FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er avril 1998
[Traduction]
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Nous ne sommes pas encore à huis clos. Nos délibérations sont enregistrées. Nous siégeons en public.
Je demande d'abord la permission de lire aux fins du compte rendu un mémoire présenté par l'Association des consommateurs du Canada. Vous en avez tous un exemplaire. C'est une lettre de trois pages signée par la directrice exécutive, Marnie McCall. Ai-je la permission de lire cette lettre pour qu'elle figure au compte rendu?
M. Toni Valeri (Stoney Creek, Lib.): Certainement, monsieur le président.
Le président: La voici:
Association des consommateurs du Canada, Case postale 9300, Ottawa
(Ontario) K1G 3T9.
Le 31 mars 1998
L'honorable Maurizio Bevilacqua, président, Comité des finances de
la Chambre des communes, Parlement du Canada, Ottawa (Ontario)
Monsieur,
Objet: Ventes liées
L'Association des consommateurs du Canada (ACC) est une organisation nationale et bénévole, à but non lucratif, qui a été fondée en 1987 pour défendre les droits des consommateurs sur le marché canadien. Depuis le début des années 70, l'ACC s'intéresse tout particulièrement aux questions relatives aux services financiers.
Au printemps de 1996, l'ACC et l'Institut national de la qualité ont mené un sondage auprès de 9 000 Canadiens dans le cadre du sondage des consommateurs sur la qualité. On a demandé aux consommateurs de coter une vingtaine de prestataires de services, dont les banques, les fiducies et les coopératives de crédit. En combinant les cotes «excellent» et «bon», les coopératives de crédit se sont classées au deuxième rang, les fiducies, au sixième rang et les banques, au seizième rang. Dans le deuxième sondage des consommateurs sur la qualité qui été mené au printemps de 1997, sur 21 prestataires de services, les coopératives de crédit se sont classées troisième, les fiducies neuvième et les banques dix-septième. Manifestement, les banques ont du pain sur la planche si elles veulent regagner la confiance des consommateurs.
On vous a certainement dit qu'il n'est pas facile de prouver que les banques imposent les ventes liées à leurs consommateurs. Lorsque, grâce à l'intimidation, on peut forcer quelqu'un à agir contre son gré, il est peu probable que cette personne se plaigne. Ceux qui le font disent souvent qu'ils ont fait ce que la banque demandait par crainte qu'un refus ait une incidence sur leurs transactions futures avec la banque ou leur cote de solvabilité.
En ce qui concerne la politique, l'ACC reconnaît que les banques, comme institution, n'encouragent ni n'appuient l'imposition de ventes liées. Toutefois, comme institution, les banques sont responsables de la formation qu'elles donnent à leurs employés. L'ACC estime qu'une solution consisterait à mieux former les employés qui sont en première ligne. Bien des employés des banques ne semblent pas comprendre la différence entre «si vous faisiez toutes vos transactions ici, vous auriez un meilleur taux d'intérêt sur votre prêt» et «nous ne pouvons vous accorder de prêt si vous ne faites pas toutes vos transactions ici». La première phrase est le genre d'offre que la plupart des gens attendent d'une institution financière qui veille aux intérêts de ces consommateurs. Alors que la deuxième constitue de la coercition.
L'ACC s'est prononcée sur les ventes liées à plusieurs occasions, y compris devant votre comité. Nous traitons de cette question en détail dans notre mémoire de septembre 1996 sur la protection des consommateurs contre toute forme de coercition. Dans un document de 1995 intitulé La réforme des services financiers, l'ACC a recommandé que l'on interdise aux institutions financières la publicité d'autres produits dans le cadre d'informations transactionnelles fournies aux consommateurs. L'ACC a alors aussi recommandé que l'on permette aux institutions financières de renvoyer les consommateurs à des entreprises ou services associés, à condition que les consommateurs soient informés du fait qu'ils n'étaient pas tenus de faire affaire avec cette entreprise, mais qu'ils pouvaient le faire s'ils le souhaitaient.
Nous craignons que l'utilisation des informations transactionnelles ne facilite l'imposition de ventes liées. L'été 1997, l'ACC a interrogé environ 8 000 de ses adhérents sur toute une gamme de questions de consommation, y compris la concurrence dans le secteur des services financiers et la sécurité des transactions financières électroniques, ainsi que la confidentialité et la précision des informations personnelles dans le commerce électronique. Sur plus de 1 000 réponses, 78 p. 100 ont indiqué être préoccupés de la confidentialité des informations personnelles, 85 p. 100 ont indiqué avoir des préoccupations sur les entreprises qui recueillent ces données et 61 p. 100 se sont dits inquiets de la sécurité de leurs transactions financières.
Les banques dispensent de plus en plus de services financiers et il y a prolifération des ententes de réseau entre les prestataires de services financiers; parallèlement, les préoccupations des consommateurs augmentent. Les banques doivent assumer des responsabilités fiduciaires à l'égard de leurs clients. À ce titre, elles doivent non seulement agir dans l'intérêt de leurs clients, elles doivent aussi donner l'impression de le faire. La divulgation et la transparence complètes sont encore plus essentielles lorsque les relations entre les institutions financières entrent en conflit avec les intérêts des consommateurs.
L'ACC a recommandé le dépôt de l'amendement dont il est question ici et appuie son adoption. Les consommateurs ne sont pas bien protégés par les lois actuelles sur les ventes liées. Un consommateur qui a fait l'objet de coercition ne devrait pas être tenu de prouver, comme c'est le cas aux termes de la Loi sur la concurrence, qu'une institution financière particulière s'adonne à la coercition. Il est évident qu'aucun consommateur seul ne pourrait prouver une telle chose et il est tout aussi évident qu'aucune banque ne fait de la coercition une politique ni n'approuve, même tacitement, de telles pratiques. Tout ce que les consommateurs devraient avoir à prouver, c'est qu'ils ont été forcés d'agir contre leur gré.
En plus d'avoir recommandé cette modification, l'ACC a proposé une interdiction générale des ventes liées qui s'appliquerait non seulement aux banques mais à tous les prestataires de services financiers. Toutes les lois fédérales devraient être modifiées de façon à inclure une disposition en ce sens. Le gouvernement fédéral devrait exhorter les provinces et les territoires à adopter sans tarder des dispositions équivalentes, comme l'Ontario se propose de le faire en ce qui concerne les ventes de fonds communs de placement.
Nous formulons de nouveau ces recommandations à votre comité.
Veuillez agréer, Monsieur, mes sincères salutations.
La directrice exécutive de l'Association des consommateurs du Canada,
Marnie McCall
c.c.: L'honorable Jim Peterson, secrétaire d'État aux institutions
financières; Harold MacKay, président, Groupe de travail sur le
secteur des services financiers; Gail Lacombe, présidente, Comité
des services financiers.
Le président: Je vous demande aussi la permission de lire aux fins du compte rendu un mémoire de la Coalition canadienne pour le réinvestissement. C'est un document de neuf pages. Puis-je le lire afin qu'il figure au compte rendu? Vous êtes d'accord?
Des voix: D'accord.
Déclaration de la Coalition canadienne pour le réinvestissement:
MÉMOIRE AU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES DE LA CHAMBRE DES COMMUNES SUR LES VENTES LIÉES
-
«Les banques canadiennes n'existent pas dans un environnement non
réglementé. Au fil des ans, elles ont beaucoup profité de la
protection que leur confère la Loi sur les banques».
(Extrait d'un discours prononcé par le très honorable Jean Chrétien le 11 février 1993.)
I. Contexte
a) Ce que les banques doivent aux Canadiens
Les cinq grandes banques canadiennes sont les plus grandes sociétés au Canada (en fonction de la valeur totale de leurs actifs, par ordre de grandeur: la Banque Royale, la CIBC, la Banque de Montréal, la Banque Scotia et la Banque Toronto Dominion). Ces actifs comprennent des prêts, que les emprunteurs doivent rembourser, des obligations d'État, des parts dans d'autres entreprises, des immeubles, des biens, etc.
Toutefois, tous ces éléments d'actifs reposent sur l'argent que déposent en banque plus de 20 millions de Canadiens. Selon l'Association des banquiers canadiens, les comptes de dépôt de particuliers canadiens constituent la plus grande catégorie de dépôts, autant en nombre que pour la somme totale qu'ils représentent. Lorsqu'on ajoute à ces dépôts les comptes de dépôt des entreprises, on obtient un total de 676 milliards de dollars qui représentaient 93 p. 100 du capital de base total des cinq grandes banques à la fin d'avril 1997. Par opposition, les investissements des actionnaires dans les banques ne totalisent que 46 milliards de dollars.
Sans le capital de base que constituent ces dépôts, les cinq grandes banques n'auraient pu se doter de la base d'actifs qu'elles détenaient à la fin de 1996, à savoir:
-
—555 milliards de dollars en avoirs libellés en dollars canadiens;
-
—380 milliards de dollars en avoirs en devises dans 120 pays; et
-
—plus de 405 milliards de dollars en prêts aux entreprises;
-
—pour un actif total représentant près de 23 fois le capital
individuel.
En outre, sans le capital de base fourni par les déposants, les cinq grandes banques n'auraient pu faire les profits suivants en 1996:
-
—41 milliards de dollars en revenus provenant des intérêts versés
sur les prêts;
-
—10 millions de dollars en revenus provenant d'obligations et de
titres (qui représentent 75 p. 100 du revenu total de 54 milliards
de dollars).
Une comparaison du total des actifs, dépôts et prêts des cinq grandes banques avec les recettes totales des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada nous donnent une idée de l'envergure de nos grandes banques. Les avoirs de chacune des cinq grandes banques, les dépôts seuls de la Banque Royale et les prêts de la Banque Royale et de la CIBC sont supérieurs aux recettes annuelles du gouvernement fédéral. Les avoirs et dépôts de trois des cinq grandes banques sont supérieurs aux recettes annuelles combinées des provinces et territoires.
b) Ce que les banques doivent aux gouvernements du Canada: des décennies de privilèges et de protection.
Le Canada a l'un des secteurs bancaires les plus concentrés au monde. Le nombre de nos banques représente la moitié de celui du Japon, un cinquième de celui de l'Allemagne, un septième de celui de la France et un huitième de celui de la Grande Bretagne; il y a 200 fois plus de banques aux États-Unis qu'au Canada.
Notre secteur bancaire est si concentré parce que nos banques, depuis 1967, jouissent d'une protection juridique contre la concurrence des banques étrangères et institutions financières nationales, et parce que des coûts élevés constituent un obstacle très efficace contre la concurrence des nouvelles banques. Juste qu'à tout récemment, il existait une limite individuelle de 10 p. 100 et une limite collective de 25 p. 100 sur la propriété étrangère des sociétés de prêt, de fiducie et d'assurance réglementées par le gouvernement fédéral et contrôlées par des Canadiens. Une limite collective de 25 p. 100 sur la possession par des étrangers des banques à charte; et un plafond de 12 p. 100 sur la taille du secteur bancaire étranger au Canada. Par conséquent, il n'y qu'environ 50 banques étrangères au Canada. Ces restrictions n'existent plus, mais les banques étrangères doivent toujours trouver des millions de dollars en capital pour pouvoir ouvrir une filiale et obtenir l'autorisation du ministre des Finances pour ouvrir des succursales, et personne ne peut posséder plus de 10 p. 100 d'une banque à charte nationale (c'est-à-dire les cinq grandes banques et quelques petites banques).
Presque toutes les banques étrangères au Canada sont des banques d'investissement se spécialisant dans les grandes sociétés parce que, comme l'ont indiqué leurs représentants dans le numéro de mai-juin 1996 du magazine Le Banquier, elles estiment qu'il ne vaut pas le coup pour elles de tenter de rivaliser avec les grandes banques dans le domaine des services et prêts personnels et aux petites entreprises.
Parce qu'elles ont été protégées contre la concurrence étrangère et que le gouvernement fédéral leur a permis d'être actives dans presque tous les domaines du secteur des services financiers, les cinq grandes banques canadiennes ont connu une croissance énorme, comme vous le constaterez ci-dessous, et contrôlent maintenant bon nombre des domaines du secteur des services financiers, à savoir:
-
—plus de 65 p. 100 (un billion de dollars) de tous les avoirs des
institutions financières de dépôt du pays (les 11 banques
canadiennes contrôlent 93 p. 100 du total des actifs):
-
—80 p. 100 des actifs et presque toutes les grandes sociétés de
courtage en valeurs mobilières; et
-
—la majorité des prêts aux petites entreprises, du crédit à la
consommation et des hypothèques.
Au total, grâce à 4,5 milliards de dollars versés par les contribuables, les banques ont pu prendre le contrôle de plusieurs sociétés de fiducie au cours des dernières années (surtout en 1991-1992), de sorte que les banques possèdent maintenant plus de 15 sociétés de prêt et de fiducie (il ne reste plus qu'une seule grande société de fiducie indépendante, Canada Trust). De 1984 à 1995, l'actif total des sociétés de prêt et de fiducie à des banques est passé de 36 milliards de dollars à 150 milliards de dollars. De plus, même si le gouvernement fédéral a donné aux banques l'accès illimité au secteur des fonds de placement il y a à peine neuf ans, cinq grandes banques figurent déjà dans la liste des dix plus grandes sociétés de fonds de placement au Canada, et ces banques contrôlent 30 p. 100 des avoirs totaux du secteur.
Dans le domaine de l'accès au capital d'entreprises ce sont les banques qui constituent la principale source de prêts et autres formes de crédit. À la fin de 1993, le crédit aux entreprises accordé par les sept plus grandes banques totalisait 456 milliards de dollars.
Dans l'ensemble, les prêts et investissements des institutions financières autres que les sept grandes banques ne représentent que 20 p. 100 du total des prêts aux entreprises (97,5 milliards de dollars). Les programmes fédéraux de prêts et de subventions, qui constituent au plus 4,5 milliards de dollars, ne suffisent pas à combler cet écart. Manifestement, les fonds autres que ceux des banques dont disposent les entreprises en général et plus particulièrement les petites entreprises qui créent des emplois sont minuscules comparés aux ressources financières des banques à charte. Pour que les petites entreprises canadiennes soient compétitives à l'échelle mondiale et continuent de créer des emplois, les banques canadiennes devront rendre des comptes et veiller à répondre aux besoins de ce secteur clé de l'économie canadienne.
Par leurs activités d'investissement et de prêt, les grandes banques canadiennes ont le privilège de jouer un rôle clé, avec l'accord du gouvernement, dans la création de la masse monétaire. Ce rôle est d'ailleurs subventionné, depuis plusieurs années, par les garanties accordées par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Pour garantir les défauts de paiement de prêts aux termes de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, le gouvernement a dû verser 258 millions de dollars depuis 1992 (soit 2,5 p. 100 des prêts) selon le vérificateur général du Canada, qui a dénoncé le coût élevé du programme par rapport au nombre d'emplois qu'il a permis de créer. Un système semblable existe au Québec depuis décembre 1994 (il est connu sous le nom de système Paillé); le gouvernement de cette province a dû verser 116 millions de dollars pour des prêts non remboursés aux banquiers et aux caisses populaires, surtout parce que les institutions financières ne vérifiaient pas la viabilité des entreprises auxquelles elles accordaient des prêts (voir à ce sujet le cinquième exposé de position de la CCRC qui est paru en décembre 1997 et qui s'intitule Un système d'imputabilité pour les institutions financières du Canada: s'assurer qu'elles satisfont à des normes élevées, pour plus de détails).
c) Les profits records pour les banques: résultat des privilèges et de la protection
Cette protection et ces grands privilèges ont aidé les cinq grandes banques du Canada à faire des profits records au cours des trois dernières années. En 1995, les cinq grandes banques comptaient parmi les sept sociétés qui avaient fait le plus de profits au Canada, leurs profits ayant presque doublé depuis 1993, et en 1996, la Banque Royale e enregistré les profits les plus élevés jamais enregistrés par une entreprise canadienne (1,43 milliard de dollars). Les profits des banques en 1997 ont augmenté considérablement; ils ont augmenté de 19 p. 100 par rapport à 1996, passant à 7,5 milliards de dollars, lorsque la Banque Royale a battu son propre record (en atteignant 1,68 milliard de dollars) et la CIBC et la Banque Scotia se sont classées aux deuxième et troisième rangs (avec 1,55 milliard de dollars et 1,5 milliard de dollars respectivement en profits). Trois des cinq grandes banques canadiennes (la Banque Royale, la CIBC et la Banque de Montréal) comptent parmi les 16 banques du monde faisant le plus de profits.
d) La protection et les privilèges s'accompagnent de responsabilité
Les banquiers aiment bien dire des grandes banques du Canada que ce sont des entreprises privées qui doivent accorder la priorité aux intérêts des actionnaires, intérêts qui priment ceux des employés et des clients.
Toutefois, étant donné que les banques ne seraient pas aussi grandes ni riches sans les épargnes des particuliers canadiens et que la protection et les privilèges dont elles jouissent leur sont accordés par les gouvernements du Canada, les banques s'apparentent beaucoup plus à un service public.
Les services publics tels que l'hydroélectricité, l'eau, le téléphone et la câblodistribution se voient accorder le privilège très important de détenir des droits quasiment exclusifs d'exploitation d'une ressource naturelle. De même, on a accordé aux banques le grand privilège de jouer un rôle important dans la mise en valeur d'une ressource créée par l'être humain, l'argent. Les services publics et les banques sont en situation de confiance par rapport au public en ce qui a trait aux ressources qu'ils gèrent.
Lorsque, en 1967, on a décidé de protéger les banques canadiennes contre la concurrence étrangère, c'est qu'on croyait que les banques canadiennes étaient les mieux en mesure de répondre aux besoins du marché national. Même si cette décision a essentiellement créé un monopole des banques dans le secteur des services bancaires, les banques n'ont pas été tenues, en retour, de se conformer à des normes de service ou de s'engager à bien servir les Canadiens et l'économie canadienne. Par opposition, les services publics sont tenus de satisfaire à des normes de service, de fournir des services à l'échelle du pays et de donner des statistiques détaillées sur leurs coûts et leurs revenus chaque fois qu'ils veulent modifier les taux imposés aux consommateurs.
Certains commentateurs, y compris les banques évidemment, font valoir que les consommateurs, s'ils sont insatisfaits des banques, ont accès à d'autres sources de services bancaires, et à d'autres sources de capital. On semble oublier que dans le réseau financier canadien, les banques constituent la principale source de services d'intermédiation financière, tels que présentés en détail ci-dessus dans le paragraphe sur le contrôle que les banques exercent sur les divers secteurs de l'industrie des services financiers.
Il est entendu que les banques ont joui de privilèges nombreux et d'une grande sécurité depuis des décennies, ce qui leur a permis d'acquérir des actifs considérables et le contrôle du marché des services financiers au Canada et ce qui leur a conféré un mandat public, et qu'elles devraient donc être assujetties à des normes plus élevées dans de nombreux secteurs de leurs activités que les autres sociétés.
e) Problèmes des consommateurs
En ce qui concerne les problèmes des consommateurs, des sondages auprès de plus de 8 000 Canadiens quant à leur satisfaction face à divers secteurs industriels canadiens, effectués en 1996 et 1997 par l'Institut national de la qualité révèlent que les Canadiens placent les banques dans le dernier quart de 21 industries, dans la même catégorie que les monopoles réglementés tels que les câblodistributeurs et Postes Canada. Par contre, les répondants ont placé les caisses de crédit au troisième rang parmi les secteurs industriels et les sociétés de fiducie au neuvième rang. Le sondage évaluait la courtoisie, le service rapide, l'information sur les produits, le service après-vente et le service de plaintes.
En outre, une étude publiée au mois de juin 1996 par l'ACEF-Centre de Montréal conclut que 3 p. 100 des adultes canadiens ne possèdent pas de compte dans une institution financière. D'autres sondages révèlent que les Canadiens à faible revenu sont encore moins portés à avoir un compte en banque. Un sondage Environics effectué en 1995 a constaté que 8 p. 100 des consommateurs dont le revenu annuel était inférieur à 25 000 $ (ce qui selon les données de Statistique Canada de 1994 représentent au moins 400 000 Canadiens) n'ont pas de compte bancaire.
Ces sondages ont entraîné des demandes de divulgation plus poussée par les banques des renseignements importants dans le domaine des services aux consommateurs, ce que jusqu'à présent les banques ont refusé et le gouvernement fédéral a refusé d'exiger que l'information soit divulguée.
Dans un domaine en particulier, les frais de service et les taux d'intérêt des cartes de crédit, les consommateurs, partout au Canada, expriment depuis plusieurs années, leur impression que les banques leur font trop payer. Bien que plusieurs cadres supérieurs des banques ont reconnu que c'est là l'une des principales préoccupations de leur clientèle, jusqu'à présent, les banques n'ont pas divulgué d'information qui démontrerait qu'elles n'exploitent pas les consommateurs dans ces secteurs de leurs activités (c.-à-d. en divulguant leur marge bénéficiaire pour ces secteurs afin de démontrer qu'elles sont raisonnables). Sans cette information, comment peut-on déterminer si les banques offrent leurs services à un prix juste et raisonnable?
En ce qui concerne les plaintes, les banques ne font pas état du nombre de celles-ci qu'elles reçoivent à tous les ans dans leurs rapports annuels. Elles ont également ouvert des bureaux d'ombudsmen qui sont choisis, rémunérés et dirigés par les banques, d'ombudsmen qui ne peuvent prendre de décisions suite à une plainte qui engage le moindrement les banques. Par contre, en Australie et en Grande-Bretagne, les ombudsmen sont autonomes et peuvent rendre des décisions exécutoires suite à des plaintes. Sans un régime indépendant et efficace qui recueille les plaintes des consommateurs et tente d'y trouver des solutions, comment peut-on prétendre disposer d'une information suffisante pour déterminer le niveau de service offert par les banques aux Canadiens?
Un autre problème primordial vient du fait que les consommateurs financiers ne sont pas, dans l'ensemble, organisés de façon à pouvoir exiger des comptes des banques et des autres institutions financières lorsque le service est mauvais, essentiellement parce que le système même empêche les consommateurs de mettre leurs ressources en commun afin de constituer des groupes de surveillance de l'industrie appuyés largement par le public et avec des ressources suffisantes. (Pour de plus amples détails, voir l'énoncé de principes no 4 du CCRC: Une organisation canadienne de consommateurs de services financiers équilibrerait le marché des produits et services financiers.)
II. Mesures gouvernementales jusqu'à présent: Insuffisantes pour forcer les institutions financières à rendre des comptes et pour régler les problèmes des consommateurs.
Une des principales raisons du manque de mesures efficaces récentes prises par les gouvernements canadiens et tout particulièrement le gouvernement fédéral, suite aux préoccupations des consommateurs financiers, vient du fait qu'ils tentent de réglementer le secteur commercial et plus particulièrement du fait que le gouvernement fédéral croit à tort qu'il faut des codes d'autoréglementation et de réglementation volontaires. Les projets de loi fédéraux sont maintenant accompagnés d'«Énoncés de l'évaluation de l'incidence de la réglementation» qui découlent en partie des résultats de la consultation dans le cadre du «Test de l'impact sur les entreprises» (TIE). Le TIE a été élaboré par l'industrie en collaboration avec l'Association des manufacturiers canadiens, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère de l'Industrie. Ce test vise à assurer que les modifications législatives et réglementaires ne gênent pas la compétitivité des entreprises canadiennes. Dans le préambule d'un énoncé du TIE, il est dit et je cite: «Le TIE demande aux entreprises quels sont leurs choix en matière de politiques» et offre aux entreprises la possibilité d'influencer le processus de prise de décisions gouvernementale.
Le TIE soulève une question fondamentale: où est le test correspondant de l'impact sur les consommateurs et le processus de consultation qui devrait donner aux consommateurs «l'occasion d'influer sur le processus de prise de décisions du gouvernement»? Malheureusement, la réponse, c'est qu'il n'y a pas de test correspondant.
Le gouvernement fédéral se sert du TIE et, en partie à cause de cela, il est en faveur de codes volontaires comme seul mécanisme de supposée réglementation dans bien des secteurs depuis quelques années. Une autre raison pour laquelle le gouvernement favorise les codes volontaires, c'est qu'il croit que l'on doit réduire les dépenses pour l'application des règlements et que cette réduction des dépenses permettra des économies à la longue.
Cependant, on n'a pas confirmé que les codes volontaires constituent une forme efficace de réglementation et la plupart des données montrent qu'ils fonctionnent uniquement dans des situations très restreintes et précises. Comme on le disait dans le rapport de mai 1994 du Centre pour la promotion de l'intérêt public (Les codes volontaires: Une solution de rechange possible aux mesures législatives?), même l'adaptation et l'adoption par l'Association des banquiers canadiens du code moral pour la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation ne garantiront pas vraiment que les renseignements personnels du consommateur seront suffisamment bien protégés sur le marché. L'existence d'autres codes volontaires dans l'industrie des services financiers ne font pas non plus grand-chose pour rassurer les consommateurs. Les codes volontaires pris isolément ne sont tout simplement pas un moyen suffisant de garantir que l'on respectera les règles, comme l'a signalé le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada dans sa déclaration au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce le 25 avril 1995.
Pour prendre un exemple dans un autre domaine, le relevé de gestion environnementale de KPMG de 1994 signale que, pour 95 p. 100 des répondants de l'entreprise, le facteur de motivation pour mettre au point et respecter un système interne de gestion de l'environnement était la question de savoir s'il était conforme aux règlements. Sans les règlements, le principal facteur de motivation pour le respect de codes volontaires internes aurait cessé d'exister pour les industries interrogées, qui comprenaient des institutions financières.
Après avoir appuyer l'observation volontaire plutôt que la réglementation, le gouvernement fédéral a enfin décidé en 1995-1996, de voir si le projet sur les codes volontaires mis sur pied par le Bureau de la consommation d'Industrie Canada et la Direction générale des Affaires réglementaires du Secrétariat du Conseil du Trésor. À l'issu de ces diverses études, on a conclu que les codes volontaires fonctionnent uniquement dans des situations très particulières qui réunissent toutes les conditions suivantes:
1. Le code et le système d'application sont-ils élaborés conjointement par des représentants des consommateurs, des gouvernements et de l'industrie?
2. Y a-t-il une divulgation détaillée et efficace des activités commerciales dans les secteurs visés par le code?
3. Un organisme qui rend des comptes au public fait-il une vérification publique, indépendante et pleinement financée pour déterminer si les entreprises respectent les normes prévues dans le code?
4. Les sanctions en cas de violation du code sont-elles suffisantes pour dissuader les entreprises de s'adonner aux pratiques interdites?
5. Existe-t-il des mécanismes d'appel pour les consommateurs mécontents?
6. Le gouvernement appuie-t-il le code et le système d'application?
7. Fait-on un examen et une mise à jour périodique du code avec la participation de représentants des consommateurs, du gouvernement et de l'industrie?
Je signale que ces conditions réunies représentent les conditions qui doivent exister pour qu'une loi ou un règlement portant sur n'importe quel secteur de l'activité commerciale soit efficace. Une différence importante entre les règlements et les codes volontaires, cependant, c'est que les règlements s'appliquent d'habitude à toutes les entreprises d'un secteur particulier, alors qu'un code volontaire ne s'applique qu'aux entreprises qui acceptent volontairement que le code s'applique à elles. Cela veut dire que bien des entreprises peuvent éviter que leurs activités soient examinées si le gouvernement compte uniquement sur des codes volontaires pour contrôler les activités d'un secteur de l'industrie.
Le gouvernement fédéral a reconnu le besoin de réglementer le secteur des services financiers. Le document de discussion de 1997 du Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers du Canada disait aussi que le secteur des services financiers a toujours été un secteur de l'économie où l'on accepte facilement la réglementation.
Cependant, les mesures prises par le gouvernement fédéral ont contredit la nécessité de réglementer le secteur des services financiers. À cause de cela, le gouvernement fédéral n'a pas élaboré ni appliqué de mesures efficaces pour permettre aux gouvernements et aux Canadiens de tenir les institutions financières responsables envers les consommateurs, les petites entreprises et les groupes communautaires relativement aux questions clés qui les intéressent.
Ainsi, pendant les consultations portant sur les modifications de la Loi sur les banques et autres institutions financières, entre le mois d'avril 1995 et juillet 1996, Doug Peters, le Secrétaire d'État aux institutions financières internationales responsable des modifications en question, a organisé 45 réunions, toutes avec des représentants du secteur visé, et a donné neuf discours, à des associations du secteur en question uniquement. Pendant cette période de consultation, M. Peters n'a rencontré aucun représentant des consommateurs.
De ce fait, les modifications du gouvernement fédéral à la Loi sur les banques et autres lois, déposées après les consultations en question (au mois de février 1997) sont l'expression de ce déséquilibre. Le gouvernement n'a donc pas demandé aux institutions financières de faire le nécessaire pour la protection du consommateur mais les a au contraire autorisées à se doter elles-mêmes d'un code de déontologie efficace, arbitraire et dont elles ont la seule responsabilité, et notamment dans les domaines suivants:
-
—les banques ne sont pas tenues de veiller à la protection des
renseignements personnels (la législation donne simplement au
gouvernement le pouvoir d'exiger des banques qu'elles se dotent
elles-mêmes d'une réglementation à cet effet);
-
—les institutions financières ont été priées, sans aucune
obligation, d'adopter une politique et leur propre réglementation
de l'audition des plaintes concernant la vente liée, dont sera
responsable l'ombudsman du secteur bancaire, Michael Lauber,
choisi, rémunéré par les banques, dont il est l'employé, sans aucun
pouvoir de prendre des décisions exécutoires (Voir le document no 1
du CCRC, Les ombudsmans bancaires: Pourquoi ils doivent être
indépendants);
-
—les banques ont proposé de réglementer elles-mêmes la question de
l'accès des personnes des tranches inférieures de revenu aux
services financiers, et le gouvernement a accepté cette proposition
(Voir l'énoncé de principes no 2 du CCRC, Accès aux services
bancaires de base: Garantir le droit à ces services essentiels);
-
—enfin, et pour tout ce qui concerne l'information sur les frais
et commissions bancaires, le gouvernement a autorisé les banques à
se réglementer elles-mêmes.
III. Comment résoudre la question des ventes liées et autres difficultés que connaît le consommateur.
Il est essentiel, et tout particulièrement lorsqu'il est question d'étendre les pouvoirs d'une institution financière, mais également en cas de fusionnement ou de rachat, de bien examiner les antécédents de l'institution en question en matière de vente liée, d'accès des Canadiens les plus modestes aux services financiers de la banque, d'octroi de moyens de financement aux petites entreprises, et de tout ce qui concerne par ailleurs le consommateur. Si cette analyse n'est pas faite, rien ne permet d'être certain que cet accroissement envisagé de pouvoirs, ou de transactions, profitera réellement aux consommateurs, question qui nous intéresse tous au premier chef.
Aux États-Unis, en vertu de la Loi fédérale dite Community Reinvestment Act (CRA) on prescrit des vérifications périodiques de la politique des banques en matière de prêt, d'investissement et de service à la clientèle, et plus particulièrement lorsqu'une banque désire s'étendre d'une façon ou d'une autre (par fusion ou acquisition, ou par l'ouverture d'une nouvelle agence, ou d'un nouveau guichet automatique). Les citoyens sont alors appelés à dire ce qu'ils pensent des pratiques et politiques de la banque en question. Et ce qui est encore plus important, l'instance réglementaire peut refuser le permis d'expansion si elle estime insatisfaisantes les pratiques et politiques de la banque.
Les critères utilisés dans la procédure d'évaluation américaine sont un point de repère important pour la procédure d'approbation canadienne. L'évaluation américaine se fait à partir d'un document d'information communiqué à l'instance réglementaire. Malheureusement, les banques à charte canadiennes ne sont pas tenues de communiquer ce type d'information, comme le sont leurs homologues américaines. De façon tout à fait ironique, cependant, la Banque de Montréal et la Toronto Dominion Bank connaissent très bien la procédure américaine à laquelle elles ont été assujetties lorsqu'elles ont fait l'acquisition d'établissements bancaires américains. La Banque de Montréal, et la TD Bank, s'attendent à ce que leurs filiales américaines dégagent des bénéfices importants, ce qui permet de se poser la question de savoir pourquoi elles refuseraient, comme elles l'ont fait jusqu'ici, que des dispositions similaires soient adoptées au Canada.
Ainsi, avant que la Banque de Montréal ne puisse étendre les services de sa filiale, Harris Bank de Chicago, en 1994, celle-ci a été obligée de réviser ses pratiques en matière de prêt et de service, qui avaient été jugées insuffisantes au titre de la CRA. Ceci s'est fait par l'octroi de prêts et d'assistance de l'ordre de 327 millions de dollars sur cinq ans, pour la construction de logements à prix modique et de prêts aux petites entreprises ainsi que du financement d'un certain nombre de programmes communautaires essentiels dans la région de Chicago.
Aux États-Unis, et grâce à cette loi sur le réinvestissement dans la collectivité, on a pu repérer les institutions financières qui desservent mal les collectivités, et celles-ci ont alors réinjecter 350 milliards de dollars dans ces activités pour rectifier cette insuffisance.
De ce fait, et pour savoir si les banques canadiennes servent les Canadiens et l'économie canadienne comme il convient, et particulièrement pour savoir si ce type de transactions est dans l'intérêt national, nous proposons les recommandations suivantes:
1. Le gouvernement fédéral, s'inspirant de l'exemplaire américain qui a donné de bons résultats depuis 20 ans, impose un devoir d'information aux banques et crée un dispositif d'examen (cela se retrouve dans notre cinquième énoncé de principes, Responsabiliser les institutions financières canadiennes: comment assurer qu'elles respectent des normes de rendement élevées, décembre 1997).
Et plus particulièrement, le CCR recommande que:
2. Le gouvernement fédéral prenne les mesures suivantes, pour déterminer dans quelle mesure les institutions financières desservent le secteur de la consommation dans les collectivités, et exige des institutions qu'elles communiquent chaque année les renseignements suivants:
—le nombre de plaintes reçues, et le nombre de plaintes arbitrées;
—le nombre de procès engagés par les clients contre l'institution bancaire, le nombre de procès gagnés, perdus ou conclus par un règlement, avec comparaison avec l'ensemble de l'activité procédurale de l'institution;
—des données concernant l'accès offert par l'institution à ses services de base aux résidents canadiens (suite à une vérification faite par un vérificateur indépendant);
—et comme aux É.-U., le nombre de filiales ouvertes ou fermées, et leur emplacement.
Le CCR propose également que le gouvernement fédéral fasse une évaluation des informations en question et accorde à chaque institution financière une cote de performance en matière de service à la collectivité, comme cela se fait aux États-Unis. Lorsque l'évaluation révélera que l'institution reçoit beaucoup de plaintes, ou que de nombreux procès sont gagnés contre elle portant sur la vente liée, ou autres problèmes, ou s'il appert qu'elle rejette de façon arbitraire certains dossiers de demande de prêt, ou ne facilite pas comme il convient l'accès aux services bancaires de base, l'institution sera mal notée.
Le CCR demande instamment qu'après une période de transition de deux ans, permettant de mettre au point le système d'évaluation, les incitatifs s'appliquent aux institutions financières afin de les encourager à améliorer leur performance (Voir notre cinquième énoncé de position pour plus de détails).
a) Comment prévenir la vente liée
Lorsqu'un établissement verse une prime pour l'acquisition d'une autre entité, comme l'a proposé la Banque Royale pour l'acquisition du London Insurance Group l'été dernier, elle le fait parce que l'on estime qu'une certaine synergie entre les deux entités commerciales permettra à leurs valeurs combinées de dépasser la somme arithmétique de leurs valeurs individuelles.
Cette théorie financière permet de supposer que la mise en commun et l'utilisation des banques de données des deux institutions financières augmentera le potentiel de vente liée et de ce fait le non-respect des renseignements personnels. Comme ce genre de pratique n'est pour le moment pas interdite, on peut estimer qu'il en est bien ainsi.
Il est insuffisant de simplement autoriser les institutions financières à veiller elles-mêmes à la protection du consommateur, l'exemple suivant le prouvera. La Banque Toronto Dominion a fait parvenir une petite note à tous ses consommateurs, pour les avertir qu'elle allait communiquer les informations qu'elle détenait à ses filiales, à moins qu'elles ne la contactent d'ici la fin du mois d'octobre. Cette façon de traiter la question donne de toute évidence l'avantage à la banque, et ne protège pas adéquatement le consommateur en l'informant pleinement des conséquences de cette divulgation d'information, ce qui pourrait au moins leur donner la possibilité de choisir en connaissance de cause. Voilà une méthode tout à fait comparable à la facturation par défaut, tentative de l'industrie de la câblodistribution à laquelle se sont catégoriquement opposés les consommateurs au mois de janvier 1996.
Pour traiter correctement de cette question, et pour protéger le consommateur, nous faisons les recommandations suivantes:
3. La vente liée, c'est-à-dire toute tentative de la part de l'institution financière de refuser de vendre un produit à un consommateur à moins qu'il n'en achète un autre, et d'exercer ainsi des pressions sur celui-ci, doit être interdite par la loi, et des sanctions financières importantes doivent être prévues pour dissuader toute tentative dans ce sens et protéger le consommateur.
4. La communication de renseignements personnels d'une institution financière à une autre, ou à une filiale ou institution associée, doit être strictement interdite, sans accord explicite du consommateur, et des règlements doivent être édictés relativement à la conservation, la protection et l'utilisation de cette information par les secteurs privés de façon générale, et les institutions financières en particulier.
5. L'examen de la fusion d'institutions financières ou de l'élargissement des pouvoirs des institutions financières devrait comprendre une évaluation de la mesure dans laquelle la vente liée pourrait augmenter et la vie privée pourrait être soumise à plus d'empiétements. Si la transaction à l'étude est approuvée, un mécanisme devrait être établi pour contrôler les ventes liées et la protection de la vie privée. Ce mécanisme de surveillance devrait notamment exiger des banques qu'elles divulguent le nombre de plaintes qu'elles reçoivent chaque année en ce qui a trait à ces pratiques.
IV. Diverses autres mesures clés de responsabilisation
En outre, comme l'explique la CCRC dans ses quatre autres énoncés de principes, les banques et les autres institutions financières, y compris les institutions financières étrangères exerçant leurs activités au Canada, devraient être tenues de:
6. Financer un ombudsman indépendant qui serait habilité à prendre des décisions exécutoires, dans le cadre de la responsabilisation de l'ensemble du secteur canadien des institutions financières (voir l'énoncé de principes no 1 de la CCRC, Les ombudsmans bancaires: Pourquoi ils doivent être indépendants).
7. Garantir que toutes les personnes pouvant faire la preuve qu'elles résident au Canada, sans que cette preuve n'exige un processus d'identification exhaustif, la possibilité d'ouvrir un compte à une institution financière de dépôt, notamment un compte n'offrant que les services essentiels et ne comportant que peu de frais, et la protection contre la rétention arbitraire et excessive des chèques (voir l'énoncé de principes no 2 de la CCRC, Accès aux services bancaires de base: Garantir le droit à ces services essentiels).
8. Faciliter la mise sur pied d'une organisation des consommateurs de produits et services financiers (OCPSF) en incluant le prospectus de l'OCPSF dans les envois qu'elles destinent à leurs clients. Si elles ne le font pas volontairement, le gouvernement fédéral devrait légiférer pour que l'OCPSF ait le droit d'inclure périodiquement ces prospectus d'information et de sollicitation dans les envois que les institutions financières destinent à leurs clients (voir le sommaire annexé de l'énoncé de principes no 4 de la CCRC, Une organisation canadienne de consommateurs de services financiers équilibrerait le marché des produits et services financiers, pour plus de détails).
Ces mesures, conjuguées à la divulgation complète et au système d'examen du rendement proposé plus haut, constituent des moyens raisonnables de prévenir la vente liée et les autres problèmes auxquels se heurtent les consommateurs et exigent par ailleurs des banques et des autres institutions financières qu'elles répondent à une norme de rendement élevée pour ce qui est du service aux Canadiens, et ce, en se fondant sur un système américain qui donne de bons résultats depuis 20 ans.
UNE ORGANISATION CANADIENNE DE CONSOMMATEURS DE SERVICES FINANCIERS ÉQUILIBRERAIT LE MARCHÉ DES PRODUITS ET SERVICES FINANCIERS
Résumé de l'énoncé de principes no 4 de la CCRC
Si les institutions financières refusent d'inclure le prospectus de l'organisation des consommateurs de produits et services financiers (OCPSF) dans leurs publipostages, la CCRC invitera le ministre de l'Industrie John Manley à s'acquitter de sa promesse de veiller à la création de cette organisation.
Le niveau élevé d'insatisfaction des Canadiens à l'égard des services bancaires est bien connu. Des sondages réalisés par l'Institut national de la qualité en 1996 et 1997 auprès de 8 000 Canadiens ont révélé que le Canada se situe parmi les cinq derniers pays d'un classement comprenant 21 pays pour ce qui est du niveau de satisfaction des clients à l'égard des banques.
L'inaction des institutions financières au regard des préoccupations des clients n'a malheureusement d'égal que le manque de ressources dont disposent les consommateurs pour défendre leurs intérêts.
Afin de corriger ce déséquilibre du marché, la CCRC exhorte les banques et les autres institutions financières à faciliter la création d'une organisation des consommateurs de produits et services financiers (OCPSF). L'OCPSF aidera les consommateurs de produits et services financiers à donner suite à leurs plaintes au sujet des 500 et plus produits et services offerts par les institutions financières. L'OCPSF s'occupera aussi des problèmes relatifs aux frais de service, aux taux d'intérêt des cartes de crédit, aux fonds de placement en commun, à la protection de la vie privée, à la vente liée, aux polices d'assurance et à la gestion des institutions financières.
La CCRC invite les banques, les compagnies de fiducie et les compagnies d'assurance à charte fédérale à aider à la création de l'OCPSF en incluant périodiquement un prospectus d'une page avec les relevés de compte, les factures de carte de crédit et les relevés de primes d'assurance qu'elles envoient à leurs clients. Le prospectus invitera les clients à payer une cotisation annuelle de 20 à 30 $ environ pour adhérer à l'OCPSF. Le prospectus serait envoyé gratuitement aux institutions financières. C'est là une méthode qui est utilisée avec succès pour permettre aux abonnés résidentiels des services publics de quatre États américains d'exiger des comptes de ces services publics.
Il suffirait que de 3 p. 100 à 5 p. 100 des consommateurs de produits et services financiers y adhèrent (soit le taux de réponse qu'ont obtenu les groupes américains) pour que l'OCPSF compte entre 600 000 et un million de membres ainsi qu'un budget annuel tiré des cotisations de 12 millions à 20 millions de dollars. L'OCPSF aurait ainsi des moyens suffisants et une assise assez solide et étendue pour pouvoir contrer le pouvoir des institutions financières sur le marché.
L'OCPSF sera gérée par un conseil d'administration choisi parmi les membres de l'OCPSF, élu par eux et représentant les différentes régions du Canada. Le conseil embauchera du personnel pour comparer les prix des produits et des services, aider les consommateurs de produits et services financiers à obtenir le règlement de leurs plaintes et défendre les intérêts des consommateurs devant les instances gouvernementales et judiciaires. L'OCPSF servira également d'organisation cadre et accordera des subventions à des groupes existants qui s'occupent activement de questions relatives aux services financiers.
Le ministre de l'Industrie, John Manley, a publiquement appuyé en 1996 la proposition visant à créer l'OCPSF et a promis qu'il exercerait des pressions sur les banques pour qu'elles incluent le prospectus si elles refusaient de le faire volontairement. Un sondage réalisé par la firme Environics Research Group en 1996 auprès de 2 000 Canadiens adultes a révélé l'existence d'un appui solide à la création d'une OCPSF par ce moyen. Les résultats étaient les suivants:
-
—51 p. 100 des répondants affirment que le Canada a besoin d'une
organisation des consommateurs de produits et services financiers;
-
—43 p. 100 des répondants disent qu'ils deviendraient probablement
membres d'une telle organisation s'ils recevaient un prospectus
dans un publipostage commercial, à raison de frais de cotisation
annuels moyens de 28 $; et
-
—64 p. 100 des répondants affirment que, si les institutions
financières refusaient d'inclure volontairement le prospectus, le
gouvernement devrait les y obliger.
La CCRC a entrepris des démarches auprès des institutions financières et de leurs associations pour déterminer si elles accepteraient d'inclure volontairement le prospectus de l'OCPSF dans les publipostages qu'elles envoient à leurs clients. Si les institutions financières refusent d'inclure le prospectus de l'OCPSF dans leurs publipostages, la CCRC invitera le ministre Manley à s'acquitter de sa promesse de veiller à la création d'une OCPSF, comme le souhaite la plupart des Canadiens.
Le président: Nous passons maintenant au troisième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure du Comité permanent des finances. Je suppose que j'ai besoin de faire approuver cela.
Des voix: D'accord.
Le président: Bien. Pendant que vous regardez cela... Nous l'avons déjà approuvé, mais je vous invite à réfléchir à la proposition suivante. Comme vous le savez peut-être, le groupe de travail MacKay remettra sans doute son rapport au début de l'automne. Comme moyen de se préparer à étudier le rapport du groupe de travail, je propose que nous tenions une ou deux semaines d'audiences à peu près sur le thème des moyens à prendre pour nous assurer d'avoir au Canada un secteur des services financiers de classe mondiale. Nous pourrions faire venir des spécialistes qui nous décriraient les critères, les conditions qu'il faudrait établir pour que nous ayons véritablement des services financiers de classe mondiale. Si personne n'y voit d'inconvénient, nous pourrions commencer à dresser des listes de témoins et faire les travaux préliminaires à cet égard.
M. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD): Quand prévoyez-vous étudier cela, à peu près? MacKay doit remettre son rapport à la mi-septembre environ.
Le président: Oui.
M. Lorne Nystrom: Donnez-nous un peu plus de détails sur ce que vous entrevoyez. Vous parlez de services financiers; il sera donc question aussi des caisses de crédit. Vous voulez examiner l'ensemble du secteur—le secteur des assurances, tout ce qui est compris là-dedans.
Le président: Oui. Pour ma part, j'ai beaucoup de mal à dissocier les divers éléments du secteur des services financiers tellement ils sont interdépendants. J'ai aussi du mal à examiner ce secteur sous un angle purement canadien, comme beaucoup d'entre nous le font. Je préférerais l'examiner sous un angle international...
M. Lorne Nystrom: C'est précisément pour cette raison que je demandais ce que vous vouliez étudier.
Le président: Oui, c'est ça. Nous aurons des critères. On nous proposera des critères. Il me semble qu'il nous faut faire cela avant que nous n'examinions les résultats du groupe de travail MacKay, afin d'être en mesure de faire des recommandations éclairées.
M. Lorne Nystrom: Qu'est-ce que vous prévoyez comme échéancier approximatif?
Le président: Il nous faudra une certaine souplesse, et je vous demanderai votre collaboration à cet égard, car je ne sais pas quand la prestation pour aînés sera chose faite.
• 1540
Par ailleurs, comme vous le savez sans doute, nous avons
modifié la formule pour les consultations prébudgétaires. Nous
tiendrons des audiences d'une journée, juste avant le dépôt de la
mise à jour économique et financière. Nous allons les étaler
davantage pour que nous ayons plus de temps pour bien réfléchir et
éviter ainsi de tenir les consultations prébudgétaires en
catastrophe comme par le passé.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Dans la perspective de bâtir quelque chose de magnifique, je présume que nous aurons des documents de fond ainsi peut-être que des séances d'information sur le fonctionnement du système bancaire actuel.
Le président: Oui. En effet, cela ferait partie des séances d'information. Nous commencerons probablement à étudier le fonctionnement du système actuel.
Si nous voulons faire une bonne contribution à la suite du rapport MacKay, il est important que nous soyons bien informés. Il serait donc prudent d'y consacrer une semaine ou deux. Je pense avoir parlé individuellement avec tous les membres du comité, et je crois que tout le monde est d'accord.
Nous passerons maintenant au huis clos.
[Les délibérations se poursuivent à huis clos]