FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 30 septembre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous cet après-midi. Nous avons le plaisir d'accueillir le chef de la direction de l'Assurance canadienne des conseillers en assurance et en finance, M. David Thibaudeau, et son président, M. Robert Fleishacker.
Bienvenus, messieurs. Ce n'est pas votre première visite au Comité des finances, bien sûr. Vous avez déjà comparu et vous connaissez donc le fonctionnement du comité. Vous avez environ 10 minutes pour faire une déclaration liminaire. Ensuite, nous passerons aux questions et réponses.
M. David Thibaudeau (président et chef de la direction, Assurance canadienne des conseillers en assurance et en finance): Merci, monsieur le président. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, je suis accompagné aujourd'hui de Bob Fleishacker, président élu de l'ACCAF.
L'Assurance canadienne des conseillers en assurance et en finance, anciennement l'Association des assureurs-vie du Canada, est une association professionnelle sans but lucratif. Nos 18 000 membres volontaires offrent des services financiers et commercialisent et vendent des produits pour de nombreux types d'institutions financières au Canada, allant des sociétés d'assurance-vie aux banques. Les membres de l'ACCAF vendent la majorité des produits d'assurance-vie et d'assurance médicale au Canada.
Avant d'aborder la substance des nos recommandations au sujet du rapport MacKay, je tiens à remercier publiquement Harold MacKay, son groupe de travail et leur personnel qui ont rédigé rapport exhaustif sur l'avenir du secteur des services financiers. Nous ne sommes peut-être pas d'accord avec toutes les recommandations du rapport MacKay—et cela ne vous surprendra guère—, mais force nous est de reconnaître que le rapport est un document fouillé et ouvert sur l'avenir, qui tente sincèrement de privilégier le consommateur.
Étant donné caractère volumineux du rapport, j'invite instamment les membres du comité à ne pas se sentir obligés de l'accepter ou de le rejeter intégralement, mais plutôt à choisir les recommandations qui semblent convenir à votre clientèle.
• 1540
L'ACCAF remettra au comité la semaine prochaine un mémoire
écrit où seront abordées bon nombre des recommandations du rapport
MacKay, mais aujourd'hui j'aimerais brièvement parler de certaines
recommandations seulement qui revêtent un intérêt particulier pour
nous membres de la vente liée et la vente d'assurance au détail.
L'ACCAF a longtemps exhorté le gouvernement fédéral à protéger les consommateurs de services financiers de la vente liée, offerts particulièrement par les banques. Nous avons comparu devant votre comité au printemps pour présenter nos recherches sur la vente liée et recommander la proclamation des dispositions anti-vente liée de la Loi sur les ventes. Nous avons également fourni au comité une liste de consommateurs et de chefs de petites entreprises qui estiment avoir été victimes de cette pratique et nous avons constaté avec satisfaction que vous avez invité certains de ces Canadiens à comparaître devant vous pour témoigner en personne au sujet de leur expérience.
L'ACCAF félicite le comité d'avoir pris le parti des consommateurs et des petites entreprises en recommandant dans son rapport de juin sur la vente liée que soit proclamé l'article 459.1 de la Loi sur les banques. Je crois savoir que cet article de la Loi sur les banques sera en fait proclamé aujourd'hui, et je tiens encore une fois à remercier votre comité ainsi que le ministre Peterson et ses collègues—d'avoir pris une initiative aussi décisive au nom des consommateurs.
Alliées au résultat des sondages qui figurent dans le rapport MacKay, ces mesures devraient convaincre ceux qui ont longtemps nié que la vente liée existe sur le marché des services financiers. Le groupe de travail s'est dit surpris du nombre de Canadiens qui ont rapporté avoir eu le sentiment qu'on ne leur accorderait pas de prêt ou d'hypothèque à moins qu'ils n'achètent un autre produit de la même institution. Un Canadien sur six et un travailleur autonome sur quatre ont estimé au cours des trois dernières années que l'un de leurs prêts ou leur hypothèque ne serait peut-être pas approuvé à moins qu'ils n'achètent également un autre produit, de l'assurance, par exemple, auprès de leur institution.
D'après les sondeurs d'Ekos Research, qui ont effectué le sondage pour le groupe de travail, «il est indéniable que de nombreux Canadiens estiment avoir été victimes» de ventes liées. Toutefois, nous pensons que le sondage Ekos a minimisé la portée de la vente liée au Canada, contribuant ainsi à certaines conclusions erronées auxquelles le groupe de travail est arrivé au sujet du commerce au détail de l'assurance. De nombreuses raisons viennent étayer cette conviction.
Tout d'abord, la définition de vente liée utilisée dans le questionnaire Ekos ne vise que les prêts ou les hypothèques et exclut les cartes de crédit, qui sont une source courante de crédit pour les consommateurs et, en particulier, les petites entreprises. D'après la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, environ un de leurs membres sur huit se sert d'une carte de crédit comme source principale d'accès au crédit pour son entreprise. Pour les entreprises comptant quatre employés ou moins, ce nombre passe à plus d'un sur six. Si le questionnaire Ekos sur la vente liée avait englobé les cartes de crédit, nous croyons que le taux déclaré de vente liée aurait été beaucoup plus élevé parmi les consommateurs en général et les travailleurs indépendants en particulier.
Deuxièmement, le questionnaire Ekos ne donnait que l'assurance comme exemple d'un produit qui aurait pu être lié à un prêt. Étant donné que les banques ne peuvent pas vendre la plupart des produits d'assurance dans leurs succursales, cet exemple n'est guère susceptible d'évoquer des incidents de vente liée dans l'esprit des répondants. D'après les recherches de l'ACCAF, les banques sont six fois plus susceptibles de lier un fonds mutuel non désiré ou un autre produit de type REER à un prêt qu'un produit d'assurance. Nous pensons que le taux déclaré des ventes liées aurait été plus élevé si la maison Ekos avait plutôt posé la question suivante: «Avez-vous personnellement eu l'impression qu'un de vos prêts ou que votre hypothèque ne serait pas approuvé à moins que vous n'achetiez auprès de votre institution un autre produit, comme un fonds mutuel?»
Monsieur le président, si je relève ces points, ce n'est certes pas pour minimiser la conclusion du groupe de travail selon laquelle la vente liée est un problème, mais plutôt pour souligner que cette pratique est encore plus répandue que ne le croit le groupe de travail. L'ACCAF estime qu'à eux seuls, les résultats du sondage Ekos justifient à tout le moins, la recommandation du groupe de travail en faveur d'une interdiction plus rigoureuse et plus large qu'à l'heure actuelle en ce qui a trait à la vente liée coercitive. Une telle interdiction devrait inclure, au minimum, une définition élargie de la vente liée, une déclaration de divulgation et l'accès à certains recours en justice en cas de vente liée. Nous pensons que ces mesures sont un pas dans la bonne direction, mais nous ne partageons pas l'optimisme du groupe de travail, qui croit qu'elles changeront radicalement la situation dans un proche avenir.
Comme nous l'avons fait valoir dans le mémoire que nous avons présenté en mars dernier au comité, la vente liée est ancrée dans la culture bancaire et il faudra un certain temps avant qu'on respecte toute nouvelle réglementation, aussi stricte qu'elle soit. Le fait que la vente liée soit illégale depuis 1976, aux termes de la Loi sur la concurrence, ne semble pas avoir entravé la croissance d'une culture de la vente liée au sein de certaines institutions de dépôt.
• 1545
En outre, ce n'est pas seulement l'attitude des banques qui
doit changer. L'attitude des Canadiens envers les banques doit
également changer. D'après la maison Ekos Research, environ la
moitié des personnes qui disent avoir fait l'objet des ventes liées
ont cédé à la coercition. Monsieur le président, le régime
anti-vente liée le plus rigoureux n'aura qu'un effet limité si les
consommateurs canadiens continuent de se sentir impuissants devant
leur agent de prêts bancaires. Par conséquent, il y a lieu de
s'interroger sérieusement sur la possibilité que cette culture très
ancrée de la vente liée change sensiblement d'ici l'an 2002, comme
l'espère le groupe de travail MacKay.
Je vais maintenant aborder la question connexe de la vente au détail de l'assurance par les banques, ou la «bancassurance».
Le rapport MacKay recommande que la politique actuelle qui interdit aux institutions de dépôt de vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales soit abrogée à compter de l'an 2002 pour les institutions de dépôt dont les capitaux propres dépassent 5 milliards de dollars et plus tôt pour celles en deçà de ce seuil. Au chapitre des avantages de la bancassurance pour les consommateurs, le rapport fait valoir que son grand avantage de la—en fait le seul—c'est qu'elle élargit le choix des Canadiens pour ce qui est de l'achat d'assurance. C'est un argument important qui mérite d'être souligné. D'après le rapport MacKay, la population ne devrait pas s'attendre à des prix inférieurs ou à un meilleur service si les banques pouvaient vendre de l'assurance dans leurs succursales.
À l'appui de sa conclusion selon laquelle les Canadiens n'ont peut-être pas accès à une gamme suffisante de choix en matière d'assurance-vie, le rapport cite les données de la maison de sondage Ekos qui indiquent que 71 p. 100 des Canadiens ont déclaré avoir de l'assurance-vie, sous une forme ou une autre. Le pourcentage est plus élevé pour les couples et les personnes avec enfants, étant donné que ces groupes ont des besoins d'assurance plus grands que la moyenne. Un sondage mené par la Life Insurance Marketing Research Association, la LIMRA, a fait ressortir un taux de couverture encore plus élevé que le sondage Ekos. Selon l'enquête LIMRA, 82 p. 100 des ménages canadiens sont protégés par une assurance-vie. Cela représente une hausse par rapport aux 80 p. 100 recensés en 1994.
À quoi tient cette différence? Sans doute à la méthodologie différente qu'ont utilisé les deux maisons de sondage. L'enquête LIMRA a été menée auprès du principal décideur financier dans chaque ménage, soit la personne la plus susceptible de s'y connaître en assurance-vie. Par contre, les sondeurs Ekos ont interrogé toute personne de plus de 18 ans résidant en permanence au Canada. D'après LIMRA, par conséquent, huit ménages sur dix au Canada sont couverts par une assurance-vie, et deux ménages sur dix estiment qu'un de leurs membres achètera une police dans un proche avenir. Encore là, ces deux pourcentages seraient presque certainement plus élevés pour les couples et les personnes avec enfants.
Je suis le premier à reconnaître que notre secteur doit faire davantage pour augmenter la couverture d'assurance-vie parmi les Canadiens à faible revenu, mais je tiens à réfuter la conclusion à laquelle semble arriver le groupe MacKay, c'est-à-dire qu'on peut juger que le marché de l'assurance-vie est mal desservi tant que 100 p. 100 des Canadiens ne seront pas titulaires d'une police d'assurance-vie. Le groupe de travail va jusqu'à admettre cela dans son rapport, notant que leur enquête n'a pas fait ressortir pourquoi les différents répondants n'ont pas d'assurance. Le groupe de travail a hésité à conclure qu'il existe un marché non desservi au Canada.
Monsieur le président, si le marché de l'assurance-vie au Canada est déjà bien desservi, et si le niveau de couverture est en hausse, cela semble torpiller le principal argument du groupe de travail en faveur de la bancassurance.
En outre, pour ce qui est de desservir les Canadiens à faible revenu, rien ne justifie qu'on s'attende des banques qu'elles servent mieux ce marché que ne le fait à l'heure actuelle le secteur de l'assurance-vie. La feuille de route des banques pour ce qui est d'offrir aux Canadiens à faible revenu l'accès aux services bancaire de base a amené le groupe de travail à conclure qu'en dépit de la politique officielle des banques... il existe toujours un problème considérable «sur le terrain» lorsqu'il s'agit de desservir une catégorie de clients qui ne sont pas susceptibles d'être rentables pour la succursale. Le groupe de travail ajoute que les principaux obstacles au progrès relèvent de problèmes d'attitude et de culture et non de problèmes de processus.
Monsieur le président, si les Canadiens à faible revenu ont du mal à obtenir l'accès même aux services bancaires de base qu'ils sont prêts à aller chercher à la succursale et attendre patiemment en file pour les obtenir—les produits dits tirés—pourquoi s'attendrait-on à ce que les banques effectuent la dure besogne de persuader ces prétendus clients non rentables qu'ils ont besoin d'assurance-vie?
J'aimerais maintenant parler des coûts considérables liés à la suppression de l'interdiction faite aux banques de vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales. Le principal risque de la bancassurance relevés dans le rapport MacKay est la vente liée, mais le groupe de travail est convaincu que ces propositions vont efficacement contrer ce problème. Pourquoi le groupe de travail est-il si optimiste?
Les auteurs du rapport font observer qu'ils n'ont pas constaté de graves bouleversements sur les marchés dans les pays où les banques vendent de l'assurance au détail, mais ils n'ont pas tenu compte du prix que les consommateurs ont sans doute eu à payer. Le rapport MacKay ne propose aucun exemple de l'expérience de ces pays qui montrent que la vente liée peut en fait être contrôlée grâce aux mesures réglementaires qu'il propose. Aucun parallèle n'est établi entre le secteur bancaire canadien, unique par son fort taux de concentration et sa culture ancrée de la vente liée, et la situation dans n'importe quel autre pays du monde où les banques vendent maintenant de l'assurance au détail.
• 1550
De plus, outre qu'il a sous-estimé le problème de la vente
liée au Canada, nous pensons que le groupe de travail l'a
probablement aussi fondamentalement mal compris. Le groupe de
travail observe que «la possibilité de ventes liées avec coercition
existe lorsque des produits multiples sont offerts par le même
détaillant», et il ajoute qu'en théorie les agents d'assurance ne
devraient pas être habilités à vendre d'autres produits, comme des
valeurs mobilières ou des conseils financiers, de crainte qu'ils ne
tombent dans le piège de la vente liée ou qu'ils fassent mauvais
usage de renseignements personnels.
À mon avis, cette façon de penser est erronée. Les conseillers financiers qui font partie de notre association n'offrent pas de crédit et ne détiennent aucun pouvoir économique sur leurs clients. Par conséquent, ils ne pourraient essayer de conclure une vente liée même s'ils le voulaient. Dans le contexte du régime actuel, c'est le consommateur qui a la haute main, et non le conseiller financier. D'ailleurs, il est beaucoup plus facile de changer d'agent d'assurance-vie que de changer de banque, surtout pour les petites entreprises.
Par contre, les banques ont le pouvoir d'accorder, d'augmenter ou de refuser du crédit à des personnes qui en ont peut-être désespérément besoin pour acheter leur première maison ou, dans le cas de chefs de petites entreprises pour faire la soudure entre leurs comptes payables et leurs comptes recevables. Les consommateurs sont très sensibles à ce pouvoir comme l'indiquent les résultats du sondage Ekos.
Vu que nous estimons que le groupe de travail a à la fois sous-estimé la portée et mal jugé la nature du problème de la vente liée au Canada, nous pensons que votre comité devrait y réfléchir à deux fois avant d'accepter son affirmation selon laquelle la solution qu'il propose aura pratiquement fait disparaître le problème d'ici l'an 2002.
Qu'en est-il de l'autre grand risque de la bancassurance, le mésusage de renseignements personnels? D'après les données du sondage du groupe de travail, 56 p 100 des Canadiens disent craindre que les banques détiennent trop de renseignements personnels et de crédit, renseignements dont elles pourraient se servir à des fins inappropriées si on leur permettait de vendre de l'assurance dans leurs succursales.
Cela confirme les résultats de sondage antérieurs et met en relief la préoccupation des Canadiens. Ainsi, une enquête menée en 1995 par la société Compas a révélé que 83 p. 100 des Canadiens approuvent l'interdiction faite aux banques de balayer au scanner leurs cartes de crédit et leurs chèques pour ensuite leur vendre de l'assurance? Quatre-vingt-cinq pour cent appuient l'interdiction faite aux banques de se servir de l'information figurant dans le compte d'un client relativement à des dépôts importants ou à un héritage pour encore une fois leur vendre de l'assurance.
Par conséquent, notre association appuie la recommandation du rapport MacKay selon laquelle le gouvernement fédéral devrait aller au-delà des codes volontaires de respect de la confidentialité et adopter une mesure de protection des renseignements personnels qui s'appliquerait aux diverses entités du secteur privé. Nous saluons également l'annonce récente du premier ministre au sujet du respect de la vie privée dans le domaine informatique. Cela dit, nous notons que le groupe de travail reconnaît qu'il faudra sans doute un certain temps pour élaborer une approche législative et cohérente pour encourager le respect des renseignements personnels dans le secteur privé. L'ACCAF considère que l'absence d'un tel régime de protection des renseignements personnels est un autre argument qui milite contre la levée de l'interdiction sur la bancassurance.
En conclusion, nous estimons que les avantages de la banque assurance pour les consommateurs sont au plus minimes, mais que les risques, sous forme de vente liée et d'atteintes à la vie privée sont très réels. À notre avis, ces coûts très réels dépassent largement les présumés avantages.
Ce rapport inéquitable explique sans doute le faible intérêt des consommateurs pour la bancassurance qu'a relevé le groupe de travail. Il est vrai que trois Canadiens sur quatre ont dit à la maison Ekos qu'ils souhaitaient avoir davantage de choix quant aux sources d'achat de leur assurance, cela n'est pas étonnant. Peu de gens abandonneront volontiers leur liberté de choix. À notre avis, le plus important c'est que la moitié des Canadiens ont dit qu'ils n'étaient pas tellement préoccupés par la question de savoir si les banques pouvaient vendre des produits d'assurance dans leurs succursales. Autrement dit, la moitié la moitié des Canadiens ne seront pas déçus si vous privilégiez la protection du consommateur et maintenez l'interdiction sur la vente au détail de l'assurance. Vingt et un pour cent sont indécis.
Compte tenu du fait que les Canadiens ne réclament pas de façon urgente que les banques vendent sous peu de l'assurance dans leurs succursales, et compte tenu du coût net considérable que cela risque d'imposer aux consommateurs si le gouvernement décidait d'octroyer aux banques ce pouvoir, l'ACCAF recommande d'examiner de beaucoup plus près la recommandation du groupe MacKay en faveur de la bancassurance avant de donner le feu vert à sa mise en oeuvre.
Je vous remercie de nous avoir invités à participer à ces audiences. M. Fleischacker et moi-même sommes disposés à répondre à vos questions.
Le président: Monsieur beaucoup, monsieur Thibaudeau.
Nous allons maintenant passer aux questions et réponses. M. Epp va commencer.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci.
Je vous remercie de votre exposé, qui m'a beaucoup intéressé.
Monsieur le président, je crois savoir que nous allons interroger uniquement M. Thibaudeau et M. Fleischacker pour le moment, mais que nous pourrons interroger les autres intervenants plus tard.
Le président: C'est exact.
M. Ken Epp: La ténacité dont vous faites preuve pour protéger votre industrie m'intrigue. Soit dit en passant, en guise d'entrée en matière, je vous invite à ne pas préjuger de ma position en fonction des questions que je vais poser. En effet, ayant beaucoup parlé pendant 31 ans, face à une déclaration qui va dans un sens, j'ai tendance à aller dans le sens inverse pour vous amener à exprimer toutes vos pensées et vos idées. Par conséquent, ne tirez pas de conclusions indues au sujet de la position que je défends.
Mais vous protégez avec acharnement votre industrie et vos agents, c'est très clair. Si je travaillais dans le secteur de l'assurance et que j'étais un conseiller en finance, et qu'un intervenant important comme une banque décidait d'oeuvrer dans mon secteur, moi aussi je ferais tout mon possible pour protéger mon territoire. Je comprends parfaitement pourquoi vous le faites. Je crois en fait que c'est le rôle de votre association.
En fait vous dites simplement: «On ne veut pas que vous marchiez sur nos plates-bandes, laissez-nous tranquilles, nous faisons du bon travail.» Ai-je raison?
M. David Thibaudeau: Pour pouvoir répondre à cette question je dois apporter certaines précisions.
Beaucoup de gens dans le secteur de l'assurance jouent des rôles complètement différents. Nous représentons les conseillers en finance. Nous représentons donc des gens qui ne font pas partie du secteur de l'assurance proprement dit. La plupart de nos membres sont des agents d'assurance ou des courtiers, je le reconnais. Mais nombre d'entre eux travaillent pour une compagnie d'assurance-vie qui appartient à une banque.
Nous savons qu'il y aura des répercussions sur le consommateur. Nous en sommes conscients. Nous ne prétendons pas qu'il n'y aura pas d'effets sur certains de nos clients. C'est clair. Mais ce qui nous intéresse tout particulièrement c'est le consommateur, et c'est justement ce sur quoi s'est attardé le groupe de travail MacKay dans son rapport. Nous disons simplement que s'il s'agit là vraiment d'un problème, comment peut-on croire que tout sera réglé en temps pour assurer des règles du jeu équitables pour le consommateur?
M. Ken Epp: À mon avis les règles du jeu équitables existent pour le consommateur quand je peux communiquer avec un de mes amis qui est courtier, ou avec une compagnie d'assurance et demander qu'on envoie un agent chez moi; ou encore je peux me rendre à une banque qui vend des polices d'assurance parce que j'ai besoin d'acheter un produit.
De toute façon l'expérience m'a appris qu'il n'est pas vraiment nécessaire de communiquer avec ces gens-là. On m'appelle pour me dire: «Je viens chez vous pour voir si je peux vous aider avec un produit dont vous avez besoin mais vous ne le savez même pas.»
Je ne suis donc pas convaincu que si les banques ont le droit d'offrir des polices d'assurance cela nuira à votre service puisque vous dites qu'il est de loin supérieur à ce que les banques feront; de plus, je crois que cela offre plus de choix au consommateur. C'est une bonne chose?
M. David Thibaudeau: J'aimerais répondre à cette question puis revenir à ce que je disais un peu plus tôt.
Si vous étiez un consommateur qui se retrouve dans la même situation que moi quand je dispensais des services financiers, et que vous me disiez que vous n'aurez pas vraiment le choix pour l'achat de votre REER cette année parce que l'année dernière vos affaires n'ont pas très bien marché et que votre marge de crédit n'était pas très encourageante et que vous allez devoir vous adresser à la banque pour vos REER—ce n'est pas vraiment un choix.
Vous dites que vous pourriez aller quelque part et acheter votre police d'assurance à un endroit ou à un autre. Nous ne nous y opposons pas. Nous croyons que le consommateur devrait être libre de choisir. C'est la question dont on parle justement, devez-vous faire affaires avec une banque simplement en raison des autres liens financiers que vous avez avec elle. Il s'agit de pression. Tous les Canadiens ne se trouvent pas dans cette situation, parce qu'ils n'ont pas tous nécessairement besoin de ce crédit. Mais il y en a beaucoup qui se trouvent dans cette situation précaire.
M. Ken Epp: Je sais ce que vous voulez dire. Si j'ai bien compris, d'après ce que vous avez dit et d'après votre document, vous croyez que les banques ne devraient être autorisées à vendre des polices d'assurance, un point c'est tout, qu'elles ne devraient pas du tout pouvoir oeuvrer dans ce secteur. Mais si elles sont autorisées à vendre des polices d'assurance, et on a proposé d'instaurer un régime qui empêche toute vente liée, comment cela fonctionnerait-il? Comment peut-ont vraiment prouver que dans des circonstances particulières il y a eu vente liée? On pourrait exercer des pressions très subtilement. Comme vous l'avez signalé, on pourrait simplement dire qu'on sait qu'à une banque en particulier vous avez plus de chance d'obtenir un prêt, si vous avez acheté un autre produit à la même institution. Ce pourrait être tout à fait impossible à définir en ce qui a trait à l'application des règlements; cela n'empêche pas que cela pourrait exister. Comment composer avec cela?
M. David Thibaudeau: Voici: il s'agit d'un problème réel qu'ont vécu certaines personnes et elles nous l'ont dit. La loi qui vient d'être adoptée définit ce qu'on entend par vente liée coercitive. Je crois qu'aux termes de cette définition, c'est l'attitude... c'est pourquoi nous disons qu'il faudra du temps parce que les Canadiens doivent changer leur attitude en ce qui a trait à leurs rapports avec les banques. Même lorsqu'ils savent qu'on exerce des pressions sur eux, ils se laissent faire.
Il faudra donc un certain temps. Nous disons simplement que l'on ne peut pas se contenter de dire qu'il existe une loi, et que les portes sont grandes ouvertes. À mon avis il faut adopter une loi, mais aussi assurer un changement d'attitudes, d'habitudes et de culture; après quoi on pourra peut-être ouvrir le marché.
M. Ken Epp: Monsieur le président, puisqu'il y a plusieurs autres députés qui veulent poser des questions, je reviendrai pour un deuxième tour s'il y a suffisamment de temps.
Le président: Merci.
J'aimerais vous poser une question, monsieur Thibaudeau. Pourquoi avez-vous présenté un mémoire qui parle exclusivement de la situation actuelle et non pas de l'avenir, à un comité qui se penche sur l'avenir du secteur des services financiers?
M. David Thibaudeau: Monsieur le président, je n'ai pas très bien saisi la question.
Le président: Vous ne parlez pas de l'avenir du secteur des services financiers; vous n'avez pas non plus identifié quel sera le rôle de votre secteur à l'avenir. Je désire simplement vous rappeler que notre comité essaie de faciliter l'élaboration de mesures législatives qui toucheront l'avenir de ce secteur. Vous nous dites simplement que vous préféreriez le statu quo, que la situation actuelle vous convient.
M. David Thibaudeau: Je m'excuse mais ce n'est pas tout à fait exact. Je crois que nous disons simplement qu'un bon nombre des recommandations proposées dans le rapport MacKay sont fort valables, et on vous donnera de plus amples détails là-dessus dans notre rapport. Nous voulions vous parler aujourd'hui de la protection de la vie privée et des ventes liées. Comme je l'ai déjà signalé, il existe déjà des mesures législatives sur les ventes liées. Je vous encourage fortement à adopter des mesures législatives sur la protection de la vie privée et à s'assurer qu'elles seront efficaces. Il faut étudier tous ces facteurs de très près avant de laisser les grandes banques vendre de l'assurance en 2002.
Ce n'est pas le statu quo. Loin de là. Nous proposons simplement le statu quo tant que l'on n'aura pas établi les mécanismes nécessaires pour surveiller ce qui se produit, parce que nous savons fort bien que deux choses vont se produire. Il existe une culture et une certaine attitude chez les consommateurs canadiens.
Le président: Vous dites donc qu'il faut assurer des critères minimums sur la protection de la vie privée avant de laisser les banques vendre de l'assurance.
M. David Thibaudeau: Oui, si ces mesures ou ces exigences sont efficaces. On a proposé entre autres choses la création d'un poste d'ombudsman indépendant. Il pourrait y avoir d'autres recommandations. Si ces choses se produisent, et nous voyons qu'il n'y a pas de problèmes, ça va. Pour l'instant, il existe toujours des problèmes. Dans le rapport du groupe de travail MacKay, dans nos travaux de recherche, et dans tous ceux qui ont été effectués, on démontre clairement qu'il existe actuellement des problèmes.
Le président: Est-ce qu'on pourrait déterminer d'une façon ou d'une autre si ces critères sont efficaces sans leur permettre de vendre de l'assurance? Je me demande comment on pourrait déterminer si ces régimes sont efficaces.
M. David Thibaudeau: Il ne s'agit pas simplement d'assurance. C'est justement ce dont on voulait s'assurer. Cela vaut également pour d'autres produits. Les problèmes existent pour d'autres produits.
Le président: Monsieur MacKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
La question des ventes liées m'intéresse beaucoup. Je suppose que le secteur des assurances, et le secteur des banques devaient être traités sur un pied d'égalité en ce qui a trait aux mesures législatives sur les ventes liées. Ai-je raison?
M. David Thibaudeau: C'est ce que je pense, et, oui, ce serait aussi je crois, l'avis de notre organisme.
M. John McKay: Si je veux porter plainte au sujet de ventes liées dans le domaine de l'assurance, que dois-je faire? Comment dois-je procéder?
M. David Thibaudeau: À l'heure actuelle, il n'y aurait pas tellement de problèmes de ce côté-là parce que nous n'accordons pas de prêts. Nous sommes des conseillers. Nous ne sommes pas...
M. John McKay: Mais vous vendez divers produits.
M. David Thibaudeau: Oui.
M. John McKay: Je suppose que, si vous me vendez un fonds commun de placement, vous voudrez aussi me vendre de l'assurance ou vice versa. Il pourrait donc y avoir des ventes liées, même dans le secteur de l'assurance.
M. David Thibaudeau: Ce à quoi nous faisons allusion et ce sur quoi je veux revenir est ce que nous appelons la vente liée coercitive.
M. John McKay: Oui, je comprends la différence.
M. David Thibaudeau: Il serait très difficile d'être coercitif dans la situation que vous décrivez parce que nous n'avons pas de moyens de pression sur le client.
M. John McKay: Je voudrais vous proposer une façon de s'attaquer au problème et je voudrais savoir ce que vous en pensez. Dans le cas de votre secteur, la plainte serait d'abord adressée à un ombudsman qui serait chargé de résoudre les conflits et le fardeau de la preuve serait inversé. Autrement dit, si je porte plainte à titre de consommateur à propos de la façon dont vous vendez un produit d'assurance, on supposerait que ma plainte est fondée et ce serait à vous de prouver que, selon toute probabilité, il ne s'agit pas d'une vente liée coercitive. Que penseriez-vous d'un tel mécanisme?
M. Robert Fleischacker (président, Association canadienne des conseillers en assurance et en finance): Le député ne comprend peut-être pas très bien la dynamique de ce genre de transaction. Si j'obtiens un client, il me fournira volontiers des renseignements. Je dois travailler fort pour obtenir ce droit. Par exemple, le propriétaire d'une petite entreprise qui a besoin de crédit me fournira les renseignements dont j'ai besoin pour lui accorder du crédit. Si le crédit n'entre pas en ligne de compte, tout le monde sera traité de la même façon et la loi actuelle est...
M. John McKay: Vous croyez donc qu'il n'y a pas de ventes liées dans votre industrie parce que vous n'accordez pas de crédit?
M. Robert Fleischacker: C'est ce que j'ai constaté pendant mes 25 années dans l'assurance.
M. John McKay: Il n'est donc pas nécessaire d'avoir des dispositions sur les ventes liées pour l'assurance.
M. Robert Fleischacker: Pas à l'heure actuelle. Je n'ai aucun moyen de pression sur le client.
M. John McKay: Je vois. Ce n'est pas ce que j'aurais pensé au départ.
J'imagine que les membres de votre secteur touchent des commissions.
M. Robert Fleischacker: Dans certains cas, oui.
M. John McKay: J'ai l'impression que c'est le cas pour bon nombre d'entre eux. Si je vends de l'assurance à M. Epp, j'imagine que je toucherais une commission. J'ai donc intérêt à lui vendre aussi autre chose, par exemple en le convainquant d'investir dans des fonds communs de placement, par exemple. Est-ce une hypothèse raisonnable?
M. Robert Fleischacker: Oui.
M. John McKay: Si je lui vends ces autres produits, j'imagine que je ferai plus d'argent.
M. Robert Fleischacker: Oui.
M. John McKay: Le vendeur essaiera sans doute d'avoir recours à la persuasion pour convaincre le client d'acheter un autre produit en lui offrant un incitatif supplémentaire quelconque et certains genres d'incitatifs pourraient être considérés comme étant coercitifs. Pourtant, à l'heure actuelle...
M. Robert Fleischacker: Je ne vois pas comment il peut y avoir coercition.
M. John McKay: C'est difficile si le crédit n'entre pas en ligne de compte. Je le reconnais. Mais tant que le vendeur touche une commission, la possibilité qu'il ait recours à des moyens coercitifs quelconques existe. Je me demande donc pourquoi vous ne voudriez pas que les consommateurs puissent porter plainte dans le cas d'activités coercitives de la part de votre secteur.
M. Robert Fleischacker: Nommez un ombudsman, mais nous n'en avons pas besoin.
M. John McKay: Très bien. Par principe, cependant, il n'y a absolument aucune raison de ne pas traiter votre secteur de la même façon que les banques, à cet égard.
M. Robert Fleischacker: Je crois cependant qu'il n'y aura jamais de plainte à notre endroit parce que nous n'avons pas de moyens de pression.
M. John McKay: Les banques affirment la même chose.
M. David Thibaudeau: C'est ce qu'on dit dans le rapport MacKay et dans notre mémoire. C'est un fait. Ce n'est pas un mythe; c'est une chose qui arrive.
M. John McKay: Nous ne contestons nullement le fait que MacKay a fait un excellent travail d'analyse. Nous sommes d'accord. Cependant, si l'on veut qu'il y ait convergence, du point de vue de la réglementation, tous les fournisseurs de services financiers devraient être assujettis à la même réglementation.
M. David Thibaudeau: Oui, je suis d'accord. Je pense que le rapport MacKay propose que tous les intermédiaires financiers soient assujettis à des règlements semblables. En réalité, ce sont des intermédiaires financiers que nous représentons. Nous ne représentons pas les compagnies d'assurance-vie. Je tiens à bien le préciser. Nous représentons des gens qui servent d'intermédiaires et les produits qu'ils vendent viennent de divers endroits.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur Thibaudeau, monsieur Fleischacker, vous savez qu'on a eu ce débat l'automne dernier au Québec et qu'on a adopté la Loi 188, qui édicte des règles du jeu beaucoup plus sévères. Connaissez-vous cette loi et pensez-vous que ce serait un modèle de base pour éviter que le concept de bancassurance prenne trop d'ampleur et déborde dans des champs que vous occupez déjà?
M. David Thibaudeau: Je crois qu'on a adopté la Loi 188 dans le but de protéger les renseignements privés, etc. On protège aussi les entreprises qui acceptent des dépôts, que ce soit les caisses populaires ou les banques du Québec; on empêche les transferts de prêts de l'une à l'autre. C'est mieux que rien. Est-ce réellement la solution? On le verra à l'avenir.
M. Odina Desrochers: C'est quand même une base dont on pourrait discuter si jamais le concept de bancassurance était retenu.
La position de notre formation politique est que, face aux enjeux et aux changements qui s'annoncent dans le domaine des produits financiers, tout le monde doit partir sur le même pied. Avant qu'une décision ne soit prise au sujet de la demande des quatre banques qui veulent se fusionner, il faudrait que votre industrie et les autres qui offrent des produits financiers examinent le cadre actuel, la législation qui englobe tout cela. Pensez-vous que vous pourriez participer à un débat élargi dans lequel vous auriez le temps d'aller plus loin dans vos revendications afin de protéger le marché que vous avez actuellement?
M. David Thibaudeau: On aura l'occasion de voir comment cela peut fonctionner, de voir si cela protège réellement le consommateur, s'il aura réellement un choix. Nous sommes un groupe de gens et nous sommes là pour donner des conseils et vendre des produits.
Il arrive que le client n'a pas la possibilité de faire des affaires ailleurs à cause de l'emprunt qu'il a contracté, peu importe l'institution. Cela l'empêche de faire plusieurs choses qui pourraient être dans son intérêt. On devrait donc continuer à travailler pour arriver à un point où on se sent... La question est de savoir si le client a la possibilité de choisir l'un ou l'autre.
M. Odina Desrochers: Ça va, monsieur le président. Vous pouvez continuer.
[Traduction]
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
J'ai quelques questions à poser. La première porte sur les changements au système de paiement qui permettraient aux sociétés de fonds mutuels ou aux compagnies d'assurance de participer directement au système de paiement. Si nous vous accordons plein accès au système de paiement pour que vous puissiez rivaliser avec les banques dans ce domaine... Par exemple, je suppose que l'on verse peut-être 30 milliards de dollars par an aux termes des contrats de rente des polices d'assurance-vie et d'assurance-maladie. Si vous pouviez garder cet argent, au lieu d'être obligés de le remettre aux banques, ne serait-il pas aussi équitable que les banques puissent de leur côté vous faire concurrence pour l'assurance?
M. Robert Fleischacker: C'est une question intéressante. Vous n'allez pas nous donner accès au système de paiement; vous allez y donner accès aux fabricants de nos produits. C'est une bonne chose qui sera extrêmement avantageuse pour nos clients, mais on ne devrait pas considérer qu'il s'agit d'une compensation pour les ventes liées.
M. Scott Brison: La question des ventes liées est examinée en long et en large dans les recommandations du rapport MacKay. Les ventes liées coercitives sont quelque chose de très important. M. Barrett en a donné un exemple: si vous achetez une chemise et que l'on vous vende en même temps une cravate et un mouchoir de poche, est-ce considéré comme de la vente liée coercitive? Il faudrait certainement voir ce qui constitue de la coercition.
Vos membres vendent de l'assurance et toutes sortes de produits financiers. Des gens comme des courtiers, par exemple, pourraient ne pas aimer tellement ce que vous faites ou pourraient dire que vos activités constituent de la vente liée, même si ce n'est pas de la coercition... et j'ai d'ailleurs entendu des courtiers dirent que vous avez effectivement la capacité de vendre de l'assurance-vie et que le courtier lui-même ne peut pas le faire. C'est vraiment ce qui a causé l'effondrement des quatre piliers.
M. Robert Fleischacker: Pouvez-vous élaborer un peu ce que vous dites au sujet des courtiers?
M. Scott Brison: J'ai entendu des courtiers dire que les assureurs-vie qui vendent des fonds communs de placement leur font une concurrence directe et que c'est effectivement une forme de vente liée, même si ce n'est une vente liée coercitive si l'agent d'assurance-vie peut vendre des fonds communs ou d'autres outils d'investissement.
M. Robert Fleischacker: Je ne vois pas pourquoi vous faites une distinction entre un courtier qui est autorisé à vendre de l'assurance, puisqu'ils le sont, et les membres de notre association, dont certains sont courtiers.
M. Scott Brison: Sans doute, mais du même coup, ce que nous disons, c'est que les banques... Je ne veux pas parler seulement des changements qui vous donneraient plus facilement accès au système de paiement, mais que pensez-vous du fait que l'on pourra maintenant lancer une nouvelle banque, par exemple, si l'on a 10 millions de dollars et participer ainsi directement au système de paiement?
Si plusieurs de vos membres formaient des groupes ou se réunissaient par régions, ils pourraient lancer une nouvelle banque selon les recommandations du rapport MacKay. Vous pourriez à ce moment-là participer directement au système des paiements. Je ne veux pas parler seulement des compagnies d'assurances elles-mêmes.
Cela va vous donner un accès sans précédent au système de paiement qui vous permettra de rivaliser avec les banques à l'échelon régional ou local. Pensez-vous que c'est possible?
M. David Thibaudeau: L'un des problèmes possibles pour nos membres si nous pouvions prêter de l'argent, c'est que nous devrions faire comme vous l'avez proposé. Si j'ai le droit de vous prêter de l'argent, je peux m'en servir comme moyen de pression. Je ne devrais peut-être pas vous vendre d'autres produits financiers si je vous prête de l'argent.
M. Scott Brison: Ce n'est peut-être pas ce qui arriverait.
Vous reconnaissez que le prix des produits d'assurance, par exemple, pourrait baisser si les banques commençaient à les vendre.
Vous n'êtes pas d'accord?
M. David Thibaudeau: Nous signalions que le rapport MacKay ne disait pas que les prix baisseraient ou que les services s'amélioraient. L'accès serait simplement plus facilité.
M. Scott Brison: Mais ne serait-ce pas logique que le prix baisse, surtout pour les Canadiens à faible revenu s'il y a plus de concurrence? Vous croyez que, dans le cas des Canadiens à faible revenu, il n'y a aucune raison de penser que les banques serviront mieux le marché que ne le fait le secteur de l'assurance-vie maintenant. Voulez-vous laisser entendre que vous ne servez peut-être pas très bien les Canadiens à faible revenu actuellement?
M. David Thibaudeau: Les chiffres sont là. Huit Canadiens sur 10 ont de l'assurance-vie.
M. Scott Brison: En général, les Canadiens à faible revenu n'en ont pas, n'est-ce pas?
M. David Thibaudeau: Je pense que cela dépend de leurs besoins.
M. Scott Brison: Ou de leur capacité de paiement.
M. David Thibaudeau: Et de leur capacité de paiement, c'est vrai.
M. Scott Brison: Oui. Ce sont eux qui auraient le plus besoin d'assurance-vie à bien des égards parce que, en cas de catastrophe, ils n'auraient pas les moyens de...
Ce qu'il faut savoir, c'est si vous essayez de protéger surtout vos membres ou bien les consommateurs? Qu'êtes-vous chargé de faire dans les instances que vous nous présentez au sujet du rapport MacKay?
M. David Thibaudeau: Je pense que nous devons représenter les consommateurs. Si l'un de nos membres a 200 ou 300 clients, peut-être que 50 d'entre eux feront l'objet d'une vente coercitive, mais peut-être que pour certains de nos membres, seulement 10 de leurs clients seront dans cette situation. Cela ne leur enlève donc pas tellement de ventes. Ce n'est pas une chose qui nous inquiète tellement dans ce domaine-ci. Cela peut poser un problème dans d'autres secteurs de l'assurance, mais la plupart de nos membres ne seraient pas grandement touchés par ce problème, mais seulement un peu. Je pense que certains de nos membres seraient davantage touchés si les banques pouvaient vendre au détail, mais nous nous préoccupons surtout des consommateurs, parce que c'est avec eux que nous faisons affaire.
M. Scott Brison: Merci.
Le président: Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci.
Je voudrais revenir à une question que M. Desrochers vous a posée au sujet du Mouvement des caisses Desjardins. L'une des choses qui font la force du réseau Desjardins, c'est sans doute qu'il a des filiales qui s'occupent d'assurance, des services fiduciaires, de courtage et d'investissement commercial et industriel. Le réseau Desjardins joue certainement un grand rôle dans le domaine de l'assurance et plus particulièrement dans le domaine des soins à domicile. C'est un modèle à suivre. C'est la plus importante institution financière du Québec et la sixième en importance du Canada. Nous considérons peut-être que le réseau Desjardins est une coopérative de crédit, mais il s'agit en réalité d'une institution financière qui offre une gamme complète de services. D'après les représentants du mouvement, l'une de leurs forces tient du fait qu'ils peuvent offrir de tels services à leurs membres.
Votre association a-t-elle examiné la question des ventes liées dans le cadre d'un réseau comme le mouvement Desjardins?
M. Robert Fleischacker: Il existe une dynamique culturelle très particulière dans le principal marché du mouvement Desjardins qui n'existe pas ailleurs au Canada. Je ne pense donc pas qu'on puisse établir une telle comparaison.
Le président: Pouvez-vous expliquer cette dynamique?
M. Robert Fleischacker: Les caisses populaires du Québec sont très différentes de toutes autres institutions financières ailleurs au Canada et cela leur donne... C'est quelque chose de très différent.
Mme Sarmite Bulte: Dans le rapport du groupe MacKay, l'une des choses que l'on examine est la possibilité de renforcer le système des coopératives de crédit. On ne peut pas examiner le système des caisses de crédit sans tenir compte du mouvement Desjardins.
Du côté de l'Ontario, je vois que nous entendrons quelqu'un de Credit Union Central ce soir, on examine maintenant le mouvement Desjardins pour voir si l'on peut l'instaurer en Ontario.
Je pose la question parce que, si nous voulons renforcer le deuxième palier, comme le propose le rapport MacKay, cela veut dire les banques coopératives et les autres institutions financières, et aussi les coopératives de crédit, il me semble. D'après vous, la question des ventes liées va s'appliquer de façon générale à tous les paliers des institutions financières. Est-ce exact?
Le président: D'abord monsieur Thibaudeau, et nous passerons ensuite à monsieur Desrochers.
M. David Thibaudeau: Voulez-vous que je réponde d'abord à la question?
Le président: Tout à fait.
M. David Thibaudeau: Il existe déjà des règlements relatifs à l'information sur le crédit qui s'applique aussi à certaines autres institutions financières qui prêtent de l'argent pour des hypothèques, par exemple, comme bon nombre de compagnies d'assurance-vie le font. Nous voudrions bien que ces règlements soient proclamés.
Selon nous, il y a beaucoup de différence entre un prêteur et quelqu'un qui vend d'autres produits financiers. On peut fermer les yeux quand le rouleau compresseur...
Si l'on remonte en arrière, et le rapport MacKay en parle, on voit que, dans le passé, les banques prêtaient et acceptaient des dépôts. Un point c'est tout. Maintenant, les banques ont toutes sortes d'activités. Elles s'occupent de valeurs mobilières et de toutes sortes de choses. Et elles peuvent encore prêter de l'argent. Nous voudrions maintenant que les coopératives de crédit puissent vendre comme les banques et il existe maintenant un petit jeu qui consiste à exercer des pressions sur le client parce qu'on peut lui prêter de l'argent.
C'est comme le magasin de compagnie. Ma vie appartient au magasin de compagnie. La situation n'est pas rendue à ce point dramatique, mais cela risque d'arriver. C'est une chose que nous devons envisager pour l'avenir. Nous devons voir comment nous pouvons mettre fin à cette tendance parce qu'elle devient de plus en plus courante.
Personne n'a demandé une telle chose. Seul un groupe la réclame.
[Français]
Le président: Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Au Québec, la Loi 188 a été adoptée et a édicté certaines règles en vue de contourner le principe de «caissassurance», si je puis dire. La Loi 188 a fait l'objet d'un débat de tous ceux qui étaient impliqués dans les produits financiers. Il s'est quand même développé un large consensus.
Vous disiez plus tôt que vous pensiez que le concept allait s'étendre aux autres provinces à partir du modèle des caisses populaires. Cela ne peut exister parce que des changements ont été apportés et que les cultures et les mentalités sont différentes. Monsieur Thibaudeau, mes remarques sont-elles correctes?
M. David Thibaudeau: C'est ce que M. Fleischacker a exprimé.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
Monsieur Discepola, vous pouvez poser la dernière question.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulange, Lib.): Je voudrais revenir à la question du président, parce que je n'ai pas très bien compris la réponse. Je voudrais donc la poser encore une fois.
Ai-je raison de supposer que, si nous pouvons résoudre le problème de la vente liée coercitive et celle de la divulgation des renseignements personnels, vous et les membres de votre association n'auriez aucune objection à ce que les banques puissent vendre de l'assurance au détail?
M. David Thibaudeau: J'aurais du mal à affirmer que c'est l'avis de tous nos membres à l'heure actuelle parce que nous ne faisons qu'envisager une possibilité. La possibilité que je peux entrevoir, c'est que si cela peut fonctionner, si cela peut empêcher le prêteur d'exercer une influence indue sur le consommateur, nous n'aurions probablement pas d'objection à ce qu'il vende de l'assurance au détail. Cela voudrait simplement dire qu'on ne pourrait pas cibler des gens à cause de leur compte en banque.
Il arrive que des gens reçoivent un coup de fil après avoir obtenu un petit héritage s'ils déposent beaucoup d'argent dans leur compte de banque. Même si la banque ne leur a pas donné signe de vie depuis des années, trois jours plus tard, ils reçoivent un coup de fil. Quelqu'un surveille. Je ne pense pas que les Canadiens apprécient tellement ce genre de surveillance.
M. Nick Discepola: Quelle différence y a-t-il entre recevoir un coup de fil de son gérant de banque ou d'un courtier en assurances?
M. Robert Fleischacker: Je peux vous l'expliquer. Le courtier en assurance ne savait pas que vous aviez hérité. S'il vous a téléphoné, c'est par pur hasard ou parce que quelqu'un l'a averti.
M. Nick Discepola: Ce n'est qu'une coïncidence.
M. Robert Fleischacker: Il peut y avoir des coïncidences, mais ce n'est pas parce que nous avons accès à des renseignements sur la vie personnelle de nos clients.
M. Nick Discepola: L'une des questions qui m'intéressent le plus c'est l'accès aux renseignements personnels.
M. Robert Fleischacker: Oui.
M. Nick Discepola: Je ne pense pas que les banques soient les seules en cause. Je suis à Ottawa depuis cinq ans. J'ai un appartement, mais je n'ai communiqué mon adresse à personne et, depuis deux ans, j'ai commencé tout à coup à recevoir toute sorte de courrier non sollicité de compagnies de cartes de crédit. Ou bien la ville d'Ottawa ou bien mon propriétaire ont donné mon nom à quelqu'un et je ne vois pas comment vous allez pouvoir me protéger dans un tel cas.
Si nous voulons donner des chances égales à tous, il me semble que les membres de votre association auraient pu venir nous demander d'avoir les mêmes privilèges pour ce qui est des dépôts, parce qu'il me semble que cela donne un avantage énorme aux banques, mais personne ne l'a fait jusqu'ici, pas même les banques étrangères que nous avons entendues hier.
Si je peux, indirectement à cause de mes coûts de production, réduire mes coûts en empruntant à 3 p. 100 ou en payant 3 p. 100 sur les dépôts et en prêtant ensuite cet argent à 7 p. 100 ou 8 p. 100 alors que d'autres n'ont pas ce privilège... Si les membres de votre groupe pouvaient faire la même chose avec les 30 milliards de dollars dont vous disposez, il me semble que ce serait un privilège énorme. Nous devrions peut-être permettre aussi aux compagnies financières d'accepter les dépôts. Cela donnerait peut-être des chances égales à tous.
M. David Thibaudeau: Cela donnerait des chances égales aux diverses compagnies. Par exemple, le rapport MacKay propose que les compagnies d'assurances qui peuvent accepter ces dépôts établissent un système de paiement pour qu'on puisse utiliser la carte X...
M. Nick Discepola: Pourquoi ne réclamez-vous pas ce privilège?
M. David Thibaudeau: Nous disons dans notre mémoire que c'est une bonne idée. Nous pensons que c'en est une. Ce n'est cependant pas ce qui se passe. Nous représentons ceux qui jouent le rôle d'intermédiaire entre vous et la compagnie d'assurances ou la banque ou la coopérative de crédit. Si quelqu'un exerce des pressions sur vous pour vous convaincre d'acheter telle ou telle chose, nous ne pouvons pas vous aider beaucoup.
M. Nick Discepola: Pensez-vous que, si vous aviez accès au système de paiement et aux institutions de dépôt, vous pourriez vraiment tenir tête aux six grandes banques ou bien aux trois ou quatre principales banques du pays? Pourriez-vous susciter suffisamment de concurrence, comme nous le voulons?
M. David Thibaudeau: Oui, mais nous représentons des particuliers, des chefs d'entreprise commerciale qui bâtissent leur clientèle grâce à des consommateurs qui lui font confiance pour obtenir les résultats qu'ils désirent. Il sera maintenant plus facile à nos membres d'aider leurs clients à planifier leurs activités financières parce qu'il n'y aura plus d'institutions qui pourront se servir du système de paiement. Ce pourrait être une compagnie de fonds communs de placement ou une compagnie d'assurances ou bien la nouvelle banque ou la banque étrangère qui se sont ménagé un créneau sur le marché. Ces recommandations contiennent toutes sortes de choses qui seront utiles à nos membres. C'est évident.
Le seul problème, selon nous, c'est qu'il est trop tôt pour croire que les institutions de prêt peuvent commencer à vendre de l'assurance dans leurs succursales si elles savent que leurs clients ont de l'argent en dépôt et que c'est pour ça qu'ils vont les cibler. Ce n'est pas juste envers le consommateur. Cela ne me pose pas vraiment de problème à titre de membre de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance; c'est bien plus un problème pour vous, le consommateur, que pour moi.
M. Robert Fleischacker: Quant à dire qu'elles devraient le faire d'ici l'an 2002... rien ne prouve qu'elles auront changé d'attitude d'ici là.
Vous avez demandé, je crois, si nous serions d'accord à la condition que vous fassiez ceci ou cela? Attendons de voir comment les choses se passeront. Mais quant à leur accorder cela maintenant...
M. Nick Discepola: Nous ne pouvons le faire. C'est un processus irréversible. Une fois que nous aurons donné le feu vert, nous ne pourrons pas retourner en arrière.
M. Robert Fleischacker: C'est exact.
M. David Thibaudeau: C'est ce que je veux dire. Nous ne voulons pas que vous leur donniez le feu vert avant que nous...
M. Nick Discepola: Mais vous nous demandez alors de maintenir le statut quo, ce qui n'est pas non plus une solution.
M. David Thibaudeau: Non, nous vous demandons de l'inscrire dans la loi sur la protection des renseignements personnels. Nous demandons que vous assuriez l'efficacité des dispositions visant les ventes liées coercitives, que vous imposiez une amende de 100 000 $ ou une peine de prison. Voyons combien de gens iront en prison.
M. Nick Discepola: Elles nous diront toutes que cela fonctionnera et nous ne serons donc pas plus avancés. N'est-ce pas?
M. David Thibaudeau: Nous voulons le constater...
M. Nick Discepola: Elles prétendent maintenant qu'elles ne font pas de ventes liées coercitives.
M. David Thibaudeau: Nous avons la preuve du contraire. Allez-vous les écouter? Elles affirment qu'elles ne le font pas, mais les maisons de sondage constatent qu'elles le font. Qui allez-vous croire?
Le président: Merci beaucoup.
Pour conclure, le prêteur exerce un pourvoir sur le consommateur, si ce dernier n'a pas le choix. N'est-ce pas?
M. David Thibaudeau: En effet.
Le président: Et vous lui permettez d'avoir le choix en augmentant la concurrence à l'égard d'un certain nombre de produits? Je pense que c'est là une garantie réelle pour les consommateurs.
D'après ce que j'ai entendu, notre comité tient beaucoup à établir un climat très concurrentiel parce que la concurrence semble protéger les intérêts du consommateur. Nous nous soucions beaucoup des intérêts du consommateur.
Nous vous remercions infiniment de votre participation et de vos paroles aimables quant à l'attention que notre Comité porte aux ventes liées. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à l'Association des courtiers d'assurance du Canada. Nous accueillons M. Mike Toole, président élu, et M. Rick Frost, président.
M. Mike Toole (président élu, Association des courtiers d'assurance du Canada): Monsieur le président, je voudrais vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui.
Nous représentons les courtiers indépendants d'assurance tous risques au Canada et leurs employés, soit environ 60 000 personnes. Je suis le président de notre association nationale. Je suis courtier en assurance à Fredericton au Nouveau-Brunswick et je suis ici, avec d'autres membres bénévoles de notre conseil d'administration et d'autres courtiers des quatre coins du pays.
Je suis accompagné de Rick Frost, le président de notre conseil d'administration, de Kamloops en Colombie-Britannique; de notre président élu, Jim Ball, de Vancouver et de notre vice-président, Robert Ballard de Montréal. Deux membres de notre personnel nous accompagnent: notre directrice exécutive, Mable Sansom de Toronto et notre directeur des affaires publiques, Dan Tessier, d'Ottawa.
• 1635
Le rapport du groupe de travail contient des recommandations
importantes dont un bon nombre ont trait à la protection du
consommateur. C'est avec plaisir que nous vous présenterons nos
commentaires sur ces questions à une date ultérieure. Aujourd'hui,
nous aimerions limiter nos commentaires à quelques-uns des termes
soulevés par le rapport du groupe de travail MacKay ainsi que sur
certaines recommandations qui affectent directement notre
industrie. En particulier, nous nous demandons si le groupe de
travail a rempli son mandat. Nous questionnons le postulat sur
lequel le groupe de travail établi ses recommandations. Nous nous
demandons aussi pourquoi il y a tant d'omissions, surtout en ce qui
concerne le secteur de l'assurance tous risques.
Le groupe de travail MacKay a-t-il rempli son mandat tel que défini dans le cadre de référence? Non.
Le groupe de travail devait «évaluer la qualité de la concurrence au sein du secteur des services financiers dans son ensemble et des différents segments qui le composent.» Il est regrettable pour notre secteur que cela n'ait pas eu lieu. Le groupe de travail n'a tout simplement pas tenu compte de l'intense concurrence qui caractérise le secteur de l'assurance de dommages au Canada. Le rapport ne fait aucune mention du fait que les Canadiens bénéficient des prix concurrentiels de l'assurance de dommages. Le rapport ne mentionne pas non plus l'aptitude de notre secteur de réagir promptement et efficacement aux besoins des Canadiens, comme cela a été le cas lors de la tempête de verglas de 1998. Nous avions présenté les questions de principe clés qui devaient être prises en considération afin que les Canadiens puissent continuer de bénéficier d'un secteur de l'assurance de dommages sain et concurrentiel. Pour une raison quelconque, le groupe de travail a choisi d'ignorer ces questions de principe importantes.
En décrivant les facteurs de changement tels que la technologie, la mondialisation et les tendances du marché, le rapport ne traite pas de la réalité concurrentielle actuelle qui existe sur le marché intérieur et international. Le rapport se concentre sur l'avenir à tel point qu'il ignore la situation actuelle. Nous reconnaissons que ces facteurs de changement sont importants, mais ils ne devraient pas nous amener à réagir prématurément ou incorrectement, ce qui représente un danger.
Le groupe de travail laisse entendre que les vents du changement sont si violents que notre gouvernement fédéral n'a peut-être pas la liberté de mettre sur pied une politique indépendante pour son secteur des services financiers. Ce n'est pas le cas. Chaque nation a la possibilité d'établir ses propres politiques pour son secteur des services financiers. Nous reconnaissons le besoin de donner à nos institutions financières la flexibilité d'être concurrentielles sur le marché mondial, mais le Canada et la stabilité et la sécurité de notre marché intérieur doivent avoir la priorité.
Le rapport note à juste titre que la communauté internationale a réagi de différentes façons à la mondialisation et à l'innovation technologique. La première réaction est la convergence des fonctions où les lignes de démarcation qui séparent les quatre piliers traditionnels disparaissent rapidement. La deuxième réaction, l'éclatement des fonctions, prend place au fur et à mesure que les institutions financières se départissent de certaines de leurs activités pour se consacrer à des activités plus spécialisées et plus rentables. Une troisième réaction est illustrée par les fusions et les acquisitions.
Pourquoi ce point est-il si important? Et pourquoi nous inquiète-t-il?
Le groupe de travail a permis au concept de convergence de dicter comment le secteur tout entier devrait être réformé. Il a complètement ignoré une des tendances les plus critiques affectant le secteur des services financiers dans le monde entier. Le rapport n'a pas étudié à fond l'option de l'éclatement des fonctions. Pourquoi? Si le groupe de travail avait pris en considération cette tendance du marché, nous sommes d'avis que bon nombre des recommandations du groupe de travail auraient été différentes.
Nous avions suggéré que la restructuration devrait être un processus évolutif, non pas un événement cataclysmique. Le groupe de travail a raté une excellente occasion de contrôler la cadence du processus de réforme et d'offrir aux Canadiens un plan d'action pratique.
Cela nous amène à notre objection principale. L'analyse du secteur canadien de l'assurance de dommages contenue dans le rapport est décevante. En voici les raisons.
Premièrement, le rapport ne tient pas compte dans ses recommandations de la spécificité du secteur de l'assurance de dommages. En omettant ce fait important, le groupe de travail ouvre la voie à une politique injuste. Si cela est le cas, les banques auront un avantage concurrentiel injuste - ce qui va à l'encontre d'un des objectifs principaux de la réforme de 1992.
Le surintendant des institutions financières du gouvernement fédéral a récemment déclaré qu'il était étonné du manque de connaissances qui existait envers l'industrie de l'assurance de dommages et de la tendance à l'assimiler avec les autres institutions financières. Le problème, ajoutait-il, «est à la base de certaines des décisions stratégiques qui ont été prises par le passé, et continuera probablement de l'être à l'avenir».
• 1640
Deuxièmement, le rapport ne fait aucune mention des
contributions et des services rendus par le secteur de l'assurance
de dommages. Il n'y a aucune mention du fait que les Canadiens
profitent des avantages offerts par un des secteurs de l'assurance
de dommages le plus solide, le plus concurrentiel et le plus
rentable qui existe au monde. C'est un exemple du point que nous
avons soulevé plus tôt quant au fait que le groupe de travail a
totalement omis d'analyser la compétitivité du secteur des services
financiers canadien.
Troisièmement, le groupe de travail a complètement ignoré le groupe des courtiers indépendants. Pourquoi? Nous distribuons environ 75 p. 100 des produits d'assurance de dommages au Canada. N'est-ce pas un facteur important? Ces emplois ne comptent-ils pas? De plus, il y a d'importantes questions de politique et de réglementation qui présentent déjà un désavantage concurrentiel pour les courtiers et pourtant, ces questions n'ont même pas été mentionnées. Une fois de plus, nous nous demandons pourquoi.
Quatrièmement, le rapport n'a pas tenu compte des contributions socio-économiques importantes du secteur de l'assurance de dommages et des avantages régionaux qui en résultent. Les courtiers indépendants représentent environ 60 000 des 100 000 Canadiens qui travaillent dans le secteur de l'assurance de dommages. La grande majorité de ces emplois sont répartis dans pratiquement toutes les communautés rurales et urbaines d'un océan à l'autre.
Nous sommes étonnés de cette omission importante étant donné que le mandat du groupe de travail était de tenir compte des emplois, de la création d'emplois et des petites entreprises.
Si les banques reçoivent une fois de plus des privilèges spéciaux, des milliers de courtiers indépendants devront fermer leurs portes et leurs employés perdront leur emploi. Et pourtant, le groupe de travail n'a pas tenu compte des conséquences de sa recommandation concernant les banques et la vente d'assurance. Il indique seulement «Que des emplois pourraient disparaître». Cette déclaration est bien en dessous de la vérité et est inacceptable.
Cinquièmement, le rapport néglige de prendre en considération le fait que des banques sont déjà dans le secteur de l'assurance et que les règles actuelles de la Loi sur les banques sont efficaces. Notre gouvernement a tenu compte des intérêts des petites entreprises et de ceux des grandes entreprises. Il n'y a pas de preuve que les banques sont défavorisées.
Sixièmement, l'analyse du groupe de travail n'est ni concluante, ni convaincante. La recherche et les données justifiant les conclusions relatives à notre secteur sont insuffisantes. Étant donné ces lacunes, il est étonnant que le groupe de travail soit arrivé à la conclusion qu'on devrait accorder aux banques un avantage concurrentiel injuste en les autorisant à distribuer des produits d'assurance de dommages.
Le groupe de travail défend cette position sous prétexte que la vente de l'assurance par les banques est une chose commune dans le monde, particulièrement en Europe. En réalité, les banques européennes ont eu d'immenses difficultés à pénétrer le marché de l'assurance de dommages. Une des raisons étant que les banques reconnaissent que les produits d'assurance de dommages sont des produits distincts des produits et des services d'investissement traditionnels qu'elles offrent.
Le groupe de travail suggère également que les primes d'assurance pourraient baisser parce que les nouveaux participants peuvent souvent pénétrer le marché de l'assurance par l'entremise de réseaux de distribution moins coûteux. Cette hypothèse est inexacte; il n'y a pas de preuve, ici ou à l'étranger, que les assureurs qui utilisent un réseau de courtiers indépendants font face à des coûts de distribution plus élevés que les banques qui offrent des produits d'assurance dans leurs succursales.
Selon un article récent du Wall Street Journal, les banques européennes pratiquent l'interdistribution depuis une trentaine d'années dans le but de conserver leur clientèle de détail, mais jusqu'ici, elles n'ont pas encore réussi à prouver l'efficacité de cette méthode, de sorte que personne ne peut se prononcer. Toujours selon cet article, trop souvent on propose une gamme de produits pour camoufler des unités peu rentables, les gains d'une division compensant les pertes d'une autre. Contrairement aux banques, les bénéfices des compagnies d'assurance de dommages sont volatiles. Par conséquent, les investisseurs exercent des pressions sur les banques européennes pour qu'elles se concentrent sur les atouts et sur leurs secteurs d'activité. Ce phénomène est reflété dans l'éclatement des fonctions dont nous avons parlé plus tôt. Nous pouvons peut-être profiter de l'expérience européenne.
La question des banques et de l'assurance fait l'objet de débats animés depuis déjà quelque temps. Rien n'a changé depuis que le Parlement a appuyé à l'unanimité la décision du gouvernement en ce qui concerne les banques et l'assurance en 1992. Rien n'a changé depuis que le Parlement a appuyé à nouveau cette décision il y a moins de deux ans, lors de l'examen de 1997 de la législation régissant les institutions financières.
Nos courtiers membres de tout le Canada nous disent que les députés sont toujours en faveur des dispositions de la Loi sur les banques visant une concurrence loyale.
Rien ne permet de croire que les consommateurs sont les instigateurs de ce débat. Il est évident que le public ne demande pas que les banques obtiennent plus de pouvoir. La propre recherche du groupe de travail indique que la majorité des Canadiens sont d'avis que les banques ont déjà trop de pouvoir et trop d'influence. Cette recherche indique également que la majorité des Canadiens sont satisfaits de services qu'ils reçoivent de leur courtier d'assurance et de la concurrence qui existe sur le marché de l'assurance. Nos sondages confirment ces résultats.
• 1645
Pour ce qui est des petites entreprises, la Fédération
canadienne de l'entreprise indépendante a témoigné à plusieurs
reprises devant ce comité de son opposition à autoriser les banques
à vendre des produits d'assurance.
Qui donc veut faire adopter de tels changements inutiles? Et pourquoi le groupe de travail est-il pour un cadre de politiques et de réglementation qui favorise un groupe spécifique aux dépens de la concurrence loyale et de l'efficience du marché?
Le groupe de travail défend une structure de la politique pour le secteur de l'assurance de dommages qui verra la diminution de la concurrence, non pas sa croissance; c'est une politique qui fera augmenter les coûts plutôt que de les faire baisser, une politique qui offrira moins de choix, pas plus de choix. Le problème ne concerne pas la compétitivité du secteur de l'assurance de dommages. Le vrai problème est le manque de concurrence qui existe au sein du secteur bancaire. Ne nous laissons pas distraire en essayant de réparer quelque chose qui n'est pas brisé.
En plus des questions soulevées aujourd'hui, il est important que le gouvernement ne néglige pas le facteur le plus important du processus de réforme, le facteur humain. Nous parlons de personnes et de leur famille, non pas de bilans. Lorsque les gains des entreprises l'emportent sur le facteur humain, nous devons nous arrêter et prendre le temps de réfléchir: le pendule est-il allé trop loin?
Il est évident que la situation canadienne est unique et demande une attention toute spéciale. Nous espérons que vous êtes d'accord avec nous. Merci.
Je suis prêt à répondre à vos questions, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci encore.
Vous avez déjà entendu mon préambule: ne me jugez pas par mes questions.
Votre secteur est celui de l'assurance de dommages. Quel est son étendue? Peut-être pourriez-vous nous en dire plus.
M. Mike Toole: Je vais céder la parole à Rick Frost.
M. Rick Frost (président, Association des courtiers d'assurance du Canada): Contrairement au groupe précédent, nos membres s'occupent presque exclusivement de l'assurance de dommages. Cela comprend l'assurance résidentielle, l'assurance commerciale, l'assurance de biens et la responsabilité civile. Les immeubles que vous voyez en circulant dans les rues sont le genre de choses que nous assurons en tant que courtiers.
M. Ken Epp: Vos membres vendent-ils des assurances comme l'assurance aviation à des aviateurs privés?
M. Rick Frost: Oui.
M. Ken Epp: Je pose ces questions parce que cela m'intéresse et pour comprendre plus clairement.
Je vais tout de suite vous poser une question embarrassante. À la page 5 vous faites toute une affirmation. Vous dites: «Le groupe de travail défend une structure de la politique pour le secteur de l'assurance de dommages qui verra la diminution de la concurrence, non pas sa croissance...». Je ne vois pas comment vous pouvez le dire étant donné que vous comptez 100 000 membres—non pas 100 000 agents, mais 100 000 employés—et que nous allons maintenant ajouter à cela le personnel des banques qui va pouvoir se lancer dans ce domaine. Selon moi, cela va accroître la concurrence. Que voulez-vous dire quand vous déclarez que la concurrence sera réduite?
M. Rick Frost: Tout d'abord, nous avons au Canada 230 compagnies d'assurance. Par conséquent, si vous en ajoutez cinq ou six, cela ne va pas changer beaucoup les choses. Le fait est que nous avons plus de 60 000 courtiers qui vendent de l'assurance au Canada. Le problème, selon nous, est que les banques sont tellement puissantes qu'elles vont pénétrer le marché, abaisser les tarifs, accaparer la clientèle et chasser leurs concurrents. Ensuite, elles augmenteront leurs prix une fois qu'elles auront évincé la majeure partie de la concurrence. Pour le moment, aucune compagnie d'assurance ne contrôle plus de 10 p. 100 du marché
Aucune banque n'est allée dire au comité des finances de la Chambre qu'elle vendrait de l'assurance par l'entremise de courtiers d'assurance, par exemple. Ce serait une possibilité. Nous tenons à bien préciser que nous ne nous opposons pas à ce que les banques vendent de l'assurance. Depuis les réformes de 1992, elles sont autorisées à le faire. Nous nous opposons à ce qu'elles soient avantagées injustement en pouvant vendre l'assurance au détail dans leurs succursales. Nous estimons qu'elles ne devraient pouvoir lier un prêt à un produit d'assurance.
M. Ken Epp: Vous en êtes toujours à ce thème des ventes liées qui a été abordé par les témoins précédents, et vous étiez là pour les entendre.
Vous dites que cela fera augmenter les coûts. La situation est la suivante: une banque ou quelqu'autre organisation peut vendre un produit du domaine de l'assurance des biens sans devoir embaucher du personnel spécialisé. Elle peut simplement accueillir les gens qui se présentent au comptoir. Les installations sont déjà là, de sorte qu'il n'y a pas de dépenses immobilières supplémentaires. De toute évidence, le coût s'en trouvera réduit, car ces personnes pourront vendre le produit en question à un prix bien moins élevé que celui que vous pouvez pratiquer, compte tenu de toutes vos installations individuelles, de tous vos agents, de tout votre personnel et de tour le reste. Le double emploi et les coûts seront moindres et les consommateurs auront certainement à payer un prix moins élevé.
M. Jim Ball (président désigné, Association des courtiers d'assurance du Canada): Si vous me permettez de répondre, depuis quand les banques abaissent-elles les coûts? Elles cherchent ici un avantage. Elles ont déjà fait leur entrée sur le marché et, jusqu'à maintenant, elles se tirent très bien d'affaire. L'an dernier, la compagnie d'assurance de la CIBC a indiqué qu'elle avait réalisé des revenus de 245 millions de dollars en primes. Elle est donc parmi les 25 p. 100 des compagnies canadiennes qui ont les revenus les plus élevés. Les banques nous font déjà concurrence, elles le font selon les règles. Elles cherchent tout comme nous à attirer de nouveaux clients. Elles doivent faire de la publicité, prospecter, faire tout ce que nous faisons pour attirer les clients et leur vendre de l'assurance.
Outre ce qui a été indiqué par mes collègues et par le témoin précédent, la situation devient injuste quand on pense que les banques ont un avantage injuste à l'égard des clients qui prennent une hypothèque chez elles. Ces clients sont tenus de fournir une copie de leur police d'assurance, de sorte que, en ma qualité de courtier, je me trouve à envoyer à la banque une copie de la police d'assurance de mes clients. Sur cette police ont trouve diverses informations: la date d'expiration et de renouvellement, la portée de la couverture et, dans bien des cas, le montant de la prime. Autant remettre à la banque en question les clés de mon agence de courtage. La banque tient dès lors le haut du pavé. La concurrence est injuste. Où est la justice?
Les changements qui ont été apportés en 1992 donnent de bons résultats. Notre secteur est tellement compétitif que la plupart des entreprises commerciales, dont j'ai fait ma spécialité, paient maintenant des primes moins élevées que celles qu'elles payaient il y a cinq ans. Pourquoi? Parce que je représente, non pas les compagnies d'assurance, mais le client. J'offre à mes clients un choix. S'ils prennent leur assurance à la banque, ils achètent uniquement le produit offert par la banque. S'ils s'adressent à moi, je compare leur profil de risque avec ce qu'offrent les huit compagnies d'assurance avec lesquelles je traite jusqu'à ce que je leur obtienne le meilleur prix possible. Voilà ce qui permet de limiter mes primes. Comme l'a expliqué Rick, quand les banques se mettent aussi à vendre de l'assurance et qu'elles commencent à concentrer le pouvoir, elles ont des moyens financiers qui dépassent inévitablement les nôtres. Avec le temps, il n'y a plus de concurrence possible.
M. Ken Epp: Vous avez vous-même dit que la CIBC se tire très bien d'affaire. Elle se trouve déjà dans le peloton de tête. Elle n'est pas arrivée là en disant à ses clients éventuels qu'elle leur ferait payer plus que ce que leur demandait leur courtier local, mais bien en leur offrant un meilleur prix. C'est comme cela que les banques réussissent à attirer autant de clients et, si le consommateur paie moins cher pour le même produit, pourquoi nous opposerions-nous à cela? Notre comité parlementaire devrait appuyer le principe d'un prix plus avantageux pour le consommateur.
M. Rick Frost: Si vous le permettez, je dirai en réponse à cela que nous avons vu ce qu'a fait la CIBC quand elle s'est engagée pour la première fois dans le secteur des assurances, et elle a fait exactement ce qu'elle a dit qu'elle ferait. Elle était venue devant le comité et avait dit qu'elle offrirait des primes d'assurance automobile moins élevées et c'est ce qu'elle a fait. Nous avons aussi constaté que, dans les six mois qui ont suivi ou à peu près, elle a augmenté ses primes de 10 p. 100. D'après un récent rapport qui a été déposé en Ontario, nous constatons également que, d'après la part de marché qu'elle a réussi à capturer, la CIBC se situe sans conteste au beau milieu du peloton.
Elle a fait exactement ce qu'elle avait dit qu'elle ferait devant ce comité de la Chambre. Elle est entrée avec des bas prix, a capturé une part du marché, puis a augmenté les prix. C'est pour cette raison que nous estimons que la présence des banques dans le secteur des assurances n'est pas dans l'intérêt à long terme du consommateur. Elle aura pour effet, non pas d'accroître la concurrence, mais de la réduire.
M. Ken Epp: D'accord.
Le troisième élément de la phrase précise qu'il s'agit d'une «politique qui offrira moins de choix, pas plus de choix». Je ne suis pas de cet avis. Dans ma petite localité, nous avons 18 compagnies d'assurance différentes. Il y a aussi deux ou trois courtiers qui traitent avec quiconque veut bien traiter avec eux. Les cinq banques vont maintenant s'installer dans ma localité—bientôt elles ne seront peut-être plus que trois, mais qui sait?—et elles m'offriront un choix. J'ai donc les 18 compagnies d'assurance, plus les courtiers plus les banques maintenant.
M. Nick Discepola: Les 18 compagnies fermeront leurs portes.
M. Ken Epp: C'est à ces messieurs que je pose la question.
Vous dites que l'arrivée des banques aura littéralement pour effet d'amener les 18 compagnies indépendantes à fermer leurs portes?
M. Rick Frost: Si les modifications proposées sont adoptées, les 18 compagnies indépendantes seront obligées de fermer leurs portes. Je peux vous dire que, pour ma part, j'essaierai sans doute de me lancer dans un autre secteur d'activité. Deuxièmement, dans votre ville, les banques peuvent déjà vous offrir leurs services. Vous n'avez qu'à téléphoner et prendre votre assurance à la banque si c'est ce que vous voulez.
Tout ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas permettre aux succursales des banques d'offrir les services en question. C'est uniquement contre cela que nous en avons. Nous ne disons pas que les banques ne devraient pas pouvoir vendre de l'assurance. Nous disons qu'elles devraient le faire selon les mêmes règles du jeu, celles auxquelles nous devons nous-mêmes nous soumettre.
M. Michael Toole: Puis-je ajouter quelque chose à cela?
Nous disons que les changements apportés en 1992 donnent de bons résultats. On a su assurer l'équilibre entre les intérêts des petites entreprises comme les nôtres et ceux des grandes banques. Cet équilibre permet aux banques de vendre de l'assurance au détail et nous permet de le faire en étant sur un pied d'égalité avec elles. C'est là, à mon avis, qu'intervient l'intérêt public.
• 1655
Il faut voir quelles sont les conséquences à long terme. Il
faut voir ce que les banques ont fait des maisons de courtage et
sociétés de fiducie. Elles les ont avalées les unes après les
autres jusqu'à ce qu'elles occupent seules le terrain, et elles
nous réservent le même sort. Voilà tout ce que nous disons.
M. Ken Epp: Monsieur le président, j'ai beaucoup de questions, mais comme tout à l'heure, je cède la parole à d'autres membres du comité. S'il reste du temps, je pourrai revenir.
Le président: Merci.
J'ai un éclaircissement à demander au sujet de ce que vous avez répondu à la question de M. Epp. Vous avez dit que les prix qu'elles pratiquent les mettent dans le peloton du milieu et ont donc pour conséquences de réduire la concurrence. En est-il de même d'autres organisations, qui se trouvent dans le peloton du milieu ou ailleurs?
M. Michael Toole: Robert est du Québec, il pourrait peut-être vous parler de Desjardins, car il s'agit essentiellement d'une organisation du même type.
[Français]
M. Robert Ballard (vice-président, Association des courtiers d'assurances du Canada): Au Québec, Desjardins, comme la Banque Canadienne Impériale de Commerce, a commencé avec des taux plus bas pour aller chercher de grosses parts de marché, mais maintenant, Desjardins se retrouve au milieu du paquet. Comme la BCIC, Desjardins n'est plus, comme au début, le concurrent le plus bas sur le marché.
[Traduction]
Le président: Du simple fait que Desjardins se trouve au milieu du paquet?
M. Robert Ballard: Desjardins se trouve au milieu du paquet tout comme la BCIC en Ontario à l'heure actuelle. Les deux ont essentiellement commencé très bas, puis elles ont augmenté leurs tarifs au fur et à mesure qu'elles ont capturé leur part de marché.
Le président: Vous dites donc que le fait d'être dans le peloton du milieu est synonyme d'une concurrence réduite.
[Français]
M. Robert Ballard: En 1989, au Québec, il y avait 2 700 cabinets de courtage d'assurance. Maintenant, en 1998, il n'en reste que 1 700. Donc, on a perdu 1 000 cabinets depuis que Desjardins a commencé à vendre de l'assurance. C'est parce qu'ils sont sur le marché comme les autres.
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je crois que vous avez très bien présenté le problème qui se pose pour vous, et nous avons en tout cas eu l'impression que vous estimez que le groupe de travail MacKay a laissé votre secteur pour compte. Le groupe de travail MacKay dit toutefois que le statu quo n'est plus acceptable, et ce, non pas seulement pour les banques, les sociétés de fiducie et les compagnies d'assurance, mais pour l'ensemble du secteur des services financiers.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, car manifestement la recommandation selon laquelle les banques pourraient vendre de l'assurance ne vous plaît pas. Vous voyez cela du point de vue de votre réseau de courtage. Qu'est-ce que vous auriez plutôt voulu entendre? Quelles recommandations le groupe de travail MacKay aurait-il dû formuler, outre les recommandations visant à maintenir le statu quo et la situation actuelle.
Hier soir, nous avons entendu le témoignage des banques étrangères, qui ont parlé de la désagrégation des fonctions, dont vous parlez justement dans votre mémoire. Il me semble que ces marchés à créneau continueront à prendre de l'ampleur. Il a été question de la tendance à n'offrir dans certains cas que les services les plus avantageux.
Si le groupe de travail MacKay n'a pas bien compris le secteur de l'assurance tous risques et qu'il n'en a pas tenu compte comme il l'aurait dû dans ses recommandations, quelles recommandations faudrait-il faire pour le nouveau millénaire afin de s'assurer que les Canadiens soient très bien servis par votre secteur, étant donné la nature en évolution constante de votre paysage?
M. Jim Ball: Si vous me permettez de répondre à cette question, madame, je dirais que nous voudrions qu'on cherche par la voie de la réglementation à réduire les écarts entre les différentes provinces, chaque province ayant par exemple des conditions de qualification et d'accréditation différentes pour ses assureurs. Nous aimerions que l'assureur accrédité dans une province puisse plus facilement être accrédité dans les autres provinces de manière à réduire les obstacles à la vente. À l'heure actuelle, je ne peux pas vendre d'assurance en Alberta parce que je ne suis pas accrédité là-bas. Nous voudrions que les conditions d'accréditation soient harmonisées.
Nous aimerions aussi qu'on impose la certification par étapes. Nous vendons des engagements à payer, alors il est très important que nous ayons une connaissance et une compréhension approfondie afin de pouvoir transmettre l'information voulue. Le produit est complexe. Je travaille depuis maintenant 34 ans dans le domaine, mais chaque semaine j'apprends encore quelque chose. Je dois m'assurer que mes clients comprennent ce produit complexe qu'ils ne lisent jamais, que le produit qu'ils achètent est celui qui leur convienne. La certification par étapes oblige l'assureur à passer des examens afin de démontrer qu'il est compétent pour vendre de l'assurance. Cela se fait dans certaines provinces, mais nous voudrions que cela se fasse partout.
• 1700
Nous voudrions aussi que l'éducation permanente soit partout
une réalité. Nous avons l'éducation permanente en Colombie-Britannique à
l'heure actuelle; je ne peux pas renouveler mon
accréditation tous les deux ans si je n'ai pas 24 heures de crédit
en éducation permanente. L'éducation permanente n'est pas
obligatoire en Alberta. Nous voudrions qu'elle le soit dans le pays
tout entier.
Nous voudrions également que les assureurs soient tenus de prendre une assurance de responsabilité professionnelle. Si je fais une erreur, vous pouvez me poursuivre; j'ai 2 millions de dollars d'assurance de responsabilité professionnelle. À l'heure actuelle, ce ne sont pas tous les assureurs qui sont tenus d'avoir une assurance de ce genre, si bien que si l'on est mal conseillé et qu'on perd ses biens ou des éléments d'actif, on n'a aucun recours.
Nous aimerions que les restrictions professionnelles soient modifiées de façon à donner au courtier plus de possibilités dans d'autres régions du pays.
Il faudrait que le code de conduite soit modifié de manière à y inclure des règles relatives à la protection du consommateur pour que le consommateur soit protégé contre les problèmes dont votre comité a entendu parler.
Voilà donc certaines des modifications qui devraient être apportées selon nous afin que les règles du jeu restent compétitives et équitables. Quel intérêt serait ainsi servi? Celui du consommateur.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
L'argument invoqué contre les banques qui entrent sur le marché de l'assurance à des prix peu élevés et qui une fois leur part de marché assurée, augmentent leurs prix ne tient pas en ce sens que les consommateurs, qui, selon moi, se sont révélés être très sensibles aux prix, ne resteront pas nécessairement pour toujours avec la compagnie d'assurance avec laquelle ils traitent. S'ils peuvent obtenir mieux ailleurs, ils iront ailleurs. Comment alors pouvez-vous avancer que les banques entrent sur le marché de l'assurance attirent des clients et conservent leur clientèle même après avoir augmenté leurs prix de façon considérable, quand on sait que les clients sont sensibles aux prix?
M. Jim Ball: C'est là une bonne question. C'est peut-être qu'elles offrent les prix les plus compétitifs uniquement à ceux qu'elles veulent attirer comme clients. Les coûts dans le domaine des assurances tiennent principalement au règlement des sinistres. Le produit, ce qu'on achète, c'est l'indemnité à laquelle on a droit en cas de sinistre, et c'est de là que vient la majeure partie des coûts liés à l'assurance.
Les banques, pour leur part, aiment ne prendre que le meilleur, de manière à exclure du marché le vaste éventail de risques possibles. Le client moyen doit donc payer plus, parce que les banques pratiquent l'écrémage, alors qu'à l'heure actuelle les risques sont étalés, répartis entre l'ensemble des clients. En tant que courtiers représentant des clients, nous sommes là pour veiller à ce que le propriétaire sinistré, celui chez qui on est entré par infraction à deux ou trois reprises—Mme Leung sait sûrement à quel point ces vols par infraction sont fréquents à Vancouver... Nous sommes là pour veiller à ce que le client puisse renouveler son assurance, à lui obtenir un prix équitable. J'use de mon influence auprès des compagnies d'assurance avec lesquelles je traite pour plaider sa cause.
Les banques, quand il s'agit de leur produit, ne veulent vendre qu'à ceux qui présentent le moins de risques et, ce faisant, elles finiront par faire augmenter les prix pour tous les autres.
M. Paul Szabo: D'accord. Les banques sont déjà sur le marché par l'entremise de leurs filiales, et vous estimez que vous soutenez très bien la concurrence. Si les banques devaient vendre de l'assurance par l'entremise, non plus de leurs filiales, mais de leurs succursales, le problème qui se poserait, celui dont nous parlons précisément, c'est l'interfinancement ou l'effet de levier auquel elles auraient accès du fait qu'elles auraient plus d'un type d'activités sous un même toit. Les installations, les ressources, les éléments d'actif communs et la possibilité qu'elles auraient d'offrir à un prix de réclame accroîtraient le risque.
Si vous avez raison de dire qu'elles n'offrent leurs services qu'aux meilleurs clients ou qu'elles font de l'écrémage, et que cette pratique deviendrait encore plus répandue, vous vous retrouveriez sans doute avec un portefeuille plus difficile à gérer, si bien que votre activité ne serait pas aussi rentable et que vous risquez de ne pas survivre. Vous perdriez donc des emplois.
Je suis d'accord avec vous. J'ai été directeur des finances à l'Association canadienne des assureurs, devenue le GTA, et j'ai connu beaucoup de courtiers qui étaient très soucieux d'offrir un bon service. Je m'inquiète notamment, et vous voudrez peut-être nous dire ce que vous en pensez, du fait qu'il est très facile de ne choisir que les meilleurs clients et d'offrir une gamme de services très réduite sur le plan de l'assurance tous risques, mais les banques vont-elles un jour offrir toute la gamme des services qu'offre le réseau existant de courtiers et de compagnies d'assurance? Peuvent-elles devenir dans les faits des compagnies d'assurance? Leur stratégie ne consiste-t-elle pas en fait à se dire que, si la technologie va rendre leurs succursales de plus en plus désuètes, il leur faut trouver une autre activité qui peut être exercée dans ces succursales et réduire ainsi leurs frais généraux qui ne cessent d'augmenter au fur et à mesure que baisse le nombre de clients qui se rendent dans leurs succursales?
M. Jim Ball: Je crois que vous avez raison. Quand nous parlons de ces emplois, il faut vraiment se demander où sont ces emplois. Ils sont dans les localités. Nos bureaux sont dans le centre-ville. Nous sommes une des forces qui assurent la cohésion des collectivités. Si nous disparaissons, comme cela a déjà été le cas d'autres entreprises qui ont dû fermer leurs portes à cause de l'arrivée de très gros détaillants et d'autres tendances, quelles en sont les conséquences pour notre qualité de vie?
Nous soutenons que le jeu n'en vaut pas la chandelle, que ces emplois qui seront perdus... Écoutez, je travaille dans mon milieu et j'y vis, mes employés travaillent dans le même milieu et y vivent aussi. Il est question, dans un sens plus large, de notre tissu social.
Les banques ne s'intéressent pas à cela. Ce qui les intéresse, c'est de réaliser des bénéfices. On voit bien l'attitude qu'elles ont à l'égard des clients qui ne leur procurent pas de revenus. Elles les obligent à se servir des guichets automatiques alors même qu'elles mettent sur pied des centres de services bancaires personnels à l'intention de ceux qui ont de l'argent, qui ont droit à un traitement de faveur et... parce que ces personnes sont les seules qui leur procureront un revenu; elles feront de même avec l'assurance.
M. Rick Frost: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose à cela. Il faut aussi tenir compte du fait que nous sommes là pour défendre les intérêts des consommateurs. Quand une demande d'indemnité indispose la compagnie d'assurance visée, c'est nous qui exerçons des pressions sur la compagnie. Nous disons: «nous avons tel chiffre d'affaires avec vous; nous ne sommes pas d'accord. Voyons un peu s'il n'y a pas une autre solution possible.» J'ai moi-même plaidé devant la Cour suprême contre des compagnies d'assurance qui avaient adopté une certaine position. Cela m'a fait perdre un contrat d'assurance.
J'aimerais bien savoir ce que vous allez faire quand tout le monde sera assuré à la banque et que la banque dira: «Désolé, Jim Ball, votre sinistre n'est tout simplement pas couvert.» Qui pourra-t-on aller voir pour contester cette décision? Le client pourra-t-il s'adresser à son directeur de banque quand c'est lui qui détient l'hypothèque sur son entreprise, sur son bateau et tout le reste? Je ne le crois pas. Je crois que les clients vont tout simplement plier l'échine, et je ne pense pas que cela soit dans l'intérêt du public.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Quand vous dites que les banques sont à l'heure actuelle dans le peloton du milieu pour ce qui est de leur tarification—vous avez notamment parlé de la BCIC et des Caisses Desjardins au Québec—, est-il possible que tous les acteurs aient en fait abaissé leur prix quelque peu? Quel a été l'effet de l'arrivée des banques sur la structure tarifaire de l'ensemble du secteur?
M. Jim Ball: Pour ma part, je ne crois pas qu'elles aient eu d'effet sur la tarification, sauf pour ceux qu'elles veulent assurer. Ainsi, en Colombie-Britannique, la Banque de Hong Kong a créé une filiale appelée Canadian Direct Insurance, et il est clair que seuls les clients qui présentent le meilleur profil de risque sont acceptés. Ces principes d'assurance sont structurés en conséquence, car elle sait que, parce que nous sommes les assureurs de l'État, l'ICBC est tenue d'accepter tous les autres. Voilà ce qui inquiète l'ICBC: si l'on autorise ces nouvelles compagnies d'assurance à continuer à n'accepter que les clients qui présentent le meilleur profil de risque, les prix finiront par augmenter pour tous les autres.
Les banques ne cessent toutefois de nous dire—je le vois tous les jours dans les journaux—qu'elles offriront des prix moins élevés. Il me semble qu'elles devraient alors avoir les prix les moins élevés. Ce n'est toutefois pas le cas. Leurs prix sont tels qu'elles se situent dans le peloton du milieu.
La publicité est un élément clé de leurs activités. Elles peuvent consacrer des millions de dollars à la publicité, comme le fait Canadian Direct Insurance; le client est ainsi amené à appeler, puis on lui explique ce qu'on a à offrir. Si son profil est acceptable, c'est sûr qu'il obtiendra un meilleur prix; sinon, il devra revenir me voir ou aller voir l'Insurance Corporation of British Columbia. Il devra payer plus au bout du compte.
M. Scott Brison: Le client qui a un meilleur profil de risque ne devrait-il pas obtenir un meilleur prix?
M. Jim Ball: Il obtient déjà un meilleur prix, mais ce prix est fixé dans un contexte qui permet de répartir le risque de façon équitable entre tous les assureurs. C'est là le principe même de l'assurance—le partage du risque. Nous ne sommes là que pour faciliter le partage du risque.
Ainsi, ceux qui ont un bon profil de risque doivent partager le risque avec ceux qui ont un profil moins bon, mais la tarification tient compte de cela. On s'attire des ennuis quand on ne fixe pas le prix des produits en fonction du type de risque qu'on court.
M. Scott Brison: Les compagnies d'assurance tous risques sont certainement assez habiles pour établir une tarification qui leur permette de bien se tirer d'affaire sur le plan financier.
• 1710
J'ai sous les yeux un tableau comparant l'actif et le revenu
de divers types d'institutions financières. Ainsi, au Canada, les
banques à charte ont 69 p. 100 de l'actif total et 55 p. 100 du
revenu net; les sociétés de fiducie ont 2 p. 100 de l'actif et
environ 2,5 p. 100 du revenu; les compagnies d'assurance-vie ont
16 p. 100 de l'actif et 19 p. 100 du revenu; et les compagnies
d'assurance tous risques ont 3 p. 100 de l'actif et 13 p. 100 du
revenu. Il s'agit donc d'un secteur très lucratif. Il n'y a rien de
mal à cela, mais il me semble qu'il devrait y avoir une plus grande
souplesse dans la tarification que celle à laquelle le consommateur
a droit à l'heure actuelle.
M. Jim Ball: Je ne suis pas nécessairement d'accord pour dire que les compagnies d'assurance IARD sont très profitables. La plupart d'entre elles fonctionnent avec un ratio d'exploitation de plus 100 p. 100, ce ratio est en fonction de la prime exigée. Ainsi, pour chaque dollar d'assurance, dans bien des cas, elle débourse en fait plus que 1 $.
Leurs bénéfices proviennent plutôt de leur revenu de placement. Voilà ce qui détermine en grande partie la rentabilité des compagnies d'assurance. Leurs bénéfices ne proviennent pas de leurs polices d'assurance, parce que le secteur est tellement compétitif que la plupart des compagnies ne peuvent pas réaliser de bénéfices sur leurs polices. Elles doivent compter plutôt sur leurs placements. Elles prennent vos 100 $, mais elles ne les gagnent que 1 $ à la fois chaque jour qui passe. Elles doivent garder en réserve ce qui sert de garantie et l'investir. Nous craignons maintenant qu'avec la baisse du revenu provenant des intérêts, il ne devienne de plus en plus difficile de ne pas augmenter les prix, car en dernière analyse, cela fait chuter les revenus de placement à un point tel qu'ils ne couvrent pas les pertes du côté de l'assurance. Notre secteur est tellement compétitif qu'il est très difficile de réaliser un bénéfice sur les assurances.
Le président: Monsieur Frost.
M. Rick Frost: J'aimerais ajouter quelques petites choses aux commentaires de Jim. J'aimerais vous donner une idée de la compétition dans notre secteur. Nous ne vendons pas simplement de l'assurance-logement et de l'assurance-automobile. L'année dernière j'avais un compte d'assurances. C'était une Première nation et le dossier comprenait un incendie d'origine probablement criminelle suivi d'un incendie carrément criminel pour une perte totale d'environ 250 000 $. Après avoir supplié et plaidé auprès de 10 compagnies d'assurance, nous sommes parvenus à faire couvrir ce risque pour 75 000 $, tarif très compétitif pour l'année dernière. Cette année, forts d'une année d'expérience sans problème, nous étions pratiquement persuadés de conserver ce compte. Après avoir battu le marché dans tous les sens, nous avions obtenu une couverture à 45 000 $. Le lendemain un appel téléphonique nous a appris que quatre courtiers avaient présenté un chiffre pour ce compte. Notre offre arrivait en deuxième position. L'affaire s'est conclue à 30 000 $ et nous avons perdu ce compte.
Alors que j'étais ici à Ottawa, j'ai reçu un appel de mon adjoint qui m'a dit que nous avions perdu un compte sans protection à 5 000 $ alors que depuis trois ans pour ce genre de compte il fallait compter 7 000 $. C'est le genre de concurrence auquel nous devons faire face.
Nous craignons que si vous permettez aux grandes banques de dominer ce genre de marché il y aura, ce dont nous avons été témoin dernièrement, multiplication des fusions de compagnies d'assurance. Je vais encore vous donner un exemple. L'année dernière il y avait 10 marchés pour lesquels nous offrions ce genre de couverture. Douze mois plus tard nous n'en avons plus que cinq. Il nous a fallu aller en décrocher cinq nouveaux.
Si cette recommandation est adoptée, nous pensons qu'à long terme nous ne pourrons plus faire le travail que nous faisons actuellement pour nos clients. Nous craignons que les banques ne s'emparent du marché des moindres risques et laissent en plan les autres pour lesquels les primes ne pourront qu'augmenter.
Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres questions, monsieur Brison?
M. Scott Brison: Connaissez-vous les recommandations visant à faciliter l'entrée sur le marché de particuliers ou de compagnies qui veulent accéder au système de paiements en se constituant en institutions bancaires? Intéressent-elles vos membres? Il est évident que si vous voulez réduire le coût des primes, un des moyens est de changer de statut et un de ces statuts est celui de banque. Le Groupe de travail MacKay vous facilite soit individuellement soit en groupe, l'entrée dans l'univers bancaire et l'accès inconditionnel au système de paiements et au compte-chèques. Vous pouvez, pour l'essentiel, faire tout ce qu'elles font, avec l'avantage supplémentaire, du point de vue commercial, de ne pas être une des grosses banques.
M. Mike Toole: Dans une telle perspective, il faudrait considérer la théorie de la désagrégation comme une stratégie d'entreprise valable. Nous sommes des spécialistes, et nous lancer dans des activités bancaires ne nous semble pas vraiment la solution pour nous pour le moment. Peut-être que plus tard... mais nous sommes des spécialistes et il faut que vous compreniez... et c'est ce que le groupe de travail recommande dans son rapport.
La banque et l'assurance tous risques, ce n'est pas la même chose. Le courtier cherche les risques à couvrir et les évalue, le banquier évalue le risque et essaie de l'éviter. C'est totalement différent. L'assurance tous risques n'a rien à voir avec la banque et c'est la raison pour laquelle nous sommes spécialisés.
M. Dan Tessier (directeur, Affaires publics, Association des courtiers d'assurance du Canada): J'aimerais, si vous me le permettez, apporter une précision. La proposition du Groupe de travail MacKay concerne le secteur de l'assurance-vie et non pas celui de l'assurance tous risques. Je crois qu'il faut faire la distinction. Nous ne faisons que dans l'assurance tous risques, ce que le récit du quotidien de ces messieurs nous a montré.
M. Scott Brison: Néanmoins, ces messieurs ou des compagnies pourraient accéder au système de paiements en se constituant en banque—oui, vous le pouvez; c'est dans le rapport du Groupe de travail MacKay.
M. Dan Tessier: Je crois qu'il serait très difficile à un courtier d'assurance à Flin Flon, par exemple, ou à Halifax, de se constituer en banque quand il travaille en famille à son domicile...
M. Scott Brison: Même pour la question de ventes liées, si cela se fait, je prédis l'arrivée sur le marché bancaire d'un nombre sans précédent de nouveaux venus, qu'il s'agisse de banques étrangères ou de nouvelles banques et les possibilités de ventes forcées pour les banques seront grandement réduites car, soyons honnêtes, les clients ne se laisseront plus faire. Il y a quelques années il n'avait pas d'alternative. D'après moi, le marché lui-même va changer.
M. Dan Tessier: Permettez-moi de partager avec vous une anecdote personnelle. Il s'agit d'une personne qui m'est très proche, qui a 78 ans et qui est illettrée. La semaine dernière il s'est présenté au guichet de sa succursale bancaire. Alors qu'il n'a jamais eu de carte de crédit de toute sa vie, il n'a jamais fait d'emprunt, on l'a obligé à prendre une carte Visa et une carte pour guichet informatique car désormais il n'avait plus accès qu'à ceci. Le lendemain il m'a raconté ce qu'il lui était arrivé. J'ai appelé la banque et je leur ai dit: «Est-ce que vous savez que, pour commencer, c'est illégal? Non seulement c'est illégal mais, en plus, c'est immoral».
Suggérer que cela ne se passe pas comme ça... comme M. Thibaudeau l'a si élégamment dit tout à l'heure, c'est de plus en plus comme ça tous les jours. C'est la réalité et nous ne pouvons l'ignorer.
M. Scott Brison: C'est la raison pour laquelle il nous faut plus de concurrence et vous avez tout à fait raison.
Une dernière chose. Vous dites à la page 5 de votre mémoire:
-
Le groupe de travail suggère également que les primes d'assurance
pourraient baisser parce que les nouveaux participants peuvent
souvent pénétrer le marché de l'assurance par l'entremise de canaux
de distribution plus rentables. Cette hypothèse est incorrecte; il
n'y a pas de preuve, ici ou à l'étranger, que des assureurs qui
utilisent un canal de courtiers indépendants font face à des coûts
de distribution plus élevés que les banques qui distribuent des
produits d'assurance dans leurs succursales.
Si tel est le cas, vous n'avez pas à vous inquiéter. Si les banques ne bénéficient pas d'économies d'échelle et vous dites effectivement ne pas croire à des possibilités d'économies d'échelle dans ce cas, pourquoi vous inquiéter? Elles auront les mêmes problèmes de coûts que vous.
M. Rick Frost: Nous nous sommes peut-être mal exprimés. Il ne s'agit pas d'autoriser les banques à vendre de l'assurance. Elles le font déjà et nous n'y voyons aucune objection, nous l'avons déjà clairement dit. Nous avons vu les changements de 1992 à l'épreuve et tout semble assez bien se passer.
C'est le fait de pouvoir lier un crédit à une assurance qui nous inquiète le plus. Si vous êtes en mesure d'accorder un prêt à quelqu'un qui en a besoin, le coût de l'assurance devient secondaire. Il peut même ne pas y avoir de coercition... mais dans notre pays il est très difficile de réglementer la perception et si le client a l'impression qu'il pourra faire approuver plus rapidement, en fait le jour même, son prêt pour acheter un bateau, en faisant tout au même endroit, je crois que c'est ce qui se passera.
• 1720
Donc qu'elles vendent ou non de l'assurance à un prix
inférieur, par l'intermédiaire de leurs succursales, n'aura à mon
avis aucun effet.
M. Scott Brison: Les changements dans les systèmes de paiements, l'arrivée de nouvelles banques et banques étrangères mènent effectivement à une plus grande concurrence entre les banques au niveau de leurs activités principales, si bien qu'elles ne pourront plus agir comme avant.
M. Rick Frost: C'est possible.
M. Jim Ball: C'est la raison pour laquelle nous vous disons d'y aller lentement; voyons comment les choses vont se passer. Nous savons que les changements apportés en 92 donnent de bons résultats. Les banques vendent désormais de l'assurance. Elles nous font concurrence. Qu'elles y goûtent aussi un peu, faisons le point et au besoin apportons des changements, mais ne les apportons pas simplement parce qu'elles le veulent à tout prix dès maintenant.
Le président: Mme Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remarque qu'il y avait deux témoins de Colombie-Britannique et je viens de Colombie-Britannique. Soyez les bienvenues.
Je crois comprendre que chez les compagnies d'assurance il y a aussi pas mal de fusions. Or, vous avez rappelé que les compagnies d'assurance ont souvent une base très communautaire si bien qu'une fusion change naturellement les perspectives. Par exemple, London Life a été rachetée par Power Corporation, si je ne m'abuse.
Je me demande l'effet qu'auraient ces fusions—vos objectifs et vos services changeraient et je suis certaine que vos prix aussi. Est-ce que cela fait une très grosse différence au niveau de votre mission comme vous l'avez décrite—servir la population locale, etc.? Si vous êtes totalement contrôlés par une grosse société, quelle est la différence entre vous et les banques?
M. Jim Ball: N'oubliez pas que nous ne sommes pas contrôlés par les compagnies d'assurance; nous ne travaillons pas pour elles. Nous sommes des courtiers indépendants. Nous vous représentons. Nous vous offrons des choix et des conseils. Maintenant il est vrai que ces choix peuvent être réduits si les compagnies d'assurance voient la nécessité de fusionner pour porter, par exemple, leur part de marché à plus de 10 p. 100. Les choix que nous pouvons vous offrir pour placer votre assurance sont d'autant réduits.
Il y a aussi des fussions au niveau des activités qui nous sont propres. Et par contre, quand nous fusionnons nous ne quittons pas les communautés dans lesquelles nous nous trouvons parce que nous dépendons de ces communautés, de ces clients et des employés pour tout ce que nous faisons.
Il est donc certain que les fusions de compagnies d'assurance limiteront la gamme de choix que nous pourrons vous offrir et qu'elles feront peut-être quelques victimes chez les courtiers moins solides mais c'est la loi de la concurrence. Il est possible qu'ils disparaissent mais aucune communauté, certainement en Colombie-Britannique, ne se retrouvera sans courtier d'assurance tant que les règles du jeu resteront les mêmes pour tout le monde.
Mme Sophia Leung: Merci.
Je tiens également à vous signaler qu'à Vancouver j'ai déjà reçu la visite d'un ou deux représentants de votre profession, j'ai donc une petite idée de la situation. Vous voir ici est un plaisir.
Le président: Merci.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Vous dites que les banques vont vous faire de la concurrence déloyale et vous vous fondez sur le fait que, d'après vous, elles vous prendront vos clients qui présentent le moins de risque et vous laisseront les autres ce qui vous obligera à augmenter vos primes.
La pratique générale dans le domaine des assurances n'est-elle pas que la prime du client se fonde sur le niveau de risque? Sera-t-il possible que vous fassiez trop payer à ceux qui présentent le moins de risque et que c'est la raison pour laquelle vous allez les perdre au profit des banques?
M. Jim Ball: Je ne suis pas sûr de comprendre. Voudriez-vous répéter votre question?
M. Ken Epp: Un exemple. J'ai une maison. Il n'y a pas de borne d'incendie devant chez moi, ma prime est donc un peu plus élevée que pour le type qui habite à deux pâtés de maisons et qui a une borne d'incendie devant chez lui puisque le risque est jugé plus élevé en cas d'incendie. Je paie donc plus.
Vous dites que les banques vont vous voler tous les assurés à moindre risque qui représentent d'une manière générale une part plus importante de profit pour vous parce, que même si leurs primes sont relativement moins élevées, les risques de sinistre à rembourser sont beaucoup moins grands. Je me demande simplement si vous n'exagérez pas un petit peu au niveau de la distinction entre les risques. Vous devriez en fait pouvoir concurrencer les banques et dire: «d'accord, si vous offrez ce genre d'assurance pour 400 $, nous le ferons aussi». Vous devriez pouvoir le faire si le risque est faible.
M. Jim Ball: Vous avez raison. Ce n'est pas nous qui fixons le taux des primes; ce sont les compagnies d'assurance et elles les fixent en fonction de leur évaluation du risque si bien que si vous êtes un client à faible risque vous payez moins. Mais elles assurent également des clients à risque plus élevé et notre travail dans nos communautés est de nous assurer que tout le monde soit correctement servi et non pas simplement les quelques clients à faible risque.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le concept même d'assurance est d'étaler et de partager les risques. Cela signifie mettre ensemble les bons et les mauvais risques. Les mauvais risquent paient plus. Mais le risque, c'est une drôle de chose. Vous pouvez être considéré comme un client à faible risque et vous retrouver avec une demande de remboursement énorme. Il faut donc étaler le risque, faire assumer par tout le monde une partie de bons et de mauvais risques plutôt que de n'accepter que les bons risques.
M. Ken Epp: D'accord. Je n'en pense pas moins que si les compagnies d'assurance répartissaient leurs risques avec plus de précision, les clients à faible risque verseraient une prime en conséquence et il en irait de même pour les clients à fort risque, même si, à long terme, statistiquement parlant, vous recevrez autant de demandes d'indemnisation d'un groupe que de l'autre. D'accord?
Êtes-vous en train de me dire qu'en fait les compagnies d'assurance font leurs calculs d'une telle manière que ce sont les clients à faible risque qui finissent par subventionner ceux à haut risque?
M. Jim Ball: Non, mais comme mon collègue M. Frost l'a mentionné, quiconque veut entrer sur un marché doit offrir des prix moins élevés pour se faire des clients. Donc même si vous perdez de l'argent au départ... La majorité des nouvelles entreprises savent qu'elles vont perdre de l'argent au départ parce qu'elles doivent offrir de meilleurs tarifs que tout le monde mais une fois leur part de marché capturée elles augmentent leurs prix. C'est tout ce que nous disons. Nous disons que ces prix finiront par augmenter. Il faudra qu'ils finissent par s'ajuster.
Quand une compagnie est dans l'assurance depuis 150 ans—comme la Dominion of Canada, une de mes compagnies d'assurance—elle a une certaine idée de la valeur des risques et sait comment les répartir et les facturer en conséquence. Elle est devenue tellement grosse, que réduire les primes pour attirer de nouveaux clients ne l'intéresse pas même si elle le fait parfois. Si le courtier, s'il voit que le tarif vous est favorable, il place votre police auprès de cette compagnie. Nous essayons de trouver pour vous le meilleur prix mais si nous n'y arrivons pas nous perdons votre clientèle.
M. Rick Frost: Monsieur le président, si vous me le permettez, ce que nous essayons de dire c'est que pour le type de clients dont vous parlez il y a déjà un tarif très précis. En fait, aujourd'hui, le système canadien est tellement sophistiqué que, si vous me donniez votre code postal je pourrais vous donner votre taux dans les deux minutes. Il y a un taux tout à fait logique correspondant à ce genre de risque. Il y a un tarif tout à fait logique pour ce genre de risque particulier. Disons qu'il est de 100 $. Comme les banques veulent se tailler une part du marché elles sont tout à fait disposées, comme nous l'avons constaté en Colombie-Britannique, à supporter un ratio de dépenses d'environ 230 p. 100.
Si le tarif est censé être 100 $, elles vendent la police pour 50 $ jusqu'à ce qu'elles se soient constitué une clientèle suffisante, après quoi elles font lentement grimper leurs tarifs pour atteindre la moyenne du marché. Dans ces circonstances, nous craignons que beaucoup de petites compagnies d'assurance ne puissent, à long terme, rivaliser avec les banques dont les trésors de guerre sont infiniment plus importants. C'est aussi simple que ça.
M. Ken Epp: Donc, selon vous, ce sont les énormes réserves des banques qui leur donnent un avantage sur tout le monde.
M. Rick Frost: Exactement.
M. Ken Epp: D'accord. Merci.
Le président: Merci beaucoup. Au nom du comité, j'aimerais vous exprimer notre gratitude la plus sincère pour vos interventions. Elles nous seront très utiles quand nous déciderons de l'architecture à donner au secteur canadien des services financiers de demain.
Nous faisons une pause de cinq minutes.
Le président: Nous reprenons notre séance. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec: le président, Alain Poirier et la directrice générale par intérim Anne-Marie Beaudoin. Également, pour représenter l'Independent Life Insurance Brokers nous avons Jim Bullock, l'ancien président et Pat Chamberlain, la présidente. Soyez tous les bienvenus.
Nous commencerons par l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec. Bienvenue.
[Français]
M. Alain Poirier (président, Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec): Mesdames et messieurs les députés, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec regroupe 13 000 agents et courtiers en assurance de personnes au Québec. C'est un organisme constitué par le législateur québécois dont la mission est d'assurer la protection du public qui transige avec des intermédiaires en assurance de personnes. Nous réalisons notre mission en développant la qualité des services professionnels de nos membres et en veillant au respect d'une déontologie rigoureuse.
• 1740
Il me fait plaisir de vous livrer nos réactions sur le
rapport du groupe de travail. Je m'en tiendrai
toutefois aux éléments saillants de ces réactions,
étant donné le temps qui nous est imparti et aussi
parce que nous ferons parvenir un document plus complet
à l'occasion de votre passage à Montréal dans trois
semaines.
Nous avons regardé le rapport sous deux angles. D'abord, nous l'avons comparé au mémoire que l'AIAPQ avait transmis au groupe de travail à l'automne 1997. Ensuite, nous l'avons évalué dans le contexte de l'adoption récente, à Québec, de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
À l'époque, notre mémoire se prononçait uniquement sur les aspects du mandat du groupe de travail qui pouvaient être reliés à la protection des consommateurs. Et c'est à ce titre que nous avions recommandé de maintenir l'interdiction faite aux banques de vendre de l'assurance en succursale à moins que les consommateurs n'obtiennent le même niveau de protection auquel ils ont droit actuellement, quel que soit le lieu où ils choisissent d'acheter de l'assurance.
Au Québec, la version définitive du projet de loi 188, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, qui contient plusieurs améliorations par rapport au projet original, notamment à l'égard de la bancassurance, devrait faire en sorte que la libéralisation commerciale n'entraîne ni une protection à rabais pour le consommateur ni un recul pour les intermédiaires.
Nous restons donc toujours prudents face à la recommandation centrale du rapport MacKay d'autoriser la vente d'assurance en succursale. Les mécanismes de protection du consommateur, qui représentent un complément indispensable à ce nouveau pouvoir des banques, nous semblent en effet parfois insuffisants.
Nous avons trouvé dans le rapport plusieurs recommandations qui, si elles étaient précisées et renforcées, pourraient répondre en partie à nos appréhensions.
Ainsi, la recommandation 19 assujettirait les employés des institutions de dépôts qui vendent de l'assurance aux mêmes règles en matière de scolarité et d'octroi de permis, incluant le code de conduite, auxquelles sont soumis les intermédiaires de marché réglementés par les provinces. Les consommateurs bénéficieraient ainsi d'une protection uniforme, ce qui, pour nous, est capital.
Ce faisant, le rapport fait preuve d'un certain respect des compétences provinciales. Notre satisfaction s'est toutefois quelque peu dissipée à la lecture des passages relatifs aux exigences provinciales prétendument discriminatoires comme l'obligation de résider dans une province. Nous en reparlerons plus en détail dans notre mémoire.
La recommandation 65 c) obligeant le consentement exprès du client pour le recueil, l'utilisation et la divulgation de renseignements personnels constitue également un pas dans la bonne direction, quoique en deçà de nos recommandations.
La recommandation 67 a) interdisant à un employé d'une institution financière de vendre à la fois de l'assurance et d'accorder du crédit nous apparaît une protection particulièrement importante.
Le rapport préconise plusieurs mesures pour lutter contre la vente liée avec coercition, dont l'obligation d'informer le consommateur de cette interdiction, une mesure que nous avons recommandée. Toutefois, il reste ambigu en ce qui a trait à la définition de la coercition. Ainsi, il ouvre la porte à ce qu'une institution financière n'offre une hypothèque qu'avec une assurance hypothécaire intégrée, donc obligatoire, sans possibilité pour le consommateur de s'assurer ailleurs. Une telle pratique nous apparaît coercitive. Il faudra clarifier cette question.
En ce qui a trait à l'obligation de divulgation des frais, commissions et autres rémunérations, nous sommes d'accord sur l'objectif de transparence, mais en pratique, nous ne voyons pas comment mettre en oeuvre une telle recommandation.
Comme vous vous en êtes sûrement rendu compte en écoutant nos commentaires, nous trouvons des points positifs pour le consommateur dans le rapport MacKay. Mais retenez que ces qualités dépendent la plupart du temps de clarifications et de précisions que le législateur devra apporter aux recommandations.
L'AIAPQ continuera, au cours des prochaines semaines, à contribuer à l'avancement de ce dossier en proposant des précisions qui permettront, selon nous, aux grandes orientations de ce rapport de tenir la route.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Poirier.
[Traduction]
Nous entendrons maintenant l'Independent Life Insurance Brokers of Canada. Qui commence? Pat Chamberlain, suivi de Jim Bullock.
Mme Pat Chamberlain (Présidente, Independent Life Insurance Brokers of Canada): J'aimerais vous remercier de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui devant votre comité.
Notre association est une association nationale de courtiers d'assurance-vie indépendants—et j'insiste sur l'adjectif «indépendant». Un des principes clé de notre métier est que le courtier doit toujours agir au mieux des intérêts du client. Il ne doit être lié à aucune compagnie d'assurance soit par contrat soit par tout autre moyen.
Nous voyons un certain nombre de problèmes dans ce rapport. Je crois que pour la plupart ce sont à peu près les mêmes que ceux dont les témoins précédents vous ont parlé cet après-midi concernant les banques et les ventes liées.
Ceci dit, je cède maintenant la parole Jim.
M. Jim Bullock (ancien président, Independent Life Insurance Brokers of Canada): Merci.
Avant que je ne vous parle des problèmes que nous posent les banques, j'aimerais vous expliquer que, lorsque nous avons été invités, c'était par téléphone et qu'on nous a parlé d'une table ronde avec cinq autres groupes partageant les mêmes idées. On ne nous a jamais parlé de témoigner devant un comité permanent. Il y a trois jours j'ai reçu un fax nous demandant si nous aurions des documents à déposer auprès du comité permanent pour cette réunion. C'est là que j'ai compris.
Est-ce que vous venez à Toronto?
Le président: Oui.
M. Jim Bullock: Nous aimerions infiniment pouvoir venir préparés pour parler au comité permanent. Malheureusement nous sommes préparés pour une discussion en table ronde avec nos collègues. Il y a eu un défaut dans la procédure d'invitation. Je ne sais pas qui en était chargé, ou comment ces invitations ont été faites, mais il n'était nullement question du rapport MacKay ou de comité permanent dans la nôtre.
Quoi qu'il en soit, après avoir écouté ce que nos collègues avaient à dire, nous croyons pouvoir ajouter notre mot à votre discussion.
Le président: Nous entendrons, bien entendu, avec intérêt vos commentaires. Toutes mes excuses pour le malentendu.
M. Jim Bullock: Le marché pour les consommateurs fonctionne sur la concurrence fondée sur les services et les prix. Je ne crois pas qu'il y ait un seul consommateur qui ne fasse pas attention au prix. Le marché est assez efficace à ce niveau. C'est la raison pour laquelle certaines organisations qui arrivent avec de nouvelles techniques commerciales qui offrent une meilleure valeur ou un meilleur service, se débrouillent très bien. C'est la raison pour laquelle celles qui ne le font pas disparaissent. C'est la nature du marché. La seule exception au bon fonctionnement du marché c'est quand un nouveau participant peut ajouter un élément de coercition. Et c'est le noeud du problème pour nous.
J'aimerais partager avec vous certaines des informations que je reçois dans l'exercice de mon travail. Je reçois quotidiennement des coups de téléphone de courtiers de tous les coins du Canada à propos de toutes sortes de problèmes et je dirais qu'au moins une fois par semaine il y en a un qui m'appelle pour se plaindre. La plainte est toujours la même. Un client l'a appelé pour s'excuser de lui retirer son REER, son fonds mutuel, son assurance de groupe ou son assurance-vie pour la confier à une banque. Le client s'excuse et lui dit: «ce n'est pas à cause de vos prix, cela n'a rien à voir avec vos services. Je n'ai rien à vous reprocher mais je ne peux faire autrement parce que ma banque l'exige». C'est de la coercition et ça chamboule tout.
Parfois il y a des documents. Il arrive que nous recevions une lettre de la banque disant que l'assurance doit être contractée auprès d'elle. Généralement les banquiers sont un petit plus intelligents que cela et ils tiennent le discours suivant. Vous faites une demande d'hypothèque et le banquier vous réponse: «Bien entendu, vous prendrez l'assurance chez nous, n'est-ce pas?» Rares sont les consommateurs qui répondent «pas question»; ils répondent «bien entendu». C'est une astuce préventive qui marche à tous les coups.
Il y a le chef d'entreprise qui va discuter de sa marge de crédit. Il ne s'agit pas d'un petit client, mais d'un gros client tant sur le plan professionnel que personnel. Les clients qui viennent m'en parler disent qu'on leur a tenu le propos suivant: «Je vois que vous êtes assuré chez XYZ. Votre police d'assurance-groupe. Vous ne nous faites pas confiance?» N'oubliez pas qu'il est là pour renégocier sa marge de crédit. Qu'est-ce qu'il est censé dire? Ou à consommateur qui vient parler d'un prêt, pour une voiture, pour une maison, s'entendre dire: «Nous vous ferions peut-être plus confiance si vous nous faisiez plus confiance». «Qu'est-ce que vous voulez dire?» «Vous confiez votre portefeuille de fonds mutuels à quelqu'un d'autre».
• 1750
C'est la raison pour laquelle nos courtiers reçoivent des
coups de téléphone de clients qui les quittent pour une banque non
pas parce qu'ils le veulent mais parce qu'ils y sont obligés.
Le problème avec votre projet de loi anti-ventes liées, qui est merveilleux, est qu'une loi réprimant les ventes liées flagrantes, c'est très bien, mais elle ne servira pas à grand-chose car nous voyons le genre de pression exercée par le biais de la coercition, on pourra parler de ventes liées, puisqu'il s'agit de crédit.
Je comprends lorsque les banques disent qu'accorder un crédit est un privilège. On ne devrait pas les obliger à prêter de l'argent à qui que ce soit dans n'importe quelle circonstance. Elles devraient avoir le droit de dire oui ou non en fonction des circonstances. Dès le moment qu'on lui pose des questions sur son REER, ses fonds mutuels, son assurance, le candidat aux prêts comprend très bien le message: «J'aurais dû tout prendre chez eux.» C'est de la coercition.
Nous ne voyons que deux méthodes possibles de prévention de ce genre de coercition. Vous êtes des législateurs, à vous de trouver le libellé adéquat. Les deux méthodes auxquelles nous avons pensé est d'une, n'autorisez pas la vente de n'importe quel genre d'assurance dans les succursales. Si la banque veut acheter ou créer une compagnie d'assurances et nous concurrencer au niveau des prix et des services, très bien. Les courtiers indépendants savent pertinemment qu'aucun employé de banque ne pourra jamais rivaliser avec eux au niveau des services. Nous ne sommes pas inquiets.
L'autre moyen de prévention c'est d'avoir une règle imposant aux banques de vendre soit de l'assurance soit de prêter de l'argent à un client, mais pas les deux. Cela veut dire que si je fais une demande de prêt auprès de la Banque Toronto-Dominion et qu'ils pensent que j'ai besoin d'une assurance complémentaire, ils peuvent nous le recommander mais il faut que je m'adresse ailleurs. Dès l'instant où celui qui me prête de l'argent pense que j'ai besoin d'une assurance complémentaire et qu'il en vend, l'issue est inéluctable.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bullock.
Nous passons maintenant à la période de questions et réponses. Nous commencerons par M. Epp.
M. Ken Epp: Merci. Je tiens à vous remercier tous les deux de votre témoignage.
Je tiens aussi à commencer par des excuses. Dans l'Ouest où j'ai grandi, je n'ai pas appris le français parce que j'adorais les maths et les sciences. J'ai pris toutes les options que je pouvais dans ce domaine et je n'ai jamais appris le français comme langue seconde. Il n'y avait personne à des milles à la ronde qui parlait la langue. Je m'excuse donc de ne pas connaître cette langue. Je me sens maintenant beaucoup trop vieux pour commencer à l'apprendre et je dépends totalement des bons services de nos interprètes, services que j'apprécie infiniment.
J'aimerais poser une question à notre collègue, M. Poirier. Vous avez parlé d'une exigence de maintenir un établissement dans une certaine province. Je ne comprends pas tout à fait ce que cela signifie. Était-ce une recommandation du groupe de travail MacKay ou est-ce quelque chose qui existe actuellement dans la loi? Quelles sont les conséquences de cette exigence? Quelle est votre recommandation?
[Français]
Mme Anne-Marie Beaudoin (directrice générale par intérim, Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec): Cela me fait plaisir de vous répondre. Nous avons lu dans le rapport MacKay qu'on remettait en cause cette obligation de maintenir des établissements dans une province afin de pouvoir exercer. On décrit ces exigences-là comme étant discriminatoires. Actuellement, dans la loi qui régit les intermédiaires de marché, il y a cette exigence de maintenir un établissement au Québec. Également, dans le projet de loi 188 qui a été adopté, la même exigence est maintenue. De notre point de vue, qui est un point de vue de régulateurs ou de personnes chargées de l'encadrement du marché, cette exigence nous apparaît essentielle pour qu'on puisse inspecter et surveiller la pratique des gens qui exercent au Québec ou dans toute autre province.
• 1755
Si l'organisme chargé de l'encadrement, qui
est de juridiction provinciale, n'a pas accès au dossier
ou à l'individu qui pratique, il ne
pourra ni exercer son rôle dans ce contexte ni
vérifier la qualité des services rendus au public.
De même, s'il n'y a pas d'établissement dans
la province, le client pourrait ne pas avoir accès à
ses dossiers.
On sait qu'en matière d'assurance, les dossiers des clients sont fort importants et contiennent de nombreux renseignements personnels. De plus, la distribution d'assurance et les renseignements personnels étant de juridiction provinciale, il est essentiel, pour l'organisme mandaté de surveiller la mise en oeuvre de la réglementation et la qualité des pratiques, qu'il y ait un établissement pour qu'il puisse aller vérifier. Il nous semble donc que l'implantation d'un établissement dans la province est la meilleure façon de nous donner la possibilité d'exercer notre fonction.
[Traduction]
M. Ken Epp: Ce que vous dites alors, c'est qu'on ne veut pas de banques virtuelles qui ne soient pas faites de brique et de mortier, en de vraies villes. On ne voudrait pas avoir une compagnie d'assurance qui exerce son activité au Québec mais dont le siège social et tous les bureaux se trouvent à l'extérieur de la province. Est-ce ce que vous êtes en train de dire?
[Français]
Mme Anne-Marie Beaudoin: Ce sont les lois actuellement en vigueur au Québec, et non pas nous, qui exigent de l'intermédiaire d'un marché qu'il ait un établissement au Québec. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'exiger l'implantation d'un siège social, mais uniquement d'une place d'affaire où seront gardés les dossiers. Cela ne nous apparaît pas discriminatoire, mais plutôt utile lorsque nous nous acquittons de notre mandat.
M. Alain Poirier: Il faut aussi faire une distinction. On parle ici de distribution avec intermédiaire, c'est-à-dire un individu qui distribue un produit d'assurance, et nous supposons que cet individu exerce son métier quelque part. Si c'est dans la province, c'est ça. Quand on parle de banque virtuelle ou de produit direct de marketing d'assurance, c'est autre chose. Ce n'est pas un individu qui distribue un produit, mais une compagnie d'assurance ou une institution financière qui le fait directement. À ce moment-là, des règles différentes s'appliquent.
[Traduction]
M. Ken Epp: Voilà qui est loin des questions qui vous intéressent, mais hier nous avons entendu le témoignage de représentants des banques étrangères. Je crois qu'ils étaient tous des États-Unis. Par exemple, toutes les activités de la Wells Fargo Bank se font à partir des États-Unis et en fait, c'est le règlement canadien qui l'exige. Tous les relevés bancaires doivent être postés aux États-Unis. Ils ne peuvent être postés dans un bureau de poste canadien. Les employés de la Wells Fargo Bank qui répondent au téléphone ne peuvent vivre au Canada. Cela me semble plutôt bizarre. Mais on nous a dit que cela faisait partie des exigences. Je suis certain que vous seriez tout à fait contre cela dans votre province, n'est-ce pas?
[Français]
Mme Anne-Marie Beaudoin: Il n'y a pas seulement les banques qui distribueraient de l'assurance. Une banque a toujours besoin de deux bras pour effectuer la transaction, pour téléphoner et pour communiquer avec les clients. Nous croyons que les gens qui s'acquittent de cette fonction doivent avoir un établissement au Québec. Peu importe l'origine ou la nature de l'institution, qu'il s'agisse d'une banque, d'un assureur, d'une société de fiducie ou d'un courtier en valeurs mobilières, lorsqu'elle décide de distribuer des produits d'assurance, il faut qu'elle se conforme à la réglementation provinciale et qu'elle ait un établissement pour qu'on puisse intervenir si jamais elle fait défaut en ne respectant pas les exigences.
[Traduction]
M. Ken Epp: Très bien. Merci beaucoup.
J'aimerais maintenant accorder mon attention à d'autres témoins, si vous me le permettez.
Il est intéressant que vous en soyez arrivé à une conclusion aussi ferme concernant la vente d'assurance par les banques. Je pense que vous êtes sans doute le premier témoin à dire que cela ne vous dérangerait pas que les banques vendent de l'assurance pourvu qu'elles ne puissent pas à la fois vendre de l'assurance et accorder un crédit ou un prêt à la même personne. En d'autres termes, vous les obligeriez à éviter la moindre tentation de faire des ventes liées.
• 1800
Je veux vous poser une question au sujet du consommateur, car
il me semble que... Eh bien, tout d'abord, je tiens à dire que je
suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les ventes liées
peuvent être un problème.
Il y a peu de temps, j'ai dû acheter une nouvelle pompe à vide pour mon Chevy Suburdan à moteur diesel. Le diaphragme qui coûte 2 $ était brisé, mais General Motors m'a obligé à faire un achat lié. J'ai dû acheter toute la pompe avec le roulement à billes et l'engrenage inférieur pour 150 $. Pour moi, il s'agit de vente liée coercitive, ce qui n'est pas acceptable. Mais dans la plupart des cas lorsqu'on a une offre combinée, on fait un meilleur achat.
Encore une fois, je prends l'exemple de l'achat d'un véhicule. Si on achète tous les accessoires individuellement, ça fait un total de 8 000 $ mais si on achète l'ensemble d'accessoires numéro 23, cela ne coûte que 6 000 $. On a donc un meilleur prix en achetant l'ensemble.
Dans le cas qui nous intéresse, si les banques pouvaient elles aussi vendre de l'assurance—même série de livres, sans qu'il soit nécessaire d'aller chercher une autre série de renseignement auprès du client, si bien qu'elles peuvent le faire plus efficacement et que cela se traduit par un coût moins élevé pour le consommateur—est-ce qu'on ne donne pas ainsi davantage de choix au consommateur et ce, à un prix plus concurrentiel? Ne serait-ce pas une bonne chose pour le consommateur?
M. Jim Bullock: Si cela pouvait se faire sans recourir à la coercition pour éviter d'être obligé de faire une meilleure offre. Ce dont vous parlez c'est de la concurrence sur le marché, et comme je l'ai dit, nous sommes à l'aise avec la concurrence qui existe sur le marché.
Prenons votre exemple lorsque vous dites que la banque devrait pouvoir prêter de l'argent ou vendre de l'assurance mais pas les deux à la fois... Pour la somme de 17 $ par mois, ma banque m'offre tous les services sauf peut-être le café gratuit tous les matins. Si en plus la banque me propose une offre d'assurance intéressante pour ma maison et ma voiture, tant mieux. Il n'est question d'aucun crédit dans cette offre.
Vous êtes tous manifestement assez riches pour ne pas avoir ce genre de problème, mais lorsque je suis devant le directeur de ma banque et qu'il brandit un pistolet en me disant: «Parlons maintenant de votre assurance», je suis désavantagé.
Je ne sais pas comment le dire poliment, mais je ne fais pas confiance aux banques, et la raison pour laquelle je ne leur fais pas confiance, c'est à cause de ce que j'entends tous les jours. En fait, une des banques a manifestement formé ses gestionnaires de banque pour qu'ils forcent les ventes d'assurances, car d'un océan à l'autre les gens m'appellent et se plaignent. Ils me disent ce que leur ont dit leur gérant de banque et c'est toujours la même chose. Ce n'est pas une coïncidence. On leur a enseigné comment s'y prendre. Ce que les banque disent, en passant, c'est: «Nous vous ferons confiance si vous nous faites confiance». Ils font allusion au fait que le client ne leur fait pas confiance en investissant dans leurs fonds communs de placement.
Je ne leur fais pas confiance à cause de la façon dont ils jouent le jeu. La coercition est trop facile. C'est quelque chose de subtil, et je ne sais pas comment on peut légiférer contre la subtilité.
L'un des témoins précédents a dit: «Je ne sais pas comment légiférer contre la perception». Il a raison. C'est votre problème.
Notre seule suggestion est la suivante: les banques ne doivent pas à la fois prêter de l'argent et vendre de l'assurance à un même client. C'est l'un ou l'autre.
M. Ken Epp: Comme on le dit dans les Saintes Écritures, l'emprunteur est l'esclave du prêteur. Dès que quelqu'un doit s'adresser à une banque pour obtenir de l'argent—la plupart d'entre nous avons des hypothèques et ce genre de choses—dès que cela se produit, malheureusement l'emprunteur devient un esclave. Ce que vous dites, c'est qu'il faut tout au moins éliminer l'un des fouets.
M. Jim Bullock: Le monsieur qui est assis, qui est M. Brison je suppose, parlait de la concurrence sur le marché. Le mot clé qu'il ne faut pas oublier ici lorsqu'on parle d'emprunter de l'argent, c'est qu'on fait une demande d'emprunt. La plupart d'entre nous n'avons pas l'impression que les banques vont venir frapper à notre porte pour nous offrir leurs services. Il faut également faire une demande d'assurance. C'est un privilège.
• 1805
Lorsque l'on dit que nous ne faisons pas confiance aux
banques, voici un autre exemple de quelque chose qui se fait
partout au Canada. Cela concerne la vente de fonds communs de
placement. Le problème est analogue à celui de la vente
d'assurance. Ce document donne une liste des fonds mutuels de la
banque et de leur rendement au cours des derniers mois. On y
retrouve également d'autres fonds communs de placement bien connus.
On dit dans ce document que le fonds commun de placement de la
banque a eu un meilleur rendement que le Templeton Fund, le Trimak
Fund et le Fidelity Fund. Ce genre de publicité est illégal dans
l'industrie des valeurs mobilières. Dans l'industrie des valeurs
mobilières, si on a eu un rendement de 15 p. 100 et que l'on veut
comparer ce rendement à celui de quelqu'un d'autre, il faut le
comparer à tous les autres. On ne peut pas dire qu'on ait le
meilleur, qu'on a le meilleur rendement que 20 autres personnes et
montré ensuite les 30 personnes qui sont au—dessus. C'est ce qu'on
appelle de la publicité trompeuse. Cela n'est pas permis.
Ce que cette banque a fait partout au Canada—car j'ai reçu des plaintes provenant d'un peu partout au pays—c'est qu'elle a imprimé ces listes et les a placées sous le comptoir du caissier juste à l'intérieur du guichet. Ce n'était pas dans l'aire publique. Les clients qui sont au guichet du caissier peuvent donc lire que le fonds de la Nouvelle-Écosse a un meilleur rendement que les autres fonds. Lorsque l'industrie des valeurs mobilières a pris des mesures contre la banque en disant que cela était illégal, la banque a répondu que c'était un document interne qui n'avait jamais été distribué. Comment ces documents se sont-ils retrouvés sur ces comptoirs dans tout le pays? Cela n'était pas par accident. Si ça s'était produit à une succursale, je dirais que des mesures disciplinaires auraient été imposées au directeur de la succursale car il aurait dû savoir qu'il ne fallait pas le faire. Mais c'était une politique nationale.
Nous ne faisons pas confiance aux banques, monsieur.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur Poirier ou madame Beaudoin, j'aimerais revenir sur la question que posait M. Epp parce qu'elle m'apparaît importante. Cela m'avait peut-être échappé à la lecture du rapport MacKay, mais si j'ai bien compris, l'exigence du gouvernement du Québec, en tout respect pour sa compétence—d'ailleurs, on est clairement les défenseurs du respect des juridictions provinciales—, vise à nous assurer que les services offerts aux consommateurs sont de bonne qualité, que les services professionnels sont à la hauteur d'un code de déontologie assez rigoureux et assez sévère chez vous et que nous avons la capacité de vérifier si les consommateurs sont bien servis par les services professionnels. C'est la raison de cette exigence.
M. Alain Poirier: Il y a deux ou trois niveaux, selon le produit. Par exemple, dans le cas d'un produit de marketing direct ou d'une distribution sans représentant, les compagnies et les institutions financières devront préparer ce qu'on appelle un guide de distribution qui devra être approuvé afin que le consommateur qui va se procurer ce produit sache de quoi il s'agit et aussi pour s'assurer que c'est lisible. Il y a une foule d'autres éléments.
Quant à la distribution par des représentants, les pouvoirs octroyés à la Chambre de la sécurité financière, lesquels sont la discipline, la surveillance et la formation obligatoire des membres, visent à nous assurer que, peu importe l'endroit où sera distribué le produit d'assurance par un individu, ce dernier sera soumis aux mêmes règles que tous les autres. Le consommateur n'a pas à se faire du souci et à se demander s'il est bien protégé quand il fait cette transaction. Dès qu'un individu fera la distribution d'un produit d'assurance, qu'il soit un représentant du Mouvement des caisses Desjardins ou d'une banque, il sera soumis à cette réglementation.
M. Yvan Loubier: Savez-vous si cette règle de résidence existe dans les provinces canadiennes?
Mme Anne-Marie Beaudoin: Je crois qu'elle prévaut dans certaines juridictions, mais je ne suis pas en mesure de les nommer. Cette règle n'existe pas uniquement chez nous. Il est toujours nécessaire qu'il y ait un répondant ou un bureau sur place auquel on peut s'adresser et envoyer des enquêteurs. Il faut bien comprendre que notre juridiction s'arrête à la limite de nos territoires. Nous sommes en mesure d'envoyer un enquêteur sur les lieux seulement au Québec. Dès que la personne franchit les frontières de la province, on ne peut plus le faire.
M. Yvan Loubier: Au deuxième paragraphe de la page 2 de votre mémoire, une de vos déclarations a retenu mon attention. Vous y dites:
-
...la libéralisation commerciale n'entraîne ni une
protection à rabais pour les consommateurs, ni un recul
professionnel pour les intermédiaires.
• 1810
Vous y faites aussi allusion au projet de loi 188.
Or, depuis
le début des audiences sur le rapport MacKay, plusieurs
témoins, dont certains qui étaient en faveur de la
bancassurance telle que proposée par MacKay,
ont fait allusion à la Loi 188 du Québec et dit
que le Mouvement des caisses Desjardins y avait droit.
Cette déclaration tranche beaucoup avec le débat
qu'on avait eu il y a deux ans ou deux ans et demi quant
à l'opportunité pour les banques canadiennes de vendre
de l'assurance. Ici, vous semblez être
relativement satisfaits de l'encadrement que propose la
Loi 188 et des conséquences pour les courtiers.
M. Alain Poirier: Notre point de vue est teinté de prudence. Nous savons que la loi a été entérinée le 20 juin dernier, mais la réglementation n'est cependant pas en place. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. On ne sait pas de quelle façon cela va se matérialiser. On parle particulièrement du Mouvement des caisses Desjardins, qui est toujours sous la juridiction exclusive du Québec. On verra comment cela se concrétisera dans les institutions de dépôts.
Cela nous satisfait davantage que le projet initial, qui prévoyait éliminer tout statut professionnel de distribution et conférer beaucoup de pouvoirs aux institutions de dépôts dans la distribution de ces produits. Le consommateur était un peu laissé à lui-même là-dedans. Mais actuellement, nous sommes satisfaits de ce que que les individus qui vont distribuer les produits d'assurance, peu importe le réseau par lequel ils vont le faire, relèveront d'une juridiction et seront tous régis par les mêmes règles. Ils dépendront de la même organisation, ce qui est bien important.
M. Yvan Loubier: Si cette réglementation est conforme à l'esprit et à la lettre de la loi, vous serez satisfaits. Donc, c'est un mauvais argument pour les promoteurs de la bancassurance, sur la base de ce qui est proposé dans le rapport MacKay, que d'affirmer que ce serait une bonne chose puisque cela se fait déjà au Québec. Il n'y a pas de comparaison possible entre les deux.
Mme Anne-Marie Beaudoin: Mais la loi n'est pas actuellement en vigueur et il faudra certainement attendre 12 mois avant qu'elle ne le soit.
M. Yvan Loubier: Oui, mais, madame Beaudoin, les balises qui sont sur la table, après vos démarches et vos représentations assez efficaces, vont vous permettre d'évoluer comme courtiers et comme intermédiaires dans le secteur des assurances sans trop de préjudice, avec une concurrence normale, correcte et équitable pour tout le monde. C'est ce que j'ai compris de votre présentation.
Mme Anne-Marie Beaudoin: La Loi 188 établit les mêmes règles pour tous. C'était d'ailleurs l'un des thèmes de notre campagne, surtout à la lumière de notre mandat de protection du public. Même si nous regroupons 14 000 agents et courtiers en assurance de personnes, notre mandat est établi par l'Assemblée nationale et il consiste à protéger le public au moyen d'un encadrement.
Nous sommes un ordre quasi professionnel. Nous craindrions la libéralisation de l'assurance si elle entraînait un recul professionnel et des préjudices pour les consommateurs, notamment au niveau de la protection des renseignements confidentiels. En juin, on a déposé plusieurs amendements visant à resserrer les pratiques des futurs cabinets qui seront établis dans les institutions de dépôts pour essayer de protéger le public en matière de renseignements confidentiels, de ventes liées et de tout ce qui s'ensuit.
M. Yvan Loubier: À la page 2 de votre mémoire, vous dites que vous restez «prudents face à la recommandation centrale du rapport MacKay d'autoriser la vente d'assurance en succursale». Votre terme «prudence» tranche pas mal avec la virulence dont vous avez fait preuve au cours des années passées.
Si on ne propose pas plus d'encadrement comme suite à MacKay, s'il n'y a pas plus de règles, d'équité et de protection du consommateur au bout de cela, est-ce que votre prudence va devenir une opposition virulente comme celle que vous avez manifestée dans le passé ou si vous serez un peu plus modérés cette fois-ci si le ministre des Finances décide de donner aux banques le droit de vendre de l'assurance au comptoir, comme le prévoyait le projet initial il y a trois ans?
M. Alain Poirier: C'est le terme «virulent» qui me fait un peu rire. On est capables d'être virulents.
• 1815
Lors du débat au Québec, on appelait cela la «caissassurance»
plutôt que la «bancassurance».
On utilisait aussi une expression
très semblable à «au comptoir». Le fait qu'une
institution de dépôts, laquelle était le Mouvement des
caisses Desjardins à cette époque-là,
puisse distribuer de
l'assurance sans aucune règle de protection...
C'est toujours embêtant de parler de renseignements personnels, mais particulièrement de renseignements médicaux. On s'imagine aisément à quelles fins pourraient s'en servir les gens qui les détiennent. Prenons l'exemple d'un propriétaire de PME qui jouit d'une marge de crédit de 200 000 $. Supposons qu'à la suite d'une demande d'assurance, son institution de dépôts, s'apercevant que le monsieur n'est pas en très bonne santé, décide de lui retirer sa marge de crédit. On pourrait voir des choses comme celle-là.
On a fait un bon bout de chemin. Le gouvernement du Québec a reconnu la pertinence du travail qu'effectuent les intermédiaires et a jugé qu'ils représentent un gage de protection pour le consommateur. Il s'est aussi donné d'autres règles de protection concernant les institutions. Il y a en quelque sorte deux niveaux de protection pour le consommateur, selon le lieu de la transaction. Souvent, il peut bénéficier des deux niveaux de protection.
Mme Anne-Marie Beaudoin: J'aimerais ajouter qu'il y a toujours un niveau de difficulté supplémentaire face aux institutions financières de juridiction fédérale parce qu'elles pourraient contester la juridiction d'un organisme comme le nôtre ou une loi comme la Loi 188. Je ne voudrais pas qu'on commence à se demander ici si c'est bon ou pas.
Je dis tout simplement que pour le législateur provincial, il est certainement plus sécurisant de régir une institution provinciale dans le cadre de sa loi plutôt qu'une institution fédérale. On sait qu'il y a déjà eu des contestations, notamment dans le cadre des audiences qui ont précédé la Loi 188, lors desquelles l'Association des banquiers canadiens était venue expliquer que c'était par bon comportement corporatif que ses membres se soumettaient à la Loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, mais qu'ils ne s'y sentaient pas liés.
Compte tenu de ce type d'introduction, vous comprendrez facilement les craintes qui persistent relativement à la libéralisation des assurances au niveau d'une loi fédérale. Il y a aussi une crainte quant au respect de la juridiction provinciale et de l'organisme chargé de l'encadrement. Je ne saurais parler plus en mal des banques que des assureurs, puisque c'est avec ces derniers que nous transigeons, mais lorsque nous communiquons avec des compagnies d'assurance qui ont leur siège social au Canada, nous devons encore, neuf ans plus tard, leur expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons, quel est notre mandat et quelles sont nos fonctions. Il n'est pas facile d'obtenir de l'information pour faire nos enquêtes. Alors, ce ne sont pas juste les banques. Dès que nous sortons de notre province, on rencontre davantage de difficulté à faire reconnaître notre juridiction. Il y a toujours cet élément-là qui s'ajoute.
Le président: Merci, madame Beaudoin.
[Traduction]
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Je comprends que vous ne saviez peut-être pas que vous deviez venir parler du rapport du groupe de travail MacKay. Cependant, il me semble que nous avons déjà entendu des représentants de votre secteur parler du fait qu'il semble y avoir un rapport assez direct avec les ventes liées—c'est-à-dire que si l'on tenait les banques à l'écart de la distribution d'assurance, ou aurait en quelque sorte réglé ce problème. Je pense que certaines recommandations contenues dans le rapport du groupe de travail MacKay offrent ce genre de protection que j'aimerais voir accordée aux consommateurs habilités, avertis pour qu'ils puissent faire des choix.
Ce dont j'aimerais que vous me parliez, c'est du fait que les compagnies d'assurance me semble-t-il ont l'impression que cela ne se produit pas dans leur secteur mais plutôt dans celui des banques et que cela pourrait se produire plus souvent dans les banques si on leur permettait de vendre de l'assurance.
Le printemps dernier, nous avons tenu des audiences au sujet des ventes liées et tous les témoins qui ont comparu devant notre comité ont reconnu que cela ne devait pas se produire. Nous n'avons jamais entendu un seul banquier dire que c'était une bonne chose pour le consommateur, une bonne chose pour les affaires.
Ce qui me frappe, c'est que selon certaines des recommandations contenues dans le rapport du groupe de travail MacKay, nous devrions envisager la protection du consommateur d'une façon très large, en considérant qu'il s'agit d'un consommateur financier, qu'il s'agisse d'une banque, d'une compagnie d'assurance ou d'une compagnie de fiducie. Il me semble que si j'avais désespérément besoin d'obtenir de l'assurance, si j'avais un problème médical, ça pourrait être l'occasion où il serait possible en raison de mes besoins, d'obtenir de l'assurance.
• 1820
Les représentants des sociétés d'assurance tous risques ont
témoigné précédemment. J'ai déjà représenté un quartier du
centre-ville de Kitchener où il y avait de nombreux incendies. On
ne voulait en quelque sorte pas faire affaire avec les
consommateurs dans ce secteur et il était impossible pour eux
d'obtenir de l'assurance. Je sais qu'ils ont tout fait pour en
trouver, et qu'ils ont fini par payer des prix vraiment
exorbitants.
Il me semble donc que, du point de vue du consommateur—que ce soit ou non exactement la même politique que nous avons adoptée pour les ventes liées dans le cas des banques—il y a d'autres secteurs des services financiers où cela pourrait se produire. Il ne me semble donc pas qu'il y ait un lien direct, comme vous le dites.
Mme Pat Chamberlain: Je vais répondre à cette question brièvement, et je vais demander ensuite à Jim de faire des commentaires.
Je ne vais pas parler de l'assurance tous risques, car ce n'est pas ma spécialité. Je vais parler de l'assurance-vie.
Lorsqu'un client fait une demande pour obtenir une police d'assurance-vie, deux choses sont prises en compte: les besoins financiers pour le contrat et la garantie, son état de santé. Si le dossier est régulier, s'il n'a pas de problème médical, alors il n'y a pas une seule compagnie d'assurance au Canada qui va refuser de l'assurer. S'il a un problème médical, il incombe au courtier de trouver à son client la compagnie d'assurance qui a le plus d'expertise dans la prise en charge de ce genre de risque que pose le problème médical du client, ce qui permet alors d'offrir un prix concurrentiel. Il y a des compagnies qui ont développé une expertise dans des domaines particuliers et d'autres qui ne veulent pas prendre en charge ce genre de risque car elles n'ont pas l'expertise voulue.
Une compagnie d'assurance n'est pas dans une position qui lui permette d'avoir un certain pouvoir par rapport à toute autre transaction conclue par ce client. Elle ne peut pas lui accorder de crédit pour qu'il administre son entreprise, qu'il achète une maison ou qu'il reste viable. Après avoir travaillé pendant 28 dans cette industrie, je ne vois pas comment les compagnies pourraient obtenir ce genre de pouvoir.
M. Jim Bullock: Les courtiers d'assurance doivent être titulaires d'une licence. Pour obtenir une licence, nous devons travailler exclusivement dans les services financiers. La loi nous interdit spécifiquement d'occuper un poste qui puisse nous mettre dans une position de coercition, notamment celui d'agent de libération conditionnelle ou d'agent de police. Il y a un certain nombre d'emplois qui sont considérés comme source de conflit d'intérêts. Nous ne pouvons donc pas obtenir une licence si nous occupons un emploi où nous pourrions avoir un certain pouvoir de coercition. C'est pourquoi cela ne semble pas être un problème dans notre industrie.
Vous avez utilisez une expression qui m'a fait sourire: vous avez dit que le consommateur était informé et libre d'agir. Vous avez dit en passant que, au cours des audiences, il n'y avait pas eu beaucoup de plaintes relatives à des pratiques de ventes abusives. Dans mon travail, je reçois continuellement des appels de mes courtiers qui se plaignent d'avoir perdu un autre client et d'avoir reçu des plaintes du consommateur, et ma réponse est invariablement la même: obtenez une plainte par écrit. Lorsqu'on me rappelle, c'est pour me dire «il refuse de témoigner contre sa banque.» Parlons-en d'un consommateur informé et libre d'agir.
Mme Karen Redman: Pour plus de précision, nous avons eu certains témoignages à cet égard. Les témoins, les banquiers qui étaient ici ont tous admis que la vente liée avec coercition est une pratique inacceptable et qui ne devrait pas exister. Lorsque j'ai fait allusion aux témoins, je parlais des représentants du secteur bancaire qui ont comparu.
Mme Pat Chamberlain: Nous avons beaucoup de preuves que cela se produit tous les jours.
Mme Karen Redman: Les banques nous disent qu'il n'y a eu que quatre cas, et nous avons examiné un dossier documenté. C'est un peu ce que vous venez de nous dire... Toutefois, si nous voulons vraiment façonner l'avenir des services financiers pour les Canadiens, ne serait-il pas utile de prévoir plus de protection pour le consommateur dans tous les secteurs des services financiers?
M. Jim Bullock: La protection est utile. Ce qui m'inquiète, c'est que, en tant que gouvernement fédéral, vous êtes manifestement responsable des banques; or, la vente d'assurance relève des provinces. Je crains que quelque chose ne se perde entre les deux champs de compétence.
• 1825
Dans le secteur de la réglementation des assurances, je traite
avec les autorités provinciales d'un bout à l'autre du pays. Elles
n'ont pas l'impression d'être là pour réglementer les banques et
leurs activités. Lorsque le directeur de banque vend de l'assurance
dans une de ses succursales à l'heure actuelle—ce qu'il peut
faire, à savoir une assurance collective-groupe—est peut-être un
exemple d'activité qui échappe à tout contrôle.
Puisque vous rédigez la législation sur le secteur bancaire et sur les ventes avec coercition, vous avez l'occasion d'y remédier en statuant par exemple que les banques ne peuvent pas vendre de l'assurance dans leurs succursales... Cela résoudra cet aspect du problème. En tant que courtier, je ne suis pas préoccupé par l'idée qu'une banque crée sa propre compagnie d'assurance et vende des produits d'assurance. Laissons-la offrir des tarifs et des services concurrentiels en tant que courtier, cela ne m'inquiète guère. Toutefois, dès que la banque possède des renseignements concernant les prêts et que cet aspect entre dans l'équation, alors je ne peux plus soutenir la concurrence.
Mme Karen Redman: Merci.
Le président: Je pousse l'argument jusqu'à sa conclusion logique, si j'ai bien compris, vous êtes simplement en train de parler d'assurance, n'est-ce pas?
M. Jim Bullock: Pardon?
Le président: Vous parlez d'assurance, en disant que les banques ne devraient pas être autorisées à vendre des produits d'assurance car vous craignez qu'elles n'aient recours aux ventes liées avec coercition.
M. Jim Bullock: Dans les succursales.
Le président: Cela s'applique-t-il aux autres produits qu'elles peuvent vendre à l'heure actuelle? Faut-il leur interdire de vendre d'autres produits lorsqu'il y a un risque de ventes liées?
M. Jim Bullock: Je peux vous montrer un document où, d'après mes collègues qui travaillent dans le secteur des valeurs mobilières, la publicité que font les banques est tout à fait interdite dans ce secteur. En l'occurrence, cette annonce indique l'intention de tourner quelque peu la loi.
Je n'aime pas généraliser, mais dans mes rapports avec mes collègues, je constate qu'ils ont une assez bonne idée des règlements qui régissent leurs activités, et il n'ont pas eu suffisamment confiance, je suppose, pour trouver une façon d'enfreindre intelligemment les règlements.
En voyant ce que font les banques—et je me rends compte que cela va peut-être être indiqué par écrit, et c'est donc moins clair—mais si ce sont les règles, il semble que les banques engagent des avocats pour trouver une façon de les contourner. C'est très difficile de leur livrer concurrence dans ces conditions.
Certaines plaintes que je reçois de mes membres font précisément état du fait que certains placements sont transférés à la banque comme garantie de prêts. Il s'agit la plupart du temps de fonds de régime d'épargne-retraite, ce qui est tout à fait interdit d'utiliser comme nantissement, et la banque dit au client: «Il vaudrait mieux que les fonds soient chez nous.» C'est de la coercition, c'est de la vente coercitive ni plus ni moins et j'aimerais que ces consommateurs acceptent de venir témoigner devant votre comité, mais ils ne veulent pas s'attaquer à une banque.
Le président: Merci, madame Redman.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St-Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.
Pourriez-vous m'expliquer la différence entre l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, l'Association des courtiers d'assurance du Canada, et votre groupe?
M. Jim Bullock: L'autre organisme que vous mentionnez s'occupe essentiellement d'agents qui représentent une seule société. Nous les appelons agents exclusifs. L'agent qui représente la Compagnie Allstate, par exemple, ne représente aucune autre compagnie d'assurance. Nos membres doivent signer une entente stipulant qu'ils ne sont pas des agents exclusifs; ce sont des courtiers qui représentent plusieurs entreprises. C'est la principale différence.
Mme Pat Chamberlain: Et la différence entre nous et l'Association des courtiers d'assurance, c'est que celle-ci regroupe les compagnies d'assurance tous risques. Nous ne nous occupons pas d'assurance tous risques. La plupart de nos membres offre de l'assurance-vie, des fonds communs de placement et des valeurs mobilières.
Mme Carolyn Bennett: Les courtiers d'assurance vendent-ils également de l'assurance-vie?
Mme Pat Chamberlain: Non. En fait, c'est possible, mais cela ne tombe pas sous le contrôle de cette association. Cette dernière regroupe uniquement des compagnies d'assurance tous risques.
Dans le secteur des services financiers, nous nous sommes aperçus avec le temps que de nombreux intervenants détiennent plusieurs permis. Si vous assistez à une de nos réunions, vous constaterez que 95 p. 100 des participants détiennent plusieurs permis; ils possèdent un permis pour vendre de l'assurance-vie, un autre pour les fonds communs de placement et enfin un permis pour vendre de l'assurance tous risques. Toutefois, l'Association des courtiers d'assurance du Canada ne s'occupe d'assurance tout risques. Notre association ne s'occupe pas du tout de ce secteur.
Mme Carolyn Bennett: Les ventes liées avec coercition se pratiquent-elles entre ces trois secteurs?
Mme Pat Chamberlain: Comment serait-ce possible? Je ne vois pas comment c'est possible étant donné la façon dont le marché fonctionne et puisque ces courtiers n'ont aucun moyen de recourir à des ventes liées. Ils ne peuvent accorder aucun crédit et ne possèdent pas non plus de pouvoir leur permettant de dire à un client: si vous voulez faire telle chose, vous devez le faire dans mon entreprise.
Mme Carolyn Bennett: Autrement, si ces gens-là vendaient des fonds communs de placement, vous ne pouvez pas leur demander de les placer chez vous pour obtenir une assurance-vie?
Mme Pat Chamberlain: Nous pouvons chercher de nouveaux clients jour après jour. C'est notre travail, en tant que bons professionnels dans le secteur financier. Toutefois, nous n'avons aucun moyen pour essayer de convaincre les clients.
Mme Carolyn Bennett: Très bien.
Mme Pat Chamberlain: Cela répond-il à votre question?
Mme Carolyn Bennett: Je pense que oui. Pouvez-vous refuser d'accorder une assurance? L'assurance-vie est très importante pour les gens, n'est-ce pas?
Mme Pat Chamberlain: En effet. Il faut bien comprendre toutefois que ce n'est pas nous qui autorisons l'assurance, nous sommes des courtiers. Nous présentons le risque aux diverses compagnies d'assurance. En effet, une compagnie d'assurance peut refuser de prendre un risque, mais cela n'est pas lié à une autre sorte de risque qu'un consommateur peut être tenu d'acheter.
Mme Carolyn Bennett: Très bien, je vous remercie.
Je voudrais vous parler de ce qui se passe au Québec. Je sais que vous avez déjà abordé la question en parlant des caisses populaires qui vendent des produits d'assurance. Pourriez-vous nous dire si, à votre avis, c'est une bonne chose ou quelle incidence cela a eu sur les consommateurs?
[Français]
M. Alain Poirier: Deux éléments entrent en ligne de compte. Les caisses populaires du Québec ne vendent pas actuellement d'assurance-vie, mais plutôt de l'assurance-dommages, ce qu'elles ont le droit de faire depuis 1989. La vente d'assurance-vie viendra à l'étape suivante, lorsque la réglementation prévue dans la loi sera appliquée. Il nous est difficile de dire si c'est une bonne chose ou non. Si j'avais rédigé la loi, je serais probablement le seul à vendre de l'assurance dans ma ville et je vous dirais que c'est une bonne loi, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Seul le temps nous permettra de juger de l'efficacité des règles de protection du consommateur qu'on aura mises en place et nous indiquera jusqu'où elles pourront aller. À mon avis, elles devraient aller le plus loin possible pour s'assurer que chaque fois qu'un consommateur s'apprête à faire une transaction, il ne fasse l'objet d'aucune pression et ne se sente pas lésé dans ses droits. Cela est un peu difficile à accomplir.
Tout à l'heure, votre collègue posait des questions sur les ventes liées et d'autres choses semblables. Je travaille dans le monde de l'assurance depuis 12 ans, surtout dans le domaine de l'assurance commerciale et des partenariats, et je transige avec des gens d'affaires, lesquels ne sont pas les consommateurs les moins éclairés qui soient.
Jamais en 12 ans je n'ai assuré quelque prêt ou marge de crédit consenti par une banque. J'ai fait de nombreuses soumissions et fourni beaucoup de chiffres. Maintenant, c'est presque une blague quand on en parle. Je dis en riant au client que je vais lui offrir un taux 20 p. 100 inférieur à celui de la banque, mais le client me dit inévitablement qu'il se sent un petit obligé face à son banquier. Je n'ai pas réussi une seule fois dans ma vie à faire ça. Je jour où je réussirai, je devrai peut-être prendre ma retraite parce que je serai bien vieux. Le lien d'affaire que ces gens-là entretiennent n'est pas évident. Il faut se mettre dans leur peau. Prenons l'exemple du dirigeant de compagnie ou de PME qui a besoin d'une marge de crédit de 200 000 $ pour faire fonctionner son entreprise. Peu importe que l'assurance lui coûte 10 ou 15 p. 100 de plus, ultimement, ce n'est pas d'assurance qu'il a besoin, mais plutôt de la somme nécessaire pour faire fonctionner son industrie. Vous comprenez que ce n'est pas ni simple ni facile de déterminer jusqu'où on peut aller.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: Dans le rapport MacKay, on dit que les mêmes employés ne devraient pas faire les deux, soit s'occuper de crédit et d'assurance, et qu'il faudrait prendre les mesures nécessaires dans toutes les succursales pour s'assurer que les gens ne sont pas au courant de ces deux choses. Est-ce que cela peut fonctionner dans le cas des caisses populaires, selon vous? À votre avis, est-ce qu'il y a toujours deux employés différents qui s'occupent de ce genre de choses, en garantissant une confidentialité et une protection totales des renseignements pour tous les dossiers?
[Français]
M. Alain Poirier: Le but du législateur québécois est qu'il y ait deux personnes distinctes afin qu'on ne mêle pas les types de transactions et les types de renseignements. On ne voudrait pas que l'information médicale se retrouve dans le dossier de crédit d'un client et ainsi de suite. Il faut en quelque sorte qu'un mur sépare les deux. Nous ne vivons pas encore cette réalité, mais nous supposons que cela devrait se vivre ainsi. Tel est le grand défi des législateurs: savoir comment rédiger les règles pour prévenir certaines situations. Ce n'est pas évident.
Mme Anne-Marie Beaudoin: J'aimerais préciser qu'actuellement, les transactions d'assurance de dommages se font par l'intermédiaire d'une filiale particulière qui est une société d'assurances. Ceux qui travaillent dans les caisses et vendent de l'assurance ne sont pas des employés de ces institutions, mais bien des agents d'assurance dûment qualifiés qui sont sous la juridiction des organismes comme les autres.
Comme le disait M. Bullock, l'institution de dépôts qu'est le Mouvement des caisses Desjardins a constitué une filiale qui vend de l'assurance et cette filiale-là a des agents. C'est ce qui se fait actuellement. Mon président vous parlait des dispositions qui sont prévues dans la Loi 188.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: Vous avez dit que votre association est là pour protéger les consommateurs. En cas de problème lié à la divulgation de renseignements personnels ou à une vente liée, que faites-vous, et que faites-vous si l'agent déménage en Ontario?
[Français]
Mme Anne-Marie Beaudoin: Nous n'avons jamais eu de plaintes à cet égard. Même si un agent exerce sa profession en Ontario, s'il maintient un établissement au Québec, il doit toujours se conformer à la réglementation qui y prévaut. Rien n'interdit à nos membres d'exercer leur profession dans toutes les provinces du Canada s'ils le veulent, pourvu qu'ils satisfassent aux conditions de chaque province. Il arrive fréquemment que les agents qui habitent à la limite des frontières ont tout simplement deux permis et deux places d'affaires pour desservir leur clientèle.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett: En général, pour protéger le public, il faut avoir certains pouvoirs. De quels moyens dispose votre association, selon vous, pour vraiment protéger le public?
[Français]
M. Alain Poirier: Il existe deux systèmes. Il existe un fonds d'indemnisation auquel les agents et courtiers cotisent au cas où un consommateur serait lésé et où on devrait lui verser un dédommagement. Il y a aussi les sanctions du comité de discipline, présidé par un avocat et formé de leurs pairs, qui émet des jugements qui peuvent comporter de fortes amendes monétaires et aller jusqu'à la suspension et la radiation à vie.
[Traduction]
Le président: Je regrette, il faut passer maintenant à M. Gallaway, et nous reviendrons à vous ensuite.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Monsieur Bullock et madame Chamberlain, il y a deux ans, il a été décidé que les banques n'auraient pas le droit de vendre des assurances dans leur succursale et depuis, il y a eu cette sorte de mesure d'intervention, ce qu'on appelle le groupe de travail MacKay. Qu'est-ce qui a changé, selon vous, au cours de cette période d'un peu plus de deux ans, qui puisse justifier cette demande que présente inlassablement et depuis longtemps les banques en vue de vendre, entre autres choses, un produit de service financier—soit de l'assurance—dans leurs succursales? Qu'est-ce qui a changé au cours des deux années?
M. Jim Bullock: La seule chose qui ait changé, à mon sens, c'est que mes doutes se sont concrétisés. Il est maintenant évident que les banques ne devraient pas vendre d'assurance. Les mesures coercitives auxquelles elles ont recours... En fait, la banque de détail alimente en clients sa filiale à 100 p. 100 qui vend de l'assurance-vie, par exemple, ou sa filiale qui vend de l'assurance tous risques, en ayant recours à des tactiques de coercition à l'égard de leurs clients pour qu'ils achètent des services d'assurance ou de placement auprès d'autres filiales. Dès l'instant où l'employé qui discute d'un prêt fait une remarque sur les services offerts par les autres succursales, le message est clair.
M. Roger Gallaway: Pour vos agents, c'est toujours la même chose: si les banques peuvent le vendre, elles peuvent le vendre moins cher. Quels produits les banques vont-elles vendre, d'après vous? Vont-elles vendre toute la gamme des produits d'assurance que vous allez vendre, ou vont-elles se contenter d'offrir certains produits seulement?
M. Jim Bullock: Vous avez cité l'exemple de la Banque Toronto-Dominion et de la CIBC car elles semblent très avancées dans leur projet de commercialisation. Toutes deux possèdent une filiale à 100 p. 100 qui vend de l'assurance. La CIBC offre deux produits assez simples et étant donné sa stratégie de commercialisation, cela semblerait logique du point de vue commercial. La banque TD a mis sur pied ce qu'elle appelle une maison de courtage, qui vendra de l'assurance à tout le monde, outre les produits d'assurance offerts par la banque elle-même. Le bureau de la banque TD me fera donc directement concurrence. Cela ne nous dérange pas de les voir se lancer dans ce secteur et nous faire concurrence. C'est presque amusant de suivre leurs tentatives.
Par contre, là où je ne peux plus soutenir la concurrence, c'est lorsque le directeur de la banque oblige ses clients à s'adresser au gars qui vend de l'assurance. Je ne suis pas ici pour vous dire que je m'inquiète à cause de la concurrence, mais pour vous dire que les consommateurs sont obligés d'acheter d'autres produits, outre de l'assurance et des fonds communs de placement, parce qu'on les y oblige, ce qui est inadmissible sur le plan moral.
M. Roger Gallaway: Monsieur Poirier, dans votre mémoire vous avez parlé de la protection du consommateur, chose qui se fait attendre depuis longtemps. À votre avis, si les banques fusionnaient et étaient autorisées à vendre tous les produits qu'elles souhaitent vendre et que parallèlement, la partie du rapport qui traite de la protection du consommateur prenait force de loi, cela créerait-il une situation où votre secteur d'activité serait en mesure de livrer concurrence aux banques?
C'est peut-être à vous que je devrais poser cette question, monsieur Bullock.
M. Jim Bullock: C'est une question importante. Nous évoluons au sein d'une collectivité et nous entretenons des rapports personnels avec nos clients. Lorsqu'un client fait une demande de prêt hypothécaire ou qu'un homme d'affaires veut obtenir une marge de crédit pour son entreprise, peu importe qu'il traite avec une petite banque ou une grande banque. Quelle que soit la façon dont on voit les choses, c'est un rapport de David et Goliath. Lorsque le directeur de banque lui demande pour quelle raison ses employés ne sont pas assurés aux termes du régime d'assurance-groupe offert par sa banque, peu importe qu'il s'agisse d'une grande banque ou d'une petite banque: l'allusion est la même et elle est très claire.
J'ai quelques préoccupations au sujet des fusions de banques, mais c'est une toute autre question.
[Français]
M. Alain Poirier: J'aimerais préciser que, peu importe l'importance de la banque ou de l'institution financière, un consommateur qui se procure un produit d'assurance doit pouvoir jouir du même niveau de protection et ne pas avoir à se demander quelles règles le protègent ou s'il est mieux protégé en faisant affaire avec tel ou tel individu. Il faut que ce soit fait de façon uniforme et que les règles qu'on établira puissent garantir sa pleine protection, peu importe la nature de l'institution financière avec laquelle il transige. C'est ça qui est important.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Poirier.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question. J'attendrai de recevoir votre mémoire plus précis à Montréal avant d'en poser d'autres.
Il y a une juridiction exclusive du gouvernement du Québec dans le secteur de l'assurance, tout comme c'est le cas dans chacune des autres provinces canadiennes. C'est ce qui donne à l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec le droit d'assurer la protection du consommateur. Donc, par voie législative, le gouvernement du Québec, par sa juridiction exclusive, vous a octroyé ce mandat-là, qui est clair. Vous parliez plus tôt de sanctions que vous pouvez imposer à vos membres s'ils n'assurent pas la protection du public ou ne respectent pas le code de déontologie rigoureux que vous vous êtes donné. Ces sanctions peuvent même aller jusqu'à la suspension du droit d'offrir des services professionnels d'assurance.
• 1845
Si les banques avaient le droit de vendre de
l'assurance, cela aurait une incidence sur
votre mandat puisqu'elles ne relèvent pas des provinces
ou de la juridiction du gouvernement du
Québec.
Cela rejoint un peu ce que vous disiez tout à l'heure:
le consommateur doit pouvoir avoir la certitude qu'il
existe des règles claires et rigoureuses et qu'on les
applique. Si les banques vendaient de l'assurance
demain matin et offraient un mauvais
service, ce qui pourrait arriver, un service qui soit contraire au code
de déontologie que vous vous êtes donné comme assureurs
et intermédiaires d'assurance au Québec, vous
n'auriez pas de pouvoir dissuasif ou de pouvoir de
sanction à leur égard. Les banques, étant
assujetties à
la Loi fédérale sur les banques, pourraient
contester votre droit de les contraindre, de leur
imposer des sanctions ou de suspendre leur permis de
vente d'assurance. Est-ce que je me
trompe? Ce serait alors l'anarchie dans le
secteur de l'assurance. On ne saurait plus à quel saint
se vouer, et la protection du consommateur ne serait pas
nécessairement assurée.
M. Alain Poirier: Je crois que le libellé de la loi prévoit que c'est la juridiction de la province de Québec qui s'appliquerait. Les banques, qui sont des institutions à charte fédérale, devront obtenir l'autorisation de la part du gouvernement fédéral si elles souhaitent vendre de l'assurance.
Quant à l'individu qui distribuera des produits d'assurance, même s'il relève d'une institution de dépôts, il sera assujetti aux lois de la province, je crois. Une personne qui distribue de l'assurance dans une banque ou une caisse devra donc obligatoirement faire partie de la Chambre de la sécurité financière et sera soumise aux mêmes règles. Évidemment, on pourrait supposer que les banques contesteraient cet élément-là, mais je ne poursuivrai pas sur cette question parce qu'on tombe alors dans la juridiction des tribunaux et ainsi de suite.
M. Yvan Loubier: Mais la possibilité existe. C'est comme lorsqu'il avait été question de créer une commission canadienne des valeurs mobilières avec des règles bien particulières. Les commissions provinciales et la Commission des valeurs mobilières du Québec ayant leurs propres règles, il y aurait eu possibilité de contestation par des personnes qui auraient été accusées de fraude ou d'un autre délit. Je crains qu'on vive le même problème dans le secteur de l'assurance.
De plus, on ne parle pas que des banques canadiennes. M. Epp nous parlait des banques américaines, dont Wells Fargo & Co. Est-ce que cela ne complique pas les affaires quand une banque étrangère offrant de l'assurance est assujettie à la fois aux lois fédérales et aux lois américaines pour certains aspects de sa pratique? À mon avis, cela créerait de l'anarchie dans le système.
M. Alain Poirier: Je répète qu'on devrait imposer les mêmes règles à tous. Peu importe l'individu qui vend des produits d'assurance, peu importe qu'il travaille pour une institution financière, qu'il soit un courtier indépendant ou autre, il doit relever de la même juridiction et être soumis aux mêmes règles, au même code de déontologie, à la même formation obligatoire continue et au même professionnalisme que tous les autres. Si on a quatre ou cinq règles différentes, on risque effectivement de créer de l'anarchie.
M. Yvan Loubier: Ça veut dire, monsieur Poirier, qu'il devrait y avoir un engagement légiféré, de sorte que si un jour on autorise les banques à vendre de l'assurance—on ne le souhaite pas et je ne le souhaite pas personnellement—, elles se soumettent entièrement à la loi québécoise sur les assurances. Autrement, on risquerait d'assister au scénario de contestation que je vous décris.
M. Alain Poirier: Le rapport MacKay reconnaît certains pouvoirs québécois au niveau de la distribution.
M. Yvan Loubier: Par contre, il ne dit pas que les institutions fédérales doivent se soumettre aux juridictions provinciales, mais plutôt qu'on doit essayer de s'entendre. Il parle même de certains aspects des juridictions provinciales comme étant—vous l'avez mentionné vous-même dans votre mémoire—des obstacles ou des causes de discrimination basées sur la résidence. Il faut être très prudent à cet égard.
Mme Anne-Marie Beaudoin: Évidemment, on voulait trouver la façon de s'assurer que les banques seraient assujetties à cette même juridiction. Il faut qu'il y ait une seule série de règles du jeu parce que le consommateur ne doit pas se dire: «J'ai acheté mon assurance dans une banque et maintenant je m'adresse à tel organisme, ou je l'ai achetée d'un courtier indépendant et je m'adresse à un autre organisme.» Il faut vraiment que ce soit les mêmes règles, la même pratique et la même qualité de pratique.
M. Yvan Loubier: Pour ce qui est de la protection, non seulement de vos membres mais aussi des consommateurs, vous avez raison et on a raison de s'opposer, dans les circonstances actuelles, à la vente d'assurance dans les banques. Ce n'était pas une question. C'était une remarque.
[Traduction]
Le président: C'était un commentaire.
Monsieur McKay.
M. John MacKay: Merci, monsieur le président.
Au sujet de la résidence, est-ce que ça n'impose pas des restrictions à vos membres? Ils se retrouveront à vendre et à distribuer des produits à un bassin bien plus petit qu'autrement. Le groupe de travail MacKay, quoi qu'il dise par ailleurs, affirme qu'un instrument financier demeure toujours un instrument financier et qu'il est ridicule de s'inscrire dans 10 endroits différents simplement pour vendre le même produit. Je suis donc étonné de vous voir—comment dire—protéger ainsi vos plates-bandes? Est-ce que vous ne travaillez pas à l'encontre des intérêts de vos membres?
[Français]
M. Alain Poirier: Je peux vous donner un exemple. Je demeure à 15 minutes de la frontière de l'Ontario et je ne me suis jamais senti lésé dans le travail que j'avais à faire. J'ai des compagnons de travail qui ont leur certificat pour exercer en Ontario et se soumettent aux règles de l'Ontario. Ils ont aussi leur permis pour le Québec et ils se soumettent aux règles du Québec. Je ne les ai jamais entendu se plaindre de ce qu'ils étaient lésés.
Je ne dirais pas que c'est une question personnelle. J'ai un client qui demeure à Los Angeles, et cela arrive dans la vie. Quand je l'ai assuré, il demeurait à deux maisons de chez moi, et je continue à le desservir. S'il survient un problème, s'il est lésé dans une transaction, il va pouvoir se plaindre devant les tribunaux du Québec car la transaction est assujettie à la réglementation du Québec. Donc, la résidence n'est pas la chose la plus importante.
[Traduction]
M. John MacKay: Mais disons qu'il y a des différences dans les dispositions québécoises et ontariennes se rapportant aux ventes liées, par exemple, pour un produit identique? Autrement dit, en tant qu'Ontarien, je pourrais vendre mes produits au Québec, et l'inverse serait vrai aussi. Est-ce que ça ne crée pas un cauchemar pour les autorités provinciales, puisque vous risquez de commettre une infraction, s'il n'y a pas une régie fédérale?
[Français]
Mme Anne-Marie Beaudoin: J'aimerais d'abord répondre à votre première question. Vous parliez d'inégalités du fait que les gens doivent respecter à la fois les exigences d'une province et celles d'une autre. Actuellement, les règles ayant trait à l'accès à la carrière et aux exigences académiques pour exercer dans notre province sont beaucoup plus exigeantes que chez nos confrères des autres provinces.
Donc, pour le moment, on ne peut appliquer des règles de réciprocité. Ce serait très agréable et très intéressant pour les provinces voisines de profiter d'une réciprocité complète. Le jour où les règles seront davantage uniformisées, il sera toujours possible d'accorder un permis aux gens qui ont déjà un permis dans une autre province. Vous parliez aussi de résidence. On n'exige pas que les gens résident dans la province, mais bien qu'ils y aient une place d'affaires, ce qui est une exigence différente.
Quant à votre seconde question...
M. Alain Poirier: C'est un peu une question à 100 $, et je ne voudrais pas lancer un autre débat fédéral-provincial là-dessus. Actuellement, on est sous juridiction provinciale. Nous n'avons pas écrit la Constitution et nous ne voulons pas lancer un débat pour savoir s'il vaut mieux que ce soit les provinces ou le fédéral qui régissent cela.
• 1855
Qu'est-ce qui est important? J'en
reviens à la question de tout à l'heure. Le
consommateur, peu importe où il ira, sera
protégé. Il peut y avoir des choses différentes en
Ontario, au Québec et en
Nouvelle-Écosse. Chaque coin de pays a ses
différences. Il faut simplement respecter cela.
[Traduction]
M. John MacKay: Merci beaucoup, monsieur le président. Votre générosité est sans bornes.
De même, sans vouloir déclencher une guerre fédérale-provinciale, il faut reconnaître que M. Loubier a raison, qu'il n'est pas nécessaire de se préoccuper de cela. Les choses évoluent, il y a la mondialisation et la question de la multiplicité des compétences devient de plus en plus ridicule.
Permettez-moi de passer à une autre question, pour l'après-MacKay. Je vais vous parler de ce que j'ai vu récemment à Mississauga. J'ai vu la démonstration par un donneur d'ordres en hypothèques de Mississauga, qui, en fait, faisait du courtage hypothécaire. Il prenait une demande d'hypothèque assez simple et son écran lui montrait les icônes de 13 choix possibles. Il envoyait la demande à quelques-unes des institutions représentées par ces icônes, dont certaines étaient des banques. Il faisait 1,2 milliard de dollars par an en hypothèques, et je crois que son affaire était donc très rentable.
Voici ma question: Pourquoi cela ne s'appliquerait-il pas à l'assurance-vie et, disons, à l'assurance tous risques? Vous n'êtes peut-être pas suffisamment à l'aise pour répondre à la deuxième partie de ma question, mais vous le serez pour la première. Pourquoi n'est-ce pas faisable? Si vous aviez accès à l'assurance de la CIBC et que vous pouviez la vendre, de même que l'assurance de la Prudentielle et de la Great-West Life, etc.; est-ce que cela n'éliminerait pas une bonne partie de vos préoccupations?
M. Jim Bullock: Non.
M. John MacKay: Pourquoi pas?
M. Jim Bullock: Les problèmes dont nous parlons ne sont pas des problèmes d'accès au marché. En tant que courtier, on me dit qu'il existe 150 compagnies d'assurance. Je sais que je reçois régulièrement des soumissions de 60 d'entre elles. Quelques-unes de plus ou de moins ne changera rien à mon problème. Le problème dont nous parlons, c'est celui du choix que doit faire le consommateur lorsqu'il est seul dans la succursale.
La personne qui s'adresse à un courtier évite la possibilité de coercition de la banque. Il s'adresse à un courtier et lui demande ce que le marché peut lui offrir de mieux. Lorsqu'il va dans une succursale et demande une soumission pour son hypothèque, il n'a pas droit au même traitement.
M. John MacKay: En fait, le courtier dont on parle peut lui offrir mieux que la succursale de la banque.
M. Jim Bullock: Oui.
M. John MacKay: Du point de vue du consommateur, vous élargissez le choix et vous améliorez l'accès au meilleur prix possible. Le reste est secondaire.
Vous avez déclaré qu'il y avait 150 compagnies sur le marché, mais je présume qu'en fait, pour la plupart des courtiers, il n'y en a vraiment que 8 ou 10. Je ne vois pas pourquoi vous ne voudriez pas d'un icône de la BMO, de la CIBC ou de la TD, afin que ces banques soient en concurrence directe avec les autres compagnies.
M. Jim Bullock: Il est vrai que le système de soumission que j'ai ne montre le prix de certains produits bancaires mais il le fait aussi pour bon nombre de compagnies avec lesquelles je ne peux pas faire affaire. La compagnie Blue Cross, par exemple, n'acceptera pas de traiter avec moi parce qu'elle ne fait affaire que dans la région Atlantique. La London Life ne le fera pas non plus parce qu'elle tient à traiter avec ses propres gens, mais j'ai tout de même ces chiffres dans ma base de données. Je présume que si je constatais que les banques avaient un meilleur taux pour mes clients, cela deviendrait un problème. Mais ce n'est pas encore le cas.
Vous avez soulevé une bonne question et nous en sommes conscients. Si vous allez voir un courtier en hypothèques, vous aurez une bien meilleure hypothèque que si vous vous adressez vous- même, directement, à la banque. Les banques ne font pas beaucoup d'efforts pour offrir des conditions particulièrement bonnes aux consommateurs. Pourquoi le feraient-elles?
M. John MacKay: C'est comme ça qu'on fait des affaires.
M. Jim Bullock: Dans le mémoire que nous avons adressé il y a quelque temps, nous parlions d'une banque qui était propriétaire de sa propre compagnie d'assurance. Elle vend de l'assurance directement aux consommateurs. La police qu'elle vend en Ontario ne serait pas légale au Québec.
M. John MacKay: Nous revenons donc aux aspects ridicules des provinces...
M. Jim Bullock: C'est pourquoi je vous en parle. Vous avez parlé du ridicule des différences entre les provinces. Si les autorités provinciales faisaient un bon travail, ce serait ridicule. Honnêtement, il n'y a que le Québec qui semble avoir fait beaucoup pour protéger le consommateur. Ailleurs au Canada, le consommateur est absolument sans défense...
M. John MacKay: Nous ne nous gênons pas pour glaner les bonnes idées là où elles sont.
M. Jim Bullock: ...et il est perdant. C'est pourquoi nous espérons que le gouvernement fédéral pourra faire quelque chose, puisque les provinces, pour toutes sortes de raisons, ont de graves problèmes.
Ailleurs au Canada, la compagnie n'est pas obligée de fournir aux consommateurs tout le contrat de la police d'assurance. Certaines d'entre elles, dont celles qui appartiennent à une banque, ont pour habitude de ne pas fournir les pages qui disent que la réclamation pourrait ne pas être traitée favorablement si certaines conditions ne sont pas remplies. Elles enlèvent ces pages. Elles ne disent pas aux consommateurs que les pages manquent. Avez-vous déjà vu un contrat d'assurance-vie sans la page des signatures? C'est ce que fait la banque.
M. John MacKay: Il y a aussi les compagnies de crédit-bail, mais c'est une autre paire de manches.
[Français]
M. Alain Poirier: À propos de l'assurance-hypothèque, cela me fait un peu sourire. Il y a deux éléments. Il y a le prix qui est important. Lorsqu'on envoie ce genre de cotation, on demande des prix. Avoir un prix, c'est une chose; avoir une protection, c'est autre chose. Dans le cas de l'assurance-hypothèque, quand vous faites affaire avec une banque ou une institution de dépôts—on va utiliser ce terme-là—et que vous achetez une assurance-hypothèque, on n'apprend que vous étiez assuré que lors de votre décès. Quand vous décédez, on sort la formule de la banque et on l'envoie à la compagnie d'assurance pour certifier qu'au moment où vous avez acheté votre assurance-hypothèque, vous étiez en bonne santé.
Une étude a été faite là-dessus au Québec et cette étude a démontré que, dans 100 p. 100 des cas, les gens croyaient être assurés, mais ce n'était pas le cas. Beaucoup de gens se sont fait léser. Il ne s'agit jamais de gros montants. C'est 25 000 $, 35 000 $ ou 40 000 $. C'est souvent le solde de l'hypothèque. Les gens qui avaient acheté cette assurance-là étaient convaincus qu'ils seraient couverts en cas de décès. Cependant, ce n'est pas le cas.
Dans la Loi 188, à la suite des pressions qu'on a faites, un article stipule que l'assureur va devoir confirmer à la personne qui a acheté l'assurance qu'elle est bel et bien assurée. Cela veut dire qu'il va falloir qu'ils échangent de l'information. Ainsi, les gens vont payer une prime et seront assurés.
Cela affecte le taux des primes, parce que le risque n'est pas le même. S'ils ne paient pas dans 25 p. 100 des cas parce que les gens n'étaient pas assurables à ce moment-là, cela fait diminuer le coût des primes. Obtenir un prix, c'est une chose intéressante, mais ce n'est pas tout. Il faut aussi avoir la caractéristique des produits. Y a-t-il un produit plus simple que l'assurance-hypothèque? La réponse est non, mais dans le fond, c'est compliqué. Ce n'est pas simple.
Quand on parle d'autres produits plus compliqués, comme des assurances-vie universelles, des assurances permanentes, ce n'est pas seulement la protection par rapport aux prix; il faut qu'il y ait une explication; il faut faire autre chose. Donc, on ne peut simplement aller sur Internet et choisir un produit d'assurance ici ou là. Ce n'est pas aussi simple que cela.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Au nom du comité, je voudrais vous remercier. Vous avez soulevé des questions intéressantes, particulièrement au sujet des ventes liées et de la concurrence dans votre secteur. Vous nous avez certainement aidés à mieux comprendre comment fonctionne votre secteur au sein des autres services financiers et nous vous en remercions.
Je vais suspendre la séance jusqu'à 19 h 30. Nous recevrons alors la Power Financial Corporation et la Credit Union Central of Canada. La séance est suspendue.
Le président: Nous reprenons la séance. Bienvenue à tous. Nous accueillons ce soir avec plaisir M. Ted Johnson, vice-président de la Power Financial Corporation ainsi que M. James W. Burns, vice- président. Bienvenue, messieurs.
Comme vous avez déjà comparu devant le Comité des finances, vous savez comment nous fonctionnons. Vous avez environ 10 ou 15 minutes pour faire votre exposé puis nous vous poserons des questions.
L'exposé de ces témoins comprend des tableaux dont les membres du comité ont reçu des copies sur papier, pour faciliter la compréhension de l'exposé.
Bienvenue, monsieur Burns.
M. James Burns (vice-président, Corporation financière Power): Merci, monsieur le président, de nous donner l'occasion de vous parler. Résumer 142 recommandations, ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile et c'est pourquoi nous en avons choisi deux. Même s'il n'y en a que deux, elles susciteront une bonne discussion. Je ferai de mon mieux.
Je pense qu'il convient de vous présenter les activités de Power Corporation et de la Corporation financière Power, qui a succédé à la première. Dans les documents que nous vous avons remis, il y a un organigramme de Power Corporation.
M. Edward (Ted) Johnson (vice-président, Corporation financière Power): Oui, c'est une annexe à la fin.
M. James Burns: Power Corporation est actif dans le secteur des services financiers depuis 30 ans. Au début, il y a 27 à 30 ans, il y a eu l'acquisition d'une participation majoritaire dans le Groupe Investors, qui n'était alors qu'une petite société à certificat située à Winnipeg. Cette société a toujours son siège social à Winnipeg, mais elle est désormais le plus important fournisseur de fonds mutuels au Canada. Ce n'est pas une société de régie fédérale, mais elle fait partie de notre groupe financier.
La Great-West, Compagnie d'assurance-vie, existe depuis 28 ans, soit depuis 1970. La Great-West Life des États-Unis, qui est devenue une société autonome et assez distincte au début des années 80, est maintenant 25 p. 100 plus importante que la société canadienne. Nous avons donc de très importants intérêts dans le secteur de l'assurance aux États-Unis.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la Compagnie d'assurance-vie Great-West a concurrencé la Banque Royale, il y a un an et demi, pour acheter la London Life, qui était sur le marché. Quand nous parlons de la Great-West, nous parlons bien entendu aussi de la London Life. Les deux compagnies ont conservé leur indépendance et je vous dirai dans un instant pourquoi c'est une excellente chose.
• 1935
Il est bon de dire en commençant qu'à un moment donné, la
Power Corporation était propriétaire du Montreal Trust qui était
alors l'une des plus importantes fiducies personnelles et
commerciales au Canada disposant d'un réseau de distribution et de
succursales. En 1989, nous sommes venus à la conclusion que cette
société ne serait pas rentable et ne croîtrait pas, à cause de la
concurrence écrasante des grandes banques à charte.
Je tiens à le dire parce que dans le rapport MacKay, on propose d'augmenter le nombre des petites compagnies au Canada, ce qui est très encourageant en théorie, mais d'après notre expérience, la taille compte lorsqu'il s'agit d'être concurrentiel sur ce marché, particulièrement lorsqu'il s'agit de concurrencer les grandes banques. Notre société n'était pas, et de loin, aussi grosse que les banques à charte, mais elle avait tout de même une taille considérable.
À nos yeux, l'avenir de cette société n'était pas positif et nous l'avons vendue. Elle a depuis été achetée par la Banque de Nouvelle-Écosse qui l'a depuis avalée, comme le reste des sociétés de fiducie.
Pour faire un court historique, revenons à il y a un peu plus d'une décennie. Il y avait alors ce qu'on appelle les quatre piliers du système financier canadien, très bien définis: les banques à charte, les fiducies, les courtiers en valeurs mobilières et les compagnies d'assurance-vie.
En 1987-1988, les courtiers en valeurs mobilières indépendants et autonomes ont essentiellement disparu de la carte, achetés par les banques à charte. Deux ou trois ans plus tard, les fiducies ont aussi pratiquement été évacuées, en étant soit absorbées par les banques ou victimes d'une mauvaise gestion. Quoi qu'il en soit, elles n'ont plus d'importance et ne font plus partie du marché canadien.
Nous vous avons remis un tableau qui montre qu'avant 1987-1988, il y avait quatre piliers de l'économie. Même à l'époque, les banques étaient bien plus grosses que les autres institutions. Mais dès 1996, les banques canadiennes possédaient 86 p. 100 des actifs des banques à charte, 93 p. 100 des services de fiducie, 67 p. 100 des revenus de courtage et 3 p. 100 de l'assurance-vie. C'était en 1996; comme je le disais, deux des piliers qui existaient auparavant, qui étaient parmi les concurrents sur le marché, qui offraient un choix aux consommateurs, sont disparus.
Vous pouvez jeter un coup d'oeil au tableau 5, qui est à mon avis pertinent et qui résume bien la situation. Voici ce qui est arrivé. On évalue les entreprises en fonction de leurs revenus, qui est réellement le carburant du moteur de ces entreprises. Que je sache, au Canada, on peut encore parler de «revenus» sans rougir, n'est-ce pas, monsieur le président? Bien.
Voilà la période de 1985-1989. Voici les revenus des banques à charte canadiennes. On voit bien que la disparition des deux piliers de l'économie et le potentiel des banques ont eu un effet marqué sur leurs revenus collectifs.
• 1940
Tout ça n'est pas arrivé parce qu'elles ont renforcé leurs
capitaux propres, qui est bien sûr une façon d'améliorer ses
revenus, c'est-à-dire en injectant de l'argent. En fait, ils sont
demeurés constants. Ce n'est pas ce qu'elles ont fait. Cette
amélioration des revenus provient simplement de l'adoption des
restes des deux autres piliers de l'économie, ce qui a été permis
par réglementation.
Passons maintenant à ce qui intéresse le comité, c'est-à-dire les recommandations McKay: il faut tout d'abord souligner que c'est un ensemble de questions très délicates. Il faut être très prudent dans ce qu'on examine et dans ce qu'on modifie, parce que le résultat pourrait être décevant. Il s'agit d'un ensemble d'institutions et de marchés très complexes et interreliés.
S'il y a une chose à retenir de ce que nous vous dirons, c'est ceci: Pourquoi ne pas prendre votre temps et vous assurer de réfléchir, de manière approfondie, aux conséquences et à l'effet des changements? Nous ne nous opposons certainement pas aux changements, mais nous pensons qu'il serait sage pour les décisionnaires politiques et les gouvernements qui produisent les règlements et les lois d'être très prudents quand ils apportent des changements. Autrement dit: rien ne presse.
Depuis le début de notre longue histoire, le secteur financier canadien est jalousé par le reste du monde. Nous avons eu bien moins de problèmes financiers que tout autre pays que je connais. C'est une mécanique qui fonctionne. C'est une mécanique qu'il faut aussi modifier. Nous disons ceci: pourquoi ne pas prendre notre temps et, s'il faut faire des changements, s'assurer que ce sont les bons.
Monsieur le président, il y a deux choses sur lesquelles je tiens à insister dans cet exposé. La première, vous en avez entendu parler à maintes reprises aujourd'hui, pendant vos audiences. C'est toute la question du commerce au détail de l'assurance, à la succursale. À notre avis, la vente au détail à la succursale n'est pas vraiment en cause. À notre avis, cela cache un autre problème. L'accès à la banque de données sur les consommateurs dont la banque est propriétaire.
La vente au détail à la succursale est un faux problème. On ne vend pas de l'assurance au guichet. Je suis dans ce secteur depuis 35 ans. Si l'on comptait uniquement sur les ventes aux clients qui viennent dans les succursales, nous nous serions éteints à Winnipeg, il y a belle lurette. Là n'est pas la question, pas du tout.
En 1992, les règlements ont permis aux banques d'acheter une compagnie d'assurances ou d'en créer une. La compagnie d'assurances devait toutefois être une filiale de la banque et il ne devait pas y avoir de transfert de renseignements sur les clients entre la société mère et la filiale, c'est-à-dire de renseignements bancaires de la banque vers la compagnie d'assurance. C'est ce qu'on disait en 1992. On ne disait pas que les banques ne pouvaient pas vendre d'assurance. On ne disait pas cela du tout. On disait qu'elles pouvaient oeuvrer dans le secteur des assurances, sans toutefois transférer de renseignements sur les clients.
Les banques à charte ne l'ont pas très bien pris et ont exercé beaucoup de pressions. Après 1992, il y a eu de nouveaux gouvernements. Dans le discours du budget de 1996, le ministre des Finances annonçait que cette interdiction serait maintenue, et elle l'est toujours. En réponse à la demande des banques, le gouvernement a répondu que l'interdiction de 1992 demeurerait en vigueur.
La Commission MacKay affirme maintenant que cette interdiction doit être levée. Elle appelle cela la vente en succursale. Nous insistons sur le fait que la vente en succursale n'est pas au coeur du problème. Le problème, c'est plutôt l'accès aux données dont dispose la banque. Personne—vraiment personne—pas même le ministère du Revenu n'en sait autant au sujet d'un client qu'une banque à charte. Le ministère du Revenu se moque bien de la façon dont vous dépensez votre argent. Il s'intéresse uniquement à votre revenu, aux dépenses déductibles et dans une certaine mesure, à vos actifs. La banque sait non seulement ce que vous achetez, mais aussi de qui vous l'achetez.
• 1945
Notre position sur l'interdiction et sur des règles du jeu
uniformes repose essentiellement là-dessus. Il ne peut pas
véritablement y avoir des règles du jeu semblables pour tous.
Comment pourriez-vous jouer une partie de poker—pas seulement une
main, mais toute une soirée de poker—quand un joueur sait où sont
toutes les cartes en tout temps? Qui gagnerait, à votre avis?
Quelqu'un pourrait gagner une main, parce qu'il a reçu de bonnes
cartes, mais qui gagnera, à la fin de la soirée? C'est tout à fait
évident. Celui qui sait où sont les cartes. Ce n'est plus un jeu.
Le jeu est terminé.
Nous nous concentrons donc sur les sociétés. Nos sociétés ont connu une croissance considérable, passant d'une position relativement modeste au début des années 70 jusqu'à aujourd'hui, la Great-West étant la plus grande compagnie d'assurance-vie au Canada et le Groupe Investors, le plus grand fournisseur de fonds mutuels du pays.
Essentiellement, ce que nous avons appris très vite, c'est qu'une compagnie d'assurance ou une compagnie de fonds mutuels, ce n'est pas un immeuble avec beaucoup d'employés à l'intérieur de la boîte. En fait, ces sociétés sont de réseaux de distribution. C'est aussi l'ensemble des gens qui la représente, sur le terrain. Je suis dans ce secteur depuis 45 ans et je l'ai dit à maintes reprises, je pourrais mettre à la porte tous les employés du siège social un lundi matin, et si je garde mon organisation sur le terrain, je serai encore en affaires le mercredi. Si je perds l'organisation sur le terrain, je n'ai plus rien.
La valeur de la London Life, c'est son organisation sur le terrain et non le grand immeuble de Londres. Voilà quelle est sa valeur. Et c'est le créneau du marché que nous avons voulu exploiter, le secteur du conseil à la clientèle. C'est ce que nous vendons. Avec le rapport MacKay, ce secteur est gravement menacé, pour les raisons que je viens de vous donner.
Pourriez-vous vous défendre contre un tel système? Ce serait très difficile.
Prenons par exemple le secteur de l'assurance collective. Je ne veux pas... La coercition n'est pas en cause. Je ne dis pas qu'on va agresser le client. Je pense simplement que c'est une question de persuasion morale. Pour un propriétaire d'une PME, son crédit auprès de sa banque est essentiel. Je pense que c'est dans son intérêt, à long terme, d'avoir d'excellentes relations avec sa banque. Il lui serait très difficile de résister à la tentation de confier les diverses assurances de ses employés à cette banque, si c'était... Est-ce qu'on le forcerait à le faire? Non, bien entendu. Je ne dis pas qu'on le ferait. Ce ne serait pas nécessaire, parce que la banque sait très bien ce qu'il ferait.
Si vous permettez, monsieur le président, je vais passer au deuxième point qui nous intéresse dans le rapport du Groupe de travail MacKay. Je ne pense pas qu'il y aura beaucoup d'autres témoins pour vous en parler. Il s'agit de la propriété. Au Canada, du moins depuis que je m'occupe de ces questions, le gouvernement a structuré la participation à l'actif des banques à charte en déclarant qu'il devait y avoir un maximum de 10 p. 100. Je pense que nous savons tous pourquoi on a adopté cette structure et je ne suis peut-être pas contre cela. Avec ce 10 p. 100, on évite efficacement et de manière soutenue toute prise de contrôle étrangère. Je pense que c'est la raison d'être de cette règle et la raison pour laquelle elle sera maintenue.
• 1950
En vertu de l'ALENA, de l'accord de libre-échange, et d'autres
accords, tout le monde a droit au traitement national. On ne peut
pas dire: «Ce sera 25 p. 100 pour les Canadiens et 10 p. 100 pour
les étrangers». On ne peut plus du tout faire cela.
Même si on voulait vraiment... qui ne voudrait pas posséder une banque? Il reste que c'est interdit—au-delà de 10 p. 100.
En passant, ça n'empêche pas les étrangers de posséder plus de 50 p. 100 des banques. Je ne sais pas, mais il y a de ces banques qui sont inscrites à New York... Elles pourraient facilement appartenir à 55 p. 100 ou 60 p. 100 à des étrangers, mais en pratique, ces propriétaires ne peuvent rien faire puisqu'ils ne peuvent voter pour plus de 10 p. 100 des actions.
Le Groupe de travail MacKay a pris ce régime de propriété à 10 p. 100 et affirmé que ce qui est bon pour les banques devrait l'être aussi pour les compagnies d'assurance-vie. Par ailleurs, il a déclaré que nous avions des droits acquis, parce que nous sommes déjà là. Mais des droits acquis pour quoi? Nous devons en rester là, nous ne pouvons participer à ce qui se ferait à l'avenir. En vertu des règles proposées, comme on le voit dans le rapport MacKay, le seul acheteur possible pour une grande compagnie canadienne serait une banque à charte. Nous ne pourrions pas le faire.
Si vous voulez la recette d'une concentration accrue, prenez cette combinaison de deux choses qui, à notre avis, encouragera très certainement la concentration à l'avenir, plutôt que le contraire. Il ne peut pas y avoir d'autres participants. La Manufacturers Life ou la Sun Life pourrait nous acheter, selon les règles définies par M. MacKay, mais nous ne pourrions pas les acheter. Ces compagnies l'ont dit elles-mêmes lorsqu'elles ont comparu ici: Dès leur démutualisation, elles appartiendront à des étrangers.
Comme je le disais, monsieur le président, plus on approfondit les choses, plus on trouve matière à réflexion.
Voilà donc en résumé les questions que nous voulions soulever et consigner au compte rendu du comité. Je crois qu'il s'agit de questions importantes. Elles définiront l'avenir de nos institutions financières et les choix futurs des consommateurs. Elles détermineront s'il y aura encore ou non des fournisseurs indépendants. Nous pensons qu'il doit y avoir des entreprises fortes, indépendantes et concurrentielles, outre les banques à charte.
Monsieur le président, ai-je pris beaucoup de temps? J'ai dû jacasser pendant un bon 20 minutes.
Le président: Vous êtes sans doute en train d'épuiser le temps qui vous est imparti. Nous terminerons à 22 h 30 ce soir. Je plaisante.
M. James Burns: Je vous ai dit que j'étais enrhumé.
Le président: Avant de passer aux questions, puis-je avoir un éclaircissement au sujet de votre tableau 5? Puisque vous avez apporté tous ces tableaux, autant s'en servir.
M. James Burns: Merci
Le président: Ce tableau porte bien sur une période de cinq ans?
M. James Burns: Oui.
Le président: J'imagine que tout est accentué à cause de ces cinq ans.
Allez-y.
M. Ted Johnson: Nous avons choisi cinq ans pour uniformiser, pour adoucir les crêtes et les creux et éviter les distorsions. En faisant cette évaluation sur cinq ans en continu, on élimine une part des grandes fluctuations. Par exemple, il y a une année, au début des années 90, où les profits des banques équivalaient à plus de 100 p. 100 des revenus du TSE. C'était simplement parce que les sociétés exploitant des ressources perdaient de l'argent.
Le président: Expliquez-moi une chose. Vous dites qu'à ce moment-là, les banques ont commencé à acquérir des sociétés de courtage et des fiducies, n'est-ce pas?
M. James Burns: Oui.
Le président: Dites-vous que c'est la raison de ces généreux profits? Ça ne peut pas être la seule cause.
M. Ted Johnson: Non. Nous disons qu'il y a une intéressante corrélation avec l'augmentation importante des loyers des franchises, des profits des franchises, par la suite. Ce n'est pas la seule cause de l'augmentation des profits, mais il y a une corrélation intéressante et directe. Nous avons d'autres tableaux qui montrent en partie pourquoi c'est arrivé.
Le président: Pourriez-vous décrire l'état de ces fiducies lorsqu'elles ont été achetées? S'agissait-il d'organisations importantes et rentables, bien gérées?
M. James Burns: La vente de Royal Trust en 1989 a généré des recettes après impôt de 85 à 90 millions de dollars. Il s'agit d'une somme importante. Comme je l'ai dit, c'était la plus grande société de fiducie personnelle au Canada. Vous comprenez ce que j'entends par «société de fiducie personnelle». C'est une société qui s'occupe notamment de testaments.
Le président: Oui.
M. James Burns: Soit dit en passant, il n'existe plus de mandataire. Je me demande qui s'occupe des intérêts des veuves et des orphelins. Je suppose que ce sont les avocats. Que Dieu vienne en aide aux veuves et aux orphelins!
Des voix: Oh, oh!
M. James Burns: Le comité compte-t-il des avocats? Je crois que oui.
Le président: Comment se portaient Royal, Standard et Guaranty? Que peut-on dire de leur situation financière?
M. James Burns: Les banques n'ont pas repris les mauvaises créances de Royal Trust. La Banque Royale a repris les activités de la société ayant trait aux entreprises ainsi que ses actifs. Elle l'a fait parce que Royal Trust connaissait des difficultés. Les banques ont récupéré certaines parties de Central Guaranty lorsque la société a déposé son bilan.
La Banque de la Nouvelle-Écosse a acheté cette année National Trust. Nous avons vendu Montreal Trust à BCE, Bell Canada Entreprises. On nous a demandé à ce moment: «Pourquoi vendez-vous cet actif? Quel est le problème?» Nous avons répondu: «La société n'est pas assez grosse.» On a alors posé la question suivante: «Pourquoi ne pas faire en sorte qu'elle devienne plus grosse?» Nous avons dit que nous ne voulions pas investir autant d'argent dans ce secteur qui est dominé par les grandes banques. Nous avons alors recommandé à BCE d'acheter d'autres petites sociétés de fiducie et de les fusionner parce qu'elles sont individuellement trop petites.
Le président: Monsieur Burns, la seule raison pour laquelle je vous ai posé cette question est que chaque fois qu'un témoin donne une explication, nous devons nous assurer qu'elle est bien la bonne. Je ne crois personnellement pas que ce n'est que lorsque les banques se sont mises à acheter des sociétés de fiducie que leurs bénéfices se sont mis à augmenter. Ce n'est tout simplement pas le cas.
M. James Burns: Elles ont aussi acheté des maisons de courtage en valeurs mobilières. Les marchés ont été très actifs au cours des cinq dernières années et les investissements dans ces maisons ont été très rentables. Cela expliquerait en grande partie cette augmentation des bénéfices. Je pense que nous pouvons établir que la marge bénéficiaire des banques s'est améliorée avec la disparition des sociétés de fiducie, ce qui augmenterait évidemment leur rentabilité. Il n'existait plus de concurrence. La rentabilité du secteur des services financiers n'a jamais été aussi bonne quatre années d'affilée qu'elle l'a été au cours des quatre dernières années. Les recettes de ce secteur ont donc augmenté comme celles d'autres secteurs.
Vous pourriez étudier de nouveau la question. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons mené des études très poussées qui ont été rendues publiques. Nous avons présenté nos conclusions au Groupe de travail MacKay. Nous avons comparé la rentabilité nette des banques à la rentabilité d'autres sociétés canadiennes, c'est-à-dire les sociétés qui sont cotées à la bourse. Ces études établissent que les bénéfices des banques ont beaucoup augmenté au cours des 10 dernières années.
• 2000
Vous posez d'excellentes questions, mais on ne peut vraiment
pas épuiser le sujet dans le temps qui nous est imparti. Il faut
étudier toute une gamme de données. Le fait est que les banques à
charte canadiennes se sont enrichies et sont devenues plus
puissantes en raison de la concentration. C'est presque inévitable.
Le président: Vous préconisez donc plus de concurrence.
M. James Burns: Tout à fait.
Le président: Très bien. Je vous remercie.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Je vous remercie de votre exposé. Je constate que vous travaillez dans ce secteur depuis 45 ans. Cela signifie que vous avez dû commencer à travailler à 12 ans, n'est-ce pas? C'est un compliment, monsieur.
M. James Burns: Je crois que vous venez de la Saskatchewan.
M. Ken Epp: C'est ma province d'origine.
M. James Burns: Moi, je viens de Winnipeg, et je sais que seul quelqu'un de la Saskatchewan ferait une observation comme celle-là.
M. Ken Epp: Je m'intéresse beaucoup à votre thèse. Vous vous opposez dans votre rapport à la règle des 10 p. 100 pour les sociétés d'assurance, mais vous pensez qu'elle convient dans le cas des banques. Vous pensez qu'il faut limiter la croissance des banques. Vous faites état dans votre mémoire des conséquences négatives de la concentration des services entre les mains de deux ou trois banques toujours plus grosses.
Le même argument s'applique-t-il aux sociétés d'assurance? Pourquoi les banques et les sociétés comme Power Corp seraient-elles traitées autrement? Ces sociétés jouent un grand rôle sur le marché et rien ne limite leur croissance. Elles peuvent acheter tout ce qui leur plaît.
M. James Burns: Ce n'est pas le cas. Elles ne peuvent pas acheter tout ce qu'elles veulent. Je crois qu'il y a deux facteurs en jeu. Si l'on ne tient compte que des actifs canadiens et qu'on ne tient pas compte des sociétés internationales—nous en sommes une—, on constate que les dix plus grandes sociétés d'assurance-vie ont au total des actifs inférieurs à ceux de la seule Banque Royale. La taille et la puissance économique constituent donc des facteurs qui entrent en ligne de compte.
Comme je l'ai dit, la raison d'être de la règle des 10 p. 100 est de s'assurer que le système bancaire—qui est très solide—demeure entre les mains de Canadiens. Je crois que la plupart des Canadiens appuient cet objectif. Ils ne veulent pas que le secteur passe entre des mains étrangères. Compte tenu de l'importance des banques dans le réseau financier canadien, on peut invoquer de nombreuses bonnes raisons à l'appui de la règle des 10 p. 100.
Les sociétés d'assurance sont loin d'avoir autant d'importance pour le pays. Aucune restriction ne s'applique à l'achat des fonds mutuels, le secteur qui croît le plus rapidement à l'heure actuelle. Il est intéressant de constater que le rapport MacKay propose le régime des 10 p. 100 pour les sociétés d'assurance-vie qui ont été démutualisées. À part nous, il n'existe pas vraiment d'autres grandes sociétés de valeurs mobilières. Toutes les autres sont des sociétés de fonds mutuels qui veulent toutes devenir des sociétés de valeurs mobilières. Une fois qu'elles seront démutualisées, ces sociétés seront assujetties au régime des 10 p. 100.
Il n'est pas impossible que le secteur fasse l'objet d'une rationalisation plus poussée dans l'avenir. Il faut bien reconnaître que les grandes institutions financières s'agrandissent et que les petites institutions disparaissent. Il n'y aura peut-être pas de rationalisation plus poussée, mais s'il y en avait, nous voudrions certainement y participer. Je ne dis pas que nous le ferions, mais je dis que nous voulons simplement pouvoir y participer. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement du Canada déciderait qui peut y participer et qui ne le peut pas. Si nous étions un nouveau venu, la prudence serait peut-être indiquée, mais ce n'est pas le cas. Enfin, nous trouvons ce comportement assez offensant. Nous considère-t-on comme des institutions de second ordre?
M. Ken Epp: Le rapport MacKay recommande cependant de vous accorder des droits acquis.
M. James Burns: Seulement pour nous permettre d'acheter les institutions plus petites. Seules la Financière Manu Vie ou la Sun pourraient acheter une grande institution. Le rapport recommande la règle de 10 p. cent.
M. Ken Epp: Et vous n'aimez pas que le gouvernement contrôle arbitrairement votre croissance.
M. James Burns: Non. Je peux vous assurer que si la Financière Manu Vie ou la Sun décident de faire quelque chose, la seule chose qu'elles pourront faire pour demeurer des sociétés canadiennes sera de vendre des actifs à la banque. Elles ne pourront pas nous vendre quoi que ce soit à nous. Elles peuvent vendre des actifs à une banque. Voilà comment on atteindra l'objectif d'une concentration plus poussée. Voilà ce que j'essaie de dire.
M. Ken Epp: Je comprends.
M. James Burns: Inévitablement, ce sont les sociétés dont les actifs sont très élevés et qui exercent une grande influence sur le marché qui en profiteront.
M. Ken Epp: Soit les banques, soit les entreprises étrangères.
M. James Burns: Oui, mais les entreprises étrangères ne peuvent pas acheter des actifs de plus de 5 milliards de dollars.
Permettez-moi de faire une observation au sujet des sociétés étrangères.
Le président: Puis-je vous poser une question pour faire suite à celle de M. Epp?
M. James Burns: Je voulais simplement ajouter quelque chose.
Le président: Allez-y.
M. James Burns: Je pense qu'il convient de noter que les deux plus grandes sociétés d'assurance-vie américaines—des géants à vrai dire—, la Metropolitan Life et la Prudential, sont retournées chez elles. Que faut-il en déduire? Que le marché est très concurrentiel. Et comme elles ne faisaient pas de très bonnes affaires, elles ont vendu leurs actifs et sont retournées chez elles. Si elles l'ont fait, pourquoi une autre société d'assurance-vie américaine viendrait-elle s'installer ici? Les plus grandes sociétés d'assurance-vie ont quitté le pays.
M. Ken Epp: Est-ce qu'elles sont parties parce que la réglementation a découragé leur croissance? Pensez-vous qu'elles sont parties parce que les profits n'étaient pas assez intéressants?
M. James Burns: Manque de croissance, profits inintéressants et rendement inférieur; à mon avis, ces éléments constituent les meilleurs arguments possible qui prouvent que notre industrie de l'assurance-vie est très concurrentielle. Quand le plus gros joueur ramasse ses billes et s'en retourne chez lui... Je puis vous assurer que si le secteur n'était pas aussi concurrentiel, il serait toujours ici. Pourquoi pas?
Le président: D'après ce que dit MacKay, vous pouvez acheter Canada-Vie, pas vrai?
M. Ted Johnson: D'après ce que l'on comprend des propositions qui se trouvent dans les recommandations et au livre deux, nous ne pourrions acheter quoi que ce soit dont l'avoir des actionnaires dépasserait les 5 milliards de dollars. Le seul qui puisse acquérir quelque chose au-dessus de la ligne est celui qui se trouve dans la gamme du 10 p. 100. Au-dessus de cette ligne dans l'industrie de l'assurance, pour le moment, on trouve la Sun et la financière ManuVie. D'après ce tableau aux pages 35 ou 38...
Le président: C'est ce que je regarde.
M. Ted Johnson: ...ces deux-là se trouvent au-dessus de la ligne et sont déjà intouchables. Toute combinaison de ce qui se trouve sous cette ligne portera les intéressés au-dessus de la ligne où ils deviendront aussitôt intouchables et, progressivement, au fur et à mesure que le temps passera, toute l'industrie deviendra intouchable pour une compagnie 65-35 comme la nôtre, une compagnie contrôlée par ses actionnaires, comme nous.
Le président: Mais cette limite de 5 milliards de dollars dont vous parlez, c'est par transaction, n'est-ce pas? Ce n'est pas cumulatif.
M. Ted Johnson: Oui, c'est cumulatif. Les 5 milliards de dollars se calculent en additionnant l'avoir des actionnaires de toutes les entités d'un groupe.
Le président: Alors vous ne pourriez pas acheter Canada Vie et la Mutuelle du Canada.
M. Ted Johnson: Non. Exactement. C'est exactement ce à quoi je voulais en venir.
Le président: Parfait.
M. James Burns: Ou, advenant une fusion, elles passent immédiatement à la catégorie supérieure et se trouvent assujetties à la règle des 10 p. 100.
M. Ted Johnson: Je suis désolé, non. Pardonnez-moi. Pour ce qui est de votre question, nous pourrions acheter la première et ensuite la deuxième. Nous ne pourrions pas acheter une Canada-Vie et une Mutuelle du Canada déjà fusionnées, mais nous pourrions en acheter une. J'ai mal compris votre question. Nous avons des droits acquis et si nous ne changeons rien à ce que nous sommes, nous pourrions acheter toute société individuelle qui se trouverait en deçà de cette limite des 5 milliards de dollars et, à titre individuel, c'est là où se trouve Canada-Vie et la Mutuelle à l'heure actuelle.
Le président: Et vous pourriez acheter aussi la Banque Nationale si elle se convertissait, c'est vrai?
M. Ted Johnson: Exactement.
Le président: Alors vous pourriez acheter pas mal de choses.
M. Ted Johnson: Oui. Nous pouvons acheter certaines choses, mais encore là il y a certaines autres choses que nous ne pouvons toucher.
Ce privilège de droits acquis que nous confère le rapport s'assortit de certains avantages, convenons-en. Nous pensons tout simplement que le régime que l'on établit est le mauvais. Même si on nous y accorde des droits acquis, nous pensons quand même qu'il est mauvais. Inévitablement, à long terme, tout se retrouvera entre les mains des banques à charte. Peut-être cela prendra-t-il une génération, mais ça pourrait même aller plus vite comme nous en avons été témoins pour d'autres industries.
Le président: Merci.
Merci, monsieur Epp.
M. Ken Epp: Monsieur Burns, si je vous comprends bien, je crois que votre principe est de devenir l'actionnaire majoritaire de compagnies rentables pour continuer de les contrôler afin de pouvoir les gérer de façon toujours rentable. C'est bien cela.
M. James Burns: Acheter les actions, oui; contrôler, oui; investir et détenir à long terme, oui; ajouter à leur valeur, oui. C'est exact.
M. Ken Epp: N'y a-t-il pas un danger qui nous guette si une bonne partie de l'industrie se trouve concentrée entre les mains d'une seule organisation? À Dieu ne plaise que vous vous trouviez jamais en difficulté, car la chute serait mémorable.
M. James Burns: Tout le monde peut tomber. Même les sociétés à grand nombre d'actionnaires font faillite. La plus grosse faillite de l'histoire au Canada, dans le domaine des assurances, a été le fait d'une mutuelle, la Confédération, compagnie d'assurance-vie, qui s'est retrouvée dans l'eau bouillante.
M. Ken Epp: D'après vous, à quoi est-ce dû?
M. James Burns: Notre tâche consiste à leur éviter tout problème. Nous faisons très attention.
M. Ken Epp: C'est évidemment votre objectif, mais comment y parvenez-vous? À votre avis, que faut-il faire pour qu'une société de placement ou une compagnie d'assurance-vie réussisse en toute sécurité et s'assure une viabilité à long terme?
M. James Burns: Tout d'abord, il faut suivre très attentivement l'actualité. Deuxièmement, en tant que propriétaire principal, il faut s'entourer des meilleurs gestionnaires et les laisser gérer. Il faut trouver des gestionnaires qui soient bien convaincus que la mission de l'institution financière est de s'occuper de l'argent des autres. Il faut donc bien s'en occuper, car l'argent appartient non pas aux gestionnaires, mais à leurs clients. Il faut avoir l'oeil du berger et ne pas permettre la moindre incartade.
M. Ken Epp: On dirait...
M. James Burns: Je vais vous dire: un actionnaire ne souscrirait pas à un emprunt garanti par le gouvernement et n'accorderait pas de prêt à l'industrie pétrolière à raison d'un milliard de dollars à chaque fois, dans l'espoir que le prix du pétrole atteigne 90 $ le baril, alors que deux ans plus tard, il se situe à 18 $. On ne doit laisser personne faire de telles choses. Il faut être très respectueux... Il faut diriger l'entreprise en protégeant les intérêts des clients, sans essayer de gagner de l'argent avec le leur. C'est une activité qui peut être très rentable si elle est bien gérée.
M. Ken Epp: C'est intéressant...
M. James Burns: C'est comme quand on veut s'enrichir. Une fois qu'on est riche, il faut éviter les choix qui peuvent vous appauvrir. N'essayez pas de devenir encore plus riche. Vous l'êtes déjà. Veillez simplement à ne pas vous appauvrir.
M. Ken Epp: Le gouvernement devrait adopter tous les principes que vous venez d'exposer, et il devrait se souvenir que les contribuables lui ont confié leur argent et qu'il doit faire preuve de prudence. Je vous félicite.
Je vais céder la parole aux autres, quitte à la reprendre plus tard.
Le président: Merci, monsieur Epp.
M. James Burns: Il me semblait que le gouvernement actuel observait tous ces principes. Est-ce que je me trompe?
M. Ken Epp: Espérons qu'il les suive.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Messieurs, vous nous avez fait un exposé fantastique. Je suppose que Power Financial Corporation aimerait avoir une courbe semblable à celle du tableau 5.
M. James Burns: Nous en avons eu une, mais sur une échelle plus modeste.
M. Paul Szabo: Une échelle plus modeste, mais en ce qui concerne le rendement des capitaux propres?
M. James Burns: Oui.
M. Paul Szabo: Très bien. Les résultats, ont été excellents pour le secteur des services financiers, et ces données ne concernent donc peut-être pas uniquement les banques. Elles portent sans doute sur l'ensemble du secteur de...
M. James Burns: Nous avons signalé qu'auparavant, le secteur n'a jamais connu une aussi bonne période de quatre ou cinq ans. Encore une fois, c'est la dimension qui fait la différence. Nous n'avons pas gagné 1,8 milliard de dollars. Et je le regrette.
M. Ted Johnson: Puis-je ajouter quelque chose? Nous n'avons pas éliminé nos concurrents. Nous n'avons pas supprimé deux autres piliers et l'autorité de réglementation ne l'a pas fait non plus en notre nom ou à notre profit.
M. Paul Szabo: Pourriez-vous nous dire brièvement quels ont été les changements effectués par le secteur de l'assurance-vie au cours des dix dernières années pour ce qui est de la nature des activités? Comment a-t-il réagi à l'évolution du marché, aux besoins des consommateurs? Que faites-vous à cet égard?
M. James Burns: C'est une bonne question, et je suis heureux d'y répondre. En fait, je suis très heureux que vous l'ayez posée, car c'est là un thème que je voulais aborder.
Votre question porte sur les dix dernières années. À mon avis, le secteur de l'assurance-vie a réussi à assurer une forte croissance de ses activités dans ce que nous appelons l'assurance collective ou les avantages sociaux. Ce sont des services peu coûteux, très efficaces, et qui sont à la portée de toute entreprise de trois employés ou plus. Ce sont des services nouveaux, caractérisés par l'innovation.
Autrefois, il fallait que chaque groupe compte au moins 50 employés, sinon, nous n'y touchions pas, mais nous avons mis au point des méthodes de regroupement. Nous sommes maintenant en mesure de toucher tout le monde, à tel point que plus de la moitié des polices d'assurance-vie en circulation concernent des régimes collectifs. Il s'agit là d'un changement à long terme. Depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années, l'essentiel de ces activités concerne des petits groupes.
Il s'agit d'entreprises de 25 personnes ou moins, qui travaillent très efficacement dans le domaine du service informatique, par exemple. Nous avons des spécialistes dans ce domaine dans toutes les régions du pays. On ne peut pas demander à un courtier ordinaire ou à un conseiller financier de connaître tous les détails de ces régimes collectifs. Il faut faire appel à des experts, et nous en avons dans tout le pays; ils travaillent au nom des courtiers et des agents d'assurance-vie.
Le plus grand changement survenu au cours des dix dernières années, c'est la réaction très rapide, du moins dans nos compagnies d'assurance-vie, à la formule des caisses en gestion distincte. Vous suivez l'actualité dans le secteur financier et vous savez donc que le public a délaissé très rapidement les placements à taux fixe, lorsque les taux d'intérêt ont baissé, pour s'intéresser aux fonds communs de placement. L'industrie a réagi, très efficacement à mon sens, si bien que nous consacrons maintenant une très grande partie de nos activités aux caisses en gestion distincte. Ce qu'on appelle des fonds communs de placement dans les compagnies d'assurance-vie, car elles comportent des éléments d'assurance-vie.
M. Paul Szabo: Est-ce qu'on peut dire que les compagnies d'assurance-vie cherchent des créneaux du côté des régimes collectifs, tout en poursuivant leurs activités ordinaires dans leur secteur traditionnel?
M. James Burns: C'est effectivement ce que nous avons entrepris de faire. Les compagnies ont investi massivement dans la formation; l'ère de l'agent d'assurances qui mettait le pied dans la porte est bien révolue. Nous avons désormais sur le terrain des agents hautement qualifiés qui font de la planification financière. Ils conseillent leurs clients en matière fiscale et leur viennent concrètement en aide.
M. Paul Szabo: Je voudrais essayer de résumer votre point de vue. J'aimerais avoir votre opinion—comme nous avons eu celle des autres.
Les compagnies qui sont encore indépendantes redoutent leur gigantesque concurrent. C'est comme l'histoire de l'éléphant et de la souris. Il est très difficile de savoir comment réagir dans une telle situation. Nous avons conscience de faire du bon travail, mais si vous devez défendre votre part de marché contre la concurrence, vous risquez de vous retrouver en difficulté, compte tenu des moyens d'action considérables dont disposent les banques.
À cela s'ajoute un élément que je trouve très intéressant, à savoir que tout le monde continue à recourir aux ventes liées coercitives. On dit que c'est ce qui va tuer les banques, et chacun sait que cette forme de vente est illégale. Elle devrait être sévèrement réprimée, quelles que soient les décisions prises à ce sujet, mais je pense que le meilleur moyen pour y faire face est de faire confiance aux consommateurs.
Les consommateurs ne sont pas des imbéciles. Ils ne feront pas affaires avec quelqu'un qui leur met le pistolet sur la tempe. S'ils ont la possibilité d'aller ailleurs, s'ils savent que les pressions de ce genre sont illégales et que leurs auteurs s'exposent à des sanctions, ils apporteront eux-mêmes la solution au problème des ventes coercitives.
C'est une question d'éducation du public; il faut aussi mettre en place un régime de réglementation très ferme. Mais pour moi, cela signifie avant tout que les banques ont une conception différente de celle des compagnies d'assurance-vie quant aux besoins à long terme des consommateurs. C'est ce qu'a dit M. Cleghorn. Il considère que le contact direct entre le client et l'employé est superflu et coûteux, compte tenu des moyens technologiques dont nous disposons, car les gens commencent à apprécier de pouvoir effectuer leurs opérations bancaires 24 heures sur 24. Ils veulent acheter eux-mêmes leurs actions et leurs obligations, et effectuer toutes leurs opérations financières.
M. James Burns: Vous n'y croyez pas le moins du monde, n'est- ce pas?
M. Paul Szabo: Mais c'est le point de vue des banques, et elles sont prêtes à déclarer publiquement que le consommateur de demain ne voudra plus aller au guichet, qu'il voudra une solution plus pratique, parce que c'est le temps qui importe avant tout. Je sais que vous n'êtes pas d'accord. Vous venez de nous dire que ce sont les employés sur le terrain qui importent avant tout et que ceux du siège social n'ont aucune importance.
M. James Burns: Non, on ne peut pas dire qu'ils n'ont aucune importance, mais nous pouvons nous en passer ou les remplacer.
Certains d'entre eux, du reste, sont dans cette salle. Je ne veux pas...
M. Paul Szabo: Je sais. J'ai regardé leurs réactions.
M. James Burns: Mes mots dépassent souvent ma pensée.
M. Paul Szabo: J'ai regardé leurs réactions et à une exception près—je ne vous dirai pas qui—, ils semblent grandement approuver vos propos. Vous pourrez les consulter par la suite.
Est-ce que c'est le jeu de hasard auquel tout le monde se livre? Les gens de la génération X qui suit celle des baby-boomers considèrent que leur temps est trop important pour qu'ils se permettent de passer deux heures avec un agent d'assurance-vie.
Si les banques investissent massivement le secteur de l'assurance-vie, craignez-vous de vous retrouver sur la touche parce qu'elles vont choisir spécifiquement les services essentiels dont les consommateurs ont besoin, en vous laissant les activités qui ne dégagent qu'une faible marge bénéficiaire, ce qui tôt ou tard va se solder par des faillites et va coûter d'innombrables emplois au Canada?
M. James Burns: Est-ce que cela m'inquiète? Vous pouvez en être certain. Je m'en inquiète comme nous nous sommes inquiétés de la présence des compagnies de fiducie en 1986 et 1987. Mais je peux vous dire que nous n'allons pas rester les bras croisés. L'évolution risque d'être très rapide, et nous n'avons pas grand temps devant nous.
M. Paul Szabo: Une dernière question. Vous avez de l'expérience et je suis sûr que vous pouvez nous faire bénéficier de votre sagesse.
Nous nous dirigeons tranquillement vers des organismes hybrides au sein du secteur des services financiers. Certains proposent des services bancaires, de l'assurance et, pourquoi pas, du crédit-bail automobile. De quoi mettre également sur la paille les concessionnaires d'automobiles. Tout le monde mitonne dans la même marmite.
• 2025
Nous devons répondre au rapport du groupe de travail. Nous ne
répondons pas aux deux propositions de fusion de banques. Nous nous
prononçons sur une réforme sectorielle dont les fusions constituent
un élément stratégique légitime. En réalité, tout le monde
reconnaît qu'à long terme, les fusions constituent sans doute une
stratégie légitime sous réserve d'une structure réglementaire
appropriée et dans des conditions telles que tout le monde, y
compris les non-banques, connaissent les règles du jeu.
Ma question est la suivante: En ce qui concerne l'avenir du secteur des services financiers, pensez-vous qu'avant d'apporter des changements importants ou avant d'allumer le feu orange qui précédera le feu vert, notre première tâche consiste à nous occuper de l'harmonisation, de la consolidation et de la simplification des structures réglementaires fédérales et provinciales avant d'allumer le feu vert?
M. James Burns: Je pense que c'est très bien dit, et nous serions d'accord avec vous. Je ne me suis tout simplement pas exprimé aussi que vous l'avez fait.
Je dirais que nous devons prendre notre temps et réfléchir. Ce sont des propositions théoriques faites par des théoriciens. Je pense qu'il faudrait prendre un peu de temps pour calculer exactement quelles en seraient les conséquences, quel en serait le résultat.
Lorsqu'ils ont levé l'interdiction qui empêchait les banques d'être propriétaires de concessionnaires, personne à ma connaissance—et j'étais là à l'époque—n'aurait imaginé que tout aurait disparu en deux ans. Ils croyaient qu'ils étaient en affaire pour fournir des capitaux aux concessionnaires qui étaient sous- capitalisés et qui ne pouvaient évoluer à l'échelle internationale. Ils ont dit aux banques qu'elles pouvaient investir un certain capital et les garder. Or, les concessionnaires indépendants ont maintenant disparu. Est-ce qu'ils jouent un rôle important à l'échelle internationale. Pas un seul ne le fait. Sur le plan de la politique, si on revenait en arrière et que l'on pouvait prévoir le résultat final, on ne l'aurait sans doute pas fait, ou on aurait fait les choses différemment.
Je pense que cela est très important et très difficile pour des législateurs comme vous, qui n'avez pas travaillé dans ce domaine. Vous observez ce qui se passe car vous êtes des consommateurs et vous avez divers degrés d'expérience dans le domaine. Mais ce ne sont pas des questions faciles. Tout cela est extrêmement compliqué.
Si je peux revenir sur une chose que vous avez dite, nous l'appelons le secteur des conseils. Ce que nous avons observé—et pas uniquement chez les compagnies d'assurance car, comme je l'ai dit, l'époque où l'agent d'assurance mettait le pied dans la porte est depuis longtemps révolue—, c'est que ces gens s'occupent d'aider les gens ordinaires à établir leur planification financière, leur plan à long terme. Voilà ce qu'ils font.
Vous avez dit que vous n'aviez pas beaucoup de temps pour parler à un agent d'assurance-vie. Si j'ai bien compris vos antécédents, vous n'avez sans doute pas besoin de le faire car vous savez déjà en grande partie ce qu'il fait de toute façon.
Même dans les documents d'information du rapport MacKay—j'ai remarqué qu'ils avaient choisi de ne pas le mentionner dans le rapport principal—on dit que le sondage révèle que 56 p. 100 des Canadiens s'inquiètent de la quantité d'information que détient une banque à leur sujet. Ils n'aiment pas cela. On dit également qu'environ 60 p. 100 d'entre eux, ou tout au moins un pourcentage très élevé, plus de 50 p. 100, préféreraient se faire aider par un conseiller financier.
De nos jours, tout cela est extrêmement compliqué. Avec toute la gamme de produits et de fonds qui sont disponibles sur le marché, tout est extrêmement compliqué, et c'est le cas également du régime fiscal. C'est fou. On ne peut pas demander à des gens ordinaires de comprendre tout cela. S'ils ont quelqu'un en qui ils peuvent avoir confiance, ils continueront à se faire conseiller par cette personne parce qu'elle va leur dire ce qu'ils doivent faire. S'ils lui demandent s'ils doivent faire ceci ou cela, cette personne répondra qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, mais elle leur dira également qu'elle croyait qu'ils avaient un plan pour économiser de l'argent et le garder en sécurité et qu'elle croyait que leur plan consistait à investir dans un fonds et à y laisser l'argent.
• 2030
Vous savez, les gens économisent de l'argent dans ce que nous
appelons les fonds de Noël. Ils économisent assidûment toute
l'année et dépensent tout dans le temps des Fêtes. Ils recommencent
ensuite l'année suivante. Une partie de notre travail consiste à
faire en sorte qu'ils gardent leurs économies.
M. Paul Szabo: J'aimerais certainement passer encore quelques heures avec vous.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci. Pouvez-vous le faire un autre soir?
M. Paul Szabo: Oui, nous pourrions parler en prenant une tasse de café.
Le président: Monsieur Burns, si vous me le permettez, il y a une question qui revient sans cesse au cours de ce débat. En effet, on a dit qu'il fallait examiner cette question et toutes sortes de questions lentement et prudemment. À cause de ce rapport, nous abordons toutes ces questions comme si elles étaient entièrement nouvelles, mais elles ne le sont pas. Bon nombre de ces questions ont été débattues ad nauseam pendant des années, et nous avons progressé en ce qui concerne certaines questions tandis que nous ne l'avons pas fait en ce qui concerne d'autres. Afin que nous puissions mettre ce débat en perspective, est-ce que je peux dire que certaines de ces questions ont déjà été débattues et que nous connaissons plus ou moins les points forts et les points faibles des arguments?
M. James Burns: Merci. Elles ont certainement déjà fait l'objet d'un débat, d'abord en 1985 avec un livre bleu, puis un livre vert, ensuite un livre marron puis un livre blanc et encore d'autres livres. Enfin, en 1992, sept ans plus tard, après que nous ayons comparu à plusieurs reprises devant les comités des Finances de la Chambre des communes et du Sénat et devant d'autres comités qui se sont tous penchés sur la question, tout cela a abouti à un certain nombre de lois en 1992—une nouvelle loi sur les banques, une nouvelle loi sur les assurances, etc.
Donc, est-ce que cette question a déjà fait l'objet d'un débat? Croyez-moi, elle a certainement fait déjà l'objet d'un débat.
Après toute cette discussion, on a finalement structuré ce qu'on appelle par exemple le 65-35. On a dit qu'entre une société qui a des liens commerciaux—par exemple, Power Corporation—et une institution financière, 35 p. 100 devaient être à capital largement réparti; c'était une protection pour l'institution. Il est toujours possible de tripatouiller si on est propriétaire à 100 p. 100. Entre le propriétaire et l'institution, il y a toujours quelqu'un qui a effectivement 35 p. 100. Cette question a fait l'objet d'un débat ad nauseam et elle a été résolue. Elle n'a jamais refait surface avant qu'on en parle dans le rapport MacKay. Dommage qu'ils n'aient pas été là entre 1985 et 1992, car c'est encore reparti.
De la même façon, comme je l'ai mentionné au sujet de la vente au détail, qui, à notre avis, n'a pas grand-chose à faire avec la vente au détail mais plutôt avec les données, cette question a été débattue de façon incroyable pendant six ans jusqu'en 1992. Ils ont recommencé tout de suite après 1992. Ils ont insisté jusqu'à ce que le ministre dise non dans son exposé budgétaire de 1996. Ils reviennent à la charge deux ans plus tard. Je dois leur donner une médaille d'or pour leur persistance. Si quelqu'un nous avait dit non aussi souvent, je pense que nous aurions trouvé autre chose à faire. Le monde est plein de choses à faire si on veut bien regarder.
Le président: Ce que je voulais dire, c'est que le danger pour notre comité, étant donné que nous avons un nouveau rapport, c'est que les gens risquent de croire qu'il s'agit ici de questions tout à fait nouvelles. Bon nombre de ces questions sont tout simplement présentées différemment et réintroduites dans le rapport MacKay, mais elles ont fait l'objet d'un débat, et des gens comme vous ont traité avec le secteur pendant des décennies.
Cela étant dit, je vais maintenant donner la parole à Mme Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Il semble y avoir un certain consensus pour dire que les quatre piliers sont maintenant plutôt assommants. Dans votre mémoire, vous parlez du secteur avec conseils. Auriez-vous préféré que ce secteur avec conseils demeure distinct? Comme vous le dites, les banques doivent absorber les concessionnaires et ce genre de choses, et, tout à coup, elles se retrouvent dans le secteur avec conseils. Alors peut-on revenir en arrière—ce n'est pas ce que le rapport MacKay dit?—ou le temps est-il venu pour vous de devenir une banque? Qu'est-ce qu'il faudrait pour que cela soit possible, ou est-ce que vous voulez faire cela?
M. James Burns: Tout d'abord, je ne crois pas que cette occasion se présentera au Canada. Pour la même raison, nous ne pensons pas, comme on le laisse entendre dans le rapport, que nous puissions permettre aux banques étrangères de venir ici. C'est rêver en couleur, à notre avis, car il n'y a pas de place. Les banques à charte canadiennes ont une présence dominante sur le marché canadien.
Est-ce qu'une grosse banque comme Citibank ou l'une des grosses banques européennes, une banque allemande, envisagerait le Canada comme un marché auquel on peut s'attaquer ou elle pourrait venir et faire n'importe quoi? Non. Est-ce qu'une banque canadienne pourrait s'introduire en Hollande ou en Allemagne? Oubliez cela. Ce n'est pas possible; il n'y a pas de place ici.
Il y a beaucoup de place, et je pense que dans leur mémoire, les banques disent constamment que les établissements spécialisés viennent ici les déranger. Il y a la MBNA, un gros établissement, qui offre des services de carte de crédit. Fidelity, qui n'offre pas de conseils financiers, est énorme et prend de plus en plus de place. Pour cette année, le plus gros vendeur de fonds communs de placement au Canada est Fidelity. C'est très difficile.
Est-ce que ça nous inquiéterait beaucoup si Fidelity venait ici, si nous sommes dans ce domaine? Pas du tout. Pourquoi aurions- nous peur de Fidelity? Nous pourrions avoir peur si cette société était propriétaire d'une banque; cela ferait une différence. Ils ont toutes les cartes.
Mme Carolyn Bennett: Donc, vous dites qu'on en parle depuis longtemps, et vous dites également qu'il faut y aller doucement, c'est-à-dire que vous voulez être bien certains d'agir comme il faut, pour ce qui est de l'analyse de l'impact.
M. James Burns: Oui.
Mme Carolyn Bennett: Le rapport MacKay contient de nombreuses propositions. Y en a-t-il quelques-unes auxquelles, à votre avis, il serait sans danger de donner suite, ou est-ce que nous devrions nous assurer d'avoir un ensemble de propositions bien équilibré? À votre avis, le gouvernement devrait-il simplement dire non au projet de fusion?
M. James Burns: Ce n'est pas à nous de dire au gouvernement ce qu'il doit faire ou ne pas faire. Nous n'hésitons certainement pas à dire au gouvernement ce que nous pensons qu'il devrait faire. Il sait ce qu'il doit faire. Nous ne pensons pas que le projet de fusion soit le problème. Le problème, c'est la concentration qui existe déjà. Nous avons un niveau de concentration et ce niveau pourrait encore augmenter, comme nous vous l'avons dit. À mon avis, ça ne fera pas une grosse différence qu'il y en ait six ou quatre.
Mme Carolyn Bennett: Il n'y en a pas assez.
M. James Burns: Eh bien, peu importe. S'il y a déjà une concentration avec six banques, il y a toujours concentration avec quatre banques. Les banques se font concurrence, mais nos études révèlent que les banques se font concurrence sur tout sauf les prix. Montrez-moi comment elles se font concurrence sur les prix. Elles ne se font pas concurrence, car elles ont un oligopole. Pourquoi se feraient-elles concurrence sur les prix? Non.
Elles ne se font pas concurrence sur les prix alors qu'elles sont au nombre de six. Elles ne se feront pas concurrence sur les prix si elles sont au nombre de quatre. Un bon exemple est celui des fonds communs de placement. Le ratio des frais de gestion de Fidelity est de 1,2 p. 100. Fidelity n'offre pas de conseils, ses services sont rationalisés à un coût très peu élevé. Les banques ont leurs propres fonds qui sont essentiellement des fonds sans conseils. Elles ont le même ratio de frais de gestion que les compagnies sans conseils. On se demande, si elles devaient offrir un service sans conseils, pourquoi elles arrivent à 1 p. 100 plutôt qu'à 2,25 p. 100. Aux États-Unis, il y a une différenciation qui est très claire. Les compagnies sans conseils se situent à environ 1 à 1,2 p. 100, ou 1 à 1,75 p. 100. Les compagnies avec conseils se situent à 2,25 p. 100, soit l'équivalent des nôtres au Canada.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Vous avez fait un exposé vraiment intéressant, et je voudrais vous remercier. Il y a une question que vous n'avez pas encore abordée, cependant, et je pense que c'est l'une des questions réellement importantes qui ont été abordées par le groupe de travail MacKay. Quelle est la meilleure façon de protéger le consommateur? Voilà la question que je vous pose. À votre avis, comment pouvons-nous faire cela?
M. James Burns: Permettez-moi d'abord de vous dire simplement qu'avec le régime actuel, le consommateur est de façon générale assez bien protégé. Est-il possible de concevoir un règlement ou un système qui le protège à 100 p. 100? Non, ce n'est pas possible. Il y avait des vauriens il y a 5 000 ans, et il y en aura encore dans 5 000 ans, tout comme il y en a certainement aujourd'hui. Est-il possible de protéger tout le monde? Non.
J'ai remarqué dans le journal d'aujourd'hui un article au sujet de ce type qui a été arrêté en Angleterre. Il avait escroqué tous ces gens dans le sud de l'Ontario. Je ne me rappelle plus de son nom, mais c'est celui qui a assassiné son associé et jeté le corps à la mer ou quelque chose de ce genre. Y a-t-il une loi dans le monde qui puisse nous protéger contre des gens comme lui? Tôt ou tard ils se font prendre. J'imagine qu'il a senti qu'il allait bientôt se faire prendre, mais il y en a qui peuvent continuer sans se faire prendre pendant un certain temps.
Pour ce qui est de protéger tout le monde constamment de tout, est-ce que des gens ont déjà vendu des polices d'assurance-vie sans prendre la peine d'expliquer que les dividendes sur la police étaient assujettis à des taux d'intérêt? Oui, c'est sûr qu'ils l'ont fait.
Mme Karen Redman: Je ne vous demandais pas vraiment comment nous pouvons faire en sorte que personne n'achète un produit dont il ne veut pas ou dont il n'a pas besoin, ou ne paie davantage qu'il ne devrait payer. Ma question porte surtout sur le fait que le public canadien considère que le secteur financier est financé par le gouvernement.
Vous avez déjà dit que nous étions des législateurs. Si nous devons légiférer, je pense que nous avons un devoir envers les Canadiens, car il s'agit de quelque chose d'important. Même si vous et Maurizio avez déjà mentionné le fait que certaines de ces questions sont débattues depuis longtemps, de bien des façons il s'agit d'un moment déterminant pour l'avenir du secteur financier, et nous ne pourrons peut-être pas revenir en arrière. Cela étant dit, quelles sont les questions que nous devons poser au moment où nous nous penchons sur ce dossier qui est extrêmement important?
M. James Burns: Bien, il y a énormément de complications. Tout d'abord, l'instrument financier de choix aujourd'hui n'est pas réglementé par le gouvernement fédéral. Il y a cinq ou six ans, les fonds communs de placement au Canada s'élevaient à environ 70 milliards de dollars. Jamais auparavant dans toute l'histoire du Canada un secteur n'avait connu une telle croissance, et ce secteur n'est pas réglementé par le gouvernement fédéral.
En tant que députés, en tant que membres d'une institution fédérale, vous voulez protéger le consommateur mais vous n'avez pas grand-chose à dire à ce sujet en fait, vous n'avez rien à dire. C'est provincial. Serait-ce une bonne idée de faire tout ce que vous pouvez pour qu'il y ait une rationalisation de l'industrie des fonds communs de placement qui permettrait une protection coordonnée du consommateur?
L'industrie n'est pas inactive. Elle a mis sur pied ses propres comités équivalents et pris ses propres dispositions, et elle a une structure de mesures volontaires pour tous les participants. Le problème, cependant, c'est que certains des gros fournisseurs ont choisi de ne pas faire partie de l'industrie. Ils ne veulent pas être membres de l'institut des fonds d'investissement du Canada, de sorte qu'ils ne sont pas assujettis aux exigences en matière de publicité loyale, etc.
• 2045
Quel était le nom de cette femme à Toronto qui a rédigé le
gros rapport, cette femme du marché boursier de Toronto? Elle a
fait un bon travail et elle a rédigé un rapport qui devait servir
de modèle de comportement. À quelques exceptions près, l'industrie
l'a adopté, la publicité loyale, la divulgation des coûts, toutes
les choses qu'il faut faire de toutes façons. L'industrie a accepté
le rapport. Le problème, c'est qu'étant donné qu'il n'y a pas de
réglementation, ceux qui n'aimaient pas cela ont décidé de ne pas
participer.
Qu'est-ce que le Parlement du Canada peut y faire? Pour l'instant, pas grand-chose—en fait, rien. Pourtant, il s'agit d'une partie très importante du tissu des services financiers. Si toutes les compagnies d'assurance-vie instituaient de façon indépendante des arrangements équivalents: protecteur du citoyen, numéros 800, équipe d'intervention... Elles ont toutes fait cela. Les banques aussi, je pense. Si on n'aime pas ce qu'elles font, on peut composer un numéro de téléphone et il y aura quelqu'un au bout du fil pour répondre à votre appel.
Je pense qu'on pourrait examiner ce qui existe, proposer une norme générale de comportement pour quiconque est sur le marché comme distributeur ou fournisseur... Il y a deux parties: il y ceux qui fabriquent le produit et il y a ceux qui le distribuent. Ils sont très différents. En grande partie, les services financiers sont offerts par des indépendants. Nous les appelons des courtiers. Personne n'en est propriétaire. Ils sont indépendants. On pourrait établir pour eux une norme qui serait un modèle pour l'attribution de licences, par exemple. Je pense que le fait d'établir un tel modèle de comportement, non seulement pour les fabricants mais aussi pour les distributeurs, ne pourrait être qu'une bonne chose. Pourquoi pas? Il serait ensuite intéressant de voir qui déciderait de ne pas participer. Il n'existe pas de modèle; il n'y a pas de pression morale. Je pense que ce serait un bon point de départ. Je pense qu'il faut protéger le consommateur contre tout abus d'influence.
Le gouvernement a pris des mesures aujourd'hui au sujet de la coercition, en légiférant, n'est-ce pas? Était-ce aujourd'hui, le 30 septembre? Le gouvernement a dit que les ventes liées coercitives étaient dorénavant illégales. Nous avons toujours eu l'impression que ce n'était pas vraiment une question de coercition mais plutôt de pression morale.
Ce que je vais vous dire va vous intéresser. Les plus grandes sociétés qui font la promotion et la vente de l'assurance au pays sont les banques elles-mêmes, car elles offrent du crédit, de l'assurance-vie. Lorsque l'on contracte une hypothèque à la banque, c'est elle qui contrôle le marché. Je ne sais pas si vous avez les tableaux ici, mais les banques contrôlent les marchés hypothécaires au pays, à raison de 80 p. 100 environ. Lorsqu'on prend une hypothèque, elle demande si on veut une assurance-vie sur l'hypothèque, et on aurait l'air idiot si on disait non. Est-ce que quelqu'un leur demande parfois si c'est un bon taux? Manifestement pas. Qui va ergoter au sujet de 9 $ d'assurance par mois alors que le paiement hypothécaire s'élève à 1 200 $ par mois?
La rentabilité de leur assurance-crédit est la plus élevée, beaucoup plus élevée que ce que nous pouvons offrir au public. Les banques nous contrôlent là-dessus. Elles ne peuvent être des sociétés d'assurance, mais elles contrôlent certainement les prix.
Le président: Merci, madame Redman.
Monsieur Burns, je pense que vous et moi partageons la même préoccupation. Tout comme vous, le problème de la concentration m'inquiète, et j'ai remarqué ce que vous avez dit au sujet de l'oligopole, c'est-à-dire qu'à votre avis, les banques sont essentiellement...
Parlons un peu de votre industrie. Par exemple, la part détenue par les cinq plus grandes sociétés d'assurance—je parle ici des primes d'assurance-vie, s'élève à environ 59,3 p. 100. Si on regarde ensuite la part des dépôts personnels détenue en pourcentage par les cinq plus grandes banques parmi toutes les institutions de dépôt, cette part s'élève à 58,1 p. 100. Votre part est donc de 59, 1 p. 100 et la leur de 58,1 p. 100, si on parle des cinq plus grandes banques et des cinq plus grandes sociétés d'assurance-vie. Qu'est-ce qui constitue un oligopole? Avez-vous également un oligopole dans votre secteur?
M. James Burns: Non, j'aimerais bien que ce soit le cas. La vie serait beaucoup plus simple.
Le président: Parlez-vous de la vie ou de l'assurance-vie?
M. James Burns: Je parle de l'assurance-vie, ou de la vie en général, comme Ted le dit.
Il y a sans doute 120 compagnies d'assurance-vie au Canada, des compagnies qui offrent de l'assurance-vie, des rentes à terme ou d'autres produits. Ce ne sont pas de gros distributeurs, mais elles sont très concurrentielles et elles établissent les prix sur le marché. Nous préparons constamment des tableaux sur l'établissement des prix dans ce secteur. Il y a une vaste gamme de prix. Notre prix est-il le moins élevé sur le tableau? Ce n'est pas le cas fréquemment, par exemple, pour l'assurance-vie temporaire. Il y a les grosses sociétés américaines, comme Transamerica Occidental.
Le président: Mais les cinq plus grandes compagnies d'assurance-vie ont quand même 59,3 p. 100 du marché. Ne croyez-vous pas que ce pourcentage soit assez élevé?
M. James Burns: Vous voulez dire pour le marché canadien?
Le président: Pour les primes d'assurance-vie. C'est très élevé. Je fais tout simplement cette observation en raison de ce que vous avez dit au sujet de l'oligopole. Je me demande tout simplement ce qui constitue un oligopole, d'après vous. Si les banques ont 58,1 p. 100 et que c'est considéré comme un oligopole, qu'êtes-vous à 59,3 p. 100?
M. James Burns: La question est de savoir comment reconnaître un oligopole si on en voit un? Je pense que s'ils ont tous le même prix, c'est sans doute une assez bonne indication. S'il n'y a personne qui fait baisser le prix, il s'agit d'un oligopole. Je dirais que nous n'avons certainement pas des pratiques oligopolistiques dans l'industrie de l'assurance. Tout se fait par appel d'offres—les assurances de groupe et tout le reste. Les sociétés d'assurance se font une vive concurrence tant pour les prix que pour les services.
Le président: Très bien.
M. James Burns: Mes années d'université sont si loin que je ne m'en rappelle pas, mais je pense avoir étudié à l'époque les oligopoles et si ma mémoire est bonne, une des façons de reconnaître un oligopole est lorsqu'il n'y a pas de concurrence sur les prix.
Le président: On m'a envoyé ce rapport, et je vois que les cinq plus grandes compagnies d'assurance ont 59,3 p. 100 du marché. Vous avez parlé d'un oligopole pour les banques alors qu'elles ont 58,1 p. 100 du marché, et c'est pourquoi j'ai posé la question.
M. James Burns: Je pense que c'est une très bonne question.
Pour ce qui est du marché et des choix... Je n'en suis pas sûr. Vous regardez un tableau au sujet des primes, je crois.
Le président: Les primes d'assurance.
M. James Burns: Êtes-vous sûr que c'est le total des primes...
Le président: Oui.
M. James Burns: ...ou est-ce simplement pour l'assurance-vie? Est-ce que cela inclut les primes de maladie et d'invalidité?
Le président: Non, ce n'est que pour l'assurance-vie.
M. James Burns: En êtes-vous certain?
Le président: C'est ce que cela dit.
M. James Burns: C'est assez élevé, car bon nombre de compagnies n'offrent pas tout. Nous offrons tout. Nous offrons l'assurance-invalidité, individuelle, de groupe, de retraite, l'assurance-maladie de groupe, l'assurance dentaire et de soins ophtalmologiques. Nous offrons tous ces services mais bon nombre de ces compagnies ne le font pas.
Le président: Monsieur Burns, je ne veux pas m'étendre trop longtemps sur la question. Je vais vérifier pour voir si c'est une erreur typographique ou non.
M. James Burns: Si vous l'avez lu, ce doit être correct. Je suis cependant un peu troublé par ce pourcentage de 59 p. 100, car le marché ne semble pas le savoir. Nous ne sommes pas assez gros pour avoir autant d'influence, et je pense qu'il y a suffisamment de concurrence sur les prix pour empêcher cette pratique. J'en suis certain.
Le président: Très bien.
M. Ted Johnson: Dans le Globe and Mail de jeudi, on donne les taux hypothécaires et les taux d'intérêt sur les dépôts des banques à charte. Si on regarde la liste, on s'aperçoit qu'il n'y a qu'une différence d'un quart ou d'un huitième de point entre les différents taux.
Le président: Vous pourriez peut-être regarder le tableau à la page 114, mais pas nécessairement ce soir.
M. James Burns: Nous le ferons.
M. Ted Johnson: Dans quel livre est-ce que cela se trouve?
Le président: C'est dans le rapport MacKay. Je veux tout simplement voir ce que cela veut dire. Excusez-moi, je ne comprends peut-être pas.
M. James Burns: Monsieur le président, nous n'avons pas eu beaucoup de temps. Ce rapport est tout simplement sorti il y a une dizaine de jours à peu près—ou il y a deux semaines.
Le président: Nous avons l'impression que cela fait beaucoup plus longtemps.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci. Je n'ai que quelques autres questions.
Vous vous plaignez que les banques prennent le contrôle du monde—du moins qu'elles prennent le contrôle du pays. Un secteur où les compagnies d'assurance-vie avaient auparavant une très bonne part du marché était celui des hypothèques, plus particulièrement des hypothèques personnelles pour les familles. Les banques vous ont presque éliminées de ce marché et elles sont en train de prendre le contrôle. Pourquoi?
M. James Burns: C'est une bonne question. La Great-West n'a pas fait de prêts hypothécaires résidentiels pendant tout le temps que j'ai été là, c'est-à-dire 45 ans. Nous n'avons jamais fait de prêts hypothécaires résidentiels. La London Life à une certaine époque était très active dans le domaine des prêts hypothécaires résidentiels. Je crois que ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je pense qu'elle a toujours un service d'hypothèques résidentielles. Le groupe Investors a un très gros bureau de prêts hypothécaires résidentiels qui est là en réalité pour approvisionner le fonds hypothécaire, développer ce produit pour le fonds.
M. Ken Epp: De façon générale, est-ce que les compagnies d'assurances ont abandonné ce service parce qu'il n'était plus rentable, que c'était trop de travail pour ce que cela rapportait, ou parce que c'était trop incertain? Est-ce strictement parce que les banques les ont en quelque sorte éliminées et ont pris le contrôle?
M. James Burns: Je dirais, du moins pour ce qui est de la Great-West, que des coûts administratifs très élevés sont liés aux prêts hypothécaires résidentiels. Ils ne sont pas aussi rentables que les prêts hypothécaires commerciaux. Il est plus facile de prêter un million de dollars à quelqu'un pour construire un immeuble que de prêter 20 000 $ à 50 personnes. Donc par le passé, tant au Canada qu'aux États-Unis, on a voulu mettre l'accent sur les prêts hypothécaires commerciaux plutôt que sur les prêts hypothécaires résidentiels.
Je pense que si on est une banque et que l'on a l'infrastructure en place, avec tous les gens nécessaires pour vérifier les hypothèques, les renouveler et les gérer—tout est déjà là; on a toutes sortes d'activités—c'est sans doute une très bonne affaire. Je pense qu'il serait très difficile de mettre cela sur pied.
M. Ken Epp: Toutefois, au cours des 30 dernières années, c'est-à-dire depuis que je suis adulte, les banques ont commencé à offrir des hypothèques et les sociétés d'assurance-vie n'en offrent plus. Et pourtant, on voit les profits énormes que font les banques. Je me demande si c'est l'un des facteurs qui a contribué à la réalisation de leurs profits. Cela m'a vraiment étonné, car je ne sais pas si les sociétés d'assurance-vie se sont senties délogées du marché des hypothèques ou si elles s'en sont retirées d'elles-mêmes.
M. James Burns: Nous n'avons jamais participé à ce marché.
M. Ken Epp: Non, pas votre entreprise. Ce n'est peut-être pas à vous que je devrais poser cette question, puisque votre société n'a jamais offert d'hypothèques.
M. James Burns: Je crois savoir que M. McFeeters comparaîtra devant votre comité demain matin. Il s'y connaît assez bien en investissement—je devrais en fait dire qu'il est un expert. Ce serait une bonne question à lui poser.
M. Ken Epp: J'ai une autre question à poser sur la concurrence. Trouvez-vous que le régime de concurrence actuel dans le domaine de l'assurance-vie est équitable?
M. James Burns: Vous voulez savoir s'il y a une bonne concurrence dans le domaine de l'assurance-vie? À mon avis, oui.
M. Ken Epp: D'accord. Puis-je également supposer que vous vendez à peu près la totalité de vos produits au Canada?
M. James Burns: Oh, non. Comme je l'ai mentionné au début, nous avons aux États-Unis une filiale à part entière de Great-West Canada. Cette filiale est en fait bien plus considérable que Great- West Canada—et nous n'en sommes pas peu fiers.
Il faut savoir que les sociétés canadiennes d'assurance-vie sont de bien meilleures exportatrices de services que les banques. Cela s'applique également à nous. Manulife déclare qu'elle abandonnera la formule mutuelle, mais en remettant ses actions aux titulaires de police, elle aura en fait davantage de titulaires de police à l'extérieur du Canada qu'à l'intérieur du pays. Il en va de même de la Sun Life.
M. Ken Epp: Si je pose cette question—tout cela m'amène à poser ma question. Trouvez-vous que le régime de réglementation et de fiscalité canadien soit compétitif par rapport à celui des États-Unis?
M. James Burns: Ce sont des régimes différents.
M. Ken Epp: Ils sont différents, mais le régime canadien est-il compétitif? De quel côté de la frontière est-il le plus facile de prospérer?
M. James Burns: C'est une excellente question mais il est également difficile d'y répondre, parce que les États-Unis sont un marché si énorme que pour y faire affaire, si on veut être prudent, on y choisit un créneau et ce créneau est à lui seul plus vaste que tout le marché canadien. Il est donc possible d'y prospérer constamment, sans jamais sortir de ce créneau.
À l'heure actuelle, notre société est la quatrième en importance aux États-Unis dans le domaine des régimes d'épargne volontaire des employés des États et du gouvernement. Cela ne vous semble peut-être pas grand-chose, mais croyez-moi, c'est énorme. À New-York, par exemple, nous avons 65 000 employés. À Los Angeles, nous en avons 40 000 et dans l'État de la Caroline du Nord—notre société n'a pas pris un grand essor en Caroline du Sud—, nous en avons 40 000. Il s'agit de régimes d'épargne volontaire.
Aux États-Unis, c'est l'équivalent des REER. Seuls peuvent y participer les employés d'institutions à but non lucratif. Le régime fiscal américain accorde des avantages spéciaux aux employés des institutions exonérées d'impôt, c'est-à-dire aux employés des gouvernements d'États et des administrations locales, à ceux des districts scolaires, aux enseignants et à toutes sortes de gens qui travaillent pour des entreprises à but non lucratif, entre autres les employés de la Croix-Rouge. Cette catégorie comprend toutes les institutions à but non lucratif qui comptent des employés. C'est énorme.
Nous avons donc mis sur pied un vaste créneau dans cette seule catégorie et nous pourrions y prospérer pendant encore 20 ans, à un taux de 15 à 20 p. 100 par année sans pour autant en avoir le contrôle.
Quelle est la différence entre le Canada et les États-Unis? Ce sont deux mondes différents. Le régime fiscal lui-même est relativement semblable. On paie dans les deux pays à peu près le même montant d'impôt. Ce sont les modalités qui diffèrent.
M. Ken Epp: Êtes-vous satisfaits du régime fiscal canadien en ce qui concerne les cotisations, par exemple? Existe-t-il des problèmes dans ce domaine? J'ai remarqué que le rapport MacKay traite également de cette question.
M. James Burns: Je trouve assez étonnant de prélever un impôt sur le capital. S'il faut prélever des impôts, que ce soit sur les revenus. On prélève même de l'impôt sur le capital en l'absence de tout revenu. Cela ne semble pas très équitable.
Il existe un impôt sur les cotisations, que perçoivent bien sûr les provinces—2 p. 100.
M. Ken Epp: Vos clients ne paient-ils pas également la TPS sur les cotisations à l'assurance-vie, cependant?
M. James Burns: Oui, sur les cotisations, mais pas sur...
Une voix: Nous payons de l'impôt sur les investissements.
M. Ken Epp: Êtes-vous satisfait de ces taxes et impôts?
M. James Burns: Non, je suis rarement satisfait des taxes et impôts.
M. Ken Epp: Je voulais simplement vous donner l'occasion de le dire.
Monsieur le président, c'est la première fois que je dois tordre le bras d'un témoin pour lui faire avouer qu'il n'aime pas les impôts.
Une voix: Cela prouve qu'il est un contribuable heureux.
M. Ken Epp: Oui, un contribuable heureux. Bien.
Le président: Il est généralement heureux.
M. Ken Epp: Oui, je le crois.
Le président: Merci, monsieur Epp.
Monsieur Gallaway, une dernière question.
M. Roger Gallaway: Merci, monsieur le président.
J'allais poser la dernière question de M. Epp: êtes-vous en faveur de la vertu? De toute façon...
Votre société mère est propriétaire de la Great-West; London Life vous appartient également. Pourquoi permettez-vous à ces sociétés de fonctionner de façon distincte? Pourquoi ne pas les fusionner?
M. James Burns: Très bonne question. Je n'avais pas pensé que vous la poseriez. Nous avons fusionné certains éléments de nos sociétés.
C'est une bonne question à poser à M. McFeetors demain, puisqu'il dirige ces sociétés et qu'il vous en parlera. Ma réponse sera donc très brève. Posez-lui la question, je suis certain qu'il sera heureux d'y répondre.
• 2105
Nous avons fusionné les activités d'assurance de groupe. Des
deux sociétés, c'est la Great-West qui était, de loin, la plus
importante. L'assurance de groupe a donc été entièrement confiée à
la Great-West. Par contre, London Life était cinq fois plus
importante que nous dans le domaine de l'assurance des
particuliers. Nous avons confié l'administration de ce type
d'assurance à la London Life, puisque c'était la façon la plus
efficace de procéder.
Les organismes sur le terrain n'ont pas été intégrés ni modifiés de quelque façon que ce soit. La Great-West Life vend les polices d'assurance de la Great-West et la London Life possède une composante qui vend ses politiques d'assurance-vie. Les cultures et les systèmes des deux entreprises sont différents, cela ne valait donc pas la peine de les fusionner. Les deux sociétés étaient florissantes; comme je l'ai dit tantôt au sujet d'autre chose, lorsque les choses vont bien, il vaut mieux les laisser comme elles sont.
M. Roger Gallaway: Permettez-moi de continuer dans la même veine. Par exemple, lorsque le chemin de fer du Canadien National a acheté Illinois Central, si je ne m'abuse, les deux sociétés n'ont pas été fusionnées. Elles existent encore toutes les deux. Cela tient, entre autres je suppose, à une question d'identité. Au Canada, le nom est sans doute mieux accepté que celui d'Illinois Central, mais il y a peut-être d'autres raisons à cela. De toute façon, j'en reparlerai à M. McFeetors.
M. James Burns: Oui, je préfère que vous fassiez cela. C'est lui qui est chargé d'organiser tout cela.
M. Roger Gallaway: J'ai beaucoup aimé votre analogie avec la partie de poker. Vous avez dit que dans le secteur consultatif, l'information est un facteur essentiel, c'est évident. Vous avez également dit qu'en 1992, l'une des quatre mesures législatives fédérales a imposé une interdiction sur le transfert, d'une banque à une société parente, des renseignements sur les clients. Est-ce encore exact, à votre connaissance?
M. James Burns: Tout à fait.
M. Roger Gallaway: Ce transfert de renseignements est-il possible, avec le consentement du client?
M. James Burns: Non, le transfert est interdit. La loi de 1992 et le règlement qui en découle imposent deux mesures. Ils autorisent les banques à vendre de l'assurance. À partir de la date de leur entrée en vigueur, les banques peuvent acheter une société d'assurance ou en créer une nouvelle, mais cette société d'assurance doit être une filiale. La banque elle-même ne peut pas vendre de l'assurance.
Il existe de nombreuses raisons à cela. Tout d'abord, on a cru que ce ne serait pas une bonne idée de mêler l'actif et le passif d'une société d'assurance à ceux d'une banque; ce sont des choses très différentes et il serait très dangereux de les mélanger. Les banques doivent donc vendre de l'assurance par le truchement d'une filiale et il leur est interdit de transférer les renseignements sur les clients de la société mère à la filiale. Cela signifie que la filiale d'assurance n'a pas accès aux renseignements sur les clients de la banque. Cela se trouve dans la loi.
La question s'est posée de nouveau en 1996 et le ministre y a répondu dans son budget de la même année. Il a déclaré que la loi de 1992 et le règlement qui en découle demeurent valables. La règle s'applique donc encore. Combien de fois devrons-nous revenir sur cette question?
M. Roger Gallaway: Si je pose cette question, monsieur Burns, c'est qu'à l'été de 1997, la Banque Toronto-Dominion a envoyé à ses clients un dépliant sur la protection de la vie privée. Ce dépliant était envoyé avec les factures Visa et la correspondance de ce genre. La banque disait dans ce dépliant que, si les clients ne s'y opposaient pas, elle transférerait à ses filiales l'information sur ses clients. Autrement dit, elle demandait par la bande la permission de faire ce transfert.
M. James Burns: Elle ne peut pas le faire avec les filiales d'assurance.
M. Roger Gallaway: C'est ce que je dis.
M. James Burns: Sous le régime de la loi actuelle, c'est interdit. Par contre, ce ne serait pas interdit à un courtier en valeurs mobilières. C'est bien de la Banque Toronto-Dominion que vous parliez?
M. Roger Gallaway: Oui.
M. James Burns: Ligne Verte pourrait avoir accès à la banque de données sur les clients de la Banque TD, et vice versa. À partir de cette banque de données, elle pourrait vendre des fonds mutuels. Sous le régime de la loi actuelle, elle ne peut toutefois pas utiliser cette banque de données pour vendre de l'assurance.
M. Ted Johnson: J'ajouterai, si vous me le permettez, monsieur le président, que cela ne s'applique pas à certains types de renseignements bien définis.
M. James Burns: Oui, d'accord, l'assurance-voyage... des choses de ce genre. Comme je l'ai mentionné, elles ont toujours pu vendre de l'assurance-vie crédit collective.
Les banques vendent donc certains types d'assurance et c'est la Banque de Commerce, je crois, qui vient de mettre sur pied une entreprise d'assurance—P et C, je crois. En fin de compte, elles n'ont pas fait grand-chose dans ce domaine et à ce propos, nous trouvons cela étrange puisqu'on leur a donné la permission d'oeuvrer dans ce domaine depuis 1992.
Mais nous savons pourquoi elles n'ont rien fait; c'est parce qu'elles n'ont pas accès aux banques de données. Si elles ne peuvent avoir cet accès, cela ne les intéresse pas.
Le gouvernement de l'époque a dit aux banques, en fait, qu'elles pouvaient vendre de l'assurance si elles le voulaient, mais qu'elles seraient assujetties aux mêmes règles que toutes les autres entreprises du secteur. Elles n'en ont pas été satisfaites.
M. Roger Gallaway: Permettez-moi de vous poser une autre question, dans ce cas.
Vous nous avez apporté des graphiques que je trouve très utiles et très intéressants. On m'a dit que vers 1990-1991—je ne saurais vous dire quel mois—il était bien connu au Canada qu'une nouvelle Loi sur les banques était en rédaction. Cette loi a été adoptée en 1991 et est entrée en vigueur le 1er janvier 1992, je crois.
Si l'on compare, durant cette période, l'augmentation de la valeur des actions des cinq grandes banques comparativement à l'augmentation moyenne de l'indice TSE 300 pour la même période, on constate que les actions des banques ont dépassé la moyenne du TSE 300 de... Je ne me souviens plus du chiffre, mais la proportion est incroyable. Quelque chose comme 150 p. 100. Le chiffre est énorme. Et pourtant, les banques subissaient à la même époque des pertes assez énormes. Le projet Canary Wharf en est un exemple. Elles y ont perdu quelque 8 millions de dollars. C'était la catastrophe dans l'immobilier.
Cela m'amène à poser la question suivante: pourquoi les actions des banques ont-elles connu une augmentation énorme et sans précédent alors qu'en fait, tout semblait indiquer que leurs affaires allaient plutôt mal?
Cela vient à mon avis de ce que certains ont compris que la loi de 1992 était une bonne affaire pour les banquiers. Cela ne tenait pas compte de ce qui se produisait à ce moment-là, mais plutôt de ce qui se produirait par la suite; ces gens-là avaient prévu les profits qui seraient réalisables et qui, en fait, se réalisent encore maintenant.
M. James Burns: Oui, c'est exact.
M. Roger Gallaway: La même personne qui a étudié cette question—et j'en arrive à ma question principale—m'a dit que les banques voudraient faire adopter sous forme de loi des mesures qui appliqueraient toutes les recommandations du rapport MacKay et que cela aurait le même effet. Autrement dit, la loi de 1992 traduisait l'orientation qu'elles souhaitaient prendre et, cinq ans et demi plus tard, elles souhaitent conserver cette même orientation. Elles veulent continuer d'empocher l'argent. Elles sont affamées.
Que pensez-vous de cette théorie? Est-ce de la paranoïa, une théorie du complot?
M. James Burns: C'est un portrait de la réalité. Nous ne l'inventons pas, ce sont les faits. Pourquoi les actions des banques canadiennes sont-elles en fait une bonne affaire pour les consommateurs qui les achètent... c'est une franchise très précieuse. C'est la meilleure franchise au monde.
Il faut reconnaître le mérite qui leur revient. Elles sont insatiables, elles veulent toujours davantage et elles finissent par l'avoir. J'ai essayé de démontrer qu'au cours des 10 dernières années, elles ont obtenu à peu près tout ce qu'elles voulaient. En 1986, les banques ne faisaient pas de courtage réduit; en 1996, elles représentaient 95 p. 100 de cette activité. Dans le courtage traditionnel, le pourcentage est passé de 0 à 76 p. 100, de 1986 à 1996. Il est passé de 0 à 93 p. 100 dans la fiducie et les prêts, les services de fiducie personnelle. Il est passé de 40 à 68 p. 100 dans les dépôts à terme. Il est passé de 31 à 60 p. 100 dans les hypothèques résidentielles—ce qui s'explique par la disparition des sociétés de fiducie dans ce domaine. Pour ce qui est des produits d'investissement, la distribution de fonds d'investissement, le pourcentage est passé de 5 à 61 p. 100, de 1986 à 1996. Il est passé de 37 à 68 p. 100 dans le domaine des REER. On peut donc dire que c'est un secteur en pleine croissance.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Gallaway.
Monsieur Burns, monsieur Johnson, comme vous avez pu le constater, nous avons beaucoup aimé votre témoignage. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements sur des questions qui nous préoccupent. Monsieur Burns, j'ai pris bonne note de votre conseil, c'est-à-dire de procéder lentement, soigneusement et à la suite d'un examen approfondi. C'est très important.
M. James Burns: Je ne m'attendais pas à moins de votre part, monsieur le président.
Le président: Merci. C'est une opinion que mes collègues ne partagent peut-être pas.
Merci beaucoup. Nous allons maintenant faire une pause d'environ cinq minutes. Nous entendrons ensuite la Centrale des caisses de crédit du Canada.
Le président: La séance est ouverte. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Centrale des caisses de crédit du Canada, MM. Bobby McVeigh et William Knight, président et directeur général.
M. Bobby McVeigh (président du conseil d'administration, Centrale des caisses de crédit du Canada): Monsieur le président, mesdames et messieurs du Comité des finances, au nom du réseau des caisses de crédit du Canada, je tiens à vous remercier de cette occasion de vous expliquer comment nous pouvons contribuer à établir un meilleur équilibre dans le secteur des services financiers.
Le thème principal du rapport MacKay, c'est l'amélioration de la concurrence. C'est un thème qui trouve des échos favorables dans le réseau des caisses de crédit, puisque nous nous voyons comme une solution de rechange aux grandes banques.
Monsieur le président, membres du comité, permettez-moi de profiter de l'occasion de vous expliquer ce qu'est le réseau des caisses de crédit.
Au Canada, le réseau des caisses de crédit regroupe plus de 850 coopératives financières indépendantes présentes dans plus de 1 800 localités au pays. Dans plus de 300 localités rurales du Canada, nos établissements sont les seuls à offrir des services financiers. Collectivement, le réseau des caisses de crédit possède un actif de 48 milliards de dollars, ce qui représente 7 p. 100 du marché des services financiers au Canada. Nous occupons une place particulièrement importante sur les marchés de l'hypothèque résidentielle et des prêts personnels.
• 2125
Les caisses de crédit de la Colombie-Britannique détiennent
16,5 p. 100 du marché, celles de la Saskatchewan et du Manitoba
respectivement 20 p. 100 et 17,5 p. 100 du marché des hypothèques
résidentielles de leurs provinces.
Les caisses de crédit fonctionnent selon le principe de «un membre, une voix». Elles font grand cas de leur direction démocratique et de leur engagement envers leurs localités où elles sont présentes. Le réseau des caisses de crédit compte plus de 4,5 millions de membres. À ce nombre, il faut ajouter les 5,6 millions de membres des 1 300 Caisses populaires Desjardins, qui sont le pendant de notre organisation au Canada français. Cela signifie que près de 10 millions de Canadiens sont membres d'une coopérative de services financiers.
Pour répondre aux besoins de leurs membres, les caisses de crédit ont été innovatrices dans le secteur des services financiers. Elles ont été les premières à offrir des comptes d'épargne à intérêt quotidien, des cartes de débit-paiement MasterCard, des hypothèques à remboursement hebdomadaire, des états de compte intégrés et des services de planification financière. Elles ont également été les premières à offrir à leurs membres des guichets automatiques.
Le réseau des caisses de crédit est organisé en trois paliers: le palier local, où les caisses de crédit servent leurs membres; un second palier de neuf centrales provinciales qui appuie les caisses de crédit locales dans des domaines comme la technologie, la formation et la gestion d'entreprise; un troisième palier, la Centrale des caisses de crédit du Canada, qui est le quartier général financier national et l'association corporative. La Centrale effectue directement la compensation pour le réseau des caisses de crédit par le truchement de l'Association canadienne des paiements, elle est membre de l'Association Interac et est l'un des investisseurs de Mondex Canada. La centrale canadienne, tout comme une majorité des centrales provinciales, est assujettie à la réglementation fédérale sous le régime de la Loi sur les associations coopératives de crédit.
Comme on l'a fait remarquer dans le rapport MacKay, et comme tous les Canadiens le savent, le secteur des services financiers a subi d'énormes changements au cours des 10 à 15 dernières années. La réforme des institutions financières, au début des années 90, a aboli les quatre piliers de la réglementation des institutions financières, permis une hybridation des secteurs d'affaires et renouvelé le dynamisme du secteur des services financiers. Toutefois, ces changements ont également provoqué une augmentation de la consolidation et de la concentration.
La réponse de M. MacKay à cette situation—et il faut l'en féliciter—est de placer au premier rang des objectifs de la politique publique l'accroissement de la concurrence dans toute la gamme des produits et des services financiers. M. MacKay propose différents moyens d'atteindre cet objectif, entre autres, encourager les nouvelles entreprises débutantes, ouvrir le marché aux banques étrangères, permettre aux institutions d'augmenter la gamme des produits et services qu'elles offrent et orienter les résultats de la politique grâce à des interventions réglementaires.
Mais nous sommes ici ce soir pour vous parler d'une solution de rechange qui existe depuis près de 100 ans et qui a fait ses preuves pour ce qui est de bien servir les besoins des particuliers, des petites entreprises et des collectivités du Canada. Mesdames et messieurs, je parle bien sûr des caisses de crédit.
Je vais maintenant laisser notre président et directeur général, M. Bill Knight, vous parler plus précisément du rapport MacKay.
M. Bill Knight (président et directeur général, Centrale des caisses de crédit du Canada): Merci, monsieur le président. Permettez-moi de passer en revue un certain nombre de citations et d'y répondre afin d'énoncer certains de nos points de vue en ce qui a trait au rapport et plus particulièrement au régime des caisses de crédit.
Au chapitre 5 du document d'information numéro 2, on reconnaît la solution de rechange que constituent les caisses de crédit. Ce chapitre contient une description claire du secteur des coopératives financières au Canada. Je dirais même que, de tous les rapports rédigés sur le sujet dans les 15 ou 20 dernières années, c'est celui qui contient la description la plus claire. J'invite les membres du comité et leurs attachés de recherche à examiner soigneusement ce chapitre.
On y reconnaît la position stratégique que nous occupons. On sait que les institutions financières sont de moins en moins axées sur les transactions traditionnelles comme les dépôts et les retraits et visent de plus en plus des fonctions axées sur les relations publiques, dont les prêts aux petites entreprises et la gestion de fortunes. C'est pourquoi les caisses de crédit, qui ont pour assise une relation solide avec leurs clients, devraient être en mesure de bien s'adapter à cet environnement, comme on le souligne dans le rapport MacKay.
• 2130
On peut lire, à la page 138 du document d'information
numéro 2:
-
Leur solide implantation locale et leur sensibilité aux besoins du
milieu donnent aux coopératives de crédit et aux caisses populaires
la possibilité de croître et de prospérer, tandis que les autres
institutions financières entreprennent de se regrouper ou de
modifier leur stratégie commerciale. À l'avenir, les succursales
serviront moins aux opérations de type classique, comme les dépôts
et les retraits, et davantage à l'exercice de fonction reposant sur
les relations avec la clientèle, comme les prêts aux PME et la
gestion de fortunes. La philosophie du secteur coopératif, son
orientation et ses pratiques, assises sur l'étroitesse et la
solidité des relations avec la clientèle, devraient s'adapter à ce
contexte.
Vous savez peut-être que dans les enquêtes sur la satisfaction des clients réalisées par l'Institut national de la qualité, les caisses de crédit obtiennent l'une des cotes les plus élevées de toutes les institutions au chapitre des produits de détail, pas seulement des produits financiers. Cette cote est de loin plus élevée que celle des banques. Nous croyons que le rapport MacKay nous permettra de mettre cet avantage à profit.
Le rapport MacKay établit deux mécanismes législatifs qui nous aideront à profiter de la situation actuelle et d'accroître la concurrence dans le secteur.
Tout d'abord, le groupe de travail a repris les solutions que nous avions proposées dans notre témoignage quant aux changements qu'il serait souhaitable d'apporter à la loi fédérale qui nous régit, c'est-à-dire la Loi sur les associations coopératives de crédit. À l'heure actuelle, si les centrales veulent offrir des services à d'autres entités financières ou offrir des services financiers au détail, elles doivent le faire par le truchement d'une filiale qui leur appartient. J'ai toute une liste d'exemples de ce genre. La création de ces filiales est extrêmement coûteuse.
En outre, la Loi sur les associations coopératives de crédit limite la capacité des centrales de participer à des coentreprises financières entre elles ou avec des caisses de crédit en vue d'harmoniser efficacement la prestation des services financiers. Les modifications législatives que nous avons proposées accroîtraient la capacité des centrales d'offrir une vaste gamme de services de soutien au sein du réseau des caisses de crédit. Les changements proposés ne seraient que de nature habilitante, puisqu'il serait nécessaire, dans chaque cas, d'obtenir l'aval du BSIF.
Le second mécanisme législatif décrit dans le rapport MacKay consisterait à créer une ou plusieurs banques coopératives sous le régime de la Loi sur les banques. Si cette option était retenue, une caisse de crédit ou un groupe de caisses de crédit pourrait, avec la permission des autorités provinciales, demander une prorogation d'activités à titre de banque coopérative à charte fédérale.
Les centrales pourraient aussi devenir des banques coopératives dont la seule fonction consisterait à fournir des services aux caisses de crédit locales, qui ne seraient pas en mesure financièrement d'investir par d'autres moyens les sommes nécessaires dans le réseau. À l'heure actuelle, un certain nombre de nos caisses de crédit évaluent la possibilité de passer au régime de la Loi sur les banques, conformément à la nouvelle stratégie que propose le rapport MacKay. Elles étudient les répercussions commerciales, législatives et réglementaires d'une telle mesure.
Les recommandations 23 et 115 du rapport s'adressent aux gouvernements provinciaux et fédéral. La première se lit comme suit:
-
Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient prendre les
mesures nécessaires, dans leurs sphères de compétence respectives
et sous réserve uniquement de contraintes prudentielles, pour
éliminer les obstacles législatifs et réglementaires à la
croissance du secteur coopératif des services financiers, en
particulier des caisses populaires et des coopératives de crédit.
De cette façon, les organismes de réglementation seraient amenés à rationaliser leurs régimes en augmentant les synergies et en réduisant le double emploi.
Le réseau des caisses de crédit s'est réjoui le fait que le rapport MacKay préconise une approche progressive dans l'acquisition de pouvoirs commerciaux plus étendus, sous réserve des régimes applicables en matière de protection de la vie privée et de ventes liées. Par exemple, pour ce qui est de la situation actuelle des banques et des ventes liées, on a proclamé qu'il serait raisonnable de permettre aux institutions de dépôt dont les capitaux propres sont inférieurs à 5 milliards de dollars de vendre de l'assurance au détail et de faire de la location de véhicules légers. Permettez-moi de m'interrompre un instant pour dire que nous avons depuis très longtemps des pouvoirs en matière de location-acquisition.
• 2135
C'est une idée innovatrice que de permettre à de nouveaux
venus de pénétrer avant les grandes entreprises pour vérifier sur
le marché quel effet peut avoir la vente d'assurance par une
institution de dépôt, par exemple, les grandes institutions étant
limitées dans ces activités jusqu'en 2002. Encore une fois, nous
sommes très heureux des propositions et des recommandations du
rapport.
À la fin du chapitre sur le secteur coopératif, le rapport propose que les coopératives de crédit, les autorités réglementataires et les décideurs publics travaillent de concert à l'élaboration de nouveaux cadres réglementaires applicables aux associations de coopératives de crédit. J'ai le plaisir d'informer le comité que c'est précisément ce qui s'est passé en ce qui concerne la réglementation fédérale et un certain nombre de sociétés d'assurance-dépôt provinciales. Nous espérons que cet automne, après avoir tenu de vastes consultations avec nos membres, nous serons en mesure d'annoncer les caractéristiques d'un réseau de coopératives de crédit restructuré de façon à profiter de la nécessité d'élargir les possibilités et les choix dans le secteur des services financiers.
J'ajouterais que nous nous réjouissons de ce que le rapport MacKay offre à de nouvelles sociétés la possibilité de répondre aux besoins des consommateurs. La dernière série de réformes dans le secteur des institutions financières était très axée sur l'industrie, y compris la nôtre. Nous avons maintenant, en 1998, la possibilité de réexaminer la situation en fonction des consommateurs de façon à répondre à leurs besoins sur le plan des services et du choix.
Je crois que le rapport MacKay ouvre la porte à de très saines discussions au comité de la Chambre et ailleurs à Ottawa afin qu'on puisse réexaminer les possibilités pour les nouveaux arrivants et créer un marché plus concurrentiel au lieu que l'on répète simplement ce qui a été dit en 1985. Nous nous réjouissons d'avoir cette possibilité et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Le rapport nous paraît très efficace en donnant une définition des coopératives—qui sont à propriété dispersée—de façon à ce que nous puissions nous prévaloir de la législation fédérale.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Knight et monsieur McVeigh.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président, et merci messieurs d'être venus ici ce soir pour nous faire part de vos observations au sujet du rapport. Je sais que notre comité est censé rester neutre, recevoir les rapports des témoins, dire merci et aller les examiner, mais je dois vous avouer, dès le départ, que mes préférences penchent du côté des coopératives de crédit. C'est sans doute parce que je suis membre d'une coopérative de crédit depuis 30 ans après des relations insatisfaisantes avec les banques. Mais c'est sans rapport avec les questions que je veux vous poser.
J'apprécie votre façon positive de voir les choses et je sais que la coopérative de crédit dont je suis membre à Edmonton se porte très bien par rapport à la situation qui était la sienne il y a une quinzaine d'années lorsque nous connaissions de sérieuses difficultés là-bas.
Je voudrais vous poser une question au sujet de vos membres et des services que vous offrez. Une coopérative de crédit fournit tous les services que les banques assurent actuellement, n'est-ce pas?
M. Bill Knight: Oui. La gamme des services offerts n'est pas nécessairement identique d'un bout du pays à l'autre, mais de façon générale, ce sont des services complets.
M. Ken Epp: Une chose qui m'intéresse est que vous ne dites nulle part, dans votre mémoire, que vous vous inquiétez de la croissance des banques. Vous ne dites pas que nous devrions tenter de limiter cette croissance ou peut-être nous opposer à des fusions ou des choses de ce genre. Vous ne dites pas un mot au sujet des banques. Pourquoi ce silence?
M. Bill Knight: Je ne suis pas certain que, sur le plan stratégique, la présence sur le marché de cinq ou trois banques change tellement les choses pour nous. Dans l'ensemble, si nous avions dû abandonner la partie à cause de la puissance des banques, nous l'aurions fait il y a 50 ans. Pour ce qui est de notre position sur le marché, nous estimons qu'elle nous permet d'offrir aux Canadiens une solution de rechange, de compléter nos services et de veiller à ce qu'ils soient offerts d'un bout à l'autre du pays, et de nous faire mieux connaître que par le passé. Nous pouvons regrouper certaines de nos activités de façon à ce que nos placements permettent à nos coopératives de crédit de faire la maximum pour leurs clients.
Pour ce qui est de la vente au détail d'assurance, par exemple, nous n'avons pas eu de complexes sur ce plan, dans les années 90, car tous les canaux de distribution servent à offrir une gamme complète de produits. Ce qui fait la force des coopératives de crédit ce sont les rapports avec leurs membres, l'intégrité avec laquelle elles traitent avec leur clientèle en la conseillant. Ce n'est donc pas...
En fait, je ne sais plus trop ce qu'est une banque. Vous avez un service financier qui offre une gamme complète de services et les canaux de distribution deviennent alors essentiels. Si vous essayez, dans les années 90, de bâtir votre entreprise en vous servant des canaux de distribution des années 60 ou 70, vous aurez d'énormes difficultés.
Par conséquent, dans notre secteur, les coopératives de crédit ont offert cette gamme complète de produits, du courtage aux fonds, etc. Et tous les canaux de distribution vont offrir le maximum de choix en ce qui concerne les divers produits, si l'on se fie à la portée générale du rapport MacKay.
Je peux vous donner un exemple, monsieur le président. Normalement, dans le contexte de l'étude faite antérieurement de notre secteur, je ne verrais pas d'un très bon oeil les compagnies d'assurance devenir des institutions de dépôt, comme l'a recommandé le rapport MacKay. Mais si vous prenez les dispositions relatives aux nouveaux venus, il est peut-être temps que l'Association canadienne des paiements... que l'on permette aux compagnies d'assurance, aux sociétés de fonds communs de placements, etc., d'adhérer à l'Association canadienne des paiements. Et je le dis en tant qu'actionnaire membre, même si je ne serai peut-être pas invité à la prochaine assemblée.
En réalité, notre secteur a changé radicalement depuis une dizaine d'années et la concurrence a changé. Les nouveaux venus, les compagnies d'assurance, ont donc peut-être besoin de pouvoirs supplémentaires pour jouer un rôle dans ce marché compétitif. Ce n'est donc pas une simple question de savoir s'il y aura cinq ou trois banques.
M. Ken Epp: Depuis un certain temps, les coopératives de crédit participent pleinement au système de paiements, n'est-ce pas? Vous sentez-vous intimidés par vos partenaires au sein de cette association étant donné qu'ils sont relativement gros par rapport à vous?
M. Bill Knight: Non. Comme vous le savez, c'est la Centrale des caisses de crédit du Canada qui est la chambre de compensation de tout le réseau des coopératives de crédit, comme c'est Desjardins qui joue ce rôle pour le mouvement Desjardins et nous ne nous sommes nullement sentis intimidés en ce qui concerne les activités générales de l'Association canadienne des paiements ou d'Interac.
Comme vous le savez, le ministère des Finances est en train de préparer un document sur l'accès. Le rapport MacKay suggérait d'élargir l'accès et je crois que c'est la direction générale que l'on poursuit. Mais ce sont les répercussions des changements sur la politique publique et les mesures compensatoires à prendre qui posent le vrai défi.
M. Ken Epp: Changeons de sujet. Vous avez dit—et cela m'a étonné—que vous offrir du crédit-bail pour la location de véhicules depuis déjà longtemps. Je l'ignorais. Je n'avais jamais entendu parler d'une coopérative de crédit qui cherchait à placer ses véhicules à louer à bail. Gardez-vous cela secret de propos délibéré ou est-ce purement accidentel?
M. Bill Knight: Tout d'abord, le marché a été pas mal accaparé, comme vous le savez, par les principaux acteurs de l'industrie automobile. Il ne faut donc pas se leurrer.
Deuxièmement, dans diverses régions du pays, nous avons des services de crédit-bail automobile. Nous en avons un petit que nous exploitons à partir de la Centrale, No Curves Leasing, et plusieurs coopératives de crédit de la côte Ouest ainsi que plusieurs autres des environs de Toronto font également du crédit-bail. Nous examinons la possibilité d'élargir nos activités dans ce domaine, mais c'est un marché très concurrentiel. Je dois mentionner, à propos du crédit-bail, que nous avons aussi Agri-Finances. Je m'excuse de ne pas l'avoir mentionné étant donné que c'est une de nos grosses entreprises. Notre président pourrait vous en parler. Elle s'étend d'un bout à l'autre du pays.
M. Ken Epp: Comment cela fonctionne-t-il?
M. Bill Knight: Nous louons de l'outillage agricole aux agriculteurs, par l'entremise des marchands d'outillage agricole. Cette société s'appelle Agri-Finances. L'une de nos centrales des Prairies a également CU Lease, qui remplit les mêmes fonctions. Nous le faisons depuis longtemps.
Le fait est que les banques ont obtenu de bons résultats sur le plan du crédit-bail par l'entremise de leurs filiales et qu'elles continueraient simplement à élargir leur rôle dans ce secteur. Ce qu'il nous faut, c'est investir davantage de capitaux dans nos sociétés de crédit-bail. Les changements à la loi permettraient à notre centrale canadienne ou à l'une de nos centrales provinciales de développer ses sociétés de crédit-bail automobile qui pourraient ainsi se tailler une place beaucoup plus grande dans le marché.
M. Ken Epp: Je suppose que vous faites des études avant de vous lancer dans ces activités, mais je suppose que la location- vente de machines agricoles est une opération assez risquée, n'est- ce pas?
M. Bobby McVeigh: Cela peut l'être, mais Agri-Finances a été l'une de nos filiales en propriété exclusive qui a eu le plus de succès. Nous avons fait un excellent travail et nous connaissons très bien le marché. Nous avons également des gestionnaires qui nous ont très bien servis.
À ce propos, ce que nous disons depuis au moins deux ans, c'est que le mouvement des coopératives de crédit est sans doute l'un des secrets les mieux gardés au Canada. Pour revenir à l'un des sujets qui ont été explorés ici ce soir, nous n'avons pas parlé des fusions bancaires en particulier parce que nous avons fait notre introspection avant que ces fusions ne soient annoncées. Nous nous sommes toujours dit que nous avions été très novateurs, que nous avions des institutions financières offrant des services complets. Nous croyons que les fusions bancaires offrent une occasion de plus d'élargir le marché et d'offrir aux consommateurs une solution de rechange au lieu que nous restions le secret le mieux gardé du secteur financier.
M. Ken Epp: Vous vous attendez sans doute à ce qu'un certain nombre de Canadiens estiment que les grandes banques sont devenues si grosses et si impersonnelles qu'ils se précipiteront chez vous. Est-ce votre raisonnement?
M. Bobby McVeigh: Il serait agréable qu'ils se précipitent chez nous. Nous pouvons vous assurer que nous ferons tout en notre pouvoir pour leur offrir une solution de rechange et nous voulons être cette solution.
M. Ken Epp: Et qu'en est-il de l'assurance-dépôts? Où vous situez-vous sur ce plan?
M. Bill Knight: Nous sommes couverts par la législation provinciale sur l'assurance-dépôts. Votre coopérative de crédit est couverte par l'assurance-dépôts provinciale de l'Alberta. La situation est à peu près la même d'un bout à l'autre du pays.
M. Ken Epp: Est-elle uniforme? Je sais que telle est la situation en Alberta, mais...
M. Bill Knight: Elle est uniforme en ce sens que l'assurance-dépôts existe d'un bout à l'autre du pays. En Colombie- Britannique, elle est de 100 000 $, en Ontario, de 60 000 $ et, dans certaines provinces des Prairies, la totalité du montant est assurée.
M. Bobby McVeigh: Le minimum pour l'ensemble du pays est de 60 000 $. Cela va de 60 000 $ à aucune limite. Il y a la gamme complète.
M. Ken Epp: D'accord. La dernière question qu'il me reste pour l'instant concerne la législation.
Vous êtes d'accord avec le rapport MacKay lorsqu'il laisse entendre que vous pourriez devenir des banques. Je me demande seulement pourquoi vous le feriez? D'après la conversation que nous avons eue jusqu'ici, vous avez la possibilité de faire tout ce que font les banques, mais en plus vous le faites de façon plus personnelle. Quel avantage auriez-vous à être assujettis à la Loi sur les banques?
M. Bobby McVeigh: Certaines de nos grandes coopératives de crédit croient qu'il serait avantageux pour elles comme pour leurs membres d'être assujettis à la Loi fédérale sur les banques pour qu'elles puissent desservir toutes les provinces, d'un bout à l'autre du pays.
Pour être plus précis, la VanCity Credit Union de Vancouver, qui se situe autour de 7 milliards de dollars, trouve avantageux pour ses membres d'élargir sa part de marché, d'élargir la base et d'avoir la possibilité de faire des affaires dans d'autres provinces, pas seulement en Colombie-Britannique. Des changements à la Loi sur les banques nous permettraient de le faire.
M. Bill Knight: Deuxièmement, monsieur le président, il y a tout le volet du gros. Traditionnellement, les centrales sont cantonnées étroitement dans le secteur du gros, par opposition au détail. Nous constatons qu'il faut mettre en commun des montants importants pour se lancer dans le domaine des prêts commerciaux aux petites et moyennes entreprises. Par conséquent, le renforcement des pouvoirs relativement aux activités de détail des centrales vient renforcer ces coopératives de crédit. On continuera de voir la coopérative de crédit déployer des activités localement, mais on peut voir l'utilité des pouvoirs d'une banque. En ce sens, du côté des activités de gros, il nous faut des pouvoirs renforcés, tel qu'il est énoncé dans le rapport.
M. Ken Epp: Vous y verriez donc l'occasion de donner de meilleurs services aux petites entreprises?
M. Bill Knight: Oui.
M. Ken Epp: Chose certaine, je crois que tous les membres du comité sont tout à fait en faveur de cela.
Je vais m'en tenir là, monsieur le président; peut-être pourriez-vous me redonner la parole plus tard, s'il reste du temps.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp.
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Vous avez dit quelque chose que j'ai trouvé intéressant, monsieur Knight. M. Epp en a déjà parlé, mais je voudrais y revenir. Il s'agit de la possibilité pour les coopératives de crédit d'offrir du crédit-bail automobile.
L'une des objections que nous avons entendues de la part des gens qui se spécialisent dans ce secteur, c'est que le prêteur devient le propriétaire du véhicule, puisque évidemment, le preneur à bail se contente de faire des arrangements financiers. Pourriez-vous nous expliquer comment cela fonctionne dans votre secteur? Les coopératives de crédit sont-elles propriétaires des voitures?
M. Bill Knight: Oui, je crois que la réponse est oui.
Mme Karen Redman: Et si vous avez réussi à vous tailler une place sur ce marché, est-ce parce que vous avez une source d'argent bon marché et que vous pouvez offrir des taux compétitifs, par rapport aux grandes organisations du secteur qui font la plus grande partie des activités de crédit-bail au sud de la frontière?
M. Bill Knight: Oui. Si nous avons eu un certain succès, un succès d'ailleurs limité, car comme je l'ai dit, la concurrence est féroce, c'est parce que nous offrons des taux compétitifs. C'est aussi en partie grâce au service, à la relation que nous avons avec un client, qui peut trouver avantageux à un moment donné de conclure un arrangement de location.
Nous pourrions probablement essayer de vous fournir des données ventilées. Je ne m'occupe pas directement de ce dossier, mais je crois que nous avons essayé de voir si nous pourrions passer, disons, de trois à cinq ans pour les contrats de crédit- bail. Nous essayons d'être très souples.
C'est un rendement marginal pour la coopérative de crédit elle-même, mais c'est un service efficace offert dans le cadre d'un ensemble de services.
Mme Karen Redman: De plus, quand vous nous transmettrez ces statistiques, si vous ne les savez pas par coeur, j'aimerais savoir comment vous vous débarrassez ensuite des véhicules. Si vous les vendez, les vendez-vous au preneur à bail, ou bien à l'encan ou quelque chose du genre?
L'une des craintes exprimées par le secteur du crédit-bail automobile, c'est le fait que les gens qui veulent mettre fin à leur contrat peuvent se faire convaincre de n'en rien faire, parce que ce serait un problème pour la banque de se débarrasser du véhicule; c'est le scénario dont on discutait à ce moment-là, la question de savoir comment la banque se débarrasserait du véhicule.
M. Bobby McVeigh: Comme M. Knight l'a dit, nous allons vous donner plus de détails là-dessus. Essentiellement, les coopératives de crédit qui ont des activités dans ce secteur, et il n'y en a que quelques-unes, le font plutôt pour rendre service à leurs membres. Mais les contrats sont concurrentiels, car ils font du magasinage. Quand le client leur dit quel véhicule il voudrait, les responsables magasinent pour trouver le meilleur prix. Le contrat comporte une option de rachat, le client ayant le premier choix, avec rachat ou paiement à la fin.
M. Bill Knight: L'une des questions qui se posent, est celle-ci, et c'est un peu comme pour la vente au détail d'assurance dans une institution financière qui accepte des dépôts. Je veux dire qu'il n'est pas question de mettre en péril les relations que l'on a avec un client à propos de la location d'une voiture. Il faudrait être complètement fou pour le faire et risquer de perdre l'hypothèque et la gestion à long terme de la richesse de ce client.
De nos jours, les institutions financières sont jugées d'après leurs réseaux de distribution et leur capacité de travailler avec leurs clients, que l'on appelle des membres, dans notre cas, mais ce sont des clients pour les banques. Nous travaillons avec eux à la gestion de leurs actifs, nous ne nous contentons pas d'accepter leurs dépôts ou de leur faire des prêts. Ce n'est rien de nouveau; ce sont les réformes des années 80.
Dans notre cas, les relations avec le membre sont fondamentales. Dès que quelqu'un qui participe à l'offre de services aux clients dit «Un tel ou un tel a mal servi cette personne», il n'est assurément pas dans l'intérêt d'institutions comme la nôtre de ruiner les relations avec un client à propos de la location d'une voiture ou de la vente d'assurance tous risques.
Nous faisons de l'assurance en Colombie-Britannique. Nos collègues du Québec en vendent aussi, comme vous le savez. Il n'est absolument pas question de risquer de perdre un client pour un produit comme celui-là. À mon avis, ce serait un très mauvais calcul.
Mme Karen Redman: Je voudrais poser une dernière question. Dans le fil de ce que vous venez de dire, vos membres estiment-ils que l'on fait une mauvaise utilisation des renseignements d'initiés? L'une des plus grandes craintes, dont on entend constamment parler quand il est question de permettre aux banques de faire du crédit-bail automobile et de vendre de l'assurance, c'est le fait que ces institutions posséderont des renseignements privilégiés. Comment faites-vous à cet égard dans les coopératives de crédit?
M. Bill Knight: En fait, nous avons été les pionniers relativement à certains codes de renseignements personnels qui ont également influé sur Interac ou la SCP et relativement aux normes que nous avons fixées dans les coopératives de crédit en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels.
Deuxièmement, j'essaye d'être tout à fait objectif à ce sujet, mais quand on peut détenir un créneau à l'égard d'un produit dans son réseau de distribution, traditionnellement, pour conserver la mainmise sur ce produit, on imagine le pire des scénarios. Pourtant, le gouvernement du Canada a annoncé aujourd'hui les règles probablement les plus rigoureuses jamais vues relativement aux ventes liées. J'aurais peine à croire que des institutions qui acceptent des dépôts risqueraient de perdre leur charte ou mettraient en péril leur existence même en exerçant des pressions pour obtenir des ventes de cette manière.
Je pense donc qu'il y a des mécanismes pour assurer la protection et l'intégrité relativement aux produits de ce genre. Ce que je veux dire, c'est que les compagnies d'assurance vont se lancer dans les activités bancaires. Les coopératives de crédit obtiennent des pouvoirs qui renforcent la concurrence sur le marché dans le rapport MacKay. Les banques vont peut-être être présentes dans bon nombre de ces créneaux.
Ce n'est pas toujours mieux que d'être le plus gros. Depuis qu'elles ont obtenu des pouvoirs dans les années 90, les banques ont fait du magasinage; elles ont acheté des compagnies d'assurance ou créer des filiales dans ce domaine. Les compagnies d'assurance font maintenant des campagnes pour vendre leurs produits dans le cadre de campagnes téléphoniques de grande envergure et par vente directe—et je dis tout cela dans un esprit positif. Les consommateurs ont donc un vaste éventail de choix.
J'espère que du point de vue de la politique publique—et c'est peut-être une façon un peu bizarre de voir les choses pour quelqu'un qui travaille dans ce secteur—c'est ainsi que l'on envisage la question. Dans le nouvel environnement, les vieux schèmes de pensée concernant les canaux de distribution ne sont plus valables; ce n'est plus vrai de dire que les gens sont des déposants ou des épargnants et rien d'autre.
Ce rapport est un excellent point de départ pour lancer le débat et arriver avec un train de mesures pour donner aux consommateurs le plus grand choix possible.
Il faut protéger les renseignements privés des consommateurs, peu importe quel canal de distribution on utilise et peu importe quel fournisseur est en cause. Je pense que c'est un peu comme la charte qui est en vigueur depuis 1982 et que tout cela doit être établi dans un code de comportement fondamental applicable à quiconque intervient dans ce débat.
M. Bobby McVeigh: Particulièrement dans le cas du système des coopératives de crédit, il faut se rappeler que ces organisations appartiennent aux gens de la place et sont administrées localement. Le conseil d'administration d'une coopérative de crédit a des liens très étroits avec la collectivité, de sorte que les questions d'éthique seront suivies de très près.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Une brève question. Au sujet du pourcentage des hypothèques résidentielles, à la page 3 de votre mémoire, vous mentionnez la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et le Manitoba. Je suis curieuse de savoir ce qu'il en est de l'Alberta. Qu'est-ce qui vous a empêchés de préciser le pourcentage pour l'Alberta?
M. Bobby McVeigh: La seule raison...
Mme Carolyn Bennett: Les Albertains gardent-ils leur argent dans un bas de laine?
M. Bill Knight: Oh non. Ils le mettent à la caisse populaire.
M. Bobby McVeigh: Nous avons simplement choisi les trois secteurs les plus en vue, au lieu d'énumérer la totalité des neuf provinces. Mais il y a une part de marché considérable. Nous pouvons vous donner les chiffres pour chaque province.
Mme Carolyn Bennett: D'accord.
On entend dire que les coopératives de crédit pourraient prendre à leur compte les petites entreprises. S'il est vrai que la concentration est un problème et que les petites entreprises craignent de ne pas être bien servies après les fusions, y a-t-il possibilité pour les coopératives de crédit de reprendre les prêts aux petites entreprises?
M. Bobby McVeigh: En fait, avant même l'annonce des fusions, nous faisions des efforts... Comme je l'ai dit, nous cherchons constamment à innover et à mieux servir le consommateur et à accroître notre part du marché.
Or l'un des éléments de notre stratégie consiste justement à viser les petites et moyennes entreprises et cela fera partie du train de mesures que nous espérons pouvoir annoncer à la fin de l'automne, à l'issue des consultations au sein de notre mouvement, qui sont prévues pour les cinq à six prochaines semaines. La priorité est de faire porter nos efforts sur les petites et moyennes entreprises.
M. Bill Knight: Monsieur le président, j'ajoute qu'à l'heure actuelle, il y a des écarts pour ce qui est de nos prêts commerciaux. Dans les Prairies, nous sommes très présents dans le secteur des prêts commerciaux aux petites entreprises et aux agriculteurs. D'après les derniers chiffres que j'ai vus, nous étions les principaux fournisseurs de prêts de fonctionnement aux agriculteurs dans la province du Manitoba.
Mais nous ne sommes pas aussi présents partout au pays. Nous essayons, je le répète, en nous fondant sur certaines des recommandations que l'on trouve dans ce document, de réexaminer toutes nos activités de gros afin d'essayer d'être plus uniformes d'un océan à l'autre et pour ce faire, il faudra peut-être bien procéder par coentreprises, etc.
Le président: Merci, madame Bennett.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
J'ai déjà été trésorier des United Cooperatives de l'Ontario. Je pense que vous le savez probablement, Bill. Quand je songe à ce qui s'est passé dans cette organisation, dans les dossiers de Albert Plant, Bob Bethune, George May et Gord Cunningham, et à l'évolution de tout cela, cela m'a rappelé les gens avec qui j'ai travaillé. Même les gens de UCO étaient formés dans le moule des coopératives de crédit. Tout cela était amical, nous avions des relations étroites. Nous avions le comité du crédit, dont les membres sont élus à notre assemblée annuelle. Quand je devais renouveler une hypothèque, je savais qu'il resterait de l'argent pour effectuer le roulement, etc. Mais il y avait évidemment certaines choses que la coopérative de crédit ne pouvait pas faire à ce moment-là. Nous ne pouvions pas payer nos factures d'électricité, etc. Bien sûr, il y a eu une certaine évolution.
Essentiellement, une coopérative de crédit est une quasi banque; c'est un créneau dans le secteur bancaire. Ce n'est pas encore une banque à part entière. Par conséquent, le mouvement des caisses populaires a d'excellentes assises dans le monde agricole, et aussi dans les syndicats, les municipalités, les corps policiers, les pompiers—il s'agit quasiment d'activités bancaires de groupe avec une note personnelle, et c'est un modèle intéressant. Évidemment, les grandes banques fonctionnent très différemment.
Le groupe de travail MacKay ne traite pas vraiment en profondeur de ce que vous faites aujourd'hui et de ce que vous êtes disposés à faire. Je pense que vous allez en faire le plus possible, mais je doute que vous vous lanciez dans le financement des grandes entreprises, parce que votre comité local de crédit n'est pas capable de faire cela.
• 2205
Donc, je suis persuadé que pour les caisses populaires le
rapport du Groupe de travail MacKay ne vous pose pas vraiment de
grands problèmes. Mais vos membres continuent de représenter une
forte proportion du grand public qui a besoin de ces autres
services. Ils doivent s'adresser aux compagnies d'assurance-vie et
ils doivent obtenir du crédit-bail automobile. Un grand nombre
d'entre eux sont des courtiers d'assurance. Certaines personnes ici
présentes ce soir ont dit vraiment craindre de devoir cesser leurs
activités et de perdre leur emploi.
Par conséquent, ce que j'aimerais savoir—et je crois clairement comprendre qu'en ce qui concerne les caisses populaires et d'après ce que vos membres nous ont dit il existe sans doute des possibilités de croissance pour votre secteur—c'est comment à votre avis cela sert l'intérêt public? Est-il en fait nécessaire de modifier le secteur des services financiers de manière à l'adapter davantage à l'intérêt public tel que vous l'envisagez? Les recommandations du rapport MacKay renferment-elles certains éléments, plus particulièrement ceux qui autorisent les fusions bancaires, qui à votre avis pourraient présenter un risque?
Vous faites partie de ce secteur et je pense que vous avez probablement certaines opinions à ce sujet.
M. Bill Knight: J'en ai quelques-unes.
Tout d'abord, Paul, avec tout le respect que je vous dois, nous vous fournirons des renseignements plus à jour concernant notre système car je sais que dans certaines régions de l'Ontario, notre histoire provenait de paroisses, ou d'une forme quelconque de caisses populaires—la Caisse populaire IBM qui est maintenant la Caisse populaire GTA—puisque nos caisses populaires sont communautaires. Dans l'Ouest, pratiquement toutes les caisses populaires sont désormais communautaires.
Deuxièmement, nous sommes passés de compagnies d'assurance-vie à des compagnies de fiducie puis à des maisons de courtage à part entière, axées sur la gestion de la richesse, pour pouvoir offrir toute la gamme de services. En ce qui concerne ce marché, notre objectif est maintenant d'assurer l'expansion de ce secteur.
En ce qui concerne l'intérêt public, je pense que le rapport MacKay renferme toute une série de mécanismes de protection qu'il faut examiner sérieusement. En fait, ce sont les mécanismes de révision qui nous intéressent. Il faudra sans doute préciser les conditions qui se rattachent à tout type de fusion, sur le plan du comportement. Mais, la véritable difficulté, c'est que si nous mettons strictement l'accent sur la structure des entités plutôt que sur les services offerts aux consommateurs, je ne suis pas sûr que nous réglerons quoi que ce soit.
Comme je l'ai dit, nous existions lorsqu'il y avait plus de cinq banques, puis il y en a eu cinq qui se sont ensuite lancées dans le courtage. Nous faisons maintenant du courtage malgré tout cela. Elles offrent des services de gestion de la richesse. Les sociétés de fonds mutuels commenceront à ouvrir des succursales bancaires, n'est-ce pas?
Je vous invite simplement à examiner sérieusement la stratégie des nouveaux arrivants sur le marché, décrite ici, pour vous aider à déterminer comment réagir face à ces membres importants de l'industrie qui ont toujours été très puissants. Qu'ils soient cinq ou trois, ils le resteront. En fait, le marché pourrait peut-être avoir un certain impact sur les fusions étant donné la baisse de rendement depuis le printemps, sans compter d'autres facteurs.
M. Paul Szabo: J'aurais une autre brève question à vous poser.
Tout le monde n'a pas l'occasion de vivre au centre-ville de Toronto et de disposer de toutes sortes d'options. Le problème pour les collectivités rurales qui ont par exemple deux banques qui se trouvent à fusionner, c'est que tout à coup elles n'ont plus d'autre option. Dans de tels cas et étant donné que le mouvement des caisses populaires même a un solide fondement et un solide passé agricole, est-il possible que les caisses populaires cherchent à combler ce créneau lorsque l'occasion s'en présentera sur le marché et qu'elles soient en mesure d'offrir ce genre de service?
M. Bill Knight: Je laisserai mon collègue du Cap-Breton répondre d'abord à cette question.
M. Bobby McVeigh: Cela ne fait aucun doute. Comme je l'ai mentionné dans la première partie de mon rapport, il existe plus de 300 collectivités rurales au Canada à l'heure actuelle qui n'ont qu'une seule institution financière. Au fur et à mesure que nous élaborerons une stratégie pour le réseau des coopératives de crédit dans les six à 12 prochains mois, c'est un aspect que nous examinerons.
• 2210
Nous savons effectivement que dans la région atlantique du
Canada et en Ontario il existe des endroits où les consommateurs
n'ont aucun choix ou n'ont peut-être qu'un seul choix maintenant
qu'ils risquent d'ailleurs maintenant de perdre si l'institution
financière ferme ses portes. Je ne parle pas de la fermeture d'une
coopérative de crédit.
Donc, nous reconnaissons que même si nous sommes présents dans 300 collectivités rurales où il n'existe aucune autre institution financière, nous devons également élaborer une stratégie pour desservir les régions qui risquent d'être privées des services plus tard ou qui connaissent une pénurie de services maintenant. Cela fait donc partie de la stratégie de développement à laquelle nous travaillons.
M. Bill Knight: Au Manitoba, dans les collectivités où les banques ont fermé leurs portes avec l'appui de ces mêmes collectivités, les caisses populaires s'y sont installées pour assurer des services. Par conséquent, nous avons déjà eu l'occasion de prendre ce genre de mesure lorsque la collectivité en exprime l'intérêt et lorsque nous pouvons essayer d'y assurer ce genre de services.
Le président: Lorsqu'il y a un vide, il y a généralement toujours quelqu'un pour le combler. N'est-ce pas la façon dont le marché fonctionne habituellement?
M. Bill Knight: Je crois que la technologie qui existe à l'heure actuelle offre toutes sortes de possibilités permettant de combler ce vide: par exemple—et je les en félicite—il existe un arrangement entre BMO et les bureaux de poste dans toute une série de collectivités du Nord. Nous avons des services dans les communautés du Nord qui font partie de provinces. Nous avons envisagé de le faire dans les Territoires du Nord-Ouest et des régions semblables avec l'aide de coopératives de l'Arctique qui ont déjà un système de distribution au niveau du détail.
Le président: Il existe un certain mouvement sur le marché où les gens entrent et sortent. Je n'irais pas jusqu'à parler de main invisible mais il existe un certain mouvement, n'est-ce pas?
M. Bill Knight: Oui, il existe un certain mouvement mais je n'ai pas l'intention de me lancer dans une discussion de la conception de la main invisible.
Le président: Très bien.
Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux invités ici ce soir. Je trouve très intéressant de voir Bill Knight comparaître comme témoin. Certaines personnes ici présente ne savent peut-être pas qu'il a été un parlementaire très distingué de la Saskatchewan dans les années 70 et qu'il a siégé à de nombreuses reprises dans cette même salle de comité où il a posé des questions aux témoins de ce côté-ci de la table.
M. Bill Knight: J'avais seulement trois ans à l'époque.
Des voix: Oh, oh!
M. Lorne Nystrom: J'ai dit dans les années 70, pas dans les années 50.
Je constate que l'une des choses dont vous avez énormément parlé ce soir c'est l'intérêt du consommateur et l'importance de tenir compte du consommateur. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de précisions à ce sujet. Vous semblez énormément insister la-dessus. Vous avez insisté sur cet aspect plus que M. Cleghorn et certains représentants des banques à charte. Êtes-vous un peu plus axés sur le consommateur que M. Cleghorn?
M. Bill Knight: Je pense qu'en raison de la nature de notre structure, notre stratégie est très axée sur les services bancaires sur mesure. C'est pourquoi nous considérons qu'il faut profiter de cette occasion pour accorder la priorité aux consommateurs, examiner la gamme de services, voir qui peut les fournir et comment, et abandonner cette position de protection adoptée par l'industrie, comme elle l'a fait pendant 25 ou 30 ans, ce qui nous inclut. Saisissons donc l'occasion que nous offre ce rapport d'accorder la priorité aux consommateurs.
En fait, je crois que le public aurait mieux réagi aux fusions proposées s'il avait su ce qu'il pouvait en retirer. Et ce que je dis au comité, je l'ai dit aux banques.
M. Lorne Nystrom: Vous avez soulevé la question de la fusion des banques. Lors de mes déplacements un peu partout dans le pays, j'ai eu l'occasion de constater une forte opposition et une grande appréhension concernant la fusion de la part de simples citoyens, par exemple.
Je constate que vous avez été très prudents ce soir dans les commentaires que vous avez faits. J'ai également eu l'occasion de rencontrer certains représentants de vos centrales au Manitoba, en Saskatchewan et en Ontario en mai dernier, et j'ai eu l'impression, d'après ce qu'ils m'ont dit, que les fusions bancaires peuvent offrir aux caisses populaires certains avantages à court terme au fur et à mesure que certaines personnes délaisseront les banques. Je suis au courant de certains cas de ce genre à Regina. Certaines personnes ont déjà quitté les banques pour aller dans une caisse populaire, y compris un journaliste très réputé de la ville de Regina.
• 2215
Par contre, le fait d'avoir moins de participants mais des
participants beaucoup plus puissants sur le marché soulève
certaines préoccupations à long terme. Votre actif est de 45 ou de
47 milliards de dollars. À combien s'élève l'actif de la caisse,
60 milliards de dollars? Comparons cela à l'actif de la mégabanque
Royale/Banque de Montréal et ainsi de suite. Si elles veulent
vraiment mettre le paquet, la situation risque de devenir un peu
plus difficile au bout du compte pour une caisse populaire qui est
beaucoup plus petite.
Donc, nous passons de cinq à trois, et il y a moins de participants sur le marché. C'est l'une des préoccupations que m'ont communiquées certains des membres de caisses populaires lors de mes déplacements un peu partout au pays, monsieur le président. Est-ce que cela reflète bien la situation ou est-ce qu'à certains endroits j'ai rencontré des gens qui sont un peu plus inquiets?
M. Bobby McVeigh: Non, je pense que cela reflète bien la situation. Je pense également que le groupe de travail considère que la protection du consommateur est nécessaire.
Comme je l'ai indiqué, le réseau des coopératives de crédit est en train d'examiner la façon dont nous pouvons le mieux répondre aux besoins de nos propres membres maintenant et de ceux du consommateur au cours des cinq, 10 et 15 prochaines années. Bien entendu, c'est ce que nous faisions bien avant qu'on annonce les fusions bancaires.
Cela dit, nos enquêtes indiquent la même chose. C'est un sujet qui préoccupe véritablement les consommateurs étant donné que près de 50 à 60 p. 100 d'entre eux envisageraient de changer d'institutions financières par suite de ces fusions. De toute évidence, cette préoccupation existe.
Nous ne sommes pas naïfs. Dans l'industrie des services financiers, nous considérons cela aussi comme une occasion. Les occasions que présente le Groupe de travail MacKay, en plus du protectionnisme que nous croyons présent, constituent un défi pour nous pour ce qui est de combler ce créneau ou d'accroître notre marché. Ce sont les aspects que nous voulons examiner dans le cadre de l'élaboration de nos stratégies au cours des six à huit prochains mois.
M. Lorne Nystrom: Je voulais vous poser une question à propos de l'industrie de l'assurance. Plus tôt ce soir nous avons entendu le témoignage de Power Corp., un participant de taille. Power Corp. a exprimé son inquiétude devant la perspective que les banques commencent à offrir des services de crédit-bail automobile. Vous avez mentionné que les caisses populaires offrent déjà ce genre de service. D'ailleurs, en tant que parlementaires, nous commençons à entendre le point de vue de petits courtiers d'assurance d'un peu partout au pays.
J'aimerais savoir comment vous répondez à cette question. Je vous en donnerai un exemple. L'un de mes commettants, un nommé Frank Buck, a un bureau d'assurance à Regina. Il est préoccupé par la possibilité que les banques se mettent à offrir des services de crédit-bail automobile. Si c'est le cas, il est également préoccupé par le fait que les coopératives de crédit se mettent à offrir ce même service. Que répondez-vous à une personne comme Frank Buck, qui a peut-être huit ou neuf employés à Regina? Comment pouvez-vous leur assurer et lui garantir que cela ne lui nuira pas ni ne nuira à son entreprise? C'est simplement pour vous donner un cas réel.
M. Bill Knight: Monsieur le président, étant donné que je le connais depuis des années, je pourrais probablement m'asseoir avec Frank Buck et discuter toute la soirée. Mais je ne crois pas qu'il sera possible de le rassurer, en toute franchise. Comme nous savons que le marché deviendra incroyablement concurrentiel lorsqu'il y aura trois grands participants, notre responsabilité envers nos membres est de tâcher de nous assurer que nous aurons tous les services nécessaires.
Je suis assez convaincu qu'il y a une grande partie des consommateurs qui n'ont pas suffisamment d'assurance et qui ne se tourneraient pas nécessairement vers leur institution de dépôt pour y trouver l'assurance voulue, mais qu'ils préféreraient magasiner avec l'aide de leurs courtiers. C'est particulièrement vrai des produits d'assurance spécialisés et de l'assurance-vie. C'est peut-être tout aussi vrai pour les autres types d'assurance.
Le fait est que collectivement, qu'il s'agisse d'une caisse populaire à Regina ou des agences Frank Buck—je ne devrais sans doute pas l'avouer, mais j'ai déjà acheté de l'assurance dans les agences Frank Buck...
M. Bobby McVeigh: Nous offrons de l'assurance collective.
M. Lorne Nystrom: Monsieur le président, je confesse également avoir souscrit une police d'assurance dans les agences Frank Buck.
M. Bill Knight: C'est bien, déclarez tous vos intérêts.
Le fait est que ce marché et ses canaux de distribution sont appelés à évoluer. Si vous êtes à Estevan, en Saskatchewan, dont la population est de 10 000 âmes, vous pouvez avoir des relations d'affaires et des relations bancaires avec des petites et moyennes entreprises de cette ville en ayant des liens directs avec elles, tout en voulant offrir des marges de crédit d'exploitation. En trois semaines, la Wells Fargo tracera son chemin dans le milieu des affaires de cette ville, en offrant des marges de crédit sur questionnaire. Les informations compilées sur le questionnaire sont ensuite entrées dans une banque de données neuronale, et une fois l'analyse faite, vous obtenez votre marge de crédit si vous répondez aux critères.
• 2220
Nous sommes disposés à relever le défi. Il faudra peut-être
modifier la loi pour ce faire, ce qui me fait dire que nous
ressemblons à Frank, de ce point de vue-là. Inutile de penser
pouvoir retarder l'échéance: il faut plutôt que la politique
publique fasse en sorte que les nouveaux venus soient acceptés dans
notre marché pour le rendre plus concurrentiel.
M. Lorne Nystrom: Une dernière question.
Vous savez sans doute que je fais tout en mon pouvoir pour faciliter la vie des caisses populaires et pour les aider, où qu'elles soient au Canada.
M. Bill Knight: Est-ce parce que nous avons un taux de pénétration de 54 p. 100 en Saskatchewan?
M. Lorne Nystrom: Ce serait sans doute 64 p. 100 dans ma circonscription.
Monsieur Knight, quelle vision projetez-vous de votre secteur dans 10 ans, dans la mesure où notre comité persuaderait le ministre des Finances et le Parlement de mettre en oeuvre les recommandations de M. MacKay eu égard aux coopératives de crédit et à la possibilité qu'elles deviennent des banques au titre de la Loi sur les banques?
Vous avez mentionné la coopérative de crédit VanCity de Vancouver. Qu'est-ce qui attend votre secteur d'ici cinq ou 10 ans?
M. Bobby McVeigh: Nous voulons être une entité qui offre tous les services et réponde aux demandes non seulement de ses membres mais des consommateurs en général, d'un océan à l'autre. Nous voulons être concurrentiels dans le secteur des services financiers, de sorte que si vous entrez dans une caisse populaire à Dominion, au Cap-Breton, ou à Estevan, en Saskatchewan, ou même encore à Vancouver ou dans une caisse populaire du Toronto métropolitain, vous sachiez que vous recevrez partout les mêmes services, qu'il s'agisse d'assurance, de dépôts ou même de fonds mutuels. Nous voulons offrir les mêmes services et les mêmes marques partout au pays. Nous voulons faire en sorte que nous puissions pénétrer le marché de la meilleure façon possible et élargir notre créneau.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Knight, j'ai été très intéressé par le fait que vous ayez été convaincu du changement qui pointe à l'horizon et du fait que le milieu changera énormément d'ici trois, quatre ou cinq ans.
L'un des grands enjeux qui nous sautent aux yeux dans ce débat public... En fait, il existe deux débats. L'un est alimenté par ceux qui, comme vous, sont convaincus que le changement est inéluctable; et l'autre, par ceux qui croient qu'ils peuvent en retarder l'échéance.
Certains témoins essaient de garder toutes les pièces de leur jeu; tous les témoins, par contre, affirment que l'enjeu n'est pas le pouvoir et qu'ils ont tous une vision stimulante de l'avenir, alors qu'en réalité, ils cherchent à protéger leurs intérêts. L'économie leur est favorable actuellement et ils ne voudraient pas que cela change. Je comprends, mais cela ne fait pas avancer le débat, et cela ne permet pas non plus de dessiner notre avenir.
Vous avez suivi le débat en observateur intéressé. Est-ce ce que vous avez constaté vous aussi? Avez-vous constaté que les positions se durcissaient? Étant donné que l'opinion se concentre surtout sur les fusions, ne croyez-vous pas que le débat autour d'une politique publique en souffre?
M. Bill Knight: Oui, la question de fond me semble être la politique publique et sa structure; voilà ce sur quoi vous devez vous pencher.
Je félicite le groupe de travail d'un rapport qui est très lisible. Vous vous imaginez bien que la plupart des rapports sur l'industrie et les services financiers sont du genre soporifique. Or, celui-ci est extrêmement lisible, et ce par une grande gamme de milieux intéressés au Canada. Voilà pourquoi il devrait en ressortir un débat sur la politique publique.
• 2225
Les réformes de 1990 nous promettaient un marché concurrentiel
à plusieurs égards. Personne ne pouvait prévoir exactement vers
quoi se dirigerait le marché, et nous avons vécu une époque où l'on
surmontait les barrières et l'on pouvait empiéter sur le territoire
de n'importe qui en utilisant son capital de base.
Tout était axé sur les industries. À l'époque, la situation reflétait une partie des recommandations de la Commission Estey pour ce qui est du régime de réglementation, et cela a duré plusieurs années. Nous ne pensions pas que ces changements auraient trait à ce dont nous parlons aujourd'hui, et pourtant nous y voilà. Si nous en parlons aujourd'hui, c'est à cause de la technologie et des changements rapides qui s'opèrent dans le marché. Le milieu s'est ouvert grâce à l'ALE, à l'ALENA et à l'OMC. Par conséquent, il est essentiel d'étudier la question du point de vue de la politique publique générale et du point de vue du Canadien, et pas seulement de l'industrie des services financiers, et de l'étudier de façon à dépasser les anciens postulats sur la façon dont les services financiers étaient offerts.
Le président: J'ai remarqué qu'à cause de la discussion qui entoure les deux propositions de fusion, les représentants des banques qui ont comparu semblent disposés à accepter au nom des banques à peu près n'importe quoi qui leur serait proposé. Je me demande si cela fait avancer le débat.
Regardez le rapport MacKay et le grand nombre de règlements qui seront imposés aux institutions financières. Or, entendre les banques nous dire officiellement qu'elles sont d'accord pour accepter tout ce qu'on leur propose, cela me semble... J'ai du mal à comprendre si nous sommes véritablement en train de débattre de la politique gouvernementale ou pas. Si les banques nous jettent de la poudre aux yeux, si elles n'acceptent ces conditions qu'en raison de celles auxquelles elles feront face en cas de fusion, le débat n'ira pas très bien.
M. Bill Knight: À vrai dire, je n'ai pas lu le rapport en détail: toutefois, je remarque là-dessus que le BSIF va s'accaparer une bonne partie de la SADC, pour ce qui est du régime de réglementation. Je n'ai pas très bien compris ce que cela signifiait. Je pense que cela touche les questions de solvabilité.
C'est peut-être hors de propos, mais j'ai trouvé que le rapport n'allait pas très loin dans le régime de réglementation de fond entourant le BSIF et dans son élargissement. Dans le modèle australien et le modèle britannique, on rassemble tous les différents régimes de réglementation en une seule entité. Je ne sais pas si c'est ce que l'on propose ici. Je ne sais pas si le rapport en avait l'intention, mais il me semble qu'il faudrait en discuter plus longuement.
En second lieu, de mon point de vue à moi, il faudrait débattre plus à fond la politique gouvernementale en matière de réglementation. Il me semble que ces règlements qui se chevauchent tous pourraient être plus encombrants qu'un régime solide de réglementation appliqué par le BSIF qui permet de faire certaines choses et en interdit d'autres.
Le président: Une réglementation légère est compatible avec l'esprit d'entreprise, n'est-ce pas?
M. Bill Knight: Oui.
Le président: Je dois vous rappeler, monsieur Knight, que vous avez un avion à prendre à 11 heures. Donc, au nom du comité, je vous remercie beaucoup de votre contribution.
La séance est levée.