FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes ici cet après-midi. Comme tout le monde le sait, le Comité des finances procède à l'étude du rapport du Groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers. Nous allons avoir aujourd'hui le plaisir d'accueillir des représentants des organismes suivants: la Société d'assurance-dépôts du Canada, le Fonds canadien de protection des épargnants et la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes.
Nous allons commencer par la Société d'assurance-dépôts du Canada qui est représentée par M. Grant Reuber, président du conseil d'administration et M. Jean-Pierre Sabourin, président. Bienvenue.
M. Grant L. Reuber (président du conseil d'administration, Société d'assurance-dépôts du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de rencontrer les membres de votre comité.
Nous avons distribué quelques documents. Il y en a trois. Le premier contient les commentaires que je vais vous résumer dans un instant. Il y a ensuite un document d'information que vous avez déjà vu. Ce document décrit nos activités. Le troisième fait l'historique de notre organisme. J'ai pensé que cela pourrait vous être utile pour vos travaux.
• 1535
«Le secteur des services financiers traverse actuellement une
période de turbulence partout dans le monde.» Cette déclaration du
groupe de travail semble encore plus vraie quand on songe aux
événements récents qui ont fait clairement ressortir avec force
l'influence que les marchés exercent les uns sur les autres
lorsqu'ils connaissent des ratés.
Qui dit turbulence dit risque. Or, une des tâches premières des assureurs consiste à évaluer le risque. La SADC est de loin le plus important assureur des dépôts détenus par les institutions financières canadiennes. C'est pourquoi, compte tenu du temps dont je dispose, mon allocution portera principalement sur les points soulevés par le groupe de travail qui ont une incidence particulière sur la sécurité et sur la stabilité du système financier et sur l'efficacité de l'assurance offerte par la SADC.
Avant d'aborder ces questions, je tiens à préciser que le rapport MacKay constitue un véritable exploit. C'est le point de départ idéal pour un survol du secteur canadien des services financiers. Le rapport s'efforce d'élaborer un cadre étendu de politiques, de règles et de règlements qui, de l'avis de ses auteurs, permettraient au secteur de faire face aux changements qui se produisent sur les marchés et d'offrir de meilleurs services aux Canadiens.
Cette approche globale a l'avantage de maintenir une vue d'ensemble sans jamais se perdre dans les menus détails. Toutefois, au moment de prendre des décisions dans le but de mettre en oeuvre les recommandations du rapport, il devient nécessaire de se pencher sur les détails pour mesurer l'efficacité et la faisabilité du projet. Comme toujours, c'est là que les choses se corsent.
Du point de vue d'un assureur-dépôts, comme cette période de turbulence est indéniable, il convient de se demander s'il est vraiment souhaitable de bouleverser le système pour essayer de le rendre plus concurrentiel, avec les risques additionnels que cela pourrait comporter, et de transformer du même coup le rôle et les fonctions de l'assureur. Il faudra de toute évidence réaliser certains compromis entre les objectifs du groupe de travail, comme par exemple renforcer la concurrence par divers moyens, et certains objectifs existants, comme veiller à la sécurité et à la stabilité du système et chercher à réduire les risques.
Il importera donc de cerner les divers compromis auxquels il faudra se résoudre et d'en évaluer la portée. Par exemple, s'il est souhaitable d'ouvrir l'accès au système de paiements à de nouvelles institutions, les critères utilisés pourraient bouleverser la sécurité et la stabilité de l'ensemble du système, surtout si les nouveaux adhérents comprennent des entreprises qui ne sont pas de compétence fédérale et qui ne sont nullement cautionnées par l'État, comme les sociétés de fonds communs de placement et les courtiers en placement. Étant donné le rôle pivot du système de paiements, il faudra s'entendre sur de nouvelles règles visant l'admission au système, et peut-être même revoir le rôle des adhérents et des sous-adhérents, avant de s'attaquer sérieusement à la révision des autres éléments du système.
Enfin, avant d'aborder des sujets précis, je tiens à souligner l'ampleur des diverses questions, sur le plan des compétences fédérales et provinciales, qu'il faudra résoudre au moment de transformer les mécanismes actuels de réglementation et d'indemnisation, autant de questions que le groupe de travail n'aborde pas directement.
Je vais donc passer aux deux catégories de recommandations qui concernent la SADC. Les premières sont de nature générale et nous aborderons ensuite les propositions portant sur des sujets plus précis.
Les premières concernent les recommandations touchant les sociétés de portefeuille. Sans vouloir nier les avantages potentiels des sociétés de portefeuille, il faut avouer que ces dernières ont parfois posé certains problèmes à la SADC. Comment, par exemple, empêcher que l'échec d'une filiale de la société ait des répercussions sur la stabilité d'une autre filiale membre de la SADC? Les membres du public font rarement une distinction entre une société de fiducie et la société de portefeuille qui la chapeaute. Ce type de contagion peut entraîner une hausse considérable des coûts de l'assurance-dépôts. Ces coûts risquent d'être encore plus élevés lorsqu'il faudra s'occuper de la défaillance, lorsque cela se produira.
Cet aspect soulève une deuxième question qui concerne la séparation des intérêts commerciaux et financiers. Par le passé, le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni ont le plus souvent interdit cette pratique pour des motifs de sécurité et d'intégrité. Au Canada, de tels liens ont toutefois été permis dans le secteur des sociétés de fiducie et de prêt.
• 1540
Les liens commerciaux financiers établis au Canada ont le plus
souvent pris la forme des sociétés à fort levier financier qui
devenaient propriétaires d'une société de fiducie ou de prêt. Si
l'on peut citer quelques réussites, ce type de lien n'a pas souvent
donné de bons résultats ici. Depuis 1982, de nombreuses sociétés de
fiducie et de prêt ont disparu et la presque totalité d'entre elles
étaient étroitement liées à des entreprises commerciales.
La troisième recommandation générale sur laquelle j'aimerais faire des commentaires concerne les nouveaux arrivants. Le rapport propose une plus grande concurrence dans le secteur des services financiers en encourageant l'arrivée de nouveaux joueurs, surtout dans le secteur des institutions de dépôt. Pour ce faire, il suggère de simplifier un peu les critères d'adhésion au système de paiements, les restrictions touchant la propriété, etc.
Une des premières questions qui nous vient à l'esprit est de savoir dans quelle mesure toutes les institutions de dépôt, ou du moins toutes celles qui pourront adhérer au système de paiements, voudront bénéficier d'une assurance-dépôts comparable, sinon identique, afin d'uniformiser les règles du jeu. Si les sociétés d'assurance-vie ont le droit d'offrir des comptes-chèques et des cartes de crédit et d'adhérer à l'assurance-dépôts, et plus particulièrement, à une assurance endossée par l'État, les courtiers en valeurs mobilières et les sociétés de fonds communs de placement auront-ils les mêmes droits?
À ce sujet, il faut rappeler qu'à l'heure actuelle les sociétés d'assurance-vie, les courtiers et les sociétés de FCP peuvent fonder des filiales distinctes qui ont accès au système de paiements, ce que certains ont déjà fait. Le rapport propose en fait un moyen peut-être plus facile et moins coûteux d'accéder au système. Il faut noter toutefois qu'un certain nombre de petites sociétés indépendantes de fiducie et de prêt se tirent très bien d'affaire dans les conditions actuelles.
Je vais maintenant aborder les aspects du rapport qui concernent l'assurance-dépôts. Il y a tout d'abord les deux changements organisationnels examinés dans le rapport. Le groupe de travail a examiné deux propositions concernant la SADC. La première consistait à fusionner la SADC avec le BSIF. Le groupe a rejeté cette solution comme l'avaient fait de nombreux autres comités qui s'étaient penchés sur des solutions similaires par le passé. Je ne vais donc pas m'y attarder plus longuement.
La deuxième proposition, celle que recommande le groupe de travail, consiste à regrouper la SADC et la SIAP, soit au sein d'une société d'État, comme l'est déjà la SADC, soit comme organisme indépendant bénéficiant d'une garantie de l'État non pas explicite mais plutôt virtuelle. Cette proposition se fonde sur trois hypothèses de base: premièrement, la SADC ne joue plus un rôle très important dans la protection de la sécurité et de l'intégrité du système financier; deuxièmement, la protection que procure la SADC aux petits déposants, parce que les engagements de cette dernière sont garantis par l'État, désavantage des produits offerts par les assureurs vie, la protection offerte par la SIAP ne bénéficiant pas de la même garantie; et troisièmement, le partage des compétences fédérales et provinciales ne devrait pas poser de problèmes graves.
J'estime que ces trois hypothèses sont tout à fait contestables. Je vais les examiner une à une.
Pour ce qui est de la sécurité et de l'intégrité, je dirais que la SADC continue de jouer un rôle clé dans la stabilisation du système financier, qui va bien au-delà de la protection du système de paiements. Cette société exprime une opinion différente, avec son personnel d'expérience spécialisé dans l'évaluation et la gestion du risque, ses propres priorités fondées sur ses enjeux financiers, ses propres mécanismes d'enquête et d'intervention, ses normes de rendement et les sources de renseignement qu'elle utilise lorsqu'elle intervient auprès de sociétés menacées d'insolvabilité. Elle peut donc fournir une opinion informée sur les mesures d'intervention prises par le BSIF ou les organismes provinciaux de réglementation. Elle sert de garde-fou en cas d'inaction de la part des organismes de réglementation ou encore de mesures arbitraires et non justifiées du point de vue de la réduction des pertes pour le régime d'assurance-dépôts.
S'il faut renforcer la concurrence, comme le recommande par ailleurs le groupe de travail, la SADC aura un rôle encore plus important à jouer sur ce plan. Les conclusions de la Commission Estey ont démontré clairement l'importance des pouvoirs conférés à la SADC.
• 1545
En outre, grâce à la garantie accordée par l'État à la SADC,
le public est assuré qu'un dollar déposé est aussi sûr qu'un dollar
en poche, ce qui élimine tout risque de fuite des capitaux. Je
signale que dans le Globe and Mail de ce matin, il y avait un
article de M. Regule, dans lequel il faisait remarquer qu'au cours
des années 80, l'assurance-dépôts avait largement contribué à
rassurer la population lorsque les banques ont connu des
difficultés à cette époque.
En outre, contrairement à la Banque du Canada qui, pour des raisons tout à fait justifiées, ne consent que des prêts à court terme et jamais sans une garantie couvrant le plein montant, la SADC est en mesure de consentir des prêts sans garantie et de se porter garante. Par le passé, la Société a eu recours à ces pouvoirs lorsque des institutions se trouvaient en difficulté. Rien ne nous autorise à croire que cette fonction revêtira une importance moins grande à l'avenir si, comme le propose le groupe de travail, on encourage de plus en plus de nouvelles institutions de type différent à accepter les dépôts, afin d'accroître la concurrence. De plus, en éliminant ou en réduisant les moyens dont la SADC dispose pour renforcer la sûreté et l'intégrité du système, on irait à l'encontre de son mandat actuel qui consiste entre autres à réduire le plus possible ses risques de pertes.
Penchons-nous maintenant sur la deuxième affirmation sur laquelle se fonde cette recommandation. Le groupe de travail a fait sienne l'opinion des assureurs vie selon laquelle il manque un avantage concurrentiel à ces derniers parce que la protection que procure la SIAP n'est pas endossée par l'État, contrairement à l'assurance de la SADC.
Ce supposé désavantage ne s'applique qu'à une petite fraction des produits actuellement assurés par la SIAP, soit les rentes différées d'une durée fixe de cinq ans ou moins, qui s'apparentent aux dépôts à terme assurés par la SADC. À l'heure actuelle, ces rentes représentent en moyenne moins du tiers du montant des rentes établies par les assureurs, bien que cette proportion varie considérablement suivant l'évolution de la courbe des taux d'intérêt.
Dans le but d'uniformiser les règles du jeu, la proposition du groupe de travail permettrait non seulement aux rentes de courte durée, mais aussi à une multitude d'autres produits, notamment les rentes d'une durée de plus de cinq, les prestations d'assurance-maladie, d'assurance-invalidité et de décès, vendus par les sociétés d'assurance-vie d'être couverts au même titre que les dépôts, et ce, avec la garantie explicite ou virtuelle de l'État.
L'État se trouverait alors à augmenter considérablement les risques financiers auxquels il s'expose. Qui plus est, on ne suggère pas d'étendre cette garantie non seulement aux produits d'assurance-vie, mais aussi aux régimes de retraite privés, à l'assurance multirisque, aux comptes de caisse et aux comptes de dépôt et aux autres produits d'épargne offerts par les courtiers en valeurs mobilières et les sociétés de FCP. Après tout, cela ne ferait qu'uniformiser encore davantage les règles du jeu. Évidemment, l'État devrait alors s'exposer à des risques financiers encore plus importants.
Voici un excellent exemple de situation qui se corse lorsqu'on entre dans les détails. Comme je l'ai dit plutôt, il existe des différences importantes dans la protection offerte, d'une part, par la SADC à l'égard des comptes de dépôt et, d'autre part, celle de la SIAP à l'endroit des produits d'assurance-vie. Une partie de ces différences s'explique par la nature très différente des produits en question. Dans l'esprit des consommateurs, les produits d'assurance-vie visent davantage le long terme et ne sont pas souscrits aux mêmes fins.
La proposition du groupe de travail évoque un régime offrant une protection parallèle. Avant de mettre en oeuvre ces propositions, il conviendrait de définir cette expression. Il faudrait examiner les principales différences qui existent entre les dépôts et les produits vendus par les compagnies d'assurances ainsi qu'entre les couvertures accordées. Je décris aux pages 14 et 15 de mes commentaires un certain nombre de différences importantes. Je ne vais pas vous énumérer cette liste ici, vous pouvez la lire vous-même, mais nous avons voulu dresser cette liste pour simplement indiquer qu'il faudra beaucoup de temps pour régler ces problèmes et qu'inévitablement les changements qui interviendront risquent de ne pas favoriser les dépôts ou les produits d'assurance-vie. Si l'on uniformisait véritablement les règles du jeu, il n'est pas du tout certain que la situation des compagnies d'assurances serait sensiblement meilleure qu'elle ne l'est actuellement.
• 1550
Par exemple, avec les polices d'assurance, les créanciers
n'ont pas accès à certains produits alors que les créanciers ont
accès aux dépôts bancaires de leur débiteur. Il y a également le
problème du statut de créanciers privilégiés que possède la SIAP,
à la différence de la SADC. Je ne vais pas vous lire cette liste,
mais il y aurait des problèmes importants à résoudre.
Je vais maintenant passer à la troisième hypothèse de base sur laquelle se fonde la proposition du groupe de travail, à savoir, la possibilité d'harmoniser les relations fédérales et provinciales. J'y ai fait allusion plus tôt mais je tiens à insister sur les complications engendrées par le partage du pouvoir entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux dans plusieurs domaines du secteur des services financiers. Par exemple, parmi la liste des différences qui existent entre les produits assurés par la SADC et par la SIAP, il y en a plusieurs qui ont des incidences importantes sur le plan des relations fédérales-provinciales. Il faudrait également parler des coopératives de crédit, qui relèvent principalement des provinces mais qui pourraient jouer un rôle important dans le renforcement de la concurrence, comme le reconnaît le rapport.
Au fil des ans, la SADC a conclu divers accords avec la Régie de l'assurance-dépôts du Québec et avec les organismes de réglementation provinciaux. Les changements proposés pourraient avoir des répercussions sur ces ententes et sur ces relations et ils pourraient faire surgir de nouveaux conflits fédéraux-provinciaux.
Voilà ce que je voulais dire au sujet de la principale recommandation du rapport qui concerne la SADC. Je vais maintenant en venir aux deux autres.
Le deuxième est le transfert du code au BSIF. À l'heure actuelle, la Loi sur la SADC prévoit expressément que la responsabilité de promouvoir des normes de pratiques commerciales et financières saines auprès des institutions assurées appartient à la SADC. En confiant à la SADC cette responsabilité et plusieurs autres, fournir une assurance-dépôts, encourager la stabilité du système et minimiser les risques de pertes pour elle-même, le législateur voulait inciter la SADC à s'intéresser activement à la sécurité et à la stabilité du système et à intervenir promptement dès l'apparition de problèmes financiers.
La SADC a donc élaboré un code de normes, en étroite collaboration avec le BSIF et les organismes de réglementation provinciaux. La qualité de ces normes est généralement reconnue et elles ont inspiré d'autres organismes. Le PANC (sigle du Programme d'application des normes du code) permet aux institutions membres d'évaluer leur conformité au code. Leur rapport d'auto-évaluation doit être approuvé par les administrateurs et les hauts dirigeants de l'institution, tandis que le processus est supervisé par le BSIF et par les examinateurs des institutions membres provinciales.
La SADC et le BSIF estiment tous deux que la mise en application du code de la SADC a donné de bons résultats, que le système est bien rodé et que les critiques relatives au chevauchement des tâches et au dédoublement des coûts sont largement injustifiés.
Le PANC a été mis au point pour compléter les renseignements que le BSIF communique à la SADC. Si l'on suppose que les renseignements nécessaires au PANC demeureront les mêmes, on voit mal comment on réduirait le fardeau réglementaire en confiant son administration au BSIF plutôt qu'à la SADC.
En revanche, le maintien de cette responsabilité à la SADC comporte deux grands avantages. Premièrement, comme c'est la SADC qui oblige l'institution membre à se conformer au code et au PANC, cette exigence s'applique aux institutions de compétence provinciale comme à celles de compétence fédérale. Si toutes les références au code étaient rayées de la Loi sur la SADC et que sa responsabilité était confiée au BSIF, les institutions provinciales ne seraient plus tenues de s'y conformer, à moins que chaque province n'adopte de nouvelles dispositions législatives le prévoyant.
Deuxièmement, comme les normes sont établies par la SADC, cette dernière est beaucoup mieux à même de traiter avec les institutions qui posent problème, ou encore d'engager des poursuites lorsqu'elle subit un préjudice attribuable à une faute professionnelle.
À mon avis, l'administration actuelle du code donne de bons résultats et son maintien à la SADC comporte des avantages évidents.
La troisième suggestion faite par le groupe de travail est que, dans le cadre de l'élaboration de son barème de primes fondées sur le risque, la SADC se limite aux renseignements recueillis par le BSIF. Cette recommandation fait suite à une plainte de l'Association des banquiers canadiens relativement aux demandes de renseignement.
• 1555
La SADC a pour pratique générale de ne pas exiger de
renseignement de ses institutions membres, à moins qu'elle n'ait
pas d'autre moyen d'accomplir sa mission et qu'elle ne puisse
obtenir ces renseignements auprès du BSIF ou des organismes de
réglementation provinciaux. L'imposition de primes différentielles
incombe à la SADC, et non au BSIF, et la SADC doit faire
l'impossible pour que ces barèmes soient justes et équitables.
Le barème de primes différentielles a été conçu de manière à utiliser presque exclusivement les renseignements recueillis par le BSIF, bien que certaines données doivent être adaptées pour les fins du calcul des primes d'assurance. Les autres renseignements nécessaires sont faciles à obtenir pour les institutions membres, puisqu'elles s'en servent déjà à leurs propres fins.
Cette recommandation ne tient pas compte non plus du fait que la SADC s'adresse uniquement au BSIF pour obtenir les renseignements nécessaires ni du fait que certains membres de la SADC sont des institutions provinciales qui ne relèvent pas du BSIF et qui ne sont donc pas tenues de communiquer des renseignements à cet organisme.
La perception des primes s'apparente à la levée d'impôts. Pour une efficacité maximale, il est préférable que les cotisants communiquent directement à la SADC des renseignements exacts, et c'est ce qui se passe actuellement. Les données servant au calcul des primes différentielles ne seront exigées qu'une fois l'an, dans un format clair et bien compris. Après l'adoption des formats de données requis, la communication de ces renseignements représentera des coûts et des efforts très raisonnables pour les institutions membres.
Je vais conclure, monsieur le président. La démarche du groupe de travail ressemble en plusieurs points à celle de la Commission Porter qui, il y a 35 ans, insistait sur la nécessité de renforcer la concurrence, d'améliorer le service à la clientèle et de permettre l'accès à de nouveaux joueurs et à de nouvelles entreprises, quitte à faire courir des risques supplémentaires au système financier.
Personne ne niera que le secteur a vu d'énormes progrès en matière d'innovation et de concurrence au cours des 35 dernières années. Il semble tout aussi évident que ces progrès sont nés de l'évolution des marchés canadiens et étrangers.
S'il est vrai que l'histoire se répète, on peut s'attendre à ce que l'avenir du secteur soit avant tout façonné par les forces du marché. Seul l'avenir pourra nous dire si, grâce aux efforts du groupe de travail et aux changements suggérés par ce dernier, le Canada aura su tirer pleinement parti de l'évolution rapide des marchés et des occasions qu'ils recèlent, par ses politiques en matière de services financiers.
En ce qui a trait à l'assurance-dépôts, la principale recommandation du groupe de travail consiste à regrouper la SADC et la SIAP. Cette recommandation suppose que la garantie de l'État dont bénéficie la SADC confère aux comptes de dépôt un avantage inéquitable par rapport aux rentes différées à court terme et que ce déséquilibre justifie un changement en profondeur.
Il convient toutefois de s'arrêter aux autres différences qui existent entre ces produits, de même qu'aux conséquences éventuelles d'un tel changement. Il faudrait entre autres essayer d'évaluer dans quelle mesure cette proposition pourrait entraîner une augmentation des engagements financiers de l'État. Rappelons par ailleurs que les sociétés d'assurance-vie peuvent bénéficier de la garantie offerte par la SADC en créant des filiales. Les changements proposés risquent en outre de compromettre gravement le rôle que joue la SADC dans notre filet de sécurité ainsi que sa capacité à encourager la stabilité et l'intégrité du système financier. Enfin, plusieurs questions importantes restent sans réponse, notamment l'accès au système de paiements, la liquidation des institutions en faillite et les relations fédérales-provinciales.
Ce genre de proposition n'a rien de nouveau. Chaque fois qu'on s'est penché sur une recommandation similaire, on a conclu que le mécanisme actuel reflétait les leçons du passé, qu'il était bien compris, qu'il fonctionnait bien, qu'il ne donnait pas lieu à d'importants conflits fédéraux-provinciaux et qu'il répondait assez bien aux diverses exigences du système financier.
J'ajouterais enfin qu'on ne peut s'opposer au changement. Il ne servirait à rien de maintenir le statu quo pour la forme. Il importe d'examiner périodiquement les mécanismes d'assurance-dépôts pour vérifier que leurs objectifs demeurent pertinents, que leurs organismes s'adaptent à l'évolution des marchés et que leurs mesures d'incitation sont en harmonie avec les politiques protégeant l'intérêt public.
• 1600
Comme l'évolution de l'assurance-dépôts au Canada l'illustre
clairement, des changements importants ont été apportés au cours
des trois dernières décennies, pour tenir compte de l'évolution des
marchés, de l'expérience accumulée et de la révision des politiques
en vigueur. Il serait étonnant que ce processus ne se poursuive pas
dans les années à venir. Les questions fondamentales demeureront
les mêmes: quels sont les changements justifiables en termes de
coûts et avantages et quel est le moment idéal pour les mettre en
oeuvre.
Merci beaucoup, monsieur le président. Voilà les observations que je souhaitais faire. Je serais heureux de répondre aux questions, le moment venu.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Reuber. Merci des documents que vous avez fournis au comité et qui lui seront très utiles.
Je vais maintenant passer à Mme Reszel, présidente-directrice générale du Fonds canadien de protection des épargnants. Bienvenue, madame.
Mme Rozanne E. Reszel (présidente-directrice générale, Fonds canadien de protection des épargnants): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais parler en me servant des commentaires qui figurent dans la trousse qui vous a été remise. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de présenter ces observations au comité permanent qui examine le rapport du groupe de travail. Je trouve cela d'autant plus intéressant que je viens d'être nommée tout récemment au poste de président de ce fonds le 1er septembre 1998.
Ces commentaires sont entièrement les miens et ils ne reflètent pas nécessairement les opinions du conseil des gouverneurs du FCPE. Ils sont exprimés dans le contexte des deux rôles du FCPE, notamment la protection des épargnants et la surveillance du système d'autoréglementation.
J'ai pensé consacrer quelques instants à vous décrire ce qu'était le Fonds canadien de protection des épargnants. C'est peut-être ceux qui connaissent bien les fonds d'indemnisation qui le connaissent le moins bien.
Le rapport MacKay vise particulièrement les institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral. Le FCPE est un fonds national dont les firmes membres sont réglementées par les commissions des valeurs mobilières provinciales. Donc, le secteur des valeurs mobilières n'est pas concerné directement par le rapport MacKay, si ce n'est par les recommandations relatives à l'accès au système de paiements. Toutefois, un bon nombre de firmes en valeurs mobilières appartiennent aux banques et font partie de groupes financiers.
Le FCPE est une fiducie qui a été créée en 1969 par le secteur des valeurs mobilières, avec pour mission de favoriser un marché financier sain et dynamique au Canada en contribuant à la sécurité et à la confiance des épargnants qui ont un compte auprès des firmes membres de nos organismes d'autoréglementation parrains. Ces OAP comprennent les bourses de l'Alberta, de Montréal, de Toronto, de Vancouver et de Winnipeg, le Toronto Futures Exchange ainsi que l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières.
Le rôle premier du FCPE consiste à protéger les épargnants ou, plus précisément les clients, dans des limites définies, dans le cas où une société membre deviendrait insolvable. Le rôle secondaire du FCPE, la surveillance du système d'autoréglementation, vise à lui fournir un moyen de réduire les risques associés à son rôle premier.
Le conseil des gouverneurs du FCPE se compose de douze gouverneurs ayant droit de vote dont cinq gouverneurs de l'industrie nommés par les organismes d'autoréglementation parrains, cinq gouverneurs indépendants, le président du conseil qui est un gouverneur général de l'industrie et la présidente. Le FCPE emploie neuf personnes.
Les autorités des valeurs mobilières(ACVM), composées des commissions des valeurs mobilières de chaque province et territoire du Canada, ont conclu une entente avec le FCPE qui porte sur les sujets suivants: l'organisation du FCPE, le financement et le maintien du FCPE, la protection des clients, les règlements sur les activités financières et opérationnelles et les rapports présentés aux ACVM. Le président du conseil et la présidente du FCPE rencontrent chaque année les présidents des ACVM pour parler des activités du FCPE et la présidente communique avec les ACVM selon les besoins. Nous venons de présenter un rapport aux présidents à Charlottetown il y a 15 jours.
La couverture du FCPE est décrite en détail dans la brochure et dans les énoncés de politiques des gouverneurs qui figure dans votre trousse. En bref, la couverture est de 500 000 $ par compte, dont 50 000 $ maximum en espèces. Les comptes distincts qui sont couverts par le FCPE à un autre titre, comme les REER, sont décrits dans les énoncés de politiques. Le FCPE ne couvre pas les pertes attribuables aux fluctuations des cours, quelle qu'en puisse être l'origine. Les recommandations relatives à la révision des limites de couverture sont présentement soumises au conseil des gouverneurs du FCPE.
Le FCPE est financé par le secteur des valeurs mobilières sous forme de cotisations trimestrielles versées par les firmes membres et établies selon leur revenu brut, de primes de risque établies selon les insuffisances de capital et d'un remboursement annuel versé par les OAP des intérêts qui sont répartis entre eux au cours de l'exercice précédent.
Le total des cotisations que peuvent fixer les gouverneurs du FCPE ne peut dépasser 1 p. 100 de l'ensemble des revenus bruts réalisés par les firmes membres au cours d'une année donnée. Le taux de cotisation est déterminé chaque trimestre en fonction des ressources du FCPE, des demandes qui lui sont faites et de la situation du secteur des valeurs mobilières.
• 1605
Le solde du FCPE se chiffre à l'heure actuelle à 157 millions
de dollars, qui sont investis dans des titres négociables à revenu
fixe. Le FCPE dispose également d'une marge de crédit de 40
millions de dollars auprès d'une banque à charte canadienne.
Depuis sa création, le FCPE a versé près de 25 millions de dollars d'indemnité (compte tenu des sommes recouvrées auprès des firmes insolvables) concernant treize faillites, la dernière remontant à 1991. Le montant complet de la couverture offerte par le FCPE est accordé à toutes les demandes admissibles une fois que tous les titres et espèces disponibles ont été remis au client, et j'ai simplement renvoyé ici à un des documents d'information qui contient une comparaison de ce genre.
Le FCPE reçoit des clients un grand nombre d'appels et d'envois électroniques que nous examinons soigneusement afin d'en dégager les questions d'intérêt commun. La recommandation 26 du rapport concernait les sociétés de portefeuille et leurs filiales. Dans notre secteur, nous remarquons effectivement que la plupart des questions montrent qu'il existe une confusion concernant la firme avec laquelle le client fait affaire, ce que le client a acheté, l'endroit où ses placements sont conservés et de quel genre de protection il dispose si la firme avec laquelle il a fait affaire devient insolvable.
La gamme des produits que les institutions financières peuvent offrir se recoupent de plus en plus mais les clients semblent accorder plus d'importance au réseau de distribution qu'au produit lui-même. Dans chaque cas, nous essayons d'amener le client à se poser les questions fondamentales.
Tout d'abord, avec qui le client fait-il affaire? Nous lui demandons d'examiner les documents qu'il reçoit. Les dénominations de marketing et les dénominations sociales de sociétés regroupées apparaissant sur la publicité, la papeterie et les contrats voilent l'identité réelle de la personne juridique, lorsque cette dernière n'est pas clairement divulguée. Une mise en marché novatrice et des dispositifs de gestion et d'indemnisation ingénieux ont donné naissance à des sociétés virtuelles; toutefois, le client transige avec une personne juridique précise. Il est essentiel que l'identité de la personne juridique soit divulguée et que l'on applique les règles en matière de divulgation de façon cohérente si l'on veut que les consommateurs soient en mesure de prendre des décisions éclairées. Les groupes financiers préfèrent souvent présenter des états financiers consolidés à leurs clients. Cela ne fait qu'aggraver le problème à moins que l'on applique une réglementation plus stricte en matière de divulgation.
Deuxièmement, qu'est-ce que le client a acheté? Un client peut acheter des produits offerts par différents secteurs financiers mais ayant le même résultat économique tout en étant soumis à des règles de divulgation différentes. Par exemple, un client peut acheter une obligation sans coupon et un produit relié au taux de croissance du marché boursier auprès d'un courtier en valeurs mobilières ou il peut acquérir un CPG relié au taux de croissance du marché auprès d'une banque ou d'une société de fiducie. Il peut encore acheter, auprès d'une compagnie d'assurances, un fonds réservé avec capital garanti. La réglementation du contenu des prospectus fait l'objet d'une révision à l'heure actuelle, en particulier pour ce qui est des fonds communs de placement mais il est évident que le client doit recevoir des informations claires et précises pour qu'il puisse prendre des décisions éclairées. Nous appuyons sans aucune réserve la recommandation 57 qui demande que les documents juridiques soient rédigés en termes clairs et simples.
Troisièmement, où se trouvent les placements du client? Avec Internet et le téléphone, les clients peuvent exécuter de plus en plus facilement toutes sortes d'opérations et de transactions financières, concernant les cartes de débit, les cartes de crédit, les titres sans certificat, notamment les CPG et les fonds communs de placement, mais il faut également que les clients puissent comprendre où se trouvent ces choses et comment l'on peut les déplacer. Les CPG enregistrés au nom du client sont rattachés à la succursale et ne peuvent être transférés. Les fonds mutuels enregistrés au nom du client se trouvent dans les registres du fonds commun, quel que soit le réseau de distribution utilisé pour les acquérir. Il faut que les documents remis au client lui permettent de faire le passage entre les documents traditionnels sur support papier au monde cybernétique dans lequel nous vivons.
Quatrièmement, qu'arrive-t-il au client si l'établissement financier avec lequel il fait affaire devient insolvable? Le FCPE, la SADC et la SIAP offrent chacun un type de protection différent. Le FCPE protège l'avoir du client mais pas sa valeur, au cas où une firme membre du FCPE deviendrait insolvable. Le client d'une firme membre du FCPE peut également détenir des titres de dépôt garantis par la SADC ou un produit d'assurance assuré par la SIAP et avoir ainsi droit à la protection qu'accordent ces fonds d'indemnisation au cas où l'émetteur du titre de dépôt ou du produit d'assurance deviendrait insolvable. Je crois que c'est la nature exacte de la couverture qui suscite le plus de questions. Chaque fonds d'indemnisation se charge de son propre programme d'information et de formation destiné à sa clientèle et des représentants des trois fonds ont entamé des discussions pour déterminer s'il ne serait pas souhaitable d'établir un programme conjoint d'information.
• 1610
La possibilité nouvelle qu'ont les institutions financières
d'élargir la gamme de produits qu'ils offrent va faire augmenter la
demande de personnel spécialisé. La formation va devenir un
processus continu puisqu'il faut suivre l'évolution des produits.
Le secteur des valeurs mobilières s'est engagé à maintenir un
niveau élevé de professionnalisme par le biais de normes de
formation et d'expertise. Les OAP étudient à l'heure actuelle la
possibilité de mettre sur pied un programme de formation
professionnelle permanente et obligatoire, qui débuterait en 1999.
J'aimerais dire quelques mots de la surveillance du système d'autoréglementation. L'autoréglementation constitue un aspect important du secteur, qui appelle quelques commentaires sur le fait que notre secteur s'autoréglemente et en particulier sur trois éléments de cette autoréglementation. Les firmes membres proposent des règlements qui doivent être approuvés par leur organisme de réglementation. Le processus disciplinaire est confié à des pairs qui connaissent le domaine et les risques qu'il comporte. Les firmes membres sont responsables envers leurs pairs parce qu'en cas de problème, ce sont tous les membres qui assument les répercussions financières de la protection des clients.
Nous avons constaté que l'autoréglementation permet de concilier la nécessité d'avoir des règles prudentielles en matière de capital et la concurrence. C'est ce que démontre la croissance du nombre des firmes de courtage. Le FCPE compte 188 membres contre 120 en 1990. Cent quinze de ces 188 firmes ont moins de 50 employés.
La plupart des nouveaux membres font partie de la catégorie des «courtiers remisiers». Ces courtiers remisiers se concentrent uniquement sur l'aspect clientèle et s'en remettent à d'autres courtiers «les chargés de compte» pour l'exécution des transactions et pour le soutien administratif et opérationnel. Les chargés de compte ont fait de gros investissements dans le domaine du traitement des dossiers, des opérations et de l'administration et ils mettent à la disposition de leurs remisiers leur capacité excédentaire.
Afin de minimiser les risques du FCPE, les gouverneurs ont établi des normes minimales pour ses membres qui comprennent: montant minimum et liquidité des capitaux, présentation de l'information financière, dossiers comptables, conservation distincte des valeurs mobilières payées en totalité et en partie, assurance, contrôle interne, et un système d'avertissement rapide. Ce sont les OAP qui font respecter ces normes minimales au moyen de leurs propres règlements.
Le rôle du FCPE ne consiste pas à imiter ce que font les OAP mais à compléter leur action et agir à titre de ressource pour veiller à l'application uniforme des normes minimales du fonds. Le FCPE reçoit les rapports financiers mensuels de toutes ses firmes membres et analyse les résultats en recherchant les tendances et les anomalies.
Les questionnaires annuels vérifiés sont remis au FCPE et aux OAP. Le personnel du FCPE effectue sur place une vérification annuelle des firmes membres à tour de rôle. On nous a déjà comparés à un service interne de vérification pour notre secteur.
Un groupe financier, ce qui comprend une banque, une société de fiducie, une compagnie d'assurances et un courtier en valeurs mobilières est sujet à trois différents calculs concernant le capital. L'insolvabilité d'un groupe financier risque en effet de mettre en jeu trois régimes d'indemnisation différents.
La volonté des banques, des fiducies, des compagnies d'assurances et des courtiers en valeurs mobilières de consolider leurs exploitations liées démontre la nécessité de prévoir des coupe-feu entre chacune des sociétés concernées. L'insolvabilité d'un groupe dont les opérations seraient entièrement consolidées soulèverait des problèmes inextricables.
Par exemple, la Loi sur les liquidations ne prévoit pas la répartition du manque des titres détenus pour les clients alors que la partie XII de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qui s'applique uniquement aux courtiers en valeurs mobilières le prévoit. Des coupe-feu qui permettraient de vérifier que chaque institution s'est conformée à la réglementation applicable à son domaine réduiraient les risques de contagion.
Les groupes financiers font ressortir la nécessité de créer des normes de capital uniformes pour des instruments financiers semblables. Au sein du secteur des valeurs mobilières, les normes de capital sont habituellement axées sur le risque qui représente la fluctuation des cours; chez les banques, les exigences de capital tiennent compte du risque rattaché au crédit, tandis que celles pour le capital des compagnies d'assurances sont fondées sur des calculs actuariels. Cependant, la convergence progressive des produits et des services a exigé que l'on harmonise les réglementations dans les cas où il existait des différences importantes sur le plan des règles prudentielles relatives au capital.
En conclusion, j'aimerais mentionner que le travail considérable accompli par le groupe de travail démontre toute la complexité de la révision du cadre réglementaire. Nous sommes heureux de participer à ce dialogue.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Reszel.
Nous allons maintenant entendre MM. Alan Morson et Gordon Dunning qui représentent la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes. Bienvenue.
M. Alan E. Morson (président, Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes): Monsieur le président, je vous remercie de nous donner la possibilité de prendre la parole devant votre comité cet après-midi.
Je suis le président-directeur général de la SIAP et Gordon Dunning en est le vice-président exécutif. Nous allons tous deux vous présenter un bref exposé, si vous le permettez. Notre exposé se trouve dans le document chamois.
Nous sommes d'avis que le groupe de travail a effectué un examen sérieux et fouillé du secteur des services financiers et des défis auxquels ce dernier doit faire face sur un marché mondial qui évolue rapidement. Dans le cadre de cette vaste étude, le groupe de travail a repéré certains problèmes concernant la protection des consommateurs canadiens en cas d'insolvabilité de leur établissement financier. C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui.
• 1615
Il reconnaît que le choix des consommateurs ne devrait pas
être influencé par le soutien accordé par les divers ordres de
gouvernement à l'organisme d'indemnisation d'une industrie donnée
et il recommande d'éliminer toute distorsion de concurrence dans ce
domaine. Il reconnaît aussi la tendance croissante vers une
convergence des industries et des produits, ainsi que la nécessité
pour les organismes d'indemnisation de tenir compte de cette
tendance.
Il a également traité de la confusion qui règne actuellement dans l'esprit des consommateurs quant à l'existence d'une protection, quant à sa nature et quant à l'organisme d'indemnisation qui intervient dans le cas d'un produit donné.
Après avoir précisé ces problèmes, le groupe de travail a examiné certaines solutions. Il propose deux scénarios comme solutions possibles. Le groupe de travail fait également ressortir les différences qui existent, sur le plan de leur nature et de leur gravité, entre les risques associés aux compagnies d'assurance-vie et aux établissements de dépôt. Le groupe de travail n'a pas approfondi cette question, car il a plutôt fait ressortir les ressemblances. Elle mériterait, selon nous, une plus grande réflexion au cours de la prochaine étape qui consistera à modifier les organismes d'indemnisation.
Il y aura également lieu de réfléchir au degré souhaitable de participation des gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que de l'industrie des assurances de personnes. Outre les deux scénarios présentés par le groupe de travail, l'ACCAP en a proposé un troisième.
En tant qu'acteur principal dans le domaine de la protection des consommateurs, nous avons estimé qu'il nous incombait de faire connaître notre point de vue sur les problèmes soulevés et les solutions proposées. À ce stade-ci, il convient d'évaluer la pertinence des problèmes soulevés et de confirmer la nécessité de s'y attaquer. Toutefois, avant de prendre une décision sur la façon de modifier ou de fusionner les sociétés d'indemnisation, nous recommandons que des représentants du fonds de garantie, de l'industrie et des pouvoirs publics, connaissant bien le domaine, procèdent à une étude approfondie de cette question, afin de déterminer la meilleure façon de résoudre les problèmes soulevés par le groupe de travail à la lumière d'autres questions pertinentes.
Je vais maintenant demander à Gordon Dunning de commenter directement certaines questions soulevées par le groupe de travail et j'aborderai ensuite de mon côté certains autres aspects.
M. Gordon M. Dunning (vice-président exécutif, Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes): Merci, monsieur Morson.
La première question dont j'aimerais parler est celle de l'égalisation des conditions de concurrence. La SIAP est d'avis que dans l'éventualité de l'insolvabilité d'un établissement financier, quel qu'il soit, les consommateurs devraient pouvoir bénéficier du même soutien de l'État.
À l'heure actuelle, les consommateurs qui achètent les produits d'un établissement de dépôt bénéficient d'une protection garantie par l'État et d'un accès presque immédiat à leurs fonds lors d'une insolvabilité, et ce, grâce aux liquidités que l'État est prêt à fournir à la SADC. Les titulaires de polices d'assurance-vie, eux, ne bénéficient d'aucun de ces deux avantages. Jusqu'ici, les titulaires de polices n'ont pas vraiment eu à souffrir de cette iniquité, car la SIAP a su honorer toutes ses obligations dans le cas des trois insolvabilités qui sont survenues jusqu'à présent.
Les assurés de Confédération-Vie se sont vu restreindre l'accès à leurs fonds, mais l'effet de cette restriction ont été atténués par la mise en place d'un comité chargé d'étudier le cas des personnes ayant un besoin urgent de fonds. Dans un contexte de taux d'intérêt différent, c.-à-d. si les taux d'intérêt avaient augmenté au lieu de baisser, il aurait certainement été plus difficile de satisfaire les titulaires de polices. La possibilité d'obtenir des liquidités du Trésor public permettrait aux titulaires d'avoir plus facilement accès à leurs fonds et de bénéficier de plus d'options.
Malgré les succès remportés par notre organisme, le grand public considère toujours que la protection offerte par la SIAP en cas d'insolvabilité de l'assureur est une protection moins solide que celle de la SADC. Il s'agit donc d'une question capitale sur le plan de la concurrence, tant pour les consommateurs que pour l'industrie.
Nous considérons que l'État devrait accorder le même soutien aux établissements de dépôt et aux entreprises d'assurance-vie. Nous ne préconisons pas un type de soutien gouvernemental particulier mais nous pensons que des solutions faisant appel à une aide limitée des pouvoirs publics répondraient bien aux attentes actuelles de la population et de l'État.
• 1620
J'aimerais maintenant parler de la convergence au niveau des
industries. Le groupe de travail a souligné les problèmes liés à la
convergence des industries et aux difficultés éventuelles associées
à l'insolvabilité d'un groupe financier formé de plusieurs types
d'établissements financiers, et donc à l'intervention de plusieurs
organismes d'indemnisation. Il s'agit là d'un problème qui risque
de se présenter de plus en plus fréquemment. Dans l'éventualité de
la défaillance d'un groupe financier, il pourrait être difficile de
déterminer, en raison d'une mauvaise comptabilité (problèmes
courants dans les entreprises en difficulté) et de l'existence
d'actifs en transit, quels sont les actifs appartenant à chacun des
membres du groupe. Il pourrait être difficile de savoir si les
actifs en question appartiennent à la société d'assurance-vie, à la
banque, à la société de fiducie, à l'organisme de placement
collectif ou à la société d'assurance IARD.
Nous partageons l'inquiétude du groupe de travail sur ce point et estimons que, pour parer efficacement à ce problème, il faudrait effectuer des études qui prendraient en compte non seulement les établissements de dépôt et les sociétés d'assurance-vie, mais aussi les organismes de placement collectifs, les courtiers en valeurs mobilières et les assureurs multirisque. La fusion de la SIAP et de la SADC n'est certainement pas la seule solution et il est peu probable que ce soit la meilleure.
J'aimerais maintenant parler d'un autre type de convergence, celle qui touche les produits. Le groupe de travail a très bien su mettre en lumière la similitude marquée des produits offerts par les sociétés vie et par les établissements de dépôt. Cette convergence des produits risque d'ailleurs de s'intensifier.
Toutefois, le groupe de travail n'a pas vraiment traité de l'assurance-vie, de l'assurance-invalidité et des rentes viagères qui ne sont offertes que par les sociétés d'assurance-vie. Ces produits sont uniques à notre industrie et doivent être pris en compte de façon très différente lors d'une insolvabilité. Les acheteurs de ce type de produits préfèrent que soit maintenue la couverture dont ils bénéficient plutôt que de recevoir une somme en espèces. Ils sont obligés de continuer à verser leurs primes à une entreprise insolvable pour pouvoir maintenir leur protection. Cette différence fondamentale modifie sensiblement l'approche à envisager dans le cas d'une liquidation.
L'approche adoptée dans le cas des établissements de dépôt consiste à liquider l'actif et à payer les créances. Par contre, dans le cas d'une société d'assurances, on interrompt ses activités commerciales mais on maintient ses autres opérations. On garde ainsi en vigueur les contrats, tout en cherchant à les faire prendre en charge par de nouveaux assureurs et on poursuit les activités de placement, tout en cherchant à résoudre les problèmes d'actif.
J'aimerais maintenant aborder la question de la confusion des clients. Le groupe de travail a soulevé un point important lorsqu'il a parlé de la confusion qui règne dans l'esprit des consommateurs quant à l'organisme qui doit intervenir à l'égard d'un produit donné. Cette confusion touche non seulement les produits des établissements de dépôt et des sociétés d'assurances, mais aussi les produits des courtiers en valeurs mobilières, des organismes de placement collectifs et des sociétés d'assurance multirisque.
L'un de nos objectifs à l'heure actuelle est de veiller à ce que les consommateurs comprennent bien que les fonds communs de placement ne sont pas couverts par un organisme d'indemnisation et que la protection offerte par la SIAP dans le cas de fonds distincts se limite aux garanties offertes par l'assureur vie. Il s'agit là d'un problème de communication de l'information que nous avons entrepris de résoudre en collaboration avec d'autres organismes d'indemnisation.
J'aimerais également comparer les risques d'insolvabilité des sociétés vie et des établissements de dépôt. Le groupe de travail recommande le maintien de deux comptes séparés alimentés par les cotisations des sociétés adhérentes, l'un pour les établissements de dépôt et l'autre pour les sociétés vie. Il reconnaît ainsi la différence entre les risques et les coûts d'une insolvabilité dans chacun des secteurs. La SIAP a acquis de l'expérience dans la surveillance des risques d'insolvabilité des sociétés vie et, nous venons de le voir, des mesures spéciales doivent être prises pour maintenir la couverture des assurés lors de la défaillance d'un assureur.
Si les bons risques vont s'assurer ailleurs en ne laissant que les mauvais risques, le principe de la compensation des risques en assurance est faussé et le coût des défaillances grimpe. Toute nouvelle forme d'organisme d'indemnisation devrait pouvoir continuer de gérer ces risques particuliers.
Merci, monsieur le président. J'aimerais maintenant redonner la parole à M. Morson.
M. Alan Morson: Merci, Gordon. J'aimerais aborder d'autres considérations, monsieur le président.
Après avoir exprimé notre accord sur les problèmes fondamentaux qu'il faut régler, comme l'a fait le groupe de travail, nous tenons maintenant à mentionner deux aspects qui ne sont pas traités dans le rapport et dont il faut tenir compte pour déterminer quelles devraient être les solutions.
Le premier de ces aspects est le choix à faire entre un fonds national et un fonds fédéral. L'insolvabilité d'une société vie relève principalement du gouvernement fédéral mais la protection des consommateurs et les dispositions contractuelles relèvent des provinces. Le règlement intérieur de la SIAP prévoit l'adhésion des 13 gouvernements qui existent au Canada, à savoir les 10 provinces, les deux territoires et le gouvernement fédéral.
• 1625
Le partage des risques et des coûts se fait sur une base
nationale. La solution qui sera retenue devra tenir compte de cette
réalité, qui fait la force du fonds de garantie en place.
Le deuxième aspect est l'ampleur de la participation de l'industrie. L'État sera certainement appelé à intervenir pour donner la confiance nécessaire aux consommateurs et pour palier tout risque systémique éventuel, quoique improbable, mais il demeure que l'industrie a un rôle important à jouer. Sa participation est nécessaire non seulement pour assurer que les fonds de garantie suivent l'évolution des produits et des risques dans les différents secteurs des services financiers mais également pour réduire les coûts que devront en fin de compte supporter les titulaires de police et les déposants. Une participation active de l'industrie permettrait de réduire les frais d'administration qu'accompagnent nécessairement les interventions gouvernementales. Tous les paliers de gouvernement cherchent aujourd'hui le moyen de réduire le coût de leurs interventions.
En conclusion, monsieur le président, nous considérons que le groupe de travail a rendu un service précieux en relevant les problèmes que posent les fonds de garantie et en suggérant deux solutions possibles. Nous exhortons le comité à recommander que soit adoptée la proposition d'égaliser les conditions de concurrence et que soient étudiées plus en profondeur cette question et les questions connexes de convergence au niveau des institutions et des produits et de la confusion qui règne chez les consommateurs. Il existe plusieurs solutions qui permettraient de régler ces problèmes. Nous nous réjouissons à l'avance de participer à toute réflexion future sur celles qui seraient les plus appropriées.
Merci, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, messieurs Morson et Dunning.
Nous allons maintenant passer aux questions, et à une ronde de 15 minutes, en commençant par M. Harris.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs, de vos exposés.
Ma première question s'adresse à MM. Reuber et Sabourin de la SADC. Est-il bien exact que vous allez réussir cette année à rembourser votre dette ou est-ce l'année prochaine?
M. Grant Reuber: Nous avons remboursé intégralement notre dette en juillet dernier.
M. Dick Harris: Votre fonds de réserve sera donc excédentaire à la fin de votre prochain exercice financier. Est-ce bien exact?
M. Grant Reuber: Non. Nous allons réduire les cotisations ou c'est du moins ce que nous avons prévu de faire. Le conseil d'administration de la SADC a adopté comme politique de créer des provisions qui permettent d'assumer tous nos risques et cela comprend toutes les institutions qui sont membres de la SADC. Ayant constitué une provision pour tous nos risques, la nécessité d'un surplus disparaît. Nous réduisons ainsi les cotisations à un niveau qui permet d'assumer les dépenses courantes sans avoir pour effet de constituer un surplus.
M. Jean-Pierre Sabourin (président, Société d'assurance-dépôts du Canada): J'aimerais ajouter un élément. Comme l'a fait remarquer le président du conseil d'administration, notre dette envers le Trésor a été intégralement remboursée en juillet, comme cela est mentionné dans notre document, soit environ 7,6 milliards de dollars plus 1,4 milliard de dollars d'intérêt. Cette année, nous allons en plus également éliminer notre déficit. Pour parer à l'avenir, nous avons constitué une provision pour pertes futures. Notre dette a été remboursée en juillet, le déficit devrait être supprimé cette année et nous aurons une provision pour pertes futures.
M. Dick Harris: Qu'entendez-vous par provision pour pertes futures? Parlez-vous d'un fonds de réserve pour pertes futures?
M. Grant Reuber: Il s'agit en fait d'une provision pour chacune des institutions membres de la SADC. En ajoutant toutes ces provisions, on obtient la provision totale pour pertes. C'est le fonds dont nous parlons.
M. Dick Harris: Très bien. De quel montant parlons-nous?
M. Grant Reuber: Ce montant va être d'environ 400 millions de dollars cette année mais il est ajusté tous les ans.
M. Dick Harris: Très bien. Cette année-ci, votre provision pour pertes futures est évaluée à 400 millions de dollars. Est-ce bien exact?
M. Grant Reuber: Oui. Il y a aussi les cotisations annuelles que nous pourrions utiliser en cas de besoin.
M. Dick Harris: L'évaluation des pertes futures est-elle révisée tous les ans?
M. Grant Reuber: Oui.
M. Dick Harris: Quel est votre horizon?
M. Grant Reuber: Il y a deux catégories d'institutions. Il y a d'abord celles qui sont placées sur ce que je pourrais appeler une liste de surveillance. Pour celles-là, nous utilisons un processus assez détaillé pour essayer de déterminer, de la façon traditionnelle, ce que pourraient être nos pertes. Il y a ensuite toutes les institutions qui ne figurent pas sur cette liste. Nous calculons la provision en nous fondant sur l'écart existant au marché entre l'intérêt versé par elles sur leurs obligations et le taux Standard & Poor's, c'est-à-dire la cote de Standard & Poor's et le gouvernement du Canada. Par conséquent, s'il y a un écart de tant pour la banque X, c'est le chiffre que nous retenons pour évaluer le risque.
M. Dick Harris: Si je me souviens bien, vous recevez environ 550 millions de dollars par an de cotisations. Est-ce bien exact?
M. Grant Reuber: C'est exact.
M. Dick Harris: Très bien. Vous venez également de dire que votre provision pour pertes futures est à l'heure actuelle d'environ 500 millions de dollars?
M. Grant Reuber: Elle représente environ 400 millions de dollars cette année. Cette provision était de 500 millions de dollars l'année dernière et il est possible que ce montant augmente l'année prochaine. Je ne le sais pas.
M. Dick Harris: Pensez-vous que vous allez sans doute augmenter cette provision l'année prochaine?
M. Grant Reuber: Cela est possible. Nous n'avons pas encore procédé à cette révision. Nous le faisons à la fin de l'année financière et à la fin du mois de mars. Si la situation économique actuelle exige d'augmenter cette somme, nous allons le faire.
M. Dick Harris: Très bien. Je voulais en venir au fait que si les cotisations annuelles représentent actuellement 500 millions de dollars par an et si votre provision pour pertes futures se situe entre 400 et 500 millions de dollars, les seuls coûts que vos membres devront assumer pour l'année prochaine, si la provision n'est pas augmentée, sont les coûts de fonctionnement de la SADC. Est-ce bien cela?
M. Grant Reuber: Ce sera un montant légèrement plus élevé, parce qu'on ne peut pas viser l'équilibre parfait. Nous allons donc avoir des recettes légèrement supérieures. Il nous faudra également penser au montant des provisions.
Je n'ai donné que les grandes lignes de notre approche. Je ne peux pas vous dire en ce moment quels seront exactement ces chiffres, mais cela vous donne une bonne idée.
M. Dick Harris: Je crois que depuis sa création, la SADC a versé environ 5 milliards de dollars pour des réclamations, si je peux utiliser ce terme. Est-ce bien exact?
M. Grant Reuber: Pour des pertes.
M. Dick Harris: Oui.
M. Jean-Pierre Sabourin: Nous avons payé des réclamations de près de 25 milliards de dollars, ce sont les montants que nous avons protégés sous une forme ou une autre.
M. Dick Harris: Je me demandais pourquoi vous n'avez créé un fonds de réserve de 5 ou 6 milliards de dollars.
M. Grant Reuber: Nous avons pensé qu'en constituant des provisions raisonnables, ce que nous avons fait, et compte tenu de la possibilité d'obliger les institutions à verser des contributions supplémentaires, qu'il n'était pas nécessaire de créer une réserve importante. Cela reviendrait en fait à prendre cet argent aux institutions et à le mettre dans nos coffres, décision qu'il faut justifier.
M. Dick Harris: Vous pourriez penser qu'en cas de faillite d'une banque qui causerait des pertes considérables, vous seriez obligé d'emprunter auprès du gouvernement fédéral, auprès du Trésor ou sur le marché, et que vous seriez alors obligé de payer des intérêts. Cela est peut-être simpliste mais je pensais que constituer un fonds de réserve et l'investir de façon à ce qu'il rapporte des intérêts pourrait vous éviter d'avoir à emprunter en cas de pertes.
M. Grant Reuber: Selon le dispositif mis en place il y a deux ou trois ans, nous allons d'abord emprunter sur le marché; ce ne sera pas du gouvernement. Cela va se faire bien évidemment en fonction de notre capacité à obtenir de l'argent des institutions. C'est pourquoi nous ne pensons pas qu'il nous sera très difficile d'obtenir des fonds.
Deuxièmement, il y a le fait que nous payons une prime sur nos prêts pour compenser la garantie que nous accorde le gouvernement. Il faut donc s'arrêter quelque part et si l'on décide de créer un fonds, en fixer le montant. Nous avons pensé qu'il serait préférable, et c'est ce qu'a décidé le conseil d'administration, de partir du principe que ce fonds sert à nous assurer contre certains risques et de nous attacher principalement à évaluer ces risques et à constituer un fonds en conséquence plutôt que de nous fixer un chiffre arbitraire qu'il serait très difficile de justifier devant nos membres. Les chiffres actuels sont très faciles à justifier.
M. Dick Harris: Je pensais que le meilleur moment de créer un fonds pour les jours difficiles, un fonds de réserve, c'était quand les choses vont bien et à l'heure actuelle, les choses vont assez bien.
M. Grant Reuber: Je n'en disconviens pas, mais c'est ce que nous pensons avoir fait en constituant ces provisions.
M. Dick Harris: Les promoteurs d'une banque coopérative nationale ont recommandé à notre comité à Vancouver que les montants déposés dans ce projet de banque coopérative devraient être assurés jusqu'à un plafond de 100 000 $. La raison en était que les caisses de crédit offrent souvent des garanties supérieures aux limites de la SADC.
Cela m'amène à vous poser quelques questions. Pensez-vous qu'il soit souhaitable de mettre en place un régime d'assurance-dépôts à deux vitesses, dans lequel le plafond applicable aux banques coopératives serait plus élevé et ce plafond serait plus faible pour les banques habituelles que nous connaissons? Ou pensez-vous que l'on pourrait peut-être faire passer à 100 000 $ la limite pour tous les membres de la SADC?
M. Grant Reuber: Pour ce qui est de la première question, je dirais que les deux réponses sont possibles. Personnellement, je préférerais qu'il n'y ait qu'un seul plafond. Comme vous le savez, dans certaines provinces, les caisses de crédit ne prévoient aucune limite. Il y a également le fait qu'avec le système actuel, il est possible d'ouvrir plusieurs comptes de dépôt dans diverses institutions, voire dans la même institution. C'est ce qui explique qu'on n'ait pas demandé jusqu'ici de réviser cette limite, et je crois que c'est à cause de cette possibilité.
Je ne vois pas de problème particulier à faire passer cette limite à 100 000 $, parce que je ne pense pas que cela va changer grand-chose puisque les déposants qui veulent obtenir une assurance de ce montant y parviennent déjà. Je souhaiterais toutefois que si l'on s'engage dans cette voie, on revienne sur la notion de coassurance pour une partie du montant supplémentaire assuré. Je n'ai pas soulevé cette question ici. Elle a été examinée de façon assez approfondie il y a deux ou trois ans et a été rejetée de façon assez catégorique par le gouvernement. On a ensuite proposé, proposition qui émanait du Sénat, que la première tranche de 30 000 $ serait intégralement assurée, je crois que c'est bien le chiffre qui avait été mentionné et que le reste du dépôt ferait l'objet d'une coassurance à 10 p. 100. J'espère que, si l'on augmentait cette limite comme vous le suggérez, l'on pourrait peut-être revenir à cette idée.
Nous avons parlé aux gens des banques coopératives et nous sommes disposés à faire de notre mieux pour accepter les dispositifs qu'ils souhaiteraient mettre en place. Ce n'est pas la question de l'assurance-dépôts qui va bloquer cette initiative, c'est, je crois, l'avis général.
M. Dick Harris: Merci. Est-ce qu'il me reste du temps?
Le président: Oui, trois minutes.
M. Dick Harris: Je tiens à remercier MM. Morson et Dunning et tous les autres de nous avoir communiqué aujourd'hui une information très utile. La SIAP joue le rôle d'un assureur, si j'ai bien compris, au sein du secteur que vous représentez.
M. Alan Morson: C'est exact. Nous appartenons au fait aux sociétés membres. À la différence d'un assureur, nous avons en fait un fonds de prévoyance mais au lieu de demander des primes d'assurance, nous demandons aux sociétés de nous verser de l'argent lorsque nous en avons besoin.
M. Dick Harris: Très bien. En cas de perte, vous demandez à vos membres de rembourser cette perte.
M. Alan Morson: Nous l'évaluons pour eux, c'est bien cela. Nous avons un fonds de prévoyance, pour les jours difficiles.
M. Dick Harris: Il s'agissait de 500 millions de dollars. Est-ce que j'ai bien lu?
M. Alan Morson: C'est exact.
M. Dick Harris: J'ai cru comprendre de votre exposé que vous voulez vous rapprocher de la SADC, ou que vous aimeriez que la SADC devienne un assureur comme vous? J'aimerais savoir exactement quel genre de relations vous envisagez?
M. Alan Morson: Effectivement, nous pensons que les problèmes qui ont été cernés sont importants et qu'il faudrait faire quelque chose. Mais il existe plusieurs scénarios et il serait bon de réunir la SADC, des représentants du gouvernement, et des représentants de l'industrie pour déterminer quel est le scénario qu'il faudrait retenir.
M. Dick Harris: En d'autres termes, vous indiquez que selon un modèle, il pourrait y avoir fusion entre vos membres et le programme de la SADC, ou peut-être le contraire ou une combinaison des deux. Est-ce bien cela...
M. Alan Morson: Oui, l'industrie a également proposé un modèle qui avait pour effet de réduire la garantie accordée par le gouvernement à la SADC mais qui prévoirait la création d'un organisme gouvernemental des liquidités auquel la SIAP ou la SADC pourrait alors s'adresser. Si l'un de ces organismes avait besoin d'argent ou en cas de risque systémique, il pourrait alors s'adresser à cet organisme gouvernemental pour obtenir les fonds nécessaires.
Il existe donc un certain nombre de modèles qui répondent à des besoins différents. Je crois que le groupe de travail a vu dans ces deux modèles des solutions possibles, mais celles-ci soulèvent certaines difficultés qui devraient être aplanies par les intéressés.
M. Dick Harris: Très bien, merci.
Madame Reszel, vous avez fourni beaucoup de renseignements sur votre organisation mais, sauf erreur de ma part, je ne pense pas que vous ayez recommandé ou demandé quoi que ce soit.
Mme Rozanne Reszel: Nous n'avions rien de particulier à demander. Nous avons examiné le rapport dans le but de préciser les aspects au sujet desquels nous pouvions apporter une contribution intéressante, à partir de ce qui se passe dans notre secteur.
Il est intéressant de noter que notre organisme appartient à ses membres, qu'il est créé et financé par eux et que nous avons un fonds de prévoyance, comme je l'ai mentionné. Nous sommes également clients des membres des deux autres fonds d'indemnisation dans la mesure où nous avons une marge de crédit auprès d'une banque à charte canadienne, sur une base commerciale, au cas où nous aurions besoin de fonds. Nous examinons également d'autres sources de fonds possibles dans le cas où nous aurions besoin de sommes supérieures à celles que contient notre fonds de prévoyance pour examiner s'il n'y aurait pas un autre assureur qui serait prêt à assurer le FCPE pour la différence.
Il y a en fait des assureurs indépendants qui offrent à nos membres d'assurer la différence qui existe entre le risque total et la partie que nous assurons. C'est donc une autre option que nous examinons.
Notre conseil des gouverneurs ne s'est pas penché sur la question de la garantie de l'État et je ne suis donc pas en mesure de vous en parler ici. Il est néanmoins évident que lorsque nous réfléchissons à ce que l'on pourrait faire en cas de calamité, c'est une option qu'il serait intéressant d'examiner plus à fond.
À l'heure actuelle, nous nous basons sur le fait qu'en cas de pertes graves, nous pourrions demander des cotisations représentant 1 p. 100 des recettes brutes. D'après les recettes de l'année dernière, cela représenterait environ 80 millions de dollars. Nous avons donc constitué un fonds de prévoyance de 158 millions de dollars mais au cours de nos 30 ans d'existence, le total des sommes que nous avons versées moins ce que nous avons pu récupérer est inférieur à 25 millions de dollars.
Notre fonds de prévoyance représente plus de six fois cette somme et il y a aussi notre marge de crédit de 40 millions de dollars; nous ne voulons donc pas tenter le sort mais nous avons également bénéficié dernièrement des modifications apportées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qui détermine la façon de répartir les actifs des entreprises insolvables en constituant un fonds commun, alors que l'ancienne loi prévoyait l'identification et le retracement des actifs.
Ces changements ont eu pour effet de réduire considérablement le risque qu'un client puisse occasionner une perte très importante; de cette façon, tous les comptes bancaires de l'entreprise, son inventaire, les valeurs mobilières des clients, les placements ou la liquidation de placements effectués dans des filiales, tout cela serait mis en commun pour être répartis entre les clients. Cela représente pour nous un progrès important qui protège mieux les investisseurs et les clients de nos firmes de courtage et réduit de façon considérable la possibilité qu'un particulier subisse une perte désastreuse.
M. Dick Harris: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons donner la parole à M. Szabo, qui sera suivi de M. Discepola et ensuite, de M. Valeri.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous. Je suis toujours étonné par la complexité de ce secteur, et je parle du secteur des services financiers. Je peux vous dire qu'on nous a parlé de scénarios catastrophiques depuis quelques semaines et que vous ajoutez à cette liste. Je me demande comment vous réagissez à ces possibilités.
Il y a eu l'ancien surintendant des institutions financières qui a soulevé toute la question du problème de l'an 2000, celui de la bogue de l'an 2000. Cela pourrait causer certaines difficultés et je me demande si vos organisations sont convaincues que notre secteur des services financiers sera prêt à affronter ce passage, sans avoir à faire de changements majeurs, et s'il n'y a pas là une question grave de gestion du risque.
M. Grant Reuber: Nous sommes intéressés de près à cette question. Pour ce qui est de la SADC, il n'y a aucun problème. Nous avons mis en route un programme d'envergure et je ne crois pas que cela cause de difficulté. C'est plutôt l'ensemble du secteur qui pourrait connaître certaines difficultés mais le BSIF en particulier a fait beaucoup de choses, vous pourriez peut-être leur en parler.
Je peux vous dire ce que j'ai retiré de cette discussion. D'une façon générale, le secteur bancaire a beaucoup fait dans ce domaine et je suis raisonnablement sûr que le passage se fera sans problème.
La difficulté vient du côté des clients, et pour vous parler franchement, je ne peux vous donner de réponse catégorique. Je sais que les banques procèdent à la révision des comptes de leurs clients en prenant en considération les mesures prises par eux pour régler ce problème. Je me refuse toutefois à vous garantir que tout se passera très bien le 1er janvier de l'an 2000 dans ce domaine.
Il s'agit en fait de savoir quels sont les domaines essentiels. Il est très peu probable que le monde entier ait réglé ce problème à la date fatidique. Il faut se demander par contre si les domaines essentiels qui peuvent avoir des répercussions énormes ont été suffisamment étudiés. Il y a beaucoup de travail qui se fait là-dessus à l'heure actuelle et je vous suggère d'en parler à M. Palmer lorsqu'il viendra. Il travaille plus directement que moi sur cette question.
Dans la mesure où l'on peut se faire une opinion, je dirais que les institutions elles-mêmes ont la situation bien en main. D'autre part, tant les institutions que les autorités de réglementation ont essayé de voir les mesures qui pourraient être prises pour les clients.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Jean-Pierre Sabourin: Deux points, monsieur le président. Pour ce qui est de la bogue de l'an 2000, nous savons que le surintendant des institutions financières a transmis à toutes les institutions des lignes directrices à ce sujet et M. Palmer pourra donc vous en parler.
Dans le cadre de notre programme d'application des normes du code, le PANC, dont vous a parlé le président, nous demandons aux institutions de nous indiquer quelle est leur situation à l'égard du passage au deuxième millénaire, de nous dire ce qu'elles ont fait et de mentionner éventuellement les difficultés rencontrées.
La SADC et l'autorité de réglementation ont réglé ces problèmes. Le secteur des banques considère, c'est du moins l'impression que nous avons, qu'il s'agit là d'une question très importante et les banques y consacrent beaucoup de temps, d'argent et d'efforts. Comme le président l'a fait remarquer, il y a la question des clients qui est abordée par le biais de l'évaluation des risques de crédit.
M. Paul Szabo: C'est le gouverneur de la Banque du Canada qui a soulevé un deuxième aspect, la gestion du risque, et qui concerne la complexité des changements qu'il faudrait introduire dans le système de paiements. Il a déclaré que si l'on procède à des changements, il lui sera plus difficile de mettre en oeuvre sa politique monétaire et que cela l'inquiète. Je ne sais pas si vous voulez commenter cette déclaration.
Vous voudrez peut-être aborder également dans vos commentaires l'aspect suivant. Il concerne la possibilité que certaines banques fassent faillite. Pour la première fois, quelqu'un a effectivement déclaré qu'on ne peut pas écarter la possibilité de faillite si l'on restructure et ouvre davantage le secteur des services financiers.
Même M. Godsoe, qui a témoigné ici ce matin au nom de la Banque de Nouvelle-Écosse, a parlé du fait que les nouveaux règlements pourraient constituer un obstacle pour les nouveaux arrivants. Les nouveaux arrivants vont essayer de jouer dans les grandes ligues mais ils n'auront pas au début la stabilité nécessaire pour faire face à toutes les exigences que l'on va leur imposer.
Dans le contexte de la gestion du risque, pensez-vous que la stratégie retenue consiste à restructurer par blocs le secteur des services financiers de façon à créer une infrastructure? Par quoi doit-on commencer? D'autres pensent que le rapport MacKay préconise une approche globale qui peut avoir un effet synergique et qui comporte des liens avec d'autres domaines et que pour l'essentiel, il s'agit de le mettre en oeuvre sans privilégier certaines recommandations au détriment des autres.
M. Grant Reuber: Vous avez posé une question très large. Je ne sais pas si je vais pouvoir vous fournir une réponse satisfaisante mais je vais au moins faire quelques commentaires.
Pour ce qui est du système des paiements, je suis tout à fait d'accord avec le gouverneur. Cet aspect est au coeur du système. Nous sommes attachés à résoudre les difficultés que posait l'ampleur des sommes en jeu. Nous nous attaquons maintenant à l'aspect papier, qui est, d'une certaine façon, tout aussi compliqué. Les transactions ne portent peut-être pas sur des montants aussi considérables mais elles sont tout aussi compliquées.
Nous avons un bon système de paiements: si vous déposez un chèque à la banque aujourd'hui, vous obtenez les fonds le jour même. Vous n'avez pas à attendre deux semaines pour que votre compte soit crédité. Il y a donc plusieurs aspects du système actuel de paiements qui fonctionnent très bien.
Avec un accès élargi et des règles modifiées pour tenir compte des nouveaux arrivants, les courtiers en placement, les fonds de placement et les compagnies d'assurances notamment, il va falloir résoudre toutes sortes de problèmes. Dans l'ensemble, ces organismes n'ont pas accès au système d'escompte de la Banque du Canada. Cela pose toute une série de questions. La priorité accordée aux créanciers, par exemple, dans le domaine de l'assurance est particulière à ce domaine, tout comme la priorité accordée aux titulaires de polices.
Je ne prétends pas pouvoir vous dire comment l'on devrait procéder, parce que je ne le sais pas. Il y a eu beaucoup de travail de fait dans ce domaine mais cela n'est pas une chose simple qui peut se faire du jour au lendemain. C'est une question très complexe.
J'aimerais revenir sur un point que j'ai mentionné dans mon mémoire, à savoir que ces trois institutions, c'est à dire les compagnies d'assurances, les sociétés de fonds mutuels et les courtiers en placement, peuvent déjà avoir accès au système de paiements en créant des filiales. Elles vont bien sûr soutenir que cela est compliqué mais il existe en fait des petites sociétés de fiducie indépendantes qui y parviennent très bien.
Il paraît donc faux de partir du principe que cela est très difficile et compliqué. Il y en a beaucoup aussi qui n'ont pas très bien réussi, je le sais, mais une petite société de fiducie qui est rentable peut fort bien avoir accès au système de paiements.
• 1655
La question des faillites bancaires est également une question
très large et nous suivons bien sûr cela de très près. Il est
incontestable que depuis un an ou deux les risques ont augmenté
pour ce qui est de la rentabilité des institutions financières. Il
est également possible que l'arrivée de nouveaux joueurs augmente
ce risque, puisque c'est ainsi qu'il faut attirer les nouveaux
arrivants, et qu'il en résulte des faillites.
Par contre, si l'on prend le cas du secteur bancaire en général, je pense vraiment que notre système est aujourd'hui tout à fait sûr et sain, et j'estime qu'il est même plus solide qu'il ne l'était au cours des années 80. Les banques font plus de bénéfices, par exemple. Il faut que le système soit rentable si l'on veut qu'il soit sûr.
Deuxièmement, il y a un certain nombre d'institutions qui ont disparu. Je crois que nous avons atteint un sommet en 1983 pour ce qui est de nos membres dont le nombre s'élevait alors à 188. Nous en avons aujourd'hui 112. Toutes ces institutions n'ont pas fait faillite. La plupart ont fusionné, et les institutions bancaires les plus petites se sont regroupées, tout comme, bien souvent, les institutions les plus faibles.
Quel que soit le système, il y a toujours des risques, de sorte que...
M. Paul Szabo: J'aimerais vous poser une dernière question. C'est un aspect qui a été signalé il y a un an environ. Je m'étais déjà penché sur cette question. Elle concerne les conditions à remplir pour être membre du conseil d'administration d'une banque et le nombre de postes d'administrateurs que l'on peut occuper; ce sont des aspects qui touchent la gestion du risque et l'on constate que la gouvernance est un aspect qui prend de l'importance.
Il semble qu'aux États-Unis on s'inquiète du fait que les postes d'administrateurs soient de plus en plus concentrés et qu'il y a de plus d'administrateurs honoraires, et donc une participation plus faible. Cela entraîne des répercussions sur les risques puisque ce sont ces instances qui prennent les décisions.
La composition de la direction des institutions ne semble pas être un point essentiel du rapport MacKay. Est-ce que cela vous préoccupe?
M. Grant Reuber: Non, je ne le pense pas. Avec tous les autres risques auxquels il faut penser, je dirais que celui-là est moins grave.
J'aimerais ajouter quelque chose ici. Selon notre programme d'application du code, chaque conseil d'administration doit tous les ans adopter une résolution mentionnant que l'institution respecte les normes, ou si ce n'est pas le cas, il doit décrire le problème et la façon dont il entend le résoudre. Cela oblige les administrateurs à s'engager parce que maintenant ils signent un document disant que les normes sont respectées. Il me paraît certain qu'avant d'adopter cette résolution, les administrateurs souhaitent en savoir davantage au sujet des activités de leur institution, comme les évaluations immobilières, pour vous donner un exemple. Dans certains cas, cela a amené les banques à réviser en profondeur leurs méthodes.
Nous avons fait des progrès dans ce domaine. Je ne suis pas en mesure de parler de la question des conflits d'intérêts chez les administrateurs. Il existe maintenant un comité spécial qui s'occupe de ces questions mais je ne pense pas que cela soit un problème grave pour ce qui est des institutions financières. Les normes que nous avons établies ont amené les membres du conseil d'administration à bien comprendre leurs responsabilités dans la mesure où ils doivent désormais signer un document et affirmer être convaincus que l'institution qu'ils dirigent respecte des normes de fonctionnement acceptables.
M. Paul Szabo: Très bien, cela est utile.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président.
• 1700
Monsieur Reuber, l'idée que «les grandes banques ne peuvent
faire faillite» m'intrigue parce que plus j'examine cette question
et plus je me renseigne... Même le gouverneur de la banque a
reconnu hier qu'en dernière analyse, il n'y a pas de système à
l'épreuve des risques et qu'il pourrait y avoir des faillites. En
cas de fusion, quel serait le rôle de votre institution s'il y
avait une faillite? Qui devrait en fin de compte assumer les pertes
qu'entraînerait une telle faillite? Avez-vous un rôle à jouer dans
ce cas ou est-ce finalement le contribuable canadien qui le ferait
par le biais du gouvernement?
M. Grant Reuber: Notre rôle ne changerait pas s'il s'agissait d'une simple faillite. Disons que l'institution A et l'institution B fusionnent. Nous avons déjà une provision concernant l'institution A et une autre pour l'institution B, ces provisions seraient alors fusionnées, comme les deux institutions. Même si l'une de nos principales banques tombait en faillite, cela nous causerait un grave problème, compte tenu de nos ressources. À l'heure actuelle, nous avons le pouvoir d'emprunter à hauteur de 6 milliards de dollars. Cela serait bien peu, n'est-ce pas, si nous parlions de la faillite d'une des grandes banques canadiennes?
M. Nick Discepola: Quelle est la différence?
M. Grant Reuber: Nous essaierions de modifier le plafond mais il me paraît évident qu'il faudrait avoir recours à d'autres ressources.
Je voudrais revenir sur l'idée que les «grandes banques ne peuvent faire faillite». C'est un aspect qui est apparu au moment où la Continental Bank of Illinois a fait faillite à Chicago au cours des années 80, je crois. Il paraît important de faire une distinction entre la notion de faillite et celle de perte. Il est tout à fait possible qu'une faillite entraîne des pertes très faibles. Il faut bien sûr s'attaquer aux problèmes avant que les avoirs disparaissent... même une petite société, à cause de l'énorme effet de levier qui joue dans le secteur bancaire, peut occasionner des pertes très lourdes, si on laisse les avoirs s'épuiser avant de prendre des mesures.
Au Canada, le cadre réglementaire, en particulier le rôle du BSIF, est très efficace et il paraît tout à fait irréaliste de penser que le secteur bancaire pourrait s'effondrer du jour au lendemain, même si cela est théoriquement possible. Je pense toutefois qu'avant qu'un tel scénario catastrophique se réalise, le BSIF aurait déjà pris des mesures, à la suite de ses inspections, pour éviter que cela ne se produise.
M. Nick Discepola: Il y a aussi l'idée que les banques prennent des risques supplémentaires sachant qu'on ne permettrait pas qu'elles fassent faillite, en particulier grâce à l'assurance des dépôts. Devrait-on prendre d'autres précautions et imposer aux banques d'autres règles, comme l'a déclaré M. Harris, pour augmenter le plafond de l'assurance-dépôts qui est de 60 000 $? Je sais que vous avez déclaré que cela ne faisait pas de différence.
M. Grant Reuber: En augmentant ce montant, on augmente le danger moral, cela ne le réduira pas. Le raisonnement fondé sur le danger moral consiste à dire qu'en réduisant le montant des sommes couvertes, on réduit le risque et les banques sont obligées de moins se fier au système d'assurance-dépôts.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, cette question a été réétudiée il y a deux ou trois ans. On a parlé de coassurance, au-dessus d'une certaine limite. On voulait ainsi réduire le problème que pose le danger moral. Cela n'a pas été jugé acceptable et c'est de cette discussion qu'est sortie l'idée des primes différentielles, je crois.
M. Nick Discepola: Il existe deux aspects du rapport MacKay auxquels vous ne souscrivez pas. Le premier est la recommandation de fusionner et d'harmoniser les pouvoirs de la SADC et de la SIAP. Je me demande si vous pouvez préciser pourquoi ces deux organismes ne devraient pas fusionner et nous dire quels sont les avantages qu'offre pour les Canadiens le maintien de ces deux institutions.
M. Grant Reuber: C'est ce que j'ai essayé d'expliquer dans mon mémoire mais je vais essayer de vous résumer cela.
Il est évident qu'avec les produits dont il s'agit il y a à la limite un certain chevauchement pour les rentes différées de moins de cinq ans mais si l'on choisit d'accorder une garantie gouvernementale ou de fusionner ces deux institutions pour régler un problème concernant un cas limite, l'on va du même coup englober tous les autres produits d'assurance. Cela nous amène automatiquement à nous poser la même question pour les produits d'épargne, les dépôts, que vendent les courtiers en placement, les fonds de placement et le reste.
Le monde n'est pas parfait. On peut toujours essayer de le perfectionner mais il faut tout de même comparer les avantages que l'on peut en retirer aux coûts qu'entraînerait une réforme. Je ne dis pas que cet objectif n'est pas souhaitable, je ne dis pas non plus qu'il est impossible de le réaliser. Je dis qu'à l'heure actuelle nous sommes très loin, à ce qu'il me semble, d'être en mesure d'aborder ce problème et de modifier le système tant que nous ne saurons pas dans quel sens va évoluer le système des paiements et tous les autres aspects.
Je ne dis pas que cela est impossible. Je ne dis pas que l'on ne devrait pas l'envisager. Il me paraît tout simplement prématuré d'en parler pour le moment.
M. Nick Discepola: L'autre aspect auquel vous ne souscrivez apparemment pas... En septembre, vous avez comparu devant le comité et vous avez dit que l'assurance-dépôts servait essentiellement à garantir aux consommateurs que l'argent placé dans une banque était aussi en sécurité que s'ils l'avaient dans leurs poches ou sous leur matelas. Le but étant d'éviter la fuite des capitaux en cas de faillite ou de problème. Le rapport MacKay semble rejeter ce point de vue et soutient que l'assurance-dépôts a pour but de protéger les petits déposants.
Lorsque vous avez répondu à ma dernière question, je me suis demandé ce que vous pensiez des dépôts des épargnants. Devrions-nous ajouter d'autres produits comme les fonds mutuels, certains dépôts, comme vous l'avez déjà mentionné? Ces produits-là devraient-ils être visés? Est-ce que d'autres institutions devraient également être visées?
M. Grant Reuber: Si l'on se place strictement du point de vue de la protection des consommateurs, je ne vois pas selon quels critères on pourrait établir des distinctions entre ces produits.
Il ne faut toutefois pas oublier que si ces produits bénéficient de la garantie du gouvernement, celui-ci va augmenter de façon importante ses obligations, parce qu'en fin de compte, s'il y a un problème, c'est lui qui devra payer la note. C'est donc un élément dont il faudrait tenir compte avant de décider de garantir tous ces produits.
Lorsque vous parlez de notre rôle d'organisme de stabilisation plutôt que de protection des consommateurs, je crois que notre rôle consiste essentiellement à préserver un filet de sécurité, c'est-à-dire la sécurité et l'intégrité du système. Il me paraît difficile de concilier ce rôle avec la protection des consommateurs.
Il peut en effet arriver qu'il faille pour préserver la sécurité et l'intégrité du système prendre des mesures qu'il serait difficile de concilier avec l'objectif de protéger les consommateurs. Si la SADC devient une institution chargée de protéger les consommateurs, il lui sera plus difficile de veiller à préserver la sécurité et l'intégrité du système et elle n'aura pas les moyens de le faire...
M. Nick Discepola: Affirmez-vous que la sécurité et l'intégrité du système ne sont pas toujours compatibles avec la protection des consommateurs?
M. Grant Reuber: Cela me paraît modifier la mission de l'institution.
• 1710
La sécurité et l'intégrité du système exigent parfois que l'on
ferme une institution. Si c'est là l'objectif recherché, il me
paraît évident que la SADC doit agir différemment que si elle
visait uniquement à fournir des ressources permettant d'alimenter
un programme d'assurance pour les consommateurs.
M. Nick Discepola: Le président vient de me faire un signe et je vais lui obéir. Merci.
Le président: Désolé, je ne vous ai accordé que 10 minutes.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président. Je suis sûr que je n'aurai pas besoin de 10 minutes.
J'examine le mémoire de la SADC et je note que vous commencez en disant que les choses se corsent lorsqu'on arrive aux détails. Vous passez en revue un certain nombre de recommandations du rapport MacKay sur les sociétés de portefeuille, les nouveaux arrivants, les changements organisationnels, commerciaux et financiers. Dans votre mémoire, vous présentez les questions que soulèvent ces recommandations et auxquelles il faut apporter des réponses. Mais je ne vois pas dans ce document, et j'espère que nous allons pouvoir en parler maintenant, d'éléments de solution. Nous sommes chargés de réfléchir aux recommandations du rapport MacKay et bien entendu de signaler les problèmes que peuvent soulever ces recommandations. Il me paraît également important de parler des éléments de solution.
Je lis un passage de votre mémoire où vous dites:
-
Comme l'évolution de l'assurance-dépôts au Canada l'illustre
clairement, des changements importants ont été apportés au cours
des trois dernières décennies pour tenir compte [de l'évolution des
marchés, de la révision des politiques, par exemple].
Lorsqu'on examine l'ensemble du secteur des services financiers, on constate également que les produits d'épargne changent eux aussi. Les gens ne mettent plus autant d'argent dans les comptes de dépôt ou dans les comptes d'épargne. Ils placent plutôt leur argent sur le marché monétaire et en bons du Trésor. Est-ce que la SADC est prête à s'intéresser à ces produits? Vous parlez de la SIAP et de la SADC et de leur fusion en disant que pour vous, celle-ci était prématurée. Mais quelles sont les mesures qu'il faudrait prendre avant de pouvoir parler vraiment de la fusion de ces deux organismes? Comment voyez-vous cela? Pensez-vous qu'il faudrait s'inspirer de la SADC ou plutôt de la SIAP? Voilà la discussion que j'aimerais avoir.
M. Grant Reuber: Eh bien, il existe un certain nombre de possibilités. Il faut je crois classer les questions à examiner et je placerais en tête le système des paiements parce que la façon dont ce système va être modifié influencera énormément les solutions que nous pourrons apporter aux autres problèmes.
Je dirais ensuite que la liste des questions que j'ai dressée, et M. Morson a également mentionné certaines questions, comme la position des créanciers et toute la question des relations fédérales-provinciales, qui se pose très rapidement... Par exemple, ma collègue qui est assise à ma droite peut vous dire que la plupart des membres de son organisme relèvent davantage du droit provincial que du droit fédéral.
Je ne peux pas être plus précis mais tant que ces questions n'auront pas été résolues, il ne servirait pas à grand-chose de modifier le système pour le seul plaisir de le faire. Ce système fonctionne très bien. Je ne vois aucune raison vraiment convaincante de prendre la décision très grave de modifier un système qui fonctionne bien. C'est du moins ma perception, ce n'est pas nécessairement celle de tout le monde.
Si la réforme du système de paiements soulève des problèmes graves, nous les réglerons. Je suis cependant loin d'être sûr que nous puissions même imaginer quels pourront être les nouveaux produits. Cela pourrait jouer un rôle considérable. Comme je l'ai dit, les compagnies d'assurance-vie, les sociétés de fonds de placement et les courtiers en valeurs mobilières peuvent résoudre certains des problèmes dont nous avons parlés en créant des filiales bénéficiant de la garantie de la SADC. Il y en a qui le font. Ce n'est pas une simple hypothèse mais une réalité. Certains le font avec beaucoup de succès, d'autres avec moins de succès.
Le président: M. Morson voulait intervenir.
M. Alan Morson: Si vous le permettez, pour ce qui est des mesures à prendre, nous avons essayé de cerner les questions et d'indiquer que nous étions d'accord avec un certain nombre des questions qu'a soulevées le groupe de travail MacKay, parce qu'avec le mandat qui lui a été confié, il lui aurait été difficile de se faire le porte-parole de la SADC, de la SIAP et des autres institutions.
Je considère plutôt que ce groupe de travail a défini certains problèmes, nous sommes d'accord avec lui et pensons qu'il faudrait tenir des discussions avec la SADC, avec des représentants du gouvernement, de l'industrie, en tenant compte d'autres aspects comme les relations fédérales-provinciales, la nature de la participation de l'industrie, mais il n'y a pas lieu de formuler maintenant des recommandations. Cela me paraît prématuré, parce que nous n'avons pas eu les discussions détaillées qu'il faudrait.
M. Tony Valeri: Vous êtes donc tous les deux d'accord...
Je voudrais revenir en arrière. Je voulais également vous demander si premièrement, on pouvait prendre une à une les recommandations du rapport MacKay et deuxièmement si vous étiez tous les deux d'accord pour dire, qu'au sujet de la fusion de la SADC et de la SIAP, vous êtes en fait placés en bout de ligne et que vous voulez voir comment les autres choses vont évoluer avant de pouvoir aborder les différences qui existent entre la SIAP et la SADC.
Ce que je ne comprends pas, monsieur Reuber, c'est que vous dites que le système fonctionne bien, d'après vous, alors que le groupe de travail a fait cette recommandation parce qu'il estimait que la SADC présentait des avantages que n'offrait pas la SIAP. Il a dû s'appuyer sur des témoignages pour le faire.
M. Grant Reuber: Oui, celui des compagnies d'assurances.
M. Tony Valeri: Mais vous n'êtes pas d'accord avec cela.
M. Alan Morson: Je pourrais intervenir sur ce point, parce que...
M. Grant Reuber: J'ai dit que je reconnaissais qu'il y avait un avantage mais qu'il fallait également se demander quelle était l'ampleur et l'importance de cet avantage.
M. Tony Valeri: D'après vous, il est négligeable.
M. Grant Reuber: Je ne dis pas qu'il est négligeable mais vous savez qu'aux États-Unis, les compagnies d'assurances ne sont pas appuyées par le gouvernement fédéral. Ce sont plutôt les gouvernements des États qui leur donnent des garanties.
On offre dans ce pays tous les produits que nous avons ici. Les marchés financiers américains sont au moins aussi sophistiqués que les nôtres et cela n'a pas soulevé de problème. Pour autant que je sache, je ne crois pas que les compagnies d'assurances américaines aient demandé une garantie de la part du gouvernement fédéral ou la mise en place d'un système national.
Je ne nie donc pas qu'il y ait là un problème, et je crois qu'il mérite d'être examiné, mais je ne pense pas qu'il soit suffisamment important pour lui donner la priorité sur toutes les autres questions qui sont apparues ou qui pourraient apparaître.
Je suis d'accord avec M. Morson lorsqu'il dit ne pas s'opposer à ce que l'on examine cette question pour voir si l'on ne pourrait pas mettre sur pied un meilleur système, je serai le dernier à m'opposer à cela. Je ne pense pas toutefois que nous soyons suffisamment informés de ces questions et que nous ayons suffisamment réfléchi à ce processus pour dire qu'il faut adopter cette proposition ou une autre.
Deuxièmement, je ne suis pas certain que si l'on uniformise les règles du jeu, ce sont les compagnies d'assurances qui vont en retirer tous les avantages.
M. Alan Morson: J'aimerais faire deux commentaires, monsieur le président.
Si les compagnies d'assurances américaines n'ont pas fait cette demande, c'est parce qu'elles peuvent imposer des cotisations beaucoup plus élevées parce que dans la plupart des États, elles peuvent déduire leurs cotisations de l'impôt sur les primes qu'elles versent aux États. En d'autres termes, c'est bien souvent en fait le contribuable qui assume ce coût, et non pas la compagnie d'assurances.
Le président: M. Reuber ne proposait pas que l'on adopte le système américain.
M. Grant Reuber: Non.
M. Alan Morson: L'autre question plus directe portait sur le désavantage que cela pouvait comporter aux yeux de l'industrie. C'est une préoccupation propre à l'industrie mais elle fait des sondages depuis des années et elle a constaté que les consommateurs estiment qu'il y a une différence. Lorsque tout va bien, cela n'est pas très important, mais en période d'instabilité économique ou d'incertitude, cela fait une différence.
M. Tony Valeri: Pour poursuivre dans la même veine, vous avez mentionné qu'aux États-Unis, les compagnies pouvaient déduire cette cotisation de l'impôt sur les primes versées. Au Canada, n'avez-vous pas le droit de déduire les sommes versées à la SIAP?
M. Alan Morson: On peut les déduire de l'impôt, mais ce que je voulais dire, c'est que ce serait l'équivalent, au Canada... Les compagnies d'assurances paient une taxe provinciale sur les primes.
M. Tony Valeri: Oui.
M. Alan Morson: Et l'équivalent serait de pouvoir déduire les frais d'insolvabilité du montant qu'elles versent à la province, ce qui n'a jamais été possible au Canada.
Tout ce que je voulais dire, en fait, c'est qu'une des raisons pour lesquelles ce n'est pas nécessaire aux États-Unis, c'est qu'une bonne partie du coût est assumé en fait par les contribuables.
M. Tony Valeri: Donc, est-ce que c'est provincial?
M. Alan Morson: C'est à l'échelon de l'État.
M. Tony Valeri: Est-ce que le provincial vous interdit de faire cela ici, au Canada?
M. Alan Morson: Non, cela n'a jamais été prévu comme cela. Les provinces ne voulaient pas que ce soit déduit.
M. Tony Valeri: J'aimerais comprendre la différence entre une déduction de la taxe provinciale sur les primes et une déduction de...
M. Alan Morson: Aux États-Unis, c'est déduit de l'impôt, au Canada, c'est déduit du revenu imposable.
M. Tony Valeri: Bien, je comprends maintenant.
Le président: Monsieur Sabourin.
M. Jean-Pierre Sabourin: Sans vouloir ajouter à la confusion, je dois attirer votre attention sur quelques points.
Je pense que la prédominance de la SADC vient du fait qu'on a bel et bien assuré près de 25 milliards de dollars, qu'on s'est occupé de 43 faillites depuis le début des années 80 et d'environ deux millions de Canadiens. Il est bien évident que la SADC est plus connue que la SIAP.
Néanmoins, je crois que vous devriez souligner le fait que la SADC, en tant que société d'État, a des obligations légales; elle est obligée de rembourser les déposants. Elle n'a pas le choix. Cela ne dépend pas des moyens à la disposition de l'industrie. La SADC doit rembourser les déposants à la suite de la faillite d'une institution. Ce n'est pas la même chose. Je pense que c'est peut-être un problème de crédibilité—que, dans les sondages, les gens disent vouloir être mieux informés, mais ils savent que le gouvernement se porte garant de la SADC. Nous recevons des milliers d'appels sur nos lignes sans frais pour savoir si un dépôt est assuré.
M. Tony Valeri: Et je suppose que c'est une des raisons pour lesquelles la SIAP voudrait recevoir l'aval du gouvernement, car ainsi elle pourrait s'afficher et affirmer la même chose. Cela représente un avantage par rapport à la concurrence et c'est ce qui a motivé cette recommandation.
M. Grant Reuber: La proposition ne vise pas seulement la garantie du même produit. Elle va au-delà de la rente différée de moins de cinq ans et vise les prestations de santé, décès, assurance-invalidité, etc. Il y a donc un large éventail de possibilités d'extension du produit couvert par la garantie.
M. Tony Valeri: Dans l'état actuel des choses, la SADC n'est pas en mesure d'envisager la possibilité d'assurer ce genre de produits.
M. Grant Reuber: On pourrait peut-être les assurer, mais la facture serait certainement plus salée en cas de problème.
M. Jean-Pierre Sabourin: La réponse est non, parce que c'est une obligation légale. C'est la loi qui prescrit ce que nous assurons et ce que nous n'assurons pas. Nous n'assurons que les fonds en monnaie canadienne déposés pour moins de cinq ans. Par conséquent, si vous voulez étendre le système, vous allez peut-être être obligés de relever le plafond des dépôts. Vous devrez peut-être enlever la limite de cinq ans. Il y a bien des questions en jeu. De plus, bien sûr, le coût est fonction de tout cela.
Le président: Eh bien! Je suis content de voir que le gouvernement peut représenter un avantage à l'occasion.
Monsieur Dubé.
[Français]
M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, monsieur le président. J'ai une question pour M. Reuber.
À la page 3 de la version française du mémoire, vous dites que les changements proposés pourraient modifier les ententes avec les provinces et que ces relations pourraient faire ressortir de nouveaux conflits fédéraux-provinciaux. En fait, vous parlez de complications possibles que pourraient entraîner d'éventuels changements à ce qui existe actuellement. Si j'ai bien compris, vous êtes assez satisfaits de ce qui existe actuellement. Pourriez-vous me parler des complications que vous n'avez pas explicitées dans votre mémoire?
M. Jean-Pierre Sabourin: On pourrait plutôt parler de ce qu'on a maintenant en prenant l'exemple du Québec. Au Québec, il y a la Régie de l'assurance dépôt, avec laquelle on a de bonnes relations depuis 32 ans. La régie et la société ont conclu une entente en 1969.
• 1725
L'entente est la suivante. La Société
d'assurance-dépôts du Canada assure tous les dépôts
qu'acceptent les banques au Québec, et les
institutions provinciales incorporées dans la
province de Québec, qui sont membres de la régie,
peuvent avoir de l'assurance-dépôts fédérale pour
les dépôts qu'elle acceptent en dehors de la province.
La même chose s'applique aux institutions provinciales
en dehors de la province de Québec qui acceptent des
dépôts.
On a une entente qui fonctionne bien. Les relations sont bonnes. La société peut aussi consentir des prêts à la régie. On a donc une entente fédérale-provinciale qui fonctionne bien. Dans des cas de faillite, la régie et la société ont travaillé ensemble pour s'assurer qu'un déposant soit remboursé jusqu'à concurrence de 60 000 $. Par exemple, si un déposant a un dépôt de 60 000 $ à Hull et un dépôt de 60 000 $ à Ottawa dans la même institution, il est assuré seulement pour 60 000 $: 30 000 $ seront remboursée par la régie et 30 000 $ par la Société d'assurance-dépôts du Canada.
C'est l'entente qu'on a. Ça fait 32 ans qu'elle fonctionne bien, et les gens sont satisfaits. Si on enlève l'assurance-dépôts fédérale, qu'arrivera-t-il de nos relations?
M. Antoine Dubé: Je comprends. Maintenant, du côté de la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances des personnes, vous dites, peut-être dans le même sens, qu'il y aurait également lieu de réfléchir au degré souhaitable de participation des gouvernements fédéral et provinciaux. Vous n'êtes pas allés plus loin. À quoi voulez-vous que les provinces réfléchissent avec le gouvernement fédéral?
[Traduction]
M. Alan Morson: Pardonnez-moi de vous adresser la parole en anglais; ce que nous voulions dire par là, c'est que la SIAP, sous sa forme actuelle, est une organisation nationale, et les compagnies québécoises sont membres de la SIAP et participent à l'assiette des contributions. Si un changement est apporté, s'il y a une fusion, une des choses qu'on devra regarder, c'est la façon de s'y prendre. Y aura-t-il le même genre d'entente dont a parlé M. Sabourin, qui a été négociée il y a des années de cela, sinon que fera-t-on?
Je voulais dire que c'est une chose dont il faudra tenir compte, parce que la fusion entre une organisation fédérale et une société nationale remet en question la représentation.
[Français]
M. Antoine Dubé: De votre côté, madame Reszel, comme un des intervenants l'a dit, dans la réalisation de vos objectifs, vous être de juridiction provinciale. Craignez-vous que le changement entraîne les mêmes effets? Craindriez-vous les mêmes problèmes si on changeait les choses au plan des ententes provinciales qui vous touchent?
[Traduction]
Mme Rozanne Reszel: Par rapport au secteur de l'assurance et des institutions de dépôts ou par rapport au secteur des valeurs mobilières?
[Français]
M. Antoine Dubé: À l'une ou à l'autre.
[Traduction]
Mme Rozanne Reszel: Je pense qu'à bien des égards nos secteurs se rejoignent et doivent évaluer mutuellement leurs systèmes. Je rappelais simplement le débat sur la possibilité d'élargir le système de paiement. Il y a bien sûr d'autres modèles qui assimilent nos secteurs, où le secteur du courtage en valeurs mobilières et le secteur des banques et des fiducies sont regroupés dans les chambres de compensation, tel le système canadien de dépôts, qui réalise la compensation entre les titres et les créances. Cela semble bien fonctionner: les divers participants sont réglementés aux échelons provincial et fédéral et la Banque du Canada joue son rôle.
Bien sûr, à l'échelon international, les trois piliers se réunissent pour tenir des pourparlers à une même table, comme l'ont indiqué les documents de travail, afin de s'entendre sur les types de protections à offrir dans les secteurs communs d'activité. Des discussions similaires ont lieu au Canada. En effet, les autorités de réglementation du secteur des valeurs mobilières ont rencontré le BSIF afin de comparer les domaines où nos activités se ressemblent.
• 1730
Je pense qu'il y a une très bonne collaboration et des
échanges utiles entre toutes les parties. On ne peut pas oublier
pour autant la complexité de la réalité, ce qui fait que, peu
importe que vos activités soient les mêmes, selon le secteur dans
lequel on vous a classé, vous devez obéir à un ensemble de règles
différent, qui est soit provincial soit fédéral. Je crois qu'il
reste beaucoup de chemin à faire avant d'avoir terminé l'examen de
ces questions par rapport auxquelles il faut convenir d'un cadre de
réglementation.
[Français]
M. Antoine Dubé: Je vous remercie tous d'avoir présenté un document en français. Je n'ai pas eu le temps d'en terminer la lecture, mais soyez assurés que je vais le faire. Je vous remercie de votre participation.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Dubé.
Monsieur Pillitteri, une dernière question.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je regrette de ne pas avoir entendu les exposés, mais il y a une chose que j'aimerais savoir... J'ai fait partie du groupe d'étude du Parti libéral et des questions ont été soulevées relativement aux banques et aux fusions. Je veux savoir si, à un moment donné, on n'a pas dit que la Société d'assurance-dépôts du Canada était déficitaire. Je sais que ce n'est plus le cas, mais je crois comprendre qu'il y avait eu désaccord entre les parties qui effectuaient les paiements, c'est-à-dire les banques, quant aux montants et au niveau de protection. Est-elle solvable à présent? Elle n'est plus dans le rouge? Est-elle bénéficiaire maintenant? Voilà la première partie de ma question.
Est-ce qu'on ne devrait pas faire connaître l'assurance à la population? Même moi qui suis parlementaire, je ne sais pas quel genre de protection il y a pour un consommateur. Est-ce que cela ne devrait pas être divulgué aux consommateurs, pour qu'ils constatent leur solvabilité et qu'ils sachent ce qui est prévu pour protéger les déposants? Je sais que le gouvernement est garant de ces dépôts et que tout le monde est protégé, mais est-ce que les banques et ces institutions de dépôts paient le montant de la prime au complet? Sont-elles solvables ou sont-elles en retard? Est-ce que cette information ne devrait pas être communiquée à la population, afin qu'elle soit plus au courant de la situation?
M. Grant Reuber: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question, mais je vais tenter d'y répondre; vous me direz ensuite si j'ai mal compris.
C'est vrai, la SADC a remboursé toutes ses dettes et elle finit d'éponger son déficit cette année. Ce n'est un secret pour personne, à mon avis. En fait, on est plutôt fier de ce résultat, donc l'information du public ne pose aucun problème.
Pour ce qui est des institutions elles-mêmes, je peux vous assurer qu'à l'heure actuelle, la liste de surveillance est très courte, et cela représente une diminution importante par rapport à la situation il y a cinq ou dix ans. Les institutions doivent divulguer leurs données financières en vertu des diverses lois mises en application par les gouvernements fédéral ou provinciaux, selon le cas.
Je ne sais vraiment pas ce que vous voudriez que l'on divulgue d'autre. Vous pouvez souhaiter qu'ils divulguent plus de données ou des données plus détaillées, auquel cas je suis entièrement d'accord avec vous. Par ailleurs, à mon avis, un des problèmes d'une information accrue, c'est que le client qui est assuré n'est pas vraiment intéressé pour autant à prêter attention à l'information supplémentaire fournie.
M. Jean-Pierre Sabourin: J'aimerais faire quelques observations.
Je crois qu'il est important de signaler que la SADC prend très au sérieux sa responsabilité d'informer la population. Lorsqu'on a un régime d'assurance-dépôts, il faut qu'il soit compris. Depuis 1983, la SADC a publié plus de 30 millions de brochures d'information à l'intention des déposants.
Des lignes sans frais sont à la disposition de tous les déposants au Canada, qui peuvent nous téléphoner et nous poser des questions sur l'assurance-dépôts. Depuis l'entrée en service de ces lignes, nous avons reçu plus de 500 000 appels. On nous demande qui est membre, quelle est la nature de la protection offerte, si un compte conjoint est également protégé, ce qu'on fait des dépôts en cas de faillite, si un nouvel établissement est membre de la SADC, si la protection englobe la personne qui appelle, etc.
• 1735
L'année dernière, on a mis en place un règlement très détaillé
concernant l'information aux consommateurs, afin que les déposants
sachent ce qui est assuré au point de vente. Dorénavant, tout
déposant peut se présenter à sa succursale bancaire et demander la
liste des dépôts assurés par la SADC. Il obtiendra la liste en
question. Toutes les formes de dépôts inscrites sur la liste sont
examinées par la SADC et approuvées. Tout ce qui est sur cette
liste est assurable et peut faire l'objet d'une assurance-dépôts.
Il y a également nos sites Web. On a créé des hyperliens avec les sites de nos membres, afin de renseigner la population. Donc, du point de vue de l'information, on va de l'avant. On a également fait de la publicité à la télévision, etc.
Le dernier point que j'aimerais aborder à ce sujet, c'est que nos trois organismes tentent ensemble d'aplanir les complexités de nos dispositifs de protection et de concevoir une sorte de brochure ou de moyen d'information qui nous permettrait de renseigner la population sur l'ensemble de nos dispositifs. Le déposant ne serait donc pas obligé de s'adresser à toutes sortes d'endroits, lorsqu'il veut essayer de comprendre ce qui est couvert par le programme d'assurance et ce qui ne l'est pas par la SADC ou le FCPE, etc.
Nous nous réunissons donc autour d'une table. Nous essayons de trouver une solution pour mieux sensibiliser et informer les consommateurs en ce qui concerne les protections offertes.
M. Gary Pillitteri: Si vous me le permettez, monsieur le président, ce n'était là qu'un commentaire général et j'aimerais poursuivre sur un point précis.
Bien souvent, on me pose la question suivante. Si j'ai déposé 60 000 $ dans une banque et encore 60 000 $ dans une autre, est-ce que ces deux montants sont assurés, et dans quelle mesure?
J'aimerais que vous me répondiez à cette question, qui comporte cependant un deuxième volet. Je sais bien, à la suite des audiences qui ont eu lieu, que les établissements sont devenus plus vulnérables au sud de notre frontière. Ils étaient déficitaires. Ils ont pris bien soin de prévoir plus de 30 milliards de dollars d'assurance au cas où il y aurait des faillites. Qu'est-ce qui existe en contrepartie au Canada? Je sais que l'on a la volonté d'agir et du répondant, mais pouvez-vous me garantir qu'il y a effectivement un certain montant prévu à cette fin?
M. Jean-Pierre Sabourin: Je pense qu'aux États-Unis il faut se tourner vers la FDIC. C'est une grosse organisation qui assure des milliers de banques. Au Canada, nous en avons 113 alors qu'aux États-Unis il y en a peut-être 10 000 ou 12 000. Le système est donc différent. Il y a effectivement des faillites, et on le reconnaît là-bas. Il arrive qu'on enregistre 200 faillites au cours d'une même année. Toutefois, ces faillites n'ont pas la même ampleur que chez nous parce que leurs établissements sont bien plus petits.
Les États-Unis ont décidé de placer une réserve de 30 milliards de dollars sous l'égide de la Federal Deposit Insurance Corporation. Ils ont effectivement décidé de ne pas faire payer de primes parce que ce fonds de réserve est plus que suffisant compte tenu des intérêts qu'il produit.
Comme l'a fait remarquer tout à l'heure le président, nous avons décidé pour notre part d'instituer une réserve pour pertes sur prêts en fonction d'un modèle préétabli. Autrement dit, nous tenons compte des pertes dues aux faillites passées, de la cote de crédit des établissements et de l'écart de taux entre les créances subordonnées et les obligations du Canada. C'est un modèle que nous avons mis en place il y a deux ans environ et qui se bonifiera au fil des années.
Nous avons décidé de ne pas instituer un gros fonds de réserve parce que nous considérons que la première ligne de défense contre l'insolvabilité, c'est la rentabilité des établissements. Cette société n'a pas besoin de disposer d'un gros fonds de réserve qui serait investi pour une raison quelconque en prévision des difficultés qui peuvent surgir. Notre système est conçu de manière à ce que nous puissions faire payer la facture après coup aux établissements qui sont nos membres.
Les 5 milliards de dollars de pertes qu'a encourus la SADC, y compris 1,7 milliard de dollars d'intérêts que nous avons versés au gouvernement, ont été totalement remboursés par les entreprises du secteur au fil des années. Il n'est donc pas question de se demander si le contribuable va devoir payer la facture. Ce sont les établissements qui se chargent du financement. Comme nous l'avons fait par le passé, nous pouvons emprunter au Trésor. Désormais, grâce à la législation adoptée en 1992, nous pouvons nous adresser au marché. Nous emprunterons d'abord, puis nous réglerons le problème et nous demanderons ensuite aux établissements du secteur de rembourser à terme. C'est donc un mécanisme de financement.
Le président: Je vous remercie.
• 1740
Monsieur Sabourin, ma question fera suite à celle que vous a
posée M. Pillitteri. Vous avez indiqué que vous dressiez en fait la
liste des produits, de tout ce que vous assurez, n'est-ce pas? Vous
êtes là depuis 1967.
M. Jean-Pierre Sabourin: Oui.
Le président: Quand avez-vous commencé à faire ça?
M. Jean-Pierre Sabourin: L'année dernière.
Le président: Pourquoi avez-vous attendu aussi longtemps? Ai-je raison de me poser la question?
M. Jean-Pierre Sabourin: Le système a évolué. Je suis à la SADC depuis 22 ans et j'ai donc fait de nombreuses expériences en la matière. Je crois que la situation a évolué en raison des inquiétudes qui sont apparues à la fin des années 80. J'ai participé à la résolution des affaires de la Principal Savings and Trust, de la CCB, et de la Norbanque—qui ont toutes fait faillite dans l'Ouest. J'habitais dans l'Ouest et j'ai eu à m'occuper des faillites de 1983, 1985, etc.
Notre grand sujet de préoccupation, c'était de voir que le public ne recevait pas une information exacte. Il y avait des produits d'appels. Lorsqu'un client entrait dans un établissement, on lui disait: déposez votre argent chez nous et nous vous vendrons un autre produit qui peut vous procurer un meilleur rendement. Nous avons donc essentiellement décidé en 1989 qu'il n'y aurait qu'une seule source d'information. Si vous voulez de l'information, contactez la SADC. Nous avons donc ouvert des lignes de renseignement 1-800, nous avons envoyé des brochures d'information dans tous les foyers et nous avons insisté pour que les établissements aient dans leurs succursales des panneaux d'affiliation et des brochures.
Au fil des années, nous avons collaboré avec les entreprises du secteur pour essayer de mettre en place un système qui soit logique, qui fonctionne et qui ne soit pas un cauchemar à administrer. Il nous a fallu près de trois ans pour mettre en place ce programme parce qu'il nous fallait passer en revue non seulement chacun des instruments de dépôt, mais aussi la documentation qui s'y rattache, ce qui revient essentiellement à donner un avis juridique pour chacun des produits, et pour mettre en place un système qui non seulement garantit a priori chacun de ces produits, mais qui comporte par ailleurs une procédure de contrôle en vertu de laquelle les établissements sont tenus de nous communiquer chaque année leur registre et leur liste pour que nous puissions les vérifier en fonction de notre banque de données. De plus, tout établissement membre de la SADC était tenu, avant de mettre sur le marché un nouveau produit assuré, d'en faire part à la SADC pour que celle-ci l'examine et donne sa confirmation parce que nous voulions nous assurer que ces listes étaient constamment tenues à jour.
La procédure a donc été très longue. Nous voulions nous assurer que tout était en ordre et nous avons procédé à de nombreux sondages pour savoir quelle était l'information disponible. Le système fonctionne, et il fonctionne très bien. Nous entendons dire que les déposants sont en mesure de poser des questions et qu'il nous suffit de continuer à insister sur ce point.
Vous avez raison, monsieur le président, cela prend beaucoup de temps. C'est indéniable.
Le président: Lorsque vous avez été créé, je n'avais que sept ans.
M. Jean-Pierre Sabourin: Je vous ferais remarquer que la première faillite, en 1970, était de faible envergure. La SADC n'a enregistré que très peu de faillites jusqu'en 1983. Tout a commencé en 1982-1983, et de 1983 à 1987-1988 environ, la SADC a fermé des établissements financiers et a remboursé les déposants. Nous avons eu ensuite le même problème de 1992 à 1993-1994, alors que nous avons fermé 43 établissements.
Malheureusement, nous étions trop occupés à remédier à la crise et à rembourser les déposants pour penser à ce que nous allions faire ensuite. Par conséquent, lorsque la situation s'est éclaircie en 1993, nous avons décidé de mettre en place toute cette réglementation sur l'information du consommateur, les écarts de primes, les normes et l'instauration de bonnes pratiques commerciales et financières. Nos politiques et nos mécanismes sont à jour et nous avons mis en place au sein de notre organisation de nombreux systèmes et un grand nombre de procédures en prévision de l'avenir.
Le président: Par ailleurs, est-ce que les entreprises du secteur ont de leur côté réussi à publier leur propre liste?
M. Grant Reuber: Non.
Le président: Pourquoi donc?
M. Jean-Pierre Sabourin: Le système de l'assurance-dépôts est complexe—les clauses et les conditions, le remboursement dans les cinq ans... Je vais vous donner un exemple: les produits liés aux indices boursiers à l'heure actuelle. Le problème, c'est que certains établissements proposent des produits liés aux indices boursiers dont le principal est garanti. Certains d'entre eux garantissent un intérêt minimum, d'autres non. Dans certains cas, l'intérêt est calculé en fonction du rendement du TSE sur cinq ans en faisant une certaine moyenne. Tout devient compliqué.
Le président: Il faut que ce soit centralisé.
M. Jean-Pierre Sabourin: Il faut que ce soit centralisé et, pour l'essentiel, la SADC a dû, pour chacun des instruments, se poser les questions suivantes: est-ce que cela répond à la définition d'un dépôt; est-ce que c'est un produit assurable; est-ce que l'intérêt est assurable? Nous avons dû passer en revue chacun des documents et il nous a fallu près de trois ans. Il y a quelque 2 900 produits.
Le président: Est-ce que cela coûte cher?
M. Grant Reuber: Une fois le système en route, c'est raisonnable. Il faut s'en occuper et le tenir à jour, mais c'est au départ que c'est très coûteux, lorsqu'il faut mettre le système en place.
Il vous faut bien comprendre que tant que le système n'a pas été en place, le préposé aux ventes n'avait pas le droit de vous dire si tel ou tel produit était assuré ou non au sein d'un établissement. Cela venait du fiasco de Principal au cours des années 80. Ce n'était pas un système très satisfaisant, comme l'a fait remarquer Jean-Pierre. Aujourd'hui, je ne dirais pas que notre système est à l'abri de toute surprise, mais au moins il m'apparaît que nous sommes nettement dans la bonne voie. Dans bien des cas, non seulement le client sait à l'heure actuelle, mais les vendeurs du produit savent aussi dans quelle mesure celui-ci est assuré ou non. Ça non plus, ce n'était pas clair auparavant.
M. Jean-Pierre Sabourin: Finalement, il faut préciser que la loi fixe par ailleurs des exigences en matière de respect de la législation et de sanctions. Il y a d'importantes pénalités qui sont prévues à l'encontre des employés des établissements membres et de ces établissements eux-mêmes si la réglementation concernant l'information des consommateurs n'est pas respectée.
Le président: Je suis très heureux de voir que l'on a fait certains progrès dans ce domaine parce que je peux vous dire que l'une des choses qui est revenue constamment dans toutes les audiences que nous avons tenues à l'échelle du pays, c'est que les consommateurs attendent bien davantage du secteur des services financiers. Aujourd'hui cependant, contrairement à ce qu'on a pu voir par le passé, ils ne se contentent plus d'attendre bien davantage, ils exigent bien davantage. C'est merveilleux de voir que des organisations comme la vôtre ont su réagir de cette manière.
Je sais que nous sommes quelque peu en retard sur notre horaire. C'est généralement ce qui se passe lorsque l'intervention du groupe est intéressante. Au nom du comité, nous tenons à vous remercier d'être venus nous aider à régler les grandes questions qui intéressent les Canadiens au sujet du rapport MacKay.
Nous allons faire une suspension de séance de 45 minutes. Je vous remercie.
Le président: J'ouvre à nouveau la séance et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes ici présentes ce soir. Nous sommes heureux d'accueillir le surintendant des institutions financières, M. John Palmer, qui a à ses côtés Nicholas Le Pan.
Monsieur Palmer, soyez le bienvenu. Comme vous êtes venu à maintes reprises témoigner devant notre comité, vous savez bien entendu comment nous fonctionnons. Vous disposez de 10 à 15 minutes pour nous présenter votre exposé et par la suite nous vous poserons des questions.
M. John R.V. Palmer (surintendant, Bureau du surintendant des institutions financières): Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de nous accueillir aujourd'hui et de nous offrir l'occasion d'exprimer notre point de vue sur le rapport du groupe de travail.
Vous me connaissez, je m'appelle John Palmer et je suis le surintendant des institutions financières. Je suis accompagné de Nick Le Pan. Certains d'entre vous le connaissent; il est surintendant adjoint en matière de surveillance au sein de mon bureau.
Avant de commencer, monsieur le président, je tiens à signaler que nous avions préparé un plus long exposé que celui que je vais vous lire ce soir, mais le greffier nous a demandé d'être plus bref. Je vais donc demander que cet exposé plus complet soit annexé à votre procès-verbal.
Le président: Très bien, il sera versé au procès-verbal. Je vous remercie.
M. John Palmer: Parfait.
[Français]
Avant d'aborder le sujet de mon exposé, je voudrais féliciter M. MacKay, ainsi que les membres et le personnel de son groupe, d'avoir su mener à terme ce projet très complexe. Je sais quelle quantité de travail ont nécessité nos présentations au groupe de travail et je peux apprécier le travail que celui-ci a accompli pour traiter de nombreuses questions générales et complexes dans des délais très courts.
[Traduction]
Mon allocution d'aujourd'hui est fondée sur le principe d'équilibre entre des objectifs politiques parfois conflictuels. Le groupe de travail cherche à réaliser certains objectifs politiques importants, y compris l'augmentation de la concurrence et l'amélioration de la protection des consommateurs. Toutefois, des recommandations visant ces objectifs pourraient influer négativement sur la capacité du gouvernement d'atteindre d'autres objectifs, y compris la protection des déposants et des souscripteurs et le degré élevé de confiance du public dans la sécurité du système financier.
Nous admettons que de nombreux avantages peuvent découler d'un grand nombre des recommandations du groupe de travail. Nous sommes aussi d'avis que certaines recommandations peuvent donner lieu à des coûts ou à des risques compensatoires. Selon nous, les coûts et les risques éventuels découlant des recommandations du groupe de travail, qui doivent être pris en considération en même temps que les avantages, sont les suivants: l'augmentation du risque de faillite des institutions et des pertes subies par les déposants et les souscripteurs en raison de certaines propositions visant à augmenter la concurrence et à ouvrir de nouveaux débouchés dans le secteur; les problèmes attribuables à l'élargissement du mandat du BSIF en matière de concurrence et d'innovation ainsi que de protection des consommateurs; enfin, le conflit apparent entre l'augmentation de la transparence à certains égards et la réduction pour d'autres. Permettez-moi d'élaborer sur ces questions.
De nombreuses recommandations du rapport visent, directement ou indirectement, à faciliter la venue de nouveaux participants sur le secteur financier canadien. Par exemple, je voudrais mentionner les propositions liées aux règles de propriété, la réduction éventuelle du capital initial et l'établissement de succursales par les banques étrangères.
Même si ces recommandations visent à améliorer la concurrence et l'efficience pour augmenter les choix et réduire les coûts à l'intention des utilisateurs des services financiers, l'ouverture du marché peut entraîner l'établissement d'institutions assujetties à des risques plus élevés et, finalement, des coûts supplémentaires pour le système. Nous ne prétendons pas que l'amélioration de la concurrence et de l'efficience n'est pas un objectif légitime ou viable. De plus, ce dernier ne devrait pas être rejeté parce qu'il augmenterait le risque de faillite des institutions. Toutefois, à mesure que le risque augmente, il deviendra nécessaire de tenir compte des conséquences.
Par exemple, il pourrait être nécessaire de réduire les attentes actuelles du public en ce qui a trait au degré de protection du régime. Il faudra accorder plus d'importance à la divulgation. Le caractère adéquat des outils réglementaires existants devra être réévalué. Il pourrait même être nécessaire de réviser le rôle de la réglementation et de la surveillance.
[Français]
À notre point de vue, il importe que les Canadiens soient pleinement informés des risques et du prix à payer au cours des débats devant entourer la mise en place des mesures conçues pour améliorer la concurrence et l'efficience.
[Traduction]
Quant au rôle du BSIF en matière de concurrence, la réglementation et la surveillance comprennent nécessairement une certaine ingérence dans les affaires des institutions, ce qui peut entraîner des coûts directs et indirects et, par conséquent, un certain impact sur la concurrence. Dans le cadre de son mandat actuel, le BSIF doit remplir son rôle en tenant compte de son impact sur la concurrence. Il s'agit d'une exigence passive mais utile, selon nous, puisqu'elle nous aide à ne pas succomber à la tentation d'appliquer la réglementation de façon excessive. Selon notre interprétation, le BSIF doit influer le moins possible sur la concurrence, mais nous ne croyons pas que cela veuille dire que la responsabilité de faciliter la concurrence nous est dévolue. Au lieu de cela, les objectifs du BSIF en matière de dérogation sont de protéger les déposants et les souscripteurs contre les pertes indues et de contribuer à la confiance dans le système financier.
• 1840
La recommandation 112(b) suggère de réviser le mandat du BSIF
pour préciser qu'il est chargé d'établir un équilibre entre, d'une
part, la concurrence et l'innovation et, d'autre part, la solidité
et la stabilité, comme il y est déjà tenu. Toutefois, selon le
groupe de travail, le BSIF n'a pas pour rôle de promouvoir ni
d'encourager activement la concurrence.
Nous ne sommes pas opposés à la concurrence et à l'innovation, qui sont toutes deux indispensables au fonctionnement adéquat du secteur des services financiers ainsi qu'à sa santé et à sa croissance. Toutefois, elles ne sont pas assujetties au contrôle du BSIF et peuvent entrer en conflit avec la solidité et la stabilité. Par exemple, notre mandat actuel met l'accent sur l'importance d'une intervention rapide dans les affaires des institutions en difficulté. Le bien-fondé d'une intervention précoce est l'une des leçons tirées des problèmes du secteur financier dans les années 80. Le gouvernement et le Comité des finances de la Chambre en ont tenu compte en 1996 pour définir notre mandat. L'ajout d'une responsabilité précise en matière de concurrence et d'innovation pourrait inciter le BSIF à s'abstenir de réglementer, au détriment d'une intervention précoce et d'une résolution rapide des problèmes.
De plus, l'ajout de la responsabilité de la concurrence et de l'innovation au mandat actuel du BSIF pourrait nuire à l'indépendance du BSIF et le rendre plus sensible à des préoccupations non réglementaires. En approuvant de nouveaux entrants dans le système financier, les organismes de réglementation effectuent traditionnellement une enquête sur les demandeurs. Si la concurrence devenait une responsabilité du BSIF, celui-ci pourrait être poussé à approuver la propriété d'institutions financières par des personnes moins recommandables. Nous aimerions donc que vous teniez compte du fait que les questions liées à la concurrence et à l'innovation relèvent plutôt du marché et d'autres intervenants gouvernementaux.
[Français]
Même si nous avons des doutes quant à l'inclusion de la responsabilité de la concurrence dans notre mandat, nous croyons qu'il est possible d'élaborer une approche réglementaire plus souple afin de stimuler la concurrence. Selon nous, une telle approche comprendrait le principe d'une intervention précoce et rigoureuse, mais pourrait être liée à un nombre moindre de procédures de réglementation et de surveillance, particulièrement dans le cas des institutions en bonne santé financière.
[Traduction]
La recommandation 112(a) propose d'élargir le mandat du BSIF pour inclure la responsabilité de la protection des consommateurs. Nous reconnaissons que des initiatives doivent servir à augmenter la protection des consommateurs, et nous les appuyons sans réserve. Nous avons tendance à croire que nos objectifs de solidité et de stabilité sont peut-être les éléments les plus importants pour la protection des consommateurs dans l'industrie des services financiers. Nous aimons penser que nous protégeons les consommateurs en aidant à préserver et à améliorer la capacité des institutions de s'acquitter de leurs obligations financières envers eux. Toutefois, les réserves que j'ai exprimées à l'égard de l'augmentation de la responsabilité de la concurrence s'appliquent également aux propositions sur l'augmentation de notre responsabilité en matière de protection des consommateurs.
D'abord, l'élargissement du rôle de protection du consommateur peut entrer en conflit avec la responsabilité du BSIF en matière de promotion de la solidité et de la stabilité. Par exemple, la question récente des primes fantômes a suscité des problèmes entre les souscripteurs contre les sociétés d'assurances sur la durée du paiement des primes en fonction des taux d'inflation et des rendements des investissements estimatifs. Le BSIF a assurément la responsabilité de protéger les intérêts des souscripteurs. Cependant, quelle est la meilleure façon d'y arriver? En maintenant un niveau adéquat de solidité et de stabilité, ou en soutenant les intérêts des consommateurs? On ne sait pas précisément quel rôle l'emporterait en cas de conflit. De plus, le BSIF ne dispose pas actuellement des ressources ni des compétences nécessaires ni même de l'attitude managériale pour remplir une fonction élargie de protection des consommateurs. Il nous faudrait engager un nouveau personnel possédant l'expérience nécessaire. Brièvement, malgré notre appui aux initiatives de protection des consommateurs, nous aimerions que vous vous demandiez si le BSIF est l'organisme adéquat pour assumer un mandat de protection des consommateurs.
• 1845
J'abandonnerai maintenant ces questions d'ordre général pour
évoquer rapidement certains points précis du rapport qui renvoient
aux responsabilités actuelles du BSIF.
Les recommandations 29 à 41 proposent certains changements aux règles de propriété des institutions financières. Ces recommandations, une fois acceptées, influeraient largement sur les règles actuelles. Certaines banques de l'annexe 1 et les sociétés d'assurances mutuelles se transformant en sociétés par actions n'auraient plus besoin d'avoir un grand nombre d'actionnaires.
Les exigences en matière de propriété seraient fondées sur la taille de l'institution. Compte tenu des recommandations 4(a), 4(c) et 9 qui permettraient, respectivement, la constitution d'institutions avec un capital inférieur, l'application d'exigences réglementaires distinctes en fonction de la taille, et la facilitation des activités des institutions étrangères, l'augmentation du nombre d'institutions financières liées et à peu d'actionnaires est possible.
Nous croyons, et c'est une opinion que partagent la plupart des responsables de la réglementation, que des institutions financières à peu d'actionnaires augmentent l'étendue du risque et que des gains commerciaux amplifient celui-ci. L'historique des faillites institutionnelles au Canada tend à soutenir ce point de vue.
Les recommandations 25 à 28 proposent que les institutions puissent adopter des structures organisationnelles mieux adaptées à leurs activités. Elles établissent aussi des principes de réglementation des sociétés de portefeuille et recommandent de réviser les restrictions actuelles sur les placements en aval.
La recommandation 26 suggère aussi d'élaborer la nouvelle loi sur les sociétés de portefeuille financières. Nous croyons toujours que les sociétés de portefeuille financières soulèvent certaines inquiétudes et présentent certains risques qui ne touchent pas une institution financière réglementée à grand nombre d'actionnaires.
Ces sociétés compliquent et augmentent significativement les tâches de réglementation et de surveillance du BSIF. Même si les principes énoncés par le groupe de travail, relativement à la réglementation des sociétés de portefeuille, réduiraient certains de ces risques, les risques et les complications ne peuvent être éliminés en totalité. Comme l'a fait remarquer le groupe de travail, ses recommandations à l'égard des sociétés de portefeuille sont fondées sur des suggestions du BSIF.
Celles-ci ont été faites en se fondant sur les réserves que je viens d'exprimer et représentaient selon nous les normes minimales pour assurer un degré raisonnable de protection à l'intention des déposants et des souscripteurs des institutions financières réglementées dans le cadre d'un régime de sociétés de portefeuille.
De plus, notre élaboration de ces principes était fondée sur l'hypothèse qu'une structure de société de portefeuille ne serait permise qu'aux institutions à grand nombre d'actionnaires. Puisque le groupe de travail a recommandé d'appliquer la réglementation des sociétés de portefeuille aux institutions à peu d'actionnaires, ces principes devront être revus.
Nous appuyons la proposition sur la révision des restrictions actuelles imposée aux placements en aval, conjointement avec le régime des sociétés de portefeuille. En fait, nous sommes d'avis que cette révision devrait avoir lieu de toute façon, sans égard à la mise en place d'un régime de sociétés de portefeuille par le gouvernement.
La recommandation 113 suggère de doter le BSIF d'un conseil d'administration aux responsabilités définies. En principe, nous appuyons cette recommandation. Même s'il fallait prendre en considération certains aspects techniques, nous sommes d'avis qu'un conseil pourrait superviser les activités d'administration et de gestion importantes, améliorant ainsi la responsabilisation et l'utilisation efficiente des ressources financières et autres, et partager son savoir-faire et son expérience sur les processus du BSIF.
En formulant les responsabilités du conseil, il faudrait faire en sorte de ne pas saper les pouvoirs du surintendant et du ministre et de ne pas modifier les responsabilités existantes du régime, soit celles du surintendant envers le ministre et celles de ce dernier envers le Parlement.
La recommandation 42 propose au BSIF de collaborer avec l'Institut canadien des comptables agréés pour éliminer les désavantages concurrentiels découlant du traitement inconsistant de l'écart d'acquisition, lors de regroupements d'entreprises. Nous appuyons cette recommandation et nous sommes ravis d'annoncer que des mesures ont déjà été prises à cet égard.
Nous serons à même de fournir plus de détails, au besoin, pendant la période de questions qui suivra la présentation. Je sais que vous allez rencontrer très bientôt les représentants de l'ICCA et que ces derniers seront tout disposés à vous en dire davantage à ce sujet.
Nous avons des questions techniques à propos de certaines recommandations ainsi que sur la façon de les appliquer; toutefois, je ne crois pas que le moment soit bien choisi pour résoudre ce genre de questions techniques.
[Français]
Cela dit, je voudrais quand même exprimer une observation plus générale. De nombreuses recommandations entraîneraient de nouveaux types d'institutions financières ou des modifications à la structure de celles-ci; toutefois, le rapport ne fournit que peu d'indications sur de nouvelles compétences en matière de réglementation. De nouveaux pouvoirs pourraient s'avérer nécessaires, surtout si le BSIF doit continuer d'appliquer sa politique d'intervention précoce. Certaines des nouvelles institutions pourraient éprouver des difficultés ou même faire faillite, et les règles régissant leur sortie du système pourraient être aussi importantes que celles encourageant leur entrée.
[Traduction]
En résumé, monsieur le président, nous appuyons les objectifs du groupe de travail pour stimuler la concurrence et l'innovation dans le secteur financier canadien et améliorer la protection des consommateurs. Toutefois, ce faisant, nous pensons qu'il est important de comprendre les répercussions des changements effectués pour atteindre ces objectifs à l'égard de la solidité du système et de la capacité de protéger les épargnes des déposants et des souscripteurs et pour soupeser attentivement les avantages et les coûts de chacun des changements.
En définitive, selon nous, le défi que ce comité et le gouvernement ont à relever consiste à établir un équilibre optimal entre ces avantages et ces coûts. Il ne sera pas facile d'atteindre un juste équilibre mais il est essentiel que vous y arriviez pour le bien des Canadiens.
Nous voulons vous souhaiter bonne chance dans vos travaux. Merci, nous sommes tout disposés à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Palmer.
Vous avez chacun cinq minutes pour poser vos questions. Monsieur Harris.
M. Dick Harris: Merci, monsieur Palmer.
C'est une drôle de coïncidence que vous soyez là ce soir, parce qu'hier soir nous avions devant nous une dame du nom d'Anne Holmes. Elle représentait les souscripteurs de polices d'assurance sur la vie et je suis sûr que vous avez entendu parler d'elle.
Étant donné le poste que vous occupez au gouvernement fédéral, monsieur Palmer, vous êtes certainement la personne qui a le plus de pouvoirs dans le secteur des institutions financières de notre pays. Vous supervisez les activités et la réglementation. J'imagine que vous pouvez dire à bon droit que l'on ne plaisante pas avec votre bureau.
Alors que vous occupez ce poste et que vous avez tous ces pouvoirs, Mme Holmes a déclaré l'autre soir au comité qu'elle avait contacté votre bureau. Elle vous a demandé de l'aide compte tenu des démêlés qu'elle-même ou que des membres de son groupe avaient eus par le passé avec plusieurs sociétés d'assurance-vie. Elle n'a toutefois reçu aucune aide de votre bureau dans son dossier.
Je trouve ça assez étonnant étant donné que c'est vous qui êtes chargé de superviser les activités des sociétés d'assurance-vie. On pourrait supposer que dans le cadre de vos fonctions il vous appartient de vous assurer que tous ceux qui exercent leurs activités dans ce secteur ne peuvent être accusés de pratiques déloyales ou autres. Je suis donc surpris que Mme Holmes soit venue nous dire qu'elle n'avait reçu aucune aide de la part de votre bureau.
Qu'avez-vous à répondre?
M. John Palmer: Merci, monsieur Harris.
Je pense que Mme Holmes a contacté un certain nombre d'organismes du gouvernement. Elle nous a demandé d'intervenir sur des questions bien précises ayant trait à des pratiques commerciales et à certaines allégations faites par des entreprises au sujet de politiques bien déterminées. Nous avons refusé d'intervenir sur ces questions précises se rapportant à des consommateurs individuels.
Il y a à cela plusieurs raisons. Tout d'abord, nous considérons que la responsabilité qu'elle voulait nous confier relève des compétences provinciales et non pas de notre mandat actuel. Nous estimons donc n'être pas fondés en droit à intervenir pour le compte de groupements de consommateurs déterminés.
M. Dick Harris: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Palmer, et je comprends bien ce que vous voulez nous dire.
Tout à l'heure, vous avez déclaré que vous ne saviez pas exactement quel rôle il vous fallait jouer vis-à-vis des groupements de consommateurs. Ici, cependant, nous avons affaire à un secteur qui opère dans le cadre d'un régime placé directement sous votre contrôle. Vous êtes au sommet de la hiérarchie au Canada lorsqu'il s'agit de superviser ce secteur.
• 1855
J'imagine que vous voulez qu'il fonctionne sans heurt et dans
les meilleures conditions possibles. Quand vous me dites qu'il
relève avant tout de la compétence des provinces, j'ai l'impression
que vous refusez en fait de prendre vos responsabilités. J'ai du
mal à le comprendre de la part d'un homme placé dans votre
situation. Je pensais que vos services étaient incontournables.
M. John Palmer: Monsieur Harris, je pense que vous comprenez mal l'étendue de nos pouvoirs et de nos responsabilités. Nous ne sommes pas chargés de gérer les institutions financières. Nous n'avons pas l'obligation de superviser chacun des aspects de toutes les fonctions exercées par les établissements financiers. Notre mandat indique très clairement que ce sont les conseils d'administration et les directions des établissements eux-mêmes qui sont les premiers responsables de la gestion de ces établissements.
S'il nous fallait assumer une tâche de la portée que vous indiquez, notre organisme serait bien plus gros, bien plus onéreux et bien plus contraignant qu'à l'heure actuelle. Je ne suis pas sûr que nous pourrions supporter le coût d'un tel système et je me demande quels seraient les effets sur la concurrence d'un régime réglementaire aussi contraignant.
De plus, il ferait double emploi avec les activités qu'exercent déjà les gouvernements provinciaux. Ce sont eux qui sont chargés de réglementer les pratiques commerciales et les allégations faites par les entreprises à leurs clients concernant les avantages retirés des polices d'assurance.
Laissez-moi vous dire simplement ceci. Cela ne veut pas dire que nous nous désintéressons des problèmes soulevés par les intervenants qui s'inquiètent des allégations faites par les entreprises au sujet de leurs polices. Toutefois, nous nous en tenons dans nos préoccupations à notre mandat qui a trait aux questions fondamentales touchant la sécurité, la santé et la solvabilité des établissements.
Lorsque des allégations de ce type sont faites, nous cherchons à comprendre quels en sont les effets sur la santé financière de l'établissement et sa capacité à s'acquitter de ses obligations financières vis-à-vis de tous ses souscripteurs de polices d'assurance. Nous n'allons donc pas nous faire le champion de la cause de n'importe quel souscripteur individuel qui prétend éventuellement être en droit de recevoir de meilleures prestations compte tenu de ce que lui a fait miroiter le vendeur. Nous essayons cependant de comprendre quelle est la responsabilité à laquelle s'expose l'entreprise.
De manière générale, si une entreprise encourt de grosses responsabilités, il est clair qu'elle a commis des erreurs et nous nous efforçons effectivement en sa compagnie de mettre en place des mécanismes de contrôle internes pour éviter que ce risque financier se matérialise.
M. Dick Harris: Monsieur Palmer, la Sun Life vient de faire l'objet d'un recours collectif. Elle a dû en conséquence débourser de grosses sommes d'argent à nombre de ses souscripteurs. Elle a dû effectivement encourir des pertes sévères.
J'imagine que votre bureau va s'assurer que les autres sociétés d'assurance-vie respectent bien la réglementation et ont de bonnes pratiques commerciales de manière à ne pas être exposées à des poursuites de ce genre.
Je pense qu'il est normal que ce genre de dossier se retrouve dans votre bureau. Il s'agit alors de veiller à ce que les sociétés d'assurances continuent à payer les polices. Si une société d'assurances est poursuivie en justice pour un tel montant qu'elle risque de ne plus pouvoir payer ses souscripteurs de polices d'assurance, l'affaire vous concerne alors directement.
M. John Palmer: Voilà qui illustre bien toute la difficulté qu'il y a à étendre notre rôle dans le domaine de la protection du consommateur. Si nous devions assumer les responsabilités que vous prétendez nous confier—et je comprends bien votre raisonnement—nous nous trouverions en fait à défendre les deux parties. D'un côté, nous serions appelés à appuyer et à aider certains groupes de consommateurs qui estiment qu'une société d'assurances leur doit davantage d'argent.
• 1900
D'un autre côté, nous avons l'obligation de veiller à ce que
les sociétés d'assurances ne paient pas trop et n'enregistrent pas
de mauvaises surprises dans leur bilan. Elles pourraient risquer
alors de ne plus pouvoir payer l'ensemble de leurs souscripteurs.
Notre mandat actuel en matière de solvabilité relève de ce deuxième volet de responsabilité. Nous ne nous désintéressons pas de la question mais nous devons mettre l'accent sur les contrôles internes. Nous cherchons à nous assurer qu'il existe des services assurant un contrôle.
Ainsi, nous incitons les établissements, les sociétés d'assurance-vie, à nommer au sein de leur organisation un agent responsable du respect de la réglementation. La haute direction et le conseil d'administration auraient ainsi une meilleure garantie que la société d'assurances se conforme à la législation fédérale et provinciale. Bien entendu, elles doivent respecter toutes ces lois. Toutefois, nous n'en sommes pas encore au point de justifier une intervention au nom des souscripteurs individuels sur cette question précise.
M. Dick Harris: Malheureusement, les souscripteurs individuels n'ont pas suffisamment de ressources pour pouvoir poursuivre en justice ces énormes entreprises. On les jette donc finalement dans la fosse aux lions si personne ne s'occupe de leurs intérêts.
Je crois savoir que votre bureau est financé par les contribuables canadiens—je pense que c'est le cas, à moins que je ne me trompe—et par les cotisations des entreprises du secteur. Je pense donc qu'il convient que notre comité se penche entre autres sur la possibilité d'étendre les responsabilités de votre bureau.
Le président: Merci, monsieur Harris.
[Français]
Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Messieurs Le Pan et Palmer, je vous remercie de votre présentation. Vous savez qu'on entre dans une phase où le monde financier est appelé à subir de nombreux changements et que nous étudions présentement la fameuse question des fusions bancaires. Les consommateurs ou les clients des banques aimeraient qu'on crée une sorte de comité de surveillance pour s'assurer que les banques respectent leurs engagements. Croyez-vous que ce mandat de surveillance pourrait relever du Bureau du surintendant des institutions financières?
M. John Palmer: Monsieur Desrochers, je voudrais m'assurer de bien comprendre votre question. Parlez-vous des engagements qui suivraient un projet de fusion des banques?
M. Odina Desrochers: Je parlais d'une hypothèse, monsieur Palmer. Je parlerai lentement afin que vous puissiez me suivre. Supposons qu'on autorise la fusion de quatre banques et que les consommateurs désirent s'assurer que les banques respecteront les engagements qu'elles auront pris. Les consommateurs nous ont proposé la création d'un genre de comité ou d'organisme de surveillance qui pourrait effectuer un suivi et peut-être même intervenir si ces engagements n'étaient pas respectés. Croyez-vous que le Bureau du surintendant des institutions financières pourrait s'acquitter de ce mandat?
M. John Palmer: Monsieur Desrochers, à mon avis, nous avons actuellement le pouvoir de nous assurer que les institutions respectent leurs engagements dans le domaine «prudentiel». Par contre, le respect de leurs engagements dans d'autres domaines, tel celui des emplois, ne relève pas de notre mandat. Il sera peut-être nécessaire qu'on accroisse les pouvoirs qui sont conférés au gouvernement pour s'assurer que les institutions respectent leurs engagements à ce niveau.
M. Odina Desrochers: Monsieur Palmer, vous soutenez donc que si on élargissait votre mandat, vous seriez en mesure de surveiller tous les aspects relatifs à une fusion éventuelle.
M. John Palmer: Monsieur Desrochers, tout dépend des aspects auxquels vous faites allusion. Nous disposons des ressources et de l'expertise nécessaires pour surveiller quelques aspects importants de ces projets de fusion, mais pas tous. Notre travail de supervision ne consiste pas à examiner et à réviser chaque transaction, ni tous les détails des activités des banques ou des autres institutions financières.
M. Odina Desrochers: Monsieur Palmer, je ne vous demande pas d'assumer un travail semblable à celui du vérificateur général. Je comprends votre point de vue. Mais si votre bureau ne peut pas surveiller l'ensemble des grands engagements que prendront ces banques, par exemple au niveau de la protection du consommateur et des emplois, qui pourrait entreprendre un tel travail? Les gens ont besoin d'être sécurisés et de savoir qu'un comité de surveillance ou un bureau comme le vôtre est là pour s'acquitter de ce travail.
M. John Palmer: À mon avis, monsieur le président, il faut déterminer qui est responsable de la protection des consommateurs. M. MacKay a fait quelques recommandations en vue d'accroître cette protection. Il recommande que notre bureau, le BSIF, accepte d'assumer quelques-unes de ces responsabilités. C'est un point de vue que je comprends, bien que j'éprouve quelques réticences. Il serait possible de créer un autre organisme gouvernemental pour assumer de telles responsabilités.
M. Odina Desrochers: Est-ce que ce mandat vous intéresse?
M. John Palmer: Personnellement, je crains un tel mandat, parce que j'ai déjà un grand défi à relever. Il est très difficile de superviser les institutions financières et l'application des réglementations existantes. Ce mandat supplémentaire représente une responsabilité énorme. Je veux faire un bon travail et bien m'acquitter de toutes les responsabilités qui m'ont été confiées.
M. Odina Desrochers: Je vous remercie beaucoup. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur Palmer.
Monsieur Palmer, pouvez-vous expliquer à notre comité le rôle du comité d'examen des dossiers qui est chargé de revoir, ou qui prétend revoir, les demandes d'estimations actuarielles présentées dans le cadre de l'information sur le Régime de pensions du Canada?
M. John Palmer: Monsieur le président, j'aimerais savoir si vous pensez que cette question est conforme au Règlement. C'est une question qui porte sur le Régime de pensions du Canada. Je suis tout disposé à y répondre si vous la jugez conforme au Règlement.
Le président: Elle ne se rapporte pas au sujet qui nous occupe. Nous traitons du rapport MacKay.
M. Scott Brison: Le sujet est pertinent. Il a à mon avis des répercussions sur les questions de crédibilité et sur tout ce qui a trait à la réglementation. C'est d'ailleurs un domaine que nous avons abordé.
Le président: Oui, mais dois-je en déduire que vous n'avez plus de questions à poser sur le rapport MacKay, monsieur Brison?
M. Scott Brison: Il reste toujours de bonnes questions à poser. On manque de réponses sur bien des sujets, mais ce ne sont pas les questions qui manquent. Il y aura toujours de bonnes questions à poser.
M. Paul Szabo: Le comité attend pour l'instant. Nous y viendrons dans quelques minutes.
Le président: Je pense que nous devrions peut-être nous en tenir à la question qui nous occupe et respecter notre ordre du jour, qui porte essentiellement sur l'étude du rapport MacKay.
M. Scott Brison: Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur le président, mais je respecterai néanmoins vos prérogatives et je changerai de sujet. Merci, monsieur le président.
Monsieur Palmer, êtes-vous au courant de la proposition appelée Postmodern Bank Safety Net, qui a été publiée par l'American Enterprise Institute, et qui vise à faire en sorte que les établissements financiers ou les banques pratiquent davantage l'autoréglementation? Le principe est de recourir aux créances de second rang, qui permettront en fait de contrôler les différents établissements financiers. Que pensez-vous de cette idée?
M. John Palmer: Je pense que c'est une idée intéressante et prometteuse qui mérite d'être étudiée davantage. Pour que les membres du comité comprennent bien de quoi il s'agit, c'est une recommandation qui vise à faire jouer davantage la discipline du marché sur les établissements financiers en partant du principe qu'à terme les établissements financiers modernes sont si complexes que les responsables de la réglementation ne pourront jamais se mettre à jour, ne réussiront jamais à assurer la surveillance et la protection dont ont véritablement besoin les épargnants et que par conséquent l'objectif est d'augmenter le nombre d'établissements qui sont en fait assujettis à cette discipline du marché.
À l'heure actuelle, les entreprises cotées en bourse sont pour cette raison soumises à une certaine discipline du marché. Cette proposition vise donc à faire en sorte que les petits établissements soient eux aussi tenus d'être cotés en bourse pour que les marchés et les analystes puissent en suivre l'évolution.
Même si je ne suis pas prêt à accepter telle quelle cette recommandation sans l'avoir étudiée davantage et sans savoir ce qu'elle donne dans des cas précis, je pense qu'il s'agit là de manière générale d'un principe important. Il convient de signaler, par exemple, que la Nouvelle-Zélande s'en est remis presque exclusivement à un modèle fondé sur la discipline du marché, abandonnant nombre des fonctions réglementaires traditionnelles. Je signale entre parenthèses qu'elle n'a pas de secteur national des banques, mais ce type de démarche est intéressant.
M. Scott Brison: La Chicago Federal Reserve a procédé elle aussi à une étude sur le sujet au cours des années 80, élaborant un plan de travail.
M. Nicholas Le Pan (surintendant adjoint (surveillance), Bureau du surintendant des institutions financières Canada): On a beaucoup étudié la question.
L'un des problèmes qui me paraît très important c'est qu'à l'heure actuelle au Canada, par exemple, il n'y a pas un marché obligataire très dynamique dans ce secteur pour les petits établissements. Les coûts d'une telle mesure ne sont pas sans importance. Je pense donc qu'il y a un problème, et la chose a été envisagée très sérieusement au Canada dans le cadre de la révision du système qui a été faite il y a environ cinq ou sept ans.
On a estimé entre autres que si l'on imposait absolument ce genre de mesure aux petits établissements, on risquait de leur causer un grave préjudice étant donné que les avantages procurés par la discipline du marché et la divulgation sur le marché seraient contrebalancés en partie par les coûts et autres inconvénients, et qu'en fait le nombre de petits et moyens établissements en mesure de prendre part au système risquerait de diminuer. Je pense donc qu'il faut là encore maintenir un équilibre et savoir comment concilier la nécessité de disposer de ce genre d'établissements au sein de notre système avec l'existence d'un régime réglementaire transparent.
Il y a aussi d'autres moyens d'améliorer la divulgation pour permettre au marché de mieux juger de la santé de ces établissements. Il faudrait peut-être les intégrer à l'ensemble des mesures.
M. Scott Brison: L'un des arguments que nous ont fait valoir les opposants, et il nous a été présenté un peu plus tôt aujourd'hui par M. Godsoe, de la Banque de la Nouvelle-Écosse, lorsqu'il nous a parlé du volet correspondant aux fusions, c'est qu'après avoir fusionné, les banques seraient trop grosses pour qu'on puisse les laisser faire faillite.
Cet argument «trop grosses pour qu'on puisse les laisser faire faillite» a quelques partisans. Toutefois, bien des Canadiens, en voyant nos banques actuelles, se disent qu'elles sont d'ores et déjà trop grosses pour qu'on puisse les laisser faire faillite et que le corollaire logique de l'argumentation de M. Godsoe c'est qu'effectivement il nous faudrait obliger les banques à réduire leur taille si nous sommes véritablement préoccupés par le fait qu'elles vont devenir trop grosses pour qu'on puisse les laisser faire faillite.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez ainsi que ce que vous pensez de la mondialisation et de ses effets, notamment sur des instruments financiers complexes tels que produits dérivés. Comment contrôler la participation des établissements financiers à ces types d'instruments financiers complexes, notamment lorsqu'on considère des établissements comme la CIBC, qui y participe activement? Comment réussirons-nous à le faire sans une participation au niveau mondial? J'aimerais que vous me répondiez à ces deux questions.
M. Nicholas Le Pan: La première question porte sur les établissements «trop gros pour qu'on puisse les laisser faire faillite». Je dois dire tout d'abord que je n'ai eu vent d'aucune politique portant précisément sur le fait qu'un établissement puisse être trop gros pour qu'on puisse le laisser faire faillite. Si nous devions avoir une garantie explicite du gouvernement pour les établissements qui dépassent une certaine taille, je crois que les répercussions sur notre système seraient assez différentes de ce qu'elles sont à présent. Nous partons donc du principe que nous devons être prêts, avec les autres participants au système, la Banque du Canada, la SADC et d'autres intervenants, à résoudre sans l'aide du gouvernement tout problème susceptible de se poser.
Cela ne veut pas dire qu'il sera facile de résoudre un problème se posant dans un gros établissement. Ce ne sera pas une sinécure, c'est indéniable. Ce qui a pu se passer ailleurs nous l'enseigne. Toutefois, nous partons de ce principe. Je pense que les gens auraient tort de considérer qu'il y a pour l'instant une garantie explicite de la part des gouvernements.
Vous enchaînez ensuite avec le problème des fusions et de ce qu'elles entraîneraient. Je considère que c'est une question importante. Je dirais une ou deux choses à ce sujet. Tout d'abord, l'expérience enregistrée dans d'autres pays et dans le nôtre nous enseigne qu'il n'est pas facile de donner des réponses simples et de savoir à quel point un établissement est «trop gros pour qu'on puisse le laisser faire faillite», à partir de quel moment les établissements présentent des risques s'ils sont trop gros, etc. Je considère qu'il est peu probable qu'en étudiant cette question on arrive à donner des réponses simples et claires concernant l'utilité des fusions.
Même si la question de savoir si un établissement est «trop gros pour qu'on puisse le laisser faire faillite» se posait, il se peut aussi qu'il y ait des éléments modérateurs. Une partie des études et des débats menés dans d'autres pays sur les questions de taille et sur ce que cela entraîne pour la stabilité des systèmes portent avant tout sur l'éventuelle présence d'effets modérateurs au cas où la question se poserait. Il est bien possible qu'il y en ait et, là encore, tout est question d'équilibre.
Je relève en passant que dans le rapport MacKay lui-même, lorsqu'on a défini le cadre d'examen des fusions, on ne s'est pas prononcé sur la question d'un établissement qui serait «trop gros pour qu'on puisse le laisser faire faillite». On y indique que la question devrait être envisagée dans le cadre d'une étude cas par cas. Je pense que c'est logique étant donné qu'il n'est pas possible en réalité de le déterminer précisément.
Pour ce qui est de la mondialisation et des produits dérivés, il est indéniable que l'on entre dans une ère difficile et qu'il y a d'énormes complexités. D'autres témoins sont venus évoquer ces complexités accrues devant votre comité.
Vous me demandez enfin comment nous pourrons parvenir à des résultats sans instaurer sous une forme ou sous une autre un contrôle mondial. En réalité, dans notre système bancaire, par exemple, lorsque nous examinons l'exploitation d'une banque canadienne, selon la procédure que nous employons et les engagements que nous avons pris envers d'autres responsables de la réglementation dans les pays industrialisés, nous avons une vue globale et nous examinons ces organisations en les intégrant à l'échelle du monde. C'est pourquoi, par exemple, s'il y a des sociétés de portefeuille, nous voulons que ce soient des sociétés réglementées car nous souhaitons conserver ce point de vue consolidé au niveau mondial.
Bien évidemment, nous nous fonderons en partie sur ce qui se passe dans d'autres ressorts réglementaires. Nous nous référerons en grande partie au travail des commissions et aux systèmes de contrôle internes et externes de la gestion. Tout cela pour dire qu'il peut très bien en résulter à l'occasion des pertes. Il ne s'agit pas là d'un secteur d'activité exempt de pertes.
Notre travail consiste en partie à faire de notre mieux pour réduire le risque de pertes et, lorsqu'elles se produisent, pour réduire au minimum le risque qu'elles soient suffisamment importantes pour entraîner la faillite de l'établissement—sans être certains de pouvoir y parvenir dans tous les cas. Je tiens à signaler que dans la conjoncture canadienne récente, étant donné la volatilité des marchés financiers, je ne m'attends pas à ce que les établissements canadiens évitent toutes les pertes. Certains d'entre eux ont indiqué qu'ils allaient enregistrer des pertes.
D'un autre côté, aucun gros établissement canadien n'a annoncé le genre de pertes qu'ont dû assumer ailleurs d'autres établissements. Les établissements canadiens sont de manière générale assez bien gérés et leurs capitaux dépassent largement le minimum exigé par la réglementation, de sorte que je ne m'attends pas à des pertes majeures. Nous n'avons pas affaire au même genre de situation qui a pu se produire à quelques reprises ailleurs dans le monde.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Merci, monsieur le président.
J'aimerais avoir votre réaction sur un point. Je vais vous renvoyer au témoignage qu'a fait antérieurement M. Mackenzie devant votre comité. Ce dernier a indiqué que le rapport faisait état de nombreux établissements opérant sur le marché en excluant précisément les courtiers en valeurs mobilières et les sociétés financières. Il a poursuivi en déclarant qu'effectivement il avait eu l'occasion ces dernières semaines, il y a environ un mois, d'évoquer le fait qu'aux États-Unis les banquiers et les responsables de la réglementation des valeurs mobilières avaient pu coordonner leurs efforts et prendre une décision, assez controversée dans certains domaines, touchant à la fois les banques commerciales et les sociétés financières en ce qui a trait à la quasi-faillite de Long-Term Capital Corporation. Il a précisé qu'à son avis il était peu probable qu'une telle coordination puisse en fait se produire au Canada et il a ajouté qu'il est vraisemblable que le BSIF ne comprend pas vraiment à quel point le secteur des banques est exposé à la volatilité du marché des valeurs mobilières. Enfin, il a reconnu qu'il y avait bien des protocoles d'accords avec les provinces mais qu'en réalité ce n'était pas suffisant à son avis. Qu'en pensez-vous?
M. Nicholas Le Pan: Laissez-moi commencer par la fin et remonter jusqu'au début.
Je ne pense pas qu'en fait nous soyons entièrement soumis au régime des protocoles d'accord parce que le monde a évolué depuis leur signature. Le modèle qui sert à évaluer l'importance du risque correspondant aux portefeuilles négociés en bourse est celui-là même qu'utilisent les établissements pour ce qui est du degré d'exposition des banques ou des courtiers en valeurs mobilières. Nous devons appliquer ce modèle à l'évaluation des besoins en capitaux. C'est ce que nous faisons. Nous le faisons pour l'ensemble des activités de l'entreprise, tant du côté du courtier en valeurs mobilières que de la banque.
On peut dire aussi que du point de vue du contrôle des systèmes, la question ne se pose pas en ce qui nous concerne de savoir si telle ou telle opération est faite sur le parquet pour le compte de la banque ou du courtier en valeurs mobilières. Il est évident que nous collaborons avec les responsables de la réglementation des valeurs mobilières; nous nous communiquons l'information. Il est indéniable que l'on pourrait en faire davantage, comme l'a indiqué M. Mackenzie en disant que nous avons un défi à relever et que nous devons continuer à faire de notre mieux pour nous tenir à jour. Mais je ne pense pas que ce soit... En fait, nous avons cherché à nous adapter aux situations à mesure que le faisaient les entreprises, et la séparation entre les activités de la banque et celles du courtier en valeurs mobilières n'est plus aussi stricte qu'elle l'était auparavant.
Pour ce qui est maintenant du rôle joué par la Réserve fédérale, je considère à la base que si nous avions décidé avec d'autres responsables de la réglementation fédérale—la Banque du Canada ou tout autre intervenant—d'organiser au Canada la même rencontre que celle qu'a convoquée la Réserve fédérale, les établissements viendraient y assister. C'est finalement mon point de vue.
M. Tony Valeri: Vous pensez donc que vous seriez en mesure d'organiser ce type de coordination.
M. Nicholas Le Pan: Excusez-moi?
M. Tony Valeri: Vous pourriez coordonner ce même type de mesure.
M. Nicholas Le Pan: Disons que s'il y avait un risque pour le système, les grandes banques et les principaux courtiers en valeurs mobilières s'efforceraient de régler la question, parce qu'ils y ont intérêt tout comme les autres intervenants au sein du système, comme la Banque du Canada, qui ont une responsabilité de prêteur en dernier recours.
M. Tony Valeri: Très bien.
Ma deuxième question renvoie au témoignage qu'a fait M. Rousseau, je crois, pour le compte de la Banque Laurentienne. Cela a trait à ce qui est qualifié à la page 15 de votre mémoire de traitement inconsistant de l'écart d'acquisition. Selon la façon dont il a expliqué la chose, celui qui achète un autre établissement financier au Canada, le fait à la valeur au marché. Il se peut qu'il y ait une plus-value, qui correspond à la valeur de la clientèle. L'Institut des comptables agréés le comptabilise ainsi. C'est un élément de l'actif qui doit être amorti. Toutefois, d'un point de vue de la réglementation, il ne peut pas servir à lever des capitaux. On peut considérer qu'il s'agit là d'une anomalie. Il n'en va pas de même aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
Vous vous êtes félicité de pouvoir nous informer que des mesures avaient été prises dans ce sens, et j'aimerais que vous nous en parliez.
M. John Palmer: Monsieur Valeri, la question soulevée par M. Rousseau pose un vrai problème. Nous nous en sommes inquiétés. Nous avons annoncé à la fin du printemps que nous allions l'examiner et que si l'Institut canadien des comptables agréés était dans l'incapacité de modifier ses critères pour remédier au problème, nous étions disposés de recourir au pouvoir de prescrire des règles comptables pour les établissements financiers que nous reconnaît la législation sur les institutions financières. Je vais demander à Nick Le Pan, qui a été à la tête de ce projet, de vous dire où on en est.
M. Nicholas Le Pan: Nous nous ferons un plaisir tout à l'heure de distribuer à votre comité les communiqués de presse en provenance de l'ICCA et de notre organisation si vous ne les avez pas encore, parce que le résumé de la situation fait une bonne page.
De manière générale, le rapport MacKay a recommandé que l'ICCA envisage de toute urgence d'équilibrer les règles du jeu entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est de ces règles comptables et que, si cela n'était pas possible, nous fassions usage de nos pouvoirs spéciaux pour que les règles du jeu soient provisoirement les mêmes pour tous en attendant que les organismes chargés de la réglementation comptable puissent s'entendre.
• 1925
L'ICCA a annoncé il y a environ deux semaines qu'il procède à
un examen accéléré pour essayer de régler la question à l'automne
1999. Nous avons annoncé que nous nous en félicitions. Nous
estimons que c'est en fait la meilleure solution parce qu'elle
s'appliquera à tous les établissements et non seulement à ceux que
nous réglementons. Nous avons aussi annoncé que nous étions prêts,
au cas où il apparaîtrait clairement que l'institut ne parvient pas
à atteindre cet objectif, à faire usage de tous les pouvoirs dont
nous disposons pour parvenir à cette solution.
Malheureusement, nous ne pouvons parvenir qu'à une solution partielle étant donné que nos pouvoirs ne s'appliquent pas à certains organismes. Nos pouvoirs n'englobent que les établissements réglementés. Il y a des intervenants non réglementés qui aimeraient procéder à des acquisitions et pour lesquels nous ne pouvons rien faire.
Voilà donc où nous en sommes. J'ai bon espoir que les responsables de la réglementation de la comptabilité réussiront à faire rapidement ce qu'ils disent vouloir faire. Nous suivrons la situation de près.
M. Tony Valeri: Ce que nous dit en substance M. Rousseau, c'est qu'à l'heure actuelle les fusions se font essentiellement entre égaux en raison des disparités de traitement de la clientèle, alors que vous nous dites aujourd'hui que la procédure accélérée que vous avez mise en place pourra donner lieu à des projets de fusions entre des établissements de tailles différentes, qui pourront être traités comme aux États-Unis...
M. Nicholas Le Pan: Oui.
M. Tony Valeri: ...dans la mesure où ils sont réglementés.
M. Nicholas Le Pan: Soyez prudent.
M. John Palmer: Le traitement susceptible de résulter de la procédure mise en place par l'ICCA ne sera peut-être pas identique à celui qui est conféré actuellement aux États-Unis. Toutefois, il réduira l'écart entre les établissements canadiens et les établissements américains. De plus, il y a une procédure parallèle qui est actuellement en cours aux États-Unis sous l'égide du Federal Accounting Standards Board et qui vise à réviser la norme américaine, celle qui autorise le regroupement des intérêts et la non-reconnaissance du facteur lié à la clientèle dans une gamme très élargie de transactions.
Je considère que l'on peut penser raisonnablement que la norme canadienne, ou la modification qu'envisage d'apporter l'ICCA à la norme canadienne, sera suivie dans deux ou trois ans par une modification apportée à la norme américaine dans le cadre de la procédure instituée par le FASB.
M. Nicholas Le Pan: J'ajouterai, si vous me le permettez, que les règles actuelles favorisent par exemple les fusions entre partenaires relativement égaux par rapport à ceux qui sont de tailles différentes. Elles tendent aussi à favoriser les transactions en actions par rapport à l'achat des éléments d'actif. Les règles actuelles sont donc largement biaisées et il est clair qu'elles ne sont pas neutres selon le type de transaction ou selon que l'on est au Canada ou aux États-Unis, par exemple.
M. Tony Valeri: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Szabo, vous avez une dernière question à poser?
M. Paul Szabo: Une dernière question? C'est dommage. Il nous faudrait plus de temps.
Monsieur Palmer, nous avons entendu votre prédécesseur à Toronto. À part certaines réserves au sujet du problème informatique de l'an 2000 et éventuellement du système de paiements, il a été très élogieux sur le système ou le projet envisagé par le rapport MacKay et s'est montré très optimiste concernant ses avantages. Toutefois, ce n'est pas lui qui est chargé de la chose, et il n'a pas à en rendre compte. Il n'a aucune responsabilité.
Je peux comprendre que vous alliez lentement et que vous soyez quelque peu mal à l'aise à l'idée d'avoir à franchir une barrière de quatre pieds sur des jambes qui ne font que trois pieds.
J'ai été particulièrement frappé par le fait que l'on pouvait se demander si le BSIF allait pouvoir faire son travail compte tenu de sa structure et de son mandat actuels. Voilà encore un spectre que l'on agite devant le comité. Je pense que c'est extrêmement important parce que la situation a changé et qu'il s'agit donc de gérer le changement et les risques, ce qui me préoccupe. Le raisonnement veut que l'intensification de la concurrence augmente les risques, ce qui entraîne un risque accru de faillites et bien évidemment des coûts plus élevés.
Ce matin, le représentant de la Banque de Nouvelle-Écosse, M. Godsoe, nous a déclaré que si l'on alourdissait le fardeau de la réglementation dans ce secteur, on relèverait fortement les barrières qui s'opposent à l'entrée dans le secteur des services financiers. C'est là que le problème se pose, parce que si l'on ne peut pas intensifier la concurrence, on ne peut pas répondre à l'hypothèse posée par le rapport MacKay. Vous ne pourrez pas faire votre travail si l'on n'alourdit pas la réglementation. C'est devenu un cercle vicieux et je ne sais pas comme nous pouvons en sortir.
Il me semble qu'il vous faut rompre ce cercle. Je comprends bien qu'il faut un équilibre, mais sans la concurrence, le reste est purement théorique.
M. John Palmer: Je pense qu'il s'agit là d'une question importante qui va en fait au coeur de ce que préconise le rapport MacKay.
Tout d'abord, il faut bien comprendre que nous ne disons pas qu'il ne faut pas faire telle ou telle chose. Si nous avons bien compris, la thèse de M. MacKay part en fait du principe que le Canada dispose à l'heure actuelle d'un système sûr et bien protégé. La plupart des enquêtes internationales nous montrent que la santé et la sécurité de notre système ainsi que notre capacité à protéger l'épargne de nos déposants et de nos souscripteurs de polices d'assurance nous placent parmi les meilleurs pays au monde.
On nous dit, si j'ai bien lu le rapport, qu'étant donné que notre système est perçu comme étant moins accessible que d'autres et moins ouvert aux nouveaux arrivants, il est peut-être raisonnable que nous modifions cet équilibre et que nous perdions quelque peu sur le plan de la sécurité et la garantie du système ainsi que de notre capacité à protéger l'épargne des Canadiens afin de faciliter l'accès aux nouveaux arrivants et d'augmenter le nombre d'intervenants au sein du système. C'est un but tout à fait légitime.
Notre réaction sur ce point, c'est que si nous procédons ainsi, il nous faut bien comprendre ce que nous faisons et le dire clairement à la population canadienne sans placer le BSIF dans une situation intenable qui le mènerait à jurer à notre population que le niveau de protection n'a jamais été aussi bon quel que soit l'établissement auquel on s'adresse, alors que d'un autre côté on lui complique de plus en plus son travail de réglementation et de supervision.
Il serait légitime que le gouvernement accepte purement et simplement l'orientation générale de MacKay sans aller plus loin. Toutefois, je pense qu'il est juste aussi... une autre façon de réagir consisterait à accepter bien volontiers de mettre en oeuvre ce qui est recommandé, tout en avertissant que l'on va réexaminer les pouvoirs de réglementation et de surveillance pour voir s'il ne convient pas de conférer des pouvoirs supplémentaires au BSIF pour lui permettre de s'occuper des nouveaux arrivants, de prendre en compte les risques accrus au sein du système.
Les pouvoirs de réglementation des sociétés de portefeuille, par exemple, dont on parle dans ce rapport—est-ce que cela va entraîner une telle augmentation du coût de la réglementation que l'on va décourager les nouveaux arrivants? Pas nécessairement à mon avis. Tout d'abord, je pense que comparativement à celui de bien d'autres pays, notre système de réglementation n'est pas particulièrement coûteux à l'heure actuelle. Je doute que la réglementation puisse à elle seule dissuader vraiment quelqu'un de venir au Canada. Le véritable élément dissuasif qui a empêché les établissements de venir, c'est paradoxalement le fait qu'ils ne pouvaient pas gagner d'argent étant donné la concurrence acharnée qui se faisait sur certains marchés très dynamiques, les marchés au détail, les marchés de prêt à la consommation au Canada. Cela ne veut pas dire qu'il y avait des quantités d'opérateurs mais simplement que la concurrence était féroce entre les opérateurs existants. Je ne pense donc pas que ce soit actuellement à cause de la réglementation que l'on ne voit pas arriver de nouveaux concurrents.
De plus, même si vos pouvoirs étaient élargis dans certains domaines afin que vous puissiez accélérer par exemple la sortie des nouveaux arrivants qui n'ont pas réussi au sein du système, je ne pense pas qu'il faille pour cela augmenter le fardeau global imposé par la réglementation et la surveillance.
Nous savons que l'on peut faire dès maintenant certaines choses pour rationaliser le système. Nick et son groupe de surveillance sont en train de mettre au point un nouveau modèle de supervision davantage axé sur le risque, ce qui signifie que les établissements en bonne santé financière vont nous voir moins souvent. Nous allons exécuter moins d'opérations de routine. Nous savons que l'on peut faire certaines choses pour rationaliser les comptes rendus. Nous savons que l'on peut faire certaines choses, et l'on en parle dans le rapport du groupe de travail, pour rationaliser la procédure d'autorisation, qui est actuellement très lourde.
Même si l'on souhaite réagir à certaines préoccupations que nous soulevons en conférant des pouvoirs propres à remédier aux risques accrus, je ne pense pas qu'il nous faille arriver à un système qui globalement réclame une plus grosse intervention au niveau de la réglementation et de la surveillance qu'à l'heure actuelle.
Le président: Monsieur Le Pan.
M. Nicholas Le Pan: Simplement pour revenir au dilemme qui semble le vôtre et dont il nous faut sortir, la solution consiste en partie à accepter tout simplement, ce que nous faisons d'ores et déjà, le fait que lorsqu'un établissement fait faillite, cela ne veut pas dire nécessairement que le système de réglementation a failli. Comme vous le savez, nous protégeons effectivement les petites et moyennes entreprises pour qu'elles ne soient pas indûment lésées.
• 1935
Si nous nous déplaçons quelque peu sur la courbe de la
réglementation du risque pour intensifier la concurrence, il est
possible que nous courions un peu plus de risques. Toutefois, il
n'est peut-être pas mauvais d'affaiblir quelque peu l'assise de
notre système sans entamer la confiance du public, qui est à
l'heure actuelle très élevée. Il est peut-être bon que nous nous
laissions glisser sur cette pente pendant un certain temps sans
aller jusqu'à faire la même expérience que les caisses d'épargne et
de prêts. Il n'en reste pas moins que la sécurité et la solidité de
notre système sont bonnes et que tant que nous sommes en mesure de
protéger convenablement les petits et les moyens opérateurs, nous
pourrions peut-être accepter un peu plus de risques et les
conséquences que cela implique pour le système de façon à
intensifier la concurrence. Ce n'est pas la fin du monde.
M. Paul Szabo: Ça fait peur.
M. Nicholas Le Pan: Pourquoi?
M. Paul Szabo: Ça fait peur, parce que la perception du public est extrêmement importante pour nous tous. Si la population canadienne a le sentiment que certaines banques sont trop grosses pour qu'on puisse les laisser faire faillite, les banques s'en rendront compte. Elles vont elles aussi multiplier les risques. Dans tout le système, cela aura donc tendance à faire boule de neige.
Lorsqu'on nous dit que quelques faillites de plus n'auraient pas vraiment de répercussions sur la population canadienne... Je pense que les Canadiens sont très sensibles à l'heure actuelle à ce qui se passe dans le secteur des banques, surtout compte tenu du fait qu'il y en a une quantité qui n'habitent pas dans les centres urbains. Ils s'attendent à ce que ces petits établissements soient sûrs.
M. Nicholas Le Pan: La question de savoir quels sont les risques systémiques et ceux qui n'en sont pas pose un véritable problème.
John, est-ce que vous voulez...
M. John Palmer: Oui. Je pense que c'est une question fondamentale et qu'il est bon d'y consacrer quelques instants.
Nous avons bien à l'heure actuelle un système—et c'est clairement précisé dans notre mandat—au sein duquel les établissements peuvent faire faillite. Nous ne cherchons pas à administrer un système à toute épreuve. Pour protéger la population canadienne, nous avons l'assurance-dépôts et il y a des fonds d'indemnisation dans le secteur de l'assurance pour faire face à ces problèmes. Par conséquent, le système dans son ensemble offre un minimum de garantie aux Canadiens et protège leur épargne lorsque de telles faillites surviennent, et il y en a eu. Certaines inquiétudes sont apparues lorsque ces faillites se sont produites, mais le système a fonctionné.
Il est absolument indispensable, lorsqu'on examine les recommandations du groupe de travail, de bien comprendre que celui-ci nous dit que nous devons être prêts à accepter davantage de risques et, par voie de conséquence, davantage de faillites—pas nécessairement des quantités, mais davantage. Si j'ai bien compris, les règles sur la propriété sont conçues de manière à tenir compte du fait, ou du moins de la possibilité, qu'il y aura davantage de faillites, qui frapperont toutefois les établissements de petite taille.
Le groupe de travail propose une forme de propriété plus élargie pour les gros établissements dont la faillite aura des répercussions sur l'ensemble du système. Si la propriété est largement diffusée dans le public, cela ne veut pas dire simplement que l'on renforce la propriété canadienne, c'est une mesure de sécurité et de protection parce que, tout bien considéré, les établissements dont la propriété est largement diffusée dans le public ont tendance à être plus sûrs que les établissements à propriété restreinte.
Toutefois, pour les petits établissements, on nous dit dans le rapport que nous pouvons nous permettre de prendre davantage de risques pour accueillir davantage d'opérateurs au sein du système et intensifier la concurrence actuelle parce qu'il est clair que la population canadienne nous a fait savoir qu'elle voulait davantage de participants.
Vous ne pourrez peut-être pas ici avoir le meilleur des deux mondes. Il vous faut décider d'une politique et ce n'est certes pas facile.
Une voix: Et nous pouvons choisir l'un ou l'autre.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Nous avons un témoin qui est venu nous parler l'autre jour à Vancouver des produits dérivés. Je n'ai pas la moindre idée de ce que c'est, mais il ressort de sa démonstration qu'il s'agit d'un outil financier, si je peux l'appeler ainsi, qui présente de gros risques et en vertu duquel on parie un grand nombre de dollars—et je sais bien que le verbe que j'emploie n'est pas le bon. Personne ne comprend vraiment la chose à l'exception de quelques mathématiciens qui sont employés par les banques, et le témoin nous a renvoyés à un ouvrage qui a été publié en la matière et dans lequel on peut lire qu'il s'agit là d'une opération très risquée effectuée par les banques.
Est-ce que les produits dérivés sont si risqués? Dans l'affirmative, que faites-vous pour surveiller la chose? Quelle sorte de conditions imposez-vous aux banques, au niveau des provisions à faire ou d'autres garanties visant à protéger les gens?
M. John Palmer: Tout d'abord, les produits dérivés peuvent être très risqués ou ne pas l'être du tout. Il y a des produits dérivés partout. Certains CPG bonifiés que vous achetez aujourd'hui dans les banques, qui offrent un rendement indexé sur le marché, sont en fait des produits dérivés. Nombre des produits dont les fonds sont administrés séparément et que vous achetez aux sociétés d'assurances comportent un élément les rattachant aux produits dérivés. Nombre de fonds communs de placement que vous achetez et qui vous permettent de vous aligner sur l'évolution des cours à l'étranger tout en respectant les obligations de contenu canadien qu'impose votre REER font appel aux produits dérivés pour y parvenir.
• 1940
Pour la plupart, ces produits dérivés présentent des risques
faibles et sont bien compris. Toutefois, il y a aussi des produits
dérivés très complexes qui imposent une multitude de conditions et
qu'en fait seuls des mathématiciens peuvent comprendre. La faillite
de Long-Term Capital Management nous a appris que même les
mathématiciens ne comprennent pas toujours toutes les répercussions
de ce genre de produits dérivés.
Nous n'allons pas interdire les produits dérivés. Ils font partie intégrante de notre secteur financier. Ils ne vont pas disparaître et nous devons nous en accommoder. Les établissements financiers s'efforcent pour cela de mettre en place des mécanismes de contrôle idoines au sein de leur organisation. Il y a les groupes de vérification internes. Il y a des modèles qui calculent le degré d'exposition à un moment donné d'une banque ou d'un établissement financier à ses produits dérivés ou à toute autre position qu'ils ont pris sur le marché. Leurs administrateurs reçoivent régulièrement les rapports que leur font parvenir les groupes de gestion des risques au sein de leurs établissements pour qu'ils puissent savoir comment les risques sont gérés. De nombreux conseils d'administration dispensent des cours à leurs administrateurs pour que ces derniers puissent mieux comprendre la nature des produits dérivés et les risques que prennent leurs établissements.
Le travail est en cours. Il y a des erreurs qui sont faites. Nous avons vu à quel point certains établissements se sont exposés dans le cas de Long-Term Capital Management et, plus récemment, ce qui est arrivé à un établissement en relation avec une autre société négociant des produits dérivés, D.E. Shaw.
Personne ne les comprend parfaitement et certains établissements ont été trop téméraires. Nous pouvons vous dire en toute bonne conscience, sans avoir la prétention de savoir exactement tout ce qui se passe dans ce domaine, que les établissements canadiens ont fait preuve de prudence en la matière. Long-Term Capital Management a été un bon test. Certains établissements canadiens avaient effectivement des intérêts dans Long-Term Capital Management, mais leur implication était limitée. Ils ne faisaient même pas partie des treize établissements qui ont été appelés à négocier le sauvetage, si on peut l'appeler ainsi, de Long-Term Capital Management. Leur implication était très limitée.
C'est donc un travail qui se poursuit à l'heure actuelle pour les établissements et pour nous-mêmes. Nous avons mis en place un groupe sur les marchés des capitaux il y a environ un an et demi, qui se charge de passer en revue les modèles d'évaluation des risques des banques dont se servent ces dernières pour contrôler leur degré d'exposition. Pour ce faire, nous avons recruté un certain nombre de mathématiciens, qui sont venus s'ajouter à un groupe de personnes de notre organisation. Nous essayons donc de suivre cette évolution. Nous en sommes encore à faire un peu de rattrapage. Donc, je vous le répète, des erreurs ont été commises et il y a eu quelques pertes, mais je suis assez confiant pour ce qui est de l'évolution de la situation au Canada.
M. Roger Gallaway: Vous êtes aussi assez confiant pour ce qui est du degré d'exposition.
M. John Palmer: Je suis assez confiant en ce qui a trait au degré d'exposition des entreprises canadiennes pour le moment.
M. Roger Gallaway: Bien.
Le président: Monsieur Palmer, pour ce qui est du projet de M. MacKay, qui entrevoit en quelque sorte un système davantage axé sur l'esprit d'entreprise, je comprends bien que certains collègues s'inquiètent de la sécurité et de la santé du système ainsi que du fait que des faillites risquent de se produire, mais avouons-le bien franchement, combien d'entreprises ont-elles un succès assuré lorsqu'elles se lancent dans le secteur des services financiers ou partout ailleurs dans le monde actuel? Est-ce que vous considérez qu'il s'agit là d'un juste retour des choses?
M. John Palmer: Je pense que c'est un juste retour des choses. Il y a même plus, monsieur le président, car si l'on croit à la discipline du marché, il faut qu'une mauvaise gestion d'une entreprise ait des conséquences. S'il nous fallait administrer un système à toute épreuve, un système dans lequel aucune entreprise ne pourrait faire faillite, nous aurions de tels pouvoirs que nous interviendrions pour empêcher tout comportement à risque.
• 1945
Même si nous avions la compétence pour le faire, je pense que
le prix payé serait énorme. On paierait le prix en termes de manque
d'innovation, de goût du risque, d'efficacité, de qualité au niveau
des services fournis à la population canadienne. On en viendrait à
une mentalité qui ferait que les gens auraient le sentiment de
pouvoir prendre des décisions peu judicieuses tout en sachant que
le système les rattrapera de toute façon s'ils se trompent.
Je pense donc que notre système, qui envisage la possibilité des faillites mais prévoit un certain nombre de garde-fous pour protéger les victimes de ces faillites, est à la base assez bien pensé et bien conçu. J'estime que les recommandations de M. MacKay sont conformes à cette ligne de pensée. Il déplace effectivement le point d'équilibre, et nous avons évoqué les conséquences de ce déplacement et la nécessité d'en comprendre l'importance. Je considère toutefois qu'il nous faut essentiellement appuyer la conception actuelle du système en acceptant le fait que certaines faillites sont inéluctables.
Le président: Est-ce que cela ne reflète pas aussi notre époque? À mesure que nous entrons dans une ère fondée sur la technique et l'innovation, est-ce que la nature même de cette société ne nous oblige pas en substance à faire preuve d'un plus grand esprit d'entreprise?
M. Nicholas Le Pan: Oui, et je crois que c'est ce qui se passe. Je considère que dans une certaine mesure le rapport MacKay nous propose les moyens de le faire plus vite et de façon plus dynamique dans notre pays.
Le corollaire dont nous avons aussi parlé dans notre exposé, c'est qu'il y a d'autres éléments modérateurs. Il faut aussi se demander si nous ne pourrions pas en faire davantage sur d'autres plans, comme celui de la divulgation, afin que les gens aient mieux la possibilité d'évaluer eux-mêmes les situations, tout en continuant de notre côté à nous assurer que nous évitons les problèmes se répercutant dans tout le système comme ceux qui ont créé les énormes difficultés enregistrées dans d'autres pays. Nous avons réussi à les éviter ici et je pense que nous pouvons continuer à le faire tout en déplaçant quand même le point d'équilibre comme le propose le rapport MacKay.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Brison, vous pouvez poser la dernière question.
M. Scott Brison: Paul Krugman, du MIT, a fait récemment une étude récapitulative de la crise du Sud-Est asiatique. Il en a en grande partie rendu responsables les banques insuffisamment réglementées, affirmant que la concurrence s'exerçant entre banques trop protégées et insuffisamment réglementées a amené les prêteurs à ne pas suffisamment tenir compte dans leurs décisions des rendements que l'on pouvait attendre des projets. Dans la pratique, tout ce système caractérisé par des banques insuffisamment réglementées et bénéficiant d'une garantie implicite amène les banques, leurs administrateurs et leur direction à prendre des risques qu'ils ne prendraient pas autrement. Ces risques vont parfois s'aggraver, ainsi dans le cas de l'immobilier dans le Sud-Est asiatique. Il y a un véritable danger, surtout lorsqu'on voit à quel point les mécanismes de rémunération des banques sont calculés en fonction des rendements trimestriels ou annuels de l'établissement, par exemple; on privilégie les rendements à court terme.
La débâcle enregistrée dans le Sud-Est asiatique peut se produire au Canada. Elle peut se produire presque partout où l'on a des garanties implicites. Je sais bien que vous allez nous dire que les garanties ne sont pas vraiment là, qu'elles ne sont pas précisément établies. La plupart des Canadiens estiment cependant avoir la garantie implicite que nos banques seront remises à flot en cas de difficulté, notamment pour ce qui est de ces produits dérivés et d'autres instruments financiers complexes qu'il est presque impossible en fait de réglementer.
M. John Palmer: Monsieur Brison, la question que vous soulevez a une énorme importance pour le Canada et pour le monde entier.
• 1950
J'ai lu l'article qui résume l'opinion de M. Krugman. Je suis
d'accord en général avec ce qu'il nous dit, mais il faut bien
comprendre que la qualité de la réglementation des banques et des
établissements financiers dans le monde est loin d'être toujours la
même. Il y a des pays où elle est très faible. Il y a des pays dans
lesquels les contrôleurs, les responsables de la réglementation,
ont très peu de pouvoirs, très peu de connaissances, n'ont pas
l'appui de leurs gouvernements ou travaillent dans des systèmes
intrinsèquement corrompus. Dans ces circonstances, les difficultés
que vous évoquez peuvent faire énormément plus de dégâts que dans
des systèmes où on ne retrouve pas ce genre de situation.
Il est vrai aussi que si la réglementation n'est pas parfaite dans les pays industriels, il y a un décalage considérable entre la qualité de la réglementation dans les pays qui ont éprouvé des difficultés et celle de pays comme le Canada, les États-Unis ou les pays de l'Europe de l'Ouest, qui n'ont éprouvé aucune difficulté de cette ampleur. Dans nos pays, les responsables de la réglementation ont d'importants pouvoirs, ont effectivement l'appui de leur gouvernement et la corruption reste minime.
Donc, de manière générale, le risque est relativement faible que de telles difficultés se produisent au Canada. Cela ne veut pas dire que nous sommes immunisés contre les risques que court l'Asie. Nous avons vu qu'il y avait un effet de domino entre les différents marchés. Nous devons tous nous en inquiéter et éviter que se reproduisent les problèmes du type de ceux que l'on a vus en Asie. L'une des priorités du gouvernement—nous avons pris une part très active à cette opération—consiste à collaborer avec le FMI, la Banque mondiale et le comité de Bâle sur la surveillance bancaire pour essayer d'améliorer rapidement et considérablement les critères de réglementation et de surveillance appliqués dans un certain nombre de ces pays.
Nick, est-ce que vous voulez intervenir sur la deuxième partie de la question?
M. Nicholas Le Pan: Oui, je voudrais simplement faire deux observations sur l'Asie en revenant sur deux points que vous avez soulevés.
Vous avez remis en question la discipline du marché lorsqu'il s'agit de consolider des dettes. La discipline du marché est d'ores et déjà bien plus grande au Canada qu'elle ne l'était dans un certain nombre de ces pays asiatiques.
En second lieu, le niveau de réglementation dans bien des pays ne dépend pas tant de ce que fait le responsable de la réglementation que du reste de l'infrastructure. L'infrastructure juridique et comptable d'un certain nombre de ces pays est très inférieure à ce que l'on retrouve dans nombre de pays industrialisés, notamment chez nous. Il ne s'agit pas tant de situations causées par les responsables de la réglementation que de situations qui se sont produites en raison de manque de discipline du marché par rapport à ce qui se passe chez nous parce que les règles comptables et le traitement des mauvaises créances, par exemple, sont loin d'être ce qu'ils sont au Canada. Voilà une autre raison pour laquelle je m'estime en droit de tirer la conclusion suivante: on ne peut transposer ce qui s'est passé là-bas à la situation qui règne dans notre pays.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Au nom du comité, je remercie M. Palmer et M. Le Pan. Nous avons prolongé cette séance parce que vous aviez d'intéressants points de vue à nous communiquer. Ils nous sont évidemment d'une grande utilité de même, incidemment, que la séance d'information que vous avez organisée à notre intention avant que nous allions sillonner le pays.
Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes avant de reprendre nos travaux.
Le président: J'ouvre à nouveau la séance et je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association canadienne des paiements. Nous avons devant nous M. Robert Hammond, son directeur général, et M. Doug Kreviazuk, son directeur, politiques et planification.
Soyez les bienvenus. Comme prévu, vous avez une dizaine de minutes pour faire votre exposé et nous passerons ensuite aux questions.
M. Robert M. Hammond (directeur général, Association canadienne des paiements): Merci, monsieur le président. Nous sommes très heureux de pouvoir comparaître devant votre comité.
Nous vous avons remis des copies de notre exposé, mais je ne prendrai que quelques minutes pour vous en indiquer les principaux points.
Il y a trois semaines, le conseil de l'ACP s'est réuni pour étudier le document de travail publié en juillet 1998 par le ministère des Finances au sujet de l'Examen du système de paiements, et les trois recommandations du rapport du groupe de travail MacKay qui concernent le système de paiements—il s'agit des recommandations 13, 14 et 15 du rapport MacKay. Les recommandations traitent des conditions d'admission à l'ACP et de la régie de l'ACP dans la perspective de la surveillance de politique publique. En bref, le conseil réagit très positivement aux recommandations. Le conseil m'a demandé de bien insister sur le fait que les membres de l'ACP se réjouissent de l'examen du système de paiements.
L'ACP, qui doit sa création à une loi de 1980, a pour premier mandat de mettre en oeuvre un système national de compensation et de règlement. La loi, qui n'a pour ainsi dire pas été modifiée depuis 1980, doit être adaptée à la conjoncture d'aujourd'hui. L'ACP a élaboré cinq documents sur les questions qui ont trait à l'examen du système de paiements, et les a soumis au Comité consultatif sur le système de paiements qui relève du ministère des Finances. Nous avons aussi soumis ces documents au groupe de travail et ce soir nous vous avons remis une deuxième version qui résume les points de vue exprimés dans ces documents.
Les dispositions actuelles de la Loi sur l'ACP réservent la qualité de membres de l'ACP à la Banque du Canada, aux autres banques, aux sociétés de fiducie et de prêt, aux centrales de coopératives de crédit et de caisses populaires et aux institutions de dépôt. Nous avons actuellement 128 membres. Plus de 60 p. 100 des membres de l'ACP sont des non-banques. Fait intéressant, environ 30 p. 100 des membres de l'ACP sont constitués au niveau provincial, dont certains très grands organismes comme la Caisse centrale Desjardins, l'Alberta Treasury Branches et les centrales de coopératives de crédit de la plupart des provinces.
Puisque les vues exprimées dans notre exposé traduisent une position de consensus du conseil de l'ACP, je pense qu'il est important de rappeler comment nos administrateurs sont choisis et qui ils sont.
• 2005
La loi exige un conseil de onze personnes. L'administrateur
qui préside le conseil est nommé par la Banque du Canada. Cinq
administrateurs sont choisis par les banques et cinq par les non-banques.
Pour chaque administrateur choisi, les membres concernés
choisissent aussi un administrateur suppléant.
Les administrateurs suppléants sont invités à participer à toutes les réunions et à toutes les discussions du conseil. Vous constaterez que les 22 administrateurs, au total, comprennent les dirigeants de différents genres de petites et grandes institutions de dépôt sous règle provinciale ou fédérale.
Je vais maintenant aborder les trois recommandations du groupe de travail MacKay qui traitent précisément du système de paiements.
Dans la recommandation 13, le groupe de travail recommande l'ouverture de l'ACP à de nouveaux membres. Je tiens à signaler que dès le début du processus d'examen, l'ACP a fait savoir qu'elle n'avait pas d'objection de principe à l'ouverture de l'ACP. Elle a aussi fait valoir que les décideurs devraient alors bien peser les ramifications d'une telle décision sur les attributs du système de compensation et de règlement auxquels les Canadiens attachent tant de prix, à savoir l'efficience et la sécurité.
Tout en affirmant que le raffermissement de la concurrence passe nécessairement par l'ouverture de l'accès au système de paiements, le rapport du groupe de travail reconnaît qu'une plus grande participation exigera un examen minutieux. Le rapport du groupe de travail et le document de travail des finances font ressortir que les critères d'ouverture de l'accès à divers genres d'institutions devraient être articulés sur la réglementation et la surveillance, un appui à la liquidité, le cadre juridique approprié, au sens que les lois régissant les nouveaux participants au système de paiements doivent être compatibles avec les activités de ce système, et enfin la compétence opérationnelle et technique. Ce sont là les critères mentionnés par le groupe de travail, et l'ACP est pleinement d'accord avec ces critères.
Le groupe de travail recommande précisément que l'on modifie la Loi sur l'ACP pour permettre aux institutions financières autres que les institutions de dépôt de devenir membres de l'ACP sur déclaration du ministre des Finances qu'elles répondent aux critères que je viens d'évoquer. La recommandation précise également que le ministère des Finances, de concert avec l'ACP, devrait considérer comme hautement prioritaire la détermination des catégories d'institutions qui devraient pouvoir participer au système. L'ACP fait bon accueil à la recommandation l'engageant à travailler avec le ministère des Finances à cette question et se réjouit à la perspective de la contribution à faire.
J'en viens maintenant aux questions de régie. Les documents rédigés à l'intention du Comité consultatif sur le système de paiements font état de certaines perceptions selon lesquelles certaines décisions de l'ACP favorisent peut-être les intérêts et les priorités de ses membres au détriment des autres. La crainte est que cela puisse déboucher sur des décisions qui ne sont pas dans l'intérêt public.
Le document de travail des finances propose certaines options pour raffermir la régie de l'ACP et le rapport du groupe de travail fait deux recommandations pour raffermir la surveillance.
Pour mettre en perspective les recommandations du groupe de travail et les options du document de travail des finances, je donnerais un bref aperçu des mesures actuelles destinées à assurer la surveillance de l'ACP dans une optique de politique publique.
Tout d'abord, les règlements administratifs de l'ACP portant sur les questions de compensation et de règlement doivent avoir l'approbation du gouverneur en conseil avant d'entrer en vigueur. La loi dispose ensuite que le conseil est habilité à adopter des règles de compensation et de règlement à condition qu'elles soient conformes aux règlements administratifs. Il est intéressant de relever cependant que le président, qui est un dirigeant de la Banque du Canada, a le pouvoir de déterminer si une règle est conforme aux règlements administratifs.
La loi exige par ailleurs que le surintendant des institutions financières procède à un examen de l'ACP au moins une fois l'an et fasse un rapport au ministre afin que l'on puisse savoir si l'ACP se conforme ou non à sa législation, à la Loi sur l'ACP et à la réglementation administrative approuvée par le gouverneur en conseil.
Sans y être tenu par la loi, le conseil de l'ACP a pris deux autres mesures pour renforcer la surveillance publique. En 1996, il a créé le conseil consultatif des intervenants, formé de représentants d'utilisateurs du système de paiements et de fournisseurs de services. Le conseil consultatif a accès direct au conseil d'administration, à qui il dispense des conseils sur les questions de système de paiements. Il le conseille aussi sur les mécanismes de consultation devant être utilisés pour traiter avec les fournisseurs de services et les utilisateurs du système de paiements.
• 2010
En 1991, le conseil d'administration a mis sur pied ce que
l'on a appelé un comité consultatif, formé d'un sous-ensemble de
membres du conseil et d'un représentant du ministre des Finances,
à savoir le sous-ministre adjoint chargé de la direction de la
politique du secteur financier. La création de ce comité avait pour
objectif de tenir le ministre au courant de l'évolution du système
de paiements. Le comité consultatif se réunit au moins deux fois
l'an pour échanger de l'information et des vues sur les questions
de système de paiements ayant des incidences de politique publique.
Au nombre des options proposées par le document de travail des finances pour améliorer la structure de régie de l'ACP, il y a la précision du mandat de l'ACP, y compris l'établissement d'objectifs de politique publique qui doivent être respectés pour faire fonctionner le système de paiements. Il y a aussi une proposition visant à appuyer le conseil consultatif des intervenants en exigeant sa présence dans la loi. Ce n'est pas une obligation à l'heure actuelle; l'ACP l'a fait de son plein gré. Il est aussi proposé un élargissement du conseil de l'ACP pour y faire participer des administrateurs indépendants représentant des non-membres de l'ACP.
L'ACP appuie toutes ces options, qui sont reprises dans la proposition de régie intégrée que je vais décrire dans quelques instants. Au nombre des options proposées par le document de travail du ministère des Finances concernant l'amélioration de la surveillance de politique publique est la création d'un organe quelconque de surveillance, pouvant se trouver à la Banque du Canada, au ministère des Finances ou ailleurs au gouvernement, qui réviserait et approuverait toutes les règles et tous les règlements administratifs de l'ACP avant qu'ils n'entrent en vigueur.
Il est intéressant de constater que le rapport du groupe de travail n'est pas allé aussi loin. Il recommandait plutôt que le pouvoir d'autoriser les règlements administratifs de l'ACP soit conféré au ministre des Finances, plutôt qu'au gouverneur en conseil. Mais il recommandait aussi que le ministre ait le pouvoir de revoir toutes les règles nouvelles ou révisées de l'ACP et de révoquer toutes celles qu'il juge contraires à l'intérêt public.
Compte tenu du nombre considérable de règles de l'ACP, du caractère très technique de la plupart d'entre elles et de la nécessité que l'ACP puisse réagir rapidement aux questions émergentes, l'approche du groupe de travail serait manifestement une formule plus efficiente que l'obligation de faire approuver d'avance toutes les règles par un organisme gouvernemental. Par ailleurs, nous estimons que l'approche du groupe de travail rejetterait carrément sur le conseil la responsabilité de l'approbation des règles conformément au mandat conféré par la loi à l'ACP, y compris les objectifs de politique devant être établis dans la nouvelle législation, et nous considérons que c'est là que la responsabilité doit se situer.
La troisième et dernière recommandation du groupe de travail consiste à demander à ce que le ministre des Finances soit habilité à enjoindre par directive à l'ACP d'apporter des changements aux règlements administratifs, aux règles et aux pratiques que le ministre jugerait conformes à l'intérêt public. L'ACP n'a certainement aucune objection à cette proposition.
Dans le cadre de son analyse du document de travail des finances et du rapport du groupe de travail, le conseil de l'ACP a approuvé une proposition pour développer et améliorer la structure de régie existante de l'ACP et sa surveillance dans une perspective de politique publique. Nous envisageons de remettre la semaine prochaine à votre comité un document donnant une explication détaillée de la proposition—nous en ferons parvenir aussi une copie au ministère des Finances—mais aujourd'hui je me contenterai de vous en exposer rapidement les grandes lignes.
Le premier point qui ressort de ce document, c'est que nous considérons qu'il convient d'articuler plus clairement le mandat de l'ACP dans la Loi sur l'ACP, y compris en ce qui concerne les objectifs de politique publique. Il s'agit là d'un élément important. Nous estimons que c'est nécessaire et nous avons proposé un certain nombre de formulations susceptibles d'être reprises dans l'un des documents que nous avons remis au ministère des Finances et au groupe de travail.
En second lieu, nous estimons qu'il convient d'élargir le conseil de l'ACP à la présence d'administrateurs indépendants nommés selon un processus devant être arrêté par le gouvernement. À l'heure actuelle, les seuls administrateurs qui siègent au sein du conseil de l'ACP sont élus par nos membres.
Troisièmement, nous estimons qu'une majorité d'administrateurs de l'ACP doivent être élus par les membres de l'ACP pour veiller à ce que le conseil conserve une bonne connaissance et une expertise technique du système de paiements.
Quatrièmement, le processus d'élection pour les administrateurs membres doit continuer d'assurer la diversité et l'équité de représentation par genre, taille, région et territoire de réglementation de l'institution, et un même genre d'institution ne doit pas avoir une majorité d'administrateurs membres.
• 2015
Cinquièmement, nous considérons que l'existence et le mandat
du conseil consultatif des intervenants doivent être enchâssés dans
la Loi sur l'ACP, tout comme l'obligation que le président du
conseil consultatif siège au conseil d'administration de l'ACP.
Selon nous, il faut que le président du conseil consultatif des
intervenants soit membre du conseil.
Sixièmement, nous estimons qu'il convient de créer un comité consultatif représentant un sous-ensemble du conseil de l'ACP, y compris les administrateurs membres et indépendants, le président du Conseil consultatif des intervenants et, bien entendu, le représentant du ministre des Finances. Nous considérons que ce comité consultatif ainsi que son mandat doivent être enchâssés dans la loi. L'objectif sera bien entendu d'assurer l'échange approprié d'information et de vues sur les incidences de politique publique des questions de système de paiements entre l'ACP, le ministère des Finances et le représentant du ministre.
Enfin, selon la recommandation du groupe de travail, il faut à notre avis habiliter le ministre des Finances à autoriser les règlements administratifs de l'ACP, réviser et annuler les règles de l'ACP qui sont contraires à l'intérêt public et enjoindre au conseil de l'ACP d'apporter aux règlements administratifs, aux règles ou aux pratiques les modifications qu'il juge conformes à l'intérêt public. Voilà pour les recommandations du groupe de travail MacKay.
À titre de conclusion, l'ACP estime qu'elle a créé un système sûr et efficient de compensation et de règlement, qui constitue le fondement essentiel du système de paiements de classe mondiale qu'a le Canada. Comme le précise le rapport du groupe de travail, la disponibilité des services de paiement au Canada est excellente par rapport à celle des autres pays. Avec l'ouverture de l'ACP à de nouveaux membres, selon les modalités prudentes proposées par le groupe de travail et renforcées par les dispositions de régie prises par notre conseil, nous considérons que l'ACP devrait pouvoir continuer à offrir l'appui indispensable au système de paiements de classe mondiale dont nous disposons au Canada.
Nous considérons par ailleurs que la nouvelle structure de régie et de surveillance conférera à l'ACP la souplesse et les pouvoirs lui permettant de réagir rapidement face aux nouveaux problèmes qui se posent, ce qui paraît particulièrement important dans le monde actuel qui évolue rapidement. En même temps, nous considérons que cela garantira raisonnablement au public que les décisions prises par le conseil de l'ACP respectent les objectifs de politique publique.
Le président: Merci, monsieur M. Hammond, de cet exposé très détaillé.
Monsieur Desrochers.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci beaucoup de votre présentation, messieurs Kreviazuk et Hammond.
Monsieur Hammond, vous dites au départ que vous êtes favorable aux recommandations qui vous concernent, c'est-à-dire 13, 14 et 15, mais lorsqu'arrive la recommandation 14, vous semblez opposer un peu de résistance lorsqu'on parle de donner de nouveaux pouvoirs au ministre des Finances. Comment voyez-vous cela?
[Traduction]
M. Robert Hammond: Non, en réalité nous appuyons résolument la démarche adoptée par le groupe de travail. J'ai mentionné que l'une des options avancées dans le document de travail du ministère des Finances était d'instituer une forme quelconque d'organisme de surveillance du gouvernement afin de superviser les activités de l'ACP.
Selon la proposition faite dans ce document—ce n'était qu'une option et non pas une recommandation—le conseil de l'ACP, qui à l'heure actuelle est habilité à approuver les règles touchant les opérations de compensation et de règlement, serait tenu de se présenter devant cet organisme de surveillance pour faire approuver toutes les règles avant qu'elles entrent en vigueur. Notre conseil approuve des centaines de règles chaque année; la plupart d'entre elles sont très techniques et n'ont pas beaucoup de répercussions sur la politique publique. Nous avons peur que ce soit là une opération fastidieuse.
Nous sommes bien plus favorables à la recommandation du rapport du groupe de travail selon laquelle le ministre devrait avoir le pouvoir de revoir les nouvelles règles et de réviser les règles existantes et, au cas où il les jugerait contraires à l'intérêt public, qu'il soit habilité à les révoquer. Nous aimons bien mieux cette façon de procéder parce que cela revient à notre avis à prévoir certains garde-fous au sein de notre système pour s'assurer que l'on tient compte des objectifs de politique publique lorsqu'on établit les règles. Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce que le ministre dispose d'un tel pouvoir car, à notre avis, ce pouvoir ne sera pas utilisé très souvent.
• 2020
Nous ne voyons pas d'un bon oeil un système qui obligerait
notre conseil, après avoir pris ses décisions, à aller les faire
approuver par un organisme du gouvernement. Nous considérons qu'il
appartient au conseil de prendre la responsabilité d'adopter des
règles conformes à notre mandat législatif et, en fait, aux
objectifs de politique qui nous paraissent avoir été fixés dans la
Loi sur l'ACP, sans avoir à procéder en deux étapes. Par la suite,
si le ministre estime qu'une règle approuvée par le conseil est
contraire à l'intérêt public, il peut toujours la révoquer.
N'oubliez pas que nous proposons par ailleurs que notre conseil
compte un certain nombre d'administrateurs indépendants. Le
président du conseil consultatif des intervenants siégera aussi au
sein du conseil. Nous considérons donc qu'il y a ici suffisamment
de garde-fous.
[Français]
M. Odina Desrochers: Ne craignez-vous pas, monsieur Hammond, que votre organisation perde un peu de son autonomie avec les nouveaux pouvoirs qui seraient donnés au ministre des Finances?
[Traduction]
M. Robert Hammond: Nous pensons que notre organisation est en mesure de faire face aux nouvelles réalités mondiales, conformément à ce qu'a recommandé MacKay. Le rapport MacKay a recommandé que nous collaborions avec le ministère des Finances afin de répertorier les différents types d'établissements financiers pouvant prétendre à être membres de l'ACP. Nous pensons pouvoir apporter une certaine contribution dans ce domaine et nous sommes tout disposés à aider le ministère des Finances avec tous les moyens dont nous disposons. Notre organisation s'est développée ces dernières années et nous estimons être capables de prendre en charge de nouveaux membres et de nous adapter au monde nouveau.
[Français]
M. Odina Desrochers: Justement, considérant les nouveaux adhérents, vous faites des recommandations concernant votre conseil d'administration. Si on se fie à la recommandation 13, des compagnies d'assurances, des compagnies en courtiers en valeurs immobilières et d'autres organismes deviendraient membres de votre organisation. De quelle façon ces gens-là seraient-ils représentés à votre conseil d'administration pour qu'ils puissent se faire entendre par votre organisation?
[Traduction]
M. Robert Hammond: Nous proposons que le conseil se compose à la fois d'administrateurs choisis par nos membres et d'administrateurs indépendants désignés selon la procédure établie par le gouvernement. J'ai mentionné que l'un des grands principes devant présider à l'élection des administrateurs représentant les membres doit être le maintien de la diversité et de l'équité de la représentation selon le type, la taille, la région et l'autorité de réglementation de l'établissement. Si nous accueillons de nouvelles catégories de membres au sein de l'ACP, nous considérons qu'elles doivent être représentées au conseil, tout comme le sont les membres actuels. Ainsi, nous nous en tenons pour l'instant aux banques, aux sociétés de prêt et de fiducie, aux caisses de crédit, aux caisses populaires et aux différents établissements de dépôt.
En consultant la liste de nos administrateurs vous verrez, comme je vous l'ai indiqué précédemment, qu'il y a des administrateurs qui sont des cadres de très grosses banques et d'autres qui sont des cadres de sociétés de fiducie associées à des sociétés d'assurance-vie et à des fonds communs de placement. Nous avons des administrateurs venus de tous les horizons et le conseil a l'intention de faire en sorte que le nouveau système maintienne cette diversité et garantisse aux nouvelles catégories de membres la possibilité de se faire entendre au sein du conseil.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président. Ces réponses m'éclairent énormément.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
Madame Bennett.
[Traduction]
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): J'ai un certain nombre de petites questions que je vais m'efforcer de regrouper.
Je suis une nouvelle venue au sein de ce comité et j'ai pu constater que l'on a dit et écrit beaucoup de choses dans le rapport MacKay au sujet du système de paiements. Il semble que bien des intervenants cherchent à faire partie de votre groupe. Ce que j'aimerais savoir, je pense, c'est d'où vient le risque et comment vous l'abordez. Vous pourriez peut-être m'expliquer le fonctionnement de cet énorme système de transferts de capitaux et dans quelle mesure il a entraîné une diminution des risques et pourquoi, compte tenu de tous ces risques, chacun s'inquiète tellement de l'arrivée de nouveaux membres.
M. Robert Hammond: Vous posez un certain nombre de questions. À mon avis, il y a deux types de risque dont il faut se soucier dans le système des paiements. Premièrement, lorsque les consommateurs effectuent des paiements ils veulent que ces paiements soient acceptés. Autrement dit, ils ne veulent pas que leurs paiements soient refusés parce que l'institution avec laquelle ils font affaire ne peut respecter ses obligations. Cela me paraît être un élément important.
• 2025
Autrement dit, quand vous effectuez des paiements, vous voulez
les tirer sur une institution qui vous paraît en mesure d'honorer
l'engagement de faire des paiements sur votre compte.
À l'époque où l'ACP a été créée, en règle générale, seules les institutions de dépôt acceptaient les épargnes, en quelque sorte, et les consommateurs ne voulaient recourir qu'à ce type d'institutions pour faire des paiements. Depuis, évidemment, il y a eu les fonds communs d'investissement; il y a eu les courtiers qui acceptent maintenant les épargnes qui peuvent aussi servir aux paiements. Mais comme je l'ai dit précédemment, vous voulez faire en sorte que les paiements du client soient effectués.
La deuxième préoccupation vient de ce qu'après avoir effectué des paiements, à la fin du cycle de compensation et de règlement—et évidemment, il faut parler de compensation et de règlement parce que, comme vous le savez, le paiement peut être tiré sur une institution financière et moi, le bénéficiaire de ce paiement, je le dépose dans une autre, ce qui signifie que la première institution financière doit de l'argent à la seconde—cela représente un risque important qui survient du jour au lendemain puisqu'en vertu du système actuel, le règlement ne s'effectue que le lendemain. L'institution financière qui reçoit les paiements sous la forme de dépôts, en particulier au Canada, où nous créditons le compte le même jour—autrement dit, vous avez accès à ces fonds—, cette institution, donc, veut être certaine de toucher l'argent.
Dans le cadre actuel que nous avons constitué, les intervenants sont, en règle générale, en nombre limité, ils sont tous assujettis au même type de régime de réglementation, ils se connaissent tous les uns les autres, ils ont tous bonne confiance que le règlement va s'effectuer à la fin du cycle de compensation et de règlement. Ils sont donc disposés à accorder un crédit immédiat, etc., et ils sont disposés à croire qu'ils vont obtenir le règlement, parce qu'ils savent que tous les autres intervenants du système sont réglementés de la même façon et sont généralement assujettis à la même surveillance. Mais le risque du règlement demeure. Il se peut que vous ne touchiez pas le règlement le lendemain, que l'institution financière sur laquelle les paiements ont été tirés ne soit pas en mesure d'honorer ses obligations.
Évidemment, cela entraîne la possibilité... Il n'y a pas un risque seulement pour les intéressés, ceux qui effectuent et qui reçoivent le paiement, mais aussi pour l'institution financière, et cela nous amène à notre préoccupation au sujet du risque systémique. Le risque systémique se présente quand un membre de l'ACP ne peut pas remplir ses obligations à l'égard d'un autre membre, car ce dernier peut alors lui aussi être en défaut, ce qui pourrait menacer une troisième institution. C'est là le risque systémique.
La réduction du risque systémique constitue l'un des principaux objectifs de notre système de transfert de fortes sommes. Ce système de transfert est un nouveau système électronique extrêmement sûr, qui convient parfaitement aux paiements importants et urgents. C'est un système à l'épreuve des risques et appuyé par des garanties, et il offre une garantie absolue qui est la Banque du Canada, dans l'éventualité fort improbable de défauts multiples.
Mais au bout du compte, si le paiement est effectué dans le cadre de ce système, il y a garantie de règlement. Il est incontestable que l'institution bénéficiaire du paiement va toucher l'argent, et donc qu'elle pourra à son tour payer ses clients. Le client est alors en mesure de retirer rapidement son argent, et il sait que c'est définitif. L'argent ne peut pas lui être repris si l'une des institutions financières qui participent à une transaction est en défaut.
Mme Carolyn Bennett: Alors les grands transferts sont moins risqués parce qu'ils sont basés sur une garantie, alors que les autres transferts sont... Est-ce que le risque des petites transactions est géré sur la base de la confiance?
M. Robert Hammond: Premièrement, je dois vous expliquer que le système de transfert des fortes sommes ne sera en vigueur qu'à compter de janvier. Le système fonctionne, mais il n'est pas entièrement garanti; il le sera en janvier.
• 2030
En effet, nous croyons que le système de transfert de fortes
sommes réduira notablement et éliminera, pour ainsi dire, le risque
systémique, mais il reste une crainte. En effet, même si on a
affaire à un petit opérateur au sein du système, il faut être
convaincu que lui aussi s'efforce d'éviter les pertes. On veut être
certain qu'il y aura règlement chez les détaillants en bout de
ligne. Je ne crois pas qu'un défaut de règlement soit suffisant
pour briser les reins de la deuxième institution financière, mais
il s'agit d'une perte, et l'institution ne veut pas de ce type de
risque. Elle a le devoir de protéger ses actionnaires et ses
déposants et de s'assurer qu'elle percevra les fonds.
Mme Carolyn Bennett: Nous entendons parler de l'amélioration de l'accès depuis fort longtemps. Dans quels délais est-ce que l'on peut espérer définir les règles à imposer aux nouveaux venus?
M. Robert Hammond: Eh bien, évidemment, tout cela relève du ministère des Finances. Le ministère doit prendre les décisions. Mais comme je l'ai dit, nous sommes tout à fait disposés à collaborer avec le ministère pour définir les préoccupations éventuelles quant à la sécurité et à la solidité du système des paiements.
Comme je l'ai indiqué, le groupe de travail MacKay a cerné le type de questions qu'il convient d'examiner. Mentionnons, par exemple, la réglementation et la supervision des institutions qui veulent s'intégrer au système des paiements, tout le cadre juridique qui s'applique à elles et leur accès aux liquidités.
Si vous avez l'occasion d'y jeter un oeil, le document de travail du ministère des Finances comprend une section, à la fin du rapport, où sont exposées certaines des questions qu'il faudra examiner. En règle générale, ces questions nous paraissent fondées. Je ne veux surtout pas laisser entendre que les problèmes sont insurmontables, mais il y a un certain nombre de questions qu'il faut examiner. Bon nombre ont trait aux cadres juridiques qui s'appliquent à ces autres types d'institution. Nous ne sommes pas des spécialistes du domaine, mais nous pouvons parler des ramifications qui touchent le système des paiements.
Mme Carolyn Bennett: Pendant nos déplacements dans tout le pays, nous avons entendu bien des conversations au sujet des adhérents et des sous-adhérents. J'ai constaté avec étonnement que la Western Bank est un sous-adhérent. Quels sont donc les critères pour devenir un adhérent? Combien y en a-t-il? Est-ce que certains choisissent de ne pas adhérer à l'association?
Le deuxième volet de ma question reflète le point de vue du consommateur. Si vous êtes un sous-adhérent, est-ce que vous ne payez pas des droits à l'adhérent? Pourquoi est-ce que certains ne veulent pas être adhérents?
M. Robert Hammond: Les critères pour devenir adhérent sont définis dans notre règlement. Il faut effectuer 0,5 p. 100 du volume de compensation et de règlements de l'ACP. Nous comptons actuellement 13 adhérents, dont la Banque du Canada, les grandes banques, la Caisse centrale Desjardins du Québec, le Credit Union Central of Canada, les succursales du Trésor de l'Alberta, certaines banques inscrites à l'annexe II et le Canada Trust, évidemment. Ce sont les grandes institutions.
Bien sûr, comme je l'ai mentionné précédemment, la disposition législative, et de fait notre règlement en matière de compensation, n'ont pas été révisés depuis 1980. À l'époque où l'ACP a été créée, les transactions s'effectuaient surtout sur papier. Vous devez comprendre que le système de compensation des chèques nécessite une vaste infrastructure et qu'il était logique d'adopter un système à deux paliers au sein duquel il y avait des adhérents et des sous-adhérents.
Maintenant que l'informatique envahit notre monde, je pense que nous reconnaissons tous qu'il faut prendre le temps d'examiner la question. Est-ce que nous devons continuer de recourir à des adhérents dans un contexte informatisé? C'est un aspect que nous devrons revoir à l'occasion de l'examen de la loi et, effectivement, de notre règlement relatif à la compensation.
Il se peut que, pour diverses raisons, certaines personnes préfèrent s'adresser à un adhérent. Lorsqu'il y a un adhérent, cet adhérent assume la responsabilité de vos obligations de compensation. Si vous êtes un petit intervenant peu connu, certains éléments du système pourraient éprouver des doutes quant à votre capacité de remplir vos obligations. Si vous vous adressez à un adhérent, les autres intervenants seront peut-être plus disposés à accepter les obligations parce qu'ils savent qu'une grande institution a procédé à une évaluation du risque et est prête à appuyer vos obligations de compensation et de règlement. Il y a donc peut-être encore place pour un adhérent dans certaines circonstances dans le nouveau système, mais il se peut qu'un plus grand nombre de sous-adhérents soient en mesure de devenir, essentiellement, des adhérents.
J'aurais dû préciser que pour devenir adhérent, vous devez aussi ouvrir un compte de règlement à la Banque du Canada, parce que c'est là que le règlement s'effectue.
Mme Carolyn Bennett: Je me demandais où en seront les institutions financières dans cinq ou dix ans. Est-ce que vous pouvez faire des prédictions à cet égard?
M. Robert Hammond: Examinons un peu la question des transactions électroniques. Là encore, il faut que la Banque du Canada accorde des comptes de règlement à tous ces nouveaux membres. Si tel est le cas, je crois que peut-être nous aurons encore plus de souplesse pour ce qui est des transactions électroniques et il ne sera pas nécessaire d'appliquer l'approche à deux paliers si une institution donnée ne le souhaite pas.
Le critère des 0,5 p. 100 évoluera. Cette exigence était tout à fait logique à l'époque. De fait, si vous vous replacez en 1980 et examinez la variété des institutions sur le plan de la taille, il y avait, en quelque sorte, un palier très important, et puis tous les autres. Il ne faut pas oublier que les propres transactions des adhérents, pour ce qui est des quantités traitées dans le système, représentent au moins 97 p. 100 du total. Cela montre bien que nous avons un groupe de grandes institutions et un groupe d'institutions beaucoup plus petites qui effectuent des activités de paiement.
Mme Carolyn Bennett: Alors y a-t-il des critères précis pour devenir adhérent?
M. Robert Hammond: Oui.
Mme Carolyn Bennett: ING semble mécontente de ne pas être un adhérent.
M. Robert Hammond: En vertu des règles actuelles, ING doit représenter 0,5 p. 100 du nombre total de paiements traités dans notre système. Cette entreprise en est encore très loin parce qu'elle est relativement petite. C'est là le problème. Comme je le disais, nous devons revoir cette exigence à mesure que nous progressons.
Le président: Monsieur Valeri, vous aviez une question?
M. Tony Valeri: Monsieur le président, je voudrais simplement glisser une petite question au sujet d'ING. Apparemment, au départ, il était possible d'effectuer un virement électronique entre une banque à charte et ING. Si j'étais client de la CIBC, je pourrais appeler la banque et lui demander de virer de l'argent. Puis vous êtes intervenus et vous avez dit que je ne pouvais pas procéder ainsi. Maintenant, je peux faire un chèque à ING et demander à ING de virer directement cet argent à la CIBC, si j'y ai un compte. Pourquoi?
M. Robert Hammond: Eh bien, cela vient de ce que nous appelons la règle H4. Cette règle porte sur les prélèvements automatiques. Le système des prélèvements automatiques permet à des tiers de débiter directement votre compte dans une institution membre de l'ACP. Cette méthode est à l'initiative de l'institution, parce que l'institution où l'argent sera déposé prend les fonds directement dans votre compte. C'est le contraire de la méthode appliquée à l'initiative du consommateur, qui ordonne à l'institution financière où il a un compte d'effectuer un paiement en son nom.
La règle H4 interdit les prélèvements uniques ou sporadiques. Nous avons une règle qui prévoit des prélèvements réguliers, préautorisés, sous réserve de certaines limites et, effectivement, de nombreuses mesures de sécurité, afin de protéger le consommateur. C'est parce que quelqu'un d'autre vient dans votre compte et prend de l'argent.
Je dois dire que nous n'avons pas bloqué ING en ce sens qu'il n'y a jamais eu de règle prévoyant le type de transactions qu'ING effectuait. Nos règles ne prévoyaient pas ce type de transaction. Ce qui s'est passé, c'est qu'ING ne se conformait pas à la règle existante.
Par ailleurs, toutefois—cela s'est produit il y a environ un an—, le conseil a reconnu qu'il devrait y avoir une façon d'autoriser ce genre de transaction, à condition d'adopter des mesures de sécurité appropriées pour protéger les intérêts du déposant. Nous avons donc créé un groupe de travail. Je peux demander à M. Kreviazuk d'expliquer en détail ce que nous faisons. Nous préparons actuellement une proposition qui facilitera le genre de transactions qu'ING veut effectuer, avec des garanties qui protégeront les déposants et les institutions qui détiennent les fonds, parce qu'elles ont le devoir de protéger leurs clients et de veiller à ce que les transactions soient autorisées.
Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu ce qui se passe, Doug.
M. Doug Kreviazuk (directeur, Politiques et planification, Association canadienne des paiements): Comme Bob l'a indiqué, il y a environ un an, quand ces préoccupations ont été portées à notre attention, nous avons créé un groupe de travail formé de représentants de nos membres, mais nous y avons aussi inclus des représentants du conseil consultatif des intervenants et des représentants de l'IFIC, l'Institut des fonds d'investissement du Canada, et des consommateurs.
• 2040
Le groupe avait pour mandat de faciliter l'instauration d'un
mécanisme de transfert de fonds qui protégerait les consommateurs
et les institutions membres, mais qui donnerait aussi à ces
institutions réglementées ou aux membres de l'ACP la souplesse et
l'efficacité nécessaires pour transférer des fonds entre membres ou
institutions.
Pour l'instant, nous élaborons une proposition qui permettrait aux institutions financières réglementées—c'est-à-dire un groupe bien plus important que celui des seuls membres de l'ACP—d'effectuer chez les membres de l'ACP des prélèvements uniques. Nous envisageons certaines mesures de protection, semblables à ce qui existe aujourd'hui en vertu de la règle H4. Ce mécanisme permettrait le type de transactions sur lesquelles ING a attiré notre attention.
Le président: Est-ce qu'il y a des questions?
Monsieur Hammond et monsieur Kreviazuk, au nom de mes collègues du comité, je vous remercie infiniment. À en juger par votre exposé, il est évident que le Canada a un système de paiements de calibre international et qu'essentiellement, toute expansion nécessitera un renforcement des dispositions d'intendance. C'est évident. Je suis convaincu que mes collègues du comité en tiendront compte quand ils prépareront leurs recommandations à l'intention du ministre des Finances. Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à divers témoins qui représentent l'Association Interac: Judith Wolfson, présidente; Fred Harris, vice-président principal, prestation de services; Marc-André Lacombe, secrétaire général et conseiller juridique.
Je vous souhaite la bienvenue devant le Comité des finances. Nous avons écouté avec beaucoup de plaisir votre dernier exposé. Nous n'avons cessé d'en parler depuis. Il nous a été vraiment très utile, et je suis convaincu que vous avez encore bien des choses à nous dire ce soir. Je vous souhaite donc la bienvenue.
Mme Judith Wolfson (présidente, Association Interac): Merci, monsieur le président. Nous sommes ravis de témoigner à nouveau devant vous et d'avoir encore l'occasion de faire part de notre point de vue aux membres du comité.
Comme vous l'avez mentionné, nous avons déjà présenté un exposé auparavant. Maintenant que le rapport du groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien a été publié, nous avons à nouveau l'occasion de témoigner. De fait, permettez-moi de dire d'abord que le rapport nous paraît nettement axé sur l'avenir et d'une grande importance pour les consommateurs et l'ensemble du secteur.
Nous vous avons fourni quelques diapositives. J'espère qu'elles vous aideront à suivre mon exposé. Compte tenu du temps qui nous est alloué, je vais essayer de vous présenter l'exposé très rapidement; les points saillants figurent sur les diapositives.
Vous nous avez demandé de revenir pour deux raisons. Premièrement, vous vouliez connaître notre vision de l'avenir des services de paiement et discuter de la structure qu'ils auront. Vous vouliez aussi discuter des recommandations précises qui allaient être présentées le lendemain, lors du dépôt du rapport du groupe de travail, et qui auraient un effet direct sur Interac. C'est ce que nous projetons de faire, mais auparavant j'aimerais rappeler en deux mots aux membres du comité ce qu'est le réseau Interac. Je vais rapidement passer en revue quelques-uns des messages dont nous avons fait part au comité lors de notre dernière comparution.
• 2045
Pour ce qui est de l'origine d'Interac, le réseau a été créé
en 1984 et regroupait de façon peu structurée cinq institutions
financières. Ces institutions reconnaissaient qu'elles pouvaient
offrir aux consommateurs un accès amélioré à leurs fonds en
regroupant leurs ressources. De fait, comme nous l'avons mentionné
au cours de la dernière séance, à compter de 1984 ce type de
service a connu une croissance astronomique. Et cela continue.
Interac est passé de cinq membres à 62. Nos membres appuient à
l'échelle nationale 21 000 guichets automatiques et près de
375 000 points de vente.
Je crois que nous sommes tous d'accord, les consommateurs ont adopté le réseau, qui fait maintenant partie de la vie quotidienne, et ce dans des délais extrêmement brefs. Par habitant, les Canadiens utilisent plus les guichets automatiques que tout autre citoyen du monde. En seulement cinq ans, depuis l'introduction du service de débit, les Canadiens se sont hissés au troisième rang pour ce qui est du nombre de transactions de débit par habitant. C'est vraiment une évolution extraordinaire.
Le réseau a été créé dans le cadre de réglementation de l'époque, le cadre des paiements des années 80-90, y compris la Loi sur l'ACP, la Loi sur les banques et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. Ces lois précisent qui peut mener certaines activités. D'autres témoins vous ont décrit le cadre de réglementation.
Outre ce cadre de réglementation élémentaire, nous sommes régis par une ordonnance sur consentement prononcée en 1996 par le Tribunal de la concurrence, à la suite de négociations entre Interac et le Bureau de la concurrence. L'ordonnance régit de nombreux aspects de l'association. Je vais vous expliquer plus en détail par la suite le principal effet qu'elle a eu sur le fonctionnement du réseau. Mais auparavant, je veux en revenir à votre première demande, au sujet des orientations futures du système des paiements au Canada. Je vais vous faire entrevoir l'avenir avec des lunettes roses.
Malheureusement, nous n'avons pas de boule de cristal. Si nous en avions une, nous serions riches. Et nous ne pouvons pas vous fournir toutes les réponses au sujet de l'influence qu'exerceront la technologie et les consommateurs sur les paiements au XXIe siècle. L'évolution se poursuit à un rythme vraiment trop rapide pour que l'on puisse savoir ce qui arrivera demain. Toutefois, nous pouvons vous faire part de certaines de nos perspectives et de nos orientations.
L'observation la plus fondamentale qu'il convient de faire est que les consommateurs s'écartent des méthodes de paiement traditionnelles. Certes, nous abandonnons le chèque, qui est l'élément fondamental de l'architecture du système des paiements aujourd'hui.
Nous croyons que nous n'en sommes qu'aux premières étapes de cette transformation. Même si le consommateur canadien a l'impression que nous procédons à une vaste transformation, nous n'en sommes vraiment qu'à la première étape d'un long processus.
Il est très important que nous reconnaissions tous que les consommateurs sont à l'origine de ce changement, et nous le constatons parce qu'ils accueillent bien les résultats. Nous n'avons pas eu besoin de déployer beaucoup d'efforts pour faire accepter le changement à nos clients, et le climat est tout à fait propice à l'innovation.
Nous ne prévoyons pas la disparition des chèques. Lors de notre dernière comparution devant vous, je me souviens que vous avez demandé à l'ACP si le papier allait connaître le même sort que les dinosaures. Selon nos études, les chèques demeureront des instruments importants pour certains achats, mais ils perdent du terrain face aux méthodes de paiement électroniques.
Il y a toutes sortes de sous-produits de cette évolution—par exemple, la croissance constante du nombre de programmes de fidélisation qui attirent les utilisateurs de nouveaux instruments de paiement. Nous voyons aussi, et nous nous attendons à voir, une multiplication des méthodes de paiement, par exemple, les cartes à mémoire et les cartes multi-applications.
Le défi, pour les fournisseurs de méthodes de paiement innovatrices comme Interac, consiste à continuer d'offrir un service pratique et de qualité en matière de paiements électroniques. Ce service devrait connaître autant de succès que le système de compensation très efficace du Canada, basé sur le chèque, et que le système de guichets automatiques et de paiement au point de vente mis sur pied par Interac, qui est le meilleur au monde, je dois le dire en toute humilité. Pour poursuivre la croissance, nous devons être résolument tournés vers l'avenir. Nous ne voulons pas reproduire les systèmes du passé. Il nous faut inventer les systèmes de demain.
• 2050
Nous avons donc besoin de faire preuve d'un peu de
clairvoyance. Il nous faut regarder dans notre boule de cristal et
déterminer ce que les consommateurs demandent, ce qu'ils veulent.
Nous le savons parce qu'ils adoptent nos innovations.
Si je veux exposer le point de vue d'Interac à cette table, je dois certainement parler des prochaines étapes, de façon à dégager ce que nos clients voudront demain, pas ce qu'ils voulaient hier, pas ce qu'ils ont eu. Il est évident que les consommateurs sont avides d'innovation.
Vous en avez la preuve depuis quatre ans, vous voyez que la popularité des chèques décline. Il ne s'agit pas d'une révolution qui se produit du jour au lendemain, mais d'un changement progressif des modes de paiement. L'argent comptant demeure évidemment la méthode de paiement la plus utilisée.
Nous pouvons nous arrêter un instant sur cette question des paiements en espèces. Il est intéressant d'examiner certaines données au sujet des transactions de faible valeur. Environ les deux tiers de toutes les transactions s'élèvent à moins de 20 $. Une étude récente que nous avons vue montrait que 88 p. 100 de ces transactions de faible valeur étaient effectuées en espèces. Nous prévoyons de grandes possibilités d'innovation dans les méthodes de paiement de transactions de fort volume et de faible valeur, puisqu'elles représentent une telle proportion des transactions. Les cartes à mémoire pourraient combler en partie ce besoin.
Outre les consommateurs, les détaillants participent à la révolution des paiements. Ainsi, un important détaillant ne s'est pas contenté d'adopter les cartes de débit dans ses magasins l'an dernier, il a en outre introduit ses propres terminaux multifonctions. Cela permet la publicité aux points de vente, la réalisation de sondages auprès de la clientèle et le traitement des demandes de carte de crédit. Ce détaillant fait lui aussi preuve d'esprit d'innovation.
Les services publics, les compagnies de téléphone et d'autres ont adopté le régime des prélèvements automatiques. La plupart d'entre nous avons eu l'occasion de visiter les grands détaillants d'essence qui ont installé des dispositifs de lecture de cartes de débit et de crédit directement à la pompe. Vous pouvez faire le plein et payer, mais vous devez encore sortir de votre voiture. Bientôt, il sera même possible de faire le plein à distance, mais à l'heure actuelle, du moins, vous n'avez plus à passer à la caisse pour payer.
Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que le consommateur est de plus en plus averti, différencié et exigeant pour ce qui est de la méthode de paiement. De quelle façon nous payons et de quelle façon le consommateur décide de payer est fonction du prix, du genre d'achat, du type de vendeur et, il convient de le signaler, de la région géographique.
Je crois que cela vous paraîtra fort intéressant. Nous n'avons pas le temps de présenter ici les résultats des études qui circulent. Mais il vaut la peine de signaler que le consommateur adopte divers types de paiements électroniques selon la région du pays où il se trouve. Il y a effectivement des différences régionales.
Notre défi consiste à trouver des façons innovatrices de répondre aux besoins changeants des consommateurs, à l'évolution des modes de paiement et à la tendance constante au remplacement du papier par les transactions électroniques.
J'aimerais parler un peu de la façon dont Interac s'inscrit dans cet avenir de l'innovation en matière de paiement. Je pense qu'il serait juste de faire un «retour vers le futur», parce que l'avenir d'Interac a commencé en novembre 1996, avec l'ordonnance sur consentement. C'était le point culminant des efforts combinés d'Interac et du Bureau de la concurrence pour calmer une inquiétude perçue en matière de concurrence au sein du cadre de réglementation de l'époque.
L'ordonnance sur consentement a vraiment eu un effet extraordinaire. Elle a ouvert au maximum le réseau. Si je dis «au maximum», c'est que pour élargir plus encore le groupe, il aurait fallu que le Parlement intervienne et modifie le cadre législatif régissant l'accès au système de paiement. Mais tout ce qui pouvait être fait dans le cadre du système l'a été.
L'ordonnance est très complète. Elle modifie le mandat et le mode de gestion d'Interac. Elle prescrit la structure des droits ainsi que la composition. Elle prépare aussi le terrain pour de nouveaux services offerts par de petits groupes à l'intérieur de l'association, si cette formule est la plus rentable et la plus efficace pour lancer un nouveau produit.
• 2055
Nous sommes donc résolument tournés vers l'avenir, et j'irais
même jusqu'à dire que le cadre demeure excellent. Il permet
l'innovation. Le cadre législatif du système canadien des paiements
ouvre la porte dans toute la mesure souhaitée par les membres et
les consommateurs.
De bien des façons, je crois que l'ordonnance sur consentement a permis d'atteindre les objectifs définis dans le rapport MacKay, qui voulait que les réseaux fonctionnent «de manière à favoriser la concurrence dans les services financiers et l'équité concurrentielle entre les fournisseurs de services financiers.» Cela a eu pour effet de favoriser la croissance et la diversification de l'association ainsi que la croissance continue du service.
Comme je vous l'ai dit la dernière fois que nous avons témoigné devant vous, l'association a connu une croissance considérable. Depuis l'ordonnance sur consentement, l'un des aspects les plus stimulants de cette croissance a été le grand nombre de petites institutions financières qui en sont devenues membres. De fait, la dernière fois que j'ai comparu, en septembre, nous avions 61 membres, un mois plus tard, nous en avions 62. Notre croissance se poursuit. Ces institutions sont des émetteurs; c'est-à-dire qu'elles émettent des cartes.
Nous avons aussi constaté une croissance pour ce qui est du nombre des acquéreurs. Ces membres fournissent des points d'accès, notamment des guichets automatiques et des terminaux de débit. Dans ce secteur, les institutions non financières sont dynamiques. Je parle de sociétés comme Global Payment Systems of Canada, SNS Systems Inc., CGI, etc. Nous prévoyons une croissance constante du nombre de nos membres, et cela se produit à l'heure même où nous parlons.
Pour ce qui est de l'avenir d'Interac, nous prévoyons que la croissance et l'innovation se manifesteront dans deux domaines: l'expansion des services actuels et l'élaboration de nouveaux services. Dans les deux cas, nous constatons que la voie de l'avenir n'est pas nécessairement liée au guichet automatique ni basée sur le compte. C'est ce qui est vraiment très important.
Ce que nous voulons dire c'est que nous devons aller au-delà du papier, du système de paiement axé sur le chèque, afin de répondre à la demande des consommateurs. La prestation de service est de plus en plus basée sur les télécommunications et l'Internet.
De fait, il y a toujours plus de façons d'effectuer des transferts de fonds à des fins de paiements. Ainsi, un consommateur peut émettre un ordre de paiement permanent pour payer ses factures mensuelles et son hypothèque. Cette méthode peut mieux convenir à certains types de paiements que le dépôt de fonds dans les guichets automatiques. Toutes sortes de méthodes s'offrent à nous.
Pour ce qui est des services actuels, ils présentent de nombreuses possibilités de croissance. Cette croissance se fera par l'élargissement des services dans de nouveaux centres, tant grâce aux terminaux de débit au point de vente que grâce à de nouveaux guichets automatiques. Nous surveillons de près les tendances de la consommation. Nous effectuons de vastes études au sujet des tendances et des préférences des consommateurs afin de prévoir leurs besoins.
Un certain nombre d'innovations ont surgi au cours de la dernière année, pour élargir les points d'accès, notamment grâce aux technologies sans fil qui vous permettent d'apporter le terminal à votre table, dans le taxi ou à domicile, quand on vous livre une pizza.
Pour vous donner une idée des possibilités de croissance, sachez que les repas au restaurant représentent 19 p. 100 de toutes les transactions des consommateurs, un secteur de service relativement récent pour Interac. Nous n'avons généralement pas accès au service Interac au restaurant. Cela est en train de changer. Grâce à la nouvelle technologie sans fil, nous croyons que ce changement s'accélérera.
La croissance des services au guichet automatique se poursuit aussi. Au cours de la dernière année, le nombre de guichets automatiques a augmenté de 11 p. 100. De nouveaux intervenants s'établissent pour déployer des guichets automatiques. Des entreprises qui n'oeuvraient pas dans ce domaine s'y installent et se lancent en affaires.
Grâce à l'ordonnance sur consentement, ces entreprises ont le droit de percevoir des frais pour l'utilisation de leurs machines. Ils installent des guichets automatiques dans de nouveaux endroits, ils investissent les capitaux nécessaires à cette fin et ils offrent un accès élargi au système. C'est ce que la concurrence signifie, et c'est ce que l'ordonnance sur consentement a autorisé.
Comme je l'ai dit, la croissance touche aussi notre composition. Un des secteurs de croissance est celui des institutions financières; le nombre de ces institutions continue d'augmenter. Notre étude de marché, celle à laquelle je faisais allusion précédemment, a aussi révélé des secteurs où il nous faut évaluer ce qui nous paraît être des niveaux d'utilisation inférieurs à la moyenne nationale.
Il est étonnant de constater des niveaux d'utilisation inférieurs dans les grands centres urbains, notamment à Toronto, à Montréal et à Vancouver. Nous avons un plus fort taux d'utilisation par habitant dans d'autres régions. C'est l'une des questions que nous examinons, l'une des tendances que nous surveillons.
• 2100
Pour ce qui est des nouveaux services, la prochaine génération
de carte de paiement comportera une puce qui remplacera la bande
magnétique en usage aujourd'hui. Il y a deux ans, nous avions
anticipé ce développement pour le Canada et nous avons mis sur pied
un processus d'établissement de normes pour la technologie de la
puce, en collaboration avec Visa Canada, MasterCard et Mondex. Nous
avons suivi les normes internationales pour la technologie de la
carte à puce, afin d'en assurer la compatibilité au Canada et aussi
à l'échelle internationale de sorte que les cartes émises à
l'étranger puissent être utilisées au Canada et que les cartes
émises au Canada puissent l'être à l'étranger. Après un long
processus de consultation auprès de détaillants, de fonctionnaires
et de consommateurs, nous avons mis au point un ensemble de normes
communes pour la puce qui serviront le jour où l'une des entités
décidera d'adopter cette technologie.
Les cartes à mémoire offrent des possibilités attrayantes, notamment une fonctionnalité accrue: une simple carte pourrait servir à des applications multiples, y compris le débit, le crédit, la valeur et les programmes de fidélisation.
Je reviens à l'ordonnance sur consentement qui nous régit, ordonnance qui fait aussi référence à l'élaboration de nouveaux services partagés, notamment parmi les membres de plein droit de l'Association Interac ou de plus petits groupes de membres.
Le conseil d'administration de l'Association Interac estime que depuis l'ordonnance sur consentement il est possible de prendre de l'expansion en matière de services partagés, y compris les demandes de solde, les transferts entre comptes liés et les dépôts dans un GAB autre que celui de la succursale bancaire du client. Vous retrouverez cela dans une des recommandations. Une question clé est de savoir comment y parvenir. Nous voulons nous assurer que les nouveaux services partagés tiennent compte des réalités de la technologie de demain et des besoins futurs des consommateurs.
Selon la vision de l'Association Interac, le futur est rempli de défis et de possibilités, tant en ce qui a trait à l'expansion des services actuels qu'aux façons nouvelles et innovatrices de rejoindre les consommateurs. Mais il importe—et nous sommes vraiment très heureux d'avoir la possibilité d'en parler aujourd'hui—de garder à l'esprit que dans un système diversifié et étendu, les innovations sont coûteuses et complexes. Il faut des analyses de rentabilisation avant d'envisager de nouvelles fonctions pour des processus qui pourraient devenir périmés rapidement. Voilà, selon moi, le défi majeur qui se pose: ce que vous érigez aujourd'hui n'est pas nécessairement ce que l'on voudrait pour demain. Par conséquent, avant d'investir aujourd'hui, il faut envisager la compatibilité future et faire certains choix à plus long terme.
Permettez-moi d'aborder les trois recommandations du rapport du groupe de travail qui ont des répercussions directes pour Interac. Je serai assez brève. Les recommandations portent sur l'accès au système de paiement, la surveillance des réseaux de paiements et les activités entreprises par Interac. Le défi est de savoir comment procéder. De quoi est-il question au juste? Il est question de savoir comment on peut permettre aux consommateurs d'avoir un meilleur accès à leurs fonds. C'est là le but. Les recommandations du rapport MacKay offrent certaines solutions.
En ce qui a trait à la recommandation 13 du groupe de travail, Interac a envisagé la possibilité d'un amendement législatif lorsqu'il a négocié l'ordonnance sur consentement. Comme je vous l'ai indiqué, tout ce qui pouvait être fait l'a été dans le cadre législatif. Si le gouvernement adoptait la recommandation, il faudrait modifier l'ordonnance. L'association est disposée à examiner rapidement des mesures qui pourraient être prises pour adapter son règlement interne, de sorte qu'il n'y ait pas d'obstacle.
En ce qui a trait à la recommandation 60 et à la surveillance des réseaux, il est très clair pour nous que l'ordonnance sur consentement s'applique déjà aux activités mentionnées, et elle est lourde de conséquences. Elle s'applique aussi aux questions de politique en matière de concurrence. Elle s'applique au fonctionnement du réseau ainsi qu'à l'accès. Enfin, elle s'applique notamment aux membres.
• 2105
Nous avons hâte de travailler avec le ministre des Finances,
avec votre comité et avec d'autres intervenants afin que tout
changement apporté au cadre réglementaire n'entraîne pas de
duplication ou de manque d'efficacité. La négociation de
l'ordonnance sur consentement a exigé beaucoup d'efforts et de
temps afin d'ouvrir la porte au type d'accès auquel M. MacKay fait
référence dans son rapport. Selon nous, toute duplication
entraînerait un manque d'efficacité.
En ce qui a trait à la recommandation 17, nous reconnaissons que les consommateurs pourraient profiter de services supplémentaires. L'association examine attentivement la possibilité d'ajouter d'autres fonctions au réseau. Les membres continuent de travailler dans ce sens.
Nous ne sommes pas en désaccord avec le besoin constant d'innovation. C'est ce qui nous motivera dans le futur. Ce besoin constant d'innovation est ce qui nourrit l'association. Nous l'appuyons activement et nous l'encourageons. Toutefois, nous croyons que les spécialistes qui conçoivent et élaborent des solutions technologiques sont les mieux placés pour déterminer comment mettre en oeuvre les solutions innovatrices aux besoins des consommateurs.
La solution proposée dans la recommandation numéro 17 est une façon d'aborder le service aux consommateurs, mais votre comité doit prendre conscience qu'il s'agit d'une solution coûteuse et complexe. Il faut se garder de penser qu'il suffira d'un simple déclic pour que tout se produise. De plus, il faut reconnaître que toutes ces innovations surviennent dans le cadre du problème de l'an 2000, en même temps que le travail et l'investissement requis pour trouver une solution.
Avant d'investir dans la technologie qui facilitera ce type de service accru, les membres veulent s'assurer que c'est la meilleure façon de répondre aux besoins des consommateurs, aujourd'hui et aussi demain. Comme nous l'avons mentionné, compte tenu du nombre accru et de la diversité de membres—certains sont des entités de grande taille, d'autres de petite taille, certains sont axés sur les GAB, d'autres encore s'intéressent davantage aux technologies de croissance—la solution retenue doit faire l'objet d'une évaluation prudente. Nous le faisons très sérieusement. Nous examinons activement ces solutions avec l'objectif commun de trouver d'autres débouchés pour desservir le client. C'est là le but de notre activité.
Nous voulons le faire de manière éclairée et nous ne voulons pas que notre innovation soit basée sur des solutions du passé. Nous voulons que l'innovation soit axée sur l'avenir.
J'espère avoir abordé certaines des questions auxquelles vous vous intéressez aujourd'hui. Mes collègues et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Permettez-moi de vous dire que je suis un petit peu déçu que les documents soient uniquement en anglais. J'ose espérer que vous savez qu'il y a beaucoup d'utilisateurs de votre service au Québec.
Cela dit, j'ai plusieurs questions à vous poser. J'ai vaguement l'impression que vous avez fait une belle opération de promotion de vos services, mais en omettant de dire combien cela coûtait.
Premièrement, pourquoi le Bureau de la concurrence a-t-il senti le besoin d'intervenir pour vous aider à élargir votre membership? Est-ce que vous pouviez le faire auparavant, sans l'intervention du Bureau de la concurrence?
[Traduction]
Mme Judith Wolfson: Monsieur Desrochers—et mes collègues qui étaient présents à ce moment, MM. Lacombe et Harris, pourront m'aider—nous étions sous l'impression, comme je l'ai indiqué, que le nombre de membres était trop restreint et qu'il n'y avait pas suffisamment d'ouverture pour d'autres participants. Il y a eu de longs débats sur la question et il y a eu une ordonnance sur consentement plutôt que l'imposition d'une solution. Je ne me suis pas présentée devant le tribunal parce qu'il était convenu qu'il y aurait un système permettant à plusieurs autres intervenants de participer, et c'est ce qui s'est produit. Il s'agit d'un système ouvert pour les émetteurs et les acquéreurs—connecteurs directs et connecteurs indirects—conformément aux besoins de leur entreprise.
Il s'agissait d'une évolution et le délai était très court à compter de la mise en route. C'est ainsi que je le comprends.
[Français]
M. Odina Desrochers: Maintenant, même si votre membership a augmenté, est-ce que les tarifs ont été fixés en conséquence, compte tenu que vous avez plus d'adhérents au service Interac?
• 2110
Ensuite, on parle d'une
entente qui a été conclue récemment. Présentement,
quand je vais à un guichet Interac de la Banque
Royale avec ma carte de guichet
automatique Desjardins,
il m'en coûte 1,25 $ pour payer l'une
des deux institutions; il n'est pas prévu
que des frais seront facturés pour
indemniser les deux institutions. Dans ce cadre-là,
serez-vous en mesure de maintenir, pour
les consommateurs, le tarif que vous
exigez présentement?
M. Marc-André Lacombe (secrétaire général et conseiller juridique, Association Interac): On a analysé cette question. Interac n'impose jamais de frais à l'utilisateur. Quand vous utilisez votre carte Desjardins dans un guichet de la Banque Royale ou de la Banque de Montréal, c'est Desjardins qui vous impose les frais Interac. Des frais Interac, ça n'existe pas pour le consommateur. Nos frais sont payés par nos membres. Nos membres paient des frais pour chacune des transactions afin de défrayer les coût de fonctionnement du système.
Le Bureau de la concurrence et la Loi sur la concurrence interdisent à nos membres de discuter de ces frais. La Banque de Montréal décide combien cela lui coûte et détermine quels frais je dois payer quand j'utilise ma carte.
M. Odina Desrochers: Présentement, on paie une seule institution lorsqu'on va à un guichet qui n'est pas celui de notre institution, mais on me dit que je devrai peut-être payer des frais additionnels, à la fois à l'institution dont j'utilise le guichet et à l'institution de laquelle je fais le retrait. Est-ce que c'est exact?
M. Marc-André Lacombe: C'est ça.
M. Odina Desrochers: Est-ce qu'il y a aura des augmentations de coûts étant donné qu'on aura dorénavant deux institutions à alimenter? Je sais qu'on ne paie pas Interac, car ce sont uniquement des frais, mais je prends la défense des consommateurs.
M. Marc-André Lacombe: C'est ça. C'est l'une des choses dont on a traité dans l'ordonnance sur consentement avec le Bureau de la concurrence. Ils ont insisté pour qu'on cesse d'interdire au membre qui déploie le guichet automatique d'imposer des frais.
Maintenant, les membres ont le droit d'imposer des frais supplémentaires quand vous utilisez leur guichet automatique. C'est ce qui a permis à de nouveaux membres de déployer des guichets automatiques dans des endroits où il n'était pas rentable d'en déployer auparavant.
Chez Interac, nous voyons à ce que le consommateur en soit averti. Quand vous vous rendez au guichet automatique, si l'institution ou le membre qui offre le service veut vous imposer des frais additionnels, il doit vous en avertir à l'avance et il doit vous donner le choix de continuer ou d'arrêter la transaction.
M. Odina Desrochers: Concernant la recommandation 17, le rapport MacKay vous dit maintenant que... Voici un autre exemple. J'ai un chèque signé par la Caisse populaire Desjardins et je pourrais aller le déposer à la Banque de Montréal. Avant que MacKay fasse cette recommandation, est-ce que vous aviez envisagé d'offrir ce service?
[Traduction]
Mme Judith Wolfson: Il y a une possibilité et nous examinons la façon d'offrir ce service. Nous en examinons les fonctionnalités, non seulement pour les dépôts partagés, mais aussi pour d'autres débouchés et pour ajouter des fonctions.
La recommandation selon laquelle il pourrait y avoir des fonctions supplémentaires ne nous pose aucune difficulté. C'est la façon de faire, et ces fonctions ne devraient pas nécessairement être basées sur des effets de commerce. C'est vraiment ce qui nous préoccupe. Cette recommandation semble supposer que vous utilisez le même système de chèques. Il est très coûteux et inefficace de déposer un chèque à un GAB dans une partie du pays, de demander à deux personnes d'ouvrir l'enveloppe pour des raisons de sécurité et pour éviter les fraudes et de transférer le document à l'autre bout du pays, afin qu'un dépôt soit fait dans votre compte, dans une autre banque, dans une autre partie du pays.
La question ne porte pas sur le dépôt partagé, mais plutôt sur la façon de le faire. Nous voulons trouver de bonnes solutions technologiques pour le faire. Il n'est pas nécessaire que tout cela repose sur du papier. Il suffit de lire les données statistiques sur la diminution du nombre de chèques en circulation pour constater qu'une solution commerciale pour les chèques ne répond pas nécessairement à ce que les consommateurs voudront, selon nous.
Il s'agit d'une recommandation pour corriger les lacunes actuelles du système, mais pas nécessairement celles de demain. Nous voulons examiner la possibilité d'ajouter des fonctions, mais pas nécessairement de la manière envisagée par le groupe de travail. De fait, les membres de ce groupe n'avaient pas nécessairement l'expertise requise concernant les technologies particulières.
[Français]
M. Odina Desrochers: Vous avez fait un long exposé sur l'avenir, mais je vous avais demandé si vous l'aviez envisagé avant que MacKay en parle. Oui ou non?
[Traduction]
Mme Judith Wolfson: Oui.
[Français]
M. Odina Desrochers: Merci.
C'est un document très promotionnel que j'ai vu. Je me demande si vous êtes là pour servir les consommateurs ou pour servir les intérêts de vos membres. On parle beaucoup de membership, mais on ne parle pas beaucoup du consommateur dans votre document.
[Traduction]
Mme Judith Wolfson: Dans notre réponse, nous avons cherché à indiquer que tout cela est fortement axé sur les besoins des consommateurs et que nos membres traitent constamment avec leurs consommateurs. Ce sont nos membres qui ont tous les clients à titre d'émetteurs et d'acquéreurs, et ils cherchent constamment à servir les consommateurs dans un cadre concurrentiel. J'espère très certainement que notre exposé indique que nous suivons très attentivement les tendances à la consommation. Nous les évaluons et nous faisons des recherches constantes pour savoir dans quelle direction les consommateurs vont, et souhaitent aller, en matière de paiements électroniques.
[Français]
M. Odina Desrochers: On parle des cartes à puce électronique et des nouveaux frais qui seront peut-être autorisés, des frais à payer à l'institution où je vais faire le retrait et à la banque avec laquelle je fais affaire. Est-ce qu'on pourrait assister à un scénario comme ceux qu'on voit présentement, où GM s'associe avec Visa ou une autre compagnie? Est-ce qu'Interac pourrait autoriser certains services avec frais globaux entre institutions, entre banques, ou si vous allez maintenir vos services en fonction de chaque institution membre?
M. Marc-André Lacombe: Je ne suis pas sûr de comprendre la question, même en français.
M. Odina Desrochers: Je vais parler plus lentement.
M. Marc-André Lacombe: Ce n'est pas à cause de la vitesse.
M. Odina Desrochers: Je parle toujours du point de vue du consommateur et je me dis qu'à un moment donné, c'est le consommateur qui va payer. À ce moment-là, est-ce qu'on ne pourrait pas assister à un regroupement de certaines institutions avec certaines entreprises de façon à ce qu'on puisse avoir un prix plus global?
Par exemple, présentement, on paie 1,25 $, 1,25 $, 1,25 $ et 1,25 $. Si ces institutions s'entendaient, on pourrait payer un total de 2,50 $ au lieu de payer des frais à répétition.
M. Marc-André Lacombe: Les frais d'utilisation des services Interac sont fixés par les membres, de façon indépendante. La Loi sur la concurrence nous interdit de fixer ces frais. Les frais pour le paiement direct Interac varient énormément. Chaque institution a des forfaits ou impose des frais pour chaque transaction. Chez Interac, on ne peut pas en parler. La Loi sur la concurrence nous interdit d'en discuter. Bien entendu, quand les cartes à puce vont venir, les règles de la Loi sur la concurrence vont s'appliquer et les membres ne pourront pas décider des frais.
M. Odina Desrochers: Je vous remercie. Même si j'avais des petites questions un peu délicates à vous poser, je dois dire que je suis bien servi par Interac et que je suis très satisfait des services que vous me donnez.
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): J'ai une question à vous poser. Nos collègues se préoccupent assurément du rôle qu'Interac pourra jouer s'il y a une diminution quelconque du nombre de lieux physiques, que cela se fasse avec ou sans les fusions.
Les commentaires que vous avez faits au sujet des chèques et de ce que les consommateurs pourraient vouloir me préoccupent un peu parce que si nous allons au-delà des besoins actuels des clients, dans le cadre d'une analyse de rentabilité, une foule de consommateurs risquent d'être moins bien servis par suite de la fermeture de succursales. Ils ne seront plus en mesure de faire des dépôts parce qu'il n'y aura plus, à proximité, d'installations assimilées à leur banque ou à leur caisse de crédit ou à l'institution avec laquelle ils traitent habituellement. Plus particulièrement, la Banque de Hongkong croit que cela pourrait grandement améliorer sa capacité de faire des affaires.
• 2120
Vous avez dit pourquoi cela ne s'était jamais produit
auparavant et vous avez précisé qu'il s'agit d'une procédure très
complexe en termes de documents, mais le rapport MacKay dit
clairement que cela serait une bonne idée. Selon vous, serez-vous
en mesure de recevoir les dépôts des consommateurs dans tous les
types de guichet, tout en réduisant le nombre d'installations
pendant la période de transition?
Mme Judith Wolfson: Il ne fait aucun doute que nous envisageons cette possibilité. Comme je l'ai dit, il est plutôt complexe et difficile de trouver une solution simple au problème des dépôts partagés, mais nous cherchons des façons de le faire et d'établir une période de transition.
Permettez-moi de revenir à la première partie de votre question. Nous y avons fait référence brièvement en parlant des différences régionales. Chose intéressante, la pénétration est meilleure dans les régions moins urbanisées.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Cela ne me surprend pas du tout, parce que si j'ai besoin d'argent, qu'il n'y a pas de guichet automatique à proximité et que la banque est fermée, j'utiliserai le réseau Interac.
Mme Judith Wolfson: Et il y a davantage de gens qui le font. Exactement.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): La disponibilité de guichets automatiques à Toronto vous permet de garder vos vieilles habitudes. S'il n'y a pas de guichet et que les gens n'ont pas d'argent, ils se serviront de la carte, n'est-ce pas?
Mme Judith Wolfson: C'est exact. Par conséquent, il faut déterminer s'il y a des façons de les aider pendant la période de transition. D'abord, y a-t-il des réponses régionales différentes, des solutions régionales potentielles différentes à ce problème de fonctionnalité accrue ou de dépôts partagés, etc.? De plus, existe-t-il des mesures intérimaires? Il faut beaucoup de travail pour implanter la structure requise et cela est d'autant plus important que le nombre de chèques en circulation diminue constamment.
Le problème, bien sûr, est d'établir le prix. Moins il y a d'activité, plus les coûts sont élevés—et je ne pense pas qu'il s'agisse nécessairement de coûts pour l'institution mais plutôt pour le consommateur. Si le coût d'un service ou d'une fonction devient prohibitif à cause de l'absence d'économies d'échelle, il y a un problème. Ce sont les préoccupations sur lesquelles nous nous penchons actuellement et le conseil d'administration de l'Association Interac nous a demandé d'examiner des options en vue d'une solution.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): L'endroit où les consommateurs feront leurs transactions bancaires pose un problème de taille pour la petite entreprise, particulièrement dans les régions rurales, dans les petites villes. Si les gens doivent faire leurs transactions bancaires ailleurs, ils feront aussi leurs courses ailleurs.
Il n'est pas question de chèques uniquement, mais aussi d'espèces. Le propriétaire d'une petite entreprise dans une toute petite ville souhaite déposer le contenu de sa caisse à la fin de la journée à un endroit convenable. Il peut y avoir des frais pour ce service, mais c'est beaucoup mieux que de faire une heure de route dans chaque sens, situation que plusieurs petits entrepreneurs vivent à l'heure actuelle.
Par conséquent, j'aimerais savoir où se situe le conseil face à l'analyse de rentabilité. En tant que décideurs, à quel moment direz-vous qu'il est essentiel de s'occuper du service dans ces petites collectivités? Les raisons qui ont mené à la fermeture de la succursale pourraient aussi expliquer que le guichet automatique n'est pas beaucoup utilisé.
M. Fred Harris (vice-président en chef, Service de livraison, Association Interac): Peut-être pourrais-je commenter.
Je crois qu'il est question de deux choses ici. Par le passé, nous avons envisagé le partage des dépôts comme le fait d'accepter un chèque, puis nous avons étendu l'idée au concept de réseau. Vous avez parlé de chèques et d'espèces. Il est impossible de déposer des pièces de monnaie dans un guichet automatique.
Pour ce qui est des détaillants...
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Un instant, je croyais que nous envisagions l'avenir. Pourquoi ne pourriez-vous pas tout mettre dans une enveloppe et la glisser dans la machine?
M. Fred Harris: À ce que je sache, aucune machine...
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Si mon père retire le tiroir-caisse de sa boutique de fleurs chaque soir, pourquoi ne peut-il pas tout simplement placer l'argent dans une enveloppe et la déposer au guichet automatique?
M. Fred Harris: Permettez-moi de finir ce que j'avais commencé à dire.
Je crois qu'il y a des solutions immédiates. L'une d'elles est que les détaillants se servent du paiement direct pour remettre une partie de l'argent comptant entre les mains des consommateurs. Par exemple, le consommateur se présente chez son détaillant, fait un achat de 40 $ et celui-ci débite le compte d'une somme de 80 $ et remet 40 $ au consommateur. Pour le détaillant, c'est là une façon de procéder s'il ne veut pas rapporter l'argent comptant à la banque.
Le rapport du groupe de travail traite aussi de la façon d'envoyer cet argent dans les comptes. Selon nous, il propose aussi une solution. Il faut donc aussi se demander—et Judith l'a dit—s'il existe plusieurs autres solutions ou non. Nous savons que le nombre de chèques en circulation diminue rapidement. Vous l'avez vu dans notre mémoire, les chiffres indiquent que la proportion des chèques émis aux détaillants au cours des quatre dernières années est passé de 12 p. 100 à 5 p. 100. Par conséquent, le nombre de chèques en circulation diminue.
Nous craignons qu'en modifiant le système pour traiter davantage de transactions basées sur des chèques que les coûts n'augmentent. Nous cherchons actuellement une solution d'application plus large. Existe-t-il une bien meilleure solution? Voilà une question que vous venez d'aborder. Existe-t-il une solution—une grande enveloppe, comme vous l'avez mentionné—qui permettrait de tout placer dans une enveloppe. La réponse est peut-être que le guichet bancaire ne convient pas.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Vous avez expliqué pourquoi les dépôts ne pouvaient être faits jusqu'à maintenant. Est-ce...
M. Fred Harris: Permettez-moi de prendre l'exemple d'un dépôt dans une enveloppe à un de ces guichets. J'ai une carte bancaire qui me donne accès à mon compte et j'ai un chèque. Vous pourriez me faire un chèque, mais je suis à Halifax et votre banque est à Vancouver. Je puis déposer ce chèque dans un guichet bancaire sur la côte Est et l'argent est transféré électroniquement dans mon compte. Voilà comment le système fonctionne aujourd'hui. Par contre, l'institution qui accepte le chèque ne sait pas s'il est valide. Le chèque pourrait avoir été fait au mauvais montant ou encore votre compte pourrait ne pas être suffisamment approvisionné à Vancouver. Compte tenu du mécanisme de compensation actuellement en vigueur, le chèque doit se rendre jusqu'à Vancouver. Dans la plupart des cas, il s'y rend très rapidement, pendant la nuit.
Si on commence à allonger le parcours pour ce chèque, il pourrait s'écouler trois ou quatre jours avant qu'il ne parvienne à votre compte, à Vancouver. Si j'ai déjà l'argent dans mon compte, vous comprenez alors le problème qui se pose pour compléter la transaction. Une partie de la transaction est électronique, tandis que l'autre repose sur un document. Je crois que c'est là un des éléments du problème.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): J'en suis consciente, mais j'ai l'impression aussi qu'une foule de petites municipalités et qu'une foule de gens ont de moins en moins de choix. Vous êtes la seule institution en ville et votre analyse de rentabilité indique qu'il serait mal avisé d'accepter les dépôts d'une autre banque parce que vous pensez que le jeu se déroule ici et vous ne voulez pas être surpris ailleurs sur le terrain. Je me demande s'il est dans l'intérêt public que vous décidiez qu'il n'est pas rentable d'accepter les dépôts pour diverses institutions.
Mme Judith Wolfson: Je ne crois pas qu'il faille supposer que le refus d'accepter des dépôts soit la même chose que l'absence d'un système de dépôts axé sur les chèques. Nous examinons les options qui permettent d'accepter les dépôts. Existe-t-il un système basé sur Internet? Existe-t-il un système axé sur les télécommunications? Pouvons-nous procéder de telle manière? La question est de savoir si la transaction doit être basée sur un document. La recommandation ne vise qu'une seule option. Notre réaction serait qu'il faut envisager d'ajouter des fonctions et examiner les besoins des consommateurs, mais je ne crois pas qu'il faille avoir une réponse toute faite d'avance. La recommandation suppose un système de dépôt basé sur les chèques et ne tient pas compte du problème que nous cherchons à régler ni des options qui s'offrent. C'est ce que nous cherchons à faire.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Au moins, la recommandation présuppose une période de transition au cours de laquelle les gens pourraient se faire à l'idée de passer à un autre système. Entre-temps, il y a les chèques, il y a les dépôts à faire et il y a une foule de décisions compliquées à prendre pour tout cela. Je crains que vous ne puissiez tout simplement refuser de le faire, parce que vous êtes la seule institution en ville.
Mme Judith Wolfson: Permettez-moi d'exprimer les choses clairement: nous, de l'Association Interac, ne sommes pas les responsables de la gestion du système. Ce sont tous des systèmes privés qui appartiennent aux membres. Nous ne prenons pas ces décisions en tant qu'association. Nous ne décidons pas combien de guichets seront installés à un endroit particulier et nous n'intervenons pas dans la prise de décisions. Ces décisions sont prises par les membres dans le cadre de leurs propres affaires. Par contre, nous travaillons en collaboration avec ces membres pour faciliter le fonctionnement des systèmes.
Ce sont des questions d'une très grande importance pour les consommateurs, j'en conviens. En tant qu'association, notre devoir est d'offrir des options. Je sais que l'association prend son rôle très au sérieux et qu'elle cherche très sérieusement des façons de répondre aux demandes des consommateurs. Actuellement, il n'y a pas de système à base de papier pour le faire, de sorte que la solution intérimaire ne sera pas facile à trouver. Il serait beaucoup plus simple de prendre un système existant et de l'adapter pour en faire quelque chose d'autre. Il faut chercher et élaborer une solution.
Nous voulons nous assurer—et nous sommes ici pour proposer l'idée à votre comité—que nous envisagerons au moins de façon générale les options permettant de répondre à la demande des consommateurs plutôt que de créer un nouveau système qui ne soit pas nécessairement le plus rentable ni le plus efficace. C'est la position que nous vous soumettons.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): J'aimerais obtenir certaines assurances quant à cela. Si une municipalité perdait la seule banque qu'elle ait et qu'elle ne dispose plus que d'un guichet automatique, que devrions-nous faire en tant que parlementaires pour convaincre les gens que cette machine devrait accepter les dépôts?
Mme Judith Wolfson: La machine accepte les dépôts qui sont faits à l'institution à laquelle appartient le guichet, bien entendu. Nous parlons ici de dépôts partagés. Manifestement, s'il y a moins d'options, le problème est d'autant plus difficile.
Actuellement, les demandes des consommateurs ou les demandes des membres n'ont pas une large portée. Il y a un certain nombre de petites institutions—ce ne sont pas les consommateurs qui soulèvent ce problème, mais plutôt les petites institutions—qui cherchent des façons d'augmenter leur part de marché en utilisant d'autres systèmes offerts par d'autres émetteurs et acquéreurs. Jusqu'à maintenant, ce problème n'a pas été perçu comme une préoccupation majeure, et il a été soulevé par quelques-unes des plus petites institutions qui voudraient faire partie d'un système plus important.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Je dis simplement qu'avec la diminution du nombre de locaux, cette solution pourrait être offerte si les banques prenaient ces décisions.
• 2135
Qu'en est-il des timbres et des autres produits? Quand vous
parlez d'augmenter la fonctionnalité, à quoi d'autre pensez-vous
pour ces machines? La CIBC vend des timbres.
M. Fred Harris: Les membres sont libres de faire ce qu'ils veulent avec ces machines. Essentiellement, Interac pose certaines règles relativement au paiement final pour la marchandise, et il faut se conformer à ces règles. Ce sont les membres eux-mêmes qui construisent les guichets qui serviront à distribuer des timbres ou des tickets. Il n'y a pas de limite à cela. Il suffit que quelqu'un veuille le faire.
La présidente suppléante (Mme Carolyn Bennett): Excellent.
Je vous remercie beaucoup et je suis sûre que nous vous reverrons.
Nous passons maintenant au Conseil des Canadiens.
M. Peter Bleyer (directeur général, Conseil des Canadiens): Merci.
Mon nom est Peter Bleyer et je suis directeur général du Conseil des Canadiens. Je suis accompagné d'un collègue, M. Jamie Dunn, qui a également travaillé sur ce dossier.
Je tiens tout particulièrement à remercier votre comité d'avoir accepté de nous rencontrer à cette heure. Nous trouvons rafraîchissant d'être sur la colline du Parlement alors que nous approchons de 22 h. Nous sommes persuadés que vous travaillez ainsi de manière régulière et nous tenons à vous féliciter du sérieux que vous mettez à accomplir votre travail.
[Français]
J'aimerais d'abord m'excuser, en particulier auprès de M. Desrochers, de n'avoir pour l'instant qu'une copie anglaise de notre présentation. On vous fera parvenir la traduction dans les plus brefs délais. Bien sûr, on peut communiquer avec vous en français si c'est nécessaire. On essaiera cependant d'être brefs.
[Traduction]
Premièrement, je veux que l'on prenne acte de nouveau de ce qu'est le Conseil des Canadiens. Nous sommes un groupe sans but lucratif de défense de l'intérêt public comptant plus de 100 000 membres d'un océan à l'autre. Fondé en 1985, l'organisme a pour mandat de préserver et de promouvoir la souveraineté et le développement démocratique des Canadiens en plus de travailler à l'établissement d'une justice sociale et économique. Par conséquent, nous nous présentons devant votre comité pour exprimer un point de vue plutôt différent par rapport aux intérêts particuliers dont vous avez entendu parler. Mon intention n'est pas de dénigrer qui que ce soit. En général, on nous dénigre en tant que groupe d'intérêt particulier, de sorte que nous ne voudrions pas imposer la même chose à autrui.
La première question est de savoir pourquoi le Conseil des Canadiens et ses membres s'intéressent à ce problème? Selon nous, la configuration future du secteur des services financiers au Canada aura des répercussions marquées sur tous les aspects du mandat et de la mission de notre organisme, que nous venons de vous décrire. Nos membres, et je parle de milliers de membres, nous ont dit clairement leurs préoccupations relativement à une déréglementation supplémentaire, éventualité qui semble être le message dominant du rapport du groupe de travail, et au fait que les projets de fusion bancaire sont une menace grave à notre capacité en tant que Canadiens de déterminer notre avenir social et économique.
Je veux parler en termes très généraux du contenu du rapport du groupe de travail, parce que c'est là le mandat de votre comité, je crois. Nous aurions préféré qu'un comité constitué de représentants de tous les partis traite spécifiquement de la question des fusions bancaires, même si nous savons que cela fait partie de votre travail. Nous aborderons cet aspect également.
Selon nous, le rapport va dans la bonne direction parce que, au départ, il reconnaît que le statu quo n'est pas viable et n'est pas acceptable. Des changements doivent être apportés au niveau du secteur des services financiers. Nous estimons aussi que le groupe de travail a proposé une série intéressante de recommandations pour protéger les consommateurs face à l'envahissement croissant du secteur des services financiers. Nous n'entrerons pas dans les détails de ces recommandations, étant donné que vous en avez entendu parler par certains groupes de consommateurs ces derniers jours. Malheureusement, nous voulons insister sur ce qui nous paraît mauvais dans le rapport. De notre point de vue et compte tenu de notre mandat et de notre mission, le rapport est mauvais à plusieurs égards.
Les aspects positifs du rapport sont masqués par l'impossibilité complète d'envisager la situation globale telle qu'elle est aujourd'hui. Le rapport ne tient absolument pas compte de la réalité plus vaste. Au moment même où les effets d'une déréglementation massive et d'investissements étrangers commencent à se faire sentir chez nous à partir de Rio, de Moscou et de Tokyo, et de bien des endroits ailleurs aussi, le groupe de travail recommande davantage de la même médecine pour le secteur des services financiers au Canada. De fait, la situation que nous connaissons aujourd'hui au Canada résulte de plus d'une décennie de déréglementation du secteur, et le groupe de travail propose de continuer dans le même sens pour corriger le problème.
Permettez-moi de vous indiquer un problème majeur des recommandations du rapport: la question de la propriété étrangère. Nous aurions préféré que le groupe de travail fasse des recommandations qui ne nuisent pas davantage à la stabilité du secteur des services financiers, et qui contribuent plutôt à rétablir la stabilité du secteur et sa capacité de mieux répondre aux besoins réels des Canadiens et de leurs collectivités. Pour cela, il aurait fallu faire un énoncé clair au sujet des fusions—disons plutôt un feu rouge plutôt qu'un feu jaune.
Au lieu d'aller dans ce sens, le groupe de travail propose des mesures comme l'accès des banques étrangères comme correctif. En toute franchise, nous avons du mal à avaler le fait que nous pourrions faire en sorte que les banques étrangères répondent aux besoins des Canadiens avant même que nos propres banques y réussissent. La chose est même risible.
Examinons quelques-uns des problèmes liés à une présence accrue d'intérêts étrangers. Premièrement, on propose à nouveau un accroissement de la propriété étrangère comme remède pour accroître la concurrence. Manifestement, les banques étrangères chercheront à occuper des créneaux rentables. Elles ne voudront pas s'approprier des créneaux difficiles à pénétrer et peu rentables du secteur du détail. Elles écumeront les grands centres urbains rentables, et s'occuperont des commerces et des entreprises plus lucratifs. Je suis sûr que d'autres intervenants vous l'ont dit.
• 2145
Compte tenu du coût élevé pour lancer une banque universelle,
et en supposant que l'une des banques étrangères voudrait le faire,
il est plus facile de tout simplement acheter une des banques
universelles canadiennes, solution qui, selon nous, n'est pas dans
le meilleur intérêt des Canadiens et de leurs collectivités.
De plus, le fait d'autoriser des institutions de dépôt appartenant à des intérêts étrangers à mener des activités au Canada pourrait très bien comporter—et nous croyons que tel est le cas—des risques sérieux pour les règles de prudence pour les Canadiens. Par exemple, les déposants seront-ils couverts par l'assurance-dépôts du Canada? Vous avez entendu ce qu'a dit la SADC aujourd'hui. Je ne sais pas ce que vous avez entendu, mais c'est l'une des questions que nous avions soulevées. Quelle garantie y aurait-il pour les déposants canadiens en cas de faillite d'une banque étrangère?
De même, les activités canadiennes demeureront inévitablement un aspect secondaire pour toute banque étrangère. En cas de difficulté économique dans le pays d'origine ou de tout autre dérapage commercial ou du marché, les actifs détenus au Canada seraient rapidement rapatriés—ce qui aurait pour effet d'exporter instantanément vers le Canada des problèmes économiques issus d'ailleurs.
Chose plus importante—et je me répète, mais je crois qu'il faut le répéter—ceux qui perçoivent la concurrence étrangère accrue comme la solution magique pour atténuer les répercussions des projets de fusion font une grave erreur. Pour favoriser un meilleur accès des banques étrangères, il faudrait déréglementer davantage le secteur des services financiers, impression que semble confirmer le rapport du groupe de travail MacKay.
Comme je l'ai dit, la poursuite de la déréglementation entraînera une plus grande concentration, et non pas un meilleur choix pour les consommateurs. J'en ai pour preuve la situation actuelle au Canada. Nous avons vécu la déréglementation, nous avons vécu des modifications à la Loi sur les banques au cours des dernières années, particulièrement sous le régime Mulroney, et tous ces changements ont accru la concentration et réduit les choix pour les consommateurs.
Il existe beaucoup d'autres preuves, mais cela suffit quant à nous.
Je veux aborder aussi la question des fusions. Vous avez entendu de nombreux arguments contre le projet des fusions. Ces arguments sont clairs. De fait, leur nombre augmente et ils sont de plus en plus solides. Les déclarations du gouverneur Thiessen, il y a quelques jours, en font foi.
Premièrement, les fusions ne sont pas nécessaires puisque les études montrent clairement que les grandes banques du Canada ont déjà atteint la taille nécessaire pour réaliser les économies d'échelle qui seraient utiles au secteur bancaire. Il n'est pas nécessaire d'aller au-delà de cela.
Les fusions ne sont pas utiles parce que, encore une fois, la preuve empirique n'appuie pas la prétention que les fusions augmenteront l'efficacité et réduiront les coûts pour les consommateurs ni que les fusions amélioreront l'accès au service. Une bonne partie du rapport du groupe de travail MacKay traite de la façon de limiter les dommages qu'entraîne la fermeture de succursales, et ainsi de suite. Et je suis sûr que cette question fait partie de vos travaux de même que des travaux de nos amis de l'Association Interac. De fait, les fusions sont une façon de limiter les services—dans les collectivités rurales, par exemple.
Pour ce qui est de l'accès des petites entreprises à des prêts, s'il n'y a qu'un seul guichet plutôt que deux dans une collectivité donnée, comment cela pourra-t-il aider le propriétaire d'une petite entreprise qui cherche à obtenir des capitaux? Manifestement, cela ne l'aidera pas. Il faudrait trouver des solutions symboliques pour remédier à la situation qu'une fusion bancaire pourrait entraîner.
En dernier lieu, nous voudrions insister sur le fait que les projets de fusion constituent un danger réel pour le Canada et pour les Canadiens. Au départ, il y a le caractère menaçant d'une faillite potentielle d'une mégabanque, qui a été souligné par le gouverneur Thiessen, ou du moins dans le dernier compte rendu des propos du gouverneur Thiessen. Je crois qu'il est important de s'arrêter à la menace que représentent les fusions pour le Canada et pour les Canadiens. Le mot qui vient à l'esprit plus que tout autre est celui de «démocratie».
L'ampleur de la concentration des services dans l'industrie bancaire et, dans l'ensemble des services financiers,—parce qu'il est ici question d'intégration et de concentration verticales et horizontales et que les recommandations du rapport du groupe d'étude relativement à l'entrée des banques sur le marché de l'assurance, et ainsi de suite vont dans ce sens,—est depuis longtemps une préoccupation, non seulement parce qu'elle augmente le pouvoir détenu ou la capacité de contrôler les prix, mais aussi parce qu'elle mène à l'exercice d'un pouvoir politique indu par ces entreprises.
• 2150
Les plus grandes banques, comme c'est le cas pour les plus
grandes compagnies—nous croyons cependant que l'industrie bancaire
en est un exemple—peuvent utiliser leur vaste pouvoir économique
pour influencer les politiques publiques et miner la capacité des
gouvernements de gouverner dans l'intérêt du public.
Au cours des mois qui ont suivi l'annonce fracassante du premier projet de fusion entre la Banque Royale et la Banque de Montréal, plusieurs analystes ont évoqué le spectre de la crise ou des répercussions économiques que le rejet de la proposition pourrait entraîner. Cela est déjà à l'avant-plan, même dans une situation de préfusion.
Les propos du gouverneur Thiessen au sujet de la menace implicite de la faillite d'une mégabanque sont plutôt instructifs. Bien entendu, il serait impardonnable que je ne fasse pas référence aux menaces à peine voilées faites dans l'anonymat par les chefs de direction de diverses banques, de banques qui aimeraient fusionner, concernant ce que les Canadiens auraient à subir s'ils refusaient les fusions. À quoi nous exposons-nous de la part de MM. Barrett, Cleghorn et autres si nous ne leur permettons pas de fusionner leurs institutions et d'accroître, selon nous, leur pouvoir et leur influence économiques et, partant, leur influence politique? Je vous le dis franchement, le pouvoir économique est un ingrédient clé du pouvoir politique.
J'aimerais terminer en précisant que notre mémoire contient certaines recommandations. Nous croyons que les recommandations du rapport MacKay en vue de protéger les besoins des consommateurs canadiens devraient s'accompagner d'un renouvellement complet de la réglementation du secteur des services financiers. Cela comprendrait la réaffirmation de l'interdiction des prises de contrôle par de grandes entités, un engagement continu de faire opposition à la propriété étrangère dans le secteur et des propositions comme un nouveau fonds d'investissement national qui serait approvisionné grâce à un impôt. Il existe diverses façons d'y arriver, l'une d'elles étant un impôt sur les profits qui dépassent la moyenne, des banques par exemple, et qui servirait à la promotion du développement économique, du développement économique communautaire et à la création d'emplois.
Nous aimerions aussi mentionner que tout renouvellement de l'infrastructure et du cadre réglementaire doit comporter des propositions pour faire face au mouvement déstabilisant des capitaux spéculatifs au-delà des frontières internationales. Les déclarations en ce sens du ministre des Finances Paul Martin à Washington et ailleurs sont réconfortantes bien que nous nous demandions s'il est question de réglementation à l'échelle globale, et comment la réglementation nationale se situerait dans une réglementation globale.
Dans le même contexte, il a été encourageant d'entendre le secrétaire parlementaire qui a comparu hier, ou en tout cas très récemment, déclarer qu'il avait recommandé l'adoption de l'impôt Tobin ou d'un impôt sur les transactions financières au ministre, et que cette option est à l'étude.
Le président: Aux fins du compte rendu, je ne sais pas où vous avez pu entendre cela ni sur quel canal vous étiez branché, mais je ne crois pas que M. Valeri ait jamais donné son aval à l'impôt Tobin.
M. Peter Bleyer: Ça se trouve dans le hansard.
Le président: Je me trompe peut-être, mais...
M. Peter Bleyer: Je sais que... Il se peut que j'aie vu cela dans les bleus et qu'il n'avait pas eu encore le temps de changer d'avis. Je n'en sais rien.
Le président: Je ne le pense pas.
M. Peter Bleyer: Nous allons vérifier cela. Je suis certain que vous vous renseignerez également auprès de M. Valeri.
Le président: Merci. Ce serait une bonne idée.
M. Peter Bleyer: Certainement.
Quoi qu'il en soit, cela nous a confortés mais cela me réjouit un peu moins de penser que ce n'était peut-être pas vrai.
En tout cas, nous reconnaissons volontiers que nous sommes confrontés à de nouvelles réalités sur le plan mondial, et que toute tentative de la part du Canada pour jouer un rôle de leader... Commençons par mettre de l'ordre chez nous. Il faut aussi que nous contrôlions le genre de spéculations sur le plan mondial qui, si elle se réalisait, pourraient fort bien empêcher le Canada d'assurer l'avenir social et économique de ses citoyens.
Cela dit, nous serons bien entendu heureux de répondre à vos questions. Je pense à mon bébé de trois mois à la maison, mais je suis certain que d'autres aussi ont des enfants. Étant donné qu'il y a un bébé de sept semaines à la Chambre des communes, il est bien évident que je ne peux pas me permettre de me plaindre.
Je vous remercie. Nous sommes prêts à répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Le thème de votre exposé portait donc bien sur les mesures à prendre pour assurer l'avenir des générations futures.
M. Peter Bleyer: Tout à fait.
Le président: J'espère que cela vous met un peu de baume au coeur.
M. Peter Bleyer: Certainement.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé.
[Français]
Monsieur Desrochers.
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur Bleyer. Ce n'est pas parce qu'il est à 21 h 55 qu'on ne prendra pas le temps de vous écouter. L'ordre du jour du Comité des finances est très chargé, et c'est normal parce qu'on mène de front deux dossiers importants: les consultations prébudgétaires et le rapport MacKay, qui sont intimement liés. C'est ce qui fait qu'on veille un peu plus tard que d'habitude.
• 2155
Vous parlez de
protéger le marché des banques, le marché financier au
Canada. Est-ce que vous savez que 40 p. 100 du
chiffre d'affaires des banques canadiennes est réalisé à
l'extérieur du pays présentement? Comment
peut-on encourager nos banques à faire des affaires
à l'extérieur en fermant nos frontières à d'autres
banques qui voudraient offrir des services et peut-être
aider davantage les consommateurs? J'aimerais avoir
votre opinion là-dessus.
M. Peter Bleyer: Premièrement, pour nous, le but premier n'est pas d'encourager nos banques à faire des affaires à l'extérieur. On reconnaît la réalité des liens internationaux. On sait qu'il y a un commerce international au niveau des services financiers, mais pour nous, les banques, bien qu'elles soient des compagnies privées, sont l'équivalent de services publics. Leurs fonctions entrent dans ce contexte. Alors, pour nous, le plus important n'est pas d'encourager les banques à aller faire des prêts en Amérique latine, etc., mais de voir à ce que les banques donnent des services appropriés aux consommateurs canadiens, réinvestissent et fassent le nécessaire pour la sécurité au niveau plus macro. C'est à ce niveau-là que les banques doivent faire leur besogne au Canada, à notre avis. Pour nous, c'est plus important.
On n'est pas là pour dire aux banques d'augmenter leur chiffre d'affaires à l'étranger. Nous croyons que si on doit les protéger sur le marché intérieur, on doit leur demander certaines contributions à la société canadienne.
M. Odina Desrochers: Comment le Conseil des Canadiens voit-il la mondialisation des marchés? Est-ce que vous êtes libre-échangistes ou si vous avez plutôt tendance à favoriser un nationalisme plus serré, plus fermé au Canada?
M. Peter Bleyer: Nous pensons que le travail des politiciens et des gouvernements à tous les niveaux est de protéger l'intérêt des citoyens. Si, pour protéger les meilleurs intérêts des citoyens, il faut établir des limites aux transactions étrangères, c'est ce que doivent faire les politiciens. Leur travail n'est pas de voir à ce que les banques, en particulier, aient un chiffre d'affaires plus élevé.
Il n'est pas question d'être contre la mondialisation. Permettez-moi de comparer la position du Conseil des Canadiens à la perspective du rapport MacKay. Le rapport MacKay ne prend pas en compte la réalité de la mondialisation, qui a mené notre monde au bord d'une crise économique. Nous nous rendons compte de l'impact de cette mondialisation et nous voulons que les gouvernements réagissent de manière à protéger nos communautés.
M. Odina Desrochers: Vous dites un petit oui du bout des lèvres; vous ne semblez pas être très enthousiaste face à la mondialisation des marchés.
M. Peter Bleyer: Absolument pas. Comment l'être en ce moment? S'enthousiasmer, à l'automne 1998, pour la mondialisation des marchés... Je ne sais pas...
M. Odina Desrochers: On n'a pas le choix, monsieur Bleyer; il faut aller négocier à l'OMC. On a fonctionné avec des ententes bilatérales et il faut maintenant conclure des ententes multilatérales.
Je ne prends pas officiellement la défense du rapport MacKay, mais je dois dire que c'est un document de réflexion qui nous pousse à nous poser de sérieuses questions face à une réorganisation des services financiers. Ce n'est pas juste une question de fusions bancaires.
Vous semblez avoir peur d'une catastrophe, d'une faillite des mégabanques. Si je vous demandais de me dire les points positifs d'une réorganisation des services financiers, qu'est-ce que vous me diriez?
M. Peter Bleyer: Je dirais qu'on doit voir à renverser le processus de déréglementation qui a été entrepris par le gouvernement Mulroney dans les années 1980 et qui s'accentuerait si on mettait en oeuvre certains éléments du rapport MacKay. Donc, pour nous, premièrement, il faudrait renverser ce processus-là et rétablir
[Traduction]
la couverture obligatoire.
[Français]
Si vous ne pouvez pas traduire pour moi, quelqu'un d'autre va le faire.
Certaines mesures qu'on avait établies dans le passé étaient excellentes, mais on n'allait pas assez loin. Donc, il faut avoir une réglementation accrue de ce secteur, une réglementation qui tienne davantage compte des communautés. Ce serait non seulement une réglementation au niveau national, mais aussi une réglementation qui tiendrait compte des communautés canadiennes du pays. Une telle réglementation ferait en sorte que, quand on regarderait l'impact des actes des banques et des autres institutions dans ce secteur, on s'assurerait que ces actes soient dans le meilleur intérêt de ces communautés. C'est un message assez simple, mais il faut premièrement renverser le processus qui a été entrepris il y a 10 ou 15 ans.
M. Odina Desrochers: J'ai une dernière question concernant ce processus. En fonction de la mondialisation des marchés, n'avez-vous pas l'impression que vous allez pénaliser votre pays en agissant ainsi? Ne pensez-vous pas qu'il faut être plus avant-gardiste et plus proactif?
M. Peter Bleyer: Prenons l'exemple de la Russie. La Russie a été avant-gardiste. Où est-elle rendue? La crise économique n'est rien en comparaison de la crise sociale, la crise de la société en général qu'on vit en Russie.
M. Odina Desrochers: Franchement, monsieur, on ne peut pas comparer le Canada et la Russie.
M. Peter Bleyer: Être avant-gardiste...
M. Odina Desrochers: On n'a jamais eu un système socialiste. En Russie, il y a eu un transfert du socialisme vers le capitalisme. Ne faites pas de telles comparaisons.
M. Peter Bleyer: Vous m'avez demandé si on devait être avant-gardistes. Il faut définir ce qu'on veut dire. Devons-nous être avant-gardistes par principe? Non, absolument pas. Devons-nous être avant-gardistes d'une façon qui nous aide à atteindre des objectifs tels que la satisfaction des besoins des communautés canadiennes? Oui, absolument. Il ne doit absolument pas être question d'un avant-gardisme un peu aveugle. On est contre cela.
Dans le rapport MacKay, on parle de l'idéologie du libre marché et de la déréglementation comme si on n'avait pas encore vu les développements des derniers mois et des dernières années. C'est un peu un avant-gardisme aveugle qu'on voit. Je suis d'accord avec vous pour dire que le rapport MacKay soulève des points importants et intéressants. On ne dit pas le contraire, mais le point majeur qui ressort de ce rapport-là, c'est qu'on est d'accord pour continuer sur la voie dans laquelle on est déjà engagés malgré ce qui se passe dans le monde, malgré ce que cela pourrait apporter au Canada.
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Permettez-moi de revenir, monsieur Bleyer, au thème que vous avez introduit en parlant de votre bébé de trois mois. Je tiens vraiment à en parler car nous touchons là au thème essentiel de nos travaux: il s'agit d'édifier un futur secteur des services financiers. Et si j'ai été personnellement un peu déçu, c'est parce que de nombreux témoins parlent surtout du présent et, la plupart du temps, de la «protection de leur territoire», de la défense de leur industrie, etc. Franchement, là n'est pas la question. Notre pays a besoin de grandir, de commencer à tracer les grandes lignes de son avenir, d'avoir une vision claire de celui-ci. Peut-être ne serai-je pas d'accord avec votre vision de l'avenir, mais à plusieurs égards, vous avez tenté de définir cet avenir en excluant certaines questions, notamment, celle des fusions bancaires. Vous craignez qu'elles ne provoquent une concentration de grosses sociétés. Vous avez également ajouté que si ces fusions ont lieu, ce sera la preuve indiscutable que les banques exercent un pouvoir politique. C'est bien cela que vous avez dit, n'est-ce pas?
M. Peter Bleyer: Ce serait une autre indication. Je crois...
Le président: Donc, si le gouvernement rejette la demande des banques, cela les empêchera de peser si lourd sur le plan politique.
M. Peter Bleyer: C'est un point important. D'un côté, nous sommes heureux que l'on considère la question, mais nous craignons qu'en lui accordant tant d'attention, ce dont nous sommes nous-mêmes coupables—on insiste vraiment beaucoup sur cette histoire de fusions—ne nous détourne de l'essentiel. Comment créer le genre de secteur des services financiers dont notre génération et les générations futures au Canada ont besoin pour prospérer. Si l'on parle tant aujourd'hui des fusions bancaires, c'est parce que ces quatre banques se sont approprié le contrôle du processus afin de servir leurs intérêts commerciaux.
Ce que nous préférerions—et seul le ministre des Finances est capable de le faire en ce moment—c'est qu'on nous dise clairement que les fusions bancaires n'auront pas lieu. Cela nous permettra de passer aux choses sérieuses et de discuter d'une nouvelle réglementation du secteur des services financiers qui permettra d'atteindre le genre d'objectifs dont vous parlez.
Le problème en ce moment est que nous sommes nombreux à être obnubilés par les fusions bancaires, ce qui est inévitable car elles présentent pour nous une grave menace. Mais le débat sur cette question vous accapare, et le ministre des Finances aussi, et nous préférerions que vous concentriez vos efforts sur ce qui est dans l'intérêt de la population, alors que les fusions ne servent personne, sinon les banques elles-mêmes. Ces fusions ne devraient pas être discutées. Je crois que le comité ferait un pas sur la bonne voie s'il demandait sans tarder au ministre des Finances de déclarer officiellement qu'il n'est plus question de discuter de ces fusions. Une fois que l'on saura que cette possibilité est exclue, on pourra s'attaquer aux grandes questions et on laissera le reste à...
Le président: En ce qui concerne le comité, c'est une question dont la discussion n'a jamais été envisagée...
M. Peter Bleyer: Peut-être pas officiellement, mais il me suffit de prendre n'importe lequel des journaux nationaux, d'ailleurs de plus en plus nombreux, qui semblent tous raconter plus ou moins la même chose, pour constater qu'ils pensent que la question est toujours à l'ordre du jour. Le public canadien le pense, les directeurs généraux des banques aussi. En réalité, si vous considérez ce qui se passe dans notre pays, il est bien évident que ce à quoi tout le monde s'intéresse, ce sont les fusions bancaires.
Le président: Comprenez cependant que notre comité n'a pas pour mission de s'occuper des deux fusions proposées.
M. Peter Bleyer: Je comprends très bien que vous ne vous en occupiez pas directement, mais, voyez-vous...
Le président: Nous nous occupons des fusions...
M. Peter Bleyer: ...ce que nous voulons dire, c'est que vous ne pouvez pas vous occuper du rapport du groupe de travail MacKay sans reconnaître le fait que le processus tout entier a peut-être été compromis par ces projets de fusion.
Le président: Tant que vous comprendrez bien que pour nous, les fusions constituent une pratique commerciale légitime. Cela arrive tout le temps; de petites sociétés fusionnent. Les projets de fusion auxquels vous pensez se sont emparés de l'imagination des Canadiens, des journalistes et de tout le monde, et en ce qui concerne notre comité...
M. Peter Bleyer: Vous pourriez régler...
Le président: Qu'il soit bien clair dans votre esprit que notre souci est d'édifier un secteur des services financiers de classe mondiale qui permettra aussi à un secteur financier national dynamique d'évoluer et de répondre à certaines des préoccupations les plus importantes. On nous a parlé de l'amélioration du système de paiements. Nous avons examiné tout un train de mesures concernant les consommateurs.
Ce à quoi je tiens en réalité c'est qu'après avoir examiné le rapport du groupe de travail MacKay, les gens me disent qu'en règle générale, il constitue une approche équilibrée à l'égard de la réforme du secteur des services financiers et que les points ou recommandations suivants devraient être étudiés avec soin car ils concordent avec notre vision—je parle aussi de la vôtre—celle du secteur des services financiers au XXIe siècle.
Je reviendrai à vous tout à l'heure...
M. Peter Bleyer: C'est de cela que vous voulez que je parle? Oh, vous voulez dire notre vision...
Le président: Oui, votre vision. Elle m'intéresse. J'ai la mienne, vous avez la vôtre, et peut-être concorderont-elles un jour...
M. Jamie Dunn (représentant, Conseil des Canadiens): Je voudrais en parler. Je ne crois pas que vous étiez là lorsque l'on m'a présenté. Je m'appelle Jamie Dunn et je travaille pour le Conseil des Canadiens. Il y a deux principes dont je voudrais qu'on parle ce soir. Le premier est qu'il ne s'agit pas de dire que le gouvernement fait de la microgestion des entreprises, ou que nous devrions nous attaquer aux méchants profiteurs. Ce n'est pas de cela que nous sommes venus parler.
• 2210
Nous sommes venus vous dire qu'une menace réelle pèse sur la
communauté mondiale. Elle est le résultat d'un renversement de ce
que nous considérons comme le processus normal de réglementation,
qui consiste à assurer les résultats financiers. Il faut vous
assurer que certains principes sont respectés. On ne peut pas
laisser cette responsabilité à ce que je me permettrai d'appeler
les forces mystiques. Le rapport trahit une confiance excessive à
l'égard de certains facteurs tels que la concurrence. Le même
optimisme exagéré transparaît à l'égard de la force représentée par
le consommateur dans ce que le rapport appelle, je crois, la force
de la discipline de marché.
À notre avis, des questions telles que la discipline de marché devraient être soulevées par l'ensemble des citoyens de notre pays, et non par des consommateurs isolés qui ont un emploi, comme le disait Peter, des chiens qui sont malades et autres sottises du même genre, et qui n'ont ni les compétences—c'est-à-dire, la majorité des gens—ni le temps ni les ressources nécessaires pour faire un choix entre les multiples mécanismes et produits très complexes aujourd'hui offerts par les services financiers.
Je crois qu'il incombe au gouvernement d'écouter ce que les gens ont à dire au sujet des services essentiels. Ce sont les services dont ils ont besoin, qu'ils soient fournis par les banques ou par toute autre institution. Ce sont les services dont on ne peut se passer.
Il est impensable que 400 000 Canadiens puissent être exclus du secteur bancaire. Il ne s'agit pas d'attaquer les grandes entreprises, mais lorsque l'on parle des rapports entre la communauté économique et son effet sur la vie de la population, il y a un minimum de choses dont on ne peut pas se passer.
Ce que nous dit le rapport et qui ne tient pas compte de ce qui se passe sur la scène mondiale, c'est qu'on s'appuie sur la concurrence, sur les marchés libres et les forces du marché pour tout arranger. À en croire ce rapport, les consommateurs ont des pouvoirs bien supérieurs à ce qu'ils sont réellement. Il nous dit que c'est eux qui détiennent le vrai pouvoir, qu'ils l'expriment par l'intermédiaire du Parlement et par celui du gouvernement. Ce sont les consommateurs qui élisent ceux qui établissent ensuite les politiques. Il ne faut pas l'oublier.
Le président: Quel est le contraire de concurrence?
M. Jamie Dunn: Le contraire de concurrence?
M. Peter Bleyer: Ce n'est pas tant le contraire que...
La réglementation a mauvaise presse, n'est-ce pas? Combien d'entre vous avez fait campagne en faveur de la déréglementation ou au contraire, d'une plus forte réglementation? En ce moment, il n'y a ici que des députés libéraux, mais même s'il n'y a qu'eux, combien d'entre vous ont fait campagne là-dessus?
Écartons un instant le voile malodorant qui masque la réglementation. Quand on parle de réglementation, de quoi s'agit-il? C'est exactement ce dont Jamie parlait. Ce dont il s'agit c'est du gouvernement. Les citoyens qui élisent un gouvernement pour qu'il agisse dans leur intérêt, dans l'intérêt public, pour qu'il établisse un cadre de mesures destinées à protéger cet intérêt public et celui des consommateurs. Cela ne s'arrête cependant pas aux consommateurs car l'intérêt public a une autre dimension.
C'est la raison pour laquelle le rapport MacKay nous inspire des réserves. Certes, il offre quelques solutions d'urgence utiles, ce qui n'est pas sans importance. Il propose par exemple d'assurer l'accès des Canadiens les plus pauvres aux services bancaires, etc.
Mais le problème est que si l'on continue à accepter le mythe selon lequel le marché libre est une panacée—le rapport du groupe de travail abonde en observations de ce genre—cela revient pratiquement à mettre un emplâtre sur une jambe de bois, et le problème demeure.
Vous avez parlé de concurrence. Il y a des années que l'on nous répète constamment que la concurrence est l'objectif des changements à la réglementation, c'est-à-dire, la déréglementation. Considérez, par exemple, toutes les modifications apportées à la Loi sur les banques. Comment les justifie-t-on aux yeux du Canadien moyen? Tout ce qu'on lui dit c'est qu'il y aura plus de concurrence.
Or, que voit-il en réalité, ce Canadien moyen? Certainement pas plus de concurrence, mais une série de prises de contrôle, un processus de monopolisation et une concentration de la propriété qui font qu'aujourd'hui, nous sommes témoins de la plus grande tentative de monopolisation et de concentration faite depuis bien longtemps.
Le président: D'où tirez-vous ces conclusions? À quelle page du rapport trouve-t-on cela? Le rapport MacKay porte sur la création d'un système de libre entreprise qui faciliterait le démarrage de services financiers, ce qui signifie que vous pourrez faire un choix entre un plus grand nombre d'établissements.
• 2215
Il y a aussi le train de mesures en faveur du consommateur,
qui me paraît assez complet, et qui offre réponse à toutes les
questions dont vous parlez, notamment l'accès aux services
bancaires essentiels pour les Canadiens à faible revenu et la
création d'un ombudsman. Cet ensemble de mesures est très complet
et solide.
M. Peter Bleyer: Mais les Canadiens ne sont pas que des consommateurs. Lorsqu'ils vous élisent, ils ne le font pas en tant que consommateurs, mais que citoyens. Ils appartiennent à des collectivités. Je crois que Jambe voulait en parler, mais le point me paraît important. Oui, sans doute, nous sommes des consommateurs, mais nous sommes plus que cela. Les membres du Conseil des Canadiens ne se considèrent pas uniquement comme des consommateurs, ou s'ils le font, ils ne se limitent pas à ce rôle.
M. Jamie Dunn: J'allais justement moi aussi parler de la question des consommateurs. C'est lorsque l'on traite trop les gens comme de simples consommateurs que l'on en arrive à la logique spécieuse de ceux qui essaient de déterminer qui sont les bénéficiaires du processus réglementaire. Les gouvernements ne devraient pas se laisser influencer par ceux qui sont les plus gros consommateurs. Autrement dit, les gens ne devraient pas bénéficier des dispositions d'un nombre sans cesse croissant de lois pour la simple raison qu'ils achètent de plus en plus.
C'est là où nous en revenons à une question fondamentale: À qui nous adressons-nous et que faisons-nous pour nous assurer que les services sont accessibles à tous dans nos collectivités. Indiscutablement, il devrait y avoir des mesures de protection s'appliquant aux consommateurs. Comme vous le verrez dans notre mémoire, nous sommes d'accord avec la position adoptée dans le document lorsqu'il traite de ces questions. Nous appuyons la Canadian Community Investment Coalition qui a beaucoup parlé de ces questions-là.
Selon vous, dans le processus réglementaire fondamental, il n'est pas possible de traiter uniquement les gens comme des consommateurs car, franchement, ils sont si nombreux à n'avoir qu'une très faible capacité de consommation que les règlements ne peuvent s'appliquer à eux et qu'ils se retrouvent donc à l'écart. Je crois que c'est une erreur.
Le président: Alors, en quoi le fait d'offrir des services de base aux Canadiens à faible revenu est-il contraire à votre point de vue?
M. Jamie Dunn: Il n'y a rien de contraire là-dedans, mais cela ne marchera pas. À long terme, si notre objectif est d'empêcher le gouvernement actuel et ses successeurs d'adopter une réglementation, nous ferions valoir que les fusions, l'entrée d'institutions étrangères sur notre marché canadien et la poursuite de la déréglementation déclenchent un processus qui compromet la capacité des gouvernements d'agir au nom des citoyens. Cela signifie qu'à court terme, des solutions d'urgence apportées à des microproblèmes, tels que celui-là—certes, il s'agit de questions importantes—sont vaines à long terme. Elles ne touchent pas au fond du problème. Le vrai problème auquel nous avons affaire est celui de la concentration du pouvoir économique et politique; ce que nous risquons, c'est qu'à cause des problèmes de compétence que pose l'entrée des banques étrangères, les gouvernements futurs ne soient plus capables de déréglementer.
Si, ce gouvernement décide, par exemple, d'autoriser une augmentation de la propriété étrangère, cela interdirait probablement aux gouvernements futurs, quel que soit le parti au pouvoir, d'imposer une réglementation plus stricte afin de protéger les collectivités canadiennes, car les pouvoirs ainsi créés—d'abord, à cause de l'effet de concentration, mais aussi, à cause des problèmes juridictionnels posés par des banques non résidentes au Canada—seraient très difficiles à contrebalancer.
Nous pensons donc qu'il y a quelque chose de fondamentalement... Il faut bien qu'à un moment ou à un autre, nous arrêtions ce train en marche avant qu'il ne bascule dans l'abîme. À notre avis, ce gouvernement a une grosse responsabilité, car nous sommes arrivés à un point de notre histoire où il ne nous sera peut-être pas possible de faire machine arrière. Une des choses qui nous plaisent dans le rapport MacKay c'est qu'il montre que nous en sommes au stade où tout le monde reconnaît que le statu quo n'est plus possible. Mais si l'on renonce à celui-ci, il y a toutes sortes d'options possibles et le problème est, qu'à notre avis, MacKay n'a pas vraiment pris la bonne direction.
Le président: Permettez-moi de vous poser une question au sujet des profits.
Une voix: Au sujet de...
Le président: Des profits. Je peux utiliser ce mot, n'est-ce pas? Les profits...
M. Jamie Dunn: Les profits—nous verrons bien ce qui va se passer au cours des prochaines semaines.
Le président: Vous savez que les banques et les participants du secteur des services financiers au Canada—je parle des nôtres—réalisent des profits considérables à l'étranger et que cet argent revient ici où il est imposé. Il est aussi utilisé pour financer les programmes sociaux et pour aider les particuliers, au sort desquels vous vous intéressez certainement beaucoup. C'est là une des réalités de notre secteur des services financiers. Je crois que le pourcentage atteint 40 p. 100, et que c'est dans ce secteur qu'on trouve 90 p. 100 des emplois, dont 80 p. 100 dans notre pays.
• 2220
Si l'on vous demandait donc de définir un secteur vraiment
profitable pour les Canadiens—je parle uniquement là de profits et
de production de richesse—ce ne pourrait être que le secteur des
services financiers.
M. Peter Bleyer: Dans ce cas, il faudrait probablement considérer ce que les grandes banques à charte canadiennes ont fait dans les années 80, époque à laquelle, entre autres, elles ont fait de gros efforts pour s'implanter dans d'autres pays et qu'elles ont utilisé en fait ceux-ci comme refuges sûrs d'où elles consentaient des prêts afin d'éviter les impôts canadiens dans toute la mesure du possible.
Nous ne comptons ni sur les banques ni sur les autres sociétés. Je ne crois pas qu'il soit écrit dans leur énoncé de mission qu'elles sont tenues de défendre l'intérêt public. Ce n'est pas leur travail, c'est le vôtre.
C'est cependant un point important. Ce n'est pas le rôle des banques à charte canadiennes. Nous pensons, en fait, qu'elles devraient être soumises à des règlements plus rigoureux car il est évident que dans un passé très récent, dans les années 80 par exemple, il y a eu beaucoup de prêts irrécouvrables, mais ce n'est pas du Canada qu'ils provenaient mais de ces refuges sûrs. Je ne veux pas entrer dans le détail car je risque de me tromper de pays, mais il y a certains pays qui ont été utilisés par ces banques. Ce qui les intéressait c'était leurs résultats financiers.
Ce qu'il faut absolument, c'est que pendant que toutes ces institutions cherchent à réaliser le maximum de profits, ce qui est leur droit, puisqu'elles sont au service de leurs actionnaires, le gouvernement du Canada établisse un règlement qui précise qu'il ne s'agit pas là de leurs seules obligations, d'autant plus que pendant des années, il les a protégées et soignées aux petits oignons.
Il nous reste deux choix. Ou bien nous disons aux banques que nous les avons trop longtemps dorlotées et que nous allons les laisser se faire rudoyer par une bande de grosses banques étrangères, ce qui vous fera peut-être plaisir—en fait, c'est probablement faux—mais cela ne servirait pas les Canadiens; ou bien il est grand temps que nous les obligions à s'occuper des intérêts bien sentis des Canadiens. C'est ainsi que nous concevons la réglementation.
Le rôle que le secteur des services financiers pourrait jouer dans l'intérêt des Canadiens est indiscutable, mais nous ne comptons guère là-dessus. Nous comptons sur le gouvernement pour qu'il agisse en notre nom et établisse le genre de règlements qui forceront ces institutions à les servir.
Le président: C'est très clair. Le rôle des législateurs est de protéger l'intérêt public. Pour moi, c'est l'évidence même.
M. Peter Bleyer: Ce n'est pas du tout ce à quoi conduit la déréglementation, car, au cours de ces 10 à 15 dernières années, nos législateurs et d'autres personnes ont renoncé à agir en notre nom. Il y a un certain temps que je m'occupe de ce genre de questions, et nous en avons tous assez de voir que dans bien des cas, nos représentants ne nous défendent pas. Ils ont utilisé tous les moyens possibles, et il est parfois incroyable de voir des gouvernements qui se sabordent, des gens qui éliminent leurs propres emplois. Je me suis même demandé à un certain moment si Paul Martin voulait supprimer son poste de ministre des Finances, étant donné sa hâte à promouvoir la déréglementation, pas nécessairement dans le secteur des services financiers mais aussi dans d'autres secteurs; avant lui, M. Axworthy en avait fait autant dans le domaine de la politique sociale.
Ceux d'entre nous qui sont les défenseurs de l'intérêt public traversent une période bien étrange car il y a eu des jours où nous nous sommes demandés si nous pouvions compter sur les législateurs—loin de moi l'idée de critiquer les personnes présentes—mais c'est le contexte général de ces 15 dernières années, au moins.
Le président: Merci.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett: Je tiens à dire que de nombreux témoins, quelles que soient leurs critiques à l'égard de la situation financière du Canada, doivent reconnaître qu'elle est une des plus saines du monde et que des mesures de réglementation sont en cours. Nous avons entendu le BSIF aujourd'hui. Sur le plan de la sécurité et de la stabilité, je crois que les Canadiens ne risquent rien à placer leur argent à la banque car lorsqu'ils en auront besoin, il sera toujours là.
Dans ma circonscription, il y a de nombreuses veuves qui ont placé leur argent dans des actions bancaires. Les économies ou les pensions de plus de la moitié des Canadiens sont, directement ou non, placées dans des actions bancaires.
• 2225
Je viens de Toronto. Manifestement, c'est un centre financier.
Un comptable sur cinq et un avocat sur cinq travaillent pour une
banque et il est donc bien difficile de croire que le gouvernement
n'a pas pris les règlements au sérieux. Il est très intéressant de
noter que les gens considèrent que les banques offrent la même
sécurité que les institutions publiques, en dépit de la
concurrence. Franchement, la plupart de ces institutions publiques
ne sont rien de moins que des monopoles fortement réglementés.
Certes, les gens aiment bien critiquer les banques, mais ce que l'on entend exprimer, c'est une confiance profonde dans la sécurité et la solidité du système. Une foule de gens sont ravis de pouvoir réaliser quelques profits.
En ce qui concerne l'avenir, je ne vois pas de quels autres règlements vous auriez besoin. Si l'on considère que la véritable raison de toute réglementation est d'assurer la sécurité et la solidité du système, nous faisons un travail tout à fait méritoire. On dit aujourd'hui qu'on ne court guère de risque à accueillir de nouveaux intervenants et à offrir de plus larges choix aux consommateurs, en permettant à de jeunes banques de s'installer ou en laissant les coopératives de crédit grossir un peu, par exemple. Peut-être faudra-t-il prendre un peu plus de risques, et c'est précisément ce que MacKay disait au sujet de la réglementation.
M. Peter Bleyer: Je ne crois pas que nous puissions lâcher la bride aux banques. Premièrement, il est vrai que notre situation n'est pas du tout comparable à celle de la Russie, pas plus d'ailleurs qu'à celle des États-Unis à bien des égards. Je crois que nous pouvons nous enorgueillir de cette situation en dépit de la réglementation de ces 10 ou 15 dernières années. Notre système était si bon il y a 15 ans qu'en dépit de tous les coups que nous lui avons portés, il soutient encore largement la comparaison avec les autres.
Une des choses que nous pourrions rétablir c'est l'obligation d'une réserve fédérale. Ce serait un grand pas dans la bonne direction. Mais il ne faut absolument pas lâcher la bride aux banques. Nous parlons de prendre un peu plus de risques, mais franchement la rentabilité des banques a été assez impressionnante.
On peut se demander à qui les banques appartiennent en réalité. On nous parle souvent des veuves de Toronto, de Montréal ou d'ailleurs qui ont dix actions de la Banque de Montréal, mais nous ne savons pas vraiment combien ces banques ont d'actionnaires. J'ai l'impression qu'il serait intéressant de savoir. «Profit» n'est pas un vilain mot, mais les profits scandaleux réalisés dans bien des cas par les banques au cours de ces dernières années nous incitent à penser que leur marge est suffisante pour que nous puissions prendre un certain nombre de mesures sans danger.
N'y a-t-il pas place pour prendre quelques mesures? Nous proposons, par exemple, la création d'un fonds d'investissement national. Ce fonds pourrait être alimenté grâce à un prélèvement modeste sur les profits supérieurs à la moyenne des institutions financières. Il pourrait également être financé d'autres manières—on pourrait utiliser une partie des biens détenus, un peu comme fonctionnait le système de réserve fédérale.
Il y a la question des intérêts encaissés par les banques privées, qui ne sont plus obligées de passer par la Banque du Canada, étant donné qu'il n'y a pas de réserve fédérale depuis les changements adoptés sous Mulroney.
Ces dernières années, les banques ont eu la partie belle, et à mon avis, il ne faut pas trop se préoccuper du risque présenté par les mesures proposées. Les banques ont suffisamment écrémé d'argent pour financer les changements nécessaires.
Mme Carolyn Bennett: Les vieilles dames dont je m'occupe sont heureuses. Étant donné les taux d'intérêt actuels, elles sont ravies que les banques gagnent de l'argent. Cela les aide à résoudre leurs petits problèmes de revenus, n'est-ce pas?
M. Jamie Dunn: N'oublions pas qu'il ne s'agit pas de punir les banques, pas plus que tout autre membre de l'industrie financière.
• 2230
Vous avez parlé de la tradition de stabilité de l'industrie
bancaire canadienne, et la partie du rapport qui nous intéressait
était la référence directe faite à l'obligation d'établir un
équilibre entre la stabilité et le risque et l'innovation.
L'objectif avoué du rapport était de modifier l'équilibre en faveur du risque et de l'innovation, et cela dès maintenant, à cause du marché mondial actuel particulièrement propice et, comme je l'ai déjà dit, de l'attitude générale très positive. La raison pour laquelle le rapport nous a alarmés c'est qu'il ne reconnaissait pas l'existence des événements qui se produisaient alors même qu'on le rédigeait. À notre avis, il n'était pas équilibré. Nous ne pensons pas que ce soit une bonne idée, à partir de ce thème général, de déclarer que nous devrions nous lancer dans des innovations risquées et laisser l'instabilité s'instaurer.
Mme Carolyn Bennett: C'est comme lorsque nous avons parlé des guichets automatiques, ne pourrait-on pas prendre un risque qui, sans rapporter de l'argent, pourrait être utile aux consommateurs et donc...
M. Peter Bleyer: Il faut définir ce que l'on entend par risque et par innovation. On en parle comme on le fait de la mondialisation—on dit que c'est une manoeuvre d'avant-garde, comme le laissait entendre votre collègue du Bloc québécois. Promouvoir le risque et l'innovation, mais pourquoi? Lorsque les représentants des groupes intéressés ont comparu, un de vos collègues du comité et vous-même avez demandé ce que recherchait exactement Interac. Ce qui intéresse Interac et toutes ces autres associations ou sociétés, ce sont les résultats financiers; c'est cela qui les intéresse dans le risque et l'innovation. On pourrait se contenter de mesures novatrices pour améliorer l'accès au capital des collectivités dans le besoin. Le fonds d'investissement national pourrait être utilisé pour cela. Il ne serait pas nécessaire de prendre de risques du tout. Il suffirait de dire aux banques, «Nous allons vous prendre un minuscule pourcentage de vos bénéfices pour alimenter le fonds». Le risque serait nul, l'innovation fleurirait, et les résultats seraient excellents. La question qui se pose donc est de savoir pourquoi prendre des risques et innover.
Mme Carolyn Bennett: Dès qu'il s'agit des consommateurs, il y a toujours un risque. Si vous créez quelque chose, les clients viendront et s'ils ne viennent pas, il y a un risque, parce qu'il faut savoir prédire ce que peuvent vouloir les consommateurs. Je pense que nous ne devrions pas créer d'obstacle.
M. Peter Bleyer: Les consommateurs? Encore une fois, il ne s'agit pas uniquement des consommateurs, car notre fonds national d'investissement n'a rien à voir avec les consommateurs. Bien sûr, ils entrent en jeu, mais ce que l'on risque de perdre là-dedans, c'est la fonction de services quasi-publics des banques.
À la veille du XXIe siècle, du nouveau millénaire, il me semble que les banques ont aujourd'hui des fonctions similaires à celles de la sécurité nationale dans les générations antérieures. Il faut absolument prendre au sérieux l'accès au capital et la capacité d'investir, de créer des emplois, etc. Ce sont là des choses trop importantes pour qu'on laisse les banques, les intérêts privés le soin de s'en occuper.
Mme Carolyn Bennett: Vendez des assurances et louez des voitures.
M. Peter Bleyer: Nous ne sommes pas particulièrement favorables à une concentration plus poussée, qu'elle soit verticale ou horizontale, à cause du pouvoir que cela donne à ces sociétés. Notez cela.
Le président: Je propose de recommander de partager toutes les grandes banques entre quatre institutions. Si vous avez peur de la concentration et que vous trouvez qu'elle est déjà suffisante, pourquoi ne...
M. Peter Bleyer: Nous pensons que c'est la réglementation qui est la bonne solution. Vous avez dit que certains services publics sont des monopoles et que certains fonctionnent fort bien. Il s'agit vraiment d'une question de degré... Nous avons affaire à de puissantes sociétés privées, en dépit du fait qu'elles ont des fonctions apparentées à celles des services publics. Nous ne croyons pas au Père Noël; mais jamais ces banques ne deviendront des institutions vraiment publiques. Ce sont des sociétés privées.
Nous ne nous faisons pas non plus d'illusions sur les sources de la volonté politique. Au lieu de fragmenter les banques existantes, nous préférerions avoir des gouvernements qui ont la capacité et le courage nécessaires pour leur imposer des règles qui les obligeraient à agir dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens et de ces collectivités. Il n'est pas nécessaire pour cela de fractionner chaque institution pour en faire quatre banques. Je doute fort que le gouvernement actuel ou tout autre gouvernement dans un proche avenir soit prêt à relever ce genre de défi. Nous ne sommes pas fous.
Le président: Vous avez parlé de superbénéfices et vous avez dit que l'on devrait les imposer d'une manière ou d'une autre. Premièrement, c'est ce que nous faisons—je crois que cela représente 100 millions de dollars en plus de l'impôt normal. Qu'est-ce qui vous permet de dire qu'il s'agit de superbénéfices?
M. Peter Bleyer: Nous vous renvoyons à un document à l'élaboration duquel nous avons participé. Il s'agit du contre-budget fédéral qui, ces dernières années, proposait un certain nombre de formules différentes d'imposition des superbénéfices des institutions financières, ainsi que divers autres instruments conçus pour générer le genre de ressources dont on a besoin pour les programmes sociaux et autres mentionnés par vous, ainsi que pour uniformiser la situation en ce qui concerne ces superbénéfices. Nous vous invitons donc à consulter ce contrebudget qui contient toute une série de propositions à ce sujet.
Le président: Lorsque les banquiers comparaissent devant notre comité, ils disent que le rendement de leurs capitaux propres se situe dans la moyenne—je parle maintenant des diverses industries. Ce rendement ne devrait-il pas les intéresser?
M. Peter Bleyer: Certainement; c'est ça leur travail. Leur tâche est de veiller à ce que vous fassiez le moins possible pour compromettre leur capacité de continuer à optimiser les profits, le rendement des capitaux propres, le rendement de l'actif et tous les autres taux de rendement utilisés qui peuvent être manipulés dans un sens ou dans l'autre.
La question est de savoir ce que l'on peut considérer comme acceptable, étant donné les autres obligations de notre société. Nous pouvons présenter des propositions, mais bien évidemment, il y aura un débat sur la limite à ne pas dépasser. Nous serions ravis que le principe d'un impôt sur les superbénéfices soit accepté et qu'on se mette d'accord là-dessus. Il s'agirait ensuite de déterminer les chiffres exacts et les moyens d'appliquer cette mesure.
Je tomberais littéralement à la renverse si le président-général d'une grande banque ne défendait pas le droit de son institution, et la nécessité pour elle, d'optimiser les profits, quels que soient les ratios ou autres mesures utilisés pour les calculer. Il n'y a rien de nouveau dans tout cela. La question est de déterminer ce qui est dans l'intérêt du public, et de décider ce qu'il faudrait faire ensuite.
Le président: Bien. Au nom du comité, je vous remercie.
La séance est levée.