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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 mars 1998

• 0912

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Je déclare ouverte la 27e réunion du Comité permanent de la santé, qui se penche sur les produits de santé naturels.

Nous accueillons aujourd'hui M. Hassard, homéopathe et chiropraticien; Mme Barbara Etcovitch, de l'Ontario Federation of Homeopathic Practitioners (Fédération ontarienne des homéopathes praticiens), et Rudi Verspoor et Patty Smith, de la NUPATH, la National Homeopathic Professional Association (association nationale des homéopathes professionnels).

Bienvenue à tous. Si vous acceptiez de limiter vos propos, les membres du comité auraient ensuite plus de temps pour poser des questions.

Nous vous entendrons dans l'ordre dans lequel vous êtes inscrits sur la feuille de convocation.

Monsieur Hassard, voulez-vous commencer?

Dr Murray R. Hassard (témoigne à titre personnel): Mesdames et messieurs et honorables députés, je me présente devant vous aujourd'hui pour plaider en faveur d'un financement et de politiques gouvernementaux propres à soutenir les soins de santé dits de médecine parallèle. La recherche d'un système nouveau et amélioré de soins de santé donne au gouvernement la possibilité de remodeler la façon dont les Canadiens conçoivent les soins de santé.

Un système de soins complet, fondé sur le principe selon lequel toutes les disciplines du domaine des soins de santé—médecine conventionnelle, chiropraxie, exercice des sages-femmes, homéopathie, naturopathie, acupuncture, massothérapie, etc.—ont leur place et leur rôle dans le bien-être des Canadiens est le meilleur système que le gouvernement puisse prôner s'il désire doter les Canadiens d'un régime efficient, efficace et jouissant de l'appui de la population.

C'est l'augmentation incontrôlable des coûts de l'actuel système de soins de santé qui oblige tous les paliers de gouvernement et les Canadiens à faire des choix difficiles. Une des causes de cet état de choses, c'est que nous misons trop sur une forme de soins de santé extrêmement coûteuse, soit la médecine conventionnelle.

• 0915

Si la médecine joue certes un rôle indispensable sur plusieurs fronts, comme la prévention et le traitement des maladies infectieuses, les soins périnataux et les soins pour malades aigus, pour ne nommer que ceux-là, beaucoup d'affections et de problèmes de santé sont confiés aux praticiens de la médecine conventionnelle par défaut, c'est-à-dire parce que cette forme de la médecine est essentiellement le seul choix financé et reconnu par le gouvernement qui soit offert aux Canadiens.

Et c'est aussi le choix le plus coûteux. Beaucoup de problèmes de santé peuvent être prévenus et traités par des soins de santé non conventionnels. Paradoxalement, le système fondé sur la médecine conventionnelle a trop bien atteint son but à certains égards: les ressources du système sur lequel nous nous appuyons pour ce qu'il fait de mieux sont exploitées jusqu'à la limite en raison de la quantité de services qu'elles sont maintenant obligées d'assurer, et ce, parce que ce système a chassé toutes les autres formes de soins du marché de la santé.

Prenons comme exemple les maux de dos. En 1993, le gouvernement de l'Ontario a commandé une étude exhaustive des maux de dos afin d'examiner l'efficacité et la rentabilité du traitement du lombago. Les auteurs de l'étude ont conclu que si les chiropraticiens étaient couverts intégralement par le régime provincial des soins de santé, il en résulterait une économie directe de 548 millions de dollars pour le régime de protection-santé de l'Ontario. Il s'agit du rapport Manga de 1993 dont je vous ai fait parvenir des copies.

Or, à ce jour, rien n'a encore été fait pour donner suite aux constatations de ce rapport.

Bien que les soins de santé non conventionnels ne soient pas couverts par les régimes provinciaux d'assurance-maladie, le recours à ces services a connu une augmentation stupéfiante de 81 p. 100 au cours des cinq dernières années, d'après un sondage Angus Reid de septembre 1997. Si j'emploie l'expression «non conventionnels», c'est parce que je crois qu'aucun régime de soins de santé, quel qu'il soit, ne peut offrir à tous les soins que tous requièrent. Les Canadiens doivent avoir accès à des médecines non conventionnelles comme l'homéopathie, la chiropraxie, la phytothérapie, la massothérapie, l'acupuncture, etc. Ces disciplines ne remplaceraient pas la médecine, mais la compléteraient. Si tous les obstacles à cet accès étaient écartés, cela entraînerait une économie considérable dans les budgets des soins de santé.

Le sondage CTV-Angus Reid sur les soins de santé a confirmé que 70 p. 100 des Canadiens sont favorables à l'idée que les soins de santé naturels soient couverts par les régimes provinciaux d'assurance-maladie et que pour 66 p. 100 d'entre eux le gouvernement devrait prôner le recours à des thérapies et à des pratiques non conventionnelles afin de réduire le coût du système de soins de santé.

L'homéopathie est une façon économique d'assurer des soins de santé. L'Organisation mondiale de la santé encourage le recours à des thérapies douces, comme l'homéopathie, parce qu'elles sont peu coûteuses. La pratique généralisée de l'homéopathie en Inde, où elle est reconnue et soutenue par l'État, fournit un exemple de la façon dont un pays peut assurer des soins de santé efficaces avec des moyens très limités. L'homéopathie est très répandue en Grande-Bretagne, en France, en Hollande, en Grèce, en Afrique du Sud et dans beaucoup d'autres pays. En Angleterre, les hôpitaux comptent parmi leur personnel permanent des homéopathes, ce qui place le patient devant un véritable choix de soins.

L'homéopathie est une forme de soin de santé non conventionnelle qui consiste à traiter la maladie par l'application de divers principes énoncés dans The Organon of the Medical Art de Samuel Hahnemann, notamment l'énergie vitale, la dose minima et la lutte aux infections par des éléments de même nature.

Il existe une materia medica bien connue qui compte des milliers de substances d'origine végétale, minérale et animale administrées en concentrations extrêmement faibles. Cette liste a été dressée à la suite de l'observation attentive des symptômes que causent les substances en question. L'oignon fournit un bon exemple. Je suis certain que vous conviendrez que l'oignon a un effet sur les yeux et le nez. L'exposition à ce qu'il libère provoque un épanchement de liquide incolore et une irritation des yeux. Ce symptôme peut correspondre à ceux d'une personne souffrant de fièvre des foins. Or, on peut traiter la fièvre des foins avec succès au moyen d'un remède fait d'une solution très faible d'oignon rouge, ou allium cepa. Ce remède homéopathique permet au patient de se soigner sans recourir aux remèdes conventionnels que sont les antihistaminiques et d'éviter les effets associés à la réactivation de l'histamine après le traitement.

L'homéopathie fournit en fait des remèdes à tous les maux, de la maladie aiguë à la maladie chronique, et des traitements à court terme comme à long terme. Elle permet de traiter littéralement des milliers d'affections, depuis le rhume jusqu'aux blessures, sans oublier les troubles affectifs et l'abus d'intoxicants.

Les Canadiens ont besoin de plus d'information sur les médecines parallèles et d'un accès accru à ces thérapies. Votre comité devrait prôner une politique favorisant l'élargissement du choix qui leur est offert en matière de soins de santé et de mieux-être. Il y aurait lieu de modifier la Loi sur les aliments et drogues de manière à en rendre l'interprétation moins restrictive et à créer la catégorie des «suppléments» afin de distinguer cette substance des «aliments» et des «médicaments». Il faut que des renseignements exacts et complets figurent sur les étiquettes afin que les Canadiens puissent faire des choix éclairés en matière de santé.

Le projet de loi d'initiative parlementaire C-307, déposé par M. Grant Hill, est encourageant pour les fournisseurs de soins de santé, car il leur permet d'attribuer de façon honnête des propriétés thérapeutiques à certains produits, que la substance soit ou non classée dans la catégorie des médicaments.

Le Comité permanent de la santé a souvent examiné la question de l'étiquetage des produits de santé naturels. Tout ce que je puis dire, c'est que l'étiquetage n'est jamais vraiment utile que lorsqu'il sert une fin éducative. C'est trop rarement le cas. On a souvent l'impression que les étiquettes ne servent qu'à réduire la responsabilité du fabricant en cas de poursuite, et le public ne tient aucun compte de ces mises en garde. Il faut que la législation favorise l'information relative à la santé, ce qui signifie que rien ne devrait faire obstacle à la publication des propriétés thérapeutiques qui sont attribuées à un produit de santé naturel, dès lors qu'elles sont fondées. Il y aurait lieu de favoriser des colloques sur la santé et sur la santé publique, de même que des cours sur les produits et soins de santé non conventionnels.

• 0920

Nous devons aussi trouver des moyens de réduire les obstacles financiers que doivent surmonter les patients à la recherche de soins de santé non conventionnels. Ainsi, le recours accru à des fournisseurs de soins comme les homéopathes, chiropraticiens, naturopathes, acupuncteurs et phytothérapeutes pourrait libérer les ressources hospitalières, lesquelles seraient alors en mesure de s'occuper des cas relevant de la médecine. Le financement accru des soins de santé non conventionnels ferait enfin du régime issu de la Loi canadienne sur la santé le régime à palier unique que tous souhaitent qu'il soit.

Les Canadiens désirent avoir accès à plus de produits de santé naturels efficaces. La Direction générale de la protection de la santé a ordonné le retrait des étagères des boutiques d'aliments naturels de produits qui sont sécuritaires et qui ont des effets bénéfiques. Il faut des règlements qui interdisent de retirer des produits sécuritaires du marché sans raison valable. Aux termes du projet de loi d'initiative parlementaire C-307, le gouvernement ne pourrait réglementer une substance sous forme posologique comme médicament et en interdire la vente libre dans les boutiques d'aliments naturels qu'après avoir prouvé qu'elle est nuisible pour la santé lorsqu'elle est utilisée de la façon recommandée.

Je profite de l'occasion pour remercier le comité de l'intérêt qu'il porte à l'homéopathie et aux soins de santé naturels et lui demander de songer à adopter une législation qui confère aux Canadiens le libre choix en matière de soins de santé. Merci.

La présidente: Merci beaucoup. Mme Barbara Etcovitch, de la Fédération ontarienne des homéopathes praticiens.

Mme Barbara Etcovitch (homéopathe classique, Fédération ontarienne des homéopathes praticiens): Merci.

La Fédération ontarienne des homéopathes praticiens représente un ensemble de praticiens formant l'élite professionnelle des homéopathes classiques. La fédération se consacre au maintien des normes maximales de formation et de pratique et à la surveillance de la conduite de ses membres du point de vue ontologique. La fédération doit s'assurer que tous ceux qui choisissent d'avoir recours à l'homéopathie connaissent ses principes et sa philosophie et savent comment utiliser correctement et en toute sécurité les remèdes homéopathiques.

Il s'agit donc d'une organisation de surveillance qui s'intéresse à toutes les questions qui touchent notre profession. Une de nos tâches de base, c'est donc de fournir de l'information à tous les paliers gouvernementaux au Canada et de leur faire des recommandations. Ainsi, nous avons assisté à l'examen de la naturopathie, c'est-à-dire aux audiences du comité saisi de la loi sur la réglementation des professions de la santé. À l'époque, nous étions connus sous l'appellation «Ontario Society of Homeopaths», mais nous avons dû modifier notre nom lorsque nous nous sommes constitués en fédération sous le régime de la loi fédérale.

Mon collègue, Raymond Edge, qui dirige la faculté de médecine homéopathique de Toronto, vous demande d'excuser son absence d'aujourd'hui. Je serai donc la seule à parler au nom de la fédération.

Madame la présidente et mesdames et messieurs du Comité de la santé, l'homéopathie soigne depuis 200 ans de façon sûre et efficace les maladies aiguës et chroniques. Aucun autre système médical, naturel ou autre, ne peut s'enorgueillir d'un tel dossier. Entre les mains d'un praticien compétent, l'homéopathie peut être merveilleusement bénéfique à des gens qui souffrent des problèmes de santé même les plus graves. Il est donc extrêmement important pour l'homéopathe professionnel du Canada d'avoir accès à toute la pharmacopée des produits dans leurs différentes concentrations, comme cela se fait en Grande-Bretagne, ou en Inde, notamment. Empêcher l'homéopathe d'avoir accès ne serait-ce qu'à un remède peut avoir de graves complications pour ses patients qui auraient besoin d'un médicament spécifique. On devrait empêcher uniquement l'accès à des substances toxiques, qui devraient être disponibles uniquement en dilutions sécuritaires.

Notre fédération prône l'accès libre aux remèdes homéopathiques pour les professionnels compétents. Toutefois, nous vous demandons de revoir avec soin la vente libre des remèdes. Pour ce qui est de la commercialisation, vous devriez vous intéresser aux propriétés qui sont attribuées aux produits et à la posologie. En outre, vous devriez vous pencher sur la définition de l'homéothérapie, qui a entraîné beaucoup de confusion dans l'esprit du consommateur s'intéressant à l'homéopathie.

J'aborderai ce matin trois grandes questions de base: d'abord, la définition de l'homéothérapie; ensuite, l'attribution de propriétés thérapeutiques; et enfin, la posologie, puisque c'est là que le bât blesse actuellement, d'après nous.

On définit actuellement la préparation homéopathique comme étant un agent médical fabriqué conformément à une méthode de production définie dans la pharmacopée homéopathique pertinente, tel que le processus de dilution et de succussion successives. Les critères de base destinés à établir la concentration sont présentés dans l'Organon de Samuel Hahnemann, qui établit également les principes fondamentaux et la philosophie de l'homéopathie classique. Depuis l'époque de Hahnemann, on a modifié l'utilisation des préparations homéopathiques pour qu'elles soient utilisées dans diverses écoles qui n'adhèrent plus aux principes de base de l'homéopathie classique tels que stipulés dans l'Organon. Ces différentes écoles se regroupent toutes aujourd'hui sous la bannière de l'homéothérapie. Celle-ci est donc considérée comme englobant toutes les écoles de thérapie médicale qui utilisent comme démarche l'établissement de diverses concentrations.

• 0925

Voilà d'où vient la confusion, étant donné que les médicaments homéopathiques ne sont plus utilisés exclusivement dans l'homéopathie classique, mais sont également utilisés par des écoles de pensée connexes qui se sont éloignées du système de base. Ces écoles incluent l'homéopathie clinique, l'homéopathie à base de produits utilisés à des fins multiples ou en combinaisons, la thérapie antihomotoxique, la médecine anthroposophique, la méthode biochimique du Dr Schussler et la thérapie spargirique. Ni les fabricants ni les vendeurs de médicaments homéopathiques n'ont jamais tenté d'expliquer à la population les différences qui existent entre ces divers systèmes. On veut faire croire que l'homéothérapie est un système uniforme, et on commercialise donc ses remèdes en conséquence.

L'homéopathie classique se fonde sur la loi des semblables, qui établit la correspondance entre le tableau global des symptômes d'un remède homéopathique et le tableau global des symptômes d'un patient. Ce portrait thérapeutique d'un remède est établi à la suite de tests de médicaments homéopathiques menés sur des volontaires humains en bonne santé. Afin d'établir le tableau global des symptômes d'un patient, on dresse une observation médicale détaillée de tous les symptômes physiques, émotionnels et de santé mentale qui révèlent une perturbation centrale. On en fait ensuite l'étude. Cette démarche est très détaillée et n'est entreprise que par des homéopathes professionnels et bien formés.

Puisqu'ils savent que la preuve réelle d'une maladie dépend du plan dynamique, qui est celui de la force vitale, l'homéopathe classique comprend dès lors que les changements pathologiques sont de peu d'importance, puisqu'ils ne font qu'exprimer des déséquilibres énergétiques. Autrement dit, les symptômes ne sont pas la maladie. La véritable perturbation est invisible, elle se cache derrière les changements visibles, et le traitement homéopathique doit atteindre la cause de la pathologie. Autrement dit, il doit attaquer la perturbation centrale.

Regrouper toutes ces écoles sous la rubrique de l'homéothérapie est incorrect et porte à confusion, étant donné que:

(1) Ces systèmes ne sont pas tous identiques, comme nous l'avons déjà expliqué, même si on veut le faire croire;

(2) Seule l'homéopathie classique se fonde sur les tests et les lois présentés dans l'Organon, qui est le seul système représentatif des théories de Hahnemann; et

(3) L'homéopathie classique cherche à isoler et à attaquer les perturbations centrales, alors que les autres écoles se concentrent sur les résultats finaux, la pathologie, etc.

La science de l'homéopathie en souffre conséquemment, car on ne parvient pas à la distinguer des autres systèmes, qui ne se fondent pas sur les principes originaux et la philosophie de Samuel Hahnemann. Parce que les Canadiens ne peuvent pas faire la différence, ils ont l'impression que tous ces systèmes sont identiques et sur un pied d'égalité.

C'est induire les Canadiens en erreur que de prétendre—en ne leur donnant pas l'information suffisante qui leur permettrait de faire la distinction—que tous les produits dilués et ayant fait l'objet de succussion, présentés sous format simple ou multiple, sont identiques. Cette façon de faire confond la population et finit par jeter le discrédit sur l'homéopathie classique.

Notre fédération recommande que l'on fasse clairement la distinction entre, d'une part, une substance qui a simplement fait l'objet d'une dilution et d'une succussion sans nécessairement avoir été testée et, d'autre part, un remède véritablement homéopathique du simple fait qu'il se conforme non seulement au processus de détermination de sa concentration, comme le prévoit l'Organon, mais également aux principes et à la philosophie qui s'y retrouvent.

Pour résoudre le problème, notre fédération croit qu'il suffit de changer la terminologie utilisée, de façon que seuls les produits qui se conforment à la fabrication décrite dans l'Organon et aux principes et à la philosophie de l'homéopathie classique portent l'appellation de «produits homéopathiques», par exemple. Les autres produits médicaux ne devraient pas être appelés homéopathiques, mais devraient porter une autre étiquette qui permette clairement de les différencier.

Prescrire un remède homéopathique en se fondant sur la pathologie, et non pas sur la perturbation centrale, ce n'est pas de l'homéopathie. La technique de commercialisation d'aujourd'hui se fonde sur les résultats finaux, et non pas sur la perturbation centrale, qui ne peut être isolée que par un homéopathe professionnel. Par conséquent, le consommateur est induit en erreur, car il croit, en premier lieu, qu'il est capable de contrer le problème aigu ou chronique en faisant correspondre de façon superficielle les symptômes; en deuxième lieu, que la méthode fondée sur la pathologie est homéopathique; et, en dernier lieu, que le processus de guérison est simple et ne tient compte ni de la philosophie ni des principes.

• 0930

Nous recommandons d'informer le consommateur en étiquetant les remèdes et en leur joignant la mise en garde expliquant que ces remèdes ne devraient être prescrits que par un homéopathe professionnel et que le consommateur ne devrait jamais sous aucun prétexte établir son propre diagnostic ou se prescrire lui-même ses remèdes.

Il faut remarquer que le consommateur n'a pas les connaissances générales voulues pour comprendre les maladies aiguës ou chroniques et ne sait pas nécessairement faire la différence entre les deux. Or, l'homéopathe classique reconnaît le lien qui existe entre les deux et sait que les épisodes aigus sont les signes parfois de déséquilibres chroniques plus profonds. Par conséquent, les remèdes commercialisés simplement en vue de traiter des situations perçues comme aiguës peuvent entraîner des complications s'il s'agit d'une maladie chronique. L'étiquette et le dépliant accompagnant le remède devrait le signaler et expliquer le lien.

J'aimerais maintenant aborder la question des propriétés attribuées aux produits.

Les remèdes homéopathiques ne s'appliquent pas à des affections spécifiques. Pour établir sa prescription, l'homéopathe se fonde sur nombre de facteurs qui touchent la vie du patient, et non pas uniquement sur les affections physiques qu'il présente. Pour décider quel remède lui prescrire, l'homéopathe tient compte de nombreux facteurs, tels que l'état mental et émotionnel du patient, la façon dont il réagit à son milieu environnant, au climat et à son alimentation, les modalités des symptômes, et les antécédents personnels et miasmatiques du patient.

La mauvaise façon de faire, c'est de prendre un seul remède pour guérir un problème physique spécifique et isolé, comme la commercialisation des remèdes encourage aujourd'hui la population à le faire. Cette méthode ne donnera généralement pas de résultats, et peut éventuellement faire empirer des cas qui devront de toute façon être remis entre les mains d'homéopathes professionnels. Il faudrait donc combattre toute publicité qui ferait des affirmations de ce genre au sujet de remèdes homéopathiques.

Il y a aussi le problème des effets que l'on attribue à la prise répétée du remède. La règle principale de l'homéopathie, c'est qu'il faut cesser de prendre le remède lorsque la santé s'améliore; cela signifie que lorsque l'effet du remède se fait sentir, il faut cesser de le prendre. La prise répétée d'un remède est une question délicate, et il est peu probable que le consommateur ordinaire puisse juger s'il convient de cesser ou de répéter l'utilisation du remède. Les instructions que l'on trouve actuellement sur les emballages des remèdes sont insuffisantes. La prise trop fréquente de n'importe quelle substance peut provoquer des symptômes ou annuler les effets d'une dose précédente.

En outre, lorsque des non-spécialistes prescrivent plusieurs remèdes successivement, il peut arriver que certains remèdes réagissent mal les uns aux autres ou annulent les effets les uns des autres. Les consommateurs, les employés des magasins de produits de santé et les homéopathes amateurs ne sont pas suffisamment préparés pour réagir à de tels problèmes.

La troisième question dont j'aimerais discuter aujourd'hui est celle des modes d'emploi.

À l'heure actuelle, c'est une autre lacune de la commercialisation des remèdes. Les emballages ne portent pas de mention de l'effet d'antidote que peuvent avoir certaines substances, dont le menthol, la menthe, le camphre, l'eucalyptus, le café, etc. On ne trouve pas non plus sur les étiquettes des instructions générales, comme des mises en garde de ne pas toucher le remède à mains nues, de dissoudre les remèdes sous la langue et de ne pas les prendre avec des aliments, de n'ouvrir les contenants des substances que dans un endroit bien aéré, de conserver tous les remèdes loin de la chaleur, du froid, de la lumière, des courants électriques et des odeurs.

Nous recommandons que tous les produits soient accompagnés de brochures d'information complètes dans lesquelles seraient énoncés le mode d'emploi approprié et la façon de conserver les remèdes homéopathiques. Il faudrait également tenir compte des interactions entre certaines substances et les remèdes. Il faudrait insister sur le fait que ces remèdes ne doivent être pris que sur les conseils d'un praticien compétent.

Il faudrait consulter les praticiens traditionnels, plutôt que les représentants des fabricants, quant à toutes les modifications futures apportées à l'étiquetage et à la commercialisation de produits dilués. C'est la seule façon de garantir qu'il y ait en place une structure de réglementation complète et objective chargée de veiller à l'innocuité et à la bonne utilisation des produits ainsi que de protéger le système d'homéopathie classique.

En résumé, les praticiens professionnels canadiens devraient avoir accès à toute la pharmacopée et à toutes les dilutions. Il faudrait revoir, préciser et restreindre la vente libre des remèdes. Il est insuffisant, et même trompeur, de définir le remède homéopathique simplement comme une substance fabriquée selon certains procédés, sans tenir compte de la philosophie et des principes de cet art. Le terme d'homéothérapie est trop général. Il faudrait expliquer de façon claire au public quels sont les différents systèmes qui relèvent de l'homéothérapie.

• 0935

Tous les remèdes dont la fabrication ne se conforme pas au processus de dilution, à la philosophie et aux principes de Hahnemann ne devraient pas être considérés comme des remèdes homéopathiques. Il faudrait éviter, pour tous ces remèdes, de faire des allégations en matière de santé. Les modes d'emploi doivent être précisés au moyen des documents nécessaires. Il faudrait également mettre en place une nouvelle structure de réglementation, en consultation avec les praticiens classiques.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant le représentant de la National Homeopathic Professional Association, la NUPATH, M. Rudi Verspoor.

M. Rudi Verspoor (président, National Homeopathic Professional Association (NUPATH)): Merci, madame la présidente. Je vous prie de m'excuser à l'avance de ne pas vous avoir avisé que je serais accompagné d'une collègue. J'ai passé la fin de semaine à Seattle et je suis revenu hier soir seulement.

Je vous remercie, vous et les membres du comité, de nous donner l'occasion de vous faire part de notre point de vue. J'essaierai de limiter mes remarques à ce qui constitue le mandat de votre comité. Je sais que vous étudiez les produits de santé naturels, plus particulièrement les produits homéopathiques, du moins ceux qui sont régis par le gouvernement fédéral.

Je ne parlerai pas de l'exercice de l'homéopathie, qui est régi par les gouvernements provinciaux. J'y ferai peut-être indirectement allusion, mais je limiterai mes observations aux produits eux-mêmes.

Permettez-moi d'abord de vous présenter mon association. Il s'agit d'une association d'homéopathes professionnels canadiens. Notre association a été créée en 1994. Elle a pour but de promouvoir des normes minimales de formation et d'exercice de l'homéopathie. Nos membres viennent de divers milieux; certains ont reçu une formation médicale traditionnelle et se sont également spécialisés en médecine homéopathique. D'autres se sont spécialisés dans la formation à la médecine homéopathique.

Nous nous intéressons particulièrement aux délibérations de votre comité, puisque l'exercice de notre art dépend de notre accès aux produits homéopathiques. Même si l'exercice de l'homéopathie est assujetti à la réglementation provinciale, c'est le gouvernement fédéral qui régit l'accès aux produits homéopathiques.

Comme pour tant de choses au Canada, nous sommes à cheval entre les deux. Comme Mme Etcovitch, nous faisons également des démarches auprès des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral.

Je ne parlerai pas de l'homéopathie elle-même; le Dr Hassard en a donné une excellente explication. Je ne parlerai pas non plus de son histoire, mais le comité aimerait peut-être apprendre que l'homéopathie est exercée au Canada depuis les années 1840 et 1850. Elle a été amenée ici par des praticiens écossais, anglais et allemands. J'ajouterai, à titre de remarque historique, que la première association médicale du Canada, avant même que l'on parle de Haut-Canada, était l'association de médecine homéopathique. Cette association a été créée avant l'Association médicale canadienne. Le premier président du Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario était un homéopathe. Voilà pour la leçon d'histoire.

L'homéopathie se fonde sur une loi naturelle de la guérison, qui elle-même dérive de l'observation et de l'essai de substances médicinales sur des personnes en santé, ainsi que d'indications cliniques. Ce qu'il y a de différent par rapport à la médecine traditionnelle, c'est qu'il n'y a pas d'effets toxiques et que nous faisons nos tests sur des gens plutôt que sur des animaux.

Les substances que nous utilisons sont listées dans diverses pharmacopées. Il s'agit de longues listes de substances qui ont été testées, dont les effets ont été prouvés et qui sont généralement utilisés par les praticiens de l'homéopathie. Les pharmacopées les plus courantes, comme vous le savez sans doute, sont celles des États-Unis, de la France et de l'Allemagne. Ce sont les plus élaborées, les plus avancées, et celles auxquelles nous nous référons sous le régime des lois et des règlements actuels.

Toutefois, toutes les substances naturelles ou créées par l'homme peuvent servir à soigner en médecine homéopathique, et c'est pourquoi on fait constamment des ajouts à la liste des remèdes et médicaments homéopathiques. Comme pour n'importe quel médicament, il n'existe pas une liste définitive de substances.

• 0940

Il faut toutefois noter que les préparations homéopathiques ont, de par leur nature, un caractère particulier. Ce sont des remèdes, mais ce ne sont pas des médicaments. Au-delà d'un certain seuil de dilution, ces préparations n'ont absolument rien de toxique.

Ce niveau de dilution non toxique, c'est ce que nous appelons la dilution de 6x ou 3c dans les pays où les produits homéopathiques sont assujettis à une réglementation. Ce système de numérotage représente une dilution d'environ une partie par million. On estime généralement dans les pays où sont utilisés des remèdes homéopathiques que toute substance diluée à ce point est non toxique et sans danger par nature. Ces remèdes ne présentent aucun des effets secondaires associés aux médicaments, et c'est pourquoi nous estimons qu'ils devraient être traités différemment.

À l'heure actuelle, les praticiens de l'homéopathie ont accès à la plupart des préparations homéopathiques, c'est vrai, mais nous avons eu par le passé certaines difficultés d'accès à des substances que nous utilisons couramment et qui sont nécessaires à l'exercice de notre art. En outre, les règlements actuels interdisent certains remèdes d'utilisation courante et bien établie—pour toutes sortes de raisons, dont le fait que les remèdes homéopathiques sont traités comme des médicaments.

Permettez-moi de présenter les arguments suivants au comité pour ce qui est de la réglementation fédérale des produits homéopathiques. Premièrement, les préparations homéopathiques ne devraient pas être classées dans la même catégorie que ce que nous appelons les préparations allopathiques. Les préparations allopathiques sont celles de la médecine traditionnelle; ce sont les médicaments, les médicaments de synthèse.

En traitant les préparations homéopathiques comme des médicaments, on en restreint l'accès aux préparations homéopathiques d'utilisation courante qui dérivent de certaines substances potentiellement toxiques ou interdites. Cela signifie que la substance elle-même est peut-être toxique—l'arsenic en est un bon exemple—mais une fois en préparation homéopathique, cette substance ne constitue plus un médicament. Diluée au-delà d'une certaine concentration, elle appartient à une catégorie différente. D'autre part, les préparations homéopathiques ne sont pas non plus des aliments ou des suppléments vitaminiques. Elles ne font pas partie des produits nutritifs et de régime.

Deuxièmement, il faudrait à notre avis créer dans la loi fédérale une nouvelle catégorie pour les préparations homéopathiques afin de reconnaître le caractère unique de ces remèdes. On pourrait entrer dans la catégorie des préparations homéopathiques toute substance diluée à plus d'une partie par million.

Troisièmement, les allégations en matière de santé que font les fabricants quant à l'utilisation de leurs produits—et c'est la question du mode d'emploi—ne seraient autorisées que pour les préparations homéopathiques de faible dilution qui comportent plusieurs ingrédients. Également, les modes d'emploi ne s'appliqueraient qu'aux conditions autolimitatives, afin de permettre l'autodiagnostic et l'autothérapie. Ces mesures sont relativement semblables à ce qui existe déjà dans les règlements actuels.

Quatrièmement, toute substance listée dans les pharmacopées homéopathiques des États-Unis, de la France ou de l'Allemagne, ou dans toute autre pharmacopée homéopathique reconnue légalement dans n'importe quel autre pays, devrait automatiquement pouvoir être produite et vendue au Canada.

Cinquièmement, toute autre substance... J'ai dit tout à l'heure que nous ajoutons constamment à la liste des produits homéopathiques. Outre les substances qui sont actuellement inscrites dans n'importe quelle pharmacopée homéopathique, il faudrait permettre la préparation et l'usage de toute autre substance sous forme de remède homéopathique à ingrédient simple dans une dilution de 12c.

• 0945

La dilution de 12c se situe juste au-dessus de ce qu'on appelle le nombre d'Avogadro. Ce nombre d'Avogadro constitue la limite théorique d'une solution, c'est-à-dire le nombre au-delà duquel il ne reste plus une seule molécule dans la solution. Une telle dilution ne saurait en aucun cas présenter d'effet toxique, du moins techniquement. Au-delà de ce degré de dilution, c'est aux responsables de la réglementation de Santé Canada qu'il devrait incomber de prouver que l'utilisation de cette substance présente des risques supérieurs à ses avantages. Au lieu d'imposer à la personne qui désire utiliser une substance le fardeau de prouver l'innocuité de cette substance, le fardeau de la preuve devrait revenir à l'organisme de réglementation, s'il veut interdire la substance, puisque à ce niveau de dilution, du point de vue technique, il n'existe aucun risque de toxicité.

Enfin, les praticiens de l'homéopathie devraient être autorisés à importer, pour leur propre usage, et non pas pour la revente, toute préparation homéopathique dont la production et la vente au Canada seraient permises ou qui serait importée dans une dilution d'au moins 12c. Il s'agit de la limite de dilution que j'ai mentionnée tout à l'heure. Nous estimons que de tels produits ne devraient pas avoir à porter une identification numérique de médicament.

Madame la présidente, même si je sais bien que cela ne relève pas strictement du mandat de votre comité, j'aimerais attirer votre attention sur une iniquité qui existe actuellement dans une autre loi fédérale, c'est-à-dire la loi qui régit la taxe sur les produits et services.

À l'heure actuelle, cette taxe est discriminatoire à l'égard des praticiens de la médecine non traditionnelle. En effet, le traitement est différent, pour le même service de santé, selon qu'il est donné par un médecin traditionnel ou un praticien de médecine douce ou d'homéopathie. La loi et les règlements actuels qui régissent la TPS, en matière de services médicaux, se fondent sur l'ancien régime de licence d'exercice de la médecine qui existe dans les provinces. Dans les faits, ces régimes de licence autorisent le monopole de la médecine allopathique et, dans la plupart des provinces, interdisent l'exercice des médecines douces.

Comme les membres du comité le savent peut-être, un homéopathe du Québec a récemment été poursuivi en justice pour avoir exercé la médecine sans licence. Cette poursuite était directement imputable au régime de licence provincial.

Je ne veux pas discuter particulièrement de cet aspect, mais je tiens à signaler que la loi fédérale qui régit la TPS se fonde sur cet ancien régime de licence. Pour ma part, j'exerce en Ontario. Dans cette province, on a adopté le 1er janvier 1994 une nouvelle loi qui abolissait l'ancien régime de licence. Il n'existe pas en Ontario de médecin titulaire de licence. Et pourtant, la loi sur la TPS est appliquée en fonction des licences d'exercice de la médecine.

Même s'il n'existe pas en Ontario de médecins titulaires de licences, les médecins traditionnels n'ont pas à percevoir de TPS auprès de leurs patients. Toutefois, les praticiens de l'homéopathie et des soins de santé naturels de la même province doivent percevoir cette taxe.

• 0950

Il s'agit d'une taxe discriminatoire sur les médecines douces. Comme le Dr Hassard l'a fait remarquer, il est déjà amplement suffisant que les régimes d'assurance-maladie financés par les provinces—l'OHIP dans le cas de l'Ontario—ne couvrent pas les frais de la médecine douce. En fait, même les budgets de la médecine et des médicaments allopathiques sont assujettis à des compressions. Non seulement les gens doivent payer de leur poche pour consulter des praticiens de médecine douce, mais on leur impose en plus une taxe discriminatoire... Si un patient vient me consulter pour une infection de l'oreille, il doit payer la TPS; s'il consulte un médecin pour la même infection, il n'a pas à payer la taxe.

Je tenais simplement à le signaler au comité et à demander si vous n'avez pas les pouvoirs nécessaires pour recommander au gouvernement de modifier la loi et les règlements sur la TPS afin que les services médicaux soient tous traités sur le même pied, du point de vue fiscal, et qu'idéalement tous les services de soins de santé soient exemptés de la TPS. Il existe actuellement une exemption, mais elle est appliquée de façon discriminatoire. Cette exemption a l'inconvénient de ne pas permettre aux praticiens de réclamer des remboursements de la taxe payée sur tous les produits et autres choses qu'ils utilisent dans l'exercice de leur art. Si les soins de santé étaient détaxés, ils pourraient recevoir un remboursement, ce qui permettrait d'appliquer la TPS de façon beaucoup plus équitable.

Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente: Merci.

Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Merci, madame la présidente.

Merci d'être venus nous rencontrer. Lorsque j'entends des témoignages, j'aime bien demander aux témoins s'il existe un pays où la réglementation des domaines qu'ils représentent est meilleure qu'au Canada. Permettez-moi donc de vous poser cette même question: existe-t-il un pays vers lequel nous puissions nous tourner en raison des avantages de sa réglementation?

M. Rudi Verspoor: Permettez-moi de répondre en premier.

Existe-t-il un pays où la situation est meilleure qu'au Canada? Eh bien, cela dépend. Dans le cadre de la réglementation des produits, la situation est assez raisonnable au Canada, à une exception près, c'est-à-dire la possibilité d'utiliser des préparations homéopathiques qui sont interdites dans certaines annexes des lois sur les aliments et drogues. C'est le cas par exemple de substances comme la cocaïne et l'opium. Ces substances sont interdites sous le régime d'autres lois et ne peuvent être utilisées dans les préparations homéopathiques, même si, comme je l'ai dit dans mes observations, à divers degrés de dilution supérieur à 12c, c'est-à-dire à la limite du nombre d'Avogadro, il ne reste rien de cette substance dans le produit, du point de vue chimique. Donc, techniquement parlant...

M. Grant Hill: Vous croyez donc que le régime canadien est aussi bon que celui des autres pays, sauf dans ce domaine?

M. Rudi Verspoor: Oui, sauf pour cela. Le meilleur de tous serait le régime britannique.

M. Grant Hill: Nous n'avons pas beaucoup de temps, et j'ai besoin de savoir...

La présidente: Les députés n'ont que cinq minutes pour poser leurs questions et entendre les réponses.

Dr Murray Hassard: Dans certains pays d'Europe, on est beaucoup plus ouvert à l'homéopathie et à son intégration. J'ai dit qu'en Angleterre les patients des hôpitaux pouvaient demander les services d'homéopathes. En Inde, l'homéopathie est parrainée par l'État, ce qui permet un accès beaucoup plus grand. L'homéopathie est également utilisée en Hollande et dans bien d'autres pays d'Europe. L'homéopathie est utilisée en France, de façon assez générale. Les lois varient d'un pays à l'autre, et j'espère que le Canada pourra adopter les modèles établis dans certains de ces pays.

Mme Barbara Etcovitch: Je vous recommande les régimes de la Grande-Bretagne et de l'Inde—celui de la Grande-Bretagne pour la très bonne qualité de la production de ces remèdes, ainsi que pour la façon dont ces remèdes sont distribués et mis à la disposition des gens.

M. Grant Hill: Nous entendons souvent dire que la prévention est de loin préférable aux soins. C'est bien évident. Pouvez-vous nous donner des preuves du fait que, dans les pays qui sont plus avancés que le Canada dans votre domaine, il y a amélioration générale en matière de santé?

Mme Barbara Etcovitch: Dans le cas de l'épidémie de choléra au Royaume-Uni, par exemple, qui a été traitée par des moyens allopathiques aussi bien que homéopathiques, l'incidence de mortalité a été beaucoup moindre chez les gens traités par des moyens homéopathiques. La chose est documentée. C'est le seul exemple qui me vient à l'esprit pour le moment.

• 0955

M. Grant Hill: J'aimerais grandement obtenir de la documentation à ce sujet, si vous pouviez me la transmettre.

Y a-t-il quelqu'un d'autre?

M. Rudi Verspoor: Il existe de nombreux écrits au sujet de l'efficacité de l'homéopathie. Cependant, dans la mesure où votre question avait trait à la prévention, des études effectuées en France, par exemple, montrent—et je crois que le Dr Hassard en a parlé plus tôt—que les coûts des soins de santé d'une personne au cours de sa vie sont considérablement réduits si elle a recours à la médecine homéopathique par opposition à la médecine allopathique.

En homéopathie, nous reconnaissons beaucoup plus tôt l'existence de la maladie que ne le ferait un médecin allopathe. À cet égard, l'approche est donc beaucoup plus préventive. Nous n'attendons pas une pathologie ou une évolution des tissus avant de pratiquer un traitement et de reconnaître qu'une maladie existe.

En ce sens, la médecine homéopathique accorde une importance considérable à l'aspect préventif, et les économies en médicaments sont beaucoup plus considérables. D'après certaines études faites en France, on a constaté des économies à long terme de l'ordre de 20 à 30 p. 100 sur une période de 10 ou 15 ans.

Dr Murray Hassard: D'après le sondage Angus Reid sur les soins de santé offerts des Canadiens, effectué en septembre, 66 p. 100 des Canadiens estimaient que le fait d'intégrer les thérapies non conventionnelles au régime de soins de santé entraînerait des économies considérables. Ainsi, les perspectives et les perceptions des Canadiens rejoignent les résultats de recherches menées dans d'autres pays.

M. Grant Hill: Merci.

La présidente: Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Quels sont les grands laboratoires de recherche au Canada? Y en a-t-il ou si vous êtes plutôt obligés de faire venir vos médicaments de l'extérieur, par exemple de la Grande-Bretagne ou de l'Inde? Comment est-ce que cela fonctionne? Avez-vous des experts scientifiques qui font tous les jours de la recherche pour développer de nouveaux médicaments?

[Traduction]

M. Rudi Verspoor: Pour l'essentiel, les produits homéopathiques font l'objet des mêmes recherches par des sociétés pharmaceutiques que les médicaments allopathiques. Au Canada, il existe un nombre assez considérable de sociétés pharmaceutiques homéopathiques. La plupart d'entre elles ont été créées en France—je pense à Dolisos et à Boiron. Certaines d'entre elles ont été établies aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ces pays ont été, par le passé, les principaux producteurs de médicaments homéopathiques.

Certaines recherches sont menées également—assez peu au Canada par contre—par des hôpitaux homéopathiques en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Aux États-Unis, un bureau spécial est chargé des pratiques non conventionnelles en matière de soins de santé. Il finance la recherche en matière de soins non conventionnels, y compris l'homéopathie. Malheureusement, nous ne disposons d'aucun soutien semblable du gouvernement fédéral. Il serait cependant intéressant qu'un modèle du même genre existe au Canada et permette le financement de la recherche en matière de soins de santé non conventionnels, y compris l'homéopathie.

Mme Pauline Picard: Merci.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.): Madame la présidente, je m'excuse de mon retard. J'ai été retenu ailleurs.

Votre mémoire m'a beaucoup intéressé, docteur Hassard. Je l'ai parcouru en diagonale. À la page 4, vous dites, je crois, que le financement accru des soins de santé non conventionnels ferait enfin du régime issu de la Loi canadienne sur la santé un régime à palier unique. Évidemment, à l'approche du XXIe siècle, nous cherchons des moyens de viabiliser les régimes en fonction des besoins des Canadiens.

Pouvez-vous nous expliquer plus à fond ce que vous voulez dire par là? Je crois comprendre que vous souhaitez une plus grande accessibilité à certains traitements.

Dr Murray Hassard: Dans le cadre du régime actuel, le patient qui a un problème de santé—on a parlé plus tôt d'une infection de l'oreille—voit le médecin et suit le cheminement de la médecine conventionnelle, ce qui est parfois très coûteux pour le système dans son ensemble.

Il y aurait moyen cependant de traiter une infection de l'oreille interne par une approche homéopathique. Je parle d'expérience personnelle. Ma fille souffrait d'une fièvre hier soir—ma fille de huit mois vit avec moi à Ottawa—et j'ai eu recours à un remède homéopathique: la belladone. C'est ce que j'ai décidé de faire. Je trouve qu'il est très peu coûteux d'administrer un comprimé de belladone à la demi-heure pour traiter une infection de l'oreille ou une fièvre.

• 1000

Comparativement à d'autres modèles de santé, vous serez probablement d'accord pour dire que, pour le même symptôme d'infection de l'oreille, la plupart des médecins canadiens administreraient des antibiotiques, Dans le cas des milieux médicaux européens, on n'administrerait pas nécessairement des antibiotiques pour une infection de l'oreille. L'approche est tout à fait différente. Ainsi, en Europe, on administrerait des analgésiques durant quatre ou cinq jours. On traiterait donc la douleur à l'oreille, et non pas l'infection. Ici, nous accordons beaucoup d'importance aux antibiotiques, souvent au détriment de l'enfant. Les antibiotiques peuvent agir avec virulence sur la flore intestinale, et il peut en résulter des infections.

Voilà comment les coûts peuvent faire boule de neige dans notre régime actuel de soins de santé. L'approche homéopathique est très peu coûteuse du fait que, pour le cas qui nous intéresse, elle ne nécessite que l'administration d'un petit nombre de comprimés. Et de telles économies se multiplieraient à l'échelle du régime.

M. Lynn Myers: Selon vous, s'agit-il d'un moyen de sauver le système à un palier? Est-ce bien ce que vous nous dites aujourd'hui?

Dr Murray Hassard: Je vous répondrai que, au Canada, si un enfant a une infection à l'oreille, on a le choix d'aller consulter gratuitement le médecin ou de payer la consultation chez l'homéopathe. Il ne s'agit pas d'un accès égal aux diverses possibilités de soins de santé.

Le régime comporte de graves inégalités, même si notre régime de soins de santé canadien devrait avoir comme principal objectif de soulager l'enfant dont l'oreille est infectée.

Tout Canadien responsable cherche à régler un tel problème de santé d'une façon économique, et l'homéopathie pourrait être l'une des solutions à retenir.

M. Lynn Myers: Merci.

J'aurais une brève question à poser à Mme Etcovitch. Je ne crois pas avoir vu l'Inde servir de modèle ailleurs avant que vous ne nous en parliez aujourd'hui. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez dit?

Mme Barbara Etcovitch: En Inde, la tradition de la médecine homéopathique est très ancienne. L'Inde compte des homéopathes exceptionnels qui sont en train de révolutionner la médecine homéopathique sur le continent. L'homéopathie y est très bien établie, et les hôpitaux homéopathiques sont passablement nombreux, de sorte que ce type de médecine est celui qui domine en Inde, comme je l'ai dit.

Dr Murray Hassard: Et il bénéficie du soutien de l'État en Inde.

Mme Barbara Etcovitch: En effet.

M. Lynn Myers: Merci.

Monsieur Verspoor, auriez-vous un commentaire à formuler?

M. Rudi Verspoor: J'aimerais faire un commentaire au sujet de votre question portant sur l'idée de sauver le système à un palier. Le régime de soins médicaux actuel en est un où une seule forme de médecine exerce un monopole. Or, ce qu'il nous faut, en réalité, c'est une concurrence entre diverses formes de médecines.

C'est ce qui est d'ailleurs permis en Ontario. Il n'y a pas de financement au sens strict mais, sur le plan pratique, les consommateurs sont libres de choisir. Si la concurrence existait en matière de soins de santé, compte tenu des diverses solutions de remplacement valables, je crois que les gens ne tarderaient pas à choisir ce qui est le plus efficace et le plus économique, et je puis vous assurer que, pour la plupart des affections, l'approche non conventionnelle est généralement beaucoup plus efficace et économique.

Nous reconnaissons la valeur du système allopathique dans les cas d'extrême urgence. Cependant, il ne nous semble ni efficace, ni économique, d'appliquer un système conçu pour les cas d'urgence extrême aux rhumes, aux grippes et aux infections de l'oreille. Ce que je propose pourrait donc permettre de sauver le système à un palier.

M. Lynn Myers: Madame la présidente, mon dernier commentaire a rapport à ce qu'a dit M. Verspoor au sujet de la TPS. Pourrions-nous donc demander à Revenu Canada ou au ministère de la Santé de déterminer dans quelle mesure cette taxe s'applique de façon discriminatoire à la médecine non conventionnelle, comme il l'a soutenu?

La présidente: Nous allons demander aux responsables de se pencher là-dessus.

M. Lynn Myers: J'aimerais obtenir de l'information pertinente à ce sujet, soit de Revenu Canada ou de Santé Canada, soit des recherchistes.

La présidente: D'accord.

Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Nous allons interroger l'AMC également.

M. Lynn Myers: L'observation me semble fort valable, et j'aimerais que nous en discutions davantage.

M. Rudi Verspoor: Permettez-moi de formuler un commentaire, étant donné que vous avez dit que vous poseriez la question à l'AMC.

Lors de l'introduction de la TPS, si j'ai bien compris, l'AMC avait eu à choisir entre la possibilité de faire détaxer les services de santé aux fins de la TPS ou de les exonérer. Pour une raison quelconque, on a choisi l'exonération, ce qui a entraîné un certain nombre de problèmes, et notamment le traitement discriminatoire des pratiques non conventionnelles.

La présidente: Madame Bennett.

• 1005

Mme Carolyn Bennett: Je tiens à vous remercier tous. Je crois que vos exposés ont été extrêmement utiles. Nous avons été inondés de problèmes, et nous accueillons favorablement tous les groupes d'experts qui ont des recommandations et des solutions à nous proposer. Merci.

J'aimerais vous demander quel doit être, selon vous, le rôle du gouvernement. Mme Etcovitch, dans son exposé, parle de limitation... ainsi, j'aimerais savoir quel doit être, selon vous, le rôle du gouvernement. Les produits homéopathiques ne sont certainement pas des aliments, nous dit-on. Par contre, le fait d'en faire des médicaments pose problème. Une troisième catégorie semble nécessaire.

La semaine dernière, les représentants de l'ayurvédisme semblaient proposer qu'on établisse un certain nombre de catégories par rapport auxquelles l'examen par les pairs serait confié à des personnes extrêmement compétentes. Seriez-vous d'accord avec un tel régime? Seriez-vous favorables à l'idée d'une troisième catégorie dont la surveillance serait confiée à des experts?

De plus, maintenant que les produits homéopathiques sont disponibles en pharmacie chez Shoppers Drug Mart, j'aimerais savoir s'il faut, d'après vous, imposer certaines limites. En effet, dans la catégorie qui vous concerne il se peut qu'un certain produit puisse être en vente libre, mais que vous jugiez préférable que d'autres ne soient utilisés que sur l'avis d'un praticien.

Mme Barbara Etcovitch: L'appellation en tant que telle pose problème. L'homéopathie doit correspondre à un système de principes et à une philosophie. Il ne suffit pas qu'un produit soit dilué et exprimé pour qu'il s'agisse d'un produit homéopathique.

Voilà où il faut commencer, d'après moi. Il faut modifier l'appellation de manière à ce qu'elle soit le reflet du système.

À part cela, il me semble extrêmement important pour nous que les homéopathes travaillent de concert avec le gouvernement pour régler les divers problèmes, de sorte que les consommateurs sachent exactement ce qu'ils obtiennent et sachent comment l'utiliser.

Le gouvernement doit collaborer avec les praticiens pour mettre au point un régime de réglementation.

Dr Murray Hassard: Votre proposition qui a fait l'objet de discussions avec les praticiens de l'ayurvédisme est excellente. La proposition de M. Hill visant une catégorie des suppléments est également excellente. Il s'agirait de créer certaines catégories hiérarchiques. La troisième, celle des suppléments, relèverait de l'homéopathie. Nous aurions donc les aliments, les médicaments et les suppléments, faute d'un terme plus approprié.

Mme Carolyn Bennett: Dans le cas des médicaments naturels.

Dr Murray Hassard: Pour ce qui est des médicaments naturels, on pourrait les subdiviser selon les catégories de l'ayurvédisme et de l'homéopathie. Ce serait là une excellente façon de régler le problème de la catégorie manquante.

M. Rudi Verspoor: Pour ce qui est du rôle du gouvernement, je vous répondrai qu'il doit être très restreint, comme c'est le cas à l'échelle provinciale. Cela ne veut pas dire que le gouvernement n'a pas de rôle. Son rôle consiste en réalité à légiférer dans l'intérêt du public, en vue d'empêcher des dommages. Toute limite visant une préparation homéopathique doit être imposée dans cet esprit.

L'idée d'une troisième catégorie, ou de subdivisions à l'intérieur de cette troisième catégorie, est certainement acceptable. Je suis cependant en désaccord avec Mme Etcovitch du fait que nous parlons ici de produits, et non pas de la pratique de l'homéopathie. Aucun produit n'est homéopathique, au sens strict, à moins qu'il n'ait été administré selon un principe homéopathique. Il est question ici de produits souvent préparés sous forme homéopathique, faute d'une meilleure expression. Cela veut dire qu'ils sont dilués, exprimés et potentialisés, comme nous le disons, d'une manière ou d'une autre.

Essentiellement, le rôle du gouvernement doit consister à empêcher les dommages. Or, la plupart des préparations homéopathiques ne sont pas susceptibles de causer des dommages. Les professionnels concernés doivent conseiller le gouvernement lorsqu'il est question de formuler un règlement particulier. Cependant, la loi devrait certainement prévoir une troisième catégorie, au minimum.

Mme Carolyn Bennett: Évidemment, dans les cas où un produit contient de la belladone, de la strychnine, de l'arsenic ou une autre composante qui, en surdose, surtout chez les enfants... il nous faut une certaine protection ou une certaine sensibilisation.

• 1010

M. Rudi Verspoor: En effet. Dans la plupart des pays—et nous sommes d'accord là-dessus; il s'agit de la modalité en vigueur à l'heure actuelle—toute dilution inférieure à une partie par million serait jugée dangereuse, elle ne pourrait pas être vendue en vente libre et, dans de nombreux cas, ne pourrait même pas être fournie aux praticiens. En France, en Allemagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni tout produit de dilution supérieure à une partie par million est jugé sûr et n'est donc pas limité dans son usage.

Mme Barbara Etcovitch: Il me semble important d'ajouter que toute dilution peut causer une pathogénésie. Si un non-initié prend un remède à répétition, quelle qu'en soit la dilution, on risque de constater une pathogénésie, même si elle est davantage probable à plus faibles dilutions.

Quelqu'un s'est présenté un jour à mon bureau après avoir absorbé du Thuja 30c chaque jour pendant un an. Voilà qui peut certainement donner lieu à une pathogénésie, à des erreurs de diagnostic, et même à la suppression des symptômes.

Ainsi, laissé à lui seul, le consommateur est en situation de risque. Si on veut parler de «dommages» dans le sens très large du terme, il y a risque de dommage, étant donné que nous traitons d'une substance qui influe en profondeur sur les niveaux d'énergie du corps et qui exige un suivi et des soins. Nous devons, me semble-t-il, redéfinir ce que nous entendons par «risque» et par «dommages» dans l'optique des remèdes homéopathiques.

La présidente: Je crois que nous devrions maintenant arrêter.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Réf.): Merci, madame la présidente.

Un certain nombre de témoins nous ont dit qu'il nous fallait repenser assez sérieusement non seulement les modalités de prestation des services de santé, mais également la formation et la préparation des personnes qui assurent la prestation des soins.

M. Verspoor vient tout juste de parler de concurrence. Je me demande si vous souhaiteriez en parler davantage, étant donné que bon nombre de personnes parlent plutôt de complémentarité que de concurrence et que certains ont même proposé l'intégration des formations visant la médecine conventionnelle et la médecine non conventionnelle. Qu'auriez-vous donc à proposer à ce sujet? Vouliez-vous véritablement parler de concurrence, ou vouliez-vous plutôt dire... bon, je vous laisse le soin de répondre.

M. Rudi Verspoor: Merci. Je ne vois pas de contradiction entre la concurrence et l'intégration. Par concurrence, j'entends le fait d'approches ou de philosophies médicales qui sont en concurrence pour ce qui est du traitement des affections.

Dans le cadre d'une pratique, et de la pratique médicale en général, il peut y avoir des approches complémentaires et il peut y avoir intégration, de sorte que, si un médecin souhaite avoir recours à l'homéopathie, à l'ayurvédisme ou à l'acuponcture, cela pourrait être tout à fait une approche intégrée.

Cependant, dans sa pratique, le médecin en question aurait en réalité autorisé la concurrence entre, par exemple, les antibiotiques et les produits homéopathiques. Le médecin déciderait dans quelle circonstance telle ou telle approche serait opportune. Mais il y aurait concurrence, tout au moins à l'échelle des systèmes et des approches, et j'estime que ce serait le moyen de faire en sorte que la méthode retenue soit la plus efficace.

À l'heure actuelle, où jusqu'à récemment, en Ontario, quand le Collège des médecins et chirurgiens de la province a entrouvert la porte à la médecine parallèle, si un médecin décidait de traiter une infection de l'oreille à l'aide d'une préparation homéopathique, par exemple, il devait être traduit devant le Collège des médecins et chirurgiens pour faute professionnelle, pour avoir enfreint le code de déontologie de la profession. On ne peut pas parler de concurrence. En fait, une forme de médecine exerce un monopole par rapport à une autre.

Quand je parle de concurrence, c'est dans un contexte d'efficacité. Mais cela ne veut pas dire que les praticiens ne peuvent pas intégrer différentes méthodes ou adopter des formes complémentaires de médecine.

M. Reed Elley: À l'heure actuelle, je peux aller consulter mon médecin généraliste pour un problème de santé et aller également en parler à mon homéopathe. Est-il réaliste de croire que d'ici 15 à 20 ans, je pourrai m'adresser à une seule et même personne, qui aura reçu, d'un collège reconnu, une formation dans ces divers domaines, et que cette seule visite suffira?

• 1015

M. Rudi Verspoor: C'est assez réaliste. Ce serait l'idéal, mais il serait bien de travailler dans ce sens. Je ne vois pas pourquoi les différentes formes de médecine ne pourraient pas coopérer. Il existe certaines différences qui empêcheraient d'intégrer le tout, bien entendu. Ce serait certainement l'idéal... que votre médecin de famille ait accès à toutes ces techniques différentes et puisse décider de celles qu'il y a lieu d'utiliser ou de ne pas utiliser. Il n'y a pas de raison pour que ce soit irréalisable.

M. Reed Elley: Quelqu'un d'autre aimerait-il ajouter quelque chose à ce sujet?

Dr Murray Hassard: Oui, moi. Je suis un praticien multidisciplinaire. Je suis chiropraticien, homéopathe, instructeur en homéopathie, et j'étudie actuellement les plantes médicinales au Collège Mohawk. J'essaye donc de comprendre tous les aspects de la santé.

Lorsqu'un patient vient me voir en disant: «J'ai mal au cou; je voudrais que vous me l'ajustiez pour faire disparaître mon mal de tête», parfois j'estime que c'est un remède homéopathique qui convient le mieux et parfois qu'il vaut mieux procéder à un ajustement pour corriger un défaut mécanique. Je trouve qu'il est très difficile de choisir entre ces deux solutions qu'offre la médecine parallèle. Il ne serait sans doute pas facile d'être un médecin qui connaisse à la fois la chiropractie, l'homéopathie, de même que la pharmacopée traditionnelle et homéopathique. Je crois que ce serait tout un défi et que cela exigerait un effort herculéen.

Je pense qu'il serait plus réaliste d'ouvrir les portes. Dans un certain sens, comme la communauté médicale s'est opposée à la médecine parallèle... Vous avez sans doute suivi la cause du Dr Krop, qui doit passer devant les tribunaux. C'est un médecin qui exerce l'homéopathie ou la naturopathie sans permis. Quoi qu'il en soit, il fait l'objet d'un examen judiciaire.

Jusqu'à récemment, les portes ont été fermées, et je crois que la communauté médicale a raté là une occasion de se faire la gardienne d'un véritable système de soins de santé. Disons qu'un patient va voir son médecin généraliste. Si votre mal de tête résulte d'un mal de cou, d'une subluxation du cou pour laquelle un chiropraticien doit procéder à un ajustement mécanique, j'aimerais beaucoup que votre médecin vous envoie chez un chiropraticien ou un homéopathe pour traiter votre mal de tête. Mais jusqu'à récemment, ce n'était même pas envisageable.

Il faudrait certainement réviser tout le système pour que votre objectif puisse être atteint. Ce serait merveilleux.

Mme Barbara Etcovitch: Puis-je également répondre?

La présidente: Brièvement, s'il vous plaît.

Mme Barbara Etcovitch: Il faut faire la différence entre les symptômes et la maladie, c'est-à-dire le mal de tête et le traitement du patient, ce qui est à la base d'une bonne homéopathie classique.

La suppression peut être obtenue par bien des moyens. Elle peut être obtenue par une thérapie de manipulation dans le cadre d'un traitement homéopathique. Elle peut être obtenue au moyen d'une phytothérapie. Les moyens qui peuvent être utilisés sont illimités. En tant qu'homéopathe classique puriste, je traite non pas la maladie, mais la personne.

Ces systèmes, qui ont peut-être un effet formidable en eux-mêmes—et je n'ai rien à dire quant au choix de soins de santé que font les gens—, peuvent être une source de problèmes dans le cadre d'un traitement homéopathique. Voilà ma seule préoccupation. Quant à la question de savoir si ces systèmes pourraient tous être incorporés en un seul système—en tant qu'homéopathe classique je ne conçois pas que cela soit possible. Il serait certainement plus efficace d'avoir un seul système, ou encore certaines personnes pourraient avoir tendance à préférer une thérapie à une autre, et elles doivent pouvoir choisir la thérapie qu'elles veulent. L'homéopathie classique est toutefois considérée comme un système très détaillé et complexe qui est tout à fait unique en son genre, et c'est dans ce sens que je crois qu'il y aurait un problème.

M. Reed Elley: Merci.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Drouin.

M. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Ma première question s'adresse à Mme Etcovitch.

Vous parliez d'une vente surveillée. J'aimerais que vous élaboriez sur cela. J'aimerais ensuite avoir les commentaires de tous sur l'étiquetage. Il semble qu'au niveau des produits homéopathiques, l'étiquetage ne soit pas constant. Il y a beaucoup de gens qui prennent ces produits un peu à l'aveuglette. On leur explique rapidement ces produits et ils partent avec une confiance inouïe. Au bout d'une semaine, vous leur demandez ce qu'ils consomment et ils ne sont pas du tout au courant, mais ils disent que ça va probablement leur faire du bien.

J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, s'il vous plaît.

• 1020

Mme Barbara Etcovitch: Je voudrais répondre en anglais si c'est possible.

[Traduction]

La présidente: Allez-y.

Mme Barbara Etcovitch: Il s'agit d'un problème de marketing. L'étiquetage manque effectivement de cohérence, et les gens ont effectivement l'impression qu'ils se font du bien en prenant ces produits. C'est un problème.

Comment le régler? Tout d'abord, il faudrait classer les différentes formes de substances diluées. Cela est très important à mon avis. Deuxièmement, il faudrait fournir plus d'information sur chacun des produits, et il y aurait peut-être lieu de prévoir les services d'un conseiller chez le marchand, ou encore un marketing réglementé de façon bien plus rigoureuse.

En tout cas, c'est un gros problème à mon avis, et il faut à tout prix s'y attaquer. Il faut s'attaquer au manque de cohérence. Certains produits sont en vente libre et font l'objet d'un marketing très général, tandis que d'autres sont vendus par l'entremise du pharmacien, et dans certains cas le pharmacien est en mesure de fournir de l'information à la personne qui demande un médicament homéopathique. Il y a effectivement un manque de cohérence.

La situation qui existe à l'heure actuelle n'est certainement pas acceptable, mais c'est une question de marketing. À mon avis, il faudrait que le marketing soit limité et réglementé immédiatement à certains égards, de façon que les fabricants n'aient pas carte blanche pour ce qui est de mettre toutes sortes de produits sur le marché.

La présidente: Quelqu'un d'autre veut répondre à cette question? Docteur Hassard.

Dr Murray Hassard: Dans le projet de loi C-307, M. Grant Hill propose une excellente modification en ce qui a trait au marketing:

    Il est interdit de vendre un aliment ou une drogue

... et j'espère qu'on ajoutera «ou un supplément»...

    qui a été déclaré nocif pour les êtres humains ou un cosmétique ou un instrument.

Les mentions figurant sur les étiquettes apposées sur un produit quelconque devraient être autorisées dans la mesure où elles sont véridiques et correctes et où il y a eu des bienfaits à l'utilisation du produit. La difficulté vient du fait que certains médicaments homéopathiques, comme les médicaments contre le mal de tête, pourraient aussi être bénéfiques dans le cadre de bien d'autres traitements. Les patients ont donc effectivement du mal à s'y retrouver. Je voudrais pouvoir dire que tel médicament est d'une utilité reconnue pour ceux qui souffrent de maux de tête ou de calculs biliaires ou encore de diarrhée. Je voudrais pouvoir l'affirmer de façon véridique et honnête, et c'est ce que devrait encourager le gouvernement.

La présidente: Monsieur Verspoor.

M. Rudi Verspoor: La question de l'étiquetage ne se pose finalement que lorsqu'on attribue des propriétés à un produit. Dans le cas de produits présentés simplement comme substances homéopathiques, sans aucune allégation relative à des propriétés thérapeutiques quelconques, tout ce qui devrait pouvoir figurer sur l'étiquette serait le nom du produit et le degré de concentration ou de dilution, ou je ne sais quoi encore. Le problème de l'étiquetage se pose quand on affirme que tel produit est utile pour traiter telle affection.

Comme l'a fait remarquer le Dr Hassard, la difficulté qui se présente dans le cas de préparations homéopathiques tient au fait que le même produit peut être utilisé pour traiter une multitude d'affections. Il est très difficile d'en désigner une en particulier. Il peut s'agir d'un remède contre les maux de tête qui peut aussi servir à traiter une foule d'autres affections.

Les fabricants de produits pharmaceutiques homéopathiques de tous les pays du monde, y compris du Canada, offrent généralement des remèdes appelés remèdes combinés. Il s'agit de remèdes comprenant une combinaison d'ingrédients qui sont généralement reconnus comme pouvant être d'une certaine utilité pour traiter certaines affections. Ils présenteront donc leurs produits comme étant un remède combiné contre le mal de tête, un remède contre les brûlures gastriques, un remède combiné contre la nausée, ou je ne sais quoi encore.

Nous n'avons rien contre la réglementation actuelle. Du point de vue uniquement de la pratique de l'homéopathie, il n'y a pas de problème, parce que les homéopathes ne se servent généralement pas de ces remèdes combinés. Du point de vue de la protection du consommateur, ces remèdes n'ont, en règle générale, aucun effet nocif.

Comme dans le cas de n'importe quel autre produit, il est toutefois possible d'en abuser. Si je bois 12 verres de jus de carotte par jour, je me rendrai malade, mais on ne veut pas limiter pour autant la consommation de jus de carotte. Il est parfaitement clair qu'il faut partir du principe que le consommateur est raisonnablement instruit, mais je crois que c'est une supposition qui vaut pour la plupart des gens aujourd'hui. Tout produit est susceptible d'être utilisé de façon abusive.

Du point de vue du rôle que devrait jouer le gouvernement, comme on le signale dans le document, le rôle du gouvernement devrait consister à empêcher que la population ne souffre d'effets nocifs, et il n'y a effectivement aucun effet nocif qui résulte de ces remèdes combinés ni de la façon dont ils sont réglementés à l'heure actuelle. Je n'y vois aucun problème.

• 1025

La présidente: Merci. Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Je suis désolé d'avoir raté les exposés.

Je veux revenir sur quelque chose que vous avez dit, docteur Hassard, en réponse à un de mes collègues. J'ai deux ou trois questions à poser. Si le comité, si le grand public, règle la question de l'étiquetage des produits de manière à en assurer la qualité, l'uniformité et l'intégrité, premièrement, est-ce là une condition sine qua non pour vous permettre d'établir votre crédibilité à vous?

Je répète en des termes différents. Vous prescrivez des produits qui à l'heure actuelle sont—puis-je être diplomate?—suspects du fait qu'ils ne sont pas de qualité uniforme.

Dr Murray Hassard: Ce que vous dites là est faux.

M. Joseph Volpe: C'est quand même vous qui l'avez dit. Vous reconnaissez qu'il y a des problèmes en ce qui concerne l'intégrité des produits à cause...

Mme Barbara Etcovitch: Je peux répondre à cette question.

M. Joseph Volpe: Vous ai-je bien entendu alors?

Mme Barbara Etcovitch: Oui. Absolument. Il y a des variations énormes dans la qualité des produits homéopathiques et dans les résultats qu'on en obtient.

J'ai moi-même vu des produits morts sur les étagères. J'ai des patients à qui j'ai prescrit un remède en particulier, qui par exemple sont allés l'acheter en vente libre parce qu'ils trouvaient cela plus commode. Le médicament ne donne pas de bons résultats. Je sais pourtant que celui que j'ai prescrit est bon. Je leur prescris un médicament de meilleure qualité. Je sais qu'il donne de bons résultats.

Il y a donc certainement un manque d'uniformité dans la qualité des médicaments homéopathiques. Ainsi, en tant qu'homéopathes classiques, nous préférons obtenir nos produits des laboratoires.

M. Joseph Volpe: Ne prenez pas ma question comme étant hostile. J'essaie simplement de bien cerner un problème en particulier.

Les témoins ont indiqué, en réponse à certaines questions, que les produits où l'on trouve des ingrédients qui ne sont pas très bons pour le patient, peu importe la nature du produit, devraient essentiellement être retirés des étagères ou être surveillés plus rigoureusement. C'est ce que j'ai compris à partir des réponses qui ont été données.

Ainsi donc, si l'on impose des critères plus rigoureux, de manière à satisfaire ceux qui prescrivent ces produits, faut-il en conclure que ceux qui les prescrivent, ou ceux qui pratiquent des thérapies qui conduisent à la consommation de ces produits, acquièrent une légitimité égale à celle des praticiens appartenant aux autres systèmes?

Mme Barbara Etcovitch: La question est intéressante.

M. Rudi Verspoor: Je voudrais tout d'abord bien faire savoir que, même si le système est loin d'être parfait et que les problèmes dont Mme Etcovitch a parlé existent certainement, il y a actuellement des normes qui sont appliquées. Il existe actuellement de bonnes pratiques de fabrication qui sont appliquées aux fabricants de produits pharmaceutiques homéopathiques qui sont aussi rigoureuses, sinon plus rigoureuses, que celles qui sont appliquées à la production de médicaments. Les normes existent donc. Il reste à savoir toutefois si elles devraient être appliquées de façon plus méthodique ou plus systématique.

En réponse à votre autre question, nous comptons effectivement sur l'intégrité de nos produits pour pouvoir exercer notre profession. Les normes de fabrication et de contrôle de la qualité sont très importantes pour nous. Cependant, l'intégrité de la profession accuse encore un certain retard par rapport à la qualité des produits. Cela s'explique en grande partie par son statut juridique. Il s'agit là finalement d'une question de compétence provinciale.

En Ontario, les homéopathes ont un statut juridique égal à celui des médecins allopathes, mais cela ne dépend pas de la qualité du produit. Notre efficacité dépend à coup sûr de la qualité du produit. La qualité est donc importante.

M. Joseph Volpe: En réponse à la question que vous avez soulevée tout à l'heure au sujet de la nécessité de briser le monopole des allopathes sur la prestation d'un système de services médicaux—j'allais parler d'«industrie», mais je me suis rattrapé juste à temps—vous ne vous attendez pas à ce que notre comité recommande aux autorités provinciales de faire en sorte que les homéopathes et les naturopathes soient visés par la LCS.

• 1030

M. Rudi Verspoor: Je n'en fais pas expressément la demande, simplement parce que je crois savoir que cela dépasserait le mandat du comité. Je serais toutefois enchanté que le comité recommande que le modèle qui est appliqué en Ontario en vertu de la Loi sur les professions de la santé réglementées, et qui est unique en son genre au Canada et en Amérique du Nord, soit appliqué dans toutes les provinces, de sorte que les praticiens exerçant dans le domaine des médecines douces seraient partout traités de la même façon en vertu de la Loi canadienne sur la santé.

En Ontario, la loi précise que toutes les formes de médecine sont légales, mais que le gouvernement ne réglemente—c'est-à-dire ne limite—que celles qui présentent un danger considérable pour le public. À l'heure actuelle, les seules formes de médecine qui sont réglementées en Ontario sont les professions allopathiques, ce qui signifie, par un curieux revirement, que les professions allopathiques présentent un danger considérable pour les patients et doivent par conséquent être réglementées dans l'intérêt du public.

Ce n'est pas le cas de la médecine homéopathique. Nous ne présentons pas le même danger. Nous avons toutefois le même statut juridique pour ce qui est d'exercer notre profession en Ontario.

M. Joseph Volpe: Permettez-moi de vous poser une question que pourrait vraisemblablement vous poser le patient ou le client typique. Quand je consulte un homéopathe ou quelqu'un qui n'est pas un allopathe et que je demande un diagnostic, puis des services médicaux, qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie-t-il que je dois vous payer ou que le praticien fait partie du système qui paye le prix des services dont j'ai besoin?

M. Rudi Verspoor: Chose certaine, si vous demandez un diagnostic, je ne peux pas vous en donner un légalement, car il s'agit là d'un acte qui se trouve limité par la loi en Ontario. Deuxièmement, vous seriez effectivement tenu de payer le prix des services reçus, à moins que vous n'ayez une assurance-maladie complémentaire, qui paierait la note. Certains régimes d'assurance-maladie complémentaire, comme celui du gouvernement fédéral et celui du gouvernement provincial, de même que ceux de grandes sociétés, couvrent effectivement...

M. Joseph Volpe: Ce sont là des régimes privés.

M. Rudi Verspoor: Oui, ces régimes sont privés. L'assurance-maladie de l'Ontario ne couvre pas les services homéopathiques.

M. Joseph Volpe: Ainsi, quand vous parlez de briser un monopole, s'agit-il aussi d'essayer de briser ce...?

M. Rudi Verspoor: Oui.

Dr Murray Hassard: Les économies qui seraient réalisées dans le domaine des soins de santé justifieraient certainement qu'on encourage des politiques qui seraient favorables aux thérapies parallèles. Dans mon témoignage, j'ai parlé de la recherche sur les soins chiropratiques, le gouvernement ontarien ayant commandé une étude montrant qu'il pourrait économiser... le coût direct pour l'assurance-maladie de l'Ontario serait d'environ 548 millions de dollars par an si les soins chiropratiques étaient inclus. C'est là un exemple parmi bien d'autres d'un système de soins de santé complémentaire qui pourrait être incorporé au modèle médical en tant que tel et qui permettrait de le sauver et de réduire les montants qui sont consacrés aux soins de santé.

M. Joseph Volpe: Si vous ne pouvez pas poser de diagnostic—et je vous parle maintenant comme si j'étais un patient—parce qu'il s'agit d'un acte soumis à certaines restrictions, que faites-vous au juste si je me présente chez vous et que je vous dis que je ne me sens pas bien?

M. Rudi Verspoor: Je ne peux pas poser de «diagnostic allopathique» en tant que tel. Je ne peux pas utiliser ce terme, qui est réservé au système allopathique. Cependant, dans le système homéopathique...

M. Joseph Volpe: Vous pouvez toutefois m'examiner.

M. Rudi Verspoor: Je peux vous examiner, mais la médecine homéopathique a ses propres diagnostics, qui sont très différents de ceux de la médecine allopathique.

C'est le diagnostic allopathique qui fait l'objet de restrictions. Je peux toujours diagnostiquer et traiter homéopathiquement. Il n'y a pas de restrictions.

M. Joseph Volpe: Vous faites ce que fait mon médecin généraliste. Vous me regardez la langue, les yeux, les oreilles, vous me prenez le pouls et la température. Vous ne faites pas ça?

M. Rudi Verspoor: En règle générale, un diagnostic homéopathique n'inclut pas ce genre d'actes. On peut ne pas le faire, c'est une décision personnelle, mais ce n'est pas nécessaire.

La méthode de diagnostic homéopathique est très différente de la méthode allopathique. La première inclut certains éléments de la dernière, mais il y a aussi de nombreux éléments très différents.

Dr Murray Hassard: Je suis homéopathe, mais je suis aussi chiropraticien. Dans un cas j'ai le droit de faire un diagnostic, mais dans l'autre je n'en ai pas le droit. Permettez-moi de vous expliquer comment cela marche.

L'Ontario a depuis 1994 une loi sur les professions de la santé réglementée. Cinq professions ont légalement le droit de faire des diagnostics—les chiropraticiens, les docteurs en médecine, les dentistes, les vétérinaires et les psychiatres. Ce sont les cinq professions qui sont autorisées à diagnostiquer. Ce sont les services de santé qui se trouvent dans l'annuaire et que vous pouvez appeler pour prendre rendez-vous. Vous n'avez pas besoin de recommandation.

• 1035

Par exemple, les physiothérapeutes ne peuvent pas établir de diagnostic parce qu'ils viennent en deuxième ligne. Ces cinq catégories sont les catégories de première ligne.

Si vous allez voir un professionnel parce que vous avez une infection de l'oreille interne—une otite, comme nous l'appelons dans le métier—l'homéopathe, pendant la première consultation, qui dure à peu près une heure, essaie de déterminer depuis combien de temps le patient souffre de cette infection et lui demande de la décrire. Ce n'est pas simplement l'infection qui l'intéresse, mais sa durée, son histoire—ce qui l'aggrave, si c'est pire le matin que l'après-midi, si c'est associé à des problèmes de déséquilibre, car l'infection d'une oreille, bien entendu, peut avoir cette conséquence; et l'état de la vision, de la gorge, des muscles, de l'estomac, des mouvements intestinaux. C'est une évaluation complète de l'état du patient, à laquelle ne se livrerait pas votre médecin de famille, je crois. Je ne crois pas qu'un médecin consacrerait une heure, à la première visite, à une infection de ce genre.

C'est donc une méthode un peu différente. C'est une méthode interactive avec le patient pour en connaître les antécédents et se faire une idée de l'ensemble des symptômes. Nous l'appelons la «totalité des symptômes» et nous essayons d'avoir une description complète.

Une fois que nous avons déterminé s'il y a un remède pour chacun des symptômes... Par exemple, pour l'irritation de la gorge qui accompagne ce problème d'oreille interne, la petite amygdalite qui l'accompagne, un remède comme la belladone, qui est recommandée, est peut-être celui qui est le plus applicable dans votre cas.

Le patient suivant qui arrive avec une infection de l'oreille interne ne se prête peut-être pas au même remède, parce que les symptômes peuvent être totalement différents. Il faut donc évaluer chaque cas individuellement pour apprécier la totalité des symptômes.

La présidente: Vous avez une autre question, monsieur Volpe, ou nous pouvons continuer?

M. Joseph Volpe: Je la poserai aux représentants de l'Association médicale canadienne quand ils seront là. Je vois qu'ils sont prêts.

La présidente: Très bien.

Merci d'être venus.

Nous faisons une petite pause.

• 1037




• 1049

La présidente: Nous reprenons notre séance. Pendant cette partie, nous entendrons les Drs Dirnfeld et Carter, qui représentent l'Association médicale canadienne, et Jonas Ma, qui représente le Conseil national des Canadiens chinois.

Nous allons suivre l'ordre indiqué, et c'est donc d'abord à l'Association médicale canadienne de parler—docteur Dirnfeld.

• 1050

Dr Victor Dirnfeld (président, Association médicale canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs. En tant que président de l'Association médicale canadienne et en tant que médecin pratiquant—je suis consultant en médecine interne dans ma province, la Colombie-Britannique—je suis très heureux de comparaître devant votre comité permanent pour présenter les recommandations de notre association concernant un cadre de réglementation pour les produits de santé naturels.

L'AMC a pour mandat de jouer un rôle de chef de file auprès des médecins et de promouvoir les normes les plus élevées de santé et de soins de santé pour les Canadiens.

Au nom de l'Association médicale canadienne, je félicite le Comité permanent de la santé de s'être saisi de cette importante question. Les médecins du Canada sont bien conscients de l'augmentation accrue de ces produits de santé naturels et croient qu'il est crucial pour l'état de santé global des Canadiens de les réglementer.

Notre association reconnaît qu'il y a très longtemps qu'on utilise des produits naturels pour favoriser la santé et qu'ils contribuent à la santé des êtres humains depuis des millénaires. Il y a de nombreux exemples de produits naturels très répandus comme les salicylates, pour soulager la douleur et la fièvre, sous forme d'écorce de saule; la quinine utilisée contre la malaria; et aussi la digitale. J'accepterai plus tard des questions sur l'utilisation «possible» de la digitale pour les troubles cardiaques.

Dans le rapport d'un récent Sondage Santé Canada réalisé en juin et juillet 1997 auprès de 2 500 Canadiens, on signale—et vous avez déjà entendu des chiffres semblables; j'ai lu certains des mémoires qui vous ont été envoyés—que 37 p. 100 des Canadiens déclarent prendre au moins un remède complémentaire autre que les vitamines. Les résultats du sondage indiquent aussi que près de 9 Canadiens sur 10 souhaitent que le gouvernement oblige les fabricants à fournir des renseignements sur les ingrédients actifs de chaque produit, son utilisation, sa sécurité et ses effets secondaires.

En outre, comme 46 p. 100 des consommateurs de remèdes complémentaires avouent ne pas discuter de leur utilisation avec leur médecin, d'après Sondage Santé Canada, cela préoccupe les médecins canadiens. Le risque de problèmes d'interaction et d'effets secondaires est très considérable et j'en ai fait personnellement l'expérience récemment.

Nous reconnaissons que beaucoup de nos patients veulent maintenir cette longue tradition et utiliser des produits naturels pour prendre soin de leur santé. Ils sont autonomes, et ils veulent la liberté de choix et veulent pouvoir continuer à utiliser de tels remèdes.

Par ailleurs, notre association reconnaît que cette tendance se maintiendra probablement parce que le public est plus averti et sensibilisé davantage aux enjeux de la santé et aux initiatives personnelles en matière de soins. Beaucoup de gens sont branchés à l'Internet. Beaucoup se rendent dans les bibliothèques et de nombreux Canadiens lisent les comptes rendus publiés par la presse sur ces produits naturels.

L'AMC ne s'oppose pas en principe à l'utilisation de ces produits mais ses membres souhaitent travailler avec leurs patients pour promouvoir la meilleure façon de les utiliser pour éviter aux patients des conséquences fâcheuses résultant de leur utilisation inappropriée.

Il faut toutefois reconnaître que, comme dans le cas de tous les médicaments et autres thérapies, l'utilisation de produits de santé naturels peut être une arme à deux tranchants et entraîner à la fois des avantages et des risques. C'est pourquoi l'AMC propose qu'on élabore un cadre de réglementation qui maximisera les avantages de ces produits tout en réduisant au minimum les risques qu'ils entraînent.

L'AMC propose à cette fin qu'on élabore une démarche réglementaire fondée sur la sûreté, la qualité et l'efficacité; il s'agira de démontrer que ces produits sont sûrs, qu'ils sont purs dans la mesure du possible et qu'ils ont les effets attendus. Une telle démarche a bien servi le public canadien lorsqu'on l'a appliquée aux produits pharmaceutiques et aux appareils médicaux et elle devrait les servir tout aussi bien dans le cas des produits de santé naturels.

L'AMC est en outre d'avis qu'il faut appliquer le principe de l'équité au processus de réglementation afin que les produits de santé naturels soient traités de façon équitable comparativement à d'autres produits de santé.

Ainsi, l'AMC recommande une démarche de réglementation des produits de santé naturels fondée sur l'évaluation du risque—et nous pourrons y revenir plus tard—et l'établissement de normes de sûreté, de qualité et d'efficacité.

Les mêmes normes réglementaires qui s'appliquent aux produits de santé pharmaceutiques devraient aussi s'appliquer aux produits de santé naturels. Ces normes devraient être appliquées aux produits de santé naturels, peu importe que l'on affirme ou non que le produit a des effets sur la santé.

• 1055

Notre deuxième recommandation c'est que le régime de réglementation des produits de santé naturels s'applique à la fois à l'examen réglementaire antérieur à la commercialisation et à la surveillance consécutive à la commercialisation.

Notre troisième recommandation c'est qu'on élabore une série de normes pour chaque produit de santé naturel. Ces normes devraient viser les procédés de fabrication du produit qui en assurent la pureté, la sûreté et la qualité ainsi que l'étiquetage, en s'appliquant notamment aux conseils à donner aux consommateurs, aux propriétés attribuées au produit et au mode d'emploi pour assurer l'utilisation sécuritaire du produit.

Toutes les étiquettes devraient conseiller aux consommateurs d'informer leur fournisseur de soins de santé, au cours de toute consultation, qu'ils utilisent le produit en question. Il faudrait encourager les consommateurs à faire part de cette utilisation même si elle ne semble pas pertinente pour eux sur le moment.

La position de l'AMC au sujet de l'élaboration de normes réglementaires sur l'étiquetage des produits de santé naturels est conforme à celle qu'elle a prise au sujet de l'étiquetage des produits pharmaceutiques non prescrits. Dans le contexte de cette démarche de réduction des risques, les recommandations de l'Association médicale canadienne qui portent sur les produits de santé naturels visent globalement à assurer une plus grande sécurité publique.

Notre quatrième recommandation concerne l'établissement de normes méthodologiques relatives aux études cliniques sur lesquelles les fabricants de produits de santé naturels se fondent pour attribuer des propriétés à ces produits santé. Cette démarche s'impose si l'on veut pouvoir assurer aux consommateurs que le produit possède bel et bien les vertus indiquées. Il va sans dire qu'il appartient à ceux qui attribuent ces propriétés, les fournisseurs du remède, d'étayer leurs dires par des preuves scientifiques.

L'AMC est d'avis qu'il faudrait charger le Groupe consultatif sur les produits naturels à base d'herbes, dont nous avons lu le mémoire, d'élaborer ces normes de réglementation en consultant les intervenants intéressés.

Il faut encourager l'avancement des connaissances scientifiques sur les produits de santé naturels. En informant davantage les consommateurs et les fournisseurs de soins de santé, on rendra plus sûre et efficace l'utilisation de ces produits et l'on en maximisera les avantages pour la santé. Il faut toutefois que ces informations reposent sur des données scientifiques et sur des faits confirmés et non pas sur la seule tradition, sur le seul fait que ces produits sont utilisés depuis des centaines d'années. Cette approche est très risquée et j'y reviendrai un peu plus tard.

Cinquièmement, afin d'encourager la recherche nécessaire pour faire progresser les connaissances, l'AMC recommande que le gouvernement mette au point des façons novatrices d'accorder pendant une période limitée l'exclusivité du marché à tout fabricant de nouveaux produits de santé naturels qui investit dans l'acquisition de connaissances sur les produits qu'il vend.

Enfin, l'AMC est d'avis qu'il est tout aussi important de lancer un processus d'éducation afin que les consommateurs et tous les fournisseurs de soins de santé soient mieux informés au sujet des produits de santé naturels. Nous prenons très au sérieux cette dernière recommandation, à tel point que nous sommes devenus un chef de file dans le domaine de l'amélioration de la pharmacothérapie. Les travaux récents de l'Association dans ce domaine comprennent des recommandations favorisant l'uniformité de l'information et des conseils donnés aux patients par les médecins et les pharmaciens, à partir d'une même base de données, et l'accès par les médecins et les patients à de l'information de qualité sur les médicaments.

Pour démontrer qu'elle est vouée à une pharmacothérapie optimale, l'Association médicale canadienne a collaboré de près avec d'autres groupes comme l'Association des pharmaciens du Canada et, à cette fin, elle a élaboré récemment un énoncé de principe conjoint avec cette association. Dans cet énoncé conjoint, on souligne que le patient, le médecin et le pharmacien doivent travailler en étroite collaboration et en partenariat pour optimiser la pharmacothérapie. Vous trouverez joint à notre mémoire une copie de cet énoncé de principe.

Dans le cadre d'un de ses projets prioritaires, l'AMC étudie actuellement la création d'une base de données sur les médicaments à l'intention des médecins, d'autres professionnels de la santé et du public. Elle offrira cette base sur son site Web. Nous avons déjà fait imprimer plusieurs éditions de manuels très complets à l'intention des profanes et des médecins qui s'intitulent Drugs of Choice. Ce manuel décrit en détail les agents pharmaceutiques actuellement disponibles sur le marché. Les plans relatifs à la base de données comprennent l'information sur les remèdes à base d'herbes et de produits homéopathiques.

• 1100

En résumé, l'AMC est d'avis que le régime actuel de réglementation des produits naturels ne suffit pas. Il faut mettre en oeuvre des règlements et des normes permettant au public de prendre des décisions éclairées sur l'utilisation de produits de santé naturels qui soient sûrs et de grande qualité et qui possèdent bel et bien les vertus qui leur sont attribuées.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Ma.

M. Jonas Ma (directeur exécutif, Conseil national des Canadiens chinois): Merci, madame la présidente.

Mesdames et messieurs les membres du comité permanent, messieurs, mesdames, je tiens à vous remercier de cette occasion de vous parler des préoccupations de la collectivité canadienne chinoise en tant que consommateurs d'herbes chinoises et de produits à base d'herbes médicinales.

Notre conseil a été fondé en 1980 pour promouvoir l'égalité des droits et la pleine participation des Canadiens chinois. À l'heure actuelle, nous avons 30 sections locales d'une mer à l'autre et nous participons activement à l'élaboration de la politique publique qui touche notre collectivité.

Je suis ici aujourd'hui pour vous faire part des préoccupations de notre collectivité en tant que consommateurs d'herbes chinoises et de produits à base d'herbes médicinales au moment où le gouvernement se penche sur la question de la réglementation du secteur des herbes chinoises. Je tiens à dire d'abord que tout régime de santé a des comptes à rendre au public qu'il dessert. La population canadienne devient de plus en plus diverse, se dotant de doctrines et de pratiques de santé différentes. Le système ne peut pas demeurer monolithique, mais doit fournir aux consommateurs une certaine liberté de choix.

Étant membre du National Supporters of Chinese Herbs and Herbal Products Action Committee, le Conseil s'est engagé à défendre l'accès de notre collectivité aux herbes chinoises et aux produits à base d'herbes médicinales ainsi que nos droits à un système de santé qui démontre son efficacité depuis 5 000 ans. Le système de réglementation actuel fondé sur la biomédecine menace nos droits puisque beaucoup de ces produits seraient désormais classés comme des produits illégaux.

On nous répète que les règlements sont adoptés et appliqués dans le but de protéger la santé du public et les droits des consommateurs. Cependant, en l'absence d'une bonne compréhension de ce qui fait l'objet de ces règlements, l'application de ceux-ci donne souvent des résultats contraires au but recherché. C'est ce qui semble se produire dans le cas de nos herbes chinoises et de nos produits à base d'herbes médicinales.

Qu'entend-on par médecine chinoise traditionnelle? Mettons-nous dans le contexte un peu. Malgré la popularité croissante de certaines pratiques des médecines chinoises traditionnelles, souvent le régime de santé public les considère comme un simple accessoire de la biomédecine. Souvent on passe sous silence ou on écarte leurs théories inhérentes et leurs cadres conceptuels. On refuse d'accepter que tout ce système unique de concepts et de pratiques entourant les médecines chinoises traditionnelles puisse offrir une autre solution que la biomédecine. Voilà le noeud du problème.

Réglementer les médecines chinoises traditionnelles sans reconnaître ni comprendre leur spécificité et l'incommensurabilité du système équivaut à jeter le bébé avec l'eau du bain. Il importe, au départ, de faire preuve du respect et de l'ouverture d'esprit permettant de reconnaître qu'il s'agit vraiment d'une autre solution. Après tout, la médecine chinoise traditionnelle est le fruit de 5 000 ans d'expériences pratiques, et le quart de la population mondiale se sert de cette médecine.

Selon la médecine chinoise traditionnelle, la santé ne dépend pas simplement du bon fonctionnement des organes et des systèmes du corps. C'est l'équilibre des différents systèmes intégrés et la circulation sans entrave du sang et de la force vitale intérieure qui sont surtout importants. Un déséquilibre de ces systèmes peut souvent provoquer une maladie. Le but de l'intervention thérapeutique est de rétablir cet équilibre et la libre circulation de la force vitale. On se sert de ces herbes chinoises et des produits à base d'herbes médicinales pour des fins thérapeutiques, mais le plus souvent on s'en sert pour éviter une maladie en assurant l'équilibre des systèmes du corps. Selon la pratique de la médecine chinoise traditionnelle, on prescrit des herbes ou un mélange d'herbes pour débarrasser le corps de la chaleur, rétablir le yin ou supprimer le feu.

Ceux d'entre vous qui ne connaissent pas très bien ces concepts, doivent les trouver très étranges. Ces concepts sont aux antipodes de la biomédecine, et on ne peut pas démontrer l'efficacité thérapeutique de ces herbes dans un laboratoire, ce qui est une exigence de notre système réglementaire actuel qui se fonde sur la biomédecine. Cette exigence n'est pas pratique et elle est très injuste. C'est tout comme vouloir appliquer les idéologies et les normes des Chrétiens pour juger le comportement des Bouddhistes. En raison des préjugés idéologiques, on ne comprendra jamais le comportement des Bouddhistes.

• 1105

Nous parlons de la santé et de la sécurité publiques. Examinons ce qui est vraiment en jeu. On dit qu'il faut réglementer les herbes chinoises et les produits à base d'herbes médicinales pour des raisons de sécurité et de santé publiques. Cependant, il n'y aucune preuve démontrant que ces herbes et ces produits à base d'herbes médicinales constituent un danger pour la santé publique. Un grand nombre de ces prétendus risques sont très exagérés. Certes, il y a eu des cas isolés d'usage détourné ou d'abus, mais ces cas-là ne sont pas différents des cas d'usage détourné ou d'abus de tout autre produit.

La collectivité canadienne chinoise existe au Canada depuis 135 ans et se sert des herbes chinoises et des produits à base d'herbes médicinales depuis presque autant d'années. La collectivité n'a jamais connu un problème de santé ou de sécurité publique. Si nous avions eu de tels problèmes, comment se fait-il que le gouvernement n'a pas songé à faire enquête avant maintenant?

Pour les consommateurs, le vrai problème, c'est la possibilité que les règlements mettent fin au secteur des herbes chinoises et l'obligent à faire partie du marché noir. Voilà ce qui s'est produit aux États-Unis, où les consommateurs doivent payer beaucoup plus cher et parfois reçoivent de faux produits. Il ne faut pas qu'un tel problème se produise au Canada.

Nous sommes d'accord qu'il faut établir certaines normes et certains règlements dans le but d'empêcher des pratiques commerciales sans scrupules et de protéger les intérêts des consommateurs. Cependant, pour ce faire, il faut comprendre et respecter les théories et les pratiques des médecines chinoises traditionnelles.

Le Conseil national des Canadiens chinois encourage le gouvernement à établir un système de réglementation distinct pour la médecine chinoise traditionnelle pour que la théorie et les pratiques de la médecine chinoise traditionnelle soient respectées et traitées comme une solution de rechange à la biomédecine.

Deuxièmement, nous recommandons que le personnel reçoive une 0formation pour mieux connaître la médecine chinoise traditionnelle.

Troisièmement, nous recommandons qu'on invite les experts en la matière, tels que les représentants du secteur des herbes chinoises, des organismes de la collectivité et des groupes de consommateurs, à participer à l'élaboration des nouvelles normes et des nouveaux règlements relatifs à l'industrie.

Quatrièmement, nous demandons que l'accès aux herbes chinoises et à l'industrie des herbes ne soit jamais interdit.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci, beaucoup.

Monsieur Elley.

M. Reed Elley: Merci madame la présidente.

Je tiens à remercier tout le monde d'être venus et d'avoir participé à notre étude de cette question.

Les observations du Dr Dirnfeld m'intéressent et j'aimerais lui donner l'occasion de les expliquer plus en détails. Nous avons, bien entendu, entendu de nombreux témoignages, et parfois on doit faire face à des témoignages contradictoires.

Docteur Dirnfeld, vous avez mis l'accent sur toute la question de la sécurité et des produits de santé naturels. Vous avez dit que vous avez certains exemples, tirés de votre propre expérience et de celle de vos patients, dont vous aimerez nous faire part en ce qui concerne les produits de santé naturels. Pourriez-vous nous en dire plus long

Par ailleurs, à la page 3 de votre mémoire, vous avez parlé d'une base de données à la disposition des médecins et des pharmaciens. J'imagine que cette base de données sert surtout pour les produits pharmaceutiques. Cependant, est-ce qu'on peut obtenir de cette base de données des renseignements sur l'utilisation des produits de santé naturels et sur les effets secondaires peut y avoir si l'on prend un produit de santé naturel en même temps qu'un antibiotique ou tout autre produit pharmaceutique? Vous pourrez peut-être nous donner plus de détails là-dessus et nous faire part de vos préoccupations à cet égard.

Dr Victor Dirnfeld: Merci.

J'aimerais répondre d'abord à la deuxième question. On est en train de mettre au point la base de données qui porte sur les produits de santé naturels. Nous essayons, par la voie électronique, d'accumuler des renseignements fondés sur des preuves, sur des données pharmacologiques ou chimiques. De cette façon, lorsqu'on veut en savoir plus sur un produit en particulier, qu'il s'agisse de l'échinacée, l'éphédra ou tout autre remède naturel, nous en connaîtrons les ingrédients actifs et leur catégorie quant à leur effet sur l'organe. Quel est que le rôle biochimique du produit et quelle est l'interaction? Est-ce que le produit a une action enzymatique ou un pouvoir bloquant? Est-ce que le produit a un impact sur le système nerveux autonome? Ce sont tous des concepts pharmacologiques et physiologiques qui sont bien établis et qui se fondent sur des données scientifiques. D'ailleurs, ces concepts ont fait leurs preuves et constituent quasiment des absolus nous permettant de comprendre le corps humain, son fonctionnement et toutes ses complexités.

• 1110

Donc la mesure où il existe des données sur ces agents et de leurs ingrédients actifs—ce sont là les données que nous tentons de recueillir pour que les professionnels de la santé, qu'il s'agisse de pharmaciens, d'infirmiers, de médecins ou autres, ou encore les particuliers puissent savoir et comprendre exactement ce qu'ils ingèrent ou ce qu'ils appliquent sur leurs corps.

Au cours d'une étude récente, on n'a trouvé que deux remèdes à base d'herbes qui ont été examinés dans les documents internationaux—certains qui n'étaient pas en anglais et qui ont dû être traduits pour les analystes. Il y a seulement deux agents dont on a pu démontrer par des études scientifiques qu'ils avaient un effet actif. La millepertuis, qui a été utilisée conte la dépression, et l'autre est une concoction de tisanes utilisée pour traiter l'eczéma chez les enfants—des irruptions cutanées. Ces remèdes se sont avérés efficaces—c'est ce qu'on a découvert en Angleterre—, mais comme le cas d'autres remèdes, on s'est aperçu qu'ils étaient gravement hépatotoxiques, c'est-à-dire qu'ils endommageaient le foie et pouvaient causer des blessures graves aux gens qui les utilisaient. Ce sont les deux seuls produits de santé naturels ou à base d'herbes qui, après une étude scientifique, se sont avérés être efficaces.

Nous devrions donc avoir une base de données scientifiques pour pouvoir expliquer aux consommateurs et aux professionnels de la santé ce que sont exactement ces remèdes à base d'herbes. Quelles sont les potions actives—le séné, la cascara, la digitale pourprée et toutes ces choses? Il faut inclure tout cela dans la base de données.

M. Reed Elley: Certains témoins nous ont dit qu'à leur avis il y avait deux poids deux mesures pour ce qui est de la façon dont Santé Canada et la Direction générale de la protection de la santé réglementaient les remèdes à base d'herbes et les produits pharmaceutiques et qu'il y avait des abus flagrants dans le système en ce qui concerne les produits pharmaceutiques. D'après votre expérience, y a-t-il déjà eu des produits pharmaceutiques qui ont été retirés du marché parce qu'ils avaient des effets nocifs et qu'ils pouvaient causer la mort?

Dr Victor Dirnfeld: Absolument, et c'est exactement l'objet de nos discussions ici. Je vais vous donner plusieurs exemples dans un moment. Je suis d'accord pour dire qu'il ne devrait pas y avoir deux poids deux mesures. Il ne devrait y avoir qu'une seule réglementation—c'est exactement ce que nous disons dans notre mémoire. On ne devrait pas réglementer les produits naturels ou les remèdes à base d'herbes différemment des produits pharmaceutiques.

Je vais vous donner quelques exemples de médicaments qui ont dû être retirés. Je vais vous parler d'une expérience personnelle: En 1961, j'ai administré un sédatif à ma femme qui était enceinte de notre premier enfant. À l'époque, j'étais interne à l'Hôpital St. Boniface de Winnipeg. Ma femme avait de la difficulté à dormir, comme c'est le cas parfois des femmes enceintes. Il y avait un nouveau produit sur le marché qui était très efficace pour lutter contre l'insomnie sans causer de malaise posthypnotique le lendemain. Ce produit n'empêchait pas d'avoir les idées bien claires le lendemain, alors je l'ai administré à ma femme. J'ai pris cette décision en me fondant sur l'information qu'on pouvait trouver au sujet de ce produit au Canada. À ma grande horreur, moins d'un mois plus tard on s'est aperçu que ce médicament avait causé des effets cancérogènes chez les enfants, chez les nouveau-nés. Ils étaient nés sans bras ni jambes. Ce médicament s'appelait la thalidomide et la maladie, la phocomélie. C'est ce que révélaient certaines études qui avaient été effectuées sur les primates en Europe, et on commençait à s'apercevoir que cela avait le même effet sur les humains, mais malheureusement l'information n'était pas encore arrivée au Canada.

• 1115

Comme vous le savez, ce médicament a été retiré du marché. On l'a maintenant réintroduit et il peut être administré à des gens sur qui il ne peut avoir cet effet, c'est-à-dire ceux qui ont un cancer évolué—des personnes qui ne sont pas enceintes—et pour qui il a un effet bénéfique.

Un autre exemple: J'ai travaillé pendant environ 20 ans comme directeur de l'unité de soins de jour pour diabétiques dans mon hôpital. Un jour j'ai lu à propos d'un meilleur médicament à administrer aux diabétiques. Ce médicament s'appelait «Phenphormin DB». L'un des effets secondaires de ce médicament était l'acidose lactique—que le Dr Bennett connaît bien—et il pouvait causer la mort chez les diabétiques. C'était une pilule pour le diabète.

J'ai cessé de le prescrire peu après avoir commencé à lire ces rapports, et j'ai commencé à faire campagne pour qu'il soit retiré du marché. Cependant, il n'a été retiré du marché qu'après que l'on se soit aperçu qu'il avait des effets nocifs très graves. Je dois dire qu'aujourd'hui, nous sommes davantage sensibles à ce problème et que nous avons abaissé le seuil à partir duquel nous retirons un médicament lorsqu'on s'aperçoit qu'il a des effets nocifs.

Un troisième exemple, rapidement, est celui de la phénacétine qui était utilisée dans les anciens comprimés 222 et d'APC. Ce produit causait des dommages aux reins. En fait, il provoquait la scission des parties des reins et leur élimination dans l'urine. Ce médicament a également été retiré du marché.

M. Reed Elley: Et qu'en est-il des remèdes à base d'herbes?

La présidente: Vous avez dépassé considérablement le temps qui vous était alloué.

M. Reed Elley: J'aimerais qu'il nous parle des remèdes à base d'herbes, cependant.

Dr Victor Dirnfeld: Eh bien, c'est ça le problème. Il n'y a aucune surveillance organisée des remèdes à base d'herbes. La réglementation qui s'applique aux produits pharmaceutiques n'a pas été appliquée aux remèdes à base d'herbes—ni au moment de l'examen réglementaire antérieur à la commercialisation, ni au moment de la surveillance consécutive à la commercialisation.

M. Reed Elley: Avez-vous eu...

La présidente: Je dois vous interrompre maintenant, car vous avez utilisé plus de temps que ce qui vous était alloué.

[Français]

Madame Picard.

Mme Pauline Picard: Docteur Dirnfeld, ce que vous dites dans votre mémoire me semble un peu contradictoire. Vous vous demandez pourquoi les consommateurs ne discutent pas avec leur médecin des produits naturels qu'ils consomment. Je sais que plusieurs médecins ne croient pas aux produits naturels et n'ont aucune expérience ou aucune expertise dans ce domaine parce que quand ils étaient étudiants, ils ont appris la médecine conventionnelle; on ne leur a pas enseigné l'usage des produits naturels.

Vous dites:

    ...il faut appliquer le principe de l'équité au processus de réglementation afin que les produits naturels soient traités de façon équitable comparativement à d'autres produits de santé.

Pour moi, cela veut dire que les produits naturels doivent être traités en laboratoire comme les produits dits chimiques dans les entreprises pharmaceutiques.

Vous semblez croire que ces produits naturels, parce qu'ils ne sont pas traités scientifiquement mais plutôt étudiés selon des principes qui datent de longues années, pourraient avoir des effets néfastes pour la santé. Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un soit décédé après avoir consommé des produits naturels.

Est-ce que vous avez déjà consommé des produits naturels? Je voudrais que vous nous disiez clairement votre position. Êtes-vous pour ou contre les produits naturels? Je sais que les entreprises pharmaceutiques font à l'heure actuelle d'énormes pressions sur les médecins. Ils ont un énorme lobby pour faire vendre leurs produits.

Dernièrement, ma fille est allée chez son médecin et elle est revenue avec une nouvelle sorte d'anovulant. Il lui en avait prescrit pour un an à l'avance. Elle n'a pas besoin de s'en acheter, car elle en a pour un an. Pourtant, c'est un nouveau produit dont on ne connaît pas les effets secondaires.

• 1120

Je trouve qu'il y a une espèce de contradiction dans vos positions.

[Traduction]

Dr Victor Dirnfeld: Je pense que vous soulevez un certain nombre de questions extrêmement importantes, la première étant pourquoi les médecins ne prescrivent-ils pas de produits naturels. Est-ce qu'ils ont un préjugé inhérent contre ces produits? Pourquoi ne leur a-t-on pas enseigné l'usage des produits naturels lorsqu'ils ont fait leurs études?

Ma réponse, c'est que les médecins, comme je l'ai dit, apprennent la médecine qui a un fondement scientifique; il faut pouvoir analyser les ingrédients actifs d'un agent particulier pour déterminer s'il a un usage thérapeutique bénéfique et quels sont les effets nocifs, les effets nuisibles de tels agents, et si de tels agents peuvent être utilisés pour le bien du patient.

À ma connaissance, il n'existe aucune base scientifique applicable aux remèdes naturels permettant d'enseigner, d'étudier, d'avoir une approche organisée, comme c'est le cas pour les nombreux agents thérapeutiques pharmacologiques que nous utilisons. L'information qui existe est anecdotique, elle provient de l'utilisation traditionnelle, et elle est très loin de toute la question de la science de la pharmacologie.

Je peux vous donner plusieurs exemples de ce que nous avons utilisé en médecine. Prenons d'abord le traitement pour remplacer la thyroïde. Lorsque j'ai commencé, nous utilisions ce que l'on appelait la thyroïde séchée.

Je ne sais pas si vous vous en rappelez, docteur Bennett.

On prenait la glande thyroïde d'une vache, on la broyait, la pesait et on la donnait au patient. C'était ce qu'on avait de mieux à l'époque. On a essayé de la purifier, mais cela variait d'un mélange à l'autre et d'une vache à l'autre. Ce n'était pas très bon, mais c'était ce que nous avions de mieux, de sorte que les résultats pour le patient variaient énormément.

Il y a environ 20 ans, nous avons finalement pu obtenir un substrat, la même sorte de matière que l'on retrouve dans nos glandes thyroïdes et qui s'appelle levothyroxine. Nous pouvons faire le titre exact de la dose au milligramme près, et la reproductibilité est une caractéristique du produit. C'est ce que nous utilisons aujourd'hui.

Une autre chose que nous avons utilisé s'appelait digitalis folia, la feuille de la digitale pourprée. Encore une fois, elle était lavée, broyée, mise en poudre et comprimée dans une capsule, et nous donnions au patient un, deux ou trois petits grains de ce produit. Encore une fois, la régulation variait—il y avait énormément de hauts et de bas—jusqu'à ce que nous puissions en extraire un produit très pur sur le plan pharmacologique qu'on appelait dioxine et que l'on pouvait mesurer.

Voilà le genre d'exemples qui montrent que nous avons besoin de preuves scientifiques avant d'utiliser des remèdes à base d'herbes ou de produits de santé naturels et de pouvoir montrer aux professionnels de la santé comment les utiliser.

Un groupe de médecins ont été impressionnés par la tradition et les anecdotes et ont fait des expérimentations et ont utilisé ces agents. Nous ne savons pas combien il y en a dans la société qui le font. Nous serions prêts à utiliser ces agents si nous avions des données scientifiques à leur sujet. Nous n'avons aucun préjugé inhérent.

Je pense que c'est une erreur que de dire que tout le problème, c'est qu'on est contre une culture ou une tradition particulière. Ce n'est pas cela du tout. C'est une question de preuve scientifique. Voilà ce dont il s'agit.

Vous m'excuserez, je ne me rappelle pas de la deuxième partie de votre question, mais je pense que j'y ai peut-être déjà répondu.

[Français]

Mme Pauline Picard: J'aimerais savoir si vous avez déjà pris des suppléments vitaminiques.

[Traduction]

Dr Victor Dirnfeld: Des vitamines?

Mme Pauline Picard: Oui.

Dr Victor Dirnfeld: Cela n'a rien à voir, mais je ne prends pas de vitamines. J'essaie de manger des aliments qui contiennent les vitamines et les minéraux dont j'ai besoin. Pendant des années on se moquait de moi à mon hôpital en parlant du régime du Dr Dirnfeld qui était riche en fibres et faible en gras. Parfois j'avais l'impression de manger du carton. Mais aujourd'hui je constate que j'avais raison car c'est le régime courant dans notre hôpital, après de nombreuses années.

• 1125

Je prescris effectivement des vitamines, particulièrement lorsqu'un patient ne peut manger certains aliments dont il a besoin ou lorsqu'il n'a pas suffisamment d'appétit. Je n'ai rien contre quelqu'un qui prend des vitamines même si cette personne s'alimente bien. La dose que contiennent les vitamines ne peut faire de tort.

Je pense que vous avez demandé également si j'avais un exemple. Eh bien, il y a quelques semaines, une femme de 21 ans est arrivée à l'urgence de mon hôpital et on m'a demandé de la voir plusieurs jours plus tard. Elle avait pris six préparations différentes de remèdes à base d'herbes. C'était une jeune femme en parfaite santé qui fonctionnait très bien, qui travaillait et qui était également musicienne. À notre connaissance, elle n'utilisait aucun autre médicament connu, et certainement aucune drogue. Elle était psychotique, c'est-à-dire qu'elle était déconnectée de la réalité. Elle était violente, et ils ont dû traiter cette pauvre jeune femme. Sa mère est allée à son appartement et a ramené un sac en papier contenant six de ces différents agents. Je pourrais vous lire le nom de tous ces agents, mais c'était en fait des remèdes naturels.

Pour la traiter, on a dû lui donner un sédatif. Il n'y avait pas d'autre façon de s'y prendre; la combinaison de ces neuroleptiques avait développé chez ce qu'on appelle le syndrome malin des neuroleptiques qui l'a presque tuée. Elle souffrait d'hyperthermie, sa température pouvant atteindre plus de 40 degrés, sa pression artérielle montait et descendait en flèche et elle était enfermée. Il y a d'autres exemples de ce genre de choses.

[Français]

Mme Pauline Picard: Cela peut aussi arriver avec les produits chimiques. Je me souviens d'avoir acheté sur une tablette un produit pour m'aider à dormir qui venait d'une entreprise pharmaceutique. J'ai été très malade avec ce produit-là. La personne dont vous parlez a pris des produits naturels et a tout mélangé. Il y avait un problème au départ. Elle aurait aussi pu prendre des produits non naturels.

[Traduction]

La présidente: Je ne sais pas si vous voulez répondre à cette question. Il faudra que ce soit une réponse très courte de 30 secondes, s'il vous plaît.

Dr Victor Dirnfeld: Très bien.

Vous avez raison, et c'est pourquoi nous demandons l'étiquetage et la réglementation des produits naturels, comme c'est le cas pour les produits pharmaceutiques, afin d'indiquer la posologie, le contenu du produit, les complications possibles, les risques et les effets secondaires.

La présidente: Merci beaucoup.

Docteur Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

L'une des choses qu'on nous demande constamment ici au comité, c'est où sont les corps, où sont les cadavres. On nous parle de réactions indésirables à l'aspirine et l'ibuprofen, mais il n'y a rien au sujet des remèdes à base d'herbes. On nous demande de quoi nous nous mêlons lorsque nous voulons interdire ou restreindre des produits qui sont sans danger depuis des milliers d'années. Le Dr Buckman a souvent dit que même si nous utilisions tout le produit intérieur brut pour étudier ces produits ou leur appliquer un modèle médical, nous ne pourrions jamais en fait arriver au point où il serait possible de corroborer à la satisfaction de l'Association médicale canadienne toutes les propriétés attribuées à ces produits.

Le Dr Carter et moi-même avons déjà eu cette conservation. Il y a beaucoup de choses que nous faisons en médecine pour lesquelles il n'y a pas... L'obstétrique est un domaine où, à mon avis, il y a eu énormément d'information pour ce qui est de ce qui se faisait traditionnellement. C'est grâce à la collaboration de Cochrane que nous savons pu commencer à examiner en fait certaines choses tout simplement parce qu'elles avaient toujours été faites de cette façon. Donc je ne pense pas que nous soyons trop parfaits même pour ce qui est de la médecine occidentale traditionnelle.

On nous a dit deux choses différentes. Il y a ceux pour qui tous les remèdes naturels devraient être traités comme des aliments et être conformes à des normes tant sur le plan de l'innocuité que de l'étiquetage. Il y en a d'autres qui pensent qu'il devrait exister une troisième catégorie pour tous les produits naturels, avec trois sous-catégories, soit pour l'homéopathie, l'ayurvédisme et la médecine chinoise traditionnelle, où chaque spécialiste s'occupe de sa propre catégorie.

Je me demandais si vous auriez vraiment un problème avec le système qu'ont adopté les Australiens pour l'étiquetage. Il s'agit d'une méthode où l'on dit qu'un produit a traditionnellement été utilisé pour telle ou telle chose, une méthode qui ne dit pas qu'il y a un fondement scientifique. Comme nous le savons tous, les gens vont dans leurs armoires et utilisent le mauvais produit, car ils pensent qu'on leur a donné ce produit pour telle ou telle chose, même dans le cas des produits pharmaceutiques.

• 1130

Si vous dites qu'on ne peut étiqueter un produit que si on se fonde sur des preuves scientifiques pour lui attribuer des propriétés thérapeutiques, je pense qu'on fait reculer les processus de cent ans, c'est-à-dire avant 1860 lorsque le premier collège de médecine a remplacé les homéopathes et ce de façon très arbitraire.

Est-ce que vous pourriez tolérer le modèle australien qui permet d'avoir toutes sortes d'étiquettes? Que pensez-vous d'une troisième catégorie qui engloberait les remèdes naturels?

Dr Victor Dirnfeld: Je pense que nous devons faire de notre mieux. À un moment donné au cours de notre histoire thérapeutique, je pense que nous avons progressé à partir de ce qui était censé faire partie à l'époque de la catégorie de la thérapie de l'huile de serpent à laquelle on attribuait des qualités thérapeutiques et qu'on utilisait depuis très longtemps. Ce n'est que lorsqu'il y a eu tellement de gens qui se sont retrouvés malades parce qu'ils prenaient ces remèdes qu'on a su qu'il y avait effectivement des effets nocifs et que ces gens se sont révoltés et ont dit qu'il fallait réglementer, examiner et surveiller tout cela, et cela a coïncidé avec la méthode scientifique.

Je pense que le problème, c'est que même si ces remèdes sont utilisés depuis de nombreuses années, nous n'avons pas de preuve quant à leur efficacité ou leur innocuité, car nous n'avons pas de système de surveillance. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il n'y a pas d'effets nocifs majeurs ou foudroyants. Je suis d'accord avec vous.

J'ai tendance à établir des objectifs, et je pense que l'Association médicale canadienne, dans le cadre de sa vision et de sa mission, doit établir des objectifs, essayer de travailler pour atteindre une norme idéale. Nous avons pris position en disant que la réglementation devrait reposer sur un fondement scientifique et qu'il devrait y avoir au moins un étiquetage complet pour indiquer les effets secondaires possibles, les complications et les interactions. Cependant, ça n'est pas possible sans faire une étude adéquate des agents.

Mme Carolyn Bennett: Dans votre liste des produits pour lesquels il y a des preuves scientifiques... Il est clair que le séné et le chrysanthème matricaire... Je pense que vous devriez élargir la liste des produits pour lesquels on a réellement des preuves.

Deuxièmement, en ce qui concerne le cas que vous avez décrit, cas qui est à mon avis très inquiétant, où devons-nous aller pour signaler un tel cas, afin qu'il puisse être corroboré? Croyez-vous qu'il devrait y avoir un conseil ou un mécanisme de reddition de comptes qui permettrait de faire enquête dans un tel cas et de faire analyser le contenu de ces bouteilles pour voir si elles ont été contaminées d'une manière quelconque?

Comme vous le savez, nous avons eu un problème avec le produit sleeping buddha, alors qu'en fait le diazépam ou les benzodiazépines contaminaient ce qui ressemblait à un remède à base d'herbes. Je pense qu'en tant que gouvernement nous devons être en mesure d'aider immédiatement cette patiente et de demander qu'est-ce qui a rendu cette femme aussi malade.

Dr Victor Dirnfeld: Je suis d'accord, et je pense que nous allons signaler cette réaction à la Direction générale de la protection de la santé, le service que nous utilisons ici à Ottawa. Nous allons signaler ce cas, mais il devrait y avoir un organisme spécial à qui ce genre de réaction à des produits naturels devrait être signalé. Je suis d'accord avec vous également lorsque vous dites qu'il doit y avoir des normes pour s'assurer que le produit qui se trouve dans la bouteille est bien celui qui est décrit sur l'étiquette et qu'il ne peut contenir de contaminants, naturels ou autres.

Pour ce qui est de faire des ajouts à cette liste, je ferai deux remarques. D'abord, le séné fait déjà partie de la pharmacopée. Nous savons comment il fonctionne. Nous savons aussi quelles sont les doses indiquées et les effets secondaires d'une surdose. Comme bien d'autres remèdes naturels, le séné fait partie de la pharmacopée. En ce qui concerne ces deux produits particuliers, je cite le même Dr Buckman que vous avez cité. Lui-même n'a trouvé que ces deux produits naturels.

La présidente: M. Ma voudrait aussi répondre, mais j'aimerais d'abord vous demander, docteur, si vous avez répondu à la question de Mme Bennett, à savoir si vous approuvez la création d'une troisième catégorie ou d'un système semblable?

• 1135

Dr Victor Dirnfeld: Oui, d'une façon détournée. J'estime, comme l'Association médicale canadienne, que les règles devraient être les mêmes pour tous et que la même réglementation devrait s'appliquer aux médicaments naturels et à la pharmacopée ordinaire, et que cette réglementation devrait se fonder sur la gestion des risques.

Autrement dit, lorsqu'il est prouvé qu'un agent particulier comporte des risques... prenons comme exemple l'ail, qui est une herbe. L'enquête sur ce produit et le règlement qui s'y applique ne seront pas nécessairement aussi exhaustifs que s'il s'agissait de l'éphédra, qui comporte de plus grands risques de complications.

La présidente: J'ai encore une question à vous poser. Vous parlez de tests et d'autres choses de ce genre, et de la nécessité de s'assurer de l'innocuité de ces produits tout comme dans le cas des produits que vous prescrivez. Que pensez-vous des centaines de milliers de décès qui se produisent aux États-Unis seulement par suite de l'ingestion de différentes drogues et de l'absence de preuve qu'il y ait eu des décès causés par des médicaments naturels?

Dr Victor Dirnfeld: Tout d'abord, je déplore l'usage des produits pharmaceutiques à mauvais escient, usage qui se traduit par des décès et des handicaps.

Ainsi, on sait que les personnes âgées abusent des anti-inflammatoires non stéroïdiens, et nous tentons désespérément de sensibiliser les médecins, à toutes les étapes de leur pratique, au danger que présentent ces médicaments dans certaines circonstances, surtout chez les aînés.

En ce qui concerne le peu de décès provoqués par la consommation de médicaments naturels, les statistiques sont peut-être ce qu'elles sont parce qu'il n'y a pas de surveillance. Nous ne savons pas qu'elle est l'incidence de la consommation de médicaments naturels, sauf pour quelques études initiales, et c'est là précisément le genre d'information dont nous avons besoin.

La présidente: Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Prenons l'exemple de l'ail. Nous sommes dans ce bourbier parce que l'ail est devenu une substance illégale. L'ail est vendu au supermarché; il y a aussi de l'ail en poudre, dans des petites capsules, ce qu'on pourrait considérer comme un médicament à base d'herbes. Un jour, il pourrait devenir intéressant pour les sociétés pharmaceutiques de tenter de consacrer de l'argent à faire la preuve des effets bénéfiques de l'ail dans les cas de maladies cardiaques, d'obtenir le DIN et de vendre l'ail comme médicament—et c'est ça qui m'inquiète. Il y aura alors trois réglementations différentes pour l'ail.

Je n'y vois plus clair. Il s'agit toujours du même produit, mais on pourrait se retrouver avec deux ou trois façons différentes de contrôler un produit tout à fait sûr, en fonction de l'argent dont on dispose pour ces jolis tests compliqués et pour étayer les propriétés thérapeutiques attribuées à ce produit. Les sociétés pharmaceutiques pourraient être en mesure de vendre de l'ail sous forme de médicament parce qu'elles peuvent consacrer de l'argent à ce genre de choses, alors que d'autres pourraient se faire accuser d'attribuer de fausses qualités thérapeutiques à un produit parce que ce n'est qu'une teinture, une capsule ou un comprimé.

La présidente: Madame Bennett, pourriez-vous laisser le témoin répondre? Ce n'est pas votre tour.

Docteur Dirnfeld.

Dr Victor Dirnfeld: Si l'innocuité et l'efficacité de l'ail ou de toute autre substance sont prouvées, le risque serait minime. Le coût de la réglementation aussi serait minime. De plus, je crois que le consommateur, sachant que de l'ail, c'est de l'ail, et qu'il peut être bénéfique si les propriétés thérapeutiques qu'on lui attribue sont confirmées, achèterait le produit le moins cher parmi tous ceux qui sont sûrs, peu importe comment il a été préparé ou qui l'a mis en marché.

Certains seront convaincus qu'un produit est meilleur parce qu'il est emballé par un fabricant de produits pharmaceutiques et qu'il porte son étiquette.

Mme Carolyn Bennett: Surtout si leur assurance-médicaments les leur rembourse?

Dr Victor Dirnfeld: Leur assurance-médicaments... c'est possible. Mais je crois que le consommateur bien informé, et c'est de lui qu'on parle, fera le bon choix.

La présidente: Monsieur Ma.

M. Jonas Ma: Merci. J'aimerais aborder trois points dont on a parlé tout à l'heure, pendant la période des questions. Le premier est celui du risque, le deuxième, la preuve et le troisième, l'exclusivité.

Lorsqu'on parle de risque et de preuve, il faut tenir compte de ce que j'ai décrit tout à l'heure comme le préjugé biomédical dans la détermination du risque et de la preuve.

• 1140

En médecine chinoise traditionnelle, la prise de certains ingrédients hors contexte, en dehors de la préparation habituelle, à d'autres fins que celles prévues, comporte des risques. Lorsqu'on soumet ces herbes à des tests de laboratoire, on peut déterminer si elles sont toxiques ou dangereuses, même si elles peuvent avoir aussi des qualités thérapeutiques utiles lorsqu'on les consomme sous la forme prescrite.

C'est ce que je disais tout à l'heure: lorsqu'on isole l'ingrédient, lorsqu'on l'examine de façon isolée sans tenir compte de la philosophie qui sous-tend l'usage de ces herbes, c'est risqué. Comme bon nombre d'entre vous l'ont déjà dit, un produit qui est bon pour la santé mais qui est utilisé à mauvais escient peut avoir des effets indésirables. Il peut être dangereux de boire trop de jus de carotte.

Au sujet des droits des consommateurs, j'ai suggéré plus tôt d'inviter des groupes de consommateurs à participer à l'examen du processus, au système réglementaire, de sorte que, lorsqu'on constate qu'un produit particulier peut être nocif, on puisse le signaler à l'organisme de réglementation.

De plus, la preuve est liée à la façon dont on met à profit les qualités thérapeutiques des herbes, des herbes chinoises en particulier. Encore une fois, si ces herbes sont utilisées isolément, si elles ne sont pas utilisées de la façon prévue, il est difficile d'en prouver les mérites. Ainsi, les tests de laboratoire n'ont fourni aucune preuve de l'efficacité du ginseng, mais bien des gens croient néanmoins en son efficacité. Ils prennent du ginseng et constatent que c'est concrètement très bon pour leur santé. C'est là un bon exemple.

Troisièmement, je voulais parler de l'exclusivité; à mon avis, c'est lié aux tests et à ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet du système complexe d'attribution de propriétés thérapeutiques. Si on exigeait cela en médecine chinoise traditionnelle, on éliminerait toutes les petites entreprises familiales qui ne pourraient payer pour faire tester leurs produits et obtenir les résultats et les preuves qu'on exigerait d'eux. Si nous établissons l'exclusivité, il ne fait aucun doute que ces petites entreprises ne pourront plus vendre ces produits et qu'il ne restera plus que les grandes sociétés pharmaceutiques.

La présidente: Merci.

Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord-Centre, NPD): Je remercie les témoins pour leur contribution.

J'aimerais poser quelques questions au Dr Dirnfeld au sujet du thème général des travaux de notre comité et de ce qui constitue, je crois, notre objectif commun, à savoir la création d'un cadre permettant d'assurer l'innocuité, la qualité et l'efficacité de tous les produits sur le marché. Je vous remercie de votre recommandation qui est essentielle aux travaux de notre comité, à savoir que le gouvernement devrait se doter de la capacité de contrôler scientifiquement et adéquatement tous les produits sur le marché et la conformité de l'étiquetage.

J'aimerais revenir à une question dont on nous parle souvent, l'intégration des médecines douces à la pratique de la médecine traditionnelle. D'après ce que beaucoup de gens nous ont dit, près de la moitié des Canadiens, selon les sondages, consomment des produits de santé naturels sous une forme quelconque, et je représente probablement assez bien ce groupe de Canadiens.

Les gens en ont entendu parler, ont lu des articles sur le sujet, ont reçu des conseils de leurs amis. On prend de la vitamine C et des vitamines du complexe B, on y ajoute de la vitamine B6, on prend du calcium et du zinc de temps à autre. Lorsqu'un rhume s'annonce, on prend de l'échinacée. Puis, à l'approche des règles, on prend de l'huile d'olagre, et ainsi de suite.

Je crois donc être une Canadienne type. Je lis des articles sur les produits de santé naturels, j'en entends parler et je consomme certains de ces produits. Mais lorsque je vais voir mon médecin de famille et que je lui demande ce qu'il en pense, il ne sait trop quoi répondre. Il n'a pas vraiment de réponse à m'offrir.

Voici donc ma question: Quel que soit le cadre que notre comité recommandera, il faudra encore régler la question de l'intégration de ces deux genres de médecine. L'AMC peut-elle contribuer à régler cette question, peut-être par la sensibilisation des médecins en général? Comment pouvons-nous nous assurer d'obtenir des conseils judicieux sur les produits de santé naturels des médecins?

• 1145

Dr Victor Dirnfeld: Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'éducation. Les informations qui se fondent sur des preuves valables doivent être transmises aux prestataires de soins de santé, les médecins, les infirmières, les nutritionnistes et les autres, ainsi qu'aux consommateurs de soins de santé. Dès qu'on obtient des preuves, il importe de communiquer ces informations aux premières étapes des programmes de formation des universités, des collèges d'enseignement professionnel et des programmes d'éducation permanente.

Les professionnels de la santé ont une véritable soif de savoir sur les médecines douces. Je crois pouvoir vous dire au nom des médecins qu'ils cherchent ce genre d'information. Ce qu'ils cherchent, ce sont des renseignements fiables. Ils hésitent à adopter des pratiques parallèles et à les intégrer à leurs propres pratiques uniquement en fonction des usages traditionnels, sans ceux qu'ils ont toujours acceptés et crus, à savoir, des preuves scientifiques.

Dans certains domaines, comme la vitaminothérapie, il y a un manque de connaissances—on doit assimiler un tas de choses—c'est difficile. Nous examinons les meilleures méthodes d'apprentissage pour les professionnels de la santé, qui ne sont plus tant les cours magistraux, mais plutôt des rencontres plus interactives ou même des études assistées par ordinateur.

Je suis d'accord avec vous pour dire que les médecins ne savent pas tout, que ce soit dans le domaine de la vitaminothérapie ou dans d'autres, et qu'ils pourraient s'améliorer, mais les médecins, et les consommateurs, doivent pouvoir se fonder sur des informations solides.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Ne pourrait-on pas prévoir une formation obligatoire pour les médecins dans les domaines où on a déjà un ensemble considérable de preuves scientifiques, en vitaminothérapie, par exemple, ou même dans d'autres domaines?

Dr Victor Dirnfeld: L'élaboration du programme d'études est très difficile. Toutes les associations médicales du pays ont demandé aux doyens et aux facultés d'inclure ceci ou cela au programme. On nous répond que c'est impossible, que les heures d'enseignement sont limitées, que la masse de connaissances à inculquer croît de façon presque exponentielle et qu'on doit noter les étudiants sur ce qu'on leur enseigne. Surtout, on tente de leur inculquer une méthode, une discipline d'apprentissage qui leur servira tout au long de leur vie. Nous, leurs mentors, nous pouvons tenter de mettre l'accent sur ces domaines émergents, les domaines importants et les domaines où la formation de premier cycle peut être lacunaire.

Il importe de noter que les vitaminothérapies comportent des risques. Ainsi, à fortes doses, la vitamine A peut être toxique pour le foie—peut provoquer des dommages sérieux au foie. La vitamine D et le calcium peuvent provoquer des dépôts de calcium dans les organes. J'ai vu des cas de défaillance rénale, des gens mourir d'insuffisance rénale. À fortes doses, la vitamine E entraîne toutes sortes de complications, y compris la thrombophlébite.

La population doit savoir que bon nombre des thérapies que nous utilisons, au même titre que les agents pharmacothérapeutiques—peu m'importe lequel, mais on peut choisir celui qu'on veut—ont, pratiquement sans exception, un effet nocif à un moment donné. Il y a quelques exceptions, comme la vitamine B12 qui ne présente apparemment aucun risque même consommée en fortes doses. Il faut toutefois bien savoir qu'il y a des complications lorsqu'on consomme trop d'un produit donné, y compris ce que l'on considère comme des vitamines inoffensives.

Mme Judy Wasylycia-Leis: De l'eau?

Dr Victor Dirnfeld: Oui, on peut s'intoxiquer avec de l'eau. Si on en consomme trop, on risque d'avoir des convulsions.

La présidente: Il en va de même pour les pommes de terre. Il faut prendre garde à ce que nous mangeons.

Il reste 30 secondes pour une question et une réponse, madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai une dernière petite question.

Depuis quelques mois, les témoins nous ont dit qu'il faudrait en fait élargir le modèle d'assurance-santé, et commencer par inclure d'autres disciplines comme l'homéopathie, la médecine chinoise traditionnelle, etc. Que pense votre association de l'idée d'élargir l'assurance-santé pour y inclure ces autres disciplines?

• 1150

Dr Victor Dirnfeld: Et pour inclure, aux fins de l'assurance, les traitements et les thérapies en rapport avec ces disciplines.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui.

Dr Victor Dirnfeld: Cela pose un gros problème, car depuis trois ans, et nous en avons discuté de façon intensive depuis plusieurs semaines, il y a une insuffisance de fonds très nette dans le système. Si l'on essayait d'inclure ces autres secteurs, dont certains ne sont pas scientifiquement reconnus, on fera plus de tort encore, et cela nuira davantage à l'assurance-santé dont profitent actuellement les Canadiens.

Lorsque notre gouvernement parle de secteurs très importants comme les soins à domicile, il faudrait également élargir ce secteur et nous convenons que la transition doit se faire sans heurt entre les soins intensifs assurés dans les hôpitaux, et davantage de soins à domicile, grâce à l'aide et aux ressources financières réservées à cet effet. Quant à l'assurance-médicaments nationale...

La présidente: Pouvons-nous en revenir aux questions de la député?

Dr Victor Dirnfeld: Pour répondre à la question, l'Association n'est pas en faveur d'inclure ces autres disciplines dans l'assurance-santé, car le financement actuel est insuffisant pour permettre cela.

La présidente: Monsieur Myers.

M. Lynn Myers: Merci, madame la présidente. Je vais essayer d'être bref. Je sais que M. Volpe veut également poser des questions.

Docteur Dirnfeld, on peut dire que personne ne conteste les trois piliers, à savoir l'innocuité, la qualité et l'efficacité—sans oublier bien sûr l'équité inhérente au système. Toutefois, dans votre quatrième recommandation, j'ai été surpris de vous entendre dire que les produits ne devraient pas se fonder sur la tradition et l'usage. Sauf erreur, vous avez dit qu'il y avait de nombreux risques et pourtant certains soutiennent que ces produits sont consommés depuis longtemps et que nous avons de nombreuses preuves de leur efficacité.

Certains prétendent qu'on met trop l'accent sur la véritable science, les données empiriques et les essais de laboratoire, et qu'en fait certains avantages ne se manifesteront peut-être pas dans un contexte structuré en laboratoire. Selon ces personnes, avec le temps et grâce à la consommation, ces produits ont évolué d'une façon qui convient aux Canadiens. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et j'aimerais également entendre la réponse de M. Ma, car je pense qu'elle sera très différente de la vôtre.

Dr Victor Dirnfeld: En ce qui concerne la tradition et la consommation de longue date, je pense tout simplement qu'il faut être beaucoup plus précis que nous ne le sommes lorsque nous étudions un produit donné, et ne pas nous contenter de dire qu'il procure un avantage ou ne comporte aucun risque. Ce n'est pas la peine d'effectuer des tests de laboratoire. En fait, cela ne suffit pas, il faudrait procéder à des tests cliniques. Il faudrait faire une étude suivie auprès de certains consommateurs. Puis, si on constate que le produit est bénéfique et ne comporte aucun risque, une fois qu'il est mis en marché, il faudrait effectuer un certain contrôle après-vente. Autrement dit, il faudrait faire une analyse de suivi à l'égard de ces produits.

Permettez-moi de vous citer un exemple de médicament utilisé depuis longtemps et qui continue de l'être en médecine traditionnelle. Je veux parler de la digitale. Il y a 200 ans qu'on l'utilise. C'est un agent d'origine naturelle qui provient de la plante digitale. Pendant 100 ans, aucune étude n'a été faite pour établir son innocuité ou son efficacité.

Cette étude a enfin été effectuée et, lors de sa réunion tenue à Orlando, en Floride, en mars 1996, le American College of Cardiology a présenté le rapport à ce sujet. Cette étude effectuée par plusieurs centres simultanément et de portée internationale, a coûté 40 ou 50 millions de dollars. Elle a révélé que, en premier lieu, la digitale était non seulement dangereuse, mais en outre qu'elle augmentait le taux de mort subite, les décès enregistrés hors de l'hôpital parmi les patients traités à la digitale. En premier lieu, donc, ce produit augmentait le taux de décès et, en second lieu, n'avait aucune incidence sur la mortalité ou la longévité des patients traités grâce à ce médicament.

Même si l'interprétation de cette étude suscite de vives réactions de part et d'autre, de moins en moins de médecins prescrivent ce médicament. Dans l'article de Packer publié en même temps que ce rapport dans The New England Journal of Medicine en février 1997, on prévoit que la digitale va sans doute cesser d'être utilisée d'ici cinq à dix ans.

M. Lynn Myers: Madame la présidente, j'aimerais entendre la réponse de M. Ma.

La présidente: Monsieur Ma.

M. Jonas Ma: Voilà ce qui s'est passé pour les plantes médicinales chinoises au cours des dix dernières années. Elles ont fait l'objet de tests de laboratoire. Je conviens qu'il faut exercer une surveillance et bien étiqueter les produits, mais étant donné que la théorie et les principes de la médecine chinoise diffèrent énormément du modèle biomédical... on les a rejetés. Par exemple, si ce remède à base d'herbes médicinales est censé, comme je l'ai dit plus tôt, supprimer la chaleur, qu'est-ce que cela veut dire? Cela a été refusé. Nous n'avons pas pu indiquer ses propriétés sur l'étiquette. On a dit autre chose.

• 1155

Nous appuyons le principe selon lequel, s'il existe un régime de réglementation qui permet la participation des consommateurs, en cas d'effets secondaires ou de problèmes quelconques liés à ce remède, on puisse le faire savoir grâce à ce processus. Il y a des façons d'exercer une surveillance.

En Chine, on effectue de nombreuses études pour classer les herbes médicinales utilisées de façon traditionnelle. D'ailleurs, certains de ces produits ont été rejetés. On a parlé d'une plante en particulier qui pourrait être dangereuse, et c'est vrai, mais il en va de même pour la plupart des produits pharmaceutiques ou médicaments à base de produits chimiques qui ont été mis en marché et dont on n'a constaté que plus tard qu'ils causaient des problèmes.

L'essentiel c'est de ne pas utiliser un modèle biomédical pour classer, définir la qualité thérapeutique de ces herbes. Il faut procéder selon un principe différent en se fondant sur l'origine du produit. Nous n'aurons peut-être pas le système, nous n'aurons peut-être pas les ressources voulues pour faire tout ce classement, mais je crois que les recherches et les études qui ont été faites ailleurs, où ces plantes médicinales sont utilisées de façon plus courante, pourront nous être utiles. Si nous les rejetons carrément parce qu'elles ne correspondent pas à notre modèle, nous refuserons en fait aux Canadiens l'accès à ce service, à ces produits.

La présidente: Monsieur Volpe.

M. Joseph Volpe: Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai une série de questions et crains de ne pas vous en poser, monsieur Ma, mais j'espère que M. Dirnfeld fera preuve de patience à mon égard.

Vous avez terminé votre dernière intervention en disant que votre association n'est pas en faveur de l'inclusion des thérapies et des produits de la médecine douce dans le système général car nous manquons de fonds et que vous craignez que les ressources disponibles ne soient encore plus éparpillées. Est-ce une question d'influence de groupes de pression ou sommes-nous et devrions-nous être plus intéressés par la santé de nos concitoyens?

Dr Victor Dirnfeld: Merci de votre question, monsieur Volpe. Si je n'ai pas été assez clair, je m'en excuse mais j'ai précisé dans ma réponse précédente que si l'on disposait de preuve de l'efficacité des remèdes naturels—si toutefois c'était le cas—avant de les inclure dans l'assurance-santé, il faudrait néanmoins tenir compte du fait que de nombreux autres secteurs, selon nous, revêtent une plus grande priorité en matière de financement en raison de leur efficacité et de leur utilité.

M. Joseph Volpe: Dans ce cas, puis-je vous demander de nous en dire plus long sur la question de l'efficacité. Quand il s'agit de produits pharmaceutiques, l'efficacité est généralement déterminée par l'usage désigné du produit en question; l'usage désigné, et aussi l'usage prescrit. Ai-je raison?

Dr Victor Dirnfeld: Oui.

M. Joseph Volpe: Ai-je aussi raison de dire qu'il y a très peu de surveillance, pour reprendre votre propre mot, de l'utilisation une fois que le médecin a remis une ordonnance?

Dr Victor Dirnfeld: Non, ce n'est pas exact. Je ne pense pas avoir dit cela. En fait...

M. Joseph Volpe: Non, je n'ai pas dit que vous l'aviez dit. C'est mon impression, qui m'est restée d'autres témoignages et d'autres sources.

En fait, il y a très peu de coordination et très peu de surveillance. Ce qui se passe peut-être, et je pensais que vous l'auriez plus ou moins confirmé, c'est que le produit peut donner lieu à un usage incomplet, à des abus, à un usage trop fréquent; on l'a signalé maintes et maintes fois au comité. C'est une impression générale et cela finit par enlever toute signification au mot «efficacité».

Dr Victor Dirnfeld: Pour commencer, si je peux revenir à la première partie de votre question, il y a un élément qui fait partie intégrante du programme de marketing, à savoir la quatrième étape, la pharmacovigilance. De nombreux médecins prennent part à cette surveillance d'un bout à l'autre du pays, surtout dans les centres universitaires, mais pas toujours; ce sont parfois des médecins praticiens. J'ai moi-même participé à un certain nombre d'études de pharmacovigilance; nous étions chargés d'examiner une cohorte pour déceler les effets indésirables d'un médicament utilisé plus largement que dans le cadre d'une étude clinique, et de faire rapport à ce sujet.

• 1200

M. Joseph Volpe: Docteur Dirnfeld, d'autres personnes qui ont comparu devant notre comité, non pas ce comité en particulier, mais le comité de la santé dans le passé, ont dit qu'environ 90 p. 100 des médecins n'ont pas d'ordinateur ou ne sont pas informatisés et ne peuvent donc pas centraliser ou coordonner les ordonnances ou les thérapies qu'ils prescrivent à leurs patients; et je parle ici de praticiens ordinaires, non pas de médecins qui pratiquent les médecines complémentaires ou de rechange.

Dr Victor Dirnfeld: C'est peut-être le cas, je ne conteste pas le chiffre, mais je ne vois pas que cela constitue nécessairement un empêchement quant à la capacité de faire un suivi d'une thérapie.

M. Joseph Volpe: Non, ne vous méprenez pas sur mes paroles. J'essayais simplement d'approfondir la question et de comprendre ce que nous entendons par le mot «efficacité».

Dr Victor Dirnfeld: L'efficacité, c'est quand un produit donne des résultats satisfaisants pour une indication particulière, pour une indication attribuée.

M. Joseph Volpe: Mais on fait aussi de la surveillance pour vérifier l'efficacité. Je suppose que vous ne m'avez pas donné d'indication que la surveillance est aussi complète que je voudrais qu'elle soit.

Pour vous donner un exemple, vous nous avez aussi raconté ce que je qualifierais d'histoire d'horreur, au sujet de quelqu'un qui avait utilisé un produit complémentaire. Cela vous avait choqué et je suis content. Sans vouloir être sarcastique, je me demande s'il y a un rapport entre le coût élevé de l'assurance contre la faute professionnelle pour les praticiens traditionnels et le nombre d'histoires d'horreur qui émanent de l'application des pratiques médicales traditionnelles et des produits pharmaceutiques.

Dr Victor Dirnfeld: Je suis certain que les effets indésirables des produits pharmaceutiques contribuent aux coûts de l'assurance, mais je ne pense pas que cela représente une partie importante ou appréciable du coût de l'assurance contre la faute professionnelle. C'est surtout attribuable à...

M. Joseph Volpe: Y a-t-il un rapport avec le grand nombre d'histoires d'horreur qui émanent de ces praticiens? À votre avis?

Dr Victor Dirnfeld: Pas à ma connaissance. Je pense que le coût de l'assurance contre la faute professionnelle s'explique autrement. En particulier, cette assurance coûte cher parce que l'organisation en question, l'Association canadienne de protection médicale, a pour principe de ne pas régler à l'amiable les réclamations frivoles, comme on le fait souvent dans d'autres régimes d'assurance, mais plutôt de se demander à chaque fois si la réclamation est fondée ou si elle ne l'est pas. Si on juge qu'elle ne l'est pas, cela coûte très cher pour contester cette décision.

M. Joseph Volpe: Je vais passer à une autre question. C'est une question de données fiables, que c'est là-dessus que la médecine officielle fonde sa pratique et distribue des produits. Ces données fiables sont répandues sur le marché par des compagnies qui fournissent un produit en particulier, et une thérapie est élaborée à partir de l'utilisation de ce produit.

Je pense que vous avez mentionné le Dr Buckman et vous avez signalé qu'il a constaté dans ses recherches qu'il y a seulement deux produits à base d'herbes médicinales qui passent le test scientifique. Je vais vous poser deux questions là-dessus. Premièrement, combien de produits de ce genre ont été testés? Il faut le savoir si nous voulons remettre dans son contexte ce chiffre de deux. Voulez-vous d'abord répondre à cette première question?

Dr Victor Dirnfeld: Il y a deux réponses. La première est que lorsque le Dr Buckman a fait cette déclaration, il fondait ses conclusions sur le nombre d'études qu'il a pu trouver; or il en a trouvé seulement deux. Il n'a aucune idée du nombre de produits qui ont été testés, sans que ce test fasse l'objet d'une publication. Il a seulement réussi à en trouver deux qui ont été publiées.

M. Joseph Volpe: Je suis content que vous l'ayez précisé, parce que j'ai interrogé le Dr Buckman sur une thérapie particulière qui est actuellement très à la mode, mais il ne la connaissait pas.

Vous avez aussi fait allusion au fait qu'il a donné une indication—et j'espère le citer correctement; si je me trompe, je m'en excuse à l'avance, mais je paraphrase—que certains de ces produits donnent l'impression à la personne de se sentir mieux, sans qu'elle aille nécessairement mieux. Dans mon esprit, cela veut dire que certains de ces produits ont un effet psychologique ou psychiatrique sur une personne, sans avoir aucun effet physiologique.

Dr Victor Dirnfeld: Absolument. Cela s'appelle l'effet placebo et c'est très profond.

M. Joseph Volpe: Bon, oui, c'était sa conclusion.

Je sais qu'il a comparu à votre réunion annuelle il y a environ deux semaines. Je viens tout juste de voir une actualité sur sa présentation. Quand il a parlé de la méthode scientifique et qu'il a fait la distinction entre être mieux et se sentir mieux, il a donné un exemple précis et je voudrais que vous fassiez des commentaires là-dessus.

• 1205

Son exemple était qu'il y a quelques années, il n'y a pas très longtemps, dans le domaine de l'oncologie, l'application de certaines thérapies résultait en un taux de mortalité d'environ 15 p. 100, mais c'était alors considéré «acceptable», pour utiliser ces propres termes, parce que nous avions identifié les paramètres et qu'en conséquence, l'information dont nous disposions «était fiable», pour utiliser votre expression, parce que nous pouvions déterminer exactement qu'est-ce qui tuait ces patients.

Les termes performatifs sont ici «nous savons ce qui tue ces patients». J'aurais cru que ce devrait plutôt être «nous savons ce qui améliore la santé de ces personnes». Je me demande si nous devrions plutôt chercher des thérapies et des produits qui permettent d'améliorer la santé des gens, au lieu de chercher un organisme, une méthodologie, qui permet de protéger nos arrières quand nous les appliquons.

Une voix: Bravo!

Dr Victor Dirnfeld: Il me semblait que le corollaire sautait aux yeux; c'est-à-dire qu'en faisant enquête sur une thérapie particulière, on se demande si elle permet de guérir la maladie ou d'en atténuer les symptômes, afin de faire en sorte que les gens soient en meilleure santé.

En oncologie, dans la grande majorité des cas, selon le type de cancer, la maladie est inexorablement fatale, de sorte que si l'on donne une thérapie qui réduit le taux de mortalité de 85 p. 100, mais qui comporte un risque de 15 p. 100 de provoquer la mort, on doit peser le pour et le contre—-et quand je dis «on», je veux dire le thérapeute et le consommateur de thérapie—de la façon la plus éclairée possible, en se demandant s'il faut prendre le risque de provoquer la mortalité dans 15 p. 100 des cas, compte tenu de la possibilité de guérison.

M. Joseph Volpe: Mais voyez-vous, docteur Dirnfeld, c'est exactement ce que j'ai entendu M. Ma et d'autres—peut-être les naturopathes et les homéopathes qui l'ont précédé—dire: pourvu qu'on informe le patient que le produit qu'on s'apprête à lui proposer et la thérapie qui y est associée comportent certains risques et certains avantages potentiels, pourvu qu'on fasse cela, le patient devrait ensuite être libre d'utiliser le produit et la thérapie à sa guise. C'est ce que je les ai entendu dire, et maintenant je vous entends dire exactement la même chose, sauf que vous avez enrobé cette théorie et ce concept dans un système qui protège les praticiens et exclut les autres.

Dr Victor Dirnfeld: Non. Ce que je dis, c'est que c'est fondé sur la preuve et que si d'autres fournisseurs peuvent présenter une preuve fondée sur des études scientifiquement valables, alors nous sommes sur un pied d'égalité et nous utilisons le même langage. Le concept général selon lequel tout comporte des risques et des avantages ne veut pas dire grand-chose en l'absence de précisions fondées sur des études cliniques, en laboratoire, des études chimiques, etc. Que doit-on dire à un patient? Faut-il lui dire: «Vous avez le choix entre accepter le traitement X, et je signale en passant que le traitement X peut vous aider ou vous faire du tort?». Le consommateur éclairé dira...

M. Joseph Volpe: Les médecins disent cela tous les jours.

Dr Victor Dirnfeld: Mais un consommateur éclairé dira: «Quelles sont les chances que cela me fasse du bien et quelles sont les risques que cela me fasse du tort?». S'il y a cinq fois plus de chance d'améliorer son état, alors le consommateur éclairé penchera probablement dans un sens plutôt que dans l'autre.

M. Joseph Volpe: J'en conclus, docteur Dirnfeld, que les mots clés sont «consommateur éclairé».

Je me demande maintenant—et je ne veux pas donner l'impression de vous harceler exagérément, même si ma voix s'est altérée quelque peu—je me demande si la clientèle de M. Ma... Puis-je utiliser ce terme?

M. Jonas Ma: Oui.

M. Joseph Volpe: Nous parlons affaires. Si la clientèle de M. Ma est informée sur la valeur et l'impact de certains produits, peut-être pour avoir recueilli des preuves expérimentales ou anecdotiques de leurs familles ou de leur entourage, depuis peut-être des générations, pourquoi est-ce là une approche moins valable que celle que vous proposez?

• 1210

Je commence à avoir l'impression que certains chercheurs scientifiques fonctionnent dans un environnement où ils établissent une méthodologie qui est protégée par des associations, et c'est un peu ce qui se passe autour d'ici, je veux dire sur la colline. Une fois qu'une rumeur est répétée deux ou trois fois, elle devient vérité d'évangile.

Dr Victor Dirnfeld: Monsieur Volpe, la méthode scientifique exige de poser une hypothèse et de la soumettre ensuite à une vérification rigoureuse et sans préjugé. Quand on aboutit à une conclusion, cette conclusion doit pouvoir être répétée indépendamment ailleurs, qu'il s'agisse d'un laboratoire ou d'un autre hôpital, d'une autre clinique, etc. Quand on a prouvé en plusieurs endroits que le résultat obtenu est valable, alors on dit que c'est une preuve scientifique et on y donne suite.

Par contre...

M. Joseph Volpe: Docteur Dirnfeld, vous avez tout à fait raison, mais cela exige aussi énormément de foi. Je m'excuse de donner le même exemple que vous, parce que cela a un côté personnel, mais beaucoup d'entre nous ont vécu cette expérience durant les années 60. Cela s'appelle la thalidomide. Beaucoup de travaux scientifiques ont été faits dans ce dossier. Il y a eu beaucoup d'analyses antérieures et postérieures à la commercialisation. Pourtant, pour beaucoup de gens, l'utilisation du produit a été cauchemardesque.

Je n'aurais pas donné cet exemple, parce que je suis un peu plus enclin à accepter la méthode scientifique. Mais je trouve vraiment intéressant qu'un praticien qui est solidement enraciné dans la médecine officielle occidentale utilise cet exemple, parce que cela pose encore une fois, dans mon esprit, la question de savoir à quoi nous devrions consacrer nos ressources et comment nous pouvons en arriver à une approche équilibrée pour résoudre la question dont le comité est saisi.

En tant que membre du comité, je n'ai pas encore pris ma décision dans ce dossier, mais j'ai dit il y a environ une semaine que je deviens de plus en plus sceptique au sujet de certaines positions qui nous ont été présentées. J'espère être aussi critique que nous devrions tous l'être, sans pour autant m'en prendre à un groupe en particulier, mais je me demande encore une fois—et je vais vous poser la question que j'ai posée aux témoins qui ont comparu avant vous, à savoir si le problème est le suivant: un groupe de praticiens essaient, au moyen de la réglementation et de la législation existantes, d'écarter du marché un autre groupe de praticiens, lesquels appliquent des pratiques différentes qui peuvent—et j'insiste sur le mot «peuvent»—être au moins aussi thérapeutiques dans le résultat que les pratiques utilisées par l'autre groupe.

Dr Victor Dirnfeld: Dans le dossier de la thalidomide, cela s'est passé il y a 36 ans, et nous, et moi-même personnellement, avons appris... et cela n'aurait pu être une meilleure leçon de choses, pour ainsi dire, pour le jeune scientifique que j'étais il y a 36 ans et aussi pour la science et la médecine en général dans notre pays. Depuis cette catastrophe, la pharmacovigilance et la capacité de lancer sur le marché de nouveaux médicaments ont été resserrés remarquablement.

Pour ce qui est de cette guerre de fief que vous évoquez, je rejette complètement cette notion. Ce dont je parle, c'est de science digne de ce nom. Je parle de décision fondée sur une preuve. Je parle de la sécurité de la population. Je parle de règles du jeu qui s'appliquent également à tous, que ce soit la médecine qui est en usage depuis 1 000 ans ou, comme dans le cas de la digitale, depuis 200 ans, ou qu'il s'agisse d'un nouveau médicament. Il faut faire la preuve que le produit est sûr, qu'il est efficace—c'est-à-dire qu'il donne des résultats satisfaisants—et que c'est un agent de qualité.

M. Joseph Volpe: Combien de médicaments votre association a-t-elle fait retirer du marché?

Dr Victor Dirnfeld: Ce n'est pas notre fonction. L'Association présente des renseignements à la direction des aliments du Canada et c'est le rôle légitime du gouvernement du Canada et de ses organes de prendre des décisions de ce genre. Quand nous avons la preuve, grâce à nos membres, qu'un produit a des résultats indésirables qui sont importants et qui méritent un examen, nous transmettons ces renseignements, sans hésitation.

M. Joseph Volpe: Combien?

Dr Victor Dirnfeld: Je ne peux pas vous donner de chiffres.

• 1215

La présidente: Merci beaucoup.

La séance est levée jusqu'à convocation de la présidence.