiles de croisière et en nous présentant cette arme comme étant très dangereuse, précise, difficile à détecter et qui peut porter des ogives nucléaires. Je m'étonne un peu, parce que c'est justement le propre d'une arme d'être dangereuse. Je ne vois pas très bien la force de l'argument, car ce qui donne de l'efficacité à une arme,


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c'est sa mobilité, c'est-à-dire qu'elle est rapide, qu'elle peut atteindre rapidement l'ennemi ou la cible, que sa force de frappe est valable et, de plus, qu'elle est, jusqu'à un certain point, invulnérable à la défense de l'ennemi. Je vois mal qu'on s'oppose à l'essai d'une arme en prétendant que l'arme est dangereuse. Si l'arme n'était pas dangereuse, s'opposerait-on?

La deuxième point que je désire soulever, c'est que le député nous annonce ou prétend que la guerre froide étant terminée, à ce moment-là, on n'a plus besoin de développer des armes. Mais la guerre froide s'est terminée il y a quatre ou cinq ans-et on pourrait toujours argumenter sur les dates-mais enfin, le dégel s'est produit assez rapidement. Si on regarde la situation internationale, il est possible que le froid revienne, comme il vient assez rapidement à Ottawa, d'après ce que j'ai pu voir.

Le député dit que le fait de permettre l'essai de missiles de croisière contribuera à la relance de la course aux armements. À mon avis, cela est un peu excessif comme argument en ce sens qu'il s'agit de faire cette année ce qu'on a fait au cours des dix dernières années. Il ne s'agit pas d'une escalade, c'est simplement notre allié américain qui a signé avec nous un traité ou une entente qui fait que chaque année il peut faire un certain nombre d'essais. Cette entente a été renouvelée l'année dernière par notre gouvernement légitime, à ce moment-là, pour les dix prochaines années. Je ne vois pas qu'il y ait là une escalade dans la course aux armements.

Dans son dernier argument, se fondant sur les derniers discours de M. Clinton aux États-Unis, il prétend que nous ne mécontenterons pas les Américains en refusant de leur permettre de faire des essais.

Je trouve que les arguments sont un peu discutables. Du fait que ces essais soient limités, du fait qu'il ne s'agit quand même pas d'une nouvelle arme qui arrive dans l'arsenal mondial, le député de Notre-Dame-de-Grâce ne croit-il pas qu'il est un peu alarmiste de sa part de développer tout l'ensemble des arguments qu'il nous a présentés, simplement pour des essais dont on a connu l'équivalent pendant les dernières années?

(1925)

[Traduction]

M. Allmand: Madame la Présidente, même si la guerre froide avec l'Union soviétique est terminée, il y a 15 pays, dont la Corée du Nord, qui sont sur le point d'acquérir l'arme nucléaire.

Aucun de ces 15 pays n'est signataire du traité de non-prolifération des armes nucléaires. Les États-Unis tentent depuis de nombreuses années d'amener la Chine, la Corée du Nord et ces autres pays à signer le traité de non-prolifération.

Aussi, comment pouvons-nous demander à ces pays de renoncer aux missiles de croisière et à la mise au point de nouvelles technologies de fabrication d'armes nucléaires lorsque nous continuons de perfectionner et-en passant, l'arme nucléaire que ces pays testent aujourd'hui et depuis quelques années n'est pas la même que celle qu'ils testaient il y a de nombreuses années. Ces pays continuent de perfectionner leurs armes afin de surpasser le missile de croisière.

La guerre froide avec l'Union soviétique est terminée, mais il y a encore des pays qui veulent acquérir l'arme nucléaire et se doter de la technologie nécessaire pour y parvenir, et nous n'aiderons en rien les choses si nous demandons à ces pays de ne pas fabriquer leurs armes alors que nous le faisons de notre côté. Une telle attitude serait infructueuse, elle ne ferait qu'encourager la course aux armements.

M. Roger Gallaway (Sarnia-Lambton): Madame la Présidente, pour commencer, je crois qu'il faut admettre que dans ce débat, il n'y a pas de bonne ni de mauvaise réponse, pas plus qu'on ne peut y être du bon ou du mauvais côté. Que la décision du gouvernement soit de permettre ou d'interdire la reprise des essais du missile de croisière sur le territoire canadien, ce ne sera ni bien ni mal.

D'une part, nous débattons aujourd'hui de notre contribution nationale à la base technologique militaire de nos voisins américains puisque ces essais font partie de la recherche et développement militaires dans ce pays. D'autre part, cela donne au Canada l'occasion de définir ces essais par rapport à nos valeurs nationales.

Avec la fin de la guerre froide, les arguments pour ou contre les essais du missile de croisière ont tout simplement perdu beaucoup de leur vigueur. Les députés se souviendront que le missile de croisière moderne a comme ancêtre les bombes volantes mises au point par les Allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale et que les Américains et les Soviétiques s'étaient lancés dans une course aux armements effrénée qui a donné naissance à ce missile volant à basse altitude.

De la mise au point du missile de croisière est née une technologie aux applications militaires et civiles uniquement américaines. Permettre la reprise de ces essais garantira sans aucun doute, et je le dis en toute objectivité, que les États-Unis conservent leur avance et demeurent la plus grande puissance militaire au monde.

Du point de vue de la forteresse nord-américaine, l'accord autorisant les essais du missile de croisière, signé en 1983 avec les États-Unis, fut une bonne chose. Cet accord, renégocié en 1993, fut prolongé de 10 ans jusqu'en 2003.

La raison expliquant le choix de ce corridor canadien d'une longueur de 2 200 km pour procéder aux essais est très simple. Comme le député qui a pris la parole avant moi l'a mentionné, les conditions climatiques et géographiques y sont similaires à celles de l'ex-Union soviétique.

En 1983, NORAD craignait pour la sécurité des Nord-Américains en raison du danger que l'arsenal soviétique représentait à ses yeux. J'aimerais poser la question suivante aux députés présents aujourd'hui: à l'heure actuelle, en Amérique du Nord, sommes-nous, oui ou non, menacés par l'ancienne armée soviétique?


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Permettre la reprise de ces essais est, à mon avis, tout simplement reconnaître une réalité politique qui existait en 1983 mais qui a depuis disparu.

Du point de vue militaire, comment peut-on alors justifier ces essais? On peut avancer l'argument que d'autres pays ont les moyens de mettre au point ce genre d'engin et, qu'en fait, ils sont en train de le faire, ce qui implique que les États-Unis doivent maintenir leur supériorité technique. Si nous voulons que soit autorisée la reprise des essais, et je le dis en tant que Canadien et député de cette Chambre, il faut que nous nous demandions quels en sont les avantages réels ou envisagés pour le Canada. Est-ce pour se protéger contre l'ancienne Union soviétique et assurer la sécurité de l'Amérique du Nord? Ou est-ce plutôt pour aider les entreprises américaines hautement spécialisées dont la survie dépend des programmes militaires?

(1930)

Madame la Présidente, la réalité politique mondiale a beaucoup changé depuis 1983 et les Canadiens doivent en tenir compte lorsqu'ils tentent de déterminer si ces essais doivent avoir lieu.

Ces réflexions font penser à la politique d'une autre époque, alors qu'on était en pleine course aux armements, qu'on sentait une menace peser sur notre sécurité nationale et que le NORAD avait une certaine importance pour le continent. Aujourd'hui, ces facteurs ont tout simplement disparu ou leur impact a diminué au point de leur enlever toute signification réelle.

L'autre élément qu'il faut examiner à mon avis est le suivant: les Canadiens auraient-ils avantage, sur le plan de l'économie ou de la sécurité, à autoriser ces essais? Il ne s'agit pas d'abroger une entente bilatérale comme quelqu'un l'a laissé entendre ici aujourd'hui. L'entente énonce les conditions techniques et financières et stipule clairement que chaque essai doit être approuvé par le gouvernement du Canada. Je vous le demande très directement: quel avantage les Canadiens pourraient-ils y trouver?

Hier à la Chambre, plusieurs orateurs ont discuté de l'aspect humanitaire du maintien de la paix, ils ont déclaré que dans certaines circonstances, le maintien de la paix par les militaires canadiens exerce une influence favorable dans diverses régions du globe. Bon nombre des opinions exprimées ici hier témoignaient du désir d'améliorer le sort des habitants des pays en conflit. Ce sont des objectifs humanitaires louables et, en tant que membre des Nations Unies, nous considérons qu'ils sont dans l'intérêt de toutes les nations, dans une perspective mondiale.

Ce rôle de maintien de la paix est parfaitement conforme aux valeurs que nous partageons avec les autres pays membres. Pourtant, en tant que Canadien, je me demande en quoi les essais de missiles de croisière sont compatibles avec les objectifs du gouvernement du Canada. Ces essais servent-ils les intérêts du pays?

Sans trop s'en cacher, les derniers gouvernements américains ont adopté une attitude de donnant, donnant, dans leurs relations avec les autres pays. L'aide au pays étrangers, qu'elle soit financière ou technique, est souvent liée aux événements survenus dans l'État en question. Par exemple, l'aide américaine à la Chine a failli ne pas être reconduite après l'incident de la place Tiananmen. L'intervention des forces américaines à la Grenade et au Panama, à la fin des années 80, en sont aussi des exemples. À mon avis, ces mesures visaient simplement à servir les intérêts des États-Unis.

Par conséquent, je demande aux députés de bien réfléchir à la vaste question de nos relations avec les États-Unis et avec les Américains. Beaucoup de mes électeurs m'en ont parlé. Bien que je ne sois pas membre du troisième parti, je peux dire sans trop de risque de me tromper que mon opinion reflète le consensus qui se manifeste dans ma circonscription, à savoir que nous devrions modifier notre façon de voir nos relations avec notre voisin du Sud et nous centrer davantage sur nous-mêmes. Plus précisément, nous devrions nous demander si ces essais sont bien dans notre intérêt. De façon bien terre à terre, nous devrions nous demander ce que cela va nous rapporter.

Ma circonscription est une étroite bande de terre qui longe la frontière entre l'Ontario et le Michigan, et je dirais que 75 p. 100 des habitants de ma circonscription habitent à moins de trois minutes de voiture des États-Unis. Il convient également de signaler qu'on y trouve aussi facilement, dans n'importe quel petit magasin du coin, le Detroit News ou le Detroit Free Press que le Globe and Mail. Ma circonscription est le troisième endroit de traversée de la frontière du point de vue de l'achalandage. En fait, 15 p. 100 de toutes les marchandises qui font l'objet d'échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis transitent par Sarnia ou Point Edward. Pourtant, en dépit de cette présence écrasante que l'on appelle «l'influence américaine», il ne fait aucun doute à mes yeux que nous ne sommes pas Américains pour autant. Et mes commettants me le confirment. Nous ne sommes pas antiaméricains; nous ne sommes tout simplement pas Américains.

La société canadienne évolue, et nous avons clairement fait entendre aux Américains que nos priorités ne correspondent pas toujours aux leurs, que nos valeurs nationales ne correspondent pas toujours aux leurs.

Je sais par exemple qu'il y a des Américains qui essaient de s'inscrire aux cliniques offertes par certains services de santé de ma circonscription pour profiter des soins médicaux et programmes de traitements que l'on peut obtenir en consultation externe tout en gardant l'anonymat.

Bien sûr que nous n'avons pas les mêmes priorités. Je ne suis pas sans savoir que les douaniers canadiens saisissent tous les jours une quantité impressionnante d'armes de poing trouvés dans des véhicules américains qui entrent au Canada en passant par ma circonscription. Bien sûr que nous n'avons pas les mêmes valeurs. Par conséquent, je pose encore la même question. En quoi la mise à l'essai de missiles de croisières au-dessus du territoire canadien, en tant qu'objectif de la politique américaine de défense, correspond-elle à nos priorités et valeurs comme Canadiens?


430

(1935)

On a dit que le rôle des Forces militaires canadiennes-je dis bien canadiennes-doit faire l'objet d'une réévaluation durant la législature en cours.

J'ajouterais à cela que le gouvernement canadien doit aussi examiner nos objectifs nationaux liés à l'accord bilatéral conclu avec les États-Unis en 1993 au sujet des essais de missiles de croisière. Comme on l'a dit tout à l'heure, indépendamment de cet accord, nous nous réservons le droit de dire non.

Au cours de l'exercice 1992-1993, le ministère de la Défense nationale a dépensé quelque 148 millions de dollars pour moderniser nos systèmes de défense aérienne, plus 175 millions de dollars pour ce qui est des systèmes de défense aérienne à basse altitude.

Il serait juste de penser que, si nous autorisons la tenue de ces essais, nous allons avoir besoin de systèmes de défense aérienne sans cesse plus perfectionnés, en raison de progrès technologiques accomplis grâce aux essais que nous permettrions aux Américains d'effectuer au-dessus de notre territoire.

Enfin, je tiens à remercier le premier ministre d'avoir donné l'occasion aux députés d'exprimer leur point de vue sur cette importante question d'intérêt national, sachant qu'ainsi, quand viendra le temps de prendre une décision, il aura une idée générale de l'opinion dans les tous les coins du pays.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue): Madame la Présidente, je suis ici depuis le début de l'après-midi et j'ai écouté attentivement l'ensemble des discussions qu'on a eues sur la nécessité de faire ces essais en territoire canadien. J'aimerais dire un petit mot sur le débat avant de poser ma question au député.

Il me paraît dangereux de faire, comme depuis hier, une analyse à la pièce du domaine de la défense nationale. Il serait préférable de le faire dans une perspective d'ensemble. Il vaut toujours mieux examiner un problème dans une analyse globale que dans une analyse très spécifique. J'espère qu'un jour le ministre de la Défense nationale entamera un processus de révision globale de tout son ministère.

On parle maintenant d'un cas plus particulier. Le député de Portneuf, dans son intervention, a très bien expliqué sur le plan technique en quoi consisteraient les essais qui se feraient en territoire canadien. Il s'agit surtout du perfectionnement d'une technique qui ne fait pas appel à l'énergie nucléaire. Il s'agit d'un système de guidage qui pourrait éventuellement être utile dans d'autres domaines.

Je pense qu'il ne faut pas faire un faux débat et voir là une prolifération de l'utilisation des armes nucléaires. Évidemment, il est vrai que ceci peut être utilisé à ces fins-là, mais plaçons-nous dans la perspective du désarmement auquel on veut en arriver un jour. Personne ne peut être contre la vertu, mais il ne faut pas non plus nier le pouvoir des Américains, qui sont nos alliés dans la plupart des interventions militaires auxquelles nous participons. On doit collaborer de très près avec eux, et c'est une forme de collaboration qu'on peut avoir. Leur pouvoir dissuasif a été très important.

J'arrive à ma question. Ne serait-ce pas un dangereux signal à lancer au niveau mondial que de dire non à ces essais sur notre territoire, que de développer une faiblesse dans notre alliance avec nos amis des États-Unis? Je ne suis pas nécessairement pro ou anti-américain. Je suis seulement un homme réaliste qui est en faveur de la paix. Ne serait-ce pas lancer un signal dangereux que de dire qu'on va empêcher ce type d'essai chez nous pour en arriver à une résolution de la paix? Au cours des dernières années, la politique américaine n'a-t-elle pas réussi jusqu'à un certain point à nous pousser vers le désarmement qu'on connaît présentement?

[Traduction]

M. Gallaway: Madame la Présidente, le député a piqué mon intérêt en affirmant que nous devons collaborer avec les Américains.

Compte tenu des objectifs que poursuit le Canada, j'ignore si nous devons toujours collaborer avec les Américains. Ce qui se passe depuis quelques années nous laisse certainement penser que les Américains ne nous rendent pas la pareille. Il me vient à l'esprit de nombreux exemples dont le député n'est peut-être pas au courant.

(1940)

Par exemple, il y a environ un an, les douaniers américains en fonction à tous les postes le long de la frontière canado-américaine ont décidé qu'ils prenaient des mesures directement contre les sociétés canadiennes de camionnage, de sorte qu'ils ont commencé à vérifier le dossier de chaque camionneur qui franchissait la frontière. Or, des camionneurs canadiens ont des antécédents criminels dus à des infractions pas tellement graves, soit usage de cannabis, conduite en état d'ébriété, vols mineurs et voies de fait. De toute façon, en vertu de la loi américaine, les douaniers peuvent empêcher ces camionneurs d'entrer aux États-Unis. Voilà un exemple banal où les Américains ne collaborent pas avec nous.

Je pense aussi à de nombreux différends commerciaux dont il a été question au cours de la campagne électorale, notamment les sept appels qu'ont interjetés les Américains. Il nous arrive souvent de ne pas être d'accord avec nos voisins du Sud.

L'affirmation que nous devons collaborer avec les Américains en ce qui concerne les questions militaires n'est pas nécessairement exacte. Je crois aussi que l'histoire récente, et je pense à la Deuxième Guerre mondiale, a montré que les Américains n'ont pas toujours collaboré avec nous, puisqu'ils n'ont pris part aux hostilités qu'un bon bout de temps après les Canadiens. Je doute donc que nous devions aller de l'avant les yeux fermés.

Le député d'en face devrait plutôt penser que nous pouvons et devons parfois dire non aux Américains, et qu'aujourd'hui, c'est probablement le temps de leur opposer un refus catégorique.

M. Allmand: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. En suivant le débat d'aujourd'hui, je suis de plus en plus préoccupé par l'utilisation de la période de dix minutes après un


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discours de 20 minutes. Je me reporte à l'article 43 du Règlement qui prévoit ceci:

Après chaque intervention de 20 minutes, une période n'excédant pas dix minutes est réservée afin de permettre aux députés de poser des questions et de faire de brèves observations sur des sujets ayant trait au discours, ainsi que de permettre des réponses auxdites questions et observations.
J'ai remarqué à plusieurs reprises cet après-midi que des députés se servent de la période de dix minutes pour faire un nouveau discours et pour formuler des observations qui n'ont pas trait à l'intervention précédente.

Un grand nombre de députés ont exprimé le voeu de changer le climat qui règne ici et de respecter le Règlement de la Chambre. J'espère qu'à l'avenir les observations et les questions seront brèves et qu'elles auront trait à l'intervention précédente, comme le stipule le Règlement. La période de dix minutes en question n'a pas pour but de permettre aux députés de prononcer un nouveau discours. Cette période vise à permettre à un député de formuler de brèves observations ou questions ayant trait au discours prononcé immédiatement avant qu'il ne prenne la parole.

J'ose espérer que la présidence appliquera cet article du Règlement.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je remercie le député de son intervention. J'ai confiance que les députés vont se conformer au Règlement.

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway): Madame la Présidente, je partagerai les vingt minutes qui me sont accordées avec la députée de Saint John.

Je suis très heureux d'avoir l'occasion de participer au débat. Je félicite les députés qui sont intervenus juste avant moi, soit le député de Sarnia-Lambton et le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour la position courageuse qu'ils ont adoptée.

[Français]

Je crois que c'est le chef du Bloc québécois qui a dit que le débat d'aujourd'hui était, dans un certain sens, une charade, que le vrai but du gouvernement était de dire «non» aux États-Unis et aux essais de missiles de croisière, et que le débat allait donner au gouvernement l'occasion de dire «non».

[Traduction]

À mon avis, le gouvernement cherche à faire tout le contraire. Je crois que le chef du Bloc québécois se trompe énormément. Aujourd'hui, il semble plutôt que le gouvernement soit disposé à dire «oui» aux essais de missiles de croisière et qu'il prépare le terrain en renonçant très clairement aux engagements qu'avaient pris le Parti libéral du Canada à l'époque où il siégeait dans l'opposition et les membres importants de ce parti, qui avaient promis d'abolir les essais de missiles de croisière pour les raisons si éloquemment énumérées par le député de Notre-Dame-de-Grâce.

(1945)

Je tiens à dénoncer ce débat, parce qu'il s'agit, à mon avis, d'un subterfuge. Je crois que la décision a déjà été prise et communiquée au gouvernement des États-Unis. Je pense que le gouvernement canadien a déjà informé les Américains qu'ils pourraient effectuer des essais, mais qu'il avait un petit pépin du fait qu'un des députés de l'opposition avait rappelé, la semaine dernière, l'engagement pris par les libéraux au moment où ils siégeaient dans l'opposition.

Quelle est donc la déclaration qu'avait faite le député de Winnipeg-Sud-Centre? Je vous la lis. Le 15 février dernier, le député a posé à la Chambre la question suivante:

Étant donné que de nombreux Canadiens et en particulier de nombreux habitants du Nord, représentés par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, la Nation dénée et le conseil circumpolaire, se sont vivement opposés à la poursuite de ces essais, pourquoi la ministre a-t-elle tenue à signer cet accord, qui va à l'encontre des désirs de ces Canadiens, sans procéder à des consultations ou à des audiences publiques?
Audiences parlementaires publiques. Le présent débat parlementaire n'équivaut pas à des audiences parlementaires publiques. Les gens du Nord, les peuples autochtones et les groupes de pacifistes veulent s'exprimer là-dessus dans le cadre d'audiences publiques.

Je ferai remarquer que les représentants des Territoires du Nord-Ouest, soit les députés de Nunatsiaq et de Western Arctic, sont tous deux farouchement opposés à l'essai des missiles de croisière et pourtant, leurs électeurs n'ont pas l'occasion de faire entendre leur point de vue au cours d'audiences publiques.

À propos, quand entendrons-nous cet éloquent défenseur de la pensée progressiste au sein du caucus libéral, celui qui a demandé avec ferveur qu'on mette fin à l'essai des missiles de croisière, le député de Winnipeg-Sud-Centre? J'ai hâte d'entendre ce qu'il a à dire dans le cadre du présent débat.

Le débat ne porte pas seulement sur l'essai des missiles de croisière. Je dois dire que nous, néo-démocrates, nous opposons à l'essai des missiles de croisière depuis le tout début, en 1983. Le débat porte aussi fondamentalement sur l'intégrité, l'honnêteté et la crédibilité politiques des partis au pouvoir.

Je crois en effet que nous devons consulter le compte rendu. C'est un gouvernement libéral qui a approuvé, en 1983, l'accord d'une durée de dix ans, le premier visant l'essai de missiles de croisière en sol canadien. Mais, en 1984, les libéraux sont passés dans l'opposition et, bien sûr, ils y sont toujours un peu plus progressistes que sur les banquettes ministérielles. Que disaient-ils lorsqu'ils formaient l'opposition? Ma foi, au congrès du Parti libéral du Canada tenu en novembre 1986, ils disaient qu'ils interdiraient l'essai des missiles de croisière.

[Français]

L'honorable député de Papineau, qui était à l'époque le porte-parole des Affaires extérieures, a suggéré que les missiles de croisière auraient un effet déstabilisant et que la technologie des missiles de croisière aurait un effet désastreux. Et je cite le ministre des Affaires étrangères: «Le gouvernement persiste à jouer à cache-cache au sujet de la politique qu'il adaptera quant à


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l'essai du nouveau missile de croisière, ce dangereux cousin du missile actuel, doté d'une plus grande vitesse et pouvant mieux échapper aux différents moyens de détection. Laisser une telle arme dans le Nord canadien augmenterait encore l'enjeu.»

Il avait raison en 1988; il a raison aujourd'hui. Il est vraiment triste que le député de Papineau ait été plus progressiste à l'époque que les députés du Bloc québécois ne le sont aujourd'hui sur cette question. C'est vraiment triste que les voix très fortes, très puissantes du mouvement de la paix au Québec ne soient pas représentées ici, en Chambre, par les députés du Bloc québécois, et qu'ils parlent de l'importance d'appuyer nos grands alliés américains. C'est vraiment triste.

[Traduction]

Nous avons entendu les déclarations enthousiastes du ministre et des députés ministériels du temps qu'ils étaient dans l'opposition. Nous avons lu dans le fameux livre rouge que, d'après les libéraux, les Canadiens veulent que leur gouvernement national joue un rôle internationaliste plus actif et indépendant dans ce monde en mutation.

Que promettait le Parti libéral du Canada en septembre 1993, et par écrit encore? Voici la réponse qu'il donnait à un questionnaire de l'organisation End the Arms Race: «Les libéraux ont dit qu'ils s'opposaient à tout nouvel essai du missile de croisière depuis 1987, et qu'ils mettraient fin au programme d'essais.» C'est ce qu'ils promettaient en septembre 1993. Ils n'avaient pas dit qu'ils mettraient fin à ces essais si George Bush était réélu. Leur déclaration n'était assortie d'aucune restriction. Ils ont seulement dit qu'ils y mettraient fin.

(1950)

Que s'est-il passé? Un mois plus tard, ils donnaient leur accord de principe à la poursuite des essais de missile de croisière.

Il importe donc de définir les enjeux. Nous ne parlons pas ici de rompre un contrat solennel. J'ai été étonné d'entendre le très distingué député de Vancouver Quadra laisser entendre que nous manquerions à un engagement solennel si nous ne permettions pas de nouveaux essais du missile de croisière. J'aurais cru que le député se serait donné la peine de lire l'accord parce que celui-ci est très clair.

Je vous en lis un passage: «Le ministère de la Défense nationale ou le département de la Défense des États-Unis peut refuser tout essai prévu en vertu du présent accord».

Il est totalement absurde d'affirmer, comme le fait le député de Vancouver Quadra, que nous manquerions d'une manière ou d'une autre à notre parole. L'accord parle de consentement et il contient des dispositions permettant de refuser de donner son consentement.

Nous parlons de tester un nouveau missile dangereux, un missile susceptible de rompre l'équilibre des forces, un missile furtif chargé d'ogives nucléaires et capable de porter la première frappe. Les Américains veulent tester ce missile au Canada parce que le terrain y est semblable à celui de la Russie.

J'ai un document d'information original qui remonte au premier accord, en 1983. En réponse à la question «pourquoi tester ce missile au Canada», on répond que le Canada offre un terrain représentatif et des trajets réalistes pour tester le lancement du missile de croisière à partir d'un avion. De quoi notre terrain est-il représentatif? De la Russie. Que sont ces trajets réalistes? Deux mille deux cents kilomètres, soit à peu de choses près, la distance à parcourir par un de ces missiles pour frapper au coeur de la Russie.

Nous avons entendu dire que parce que Vladimir Jirinovski, un homme très dangereux, était maintenant en mesure d'exercer une certaine influence en Russie, il nous fallait tester ces missiles nucléaires. À mon avis, ce serait plutôt une raison supplémentaire de dire non aux essais.

En 1992, Boris Eltsine déclarait que les Russes mettraient fin à leurs essais sur les missiles de croisière. Il a lancé un appel aux nations du monde pour qu'elles l'appuient dans son initiative et, si Jirinovski peut invoquer comme argument le fait que nous faisons l'essai du missile et que les Russes sont essentiellement la principale cible visée, je me demande bien comment ces essais peuvent nous aider à faire régner la paix.

Il est grand temps que nous reconnaissions le véritable ennemi. Le véritable ennemi, c'est la pauvreté. Chaque jour, 40 000 enfants meurent sur cette planète. Le véritable ennemi, c'est le fardeau écrasant de la dette et l'écart de plus en plus profond qui se creuse entre le Nord et le Sud du point de vue de la richesse et du pouvoir. Le véritable ennemi, c'est la dégradation de l'environnement.

J'espérais que les libéraux fassent preuve de leadership à l'égard de ces questions mais, malheureusement, ils sont prêts à faire les choses exactement de la même façon qu'avant. Pourquoi ne pas attendre que notre politique étrangère et notre politique de défense aient été examinées avant de permettre ces essais?

En disant non, nous enverrons un message clair non seulement aux Canadiens et au Pentagone, mais aussi au monde entier; nous leur ferons savoir sans équivoque que nous sommes prêts à jouer un rôle de chef de file dans la recherche de la paix.

C'est le député de Winnipeg-Sud-Centre qui, en février 1993, demandait ce qu'il était advenu de cette nouvelle façon de penser au sujet de la défense depuis la fin de la guerre froide. Qu'est-il advenu de cette nouvelle façon de penser? Espérons que cette voix et que ce point de vue prévaudront et que nous prendrons de nouvelles mesures énergiques pour créer une zone dénucléarisée au Canada, pour dire non aux essais à basse altitude au-dessus des terres des Innu au Labrador, pour créer une zone de sécurité commune dans l'Arctique, comme l'a proposé la députée du Yukon, et pour respecter les désirs des autochtones de Canoe Lake, comme l'a proposé le député de The Battlefords-Meadow Lake.

(1955)

Le temps est venu de changer notre façon de penser. Le temps est venu de dire non aux essais de missiles de croisière au Canada.


433

M. Jack Iyerak Anawak (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Monsieur le Président, je commencerai par vous féliciter de votre nomination au poste que vous occupez.

Je voudrais remercier le député de son éloquente intervention. Quand il citait le texte de l'accord à propos du terrain représentatif, je me demandais si nous ne pourrions pas examiner ce que signifie cette expression. J'ai l'impression que le danger de nos jours ne vient pas tant de la Russie ou de l'Union soviétique que d'autres pays qui posséderont ce genre d'armement nucléaire.

Je me disais que le territoire de ces pays ressemble peut-être davantage au genre de terrain qu'on trouve entre Montréal et Ottawa ou Toronto. Nous savons que le danger ne vient pas de l'Union soviétique maintenant, mais davantage d'autres pays. Le député pourrait-il élaborer sur ce point?

M. Robinson: Monsieur le Président, le député de Nunatsiaq vient de faire une excellente observation, qu'on a déjà soulevée par ailleurs. Certains députés ont parlé de la tragique guerre du Golfe qui devait permettre d'abattre Saddam Hussein et d'établir la démocratie au Koweït.

Si cet argument est valable, on ne devrait sûrement pas procéder à des essais au-dessus des zones septentrionales. On devrait peut-être faire des essais du missile de croisière au-dessus du désert du Nevada. Si le danger, comme on le dit, vient de zones plus urbanisées, le député de Nunatsiaq se demande probablement pourquoi on ne procéderait pas à de tels essais au-dessus de la circonscription de Calgary-Sud-Ouest. Pourquoi pas au-dessus de la circonscription de Lac-Saint-Jean? Pourquoi pas au-dessus de régions qui sont légèrement plus peuplées?

C'est une question parfaitement légitime. Je me réjouis de l'intervention du député.

M. Monte Solberg (Medicine Hat): Monsieur le Président, Vladimir Jirinovski a déjà menacé l'Ouest d'anéantissement nucléaire si nous tentions de contrecarrer son projet de rétablir l'empire russe.

Le député croit-il vraiment qu'il ne mettrait pas à exécution ses plans de réarmement de l'ancienne Union soviétique si nous abandonnions les essais du missile de croisière dans le nord de l'Alberta et le nord du Canada?

M. Robinson: Monsieur le Président, il est insensé de recommander de répliquer à Vladimir Jirinovski à ce moment-ci en procédant à des essais du missile de croisière de pointe, le missile furtif, qui nous permettrait de riposter par une attaque nucléaire contre la Russie.

La façon la plus efficace de répliquer aux Jirinovski du monde consiste sûrement à faire tout ce que nous pouvons pour les isoler. Nous devrions faire clairement comprendre que la communauté des nations juge révolue l'époque où l'on répondait à l'agression par l'agression. On ne répond pas aux menaces très dangereuses et très destructrices de Jirinovski en dépensant tout simplement davantage d'argent à mettre au point des armes nucléaires destinées à lui riposter.

Nous tenons ici une excellente occasion de soutenir les forces de la démocratie dans l'ex-Union soviétique et en Russie en concluant avec elles un accord de sécurité mutuelle qui aurait pour effet de démilitariser complètement l'Arctique. Cela rendrait la santé à l'environnement très fragile de l'Arctique.

Cela constituerait le moyen le plus efficace de répliquer à Jirinovski et de l'isoler, lui et les autres Jirinovski du monde.

Mme Elsie Wayne (Saint John): Je remercie mon collègue, le député de Burnaby-Kingsway, d'avoir partagé son temps avec moi. Ceci devrait être mon baptême d'orateur. Je suis certainement très heureuse, monsieur le Président, que vous ayez reconnu l'existence de Wayne's World dans ce coin-ci.

En raison du passé militaire de ma circonscription, celle de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et des liens qui nous rattachent depuis longtemps à la mer et à la construction navale, notre opinion au sujet des questions militaires diffère peut-être un peu de celle de nombreux Canadiens des régions centrales. Je le précise, car c'est notre chantier qui construit les frégates pour l'armée canadienne. Il doit néanmoins réduire ses activités, à l'instar du chantier de Lévis dont a parlé plus tôt aujourd'hui un député du Bloc. Dans ma circonscription, il y aura probablement 3 500 personnes sans emploi d'ici la fin de l'année ou d'ici mai 1995. J'espère donc que le ministère des Transports ou celui de la Défense nationale prendront en considération le chantier naval le plus moderne qui existe au Canada au moment d'adjuger leurs futurs contrats.

(2000)

Je tiens à souligner que c'est sous un gouvernement libéral et à l'époque où l'honorable Roméo LeBlanc, actuellement sénateur, était ministre que nous avons obtenu notre premier contrat de construction de frégates. Le gouvernement qui a suivi nous en a accordé lui aussi. Il y a à Saint John (Nouveau-Brunswick) l'un des chantiers navals les plus modernes du Canada. Il faudrait continuer d'en tirer parti. Mes collègues libéraux d'en face devraient certainement continuer de tirer parti de ce qu'ils ont fait dans le passé en permettant l'ouverture de ce chantier naval.

Contrairement à certains, les électeurs de la circonscription de Saint John sont plutôt restés à l'écart de toutes ces histoires concernant les missiles de croisière, etc. Quand j'entends tout le monde parler des missiles et de l'énergie nucléaires, je ne puis m'empêcher de sourire, car nous avons chez nous l'une des centrales nucléaires les plus efficaces du monde. Je rentre tout juste de Roumanie. Le gouvernement m'a envoyée là-bas au cours de la dernière année. Nous construisons des installations à Cernavoda, en Roumanie, car Saint John possède la centrale nucléaire la plus efficace du monde.

Certains groupes d'intérêts croient que cette centrale sert à fabriquer des armes nucléaires. Chaque fois que quelqu'un prononce le mot «nucléaire», tout le monde tremble. Il m'arrive parfois de penser que les Canadiens ne se rendent pas compte de leur chance dans bien des domaines et notamment en ce qui concerne la politique de la défense.

J'espère bien que le gouvernement passera aux actes et qu'il examinera comme prévu la politique de la défense en recueillant le point de vue des Canadiens et en les tenant informés de l'avancement de son examen. Très peu d'entre nous ont dû aller à la guerre ou même s'en approcher, Dieu merci. Mais il m'arrive de me demander si cela n'a pas édulcoré, chez certains de nos


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concitoyens, la vision de ce qu'il faut faire pour préserver la paix.

J'ignore si je souscris à la thèse suivant laquelle la meilleure défense c'est une bonne attaque. Je sais toutefois qu'il faut une bonne défense pour prévenir la guerre. C'est dans cet ordre d'idées que j'inscris la question des essais du missile de croisière. J'estime en effet qu'il faut faire preuve de prudence jusqu'à ce qu'on ait la certitude qu'il n'y a plus de risques.

Il y a ceux qui estiment que le meilleur moyen de parvenir au désarmement, c'est que tous déposent leurs armes ou, du moins, qu'ils cessent de développer la technologie des armements. Pour que cela arrive, il faut que le Canada et ses alliés de l'OTAN et de NORAD donnent l'exemple.

Je respecte leur sincérité, mais je ne suis pas de leur avis. Je fais plutôt partie de ceux qui croient que le vrai désarmement ne peut se faire qu'à l'aide de traités liant tous les signataires, d'un système de vérification fiable et ouvert ainsi que d'une méthode collective pour les violations des accords.

Ne nous y trompons pas. Le Canada courrait-il vraiment des risques s'il n'avait ni armée, ni marine, ni aviation? La vérité, c'est que nous ne sommes pas loin d'en être rendus là. Quel risque y a-t-il à se retirer de l'OTAN ou de NORAD? Il n'y en a pratiquement pas. Et c'est sans doute là le plus précieux cadeau de Dieu au Canada.

Cependant, nous sommes membres d'organismes de défense mutuelle comme l'OTAN et NORAD pour d'autres raisons que notre simple protection. Nous avons des liens historiques et commerciaux avec les autres membres de ces organismes. Nombre d'entre nous sont originaires de certains de ces pays. Il y a aussi la notion que la défense coûte moins cher collectivement, sans oublier qu'on pourrait prévenir toute guerre si tous les pays adhéraient aux ententes.

(2005)

Nous avons accompli de grands progrès dans la voie du désarmement ces dix dernières années, énormément aidés en cela par ce que qui s'est passé en Europe, notamment dans l'ancienne Union soviétique. Mais tant qu'il y aura des armées et des armes, il faudra, pour maintenir la paix, avoir les moyens de se défendre et de défendre ses alliés au besoin, et cela veut dire rester à l'avant-garde de la technologie.

Je ne prétends pas être une spécialiste des systèmes d'armements ni du missile de croisière, mais il suffit de lire un peu pour constater aussitôt que, au fil des ans, il s'est dit bien des faussetés sur ces essais.

Ainsi, beaucoup d'adversaires du missile de croisière ont soutenu qu'il servait uniquement à porter des bombes nucléaires. J'ai encore entendu cette affirmation cet après-midi et ce soir. Des députés ont dit que, en acceptant ces essais, nous favorisions l'expansion de l'armement nucléaire.

Il se trouve que ces missiles ont servi dans la guerre du Golfe, contre Saddam Hussein. Ils portaient des bombes classiques et je crois me souvenir qu'ils atteignaient leur cible avec une étonnante précision.

Un député est allé jusqu'à dire qu'il fallait interdire ces tests parce qu'ils aggraveraient l'instabilité en Russie, que les conservateurs russes y verraient la preuve que l'Ouest menace leur pays.

Ça me paraît passablement tiré par les cheveux. Chose sûre, je ne vois pas dans quel but on voudrait faire pareille déclaration. Certes, je suis tout à fait d'accord qu'il est dans nos intérêts qu'une Russie démocratique s'intègre pacifiquement à l'Europe, mais j'ai du mal à imaginer que des essais de missiles de croisière non armés puissent avoir un impact sur une Russie qui, de l'aveu général, est loin de connaître une relative stabilité.

Je n'arrive pas à trouver beaucoup d'éléments de preuve en faveur de l'idée qui veut que le nucléaire ne fait plus problème. À mon sens, ce qui fait véritablement problème, c'est qu'il s'agit d'une technologie peut-être un peu trop simple et donc qui peut aisément être utilisée à des fins d'armement conventionnel.

Les rapports établis par la Bibliothèque du Parlement fournissent des renseignements pertinents. En voici un extrait:

La préoccupation, bien compréhensible, à l'égard des missiles de croisière nucléaires des superpuissances s'étant atténuée ces dernières années, l'attention s'est portée sur les engins de croisière de plus faible portée et plus simples à fabriquer. Sans être comparables aux systèmes à longue portée américains et russes, des engins antinavires à courte portée, notamment, sont actuellement en service dans un grand nombre de pays et encore plus nombreux sont les pays qui possèdent des programmes pouvant conduire à la mise au point de missiles de croisière. On rapporte qu'aux États-Unis, de hauts responsables sont d'avis que les missiles de croisière constitueront un jour une importante menace de prolifération et que la recherche permet d'augmenter notre capacité de les suivre. En avril 1992, un physicien de MIT, Kosta Tsipis, soutenait, dans un article paru dans le New York Times, qu'on s'était concentré sur les dangers de la diffusion de la technologie des missiles balistiques, alors que la mise au point de missiles de croisière précis pourrait un jour présenter une plus grande menace encore. Toujours selon le professeur Tsipis, la technologie de base pour la fabrication de moteurs d'avion commercial, de gyroscopes et d'autopilotes est, à l'heure actuelle, à la portée de quiconque le souhaite. Selon ses propres termes, tout pays qui peut fabriquer un simple avion est en mesure de construire un missile de croisière capable de transporter une tonne de munitions sur une distance d'au moins 300 milles et de le faire tomber à moins de 30 pieds de la cibleà.
L'une des raisons de poursuivre les essais est que ces essais servent notamment à évaluer les systèmes antimissiles, autrement dit la capacité des radars et des avions à détecter, suivre et intercepter les missiles une fois lancés. Selon le professeur Tsipis, ces informations justifient à elles seules la poursuite des essais.

On peut imaginer que l'examen complet annoncé par le gouvernement pourrait nous mener à la conclusion que nous devrions assumer nous-mêmes notre défense et que nous devrions quitter l'OTAN, le NORAD, ou les deux. Ce dont je doute fort.

En tout cas, il me semble qu'il convient d'abord d'annoncer l'examen de la politique en vigueur et seulement ensuite d'apporter les changements nécessaires à sa mise en oeuvre. N'est-ce pas là tout le but de revoir une politique-chercher à savoir ce


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que les experts et les Canadiens ordinaires pensent que l'on devrait faire avant d'apporter des changements?

(2010)

En fait, c'est ce que, selon le porte-parole du Parti libéral pour les affaires extérieures d'alors, le député de Winnipeg-Sud-Centre, le gouvernement aurait dû faire avant de reconduire l'accord autorisant la poursuite des essais en février de cette année. Il n'a pas dit que le gouvernement devrait organiser un débat d'une journée à la Chambre. Il a dit que si son parti était élu, il tiendrait des audiences dans tout le pays. C'est vraisemblablement ce que va faire le Comité de la défense, du moins à mon avis. Dans leur livre rouge, les libéraux font tout un plat de leur engagement à l'égard de la «démocratisation de la politique étrangère».

Nous prenons le gouvernement au mot là-dessus. Nous lui gageons que ce débat fera partie du dialogue sincère que les libéraux se sont engagés à tenir avec les Canadiens lors de leur campagne électorale. Le gouvernement libéral devrait tenir sa promesse et ne pas apporter de changements substantiels à la politique de défense avant la fin de ces audiences. Cela, ajouté au fait qu'il est sage de se préparer au pire tout en négociant pour essayer d'améliorer les choses, laisse penser que l'on ne devrait pas mettre fin à ces essais.

À cet égard, je note que, selon le Ottawa Citizen du samedi 22 janvier, le gouvernement aurait déjà décidé d'autoriser la poursuite des essais alors qu'il s'y était opposé du temps que les libéraux étaient le parti de l'opposition. J'en suis ravie. Mais si nous sommes d'accord sur la décision, si ce que dit le journal est vrai, cela augure mal de l'engagement déclaré du gouvernement à l'égard de la démocratisation du processus.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Monsieur le Président, l'honorable députée de Saint John a touché à deux aspects qui m'intéressent particulièrement. Elle a parlé de pertes d'emplois potentielles dans le chantier maritime de son comté et de l'usage des missiles de croisière en fonction d'une technique de guidage qui serait davantage précise. Je commence par ce deuxième point et je reviendrai au premier, demandant à l'honorable députée de Saint John de commenter.

Au sujet de l'accroissement de la précision des systèmes de guidage pour les missiles de croisière, on a là une indication très fine du fait que ces missiles ne seront pas utilisés pour transporter des charges nucléaires. Avec une charge nucléaire, on n'a pas besoin d'une grande précision. À l'intérieur d'un kilomètre, on appelle cela, en anglais, un bull's eye. Si on veut de la grande précision, c'est justement pour livrer une charge conventionnelle qui va permettre de faire une opération chirurgicale. Donc, les tests que les Américains nous demandent vont dans le sens d'une dénucléarisation des conflits. C'est ma perception et je demanderai tantôt à mon honorable collègue de réagir et de me donner sa perception sur le même sujet.

Parlons maintenant des emplois. Nous parlons de guerre et de paix depuis un bon nombre d'heures. Mais à mon sens, les véritables enjeux sont la technologie et les emplois. Nous n'aurons pas de guerre dans un avenir prochain. Nous n'en aurons pas, parce qu'il y a des efforts diplomatiques sur plusieurs fronts qui vont permettre de résoudre un certain nombre de tensions. Mais, en attendant, il y a un énorme appareil industriel militaire qui a besoin de contrats, et les Américains savent très bien nourrir cet appareil-là. Je sais, par ailleurs, et un député libéral en faisait mention cet après-midi, il serait intéressant de reconvertir l'industrie militaire vers l'industrie civile. Or, ces technologies dont nous parlons, c'est-à-dire la perception des formes par l'intelligence artificielle avec des programmes informatisés est une technologie qui s'applique très bien dans nos usines pour permettre que certains travaux puissent être assistés par le concours de l'ordinateur. On voit donc qu'il y a des emplois reliés à tout cela. Les Américains le voient très bien. Nous, nous parlons de paix et de guerre. Qu'en pense l'honorable députée de de Saint John?

[Traduction]

Mme Wayne: Monsieur le Président, j'ose croire que nous ne parlons pas de guerre, mais bien de paix.

(2015)

À mon avis, le Canada doit se tenir à la fine pointe de la technologie. Il doit travailler avec ses partenaires du Sud pour assurer le maintien de la paix.

Comme je l'ai dit dans mes observations, nous devons conclure des accords et des traités, mais dans le but d'éviter la guerre. Lorsqu'il s'agit de haute technologie et d'emplois, j'estime qu'avec l'Accord de libre-échange que le gouvernement a conclu-je suis très heureuse qu'il ait signé cet accord environ 18 jours après les élections parce qu'il estimait que celui que nous avions négocié était tellement bon; cela m'a réellement plu; c'était merveilleux-nous aurons des emplois pour les Canadiens.

Je ne crois pas qu'en travaillant avec nos partenaires du Sud, nous perdrons des emplois. J'estime que nous créerons des emplois pour les Canadiens.

M. Jim Silye (Calgary-Centre): Monsieur le Président, je tiens à féliciter la députée de Saint John pour le discours qu'elle a prononcé sur ce sujet. Je suis à la Chambre depuis le commencement du débat, cet après-midi, et j'estime que l'opinion qu'elle a exprimée est la plus sensée, la plus réfléchie et la plus claire que nous ayons entendue ou, du moins, que j'aie entendue aujourd'hui.

Il est important que nous entendions les deux points de vue sur cette question. Celui-ci était très bien exprimé et le discours de la députée m'a réellement plu.

Mme Wayne: Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir prendre la parole. C'est là, je pense, la liberté à laquelle nous aspirons tous.

Nous sommes tous ici pour représenter les gens qui nous ont élus. J'espère que nous ferons front commun pour défendre les meilleurs intérêts du Canada.

Pour en venir à la question qui nous intéresse aujourd'hui, il est extrêmement important, selon moi, que les essais des missiles de croisière aient lieu. À mon avis, et de l'avis de mon parti, la poursuite de ces essais sera un facteur de dissuasion, personne ne connaissant exactement les intentions de l'ex-Union soviétique.


436

J'ajouterai simplement, et je serai brève, que le gouvernement allemand m'a invitée à me rendre en Allemagne pour constater les résultats de la réunification. J'ai eu l'occasion d'aller des deux côtés du mur de Berlin. C'est le jour et la nuit. D'un côté, les gens vivent effectivement dans l'harmonie. De l'autre, on trouve encore des soldats. Ayant vu de mes propres yeux comment ça se passait, je ne peux qu'inviter tous les députés de la Chambre à voter en faveur de la poursuite des essais des missiles de croisière au Canada pour que ce soit un facteur de dissuasion. Il ne faut pas se fier aux apparences.

Quand le mur de Berlin s'est écroulé, nous avons tous pensé que tout allait rentrer dans l'ordre. Or, ça ne s'est pas encore produit et ça ne se produira pas de sitôt. Nous avons donc grandement intérêt à nous tenir prêts.

L'hon. William Rompkey (Labrador): Monsieur le Président, je voudrais féliciter la députée de Saint John de son premier discours. C'était un discours très réfléchi où elle a d'ailleurs mentionné des arguments que je voulais aussi présenter.

Je serai bref, car la journée a été longue. Je voudrais féliciter le gouvernement d'avoir proposé ce débat avant de prendre sa décision. Cela m'amène à l'argument du député de Burnaby-Kingsway qui voulait que l'on prenne une décision maintenant sur les essais des missiles de croisière, une décision négative, puis que l'on procède à un examen de la politique de défense.

Il me semble que la bonne façon de procéder est tout le contraire de celle-là. C'est dans le contexte d'un examen de la politique de défense qu'il faut considérer l'essai des missiles de croisière et tous les autres accords de défense que le Canada peut avoir. Comme certains l'on fait remarquer plus tôt, il ne s'agit pas d'un débat pour ou contre une arme nucléaire. Il s'agit d'un vecteur qui peut porter une ogive nucléaire ou une charge classique.

Le débat ne porte donc pas sur les armements nucléaires. D'ailleurs, les armes nucléaires ne sont pas autorisées sur le territoire canadien. C'est une initiative que les libéraux avaient prise et qui est maintenant loi. Les armes nucléaires sont interdites au Canada.

Donc, ce n'est pas un débat sur les armes nucléaires, mais un débat sur l'essai de systèmes vecteurs appartenant à un de nos partenaires en Amérique du Nord, un de nos collègues de l'OTAN et du NORAD. Je pense qu'il nous faut être très prudents dans la façon dont nous traitons ce partenaire et aussi ce type de vecteur militaire.

(2020)

Il se peut que nous ne voulions pas poursuivre les ententes qui nous lient actuellement aux Américains et qu'il ne soit pas nécessaire de le faire mais, je le répète, cette question doit être examinée dans le cadre d'un examen général de notre politique de défense. Le Parti libéral s'est engagé à entreprendre un tel exercice lorsqu'il était dans l'opposition et il demeure fidèle à cet engagement. Je crois que nous ne pouvons examiner l'avenir des essais du missile de croisière que dans ce contexte. Nous ne voudrons peut-être pas poursuivre indéfiniment ces essais.

Je crois que nous devons, dans les circonstances actuelles, faire preuve d'une grande prudence avant de renoncer à une arme. L'effondrement du mur de Berlin et la fin de la guerre froide n'ont pas entraîné une plus grande stabilité; je crois plutôt que la situation mondiale est plus instable aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été. Les Forces canadiennes ont participé il y a peu à la guerre du Golfe et, comme le disait plus tôt un député, le missile de croisière s'est révélé très efficace pour mettre fin au conflit.

Il y aura d'autres conflits comme celui de la guerre du Golfe et le Canada y participera avec ses alliés. L'OTAN a joué un rôle important dans ce conflit. Ses troupes ne sont pas intervenues sous le drapeau de l'OTAN, mais cette organisation a joué un rôle important dans la guerre du Golfe; l'unité, la formation et la cohésion de l'OTAN ont grandement contribué à mettre fin à ce conflit. Compte tenu de l'instabilité actuelle sur la scène mondiale, nous devons aborder avec beaucoup de prudence la question du démantèlement des armes et de la dissolution des alliances actuelles.

En quoi sommes-nous gagnants? Nous le sommes dans la mesure où notre mode de vie, nos croyances et notre philosophie ont eu gain de cause grâce à la force que nous possédions et que nous avons pu montrer, sans avoir à l'utiliser. Cette force a permis à l'OTAN d'éviter la guerre. L'OTAN est l'alliance militaire qui a connu la plus grande réussite de l'histoire; elle est probablement la force la mieux équipée et la mieux formée qu'on ait jamais vue, et pourtant elle n'est jamais allée en guerre. L'alliance a réussi simplement parce qu'elle existait et que tout le monde connaissait son existence et sa puissance.

L'alliance de l'OTAN a été une réussite parce que nous avons su montrer notre force et c'est pourquoi nous devons faire preuve d'une grande prudence avant d'entamer une diminution de notre puissance. Il est important de négocier en s'appuyant sur la force et non pas sur la faiblesse.

Notre force repose en grande partie sur celle des États-Unis. Les États-Unis ne jouissent pas d'une estime universelle et nombreux sont ceux qui voient d'un mauvais oeil que les États-Unis jouent de plus en plus le rôle de gendarme de la planète. Je préférerais voir l'ONU remplir ce rôle car il est indéniable que toutes les alliances auxquelles participent le Canada et d'autres pays alliés des deux côtés de l'Atlantique dépendent en grande partie de la puissance de la machine de guerre américaine. Les circonstances actuelles nous obligent à réfléchir longuement avant de réduire la puissance de cette machine et de nos alliances.

En terminant, je répéterai simplement, car il n'est pas nécessaire d'étirer le débat, que l'examen des essais du missile de croisière doit se faire dans le cadre de l'examen général de notre politique de défense. Je crois que c'est de toute évidence la ligne de conduite que nous devons suivre et c'est pourquoi je conseille au gouvernement de maintenir l'entente actuelle. Le Canada a signé cette entente, et que ce soit avec les États-Unis ou n'importe quel autre partenaire, nous devons faire preuve d'une grande


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prudence car l'annulation unilatérale d'une entente pourrait entacher notre crédibilité.

La poursuite ou la cessation des essais du missile de croisière dans l'avenir doit être examinée exclusivement dans le cadre du réexamen de notre politique de défense.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): Madame la Présidente, je reviens sur le même thème parce que je suis intéressé à connaître l'opinion des divers députés qui interviennent dans le débat d'aujourd'hui en matière d'emploi.

(2025)

Tantôt, l'intervenante précédente disait que l'ALENA nous permettrait d'avoir accès à ces nouvelles technologies. Mais il faut comprendre qu'il s'agit de technologies classifiées, puisqu'elles sont militaires, par le DOD américain. Il faudrait donc que des ententes particulières entre le Canada et les États-Unis puissent permettre à nos entrepreneurs d'avoir accès à ce type de haute technologie et aux contrats de recherche et développement qui se font autour de cette technologie. J'aimerais avoir la réaction de notre collègue de Labrador à ce sujet.

[Traduction]

M. Rompkey: Madame la Présidente, je ne suis par certain d'avoir bien compris toute la question. Je regrette, mais est-ce que le député pourrait la répéter?

M. de Savoye: Madame la Présidente, je voulais dire que grâce à l'ALÉNA, on a accès aux marchés de là-bas, mais que dans ce cas précis, il s'agit de technologie classifiée. Il n'est pas évident que le département de la Défense mettra cette technologie à notre disposition ou à la disposition de nos fournisseurs. Que devrait faire le gouvernement libéral ou que croyez-vous que votre gouvernement devrait faire pour que les Américains donnent à nos fournisseurs accès à cette technologie et aux contrats de recherche et développement qui viennent avec?

M. Rompkey: Madame la Présidente, ce n'est pas moi qui ai soulevé la question de l'ALÉNA, je crois que c'était la députée de Saint John.

Peu importe; il me semble qu'on peut partager ce genre d'informations de diverses façons. Il existe des accords entre le Canada et les États-Unis en matière de défense. Il y a les accords de production de défense et divers autres mécanismes qui permettent le partage de renseignements. Je crois qu'il est tout à fait possible, dans le cadre des divers accords de coopération et alliances qui existent, d'obtenir que les États-Unis nous donnent accès aux renseignements dont parle le député.

M. Jack Iyerak Anawak (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien):

[Note de l'éditeur: Le député parle en inuktitut.]

[Traduction]

Madame la Présidente, je suis heureux de participer à ce débat très important. Avant de commencer, je veux faire remarquer certains propos qu'ont tenus les députés des circonscriptions de Saint John et du Labrador. Ils veulent faire une distinction entre les essais des missiles de croisière, selon que les missiles transportent des armes nucléaires ou conventionnelles.

Je tiens à signaler qu'une arme, qu'elle soit conventionnelle ou nucléaire, est un instrument de destruction. Nous parlons d'une arme devant servir en cas de guerre. Les armes conventionnelles tuent un peu moins de monde à la fois, mais elles tuent quand même.

Je tiens à remercier mon collègue, le ministre de la Défense nationale, et son secrétaire parlementaire, pour nous avoir donné la chance de nous exprimer sur cette question. Je suis fier de mon parti et de mon chef, le très honorable premier ministre, qui ont permis à la Chambre de discuter de cette question avant qu'une décision finale soit prise.

Les essais des missiles de croisière sont un sujet qui touche particulièrement les habitants des Territoires du Nord-Ouest. En tant que député de la région, j'ai le devoir de faire valoir le point de vue de mes électeurs à la Chambre.

La population des Territoires du Nord-Ouest a des idées bien arrêtées là-dessus. Depuis 1984, quand les essais ont commencé au-dessus de la vallée du Mackenzie, l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest a adopté six résolutions manifestant son opposition aux essais. Le gouvernement et les habitants des Territoires du Nord-Ouest ont envoyé un nombre incalculable de lettres pour y exprimer leurs préoccupations.

La population de la région a eu beau exprimer son opposition clairement et fréquemment, l'accord a été renouvelé à chaque fois. Malgré les objections de la population nordique, l'accord initial sur les essais des missiles de croisière a été reconduit en 1988, pour une autre période de cinq ans. En 1989, le gouvernement du Canada a autorisé les essais des missiles de croisière perfectionnés. En 1993, le gouvernement a accepté de renouveler l'accord pour dix ans sans même consulter le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

(2030)

Les habitants de la région ont été choqués que l'on fasse fi de leur opinion. Les habitants du Nord ont l'impression qu'ils n'ont pas été entendus. Ce qui est en question, pour les habitants du Nord, c'est leur droit de décider de l'utilisation de leur territoire.

Les Territoires du Nord-Ouest sont vastes, mais ils ne sont pas vides. Les Dénés et les Inuvialuit, soit les autochtones de l'Arctique de l'Ouest où l'on effectue les essais, sont installés dans la région depuis des milliers d'années. Plus récemment, beaucoup plus récemment, des non-autochtones ont choisi d'aller s'établir dans les Territoires du Nord-Ouest.

Bien que la population de cette région puisse sembler peu importante par rapport aux zones urbaines du Sud, tous les habitants des Territoires du Nord-Ouest collaborent pour assurer un avenir meilleur à leurs enfants. Cet avenir repose en grande partie sur le règlement des revendications territoriales des peuples autochtones. Bien qu'on enregistre des progrès dans ce domaine, tous les peuples autochtones n'ont pas encore eu satisfaction. Les négociations se poursuivent.


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Pour ceux qui ont obtenu gain de cause et pour les autres, la protection et l'amélioration du mode de vie et de l'économie traditionnels sont une préoccupation majeure. Bien que la plupart des autochtones se soient installés dans des communautés, leur culture et des raisons économiques veulent qu'ils se retrouvent en pleine nature plusieurs fois par an. Leurs territoires de chasse et de piégeage traditionnels peuvent se trouver à des milles de leur communauté de base.

C'est pourquoi lorsque les missiles de croisière survolent la vallée du Mackenzie en direction de la mer de Beaufort, ce ne sont pas des territoires vides et inoccupés qu'ils survolent mais bien des territoires qui ont été habités, exploités et aimés par des générations successives et qui le sont encore.

Les habitants du Nord voient pour eux un avenir plus étroitement lié à celui de leur voisins circumpolaires. Tout comme il est sans doute naturel pour les Canadiens du Sud de se tourner vers le Sud, il est plus encore naturel pour les gens du Nord de se tourner vers le Nord et les régions du pôle.

Les habitants des Territoires du Nord-Ouest ont beaucoup de choses en commun avec ceux des régions circumpolaires. Outre le climat, ils partagent de nombreuses préoccupations socio-économiques. Nous pensons pouvoir apprendre les uns des autres et contribuer au développement de chacun.

Dans le Nord, les gens sont pacifiques. Nous sommes mal à l'aise à la pensée que notre territoire sert à des essais militaires.

Nous craignons les conséquences d'un accident et les dégâts que cela causerait à nos communautés, à la faune et à l'environnement. À l'heure actuelle, le danger que représentent, pour les habitants des Territoires du Nord-Ouest, les risques d'accident au cours des essais du missile de croisière américain, est beaucoup plus réel que les risques d'attaque de la part de l'ex-Union soviétique. Il y a déjà eu des accidents, croyez-moi.

En 1990, un appareil canadien CF-18 s'est écrasé juste à l'extérieur d'Inuvik alors qu'il suivait un missile de croisière qui venait d'être lancé d'un bombardier B-52.

En 1986, deux missiles de croisière ont disparu pendant les essais. L'un s'est écrasé près de Primrose, en Alberta, et l'autre s'est abîmé dans la mer de Beaufort.

En février dernier, lorsque le Canada a renouvelé l'entente autorisant les essais du missile de croisière avec les États-Unis sans consulter le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ni les organisations autochtones du Nord, le chef du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a écrit au ministre de la Défense nationale pour lui faire part de son désappointement étant donné que le point de vue des personnes les plus directement touchées par ces essais n'était même pas pris en considération.

D'autres députés de l'assemblée législative avaient aussi exprimé leur opinion à cet égard. Entre autres, M. Jim Antoine, représentant de la nation dénée de Nahendeh, a tenu des propos très éloquents dont je voudrais faire part à la Chambre et aux Canadiens. Voici un extrait de sa déclaration faite devant l'assemblée législative de Yellowknife, le 23 février de l'an dernier:

Ces missiles volent dans l'espace aérien des Dénés de ma circonscription. J'ai parlé à des personnes qui vivent dans le bois et qui s'adonnent au piégeage, et elles m'ont dit avoir vu des missiles voler au-dessus des arbres. Ces missiles sont suivis par des bombardiers B-52.
Je m'oppose aux essais du missile de croisière et je m'oppose aussi à la guerre. J'ai vu à la télévision l'usage qu'on a fait de ces missiles lors du conflit en Iraq. J'ai vu le potentiel de destruction de ces missiles de croisière. Cela m'a perturbé. J'avais le sentiment que les Territoires du Nord-Ouest avaient contribué à cette destruction en autorisant les essais de ces missiles dans l'espace aérien situé au-dessus de nos terres.
Les résidants du Nord continuent d'être perturbés par l'activité militaire dans notre territoire. S'il est vrai que la présence militaire a permis d'améliorer les services de transport et de communication, et qu'elle a favorisé l'emploi, la formation et les possibilités d'affaires pour les gens du Nord, il n'en demeure pas moins que ces avantages n'ont pas été aussi importants que ces personnes l'avaient espéré. Aux yeux d'un grand nombre de résidants du Nord, les conséquences sociales et environnementales négatives des essais du missile de croisière, des vols de formation à basse altitude et des activités militaires connexes l'emportent sur les avantages. Un certain nombre d'organisations autochtones et non-autochtones du Nord prônent la démilitarisation de l'Arctique depuis des années. La Conférence circumpolaire inuit a fait oeuvre de pionnier à cet égard.

(2035)

En 1990, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest publiait un document de travail sur l'activité militaire dans le Nord. Les auteurs du document proposaient la création d'une zone circumpolaire de paix et de sécurité. Même si le ministère de la Défense nationale n'a pas accueilli favorablement cette proposition à l'époque, j'aimerais que la possibilité de créer une telle zone circumpolaire de paix et de sécurité soit de nouveau envisagée. Il va de soi que les essais du missile de croisière n'auraient pas leur place si une telle zone était créée.

Quoi qu'il en soit, les gens du Nord ne voient tout simplement pas la nécessité de poursuivre les essais du missile de croisière au-dessus de leur territoire. À cet égard, le chef du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a récemment déclaré:

Selon nous, les essais du missile de croisière effectués dans le cadre de l'activité militaire dans les Territoires du Nord-Ouest ne peuvent plus être justifiés, compte tenu des changements importants qui sont survenus sur la scène internationale au cours des dernières années.
Je suis d'accord avec cette déclaration. Les résidents du Nord sont conscients du fait que même si la guerre froide est terminée, d'autres préoccupations ont vu le jour en matière de sécurité. Néanmoins, ces personnes se demandent si les solutions militaires habituelles sont appropriées ou si elles sont les seules solutions possibles. Dans bien des cas, une aide économique peut être beaucoup plus utile pour assurer notre sécurité à long terme que des démonstrations de force.

Je suis d'avis que les résidents du Nord, qui ont une perspective unique en matière de paix et de sécurité, peuvent apporter une contribution utile à l'étude prochaine de la politique de défense nationale. Ces personnes devraient être bien représentées et leur opinion devrait être soigneusement prise en considération dans le cadre de cet exercice.

L'amélioration des communications et de la coopération avec leurs voisins circumpolaires permet aux résidents du Nord de créer des ponts au-dessus de l'océan Arctique. Les peuples du


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Nord créent de nouvelles amitiés tout en renforçant les liens existants. Je signale à ceux qui ne le sauraient pas qu'une entreprise du Nord a récemment construit un village en Sibérie.

Les résidents du Nord n'estiment pas que la poursuite des essais du missile de croisière dans les Territoires du Nord-Ouest favorisera les objectifs de paix et de sécurité améliorées. Par contre, l'interruption de ces essais pourrait constituer un grand pas vers l'instauration d'un nouveau régime de sécurité circumpolaire.

Les essais du missile de croisière ne sont qu'un volet de l'accord-cadre bilatéral sur les essais d'armes avec les États-Unis. Il est possible de mettre fin à cet aspect particulier de l'entente, sans pour autant résilier intégralement l'accord.

Les résidents du Nord ne demandent pas la résiliation complète de l'accord-cadre. Ils demandent seulement qu'on mette un terme aux essais du missile de croisière. Le gouvernement doit annuler ces essais.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je rappelle à la Chambre que les questions doivent porter sur l'intervention précédente.

M. Pat O'Brien (London-Middlesex): Madame la Présidente, comme bien d'autres députés, je reste perplexe face à cette question. J'ai vraiment apprécié les observations que vient de faire le député. Je suis convaincu que nous comprenons tous l'inquiétude qu'il doit ressentir en sa qualité de représentant des Canadiens qui sont le plus directement concernés par cette importante décision. Franchement, je n'aurais aucune objection à ce que la politique étrangère canadienne adoptée par le gouvernement reflète un léger esprit d'indépendance à l'égard des États-Unis.

Je voudrais savoir ce que pense le député de l'argument en faveur des essais qui me semble le plus convaincant et qui est le suivant. En tant que partenaire des États-Unis au sein de NORAD, est-ce que, dans une certaine, sinon dans une grande mesure, nous ne sommes pas tenus d'autoriser ces essais?

Je me demande si le député peut répondre à cette question. J'ai écouté attentivement ses observations. Elles étaient excellentes, mais je n'ai rien entendu concernant l'argument que je viens de rappeler. Je suis sincèrement curieux d'entendre comment il réfuterait cet argument, qui me paraît important.

M. Anawak: Madame la Présidente, permettez-moi simplement de souligner que nous avons vraiment conclu des accords avec d'autres pays, aussi bien sur des questions militaires que sur d'autres questions. C'est exact, nous avons signé des accords, des traités ou des pactes avec d'autres pays. Je rappelle que le Canada est toujours un pays indépendant. Je suis très fier que le Canada soit un pays libre. Les Canadiens sont des gens pacifiques.

(2040)

Comme je l'ai fait remarquer à la fin de mon intervention, je ne pense pas que nous ayons un accord avec les États-Unis qui puisse être dénoncé d'année en année. Je ne pense pas non plus que nous risquions de provoquer un différend avec les États-Unis et, franchement, si c'était le cas, cela ne m'inquiéterait pas. Je ne crois pas que nous allons avoir des ennuis si nous décidons d'annuler les essais de missiles de croisière dans le Grand Nord.

Comme je l'ai dit à un député d'en face, la pomme de discorde qu'il pourrait y avoir a changé depuis deux ou trois ans. La situation n'est plus la même. Si les Américains devaient déclencher une attaque, ce ne serait pas contre l'Union soviétique.

Malgré les inquiétudes que soulève le fou de Russie-son nom m'échappe, mais peu importe-, je ne crois pas que c'est une menace. Par conséquent, la menace ne vient pas de la Russie. L'Union soviétique n'existe plus. La menace vient davantage des autres pays qui peuvent être en train de mettre au point des armes nucléaires.

Pourquoi ne demandons-nous pas aux États-Unis de faire les essais de leurs missiles de croisière au-dessus d'un territoire de même nature. Si ce territoire similaire se trouvait entre Ottawa et Montréal ou entre Toronto et Vancouver, pourquoi ne pas le faire au-dessus?

[Français]

M. Bernard Deshaies (Abitibi): J'aimerais poser une courte question à l'honorable député. Moi aussi, j'ai des sentiments mitigés face à cette question, et comme je partage, comme lui, une circonscription qui est délimitée par le Grand-Nord, j'aimerais lui poser la question suivante: Vu que notre pays et sa région n'ont jamais connu la guerre, si notre pays connaissait un jour la guerre et qu'on n'avait pas appris à se défendre soit avec des alliés ou par soi-même, est-ce que le député a la conviction qu'il aurait pris la bonne décision encore aujourd'hui?

[Traduction]

M. Anawak: Madame la Présidente, au cours de son intervention, la députée de Saint John a bien précisé que les missiles de croisière qui transportaient des armes conventionnelles étaient très précis.

Il serait faux de prétendre que nous n'avons pas les connaissances nécessaires pour construire un missile de croisière pouvant atteindre une cible à quelques pieds près. Il serait faux de prétendre que nous perdrons du terrain si nous ne poursuivons pas les essais des missiles de croisière.

Nous possédons déjà des armes qui, lancés à des centaines de milles de distance, peuvent atteindre leur cible à quelques pieds près. Je ne crois pas que nous aurons des ennuis si les missiles de croisière ne sont pas testés. Tels qu'ils sont aujourd'hui, les missiles peuvent déjà anéantir leur cible.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Madame la Présidente, je suis honoré d'avoir l'occasion ce soir d'intervenir en tant que représentant de la circonscription d'Edmonton-Sud-Ouest et des habitants de cette belle région.

Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter, vous et tous les députés qui ont été élus et qui ont l'honneur et la responsabilité de siéger à cette Chambre.


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Comme il s'agit de mon baptème d'orateur, je demande l'indulgence des députés qui voudront bien me permettre de faire les salutations d'usage et de décrire brièvement la circonscription d'Edmonton-Sud-Ouest que je représente.

(2045)

Je voudrais avant tout remercier les électeurs d'Edmonton-Sud-Ouest qui m'ont choisi pour les représenter et en particulier tous ceux qui ont travaillé de façon acharnée et désintéressée pour me faire élire. Je voudrais aussi remercier sincèrement les membres de ma famille sans qui je ne serais pas ici aujourd'hui. Ils sont probablement les téléspectateurs les plus attentifs en ce moment.

La vie nous réserve bien des surprises. Parfois, les choses vont mal, même si vous croyez que tout se déroulera parfaitement. Les membres de ma famille ont dû se rendre chez un ami pour regarder le débat, car notre télévision est alimentée par le satellite Anik II qui est défectueux. Comme quoi rien n'est prévisible dans la vie. Il faut être prêt à toute éventualité. C'est d'ailleurs ce sur quoi porte le débat d'aujourd'hui, mais j'y reviendrai dans un instant.

Je tiens donc à remercier les électeurs d'Edmonton-Sud-Ouest qui m'ont élu et je leur promets, à eux ainsi qu'à vous, mes collègues, de les représenter avec loyauté, honneur et dignité et de ne pas trahir la confiance qu'ils m'ont accordée. Je promets également de représenter cette Chambre avec tout autant d'honneur, de dignité et de loyauté afin de ne pas trahir la confiance qui unit les députés.

Il est également de mise pour les députés de reconnaître le travail effectué par ceux qui ont par le passé représenté les gens de leur circonscription. On ne le fait pas toujours, mais je me dois de respecter cette tradition puisque mon siège était occupé au cours de la dernière législature et des deux législatures précédentes par M. Jim Edwards. Nos positions politiques respectives ont évolué dans des sens différents, mais Jim m'a toujours traité et il a toujours traité ses adversaires et ses alliés politiques avec dignité et avec bonté, et je suis sûr que d'autres députés voudront avec moi souhaiter bonne chance à Jim, à son épouse, Sheila, et à leurs enfants.

La circonscription d'Edmonton-Sud-Ouest est presque à 100 p. 100 urbaine. Elle englobe quelques terres agricoles à l'extrême sud et à l'extrême ouest, mais elle est à 90 p. 100 urbaine. Elle compte très peu d'industries, mais beaucoup de commerces du détail; on y trouve le plus grand centre commercial au monde, plus grand que tout ce qui existe aux États-Unis. Le Mail des Amériques constituera un secteur du grand West Edmonton Mall, qui est une destination touristique qu'on devrait toujours visiter lorsqu'on parcourt la belle et merveilleuse province de l'Alberta.

La composition démographique de la circonscription d'Edmonton-Sud-Ouest est aussi agréablement variée que celle du Parlement. C'est merveilleux de siéger ici, au milieu d'une assemblée qui reflète vraiment notre grand pays. Edmonton-Sud-Ouest abrite des autochtones, des immigrants récents et des enfants d'immigrants de plus longue date. C'est une circonscription très pluraliste. Notamment, la succursale de la Banque Toronto-Dominion dont je suis client est bilingue. Ses enseignes extérieures sont en anglais et en chinois. Notre circonscription et notre pays changent. Ils évoluent et nous devrions le reconnaître et nous en réjouir. Nous ne devrions pas nous en effrayer. Les électeurs d'Edmonton-Sud-Ouest se réjouissent, je crois, du caractère pluraliste de notre société.

Les électeurs d'Edmonton-Sud-Ouest m'ont envoyé ici avec le mandat très clair de les représenter et non d'en faire à ma tête. Ils m'ont envoyé ici pour inculquer le sens de l'économie et de la responsabilité au gouvernement. Ils m'ont envoyé ici pour faire partie d'un Parlement qui mettra un frein aux dépenses effrénées et scandaleuses qui sont le fait de tous les ordres de gouvernement depuis vingt ans au Canada. Ils m'ont envoyé ici pour essayer de faire comprendre à tous mes honorables collègues que cela ne peut plus durer. Tôt ou tard, nous devrons commencer à vivre selon nos moyens. Il nous faut prendre conscience de la situation réelle dans le monde et au Canada et cesser de voir le monde comme nous voudrions qu'il soit.

(2050)

Mes électeurs m'ont aussi envoyé ici avec un autre mandat et c'est d'être franc, direct et honnête dans mes échanges, en leur nom, avec le Bloc. Nous voulons que notre Canada demeure uni, mais nous voulons que cette unité repose sur des fondations solides, ce qui signifie que tous les protagonistes dans le grand débat qui débutera inévitablement dans un an environ doivent tout mettre sur la table et discuter de bonne foi pour que nous puissions régler la question une fois pour toutes et passer à autre chose.

C'est exactement le genre d'engagements que je prends envers les députés du Bloc et je leur promets que ce sera un débat constructif et honnête. J'y représenterai les électeurs de ma circonscription qui, ne vous trompez pas, veulent que le Canada demeure uni.

Je passe rapidement au débat sur les missiles de croisière. Je n'ai pas beaucoup de choses à dire parce que pratiquement tout ce que j'avais à dire a été dit par d'autres, souvent avec beaucoup d'éloquence et souvent avec beaucoup de conviction.

Je ne prétends pas être un spécialiste des questions de défense et encore moins un spécialiste des missiles de croisière. J'ai demandé à prendre part au débat parce que je voulais faire part des sentiments des habitants d'Edmonton-Sud-Ouest, que je représente, envers ce genre de questions qui mettent en jeu la parole du Canada, car c'est bien de cela qu'il s'agit ici. Nous parlons de la valeur de notre parole lorsque nous concluons un accord avec un de nos partenaires dans la communauté des nations.

C'est cela qui se trouve au coeur de la position que je veux défendre dans le débat. Lorsque notre gouvernement national


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prend un engagement vis-à-vis un autre gouvernement, on peut dire, à toutes fins utiles, qu'il prend un engagement au nom de chacun d'entre nous.

Il y a donc un truisme qui découle d'une telle situation et c'est que votre parole vous lie. Nous ne valons que ce que vaut notre parole, individuellement et collectivement, en tant que nation.

Un précédent gouvernement du Canada a pris un engagement en notre nom et nous sommes donc tenus d'honorer cet engagement encore aujourd'hui. Mais, fondamentalement, nous devrons permettre ces essais pour les raisons suivantes.

Nous avons conclu une entente de bonne foi avec les États-Unis et nous devons nous y conformer. Les missiles de croisière peuvent être équipés d'ogives conventionnelles. Beaucoup de pays peuvent maintenant fabriquer et utiliser des missiles de croisière, aussi est-il dans notre intérêt d'apprendre comment les dépister et les intercepter.

Les essais de missiles de croisière ont un aspect défensif que l'on ne peut nier. À moins que ces missiles ne soient testés en vol, comment nos pilotes et nos préposés aux radars pourraient-ils apprendre à les intercepter?

Le corridor d'essai se trouve dans une zone très peu peuplée, ce qui pose très peu ou pas du tout de désagréments aux Canadiens et à la faune. Je suis prêt à admettre, comme l'a dit le député avant moi, que c'est un territoire habité. Il y a des gens qui vivent là et nous ne devrions pas procéder aux essais sans au moins leur demander leur permission, par simple courtoisie.

Ce qui est très important c'est que nous avons l'obligation de coopérer avec notre partenaire du NORAD, organisme qui protège l'Occident depuis 40 ans. De plus, comme d'autres l'ont fait remarquer, nous entrons de temps à autre dans des négociations bilatérales avec les Américains. Comment vous sentiriez-vous si, après avoir entretenu de bonnes relations avec votre voisin et après avoir veillé sur son confort pendant 40 ans, il vous refusait de vous prêter sa tondeuse à gazon?

Il doit y avoir réciprocité. Nous devons travailler ensemble.

(2055)

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Madame la Présidente, je veux répondre au député d'Edmonton-Sud-Ouest, qui a dit que nous sommes tenus par l'honneur de respecter cet accord.

À mon avis, nous sommes tenus par l'honneur d'assurer l'avenir de nos enfants et de leurs enfants. Un groupe de médecins de l'Alberta a dit un jour qu'il n'existe qu'un seul traitement pour la guerre: la prévention.

Je prie instamment le gouvernement d'envisager d'annuler les essais du missile de croisière et de jouer un rôle de chef de file dans les efforts en vue de prévenir la guerre. Je voudrais que mon collègue d'en face pense à cela également.

Les députés ont eu une occasion incroyable hier de débattre une question qui revêt une grande importance à l'échelle mondiale. Toutefois, la teneur du débat portait surtout sur le traitement de la guerre.

Il y a des peuples qui se battent depuis que le monde est monde et, comme nous avons pu le constater hier, il est extrêmement difficile, sinon impossible, de traiter les victimes de ce fléau qu'est la guerre.

Le gouvernement entreprend un examen de sa politique de défense. Le rôle du Canada comme pacificateur et comme gardien de la paix doit être redéfini à la lumière des changements qui se produisent dans le monde.

Je remercie le gouvernement de favoriser un débat ouvert sur ces deux questions, soit le maintien de la paix en Bosnie et les essais du missile de croisière.

Ce débat est particulièrement important pour les nouveaux députés comme moi-même et mon collègue, car il nous permet d'envoyer un message très clair à nos électeurs dans Edmonton-Sud-Ouest et dans York-Simcoe.

Les Canadiens savent que le premier ministre est sérieux et déterminé à tenir compte des opinions de tous les députés, qu'ils représentent ou non le parti ministériel, qu'ils fassent ou non partie du Cabinet.

Les débats des deux derniers jours sont cruciaux parce que ce n'est qu'en procédant à un examen global de la politique de défense du Canada que nous pourrons vraiment voir tout le contexte qui entoure la décision de continuer ou non les essais du missile de croisière et prendre la meilleure décision compte tenu de la situation actuelle.

Je dirai au député de Calgary-Sud-Ouest que, oui, nous sommes tenus de respecter certains genres d'accords, des accords écrits, des accords entre gouvernements, des accords qui ont force de loi.

Il y a toutefois une chose dont je voudrais que le député tienne compte: nous avons également une obligation envers nos enfants et leurs enfants.

M. McClelland: Madame la Présidente, je serai très bref.

Si l'accord que nous étions tenus de respecter était un accord de désarmement, je suis certain que la députée serait la première à convaincre la Chambre que nous devons respecter cet accord. Ce n'est qu'une question de point de vue.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean): Madame la Présidente, je dispose de très peu de temps, donc je vais être très bref. L'honorable député a parlé d'une stratégie défensive, et j'ai trouvé son point de vue assez intéressant. J'aurais aimé qu'il partage avec moi et qu'il élabore un peu plus sur ce sujet, c'est-à-dire que l'on a assisté à une évolution dans la stratégie de dissuasion à laquelle je souscris depuis plusieurs années. Avec le bombardement d'Hiroshima, on a vu le commencement de l'ère nucléaire et l'augmentation croissante des mégatonnes qui pouvaient facilement anéantir une ville comme New York. Et maintenant, on s'aperçoit que la stratégie de dissuasion est de plus en plus axée vers


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une plus grande précision de l'armement. J'aimerais que l'honorable député élabore un peu plus à cet égard, parce qu'il me semble qu'effectivement cela amène de l'eau au moulin pour le maintien des tests en territoire canadien du missile de croisière dans le contexte actuel. Je ne sais pas s'il ne pourrait pas élaborer succinctement sur cette nouvelle stratégie de dissuasion qui est basée sur la précision plutôt que sur l'anéantissement total?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Il reste au député trente secondes environ pour répondre.

M. McClelland: Madame la Présidente, je ne crois pas que je puisse le faire. Je ne me sens pas assez sûr de moi pour répondre à cette question comme le député voudrait que je le fasse.

(2100)

M. Bob Ringma (Nanaimo-Cowichan): Madame la Présidente, je commencerai par féliciter le gouvernement de nous permettre de tenir ce deuxième débat libre, comme il me semble vraiment l'être, malgré ce qu'en dit notre collègue, le député de Burnaby-Kingsway, selon qui tout est déjà décidé. Je préfère croire que les gens d'en face sont gens de parole et que nous nous livrons à un véritable débat libre.

Je voudrais également dire un mot au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a laissé entendre que les députés de notre secteur à la Chambre étaient tous de connivence et que nous ne tenions pas vraiment un débat libre. Rien de plus faux. Vous avez pu constater lors du débat d'hier sur le maintien de la paix que nous avions des divergences d'opinions, de véritables divergences d'opinions de ce côté-ci, même si nous nous accordions sur certains points.

J'assure à la Chambre qu'il en est tout à fait de même dans le débat actuel sur les essais du missile de croisière. Nous avons chacun notre propre opinion. Nous avons peut-être l'air de tous dire la même chose, mais c'est ce que nous pensons vraiment qu'on devrait faire.

La guerre froide est terminée. J'ai beaucoup entendu dire aujourd'hui que la guerre froide était chose du passé. Rappelons-nous cependant que c'est l'Occident qui a gagné la guerre froide, et que nous l'avons gagnée parce que nous étions prêts. Nous n'avons pas eu besoin de faire parler les armes, de lancer des missiles ou de faire quoi que ce soit du genre. Nous l'avons gagnée par des moyens pacifiques, mais il fallait pour cela être préparés et armés, et mieux armés que l'autre côté. Il s'agit donc d'une stratégie pour la paix qui a été couronnée de succès.

Le danger a-t-il diminué dans le monde? Absolument pas. Le monde est en plus grand danger de nos jours. Il est plus instable aujourd'hui qu'il ne l'a été depuis longtemps.

J'entends à la Chambre des propos de caractère très idéaliste, ce qu'il y aurait lieu de préserver dans toute la mesure du possible. Il est bon d'avoir des idéalistes qui nous disent qu'il faut cultiver la paix. Nous croyons tous en la paix. Le soldat sera le premier à aller déposer les armes si nous en arrivons un jour à conclure un accord rétablissant la paix dans le monde entier. En attendant, nous vivons dans un monde difficile. Voyons à quel point il l'est.

Le Sénat du Canada a publié un rapport intitulé Le Canada face au défi du maintien de la paix dans une ère nouvelle. Je vous en lis un extrait: «La crise actuelle a son origine dans la prolifération d'États qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. À la fin de la guerre, il y avait à peine 60 pays. Par suite de la décolonisation, leur nombre est passé à près de 160 en 1988. Avec la dislocation de la Yougoslavie et de l'Union soviétique, il a atteint plus de 180 et il ne cesse d'augmenter.»

Si vous avez peine à le croire, faites avec moi un petit tour du monde en imagination. Traversons le Pacifique et jetons un coup d'oeil à la situation qui a toujours été tendue entre le nord du Japon et la Russie. Déplaçons-nous un peu jusqu'en Corée du Nord et en Corée du Sud. Le désaccord entre les deux subsiste toujours. Voyons maintenant la situation en Chine. Nous ne comptons même pas les factions en Chine qui peuvent poser un problème. Prenons seulement en considération les deux Chine, la république populaire et l'autre.

(2105)

Allons voir en Indochine, au Cambodge, au Laos. Que voyons-nous? Des problèmes qui risquent de surgir. Voyons les problèmes dans lesquels l'Indonésie est plongée. Passons au Sri Lanka. Depuis des années, ce pays se débat dans des difficultés. En Inde et au Pakistan? Des tensions. Au Moyen-Orient? Inutile de décrire ce qui s'y passe. C'est toujours la même chose. Passons en Afrique du Sud, en République d'Afrique du Sud, dans tous les pays d'Afrique. Partout, des problèmes risquent d'éclater.

Traversons maintenant la Méditerranée et voyons ce qui se passe aujourd'hui en Europe. Nous avons parlé hier de l'ancienne Yougoslavie. Franchissons maintenant l'Atlantique pour terminer ce tour du monde et voyons les Antilles. Là aussi, il y a des coins troublés. Les problèmes persistent aussi en Amérique centrale, et même en Amérique du Sud. Le Chili est calme pour l'instant et il n'y a pas de guerre en Argentine. On n'entend plus beaucoup parler du Sentier lumineux, au Pérou, mais je parie que ce n'est pas fini.

Le monde est instable et tant qu'un miracle ne se produira pas pour unir les humains, pour qu'ils trouvent le chemin de la paix, nous devons être prêts.

Faisons un peu d'histoire et remontons à la situation qui existait avant la Première Guerre mondiale, avant la Seconde. Nous devons tirer des enseignements de l'histoire. Nous disons toujours: «Cette guerre est celle qui mettra un terme à toutes les guerres.» Ce n'est jamais vrai. Tant que je ne verrai pas un signe très spécial de changement, je sais que ce ne sera pas la dernière guerre. Soyons donc prêts.

Le système d'armes dont nous parlons ce soir est le missile de croisière. Plusieurs députés ont déjà fait des distinctions, car ce vecteur peut porter une bombe ordinaire ou une ogive nucléaire. Une grande partie de l'argumentation a porté sur le nucléaire. Le missile peut transporter une bombe ordinaire et, à ce titre, c'est une arme excellente dans l'ensemble de notre arsenal. On ne peut


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jamais dire de quelle arme, dans cet arsenal, on pourra avoir besoin.

Voyez le VietNam. Les Américains en ont ramené les appareils C-47 pour monter des mitrailleuses Gatling dans les embrasures ouvertes. Cette situation-là et celle de la guerre du Golfe nous font prendre conscience qu'il faut dans l'arsenal une panoplie complète. On ne sait jamais de quelle arme on aura besoin.

Nous devons donc permettre aux Américains de poursuivre les essais de ce missile, au cas où nous en aurions besoin. L'Ouest jouit d'une avance sur le plan technologique. Combien de temps la garderons-nous? Nous l'ignorons. Il y a bien d'autres pays, d'autres groupes qui essaient de nous surpasser. Puisque nous avons l'avance, tâchons de la conserver.

Enfin, il faut poser cette question: ces dernières années, le Canada a-t-il fait sa part dans la défense de la démocratie et de l'Occident? Si je compare avec mon époque, après avoir fait partie de l'OTAN, je dois dire que la réponse est non. Nous n'avons pas été très généreux. Nous avons toujours été là-bas, au Luxembourg. C'est pour nous l'occasion de rembourser un peu nos dettes.

Je m'en tiendrai là, mais je veux tout de même rappeler ce qu'a dit la députée de Saint John à propos de la prolifération: la mise au point de ce missile est une façon de prévenir la prolifération.

(2110)

Mme Karen Kraft Sloan (York-Simcoe): Madame la Présidente, je voudrais poser des questions à mon vis-à-vis au sujet d'une déclaration portant sur l'instabilité accrue dans le monde et la nécessité des essais du missile de croisière pour atténuer cette instabilité.

Comme je l'ai déjà dit, la prévention est le seul moyen d'empêcher la guerre. Une occasion en or s'offre à la population canadienne, par le truchement de son gouvernement, de prendre position contre la prolifération des armements en refusant la poursuite des essais du missile de croisière en sol canadien.

Contrairement à ce qu'a dit plus tôt un député d'en face, on n'assure pas la paix en se préparant à la guerre. En fait, la guerre de 1991 au Moyen-Orient a montré qu'en préparant la guerre on encourage d'autres guerres. La plupart des armements utilisés en Irak ont été fabriqués par les membres du Groupe des Sept. Même si nous sommes dans l'ère post-guerre froide, le complexe militaro-industriel des pays occidentaux est florissant grâce aux ventes d'armes aux pays du tiers monde, ce qui accroît l'instabilité croissante dans le monde et menace la paix mondiale, dont a parlé plus tôt le député d'en face.

Compte tenu des tensions et des problèmes qui nous assaillent, le député ne pense-t-il pas qu'en produisant d'autres armes on ne fait que jeter de l'huile sur le feu?

M. Ringma: Madame la Présidente, je comprends le sens de l'argument de la députée d'en face. Ce n'est pas en cachant les armes qu'on supprimera les tensions. Si on trouvait le moyen de désarmer tout le monde, je souscrirais d'emblée à cette idée. J'ai déjà dit que tous ceux qui sont armés penseraient de la même façon. Ils seraient les premiers à déposer les armes.

Mais nous n'en sommes pas là. C'est triste à dire. Quand ce jour-là arrivera, quand nous commencerons à réduire les armements, je serai le premier à adhérer à cette idée. Mais nous n'en sommes pas là.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf): J'entendais le député de Nanaimo-Cowichan qui disait: We won the cold war with arms but without using them.

Le fait est que si nous n'avions pas, avec un manque de jugement effroyable, dirais-je, tenté la chance des armes nucléaires, jusqu'au point de la folie avec ce qui a été appelé le mutual mad, la dissuasion, nous ne serions peut-être plus ici pour parler de paix.

Il y a donc, malgré la terrible folie de cette course à l'armement, un équilibre fragile, et on doit courir ce risque jusqu'au moment où la planète sera dépourvue de violence. Malheureusement, la planète n'est pas encore dépourvue de violence. Nous vivons dans un monde violent et, si je baisse ma garde, si nous baissons notre garde, quelqu'un quelque part sera tenté d'en profiter. Hélas! hélas! ce n'est pas encore Disney World.

[Traduction]

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River): Monsieur le Président, cela me fait vraiment plaisir de prendre la parole au nom des électeurs de Scarborough-Rouge River dans le cadre d'un débat de cette nature. Alors que nous sommes encore au tout début de la présente législature, notre premier ministre nous a demandé de débattre de cette question et de faire connaître l'opinion des Canadiens à ce sujet. Je constate que les avis sont partagés au sein des groupes, tant le mien que les autres. Il est peu probable que je puisse faire valoir un point qui n'ait pas encore été soulevé. Je profite de l'occasion pour féliciter tous mes collègues, en particulier ceux qui ont prononcé leur discours à la Chambre.

(2115)

Qu'est-ce qu'un missile de croisière? C'est simplement un système de vecteurs. Ce n'était pas le cas, il y a dix ans passés. En effet, à cette époque-là, le missile de croisière était considéré comme un système de vecteurs, certes, mais plus encore comme un système de vecteurs doté d'une capacité nucléaire stratégique. Cela ne faisait pas l'affaire de beaucoup d'entre nous.

Mon parti, le Parti libéral, s'est penché sur le dossier pendant de nombreuses années, pas seulement à la Chambre, mais également au sein du caucus du parti. On peut constater que sa position a fluctué au cours des dix ou vingt dernières années.


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Pour ma part, il s'est produit quelque chose qui a influé sur l'idée que je me faisais du missile de croisière: la guerre du Golfe. Pour la première fois, en tant que contribuable, en tant que citoyen préoccupé par ce qui se passait durant la guerre du Golfe, j'ai pu voir au quartier général de l'opposition la performance d'un missile de croisière qui n'était pas équipé d'ogives nucléaires ou nucléaires stratégiques.

C'est ce qui m'a amené à considérer le missile de croisière d'un autre oeil. Il est question d'environ 288 missions de croisière ayant été utilisées par les États-Unis dans le cadre de ce qu'on a appelé l'apport allié dans la guerre du Golfe.

Ayant réalisé que le missile de croisière ne faisait pas nécessairement partie de la capacité nucléaire, j'ai commencé à le voir davantage comme quelque chose pouvant transporter une charge marchande. Durant la guerre du Golfe, cet engin avait transporté une ogive conventionnelle à des fins tactiques très précises.

J'ai constaté, et mes collègues ont fait de même, que ce missile était meurtrier. J'ignore encore aujourd'hui combien de personnes ont été tuées, mais il y en a eu beaucoup et, selon toute vraisemblance, beaucoup de gens ont été blessés par les missiles de croisière Tomahawk qui ont été utilisés pendant la guerre du Golfe-pas de façon intentionnelle, on cherchait seulement à détruire.

Le missile de croisière n'est-il pas simplement un vecteur, un produit de la recherche et du développement de plus en plus sophistiqué? Qu'arriverait-il s'il ne faisait que transporter une caméra? Qu'arriverait-il si, grâce à la technologie, nous pouvions lancer le missile de croisière et le récupérer?

Je sais que nous pouvons prendre des photos de la Terre à partir de satellites. Nous n'avons pas vraiment besoin d'un appareil fonctionnant en permanence sans personnel. Cependant, qu'arriverait-il s'il y avait des nuages ou si l'on voulait prendre la photo d'un volcan couvert de nuages? On pourrait peut-être accorder ici le bénéfice du doute au missile de croisière et le voir d'un oeil plus favorable, et non pas comme il a été utilisé, comme une arme de guerre.

Je dis cela pour bien vous faire comprendre que j'approuve, en général, l'accord visant à autoriser les essais des missiles de croisière au-dessus du territoire canadien. Je dis cela, sachant que cet accord prévoit le partage, avec le Canada, des résultats des essais. Je présume, et j'espère ne pas me tromper, que les personnes intéressées au sein des forces armées considèrent cette technologie comme une technologie avec laquelle elles peuvent travailler.

(2120)

Il y a trois points délicats dont j'aimerais parler, et je suis sûr que tous mes collègues ici sont d'accord avec une partie, sinon la totalité, de ces points.

Premièrement, j'ai écouté avec un vif intérêt les propos du député de Nunatsiaq. Je suis très sensible à la question qui a été soulevée, à savoir qu'il faut, avant de procéder à des essais des missiles de croisière au-dessus du nord-ouest du Canada, consulter les habitants de cette région, les habitants qui vivent depuis longtemps dans ces régions, notamment les Dénés et les Inuvialuit. S'ils ont quelque chose à nous dire par l'intermédiaire de leurs députés, nous devons les écouter. Plusieurs éléments sont en jeu: la sécurité, l'environnement et la moralité.

Le deuxième point délicat a été soulevé et très bien expliqué, d'ailleurs, par le dernier député qui a pris la parole. Le Canada, a-t-il dit, doit continuer de faire sa part pour assurer la stabilité mondiale. Il doit continuer de faire sa part pour veiller à ce que nous soyons capables d'assurer notre propre défense et capables d'intervenir quand le monde a besoin de nous. Nous devons faire notre part et encourager ces efforts.

Je ne pense pas que nous avons fait notre part sur la scène internationale. Il s'est trouvé des cas où nous n'avons pas vraiment voulu le faire, par exemple dans la guerre froide qui opposait deux ou trois puissances nucléaires. Les temps ont changé. Nous savons que de temps à autre, le monde a besoin de ce que notre pays a à offrir en termes de stabilité mondiale.

Troisièmement, nous avons, envers les générations futures, l'obligation morale de faire tout notre possible pour éliminer la menace nucléaire dans le monde.

Je sais qu'il y a ici un recoupement avec la façon dont nous percevons depuis toujours les missiles de croisière, mais quelque chose me dit que la menace nucléaire dans ce monde ne se rattache plus autant aux missiles de croisière. Elle se rattache davantage aux stocks d'armes nucléaires qui existent déjà, aux armes nucléaires qui pourraient être mises au point et qui sont peut-être entreposées quelque part dans le monde, dans un endroit où elles ne devraient pas se trouver. Dieu seul sait ce qui pourrait arriver si nous passions par là.

Ce sont là les trois points dont je voulais vous parler. Cela dit, et après avoir essayé de vous expliquer ce qu'à mon avis pensent les habitants de ma circonscription, Scarborough-Rouge River, j'estime, comme d'autres députés de la Chambre, que le Canada devrait maintenir l'entente conclue avec les États-Unis en ce qui concerne les essais des missiles de croisière.

M. Andrew Telegdi (Waterloo): Madame la Présidente, le député qui représentait la circonscription de Waterloo avant moi était l'honorable Walter McLean, qui a succédé à Max Saltzman. À certains égards, j'exprime un peu leur opinion et celle de la collectivité que je représente.

Nous devons nous demander en quoi consistent les armements que nous avons et s'ils sont suffisants.

Le député parle d'un missile de croisière presque bienveillant, qui n'a pas nécessairement une capacité nucléaire.

(2125)

Lorsque l'on songe au pays qui a été l'instigateur du missile de croisière, l'Union soviétique, et à son morcellement en de nombreux États, on ne peut pas s'empêcher de penser à l'Ukraine, qui a des armes nucléaires et dont les autres pays veulent désespérément qu'elle se débarrasse. En un sens, je me demande comment le Canada, un pays pour lequel la Russie ne constitue pratiquement aucune menace, peut dire aux Ukrainiens qu'ils devraient


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abandonner leurs armes nucléaires, alors qu'il accepte des essais de missiles de croisière.

Nous avons passé toute la journée d'hier à débattre de la guerre en Bosnie et du rôle que la Chambre devrait y jouer. Je crois vraiment que ces débats sont très rafraîchissants. Je suis heureux de constater que les députés du Parti réformiste ne se serrent pas les coudes sur cette question. Ils expriment des points de vue différents, et je pense qu'on peut en dire autant de l'ensemble des députés de la Chambre.

Je présume qu'à un certain stade, il faudra dire que nous avons assez d'armes de destruction massive. Pour l'instant, nous ne parlons que du missile de croisière. Pourtant, il existe également des armes biologiques et des armes chimiques sur cette planète fragile. Pour reprendre un slogan d'un groupe de ma collectivité, Project Ploughshares, il est temps de convertir une partie de ces armes en socs de charrue. Il est temps de faire des socs de ses épées.

Si un pays comme le Canada, qui occupe dans le monde une position privilégiée de puissance intermédiaire et qui ne constitue réellement pas une grave menace en tant qu'agresseur, est incapable de faire le premier pas, quel pays le fera?

M. Lee: Madame la Présidente, le député soulève un argument admirable. La communauté mondiale au complet n'a pas encore réglé la question des réserves nucléaires. Si je comprends bien, l'Ukraine a accepté de liquider, d'entreposer ou d'échanger ses réserves nucléaires. C'est extrêmement positif, et j'espère qu'elle écoulera tout son stock.

Quoi qu'il en soit, je reviens aux observations que j'ai faites plus tôt. Je considère le missile de croisière comme un système de lancement. Ce sera peut-être le meilleur système de lancement que nous n'aurons jamais conçu. Peut-être que le missile de croisière et ses successeurs deviendront la soucoupe volante de la planète Terre en raison de leur capacité de se déplacer et de se guider tout seuls. Oublions pour l'instant qu'il ressemble à un saucisson. Il n'est pas nécessaire qu'il transporte une charge nucléaire.

Le Canada a insisté pour qu'aucun des missiles de croisière se trouvant sur son sol ne transporte des charges nucléaires. Le Canada est le premier pays à tenter de convaincre les autres d'abandonner leur capacité nucléaire. Je songe, par exemple, au différend régional qui oppose l'Inde et le Pakistan et qui porte sur leur prétendue capacité nucléaire et sur leurs discussions au sujet de leurs systèmes de lancement.

J'espère que les enfants de mes enfants n'auront pas à se préoccuper d'autant de charges nucléaires que le député et le reste d'entre nous.

(2130)

[Français]

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole à titre de député de Richmond-Wolfe dans ce débat sur les missiles de croisière et de saluer très chaleureusement l'ensemble des citoyennes et citoyens du comté de Richmond-Wolfe qui, le 25 octobre dernier, m'ont fait confiance et m'ont donné un mandat clair.

Évidemment, dans ce débat, il est question d'un aspect particulier qui doit être inscrit dans un grand ensemble et nous aurions aimé, au Bloc québécois, que le gouvernement procède à une réflexion globale de la question de la défense nationale. Néanmoins, pour un député souverainiste, membre du Bloc québécois, la question du Programme canado-américain d'essai et d'évaluation ou, si vous voulez, l'entente sur l'essai des missiles de croisière est d'une importance cruciale. Un tel débat sur la pertinence du renouvellement des essais du missile de croisière en territoire canadien, pour l'année en cours, met particulièrement en relief le rôle d'un Québec souverain dans le cadre d'ententes occidentales de stratégie militaire.

Les missiles de croisière se divisent en trois composantes distinctes: les versions terre, mer et air. Le missile de croisière qui est testé au Canada est une version aérienne de ce type d'armement. Ce sont principalement ces vecteurs, c'est-à-dire modes de transport, qui feront en sorte que ces armements seront soumis ou non aux accords de désarmement et de vérification de contrôle des armes nucléaires. La version aérienne et la version marine sont deux types d'armes qui ont connu les mesures de contrôle les plus poussées.

Un des moyens de vérification de contrôle des armes nucléaires dans le cadre de la guerre froide pour maintenir un certain équilibre entre les superpuissances était basé sur les moyens techniques nationaux, c'est-à-dire une technique de vérification qui repose sur les renseignements que peuvent se procurer les superpuissances en matière d'observation des armements des pays étrangers.

Si, par exemple, une superpuissance déclare officiellement qu'elle procède à un essai sur un type précis d'armement et que la superpuissance en question découvre, par ses techniques de vérification, que l'armement en question ne correspond pas à ces annonces officielles, alors le processus d'équilibre des forces dissuasives est remis en question et affecte la confiance mutuelle que se vouent les deux superpuissances. Et nous savons combien la confiance est importante dans ces questions.

Ainsi, et c'est très important, le Canada, en s'engageant dans cette entente à titre d'allié des États-Unis, doit s'assurer que sa collaboration en matière d'essais d'armements stratégiques n'entrave pas les procédures de désarmement à l'échelle internationale et ne contribue pas à surenchérir l'escalade nucléaire.

Toutes les techniques de vérification, de contrôle et de désarmement volontaires, contractés par les superpuissances à l'intérieur des traités SALT I et SALT II, ont depuis été dépassées par de nouvelles ententes; l'INF, c'est-à-dire la force nucléaire intermédiaire, START I et START II, ont en effet remplacé celle-ci. Ces techniques de vérification constituent, encore aujourd'hui la base en matière de contrôle des armements. Le Canada doit nécessairement en tenir compte, et il doit veiller à ce que de telles prérogatives soient appliquées pour limiter la menace nucléaire.


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Les missiles de croisière lancés à partir d'un bombardier sont considérés comme étant stratégiques à partir du moment où le rayon d'action est supérieur à 600 kilomètres. Le missile testé au Canada a une portée supérieure à 600 kilomètres, et par conséquent le gouvernement canadien ne peut pas, aux termes de ces conventions internationales en matière de contrôle des armements et en matière de vérification sur l'utilisation des armements stratégiques, se dissocier de la vocation stratégique nucléaire de la version aérienne des missiles de croisière.

Le rôle du missile de croisière au sein de la stratégie américaine prend différentes formes. Les versions aériennes et marines sont au centre de la stratégie dissuasive des États-Unis basée sur le concept de la triade offensive.

(2135)

Cette triade offensive est le regroupement des armements stratégiques terrestres, navals et aériens. Les engagements du Canada à l'égard de la force de dissuasion stratégique sont essentiellement soumis à des mesures de coopération interalliée. Dans la mesure où le Canada oriente sa défense en fonction de l'entente interalliée, il doit se porter volontaire, le cas échéant, à collaborer à la mise en place de cette force de dissuasion stratégique. Cet élément est relevé d'ailleurs dans la politique nationale de défense de 1971, dans celle de 1987 et dans l'énoncé politique en matière de défense de 1992.

À l'instar de mes collègues et de mon chef, M. Bouchard, je rappelle qu'en vertu de cette approche, le Canada était invité, en 1983, à accepter des essais du missile de croisière ALCM sur son territoire, cela malgré le fait que cette stratégie de dissuasion nucléaire ne s'appuyait pas officiellement sur la stratégie de l'OTAN.

Dans son énoncé politique de 1992 en matière de sécurité, le Canada a rajusté sa position sur les questions stratégiques en ne reconnaissant plus le monde en fonction de la bipolarité; les nouvelles puissances nucléaires étant considérées comme instables par nature, il devenait problématique pour le Canada et ses alliés de se dissocier de la dissuasion nucléaire.

La contribution des missiles de croisière fut au premier rang des offensives dirigées contre l'Irak. Le missile ALCM, version aérienne, fut utilisé dans sa version non nucléaire, renforçant ainsi le besoin de ce missile dans des conflits localisés, cela malgré le fait que la précision de ce missile n'est pas toujours parfaite. L'avantage de recourir à une arme de ce type est d'éviter le recours à des bombardements massifs pouvant causer de nombreuses pertes de vies humaines chez la population civile. La flexibilité et la souplesse stratégiques et les tactiques en font un armement qui répond mieux au contexte stratégique actuel. C'est d'ailleurs cette flexibilité qui est à la base de la nécessité de prolonger les programmes de développement de ces nouveaux missiles. Le Canada, à l'instar de notre parti, doit être conscient des différents usages que l'ont peut faire de ces armements.

Le missile que les Américains veulent tester en 1994 serait doté, d'après ce que nous en savons, de nouvelles applications technologiques dans le domaine du guidage électro-optique.

Les relations internationales sont extrêmement complexes et ne peuvent être analysées seulement sous un angle sectoriel. La problématique touchant à la question de la défense nationale est révélatrice à cet égard. Le Canada a reconduit, en 1993, un engagement formel avec les États-Unis pour faciliter la mise à l'essai de certains types d'armement. L'entente, rappelons-le, est valide pour dix ans, ce qui porte à l'an 2003 la fin de cet engagement. Le Canada se trouverait en position délicate face à ses partenaires s'il renonçait à ses engagements, peu importe la nature de ces derniers. Il importe que le Canada se comporte comme un État responsable et respectueux de ses engagements internationaux. Ces valeurs sont particulièrement importantes pour les députés souverainistes du Bloc québécois.

Il est primordial d'établir clairement que le Bloc québécois, sans être d'accord sur la poursuite de la course aux armements, ne peut pas non plus se distancier complètement du contexte international instable depuis le démantèlement de l'ex-URSS et des menaces potentielles qui pèsent malheureusement sur le monde. La démarche souverainiste du Bloc québécois ne doit pas s'inspirer d'une approche qui préconiserait le repli sur lui-même, négligeant alors ses responsabilités envers ses alliés stratégiques. Il est important sur ce plan de lancer un message clair et sans ambiguïté au reste du monde: le Canada et le Québec doivent respecter leurs engagements internationaux, quitte à les renégocier avec leurs alliés une fois les échéances atteintes, selon les modalités qui conviendront le moment venu.

(2140)

Il y a un autre argument qui milite en faveur de l'acceptation de l'essai des missiles de croisière au-dessus du territoire canadien. Il s'agit de l'effet dévastateur des bombardements massifs sur les populations civiles. Par exemple, au cours de la guerre du Golfe, des bombardements massifs conventionnels auraient été extrêmement coûteux en vies humaines civiles, car la majorité des sites détruits étaient situés en territoire irakien habité. Des attaques de type chirurgical telles que celles réalisées par les missiles de croisière ont prouvé l'efficacité de ce type d'armes, limitant considérablement les pertes de vies humaines.

Les essais qui sont sollicités par le gouvernement américain n'impliquent pas non plus de nouvelles technologies nucléaires. Ce faisant, elles ne contribuent pas à une escalade des forces stratégiques nucléaires. Un plafond a d'ailleurs déjà été désigné en ce qui a trait au nombre total de missiles déployés selon les conventions du traité START I et II. Par conséquent, les essais de missiles de croisière en sol canadien ne concernent qu'une amélioration du système de guidage. Ils ne peuvent et ne doivent être considérés comme un élément déstabilisateur en vertu des accords internationaux sur le contrôle du désarmement.

En terminant, une question se pose: doit-on associer les essais de missiles de croisière au dossier de la reconversion militaire et de la diminution des dépenses militaires préconisées par le Bloc québécois? À cette question, je réponds non. Premièrement, très peu d'entreprises militaires québécoises et canadiennes sont associées à ce type d'armement. Les retombées économiques, industrielles et technologiques sont très minimes du fait qu'un plafond de production a été fixé pour ce qui est des unités construites. Cela n'implique donc pas de prévisions budgétaires à la hausse pour le ministre de la Défense nationale du Canada.

Il serait donc abusif de la part du gouvernement libéral d'associer le dossier à la diminution des dépenses militaires préconisée par le Bloc québécois.


447

Il importe de renforcer ces engagements stratégiques pour le Canada et le Québec. Par conséquent, il importe que le Bloc québécois favorise des ententes militaires avec ses alliés pour garantir la sécurité du territoire canadien et québécois.

[Traduction]

M. Andrew Telegdi (Waterloo): Madame la Présidente, un certain nombre de députés ont pris l'exemple de la guerre contre l'Irak pour montrer que les progrès techniques réalisés dans le domaine des armes de destruction massive pouvaient épargner des vies humaines. Je suppose que nous avons tous vu la situation au Moyen-Orient, nous avons vu la «guerre des étoiles» à Bagdad. Les armes utilisées, certainement pas les plus perfectionnées, j'en conviens, étaient essentiellement fournies par les superpuissances.

Comment la production d'armes plus dangereuses, susceptibles d'être exportées, peut-elle aider la paix? Comment, en tant que nation, cela améliore-t-il notre sécurité? Lors de la guerre au Moyen-Orient, la grande majorité des armes venaient des pays à technologies avancées: les États-Unis, l'Union soviétique, la France, etc.

Ce qui se passe invariablement, c'est que les militaires viennent voir le gouvernement et lui disent qu'il leur faut des armes plus perfectionnées pour pouvoir essayer de protéger notre sécurité. Je suppose que c'est une course qui n'a pas de fin.

Où le député voit-il une fin à ce cycle infernal?

[Français]

M. Leroux (Richmond-Wolfe): Madame la Présidente, je remercie le député de sa question. Il faut d'abord rappeler au député que, dans mon exposé, il s'agit d'accorder des expériences dans le domaine de la technologie du guidage électro-optique.

(2145)

Je reconnais que le député a raison, et il est important de lui dire que nous sommes entièrement contre toute escalade d'armements et contre toute guerre. Cependant, j'ai bien dit dans mon exposé qu'il y a déstabilisation dans certains coins. Nous savons que dans certains pays où la démocratie est complètement rejetée, il se développe une capacité et un potentiel d'agression contre lesquels nous devons réagir. C'est surtout dans cette optique qu'il faut considérer le développement de l'expérience technologique.

[Traduction]

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord): Madame la Présidente, je voudrais poser au député une question bien précise au sujet de la décision qu'il faut prendre. Il a parlé de l'accord d'une durée de 10 ans qui prévoit qu'il peut être dénoncé par l'une des parties moyennant un préavis de 12 mois.

La question que je voudrais lui poser est celle-ci: serait-il en faveur, et c'est la solution que je souhaiterais, d'un préavis immédiat disant que nous allons dénoncer l'accord, et que nous voudrions une suspension des essais jusqu'à ce que le gouvernement du Canada ait terminé, d'ici la fin de l'année, le réexamen de sa politique de défense?

[Français]

M. Leroux (Richmond-Wolfe): Madame la Présidente, dans mon exposé, j'ai bien dit que l'ensemble de mes collègues du Bloc québécois et moi-même étions attachés à des valeurs fondamentales. Il est bien évident que les ententes conclues avec des alliés et des territoires amis doivent être respectées. Nous devons faire ressortir ces éléments de la valeur des ententes et du respect des engagements. Il est évident que, pour nous, la question fondamentale est d'examiner l'ensemble de la politique de défense nationale, qui n'est pas encore déposée. J'inviterais le député à presser son gouvernement de déposer le plus rapidement possible son fameux Livre blanc sur la question de la défense nationale.

M. Ronald J. Duhamel (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux): Madame la Présidente, nous avons vécu hier et nous vivons aujourd'hui, me semble-t-il, une situation assez unique, un moment même un peu historique. Nous avons eu l'occasion de nous prononcer librement sur deux thèmes. Hier, on a pu parler du rôle du Canada comme ambassadeur de la paix et aujourd'hui de l'essai des missiles de croisière en territoire canadien.

[Traduction]

Hier, nous avons parlé des efforts de paix du Canada à l'étranger, de notre contribution à ces efforts. Aujourd'hui, nous parlons des essais des missiles de croisière. Il me semble que les deux vont de pair.

Quand les gens me parlent des forces armées du Canada, il parlent de nos soldats avec beaucoup de fierté. Ils posent aussi, et ce de plus en plus, des questions très difficiles, par exemple, ce qu'est le maintien de la paix. Qu'est-ce que le rétablissement de la paix? Y a-t-il une différence entre le rétablissement de la paix et la guerre? Nos soldats ont-ils des mandats différents selon les circonstances? Sont-ils en sécurité? Faisons-nous tout ce que nous pouvons pour veiller à ce qu'ils puissent s'acquitter de la tâche que l'on attend d'eux?

Ce que les Canadiens veulent me dire en réalité, c'est qu'ils veulent que nous continuions à faire notre contribution, mais dans des conditions différentes. Ils veulent être sûrs que nos soldats, nos forces armées, soient traités avec la dignité et le respect qu'ils méritent du fait qu'ils exposent leur vie pour essayer d'améliorer la société, très souvent dans des pays où la situation est très agitée.

Quand nous parlons des essais des missiles de croisière, nous devrions nous poser aussi, je crois, des questions fondamentales. Je ne prétends pas toutes les connaître, mais je vais en soulever quelques-unes. Quelle est la raison à l'origine de cet accord? Est-elle encore valable? D'aucuns vont trouver à redire, je peux comprendre ça.

448

[Français]

On doit respecter nos engagements. Je suis tout à fait d'accord, mais il est clair que, lorsqu'on prend un engagement et que la situation change, il faut revoir cet engagement.

(2150)

[Traduction]

Tout ce que je demande, c'est ceci: la raison à l'origine de cet accord est-elle encore valable ou faut-il se demander si les raisons qui ont motivé la signature de cet accord sont telles qu'elles nécessitent ce type de réponse?

Je veux poser une autre question. C'est une question qui me gêne également. Pouvons-nous demander à d'autres pays du monde de réduire leurs armements, voire de ne pas fabriquer certains types d'armements, alors que de notre côté nous accepterions la poursuite des essais des missiles de croisière? N'y a-t-il pas là une contradiction? Les gens vont se poser des questions.

Il est également important, avant que nous ne prenions une décision, de réfléchir sérieusement non seulement aux avis exprimés par les députés à la Chambre, mais aussi à ce que nous disent d'autres personnes élues, notamment celles qui sont touchées par ce problème. Je parle des gouvernements provinciaux et territoriaux et de tous les autres gouvernements pour lesquels nous élisons des représentants. Il faut écouter très attentivement ce que disent les gens, car ils sont manifestement touchés et nous avons le devoir de les écouter.

Je me réjouis que nous ayons eu hier l'occasion de parler de notre contribution à l'établissement et au maintien de la paix et que nous parlions aujourd'hui de l'essai des missiles de croisière, qui font partie de notre politique de défense. Ce qu'on nous a promis, en fait, c'est une occasion d'examiner où nous en sommes et ce que nous pourrions faire à partir de maintenant. Je considère ceci comme le début d'un tel processus.

Pour terminer, car je sais que d'autres collègues veulent prendre la parole à ce sujet, je dirai que nous sommes appelés maintenant et à l'avenir à faire preuve d'autorité. On peut interpréter cela de deux façons: nous allons faire office de chef de file pour construire et peut-être raffiner les armes-et je ne dis pas qu'il n'y a pas un rôle à jouer à cet égard, mais il nous faut y réfléchir très sérieusement et avec beaucoup de sensibilité-ou nous allons montrer la voie du désarmement et de la promotion de la paix. Je préfère évidemment cette dernière interprétation.

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore): Madame la Présidente, le débat d'aujourd'hui était très intéressant et je veux moi aussi y prendre part. À mon avis, les Canadiens sont des partisans de la paix et de la non-violence, comme en témoignent les activités de maintien de la paix. Quelque 4 700 Canadiens et Canadiennes participent en effet à ces activités. Ne devrions-nous pas alors accorder préséance à ces valeurs dans le cadre de nos relations extérieures? Ne devrions-nous pas encourager les autres pays à chercher des solutions pacifiques et non violentes aux problèmes?

Cela peut sembler idéaliste, mais quelqu'un a dit aujourd'hui qu'il n'en tient qu'à nous de donner l'exemple à l'échelle internationale. Il n'en tient qu'à nous de prêcher par l'exemple. Nous ne pouvons pas dire aux autres pays de ne pas accroître leur arsenal nucléaire si nous autorisons l'essai de missiles de croisière dans le Nord. Nous ne pouvons pas dire aux autres de trouver des solutions pacifiques et non violentes à leurs problèmes si, dans les faits, nous légitimons l'utilisation d'armes.

Autoriser les essais de missiles de croisière, c'est reconnaître que les armes nucléaires sont encore nécessaires et que l'Amérique du Nord a la capacité nucléaire de résoudre n'importe quel conflit.

Il convient de rappeler que, par nos actions, nous donnons un exemple non seulement au reste du monde, mais aussi à nos enfants.

(2155)

La criminalité chez les jeunes Canadiens augmente sans cesse. Si nous voulons changer cette réalité, il faut montrer que notre société préconise les solutions pacifiques. Nous devons montrer à nos jeunes que la violence n'est pas une solution aux problèmes et qu'il faut plutôt s'en remettre à des solutions pacifiques. Je ne crois pas que nous donnerons cet exemple si nous continuons à autoriser les essais du missile de croisière au Canada.

Les temps changent. Nos besoins évoluent. On a fait mention plus tôt des différentes utilisations de ces missiles. Je signale toutefois à la Chambre que le monde qui nous entoure a changé. Le moment est venu pour nous de tenir compte de ces changements.

[Français]

M. Langlois: Madame la Présidente, après la fin du discours de l'honorable député de Saint-Boniface, je croyais que nous en étions à la période des questions et commentaires. Je crois cependant que l'honorable députée est entrée dans le débat de fond.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Maheu): Je pense qu'il y a eu un malentendu avec la députée d'Etobicoke-Lakeshore après l'intervention du député de Saint-Boniface. La députée devait en fait formuler des observations ou poser des questions.

Mme Catterall: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Si je comprends bien, il y a eu entente entre les partis pour ajourner à 22 heures. Un certain nombre d'entre nous, de ce côté-ci de la Chambre, n'auront par conséquent pas l'occasion de s'exprimer relativement à cette très importante question.

Compte tenu du fait qu'une seule femme des banquettes ministérielles a pris la parole sur cette question-les trois intervenants qui restent et qui n'auront pas la chance de s'exprimer sont aussi des femmes-je me demande si la Chambre serait d'accord pour que l'on permette à la députée de poursuivre son intervention au cours des cinq minutes qui restent.

449

La présidente suppléante (Mme Maheu): Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Mme Augustine: Madame la Présidente, je remercie les députés d'en face de leur générosité.

Je suis convaincue que la population d'Etobicoke-Lakeshore suit actuellement le débat parce que j'ai reçu des messages par télécopieur et des notes de personnes qui l'ont fait cet après-midi et ce soir.

Je prendrai le temps qu'il me reste pour dire quelques mots sur les propos des députés des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons entendu parler de la situation de la faune et de la flore et de l'environnement, de la nécessité d'assurer la sécurité des habitants des territoires et de protéger l'environnement des territoires pour nous-mêmes et nos enfants.

Comme je l'ai dit plus tôt, ce qui importe, c'est l'exemple que les Canadiens donnent au reste du monde.

[Français]

M. Langlois: Madame la Présidente, accepteriez-vous que j'adresse ma question à l'honorable député de Saint-Boniface, étant donné que, pour permettre à l'honorable députée de poursuivre son débat, je n'ai pas voulu intervenir davantage?

La présidente suppléante (Mme Maheu): D'accord.

M. François Langlois (Bellechasse): Madame la Présidente, le député de Saint-Boniface a présenté son discours de façon interrogative en suggérant des pistes. Dois-je comprendre que la forme interrogative avait pour but de donner un effet différent à son intervention en cette Chambre, que, fondamentalement, sa réponse à la question que nous pose le gouvernement serait non et qu'il n'est pas en faveur de la continuation des essais du missile de croisière?

M. Duhamel: Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question. Oui, j'ai posé un certain nombre de questions. Je crois que ce sont des questions assez importantes, et je voudrais qu'on en discute ici, à la Chambre des communes, et ailleurs, bien sûr. J'aimerais que ces discussions se tiennent au Canada parce qu'il me semble que cela fait partie de la révision de la politique de défense du gouvernement.

Je crois avoir terminé mon discours de la façon suivante: nous pouvons devenir des chefs de file en ce qui concerne la promotion des armements, le raffinement des armements, la fabrication des armements et tout ce que vous voulez. C'est une piste qu'on peut suivre, et c'est peut-être quelque chose à considérer. Toutefois, à mon avis, il y en a une autre et c'est celle de la promotion de la paix, pour laquelle nous pourrions devenir des chefs de file. Je préfère le dernier en ce moment. Je croyais avoir été assez clair, mais je vous remercie, cher collègue, de m'avoir posé la question. C'est très gentil.

La présidente suppléante (Mme Maheu): Comme il est 22 heures, conformément à l'ordre adopté le mardi 25 janvier 1994, la Chambre s'ajourne jusqu'à demain à 10 heures conformément à l'article 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 22 h 00.)