FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 29 avril 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous cet après-midi.
Comme vous le savez, le Comité des finances étudie la productivité. Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi un certain nombre d'experts en la matière. Monsieur Mike McCracken, président-directeur général d'Informetrica, je vous souhaite la bienvenue. Monsieur Jonathan Kesselman, économiste de l'Université de la Colombie-Britannique, nous vous accueillons de nouveau aujourd'hui, puisque vous étiez déjà ici hier. Et enfin, nous accueillons M. Fred McMahon, analyste principal en matière de politiques, Atlantic Institute for Market Studies.
Nous allons commencer par M. Kesselman. Comme vous le savez, vous avez environ de cinq à dix minutes pour faire votre exposé, après quoi nous aurons une période de questions et réponses.
Bienvenue à tous. Vous avez la parole.
M. Jonathan R. Kesselman (Université de la Colombie-Britannique): Merci.
Je voudrais traiter du rapport entre la fiscalité et la productivité. Si nous devions établir une liste des facteurs qui déterminent la productivité d'une économie et le niveau de vie d'une population, pour ensuite éliminer de cette liste tout ce qui ne dépend pas directement de décisions politiques, que resterait-il? Une liste très courte. Il y aurait la réglementation et la politique du marché du travail et le régime fiscal figurerait assurément sur toute liste très courte car il s'agit d'un facteur très important.
J'insiste toutefois dès le départ sur le fait qu'à mes yeux, la politique fiscale n'est pas une panacée susceptible de résoudre tous les problèmes relatifs à la productivité d'une économie. Il est certain que c'est un phénomène à multiples facettes, mais la fiscalité est importante. Indéniablement, la fiscalité des sociétés est l'un des éléments qu'il nous faudrait examiner dans le cadre d'une discussion sur la productivité. Le rapport publié l'année dernière par le comité technique sur la fiscalité des entreprises, connu sous le nom de comité Mintz, contenait beaucoup de recommandations constructives qui s'inscrivaient toutes, naturellement, dans le cadre du mandat du comité, qui était de faire des propositions n'ayant aucune incidence sur les recettes fiscales.
Dans l'environnement fiscal d'aujourd'hui, je dirais qu'une baisse des impôts des sociétés représenterait une façon valable et justifiée de dépenser une partie du surplus. Parmi les nombreuses recommandations du comité Mintz qui sont pertinentes à l'objectif en matière de productivité, je voudrais en faire ressortir deux. Premièrement, réduire globalement le taux d'imposition des sociétés qui ne sont pas dans les secteurs de la fabrication, de la transformation et des ressources, lesquels bénéficient déjà de taux plus bas. Tous les autres secteurs qui ne sont pas visés, notamment le secteur des services, des logiciels, de la technologie de pointe et de la biotechnologie, ont assurément besoin des taux plus bas que nous accordons depuis nombre d'années aux secteurs de la fabrication et des ressources.
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Le deuxième élément du comité Mintz que je voudrais faire
ressortir, c'est qu'il faut que les cotisations des employeurs à
l'assurance-emploi soient fonction de l'expérience. Ainsi, les
entreprises et les secteurs stables ne seraient plus forcés de
subventionner les entreprises et les secteurs où l'emploi est
instable. S'il faut accorder une certaine attention à l'imposition
des entreprises, c'est l'impôt des particuliers qui devrait à mon
avis être l'élément central de la stratégie fiscale visant la
productivité.
Bien sûr, l'objectif ultime de l'accroissement de la productivité est d'élever le niveau de vie réel des Canadiens. Un point de vue simpliste mais répandu est qu'il faut réduire l'impôt des particuliers simplement pour permettre aux Canadiens de conserver une plus grande partie de leur revenu brut. Il est indéniable que le revenu disponible des gens et donc la consommation des particuliers en seraient augmentés, mais la refonte de l'impôt des particuliers doit être conçue dans une optique beaucoup plus large que celle d'offrir un allégement fiscal immédiat.
La réforme de l'impôt des particuliers doit viser une amélioration sur trois plans: à court terme, l'efficience économique, c'est-à-dire dans quelle mesure les ressources sont bien réparties; à moyen terme, l'accroissement de l'emploi; et à long terme, la croissance de la productivité. Tous ces résultats contribueront à relever le niveau de vie réel des Canadiens.
En élaborant une politique de l'imposition personnelle, une question-clé se pose: faut-il mettre l'accent sur la baisse des taux ou sur les réformes de base? Laquelle est prioritaire? Dans le débat sur l'imposition personnelle au Canada, les arguments les plus répandus visent uniquement les réductions de taux. Pour ma part, je soutiens que les réformes fondamentales sont plus importantes pour augmenter la croissance de la productivité, quoique la baisse des taux joue aussi un certain rôle. Mon analyse et mes recommandations à cet égard sont fondés sur un article dont j'ai déjà fait parvenir copie au comité et qui est actuellement révisé pour être publié dans la revue de l'Association canadienne d'études fiscales.
Pour établir le contexte de cette réflexion, il faut faire une brève récapitulation de l'état des connaissances sur la politique fiscale et la performance économique des nations.
Premièrement, des analyses statistiques soignées à partir de données transnationales n'ont pas permis de trouver de lien systématique entre la taille de l'appareil gouvernemental ou le fardeau fiscal total et le taux réel de croissance économique. Cette constatation est bien sûr contraire à la croyance populaire selon laquelle une fiscalité lourde fait obstacle à la croissance.
Deuxièmement, l'examen des données brutes montre que certains pays parmi les plus lourdement taxés de l'Europe continentale ont eu une croissance de la productivité supérieure à celle des États-Unis ou du Canada. Des impôts élevés favorisent-ils donc la croissance? Je ne crois pas que ce soit nécessairement une bonne conclusion. Un examen plus poussé du régime fiscal de divers pays révèle que les pays d'Europe ont bien davantage recours aux impôts sur la consommation, comme la taxe sur la valeur ajoutée qui ressemble à notre TPS, et aux impôts sur le revenu du travail, par exemple les charges sociales prélevées pour financer des programmes de sécurité sociale. Et ces pays comptent beaucoup moins que le Canada ou les États-Unis sur les impôts prélevés sur le revenu du capital.
Troisièmement, en étudiant ces données, nous avons obtenu une nouvelle confirmation de la validité de ce point de vue, qui est étayé par un nombre croissant de travaux de recherche théorique consistant à comparer l'efficience de divers impôts et leur effet sur la croissance. Les chercheurs ont constaté en effet qu'un impôt sur la consommation est le plus favorable à la croissance de la productivité et du niveau de vie, suivi de près par un impôt sur le revenu du travail ou les salaires. Sur ce plan, un impôt sur le revenu total, c'est-à-dire le revenu du travail plus le revenu du capital, se classe loin derrière, et le pire de tous est de loin un impôt visant uniquement le revenu du capital.
Ces constatations s'expliquent par des considérations économiques complexes, mais une explication qui relève du bon sens est que l'imposition du revenu du capital ou l'imposition de l'épargne réduit le taux d'investissement. Avec un stock de capital moindre à long terme, la production totale est plus basse, de même que la productivité et le salaire réel de chaque travailleur. En faisant en sorte que l'impôt des particuliers frappe plutôt la consommation que le revenu, nous pouvons obtenir ces avantages à long terme.
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Quelle est donc actuellement l'assiette de notre impôt des
particuliers, que nous appelons par convention l'impôt sur le
revenu des particuliers? En fait, pour plus de 90 p. 100 des
Canadiens, il se rapproche beaucoup plus d'un impôt sur la
consommation que d'un impôt sur le revenu. Cela s'explique par deux
raisons. D'abord la déductibilité de l'épargne dans le cadre des
régimes de pension agréés établis par l'employeur et des REER
individuels, avec un plafond annuel de 13 500 $ par travailleur et
18 p. 100 des revenus. Ainsi, les travailleurs qui gagnent jusqu'à
75 000 $ par année peuvent mettre la totalité des revenus tirés de
leur capital à l'abri de l'impôt, s'ils le souhaitent. Et la
deuxième caractéristique est l'exonération du gain en capital
réalisé à la vente des maisons, ce qui est l'autre principale
méthode d'épargne pour la plupart des Canadiens.
Les 10 p. 100 ou moins de Canadiens qui se situent dans la tranche supérieure sont assujettis à des limites de cotisations aux régimes enregistrés d'épargne. Ils sont en fait imposés sur toute épargne additionnelle et sur le revenu réalisé grâce à ce capital sous forme d'intérêts, de dividendes et de gains en capital. Il en résulte que l'impôt sur le revenu des particuliers au Canada est en réalité, comme je l'ai dit, un impôt sur la consommation pour plus de 90 p. 100 de nos concitoyens et un impôt sur le revenu pour les autres. Mais ce dernier groupe relativement restreint représente une part disproportionnée de l'épargne et de l'investissement dans notre économie. Étant établi que les coûts en efficience et en productivité sont les plus élevés quand on impose le revenu total ou le revenu du capital, c'est tout simplement une mauvaise politique économique.
La stratégie fiscale que je propose consiste à réformer l'assiette de l'impôt des particuliers de manière qu'un plus grand nombre de Canadiens soient imposés sur la consommation plutôt que sur le revenu. Je ne propose pas d'adopter intégralement un impôt sur la consommation personnelle, car cela soulève de difficiles questions de transition et d'équité relativement aux gens vraiment riches, à ceux dont les biens valent des millions ou des milliards de dollars.
La question est de savoir quelle importance relative il faut accorder à la baisse des taux, par opposition aux réformes fondamentales. Je ne m'attarderai pas tellement dans cette présentation sur les contribuables dont le revenu se situe dans les tranches inférieure et moyenne; il est bien sûr évident qu'il faudrait dans leur cas rehausser davantage le seuil du revenu imposable. Pour les tranches de revenu plus élevé, sur lesquelles portent essentiellement mes observations, il faut aussi réduire les taux dans une certaine mesure. Idéalement, sur plusieurs années, nous devrions viser un taux marginal maximum, en additionnant l'impôt fédéral et provincial, qui ne serait pas tellement supérieur à 45 p. 100. Actuellement, ce taux se situe autour de 50 p. 100 dans beaucoup de provinces. Et le seuil de revenu à partir duquel ce taux marginal s'applique devrait être rehaussé fortement; il se situe actuellement autour de 60 000 $ à 70 000 $ et il faudrait probablement le porter aux alentours de 150 000 $.
Il n'en demeure pas moins qu'il faut chercher plutôt à opérer des réformes fondamentales pour se tourner vers une assiette fondée sur la consommation, plutôt qu'à réduire les taux. Imposer plutôt la consommation réduit effectivement le taux d'imposition marginal réel sur le revenu du capital et sur l'épargne, et il peut éventuellement le réduire à zéro, même si le taux d'imposition ne change pas officiellement. Les travaux de recherche empirique et théorique en économie montrent que les gains d'efficience et de productivité sont plus importants quand on réduit les taux marginaux sur le revenu du capital plutôt que sur le revenu du travail. Ainsi donc, un changement d'assiette fiscale est supérieur à une baisse des taux. C'est une première approximation.
Pour mettre en oeuvre cette stratégie, je préconise deux mesures principales. Premièrement, rehausser la limite des cotisations aux régimes enregistrés de retraite. Le plafond, qui est actuellement de 13 500 $, devrait être porté à peut-être 30 000 $, ce qui n'est rien en comparaison du régime fiscal américain, qui autorise des cotisations pouvant atteindre 30 000 $ US par année dans les régimes de pension à cotisations déterminées.
On pourrait aussi, dans le même ordre d'idées, envisager des régimes du genre de ceux dits Roth IRA. Il s'agit d'une innovation américaine. Examinons la possibilité de les utiliser au Canada. Dans un tel régime, il n'y a aucune déduction d'impôt pour les cotisations, mais il n'y a pas non plus d'impôt sur les revenus d'investissement ni sur l'argent retiré du régime. D'autres mesures du même ordre consisteraient à éliminer la limite imposée pour les avoirs étrangers dans un régime enregistré et d'appliquer le crédit d'impôt pour dividendes aux régimes enregistrés.
La deuxième grande mesure proposée pour modifier l'assiette de l'impôt serait de réduire la proportion des gains en capital assujettie à l'impôt, qui est actuellement de 75 p. 100, pour la ramener à 50 p. 100. Cette mesure serait bénéfique sur plusieurs plans. Elle nous ramènerait au régime d'imposition des gains en capital que nous avions en 1987 et antérieurement. Elle serait un encouragement supplémentaire à l'esprit d'entreprise et à la création d'emplois et nous rapprocherait davantage du traitement fiscal des gains en capital aux États-Unis, qui a été considérablement allégé ces dernières années. Bien sûr, nous nous rapprocherions ainsi également d'une assiette fiscale axée sur la consommation dans notre impôt des particuliers en réduisant l'impôt prélevé sur l'une des principales formes de revenu du capital.
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Je propose aussi d'autres réformes fondamentales pour
compenser en partie la baisse des recettes que causeraient les
propositions que je viens d'énoncer et pour répondre aux
éventuelles préoccupations du public qui pourrait croire que ces
propositions ne sont que des allégements fiscaux destinés aux mieux
nantis. Par ailleurs, ces autres mesures sont en elles-mêmes
valables sur le plan de la politique fiscale. Je suggère de limiter
la déductibilité des intérêts sur l'argent emprunté aux fins de
placement, la limite correspondant au montant du revenu de
placement imposable déclaré en une année donnée. J'éliminerais
immédiatement ou graduellement l'exemption à vie de 500 000 $ sur
le gain en capital réalisé à la vente d'actifs agricoles ou de
petites entreprises. J'établirais ou j'envisagerais d'établir un
impôt sur les dividendes versés comme le propose le comité Mintz,
pour garantir que l'on n'accorde pas de crédits d'impôt pour
dividendes dans les cas où aucun impôt sur les sociétés n'a été
payé. J'éliminerais aussi une vaste gamme d'autres dispositions,
par exemple les fonds de capital de risque de travailleurs et
autres dispositions fiscales spéciales qui ne se sont pas révélés
efficaces et qui compliquent indûment notre régime fiscal.
En terminant, il y a amplement place pour des réformes de la fiscalité des particuliers, lesquelles contribueraient sensiblement à accroître l'efficacité, à créer des emplois et à augmenter la productivité, qui sont des conditions préalables indispensables à l'élévation du niveau de vie.
Ces mesures pourraient entraîner la baisse de certains taux d'imposition, mais surtout, elles modifieraient l'assiette de l'impôt des particuliers dont un plus grand nombre seraient imposés sur la consommation. En même temps, ces mesures atteindraient d'autres objectifs fiscaux importants, par exemple la simplification générale du régime fiscal et le renforcement de la neutralité et de l'égalité du régime fiscal dans son application aux divers secteurs et types d'épargne et de placement.
Les modifications du régime fiscal que je préconise contribueraient davantage à améliorer la performance économique qu'une stratégie consistant à saupoudrer une série d'encouragements et de mesures d'aide sectorielle étroitement ciblés. Notre histoire est jonchée de tentatives d'appliquer cette dernière formule en matière de fiscalité à des domaines comme la prospection énergétique dans les régions éloignées où les coûts sont élevés; les immeubles résidentiels; la production cinématographique; et bien d'autres. Cette approche continue d'encombrer les officines gouvernementales qui se penchent sur diverses mesures fiscales dans des domaines comme les franchises de la LNH ou les régimes d'options d'achat d'actions pour les cadres dans le secteur de la technologie de pointe. Il y a une meilleure façon de s'y prendre.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Kesselman.
Nous entendrons maintenant M. McCracken.
M. Mike McCracken (président-directeur général, Informetrica): Merci.
Je sais que M. Kesselman doit partir tôt. Si vous vous attendez à devoir vous absenter pour un vote, je suis tout disposé à vous permettre de lui poser vos questions en premier, car pour ma part, je suis ici à Ottawa et je peux revenir après.
Le président: Monsieur Kesselman, à quelle heure devez-vous partir?
M. Jonathan Kesselman: Je dois partir peu après 5 heures.
Le président: Nous pourrions peut-être procéder comme on vient de le suggérer. Nous allons donc vous poser des questions, après quoi nous reviendrons à M. McCracken.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président.
C'était un exposé fort intéressant et je vous en remercie. Une foule d'idées me sont passées par la tête. Pour ce qui est de votre idée d'un impôt sur la consommation, est-ce que vous augmenteriez la TPS et la TVH? Augmenteriez-vous les taux ou le nombre d'articles auxquels ces taxes s'appliquent, ou bien écartez-vous cette possibilité? Vous n'avez pas mentionné la TPS, sinon en passant.
M. Jonathan Kesselman: Toutes mes recommandations se rapportent à l'impôt personnel et visent à faire en sorte qu'il frappe la consommation pour un plus grand nombre de gens. Comme je l'ai dit, probablement 90 p. 100 des contribuables canadiens ou même davantage sont déjà en fait imposés sur leur consommation, même si nous appelons cela l'impôt sur le revenu.
La TPS est assurément une autre façon d'infléchir notre régime fiscal vers l'imposition de la consommation. On pourrait peut-être soutenir qu'il faut renforcer notre dépendance relative envers la TPS et réduire notre dépendance relative envers les impôts des particuliers et des sociétés. Ce serait une façon de s'y prendre, qui pourrait toutefois susciter une opposition politique.
Mais je pense qu'il y a aussi de bonnes raisons d'infléchir l'impôt des particuliers en direction d'une assiette fiscale axée sur la consommation, plutôt que d'accentuer notre dépendance envers la TPS. Je dis cela simplement parce que, dans un régime d'impôt des particuliers, on peut tenir compte des cas individuels, par exemple les personnes handicapées ou les frais médicaux. On peut aussi tenir compte des personnes à faible revenu. Bien sûr, dans le cas de la TPS, nous le faisons au moyen du crédit remboursable.
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Nous pouvons appliquer à l'impôt personnel un barème
d'imposition progressif. La TPS est évidemment fixée à un taux
uniforme de 7 p. 100. Si l'on augmente le taux, ce sera un taux
uniforme de 8 p. 100. Je crois donc qu'il est probablement
préférable, pour modifier globalement notre régime fiscal afin
qu'il soit davantage axé sur l'imposition de la consommation, de
procéder en faisant une telle refonte de l'impôt sur les
particuliers, plutôt que d'adopter des taxes sur la valeur ajoutée
de 15 ou de 20 p. 100, à la mode européenne, ce qui reviendrait à
une TPS de 15 ou de 20 p. 100.
M. Ken Epp: J'ignore si les économistes sont d'accord avec cette théorie, mais je crois intuitivement que plus on taxe une activité quelconque, plus cette activité diminue. En fait, si l'on devait taxer quelque chose à 100 p. 100, l'activité en question devrait normalement disparaître complètement, qu'il s'agisse d'acheter, de vendre ou quoi que ce soit. Si l'on réduit ou si l'on élimine complètement les taxes sur un objet quelconque, alors les forces du marché peuvent jouer librement. Si l'objet ou l'activité en question est bonne pour la productivité de notre pays et donc pour notre économie, alors la réduction de taxe renforce cette activité, tout comme la croissance économique et la productivité de notre pays.
Mais ce n'est pas du tout votre raisonnement. Vous voulez réduire l'impôt sur le capital. Je pense que vous dites qu'en faisant cela, vous voulez augmenter l'investissement et le capital, ce qui est bon pour la productivité. J'espère vous avoir bien compris.
Mais qu'en est-il des revenus? Si vous dites aux gens que leur revenu marginal est imposé à 65 p. 100, ce qui est le cas pour beaucoup de Canadiens défavorisés, et si vous examinez les répercussions globales de tout gain en sus de 20 000 $, ce supplément est très lourdement taxé, ce qui dissuade fortement de travailler à temps partiel. Quelles sont les incidences de ces impôts sur l'économie et sur la productivité? Il me semble que c'est là-dessus que nous devrions insister.
M. Jonathan Kesselman: Je parle ici de ceux qui gagnent des revenus élevés, qui ne représentent pas la plus grande partie de la population, mais qui comptent pour beaucoup dans l'épargne totale et les décisions d'investissement, et même si le grand public n'aime peut-être pas les gens qui sont à l'aise, ces derniers n'en sont pas moins, à cause de cela, très importants pour la croissance de la productivité de l'économie, des salaires réels et du niveau de vie. Donc, en réduisant l'impôt sur le revenu du capital, comme vous le dites, l'épargne et le stock de capital augmenteront et, à long terme, les salaires des gens dont les compétences sont moyennes ou même inférieures à la moyenne augmenteront aussi, et il y aura plus d'emplois.
Je suis également d'accord avec vous pour dire que les gens qui gagnent, disons, entre 20 000 $ et 30 000 $ et qui ont des enfants subissent des taux d'imposition marginaux très élevés à cause de la façon dont nous avons structuré notamment les avantages fiscaux pour enfants et d'autres programmes de crédits remboursables, et je pense que cela mérite une certaine attention. Ce n'est pas facile à changer. Bien sûr, on peut le faire en réduisant les avantages, mais ce n'est probablement pas dans cette direction que nous voulons aller.
Pour ce qui est de l'augmentation de la productivité, de l'épargne et de la croissance à long terme, si l'on examine les mesures fiscales qu'il faut prendre pour viser ceux qui ont des revenus élevés, je dirais qu'il est plus important de les imposer sur la base de la consommation que de réduire leur taux marginal d'imposition. En fait, il y a probablement place pour les deux. Mais si nous devons trancher, il importe de se rappeler que, d'après ce que nous avons observé dans divers pays et ce que nous savons dans le domaine de l'économique, le coût pour l'économie en termes d'efficience et de croissance est plus élevé lorsqu'on taxe le revenu marginal du capital que lorsqu'on taxe le revenu du travail.
M. Ken Epp: À mon avis, l'un des facteurs très importants est que le monde a rapetissé. Auparavant, nous étions presque isolés, simplement parce que les transports et les communications étaient tellement lents et compliqués, tandis que maintenant l'argent fait le tour du monde en quelques millisecondes et il est certain que les biens et les services sont beaucoup plus mobiles. Quelle est l'incidence du régime fiscal du Canada par rapport à celui de notre grand voisin du sud? Vous n'en avez pas vraiment parlé. Vous nous avez comparés avec les Européens dans une certaine mesure, et naturellement ils nous font aussi concurrence. Mais notre principal concurrent, ce sont les États-Unis, et leur régime fiscal est vraiment très différent. On nous dit par exemple que leur taux de chômage est la moitié du nôtre. Il en résulte que leur produit intérieur brut par travailleur est beaucoup plus élevé, de même que leur productivité. Nous avons des difficultés de ce côté-là. En conséquence, n'est-il pas impératif pour nous, en tant que pays, de modifier notre régime fiscal pour qu'il se rapproche davantage de celui des Américains?
M. Jonathan Kesselman: Je dirais que nous devrions étudier la question. Nous devrions examiner les conséquences d'un régime fiscal différent. En fait, la structure de la fiscalité canadienne et la composition des recettes fiscales se rapprochent beaucoup de celles des États-Unis, nous sommes beaucoup plus proches des États-Unis que de l'Europe. Les États-Unis—c'est-à-dire le gouvernement fédéral et ceux des États—comptent aussi fortement que le Canada sur l'impôt sur le revenu en pourcentage des recettes fiscales totales, soit beaucoup plus que bien d'autres pays du monde.
Si vous examinez mes propositions, consistant à infléchir l'assiette fiscale vers la consommation pour ceux qui ont des revenus élevés, mais pas pour les multimillionnaires, elles nous rapprocheraient en fait beaucoup du système américain en réduisant notre taux réel d'imposition des gains en capital à un taux d'inclusion de 50 p. 100. Si vous ajoutez à cela ma proposition d'un taux marginal total de 45 p. 100 au maximum, vous auriez alors un taux réel d'imposition de 22 ou de 22,5 p. 100 sur les gains en capital. Récemment, les États-Unis ont fixé à 20 p. 100 le taux marginal fédéral maximum de l'impôt sur les gains en capital, mais les États prélèvent également des impôts. Nous serions très compétitifs à cet égard.
Mon autre grande proposition consiste à relever les limites des cotisations aux régimes enregistrées d'épargne. Là encore, nous nous rapprocherions seulement de ce que les États-Unis autorisent actuellement à cet égard.
Je pourrais aussi inverser la proposition, c'est-à-dire que nous pourrions, si nous avions les revenus nécessaires et si nous ne tenions plus à garder toutes les activités étatiques qui existent au Canada et non aux États-Unis, réduire sensiblement nos barèmes d'imposition pour se rapprocher énormément de l'impôt fédéral et de l'impôt typique des États exigés aux États-Unis. Nous imposerions quand même nos citoyens beaucoup plus lourdement que ne le sont les Américains, même avec des barèmes d'imposition semblables, parce que les déductions sont beaucoup plus nombreuses là-bas. Je songe non seulement à la déduction des intérêts des prêts hypothécaires, mais aussi à une foule de déductions possibles pour mettre l'épargne à l'abri de l'impôt, et aussi au traitement fiscal des gains en capital.
Par conséquent, ce que je propose rapprocherait beaucoup notre régime fiscal de celui des États-Unis. Et si je dois insister sur un point en particulier, c'est que si nous sommes préoccupés de productivité... Bien sûr, nous ne pouvons pas attribuer exclusivement à l'effet des impôts le succès relatif que les États-Unis ont obtenu en matière de croissance de la productivité; et nous ne devons pas oublier non plus que la croissance de la productivité aux États-Unis a été assez médiocre en comparaison de celle d'autres pays; seul le Canada a fait moins bien à ce chapitre. J'insiste donc pour dire qu'il ne faut pas s'arrêter à la comparaison des barèmes d'impôt; nous devons étudier en profondeur l'impôt des particuliers, examiner ce qui est taxé en réalité, quelle est l'assiette de l'impôt, quelles sont les incidences économiques de ce que nous faisons actuellement—est-ce judicieux, oui ou non? Je crois que ce n'est pas vraiment judicieux. Et si l'on se tourne vers les États-Unis, on constate que ce pays a déjà réalisé ce que je propose à cet égard.
M. Ken Epp: Monsieur le président, j'ai utilisé 10 minutes. Si d'autres veulent poser des questions, je suis disposé à m'en tenir là.
Le président: Oui, merci monsieur Epp.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je suis en train, très lentement, d'apprendre que la mesure de la productivité est un domaine rempli d'embûches. Je pense que cela s'applique peut-être également à certaines solutions envisagées pour augmenter la productivité. Je voudrais m'attarder seulement à l'exemple des REER.
Si l'on devait porter la limite de 13 500 $ à 30 000 $, j'ose dire qu'un grand nombre de ménages où les deux conjoints travaillent deviendraient tout à coup des ménages où un seul des conjoints travaillerait parce que la porte serait grande ouverte au fractionnement du revenu entre conjoints par l'achat d'un REER de conjoint, obtenant ainsi des économies d'impôt sur la tranche du revenu imposée au taux marginal le plus élevé qui servirait à l'achat du REER de conjoint. Et, compte tenu de la structure d'un FRR, cet argent serait imposé à un taux inférieur lorsqu'il serait retiré du fonds par le contribuable.
• 1605
Autrement dit, le gouvernement pourrait effectivement perdre
50 p. 100 des recettes fiscales sur les cotisations additionnelles
versées dans des REER. Il y a donc quelque chose qui cloche dans
votre raisonnement puisque vous semblez supposer que le transfert
serait parfaitement efficace de l'impôt sur le revenu des
particuliers à l'impôt sur la consommation, mais c'est un exemple
qui montre qu'il y aurait un manque à gagner. En fait, il faudrait
augmenter les taux d'imposition pour compenser cette perte. Je vous
mets donc en garde contre le mirage de solutions simples à des
problèmes complexes.
Si votre objectif était seulement d'augmenter la productivité—et vous pourrez peut-être me faire part de vos observations à ce sujet—il me semble que puisque nous ne mesurons la productivité que dans le secteur privé, il nous suffirait de privatiser le plus grand nombre possible d'activités du gouvernement qui sont actuellement efficaces et où règne le plein emploi, et de les rendre le plus inefficaces possible en embauchant autant de gens que nous le pouvons pour leur confier des emplois qui ne sont pas utiles. Cette mesure augmenterait le taux d'emplois du secteur privé, puisque le taux de participation à la population active baisserait dans le secteur privé. Le taux réel d'emploi du secteur privé augmenterait et la productivité augmenterait. Il semblerait donc, en conclusion, que si les gouvernements étaient le plus inefficaces possible, la productivité du pays augmenterait. Cela semble trop beau pour être vrai.
M. Jonathan Kesselman: Si vous n'y voyez pas d'objection, je vais répondre uniquement à votre première observation, qui est la seule qui a vraiment un rapport avec ce que j'avais à dire.
M. Paul Szabo: Allez-y.
M. Jonathan Kesselman: J'ai bien sûr cité le chiffre de 30 000 $ uniquement comme point de départ et pour donner matière à réflexion. Ce que je dis, c'est que même à ce niveau, nous n'en serions qu'aux deux tiers des cotisations autorisées aux États-Unis pour les régimes de retraite à cotisations déterminées.
Premièrement, je ne propose pas de modifier la limite de 18 p. 100 du revenu gagné, et par conséquent, ce n'est pas comme si quelqu'un qui gagne 50 000 $ pouvait en mettre 30 000 $ dans le régime du conjoint. Il y aurait donc certaines limites.
Deuxièmement, en réduisant les taux d'imposition, on aplatit quelque peu la courbe du barème, ce qui semble aller dans le bon sens. Chose certaine, c'est l'orientation observée au niveau provincial, et c'est aussi l'orientation générale constatée au niveau fédéral, quoique les changements ne soient pas très marqués. Ce faisant, nous réduisons l'incitation à fractionner le revenu entre conjoints.
Mais si, après un examen plus poussé, on juge que c'est là une lacune réelle de cette proposition, c'est-à-dire qu'un contribuable à revenu élevé qui est actuellement limité par le plafond des cotisations pourrait désormais cotiser davantage en versant de l'argent dans le régime de son conjoint pour le retirer ensuite quelques années plus tard, alors on pourrait évidemment récrire le règlement fixant la limite des cotisations au régime de conjoint. Je pense que ce serait une façon assez simple de remédier au problème.
M. Paul Szabo: Je crois savoir qu'il est possible après un certain nombre d'années de retirer l'argent au nom du conjoint, et il est vrai que l'on pourrait modifier le règlement. Mais qu'arrive-t-il si le cotisant laisse l'argent dans le régime et réalise pleinement le gain fortuit grâce à l'écart des taux? Ce gain n'est pas possible pour les cotisants à un REER au taux marginal le plus bas, qui paient un taux fédéral de 17 p. 100 lorsqu'ils réclament la déduction et qui devront payer de l'impôt à 70 ans. Ils n'ont donc pas la possibilité de réaliser un gain fortuit en raison de l'écart des taux.
Par ailleurs, cette proposition a un autre effet important, à savoir qu'elle favorise la redistribution du revenu, mais à l'envers, car vous n'ignorez pas qu'une déduction, dans notre régime fiscal, est plus avantageuse pour un contribuable à revenu élevé que pour quelqu'un qui a un faible revenu. Par conséquent, plus on donne de déductions aux Canadiens et plus les contribuables à revenu élevé participent au régime, plus ces derniers pourront mettre à l'abri de l'impôt l'argent versé dans un REER. Ce n'est qu'un autre exemple de la façon dont il y aurait un manque à gagner ou une atténuation de la progressivité du régime de l'impôt sur le revenu.
M. Jonathan Kesselman: Ce que nous avons à l'esprit, c'est plutôt de modifier l'assiette de l'imposition elle-même, pour les gens qui sont actuellement imposés réellement sur le revenu et non pas sur la consommation. En effet, ils paieront moins d'impôt pendant qu'ils travaillent s'ils versent plus d'argent dans le régime, mais lorsqu'ils prendront leur retraite, ils en paieront plus. Vous pouvez dire qu'il s'agit d'une déduction parce que ce serait la façon de le mettre en oeuvre, mais c'est seulement le mécanisme que nous utilisons pour mettre en oeuvre une taxe sur la consommation.
• 1610
Je pense qu'il y a un autre avantage à accroître l'importance
relative de la consommation dans l'assiette de l'impôt des
particuliers, pour les gens qui gagnent plus de 75 000 $. Oui, les
recettes fiscales actuelles en seraient réduites, mais les
gouvernements en tireraient des recettes additionnelles dans 10, 15
ou 20 ans, lorsque ces gens-là prendront leur retraite et que nous
aurons énormément de difficultés à financer les hôpitaux, les
foyers d'accueil pour personnes âgées et tous les soins médicaux
très coûteux qui seront dispensés aux personnes âgées.
Nous aurons donc moins de revenus aujourd'hui, toutes choses étant égales par ailleurs, mais nous nous trouverons à créer une sorte de fonds d'investissement en termes de futurs revenus gouvernementaux pour les années où cet argent sera vraiment nécessaire et où l'on aura peut-être beaucoup de mal à prélever de telles recettes, parce que, comme vous le savez, les retraités formeront proportionnellement une plus grande partie de la population et qu'il y aura moins de gens en âge de travailler.
M. Paul Szabo: Je pense que la théorie, tout au moins en ce qui concerne les REER, est boiteuse en ce sens que la croissance des reports des cotisations aux REER indique que de plus en plus de gens se rendent compte qu'il y a une limite au montant que l'on devrait mettre dans un REER. On ne peut pas le dépenser en entier pendant ses années de retraite avant de mourir et, s'il reste une somme importante et qu'il n'y a pas possibilité de transfert libre d'impôt, on se fait frapper au taux le plus élevé possible.
Stratégiquement les investisseurs se trouvent à dire en réalité que l'on ne devrait pas mettre plus qu'un certain montant dans un REER et se fixent une limite à vie, à cause de l'inefficacité du système qui ne permet pas de réaliser ce gain grâce à l'écart des taux—c'est tout simplement impossible si l'on a trop d'argent. Je soupçonne que pour 99 p. 100 des Canadiens, un montant en REER se situant un peu au-dessus de 500 000 $ à l'âge de 65 ans est plus que suffisant.
M. Jonathan Kesselman: D'accord, mais je ne songe pas ici à ceux qui ont un revenu moyen, mais bien aux gens qui ont un revenu supérieur à la moyenne et qui sont actuellement limités par le plafond des cotisations. En général, ce ne sont pas ceux-là qui sous-utilisent leur marge disponible. Bien des gens qui ont un revenu plutôt moyen dans des emplois de col bleu et d'autres à revenu intermédiaire dans des emplois semi-professionnels de col blanc se demandent s'il vaut la peine d'épargner en prévision de la retraite. À moins d'avoir accumulé suffisamment d'économies et d'actifs, ils seront assujettis à toutes sortes de dispositions de récupération, que ce soit le supplément de revenu garanti, le recouvrement de la sécurité de la vieillesse, qui sait. La prestation pour personnes âgées, qui n'a pas été adoptée, en aurait été un autre exemple.
Donc, quand on est au milieu du peloton, il n'est peut-être pas rationnel d'économiser autant. Par contre, au sommet de l'échelle des revenus, il est nettement avantageux de le faire, parce qu'on est au-delà de ce seuil de toute façon. Certaines personnes qui gagnent 90 000 $, 100 000 $ et 150 000 $ sont actuellement limitées dans leur capacité d'épargner de manière efficiente, faute d'un régime qui n'impose pas le revenu actuel.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Madame Redman.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Dans cette question de la productivité, j'ai une courbe d'apprentissage et j'ai aussi des illuminations subites, par exemple lorsque j'ai compris, durant l'exposé fait par un autre groupe de témoins, que la productivité est en réalité rétroactive et non pas projetée vers l'avenir. Nous étudions la performance d'une année en comparaison de la performance d'une année antérieure.
Je songe aux efforts accomplis par le gouvernement actuel et aux contraintes financières qu'il s'est imposées pour réduire le déficit, mais la réduction du déficit n'était pas un but en soi. Nous avons éliminé le déficit afin de pouvoir libérer de l'argent pour l'utiliser ailleurs à l'avantage des Canadiens.
J'examine donc la productivité. Nous avons actuellement une bonne politique financière et une bonne politique monétaire. Le chômage n'est peut-être pas aussi bas que nous le voudrions, mais il baisse. Devrions-nous envisager la productivité à long terme plutôt qu'à court terme?
M. Jonathan Kesselman: J'ignore si vous étiez présente hier ou si vous avez consulté le compte rendu, mais le professeur Osberg nous a dit que lorsqu'on envisage de mettre en oeuvre diverses politiques visant à augmenter la productivité, par exemple dans le domaine de l'éducation des adultes et de l'éducation postsecondaire, il ne faut pas escompter de résultats avant une bonne vingtaine d'années et même davantage, c'est-à-dire avant qu'un nombre suffisant de gens aient été touchés et représentent une fraction suffisante de la population active totale.
Dans le domaine de la politique fiscale, je suppose que ma position est que des politiques fiscales améliorées—et j'ai donné mon interprétation à titre de professionnel et de spécialiste du domaine, mais vous pourriez bien sûr trouver d'autres professionnels qui seraient peut-être en désaccord et pourraient présenter des arguments contraires de façon tout aussi convaincante—une réforme fiscale fondamentale allant dans le bon sens peut aboutir à l'élévation du niveau de vie des Canadiens en trois temps.
• 1615
À court terme, ces mesures peuvent nous permettre de répartir
de façon plus efficiente les ressources comme le temps et le
capital. Comment utilisons-nous notre temps? Est-ce que nous
peignons nous-mêmes nos maisons, ou bien embauchons-nous quelqu'un
pour les peindre, libérant ainsi du temps pendant lequel nous
pourrons gagner plus d'argent pour payer les ouvriers que nous
avons embauchés? Bien sûr, plus le taux est élevé, plus l'écart est
grand, plus il est difficile de gagner de l'argent, de payer les
impôts et d'embaucher quelqu'un d'autre. On entend constamment
parler d'avocats qui peignent eux-mêmes leur maison. C'est ainsi
qu'à court terme, un meilleur régime fiscal améliorerait
l'efficacité avec laquelle nous utilisons nos ressources actuelles.
À court et à moyen termes, c'est-à-dire dans deux, quatre ou cinq ans, j'espère et je compte qu'une politique fiscale améliorée renforcerait la création d'emplois. Autrement dit, un plus grand nombre de gens travailleraient, parmi ceux qui veulent travailler.
À plus long terme, c'est-à-dire cinq à quinze ou même à trente ans, avec l'accumulation accrue de capital, l'investissement accru dans de nouvelles techniques, dans la recherche et le développement et dans la création de nouveaux produits, nous obtiendrions des gains de productivité. Mais tout cela signifie que nous aurions une production réelle plus élevée par personne, par travailleur, par habitant. Ce sont tous des éléments cruciaux pour relever le niveau de vie.
On peut donc discuter des mesures de la productivité et de savoir si le Canada n'a pas d'aussi bons résultats que les États-Unis ou s'il a vraiment des résultats bien pires que les États-Unis. Bien sûr, comme nous l'avons dit—et je suis certain que vous l'avez entendu ici—les États-Unis ne sont pas un excellent modèle en matière de croissance de la productivité. Leur bilan est plutôt médiocre sur le plan international. Mais nous pouvons certainement dire qu'au Canada, en ce qui concerne le revenu réel ou le PIB réel par habitant, nous accusons un sérieux retard sur les États-Unis, en particulier depuis le début des années 1980. Nous étions en train de rattraper les États-Unis pendant les quelques dizaines d'années qui ont précédé la fin des années 1980, mais à ce moment-là, l'écart a commencé à s'agrandir. Je pense que les mesures que je propose tentent d'y remédier de diverses manières.
Mme Karen Redman: Vous avez évoqué tout à l'heure les États-Unis et vous avez dit que d'autres pays ont une croissance plus rapide et une meilleure productivité et que nous sommes en fait le seul pays dont la productivité est pire que celle des États-Unis. Dans les modèles européens auxquels vous avez fait allusion, dans quelle mesure le régime fiscal est-il semblable ou différent, en comparaison de celui du Canada?
M. Jonathan Kesselman: On trouve énormément de diversité en Europe continentale. La Grande-Bretagne et l'Irlande ont des approches plutôt différentes et leur optique à cet égard est plutôt celle des anglophones. Il y a donc des différences, mais en moyenne, on peut dire que les pays d'Europe continentale dépendent beaucoup plus que le Canada des charges sociales. Les États-Unis comptent aussi un peu plus que le Canada sur les charges sociales. Une charge sociale est une taxe sur le revenu du travail et non pas sur le revenu du capital, de sorte que c'est une méthode qui se rapproche d'une taxe à la consommation. Il faudrait que je vous fasse un cours de deux heures pour l'expliquer et je vais m'en abstenir.
Deuxièmement, ils comptent beaucoup plus fortement que le Canada—mais pas radicalement plus—sur les taxes indirectes à la consommation, et nous entendons habituellement par là les taxes à la valeur ajoutée, les taxes de vente. Ils comptent relativement moins que le Canada et les États-Unis sur l'impôt sur le revenu, autant des particuliers que des sociétés.
Le président: Bon, merci.
Une dernière question de M. Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Kesselman. Je suis content de vous entendre de nouveau. J'ai bien aimé votre exposé à l'Association canadienne d'études fiscales et votre article sur l'exode des cerveaux. Vous vous êtes également penché sur ce dossier.
Avant-hier, nous avons entendu l'un des conférenciers dire que la productivité est étroitement liée à l'investissement, en particulier l'investissement étranger dans un pays donné. L'accroissement de l'investissement étranger peut avoir une grande incidence positive sur la productivité. Avec la mobilité du capital, j'aimerais que vous nous expliquiez comment l'imposition du revenu tiré du capital peut avoir un effet néfaste sur l'investissement étranger au Canada et, en bout de ligne, sur la productivité.
S'il est mauvais de taxer le revenu du capital, il est encore pire de taxer le capital lui-même, mais c'est ce que nous faisons au Canada. Un secteur qui va très bien au Canada et qui emploie beaucoup de Canadiens est celui des banques et des services financiers. En fait, plus de 50 p. 100 des Canadiens possèdent des actions des banques. Mais il est parfois politiquement populaire ou acceptable d'attaquer les banques pour la simple raison qu'elles sont des banques. Ce n'est pas nécessairement une bonne politique. Je voudrais que vous nous disiez quel effet l'imposition du capital dans notre secteur bancaire et celui des services financiers peut avoir en fin de compte sur la productivité.
• 1620
Enfin, j'ai encore deux ou trois questions que je vais vous
poser en vrac. Pour ce qui est d'un impôt davantage axé sur la
consommation, je suis d'accord avec votre point de vue là-dessus.
L'une des critiques que j'ai entendues de la part d'autres
intervenants est que cette mesure pourrait avoir une incidence
négative sur la progressivité. Je sais que l'un des concepts que
vous avez décrits à la réunion de la Fondation des études fiscales
est celui de l'équité horizontale sur l'ensemble d'une vie. Est-ce
ce que vous vouliez dire tout à l'heure quand vous avez parlé d'un
changement tout au long de la vie d'une personne, ce qui réglerait
la question de la progressivité? J'aimerais que vous me donniez des
précisions à ce sujet, parce que je trouve qu'il est important que
les gens comprennent mieux ce concept.
M. Jonathan Kesselman: Si je répondais de façon approfondie à toutes vos questions, je ne laisserais plus de temps aux autres membres du groupe.
En bref, l'investissement étranger direct est habituellement un moyen pour un pays d'avoir accès à des techniques et à des méthodes de gestion mises au point par une société mère à l'étranger.
Des études ont montré que le climat fiscal peut influer fortement sur l'investissement étranger direct, mais dans le cas qui nous occupe, c'est assurément beaucoup plus l'impôt sur le revenu des sociétés que l'impôt sur le revenu des particuliers qui est en cause. À ce sujet, je vous invite essentiellement à lire le rapport du comité Mintz et à prendre connaissance de ce qu'on y dit dans ce domaine. Les sociétés réagissent à des facteurs complexes...
Si l'impôt sur les sociétés est trop élevé, essentiellement, par des mécanismes très divers, depuis les prix de transfert jusqu'à la façon dont les sociétés se financent, un pays où l'impôt sur les sociétés est élevé peut en bout de ligne perdre toute sa base. Ces sociétés font tous leurs emprunts dans votre pays, de sorte que les frais d'intérêt sont là, mais les revenus se retrouvent ailleurs. Mais je n'ajouterai rien à ce que vous pouvez lire dans cet excellent rapport.
Au sujet de l'impôt sur le capital, cette question est également soigneusement analysée dans ce rapport. Il est étonnant de constater à quel point on ne sait pas grand-chose et très peu de travaux ont été consacrés, du point de vue économique et de celui d'une analyse statistique objective, aux conséquences des impôts sur le capital au Canada. Comme vous le savez, ces impôts existent dans la plupart des provinces ainsi qu'au gouvernement fédéral. Ils sont beaucoup plus lourds dans le secteur financier, quoiqu'un certain nombre de provinces aient fixé des taux plus bas pour les sociétés autres que celles du secteur financier.
En fin de compte, aucune taxe n'est une bonne taxe. La question est de savoir si celles-ci sont pires que les autres solutions pour recueillir les recettes voulues, en supposant que l'on ait besoin de recettes. Alors je n'en dirai pas plus long. Au sujet des impôts sur le capital, vous n'avez qu'à lire le rapport du comité Minsk. Ses membres ont commandé au moins une étude sur la question, quoiqu'elle n'ait pas vraiment donné lieu à un examen empirique.
Sur votre dernier point, les critiques formulées à l'endroit de la proposition d'infléchir notre impôt personnel en direction de la consommation, parce que cela influerait sur la progressivité—eh bien, j'en reviens à la réponse que j'ai donnée à une question précédente, celle de savoir pourquoi on n'utiliserait pas la TPS. J'ai répondu à cela que si, pour des raisons économiques valables, on veut que le régime fiscal mette davantage l'accent sur la consommation, je préférerais m'y prendre au moyen de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt personnel. On pourrait continuer de l'appeler l'impôt sur le revenu, comme d'autres pays le font, même les États-Unis, qui sont allés même plus loin en direction d'un impôt sur la consommation, parce que nous conservons le pouvoir d'établir le barème des taux. Nous pouvons conserver toute la progressivité que nous voulons.
Si l'adoption d'un impôt sur la consommation est fortement recommandée pour des raisons d'efficience économique, de productivité et de croissance, si une fois adopté, nous n'aimons pas l'effet qu'il peut avoir sur la progressivité, nous pouvons bien sûr modifier les taux. Nous pouvons même les augmenter au sommet de l'échelle si c'est ce que souhaite le gouvernement en place. J'ai dit tout à l'heure qu'à mon avis, les taux ne devraient pas augmenter.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à M. McCracken.
M. Mike McCracken: Merci. Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous pour parler de la productivité. Je ne savais pas que nous allions aborder les méandres de la politique fiscale. Il est un peu tôt dans la saison pour cela. Peut-être existe-t-il un lien avec la productivité, mais je n'en parlerai guère dans mon exposé.
• 1625
Ce que je souhaite, essentiellement, c'est d'essayer de vous
aider en faisant la distinction entre certains concepts. Je vais
faire le point sur la situation et parler un peu de ce qu'on
appelle la fonction de production. Je pense que d'autres vous en
ont déjà parlé, mais j'espère pouvoir simplifier cela quelque peu.
Ensuite, je voudrais vous entretenir brièvement du capital social
ou de la cohésion sociale et conclure en proposant certaines
orientations.
Pour servir de toile de fond à mes observations, je voudrais que vous considériez un État typique comme étant essentiellement composé de trois éléments superposés, représentés ici par des boîtes. La première est le milieu du travail, qui renferme la main-d'oeuvre, le capital, les technologies, les ressources, la gestion et la production de biens et de services. En l'occurrence, l'unité fondamentale est le travailleur ou l'entreprise.
La boîte au-dessus représente le marché. C'est là que les biens et les services sont achetés et vendus, que les prix témoignent de la demande et de l'offre relatives, et où les intrants utilisés au travail peuvent également être échangés. Dans ce cas-ci, mentionnons des transactions mettant en cause deux parties ou encore un marché visant un article en particulier.
Enfin, la troisième boîte représente la société, qui englobe toute la population, dont nous tous. La qualité de la vie est un sujet de préoccupation, tout comme les structures entre les personnes et les concepts de la famille, de la culture, de l'éducation, à tout le moins au sens traditionnel, de même que la participation à la société. Encore une fois, l'unité de base ici est une personne ou un sous-groupe de la société.
Dans cet ordre d'idées, il suffit d'ajouter certains termes pour étoffer le contenu de ces boîtes—et vous avez des copies de ces acétates. Songez aux employés, aux entreprises, aux syndicats, aux consommateurs, aux détaillants, aux minorités, aux majorités, aux filets de sécurité et à la redistribution dans une perspective sociétale. Par conséquent, il est possible d'amplifier quelque peu chacune de ces petites boîtes.
Cela dit, j'aimerais signaler que le rôle des gouvernements représente une partie importante de ce cadre. En particulier, les côtés de ces boîtes sont essentiellement déterminés par trois influences: les traditions dans la société, les lois de l'État et les influences externes qui façonnent l'organisation.
Dans le cas du milieu de travail, c'est le droit du travail et le droit des sociétés qui forment en bonne partie sa structure. La législation relative à la propriété intellectuelle influe sur ce qui s'y passe. L'éthique du travail et la discipline imposée par la tradition jouent également.
De même, le marché est encadré par la législation sur la propriété privée et le droit contractuel. À cela s'associent les normes de la société concernant la décision volontaire d'acheter et de vendre, l'honnêteté et les normes de service.
Enfin, la société elle-même peut être conditionnée par les droits collectifs et individuels, les questions constitutionnelles, les responsabilités de l'État et, pour ce qui est du volet tradition, la notion de compassion de l'État et de confiance en l'État, de même que les pressions externes sur les normes internationales.
En un sens, c'est dans ce dernier effet sociétal, dans la façon dont toutes ces choses fonctionnent pour faire progresser une économie, en particulier une économie de marché, que s'inscrit le rôle du capitalisme, des sciences économiques et pour une grande part, le débat sur la productivité.
Dans ce contexte, il est très utile de noter trois termes que l'on confond souvent mais que, depuis de nombreuses années, nous avons trouvé fort commode de répartir de la façon suivante. Le terme «productivité» est réservé aux discussions concernant le milieu de travail, essentiellement l'entreprise. C'est un concept à ce niveau ou encore dans un ministère du gouvernement ou une autre organisation, autrement dit, le milieu de travail. C'est la base de la concurrence et c'est assurément un élément important du total des gains en revenu réel. Mais nous devons reconnaître que d'autres éléments interviennent.
Le deuxième, la notion de concurrence, qui est l'élément que nous voyons ici, est un concept de marchés où les coûts relatifs déterminent si les activités d'une entreprise, voire d'un secteur industriel, sont viables à long terme. Dans le cas présent, il s'agit de concurrence par rapport à d'autres industries ou à d'autres produits ou à l'échelle internationale.
• 1630
Enfin, voici un concept qui n'est pas sans rapport avec la
productivité et la concurrence, mais qui s'en distingue, la
prospérité. La prospérité est une notion que nous associons à la
société et qui englobe des améliorations au titre du revenu réel,
de la qualité de vie, de l'équité et du maintien de
l'environnement. Ce sont tous là ses buts ou objectifs.
Si nous voyons les choses dans cette perspective, il y a lieu de se demander ce que nous pourrions faire dans chacun de ces domaines pour apporter des améliorations. Pour ce qui est de la productivité, la liste des mesures ayant un effet direct sur le milieu de travail est relativement courte. On peut améliorer les ressources humaines. On peut investir davantage, ce qui, d'après certains, se reflète de deux façons. Premièrement, sous forme d'un stock de capital plus important par travailleur et deuxièmement, par une meilleure qualité du stock de capital en usage en milieu de travail.
On peut essayer de promouvoir l'adoption de nouvelles technologies. On peut fournir une meilleure infrastructure pour appuyer le fonctionnement des entreprises, notamment les routes, les cours d'eau, les ports, les aéroports, etc., ainsi que des réseaux d'information. On peut également essayer d'orienter la productivité. Il s'agit essentiellement d'essayer de faire en sorte que la croissance évolue vers les secteurs où la productivité est relativement élevée, à partir de ceux où elle est relativement faible. C'est quelque chose que nous aimerions voir se réaliser, mais que l'on ne peut pas toujours contrôler.
Comment s'y prendre? Cela relève évidemment de l'élaboration des politiques gouvernementales et donne lieu à bien des déclarations ronflantes. On entend également beaucoup d'affirmations très vagues quant aux mesures qui fonctionnent, à quel rythme, etc. On semble convaincu dans cette ville—ou à tout le moins on l'était—qu'une inflation maîtrisée engendre une augmentation de la productivité. Depuis un certain temps, l'inflation est en retraite, sans qu'il y ait eu d'effets visibles sur la productivité. Nous demeurons vigilants et nous espérons que cela se manifestera.
Chose certaine, à mon avis, une meilleure performance macroéconomique y contribuerait pour beaucoup, mais encore une fois, nous n'en avons pas vu depuis un bon bout de temps. Le fait d'avoir un cadre de politiques adéquat est certainement un facteur. C'est une expression générale qui englobe des choses comme le droit relatif à la propriété intellectuelle et des améliorations au fonctionnement global des marchés.
Quant aux efforts en matière d'éducation et de formation, encore une fois il faut attendre longtemps avant de recevoir les bons signaux. Ce sont souvent des codes qui signifient qu'il n'y a pas de subvention, que les prix causent une distorsion, etc. Ils signifient qu'il faut s'assurer que les travailleurs ont la capacité d'utiliser leurs compétences et que les structures organisationnelles sont adéquates. Parfois, la législation d'un pays peut interdire l'adoption de certaines formes d'organisations qui seraient plus appropriées dans les circonstances.
Il est intéressant d'examiner tous ces facteurs car vous constaterez que certaines des suggestions que vous avez sans doute entendues au sujet de la productivité se retrouvent en fait dans le volet concurrence. Améliorer l'efficience et l'efficacité sur le marché est un moyen d'accroître la concurrence. Les gouvernements sont parties à des règlements, à des normes, à des impôts, à des subventions; ils ont des sociétés d'État et sont signataires d'accords internationaux, ce qui influe sur les prix relatifs et leur rendement. Encore une fois, il s'agit là d'une question de concurrence qui n'a pas d'effet direct sur la productivité dans l'entreprise.
Que faire? On peut examiner les normes, améliorer les processus réglementaires, réduire les obstacles internes et perfectionner l'accès et les infrastructures d'information. D'aucuns croient qu'il peut être utile d'aider les sociétés canadiennes à pénétrer de nouveaux marchés, mais bon nombre de ces initiatives ont déjà été essayées avec un succès modeste jusqu'ici.
Enfin, sur le plan de la prospérité, on vise une hausse du revenu réel de tous les Canadiens, un environnement durable, une contribution valable à l'économie mondiale par le biais de l'aide, de filets de sécurité adéquats, d'un meilleur équilibre au sens des économies régionales et d'équipements collectifs, comme les parcs. Ce qui importe également, c'est la façon dont on suscite la participation des citoyens à des processus jugés importants.
• 1635
Comment y arriver? La liste abrégée englobe des choses comme
une meilleure redistribution du revenu, un régime de soins de santé
efficient, un système d'éducation de haute qualité ouvert à tous,
la promotion du bénévolat et des oeuvres de bienfaisance, sans
oublier la participation des citoyens au choix des objectifs.
Voilà donc en gros ce qu'on essaie de faire. Parlons maintenant plus précisément de la productivité. En particulier, vous aurez appris depuis deux jours qu'au niveau de l'entreprise, lorsqu'on parle de productivité, on parle essentiellement du rapport entre les intrants et les extrants. On qualifie parfois de fonction de production le phénomène en vertu duquel un extrant est une fonction d'une série d'intrants.
Dans bien des exposés que vous avez entendus au cours de la première journée, on a fait valoir que les intrants englobaient la main-d'oeuvre et le capital, sous une forme quelconque. On a passé en revue divers mécanismes de pondération et de mesure de la main-d'oeuvre et du capital pour expliquer la productivité résiduelle qui se manifeste et qu'on ne peut expliquer par des changements à ces intrants.
J'aimerais aborder les choses d'une façon quelque peu différente. La façon la plus simple de procéder consiste à reconnaître qu'il existe un rôle légitime pour certaines ou la totalité des activités gouvernementales en tant que fonction de la production au niveau de l'entreprise. Évidemment, une entreprise de camionnage n'ira pas loin s'il n'y a pas de routes. Elle ne sera guère prospère si les routes sont mauvaises et à l'inverse, elle sera florissante si le réseau routier s'améliore. C'est un gain qui se manifestera par la capacité de l'entreprise de produire davantage d'extrants avec les mêmes intrants à ce stade.
Évidemment, c'est particulièrement avantageux si l'on n'a pas à payer pour ces routes. On peut alors pour ainsi dire internaliser les réductions totales de coûts qui y sont associées. Mais c'est également vrai pour n'importe quel chef d'entreprise qui a besoin, par exemple, d'eau propre comme intrant ou d'un service qui s'occupera des déchets ou des eaux usées que ses activités produisent. C'est le genre de chose qui relève de l'infrastructure dans la société. Quelqu'un peut vouloir savoir quels sont les prix sur le marché à l'heure actuelle et une maison d'experts-conseils en statistiques pourra lui fournir les chiffres et les lui expliquer. Encore une fois, c'est une forme d'infrastructure.
Peu importe la façon dont nous mesurons cela, il y a eu de nombreuses tentatives pour le faire. Un bon nombre d'études empiriques ont constaté le rôle positif de l'infrastructure dans la fonction de production, rôle qui explique en partie ce qui se produit. Plus particulièrement, quelqu'un qui n'entretiendrait pas son infrastructure et qui y investirait moins accuserait un ralentissement de la productivité. Il faudra du temps, mais en faisant un effort, on peut réussir à tout gâcher.
La nouvelle théorie de la croissance, dont vous avez sans doute entendu parler la première journée et peut-être aussi hier, met aussi l'accent sur la technologie. Le «t» sur la ligne, là, est un élément important de la croissance de la productivité. On vous aura vanté les mérites de la R et D, de l'innovation et de l'adhésion aux nouvelles technologies. Certains auront laissé entendre que la façon la plus directe de renforcer cet effet est d'englober directement le ratio d'investissement ou l'investissement dans l'outillage et l'équipement dans la fonction de production.
Il y a quelques années, cependant, la fonction de production se définissait de façon beaucoup plus large. Elle englobait ce que j'appelle «s», c'est-à-dire toute une gamme de facteurs composant la société dont nous faisons partie, ainsi que ses institutions. Pour l'heure, le capital social ou la cohésion sociale est l'expression que l'on entend un peu partout. Des preuves croissantes montrent qu'il existe à cet égard un lien direct, un lien causal entre l'amélioration au titre de la cohésion sociale ou du capital social et la croissance économique, la productivité et les ratios d'investissement. Les travaux d'Irma Adelman, dans les années 60, ont été les premiers à le démontrer.
Il y a d'autres facteurs, dont je ne parlerai pas longuement, sinon pour dire qu'on les appelle «x», «w» ou «z», peu importe. Je signale simplement qu'on y retrouve l'état de l'économie. Pour être honnête, au Canada, depuis 25 ans environ, nous sommes loin de réaliser le potentiel de l'économie. Nous fonctionnons dans un contexte qui, à un moment donné, nous aurait valu la cote X, sur le plan de l'efficience, de la part de Leibenstein. Nous ne faisons pas ce que nous pourrions faire avec l'intelligence et le capital dont nous disposons; autrement dit, nous avons un taux de chômage élevé et un capital sous-utilisé.
• 1640
Dans ce contexte, les problèmes d'efficience allocative sont
relativement mineurs comparativement aux pertes considérables
associées au fait de ne pas réaliser son potentiel. Cela me semble
un élément crucial.
Un dernier point. Je soupçonne que dans toutes vos discussions depuis deux jours et demi, on a négligé le côté gauche de la fonction de productivité, c'est-à-dire les extrants. Les gens assimilent cela au PIB ou à la valeur ajoutée ou encore à la production brute, mais je dois vous dire que c'est sans doute une erreur. Les sociétés, les gouvernements et d'autres organisations produisent des choses, outre les extrants pour lesquels ils reçoivent de l'argent ou de la reconnaissance.
Permettez-moi de vous donner un exemple très simple, celui de l'industrie de l'énergie électrique aux États-Unis au cours de la période d'après-guerre. Si vous vous servez du cadre que vous avez utilisé le premier jour pour répondre à la question de savoir si cette industrie a connu une croissance de productivité, vous verrez que la réponse est non. Cependant, si vous ajoutez aux extrants de l'industrie de l'énergie électrique aux États-Unis des paramètres négatifs, si vous la pénalisez pour la pollution qu'elle crée, notamment la pollution atmosphérique attribuable à l'oxyde de soufre, à l'oxyde d'azote, aux composés organiques volatils, ainsi qu'à tous les gaz polluants locaux, et qu'on y fixe une valeur, comme nous le faisons maintenant, selon les prix générés par les taxes environnementales dans ce domaine ou les permis commerciaux, on constate une chose très intéressante. C'est que ce secteur s'est transformé au cours de la période d'après-guerre. De grand pollueur qu'il était, il pollue beaucoup moins aujourd'hui. Et si nous intégrons cela dans le calcul de ces extrants, comme nous disons vouloir le faire maintenant en tant que société, on constate que la croissance de productivité du secteur de l'énergie électrique est de l'ordre 1,5 à 2 p. 100 par an.
Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'avant de se mettre dans tous ses états au sujet d'une mesure unique de la croissance de la productivité, nous devrions prendre du recul et nous interroger sur l'ensemble de la situation. Ainsi, si depuis 10 ou 15 ans, les entreprises canadiennes qui affichent un très faible taux de croissance de productivité selon la méthode de calcul utilisée à l'heure actuelle ont toutes une feuille de route beaucoup plus reluisante sur le plan environnemental, si elles produisent des travailleurs qualifiés dont les compétences dépassent leurs propres exigences, ces derniers ayant appris sur le tas, si leur contribution à l'économie locale et à la société renforce ces dernières, si tout cela n'est pas mesuré dans leur production, il y a lieu de se demander pourquoi nous nous en faisons tous autant au sujet de la productivité.
Évidemment, nous ignorons ce qu'elles font en réalité car nous ne mesurons pas ce genre de choses. Et si nous avons un doute, c'est probablement qu'une mesure de productivité bonifiée mènerait à une évaluation pire plutôt que meilleure de la récente performance de l'économie.
Je vais sauter l'acétate sur le capital social et parler quelque peu de l'opinion d'un dénommé Harberger. Je vais simplement vous laisser cette référence. Votre équipe de recherchistes pourra obtenir davantage d'informations. Dans un récent article qu'il a publié—son discours inaugural devant l'American Economic Association l'année dernière—il s'étend sur la notion de productivité au niveau de l'entreprise. Il recommande également qu'on commence à envisager ce concept d'une façon beaucoup plus simple. Selon lui, il ne faut pas perdre son temps à essayer de comprendre la technologie et tout le reste. Essentiellement, il s'agit de savoir si l'on obtient ou non de véritables réductions de coût d'une source quelconque. À l'aide de cette grille, vous constaterez sans doute qu'il est plus facile d'affirmer que l'on comprend pourquoi telle ou telle chose peut engendrer une véritable réduction de coût, même s'il ne s'agit pas d'un produit de haute technologie.
Que faire? Si vous vous souciez de la productivité, telle que je l'ai définie au niveau de l'entreprise, la façon la plus simple de la mesurer est de reconnaître là où il faut mettre l'accent. Il faut essayer d'améliorer la productivité en apportant des changements au comportement dans l'organisation du travail au niveau de l'entreprise. Réduire les secteurs qui fonctionnent au ralenti serait un grand pas en avant. S'il existe une déficience de 10 p. 100 au niveau des extrants dans l'économie, le fait de combler ce fossé rapidement donnera un gros coup de pouce à la croissance de la productivité ainsi qu'à l'investissement et à la prospérité économique. Souvenez-vous que l'infrastructure est importante. Souciez-vous des effets sociétaux, du capital social tout autant que de la technologie et n'oubliez pas les autres facteurs qui sont en jeu.
• 1645
Lorsque nous regardons notre feuille de route, nous n'en
sommes pas très heureux car c'est au niveau du transfert de la
productivité vers la concurrence et vers la prospérité que nous
connaissons les pires déceptions. Les salaires réels eux-mêmes
n'ont même pas suivi la faible croissance de productivité que nous
avons connue. Dans la perspective de la main-d'oeuvre, un large
fossé s'est créé entre son travail et ce qu'elle en a obtenu, ce
qui a, en un sens, entravé les hausses de revenu et ralenti la
consommation au sein de la société.
Cependant, dans les milieux d'affaires, on ne voit pas tout à fait les choses de la même manière, comme vous le montre ce graphique. D'ailleurs, vous avez une copie de tous ces graphiques à l'arrière. Je ne vais pas les passer tous en revue, mais essentiellement ce qui s'est produit, c'est qu'à compter de 1981, il s'est creusé un écart d'environ 8 p. 100 entre les salaires réels et la productivité. Et même dans nos prévisions jusqu'à l'an 2006, cet écart ne se rétrécit guère, en supposant la poursuite des politiques actuelles.
Cependant, si l'on regarde la situation du point de vue de l'employeur et que l'on soustraie de ces salaires le prix obtenu par le fabricant, ils sont plus ou moins semblables. Et c'est là, en un sens, qu'il y a une dissociation entre les prix que constatent les milieux d'affaires et les prix utilisés dans l'Indice des prix à la consommation. D'aucuns feront valoir que même si la productivité connaît une faible croissance, à tout le moins, elle continue de croître, mais en fait, si l'on considère le paramètre dont les gens sont le plus conscients, c'est-à-dire le revenu disponible, par ménage, aujourd'hui, le revenu disponible réel est d'environ 6 p. 100 inférieur au niveau de 1981. Par rapport à son sommet d'environ 104 p. 100 en 1990, il accuse une baisse d'environ 10 p. 100.
Cela représente une baisse importante du revenu disponible réel par ménage. Il n'est donc pas surprenant que les gens soient mécontents. Il n'est pas étonnant non plus que le secteur de la vente au détail au Canada batte de l'aile. Par habitant, la situation n'est pas aussi mauvaise, mais il n'en demeure pas moins que nous sommes aujourd'hui bien en deçà des niveaux de 1989-1990.
Et l'investissement? Nous entendons beaucoup parler des merveilles de l'investissement. Si nous considérons les efforts d'investissement déployés au Canada—la ligne du haut montre l'investissement total—d'un ratio d'investissement d'environ 25 p. 100 dans les années 60 et au début des années 70, il y a eu, à compter de 1990, un déclin qui nous a menés au-dessous de 20 p. 100. Si l'on considère les composants, on constate que l'investissement commercial, l'investissement commercial non résidentiel, est à la baisse; on constate que le secteur domiciliaire est relativement stable à 5 p. 100 environ. Vous pouvez également voir que la baisse relative la plus considérable est au niveau des investissements fixes du gouvernement, qui sont passés de 5 à 2 p. 100 environ. On observe également un déclin constant au chapitre des routes, des autoroutes, des aérodromes, des ports, des dépenses d'infrastructure dans le secteur de l'information, etc.
Un autre facteur est partie prenante de cet exercice. Il faut savoir dans quelle mesure la distribution de revenu est touchée. Essentiellement, la distribution de revenu se fait de façon moins égale au Canada depuis 1973, tant avant qu'après impôts et transferts.
Au sujet du taux de chômage, j'ai mentionné tout à l'heure qu'après avoir suivi la même évolution que les États-Unis de 1945 jusqu'à 1980 environ, en 1981-1982, il s'est creusé un écart de deux points de pourcentage avec nos voisins américains. Nous avons réussi à élargir cet écart jusqu'à un total de 4 p. 100 au cours de la dernière récession. À mon avis, c'est un choix que font les décideurs politiques au Canada, un choix qui nous coûte très cher. D'après un calcul approximatif, nous perdons environ 80 milliards de dollars par an—par an—en production perdue du fait que nous n'avons pas le même taux de chômage qu'aux États-Unis à l'heure actuelle.
Mais je devrais écourter. Je vais passer sur le taux de participation, le taux d'emploi. Au sujet des indicateurs de la cohésion sociale, pour vous donner une idée de ce que certaines de ces mesures révèlent, en voici un très intéressant, le fardeau bureaucratique. Il s'agit du ratio de personnes qui travaillent dans le domaine de la gestion et de l'administration par rapport au nombre total d'employés dans l'industrie canadienne. Ce pourcentage est passé approximativement de 7 p. 100 au début des années 70 à 14 p. 100 aujourd'hui. Ces pourcentages sont environ trois fois plus élevés qu'en Europe et qu'au Japon et à peu près les mêmes qu'aux États-Unis.
• 1650
L'autre ligne du graphique représente le même mouvement parmi
les femmes gestionnaires en tant que pourcentage du total. Ce
pourcentage a cependant augmenté moins rapidement.
Autre indicateur, le tirage des quotidiens par personne, et j'entends par là tout adulte de 15 ans et plus. Encore là, on note une tendance constante à la baisse. Dans de nombreux pays, on se sert de cet indicateur pour mesurer le capital social ou la cohésion sociale. Il révèle l'intérêt pour les questions civiques et politiques. Depuis déjà un certain temps, ce tirage est en baisse au Canada de façon absolue, par habitant. Évidemment, il n'existe aucun rajustement pour la qualité des journaux et je ne m'aventurerai pas à interpréter ce que cela signifie.
Autre indicateur d'intérêt, dans certains pays, on considère que l'augmentation du nombre d'avocats par millier de personnes est un signe que les citoyens ne peuvent gérer leurs relations eux-mêmes et qu'il existe moins de confiance ou de cohésion sociale dans cette société. Je n'ai que les données à partir de 1985, mais le nombre d'avocats au Canada est passé de 1,7 à 2,2 par millier d'habitants.
Enfin, un indicateur de l'intérêt des citoyens est simplement la participation aux élections fédérales, chiffres que certains d'entre vous connaissez bien. Depuis 1972, nous pouvons observer un déclin marqué. Il faut dire que durant ces années-là on a observé que lorsque deux élections se suivent d'assez près, le taux a tendance à baisser. Mais on observe une tendance générale à la baisse. Je crois que c'est également le cas dans la plupart des provinces.
Voilà donc un aperçu de ce qui s'est passé au cours des 10 à 20 dernières années, et il existe beaucoup d'autres mesures dans la même veine qui indiquent que notre capital social et notre cohésion sociale se sont effrités. Et si c'est une variable importante dans notre fonction de production, elle peut contribuer à expliquer cette baisse de la productivité, et je soutiens que ce genre de choses se prête mieux à une solution consistant en une intervention du gouvernement qu'à de quelconques mesures de modification des impôts dans les tranches supérieures de revenu.
Merci.
Le président: Merci, monsieur McCracken.
Nous entendrons maintenant M. McMahon.
M. Fred McMahon (analyste principal des politiques, Atlantic Institute for Market Studies): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ignore si vos collaborateurs vous ont dit comment je suis venu ici, mais je ne suis pas sûr qu'un comité qui étudie la productivité devrait entendre comme témoin quelqu'un qui est venu ici à Ottawa en provenance de Philadelphie en train et qui prévoit retourner à Halifax en train. Je suppose que je suis chanceux que les diligences n'existent plus; autrement, je serais encore près de New York.
Par une sorte d'esprit de perversité, je voudrais vous décrire un scénario dans lequel la hausse de la productivité peut en fait aboutir à la baisse de la productivité. Et je vais recommander une politique qui fera effectivement baisser la productivité.
Imaginez que l'on trouve le moyen, peut-être par la technologie, de provoquer une hausse spontanée de la productivité des travailleurs peu spécialisés. Les employeurs peuvent ainsi embaucher davantage de travailleurs peu spécialisés. Ils peuvent aussi les payer davantage, et peut-être les soustraire à l'aide sociale. Or, leur productivité en tant que travailleurs peu spécialisés a peut-être augmenté, mais elle est encore inférieure à la moyenne nationale. De sorte que cette hausse de la productivité, en amenant un plus grand nombre de travailleurs peu spécialisés sur le marché du travail, se trouve en fait à réduire la productivité par habitant.
On peut obtenir un effet semblable par une mesure controversée, en réduisant l'aide sociale, de sorte qu'il serait moins payant d'être bénéficiaire de l'aide sociale que de travailler, ou par une mesure moins controversée, au moyen du code fiscal, en accordant des crédits d'impôt pour le revenu gagné ou simplement en augmentant les exemptions personnelles.
En mettant au travail un plus grand nombre de travailleurs peu spécialisés, comme je le disais, on se trouve en fait à réduire la productivité par habitant. C'est peut-être—j'ai raté la brillante session sur la méthodologie au début de la semaine—l'une des raisons pour lesquelles la productivité des États-Unis semble en contradiction avec ce qui se passe en réalité dans l'économie. En fait, beaucoup de pays européens ont exclu toute une classe de travailleurs peu spécialisés de leur économie, tandis que les États-Unis absorbent de plus en plus de travailleurs peu spécialisés dans leur économie.
• 1655
Cela dit, je vais maintenant changer de sujet et parler
surtout du Canada atlantique, bien que mes propos aient aussi une
portée nationale. Je m'explique. On peut considérer le Canada
atlantique comme une sorte de cas type. Les chercheurs donnent aux
rats des mégadoses de diverses substances pour voir si celles-ci
sont toxiques à de plus faibles doses. Je pense que le Canada
atlantique s'est vu administrer des mégadoses de diverses
politiques perverses qui sont sans aucun doute toxiques à de plus
faibles doses.
Pour vous en convaincre, je dois expliquer à quel point le Canada atlantique a un bilan peu reluisant. J'ai été parmi les premiers à signaler qu'au cours des 35 dernières années, le Canada atlantique a lentement rattrapé le reste du pays, à l'exception du début des années 70, avant la crise du pétrole, alors que nous avons été ébranlés par toute une série d'efforts de développement économique déployés dans le Canada atlantique qui, en fin de compte, ont diminué notre taux de croissance.
Une abondante documentation est consacrée à un phénomène appelé l'effet de convergence. C'est la capacité des économies qui tournent au ralenti de rattraper les économies avancées. Il semble que les seules exigences soient de partager un marché, d'avoir diverses institutions et de respecter la règle de droit. Si l'on compare la convergence du Canada atlantique à celle d'autres régions qui ne bénéficient pas de nos programmes régionaux, on constate que nous ne sommes pas un peu plus bas que les autres, que nous sommes tellement plus bas qu'eux que c'en est gênant.
Le Canada atlantique a rattrapé le reste du Canada à un taux qui se situe entre le tiers et la moitié de ce à quoi on pourrait s'attendre en l'absence de tout programme de développement régional—entre le tiers et la moitié du taux des États américains où il n'existe aucun programme régional—certains disent que les forces armées en sont un, mais un simple examen des chiffres révèle que cette affirmation n'est pas fondée; entre la moitié et le tiers du taux des préfectures japonaises; entre la moitié et le tiers du taux de régions d'Europe aussi diverses qu'une région d'Espagne que l'on comparerait à une région d'Angleterre.
L'Europe a effectivement des politiques régionales, mais elles paraissent bien chétives en comparaison de ce qui se passe au Canada atlantique. Par exemple, le transfert de richesses de l'UE à l'Irlande est environ le dixième du transfert de richesses entre le Canada et le Canada atlantique. Si l'on retranche les politiques agricoles de l'UE, le reste n'est plus que le vingtième environ de ce niveau.
Le Canada atlantique est le seul endroit que je connais qui obtient un niveau d'aide semblable à celui de cette autre grande vedette, la Corse. L'aide au Canada atlantique, par habitant, est énorme en comparaison de l'aide américaine à Israël, et ce pays n'en a pas moins profité pour se doter d'une armée assez redoutable. Nous, nous avons eu la Sydney Steel et la Sydney Coal. Cette avalanche de ressources largement politisées a permis au gouvernement d'intervenir dans l'économie dans une optique de jeu à somme négative. Remarquez bien que je n'ai pas dit à somme nulle, mais bien à somme négative. Autrement dit, dès qu'un emploi quelconque disparaît, il ne sera jamais remplacé à moins d'une activité gouvernementale quelconque. C'est ainsi que nous nous accrochons à des industries en déclin, nous gonflons les effectifs de la pêche, nous faisons toutes sortes de choses plus perverses les unes que les autres.
S'accrocher à des industries désuètes fait obstacle à la création d'emplois et à la productivité. Si les États-Unis vont tellement bien actuellement, c'est probablement en partie à cause de cette vague de congédiements massifs et immensément impopulaires sur le plan politique à la fin des années 80 et au début des années 90. Les entreprises faisaient d'énormes profits et tout le monde se demandait comment elles pouvaient mettre des travailleurs à pied dans un tel contexte. D'aucuns disaient que cela réduirait l'emploi. C'était là une vision à somme négative de l'économie. Personne n'est intervenu et c'est ce qui a permis aux entreprises américaines de se lancer dans de nouvelles activités économiques, déclenchant une forte croissance de l'économie américaine et, en laissant tomber des emplois désuets, on a réduit le taux de chômage des États-Unis qui atteint quasiment un plancher record.
Le problème de cette vision à somme négative de l'économie, c'est qu'elle a une conséquence absolument néfaste sur l'organisation économique, à la fois du côté patronal et du côté syndical. Elle encourage la quête de subsides, de subventions et de faveurs, la productivité étant quasiment écartée de l'équation, plutôt que la recherche du profit par la concurrence sur le marché.
• 1700
La recherche du profit favorise à la fois la hausse de la
productivité et la création d'emplois. Les profits donnent les
ressources et l'encouragement nécessaires pour investir et créer de
nouveaux emplois dans de nouveaux secteurs.
Compte tenu de l'immensité de l'économie de marché, celle-ci est presque infiniment plus vaste que ce qui est disponible dans le cadre de diverses activités de recherche de subventions, qui ressemblent beaucoup à un jeu à somme nulle. Le gouvernement dispose d'un certain montant d'argent et, à mesure que les emplois désuets deviennent de plus en plus coûteux à maintenir, on peut en maintenir de moins en moins à même les fonds gouvernementaux.
Il est clair que cette façon de voir l'économie comme un jeu à somme négative est une erreur flagrante et l'on peut le prouver. Si ce n'était pas le cas, Halifax et Ottawa auraient été dévastées par les compressions sombres opérées dans la fonction publique. Or, en fait, Halifax est actuellement dans une phase de prospérité sans précédent qui, du moins jusqu'à maintenant, a très peu à voir avec les ressources extracôtières. Donc, les choses vont relativement mieux maintenant que le gouvernement fédéral a retiré ses billes de l'économie de la région de Halifax. Si cette vision des choses comme un jeu à somme nulle était bonne, Pittsburgh serait dans le marasme après l'effondrement de son industrie sidérurgique. Or, le chômage à Pittsburgh est tellement bas qu'il a quasiment disparu, tandis qu'au Cap-Breton, où nous nous accrochons à l'industrie sidérurgique, c'est l'emploi qui semble avoir quasiment disparu.
Je vais m'attarder un instant sur une étude de la compétitivité comparée de la Nouvelle-Écosse et de la Nouvelle-Angleterre. Elle a permis de constater que les produits de la Nouvelle-Angleterre sont beaucoup moins coûteux que ceux de la Nouvelle-Écosse. On pourra penser que les entreprises de la Nouvelle-Angleterre payent leurs travailleurs moins cher que les entreprises de la Nouvelle-Écosse, surtout les travailleurs peu spécialisés. En fait, la principale différence entre les entreprises de la Nouvelle-Angleterre et celles de la Nouvelle-Écosse est que les premières versent de meilleurs salaires à leurs travailleurs peu spécialisés. Peut-être est-ce parce que les États-Unis produisent de la camelote. À l'occasion de tests aveugles effectués par des experts, les produits de la Nouvelle-Écosse ont été rejetés. C'est peut-être à cause de cet argument massue voulant que nous n'ayons tout simplement pas suffisamment de capitaux au Canada atlantique et que notre équipement soit donc désuet. En fait, dans presque tous les cas, les entreprises de la Nouvelle-Écosse étaient dotées d'un équipement plus moderne que les entreprises de la Nouvelle-Angleterre parce qu'elles avaient des subventions gouvernementales pour l'acheter. Dans certains cas, les industriels de la Nouvelle-Angleterre achetaient de l'équipement usagé de la Nouvelle-Écosse. En résumé nous avons donc: des entreprises de la Nouvelle-Angleterre qui fabriquent des produits meilleur marché et de meilleure qualité à l'aide d'un équipement plus vieux tout en payant à leurs travailleurs des salaires bien meilleurs que ceux payés par les entreprises de la Nouvelle-Écosse. Autrement dit, la productivité de la Nouvelle-Écosse est épouvantable.
Et à quoi cela est-il attribuable, d'après l'étude? À la quête des subventions que je viens de décrire, au fait qu'on se tourne vers le gouvernement pour quêter des faveurs, pas seulement des subventions de développement économique, mais aussi des contrats et le reste. Par conséquent, cette forte présence du gouvernement a enrayé la productivité dans le Canada atlantique. Maintenant, cette étude n'a pas été menée par un groupe extrémiste de droite, à moins que l'on considère l'Agence de promotion économique du Canada atlantique comme un groupe extrémiste de droite.
Mais alors, que peut faire le gouvernement pour aiguillonner la productivité? Il faut dépolitiser l'économie le plus possible. Je suis d'accord avec Mike et avec M. Kesselman pour dire que l'investissement gouvernemental peut accroître la productivité, mais il doit s'agir d'investissements dépolitisés et raisonnables. Par exemple, au sujet du fonds du millénaire, je lis avec horreur que les politiciens de ma région passent leur temps à serrer des mains et ne font absolument rien de valable, alors que nous devrions construire des routes, des écoles et des hôpitaux. Tout cela favorise le mieux-être social, mais aussi l'activité économique. En fait, lorsque l'argent du gouvernement a coulé à flot dans le Canada atlantique, nos investissements ont diminué et notre infrastructure s'est dégradée. Nous dépensions tout l'argent pour des manigances politiques.
Si vous voulez dépenser de manière à augmenter la productivité, la recherche internationale montre de façon assez concluante que l'infrastructure, surtout l'infrastructure des transports, est à peu près votre meilleur investissement. La recherche montre aussi que les maisons d'enseignement technique postsecondaire, aux premiers échelons, ont aussi une grande influence sur la productivité.
• 1705
Vous remarquerez que j'ai laissé de côté les échelons
inférieurs de l'éducation, parce que des études qui remontent aux
années 60 montrent qu'il n'y a absolument aucun lien entre les
dépenses et le produit de l'éducation, je veux dire du système
scolaire standard. En fait, il semble même que plus on dépense,
moins le résultat est satisfaisant dans le domaine scolaire. Il
faut donc opérer une réforme de la structure de l'éducation, au
lieu d'injecter encore plus d'argent dans le système.
Enfin, au sujet des impôts, il est clair que si le gouvernement fait porter ses efforts sur des éléments qui font du bien aux Canadiens, au lieu de faire du bien aux politiciens—la vision de l'économie comme un jeu à somme négative fait beaucoup de bien aux politiciens, parce que cela les amène à protéger les intérêts existants et ensuite à se promener avec des projets de création d'emplois dont tout le monde leur reconnaît le mérite—laissant plus d'argent dans le portefeuille des Canadiens, en particulier les Canadiens à faible revenu, cela aidera à relancer la croissance de la productivité, même si cela donne lieu à un paradoxe aux États-Unis. Laisser aux entreprises plus d'argent à investir, non seulement cela leur donnera effectivement plus d'argent à investir, mais cela renforcera aussi l'encouragement à investir.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur McMahon.
Avant de passer à la période des questions, j'ai remarqué, monsieur McCracken, que vous preniez des notes pendant que M. McMahon parlait. Peut-être aimeriez-vous exprimer votre point de vue sur ce que M. McMahon vient de dire.
M. Mike McCracken: La croissance régionale au Canada est une question très complexe. C'est une question qui intéresse à la fois le secteur rural et le secteur urbain. Par ailleurs, son orientation dépend dans une large mesure du point de vue adopté au départ. L'un des débats qui se poursuit au Canada et qui n'a pas été résolu porte sur la distinction entre la prospérité des gens et la prospérité de l'endroit. Devons-nous nous efforcer seulement d'augmenter le revenu des gens, peu importe où ils habitent, ou bien voulons-nous absolument assurer le bien-être des gens et la structure sociétale qui est en place dans différentes régions de notre pays?
Ceux qui répondent que c'est le marché qui en décidera et que nous devrions adopter une politique d'attentisme et laisser les gens déménager, mettent davantage l'accent sur la prospérité des gens. Je dirais que c'est également, par défaut, le point de vue des États-Unis. On dit par exemple que Pittsburgh a aujourd'hui un taux de chômage très bas. Je peux vous dire que Pittsburgh a été très mal en point pendant des décennies et que ce ne sont pas seulement les forces du marché qui ont rétabli la prospérité de Pittsburgh.
Maintenant, il y a beaucoup d'endroits aux États-Unis qui se dégradent et que l'on laisse se dégrader. Ces gens-là n'ont pas le choix, ils sont au bout de la ligne.
Je crois toutefois qu'au Canada, tout au moins dans un sens relatif, nous mettons probablement l'accent plutôt sur la prospérité de l'endroit que sur la prospérité des gens; autrement dit, nous voulons que les gens puissent progresser en restant où ils sont, ce qui rend notre problème beaucoup plus complexe à résoudre. Cela peut exiger des compromis au chapitre des niveaux de productivité ou de croissance de la productivité. Nous devons faire bien attention de distinguer entre les deux. On peut faire certains choix qui aboutissent à des niveaux de productivité différents, mais cela ne veut pas nécessairement dire que la croissance sera moins rapide.
Ce sont là mes principales observations.
Je voudrais faire un dernier commentaire. Il y a des mesures que nous avons mises au point il y a de nombreuses années et que nous continuons d'envisager pour éviter le point de vue simpliste voulant que si l'on embauche des gens à des taux de productivité inférieurs à la moyenne actuelle, les chiffres vont baisser.
Je vais vous donner un exemple simple. Disons que le gouvernement donne à toutes les personnes actuellement en chômage un emploi dans la fonction publique et un salaire social égal au montant des prestations d'assurance-chômage. Si l'on adoptait une telle mesure demain, le PIB augmenterait du montant des prestations d'assurance-chômage et l'emploi total serait égal à notre population active totale. Il serait égal au nombre actuel d'emplois et de chômeurs. On aurait donc une mesure composée de notre produit intérieur brut, plus les prestations d'assurance-chômage, répartie sur l'ensemble de la population active. Cette vision en quelque sorte élargie de la productivité des travailleurs ne varie pas en fonction des changements du taux de chômage, mais elle permet vraiment de concentrer l'attention dans une autre direction.
• 1710
Si l'on devait ensuite décortiquer l'économie en une foule de
secteurs, on observerait, en plus de nos 12 ou 13 secteurs
traditionnels, un quatorzième secteur qui serait le secteur des
chômeurs, dont la production totale est très faible; ils produisent
seulement les prestations d'assurance-chômage par personne en
chômage. On verrait alors que le défi de notre société est de
sortir les gens des emplois à faible productivité pour leur donner
des emplois à productivité plus élevée. Voilà le mouvement
sectoriel qui est souhaitable. Ce qu'on veut, c'est avoir moins de
poids, moins de choses produites dans un secteur dont la
productivité est faible, et davantage produites dans un secteur à
productivité élevée.
Je pense que si l'on faisait cet exercice, nous éviterions de nous inquiéter à tort d'un éventuel ralentissement de la croissance de la productivité causé par une baisse du chômage. Si cette façon de calculer était valable, on pourrait s'attendre à ce que le Canada atlantique ait bien sûr la plus forte productivité du pays, étant donné que cette région a le plus fort taux de chômage, et nous savons bien que ce n'est pas le cas.
Le président: Monsieur McMahon.
M. Fred McMahon: Bien sûr, et je ne craignais pas d'ailleurs que le fait de mettre au travail des gens peu spécialisés fasse baisser la productivité. En fait, quand on intègre au marché du travail un plus grand nombre de travailleurs peu spécialisés, par habitant—et je ne suis pas certain que M. McCracken ait compris cela—il en résulte une baisse de la productivité globale par habitant, mais une augmentation de la production totale de l'économie. De plus, la meilleure façon d'amener les gens à occuper des emplois à productivité élevée consiste d'abord à leur donner un emploi quelconque, parce que la voie vers une meilleure productivité passe essentiellement par l'expérience de travail. C'est terriblement important.
Pour ce qui est de l'opposition entre la localité et les gens, comme je l'ai dit, le Canada atlantique a convergé vers le reste du Canada à un rythme qui correspond au tiers ou à la moitié de ce à quoi on aurait pu normalement s'attendre en l'absence de tout programme régional. M. McCracken a tout à fait raison: l'écart rural-urbain constitue un élément important de la question. Cela a aussi beaucoup à voir avec la politique gouvernementale. Croyez-le ou non, l'un des principaux moteurs de la productivité après la fin de la Seconde Guerre mondiale a été l'exode rural, c'est-à-dire les gens qui abandonnaient le secteur agricole pour se lancer dans des activités urbaines à productivité plus élevée. En fait, cet excédent de population rurale était complètement absorbé vers le début des années 70 et c'est l'une des raisons qui explique le ralentissement de la croissance de la productivité dans tout le monde occidental à cette époque.
Pendant que ce phénomène augmentait la productivité partout ailleurs, dans le Canada atlantique, les programmes gouvernementaux poussaient de plus en plus de gens dans des activités rurales peu productives. Par exemple, pendant que l'emploi dans le secteur agricole au Canada augmentait du tiers environ—je ne me rappelle plus si c'est un tiers ou deux tiers—entre 1961 et le milieu des années 70, l'emploi dans le secteur de la pêche au Canada atlantique était à la fin des années 80 deux fois et demie ce qu'il avait été en 1961. Il s'agissait pour la plupart d'emplois marginaux et non productifs soutenus par diverses formes de subventions. Nous avons donc maintenu un secteur rural trop important dans le Canada atlantique à l'aide de toute une gamme de programmes gouvernementaux qui ont des effets pernicieux. Cette façon de faire a ralenti la croissance de notre productivité et c'est en grande partie ce qui a causé le problème de l'opposition urbaine rurale soulevé par M. McCracken.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à la période des questions. Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos exposés.
Je m'intéresse beaucoup au rôle du gouvernement dans la répartition de la richesse. Nous avons dans notre pays des gouvernements qui tiennent absolument à prendre l'argent à ceux qui le gagnent pour le donner à ceux qui n'en gagnent pas. Cela se fait sur le plan personnel, mais aussi à l'échelle provinciale, au moyen des transferts fédéraux-provinciaux. Il me semble que si les pratiques de ce genre permettent de redistribuer la richesse et donc de répartir la croissance économique sur l'ensemble du pays, elles nuisent pourtant à notre productivité globale parce que c'est un facteur de dissuasion qui décourage les gens de gagner un revenu. Et ceux qui ne gagnent rien, autrement dit qui ne produisent pas, qui ne participent pas activement à notre économie, sont encouragés à rester inactifs.
Que répondez-vous à cela? Je vous pose la question à tous les deux.
M. Fred McMahon: Premièrement—et je suppose que je coiffe ici mon bonnet d'homme de gauche—, si l'on devait mesurer d'une seule manière le succès d'une société, une répartition du revenu assurable serait peut-être la meilleure mesure. Maintenant, cela dit, comme vous l'avez indiqué, il faut établir un équilibre judicieux entre les politiques visant à redistribuer le revenu et les politiques visant à créer des richesses.
Par ailleurs, pour aller un peu plus loin, les politiques qui créent des richesses—bien qu'on n'en ait pas encore prouvé l'efficacité hors de tout doute—semblent d'abord accroître l'inégalité, après quoi les inégalités commencent à s'atténuer à mesure que l'économie s'adapte. C'est ce qui s'est passé dans la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher environ sept, huit ou neuf ans après qu'elle fut devenue premier ministre et qu'elle eut commencé à réorganiser la société. La répartition des revenus a commencé à redevenir plus égale. C'est ce qui se passe aux États-Unis depuis deux ou trois ans. Par conséquent, la création de richesses contribue grandement à atténuer les inégalités.
M. Mike McCracken: Je suppose que le point sur lequel nous sommes d'accord, c'est que si nous avions une société de plein emploi, nous serions en bien meilleure posture. Il est très évident qu'en pareil cas, nous constaterions que la richesse ne serait pas aussi mal répartie, que les inégalités ne seraient pas aussi grandes qu'elles l'ont été.
Ce serait le cas essentiellement parce que les Canadiens à faible revenu auraient accès à un emploi. Peut-être aussi que les personnes employées auraient un certain pouvoir de négociation face à leur employeur. Elles pourraient obtenir des gains se rapprochant des gains de productivité de leurs entreprises. Ce serait aussi probablement le cas de quiconque se trouve dans un environnement de ce genre, c'est-à-dire que les gens ont une certaine sécurité dans leur vie et un certain espoir de pouvoir accroître la productivité s'il est en leur pouvoir de le faire, par une meilleure organisation du travail et la formulation de suggestions en ce sens.
D'après ce que j'ai vu, autant à l'étranger qu'au Canada, une amélioration de la répartition des revenus, c'est-à-dire une répartition plus égale des revenus, a un effet positif sur l'économie, la croissance économique, la productivité et la performance, de même que sur la cohésion sociale. Ce n'est peut-être pas ce que vous voulez entendre, mais il semble que c'est bel et bien la réalité.
On a aussi parlé de répartition des revenus, et non pas de la richesse. Je suis sûr que c'est seulement un oubli de la part de M. Kesselman, mais dans le cadre de son train de mesures, pour transformer l'impôt sur le revenu en impôt sur la consommation, il faudrait prévoir en bout de ligne un impôt important, sinon de 100 p. 100, sur les héritages. Je pense qu'il n'a simplement pas eu le temps d'en arriver à ce point dans son exposé.
Soit dit en passant, nous sommes l'un des rares pays de l'OCDE à ne pas avoir un tel impôt. Nous devrions donc aller jusqu'au bout si nous nous engageons dans cette voie. Cela pourrait aider à donner au gouvernement des richesses à redistribuer.
Quant au facteur d'encouragement ou de dissuasion, je comparais devant ce comité depuis un certain nombre d'années et j'ai des entretiens avec des gens depuis de nombreuses années et il y a dans le monde deux écoles de pensée. Il y a ceux qui disent qu'il faut donner plus de revenu après impôt pour que les gens travaillent plus dur. L'autre point de vue est qu'il faut en quelque sorte réduire les salaires pour que les gens travaillent plus dur. Il semble que ces deux effets commencent à diverger à peu près autour du revenu moyen. Donc, quand j'entends dire qu'il faut réduire les impôts des riches, c'est toujours pour les inciter à travailler davantage. Quand j'entends dire que nous ne pouvons pas nous permettre d'augmenter les salaires, on dit que c'est pour s'assurer que les plus démunis ne seront pas laissés pour compte. Il faut donc être prudent à ce sujet.
Dans l'ensemble, tout le monde veut travailler. C'est une activité sociale. Les gens veulent gagner leur croûte. Je pense que c'est tout simplement faux de croire qu'il y a des gens, toujours les autres, qui sont contents d'être assistés sociaux, qui sont satisfaits de cette situation dégradante, qui sont heureux de toucher des prestations d'assurance-chômage, ou bien que les deux tiers qui n'en ont pas sont contents d'avoir autant de temps libre. Vous devriez peut-être aller parler à certains d'entre eux.
Le président: J'ai une question. Vous dites que selon d'aucuns, il faut payer des salaires plus bas pour que les travailleurs travaillent plus dur. Pouvez-vous me nommer une seule personne qui ait dit cela?
M. Mike McCracken: Oui—tous ceux qui prétendent que nous ne pouvons pas nous permettre d'augmenter le salaire minimum parce que si nous le faisons, nous ne pourrons plus embaucher ces gens-là, que plus personne ne les embauchera, de sorte qu'il est impossible d'augmenter les salaires au bas de l'échelle. C'est la position typique du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Mais quand il s'agit de leur verser à eux des salaires assez intéressants pour les inciter à travailler, on vise de préférence 100 000 $ ou 500 000 $, c'est-à-dire 350 fois le salaire moyen des employés qui sont au bas de l'échelle dans les entreprises de ces PDG.
Il me semble simplement que dans tout ce débat, il y a une sorte de fracture. On ne parle pas de l'importance du revenu pour survivre. On ne parle pas du revenu de base. On ne parle pas de normes minimales. Tous les faits montrent, aux États-Unis et dans d'autres pays, que le salaire minimum ne cause pas en fait le chômage parmi les travailleurs peu spécialisés ou ceux qui occupent des emplois au bas de l'échelle, mais qu'il sert plutôt de base utile, qu'il a un effet positif sur le revenu, en particulier dans la mesure où il stimule la consommation parmi les membres de ce groupe, qui dépensent habituellement la totalité de leur revenu.
On a donc tendance à dire: «donnez-moi plus d'argent pour que je travaille mieux, mais ne donnez pas d'argent aux autres parce que ce sera mauvais pour eux».
M. Fred McMahon: Monsieur le président, pourrais-je faire une rectification? Personne n'a dit qu'une baisse des salaires fait augmenter l'effort de travail. L'argument est plutôt que des salaires plus bas permettent aux employeurs d'embaucher un plus grand nombre de gens et que cela crée donc un effort de travail globalement plus soutenu dans l'ensemble de la société.
Je ne suis pas d'accord avec M. McCracken sur son interprétation de la documentation relative au salaire minimum, mais cela pourrait devenir très compliqué.
Je voudrais ajouter très rapidement que je ne crois pas que les gens aiment être assistés sociaux, mais le problème est que c'est effectivement ce que démontre la recherche. Les gens semblent disposés à se laisser aller à la facilité.
Au Canada atlantique, à l'époque de l'apogée de l'assurance-chômage, il y avait pendant de nombreux mois deux fois plus de gens qui touchaient des prestations d'assurance-chômage qu'il n'y avait de gens au travail, et le nombre de ceux qui touchaient des prestations d'AC ordinaires était plus élevé des deux tiers que le nombre de gens qui étaient vraiment en chômage. Les bureaux de statistiques signalaient des pénuries de main-d'oeuvre partout dans le Canada atlantique quand nous avions plus de 10 p. 100 d'inflation, et certains mois il y avait même deux fois plus de prestataires de l'AC qu'il n'y avait de chômeurs.
Aux Pays-Bas, où il existait un système semblable, sauf que c'était le régime d'invalidité, dans l'un des pays d'Europe où la population était en meilleure santé, sur six millions de travailleurs, il y en avait un million qui étaient considérés invalides et aptes à toucher 80 p. 100 de leur salaire antérieur, si je ne me trompe, pour le reste de leur vie.
Je ne pense pas que les gens aiment être assistés sociaux, mais les faits montrent que si l'on crée un programme social généreux, il attire de plus en plus de gens. C'est peut-être ce dont parlait Lars Osberg hier, en faisant une projection de 10, 20 ou 40 ans. Malheureusement, il semble que l'assistance sociale devienne héréditaire dans les familles; c'est presque une profession familiale. Avant de briser ce cercle vicieux, il faudra attendre la prochaine génération ou même la suivante.
Le président: Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci.
Je pense qu'en général, si l'on disait aux gens qu'ils pourront continuer de toucher le même revenu qu'ils ont actuellement, mais qu'ils n'auront plus besoin de venir travailler, probablement que 80 ou 90 p. 100 des gens choisiraient de ne plus venir travailler.
Nous abordons cette question avec détachement, et je sais que nous devons tenir compte de l'aspect social, car cet état de choses correspond à une réalité sociale. Mais si l'on se penche seulement sur les valeurs empiriques de la productivité, je crois que cette redistribution forcée de la richesse est un élément négatif de notre productivité totale. Monsieur McCracken, n'êtes-vous pas d'accord avec ce point de vue?
M. Mike McCracken: Non. Je pense que s'il était question d'offrir aux gens le même salaire qu'ils gagnent aujourd'hui, peut-être que certains choisiraient en effet de rester à la maison. En général, tel n'est toutefois pas le niveau de générosité de nos programmes sociaux ou des propositions visant l'instauration d'un revenu minimum.
Ce que l'on constate en fait, c'est un changement survenu dans notre société au cours des 30 dernières années; de plus en plus de gens sont entrés sur le marché du travail pour maintenir un revenu familial suffisant en dépit de grandes difficultés, deux personnes allant travailler au lieu d'une seule. Nous sommes passés d'une société dans laquelle plus de la moitié des familles étaient à revenu unique à une société où les familles à revenu unique représentent maintenant environ 15 p. 100 du total, à peu près la même proportion que les familles monoparentales. Le type dominant de famille est aujourd'hui la famille à deux revenus. Là encore, on constate que ce groupe éprouve de grandes difficultés; en fait, les gens n'ont pas réussi, en moyenne, à obtenir la moindre augmentation du revenu réel disponible par ménage depuis 18 ans.
M. Ken Epp: Avez-vous cherché à savoir pourquoi il en est ainsi?
M. Mike McCracken: Bien sûr. Essentiellement, le chômage élevé et les bas salaires réels sont les principaux coupables au cours de cette période, en partie compensés par les politiques fiscales et du revenu jusque vers 1994-1995, tandis que plus récemment, la situation a été encore aggravée par les réductions des paiements de transfert autant par le gouvernement fédéral que par les gouvernements provinciaux. Par conséquent, le revenu réel disponible après impôt par ménage continue de diminuer au Canada, même pendant une période de reprise économique.
M. Ken Epp: Êtes-vous en train de dire que dans votre esprit, toute baisse du revenu équivaut à une baisse de la productivité?
M. Mike McCracken: Non. Je dis que c'est ce qui se passe au niveau du revenu. La productivité est un concept d'entreprise. Dans une entreprise, il y a un entrepreneur qui essaie d'organiser un groupe de gens avec du capital pour produire quelque chose. La mesure de la productivité est essentiellement le ratio entre sa production et ses intrants et la question est de savoir s'il y a quelque part un ingrédient magique, c'est-à-dire si l'on peut produire un extrant additionnel avec les mêmes intrants. Si les gens ne se sentent pas en sécurité, s'ils se méfient de leurs gestionnaires, s'ils ne font pas confiance à la société dans laquelle ils fonctionnent, ils ont tendance à ne pas contribuer à améliorer la productivité de l'entreprise, ce qui se traduit par une croissance plus lente de la productivité.
Cela veut dire aussi que les travailleurs eux-mêmes auront énormément de difficulté à progresser parce que l'employeur n'augmentera probablement pas leur salaire réel. C'est là que la productivité entre en jeu et influe sur le résultat. Mais comme je l'ai dit, nous avons eu une certaine amélioration de la productivité depuis 10 ou 15 ans, mais néanmoins, nous n'avons toujours pas réussi à obtenir qu'elle se traduise par une augmentation du revenu disponible réel des ménages. Il y a donc manifestement quelque chose d'autre, et la réponse saute aux yeux: le ralentissement qui a été délibérément provoqué dans notre économie, par décision politique, accompagné de taux de chômage plus élevés, et plus récemment le retrait des gouvernements du système d'assurance-chômage, de l'aide sociale et la réduction des prestations versées dans le cadre de ces programmes.
M. Fred McMahon: Il y a une autre raison évidente pour laquelle le revenu disponible des Canadiens n'a pas augmenté, et c'est l'alourdissement du fardeau fiscal.
M. Mike McCracken: Oui, mais ce n'est pas la seule raison. Si l'on prend la fiscalité en pourcentage du revenu gagné, ce n'est pas là que ça se passe. C'est du côté des transferts. Vous pouvez décomposer et examiner tous les éléments et cela n'entre tout simplement pas en cause. Maintenant, il est vrai qu'on aurait pu réduire les impôts au lieu de les augmenter, mais la question n'est pas là. Et en fait, nous avons eu des réductions d'impôt dans certaines provinces: l'Ontario, l'Alberta, etc.
M. Ken Epp: Je veux connaître votre opinion sur le rôle du capital et le rôle de la technologie dans l'augmentation de la production, parce qu'il me semble que ce rôle est beaucoup plus important que nous ne voulons l'admettre. Je vais reprendre l'exemple que j'ai donné hier et je m'excuse auprès de mes collègues de me répéter.
Quand j'étais jeune, mon père, qui avait deux garçons, cultivait 10 sections de terre; aujourd'hui, mon frère, qui a deux garçons, cultive la même terre plus 40 autres sections. Et il produit à peu près deux fois plus à l'acre que ce que nous produisions quand j'étais jeune. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que sur le plan de la productivité, ma famille se tire maintenant beaucoup mieux d'affaire que lorsque j'étais un petit jeunot à la maison il y a de longues années. Sa productivité a donc augmenté, mais on dirait que son revenu a diminué. La différence est due essentiellement à des machines plus perfectionnées, à une meilleure technologie, aux engrais, etc. La technologie a donc une grande importance dans la question de la productivité.
• 1730
La richesse globale de notre nation, répartie sur l'ensemble
de notre population, devrait donc être plus grande si notre
productivité est plus élevée, mais il semble que ce ne soit pas le
cas. Tout le monde semble moins bien loti que quand j'étais
jeune—ou bien ai-je tout simplement oublié parce que je suis
vieux?
M. Mike McCracken: Premièrement, ce n'est qu'une approximation, mais je pense que vous utilisez une période un peu plus longue pour votre comparaison que la période qu'on utilise habituellement dans le cadre du débat sur la productivité, qui porte seulement sur la dernière décennie. Si je regarde en arrière, je trouve que durant la période de l'après-guerre, nous avons assez bien réussi au chapitre de la croissance de la productivité. Nous avons certainement connu un certain ralentissement au cours des 10 ou 15 dernières années. Dans certains secteurs, notamment l'agriculture, les gains de productivité se sont poursuivis. C'est un secteur intéressant parce que vous avez dit en passant que vous n'avez pas vraiment l'impression que votre revenu avait augmenté de beaucoup.
M. Ken Epp: Leur revenu a diminué de moitié.
M. Mike McCracken: Mais quand vous dites qu'ils compensent par le volume, c'est toujours la même histoire. On peut enregistrer un gain de productivité dans une industrie compétitive, mais quant à savoir qui en bénéficie, c'est moins clair. Cela se traduit souvent par une baisse des prix. S'il y a encore des agriculteurs au Canada, par exemple, c'est parce qu'ils ont réussi à faire des gains de productivité suffisants pour produire des denrées qui se vendent moins cher que jamais.
Le prix des denrées influe sur votre revenu, mais la productivité correspond aux extrants réels moins les intrants réels, et c'est là qu'est votre gain. C'est un gain d'efficience et c'est ça, la productivité. Quant à savoir si vous pouvez en profiter, tout dépend du marché dans lequel vous fonctionnez. Nous voulons nous assurer que les gains de productivité se répercutent sur l'ensemble de la société et pour réaliser cet objectif, nous devons notamment fonctionner dans des marchés concurrentiels, afin que les prix baissent. Autrement, aucun autre mécanisme ne me permettra de bénéficier des gains de productivité réalisés à votre ferme.
Prenons les gains de productivité dans le secteur des produits pharmaceutiques. Que fait la compagnie pharmaceutique des profits accrus résultant des mesures prises pour réduire les coûts? Si elle investit l'argent dans la R et D, cela se traduira par de meilleurs médicaments dans cinq ou dix ans. Si elle le verse en dividendes à la société mère à l'étranger, alors il devient un peu plus difficile de retracer les avantages que je peux obtenir. Si l'argent sert à construire un immeuble plaqué or à Toronto, alors je ne vois pas comment je pourrai en jouir, à moins d'aller à Toronto pour m'exclamer sur la beauté de l'immeuble. Nous devons donc nous assurer de bien comprendre ces gains de productivité et la façon dont ils sont répartis.
Essentiellement, le gain doit donc se traduire par un investissement ou quelque chose qui y ressemble: la R et D, etc. Il doit se traduire en salaires plus élevés versés aux travailleurs, en dividendes remis aux propriétaires de la compagnie, ou en prix plus bas. Ce sont essentiellement les canaux qui permettent de diffuser la productivité dans l'ensemble de l'économie. Tous ces canaux ont des effets positifs sur l'économie, mais en même temps, ils causent une redistribution du revenu à différents groupes.
C'est un peu le processus qui est en jeu. Bien sûr, soit dit en passant, les gouvernements bénéficient souvent de cette productivité eux aussi, parce qu'ils ont un taux d'imposition appliqué à une certaine assiette, laquelle s'agrandit de sorte que les gouvernements recueillent plus d'argent. C'est un autre moyen de donner un dividende à la société. Les gouvernements ont des finances plus saines et peuvent, s'ils en décident ainsi, en faire bénéficier la population sous forme de baisses d'impôt, de paiements de transfert plus élevés ou d'investissements dans l'infrastructure.
Le président: Merci, monsieur Epp.
Je voudrais poser une très brève question. Pouvez-vous identifier un élément de votre équation qui est plus important que les autres?
M. Mike McCracken: Ne perdez pas de vue que les éléments de l'équation servent justement à expliquer la production, de sorte que la productivité est essentiellement ce que l'on ne peut pas expliquer à l'aide de ces facteurs. Donc, les facteurs additionnels que je signale sont ceux que l'on omet souvent de mentionner.
• 1735
À mon avis, on a beau invoquer des changements techniques
désincarnés ou le facteur résiduel ou je ne sais quoi d'autre pour
expliquer la croissance de la productivité, la véritable
explication se situe probablement du côté de facteurs comme
l'infrastructure du gouvernement. Cela a beaucoup à voir avec la
cohésion sociale du pays. Chose certaine, j'ai vu s'accumuler dans
ce domaine beaucoup de témoignages fort intéressants. Cela a
probablement beaucoup à voir avec le capital humain de vos
gestionnaires—, si l'on n'a pas déjà rajusté en conséquence—et
avec la qualité des relations entre la direction et les
travailleurs. Autrement dit, c'est la qualité du lieu de travail.
Voilà le genre de facteurs qui sont à l'oeuvre.
Ce qui ne figure pas sur la liste de façon importante, en tout cas pas sur ma liste, ce sont des facteurs qui dérivent des revenus et de leur traitement—c'est-à-dire le régime fiscal, la TPS, etc. Chose certaine, ceux qui pensent qu'une modification du taux d'épargne aurait un effet magique s'y prennent par le mauvais bout, à mon avis. Nous devrions nous concentrer sur l'investissement et les conséquences sur l'épargne se feront sentir par la suite. On ne peut pas influer sur l'investissement en changeant le taux d'épargne par l'application d'une politique quelconque. Nous avons fait la preuve depuis un quart de siècle que cela ne fonctionne pas.
Le président: Vous dites qu'il est très difficile d'isoler les intrants et de leur donner une valeur.
M. Mike McCracken: Un facteur en particulier. Tout dépend aussi du secteur. Prenons par exemple le secteur canadien de la biotechnologie. Il est probable que la question la plus importante pour sa productivité future consiste à tirer au clair le régime réglementaire dans lequel il devra fonctionner. Si nous ne le faisons pas, rien ne débloquera.
Dans d'autres secteurs, disons le transport routier au Nouveau-Brunswick, il peut s'agir de compléter le réseau routier de manière à pouvoir utiliser pleinement la charge intégrale d'un camion ou d'une voiture pour transporter biens et services.
Dans d'autres secteurs, ce peut être un autre problème qui, parfois, peut même prendre des formes inattendues. Il y a eu un gain de productivité énorme il y a quatre ans dans le secteur du transport ferroviaire au Canada, quand on a élargi un tunnel en Ontario, permettant de transporter des conteneurs de Halifax à Chicago non-stop, sur deux étages. L'investissement a été fait dans le tunnel sous la rivière St. Clair en Ontario, mais il en est résulté un très fort gain de productivité dans le transport ferroviaire. Ce n'est donc pas toujours évident, quand on a affaire à des réseaux de ce genre, de trouver où et comment on peut obtenir un gain.
Le président: Il faut donc examiner tout cela très soigneusement sous l'angle des initiatives sectorielles de productivité.
M. Mike McCracken: Dans chaque secteur, on a besoin de quelque chose. Il y a des orientations générales. Quelqu'un doit dire: «Je vais faire cet investissement. Je veux investir parce que j'ai le sentiment que dans cinq ans, dans notre pays, j'en aurai besoin». Dans l'économie au ralenti qui est la nôtre depuis de nombreuses années, beaucoup de chefs d'entreprise se disent maintenant: «Je n'ai pas vraiment besoin d'agrandir mon entreprise. Je n'ai pas vraiment besoin de courir ce risque. Je pense que je vais attendre un peu». Cette attitude prudente n'est pas très favorable à la croissance de la productivité.
Le président: Je vais donner la parole à Mme Jennings et ensuite à M. Brison.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je m'excuse d'avoir raté une partie de votre exposé, monsieur McMahon. Les questions que je vais poser seront peut-être redondantes ou non pertinentes parce que vous y avez peut-être déjà répondu.
Vous avez parlé de capital humain, de capital social et des divers réseaux de programmes sociaux qui sont en place et qui peuvent avoir une incidence négative sur la croissance de la productivité dans une société. Vous avez donné l'exemple des provinces de l'Atlantique, où les gouvernements ont dépensé beaucoup d'argent, avec des conséquences négatives, d'après les études sur lesquelles vous vous fondez.
• 1740
Vous avez également abordé la question de l'aide sociale, qui
a créé un cycle familial. Je suis perplexe, parce que les études
dont j'ai pris connaissance et qui semblent être des études
longitudinales sur toute la question de l'aide sociale et de la
création éventuelle d'un état de dépendance intergénérationnelle,
montrent que ce résultat touche en fait un très petit pourcentage
du groupe. La grande majorité des prestataires de l'aide sociale
utilisent le programme aux fins pour lesquelles il avait été prévu,
c'est-à-dire une aide temporaire pour quelqu'un qui a perdu son
emploi, par exemple, et qui n'est pas admissible aux prestations
d'assurance-emploi.
Une femme qui a quitté une relation conjugale violente n'a aucune compétence professionnelle parce qu'elle n'était pas sur le marché du travail et elle n'a aucun soutien du revenu. Elle devient donc prestataire de l'aide sociale et, surtout de nos jours, elle peut obtenir la formation dont elle a besoin parce que nous avons une foule de programmes qui viennent en aide aux personnes dans cette situation, après quoi elle se retire du programme. En général, elle trouve un emploi mal payé et son revenu peut même être inférieur à ce qu'elle touchait en prestations d'aide sociale, pour donner un exemple.
D'après les études que j'ai lues, qui sont des études sur le long terme et qui ont été publiées il y a longtemps, il y a effectivement un pourcentage de gens qui vivent de l'aide sociale de génération en génération, mais je crois qu'il n'atteint même pas 25 p. 100. La majorité des bénéficiaires de l'aide sociale le sont seulement temporairement. Tenez-vous compte de cet aspect quand vous dites que les politiques gouvernementales et l'aide sociale ont une incidence négative sur la productivité?
M. Fred McMahon: Tout ce que vous avez dit est tout à fait juste. En fait, c'est la minorité des prestataires de l'aide sociale ou de la plupart des autres programmes qui se font piéger. Cela ne veut pas dire qu'aucun problème n'existe. Je ne me rappelle plus des chiffres, mais si, comme vous le dites, c'est 25 p. 100, alors c'est un chiffre épouvantablement élevé.
Mme Marlene Jennings: Ce ne l'est pas. C'est un chiffre que j'ai lancé comme ça.
M. Fred McMahon: Oui. La plupart des gens vont et viennent et s'ils sont assistés sociaux pendant seulement quelques mois, ils ne touchent qu'un revenu minime. Le problème n'est pas là.
Le problème, comme vous l'avez signalé, c'est d'opérer le transfert entre générations. L'Irlande, par exemple, n'a jamais eu de problème de chômage avant le début des années 70. Il y avait très peu d'aide sociale. Les Irlandais qui ne pouvaient pas se trouver du travail émigraient. Ils s'en allaient en Amérique du Nord ou en Angleterre. Depuis le début des années 70 et la mise en place d'un programme d'aide sociale plus ou moins généreux, il y a dans les vieux quartiers des villes d'Irlande, comme à Dublin ou à Cork—et c'est ce que m'ont dit les dirigeants syndicaux quand je suis allé là-bas—des familles qui n'ont aucune tradition de travail depuis maintenant deux générations.
Vous avez donc tout à fait raison de dire que les gens vont et viennent, mais le problème n'est pas là. Le problème se pose quand cette façon de faire devient un mode de vie. La collectivité...
Mme Marlene Jennings: Je vais vous interrompre un instant. Je suis contente que vous ayez évoqué l'Irlande, parce que je connais bien l'Irlande. Vous avez peut-être raison. Il n'y avait pas d'aide sociale.
M. Fred McMahon: L'aide était minime.
Mme Marlene Jennings: Elle était très, très minime. En fait, ce qui s'est passé, c'est qu'il n'y avait pas de travail, et quand les enfants ont grandi et se sont instruits, car c'est une population très instruite, ils sont tout simplement restés à la maison. Leurs parents, qui avaient un soutien quelconque du revenu, les ont fait vivre bien souvent. Aujourd'hui, ils sont admissibles au programme. Absolument.
M. Fred McMahon: Ils partaient de chez eux pour la plupart, et les Irlandais...
Mme Marlene Jennings: Certains partaient, mais beaucoup restaient. Il n'y a pas eu d'exode complet de la jeune génération. Beaucoup sont restés là-bas et sont demeurés chez leurs parents.
On voit le même phénomène dans d'autres régions du monde, notamment aux États-Unis et au Canada, où les gens sont incapables d'entrer sur le marché du travail parce qu'il y a des obstacles. Leurs parents, qui ont une forme quelconque de revenu, que ce soit une pension de retraite ou leur propre richesse qu'ils ont pu accumuler, aident à subvenir aux besoins de leurs enfants si ceux-ci n'ont aucun autre programme d'aide.
M. Fred McMahon: Il semble bien que l'émigration ait été la principale porte de sortie. En fait, jusqu'à une époque relativement récente, l'Irlande n'avait pas une population instruite. Ce n'est qu'à la fin des années 60 que l'école secondaire est devenue gratuite.
Mme Marlene Jennings: Je parle des 30 dernières années. Je m'excuse de ne pas l'avoir précisé.
M. Fred McMahon: D'accord. Comme je le disais, l'émigration était la principale porte de sortie. Je n'ai pas vu beaucoup de documents sur les gens qui restent à la maison, mais je suis sûr que cela a joué un rôle.
Mme Marlene Jennings: C'est important parce que c'est dans le même ordre d'idées que le problème de l'assistance sociale héréditaire, comme vous le disiez; que ce soit 10 p. 100, 5 p. 100, 15 p. 100 ou 20 p. 100, c'est un problème auquel il faut s'attaquer. Dans le même ordre d'idées, en prenant l'exemple de l'Irlande, que ce soit 10 p. 100, 15 p. 100, 20 p. 100 ou 25 p. 100, c'était un phénomène bien réel.
M. Fred McMahon: Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir. Comme je le disais...
Mme Marlene Jennings: Voici où je veux en venir. Avez-vous tenu compte du capital social et du fait que la présence d'un programme de sécurité sociale peut en fait aider la productivité, parce que cela permet aux gens de s'inscrire au régime quand ils sont en difficulté et de retourner ensuite sur le marché du travail?
M. Fred McMahon: Vous approuveriez donc une réforme de l'aide sociale calquée sur celle des États-Unis, où l'aide est strictement réservée aux gens qui veulent s'en prévaloir temporairement, sans pouvoir acquérir une dépendance à long terme.
Mme Marlene Jennings: Je pense que l'on pourrait certainement envisager une telle mesure. Mais actuellement, l'immense majorité des prestataires d'aide sociale au Canada n'utilisent pas le programme à long terme. N'est-ce pas exact?
M. Fred McMahon: Oui. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'en conviens. Je pense qu'il faut faire très attention quand on met sur pied un programme de sécurité sociale. J'approuve la sécurité sociale. Je ne crois pas...
Mme Marlene Jennings: D'après ce que j'ai entendu, je n'avais pas l'impression que vous l'approuviez.
M. Fred McMahon: J'approuve la sécurité sociale. Il faut faire très attention de ne pas établir un programme qui a des effets pernicieux et qui permet aux gens de vivre de l'aide sociale pendant plusieurs générations. Je le répète, je suis tout à fait sympathique au programme de sécurité sociale.
Des problèmes surgissent quand il a des effet pernicieux, comme ce fut le cas dans le Canada atlantique où dans certaines localités, 100 p. 100 des familles à deux revenus touchaient des prestations d'assurance-chômage et où les gens refusaient du travail parce qu'ils étaient prestataires de l'AC. Aux Pays-Bas, le régime d'assurance-invalidité a également eu des effets fort pernicieux. Je signale en passant que pour régler le problème, les syndicats et le gouvernement hollandais ont décidé de privatiser—et il s'agit bien d'un gouvernement de gauche—de vastes pans du système d'assurance-invalidité. Il devrait exister pour ceux qui sont vraiment invalides et non se traduire en un mode de vie. Et il faut faire très attention en concevant des programmes sociaux afin d'éviter pareil résultat. Je pense que nous sommes à peu près d'accord.
Mme Marlene Jennings: Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
Le président: Oui, et quelle est la dernière question que vous vouliez poser?
Mme Marlene Jennings: Merci, monsieur le président. Je suis contente que vous l'ayez précisé.
La dernière question que j'allais vous poser porte sur l'effet de conversion...
M. Fred McMahon: J'ai dit convergence.
Mme Marlene Jennings: L'effet de convergence. Vous avez donné en exemple l'aide au Canada atlantique. Avez-vous d'autres exemples au Canada, que ce soit au niveau régional ou local?
M. Fred McMahon: Je mets évidemment l'accent sur le Canada atlantique. C'est de là que je viens.
Comme je l'ai dit, j'ai examiné le cas des États-Unis, de l'Europe et des préfectures japonaises. J'ai aussi étudié des programmes qui sont du même ordre dans le domaine de l'aide extérieure sur la scène internationale, ce qui est vraiment révélateur quant à l'impact des transferts de richesse aux pays en développement. L'aide extérieure ne donne rien de bon et peut même causer du tort quand l'argent est transféré à des pays dont les politiques sont mauvaises.
Soit dit en passant, quand on transfère un million de dollars à un pays étranger pour l'éducation, on ne constate absolument aucune augmentation des dépenses consacrées à l'éducation. C'est complètement fongible jusqu'au dernier sou. Par contre, quand on fait des transferts vers des pays dotés de bonnes politiques, qui mettent l'accent sur l'infrastructure et non pas sur les dépenses politisées ou l'enrichissement de l'élite, on constate que l'aide extérieure peut avoir un effet très puissant.
Je pense que le problème au Canada n'était pas le transfert de richesses vers la région de l'Atlantique, mais plutôt la façon très politisée dont l'argent a été dépensé et les distorsions et l'aide à des secteurs industriels qui ne sont pas économiquement viables.
Le président: Merci, madame Jennings.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Merci de vos exposés, monsieur McCracken et monsieur McMahon. Je comprends bien vos deux perspectives. En fait, je pense qu'il y a un terrain d'entente pour ce qui est de dire où ça bloque et quelles sont les politiques pratiques qui ne sont pas applicables. Mais encore là, j'aime bien The New Republic et The National Review également, de sorte que j'aime peut-être ce genre de diversité.
• 1750
Les éléments dissuasifs qui, à mon avis, existent au niveau
micro mettent en cause, dans bien des cas, des chevauchements et
des incohérences entre les programmes fédéraux et provinciaux. Dans
ma propre circonscription, il existe des mesures de découragement
à l'égard des personnes qui, à l'heure actuelle, touchent des
prestations d'aide sociale. Elles sont directement découragées
d'accepter un emploi au salaire minimum. À mes yeux, il semble
pervers que... La personne qui décide de continuer à toucher l'aide
sociale au lieu d'aller travailler prend une décision parfaitement
rationnelle face à une politique irrationnelle. Elle décide de ne
pas priver sa famille, et je comprends cette réaction. Voici la
question que je vous pose à tous les deux: quel type de politique
gouvernementale permettrait le mieux de régler le problème des
obstacles qui existent à ce niveau? Sur une plus grande échelle,
j'estime que cela devient un problème de productivité. C'est ma
première question.
Deuxièmement, je voudrais connaître votre point de vue sur la fuite des cerveaux, surtout qu'elle semble toucher de façon disproportionnée des travailleurs du secteur de la haute technologie. Certains de nos jeunes, parmi les plus brillants, en particulier ceux qui gagnent des revenus relativement élevés, choisissent de partir pour tirer parti des débouchés qui s'offrent ailleurs. De quelle façon cela influe-t-il sur la productivité, surtout si le secteur de la TI est l'un de ceux qui devraient jouer un rôle plus important?
Pour ce qui est du dollar canadien, certains estiment qu'il reflète la faiblesse de la productivité, c'est-à-dire que le dollar reflète la faiblesse de la productivité et que le mécanisme du taux de change reflète pour sa part la productivité. D'autres font valoir que cela peut également donner lieu à des prophéties qui s'avèrent en ce sens que les entreprises n'effectuent peut-être pas autant d'investissements dans le secteur de la technologie en prétextant la politique d'acceptation d'un dollar faible qui existe maintenant. J'aimerais connaître votre opinion sur l'incidence que le déclin du dollar canadien a sur la productivité au Canada.
Enfin, monsieur McCracken, vous avez dit que la productivité était un concept qu'il valait mieux appliquer au milieu de travail. Il y a deux jours environ, les représentants de Statistique Canada nous ont dit avoir intentionnellement soustrait l'éducation et les soins de santé de leur calcul de la productivité au Canada. À mon sens, c'est un problème car en ne tenant compte ni de l'éducation ni des soins de santé, on écarte un segment considérable en ce qui concerne la main-d'oeuvre. Il s'agit également de deux domaines qui peuvent influer sur la productivité pour ce qui est des extrants à long terme, particulièrement si le secteur fondé sur le savoir doit être un moteur de la croissance.
Par conséquent, j'aimerais que l'un ou l'autre d'entre vous, ou les deux, me disiez quelle est la meilleure façon de mesurer la productivité ou comment nous pouvons améliorer nos mécanismes de mesure en tenant compte des biens produits à l'intention de la population en général par opposition aux biens produits strictement pour le marché, car il me semble que c'est un élément auquel il faudra s'attacher.
M. Fred McMahon: Je pense que vous avez raison, et que M. McCracken et moi-même nous entendons sur bien des choses. Nous faisons semblant d'être en désaccord uniquement pour amuser la galerie.
Le président: Nous l'avions compris. Merci.
M. Fred McMahon: Je suis désolé, je voulais répondre à votre question sur les mesures qui empêchent les gens de joindre les rangs de la population active. C'est une question très difficile.
On a tendance à croire que les taux d'imposition les plus élevés au Canada visent les personnes à revenu élevé. C'est faux. Les taux d'imposition les plus élevés au Canada s'appliquent aux personnes qui abandonnent l'aide sociale pour rejoindre les rangs de la population active. Souvent, ils sont supérieurs à 100 p. 100.
En l'occurrence, nous sommes confrontés à deux problèmes. Tout d'abord, le piège de l'emploi car, comme vous l'avez expliqué, les prestataires n'ont pas intérêt à accepter de travailler parce que dans les faits, ils perdent du terrain sur le plan financier. Et une fois qu'on a compris ce principe, il y a également le piège de la pauvreté. En effet, si l'on commence à récompenser les personnes qui vont travailler, on les impose à un niveau plus élevé à mesure qu'elles gravissent l'échelle, de sorte que cela ne se traduit pas par une amélioration sur le plan du revenu.
• 1755
Il y a deux façons de régler le problème. Premièrement, on
peut s'inspirer de ce qui a été fait aux États-Unis et sabrer dans
l'aide sociale. Même s'il n'est pas orthodoxe de l'admettre au
Canada, les résultats initiaux sont plutôt prometteurs. Il semble
qu'environ le tiers—et je n'en jurerais pas—des prestataires
d'aide sociale se dirigeront vers le marché du travail si l'on
réduit ou limite leurs prestations.
Il existe une manière plus compatissante d'arriver au même résultat, c'est-à-dire par l'intermédiaire de divers programmes de crédits d'impôt. L'exemption personnelle pour les personnes à faible revenu est basse au point d'être pratiquement criminelle. Elle est beaucoup plus basse qu'en Grande-Bretagne et qu'aux États-Unis. J'ignore pourquoi nous imposons des salariés qui gagnent moins de 20 000 $ par an, mais nous le faisons. C'est absurde.
Je n'ai pas étudié le dossier de la fuite des cerveaux, de sorte que mes observations à ce sujet seront très rapides. De toute évidence, il semble qu'une bonne part du problème soit attribuable au régime fiscal. Les témoignages dont j'ai pris connaissance laissent entendre qu'un grand nombre de gens partent aux États-Unis parce qu'ils trouvent que c'est un endroit plus dynamique et intéressant. Par conséquent, le phénomène ne s'explique pas uniquement par les faibles revenus ou les impôts élevés; d'autres facteurs entrent en jeu.
J'aimerais revenir sur une chose qu'a dite M. McCracken tout à l'heure. Il a parlé de la capacité des entreprises de susciter la confiance et l'enthousiasme chez leurs employés. D'après les études que j'ai lues, les entreprises américaines ont été beaucoup plus efficaces à cet égard que les entreprises canadiennes en offrant divers régimes de participation aux bénéfices et d'acquisition d'actions et en autorisant la prise de décisions plus bas dans l'échelle hiérarchique. Les entreprises canadiennes ont encore tendance à être trop hiérarchiques. Ces facteurs—une plus grande participation des employés, un processus décisionnel plus accessible—semblent avoir autant d'importance que le revenu proprement dit et les impôts élevés. Par conséquent, c'est un problème qu'il est difficile de régler par le biais de politiques car il tient sans doute à l'échec du secteur canadien des affaires.
Pour ce qui est de la faiblesse du dollar, j'aimerais bien pouvoir faire un lien entre ces trois facteurs pour trouver un fil conducteur, mais j'en suis incapable.
M. Scott Brison: J'aimerais qu'un ouvrage soit publié sur le sujet.
M. Fred McMahon: Il est bête de penser qu'un dollar faible, en dépréciation constante, est un gage de prospérité. Comme vous l'avez dit, les intervenants du secteur de la fabrication, par exemple, réagiront ainsi face à la situation: «Nous pouvons être concurrentiels à ce niveau, et lorsque nous ne le pourrons plus, le dollar va sans doute encore chuter». C'est ce qu'ils se disent au lieu de faire les investissements nécessaires non seulement sur le plan des immobilisations, mais aussi sur celui du capital humain. Soit dit en passant, c'est un autre domaine où les entreprises américaines dament le pion aux entreprises canadiennes.
La faiblesse du dollar nous a peut-être sauvés dans une certaine mesure, mais à long terme, c'est un gage de pauvreté. Et d'ailleurs, elle est liée à la faiblesse de la productivité.
Le président: Monsieur McCracken.
M. Mike McCracken: Je ne sais pas si nous nous entendons sur quoi que ce soit. Je me bornerai à dire ce que je pense et ensuite, vous pourrez décider s'il y a un terrain d'entente.
Pour ce qui est des obstacles à l'emploi et des anecdotes concernant les personnes qui refusent d'abandonner l'aide sociale pour travailler, dans bien des cas, l'emploi qu'on leur offre est payé au salaire minimum, les heures sont instables, la durée de l'emploi est incertaine, ce peut-être un emploi à temps partiel seulement et les avantages sociaux sont habituellement lamentables. Personne ne serait intéressé à abandonner l'aide sociale pour occuper ce genre d'emploi.
Par conséquent, il convient d'apporter un changement à cet égard. Il faut bâtir une société où il y a suffisamment d'avancement et de demande pour les travailleurs, où sont disponibles des emplois décents assortis de salaires et d'avantages intéressants. Il ne vaut certes pas la peine d'abandonner l'aide sociale pour autre chose.
En ce qui concerne la fuite des cerveaux, dans un contexte macro, il ne faut pas oublier qu'à l'heure actuelle, le Canada accueille 200 000 personnes d'ailleurs, net. Par conséquent, s'il y a fuite des cerveaux, je pense qu'elle est en notre faveur. C'est nous qui accueillons du capital humain en provenance de partout dans le monde. Bien des pays du monde assurent l'éducation de leurs citoyens, les envoient au Canada, parfois à leurs propres frais, pour parfaire leur éducation et constater ensuite qu'ils restent ici. Si nous voulons faire quelque chose à ce sujet, il faudrait peut-être envisager de rembourser les pays dont nous prélevons les plus brillants cerveaux.
• 1800
Quant aux entreprises de haute technologie qui ont du mal à
conserver certains employés qualifiés, elles ont plusieurs options
si elles veulent les garder: les payer davantage, leur offrir plus
de défis. Et si ce qui vous inquiète, c'est de savoir si Microsoft
va progresser suffisamment rapidement pour dominer le monde, jetez
un coup d'oeil à la productivité mondiale. Il est peut-être
préférable que nos plus brillants cerveaux aillent aux États-Unis
pour l'aider à y arriver.
Au sujet du taux de change, bien des questions différentes s'y greffent, mais il faut savoir en premier lieu ce qu'est une dépréciation du taux de change. C'est un transfert d'un volume considérable de revenus du secteur personnel au secteur corporatif. Essentiellement, les consommateurs paient davantage pour les marchandises importées ainsi que pour les marchandises vendues sur le marché intérieur au Canada à des prix qui sont fixés par rapport aux prix étrangers. Et les entreprises reçoivent ceci: les secteurs concurrentiels sur le marché d'importation obtiennent des prix élevés et les exportateurs touchent des revenus élevés. Voilà le genre de chose qui se produit.
La question qui se pose est de savoir ce que font ces entreprises avec leur argent. Si elles investissent, si elles prennent de l'expansion et s'en servent pour embaucher davantage d'employés et si elles sont en mesure de convertir ces gains en prix plus bas sur les marchés concurrentiels, il y a tout lieu d'espérer qu'au bout du compte, cela se traduira par une amélioration de la situation de l'emploi pour les Canadiens. Il y aura certains avantages sur le plan personnel. Mais si elles accumulent leurs profits ou qu'elles les envoient à l'étranger, à ce moment-là, il n'y a aucun gain du point de vue des Canadiens qui ont fait ce transfert.
Quant à savoir quel est l'effet du taux de change sur le comportement des entreprises, il s'agit d'une arme à deux tranchants; on en revient à la théorie de la carotte et du bâton. Avec une monnaie dépréciée, les profits sont plus élevés, ce qui devrait permettre aux entreprises d'investir davantage et d'augmenter leurs ventes sur les marchés ouverts et concurrentiels. Mais de nombreuses firmes ont gaspillé cet avantage au fil du temps. Et chose certaine, en présence d'une appréciation substantielle de la monnaie, au Canada comme dans d'autres pays, on constate que de nombreuses compagnies n'ont pas le choix. Elles doivent s'adapter.
À une époque, le franc suisse s'est tellement apprécié qu'on a craint que tout le secteur manufacturier disparaisse. La Suisse en a perdu une bonne part, mais les composantes qui ont survécu sont extrêmement productives. Elles ont été forcées de s'adapter au changement et sont devenues résolument modernes.
Par conséquent, si la croissance de la productivité est votre unique objectif, vous voudrez peut-être assommer le secteur des affaires avec une solide appréciation de la monnaie. Le processus a aussi parallèlement pour effet de hausser le revenu réel des citoyens.
Malheureusement, il semble que nous ne soyons pas vraiment capables de faire fluctuer le dollar à notre guise et que nous devions plutôt accepter les conséquences de ses fluctuations.
Sur la question plus générale de la mesure, quand on retranche certains secteurs pour le calcul de la productivité, comme le secteur de l'administration publique, l'éducation, la santé, on se trouve essentiellement à reconnaître que nous ne sommes pas capables à l'heure actuelle d'inscrire dans nos comptes nationaux un élément de croissance de la productivité dans ces mesures—ou bien que nous avons choisi de ne pas le faire. Ainsi, en les retranchant, nous nous trouvons implicitement à dire que nous supposons que la croissance de la productivité de ces secteurs est parallèle à celle des autres secteurs, en mettant l'accent sur le secteur des affaires, par exemple.
Pourtant, il serait très utile de les inclure, parce que si l'on prend l'exemple de l'administration publique, alors que certains d'entre vous estiment bien sûr que la productivité de ce secteur est nulle, on y trouve au contraire certains exemples parmi les mieux documentés d'améliorations dans la croissance de la productivité. Prenons l'exemple de la compensation des chèques; c'est un processus très simple, mais quand on considère le grand nombre de personnes qui sont obligées de faire compenser un certain nombre de chèques de nos jours, on voit qu'il y a eu une croissance phénoménale de productivité dans ce secteur. La capacité de contrôler, par exemple, toute une série de fonctions sur les marchés boursiers par réglementation—l'informatique a fait bondir de façon incommensurable la productivité de cette opération.
Par conséquent, n'importe quelle mesure de la croissance de la productivité appliquée au secteur de l'administration publique décèlerait probablement des gains importants, et sûrement dans le secteur de la santé aussi et dans certaines parties du réseau de l'éducation, et peut-être que l'on fera encore beaucoup mieux car les gens s'attendent à ce qu'on fasse davantage appel aux ordinateurs, à l'Internet, à l'apprentissage à distance. Mais nous éprouvons encore le problème qui consiste à établir la valeur des extrants de l'éducation, la valeur des extrants des soins de santé, la valeur des extrants d'une bonne administration publique. Tant que nous n'aurons pas réglé ce problème, nous continuerons de les laisser de côté alors que ces éléments représentent environ 20 p. 100 de l'économie. Si les 80 p. 100 restants vont bien, c'est un bon début.
Le président: Merci.
J'ai une dernière question. Alors que nous amorçons ce débat sur la productivité, il devient bien sûr évident que l'on peut examiner n'importe quel facteur à l'oeuvre dans la société et dire qu'il est lié à la productivité. Prenons un programme de petits-déjeuners pour les enfants mal nourris; bien sûr que cela a un rapport avec la productivité. Les impôts ont évidemment un lien avec la productivité. Le commerce international, la politique fiscale et monétaire, le développement des ressources humaines, etc., etc., tout ça est lié à la productivité.
L'un des défis de notre comité sera peut-être d'isoler des domaines à l'égard desquels nous pourrons réellement donner des conseils au gouvernement, des domaines sur lesquels nous devrions peut-être concentrer nos efforts afin d'influer de façon marquante sur la productivité. Évidemment, certains éléments sont à court terme, d'autres à moyen terme et d'autres encore à long terme. Pourrais-je vous demander à tous les deux de nous dire quels sont, à votre avis, les domaines dans lesquels nous devrions agir rapidement pour donner un coup de fouet à la productivité?
M. Fred McMahon: La première chose que je ferais serait de relever l'exemption personnelle et d'étudier d'autres moyens d'augmenter les revenus des travailleurs peu spécialisés. Comme je l'ai dit, même si cela peut réduire la productivité par habitant, les avantages sociaux sont énormes et il en résulte une augmentation de la productivité globale de la société grâce à l'intégration des gens au marché du travail. Une telle mesure peut rendre certains emplois marginaux plus attrayants en donnant aux travailleurs un revenu net plus élevé.
Il importe de comprendre au sujet des emplois marginaux que quand quelqu'un entre pour la première fois sur le marché du travail ou y revient, très souvent, son revenu augmente par la suite, à mesure que cette personne acquiert de l'expérience et des compétences, etc.
Je voudrais également souscrire à l'orientation générale proposée par M. Kesselman, sans entrer dans les détails. Il faut effectivement abaisser les taux d'imposition du capital afin d'encourager la formation de capital. On a évoqué les Pays-Bas et l'Irlande et, dans les deux cas, les syndicats ont pris l'initiative de la modération dans le domaine salarial afin d'augmenter les marges bénéficiaires des compagnies. Ce sont les syndicats qui disent qu'il faut enrayer l'augmentation des salaires pour que les compagnies fassent plus de profits, afin qu'il y ait plus d'investissements et plus d'encouragements à investir.
Maintenant, cela n'arrivera pas au Canada. Je ne peux imaginer le nouveau retraité Bob White en train de dire qu'il faut des profits plus élevés chez nous. Mais le gouvernement peut exercer un effet de levier au moyen des taux d'imposition du capital. M. McCracken avait raison tout à l'heure quand il a dit que c'est à la fois l'investissement et l'épargne. Le lien de causalité va dans les deux sens. Il faut que le capital soit moins coûteux à utiliser.
J'encouragerais le gouvernement à concentrer ses efforts, comme je l'ai dit auparavant, sur les éléments qui lui réussissent le mieux. Débarrassons-nous de tous les programmes accessoires et superflus, qui coûtent chaque année des milliards de dollars aux contribuables canadiens, et concentrons-nous sur l'infrastructure, les soins de santé, l'éducation, tous les secteurs dont on a démontré qu'ils comportent des avantages pour tous les Canadiens, et je parle d'avantages économiques et sociaux, au lieu de faire ce qui arrive trop souvent, c'est-à-dire de créer de beaux titres ronflants qui sont en quête d'un programme.
Ce sont donc les trois mesures que je propose: cibler les dépenses gouvernementales; enrichir les exemptions personnelles pour les travailleurs à faible revenu; et procéder à une refonte de l'impôt sur le capital.
Le président: Merci.
Monsieur McCracken.
M. Mike McCracken: Je vais vous donner une liste complémentaire, ne comportant aucune mesure fiscale.
Essentiellement, attardons-nous à deux questions. La première est la productivité comme telle. Je pense que par ailleurs, le comité aura certainement acquis à l'issue de ces trois jours, à défaut d'autre chose, une plus grande sensibilisation aux effets des autres programmes, politiques, etc., sur la productivité. Je pense donc que vous auriez intérêt, quand vous vous penchez sur le régime fiscal ou sur toute autre question que vous aborderez, les fusions de banques, etc., à réfléchir également aux effets secondaires qu'elles peuvent avoir sur la productivité.
• 1810
Voyons maintenant ce qu'il en est de la productivité comme
telle. Pour ce qui est des priorités, si l'on veut établir leur
importance relative, je dirais peut-être que, d'abord et avant
tout, nous devons affirmer que notre objectif, c'est le plein
emploi. Sinon, en un sens, nous continuerons à discuter des
difficultés en matière de productivité, mais nous n'aurons mis en
place aucun des mécanismes d'adaptation qui aident en fait à
augmenter la productivité. On ne peut pas faire passer les gens du
secteur A au secteur B si nous n'avons pas le plein emploi dans
notre économie. C'est fort difficile. Par ailleurs, c'est très
facile si l'on peut trouver un emploi dans un autre secteur plus
rémunérateur; en pareil cas, le signal est très clair et l'on
n'hésite pas à changer de cap. Mais si vous n'êtes pas certain
d'avoir encore un emploi à l'avenir, et s'il y a un fort taux de
chômage dans votre société, si les conditions d'emploi sont
précaires, comme c'est le cas actuellement chez nous, alors le
transfert devient très difficile.
La stratégie consiste donc en partie à atteindre le plein emploi, à abaisser les taux d'intérêt réel, à augmenter les dépenses gouvernementales consacrées à l'infrastructure, à former les gens à l'administration des affaires... On ne cesse de dire que l'éducation, l'enrichissement du capital humain, a des effets à très long terme, mais l'on pourrait se pencher beaucoup plus directement sur le capital humain existant si l'on pouvait obtenir que les entreprises de notre pays fournissent une formation adéquate. Mais elles ne le font pas et la raison pour laquelle elles ne le font pas, c'est qu'il n'y a aucun encouragement à le faire. Elles peuvent embaucher un employé qui est déjà formé. Mais si elles ne le pouvaient pas, elles seraient plus fortement encouragées à faire de la formation à l'interne.
Je crois que l'on peut aussi aller plus loin du côté de l'enseignement postsecondaire, en particulier en enrichissant les cours de formation générale qui rassemblent les disciplines scientifiques et les sciences humaines. Je pense que c'est ce dont nous avons de plus en plus besoin.
Enfin, au sujet du capital social et de la cohésion sociale, renforcer la confiance envers les institutions de notre pays, y compris la confiance envers le gouvernement, aiderait beaucoup, je crois, à améliorer la performance de notre société et sa capacité de, pour ainsi dire, travailler à l'unisson.
J'ai remarqué qu'il a été question de l'Irlande. À mon avis, l'Irlande a réussi à mettre en place un environnement où il existe des relations de confiance entre les partenaires, les entreprises, le capital, les travailleurs et le gouvernement, et c'est peut-être en partie grâce au Conseil économique de l'Irlande dont la création est relativement récente.
Il est certain que l'on pourrait faire au Canada ce que nous avons fait en 1963 ou en 1964: la création d'un conseil national de la productivité qui, l'année suivante, s'est transformé pour devenir le Conseil économique du Canada, organisme fonctionnant par consensus. Nous avons perdu cet organisme en 1991 et en 1992, pour diverses raisons. Disons seulement qu'il n'existe plus. Mais cela nous a fait perdre une tribune. Nous avons perdu un instrument de recherche qui se penchait en permanence sur des questions comme la productivité, l'emploi, la concentration des entreprises, etc. Ce ne serait donc pas une mauvaise idée, à défaut d'autre chose, de réexaminer le besoin d'une telle institution, constituée sur une base permanente, pour étudier la productivité et bien d'autres questions.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, messieurs McCracken et McMahon. Nous vous sommes reconnaissants de vos interventions. Je suis certain que nous les relirons à tête reposée lorsque le comité s'attellera à la tâche de rédiger un rapport à l'intention du ministre des Finances pour lui faire part de ses conclusions.
C'est vraiment un dossier très difficile qui exige beaucoup de réflexion et d'analyse. Je pense qu'en tant que comité, nous avons le sentiment d'être à la hauteur de la tâche. La question fera bien sûr l'objet d'un débat public, non seulement cette année, mais aussi, à mon avis, pendant de nombreuses années. Merci beaucoup.
La séance est levée.