FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le vendredi 2 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont là ce matin.
Vous savez que le Comité des finances tient actuellement ses consultations prébudgétaires. Après avoir entendu des Canadiens d'un océan à l'autre, il va présenter au ministre des recommandations sur les priorités et les opinions des Canadiens.
Ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir comme témoins des représentants de l'Association canadienne de la technologie de l'information: M. Gaylen Duncan qui en est le président et chef de la direction et Anthony R.J. Castell qui est vice-président à la fiscalité canadienne chez Nortel. Nous accueillons également M. David Patterson de l'Alliance de l'Association canadienne de technologie de pointe et l'hon. Judith A. Erola de l'Association canadienne de l'industrie du médicament. Enfin, il y a M. Denis Gagnon de la Fondation canadienne pour l'innovation.
Je vous souhaite à tous la bienvenue. Comme ce n'est pas la première fois que vous comparaissez devant le comité, vous savez comment ça marche. Vous avez environ dix minutes pour exposer votre opinion. Ensuite, vous répondrez à nos questions.
Nous allons commencer par M. Gaylen Duncan.
M. Gaylen Duncan (président et chef de la direction, Association canadienne de la technologie de l'information): Merci infiniment, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je tiens à vous remercier de nous avoir permis de vous rencontrer aujourd'hui pour appuyer le rapport que nous vous avons soumis à la fin août sur le budget. Je suis accompagné par M. Tony Castell, le vice-président à la fiscalité canadienne chez Nortel Networks. C'est lui qui préside le groupe de travail que l'ACTI a formé pour produire le mémoire.
Je vais commencer par vous présenter sommairement notre association et notre industrie. Vous savez que l'ACTI et ses associations affiliées dans chacune des provinces représentent quelque 1 300 entreprises de tout le Canada dans les secteurs de l'informatique, des télécommunications, du matériel, du logiciel, des services et des nouveaux médias. Nos membres, qui vont des plus grandes sociétés bien connues de l'industrie jusqu'aux petites entreprises des plus dynamiques, représentent plus de 80 p. 100 de tout le secteur canadien de la technologie de l'information et des communications. En tout, notre secteur emploie directement quelque 420 000 Canadiens, produit quelque 70 milliards de dollars de revenus, dépense annuellement trois milliards de dollars en R-D et totalise 21 milliards de dollars d'exportations. Bien entendu, ces chiffres ne tiennent absolument pas compte de tous ceux qui travaillent en technologie de l'information dans presque tous les autres segments de l'économie. Il n'y a pas de données validées par Statistique Canada, mais on dit qu'ils sont approximativement 400 000.
Le secteur de la technologie de l'information et des communications est un puissant créateur d'emplois nets. Selon une étude du Conference Board du Canada effectuée l'an dernier, les secteurs qui ont investi le plus dans la technologie de l'information ont créé 850 000 emplois entre 1986 et 1995, tandis que ceux n'ayant rien investi ou si peu dans le domaine ont perdu 146 000 emplois pendant la même période. De telles données nous ont convaincus que c'était une industrie tout à fait capitale pour assurer la prospérité économique du Canada. On peut dire sans se vanter que nous représentons l'avenir du Canada.
• 0905
Je suis content de dire aussi que le gouvernement fédéral a
fait beaucoup pour reconnaître l'importance stratégique de notre
secteur pour l'économie canadienne en se dotant d'un programme bien
étoffé et très ambitieux pour brancher le pays. Nous nous
réjouissons de poursuivre notre collaboration avec le gouvernement
afin de l'aider à atteindre ses objectifs au profit de tous les
Canadiens et de faire du Canada un chef de file mondial dans
l'économie fondée sur la matière grise. Donc, au moment où je vous
présente mes remarques ce matin, la conjoncture est très favorable.
Commençons sur une note positive en félicitant le gouvernement d'avoir réussi à mettre de l'ordre dans les finances de l'État. L'un des défis consiste maintenant à décider quel est le meilleur usage que l'on puisse faire du dividende budgétaire quel que soit son montant. Pour que le Canada conserve sa compétitivité, il faut se concentrer sur deux priorités: premièrement, réduire le fardeau fiscal global, c'est-à-dire l'impôt des particuliers, celui des sociétés et les taxes à la consommation; deuxièmement, il faut lancer une attaque pluriannuelle en règle pour se défaire de ce boulet qu'est notre dette nationale dont les intérêts constituent une dépense stérile.
Notre mémoire traite d'autres questions, depuis des mesures pour régler les difficultés de financement des PME de la technologie de l'information jusqu'au bogue de l'an 2000 en passant par les problèmes que pose le crédit d'impôt RS&DE. Je serais très heureux de discuter de toutes ces questions avec vous aujourd'hui ou à tout autre moment mais, faute de temps, je vais m'en tenir pour l'heure à nos grandes priorités.
Le Canada a durement gagné sa réputation d'endroit intéressant pour faire carrière et tout aussi intéressant pour investir, mais cette réputation est en péril. Nos taux d'imposition ne sont pas compétitifs. Un rapport de l'Institut C.D. Howe qui a paru cette année illustre l'écart entre les taux d'imposition au Canada et ceux pratiqués aux États-Unis. Par exemple, les recettes fiscales du Canada représentent 37 p. 100 de son PIB tandis qu'aux États-Unis, cette proportion est de 29 p. 100. Le taux marginal maximal de l'impôt personnel au Canada dépasse 50 p. 100. Aux États-Unis, il est de 43 p. 100. Ce taux s'applique au Canada à partir de 63 000 $. Aux États-Unis, ce seuil est supérieur à 375 000 $CAN. Les intérêts d'une hypothèque résidentielle, l'immobilier résidentiel et l'impôt étatique sont tous déductibles aux États-Unis, mais pas au Canada. Le taux d'imposition des gains en capital est plus élevé au Canada où il tourne autour de 37 p. 100, alors qu'aux États-Unis, il tourne autour de 32 p. 100. L'épargne-retraite exonérée d'impôt est sensiblement inférieure au Canada.
Il importe de préciser que les résidents canadiens ont certains avantages. Nos frais d'investissement sont déductibles. La plus-value de notre résidence principale n'est pas imposable. Le Canada accorde des crédits d'impôt pour les dividendes des entreprises canadiennes et son taux d'imposition maximal réel des dividendes est inférieur. Le plafond des cotisations salariales au RPC est nettement plus bas que les retenues pour la sécurité sociale aux États-Unis. De plus, les Canadiens bénéficient de services médicaux complets financés par l'État, d'une prestation fiscale pour enfants et d'un régime de pension de vieillesse universel.
Il y a aussi certains aspects de la qualité de la vie qui jouent en faveur du Canada, mais les chiffres prouvent noir sur blanc que, du point de vue fiscal, les États-Unis ont l'avantage, surtout pour les jeunes propriétaires mariés qui ont des revenus élevés, pour les entrepreneurs et pour les spécialistes. Ce sont eux les travailleurs les plus mobiles dans une économie de matière grise et ce sont eux qui composent l'actif de l'industrie de matière grise, pas les biens immobiliers.
La matière première des industries de matière grise, c'est la propriété intellectuelle, les idées de ceux qui y travaillent. Les entreprises et ceux qu'elles emploient sont faciles à déplacer n'importe où au pays comme n'importe où dans le monde. Si nous n'améliorons pas la compétitivité de la fiscalité des particuliers, les diplômés compétents à la recherche d'emplois mieux rémunérés vont continuer de quitter le Canada.
De même, le régime fiscal des sociétés décourage les entreprises d'investir chez nous. Entre 1985 et 1996, l'investissement étranger direct au Canada a plus que doublé pour atteindre 129 milliards de dollars U.S. par année. N'oubliez pas que chaque milliard de dollars crée 45 000 emplois et augmente le PIB réel d'environ 4,5 milliards de dollars en cinq ans. Ça, c'est la bonne nouvelle. Par contre, le taux de croissance annuel de l'investissement ralentit et la part de l'investissement étranger que détient le Canada dans le monde a chuté à 4 p. 100. alors qu'elle était de près de 9 p. 100. Nous avons perdu plus de la moitié de notre part mondiale.
• 0910
On ne peut plus se contenter de viser les taux d'imposition
des États-Unis et des autres pays du G7. Pour avoir l'espoir
d'obtenir de grandes sommes des investisseurs internationaux,
surtout dans notre secteur, il faut réaliser que nous sommes en
concurrence avec des économies agressives comme l'Inde, l'Irlande,
la Malaysia et Singapour où le fardeau fiscal global est
considérablement plus léger et où de généreux incitatifs à
l'investissement s'obtiennent facilement. Par exemple, en juillet,
l'Inde a modifié sa définition de logiciel pour y inclure la
transmission de données se rapportant à la technologie de
l'information, pour accorder ainsi à l'industrie des services
informatiques une déduction de 100 p. 100 sur ses revenus
d'exportation. En Irlande, selon le Report on Business Magazine,
1 050 entreprises extraterritoriales bénéficient d'un modeste taux
d'imposition des sociétés de 10 p. 100, garanti jusqu'en 2010, et
d'une généreuse gamme de subventions d'équipement offertes par
l'État, en particulier pour la R-D.
C'est dans ce contexte que l'ACTI prie le gouvernement fédéral de faire un certain nombre de choses. Tout d'abord, il est primordial qu'il respecte son engagement de consacrer la moitié du surplus budgétaire à la réduction de l'impôt et de la dette nationale. Pour assurer l'avenir du Canada, il faut une main-d'oeuvre très instruite et compétitive, surtout dans les domaines technique et scientifique, pour répondre à la demande d'une société de l'information.
Nous encourageons donc le gouvernement à accorder un dégrèvement fiscal à ceux qui s'efforcent de se recycler en vue d'une économie de matière grise. Par exemple, le gouvernement devrait envisager un allégement fiscal, que ce soit sous forme de crédit d'impôt ou de déduction intégrale, pour tous les frais d'instruction—livres, déplacements, etc.—et pas seulement pour les frais de scolarité.
Le gouvernement devrait envisager d'accorder un certain dégrèvement pour l'investissement des particuliers dans des produits et services de technologie de l'information. Ce dégrèvement pourrait avoir l'une ou l'autre des formes suivantes: crédit d'impôt pour les achats de technologie de l'information par les familles où il y a des étudiants; amortissement déductible du revenu d'emploi; exemption de la TPS; ou déductions d'impôt. Ces mesures permettraient aux jeunes Canadiens d'enrichir leurs connaissances en technologie de l'information et donc d'accroître à long terme la compétitivité des Canadiens. Elles abaisseraient les obstacles que doivent surmonter les gens à faible revenu, les démunis potentiels de l'économie de matière grise, par la stimulation de l'industrie canadienne de la technologie de l'information, l'accroissement des recettes fiscales tirées des profits des entreprises et l'élargissement du champ de la concurrence dans les marchés mondiaux.
Comme autres initiatives possibles, il y un moyen non imposable de rembourser les nouveaux diplômés qui ont accumulé d'importants prêts étudiants, ou des incitatifs visant les subventions des entreprises aux établissements d'enseignement, non seulement pour la recherche, ce qui est déjà prévu dans le régime fiscal, mais aussi pour les dons aux facultés de génie, d'informatique et autres.
Pour rendre le fardeau fiscal des sociétés plus compétitif, le gouvernement a le choix entre plusieurs voies pour arriver à un régime fiscal équitable et plus efficace. Il peut simplement abaisser le taux d'imposition des sociétés ou encore autoriser à une entreprise d'un groupe de sociétés de déduire les pertes d'une autre entreprise du groupe pour réduire le taux d'imposition global.
Nous croyons également que les retenues d'impôt dépassées sur les intérêts, les dividendes et les redevances des non-résidents constituent une puissante mesure dissuasive qui empêche le Canada d'obtenir sa part des investissements et de la technologie.
Globalement, il faudrait privilégier des initiatives novatrices pour stimuler l'économie, que ce soit en modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu en vue d'encourager les régimes d'actionnariat des employés, ou en procédant à la réforme du programme de la recherche scientifique et du développement expérimental qui se fait attendre depuis longtemps.
Entre autres stratégies prospectives, il y a l'exonération temporaire d'impôt pour les jeunes entreprises dans des secteurs naissants comme les nouveaux médias, et nous prévoyons la création d'un régime fiscal du cybercommerce—que les ministres Manley et Dhaliwal devraient annoncer la semaine prochaine—qui permettra à cette nouvelle force commerciale de prospérer.
Comme je l'ai dit au départ, le but c'est d'utiliser au mieux les recettes fiscales pour stimuler un secteur industriel qui touche tous les segments de la société et qui est le moteur de l'économie de matière grise. Le monde moderne étant tributaire de la technologie de l'information, elle constitue le meilleur espoir pour permettre au Canada de conserver sa compétitivité et, ce faisant, de fournir à tous les Canadiens la possibilité de trouver un emploi durable et intéressant.
La semaine dernière, l'ACTI a eu le privilège d'accueillir le premier ministre Jean Chrétien à un forum SoftWorld '98 à St. John's, Terre-Neuve. Il a dévoilé sa stratégie de cybercommerce «Les sept premières» et j'ai le bonheur de vous dire que cette stratégie reflète la plupart des propos que l'industrie a tenus au gouvernement au cours des 18 derniers mois.
• 0915
Le premier ministre a dit que le programme Un Canada branché
visait le leadership mondial:
-
Il vise à faire du Canada un pôle d'attraction naturel pour les
investissements et les activités de R-D. Il vise à faire en sorte
que toutes les voies de l'inforoute mènent au Canada.
Un pôle d'attraction? On ne saurait mieux dire et on est convaincu que ça arrivera dans la mesure où on continuera de canaliser le travail ardu, l'innovation et la volonté collective dont on a besoin. La preuve que le pôle d'attraction n'existe pas encore, ce sont les investissements directs étrangers que nous perdons—les voix financières du secteur privé. Quel parti politique crierait victoire après avoir perdu 50 p. 100 du vote populaire?
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Duncan.
Nous allons maintenant entendre M. David Patterson, de l'Alliance de l'Association canadienne de technologie de pointe. Soyez le bienvenu.
M. David Patterson (Alliance de l'Association canadienne de technologie de pointe): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs.
L'Association canadienne de technologie de pointe compte plus de 1 000 entreprises de haute technologie parmi ses membres. Ces entreprises se trouvent surtout dans le secteur de la technologie de l'information et des communications, mais nous avons aussi un nombre significatif de représentants de l'aérospatiale, de la biotechnologie et du secteur des instruments médicaux. Les membres sont répartis sur tout le territoire du Canada, d'un océan à l'autre. Tout comme l'association de mon cher ami, M. Duncan, nos membres vont des plus grandes sociétés jusqu'aux plus petites, y compris un nouveau secteur que nous sommes en train de cultiver, celui des micro-entreprises et des entreprises à domicile. Lors de notre congrès de juin, nous avons sondé nos membres pour connaître leurs principaux enjeux pour l'année prochaine. J'en ai annexé la liste qui couvre un très large éventail de sujets.
En ce qui concerne les consultations prébudgétaires, c'est la question de l'impôt des particuliers qui retient surtout l'attention. Il est de notoriété publique que les taux d'imposition sont sensiblement plus élevés au Canada que chez notre voisin au Sud. Étant donné la fourchette des taux d'imposition mêmes et toute la gamme des autres mesures fiscales américaines, comme la déduction des intérêts hypothécaires domiciliaires, le revenu après impôt aux États-Unis est considérablement plus élevé qu'au Canada, à revenus comparables. C'est un net handicap pour les entreprises de matière grise, les industries de la nouvelle économie. Dans cette industrie, le capital n'est pas monétaire mais humain. Or, nous savons tous que le capital humain est extraordinairement mobile.
Il y a eu des discussions et des différends sur la question de savoir si, du point de vue statistique, il y avait ou non exode des cerveaux, puisque selon certaines sources, les statistiques n'indiquent pas qu'il y a une émigration remarquable des talents du Canada. Cependant, un article paru dans le Globe and Mail de lundi m'a vivement intéressé. On y faisait remarquer que les prévisions démographiques de Statistique Canada ont une marge d'erreur de 250 000 parce que le ministère admet que personne ne suit l'émigration. Donc, en réalité, on ignore s'il y a exode des cerveaux ou pas.
Toutes les industries représentées par l'Alliance de l'ACTP ont le vif sentiment qu'il y a un important exode des cerveaux. Maintes entreprises peuvent donner des exemples d'employés précieux, très souvent parmi les meilleurs, qui sont partis parce qu'ils avaient reçu des offres alléchantes des États-Unis. La rémunération est un facteur. Dans certains cas, les sociétés américaines sont en mesure d'offrir un salaire plus élevé, mais les impôts pèsent aussi assez lourd dans la balance. Non seulement on gagne plus, mais on garde un pourcentage plus élevé de l'argent reçu pour son labeur.
Il est vrai que le surplus budgétaire n'est pas infini, mais nous croyons que les pressions sur le gouvernement sont fortes pour qu'il le répartisse entre une foule de domaines. La première chose à faire, c'est de focaliser sur la réduction des taux de l'impôt personnel, surtout pour les revenus les plus élevés qui assument une part bien plus grande des hausses d'impôt.
• 0920
L'autre principal intérêt de nos membres, pour ce qui est des
consultations budgétaires, c'est la R-D. Nos membres effectuent
énormément de R-D. Il n'y a pas une seule entreprise dans notre
association qui ne fasse de la R-D au Canada ou qui ne consacre un
pourcentage élevé de ses ressources à l'exécution de R-D. Nos
membres prient donc le gouvernement de penser à la R-D quand il
établira son budget.
On a déjà soulevé la question des crédits d'impôt à la RS&DE. Ces crédits sont très problématiques depuis deux ans. On met actuellement beaucoup d'énergie dans la résolution des problèmes, surtout en ce qui a trait à la R-D pour les logiciels. Nous félicitons Revenu Canada pour le travail réalisé jusqu'à présent et nous le prions instamment de poursuivre dans cette voie afin de régler les problèmes qui ont surgi dans le programme et de permettre aux entreprises canadiennes de poursuivre leurs recherches au Canada dans toute la mesure du possible.
Je ne vais pas énumérer toute la liste des préoccupations de nos membres, puisque je vous en ai fourni une copie. Le premier point à l'ordre du jour d'après les membres, c'est la question des relations humaines, notamment former le plus de ressources humaines possible au Canada même, retenir toutes celles formées ici et attirer des ressources humaines de l'étranger.
Nous avons encouragé la prise de plusieurs mesures dans le réseau de l'éducation. Le gouvernement de l'Ontario a entrepris de doubler le nombre d'étudiants dans certains programmes comme nous le lui avions recommandé. Le gouvernement du Québec a commencé à s'intéresser à un projet semblable. Donc, on est en train de prendre des mesures dans le système d'éducation pour répondre à la demande pour des travailleurs instruits et hautement spécialisés qui possèdent déjà la formation de base nécessaire pour entreprendre une carrière dans une dimension ou l'autre de la nouvelle économie de matière grise.
Cela nous ramène évidemment à notre première recommandation en vue du budget de cette année, c'est-à-dire réduire l'impôt personnel.
Si vous avez des questions, j'y répondrai avec plaisir si elles concernent les sujets abordés par nos membres.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Patterson.
Nous allons maintenant entendre l'honorable Judith Erola de l'Association canadienne de l'industrie du médicament. Soyez la bienvenue.
L'honorable Judith A. Erola (présidente, Association canadienne de l'industrie du médicament): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Avant d'aborder le vif de nos préoccupations, je voudrais faire écho à certains des propos des interlocuteurs qui m'ont précédée, notamment en ce qui concerne la capacité de retenir les employés au Canada et celle d'attirer des travailleurs. Nous les formons, nous les faisons progresser dans leur carrière, puis ils s'en vont.
Dernièrement, à une réunion d'un conseil d'administration, j'ai constaté que tous les administrateurs présents avaient au moins un enfant sinon plusieurs qui travaillaient en ce moment aux États-Unis—tous étaient Canadiens—et on le déplorait tous. Il faut admettre maintenant que le Canada perd effectivement la crème de ses travailleurs.
Je représente l'industrie pharmaceutique innovatrice qui se compose de quelque 64 entreprises employant environ 18 000 travailleurs au Canada. Vous avez tous un exemplaire de notre mémoire. Mes remarques vont porter sur certains sujets très précis, notamment la RS&DE, le crédit d'impôt pour activités de recherche scientifique et de développement expérimental. Je vais aussi effleurer certaines autres questions qui nous inquiètent au Canada et qui se rapportent à la compétitivité du système réglementaire d'approbation des médicaments, sans doute le plus lent du monde industrialisé.
Je dois dire que, l'an dernier, la politique de recouvrement des coûts a coûté 28 millions de dollars à l'industrie qui a appris au bout de l'année qu'environ 11 millions de dollars avaient été versés au Trésor public, sans servir le moins du monde à doter le système d'approbation, des ressources nécessaires pour le rendre compétitif.
• 0925
Nous sommes aussi inquiets du fait que la période de
protection des brevets au Canada n'est pas concurrentielle. Il y a
aussi, histoire de mettre la question sur le tapis, le problème de
l'accès au marché qui est restreint par les règlements du Conseil
d'examen du prix des médicaments brevetés et par ceux des
gouvernements provinciaux.
La recherche nous intéresse tout particulièrement, puisque l'industrie pharmaceutique innovatrice joue un rôle des plus importants dans l'ensemble de la recherche sur les services de santé au Canada. Au pays, on a dépensé presque deux milliards de dollars pour la recherche dans ce domaine en 1997 et l'industrie pharmaceutique a réalisé 42 p. 100 de cette recherche. Bien que l'industrie représente actuellement moins de 2 p. 100 du total des ventes et des emplois dans le secteur manufacturier de l'économie canadienne, elle effectue plus de 10 p. 100 de toute la R-D réalisée. Voilà pour les bonnes nouvelles.
Même si l'on dit souvent que le Canada a l'un des crédits d'impôt les plus généreux du monde industrialisé pour l'investissement dans la R-D, il y a plusieurs obstacles particuliers à notre industrie—quoique, en conversant avec l'ACTP et quelques entreprises, j'ai appris que c'était un problème courant pour leur secteur aussi—qui font perdre au Canada un peu de l'attrait qu'il devrait avoir pour les investisseurs.
Les politiques, règlements, lignes directrices et pratiques actuels de Revenu Canada créent aussi un milieu décourageant, mais je veux faire écho à ce qu'on a dit tantôt sur le ministre actuel de Revenu Canada et ses fonctionnaires qui s'efforcent de corriger la situation en dépit des contraintes. Je pense que le ministre des Finances doit admettre que les problèmes ne se bornent pas à des difficultés d'interprétation de la part de Revenu Canada.
À cause des vérifications effectuées de nos jours, les entreprises, y compris des multinationales, qui se sont prévalues du crédit d'impôt pour justifier des mandats de recherche et des investissements dans la RS&DE de haute technologie risquée au Canada, hésitent maintenant et songent à les poursuivre à l'étranger. Il est urgent d'apporter des correctifs.
Par exemple, les essais cliniques menés au Canada sont des expériences répétées dans le cadre de protocoles conçus avec la participation du service canadien de R-D. En outre, les expériences canadiennes sont dirigées depuis le Canada. Par conséquent, nous recommandons que Revenu Canada révise ses lignes directrices interprétatives en vue de permettre clairement que les essais cliniques effectués en partie au Canada soient admissibles aux fins des crédits d'impôt pour la RS&DE. En ce moment, ils ne le sont pas.
Les essais cliniques de phase IV sont souvent proposés et conçus par des médecins qui sont professeurs ou chercheurs. Le financement de ces projets de recherche est capital pour conserver et accroître notre potentiel de recherche médicale. En général, les études cliniques servent surtout à renseigner sur des états pathologiques et les pratiques courantes; elles sont cruciales pour les services médicaux au Canada. En conséquence, nous croyons aussi que Revenu Canada devrait réviser ses lignes directrices interprétatives afin de reconnaître sans équivoque l'admissibilité des essais cliniques de phase IV aux fins des crédits d'impôt pour la RS&DE.
Nous rappelons aussi certaines préoccupations soulevées tout à l'heure. Très souvent, l'argent versé pour les chaires, les études et les universités est considéré comme un don philanthropique et non comme une dépense de recherche à part entière. Nous croyons que c'est un malentendu. Nous travaillons très étroitement avec le Conseil de recherches médicales pour l'évaluation par des pairs et c'est ainsi qu'on arrive à faire admettre certaines dépenses, mais c'est une façon plutôt détournée de procéder.
Grâce à la recherche fondamentale effectuée au Canada, plusieurs entreprises membres de l'ACIM ont découvert de nouvelles molécules qu'elles ont l'intention de mettre au point en vue de leur commercialisation. Les entreprises doivent formuler, développer et emballer le matériel destiné aux divers centres d'essais cliniques situés au Canada et à l'étranger. Revenu Canada n'accepte pas comme dépenses admissibles pour le crédit d'impôt, les frais de préparation au Canada des fournitures pour les essais cliniques qui auront lieu à l'étranger.
De plus, Revenu Canada a prétendu que le développement et la préparation des fournitures destinées aux essais cliniques ne constituaient pas de la R-D, ce qui est une interprétation très bizarre à mon avis.
Au sujet de la définition de RS&DE, je serais très contente de déposer une étude qui vient d'être effectuée au Canada et qui étaye nettement notre prétention que la Loi canadienne de l'impôt sur le revenu se sert du concept d'invention, d'extension de la science et des technologies, pour définir ainsi la recherche scientifique et le développement expérimental:
-
Investigation ou recherche systématique d'ordre scientifique ou
technologique, effectuée par voie d'expérimentation ou d'analyse.
Les travaux de développement s'entendent de l'utilisation des
résultats de la recherche pure ou appliquée en vue de la création
ou de l'amélioration de nouveaux matériaux, dispositifs, produits
ou procédés.
Voilà pour la définition canadienne.
• 0930
Par contre, la définition utilisée par l'Organisation de
coopération et de développement économiques, l'OCDE, ne se limite
pas aux sciences ou au génie. Elle comprend la recherche dans les
sciences sociales et, ce qui est particulièrement important pour
nous, les Canadiens, notamment dans le domaine médical. Le concept
de l'OCDE s'énonce comme suit:
-
La R-D expérimentale consiste en un travail créateur entrepris
systématiquement en vue de grossir la masse des connaissances,
notamment celles sur l'être humain, la culture et la société, ainsi
qu'en l'utilisation de cette masse de connaissances pour trouver de
nouvelles applications. Le terme R-D englobe trois activités: la
recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement
expérimental.
L'étendue de la définition faite par l'OCDE permet manifestement de l'appliquer à un plus grand nombre de dépenses précises de R-D, puisqu'elle vise l'innovation au sens large plutôt que l'invention.
En conséquence, l'ACIM recommande que la définition des activités de R-D de la Loi de l'impôt sur le revenu soit révisée pour qu'elle reflète les nouvelles réalités non seulement de la recherche pharmaceutique mais aussi de la recherche médicale au sens large. Ainsi, elle sera conforme à la définition de l'OCDE. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Le président: Merci beaucoup, madame Erola.
Nous allons maintenant entendre M. Denis Gagnon de la Fondation canadienne pour l'innovation. Je vous souhaite la bienvenue.
[Français]
M. Denis Gagnon (vice-président principal, Fondation canadienne pour l'innovation): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de me retrouver devant vous encore une fois pour vous présenter la position de la Fondation canadienne pour l'innovation. Je remplace notre président, M. David Strangway, qui ne pouvait pas être présent ici ce matin.
À la demande du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, la Fondation canadienne pour l'innovation se fait un plaisir de présenter ses recommandations en vue de l'élaboration du budget fédéral pour l'exercice 1999-2000.
Tout comme celles de la plupart des groupes et des organismes qui entendent faire des présentations au comité, les recommandations de la fondation seront axées sur deux thèmes principaux: la qualité de vie des Canadiens et Canadiennes et la croissance économique durable de notre pays.
En règle générale, les Canadiens et Canadiennes sont d'accord sur la priorité donnée par le gouvernement aux sciences et à la technologie. Non seulement sont-ils fiers des réalisations de nos chercheurs, mais ils les consultent souvent pour trouver des réponses à des questions fondamentales qui touchent notre société. Dans un sondage rendu public plus tôt cette année, les Canadiens ont fait savoir qu'ils comptaient les chercheurs parmi les membres de la société les plus dignes de foi. D'une part, ces résultats sont intéressants pour ce qu'ils révèlent sur les perceptions sociales. D'autre part, ils font ressortir les préoccupations des Canadiens et Canadiennes face à des questions concrètes: leur santé, l'environnement et leur qualité de vie. Ainsi, les consultations menant à la préparation du prochain budget nous donnent une occasion inespérée de tenir une réflexion sur les sciences, le développement technologique et l'innovation comme valeurs fondamentales pour l'émergence d'une société innovatrice au Canada.
[Traduction]
La grande priorité du gouvernement fédéral doit être, sans contredit, la reconnaissance de l'importance de la recherche scientifique et du développement technologique comme moteurs de la nouvelle économie. Les milieux de recherche canadiens sont la ressource la plus précieuse dont nous disposons pour être davantage compétitifs à l'échelle mondiale, pour préparer plus de jeunes Canadiens et Canadiennes à entreprendre des carrières en recherche ou dans des secteurs axés sur l'innovation, et pour transférer le savoir et la technologie vers le secteur privé qui constitue la plus grande source d'emplois au Canada.
Recommandation numéro 1: Le développement socio-économique du Canada est directement lié à sa capacité d'innover et d'utiliser les sciences et la technologie pour appuyer la croissance économique et assurer ainsi le bien-être des Canadiens et Canadiennes. Par conséquent, nous recommandons que le prochain budget du gouvernement fédéral accorde aux sciences et à la technologie la plus grande priorité dans une stratégie visant à favoriser le développement socio-économique durable pour le nouveau millénaire.
• 0935
Avec son mandat spécifique de l'infrastructure de recherche,
la Fondation a été conçue de façon à compléter la mission des
conseils subventionnaires fédéraux qui appuient un vaste éventail
d'activités—de la recherche fondamentale à la recherche appliquée
en partenariat avec le secteur privé—et à devenir un maillon
indispensable dans la chaîne de l'innovation au Canada. Cette
chaîne de l'innovation est ancrée à l'investissement d'organismes
comme la Fondation et les conseils subventionnaires fédéraux, qui
permettent d'assurer un milieu propice au développement de la
recherche universitaire. Grâce à cet investissement soutenu, les
découvertes et progrès réalisés dans tous les domaines et
disciplines mènent à la création de partenariats solides avec le
secteur privé, et entraînent souvent la mise sur pied de sociétés
d'essaimage qui créent des milliers d'emplois non seulement de
nature hautement qualifiée, mais aussi dans les domaines techniques
et administratifs et dans les services.
C'est d'ailleurs grâce à des partenariats de ce genre que l'industrie canadienne de la biotechnologie a vu le jour et que notre secteur des télécommunications et de la technologie de l'information s'est acquis une réputation mondiale pour son ingéniosité et son excellence.
Dans son budget de 1998-1999, le gouvernement fédéral avait décidé d'accroître le niveau du financement accordé aux conseils subventionnaires de recherche. Par cette décision, il montrait clairement l'importance qu'il accorde à la communauté canadienne de recherche. Cette décision constituait également une indication de l'importance d'appuyer adéquatement l'expansion de la recherche scientifique et du développement technologique au Canada.
Malgré les investissements du gouvernement dans la Fondation et les conseils subventionnaires fédéraux, il n'en demeure pas moins que la capacité de recherche du Canada accuse du retard depuis quelques années. Par exemple, l'augmentation du budget des conseils subventionnaires ne compense que partiellement les compressions qui se sont succédé depuis les années 80. Bien qu'importante, l'augmentation annoncée dans le budget de 1998-1999 ramène les budgets des conseils subventionnaires à peine aux niveaux de 1995, sans tenir compte des compressions précédentes ou de l'inflation. Comparativement à d'autres pays industrialisés, le Canada continue d'investir trop peu dans les sciences et la technologie.
La Fondation vient non seulement amplifier la capacité de recherche novatrice et productive un peu partout au Canada, mais elle offre aussi aux chercheurs les outils nécessaires pour mettre en valeur et développer pleinement leurs talents et leur créativité. Mais il ne s'agit là que d'une première étape. En exécutant son mandat, la Fondation aura non seulement pour effet de multiplier les occasions et les possibilités offertes au monde de la recherche au Canada, elle aura également pour effet d'accroître le besoin de fonds de recherche pour le soutien opérationnel, le personnel et les stagiaires, afin de profiter pleinement de ces nouvelles occasions.
Recommandation numéro 2: Étant donné le besoin urgent d'accroître l'investissement canadien dans tous les domaines des sciences et de la technologie, de la santé et du génie jusqu'aux sciences sociales et à l'environnement, et d'aider le monde canadien de la recherche à profiter pleinement des occasions qui résulteront de l'investissement de la Fondation dans l'acquisition de nouvelles infrastructures de recherche, nous recommandons que le gouvernement fédéral augmente le budget de base des conseils subventionnaires de la recherche universitaire, afin de les porter à des niveaux comparables à ceux d'autres pays du G7.
[Français]
Les fondements de l'infrastructure de recherche sont l'équipement, les facilités techniques et les installations nécessaires pour entreprendre un programme de recherche scientifique et développer des technologies de pointe. En investissant dans des projets d'infrastructure, la fondation et ses partenaires permettront aux chercheurs des établissements canadiens de mener de la recherche de pointe et de lancer des programmes qu'il serait impossible de réaliser autrement.
En l'absence d'une infrastructure convenable, les programmes et activités des chercheurs canadiens fonctionnent au ralenti. Si la communauté canadienne de recherche est sous-équipée ou mal équipée, les Canadiens vont accuser du retard par rapport à d'autres pays qui accordent beaucoup plus d'importance aux sciences et à la technologie. Ils courent également le risque de rater les occasions offertes par l'économie du savoir.
Les établissements de recherche font déjà un lien entre l'infrastructure et leur capacité de mener de la recherche innovatrice et d'offrir un milieu concurrentiel pour la formation des chercheurs canadiens. La qualité de l'infrastructure de nos établissements est directement liée à la capacité du Canada de bâtir une société véritablement novatrice. Nos établissements de recherche ont absolument besoin de nouvelles infrastructures pour appuyer leur propre développement stratégique.
[Traduction]
Au printemps 1998, la Fondation tenait son premier concours de financement. Près de 800 projets d'infrastructure de recherche ont été présentés par des établissements canadiens; ils totalisaient un peu moins de trois milliards de dollars dont la part de la Fondation s'élèverait à environ 1,2 milliard de dollars. La réaction des établissements canadiens de recherche a largement dépassé toutes les prévisions. C'est une indication claire de la gravité du problème au Canada.
Recommandation numéro 3: La Fondation est fortement préoccupée par l'extraordinaire besoin d'infrastructure manifesté par les établissements de recherche canadiens. Étant donné l'importance d'assurer un milieu concurrentiel pour la recherche et de former les jeunes Canadiens en prévision de carrières en recherche et dans d'autres secteurs axés sur l'innovation, nous recommandons au gouvernement fédéral de rechercher des moyens visant à continuer de répondre au besoin d'infrastructure matérielle, dans les établissements canadiens, au-delà de la durée de la Fondation qui est de cinq ans.
Dans le monde des affaires et de la finance, il n'existe pas de frontières. Il n'y a rien de plus fluide et de plus mobile que les capitaux. L'argent va là où les conditions sont les plus avantageuses. Dans le contexte de l'économie du savoir, les cerveaux sont devenus le nouveau capital. En effet, ils voyagent rapidement et ont cette propension à reconnaître ceux et celles qui partagent les mêmes intérêts scientifiques et économiques. Si nos chercheurs ne trouvent pas dans leur propre environnement les conditions ou les ressources nécessaires pour se réaliser sur le plan tant personnel que professionnel, ils se dirigeront inévitablement vers d'autres milieux plus propices. Il s'agit là de la réalité qui confronte à la fois les chercheurs et les établissements de recherche. Et dans le contexte de l'économie du savoir, c'est pour le Canada une réalité inéluctable.
Il est indéniable que nous devions faire encore plus d'effort pour attirer davantage de jeunes Canadiens et Canadiennes vers des carrières en recherche et dans les secteurs axés sur l'innovation. Les établissements de recherche et les organismes subventionnaires, dont la Fondation, contribuent à promouvoir ces choix de carrière pour les jeunes Canadiens. Cependant, le plus grand obstacle qui s'érige devant eux vient des salaires et des possibilités de carrière qui, au Canada, ne sont tout simplement pas compétitifs. Nous devons trouver une solution à un problème; nous devons trouver une façon de conserver notre bassin de talents au Canada. Si nous n'apportons aucune modification aux circonstances personnelles des chercheurs, nous allons devoir nous contenter de voir partir les plus brillants parce que nos compagnies, nos universités, nos hôpitaux et autres établissements de recherche ne peuvent leur offrir un environnement compétitif. Si nous ne savons pas conserver ce qu'il y a de mieux au Canada, comment allons-nous faire pour y attirer ce qu'il y a de mieux?
La Fondation peut contribuer grandement à l'épanouissement d'un milieu propice aux innovations stimulantes. Grâce à de récents investissements par la Fondation, les universités à la grandeur du pays sont en mesure d'offrir des installations de recherche de pointe à plus de 400 nouveaux professeurs qui étudient des problèmes dans des domaines prioritaires pour les Canadiens. Avec l'appui de la Fondation, ces nouveaux professeurs peuvent entreprendre toute une gamme d'activités de recherche. En aidant nos universités à recruter des chercheurs de talent, la Fondation insuffle une vitalité nouvelle au milieu de recherche canadien.
Il y a toutefois un problème que la Fondation ne saura pas corriger elle-même: il s'agit des faibles niveaux de rémunération qu'offre le secteur privé à ses chercheurs, ainsi que le fardeau fiscal que tous les paliers de gouvernement leur imposent. Si la Fondation espère favoriser des innovations canadiennes toujours meilleures, il faut plus de dynamisme de la part du secteur privé et du gouvernement pour ce qui est d'attirer et de conserver les meilleurs chercheurs. Nous devons prendre en considération tous les facteurs qui influencent la décision de ces jeunes Canadiens de talent de quitter le pays afin de poursuivre leur carrière ailleurs.
Recommandation numéro 4: Étant donné la nature fortement compétitive du marché du travail dans l'économie du savoir, nous recommandons au gouvernement fédéral de prendre en considération des mesures, telle la réduction des niveaux d'impôt sur le revenu des contribuables, afin de rendre l'industrie canadienne et les établissements de recherche plus attrayants pour le personnel hautement qualifié.
La Fondation a fait une analyse de rapports récents sur les éléments clés des principaux incitatifs à la R-D industrielle. La Fondation se dit d'accord avec ceux qui estiment que, parmi les facteurs qui influent sur le développement des industries du savoir, il en existe trois qui prédominent: la réputation des universités locales, la main-d'oeuvre et la qualité de vie en général. Bien qu'ils ne puissent être considérés comme des facteurs primaires, les programmes de crédit d'impôt pour la R-D, proposés par les divers paliers de gouvernement, pèsent dans la balance lorsque le secteur privé décide de lancer des programmes et activités de recherche au Canada plutôt qu'ailleurs.
• 0945
La Fondation a été mise sur pied par le gouvernement fédéral
dans le but d'aider les établissements de recherche canadiens à
renforcer leur infrastructure. Selon sa formule d'investissement,
la Fondation assume en moyenne 40 p. 100 des dépenses admissibles
des projets d'infrastructure. L'autre 60 p. 100 doit provenir de
partenaires des secteurs privé, public et bénévole. L'expérience du
premier appel de proposition de la Fondation démontre que, si les
provinces prennent une part active dans les propositions soumises
à la FCI, le secteur privé, de son côté, ne participe que de façon
limitée aux propositions touchant l'infrastructure de recherche.
Selon une étude menée par l'Association des universités et collèges du Canada, l'AUCC, le programme fédéral de crédit d'impôt pour la R-D pourrait élucider la situation. Selon cette étude, ce programme incite davantage le secteur privé à investir dans les dépenses d'exploitation de projets de recherche plutôt que dans l'infrastructure des universités et des établissements de recherche.
Recommandation numéro 5: Étant donné la nécessité d'encourager le secteur privé à investir dans la pleine gamme d'activités et d'outils de recherche, et de stimuler davantage le développement d'activités de R-D industrielle, nous recommandons que le gouvernement fédéral modifie son programme de crédit d'impôt pour la R-D afin que les entreprises qui investissent dans l'infrastructure matérielle ne soient pas désavantagées par rapport à celles qui investissent dans les coûts d'opération de la recherche. Ces modifications renforceraient le programme actuel et inciteraient les entreprises à augmenter l'aide financière qu'elles accordent à la recherche scientifique et au développement technologique dans les universités et les hôpitaux du Canada.
La Fondation contribue également à solidifier les partenariats entre les établissements de recherche et le secteur privé en collaborant avec des associations de gens d'affaires pour mettre sur pied des ateliers et des conférences sur tous les aspects de la chaîne de l'innovation, ainsi que sur son influence quant à la capacité concurrentielle du Canada dans l'économie mondiale. Pour la Fondation, ces interactions sont la pierre angulaire d'un dialogue national menant à un Canada novateur.
[Français]
À l'aube du nouveau millénaire, le savoir, la recherche et l'innovation sont devenus des éléments vitaux pour la croissance économique et les forces motrices du succès canadien dans l'économie mondiale. Dans notre monde en pleine évolution, le défi du Canada est d'assurer sa position à l'avant-plan de la recherche scientifique et du développement technologique, en assurant aux Canadiens l'accès au savoir et aux compétences nécessaires pour innover.
L'émergence rapide d'une culture d'innovation remet en question tous les aspects de notre vie et nous porte à prendre des décisions fondées sur des conditions totalement nouvelles. Il nous faut pour cela faire des choix stratégiques. Elle est révolue, l'époque où les relations traditionnelles, fondées sur les facteurs sociaux, politiques et économiques, sont suffisantes pour définir des communautés et des nations. Le défi qui nous attend aujourd'hui est de nous adapter à ces nouvelles conditions, mais si nous y parvenons, un avenir brillant, très brillant et prometteur nous attend au Canada. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Gagnon.
[Traduction]
Nous passons maintenant à la période des questions, en commençant par M. Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
C'était une série d'exposés fascinants. Après avoir écouté chacun des intervenants, je ne trouve absolument rien à redire à leurs propos et pourtant, ils représentent des secteurs bien particuliers et réclament diverses modifications.
Je me pose des questions de nature plutôt générale auxquelles vous pourriez m'aider à répondre. Ce serait utile pas seulement pour moi mais pour tout le comité.
Comme M. Gagnon vient de le dire, c'est une culture d'innovation qui émerge. Vous avez avancé des arguments pour montrer à quel point c'est crucial pour l'avenir du Canada et c'est certainement incontestable.
On dirait en fait que deux sociétés sont en train d'émerger. L'une s'adapte à cette culture d'innovation ou est capable de le faire, se débrouille assez bien et est sans doute attirée par d'autres ressorts à cause des taux d'imposition, etc. La seconde est formée de cet immense groupe au Canada qui n'a tout simplement pas pu y accéder. Je veux parler de ceux qui vivent en marge de notre société ou de ceux qui sont au chômage, ont besoin de recyclage, et ainsi de suite.
• 0950
Dans ce que vous avez dit, y a-t-il des recommandations sur la
façon d'intégrer certains de ces segments de la société dans la
culture d'innovation que vous décrivez? Voilà une première
question.
Puis il y a toute la question de la réduction des impôts et du reste pour qu'il soit plus intéressant de rester au Canada. Là, mon pouls s'accélère un peu, monsieur Duncan, quand vous commencez à parler de l'Inde et de la Malaysia. Il est probable que le régime fiscal y soit plus intéressant, je vous l'accorde, mais je ne peux pas concevoir que les gens se précipitent pour aller y vivre parce qu'on peut économiser... ou peut-être que je me trompe et qu'il y a des gens dont toute la vie tourne autour de l'argent.
Alors voici ma question qui s'adresse en particulier à M. Duncan—et je comprends que votre exposé était équilibré et que notre régime fiscal, notre régime de sécurité sociale comportent des avantages qui sont intéressants. Mais quand vous parlez des entreprises sans attaches, caractéristiques de la technologie de l'information, et des travailleurs qui peuvent en fait s'établir n'importe où, croyez-vous qu'il y a d'autres facettes de la société canadienne qu'on pourrait renforcer ou accentuer pour inciter les gens à vivre ici?
Judy Erola a parlé d'une réunion d'un conseil d'administration où tous les pères présents vivaient au Canada alors que leurs enfants déménageaient à l'étranger. Qu'est-ce qui fait qu'eux restent ici alors que leurs enfants quittent le pays? Il doit bien y avoir quelque chose que l'on pourrait valoriser pour les retenir.
Y a-t-il d'autres aspects peut-être moins tangibles sur lesquels on pourrait commencer à jouer pour encourager ces entreprises sans attaches à penser au Canada? Certains crèvent peut-être les yeux, mais je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Mon troisième point, c'est que c'est malheureux en un sens parce que tout le monde ici va plus ou moins souscrire à vos propos, j'en ai bien peur, et vous êtes tous du même avis en fait. Vous dites tous la même chose. Si vous aviez été ici hier où il y avait un groupe de témoins tout à fait différents qui faisaient ressortir une toute autre dimension de la culture canadienne—l'explosion des banques alimentaires, 1,4 million d'enfants vivant dans la pauvreté, des dizaines de milliers de sans-abri cet hiver. Et comme on l'apprend aux nouvelles, ce matin même, c'est la débâcle économique. Partout, les marchés boursiers s'effondrent. Je suppose donc que les choses vont empirer pour ceux qui, déjà, ne sont pas en très bonne posture. Pourtant, dans vos exposés—et je comprends pourquoi—vous dites de ne pas investir davantage dans les services de santé ou les services sociaux, ou les pauvres, ou je ne sais quoi, mais d'accorder des allégements fiscaux pour retenir les gens au Canada.
Je comprends que vous représentiez votre secteur et non, comme nous, la société en général. Avez-vous une opinion là-dessus? J'imagine que vous n'êtes pas aussi sans coeur que le laisse croire votre exposé, et que le sort du quart ou du tiers de la population canadienne qui traverse une mauvaise passe ne vous laisse pas vraiment indifférents.
Je ne m'adresse à personne en particulier, mais peut-être qu'un de vous ou plusieurs pourraient traiter l'une ou l'autre de mes observations.
Je voudrais connaître votre réaction à vous, monsieur Duncan, à cause de la panique que vous avez déclenchée chez moi en affirmant qu'il nous fallait jeter un oeil du côté de l'Inde et du Bangladesh—et d'autres pays aussi sans doute—pour savoir quoi faire. Je ne pense pas que ce soit vraiment ce que vous vouliez dire, mais je panique quand on commence à dire qu'il faudrait songer à niveler par le bas.
M. Gaylen Duncan: Ce sont des questions tous azimuts, monsieur Riis. Commençons par...
M. Nelson Riis: Je les pose parce que je ne trouve rien à redire à vos exposés. Je dois souscrire à tout ce que vous dites. Ce sont des initiatives louables auxquelles le pays doit réfléchir, mais comme députés, il faut tenir compte de diverses considérations. Voilà ce que j'essaie de faire comprendre.
M. Gaylen Duncan: Je pense avoir essayé de présenter un tableau assez équilibré de la situation. Le plus étrange, c'est que nous ne nous sommes pas rencontrés avant aujourd'hui, ce qui signifie qu'un échantillonnage très varié de l'économie canadienne a un point de vue étonnamment constant.
Tout d'abord, j'ai demandé un dégrèvement d'impôt et une réduction de la dette équivalant à 50 p. 100 du surplus budgétaire. C'est l'engagement qui figurait dans la plate-forme du Parti libéral. Nous signalons au gouvernement qu'à notre avis, il devrait honorer cet engagement, l'autre moitié devant être consacré au financement des programmes sociaux.
Il ne faut pas perdre de vue le fait qu'il nous a fallu plusieurs années très éprouvantes pour réparer les dommages causés par l'escalade du déficit.
M. Nelson Riis: Pour être honnête, je vous ai adressé la question parce que vous avez dit que vos collègues n'en parlent pas. Je vous accorde la première réaction facile.
M. Gaylen Duncan: Je vais leur donner la chance de réagir.
Au sujet des entreprises sans attaches, c'est vrai que j'ai mentionné l'Inde, mais attardons-nous plutôt sur l'Irlande. Le taux de chômage le plus élevé chez les jeunes en Europe, le niveau d'instruction le plus bas de toute l'Europe et une incroyable agitation sociale ont cédé la place au plein emploi chez les jeunes, au niveau d'instruction le plus élevé dans toute l'Europe et à un État qui supplie les Irlandais de rentrer chez eux pour occuper les emplois qui les attendent. Pourquoi? Parce que le gouvernement a créé un climat très favorable à l'investissement dans le secteur de la technologie de l'information. Tout a commencé par des centres téléphoniques—c'est un milieu haute technologie mais avec emplois peu spécialisés. C'était au début. Aujourd'hui, c'est devenu un centre de programmation, la porte d'entrée de toute l'Europe.
Ce qu'on dit, c'est que le Canada est en train de rater le coche. Parcourez la liste des entreprises qui sont nommées à la page Web de l'Irlande. Toutes ont des usines au Canada mais elles n'y ont pas investi depuis cinq ans. Pourquoi? Parce qu'elles ont trouvé un autre endroit plus accueillant.
Les Nations Unies nous accordent la palme du meilleur pays vie parce que nous avons bien réussi dans toutes les autres facettes de la qualité de la vie. On est perdant maintenant en fiscalité et, malheureusement, ça n'arrange pas notre popularité. Je sais que c'est une bataille que nous perdons quotidiennement dans les médias et dans l'esprit du grand public.
Le fardeau fiscal de ceux qui composent l'économie de matière grise, c'est celui des contribuables à revenu moyen ou élevé. Voilà la catégorie des gens qu'on retrouve dans l'économie de matière grise, ceux sur lesquels le grand public veut taper. On vous dit que les gens contestent en s'en allant.
Si ce n'est pas le cas... Écoutez, je ne suis plus jeune et le moment est venu de me fixer quelque part. Il n'y a pas que les pères à cette réunion du conseil d'administration dont vous parlez; il y a aussi les mères dont les enfants ont quitté le pays. Les jeunes contestent en s'en allant.
Mme Judith Erola: Je voudrais étoffer les remarques que vous attendiez de nous. Nous manquons de temps. Personne ici n'a proposé de réduire les dépenses dans certains de ces secteurs et la question des services de santé nous tient particulièrement à coeur.
Je pense qu'on joue beaucoup à l'autruche quand il est question des services médicaux. Étant donné la démographie de la population canadienne et le fait que notre population vieillit, les frais des services médicaux ne pourront qu'augmenter, quoi qu'on fasse. À cause du vieillissement de la population, les frais médicaux vont augmenter et pas un seul gouvernement, fédéral ou provincial, ne tient compte de ce fait et n'adopte des stratégies pour s'attaquer au problème. Voilà pour ma première remarque.
Comment faire valoir le Canada comme l'endroit où demeurer et pourquoi nous, restons-nous ici? Eh bien, je pense que c'est parce que nous sommes des Canadiens pure laine et que nous sommes trop vieux pour déménager. Nos enfants, eux, ont aujourd'hui un choix incroyable. Je crois que si on les encourage à rester ici, si on leur consent un régime fiscal comparable... J'ai un enfant dont le revenu a augmenté de 50 p. 100 après avoir déménagé aux États-Unis.
M. Nelson Riis: Est-ce que ces jeunes quittent le Canada dans le but d'aller parfaire leur éducation à l'étranger pendant deux ou trois ans avec l'espoir de revenir ici éventuellement?
Mme Judith Erola: En partie, mais une fois qu'ils ont connu la belle vie, comme ils disent, pendant plus de deux ou trois ans, ils ont beaucoup de réticence à revenir. Moi, j'avais espéré que mon enfant revienne, mais je n'y crois plus. Il y a aussi d'autres facteurs comme le climat—il fait froid au Canada. Si on arrive à s'adapter et à bien gagner sa vie dans une région du globe où il est très intéressant...
Je continue néanmoins de croire qu'à avantages comparables, ces jeunes préféreraient le Canada; et ça ferait des contribuables canadiens. On parle d'une catégorie de revenus moyens à élevés. C'est en plein la catégorie de contribuables qu'on veut retenir pour qu'ils paient des impôts au Canada et qu'ils réalisent cette culture d'innovation et de changement. Loin de nous l'idée de le faire aux dépens d'un autre secteur économique. Le but, c'est la valorisation et l'expansion de toute l'économie.
M. David Patterson: Comme j'ai moi-même déjà quitté un emploi parce que je ne voulais pas être muté aux États-Unis, je crois être bien placé pour parler des attraits du Canada.
Nous les connaissons tous. C'est un endroit où la vie est fantastique, mais à un moment donné, surtout dans l'esprit des jeunes qui en veulent, on y perd trop à rester au Canada et c'est à ce problème qu'il faut s'attaquer.
• 1000
Laissez-moi vous raconter une anecdote. À Vancouver, il y a
une petite entreprise de services informatiques qui a commencé à
grossir. Elle a toujours été attirée par la Californie, mais
personne n'avait sérieusement envisagé un déménagement tant qu'elle
n'a pas pris assez d'importance pour qu'une demi-douzaine de
personnes se mettent à gagner plus de 100 000 $ par année. C'est
alors que les attraits de la Californie sont devenus plus
tangibles. Heureusement, les attraits du Canada faisaient
contrepoids parce que le principal obstacle au déménagement aux
États-Unis, c'était l'épouse du président qui est Américaine et qui
refuse de retourner y vivre.
Il faut refermer la brèche parce que l'exode de nos jeunes les plus brillants ne s'arrêtera pas tout seul.
Le président: Monsieur Gagnon.
M. Denis Gagnon: Je trouve que vous avez vraiment bien présenté votre argument et qu'il est tout à fait fondé. Vous avez parfaitement raison.
Ce serait impardonnable que la Fondation reste indifférente à ce segment de la population canadienne. Il faut examiner la situation très attentivement afin d'intégrer ces jeunes dans cette nouvelle culture d'innovation.
Je crois que notre exposé est basé sur la conviction que le Canada ne peut plus être un pays dont la mise en valeur passe par les matières premières. Il va se développer, mais s'il est incapable d'évoluer vers une société vraiment innovatrice, il va probablement péricliter d'une façon ou d'une autre. Nous en sommes convaincus. Il faut vraiment transformer la culture canadienne en une culture d'innovation et prendre les moyens de fournir à notre élite les outils, l'équipement et l'infrastructure dont elle a besoin pour y parvenir. Après tout, nous allons lutter contre les autres pays qui se développent assez rapidement; c'est pourquoi nous avons exprimé notre opinion comme ça.
Nous croyons que l'économie canadienne de demain sera une économie d'innovation, une économie de matière grise et il faut prendre des décisions qui porteront le Canada à ce niveau de développement le plus tôt possible. J'espère qu'éventuellement, si nous y parvenons, tout ce segment de la population dont on parle participera d'une façon ou d'une autre et le Canada ne sera plus le même.
Je sais que bien du monde parle d'un exode des cerveaux. Moi-même, j'en parle. À mon avis, c'est une réalité. Bien entendu, mon opinion repose sur des anecdotes dont j'ai eu connaissance et il y en a beaucoup. Il faudrait bien que je rassemble tout ça pour en faire une démonstration claire.
Mais quand on parle de développer une économie de matière grise au Canada, de doter le Canada d'une nouvelle culture d'innovation, il faut bien comprendre ce que ça implique pour les chercheurs de tous nos centres de recherche au Canada. En ce moment, la génomique est à l'honneur. À mon avis, la question en sciences et technologie à laquelle il est primordial de s'intéresser en ce moment, c'est ce qu'on appelle la génomique.
Pour pouvoir être concurrentiels, quand il est question de génomique, nos chercheurs canadiens devront obtenir tout ce dont ils ont besoin. Vous devriez en parler avec eux. Pour eux, c'est important qu'ils en fassent, parce qu'ils peuvent accomplir quelque chose et qu'ils peuvent contribuer à enrichir nos connaissances en génomique. S'ils réalisent qu'ils n'ont pas ce dont ils ont besoin pour atteindre le sommet dans ce domaine de recherche bien pointu, ils s'en iront à Boston ou à San Francisco. Ils vont aller là où ils peuvent trouver ce dont ils ont besoin pour faire fructifier leur talent. Voilà le noeud du problème, celui que la Fondation cherche à régler en veillant à ce qu'ils obtiennent ce dont ils ont besoin pour être à la fine pointe du savoir. C'est ce qui explique le sens de notre exposé.
Le président: Monsieur Castell.
M. Anthony R.J. Castell (vice-président, Fiscalité canadienne, Nortel Networks): Monsieur Riis, je voudrais ajouter quelque chose au sujet de la fiscalité.
• 1005
Quand on parle de pays comme l'Inde, la Malaysia et d'autres,
je pense qu'on fait allusion aux encouragements fiscaux que ces
pays consentent aux entreprises. C'est une question à part, au sens
où ça pourrait entraîner dans ces pays la création d'emplois qui,
autrement, seraient créés ou conservés au Canada. C'est sans
rapport avec le problème clé de l'impôt des particuliers qui
concerne le Canada, les États-Unis et la faculté de retenir le
monde ici.
Vous avez évidemment raison; ce n'est pas seulement une question de fiscalité. Le Canada a bien des avantages, mais c'est l'impôt qui fait les manchettes. Tous les diplômés qui lisent le journal voient bien qu'ils payeraient moitié moins d'impôt aux États-Unis et gagneraient un meilleur salaire.
M. Nelson Riis: Mais vous, vous êtes là.
M. Anthony Castell: Effectivement, et c'est très bien ainsi. C'est un pays fantastique.
M. Nelson Riis: On n'a pas répondu à une partie de la question. Puis-je la répéter? C'est au sujet de l'intégration des décrocheurs qui retournent aux études et qui voudraient bien faire partie intégrante de cette culture d'innovation. Ils ont tout un fossé à franchir et, franchement, on ne peut pas laisser de côté ce segment de notre culture.
Ces gens ont-ils une place dans la culture d'innovation; si oui, quelle est l'interface? Y a-t-il quelque chose à faire pour intégrer ce segment de la société canadienne à la culture d'innovation?
M. Denis Gagnon: Je vais faire de mon mieux. Dans mon exposé, j'ai dit que l'une des principales facettes du mandat de la Fondation canadienne pour l'innovation, c'est de faire en sorte qu'on soit en mesure de mieux former non seulement du personnel très spécialisé mais aussi des spécialistes de l'administration et de la technique qui pourraient éventuellement adhérer à cette nouvelle façon de voir l'économie canadienne.
Vous parlez de cibler un segment très précis de la population qui, je l'espère, sera touché d'une façon ou d'une autre par ce changement culturel de la population canadienne découlant de la mise en valeur des sciences et de la technologie. En leur expliquant et en leur démontrant qu'avec un minimum de formation ils pourraient faire partie intégrante de ce projet, on pourrait les amener à ne pas abandonner l'école trop jeunes. J'espère sincèrement qu'on aura de l'influence et qu'on les aidera à prendre la même décision que la plupart des Canadiens.
L'un des facteurs, c'est la nécessité de montrer à nos jeunes qu'il y a des façons de faire et qu'ils ont leur place dans la société canadienne. S'ils décident de poursuivre leurs études et d'apprendre à développer leurs habiletés techniques et autres, j'espère qu'on va les aider à rester aux études et à réaliser qu'à la fin, s'ils ont leur place dans la société canadienne, ils pourront travailler aux côtés des autres.
C'est capital. Je comprends ce que vous voulez dire, mais je ne suis pas certain qu'on possède toutes les solutions.
M. Gaylen Duncan: Je ne vais pas prétendre que nous avons toutes les solutions, mais je crois qu'il y a sur le tapis certaines observations qu'il faut noter. La première concerne les études et je pense que vous avez mis le doigt sur une partie du problème en parlant des décrocheurs.
Il faut faire plus pour trouver les motifs du décrochage et aider les jeunes à rester aux études plus longtemps. Il ressort clairement de toutes les statistiques que plus le degré d'instruction est élevé, plus le taux de chômage est bas et plus le revenu moyen est élevé. C'est un message que ne captent pas bien les jeunes du secondaire non plus que les orienteurs, malheureusement. Il y a des programmes dont on peut parler. La Fondation des bourses du millénaire est certainement un pas dans la bonne voie.
Dans notre mémoire, on a parlé d'autres choses. Il faut un dégrèvement pour les études. Par exemple, pourquoi ne pas autoriser une société qui offre un emploi à un nouveau diplômé universitaire, à lui accorder à la signature du contrat une gratification de 5 000 $ qui ne serait pas imposable et qui servirait à rembourser les prêts étudiants? Je trouve que ce serait un sacré incitatif qui ne coûterait pas très cher.
Le second thème, c'est la transition entre les études et le travail. On continue de parler des 20 000 postes vacants en technologie de l'information. Ces emplois requièrent trois grandes qualités: des compétences techniques que les écoles peuvent enseigner; une bonne présentation que les écoles devraient aider à acquérir mais à laquelle toute notre culture contribue; et la connaissance d'au moins une fonction de gestion, qui est en fait synonyme d'expérience. Comme c'est vraiment difficile d'avoir de l'expérience déjà à la fin de ses études, des programmes de transition... et il y a eu plusieurs programmes de transition au palier fédéral, mais presque tous vont cesser d'être financés cette année.
• 1010
Troisièmement, il y a l'accès, c'est-à-dire l'accès aux
technologies. On peut prendre certaines mesures pour abaisser le
coût d'acquisition des outils servant à l'apprentissage des
habiletés techniques. Le plombier peut déduire sa clé. Le menuisier
peut déduire sa scie. Moi, comme travailleur de l'industrie de
matière grise, je ne peux pas déduire mon ordinateur. Pourquoi pas?
Mme Judith Erola: Je voudrais faire une brève remarque sur l'espoir et l'avenir. Laissez-moi vous donner un court exemple.
M. Nelson Riis: Les outils dont on se sert ne sont pas déductibles. C'est différent.
M. Gaylen Duncan: Oui, ils le sont, parce que ça passe par l'entreprise. Moi, en tant qu'économiste salarié de l'économie de matière grise, je reçois un T4 et je ne peux rien déduire à moins de former ma propre entreprise.
Mme Judith Erola: Au sujet de l'espoir et de l'avenir, je vais vous donner en exemple ce qui se passe dans le Canada Atlantique depuis trois ans.
Le Conseil de recherches médicales et notre industrie ont constaté qu'il ne se faisait pas assez de R-D dans le Canada Atlantique, surtout du point de vue des essais cliniques. Donc, le partenariat que nous finançons a versé quelque 450 000 $ ou 500 000 $ à un centre d'essais cliniques de l'Université Dalhousie. C'est une réussite incroyable.
La première fois que je suis allée dans cette région il y a dix ans, il ne s'y passait absolument rien. À un symposium plus tôt cette année, il y avait sur place environ 200 personnes qui toutes travaillaient du côté technique de l'industrie. Ils n'avaient pas tous des doctorats; il y avait des infirmières et des techniciens qui travaillent dans le domaine. La création de ces emplois a aussi donné un avenir à ces travailleurs qui peuvent maintenant rester dans les Maritimes pour poursuivre cette carrière. Je ne vous parle pas de doctorats mais d'emplois qui ont remplacé ceux du secteur primaire auxquels M. Gagnon a fait allusion.
Le président: Merci, madame Erola.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
De tous les panélistes, c'est probablement Mme Erola qui a présenté l'exposé le plus senti; c'est celui qui inspire mes observations et ma question. Vous avez donné l'exemple d'une de vos connaissances personnelles qui a déménagé aux États-Unis et qui, d'après ce que vous dites, a bénéficié d'une hausse de revenu de 50 p. 100. Personne ici ne va s'imaginer que l'impôt sur le revenu a quelque chose à voir avec cette hausse de 50 p. 100.
Mme Judith Erola: Mais l'impôt sur le revenu, c'est toute l'infrastructure.
M. Paul Szabo: Non. C'est le salaire.
Mme Judith Erola: Le salaire, la déduction de l'hypothèque...
M. Paul Szabo: Non. Quand on parle d'une hausse de 50 p. 100 de la rémunération, ce n'est pas seulement une question d'impôt.
Mme Judith Erola: Non, c'est la rémunération. C'est un peu des deux.
M. Paul Szabo: M. Duncan a dressé une liste comprenant le revenu de placement, la déduction des intérêts hypothécaires et les avantages fiscaux dont nous jouissons pour les dividendes. Le RPC coûte moins—d'ailleurs, les charges sociales au Canada sont inférieures de 50 p. 100 à ce qu'elles sont aux États-Unis. Et il y a aussi les services de santé, qui comptent pour beaucoup, la prestation fiscale pour enfants, la SV et la TPS.
Ce que vous avez oublié de mentionner, si vous voulez nous comparer aux États-Unis, ce sont certains avantages intangibles: la mentalité procédurière qui caractérise la culture américaine; les taux de criminalité comparatifs; les institutions scolaires et le coût de l'éducation qui, chez nous, sont administrés et offerts par les provinces mais qui doivent quand même être comparés. Il y a aussi les services sociaux, l'exemption pour gains en capital dont nous bénéficions et la déduction des cotisations REER pour les contribuables à revenu élevé—parce que ce sont des déductions, ceux qui ont des revenus élevés en ont plus pour leur argent que les contribuables à faible revenu. C'est à cause de notre impôt progressif. Même chose pour la déduction des frais de garde.
Avant, on avait une déduction à vie de 100 000 $ pour les gains en capital et ce n'était pas à compter de la date de sa création. C'était en fait rétroactif, donnant un profit inattendu à un très grand nombre de contribuables à revenu élevé.
Voilà donc un ensemble d'avantages dont les gens ont profité à un moment ou l'autre et dont on ne tient pas compte dans les calculs. Je pense que si on additionnait tout—et ayant été CA pendant 25 ans, j'ai fait beaucoup de déclarations d'impôt aux États-Unis et au Canada et je vous assure que l'écart en chiffres réels, avec une certaine marge pour l'intangible, est en fait inférieur à 3 p. 100.
• 1015
L'an dernier, je pense que le Comité des finances a reçu une
analyse comparée exhaustive avec les États-Unis et on a constaté
que la fiscalité n'était pas le facteur primordial. Alors, l'an
prochain, j'apporterai mon analyse et vous la vôtre et on les
comparera pour déterminer l'incidence de la fiscalité. Je pense que
Mme Erola ne se trompait pas en disant que mes revenus nets
seraient supérieurs de 50 p. 100 si j'étais aux États-Unis plutôt
qu'au Canada, mais ce ne serait pas à cause de l'impôt sur le
revenu.
Seulement 10 p. 100 des Canadiens gagnent plus de 60 000 $ par année, c'est-à-dire se situent dans la tranche d'imposition la plus élevée au Canada. Quand on discute d'avantages fiscaux, il ne faut pas perdre ce fait de vue. Le gouvernement est sûrement déterminé à concéder des avantages fiscaux, mais il faut trouver un équilibre. Il faut mettre en équilibre les besoins de tout un chacun.
La plupart de vos propos sont toutefois très utiles en ce qui concerne l'investissement dans la R-D dans une économie et une société de haute technologie ou de matière grise, et je pense que tout le monde ici est d'accord avec vous. Nous pouvons être concurrentiels et nous le sommes, mais il faut continuer à croître et à investir si on veut conserver notre créneau et notre part du gâteau.
Mais on a fait certaines choses. Les partenariats technologiques ont excellé dans toute la gamme des initiatives en sciences et en R-D. Je pense que M. Gagnon a parfaitement raison. Il a dit dans son exposé qu'on avait besoin de salaires et de possibilités. Le gouvernement peut aider à provoquer les possibilités, mais il ne peut malheureusement pas diriger la locomotive à distance.
La R-D, les industries de haute technologie sont aux commandes. Elles ont la capacité de découvrir, d'attirer et de garder les meilleurs éléments en investissant—grâce à leurs programmes de rémunération qui ne sont qu'un élément. Mais nous savons tous que tout problème complexe a une solution simple qui n'est pas la bonne; il faut une multitude de démarches, mais le salaire n'en conserve pas moins une importance primordiale.
Je vais vous donner comme exemple un pays qui lutte contre l'exode des cerveaux: Taïwan. M. Riis sait ce que Taïwan fait contre ce problème. Aujourd'hui, Taïwan a même gagné des ressources humaines sans faire venir des étrangers pour répondre à la demande. Ils nous ont expliqué qu'ils récupéraient les spécialistes qu'ils avaient perdus. Ils s'y prennent en créant des parcs de recherche scientifique et de développement, en construisant des quartiers spéciaux—avec centres communautaires, centres récréatifs, centres commerciaux—dans un paysage magnifique. Je crois que trois quartiers sont déjà construits et qu'un autre est en chantier. Les entreprises louent le terrain, y construisent leurs immeubles et la concentration de ressources intellectuelles dans cette communauté crée des synergies incroyables. Les gens veulent y participer parce que c'est aussi une communauté de matière grise et que ça produit d'excellents résultats.
En ce moment, je crois que Taïwan se targue d'avoir sept meilleurs produits dans le monde—sept au premier rang, presque tous dans le domaine des semi-conducteurs de haute technologie. Donc, Taïwan gagne des cerveaux grâce à une combinaison de plusieurs choses. Il y a un partenariat gouvernement-industrie pour attirer les gens là où on peut créer des occasions, mais il faut aussi que les entreprises offrent des salaires compétitifs.
Je voudrais bien qu'on me dise combien de personnes ont quitté le Canada pour une rémunération équivalente—ceux qui gagnaient 50 000 $ au Canada et qui touchent maintenant aux États-Unis l'équivalent de 50 000 $ CAN. Y en a-t-il beaucoup qui l'ont fait? La réponse, c'est sûrement aucun. Personne ne s'en va aux États-Unis pour le même salaire qu'ici. Quand on compare tout le reste, on ne part pas. La preuve, c'est que si on demande aux Canadiens qui arrivent dans les aéroports ou à la frontière quelle est leur première réaction en rentrant au pays, ils répondent tous que c'est merveilleux de rentrer chez soi, parce qu'ils ont vu ce qu'est la vie là-bas. La culture est totalement différente.
De toute façon, je veux conclure en vous disant que j'approuve un investissement considérable dans la R-D au Canada depuis le début des négociations sur l'ALENA. Maintenant que nous sommes en passe de devenir un partenaire planétaire, c'est un secteur important.
On a perdu les postes de débutant pour les jeunes. Le taux de décrochage scolaire de 30 p. 100 au Canada est un problème grave mais, vous savez, il y a un problème plus profond; un problème qui n'est pas apparu au secondaire, mais qui s'est développé beaucoup plus tôt. Vous êtes certainement tous au courant de la recherche importante menée sur le développement dans la petite enfance et son incidence sur la santé physique, mentale et sociale des enfants plus tard.
• 1020
Peut-être que pour gagner des cerveaux ou pour diminuer leur
exode, il faudra investir aussi dans le développement de cerveaux
nouveaux et jeunes en faisant en sorte qu'une proportion importante
de nos recettes fiscales ne soient pas dépensées en traitements et
en rattrapage pour les jeunes qui ont des difficultés, qu'elles
soient d'ordre social, criminel ou médical, mais qu'elles soient
investies avant dans des services préventifs.
Nous savons tous que la prévention, les dépenses préventives sont plus efficaces. Elles sont plus rentables et plus efficaces parce qu'elles produisent de meilleurs résultats. C'est très difficile de régler un problème après coup.
Alors, dans ce contexte, est-ce que vous préférez que le gouvernement, dont les moyens sont limités étant donné le dividende budgétaire disponible, accorde une réduction d'impôt générale? Vous savez que ça coûte très cher et que ça ne cible pas votre problème. Donc, le montant que vous allez obtenir pour vous occuper...
Est-ce la voie que vous privilégiez ou croyez-vous que des partenariats technologiques et du financement, qui vous aideraient à exploiter les occasions au profit de nos ressources humaines de matière grise, seraient préférables?
Le président: Qui veut commencer?
M. Gaylen Duncan: Je me lance le premier.
Le roi Chillalonghorn a réalisé une chose merveilleuse en Thaïlande. Il s'est attaqué au problème que j'ai essayé d'exposer. Il s'est rendu compte que ça ne dépendait pas seulement de l'impôt sur le revenu ni de la qualité de la vie à Bangkok ou ailleurs en Thaïlande. Ça dépendait de tout l'environnement.
Ce que j'ai voulu dire au sujet de l'impôt, c'est que ce sont les taxes à la consommation, l'impôt des particuliers et l'impôt des sociétés conjugués qui nous tuent. Les gens protestent en quittant le pays.
Je n'ai pas besoin d'étude comparée des chiffres. La fille de Mme Erola est aux États-Unis. Pourquoi? Parce que les emplois dans son domaine sont aux États-Unis. Pourquoi? L'investissement étranger direct au Canada est passé de 9 p. 100 du total mondial à 4 p. 100. Pourquoi? Si nous sommes si bons, pourquoi les dollars n'affluent-ils pas ici? Oui, le montant était de 129 milliards de dollars américains l'an dernier—c'est très bien—mais c'est la moitié de ce qu'il aurait dû être; c'est la moitié des emplois qui auraient dû être créés.
M. Gagnon, je crois, a fait remarquer que c'est l'argent qui s'en va d'abord et ensuite, ce sont les gens. Je suis parfaitement d'accord avec lui. Donc, les capitaux n'affluent plus et les gens, eux, commencent à partir—les travailleurs de nos industries de pointe spécialisées. Devinez combien gagnent ces travailleurs? Plus de 60 000 $.
C'est dommage, mais c'est la réalité. C'est vrai qu'on ne s'en va pas aux États-Unis pour un salaire équivalent à celui qu'on gagne ici. C'est vrai que la hausse des salaires est problématique et nos membres disent qu'ils sont confrontés à ce problème. Ils commencent à y voir. Mais quand on additionne ça à toutes les autres dépenses d'affaires au Canada, on n'est plus compétitif et on se retrouve dans la même situation que M. Patterson. À un moment donné, on décide de déménager la compagnie.
Ce n'est pas une menace; c'est ce qui se passe. Le problème n'est pas facile à résoudre. Ça pourrait prendre des années. Je le sais. Le dividende budgétaire cette année et l'an prochain ne sera pas suffisant pour permettre le rétablissement des programmes sociaux ni pour rembourser la dette ni pour réduire l'impôt, mais un effort concerté au cours des cinq prochaines années au moins commencera à avoir un effet.
Nous n'en demandons pas plus. Au lieu de vous concentrer sur la réduction du déficit, une stratégie que nous avons appuyée sans réserve depuis cinq ans, faites dorénavant porter vos efforts sur trois fronts: la réduction de la dette, la réduction de toutes les taxes et le rétablissement des programmes sociaux qui sont l'essence de notre pays.
Mme Judith Erola: Bien dit.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci beaucoup.
Le gouvernement a manifestement un rôle positif à jouer dans cet assortiment de suggestions que vous nous avez présentées. Cet été, on s'est inquiété du problème du dollar canadien et on s'est demandé si le Canada était encore considéré comme une économie de matières premières et non de matière grise. On a estimé que les récessions étaient souvent une question d'attitude, puisque les gens décident de freiner leurs dépenses quand ils sont inquiets. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
• 1025
Le problème de la fiscalité inquiète manifestement tous ceux
d'entre nous qui se font du souci pour notre système de santé. On
se demande aussi si les Canadiens demeurent convaincus qu'on peut
continuer à bien faire ce qu'on est censé savoir bien faire et ce
dont on se vante tant.
D'un point de vue politique, ce n'est pas facile de réduire l'impôt des contribuables aux revenus les plus élevés. La seule abolition de la surtaxe entraînerait un manque à gagner de 1,5 milliard de dollars.
Étant médecin et professeur à l'Université de Toronto, je sais que certains des meilleurs chercheurs se font offrir des subventions Rockefeller d'un million de dollars par année, sans aucune obligation, pour organiser leur laboratoire et faire ce qu'ils veulent. Comment peut-on concurrencer ça? Ce n'est pas seulement en diminuant l'impôt sur le revenu.
Je trouve que la Fondation pour l'innovation a eu des débuts fort prometteurs. Je ne suis pas certaine d'avoir compris ce que vous attendez du gouvernement, mais les mesures fiscales ne peuvent pas suffire. Pourtant, ce serait une bonne chose de doubler votre budget, monsieur Gagnon, et de doubler aussi celui du CRM afin de le porter au niveau du G7. Mais étant donné le modeste dividende qui est prévu, quelles décisions faut-il prendre étant donné les retombées politiques négatives de mesures avantageant les riches? Je ne comprends pas vraiment quelles priorités vous suggérez. Faudrait-il donner plus d'argent à M. Gagnon ou réduire les impôts? Que faut-il faire pour que le monde nous considère comme une économie de matière grise et commence à investir des dollars de source privée dans notre pays?
M. Gaylen Duncan: Si je me souviens bien, madame Bennett, l'an dernier aussi, c'est vous qui avez posé la question la plus ardue.
Dans notre mémoire, nous avons commencé par parler de triage, puisque nous savons que la dette, l'impôt et les programmes sociaux sont tous importants et qu'il faut fixer le pourcentage qui devrait revenir à chacun. Nous avons proposé 50 p. 100 pour la réduction de la dette et des impôts et 50 p. 100 pour les programmes sociaux.
Nous sommes contre la perception de taxes dont les recettes sont versées à certaines entreprises pour leur accorder un certain dégrèvement. Ce n'est pas la voie à suivre.
Nous avons présenté plusieurs recommandations visant à améliorer l'accès tant à l'éducation qu'à la technologie, y compris des mesures d'allégement fiscal. Nous croyons que, dans la conjoncture actuelle, l'État a les moyens de prendre ces mesures, surtout que ça enverrait des signaux positifs à la population. Ce sont des mesures compatibles avec l'évolution de la culture.
Au sujet de l'allégement de l'impôt des particuliers, je comprends que les questions portent surtout là-dessus. J'en reviens au roi Chillalonghorn qui a tout compris. Il s'est occupé de l'impôt des particuliers et des sociétés et des taxes à la consommation, puis il a pris des mesures pour inciter les entreprises à s'établir dans certains ressorts lorsqu'elles créaient certains types d'emplois. Voilà les mesures auxquelles nous songeons. Je ne m'attends pas que le prochain budget règle tout. Je veux qu'il indique la voie qu'on va suivre au cours des deux prochaines années.
Quand l'industrie est venue dire que le déficit n'était plus maîtrisable et qu'il fallait comprimer les dépenses gouvernementales, ça n'a pas été très populaire. Songez aux mémoires prébudgétaires d'il y a cinq, sept ou huit ans. On avait alors rejeté toutes les suggestions et pourtant, on a fini par admettre que quelqu'un devait prendre l'initiative et s'attaquer au problème.
Comme il était politiquement inacceptable de parler de hausses salariales pour les sous-ministres et sous-ministres adjoints, on n'en a accordé aucune pendant des années. Qu'est-il arrivé? Je suis l'un de ceux qui sont partis. Dans l'avion avec moi, il y en avait deux autres et tout à l'heure, je vais rencontrer un autre qui a démissionné. Je ne prétends pas avoir été le plus brillant et le meilleur, mais je dirais que, collectivement, ce sont les meilleurs qui ont pris la porte, jusqu'à ce qu'on lance enfin le projet la relève quand on a reconnu que ça n'allait plus du tout.
• 1030
On veut simplement dire... ça revient au même. Je sais que ce
n'est pas très ragoûtant en politique, mais tout le régime
fiscal—impôt des particuliers et des sociétés, taxes à la
consommation—doit être révisé.
Mme Judith Erola: Je voudrais ajouter deux observations.
Je trouve que le problème fiscal est particulièrement épineux et qu'il ne va pas se régler du jour au lendemain. Il est profondément enraciné.
M. Gagnon a parlé d'infrastructure. L'un des problèmes du crédit RS&DE, c'est que les frais généraux des subventions de recherche ne comptent pas. C'est ridicule. Quand on essaie de rebâtir les universités et qu'on installe une infrastructure à cette fin, on devrait pouvoir autoriser l'industrie à déduire les frais généraux.
Beaucoup de petits réglages qui sont mentionnés dans nos recommandations pourraient avoir un effet considérable. C'est de ça dont on parle dans nos recommandations. Il faut absolument comprendre que certains de ces ajustements mineurs ne coûteront pas si cher au Trésor fédéral et qu'ils entraîneront même une augmentation des recettes.
Lui, il a bien présenté la question des gens à l'intérieur du gouvernement. Par exemple, nous avons étudié le régime d'approbation des médicaments. Tout le système de dotation instauré y met des bâtons dans les roues. Quand on veut un pharmacologiste de premier ordre, et M. Denis Gagnon en est un, combien un pharmacologiste... Je ne veux pas savoir quel est votre traitement, monsieur Gagnon, mais disons qu'un pharmacologiste chevronné, de premier ordre et d'expérience gagne environ 200 000 $ à 250 000 $. Eh bien, le gouvernement fédéral ne peut absolument pas se payer quelqu'un de ce calibre. Il faut donc qu'à l'interne on reconnaisse la nécessité de faire certains changements.
L'autre jour, je discutais avec un sous-ministre qui m'a dit: «Nous cherchons des moyens de contourner les règlements pour recruter les personnes dont on a besoin». Pourquoi ne pas modifier les règlements et partir du bon pied? Il faut que ces gens restent dans la fonction publique. Il faut les rémunérer comme il faut. Mais il n'y a pas que l'argent qui compte; il y a bien des affaires.
M. Denis Gagnon: Si ce sont là les salaires pratiqués, je retourne en pharmacologie.
Mme Judith Erola: En fait, il est aujourd'hui professeur.
M. Denis Gagnon: Je voudrais ajouter quelques mots.
La plupart des Canadiens vous diraient qu'ils souhaitent que leur gouvernement opte pour l'équilibre dans le prochain budget. J'ai peut-être présenté mes arguments plus vigoureusement que je pensais tout à l'heure, mais quand je dis que moi, comme Canadien, je suis tourné vers ce que j'appelle l'économie de matière grise, c'est parce qu'à mon avis, c'est la seule façon dont le Canada pourra se développer et concurrencer les autres pays. Alors, pourquoi ne pas indiquer que nous allons emprunter cette voie?
Il y a un précédent. Le gouvernement fédéral a créé la Fondation pour l'innovation et il a augmenté, dans une certaine mesure, les budgets des conseils subventionnaires. Mais si nous convenons que l'avenir du Canada se trouve dans l'économie de matière grise, pourquoi ne pas faire les choses une étape à la fois pour essayer d'y arriver au bout d'un certain temps.
Je ne demanderai jamais qu'on double le budget de la Fondation, du Conseil de recherches médicales, du CRSNG ou des autres conseils, mais montrez au système que le gouvernement fédéral sait que l'avenir du Canada repose sur l'économie de matière grise. Nous procéderons lentement, étape par étape, mais ça finira par aboutir.
Je voudrais aussi parler un peu des allégements fiscaux. Je n'ai jamais voulu cibler en particulier les mieux rémunérés d'entre nous. Ce n'est pas vraiment ce que je cherche. Je voulais que les contribuables en général bénéficient d'un certain allégement afin qu'ils puissent investir dans l'économie. Mais c'est une autre histoire.
• 1035
Je veux qu'on me comprenne bien. Je pense effectivement que
s'il y a un facteur commun en particulier qui provoque ce que
j'appelle l'exode des cerveaux, c'est certainement l'impossibilité
pour nos chercheurs de faire ce qu'ils veulent au Canada. L'impôt,
c'est un facteur, mais ce n'est pas le principal. La liberté
d'action, c'est la question fondamentale. Quand on parle à ceux qui
s'en vont à Boston, à San Francisco, à San Diego, ils expliquent
que c'est parce qu'ils auront les outils dont ils ont besoin pour
faire ce qu'ils veulent. Rien d'autre.
Mme Carolyn Bennett: Vous savez que nous sommes vraiment intéressés à mesurer ce qui se fait dans le domaine de la santé pour accroître la responsabilisation.
La comparaison entre la définition de l'OCDE et la nôtre m'a intéressée. Si on adoptait une perspective plus proche de celle de l'OCDE, croyez-vous que certaines des méthodes actuellement utilisées ici pour la prestation des services de santé alors que leur efficacité n'a pas été démontrée... croyez-vous que ce serait plus facile pour le secteur privé de nous aider à mesurer ce qui n'a jamais été démontré?
Mme Judith Erola: Certainement, et je crois que ça réglerait aussi certains des problèmes soulevés tout à l'heure par M. Riis. Ces études de l'homme, de la culture et de l'innovation sont toutes parfaitement essentielles et il faut absolument que l'industrie participe à certaines des études, qu'elle ait voix au chapitre. On ne peut pas se contenter d'études purement universitaires. Il faut un peu des deux, l'apport des universités et de l'industrie. Je trouve que certaines de ces études sont essentielles pour nous indiquer la voie à suivre. Cette précision, cette clarification serait très précieuse.
Le président: Monsieur Pratt.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins de ce matin pour les exposés qu'ils ont présentés et aussi pour les questions qu'ils ont abordées. C'est très intéressant pour un député comme moi qui représente une circonscription où l'on retrouve une forte proportion d'entreprises de haute technologie et de citoyens qui travaillent dans des industries de matière grise.
Pendant l'été, j'ai eu l'occasion d'aller voir une petite entreprise de ma circonscription, dans le quartier Bell's Corners. Cette entreprise était un peu différente des autres où j'étais allé au cours de l'année, puisqu'elle rapatriait certains de ces employés spécialisés qui rentraient des États-Unis. À ma connaissance, c'est l'exception plutôt que la règle. Je partage l'avis de plusieurs d'entre vous qui croyez à l'existence d'un exode des cerveaux, un exode important qu'il faut freiner.
Le problème, c'est en partie que nous n'avons pas une idée précise des chiffres, comme quelqu'un l'a dit, et je pense que le gouvernement doit faire plus pour découvrir l'ampleur du problème. Cependant, nous n'avons pas vraiment discuté de la façon de régler le problème à court et à long terme. On s'entend à dire qu'il y a des mesures à prendre à long terme pour inverser la tendance—pour espérer inverser la tendance.
Au moment même où je vous parle, des gens prennent des décisions au sujet de leur vie et de leur famille; ils se demandent s'ils vont rester au Canada ou déménager aux endroits que vous avez mentionnés, que ce soit Boston, Chicago, San Francisco, San Diego, Denver ou Seattle. Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait se pencher dès maintenant sur une stratégie fiscale à court terme et à long terme pour inciter certains de ces diplômés à rester au Canada jusqu'à ce que leurs racines soient assez profondes ici pour qu'ils n'envisagent plus sérieusement de déménager aux États-Unis? Est-ce qu'on devrait faire ça?
Madame Erola, vous avez parlé d'ajustements à apporter au système. Est-ce que c'est ce type de mesure—une prime de signature non imposable—que nous devrions envisager très sérieusement pour endiguer le flot des cerveaux? Voilà ma première question.
Deuxièmement, nous savons tous que le crédit d'impôt pour la RS&DE a des défauts, alors que le Programme de partenariats technologiques et le PARI sont des réussites.
• 1040
L'un des problèmes du gouvernement, c'est que chaque fois
qu'il annonce quelque chose, les députés de l'opposition hurlent à
la Chambre des communes contre les cadeaux aux entreprises
canadiennes. Croyez-vous que vous pourriez réussir mieux que nous
à convaincre les députés de l'opposition que ce sont des
investissements importants pour les secteurs de croissance de
l'économie canadienne?
Le président: Qui va répondre en premier? Madame Erola.
Mme Judith Erola: Oui, je suis d'accord pour les mesures incitatives. C'est le genre d'ajustement que j'avais en tête. Vous pouvez réfléchir à certaines des recommandations que nous avons présentées et qui, je le répète, ne coûteront pas une fortune mais qui pourraient être suffisantes pour freiner l'exode des cerveaux. Je suis convaincue que le bon sens peut prévaloir et qu'on peut trouver des mesures à court terme pour régler les problèmes que nous, ici présents, avons tous.
Quant à votre seconde question, l'industrie peut très difficilement consacrer beaucoup de temps à renseigner tous les députés.
M. Nelson Riis: Et pourquoi donc?
Mme Judith Erola: Parce que ça prend un temps fou.
M. Nelson Riis: N'est-ce pas assez important?
Mme Judith Erola: Bien sûr que c'est important. C'est pourquoi nous sommes là aujourd'hui.
M. Nelson Riis: Non, vous êtes ici aujourd'hui pour parler essentiellement... Si c'est tout ce que vous faites comme sensibilisation, c'est plutôt minimaliste.
Mme Judith Erola: Mais ce matin, monsieur Riis, il devrait bien y avoir une salle pleine. Pour nous, c'est de l'information. Mais l'industrie est disséminée à la grandeur du pays ou concentrée dans certaines régions.
M. Nelson Riis: Mais vous représentez essentiellement des groupes de pression. Vous êtes ici à titre de lobbyiste.
Mme Judith Erola: Oui, c'est vrai. Le problème, c'est que nombre de nos entreprises sont concentrées dans certaines régions du pays. Elles consacrent pas mal de temps à renseigner leur député fédéral parce que c'est tout naturel. Ce qui est difficile, c'est d'informer l'ensemble des députés. Si quelqu'un trouvait une méthode économique de le faire autre que celle que nous nous payons aujourd'hui, nous en serions ravis. Par contre, monsieur le président, nous envoyons depuis deux ans de la documentation à tous les députés fédéraux.
M. Nelson Riis: Ce n'est pas la bonne façon de s'y prendre.
Mme Judith Erola: C'est vrai, ce n'est pas une méthode de communication efficace. Il est préférable de remettre les documents en personne, mais c'est très difficile à faire.
M. Gaylen Duncan: Je pense que vous avez mis dans le mille. Les associations ont été formées en partie pour faire précisément ça. Le mot «lobbying» me reste parfois en travers de la gorge, mais je n'ai rien contre le terme «défense des intérêts».
Mme Judith Erola: Non. Je n'ai absolument rien contre le mot «lobbying».
M. Gaylen Duncan: Mais je trouve que vous avez mis dans le mille et qu'il va falloir en faire plus. Au sujet des programmes à court et à long terme, vous avez raison. Le Canada n'a pas de figure de proue en ce moment. On n'a pas non plus de programme phare et on en aurait pourtant besoin.
Mme Judith Erola: Oui, surtout en sciences et technologie, mais il faut dire que M. Manley accomplit un travail exceptionnel.
M. Gaylen Duncan: Oui, un travail remarquable. Dans son discours à St. John's, Terre-Neuve, l'autre jour, le premier ministre a mis dans le mille, mais c'était la première fois que je l'entendais parler des sciences et de la technologie et de l'économie de l'information de la technologie. Il faudrait le faire plus souvent. Oui, des mesures à court terme seraient utiles.
Le président: Monsieur Riis, une brève question supplémentaire. Ensuite, ce sera au tour de M. Forseth.
M. Nelson Riis: C'est un tout petit point et j'apprécie votre indulgence. Je trouve que ce que dit M. Pratt est très important. Quiconque se trouve au gouvernement est renseigné pour des raisons évidentes. Mais je trouve que vos organisations seraient sages d'investir un peu plus sérieusement dans l'opposition. Si, comme l'a dit M. Pratt, nous hurlons contre ces mesures, c'est peut-être parce que nous sommes mal informés ou pas informés du tout.
Sans vouloir être trop brutal, je dirais que votre effort de sensibilisation de l'opposition est nul. En pratique, il est inexistant hormis le dépliant ou la brochure qu'on nous envoie par-ci par-là. Donc, à votre place, je sensibiliserais sérieusement le plus de députés possible, ce qui élèverait par la même occasion la qualité des débats à la Chambre des communes.
Mme Judith Erola: Certainement.
M. Gaylen Duncan: Si vous pouviez autoriser la déduction intégrale des dons et des frais que nous versent les entreprises, notre budget serait peut-être suffisant pour organiser une campagne d'information à l'intention des simples députés.
Non, vous avez raison et nous allons réagir en conséquence.
Mme Judith Erola: Nous allons frapper à votre porte, monsieur Riis.
M. Nelson Riis: Comme si je n'avais pas déjà assez de travail. Merci.
Le président: Bien. Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup. En tant que député de l'opposition officielle, ça me fait sourire un peu d'entendre M. Gaylen Duncan recommander au comité certaines des politiques économiques du Parti réformiste. Mais en tant que représentant de l'Association de la technologie de l'information, vous semblez recommander entre autres une réduction de l'impôt des particuliers. Dans votre mémoire, vous dites textuellement:
-
Le Canada doit au moins aligner ses niveaux d'imposition globaux
sur ceux de nos concurrents s'il veut que son industrie continue
d'attirer et retenir les capitaux et le personnel spécialisé.
Vous dites encore:
-
Le Canada a des avantages au point de vue qualité de la vie qui
peuvent faire contrepoids, dans certains cas, à un fardeau fiscal
beaucoup plus lourd. Cependant, on observe maintenant les
conséquences du climat d'investissement défavorable qui règne au
Canada comparativement à la situation chez nos concurrents.
Voilà ce que vous dites. Voici donc ce que je veux savoir. Quels taux d'imposition sur le revenu des particuliers recommandez-vous? Vous pouvez peut-être traiter d'impôt plus uniforme, de surtaxe et du niveau de l'exemption personnelle de base. Quelles sont vos recommandations précises au sujet de l'impôt des particuliers, pour améliorer le climat d'investissement et le régime fiscal par rapport à nos concurrents?
M. Gaylen Duncan: Nous n'avons pas présenté de suggestions précises concernant l'impôt des particuliers, les taxes à la consommation ou l'impôt des sociétés. Ce que nous avons dit, c'est que dans ces trois catégories, le niveau de l'impôt était trop élevé. Je ne vais certainement pas me lancer dans une discussion sur l'impôt uniforme ou les impôts progressifs—je laisse ça à ceux qui gagnent leur vie dans la fiscalité—ce que nous disons c'est que, du point de vue commercial, que ce soit pour un investissement dans de nouveaux emplois ou un investissement dans de nouveaux effectifs, le fardeau fiscal est trop lourd.
Étant donné les sommes disponibles, on ne s'attend pas à des changements spectaculaires dans l'une ou l'autre des trois catégories, mais on voudrait un signe qu'il y aura un effort constant dans les trois. On veut qu'on fasse un premier pas. Je n'ai présenté aucun suggestion précise concernant l'impôt des particuliers.
M. Paul Forseth: Est-ce que quelqu'un d'autre veut intervenir?
M. Anthony Castell: Je pense que c'est vrai, parce que c'est très difficile dans un document assez bref d'examiner les diverses analyses. M. Szabo a évidemment fait sa recherche. Ce serait intéressant de nous communiquer cette analyse pour notre gouverne. Si tout le monde, y compris les journaux, croit qu'il y a un tel écart entre le Canada et les États-Unis alors que les faits révèlent le contraire, alors je crois que le problème est attribuable en partie au manque de diffusion des données. Il faut communiquer ces renseignements à nos employés aussi.
Au sujet de la réduction d'impôt qui est suggérée, à mon avis, c'est une mesure à court terme. Il y a plusieurs problèmes. Pour répondre à l'observation de Carolyn Bennett, il est incontestable que le Canada est reconnu dans le monde comme un chef de file dans le secteur de la haute technologie. Nous craignons toutefois d'être incapables de conserver ce rang si on ne supprime pas certains des obstacles qui nous en empêcheraient.
Selon nous, ce qui est bon pour les membres de l'ACTI est bon pour le Canada et si on arrive à créer un environnement propice à la création d'emplois, alors c'est avantageux pour l'ensemble du Canada et, par défaut, ça réglera certains des problèmes des programmes sociaux qui inquiètent M. Riis.
Ça se ferait en plusieurs étapes. Je le répète, la réduction d'impôt n'est en fait qu'un élément et c'est la mesure à court terme la plus visible de toutes. Il y a donc trois étapes à franchir pour créer un bassin de travailleurs pour l'industrie. Nous savons que les provinces, en particulier l'Ontario, font beaucoup dans ce domaine et nous avons collaboré avec elles.
Mais cela nous ramène aussi à l'idée qu'il faut agir plus précocement. On ne doit pas se contenter du postsecondaire; il faut commencer dès le primaire, si on veut, pour susciter de l'intérêt à cet âge déjà. Il est presque trop tard pour faire naître l'intérêt chez un décrocheur du secondaire bien que ce problème commande une mesure à court terme quelconque.
Chaque médaille a son revers. On peut prévenir ou guérir. On ne peut pas toujours tout faire avec un seul budget, mais si on avait un plan d'ensemble, ça nous aiderait à nous orienter. Les mesures à court terme ont du bon parce qu'elles sont visibles et qu'on les voit agir, mais il faut aussi faire de la prévention dans les coulisses.
À la deuxième étape, il faut retenir les gens ici et c'est le problème qui a soulevé toute la question des réductions d'impôt. C'est le segment très visible et très audible des Canadiens qui partent pour les États-Unis. Personne ne se précipite vers l'Inde ou ailleurs; on va aux États-Unis. Si la réalité est différente de celle présentée ou généralement rapportée, alors il faut veiller à présenter correctement les faits.
Mais d'après notre expérience, les jeunes diplômés se contentent de jeter un coup d'oeil à l'impôt sur le revenu et constatent qu'il est bien plus bas et aussi, évidemment, que les salaires sont sensiblement plus élevés. Ça forme un tout.
• 1050
Après avoir réussi à recruter des travailleurs et à les
retenir, il faut se pencher sur les bénéfices que le fruit du
labeur des travailleurs canadiens rapporte à l'industrie et au
Canada. Dans notre industrie, on fait beaucoup d'exportation et il
se pourrait qu'il y ait des barrières dressées par les rouages de
la fiscalité. Il existe certaines mesures comme le programme des
crédits d'impôt qui ne marche pas nécessairement aussi bien qu'il
le devrait, mais on s'occupe de l'améliorer. Il y a peut-être aussi
d'autres secteurs qui y gagneraient si des améliorations étaient
apportées à la fiscalité pour supprimer certaines de ces barrières.
Le président: Monsieur Patterson.
M. David Patterson: La grande préoccupation de nos membres, ce sont les ressources humaines au sens le plus large possible. Pour la réunion d'aujourd'hui sur les consultations prébudgétaires, le problème des ressources humaines qui monopolise l'attention, c'est l'impôt; c'est pourquoi je l'ai placé en tête de liste des priorités dans mon mémoire. Mais si vous parcourez la liste des préoccupations mentionnées par nos membres, vous constaterez qu'elles sont très variées. Au point de vue ressources humaines, elles se rapportent à un large éventail d'initiatives, de programmes que l'Association a proposés et auxquels les membres participent et pour lesquels nous recherchons les partenaires les plus variés possible afin de nous permettre de corriger ces problèmes.
En ce qui concerne les investissements, notamment la détérioration de la situation du Canada qui attire de moins en moins les investissements étrangers, il ne faut pas perdre de vue l'idée que l'avantage de vivre au Canada plutôt que dans un autre pays—le fait que le Canada arrive au premier rang pour l'indice du développement humain de l'ONU—n'est pas tellement pertinente. Les gens qui décident des investissements à faire sont membres des conseils d'administration des entreprises étrangères et vivent à Tokyo, Londres ou New York. Ils ne vont pas déménager au Canada. Ils ne vont pas profiter du milieu social intéressant, des excellents services de santé, du bon système scolaire. Ils se préoccupent uniquement du rendement de leur investissement. Et si les taux d'imposition, la réglementation et les autres difficultés diminuent le rendement, ils vont placer leur argent ailleurs. Il est clair que depuis quelques années, c'est ce qui arrive dans une proportion très inquiétante.
Le président: Merci.
Madame Erola.
Mme Judith Erola: Une dernière observation. Notre industrie est fondée sur la recherche. La recherche effectuée au Canada augmente à un rythme d'environ 1 à 2 p. 100 par année. Si l'on retient la définition de l'OCDE, le pourcentage de recherche atteint 17 p. 100. Mais c'est un milieu où la concurrence est féroce.
Pour décider dans quel pays la recherche sera effectuée, on prend en considération plusieurs facteurs. La question de l'impôt sur le revenu n'est pas très importante à ce chapitre, mais plusieurs autres le sont. Il y a d'abord le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental—on se demande si c'est un avantage honnête. Nous croyons que le crédit canadien est assez restrictif. Ensuite, il y a la réglementation. Je trouve que c'est important pour votre comité parce que si le régime réglementaire est mal financé, que le budget est insuffisant pour faire ce qu'il faut, c'est pour cette raison avant tout qu'on décidera de ne pas faire la recherche au Canada.
Le président: Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Tout à l'heure, j'ai entendu parler des «hurlements de l'opposition». Parfois, ces hurlements sont en réaction aux incitatifs qui faussent le marché, à cause de leur champ d'application trop restreint, au lieu de créer un climat global propice à la croissance et un régime fiscal assez général pour laisser le marché agir vraiment. Dans le passé, les gouvernements n'étaient particulièrement pas doués pour choisir les gagnants. Chaque groupe, chaque association, quel que soit le domaine, se présente au comité pour défendre un certain stimulant fiscal ou un dégrèvement ou quoi que ce soit d'autre qui s'applique expressément à ses membres. Si un gouvernement devait donner suite à toutes les recommandations présentées au comité ou presque, il n'y aurait plus d'impôt du tout; en fait, l'argent pousserait dans les arbres et on le donnerait à tous ces groupes.
• 1055
Il faut évidemment faire un choix. Je veux vous entendre
reconnaître qu'il faut établir un régime et un climat économiques
au lieu de revendiquer une mesure particulière pour vos membres...
Voilà ce que j'attends de vous: des conseils à long terme sur
l'orientation générale que devrait prendre le gouvernement au lieu
d'un allégement fiscal précis pour votre secteur à vous.
Le président: Y a-t-il des commentaires?
M. Gaylen Duncan: C'est ce que nous avons dit, mais j'aborderais probablement sous un angle un peu différent l'industrie de la technologie de l'information ou de la technologie de l'information et des communications. Je choisirais comme thème la R-D ou la recherche scientifique.
Ce qu'on veut dire, c'est qu'il y a certains éléments transversaux dans l'économie de matière grise, qui ne forment pas une verticale traditionnelle. Un dégrèvement ou une subvention pour les mines ne se compare pas à un dégrèvement pour la R-D. La R-D touche à tout. Je sais que c'est un mot terrible, mais en technologie de l'information et des communications, on commence à se qualifier de «vertizontal». On n'est pas exclusivement vertical. La moitié des gens qui travaillent en technologie de l'information oeuvrent aussi dans d'autres secteurs de l'économie. Donc, dans l'économie de matière grise, pas dans mon secteur, il faut reconnaître que cette industrie n'a pas été traitée comme les industries traditionnelles que nous avons développées et cultivées au Canada.
Quand on commencera à cultiver les industries de croissance au lieu des industries agonisantes, ça réglera certains des problèmes de création d'emplois qui préoccupent M. Riis. On n'aura pas besoin uniquement de docteurs en informatique; il faudra aussi des commis, des préposés au courrier, des spécialistes de la mercatique, des comptables.
Mme Judith Erola: Et des concierges.
M. Gaylen Duncan: Oui. Donc, toute l'économie en profitera.
Ce moteur que des gens comme le ministre Manley ont commencé à découvrir est le vrai moteur de la croissance. Le taux de croissance de l'emploi dans ce secteur est six fois supérieur à celui du reste de l'économie. Il faut reconnaître son existence et le cultiver. Il ne faut pas taxer le secteur à mort. Il faut le choyer. Servez-vous du crédit d'impôt à la R-D pour accorder un dégrèvement. Il ne faut pas le considérer comme une échappatoire fiscale, ce qui semble être le cas malheureusement au ministère des Finances. Considérez-le plutôt comme un stimulant pour l'économie, ce que M. Dhaliwal a commencé à croire.
Le président: Madame Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai apprécié tous vos exposés fort éloquents.
Je suis de Vancouver en Colombie-Britannique et, comme nouvelle députée, j'ai beaucoup entendu parler de l'exode des cerveaux, des lourds impôts des entreprises et des secteurs de l'éducation et des sciences et de la technologie.
J'ai déjà organisé deux tables rondes, une avec la vice-première ministre et l'autre avec le ministre Paul Martin. J'ai invité deux recteurs d'université et le président de la Chambre de commerce, etc.
Sachez que j'ai parfaitement compris vos préoccupations. Disons que je vous prête une oreille très sympathique. Je tiens à dire que je partage sincèrement certaines de vos inquiétudes.
Je retourne à Vancouver toutes les fins de semaine et là-bas, on me dit la même chose. Les gens me demandent si je peux faire quelque chose. Alors je suis là et je veux vous dire que j'ai bien saisi votre message.
Je veux aussi souligner que l'industrie de haute technologie de la Colombie-Britannique a de nombreux emplois très rémunérateurs qui sont vacants parce qu'on n'arrive pas à trouver des candidats qualifiés. Je voudrais vous demander si vous n'avez pas des suggestions. On en revient toujours aux mêmes raisons, bien sûr, mais il y a quand même un vide. C'est le même problème à Ottawa. Il y a ici des entreprises qui doivent recruter des gens formés à l'étranger. Voilà un autre problème. On a besoin de travailleurs très spécialisés et il n'y en a pas.
• 1100
Est-ce que quelqu'un veut réagir?
M. Gaylen Duncan: Il y a une pénurie de travailleurs spécialisés dans tout le secteur de la haute technologie, pas seulement en technologie de l'information.
On a beau le dire et vous avez beau acquiescer, il y a des économistes au ministère des Finances qui ne sont pas d'accord et qui se tournent vers Statistique Canada pour savoir où, dans les données sur le marché du travail, se trouvent ces 20 000 emplois, par exemple, qui seraient disponibles dans l'industrie des services informatiques. La première chose à faire pour le gouvernement, c'est de mettre au point des données sur le marché du travail dans la nouvelle économie.
Mme Judith Erola: Des données à jour.
M. Gaylen Duncan: Des données à jour sur la nouvelle économie. Nous avons travaillé assidûment avec Développement des ressources humaines qui reconnaît le manque complet de données sur le marché du travail et qui s'est engagé à s'occuper de ça à un moment donné. C'est resté sans suite.
Notre industrie est obligée de mener elle-même des enquêtes pour connaître le nombre d'emplois disponibles afin d'expliquer au gouvernement que si les systèmes d'éducation formaient des travailleurs possédant les bonnes compétences, on aurait des emplois pour eux. C'est ridicule d'obliger l'industrie à faire ça. Normalement, c'est le gouvernement qui s'en charge.
Si on commençait par des données sur le marché du travail, il faudrait ensuite concevoir en collaboration avec notre industrie des programmes pour amener les autorités responsables de l'éducation à reconnaître que leurs propres systèmes empêchent les gens d'acquérir les compétences nécessaires pour la nouvelle économie. Les choses ont bougé un peu dernièrement dans certaines provinces. Mais quand l'industrie a finalement compris pour quelle raison on n'accordait pas plus d'importance aux programmes d'informatique et de génie, le monde des affaires s'est entendu avec les recteurs. Quand tous les étudiants en lettres sont rentables alors que pas un seul étudiant en informatique et en génie ne l'est, ce qu'il faut promouvoir saute aux yeux. Il faut donc changer cette formule et le gouvernement fédéral doit en prendre l'initiative.
Je comprends que l'éducation est un champ de compétence provinciale particulièrement délicat, que c'est un problème constitutionnel, mais une population active spécialisée et occupée, c'est un problème de compétence fédérale. On a besoin d'indications sur la façon d'amener le système d'éducation à produire des travailleurs, depuis le primaire, comme certains l'ont mentionné, jusqu'à la fin des études. On n'a pas besoin de 100 000 informaticiens, mais il faut beaucoup plus de diplômés ayant des connaissances en informatique. Ce n'est pas pareil.
Mme Judith Erola: J'ajouterais qu'il y a eu au Canada un fossé culturel entre les universités et l'industrie; heureusement le fossé se comble peu à peu. Pendant des années, il y avait véritablement deux solitudes qui ne se parlaient pas.
Les institutions gouvernementales qui ont été créées, les partenariats comme le Fonds d'aide à l'innovation sont en train de disparaître alors que je préférerais qu'il y en ait plus. À mesure que les universités et l'industrie se rapprochent, on comprend mieux le marché du travail et la formation y est meilleure. Les universités évoluent lentement comme le ministère des Finances, mais ça change.
Je pense qu'en Colombie-Britannique, pour répondre à votre question en particulier, l'Université de Colombie-Britannique fait des tentatives louables. Je crois que le nouveau recteur et certains de nos contacts à l'université étudient la question très attentivement. J'encourage ça et j'encourage aussi le gouvernement fédéral à former d'autres partenariats entre le secteur public et l'entreprise privée, et à consulter l'industrie avant de conclure un partenariat. Très souvent, on impose un partenariat à l'industrie sans même se demander si ça va marcher ou si c'est intéressant pour l'industrie.
Mme Sophia Leung: Mon observation s'adresse à M. Gagnon. Je pense que votre recommandation numéro 5—la nécessité d'encourager le secteur privé à investir dans la recherche. Je pense que votre nouveau président, M. Strangway, est très bien. Ce qu'il a fait à Vancouver pour l'Université de Colombie-Britannique, dont je suis une diplômée... il a attiré des millions de dollars. Je suis contente donc qu'il soit à la Fondation et je suis certaine que vous serez encore meilleur que lui pour attirer des investissements. Nous nous demanderons certainement ce qu'il faut faire.
Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: Tout d'abord, je veux remercier les panélistes.
Je vais faire certaines observations sur ce que j'ai entendu aujourd'hui. En essence, vous avez parlé non seulement de ce qu'il faut faire maintenant, mais aussi d'une vision d'ensemble et de certains engagements qu'il faut prendre.
• 1105
Bien franchement, je suis emballé. Je suis foncièrement
optimiste puisque ce débat dure depuis plus longtemps qu'on ne le
pense. Il y a dix ans, j'ai entendu plusieurs des choses qui ont
été mentionnées aujourd'hui et il y a eu des progrès: les conseils
sectoriels, le travail que vous faites et tant d'autres.
Manifestement, ça doit marcher puisque notre économie est vraiment
en train de se transformer. La création d'emplois dans votre
secteur s'est intensifiée.
En fait, quand notre nation a accepté la mondialisation, on a fixé certains objectifs. On a notamment décidé de se concentrer sur l'acquisition d'une main-d'oeuvre très spécialisée et bien rémunérée qui aurait une production à forte valeur ajoutée. Pour y parvenir, bien entendu, il faut fournir une infrastructure technologique, une infrastructure traditionnelle et des niveaux d'imposition plus appropriés pour certaines industries. Souvent, il faut faire des choix. On ne peut pas tout faire en même temps.
Comme M. Forseth l'a clairement dit, il faut se concentrer sur un plan à long terme. Autrement dit, il faut aussi s'occuper de l'administration actuelle du gouvernement.
Ma question se rapporte à un sujet qui fait les manchettes depuis une semaine. Il s'agit des cotisations d'assurance-emploi. Vous avez préconisé ici des réductions d'impôt pour les particuliers et des crédits fiscaux pour votre industrie. Vous êtes venus exprimer les craintes que vous inspire l'exode des cerveaux. Que ce soit fondé sur des anecdotes ou non, c'est quand même un problème que vous avez abordé.
Le gouvernement a le choix de vous écouter parce que vous parlez de l'impôt sur le revenu des particuliers—qui, en passant, n'est pas très compétitif. Quant aux charges sociales, notre pays est très concurrentiel.
Alors qu'allons-nous faire? Certains suggèrent d'utiliser l'argent de l'assurance-emploi—qui, en passant, fait partie des recettes générales—pour réduire les impôts et prendre d'autres mesures comparables. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Gaylen Duncan: Je me lance encore une fois.
Mme Judith Erola: C'est votre opinion personnelle cette fois, n'est-ce pas?
M. Gaylen Duncan: Non, c'est toujours la politique de l'ACTI.
Partons du principe qu'il faut essayer d'expliquer aux électeurs moyens les autorités fédérales, provinciales et municipales. Pour eux, c'est toujours le gouvernement. Les électeurs ont vraiment du mal à comprendre où s'arrête la compétence fédérale et où commence la compétence provinciale, et quand ce sont des programmes provinciaux financés par le fédéral.
Pour une entreprise, tout montant expédié à Ottawa ou dans une capitale provinciale est une taxe, que ce soit pour des cotisations à l'assurance-emploi, des charges sociales, l'impôt sur le revenu de la société ou le paiement de l'impôt des particuliers. Ce qu'on a cherché à vous faire comprendre, c'est que globalement, ces taxes sont trop élevées. Peu importe que le pays soit compétitif pour certaines taxes mais pas pour d'autres, l'important c'est le montant global. L'argent va ailleurs et les travailleurs aussi.
Pour ce qui est de votre observation, montrez que vous allez faire subir aux taxes le même sort qu'au déficit. Je ne m'attends pas qu'elles soient réduites à néant, mais dites quel pourcentage du PIB vous visez. Avec le temps, attaquez-vous à des paiements dont vous pouvez vous passer. Commencez par les diminuer jusqu'à ce qu'on arrive à un pourcentage plus bas du PIB total produit par la fiscalité.
Comprenez les choix et comprenez qu'il va falloir du temps. On a dit la même chose au sujet du déficit. On a dit qu'il faudrait de cinq à dix ans pour régler ce problème. Il a fallu quatre ou cinq ans pour attirer l'attention du monde et ensuite quatre ou cinq bons budgets pour y parvenir. Mais l'économie a compris que le ministre des Finances, le premier ministre, le Cabinet et le Parlement s'étaient engagés à s'attaquer en priorité au déficit.
Le président: Monsieur Duncan, comme vous ne répondez pas à ma question, je vais la reformuler. J'ai compris que vous vouliez privilégier les réductions d'impôt, mais ma question est un peu plus précise.
Je présume que vous cotisez à l'assurance-emploi, n'est-ce pas?
M. Gaylen Duncan: Oui.
Mme Judith Erola: Et comment donc!
M. Gaylen Duncan: Vous voulez savoir précisément ce qu'on doit faire du surplus?
Le président: Plus précisément, voulez-vous que le gouvernement fédéral abolisse la surtaxe de 3 p. 100 ou préférez-vous qu'il réduise les cotisations?
M. Gaylen Duncan: Le programme d'assurance-emploi a été conçu comme une assurance. L'argent a été perçu pour ça.
Mme Judith Erola: Et il devrait servir à ça.
M. Gaylen Duncan: Il y a un principe qui s'applique à la collecte d'informations. En vertu des règles de protection de la vie privée, les informations recueillies à une fin ne peuvent pas servir à une autre sans le consentement exprès de la personne qui a fourni les renseignements. Je pense que le même principe devrait s'appliquer au surplus de l'assurance-emploi. C'est un surplus provenant des cotisations et il devrait être remboursé aux cotisants à l'assurance-emploi.
Le président: Je comprends, mais vous savez que c'est en quelque sorte un compte fantôme. S'il y a un surplus, il se trouve dans les recettes générales.
Mme Judith Erola: Mais pour celui qui cotise, peu importe que l'argent se trouve dans les recettes générales. Ayant déjà eu une petite entreprise, je sais que ces cotisations représentent la plus grosse partie de la somme remise au gouvernement à des fins particulières, comme l'a dit M. Duncan. S'il fallait que l'argent soit détourné à d'autres fins, employeurs et employés considéreraient ça comme un abus de confiance.
Le président: Puis-je vous poser une question? Si, en février, le ministre Martin présente un budget prévoyant qu'après avoir utilisé le fonds de réserve pour éventualités de trois milliards de dollars pour réduire la dette, il annoncera une diminution de cinq milliards de dollars de l'assurance-emploi parce que c'est tout l'argent dont il dispose, est-ce que les Canadiens seront contents?
Mme Judith Erola: Je ne peux pas répondre à votre question.
Le président: Je la reformule. Vous écoutez tranquillement le discours du budget. Le ministre se lève et dit: «Mesdames et messieurs, dans mon budget, je prévois trois milliards de dollars pour la dette et cinq milliards de dollars pour réduire les cotisations à l'assurance-emploi.» Voilà le discours. Il n'a pas de marge de manoeuvre. Si votre raisonnement au sujet de l'assurance-emploi est correct, alors c'est tout ce qui lui reste.
M. Gaylen Duncan: Combien y a-t-il de cotisants à l'assurance-emploi? Combien de personnes ont une retenue sur leur chèque de paie pour cotiser à l'assurance-emploi? Huit millions? Alors je dirais que 8 millions de personnes seront contentes.
M. Paul Szabo: Quatorze millions.
M. Gaylen Duncan: C'est une autre réduction que nous espérons.
Mme Judith Erola: Certainement.
M. Gaylen Duncan: Au départ, nous avons tous dit que nous n'allions pas parler de ce qui est politiquement avantageux. Les allégements fiscaux et la réduction des cotisations à l'assurance-emploi ne sont pas politiquement avantageux; les emplois le sont. Si on ne s'attaque pas immédiatement à l'environnement dans lequel nous transigeons, les emplois vont disparaître à un rythme accéléré.
Mme Judith Erola: Et l'assurance-emploi fait partie intégrante du système de création et de préservation d'emplois. Quand on conjugue tout ça, la différence est notable surtout pour les PME qui doivent décider s'il faut embaucher deux ou trois employés. M. Szabo qui est comptable devrait approuver.
À titre de propriétaire d'une petite entreprise et de représentante de l'industrie, je suis convaincue que le compte de l'assurance-emploi devrait servir uniquement aux fins pour lesquelles il a été créé.
Le président: Mais pour les gens que vous représentez, les contribuables à revenu élevé qu'on essaie de retenir au pays, la réduction des cotisations d'assurance-emploi aura un avantage minime par opposition à une réduction de l'impôt sur le revenu.
Mme Judith Erola: Oui, mais ça aura tout un effet sur le segment de la population dont M. Riis a parlé. Ça crée un effet d'entraînement.
M. Gaylen Duncan: Monsieur Bevilacqua, si le ministre ne dit rien d'autre, nous tiendrons des propos polis mais pas nécessairement très approbateurs. Ce qu'on essaie de faire comprendre, c'est que le gouvernement doit avoir une nouvelle cible. Il faudra plusieurs années pour l'atteindre. La première étape, c'est l'existence d'un surplus actuariel du compte de l'assurance-emploi qu'il faudrait ramener à zéro en réduisant progressivement les cotisations au cours des prochaines années. La deuxième étape, c'est de s'engager à utiliser tant pour cent du surplus actuel pour accorder chaque année un dégrèvement d'impôt.
Le président: C'est bien différent de ce que vous avez dit jusqu'à présent. Vous dites que tout ce qui dépasse 15 milliards de dollars dans ce prétendu compte devrait être rendu aux employeurs et aux employés. Comme on ne sait pas quel sera le surplus cette année—que ce soit bien clair—s'il ne faut traiter que cette question, je vous assure que le discours ne sera pas très long. Il dira: «Que les trois milliards de dollars soient affectés au remboursement de la dette et les cinq milliards de dollars, à la réduction des cotisations à l'assurance-emploi, et voilà mon discours du budget.»
• 1115
Je dis seulement, et ça ne nous engage à rien, qu'outre le
fait que le discours sera très bref, il n'insufflera pas tellement
d'espoir à grand-monde puisqu'il abordera un seul sujet, alors que
les gens parlent de R-D, d'exode des cerveaux, de coûts des
services de santé, de s'occuper de nos enfants, etc. C'est tout ce
que je voulais dire.
Mme Judith Erola: Oui. Je trouve qu'il faut trouver un équilibre.
Le président: D'accord. Alors vous voudriez un objectif à long terme.
Mme Judith Erola: En effet.
Le président: Vous ne voulez pas que tout cet argent soit remboursé immédiatement. Bien.
Eh bien, au nom du comité, je veux vous remercier infiniment. Vous nous fournissez toujours des renseignements instructifs dont je vous suis très reconnaissant. Merci.
La séance est levée.
Le président: Je demande votre attention et vous souhaite à tous la bienvenue. Nous faisons les consultations prébudgétaires, dans le cadre desquelles nous sollicitons les opinions de Canadiens de toutes les régions du pays afin d'essayer d'établir les priorités pour le prochain budget. Comme vous le savez, nous présenterons un rapport à la Chambre des communes et au ministre des Finances dans lequel nous ferons des recommandations sur l'orientation du budget en fonction des opinions exprimées par les Canadiens.
Je profite de l'occasion pour saluer les représentants de l'Institut des fonds d'investissement du Canada et de l'Institut du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada. Je donne la parole à M. John Mountain, vice-président de la réglementation et à M. Peter Bowen, président du Comité directeur de la fiscalité de l'Institut des fonds d'investissement du Canada.
M. Peter Bowen (président, Comité directeur de la fiscalité, Institut des fonds d'investissement du Canada): Merci. Nous sommes très heureux de participer à ce débat et nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion de témoigner. Nous avons le plaisir de signaler qu'au cours de l'année qui vient de s'écouler, nous avons eu des consultations, des réunions et des conversations avec des représentants du ministère des Finances et de Revenu Canada, et que nous avons établi de bons rapports avec ces deux ministères.
Il n'y a que deux questions sur lesquelles nous voulons attirer votre attention: celle de la règle applicable aux placements en biens étrangers et celle du plafond des cotisations à un REER. Ces deux questions sont examinées dans notre mémoire, c'est-à-dire dans la lettre que nous vous avons envoyée le 31 août et que vous avez probablement sous les yeux. Je parlerai brièvement de chacun des deux sujets, puis je verrai si vous avez des questions à nous poser. Si vous voulez m'interrompre, n'hésitez surtout pas à le faire.
Comme vous le savez, le montant des investissements que les Canadiens peuvent faire à l'étranger dans le cadre de leurs régimes de revenu différé est limité à 20 p. 100 des avoirs totaux, ce calcul étant basé sur le coût. L'IFIC, c'est-à-dire l'Institut des fonds d'investissement du Canada, recommande que ce plafond soit relevé de 20 p. 100 à 30 p. 100. La principale raison est de permettre une plus grande diversification. Sur le plan géographique mais aussi, voire surtout, en fonction de chaque type d'industrie, le marché canadien, représenté par les diverses bourses, est sous-représenté dans plusieurs secteurs très importants. C'est notamment le cas dans celui des soins de santé, celui du spectacle, celui de la technologie et dans divers autres secteurs, bien entendu. Si les Canadiens pouvaient diversifier davantage leurs placements, ils obtiendraient un meilleur rendement en prenant moins de risques. Par conséquent, un relèvement du plafond applicable aux placements en biens étrangers serait une bénédiction pour les Canadiens et serait d'une manière générale intéressant pour le Canadien moyen.
On se pose des questions légitimes sur les répercussions d'un relèvement de ce plafond sur les marchés canadiens, les marchés boursiers comme les marchés de la dette, y compris celui de la dette publique. Une étude récente du Conference Board of Canada indique qu'au début des années 90, lorsqu'on a relevé le plafond des investissements à l'étranger de 10 à 20 p. 100, cela n'avait eu aucun effet négatif sur les marchés. Cet organisme estime qu'un relèvement du plafond actuel de 20 à 30 p. 100 n'aurait aucune incidence négative marquante. À ce propos, je signale que cette situation serait due en partie au fait que 24 p. 100 seulement des éléments d'actif réalisables à court terme des Canadiens sont placés dans des REER ou dans d'autres types de régimes de revenu différé. On constate par ailleurs qu'un tel changement n'aurait aucune incidence marquante sur les autres actifs canadiens appartenant à des étrangers.
Notez que ce sont les membres de la classe moyenne qui bénéficieraient de ce changement. Les riches ont déjà la possibilité de diversifier leurs placements à l'étranger grâce à leurs actifs qui ne sont pas bloqués dans des REER. C'est le Canadien moyen, dont la plupart des actifs sont bloqués dans un REER, qui bénéficierait principalement d'un relèvement du plafond. Par conséquent, ce ne sont pas les riches mais les citoyens ordinaires qui en profiteraient.
• 1240
En ce qui concerne la question du plafond des cotisations à un
REER, c'est avant tout une question d'équité. Le relèvement
progressif du plafond qui avait été proposé en 1989 visait à mettre
les contribuables qui ne pouvaient compter que sur leur REER pour
leur revenu de retraite sur un pied d'égalité avec les
bénéficiaires de régimes à prestations déterminées. Cette
initiative avait également pour but de permettre aux Canadiens
d'épargner suffisamment d'argent pour pouvoir jouir d'un niveau de
vie décent à la retraite.
Diverses crises budgétaires ont ensuite fait dérailler ce plan. Nous avons maintenant l'occasion de réparer cette injustice. Par conséquent, l'IFIC recommande que le plafond soit porté à 16 500 $ en 1999 et qu'il soit ensuite indexé sur le taux d'inflation. Il est temps que le gouvernement respecte les engagements qu'il avait pris à l'égard des cotisants aux REER et aux régimes à cotisations déterminées.
C'est tout ce que j'avais à dire en ce qui concerne les deux questions abordées dans notre lettre. Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'en parler et je suis entièrement disposé à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bowen.
Je donne maintenant la parole à M. Keith Lancasle, de l'Institut du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada. Bonjour, monsieur Lancasle.
M. Keith Lancasle (porte-parole, Institut du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada): Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens également à vous remercier de m'avoir donné à nouveau l'occasion de participer à ce processus de consultations prébudgétaires. En guise d'entrée en matière, je voudrais dire quelques mots au sujet de l'Institut du Service d'entretien et de réparation automobiles du Canada ou Institut CARS.
Le CARS est un organisme privé à but non lucratif à charte fédérale qui aide l'industrie du service d'entretien et de réparation automobiles. L'industrie automobile canadienne emploie plus de 357 000 personnes dans les divers services de réparation et d'entretien qu'elle offre pour les quelque 15,8 millions de véhicules canadiens en circulation. Chaque année, l'impact financier de ce secteur sur l'économie se chiffre dans les dizaines de milliards de dollars. Notre secteur est par conséquent un de ceux qui contribuent le plus à la prospérité générale de l'économie canadienne.
Le CARS a instauré un mécanisme et un processus permettant de regrouper tous les principaux intervenants de l'industrie: les fabricants et les importateurs d'automobiles, les concessionnaires, les grossistes et les revendeurs, les chaînes de vente au détail et les ateliers de réparation spécialisés, les ateliers indépendants de réparation et d'entretien, les employés de l'industrie, nos partenaires du secteur des collèges communautaires et les établissements privés de formation. Grâce à ce partenariat entre les intervenants, le CARS a élaboré et mis en oeuvre quelques initiatives réussies en matière de ressources humaines, afin d'aider ce secteur d'activité extrêmement important à l'échelle mondiale à faire face aux principaux défis qu'il est appelé à relever dans ce domaine.
Le plus gros du travail que nous avons fait jusqu'à présent par l'intermédiaire du CARS concerne les techniciens et les apprentis, c'est-à-dire la principale zone d'emploi de notre secteur. Le métier de technicien ou d'apprenti dans le secteur de l'automobile est peut-être un des métiers les plus difficiles et les plus variés qui soient sur le marché du travail canadien. Alors que la technologie a considérablement accentué la nature pointue de la profession, celle-ci est toujours assortie d'exigences physiques assez importantes. C'est de l'avis de tous un métier de jeunes. On rencontre très peu de techniciens âgés de plus de 50 ans.
D'après un récent sondage effectué par le conseil du CARS, environ 47 p. 100 des travailleurs sont âgés de plus de 40 ans et près de 15 p. 100 ont déjà plus de 50 ans. Face à ce constat, l'industrie reconnaît qu'elle sera confrontée sous peu à une grave pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Étant donné que les travailleurs qui ont déjà atteint la quarantaine approchent de l'âge de la retraite, du moins dans ce secteur, nous devrons pouvoir aller puiser dans une réserve de candidats potentiels possédant les compétences et les connaissances voulues pour réparer convenablement les automobiles de demain.
Notre industrie s'est tournée vers le CARS pour prendre des initiatives dans ce domaine et élaborer des programmes ou des solutions pour pouvoir répondre aux besoins futurs de main-d'oeuvre. Un bon exemple d'initiative de ce genre est notre programme très efficace de stages pour les jeunes, le programme de choix de carrière pour les jeunes du CARS. Ce programme a pour objet de faire acquérir des compétences et une expérience précieuses aux jeunes qui essaient de faire la pénible transition entre l'école et le monde du travail. Grâce à ce programme, plus de 1 000 jeunes ont reçu une formation et ont surtout acquis l'expérience pratique indispensable pour débuter dans le métier sur des bases solides.
• 1245
Au cours des prochains mois, le CARS produira des instruments
d'information visant à fournir aux jeunes les renseignements
nécessaires pour pouvoir prendre une décision quant à une
éventuelle carrière dans notre secteur. Cette initiative et une
présence accrue de notre secteur dans les écoles secondaires sont
susceptibles d'encourager beaucoup les jeunes à envisager
sérieusement cette possibilité de carrière.
L'industrie a également fait le nécessaire pour faire connaître et améliorer les normes de formation tant en ce qui concerne les débutants que les ouvriers en place, pour s'assurer que les nouveaux venus et les travailleurs qui font déjà carrière dans le secteur puissent acquérir les compétences et les connaissances nécessaires.
En bref, par l'intermédiaire du CARS et d'autres organismes, l'industrie a pris des mesures concrètes pour essayer de résoudre certains de ses problèmes en matière de ressources humaines. Elle ne ménage pas ses efforts pour avoir la possibilité de recruter des travailleurs compétents au moment où elle en aura besoin.
Malgré tous ces efforts, certains problèmes et certaines difficultés qui échappent à notre influence nous compliquent beaucoup la tâche lorsqu'il s'agit d'attirer et de retenir des employés de haut calibre. C'est précisément de l'éternel problème qui contrecarre ces efforts que je voudrais vous entretenir aujourd'hui. C'est un problème dont nous avons déjà parlé à maintes reprises, et notamment pas plus tard qu'au cours de vos consultations prébudgétaires de l'année dernière.
Les apprentis et les techniciens de notre secteur sont confrontés à une situation unique sur le marché du travail canadien. Comme condition d'emploi, ces hommes et ces femmes doivent acheter et garder à jour un jeu d'outils. Autrement dit, un technicien ou un apprenti qui ne possède pas son jeu d'outils sera incapable de trouver ou de conserver un emploi. Pourtant, le coût d'achat et d'actualisation de ces outils n'est pas déductible du revenu d'emploi.
Nous reconnaissons d'emblée que tous les employés canadiens doivent faire certaines dépenses liées à leur emploi. Par contre, dans le cas des techniciens et des apprentis de notre secteur, c'est l'ampleur de ces dépenses qui rend cette situation unique en son genre et pose un problème particulièrement grave.
Il faut penser avant tout aux jeunes apprentis qui débutent dans notre secteur. C'est peut-être pour eux que la situation est la plus critique et la plus pénible. D'après les toutes dernières données que nous possédons, 31 p. 100 des apprentis investissent entre 2 500 et 4 000 $ chaque année dans leurs outils et 10 p. 100 d'entre eux investissent davantage. Plus de 35 p. 100 de ces jeunes ont déjà investi plus de 10 000 $ dans leurs outils alors que leur carrière ne fait que commencer.
Je vous rappelle qu'il s'agit d'apprentis, c'est-à-dire de jeunes qui essaient de faire leurs débuts dans notre secteur. Leur revenu est encore très modique. La plupart d'entre eux, 54 p. 100 exactement, gagnent moins de 20 000 $ par an. Par conséquent, c'est à la fois l'ampleur de cet investissement et la modicité de leur revenu qui font que la situation est particulièrement grave en ce qui les concerne.
Par ailleurs, la situation des techniciens entièrement qualifiés est très semblable. Pas moins de 70 p. 100 des techniciens ont déclaré un investissement annuel de plus de 1 000 $ dans la mise à jour et le remplacement de leurs outils, 27 p. 100 ont signalé des dépenses annuelles totales supérieures à 2 500 $, plus de 60 p. 100 ont fait un investissement total de plus de 20 000 $ dans leurs outils et 12 p. 100 ont parlé d'un investissement supérieur à 50 000 $. Bien qu'ils soient qualifiés et expérimentés, leur niveau de revenu reste relativement modeste, surtout en comparaison d'autres métiers et professions spécialisés. Plus de 63 p. 100 des techniciens de notre secteur déclarent un revenu annuel inférieur à 40 000 $ et le revenu moyen d'un technicien oscille généralement autour de 30 000 $.
Nous ne connaissons vraiment aucun autre secteur au Canada où il soit nécessaire de faire un investissement de cette importance pour obtenir et conserver un emploi aussi mal rémunéré. Pourtant, ces Canadiens ne peuvent pas déduire leurs dépenses aux fins de l'impôt, contrairement aux artistes, aux opérateurs de scies à chaîne et aux musiciens.
Les répercussions de cette situation demeurent un problème pour notre secteur, aussi bien à court terme qu'à long terme. À court terme, le fait que les techniciens ne puissent pas déduire le coût de leurs outils aux fins de l'impôt est considéré comme un des principaux facteurs d'attrition de la main-d'oeuvre dans notre secteur, comme on l'a d'ailleurs signalé à maintes reprises un peu partout dans le pays. Pour ce qui est du long terme et de l'état de santé de notre secteur dans l'avenir, nous estimons surtout que c'est un obstacle structurel qui décourage des jeunes qui auraient pu envisager d'y faire carrière.
Imaginez la réaction d'un jeune qui a décidé de faire carrière comme technicien dans notre industrie. On lui dit qu'il doit d'abord acheter un jeu d'outils de base pour obtenir son premier emploi et qu'il n'aura pas droit à une déduction fiscale ou à quelque autre type de crédit d'impôt correspondant au prix d'achat de ces outils. C'est un obstacle susceptible de porter quelqu'un à reconsidérer sa décision.
• 1250
Comme je l'ai déjà signalé, le problème ne date pas d'hier. Il
se pose depuis de nombreuses années. Les techniciens et les
apprentis sont en quelque sorte la charpente de l'industrie des
services de réparation et d'entretien automobiles dans notre pays.
Sans eux, nous sommes incapables de fournir aux Canadiens la
qualité de service qu'ils demandent et qu'ils méritent; par
conséquent, le rendement global de l'industrie en souffre.
Nous sommes très préoccupés au sujet de la capacité de notre industrie de répondre à l'avenir à la demande des consommateurs et des automobilistes. Y aura-t-il assez de travailleurs possédant les compétences et les connaissances nécessaires pour répondre à la demande, compte tenu de l'évolution technologique et de la prolifération des véhicules en circulation? Comme je l'ai indiqué, notre industrie a pris un certain nombre d'initiatives concrètes pour essayer de combler ses besoins futurs de main-d'oeuvre. L'efficacité de nos efforts sera toutefois fort compromise si l'on ne fait pas le nécessaire pour régler cet autre problème.
Vous nous avez demandé de préparer des recommandations concernant les priorités dont il faudrait tenir compte dans la répartition du dividende budgétaire, la nature des investissements qu'il faudrait faire et les changements qu'il faudrait apporter au régime fiscal. Nous demeurons convaincus qu'un investissement dans des allégements fiscaux ciblés qui aideraient les Canadiens à obtenir des emplois et à les conserver est peut-être la meilleure solution pour s'assurer que la nouvelle économie offre un large éventail de possibilités d'emploi. Par conséquent, nous vous prions de recommander à nouveau dans le rapport que vous devez présenter au ministre et à la Chambre que le gouvernement accorde des allégements fiscaux aux Canadiens qui doivent assumer de très grosses dépenses pour obtenir un emploi.
Merci encore de nous avoir permis de témoigner.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lancasle.
Nous allons entamer la période de questions.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci beaucoup. Je vais dire en quelques mots ce que je pense des commentaires de M. Lancasle. Je suis entièrement d'accord avec lui. Étant comptable agréé, je sais quels contribuables obtiennent des déductions et lesquels n'en obtiennent pas. Vous avez entendu de toute évidence certains arguments concernant le problème du recours abusif aux déductions et la nécessité de fixer des limites, mais ce sont des questions d'ordre technique. En principe, si l'employeur n'est pas prêt à fournir les outils nécessaires, sous prétexte que la situation dans son secteur a évolué au point de considérer ceux-ci comme strictement personnels et que l'attribution d'un jeu d'outils de base ne serait pas nécessairement une garantie de productivité ou de qualité de travail maximales, la question mérite d'être examinée.
J'appuie cette recommandation, à condition de prévoir certaines mesures de contrôle pour éviter les abus et pour s'assurer notamment que l'intéressé n'achète pas des outils pour toute sa famille et ses amis pour profiter de la déduction fiscale correspondante. Il ne faut pas aller trop loin; les Canadiens sont généralement honnêtes, mais il est nécessaire de prendre certaines précautions. J'appuie par conséquent votre recommandation.
Quant aux arguments financiers de l'Institut des fonds d'investissement du Canada, je ne peux pas dire que je les trouve convaincants. En dépit du fait que nous ayons recommandé dans notre rapport un relèvement du plafond sur les biens étrangers, il reste qu'il faut faire des études pour voir si un tel changement aurait des répercussions économiques. Des études sont en cours à ce sujet étant donné que l'on a presque atteint un stade où un relèvement du plafond pourrait avoir des conséquences, sur les marchés financiers notamment.
En fin de compte, cela équivaudrait à un allégement fiscal. Je voudrais en savoir plus sur les avantages éventuels d'un investissement dans un pays étranger ou dans une entreprise étrangère dans certains cas, notamment lorsque les conventions prévoient divers régimes d'impôt différé ou n'en prévoient pas.
La proposition que je refuse d'appuyer pour l'instant—et je vais vous dire pourquoi en espérant que vous me donnerez votre avis—est celle qui concerne le relèvement du plafond des cotisations à un REER. Le plafond actuel, qui est de 13 500 $, ne peut être atteint par aucun contribuable qui a un revenu annuel inférieur à 75 000 $. C'est ce qu'il faut gagner pour pouvoir placer 13 500 $ dans son REER. Par conséquent, 5 ou 6 p. 100 seulement des Canadiens, soit une infime minorité, pourraient bénéficier d'un relèvement du plafond.
• 1255
M. Bowen a employé les termes justes. Il a parlé d'«équité».
Comme vous le savez, notre régime fiscal est un régime d'impôt
progressif. Après avoir adopté un système de taux d'impôt
progressif, nous avons instauré d'autres programmes, comme celui
des REER. Comme il s'agit d'une déduction, ces régimes représentent
une économie plus importante pour les contribuables à revenu élevé
que pour les petits salariés. En effet, un contribuable à revenu
élevé qui verse 1 000 $ dans son REER a droit à un remboursement
d'impôt de 500 $. Par contre, pour le même montant, un petit
salarié n'a droit qu'à un remboursement de 250 $.
En outre, du fait que lorsque l'on cotise à un REER, on a le droit d'ouvrir un REER au profit du conjoint; on peut en fait fractionner le revenu, ce qui est probablement la meilleure occasion pour les Canadiens de réduire les impôts qu'ils doivent payer sur leurs revenus. En achetant un REER au profit du conjoint, on fractionne en quelque sorte les niveaux de revenu. On peut y verser le montant maximum si l'on a un régime d'entreprise et que l'on a des droits de cotisation à un REER. Cela permet d'obtenir une déduction sur le plus haut niveau de revenu et par conséquent de fractionner le revenu pour payer le taux d'imposition le plus bas. C'est en fin de compte un gain inattendu sur le taux d'impôt; cet avantage n'est pas accessible à tous les Canadiens, et plus particulièrement aux gagne-petit.
Par conséquent, si vous estimez en toute honnêteté qu'il est important d'encourager l'équité fiscale, vous devriez peut-être recommander que l'on encourage les Canadiens à épargner pour leur retraite et que l'on s'assure que les avantages soient justes et équitables pour tous. Ce n'est pas le cas du tout pour le moment. C'est ce que je vous suggère.
Je serais en faveur d'un relèvement des cotisations maximales aux REER s'il était prouvé que les Canadiens qui ont le droit d'en acheter atteignent le plafond. En réalité, les statistiques actuelles indiquent qu'un grand nombre de Canadiens n'utilisent pas la totalité de leurs droits de cotisation et que la somme des cotisations reportées continue d'atteindre des proportions astronomiques, comme vous le savez.
Par conséquent, bien que vous utilisiez les termes «Canadien moyen», il est absolument évident que celui-ci ne profiterait pas des changements dont vous parlez. En fait, ce n'est qu'un tout petit groupe de Canadiens, représentant environ 5 p. 100 de la population, qui pourrait en bénéficier.
Je comprends votre raisonnement et je comprends que l'on estime que tous les Canadiens, même ceux qui ont un revenu élevé, devraient pouvoir investir assez d'argent pour leur retraite. Par contre, le Canadien moyen ne le fait pas—l'appétit n'a pas été démontré—et le système actuel défavorise déjà la classe moyenne par rapport aux nantis. C'est pourquoi je ne suis pas en faveur des changements que vous proposez dans l'immédiat. Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
Le président: Monsieur Bowen.
M. Peter Bowen: Je voudrais parler d'abord de la limite applicable aux placements en biens étrangers. Je signale qu'à notre demande, le Conference Board du Canada a examiné les incidences d'un tel changement sur l'économie. Je crois que nous vous avons déjà fait parvenir un exemplaire de cette étude mais nous en avons apporté d'autres. Je vous recommande d'examiner ce document.
Par ailleurs, le plafond avait déjà été porté de 10 à 20 p. 100 au début des années 90, et ce relèvement n'a pas eu de répercussions marquantes sur l'économie ou sur les marchés, s'il en a eu. Il est par conséquent évident que cela touche très peu de personnes et le fait que les répercussions d'un tel changement sur l'économie ne seraient pas importantes est confirmé par au moins une étude sérieuse.
Vous avez dit que ce serait en fait un allégement fiscal mais j'estime pour ma part qu'un tel changement ne pourrait être qu'avantageux pour les Canadiens, et je ne vois pas quelles difficultés cela poserait de leur permettre de diversifier leurs placements et d'obtenir ainsi un meilleur rendement en prenant moins de risques.
Je pourrais peut-être vous demander de préciser pourquoi vous considérez cela comme un allégement fiscal. Il me semble qu'un tel changement ne peut être qu'avantageux pour le Canadien moyen.
• 1300
En ce qui concerne le plafond de 13 500 $, je reconnais que
seuls les contribuables qui ont un revenu minimum de 75 000 $
peuvent en profiter. Par contre, ceux qui ont le privilège d'avoir
un régime à prestations déterminées peuvent déjà bénéficier d'un
allégement fiscal plus important que les autres et nous vous
demandons tout simplement de les mettre tous sur un pied d'égalité.
C'est un principe qui avait déjà été accepté par le gouvernement et c'est pourquoi il avait proposé un relèvement progressif du plafond. Cela prouve que c'est une question d'équité.
M. Paul Szabo: Monsieur le président, je voudrais que vous me permettiez de dire ce que je pense de ce dernier argument. J'estime que, d'une manière générale, c'est un objectif louable mais vous devez comprendre, monsieur Bowen, que la rémunération d'un emploi est constituée à la fois du salaire et des avantages sociaux. Deux emplois identiques offrant le même salaire mais dont l'un serait assorti d'un régime de retraite et l'autre pas, ne seraient pas dans une situation concurrentielle. Vous choisiriez, bien entendu, celui qui offre le régime de retraite.
Les entreprises concernées compensent la différence dans les avantages sociaux (comme un régime de retraite) en augmentant le salaire, pour pouvoir attirer et conserver des employés ayant des compétences comparables. Ce n'est pas juste d'isoler la question de son contexte et de dire que vous voulez être sur un pied d'égalité avec les travailleurs qui bénéficient d'un régime de retraite. Vous occuperiez un emploi identique mais votre salaire serait peut-être plus élevé pour compenser la différence; vous bénéficieriez alors de certains avantages. Ce n'est pas aussi simple que vous ne le dites.
Par ailleurs, il faut examiner de très près les différences qui existent entre le mécanisme d'un régime de retraite et celui d'un REER. Dans le premier cas, on possède une rente viagère accompagnée parfois de prestations de survivant. On ne possède pas le capital alors que, dans le cas d'un REER, on le possède.
Bien des personnes se plaignent de devoir épargner plusieurs centaines de milliers de dollars pour s'assurer un revenu comparable à celui que procure un régime de retraite.
En réalité, il faut essayer de calculer quel montant il faut accumuler pour pouvoir acheter une rente qui procure un revenu comparable à celui que l'on pourrait obtenir grâce à un régime de retraite. C'est ainsi qu'il faut calculer. Il n'est pas juste de se plaindre de ne pas avoir de régime de retraite alors que d'autres en ont un quand on touche un salaire plus élevé qui compense l'absence de régime de retraite. Votre niveau de salaire était probablement différent pendant les années de votre vie où vos revenus atteignaient leur maximum.
Le président: Bien. Merci, monsieur Szabo.
Je donne la parole à Mme Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Je m'excuse d'avoir été absente pendant une partie de votre exposé.
Vous avez parlé de l'étude du Conference Board concernant la règle sur les biens étrangers, qui date de janvier 1998. Je suppose qu'à la suite de l'expérience que nous avons vécue cet été, avec la chute du dollar canadien, et que, du fait que l'on soupçonne les investisseurs d'avoir opté pour des placements plus sûrs, même ceux de mes électeurs qui, l'hiver dernier, étaient les plus ardents partisans d'un tel changement se sont calmés. Quelques-uns m'ont appelée pour me recommander de faire tout mon possible pour éviter que l'on augmente la limite applicable aux placements en biens étrangers.
Est-ce que cette attitude correspond à la réaction générale ou estimez-vous que c'est encore aussi important maintenant que lorsque le Conference Board a fait son étude?
M. Peter Bowen: Je pense que j'en suis encore plus convaincu maintenant. Si vous comparez le rendement de divers marchés, vous constaterez un effet de diversification. Notre devise s'est malheureusement considérablement affaiblie. Pour autant qu'ils aient pu conserver leurs investissements étrangers, les Canadiens ont proportionnellement plus en dollars canadiens, quels que soient les mouvements du marché.
• 1305
Par ailleurs, si vous suivez les mouvements à long terme, vous
constaterez qu'ils sont très différents de ce qui s'est passé cet
été. Cette turbulence ne dure que depuis quelques mois alors qu'à
long terme, les marchés se sont évidemment comportés beaucoup
mieux.
M. John Mountain (vice-président, Réglementation, Institut des fonds d'investissement du Canada): Si vous me le permettez, j'ajouterais que l'étude du Conference Board indique que 24 p. 100 des actifs investissables des Canadiens se trouvent dans des régimes enregistrés. Par conséquent, le relèvement de 20 à 30 p. 100 du plafond applicable aux placements en biens étrangers permettrait d'investir en plus 2,4 p. 100 de ces actifs à l'étranger. Cela paraîtrait négligeable compte tenu de la valeur de notre devise par rapport à celle des devises étrangères.
Mme Carolyn Bennett: Monsieur Lancasle, avez-vous des preuves que si les outils étaient déductibles aux fins de l'impôt, les techniciens en achèteraient davantage ou remplaceraient leurs outils plus souvent ou est-ce qu'ils doivent de toute façon posséder les outils les plus perfectionnés?
M. Keith Lancasle: À l'heure actuelle, dans notre secteur, les nouveaux modèles de voiture font appel à de nouvelles technologies qui nécessitent généralement de nouveaux outils, y compris dans certains cas de petits outils manuels. Quant à savoir si la déduction inciterait les techniciens à acheter davantage d'outils, c'est difficile à dire. Je présume que cela ne changerait rien et qu'ils n'auraient pas tendance à acheter davantage.
Je crois que les techniciens achètent les outils qu'ils jugent nécessaire pour travailler de la façon la plus productive possible. Ils possèdent peut-être deux ou trois jeux de clés de différentes longueurs et de différents calibres. Quand on n'est pas du métier, on a tendance à se demander pourquoi il est nécessaire de posséder trois autres clés quand on en a déjà une de cinq huitièmes de pouce. C'est uniquement une question de productivité. Il faut pouvoir avoir accès plus rapidement à telle ou telle partie de telle ou telle marque de voiture, de façon à devenir plus productif et à gagner davantage. Dans les voitures modernes, l'espace sous le capot est beaucoup plus rempli qu'il y a 20 ans et les techniciens doivent acheter les outils nécessaires pour pouvoir travailler le plus vite possible.
Pour en venir à votre question, je ne pense pas que l'octroi d'une déduction ait une influence particulière sur le degré d'activité. À notre avis, cela aurait plutôt une influence sur le taux d'attrition et surtout sur le nombre de jeunes qui se lancent dans le métier. Quand on dit aux jeunes apprentis de 23 ou 24 ans qui veulent entamer une carrière dans notre secteur que, pour obtenir un emploi qui leur procurera un revenu annuel d'environ 20 000 $ au cours des deux ou trois premières années, ils devront dépenser 4 000 $ rien que pour acheter le jeu d'outils de base, la plupart d'entre eux renoncent à leur projet. En ce qui concerne les personnes qui tiennent absolument à travailler dans ce secteur, c'est de toute façon un obstacle majeur.
Nous craignons de ne plus être capables d'arriver à entretenir les voitures à l'avenir. Nous constatons déjà une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Nous venons de terminer une étude nationale sur les employeurs et de St. John's (Terre-Neuve) à Vancouver, ils nous disent tous la même chose, à savoir que les techniciens n'ont pas les compétences voulues en diagnostic et en électronique et qu'ils n'arrivent pas à trouver les ouvriers ayant les connaissances spécialisées nécessaires. Par conséquent, nous sommes au bord d'une crise très grave et nous estimons que si cette déduction venait s'ajouter aux autres efforts que nous déployons, cela nous aiderait beaucoup.
Mme Carolyn Bennett: Si je comprends bien, c'est davantage une question de pénurie de main-d'oeuvre qu'une question d'équité pure et simple.
M. Keith Lancasle: C'est une question d'équité, bien entendu. Un artiste, un musicien ou un opérateur de scies à chaîne peut déduire le coût de ses «outils». Ce sont des gens qui ont un revenu comparable à celui des techniciens. Je ne connais aucun autre travailleur canadien qui soit obligé de faire un investissement aussi important que les techniciens et les apprentis. Il y a dix ans que je m'intéresse à la question et je n'ai toujours pas rencontré un autre cas semblable. C'est une situation unique sur le marché. Aucun autre travailleur canadien n'est obligé de dépenser autant.
J'ai demandé aux fonctionnaires du ministère à qui appartenaient les coffres à outils rouges que l'on voit au fond du garage quand on y va pour l'entretien de sa voiture. Ils appartiennent aux techniciens et aux apprentis. C'est une situation unique en son genre.
Par conséquent, c'est effectivement une question d'équité. Par contre, il s'agit en outre de préserver la santé économique d'un secteur et d'aider les jeunes à démarrer dans ce métier. Un trop grand nombre d'entre eux n'arrivent pas à surmonter les obstacles, et c'en est un de taille.
Mme Carolyn Bennett: Même si vous n'êtes qu'apprenti, vous devez acheter vous-même vos outils.
M. Keith Lancasle: Oui, et c'est pour les apprentis que c'est le plus dur. On prévoit que d'ici à ce que l'apprenti devienne technicien qualifié, ce qui prend de quatre à cinq ans selon la province et selon l'aptitude à terminer les cours et à faire le nombre d'heures nécessaire, il aura acquis un jeu complet d'outils.
Le technicien qualifié typique a un coffre à outils d'une valeur de 18 000 à 22 000 $ environ. D'après mes calculs, cela fait entre 4 000 et 5 000 $ par an, au cours d'une période où le salaire est nettement inférieur à celui d'un technicien qualifié. On oblige par conséquent un ouvrier qui touche 20 000 $ par an à en dépenser 4 000. Autrement dit, il doit consacrer 20 p. 100 de son salaire brut à l'achat des outils qui sont indispensables pour pouvoir aller au travail. Que le coffre à outils disparaisse un soir, et il ne pourra pas travailler le lendemain.
Mme Carolyn Bennett: Est-ce que vous empruntez l'argent nécessaire?
M. Keith Lancasle: Les travailleurs de notre secteur font un emprunt à la banque, s'ils y arrivent, ou ils empruntent de l'argent à leur famille. D'autres ouvrent une ligne de crédit renouvelable chez leur fournisseur. Ils ont recours à diverses formules de financement.
Mme Carolyn Bennett: Est-il possible d'acheter les outils selon la formule du crédit-bail?
M. Keith Lancasle: Ce n'est pas possible à ce que je sache, étant donné qu'ils sont très portables. En fait, ils ne le sont pas—ce n'est pas comme du gros matériel mais on ne peut tout de même pas les mettre en poche pour rentrer chez soi. Le coffre à outils a trois pieds de large et généralement six pieds de haut. Par conséquent, il n'est pas très portable. Par contre, on estime que les outils sont trop difficiles à localiser pour les louer à bail. Par conséquent, cette possibilité n'existe pas à ma connaissance.
Mme Carolyn Bennett: Comment les banques accordent-elles des prêts pour ce genre d'achat?
M. Keith Lancasle: Elles ne sont probablement pas d'un très grand secours. La plupart des techniciens que je connais ont emprunté de l'argent à leur famille ou ont une ligne de crédit renouvelable chez leur fournisseur. Il s'agit de jeunes qui n'ont probablement pas encore beaucoup d'expérience professionnelle et les banques ne sont pas très disposées à prendre ce genre de risque avec des débutants.
Mme Carolyn Bennett: Ne pourraient-elles pas saisir les outils?
M. Keith Lancasle: Saisir les outils?
Mme Carolyn Bennett: Pourquoi les outils ne pourraient-ils pas servir de garantie d'emprunt?
M. Keith Lancasle: Je ne peux pas présumer de la décision des banques, mais j'ai l'impression que les apprentis auraient beaucoup de difficulté à obtenir un prêt bancaire pour acheter leurs outils.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Le président: Madame Bennett, étiez-vous obligée d'acheter vos outils quand vous étiez stagiaire? Vous avez été stagiaire, si je ne me trompe.
Mme Carolyn Bennett: Oui.
Le président: Vous touchiez probablement plus de 20 000 $.
Mme Carolyn Bennett: Je gagnais 8 000 $ comme stagiaire.
Le président: C'est cela.
Mme Carolyn Bennett: J'en avais besoin pour mes études.
Le président: C'est exact. C'est précisément ce que je voulais dire.
Si l'on veut devenir mécanicien—je crois que ce n'est pas le terme propre car il s'agit plutôt de techniciens que de mécaniciens—cela fait-il partie de l'investissement? Les étudiants qui veulent obtenir un diplôme universitaire ou devenir comptables ou avocats invoquent le même argument; ils disent que les frais d'étude sont élevés. N'est-ce donc pas le prix qu'il faut payer pour devenir médecin, comptable ou avocat?
Mme Carolyn Bennett: Par contre, je peux déduire mes frais.
Le président: Vous pouvez les déduire.
Mme Carolyn Bennett: Théoriquement oui, si l'on finit par devenir travailleur autonome.
M. Keith Lancasle: Sauf votre respect, j'estime que si la plupart des professions nécessitent un investissement de départ, il s'agit d'un véritable investissement dans ces cas-là. Quand on est stagiaire, on compte embrasser une carrière qui nous permette d'avoir un niveau de revenu nettement plus élevé que celui que l'on avait au début. En ce qui concerne les techniciens, le salaire moyen est d'environ 30 000 $. Ce n'est donc pas une profession particulièrement lucrative comparativement aux autres. Par conséquent, l'investissement de départ ne permet pas nécessairement d'augmenter ultérieurement son revenu. En outre, les techniciens doivent investir en permanence parce que les modèles de voitures et la technologie ne cessent de changer. Autrement dit, c'est généralement un investissement à fonds perdus. C'est cela que je veux dire.
Le président: Et s'ils deviennent travailleurs autonomes? Ils peuvent déduire leurs frais, à ce que je sache.
M. Keith Lancasle: Nous avons étudié cette possibilité et si je comprends bien, Revenu Canada procède à divers types d'examen pour vérifier si vous êtes effectivement à votre compte. Pour le savoir, on vérifie notamment si c'est l'employeur qui établit l'horaire de travail, si c'est lui qui attribue les tâches et qui fixe le taux de rémunération. Un travailleur autonome peut accepter ou refuser du travail et il est plus libre de fixer le montant de sa rémunération pour ce travail. Un indépendant n'est par ailleurs pas obligé d'être à un lieu de travail déterminé, de telle heure à telle heure.
• 1315
D'après les discussions que j'ai eues jusqu'à présent avec les
fonctionnaires de Revenu Canada, les techniciens ne répondent pas
aux critères du ministère en ce qui concerne les travailleurs
autonomes.
L'autre facteur dont il faut tenir compte, c'est que ce n'est pas, de toute évidence, une profession particulièrement lucrative. Est-ce que vous renonceriez à la sécurité d'emploi, aux prestations du RPC et aux prestations d'assurance-emploi pour un revenu de 30 000 $ par an?
Quand on devient membre d'une profession libérale et qu'on a un cabinet professionnel, comme un avocat ou comme un membre d'une profession médicale, on compte avoir un revenu nettement supérieur à 30 000 $ par an. On est disposé à renoncer à la sécurité d'emploi dans la perspective d'un niveau de rémunération plus élevé.
Le président: Merci.
Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.
À ce propos, mon conseiller fiscal m'a dit que la Loi de l'impôt sur le revenu indique que toutes les dépenses directes ou indirectes faites pour gagner un revenu sont déductibles, sauf s'il s'agit d'outils. C'est par conséquent une exception.
Je ne sais vraiment pas à quand remonte cette disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais je pense que vous avez signalé un problème très intéressant et très pertinent, et Mme Bennett en a parlé également. Dans notre dernier budget, qui était pourtant axé sur l'éducation, certains problèmes avaient été négligés.
Le gouvernement, à l'échelon fédéral comme à l'échelon provincial, subventionne l'enseignement postsecondaire. Il le fait avec l'argent des contribuables et les Canadiens qui font des études collégiales ou universitaires sont autorisés à déduire les droits de scolarité de leur revenu. D'autres dispositions permettent par ailleurs aux parents de déduire ces droits. Quand on fréquente un établissement postsecondaire situé à l'extérieur de sa localité, on peut déduire 50 $ par mois, ou quelque chose comme cela, de son revenu. Il existe un crédit. Je n'utilise peut-être pas les termes exacts. Le gouvernement reconnaît que pour obtenir ce genre d'instruction, il est bon d'accorder des stimulants fiscaux afin d'encourager les intéressés ou rendre les études moins onéreuses.
Vous avez parlé d'un problème qui avait déjà été signalé au début de la semaine par les représentants des métiers de la construction, car les ouvriers de ce secteur doivent parfois acheter certains outils spéciaux qui ne sont pas déductibles du tout du revenu, sauf si l'on est à son compte.
Je vous félicite d'en avoir parlé, parce que je pense que nous avons oublié qu'il est nécessaire d'encourager les jeunes à se lancer dans les métiers. Les jeunes ne peuvent pas tous faire des études universitaires et cela ne les intéresse d'ailleurs pas tous. Il s'agit en fait d'enseignement postsecondaire à son meilleur. Pourtant, le gouvernement ne fait pas grand-chose dans ce domaine. Ce serait peut-être une possibilité de donner un coup de pouce, et en particulier aux apprentis.
Il y a un autre facteur qui entre en ligne de compte; vous ne l'avez pas mentionné, mais il a été signalé au début de la semaine. Cela ne pose peut-être pas de problème dans votre secteur mais les représentants des métiers de la construction ont dit que les apprentis vont périodiquement suivre des cours et qu'avant avril 1996, lorsqu'un apprenti s'absentait de l'atelier pour aller suivre des cours à l'école de métiers, il pouvait réclamer immédiatement des prestations d'assurance-chômage, comme on les appelait à ce moment-là. Par contre, il faut désormais attendre deux semaines avant de pouvoir faire une demande.
La situation a par conséquent considérablement changé pour les travailleurs et travailleuses qui essaient de se tirer d'affaire avec un maigre salaire mais qui ont par ailleurs atteint un âge où ils ont souvent des personnes à charge, ce qui est naturel. Est-ce que ce que l'on appelle les tranches de temps pose un problème dans votre secteur?
M. Keith Lancasle: Cela pose effectivement un problème dans notre secteur également. Dans presque tous les métiers, les apprentis travaillent généralement pendant une partie de l'année, puis retournent suivre des cours pendant une certaine période, généralement de six à huit semaines. Une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas soulevé le problème ici, c'est que la compétence en la matière a été déléguée aux provinces. Étant donné que les provinces assument actuellement un rôle beaucoup plus important dans l'administration de cette formation, le financement de la formation des apprentis et les conditions dans lesquelles ils suivent des cours, c'est désormais une question qui relève de leur compétence.
Certaines provinces sont en train d'examiner d'autres formules, y compris celle du congé d'étude fractionné: au lieu d'aller suivre des cours pendant six semaines de suite, l'apprenti suit des cours le lundi après-midi et le lundi soir pendant 40 semaines et ceci n'empiète pas sur ses heures de travail. Par conséquent, les provinces envisagent diverses solutions pour améliorer la situation. C'est bel et bien un problème dans notre secteur—un parmi tant d'autres—, mais il n'est plus de votre ressort en raison des changements qui se sont produits. C'est pourquoi nous n'en avons pas parlé.
M. Roger Gallaway: Pourtant, c'est un problème qui nous concerne aussi en ce sens que les modifications à la Loi sur l'assurance-emploi ont été apportées par le gouvernement fédéral et pas par les provinces. En outre, certaines municipalités n'ont pas les moyens de formation nécessaires et par conséquent, les apprentis doivent s'en aller pour une période de six à huit semaines. Ils doivent parfois aller loin de chez eux, à Toronto par exemple, ce qui entraîne des frais importants.
M. Keith Lancasle: J'ai rencontré les représentants d'organisations d'employeurs et d'employés à Timmins et je leur ai demandé où l'on envoyait les jeunes pour leur formation en apprentissage. On m'a répondu qu'on les envoyait à Scarborough et à Ottawa et que cela coûtait une fortune à l'employeur comme à l'employé. C'est un grave problème. Les provinces doivent essayer de trouver d'autres solutions non liées à l'assurance-emploi pour régler le problème des coûts astronomiques.
M. Roger Gallaway: Merci. C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
Madame Leung.
Mme Sophia Leung: Je suis désolée de ne pas avoir entendu votre exposé. Vous avez parlé des cotisations à un REER et vous avez dit qu'il existe toujours un plafond. Vous recommandez des cotisations plus élevées en vue de la retraite—vous ne l'avez pas dit expressément mais il s'agit de l'équivalent de 18 p. 100 du revenu, si je ne me trompe. Quel pourcentage recommanderiez-vous si nous relevions le plafond?
M. Peter Bowen: Parlez-vous du plafond numérique?
Mme Sophia Leung: Oui.
M. Peter Bowen: Nous recommandons un plafond de 16 500 $ pour mettre sur un pied d'égalité les travailleurs qui épargnent pour leur retraite par le biais d'un REER ou d'un régime à cotisations déterminées et ceux qui ont un régime à prestations déterminées.
Mme Sophia Leung: Par conséquent, cela n'a rien à voir avec les 18 p. 100 du revenu personnel?
M. Peter Bowen: C'est exact. Nous ne recommandons aucun changement à cet égard.
Mme Sophia Leung: C'est un taux fixe.
M. Peter Bowen: Nous espérons que la limite demeurera de 18 p. 100 du revenu.
Mme Sophia Leung: Par conséquent, cela concerne les particuliers à revenu supérieur.
M. Peter Bowen: C'est exact. Comme je l'ai déjà dit, c'est une question d'équité. L'objectif est de les mettre sur un pied d'égalité avec les particuliers à revenu supérieur qui bénéficient de régimes à prestations déterminées.
Mme Sophia Leung: Vous n'avez pas dit ce qu'il faudrait faire pour encourager les particuliers à faible revenu. Ils ont besoin également d'épargner pour leur retraite.
M. Peter Bowen: Nous serions entièrement disposés à accepter que la limite de 18 p. 100 soit augmentée pour tous les contribuables. Nous serions parfaitement disposés à appuyer ce genre d'augmentation pour encourager un plus grand nombre de Canadiens à économiser de l'argent pour leur retraite.
Mme Sophia Leung: En ce qui concerne la limite applicable aux placements en biens étrangers, elle est actuellement de 20 p. 100. Vous estimez qu'une limite de 30 p. 100 serait plus intéressante pour les investisseurs. Cela voudrait dire bien entendu que 10 p. 100 des fonds ne seraient plus investis au Canada.
M. Peter Bowen: C'est exact. Nous pensons—comme en témoignent certaines études—que le relèvement de la limite de 20 à 30 p. 100 n'aurait pas de répercussions sur l'économie. La question a été posée tout à l'heure par Mme Bennett qui a fait allusion à ce qui s'est passé dernièrement sur les marchés mais je n'ai peut-être pas compris qu'elle voulait savoir quelle serait l'incidence d'un tel changement sur le dollar canadien.
En ce qui concerne les mouvements de capitaux qui se sont produits au cours des six derniers mois ou sur une période d'un an, on constate que ceux qui sont liés aux REER n'en représentent qu'une proportion négligeable. Je suis convaincu que le fléchissement de notre devise est dû à des facteurs qui n'ont pas grand-chose à voir avec les placements faits dans les REER.
Par conséquent, l'objectif que nous visons en proposant un relèvement du plafond de 20 à 30 p. 100 est de permettre aux Canadiens de diversifier davantage leurs placements en réduisant les risques, ce qui leur rapporterait davantage. Une telle mesure n'aurait pas de répercussions négatives sur l'économie.
Mme Sophia Leung: Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Je vous remercie infiniment pour votre exposé.
Vous reconnaîtrez probablement que le message que vous avez lancé l'année dernière a été compris. Je tiens à vous féliciter pour votre excellent travail au sein du conseil sectoriel. C'est une formule que même les Américains ont examinée de très près pour essayer de moderniser leurs industries et leurs divers secteurs, surtout en ce qui concerne les occasions d'emploi pour les jeunes.
L'année dernière, Chrysler a annoncé que plus d'un millier de jeunes ont pu faire certains stages et travaillent maintenant dans l'industrie automobile. C'est ce genre d'initiatives originales qui génèrent en fait la croissance dont notre collectivité et notre économie ont besoin.
Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous remercier de votre collaboration. Vos conseils nous serons très utiles, comme ils l'ont toujours été.
La séance est levée.