FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 mai 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous cet après-midi.
Comme vous le savez, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre des communes du mardi 13 avril 1999, le comité reprend son examen du projet de loi C-67, Loi modifiant la Loi sur les banques, la Loi sur les liquidations et les restructurations et d'autres lois relatives aux institutions financières et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.
Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi M. Gennaro Stammati, président du Comité exécutif des banques étrangères de l'annexe II, Association des banquiers canadiens et chef de direction de la Banca Commerciale Italiana du Canada. Il est accompagné de M. Bill Randle, avocat général adjoint, secrétaire aux banques étrangères et de M. Harvey Naglie, président, BT Banque du Canada.
Bienvenue. Comme vous le savez, puisque vous avez déjà comparu, vous avez environ cinq à dix minutes pour faire une déclaration liminaire. Ensuite, nous passerons à une période de questions et réponse. À vous, monsieur Stammati.
M. Gennaro Stammati (président, Comité exécutif des banques étrangères de l'annexe II, Association des banquiers canadiens): Merci, monsieur le président. Tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter pour votre excellente prononciation italienne.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de nous permettre de faire cette présentation aujourd'hui.
Je m'appelle Gennaro Stammati et je suis président du conseil et chef de la direction de la Banque commerciale italienne du Canada. Je suis aussi président du Comité exécutif des banques étrangères de l'annexe II. Je suis accompagné cet après-midi de M. Bill Randle, avocat général adjoint de l'Association des banquiers canadiens, et de M. Harvey Naglie, président de la Banque BT du Canada. Nous représentons aujourd'hui l'ensemble des banques étrangères au Canada qui sont membres de l'Association des banquiers canadiens.
[Traduction]
La presque totalité des filiales de banques étrangères présentes à l'heure actuelle au Canada sont membres de l'Association des banquiers canadiens. Notre comité existe pour représenter leurs intérêts au sein de l'Association et présenter leurs vues sur les questions qui touchent à leurs activités et opérations au Canada.
Vous serez sans doute heureux d'apprendre que j'ai l'intention d'être bref aujourd'hui et de respecter le délai que vous venez de m'imposer, monsieur le président.
• 1640
Mes collègues et moi-même vous remercions de nous avoir invité
à comparaître devant votre comité pour commenter le projet de loi
C-67. Comme les membres du comité le savent pertinemment, la
communauté bancaire étrangère a recommandé pendant de nombreuses
années que les banques étrangères soient autorisées à oeuvrer au
Canada à titre de succursales directes de leurs sociétés mères.
Nous sommes convaincus que tous les secteurs des milieux d'affaires
et financiers, ainsi que tous les grands partis politiques, les
médias et la population en général appuient le concept de
l'ouverture de succursales de banques étrangères et conviennent que
cela sera très avantageux pour les Canadiens.
Nos membres étaient évidemment ravis lorsque le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C-67 le 11 février 1999. Nous avons également salué la volonté du ministre Peterson et de ses collaborateurs de nous consulter au sujet du régime des succursales. Nous apprécions les efforts laborieux qui ont été déployés pour faire en sorte que ce régime de succursales des banques étrangères injecte le maximum de concurrence dans le secteur des services financiers du Canada.
Lorsque nous avons comparu devant votre comité, il y a quelques mois, dans le cadre de l'examen du rapport du Groupe de travail MacKay, et que nous avons discuté de l'établissement de succursales de banques étrangères, nous avons signalé que pour assurer une véritable concurrence sur le marché des services financiers canadiens et apporter les meilleurs avantages aux sociétés, aux consommateurs et à l'économie du Canada, il était impératif que les propositions à cet égard englobent des mesures visant à permettre la conversion des filiales de banques étrangères en succursales.
Une fois le projet de loi C-67 déposé, en février, nous avons abordé cette question avec les représentants du ministère des Finances. Il va sans dire que nous avons été très heureux d'entendre le ministre annoncer hier que le gouvernement avait décidé d'appliquer les règles d'imposition traditionnelles qui autorisent une filiale de banques étrangères à transférer son actif à une succursale de banques étrangères avec report d'impôt. Cette mesure supprimera toute entrave à la transformation d'une filiale en succursale et incitera les banques étrangères à fournir une concurrence accrue ainsi que des produits et services financiers novateurs à la population canadienne.
Le ministre Peterson a également affirmé hier que le gouvernement recommanderait un certain nombre d'amendements supplémentaires au projet de loi C-67. On autorisera notamment les succursales offrant une gamme complète de services à recevoir certains types de dépôts, conformément à la réglementation.
Nous estimons que ces changements sont très positifs et qu'ils démontrent la volonté du gouvernement—volonté que nous partageons—d'assurer le bon fonctionnement du régime de succursales des banques étrangères. Cela est important pour le gouvernement et pour les banques étrangères elles-mêmes, mais ce qui compte le plus, c'est que ce régime soit des plus avantageux pour les Canadiens.
En conclusion, je tiens à souligner deux choses. Premièrement, mes collègues et moi-même appuyons fermement les changements qu'a proposés hier le ministre Peterson au projet de loi C-67. Deuxièmement, nous souhaitons exprimer aux membres du Comité des finances de la Chambre notre reconnaissance pour leur appui sans faille au concept de l'ouverture de succursales de banques étrangères. Nous reconnaissons le rôle clé qu'ils ont joué dans cette initiative.
Nous espérons que le projet de loi C-67 sera adopté rapidement et que nous pourrons ainsi nous prévaloir de la possibilité d'établir des succursales de banque étrangère afin de susciter des investissements et une concurrence accrus au Canada.
[Français]
Mes collègues et moi serons honorés de répondre à vos questions, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stammati.
Nous allons maintenant passer à M. Epp. Avez-vous des questions?
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Les autres participants sont-ils ici pour appuyer M. Stammati?
Le président: Je pense qu'ils sont entièrement d'accord avec ce que vient de dire M. Stammati.
M. Ken Epp: J'aurais aimé les entendre s'affronter les uns les autres.
Des voix: Oh, oh.
M. Ken Epp: Je vous remercie beaucoup de cet exposé court et succinct.
J'en conclus que les banques étrangères que vous représentez sont prêtes à venir livrer concurrence ici et offrir des prix inférieurs à ceux qu'offrent actuellement les banques canadiennes sur tout l'éventail de leurs services bancaires. Est-ce exact?
M. Gennaro Stammati: Permettez-moi de répondre de cette façon. Les banques étrangères déjà présentes au Canada tireront grandement parti de ce projet de loi afin de convertir leurs opérations sous forme de succursales en bonne et due forme. Cela conférera une plus grande souplesse à leurs opérations. Par conséquent, elles pourront vraiment essayer d'être plus concurrentielles et offrir davantage de choix aux Canadiens. Nous pensons également que ce projet de loi permettra aux banques qui ne sont pas encore établies au Canada de venir s'y implanter et d'apporter avec elles une expertise et des services additionnels.
De façon générale, nous estimons que le projet de loi permettra de mieux servir le marché canadien et fera place à une plus vive concurrence dans le pays.
M. Ken Epp: Êtes-vous préoccupé par certaines des restrictions qui demeurent et qui font une différence entre les banques étrangères et les banques nationales?
M. Gennaro Stammati: Comme vous pouvez l'imaginer, nous croyons qu'il s'agit d'un premier pas vers une réforme exhaustive du système financier du Canada. Lorsque nous avons comparu devant le comité, nous avons appuyé les recommandations du Groupe de travail MacKay. Si vous voulez bien nous permettre d'être partie aux discussions concernant cette nouvelle mesure législative, nous partagerons volontiers notre expérience avec vous.
M. Ken Epp: Dans le passé, vous avez déjà eu des préoccupations au sujet du projet de loi. Quel est le titre de M. Peterson?
Le président: Il est secrétaire d'État aux institutions financières internationales.
M. Ken Epp: J'ai toujours tendance à le considérer comme un ministre subalterne. Ce n'est pas tout à fait cela, n'est-ce pas?
Vous avez mentionné dans votre exposé certaines annonces qu'a faites M. Peterson, secrétaire d'État aux institutions financières internationales. À l'heure actuelle, avez-vous d'autres préoccupations à l'égard du projet de loi
M. Gennaro Stammati: Les principales préoccupations que nous avions ont été réglées par les changements annoncés. Les banques étrangères auraient peut-être souhaité une formulation différente ici et là, mais dans l'ensemble, ces changements reflètent tous l'esprit de nos propos. Pour rendre hommage à l'esprit d'équipe qui a prévalu, je signale qu'on nous a donné l'occasion de réagir au projet de loi original et de présenter nos arguments. Le gouvernement a répondu à nos principales préoccupations.
M. Ken Epp: Je suis sûr que vos membres n'englobent pas uniquement les banques étrangères. Votre association représente-t-elle également les banques canadiennes?
M. Gennaro Stammati: Non. L'Association des banquiers canadiens représente le secteur bancaire. Elle se divise en deux groupes. Il y a les banques de l'annexe I, ou les banques nationales, et les banques de l'annexe II, qui englobent les banques étrangères. Nous représentons les banques de l'annexe II et je préside le comité exécutif des banques de l'annexe II.
M. Ken Epp: Vous êtes-vous entretenu avec les représentants des banques de l'annexe I?
M. Gennaro Stammati: Nous leur avons parlé et nous sommes heureux de rapporter qu'ils n'ont aucune objection et qu'ils appuient cette mesure législative.
M. Ken Epp: Pouvez-vous dire cela officiellement?
M. Gennaro Stammati: Je peux l'affirmer officiellement car cela a également été déclaré par le président de l'Association des banquiers canadiens.
M. Ken Epp: Nous ne voudrions pas présenter une nouvelle mesure législative qui permette aux banques étrangères de s'installer ici pour qu'ensuite, nos propres banques nous déclarent la guerre.
M. Gennaro Stammati: Je suis heureux de vous dire qu'en occurrence, c'est la trêve et non la guerre.
M. Ken Epp: D'accord. En supposant que ce projet de loi soit adopté, combien de temps s'écoulera-t-il avant que vous ne frappiez à notre porte pour réclamer des amendements?
M. Gennaro Stammati: Nous sommes satisfaits du projet de loi. Sous sa forme actuelle, il est équitable. Nous sommes disposés à collaborer avec vous au sujet de la prochaine mesure législative découlant des recommandations du Rapport MacKay.
M. Ken Epp: Êtes-vous satisfait des limites imposées quant à la taille des dépôts? Ce seuil devrait-il être plus élevé ou plus bas?
M. Gennaro Stammati: Étant donné que les banques étrangères ne livreront pas concurrence aux banques de l'annexe A dans le secteur du détail, nous estimons que le seuil qui a été fixé, assorti d'une modification et d'une précision, est juste. En effet, il nous donne la possibilité d'oeuvrer très efficacement dans notre domaine de spécialité.
M. Ken Epp: Pensez-vous que d'ici cinq ou dix ans—conservons à tout le moins cette échéance—les banques étrangères exerceront des pressions pour pénétrer le marché intérieur?
M. Gennaro Stammati: Tout dépend de l'ouverture qu'apportera au marché la mise en application des recommandations du Groupe MacKay. A mon avis, les banques souhaitent satisfaire leur clientèle actuelle et explorer de nouveaux marchés. En l'occurrence, si le marché devient plus souple, comme le recommande le Groupe MacKay, nous serons assurément ravis de voir d'autres banques s'implanter ici.
M. Ken Epp: Pensez-vous que cela pourrait se produire d'ici les cinq ou dix prochaines années?
M. Gennaro Stammati: Je le croirais, assurément.
M. Ken Epp: Vous le croiriez, assurément. C'est ce qu'on appelle ménager la chèvre et le chou, n'est-ce pas?
M. Gennaro Stammati: Non. Si notre conversation avait lieu en italien, j'aurais parlé sans hésitation, mais j'essayais de trouver le mot juste en anglais.
M. Ken Epp: Oui, je connais cela. Merci.
Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions.
Le président: Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul, Lib.): Il y avait manifestement une demande pour ce projet de loi. Certaines banques étrangères en étaient-elles arrivées au point d'envisager de quitter le Canada si nous ne l'avions pas présenté? Savez-vous si de nouvelles banques sont intéressées à venir au Canada en raison de ce projet de loi?
M. Gennaro Stammati: Les stratégies particulières des banques demeurent parfois confidentielles; elles ne sont pas toujours communiquées au public. Le fait que le nombre de banques de l'annexe II soit passé de plus 59 à 42, et que 10 d'entre elles sont sans doute uniquement des sociétés prête-noms qui ne sont pas vraiment actives sur ce marché, montre qu'elles ne disposaient pas de la souplesse voulue pour offrir les services qu'elles souhaitaient offrir. Je pense que ces instruments devraient leur donner la possibilité d'être plus efficaces sur ce marché.
• 1650
Quant à l'arrivée de nouveaux joueurs au Canada, bien que
personne ne m'ait personnellement contacté pour me demander une
explication détaillée de la teneur de la mesure canadienne, je sais
que la communauté bancaire s'attend à ce que le Canada s'oriente
vers un régime de succursales. En effet, parmi les pays
industrialisés, le Canada était le seul qui n'offrait pas cette
possibilité. Je suis sûr que cette ouverture permettra à d'autres
banques de venir s'établir au Canada.
Mme Carolyn Bennett: Merci.
Le président: Monsieur Limoges.
M. Rick Limoges (Windsor—St. Clair, Lib.): D'après ce que j'ai pu lire, les banques étrangères ne seront pas autorisées à avoir à la fois une filiale et une succursale de prêts, sauf pendant une courte période de transition. D'après ce qu'on me dit, les banques étrangères souhaitent être en mesure d'oeuvrer en permanence dans ces deux filières. En fait, vous souhaitez être traités davantage comme les banques de l'annexe I. Est-ce la tendance qui s'amorce? Que pensez-vous de ces restrictions?
M. Gennaro Stammati: Permettez-moi de dire que ces deux filières ont été conçues pour répondre à une vision différente. L'une vise surtout à permettre aux banques d'être des véhicules de prêt; par conséquent, la restriction s'applique à leur financement. L'autre représente un scénario plus compliqué où les banques sont autorisées à disposer d'une plus grande marge de manoeuvre. Évidemment, on imagine aisément que, comme dans tout autre domaine, la version la plus souple et la plus ouverte est celle que souhaitent tous les intervenants. Nous comprenons qu'à l'heure actuelle, le gouvernement préfère limiter la possibilité d'oeuvrer concurremment dans les deux filières pour une longue période de temps, ne serait-ce que parce qu'à ce stade-ci, il n'aurait sans doute pas été juste pour les banques canadiennes de faire autrement. Par conséquent, le gouvernement se réserve la possibilité de revenir sur cette question après avoir analysé en détail la recommandation du Comité MacKay.
Quant à savoir si les banques étrangères souhaitent être sur un pied d'égalité avec les banques nationales, je répondrais oui et non, en ce sens que nous souhaitons être efficaces sur un marché où nous pouvons offrir une plus-value. Il y a évidemment des segments du marché où nous ne serons sans doute pas aussi efficaces car il est difficile de pénétrer les milieux ruraux dans un pays qui n'est pas le sien lorsqu'on n'a pas l'infrastructure voulue pour le faire.
Les banques étrangères voudraient avoir la même marge de manoeuvre que les banques nationales. Ainsi, elles pourraient choisir le domaine où elles sont le plus en mesure d'être efficaces et concurrentielles.
M. Rick Limoges: Merci.
Le président: D'autres questions?
M. Ken Epp: J'ai certaines questions, mais elles ne s'adressent pas à ces messieurs. Je voudrais les poser à d'autres témoins qui viendront plus tard.
Le président: D'accord.
Monsieur Stammati, au nom du comité je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je vous suis reconnaissant d'avoir attiré notre attention sur un certain nombre de questions relatives au projet de loi. Vous avez sans contredit aidé notre comité, et je suis convaincu que vous continuerez de le faire lorsque viendra le moment d'apporter des changements pour améliorer la mesure. Comme d'habitude, vous nous avez été fort utile, notamment au sujet de l'étude du groupe MacKay. Votre contribution a été un élément fort valable de nos travaux. Merci.
M. Gennaro Stammati: Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs.
Le président: Bon fortuna.
M. Gennaro Stammati: Grazie.
Le président: Nous allons interrompre la séance pendant cinq minutes et ensuite, nous accueillerons M. Mike Bradfield, professeur d'économie à l'université Dalhousie.
Le président: Nous reprenons la séance.
Je souhaite la bienvenue à M. Mike Bradfield, économiste et professeur au département d'économie de l'université Dalhousie.
Comme vous le savez sans doute, vous avez de cinq à dix minutes pour faire votre exposé et ensuite, nous aurons un échange de questions et réponses. Encore une fois, bienvenue.
M. Mike Bradfield (témoignage à titre personnel): [professeur] Merci. Je vous remercie de cette occasion de prendre la parole devant le comité.
J'ai l'intention de m'attacher uniquement à une partie du projet de loi. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la discussion antérieure, particulièrement lorsqu'on a demandé aux membres du groupe s'ils acceptaient les exigences relatives aux réserves et qu'ils ont répondu par l'affirmative. En effet, mon exposé traite principalement de cette question.
• 1705
Le fait d'exiger une réserve de 10 millions de dollars ou 5 p.
100 du montant de dettes liées à l'exercice des activités au Canada
revient à imposer aux banques étrangères des obligations qui ne
sont pas imposées aux banques nationales, les banques de l'annexe
I. Les banques étrangères sont ainsi désavantagées sur le plan
concurrentiel parce que les banques canadiennes ne sont assujetties
à aucune exigence à cet égard depuis 1992 et ont choisi de
maintenir des réserves d'environ 1 p. 100. Cela représente un libre
choix de leur part et non une obligation. Autrement dit, les
banques canadiennes peuvent prêter 99 p. 100 des fonds qui leur
sont confiés alors que les banques étrangères sont tenues d'avoir
des réserves de 5 p. 100, dans le cas des grandes banques; sinon,
elles doivent avoir des dépôts d'une valeur de 10 millions de
dollars. Si une banque n'a que 50 millions de dollars en dépôts, la
somme de 10 millions de dollars représente en fait une réserve de
20 p. 100, ce qui est plutôt élevé. De toute évidence, on prévoit
que cela sera beaucoup plus considérable.
Je signale qu'au milieu de la page 2, on peut lire «en raison de l'importante fonction des dépôts». On devrait plutôt lire «en raison de l'importante fonction des réserves».
Dans ce document, je fais valoir que les réserves sont importantes pour deux fonctions de la Banque du Canada: le contrôle monétaire et la gestion de la dette. Par conséquent, nous devrions imposer aux banques canadiennes les mêmes conditions qu'aux banques étrangères. Il convient de maintenir pour les premières l'obligation d'avoir des réserves de 5 p. 100, mais de réintroduisant cette obligation pour les banques de l'annexe 1 et les autres intermédiaires financiers. Il convient d'agir ainsi en raison des importantes fonctions des réserves.
Dans le bon vieux temps, lorsque les réserves primaires étaient fixées à 10 p. 100, bien des gens pensaient que cette obligation visait à protéger le consommateur pour que les banques aient en main l'argent disponible pour payer les déposants si ces derniers réclamaient leur argent. En fait, ce n'était pas le cas. Les réserves en question permettaient à la Banque du Canada d'assurer le contrôle de la masse monétaire.
En principe, le coefficient de réserve—c'est-à-dire le ratio entre les réserves en espèces et le passif-dépôts—détermine ce que nous appelons le coefficient d'expansion monétaire ou multiplicateur monétaire. Je m'explique. Une fois les nouvelles réserves déposées dans les banques privées, cela représente l'ampleur de l'expansion que peut prendre la masse monétaire grâce aux prêts et à la réaffectation des prêts. Par conséquent, lorsqu'on exige une réserve de 10 p. 100, le multiplicateur monétaire en est la réciproque, c'est-à-dire 10. Les banques tendent à opérer sur la base de ce chiffre de 10. Elles peuvent le laisser grimper à 11, ce qui abaisserait le multiplicateur à 9 environ ou elles peuvent mettre les freins et aller un peu en deçà, auquel cas cela ferait augmenter le multiplicateur monétaire. Mais essentiellement, on s'en tient à une fourchette autour de 10, soit entre 9 et 10,5.
La Banque du Canada assume un certain nombre de responsabilités qui peuvent s'avérer contradictoires. Dans son rôle de gestionnaire de l'économie, il peut lui arriver de souhaiter relever les taux d'intérêt pour ralentir l'économie. Cela entre en contradiction avec sa fonction de fiduciaire du gouvernement du Canada chargé de gérer la dette gouvernementale car lorsque les taux d'intérêt augmentent, il devient plus coûteux d'assurer le service de la dette.
Il est plus onéreux de rembourser la dette pour deux raisons. Premièrement, lorsque les taux d'intérêt montent, la dette en souffrance doit être étalée sur une plus longue période et remboursée à un taux plus élevé. Mais deuxièmement, la politique monétaire associée à un relèvement des taux d'intérêt consiste à vendre des obligations au grand public sur le libre marché. Cela signifie que la proportion de la dette publique augmente. La raison pour laquelle c'est important, c'est que plus la proportion de la dette assumée par la Banque centrale est élevée, plus le coût de la dette est bas, tout simplement parce que la dette encourue par la banque est essentiellement libre d'intérêt. En effet, l'intérêt est remis au gouvernement puisque la banque n'est pas autorisée à faire un profit. Il s'ensuit que dans un contexte de libre marché, une hausse des taux d'intérêt aura une double répercussion sur le coût de la dette: premièrement, la hausse des taux d'intérêt en soi, et deuxièmement, la hausse du pourcentage de la dette qui est assumée par d'autres intervenants que la Banque du Canada.
Deuxièmement, le multiplicateur monétaire qui, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, est une réciproque du coefficient des réserves, se trouve à changer lorsque les exigences relatives aux réserves sont moindres. Par conséquent, lorsque nous passons d'une obligation de 10 p. 100 au titre des réserves, avec un multiplicateur de 10, à la suppression quasi totale de toute obligation à l'égard des réserves pour les banques où cela tourne autour de zéro, le multiplicateur monétaire grimpe jusqu'à 100.
• 1710
C'est un facteur qui pèse très lourd pour la Banque centrale
en terme de gestion de la dette. En effet, cela signifie que pour
réussir à obtenir un accroissement de la masse monétaire, pour
faire en sorte que baissent les taux d'intérêt, la Banque du
Canada, avec un multiplicateur monétaire de 100, achète maintenant
le dixième du volume des obligations qu'elle aurait acheté
auparavant lorsque les réserves obligatoires s'établissaient à
10 p. 100. Autrement dit, pour atteindre ses objectifs monétaires
et permettre l'expansion de la masse monétaire, ne serait-ce que
pour répondre aux besoins d'une économie en pleine croissance, la
Banque du Canada assume maintenant le dixième de la dette publique
par rapport à ce qu'elle faisait auparavant.
Ce qui se passe au Canada depuis une vingtaine d'années, c'est qu'en présence de réserves décroissantes, de réserves qui sont maintenant tombées à un taux de 1 p. 100 à l'heure actuelle, la Banque centrale a été forcée de détenir un pourcentage toujours moindre de la dette fédérale. La Banque centrale détenait plus de 20 p. 100 de la dette dans les années 60 et elle en détient maintenant environ 5 p. 100. Parallèlement, la participation étrangère a pris le chemin inverse de la Banque, affichant environ 3 p. 100 de la dette au début des années 60 pour atteindre plus de 20 p. 100 maintenant.
À la suite de l'élimination des exigences relatives aux réserves, la Banque du Canada s'est essentiellement retrouvée coincée car ses efforts pour diriger sérieusement la politique monétaire nuisent à sa capacité de contrôler le volet gestion financière et accroît le coût du service de la dette.
J'ai ici un tableau plutôt arbitraire en ce sens qu'il commence en 1992. J'aurais pu le faire commencer beaucoup plus tôt. J'ai supposé le taux des obligations du Trésor, le taux de 91 jours en guise de taux d'intérêt. En ce sens, c'est un tableau assez conservateur. Il montre que parce que la Banque du Canada n'a pas maintenu à 20 p. 100 ses avoirs en titres de la dette publique, sur une période de 12 ans, il nous a fallu payer environ 53 milliards d'intérêts de plus à cause de cette politique. Dans mon mémoire, j'explique que la Banque du Canada a négligé ses responsabilités en matière de contrôle monétaire et de gestion de la dette car le fait d'avoir opté pour une réduction des réserves obligatoires l'a amenée à assumer un coût énorme pour le service de la dette.
Cette réduction des réserves obligatoires a une autre conséquence. Elle fait en sorte qu'il est plus difficile pour la Banque centrale de contrôler la masse monétaire car avec des réserves qui se situent actuellement à 1 p. 100, il suffit que les banques modifient ces réserves quelque peu—si vous utilisez les mêmes pourcentages que lorsque les réserves obligatoires s'établissaient à 10 p. 100—et le multiplicateur monétaire oscillera entre 91 et 105. Cela signifie qu'il y a un écart considérable de 14—ce qui est plus que le coefficient d'expansion monétaire original—et le simple fait que les banques décident d'utiliser leurs réserves dans un sens ou dans l'autre peu influer sur la masse monétaire.
Ce que je veux faire comprendre, c'est simplement qu'il devient plus difficile pour la Banque du Canada de façonner ses propres politiques en raison de cette vaste fourchette attribuable à l'importance du multiplicateur monétaire. Le raisonnement élaboré dans mon document est le suivant. Étant donné que l'existence de réserves obligatoires aide la Banque, à la fois sur le plan du contrôle monétaire et de la gestion de la dette, nous devrions prendre l'exemple du projet de loi, qui impose des réserves obligatoires de 5 p. 100 aux banques étrangères, et réimposer cette obligation aux banques de l'annexe 1. Et étant donné que ces dernières avaient été soustraites à cette obligation afin d'être dans la même position que les autres intermédiaires financiers, il conviendrait d'imposer la même obligation aux autres intermédiaires financiers.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Bradfield.
Nous allons passer à M. Epp.
M. Ken Epp: Merci.
Je suis heureux que vous soyez à la fois économiste et professeur car j'ai besoin qu'on éclaire ma lanterne au sujet de certaines questions. Je ne suis pas économiste, ce qui fait qu'il est difficile pour moi de suivre. Êtes-vous en train de me dire que les banques à chartes canadiennes peuvent prêter plus d'argent qu'elles n'en ont?
M. Mike Bradfield: Il faut faire attention. Toute banque individuelle qui reçoit un dépôt de 100 $ peut, à l'heure actuelle, en prêter 99 $ et garder 1 $ dans ses coffres ou à titre de dépôt auprès de la Banque du Canada. Cependant, le système peut donner lieu à de multiples opérations de prêts. En effet, si vous déposez 100 $ et que j'emprunte 99 $ et que j'achète quelque chose avec, cet argent réintégrera les coffres de la banque en tant que nouveau dépôt et, à ce moment-là, celle-ci pourra encore une fois en prêter 99 p. 100, et le processus se perpétue. Tant que l'argent se recycle au sein du système bancaire, le système créé un multiplicateur monétaire, même si, individuellement, chaque banque vous dira qu'elle ne fait pas cela, qu'elle ne prête que 99 p. 100.
M. Ken Epp: Par conséquent, cela pourrait se multiplier sans fin?
M. Mike Bradfield: Non. Si les banques n'avaient plus de réserves, si elles n'avaient plus d'argent, alors oui, le multiplicateur monétaire serait infini. Mais en fait, étant donné qu'elles détiennent des réserves d'environ 1 p. 100, la valeur du multiplicateur est 100. C'est strictement une fonction du volume des réserves qu'elles détiennent à l'heure actuelle, soit parce que c'est ce qu'elles souhaitent à des fins opérationnelles soit parce qu'elles y sont obligées par la Loi sur les banques, comme c'est le cas des banques étrangères.
M. Ken Epp: Je sais que vous avez parlé de ces deux choses. Vous avez évoqué l'égalité entre les banques étrangères et les banques canadiennes. Premièrement, je pense qu'on ne saurait assimiler les banques étrangères aux banques de l'annexe 1; elles évoluent dans une sphère bancaire différente. Elles ne desservent pas le type ordinaire, si vous me passer l'expression, qui se présente pour faire un emprunt. Les banques de l'annexe 2 prêtent de l'argent aux grandes entreprises, aux grandes sociétés, n'est-ce pas? C'est ce qu'elles font.
M. Mike Bradfield: C'est ainsi que toutes les banques font leur argent.
M. Ken Epp: Oui, mais je veux dire que les banques de l'annexe 2 ont une clientèle plutôt limitée. Elles ne sont pas au service d'un simple quidam, comme moi.
M. Mike Bradfield: Mais il n'en reste pas moins qu'elles sont dans la même situation: elles acceptent des dépôts et les prêtent. Or, le projet de loi les oblige à conserver des réserves de 5 p. 100, et tout ce que je dis...
M. Ken Epp: Vous affirmez que si une banque étrangère voulait faire un prêt d'un million de dollars à une grande société au Canada, il faudrait qu'elle apporte, disons des États-Unis, 1 100 000 $ et qu'elle en dépose 100 000 $? D'après vous, c'est ce qu'il faudrait qu'elle fasse pour pouvoir prêter 1 million de dollars?
M. Mike Bradfield: Si la banque en question est tenue d'avoir des réserves obligatoires de 5 p. 100, cela signifie que si elle at un dépôt de 1 million de dollars, elle peut uniquement en prêter 95 p. 100.
M. Ken Epp: Oui.
M. Mike Bradfield: D'accord.
Si les banques apportent leur propre fonds de capital... Je suppose que cette obligation à l'égard des réserves vise uniquement leur passif-dépôts, et non pas le volet capitaux propres de leurs états financiers. Cela ne concerne que leurs dépôts.
M. Ken Epp: Cela signifie les dépôts canadiens.
M. Mike Bradfield: Oui.
M. Ken Epp: Mais cela n'est pas précisé dans la mesure, n'est- ce pas?
M. Mike Bradfield: Si je ne m'abuse, il est stipulé dans la mesure qu'on exige des réserves sur les dettes canadiennes, et je suppose qu'on entend par là le passif-dépôts.
M. Ken Epp: Non, ce n'est pas ce qui est stipulé. La mesure précise: «la banque étrangère autorisée doit de façon constante avoir en dépôt au Canada... auprès d'une institution financière canadienne», présumément une de nos banques locales «des éléments d'actif non grevés et de genre approuvé par le surintendant, dont la valeur totale, déterminée selon les principes comptables... est égale...» et ensuite, on précise les chiffres: un minimum de 100 000 $ ou le plus élevé des montants suivants, 10 millions de dollars ou 5 p. 100.
Je ne vois vraiment pas où vous voulez en venir. Je pense qu'il est question dans la mesure des capitaux de la banque. On ne parle pas spécifiquement de dépôts, n'est-ce pas? C'est en guise et lieu de capitaux.
M. Mike Bradfield: D'après mon interprétation du projet de loi, il s'agit de maintenir des réserves à l'égard... À l'alinéa 582(1)b)ii), il est dit: «5 p. 100 du montant des dettes liées à l'exercice de ses activités au Canada». Normalement, le gros des dettes des banques est lié aux dépôts. C'est ce qui me fait croire qu'on parle des dépôts faits au Canada.
Mon argument, c'est que cette obligation concernant les réserves devrait être réinstituée à l'égard de toutes les banques.
M. Ken Epp: Autrement dit, votre thèse est nulle et non avenue parce que ces banques peuvent apporter des capitaux intégralement étrangers, ne pas accepter de dépôts canadiens. À ce moment-là, vous dites que cette obligation ne s'applique pas à elles. Par conséquent, elles sont concurrentielles.
M. Mike Bradfield: Si elles opèrent strictement à l'aide de leurs capitaux, oui. Mais si vous regardez les relevés des banques, vous constaterez qu'elles ne fonctionnent pas avec leurs capitaux. Les banques opèrent sur la base de leurs dépôts.
M. Ken Epp: D'accord, mais si elles apportent leurs dépôts, des dépôts qui ne viendraient pas de Canadiens, cette disposition ne s'appliquerait pas.
M. Mike Bradfield: Je ne sais pas trop comment cela sera interprété.
M. Ken Epp: Je n'en suis pas sûr non plus.
M. Mike Bradfield: Je soupçonne que vous avez raison à ce sujet, mais j'essaie de vous faire comprendre qu'il y a une perspective plus large, que ces exigences relatives aux réserves jouent deux rôles très importants au Canada, à l'égard du contrôle monétaire et de la gestion de la dette. Par conséquent, il conviendrait de les réimposer à toutes les banques et à tous les intermédiaires financiers.
M. Ken Epp: Pour que tout soit clair, vous préconisez qu'au lieu de soustraire les banques étrangères aux exigences relatives aux réserves, pour qu'elles soient sur le même pied que les banques canadiennes, vous préféreriez que ces exigences s'appliquent également aux banques canadiennes. C'est ce que vous souhaiteriez.
M. Mike Bradfield: Exactement. Lorsque la Banque du Canada a supprimé ses exigences à l'égard des réserves, elle a dit que c'était un impôt sur les banques que les autres intermédiaires financières, comme les sociétés de fiducie, n'étaient pas tenues de payer puisqu'elles ne devaient pas obligatoirement avoir de réserves. Les 52 milliards d'intérêts de plus que nous payons en raison de cela me semblent un lourd impôt imposé aux contribuables canadiens, beaucoup plus lourd que ce que les banques devaient implicitement payer à cause des réserves obligatoires.
Le rôle de la Banque du Canada n'est pas d'alléger le fardeau fiscal des banques privées. Le rôle de la Banque centrale est de gérer l'économie et d'être le fiduciaire du gouvernement du Canada pour ce qui concerne la dette. D'après mes chiffres, la Banque, en négligeant ce prétendu impôt sur les banques et en ne s'en débarrassant pas en exigeant des réserves obligatoires de tous intermédiaires financiers a, dans les faits, protégé les banques de ce qu'elles appellent un impôt, au grand détriment des contribuables canadiens.
M. Ken Epp: D'accord, je pense comprendre. J'ai enseigné pendant 31 ans dans un domaine différent. J'étais professeur d'ingénierie mathématique, ce qui a un peu plus de sens que l'économie.
M. Mike Bradfield: Tout a plus de sens que l'économie.
M. Ken Epp: J'avais l'habitude de dire à mes élèves qu'il n'y avait pas de questions stupides et que s'ils ne comprenaient pas quelque chose, il ne fallait pas hésiter à poser une question et que je l'accueillerais avec respect. Je vous prie de me mettre dans cette catégorie d'étudiants à l'heure actuelle. D'où vient l'argent?
M. Mike Bradfield: À l'heure actuelle, il s'agit d'argent virtuel.
M. Ken Epp: Qui le crée? D'où vient-il?
M. Mike Bradfield: Cela dépend, selon que c'est à moi que vous posez la question ou à Gordon Thiessen. La monnaie qu'imprime la Banque du Canada constitue la base monétaire. Cet argent se retrouve ensuite dans les banques à charte et il est prêté, reprêté et reprêté de nouveau. C'est alors qu'intervient le multiplicateur monétaire pour que cet argent, selon les définitions courantes—et il y a plusieurs définitions du terme «argent»—ne représente pas les sommes que nous avons dans nos poches ou qui sont cachées sous le matelas, mais plutôt dans nos comptes de chèque.
M. Ken Epp: En fait, j'ai lu que la totalité des billets et des pièces de monnaie représente environ 5 p. 100 de notre capital total.
M. Mike Bradfield: Tout dépend de la définition du terme «argent» que vous utilisez. Il y en a plusieurs.
M. Ken Epp: La Banque du Canada crée-t-elle cet argent? Les banques individuelles le créent-elles? D'où vient-il?
M. Mike Bradfield: Cela s'inscrit dans les opérations du marché libre. Lorsque la Banque du Canada achète une obligation, par exemple, elle la paie à l'aide d'un chèque, ce qui revient à imprimer de l'argent. Si la société General Motors vend à la Banque centrale du Canada des obligations d'une valeur de 100 millions, elle prend ce chèque de 100 millions et le dépose à sa banque. Ses dépôts augmentent de 100 millions et la banque a maintenant 100 millions de plus dans ses réserves. D'après la mesure, la banque n'est pas tenue de conserver tout cet argent en espèces à l'égard des dépôts; elle peut en prêter 99 p. 100. Cet argent est donc prêté. Il est ensuite redéposé et c'est ce qui crée le multiplicateur monétaire. C'est donc sur cette base monétaire de la Banque centrale que repose le processus qui permet aux banques privées de fonctionner.
• 1725
Je pense qu'à l'occasion d'une comparution devant votre comité
il y a plusieurs années, le gouverneur Thiessen a dit que le cas
d'école du multiplicateur monétaire n'avait plus cours. Il a fait
valoir qu'en fait, c'est simplement la déclaration du taux
d'escompte—c'est-à-dire le taux créditeur alloué aux banques
privées—si elles veulent bâtir leurs réserves à court terme et que
c'est suffisant pour établir ce taux au jour le jour. Ensuite, cela
détermine, encore une fois, un taux de base et enfin, la structure
des échéances des taux d'intérêt est fondée sur cette base.
À mon avis, même si c'est vrai à court terme, la Banque du Canada doit pouvoir compter en complément sur le libre marché pour appuyer son intervention relativement au taux d'escompte, sinon il n'obtiendra pas le changement des conditions qu'il affirme avoir obtenu. Si, en fait, il a raison, alors cela modifie le volet gestion de la dette car cela laisse entendre que le taux de base appliqué par la Banque du Canada à l'achat des obligations n'est plus pertinent. À ce moment-là, la Banque centrale peut acheter des obligations et revenir à une proportion de 20 p. 100 de la dette et abaisser considérablement le coût du financement de la dette. Par conséquent, si M. Thiessen est vraiment convaincu de ce qu'il dit, il devrait modifier sa politique de gestion de la dette car peu importe quel pourcentage la banque centrale en détient. À mon avis, cela importe. C'est l'un des effets entraînés par la réimposition des réserves obligatoires. Cela permet à la Banque du Canada d'assumer une plus grande proportion de la dette publique.
M. Ken Epp: Je vous suis. Vous pouvez m'interrompre, monsieur le président.
Le président: Non, allez-y. J'aime bien cet échange.
M. Ken Epp: J'ai un tas de questions.
Le président: Du jamais vu.
M. Ken Epp: Vraiment? Non, je suis sûr que vous n'avez jamais vu cela. Moi non plus.
Voici une question. On nous a dit que non seulement les gouvernements du Canada mais également les citoyens canadiens sont endettés à un niveau record. Je crois savoir que l'endettement par habitant au pays se chiffre autour de 25 000 $. À cela s'ajoutent les dettes des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral. Si je contracte un emprunt de 100 000 $ et que je le rembourse en 20 ans, à cause des intérêts, j'aurai pratiquement payé deux fois ce que j'ai emprunté, selon le taux d'intérêt et la durée de l'échéance, évidemment. Si cela est vrai dans le cas d'un aussi grand nombre de Canadiens, il s'ensuit que dans 10 ans, nous devrons doubler notre masse monétaire, sinon nous ne pourrons payer l'intérêt sur nos emprunts.
M. Mike Bradfield: J'ai dans mes dossiers une lettre d'un agriculteur qui pose précisément ce problème. Prenons le cas de quelqu'un qui emprunte 100 000 $. On suppose qu'il paiera l'intérêt non pas grâce à un apport d'argent supplémentaire, mais soit en réduisant sa consommation de biens et services soit en investissant les 100 000 $ dans quelque chose qui lui rapportera un rendement supérieur au taux d'intérêt, lui permettant ainsi de le rembourser.
M. Ken Epp: Si l'on construisait une clôture autour du Canada, ce qui est, bien sûr, impossible... Il faudrait construire une clôture autour du monde entier, au train où vont les choses à l'heure actuelle...
M. Mike Bradfield: Nous n'en avons pas besoin. Personne n'en a suffisamment.
M. Ken Epp: À ma connaissance, nous n'avons pas encore d'investissement de la planète Mars ou Vénus. Mais à un moment donné, il faut se rendre compte qu'il s'agit d'un système fermé et qu'à l'intérieur d'un système, si on exige deux fois plus d'argent qu'à l'heure actuelle, il est clair que d'ici les 20 prochaines années, cet argent supplémentaire doit venir de quelque part. D'où vient-il?
M. Mike Bradfield: Dans la mesure où l'économie est en croissance, la Banque du Canada doit faire place à cette croissance et accroître la masse monétaire en haussant cette base monétaire qui déclenche le coefficient d'expansion monétaire.
M. Ken Epp: Mais la masse monétaire au Canada est contrôlée par les taux d'intérêt.
M. Mike Bradfield: C'est le contraire. C'est la masse monétaire qui détermine le taux d'intérêt, avec la demande de monnaie. Le taux d'intérêt détermine le niveau des investissements, les dépenses des consommateurs et d'autres facteurs, et il a ainsi une incidence sur l'économie.
M. Ken Epp: Bien. Monsieur le président, je renonce, parce que je...
Le président: Est-ce une annonce officielle que vous nous faite?
Des voix: Bravo, bravo!
Une voix: Pouvez-vous mettre cela par écrit?
M. Ken Epp: Non, je n'ai pas dit que j'allais renoncer à mon siège. Vous m'avez mal compris.
Le président: Oh, je vois.
M. Ken Epp: Je vais simplement m'arrêter ici pour l'instant. Je dois réfléchir à la question.
Je pense que le témoin a présenté un point de vue intéressant au sujet de l'égalité des banques. Je crois comprendre son raisonnement, mais je ne pense pas qu'il a répondu à la question. Il me semble que les banques étrangères qui apportent des capitaux étrangers n'ont pas nécessairement, parce qu'elles ne reçoivent pas les dépôts des Canadiens... C'est une tout autre histoire, à mon avis.
Je vais devoir demander l'aide de nos attachés de recherche à ce sujet. La loi dit que la banque doit avoir en dépôt un pourcentage du montant des dettes «liées à l'exercice de ses activités au Canada», sans préciser s'il s'agit de dépôts ou de prêts. Ce n'est pas clair. Je pense que nous devons corriger cela. Le témoin soulève un point intéressant. Mais comment corriger cela, je n'en ai aucune idée dans le moment.
Le président: Merci monsieur Epp.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci monsieur le président.
Merci d'être venu nous présenter votre point de vue. Je fais peut-être partie de ce comité depuis plus longtemps que d'autres députés et j'ai entendu plus de points de vue et beaucoup d'exposés. Je me rappelle de l'époque du Crédit social de l'Ouest et de Paul Hellyer. Bien sûr, il parlait de façon plus éloquente... sans vouloir vous offenser. Il ne faut pas oublier qu'il s'est présenté à la direction du parti. Il a parlé de façon plus éloquente de la façon dont nous devrions contrôler notre masse monétaire au Canada.
J'ai interrogé souvent le gouverneur de la Banque du Canada sur la masse monétaire. En fait, je lui ai souvent parlé des dépôts des banques canadiennes. Je me rappelle de l'époque des 10 p. 100 qu'elles devaient avoir en dépôt qui ont ensuite été ramenés à 5 p. 100. Aujourd'hui, elles n'ont plus de dépôts obligatoires. Mais je comprends que les succursales des banques étrangères avaient une obligation de 5 p. 100 et qu'elles voulaient être traitées différemment. Voilà pourquoi le projet de loi prévoit un traitement différent. Pourquoi exiger des banques étrangères des dépôts de 5 p. 100 quand les banques canadiennes n'ont pas à respecter cette exigence? Le traitement doit être égal.
J'aimerais avoir une précision ici. Vous avez dit que, pour chaque dollar déposé chez elle, la banque ne prête qu'un dollar. Mais, si j'ai bien compris, l'effet multiplicateur fait que, quand la banque reçoit un dollar et prête 95 cents, si le prêteur dépose une partie de l'argent emprunté à la banque, la banque pourra prêter 20 $ pour chaque dollar déposé.
M. Mike Bradfield: Pour chaque dollar reçu, la banque en prête 20.
M. Gary Pillitteri: Oui, pour chaque dollar que les banques reçoivent en dépôt, elles en prêtent 20.
M. Mike Bradfield: Les banques pourraient en prêter 20 si le coefficient des réserves est de 5 p. 100.
M. Gary Pillitteri: Indépendamment de cela.
M. Mike Bradfield: Bien, non, en fonction de leur capacité.
M. Gary Pillitteri: C'est ce que les banques canadiennes font actuellement.
M. Mike Bradfield: Bien, selon les chiffres, elles prêtent en fait presque 100 $. D'après les réserves de caisse des banques, celles qui se trouvent dans leurs coffres ou à la banque du Canada...
M. Gary Pillitteri: Excusez-moi. Je ne veux pas argumenter. Je dis que, pour chaque dollar déposé chez elles, les banques en prêtent 20. Je n'ai pas parlé du multiplicateur monétaire qui fait qu'elles peuvent en prêter 100.
M. Mike Bradfield: Non, vous utilisez celui qui leur permet d'en prêter 20. Mais, je vous dis que, selon les chiffres, le multiplicateur leur permet de prêter près de 100 $.
M. Gary Pillitteri: Oui?
M. Mike Bradfield: Oui, c'était environ 78 $ en 1994 et ce chiffre a augmenté depuis.
M. Gary Pillitteri: Vous dites alors que les banques impriment de l'argent?
M. Mike Bradfield: Les banques ont toujours eu la possibilité d'imprimer de l'argent. Dans la mesure où les comptes de chèques et les autres types de compte sont considérés comme de l'argent, en ouvrant un compte pour quelqu'un qui emprunte, les banques créent de l'argent. Qu'elles le fassent réellement, en lui prêtant l'argent déposé par quelqu'un d'autre, ou qu'elles le fassent en ouvrant un compte, l'effet est à peu près le même. Elles créent une forme d'argent, pas de la monnaie fiduciaire, de la monnaie légale, comme la monnaie créée par la Banque du Canada...
M. Gary Pillitteri: Mais artificiellement.
M. Mike Bradfield: ...mais artificiellement. Quand les gens acceptent votre chèque, ils acceptent de l'argent.
M. Gary Pillitteri: C'est la théorie défendue par M. Hellyer et, bien sûr, par l'ancien Crédit social.
J'ai une autre question à poser. J'ai interrogé le gouverneur de la Banque de Canada sur le rôle de la Banque du Canada et on m'a expliqué que ce n'est pas elle, mais le gouvernement du Canada, qui détient la dette. La Banque du Canada utilise ses réserves seulement pour placer et soutenir le dollar ou vendre des dollars. Elle possède environ 25 milliards de dollars à cette fin.
M. Mike Bradfield: Vous parlez d'un aspect complètement différent des activités de la banque.
M. Gary Pillitteri: Je parle du rôle de la Banque du Canada.
M. Mike Bradfield: La banque centrale joue plusieurs rôles. Elle dirige l'économie, c'est-à-dire le chômage et l'inflation; elle assure la stabilité du taux de change; et elle gère la dette du gouvernement à titre de fiduciaire.
• 1735
Pour assurer la stabilité du taux de change, elle conserve un
fonds en devises étrangères qui varie. Je n'ai pas vérifié les
chiffres dernièrement, mais un fonds de 25 milliards de dollars ne
semble pas déraisonnable. Il sert uniquement aux opérations de
change.
Pour ce qui est de la politique monétaire nationale, la banque centrale achète ou vend sur le «marché libre» des obligations pour changer la base monétaire dont je parlais et la capacité des banques d'accroître la masse monétaire.
M. Gary Pillitteri: Et des dérivés.
M. Mike Bradfield: Et pour cela... La Banque du Canada peut acheter et vendre n'importe quoi; elle pourrait acheter et vendre des épinglettes. Mais pour diverses bonnes raisons, elle achète et vend des obligations du gouvernement canadien. Elle pourrait acheter et vendre des obligations provinciales. En fait, elle possède toute une gamme d'obligations.
M. Gary Pillitteri: Mais elle ne détient pas la dette.
M. Mike Bradfield: Bien, par définition, ces obligations constituent la dette du gouvernement.
Puis-je me dissocier en partie des propos de Paul Hellyer et du Crédit social? Mon point de vue n'est pas celui du Crédit social ni de Paul Hellyer. Je suis d'accord avec certaines des idées de Paul Hellyer, mais il se demande, comme on en a parlé plus tôt, d'où vient l'argent utilisé pour payer les intérêts sur l'emprunt. Il expose les idées du Crédit social et parle d'argent de singe, ce qui est complètement différent.
M. Gary Pillitteri: Et aussi quand le gouvernement devrait dire aux banques de lui prêter sans intérêt. Nous avons déjà entendu cela.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Bennett, avez-vous des questions à poser? Monsieur Limoges?
Monsieur Bradfield, au nom du comité, j'aimerais vous remercier de votre témoignage.
M. Ken Epp: Puis-je poser une autre brève question?
Le président: Oui. Voici une question de la part d'un homme qui devait renoncer.
M. Ken Epp: Ma question sera très brève.
Monsieur Bradfield, ma question est hypothétique. Si on vous demandait de vous présenter devant un groupe de 25 ou 30 économistes, combien d'entre eux... Pourriez-vous trouver 20 ou 30 économistes qui seraient d'accord avec le document que vous avez...
M. Mike Bradfield: Oui, très facilement.
M. Ken Epp: Vous pensez.
M. Mike Bradfield: En fait, j'en suis arrivé à ces chiffres il y a environ quatre ou cinq ans, et le premier ou le deuxième budget parallèle des Réformistes a tenu compte de cette idée, qui en fait reçoit l'appui de 40 ou 50 économistes.
J'ai organisé un atelier dans notre département quand j'ai commencé à examiner ces chiffres, et ce qui m'inquiétait, c'est la proportion décroissante de la dette assumée par la banque centrale. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi. Puis j'ai finalement trouvé. C'est que la réserve obligatoire a diminué, ce qui limite la dette qu'elle peut accumuler.
Quoi qu'il en soit, j'ai discuté de la question plusieurs fois avec mes collègues à l'heure du lunch et j'ai finalement organisé un atelier dans notre département. Le scepticisme de mes collègues—qui ne pouvaient pas croire que les avoirs de la Banque du Canada en titres de la dette publique avaient autant diminué—s'est transformé en consternation quand ils ont pris conscience de ce qui se passait. Donc, dans mon département, je peux probablement recueillir beaucoup d'appuis.
M. Ken Epp: Merci.
Le président: Monsieur Bradfield, merci encore.
La séance est levée.