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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 novembre 1999

• 0840

[Traduction]

Le président (Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. J'aimerais souhaiter à tous la bienvenue ce matin dans la magnifique province de la Saskatchewan.

Nous soulignons la présence à cette réunion d'un ancien collègue que nous voulons remercier de se joindre à nous aujourd'hui. Lorsqu'on m'a demandé si nous pouvions vous consacrer un peu de temps, j'ai dit que nous trouvions toujours le temps nécessaire pour discuter avec d'anciens collègues. Je profite de l'occasion pour vous féliciter de votre succès électoral.

Mesdames et messieurs, nous sommes heureux d'avoir parmi nous aujourd'hui M. Elwin Hermanson, leader du Parti de la Saskatchewan, qui est accompagné de l'un de ses collègues députés, M. Randy Weekes. Bienvenue à vous deux.

Comme vous le savez, nous vous accordons entre 5 à 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire—rien n'a changé comme vous le voyez; les comités procèdent toujours de cette façon—, après quoi il y aura une période de questions.

M. Elwin Hermanson (leader, Parti de la Saskatchewan): Je vous remercie, monsieur le président. Nous considérons comme un privilège le fait de pouvoir comparaître devant le Comité des finances, étant donné surtout que nous avons demandé à comparaître à la dernière minute. Nous vous remercions d'avoir trouvé du temps pour nous entendre. Nous sommes heureux de participer aux consultations prébudgétaires. Comme je sais que votre emploi du temps est chargé, et étant donné que nous sommes les premiers témoins à comparaître, nous ferons de notre mieux pour nous en tenir au temps qui nous est imparti en attirant instamment votre attention sur deux ou trois questions.

Le 16 septembre dernier, les habitants de la Saskatchewan ont participé à un scrutin dont le résultat en a surpris plusieurs dont le parti au pouvoir, dirigé par M. Romanow. En fait, on peut qualifier ces élections de cauchemar pour le gouvernement étant donné que 60 p. 100 des électeurs ont, le 16 septembre dernier, voté en faveur d'un changement de gouvernement. Il convient de se demander pourquoi les familles et les entreprises de la Saskatchewan ont voté massivement contre la réélection de M. Roy Romanow.

On ne peut pas attribuer cette situation à l'état déplorable du réseau routier de la Saskatchewan, bien que nos routes soient effectivement très mauvaises et que le tronçon de la Transcanadienne qui traverse la Saskatchewan soit devenu une honte nationale. Le Comité des finances souhaitera peut-être en prendre note. Ce n'est pas non plus parce que le système de soins de santé de la Saskatchewan est au bord de la ruine, bien qu'il ait été effectivement mal géré par le gouvernement provincial. En fait, les élections en Saskatchewan ont porté sur deux principales questions: nos impôts démesurément lourds et la pire crise financière à toucher les agriculteurs de la Saskatchewan depuis la dépression des années 30.

Je vous parlerai dans quelques minutes de la crise agricole, mais permettez-moi d'abord de vous parler de la question des impôts.

Les contribuables canadiens sont au nombre des contribuables qui paient les impôts les plus élevés dans le monde industrialisé. La Saskatchewan vient au second rang pour ce qui est du taux d'imposition au Canada. Il ne faut pas être un génie pour conclure que nous avons beaucoup à faire pour mettre fin au flot de personnes et d'emplois qui quittent la Saskatchewan et le Canada parce qu'un taux d'imposition trop élevé tue les emplois et décourage les investisseurs, ce qui, à son tour, pousse les gens à quitter le pays. Des impôts trop élevés nuisent à notre économie et à notre compétitivité. Ils étouffent l'initiative et menacent la qualité de vie dont jouissent les Canadiens.

Bref, nous devons réduire les impôts immédiatement.

La question essentielle sur laquelle a porté l'élection tenue en Saskatchewan était le niveau élevé des impôts. Les électeurs de la Saskatchewan se sont prononcés en faveur de la mise en oeuvre d'un plan à long terme visant à réduire considérablement les impôts sur le revenu des particuliers. Pas plus le NPD que le gouvernement n'ont tenu compte des préoccupations exprimées par les électeurs. Le gouvernement a d'ailleurs presque été défait.

Une majorité d'électeurs se sont prononcés en faveur de la réduction des impôts, de sorte que le gouvernement néo-démocrate s'est retrouvé dans une situation minoritaire. La création d'une coalition entre le Parti libéral et le Parti NPD en Saskatchewan faisait penser à la chaîne de téléachat. Trois Libéraux ont été vendus au plus offrant lors d'une vente de faillite politique. Le NPD n'a survécu aux élections que parce que les Libéraux ont accepté de se faire acheter.

Le message est clair pour le gouvernement fédéral. Il doit proposer un plan à long terme crédible visant la réduction des impôts sur le revenu des particuliers ou s'exposer à devoir prendre une retraite prématurée. De nombreuses personnes se demandent sans doute—et je suis convaincu que la question vous a d'ailleurs été posée—si nous pouvons nous permettre de réduire les impôts. À notre avis, c'est la question inverse qu'il convient de se poser: Pouvons-nous nous permettre de ne pas réduire les impôts?

Les dirigeants politiques se sont trop souvent réfugiés derrière l'argument bidon voulant que s'il réduit les impôts, le gouvernement ne sera pas en mesure d'offrir des services de qualité dans le domaine de la santé et de l'éducation. Ils nous ont trop souvent dit que des impôts moins élevés signifieraient des budgets déficitaires. Or, le fait est que des impôts peu élevés renforcent l'économie, stimulent la création d'emplois et aident à élargir l'assiette fiscale à partir de laquelle sont financés les services publics. Songez à ce qui s'est passé en Irlande et à ce qui se passe en Alberta.

Nous ne pourrons pas échapper au danger réel qui nous guette si les gouvernements fédéral et provincial ne prennent pas des mesures immédiates et décisives pour réduire les impôts. Les électeurs de la Saskatchewan se sont prononcés en faveur du plan proposé par le Parti de la Saskatchewan visant à réduire les impôts provinciaux de 20 p. 100 sur quatre ans, à ramener la taxe de vente provinciale de 6 p. 100 à 5 p. 100 et à éliminer la taxe sur les petites entreprises sur une période de quatre ans. Il s'agit là d'un plan à long terme qui permet de réduire les impôts tout en équilibrant le budget.

La semaine dernière, le Comité d'examen de l'impôt sur le revenu des particuliers en Saskatchewan a présenté une recommandation semblable à notre gouvernement en Saskatchewan. Les familles de la Saskatchewan s'attendent pleinement à ce que le gouvernement provincial propose un plan à long terme visant à réduire les impôts et réclameront d'ailleurs que le gouvernement Romanow le fasse. Elles s'attendent cependant à ce que le gouvernement fédéral fasse de même.

La réduction des impôts bénéficiera à tous en Saskatchewan—aux travailleurs, aux propriétaires d'entreprise et aux personnes âgées—et aidera également considérablement les familles agricoles qui ont vraiment besoin d'aide parce que l'agriculture dans les Prairies traverse une crise, laquelle se répercute sur des centaines de familles agricoles et des centaines d'autres familles qui tirent leur revenu directement ou indirectement de l'agriculture.

• 0845

Comme je l'ai clairement dit au Comité de l'agriculture à Ottawa le mois dernier, l'avenir de milliers de familles agricoles ainsi que l'avenir de l'économie dans les Prairies reposent sur les décisions qui seront prises à Ottawa au cours des prochaines semaines et des prochains mois. À mon avis, voilà une occasion d'évaluer la force de la fédération canadienne, une fédération qui se fonde sur la prémisse que nous devons nous aider les uns les autres en cas de besoin. Tout comme les habitants de la Saskatchewan ont été généreux à de nombreuses occasions lorsqu'on leur a demandé d'aider les Canadiens d'autres parties du pays qui traversaient une crise, des milliers de familles de la Saskatchewan s'attendent maintenant à ce que le gouvernement fédéral les aide à faire face à une crise dont ils ne sont pas responsables.

Je suis sûr que tous les membres de ce comité connaissent la guerre internationale des subventions à laquelle on peut attribuer la crise actuelle. L'Union européenne ainsi que les États-Unis ont subventionné leurs agriculteurs à hauteur de milliards de dollars. Les familles agricoles canadiennes sont les victimes innocentes de cette guerre commerciale internationale. La solution à long terme dans le domaine agricole est évidemment de mettre fin à la guerre internationale des subventions. Le gouvernement canadien compte-t-il entre temps tout simplement abandonner les familles agricoles? Va-t-il accepter que l'économie s'écroule?

Si le comité ne devait retenir qu'un seul message de ses audiences aujourd'hui, nous espérons que ce sera celui-ci et que vous en ferez part au premier ministre: le programme ACRA mis en oeuvre par le gouvernement fédéral pour faire face à la crise dans le domaine de l'agriculture ne donne pas les résultats escomptés en Saskatchewan. L'ACRA n'offre pas un soutien suffisant aux familles agricoles de la Saskatchewan pour leur permettre de traverser cette crise. Très honnêtement, l'ACRA constitue un gaspillage de l'argent des contribuables dans cette province.

Je me permets de faire remarquer que le gouvernement de la Saskatchewan doit accepter une part du blâme pour la crise actuelle. En 1992, il s'est attaqué au filet de sécurité agricole en mettant fin au programme RARB, en annulant des contrats et en ne proposant aucun programme de rechange. Par conséquent, la Saskatchewan est la province dont le filet de sécurité dans le domaine agricole est le plus faible au pays.

Aujourd'hui, de nombreuses familles agricoles souffrent parce qu'on n'a jamais réparé ce filet de sécurité. Nous blâmons la province, c'est-à-dire le gouvernement néo-démocrate pour la situation et non pas Ottawa. Je tiens à être très clair à ce sujet: ce n'est pas la faute d'Ottawa. Le gouvernement provincial doit participer à l'élaboration d'une solution à long terme et c'est ce que va réclamer avec force le Parti de la Saskatchewan.

La crise immédiate, cependant, qui se manifeste par des prix céréaliers qui n'ont jamais été plus faibles, est attribuable à une guerre internationale de subventions et le commerce international est un domaine de compétence fédérale. Les provinces comme la Saskatchewan et le Manitoba ne peuvent tout simplement pas se permettre de livrer bataille aux Trésors des États-Unis et de l'Union européenne et même si elles pouvaient se le permettre, elles ne devraient pas avoir à le faire. Les États comme le Dakota du Nord et le Montana n'ont pas à puiser dans leurs propres ressources. L'argent qu'ils versent à leurs agriculteurs leur est donné par Washington dans le cadre de la politique agricole fédérale. Le gouvernement fédéral à Ottawa doit aider les agriculteurs de la même façon. Les programmes actuels ne suffisent pas et suscitent beaucoup de mécontentement chez les habitants de la Saskatchewan à l'égard des deux paliers de gouvernement.

Le Parti de la Saskatchewan a proposé diverses façons de remédier aux lacunes du programme ACRA et pour accorder une aide financière rapide aux familles agricoles.

Il y a quelques semaines, le Parti de la Saskatchewan a proposé de verser immédiatement aux agriculteurs tout le contenu de la caisse de l'ACRA en leur consentant une réduction de la partie des impôts touchant les terres agricoles qui sont affectés à l'éducation. On pourrait ainsi efficacement accorder avant Noël une aide financière aux familles agricoles dans le besoin. En outre, cela accorderait aux gouvernements fédéral et provincial le temps voulu pour élaborer un programme d'aide agricole d'urgence à frais partagés qui soit efficace.

Le Parti de la Saskatchewan a également proposé que le gouvernement fédéral traite notre province de la même façon que le Québec en lui versant un montant global correspondant à sa part des fonds de l'ACRA auxquels elle a droit et en permettant au gouvernement provincial de collaborer avec les organismes agricoles à mettre sur pied un programme qui permettrait de distribuer aux familles agricoles l'argent dont elles ont besoin.

L'une ou l'autre de ces solutions serait préférable au programme ACRA actuel et répondrait mieux aux besoins immédiats et à court terme des familles agricoles. Le député qui nous représente au Cabinet, M. Ralph Goodale, a lui-même admis que l'ACRA ne donne pas les résultats escomptés. Le ministre fédéral de l'Agriculture, M. Lyle Vanclief, est venu en Saskatchewan la semaine dernière et a admis que l'ACRA est un cauchemar administratif et est un échec.

Bien que nous ayons apprécié que M. Vanclief vienne en Saskatchewan et que nous soyons encouragés par le fait qu'il accepte enfin de faire face à la réalité, les habitants de la Saskatchewan sont très déçus qu'il ait décidé qu'il ne convenait pas de modifier le moindrement l'ACRA. On peut excuser les familles de la Saskatchewan de se sentir abandonnées par un ministre de l'Agriculture et un gouvernement fédéral qui semblent prêts à les sacrifier pour protéger peut-être les offices de commercialisation agricole de l'est du Canada.

• 0850

Bon nombre de personnes en Saskatchewan estiment que le gouvernement fédéral va, dans le cadre des pourparlers de l'OMC prévus à Seattle, sacrifier volontiers les intérêts des agriculteurs de l'Ouest pour protéger ceux des offices de commercialisation des oeufs, de la volaille et des produits laitiers. Les dirigeants agricoles se sont bien rendu compte que M. Vanclief est prêt à faire tout ce qui est nécessaire pour protéger la gestion de l'offre au Québec et en Ontario même si cela doit signifier que de nombreux agriculteurs de la Saskatchewan devront abandonner l'agriculture.

D'après l'OCDE, l'aide gouvernementale canadienne aux céréaliculteurs représente 9c. par dollar de revenu touché pour les agriculteurs de l'Ouest, contre 58c. par dollar de revenu touché pour les producteurs laitiers et 24c. par dollar touché pour les producteurs d'oeufs. En fait, l'aide gouvernementale accordée aux céréaliculteurs a considérablement diminuée au cours des 10 dernières années. Par ailleurs, les subventions versées aux producteurs de lait, de volailles et d'oeufs ont été maintenues au même niveau ou sont même supérieures à celles qui sont versées à leurs homologues américains et européens.

Au lieu d'aggraver ces inégalités évidentes, les négociateurs canadiens devraient profiter des discussions de l'OMC qui s'amorcent pour faire en sorte que tous les producteurs soient traités de la même façon. Entre temps, le gouvernement fédéral doit trouver les fonds nécessaires pour soutenir un secteur agricole efficace qui subit les assauts de ceux qui participent à la guerre internationale des subventions. Comme le président du Saskatchewan Wheat Pool l'a si éloquemment dit à M. Lyle Vanclief: «Si vous ne voulez pas appuyer les agriculteurs, cessez de manger.»

J'aimerais maintenant résumer mon propos en disant ce matin que les familles de la Saskatchewan souhaitent que le gouvernement fédéral leur vienne en aide en prenant deux mesures qui revêtent une importance critique. Elles souhaitent d'abord que le gouvernement propose un plan à long terme visant d'importantes réductions d'impôt qui entreraient en vigueur immédiatement et elles souhaitent aussi qu'il les aide vraiment à traverser la pire crise agricole à frapper la Saskatchewan depuis 60 ans.

Je ne pense honnêtement pas que ces deux mesures soient contradictoires. Vous voudrez peut-être me poser des questions à ce sujet. Je serai heureux d'y répondre

Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

J'ouvre maintenant la période des questions. Monsieur Nystrom, vous avez cinq minutes.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue devant le comité à M. Hermanson et son collègue.

M. Elwin Hermanson: Je vous remercie.

M. Lorne Nystrom: Je vous félicite officiellement d'avoir été élu leader de l'opposition à l'Assemblée législative de la Saskatchewan.

Je crois que ce qu'il importe que vous fassiez ce matin, monsieur Hermanson, est de décrire au comité ce qu'il adviendra en Saskatchewan des agriculteurs, des petites municipalités et de l'économie en général si le gouvernement fédéral refuse de compléter l'ACRA par un autre programme. Voilà le message que nous devons entendre ce matin. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à cet égard?

M. Elwin Hermanson: Volontiers. Les familles agricoles m'ont fait part de leurs préoccupations par lettres ou lors d'entretiens personnels, mais j'ai aussi discuté de la question avec des propriétaires d'entreprises de Regina et de Saskatoon. Je me suis entretenu l'autre jour avec le propriétaire d'un commerce qui dessert la population de Saskatoon depuis longtemps. Il me dit qu'aucun agriculteur ne fréquente à l'heure actuelle son commerce alors qu'ils constituaient autrefois une part importante de sa clientèle.

Comme nous l'avons déjà dit, la crise actuelle ne touche pas seulement les agriculteurs, mais l'économie elle-même de la Saskatchewan. Les agriculteurs de cette province sont au nombre des agriculteurs du Canada qui ont le revenu agricole net le moins élevé, peu importe où on le situe. La crise agricole, qui découle de la guerre des subventions, frappe la Saskatchewan plus directement que toute autre province étant donné que l'économie agricole de la Saskatchewan repose davantage que celle d'autres provinces sur la production des céréales et des oléagineux. Or, le sol de la province se prête à ce genre de culture.

Les producteurs de la Saskatchewan ont diversifié leur production. Ils se sont mis à cultiver des cultures spécialisées qui ne se vendent pas non plus aussi bien qu'elles le devraient à l'heure actuelle. La province compte aussi d'importants éleveurs de bétail. On ne peut pas attribuer la crise actuelle au fait que les agriculteurs de la province n'ont pas essayé de diversifier leur production pour répondre aux besoins des marchés mondiaux. En fait, le contraire est vrai.

Le problème qui se pose—et que confirment les tableaux dont nous disposons—est que les producteurs de céréales et d'oléagineux du pays reçoivent les subventions les plus faibles au Canada. Par conséquent, le revenu agricole net est négatif ou très faible, ce qui signifie que les agriculteurs n'ont pas l'argent voulu pour acheter du combustible ou des engrais. L'industrie des engrais est l'industrie secondaire sur laquelle repose l'économie de la Saskatchewan. C'est cette industrie qui fait tourner l'économie rurale.

La crise se propage maintenant dans le secteur manufacturier. Les entreprises manufacturières fabriquant des produits à séries restreintes ont mis à pied un nombre considérable de personnes. Elles n'engagent plus comme autrefois des centaines de travailleurs. En fait, elles ont dernièrement mis à pied des centaines de travailleurs.

On s'attend à ce qu'en raison de l'effet d'entraînement, jusqu'à 20 à 40 p. 100 des producteurs ne pourront pas ensemencer leurs terres l'an prochain à moins d'obtenir une aide financière du gouvernement fédéral.

• 0855

Je pourrais poursuivre pendant longtemps, Lorne. Certains diront que nous crions au loup, mais ce n'est pas le cas. Ni vous ni moi ne nous prêtons à ce genre de jeu.

M. Lorne Nystrom: Je pense comme vous qu'il ne faudrait pas sacrifier à Seattle les intérêts des agriculteurs des Prairies pour protéger les offices de commercialisation.

Par ailleurs, j'appuie les offices de commercialisation. J'aimerais savoir si c'est aussi votre cas? Appuyez-vous les offices de commercialisation? Ces offices existent aussi en Saskatchewan. Comme vous le savez, il y a un agriculteur à Wynyard, d'où je viens. Les offices de commercialisation des produits laitiers, de la volaille et des oeufs jouent aussi un rôle important en Saskatchewan.

Soutenez-vous qu'il ne faut pas appuyer les offices de commercialisation? Continuez-vous d'appuyer les offices de commercialisation? Je veux être sûr de ne pas me tromper.

M. Elwin Hermanson: Je n'en veux pas à certains producteurs agricoles de connaître du succès, que ce soit les producteurs de volailles, les producteurs laitiers ou les producteurs de boeuf. L'industrie du boeuf est d'ailleurs la moins subventionnée de toutes les industries agricoles. Les subventions versées aux producteurs de boeuf au Canada représentent 6c. par dollar de revenu. La subvention est de 4c. par dollar de revenu aux États-Unis. Les producteurs de boeuf canadiens et américains se retrouvent donc dans la même situation. Notre industrie du boeuf peut se tirer d'affaire seule. Elle connaîtra des hauts et des bas, mais elle sera toujours compétitive. Dans l'industrie de la volaille et dans l'industrie des produits laitiers, nos subventions sont comparables et, dans certains cas, sont même supérieures aux subventions versées aux États-Unis ou dans la communauté européenne. Nous pouvons faire concurrence aux importations provenant de ces pays parce que les règles du jeu sont les mêmes pour tous.

C'est dans l'industrie des céréales et des oléagineux et, dans une moindre mesure, dans l'industrie des cultures spécialisées que d'autres pays offrent des subventions supérieures aux nôtres. Je crois que la plupart des producteurs aimeraient que les subventions diminuent à l'échelle internationale et, si c'était le cas, ils seraient alors prêts à s'en remettre au jeu du marché.

Ce que les agriculteurs ne sont cependant pas prêts à accepter—et c'est dans ce domaine qu'ils s'attendent à ce que le gouvernement fédéral joue un rôle en ce qui touche le commerce international—c'est que nos compétiteurs jouissent de subventions élevées contrairement à eux. Ce sont ces subventions qui ramènent les prix à des niveaux qui ne peuvent pas soutenir une industrie.

M. Lorne Nystrom: Pour que ce soit bien clair, Elwin, appuyez-vous les quatre offices de commercialisation qui existent actuellement. Je parle du principe sur lequel reposent ces organismes. Appuyez-vous l'idée d'un office qui réglemente l'offre en dindons, en poulets, en produits laitiers et en oeufs?

M. Elwin Hermanson: J'ai certaines préoccupations au sujet des offices. J'appuie cependant le rôle qu'ils jouent. J'ai dit publiquement lorsque j'étais député que je ne voulais pas que cette industrie connaisse des difficultés. Je sais, par exemple, que les quotas fixés pour la Saskatchewan sont beaucoup moins élevés que ce que notre poids démographique... L'industrie laitière et l'industrie avicole pourraient croître en Saskatchewan si les quotas étaient répartis autrement. La situation actuelle ne nous sert pas. J'aimerais qu'on apporte certains changements à la gestion de l'offre. Je crois que même les producteurs de ces secteurs aimeraient qu'on y apporte des changements.

Nous devons également voir quel est le potentiel qui existe à l'échelle internationale. Nous ne voulons pas que certains secteurs agricoles soient traités de façon inéquitable à l'OMC. Nous ne voulons pas qu'un secteur soit favorisé par rapport à un autre comme cela a été le cas dans le passé. Nous craignons qu'à Seattle on cherche à protéger la gestion de l'offre au détriment d'industries qui sont extrêmement importantes en Saskatchewan.

M. Lorne Nystrom: J'aimerais maintenant que vous nous expliquiez la contradiction apparente à laquelle vous avez fait allusion.

M. Elwin Hermanson: Oui.

M. Lorne Nystrom: Il y a d'une part ceux qui s'opposent complètement aux subventions et qui sont partisans d'un libre-échange pur. Il y a, d'autre part, ceux qui réclament une certaine aide pour les agriculteurs des Prairies. Je comprends évidemment le problème que posent les énormes subventions qui sont accordées aux producteurs européens et aux producteurs américains. Les céréaliculteurs touchent au Canada 9c. de subvention par dollar de revenu contre 38c. aux États-Unis et 55c. en Europe.

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cette aide à court terme est tellement nécessaire. Je suppose que vous appuyez la position commune de la Saskatchewan et du Manitoba sur les 1,3 milliard de dollars...

M. Elwin Hermanson: C'est juste.

M. Lorne Nystrom: Pourriez-vous nous donner plus de précisions à cet égard.

M. Elwin Hermanson: Volontiers.

Une des principales préoccupations des producteurs a trait au coût élevé des intrants. Le coût des intrants augmente pendant que le revenu, c'est-à-dire le rendement sur les intrants, diminue. Une réduction des impôts permettrait de compenser pour l'augmentation des intrants. Les impôts constituent l'un des plus importants intrants des agriculteurs.

La Saskatchewan a besoin d'une économie solide et des impôts peu élevés stimulent l'économie. Nous croyons que le fait d'accorder une aide financière aux agriculteurs stimulera l'économie et nous croyons que cet investissement rapportera bien davantage aux contribuables que si on laisse l'industrie péricliter compte tenu des ajustements qui s'imposeront. Les ajustements sociaux et la perte d'infrastructures qui résulteraient de l'effondrement de l'industrie agricole en Saskatchewan seraient énormes. Le coût serait tellement élevé qu'il surprendrait même Paul Martin.

• 0900

Voilà pourquoi nous ne voyons pas de contradiction dans le fait que nous réclamons, d'une part, l'injection de fonds dans le domaine agricole et, d'autre part, une diminution des impôts pour stimuler l'économie. Ces deux mesures ne sont pas contradictoires. En fait, elles sont dans l'intérêt à long terme du Canada.

Le président: Je vous remercie, monsieur Nystrom.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président, et je vous remercie, monsieur Hermanson. J'ai écouté avec grand intérêt votre exposé et je comprends, comme mes collègues le comprennent aussi, j'en suis sûr, à quel point la situation des agriculteurs de la Saskatchewan est grave. J'aimerais donc revenir sur deux ou trois points que vous avez soulevés.

Vous avez parlé de supprimer complètement la taxe sur les petites entreprises. L'on s'entend pour dire que les impôts sur les sociétés sont trop élevés, mais je crois que les impôts sur les petites entreprises sont parmi les plus bas dans le G-7. Peut-être pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez qu'on devrait supprimer complètement les impôts sur les petites entreprises.

Je crois qu'on a tendance à oublier ce que le gouvernement fédéral a déjà fait pour soutenir le revenu agricole, et j'aimerais le répéter pour la forme. Je ne suis pas sûr de la somme exacte, mais je crois que le gouvernement a déjà investi un milliard de dollars à cette fin. C'est une somme importante.

Permettez-moi, monsieur Hermanson, de me faire l'avocat du diable. Pensez-vous que toutes les exploitations agricoles de la Saskatchewan sont viables à moyen terme et à long terme? Peu importe ce que nous faisons, il sera difficile de faire concurrence aux Trésors des États-Unis et des pays membres de l'Union européenne. Je ne sais pas quelle sera l'issue de cette guerre des subventions, mais je pense qu'il faut être réaliste et accepter que certaines exploitations agricoles de la Saskatchewan ne vont pas survivre. Peut-être convient-il d'axer nos efforts sur les entreprises agricoles qui sont viables et d'aider les autres agriculteurs à faire la transition vers un autre domaine. Est-ce une stratégie viable? J'aimerais connaître votre avis sur ces deux questions.

M. Elwin Hermanson: Je serai heureux de vous faire part de mon avis puisque vous soulevez deux excellentes questions.

Pour ce qui est des impôts sur les petites entreprises, je faisais allusion à notre programme électoral provincial. Le taux d'impôt sur les petites entreprises s'applique aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 200 000 $. Je crois que la Saskatchewan se situe au second rang, et peut-être même au premier, pour ce qui est du taux d'impôt sur les petites entreprises. Le gouvernement tire 50 millions de dollars de recettes fiscales des petites entreprises. Nous avons trouvé des moyens de compenser la perte de ces 50 millions de dollars si cet impôt est éliminé graduellement sur quatre ans. Nous avons pensé donner un avantage concurrentiel à la Saskatchewan par rapport aux autres provinces. À moins que les autres provinces nous emboîtent le pas, nous serions la seule province où il n'existerait pas d'impôt sur les petites entreprises. Je ne parlais pas de l'impôt fédéral sur les sociétés.

Vous comprendrez, j'espère, que notre province est voisine de l'Alberta où les taxes sont les plus faibles, dans toutes les catégories. Comme nous avons besoin d'attirer des petites entreprises en Saskatchewan, nous pensions que ce serait un excellent moyen de le faire sans compromettre l'équilibre du budget de la province.

Pour ce qui est du programme ACRA, vous avez dit que la somme de 1 milliard de dollars représentait beaucoup d'argent. Le problème vient de ce que ce programme est adapté seulement à certaines provinces. En raison d'une caractéristique unique de la Saskatchewan, la province qui a le plus besoin d'aide ne reçoit pas l'aide nécessaire. J'ai les données relatives aux sommes versées en vertu du programme ACRA en date du 17 novembre. En Saskatchewan, le nombre de demandes reçues a été de 28 805. Le nombre de demandes agréées était de 8 294 et les sommes versées totalisaient 86 083 426 $. Le versement moyen—montant que l'on peut plus facilement se représenter—en Saskatchewan est de 10 379 $. On a rejeté 13 623 demandes, de sorte que sur un total de 21 917 dossiers traités, seulement 10 000 ont été acceptés. On a rejeté un plus grand nombre de demandes qu'on en a acceptées, et le total des sommes versées a été bien inférieur en Saskatchewan que dans les autres provinces. C'est pourquoi il y a tellement de frustration.

Vous voudrez peut-être demander à votre ministre de l'Agriculture d'enquêter là-dessus, mais je ne pense pas que l'argent va aux bonnes personnes en Saskatchewan. Les paiements sont fondés sur le chiffre d'affaires net et nous avons l'impression que les agriculteurs qui ne devraient pas obtenir d'aide du programme ACRA s'en tirent mieux que ceux qui devraient obtenir de l'aide. C'est la raison pour laquelle, à mon avis, le programme cause tellement de frustration dans notre province. Je suis persuadé que d'autres témoins vous donneront des renseignements beaucoup plus détaillés à ce sujet.

• 0905

Quant à savoir si toutes les exploitations agricoles en Saskatchewan sont viables, je ne puis le dire. Le problème à l'heure actuelle vient de ce qu'aucune ne semble l'être dans cette province; il s'agit seulement de savoir pendant combien de temps elles pourront encore tenir, parce que toutes, sauf peut-être dans le secteur du boeuf, fonctionnent à perte.

Quelqu'un qui a une grande ferme, qui est un bon gestionnaire, qui est en affaires depuis longtemps et qui a profité des bonnes années 70, et dont la terre est payée, pourrait parvenir à tenir encore cinq, six ou sept ans. Qui sait? Pour un agriculteur plus jeune, si bon soit-il, 1999 sera peut-être sa dernière année.

Le problème dans ce secteur est que même si la survie d'une exploitation agricole est reliée à la gestion, ce n'est pas le critère principal dans la province. Les principaux critères sont la date du début de l'entreprise, le niveau d'endettement et le moment où le bien affecté en garantie cesse d'avoir de la valeur et où les banques peuvent saisir les biens. Toutes sont sur la même pente, et seules les plus solides vont tenir plus longtemps.

Si les conditions étaient égales pour toutes, la plupart des exploitations agricoles en Saskatchewan survivraient, elles prospéreraient et paieraient des impôts sur le revenu, en plus de continuer de contribuer à l'économie canadienne comme dans le passé. S'il y a des exploitations agricoles mal gérées—et il y en a quelques-unes, comme dans tout autre secteur—, elles feront faillite. C'est normal et personne ne s'en formaliserait à condition que la situation soit équitable pour tous et que nous ne soyons pas victimes de cette guerre commerciale, et que nous jouissions d'un filet social équivalent à celui des autres provinces.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, monsieur Hermanson. J'ai apprécié votre exposé.

Comme j'ai déjà présidé le caucus du Nord et de l'Ouest, je sais que nous avons passé bien des heures à discuter de ces préoccupations et de cette crise dans le secteur agricole. Comme vous le savez, le ministre Ralph Goodale est membre de ce caucus. Nous avons donc un grand nombre d'experts dans notre groupe et je tiens à vous dire que votre situation nous préoccupe beaucoup et que nous partageons certaines de vos frustrations et certains de vos problèmes.

J'aimerais vous poser quelques questions. Premièrement, nous savons que même les rapports du caucus international font état de ce problème. Le programme ACRA, de 900 millions de dollars, ne fonctionne pas, et je crois qu'on envisage de procéder à une réforme. Je pense que vous le savez. Nous examinons les exigences, les critères. Je pense que c'est là que se situe le problème et nous espérons pouvoir y remédier. Pensez-vous que le processus est le bon pour vous?

Deuxièmement, vous avez parlé d'une approche axée davantage sur l'avenir, mais que prévoit-on sur le plan de la formation professionnelle ou technique pour la jeune génération d'agriculteurs? Je n'ai peut-être pas à le rappeler, mais nous devons penser davantage à l'avenir.

Ce sont là les deux questions que je vous pose.

M. Elwin Hermanson: Merci. Ce sont d'excellentes questions.

Premièrement, en ce qui concerne la réforme du programme ACRA, ce programme comporte tellement de défauts que la plupart des intervenants du secteur en Saskatchewan doutent très fort qu'on puisse le corriger. Lorsque M. Vanclief est venu, la semaine dernière, je crois, il s'est engagé à exercer de très fortes pressions auprès de ses fonctionnaires pour qu'ils versent l'argent très rapidement. Il parlait de faire verser aux agriculteurs l'argent prévu pour l'année 1998 d'ici Noël.

Le problème est le suivant: Il me semble et il semble aux gens de la Saskatchewan que le programme est une catastrophe et que le ministre essaie seulement d'en accélérer la mise en oeuvre. Cette approche ne réglera pas nécessairement le problème.

Si vous voulez changer les critères du programme ACRA, cela dépendrait de ceux que vous choisissez. Il faudrait qu'ils soient à ce point fondamentaux que le nouveau programme ACRA ne ressemblerait en rien à l'ancien. Je n'ai pas encore l'impression que M. Vanclief comprend que les changements doivent être d'une telle envergure.

Quand il est venu, il nous a semblé qu'il pensait pouvoir faire mieux fonctionner le programme sans beaucoup le modifier, en y injectant 170 millions de plus et en accélérant le traitement des demandes. Cela ne résoudra pas le problème. Il n'y a pas suffisamment d'argent affecté au programme ACRA, et certains des critères clés du programme—l'élément «chiffre d'affaires net admissible», la façon dont l'argent est distribué—ne fonctionneront pas à moins qu'on les modifie.

J'admets donc que l'on pourrait le modifier pour qu'il puisse fonctionner, mais il faudrait procéder à une révision très complète. Je ne pense pas que M. Vanclief le comprenne encore.

• 0910

Pour ce qui est de l'avenir des agriculteurs, évidement la formation est une bonne idée. La plupart de nos agriculteurs, en particulier les jeunes, possèdent une très bonne formation. La plupart d'entre eux possèdent des connaissances dans un certain nombre de domaines. Beaucoup d'entre eux quittent le secteur et réussissent très bien, mais ils ne réussissent pas en Saskatchewan, ils le font à Calgary.

Randy Weekes, mon collègue de Biggar, et tous nos députés provinciaux, peu importe leur parti, pourraient probablement vous fournir une liste de dizaines d'anciens agriculteurs de la Saskatchewan qui ont abandonné l'agriculture parce qu'ils possédaient une bonne formation. Ils ont de bonnes stratégies de placement à Calgary et ils y dirigent des entreprises.

Si le gouvernement fédéral est satisfait de voir la Saskatchewan décliner comme province et devenir un véritable fardeau pour le pays, et de voir l'Alberta très bien réussir, il n'y a qu'à continuer sur la même voie et c'est ce qui se produira.

Le problème n'est pas l'initiative des gens de la Saskatchewan. Ils veulent travailler. Ils trouveront du travail et ils réussiront. Je pense qu'ils devraient pouvoir réussir en agriculture en Saskatchewan, parce que le Canada a besoin de cette industrie. Le monde en a besoin. C'est un secteur important. La production alimentaire est un secteur noble, l'un des secteurs les plus honorables au monde. Il serait honteux de laisser ce secteur fonctionner à un niveau inférieur à son potentiel.

Il existe des programmes de formation. S'il le faut, les agriculteurs quitteront leurs terres, ils quitteront la Saskatchewan, et ils réussiront. C'est ce qu'ils font. Mais je ne pense pas que c'est ce que le comité veut voir.

Le président: Je vous remercie.

Mme Sophia Leung: J'ignore à quel point le rapport Kroeger vous intéresse. Qu'en dites-vous? Dans quelle mesure les recommandations de ce rapport vous touchent-elles?

M. Elwin Hermanson: Je pourrais vous donner une réponse rapide.

M. Kroeger a axé son étude sur trois secteurs seulement, c'est-à-dire moins que ne l'avait fait M. Estey, et on l'avait critiqué parce qu'il avait été sélectif dans ce qu'il avait emprunté au rapport Estey. Il a parlé notamment de l'accès conjoint aux lignes ferroviaires par les compagnies de chemin de fer. Je pense que c'est l'un des secteurs qui avait retenu l'attention de M. Kroeger, ce que lui ont d'ailleurs beaucoup reproché les compagnies de chemin de fer.

Je pense pour ma part que la chose mérite d'être approfondie. Il faut qu'il y ait une certaine concurrence dans le secteur des transports. En Saskatchewan, les céréales sont transportées par route et par rail. Il y a énormément de concurrence dans le transport routier, et les frais de transport y ont diminué en conséquence. Dans le secteur ferroviaire, nous ne pouvons choisir qu'entre deux grosses compagnies qui n'arrêtent pas de réduire leur service, et la concurrence y est pratiquement inexistante. Les chemins de fer vous diront le contraire, mais en réalité, il y a très peu de concurrence. Mon opinion est que toute mesure qui aurait pour effet d'augmenter la concurrence dans ce secteur serait profitable pour l'industrie.

Je pense également qu'il serait utile de créer des compagnies de chemin de fer locales, ce que M. Kroeger a d'ailleurs envisagé. Je sais que je m'adresse au Comité des finances et qu'il s'agit d'un problème qui intéresse les transports, mais je vous inciterais à envisager de modifier la Loi sur les transports au Canada qui a été adoptée lorsque j'étais moi-même député, afin de faciliter la création de compagnies de chemin de fer locales qui, dans certains cas, pas dans tous, pourraient à mon sens être rentables et utiles à la fois pour l'industrie. Si vous y ajoutez une connotation environnementale, et je sais que c'est une question qui intéresse un grand nombre d'entre vous, il est évident que le transport ferroviaire est beaucoup moins dommageable pour l'environnement que le transport routier. Si nous voulons honorer nos engagements de Kyoto, il est important que nous ayons un système ferroviaire au Canada, mais plus particulièrement dans les Prairies, puisque le transport en vrac se fait beaucoup par chemins de fer.

M. Kroeger a également parlé de la Commission canadienne du blé. Il a recommandé, je crois, que la commission prenne possession des céréales aux ports et que le système des transports fonctionne sur une base davantage commerciale.

Pour parler franc, cela ne me poserait pas de problème. Le système commercial semble produire de meilleurs résultats pour le transport de la potasse, du charbon, du bois de construction, bref pour à peu près tous les produits qui ne sont pas agricoles, alors que dans notre secteur il y a beaucoup d'organismes qui se démènent pour répartir les wagons, qui essayent de décider quels matériels doit aller où et quand, et à mon avis il faudrait réduire le nombre de joueurs. Il ne sera pas facile d'exclure les compagnies de chemin de fer parce que le système leur appartient. Il ne va pas être facile non plus d'exclure les compagnies céréalières étant donné que ce sont elles qui achètent le grain et qui veulent en assurer l'acheminement. Je pense donc qu'il serait justifié d'extraire la Commission canadienne du blé du système de transport.

Le troisième élément dont je voudrais parler est le plafonnement des recettes. Il faut impérativement arriver à faire diminuer le coût du fret ferroviaire. M. Kroeger a recommandé, je crois, une réduction de 12 p. 100 de la tarification du fret ferroviaire. À mon avis, ce serait un strict minimum. Il semblerait que les compagnies de chemin de fer gagnent actuellement 5 $ la tonne de plus que ce n'était le cas auparavant, alors même qu'elles faisaient déjà des bénéfices. Elles pourraient fort bien rétrocéder 5 $ pour chaque tonne transportée tout en continuant à faire un bon bénéfice. Si, comme M. Kroeger le laisse entendre, on arrive à un plafonnement des recettes, je pense qu'il serait justifié de procéder de cette façon.

Le président: Merci, madame Leung.

Monsieur Jones.

• 0915

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, monsieur le président, et bienvenue à vous, monsieur Hermanson.

M. Elwin Hermanson: Je vous remercie.

M. Jim Jones: J'aimerais continuer dans la même veine que M. Cullen et vous demander si l'entreprise agricole familiale a un avenir. Ce que nous devrions essayer de faire, c'est précisément protéger l'entreprise agricole familiale. Selon vous, en quoi la politique canadienne et la politique américaine en matière agricole diffèrent-elles?

M. Elwin Hermanson: Les Américains déclarent, pendant les négociations commerciales internationales, qu'ils sont contre les subventions et qu'ils sont prêts à les faire baisser. Ils ont accepté de le faire pendant le dernier tour de négociation du GATT, le cycle d'Uruguay, à hauteur de 30 p. 100, je crois, sur une période de 15 ans.

Par ailleurs, alors que le Canada a emboîté le pas en en faisant même davantage, les Américains ont mis en réserve le montant de ces subventions et, lorsqu'ils en ont besoin, ils peuvent facilement dispenser des milliards de dollars à leurs producteurs agricoles. En plus, les subventions sont payées à l'hectare.

De notre côté, on nous dit qu'on ne peut pas avoir en Saskatchewan un programme d'aide calculé à l'hectare. C'est cela que nous dit M. Vanclief. Mais de l'autre côté de la frontière... Un cultivateur canadien dont les terres sont proches de la frontière américaine voit de l'autre côté de la frontière, son collègue qui touche une subvention à l'hectare. Les Américains ont un programme de prêt, on leur garantit un prix supérieur au prix mondial, et si le prix mondial n'arrive pas au niveau précisé dans les conditions du prêt, le gouvernement leur paye l'appoint. Le résultat net est que lorsque les prix chutent, le Trésor fédéral de Washington verse des milliards de dollars aux producteurs céréaliers du Midwest. Nous, nous devons leur faire concurrence parce que, lorsque cela se produit, les prix chutent. Nous, nous ne pouvons vendre que sur le marché mondial et il nous est impossible de gonfler artificiellement les prix.

J'ai entendu les politiciens dirent qu'il fallait garantir à nos producteurs agricoles un prix de 10 $ le boisseau pour la première tranche de 5 000 ou 10 000 boisseaux, simplement pour garantir leur subsistance. Mais c'est une chose extrêmement difficile à faire. Ce n'est qu'une formule possible. Je ne pense pas que ce soit la meilleure étant donné qu'elle est très difficile à mettre en oeuvre. Par contre, les Américains utilisent des moyens très semblables par l'entremise de leur programme de prêt et leurs subventions à l'hectare, et en faisant cela, ils rendent la vie dure à nos propres producteurs agricoles qui sont tout aussi productifs, voir plus productifs même, que les leurs.

M. Jim Jones: Si j'ai bien compris, les Américains ont décidé qu'il fallait effectivement sauver l'entreprise agricole familiale et ce qui se passe en fait au Canada, c'est que nous devons en arriver à prendre la même décision.

M. Cullen a demandé si l'agriculture était viable. Je dirais personnellement que si la tendance à l'augmentation des surfaces ensemencées se poursuit, effectivement l'agriculture pourrait encore être viable. Mais je pense que pour l'essentiel, nous devons décider si nous voulons oui ou non mettre en place des politiques fiscales ciblées qui nous permettaient de sauver l'entreprise agricole familiale au sens classique du terme. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Elwin Hermanson: Tout à fait. Partout dans le monde, les entreprises agricoles ont tendance à prendre de l'expansion, et cela correspond à la nature humaine: on veut sans cesse faire mieux et faire plus. Mais en Saskatchewan, nous n'avons pas emboîté le pas en faisant en sorte que notre production agricole puisse également être transformée chez nous. Et c'est là où intervient la fiscalité. Les taxes sont si élevées en Saskatchewan qu'il est plus rentable d'expédier la production brute en Alberta, au Manitoba ou en Ontario, chez vous, pour la transformation secondaire. Et bien entendu, c'est cette activité de transformation qui est porteuse d'emplois, et c'est également la raison pour laquelle notre province se dépeuple de plus en plus au profit des provinces voisines. Voilà quelques-uns des problèmes internes qui se posent à nous en Saskatchewan.

La viabilité de l'industrie ne poserait pas de problème si nous parvenions à réparer nos filets de sécurité, et c'est là où la province doit prendre l'initiative, si nous voulons que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde. Le gouvernement fédéral doit prendre position et faire ce qu'il faut pour que nos producteurs ne soient pas pénalisés par les subventions.

Je n'encense pas l'entreprise agricole familiale, mais il se fait que j'en ai moi-même une et je pense que cette entité est actuellement, en agriculture, l'une des unités les plus efficaces. Certains vous diront que si nous ne protégeons pas la ferme familiale, nous n'aurons plus que des énormes conglomérats agricoles. Pour être très franc avec vous, je pense qu'une ferme familiale peut être bien plus efficace qu'un énorme conglomérat agricole. Dans une entreprise agricole familiale, on n'intègre pas toujours nécessairement les frais de la main-d'oeuvre comme il faudrait le faire. Une ferme familiale pourrait probablement survivre aussi longtemps que n'importe quelle autre entité agricole étant donné l'iniquité actuelle de notre situation.

Oui, il faut qu'il y ait une certaine masse critique dans les Prairies pour réussir. Il faut sans doute avoir ou bien une exploitation agricole mixte avec au moins 1 000 acres de terre cultivée ou, à défaut, environ 2 000 acres, pour que ce soit viable. C'est la réalité et il en va de même au sud de la frontière, étant donné notre climat et tout le reste. Je n'en disconviens pas. Toutefois, il n'est pas nécessaire de renoncer à la ferme familiale, pas plus qu'il ne faut croire que, pour survivre, il faut qu'une entreprise comme Cargill ou le Saskatchewan Wheat Pool possède une demi-douzaine d'exploitations agricoles en Saskatchewan. Ce n'est pas mon avis.

M. Jim Jones: Vous avez dit au cours de votre exposé qu'au début des années 90, le gouvernement provincial a retiré tout appui ou toute protection à l'égard de l'exploitation agricole familiale. De quel appui parliez-vous?

• 0920

M. Elwin Hermanson: Dans les années 80, le Régime d'assurance du revenu brut, ou RARB, a été élaboré. Les trois provinces des Prairies y ont adhéré, ainsi que l'Ontario, qui continue d'appliquer ce programme. Je crois même qu'on continue de l'appeler RARB en Ontario, à moins que cela ait changé depuis.

Ce régime coûtait très cher. Les provinces estimaient ne plus avoir les moyens de l'offrir. Les trois provinces des Prairies ont donc annulé le RARB. La Saskatchewan, à notre avis, l'a fait de façon illégale. Elle a signé des contrats et ensuite, n'a pas respecté ses engagements et a adopté une loi disant que ce qu'elle avait fait était légal. Il y a donc beaucoup d'animosité au sein de la province.

Lorsque le RARB a été annulé, 500 millions de dollars environ ont été reversés dans les coffres provincial et fédéral. Le gouvernement fédéral ne l'a pas demandé, mais il a évidemment dû reprendre cette somme puisque le programme n'était plus en vigueur. Les provinces voulaient les fonds pour équilibrer leurs budgets, et elles se sont donc attaquées à l'agriculture, en supprimant cette mesure de protection.

En Alberta, le régime a été remplacé par un programme appelé FIDP, qui n'est guère différent du programme ACRA. Ce programme est en place depuis environ sept ou huit ans. Il permet de maintenir les niveaux de revenu des producteurs agricoles jusqu'à 70 p. 100 de leur niveau normal. Ces mesures ont déjà fait leurs preuves. On n'essaye pas de mettre en oeuvre ce genre de programme pour répondre à une situation de crise, au moment où c'est difficile.

Le Manitoba a opté pour un autre système. La province a relevé les paiements au titre de l'assurance-récolte et ajouté à ce programme un élément catastrophe naturelle grâce auquel les producteurs ne payent pas de primes sur la première moitié de leur protection. Ici en Saskatchewan, notre gouvernement a annulé le programme sans rien faire. Il a littéralement joué à la roulette russe avec les agriculteurs. Il a croisé les doigts en espérant qu'aucune catastrophe ne surviendrait, car nous sommes les moins protégés des trois provinces des Prairies et peut-être même de tout le pays. Évidemment, cela nous est retombé sur le nez.

Par conséquent, c'est un fait que nous critiquons vertement la province et que nous avons un programme de protection inférieur, mais ce n'est pas la raison qui nous pousse à en parler à un comité fédéral des finances. Nous savons qu'il faut faire quelque chose dans ce domaine. Nous nous occuperons de critiquer le gouvernement provincial lorsqu'il méritera ces critiques. Le gouvernement fédéral est responsable du commerce international, et c'est pour cette raison que je comparais devant votre comité. Si nous n'avions pas de problème dans le domaine du commerce international, je ne serais pas ici à parler au nom des agriculteurs. Le gouvernement fédéral doit absolument agir.

Je vous remercie.

Le président: Monsieur Hermanson, merci beaucoup de votre présence aujourd'hui, nous vous en savons gré. Vos observations nous seront utiles pour recommander des priorités au ministre des Finances.

Merci également à vous, monsieur Weekes.

M. Elwin Hermanson: Encore une fois, merci de nous avoir invités à comparaître malgré le bref préavis. Nous vous en savons gré.

Nous vous souhaitons bonne chance dans vos délibérations et nous attendons avec impatience le prochain budget.

Le président: Merci.

Nous faisons une pause de deux minutes.

• 0922




• 0925

Le président: Nous reprenons la séance. Soyez tous les bienvenus.

Nous recevons les représentants des organismes suivants: l'Association internationale des pompiers, l'Université de la Saskatchewan, le Saskatchewan Wheat Pool, la Chambre de commerce de Regina, la Federation of Saskatchewan Indian Nations et, à titre personnel, M. John Keen.

Nous commencerons par M. Keen.

Comme vous le savez, vous avez cinq minutes pour faire vos remarques, après quoi il y aura une période de questions et réponses.

Soyez le bienvenu, monsieur Keen.

M. John Keen (témoignage à titre personnel): Comme vous le voyez, l'exposé que je m'apprête à faire s'intitule «50,000 Whats of Power».

La préparation d'un budget doit être une tâche épouvantable. C'est un peu comme diriger une garderie remplie de sales gosses gâtés. Tout le monde veut de l'argent, et moi le premier. Je veux environ 3 milliards de dollars pour une politique agricole, un régime décennal prévoyant un examen au bout de cinq ans. Il nous faut une plate-forme stable—sans jeu de mots—pour revitaliser notre société rurale.

Le blé peut servir de pierre angulaire. On en cultive dans tout le Canada et c'est une denrée acceptable dans l'alimentation du monde entier. Si l'on fait du blé une source de revenu fiable, on réduira les pressions à l'égard des cultures de rechange et de l'élevage.

Combinons le prix cible américain aux régimes PL-480. Ces régimes protègent les agriculteurs américains contre les aléas du marché depuis des années. Le PL-480 est toujours en vigueur. Bien sûr, étant Canadiens, nous pouvons apporter des améliorations sur les deux fronts.

Il nous suffit de vendre 75 p. 100 de notre blé. Nous en vendons une partie à un prix fort, et le reste nous le vendons simplement, parfois même pour presque rien.

Aux termes de ce régime, le gouvernement achètera tout le blé qui reste lorsque le prix chute de 20 p. 100. Ce prix, ajouté au prix supérieur, sera mis en commun et reversé aux producteurs par la Commission du blé. Celle-ci pourra se charger des ventes, de la tenue des livres et de la distribution des fonds. Il est inutile d'adopter des formules complexes.

Les pays qui recevront ces céréales seront sélectionnés en fonction du revenu par habitant et de leur collaboration au deuxième volet du programme.

La Commission du blé peut être l'organisme gouvernemental qui se charge de livrer le produit au pays client et de percevoir le prix courant dans la devise du client. Ce dernier conservera cet argent et devra l'utiliser pour consentir des prêts à faible taux d'intérêt, surtout dans les régions rurales. Ce modèle s'inspire de celui de la Banque Grameen. L'accès au crédit à faible coût est la meilleure façon d'accroître le revenu disponible des pauvres, et nous devons accroître notre clientèle au lieu de l'exploiter.

Cet argent ne sera pas un simple prêt. Il pourra servir à aider une banque qui accorde du micro-crédit ou à contribuer à l'établissement d'une telle banque. La plupart des pauvres paient des taux d'intérêt tellement élevés qu'un taux acceptable va leur permettre d'économiser et même de réaliser un bénéfice. Avec le temps, nous devrions rentrer dans nos frais.

Ce modèle pourrait s'appliquer à toutes les transactions commerciales à l'avenir. Les habitants des pays industrialisés et en développement n'acceptent plus l'exploitation. Nous le voyons souvent dans les manifestations. Pendant la fin de semaine à Seattle, nous avons été témoins d'un affrontement sérieux. J'espère que les choses se sont calmées.

Trouver l'argent sera un problème. Pour trouver un éventuel excédent de 10 milliards de dollars, notre pays a dû fermer des écoles et des hôpitaux, et créer une classe marginale de sans-abri et de personnes mal nourries. Qui plus est, il nous faut 20 milliards de dollars de plus par an pour construire des routes, des ponts, des usines de traitement des eaux usées et des logements. La théorie des réductions d'impôt devient alors tout à fait fantaisiste.

Cela me ramène aux 3 milliards de dollars qui figurent sur ma liste de courses. Si l'on veut trouver l'argent, il faudra qu'il vienne des riches. Les pauvres n'en ont pas. C'est pour cela qu'ils sont pauvres.

Au cours des 25 dernières années, il y a eu des transactions de 1 billion de dollars en intérêts passant des contribuables aux détenteurs d'obligations, et nous avons perdu un autre billion de dollars à cause des dépenses fiscales, des remises d'impôt, des prix de transfert et des magouilles à l'étranger.

Si l'on s'inspire de l'expérience américaine dans notre pays, environ 40 p. 100 de cet argent est allé au 0,5 p. 100 des Canadiens les plus riches. Cela représente environ 16 milliards de dollars pour chacune des 50 000 familles qui se trouvent en haut de la chaîne alimentaire. Et le montant augmente au rythme de près de un milliard de dollars par an. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces gens-là sont riches.

Donc si je veux l'argent, c'est là où je peux le trouver, mais pour aller chercher 3 milliards de dollars chez les 50 000 familles les plus riches, il faudra prendre 60 000 $ de chaque famille. Cela représente plus de 16c. sur chaque dollar qu'elles recevront du gouvernement cette année.

Cela explique le titre de mon mémoire «50,000 Whats of Power». Lorsque nous leur apprendrons que nous allons chercher 60 000 $, les 50 000 diront: «Quoi?»—et croyez-moi, ces 50 000 personnes ont du pouvoir.

• 0930

Le président: Je vous remercie.

Nous allons maintenant entendre l'Association internationale des pompiers. M. Gerry Huget est président de la Saskatchewan Professional Fire Fighters Association, et Kevin Tetlow, est le trésorier.

Bienvenue.

M. Gerry Huget (représentant, Association internationale des pompiers): Bonjour.

La question dont je vais vous parler a peut-être été soulevée auprès du comité à quelques reprises avant votre arrivée à Regina, mais nous sommes ici pour renforcer cette position.

Au nom de plus de 650 pompiers professionnels de notre province qui sont également membres de l'Association internationale des pompiers, avec des représentants dans huit de nos villes, je suis heureux d'avoir l'occasion de venir m'adresser au comité au sujet d'une question qui préoccupe nos membres. Il s'agit de la réforme des pensions pour les pompiers.

Comme vous le savez, nous avons l'un des emplois les plus dangereux et les plus exigeants sur le plan physique. Non seulement les exigences physiques sont grandes mais dans l'exercice de notre profession, nous sommes couramment exposés à des matières dangereuses, à des combustibles toxiques et à des maladies transmissibles. Même si on améliore constamment les vêtements et l'équipement de protection et si l'on renforce la réglementation en matière de santé et de sécurité, les maladies professionnelles, le décès et les blessures sont autant de risques très élevés pour les pompiers.

C'est connu, l'espérance de vie des pompiers est inférieure à celle des autres habitants. Même si les services d'incendie recrutent et embauchent l'élite de la population sur le plan de la santé physique, nos membres contractent différents types de cancer et de maladies du coeur à un taux alarmant.

Ayant moi-même plus de 23 ans d'expérience comme pompier de première ligne, je peux vous dire que ce travail qui est extrêmement dur physiquement le devient encore plus avec l'âge. C'est une profession où on peut établir un lien direct entre, d'une part, le cancer et les maladies du coeur et, d'autre part, l'exposition, l'âge et l'ancienneté.

Les études révèlent que lorsqu'un pompier travaille au-delà de l'âge de 55 ans, le risque d'être blessé, tué ou de succomber à un cancer ou à une maladie du coeur augmente de façon remarquable. Ce n'est pas dans l'intérêt du pompier, des services d'incendie ou du public que nous nous sommes engagés à servir d'avoir une main-d'oeuvre qui, parce qu'elle est trop âgée, a dépassé ses capacité physiques pour pouvoir s'acquitter de son devoir de protéger la vie et les biens.

Le règlement de la Loi de l'impôt sur le revenu au Canada définit le métier de pompier comme étant une profession de protection de la population. Conformément à cette définition et au libellé du règlement, les pompiers canadiens peuvent prendre la retraite à l'âge de 55 ans. Le règlement stipule par ailleurs que le taux maximum d'accumulation des prestations pour les années de service est de 2 p. 100 aux termes d'un régime de pensions à prestations déterminées pour tous les emplois.

Les pompiers canadiens peuvent donc prendre leur retraite avant la plupart des autres travailleurs mais ils sont pénalisés sur le plan financier s'ils le font, puisque les cotisations ou le crédit pour les années de service cessent à la retraite. En d'autres termes, les pompiers n'ont pas la possibilité de compenser pour la réduction du revenu de retraite.

Si l'on reconnaît dans le règlement que les pompiers peuvent ou devraient se retirer à l'âge de 55 ans pour toutes sortes de raisons, on pourrait donc supposer que le taux d'accumulation des prestations devrait alors être ajusté afin de permettre à ce groupe professionnel de le faire sans être pénalisé. Le règlement ne fait rien pour permettre aux pompiers de compenser le manque à gagner en permettant d'augmenter les cotisations. Le taux actuel de 2 p. 100 d'accumulation des prestations ne permet pas à nos membres de cotiser davantage au régime de pensions agréé afin de compenser leur perte de revenu de retraite.

Nous recommandons vivement au ministre des Finances de modifier le règlement de la Loi de l'impôt sur le revenu afin de faire passer le taux maximum d'accumulation des prestations de 2 p. 100 à 2,33 p. 100 pour les pompiers professionnels au Canada. Cette modification que nous proposons au règlement constituerait une première étape cruciale au cours de ce processus, puisque les pompiers devraient alors faire cette même modification à leurs règlements respectifs sur les pensions et négocier ensuite avec leur employeur une augmentation des cotisations. Cette simple modification à la Loi de l'impôt sur le revenu permettrait aux pompiers de négocier collectivement une pension de retraite juste et équitable.

Le gouvernement reconnaît déjà que les pompiers doivent prendre une retraite anticipée en vertu de sa définition d'un agent de protection de la population qui se trouve dans le règlement. La retraite a une importance spéciale pour les pompiers professionnels car ils doivent faire face aux conséquences sinistres de leur métier pour leur espérance de vie.

Nous croyons que le moment est venu de corriger cette iniquité de longue date. Non seulement cette modification qui est proposée au règlement donnera un sentiment d'équité et de reconnaissance à ceux qui sont actuellement pompiers, mais cela permettra également aux futurs membres qui choisiront d'exercer notre profession d'avoir un lieu de travail plus sûr et plus sain.

Chaque année au printemps, les pompiers de la Saskatchewan et nos homologues des autres provinces se rendent à Ottawa pour porter cette question à l'intention des députés. Nous continuons de le faire en espérant qu'un jour la question de la réforme des pensions des pompiers sera résolue. J'ai abordé la question avec des députés de tous les partis politiques et tout semble indiquer que nous ayons leur appui ferme à cet égard.

• 0935

Une autre façon pour le gouvernement de nous aider à corriger cette iniquité du régime de pensions pour les pompiers serait d'appuyer un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député Lorne Nystrom. En avril 1998, le député Lorne Nystrom a présenté un projet de loi d'initiative privée, le projet de loi C-395, à la Chambre des communes. Ce projet de loi permettrait aux pompiers de recevoir des prestations réduites du RPC à l'âge de 55 ans et des prestations non réduites à l'âge de 60 ans. Nous aimerions remercier M. Nystrom pour les efforts qu'il a faits, et nous demandons à tous les députés d'appuyer son initiative.

En conclusion, j'aimerais encore une fois remercier le comité de l'intérêt qu'il porte à la question et de l'occasion qui m'a été donnée de venir vous parler d'une question de la plus grande importance pour nos membres au nom des pompiers professionnels de la Saskatchewan. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Michael Atkinson, vice-président, de l'Université de la Saskatchewan.

M. Michael Atkinson (vice-président, Université de la Saskatchewan): Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci beaucoup, mesdames et messieurs les membres du comité, de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui.

L'Université de la Saskatchewan compte environ 19 000 étudiants. Nous nous considérons comme une université moyenne selon les normes canadiennes, mais une université qui offre une large gamme de programmes.

Comme toutes les autres universités au pays, nos budgets ont été considérablement réduits au cours des 15 dernières années. Notre université a réagi comme d'autres l'ont fait. Nous avons offert une retraite anticipée afin d'accélérer le départ des membres du corps professoral et des membres du personnel—dans notre cas, environ 225 membres du corps professoral ont pris leur retraite au cours des 10 dernières années. Nous avons augmenté les frais de scolarité et d'autres types de frais pour maintenir à son niveau le plus élevé la qualité de l'enseignement que nous pouvons offrir.

C'est pourquoi notre université et, je le sais, d'autres universités au pays, se réjouissent que le gouvernement fédéral s'occupe à nouveau du secteur postsecondaire. Cette présence est des plus appréciées depuis sa première manifestation dans le cadre de la Fondation canadienne pour l'innovation. Dans le cas de l'Université de la Saskatchewan, nous sommes les heureux mais également méritoires récipiendaires de l'investissement dans le synchrotron. Les Instituts canadiens de recherche en santé sont une autre initiative importante à laquelle les universités participeront. Nous nous réjouissons de cette initiative et nous en félicitons le gouvernement fédéral. Enfin, avec l'annonce dans le dernier discours du Trône des chaires du XXIe siècle, franchement nous n'aurions pu entendre de meilleures nouvelles du gouvernement fédéral.

Ensemble, tout cela représente une renaissance réelle et une reconnaissance de la part du gouvernement fédéral de l'importance de la recherche; de l'importance critique des universités dans le domaine de la recherche au Canada, par rapport à d'autres, où la recherche industrielle est beaucoup plus intensive; et peut-être aussi du danger de perdre des gens extrêmement compétents. C'est un danger auquel nous faisons face quotidiennement dans les universités.

De façon générale, l'impact de ces investissements dans l'enseignement postsecondaire sera extrêmement positif. Je ne peux trop insister sur la grande importance de tout cela. Sachez que nous l'apprécions énormément.

Cela va créer quelques problèmes pour nous, et je voudrais que vous y songiez. Entre autres, cela va sans aucun doute augmenter les pressions à la hausse qui s'exercent sur les salaires dans les universités. On ne peut introduire un aussi grand nombre de nouveaux postes, même s'ils sont les bienvenus, sans créer une pression à la hausse sur les salaires. Cela obligera les universités à se faire concurrence les unes aux autres, dans certains cas pour un nombre relativement peu élevé de nouveaux membres du corps professoral. C'est une difficulté à laquelle nous devrons faire face, et nous sommes prêts à y faire face, mais je voulais vous le mentionner.

Je voulais également mentionner que presque toutes les universités au Canada ne sont pas prêtes sur le plan des locaux et d'autres besoins en infrastructure. Avant d'arriver à l'Université de la Saskatchewan, j'étais à l'université McMaster, et ils s'attendent à recevoir environ une centaine de ces nouvelles chaires. Je ne parlerai pas pour l'Université de la Saskatchewan, mais je peux vous dire que c'est le même message. Recevoir une centaine de nouveaux membres du corps professoral, avec toutes les exigences que cela représente pour les laboratoires, exercera des pressions énormes sur cette université, tout comme la nôtre et toutes les autres universités au pays.

Ces programmes redonnent considérablement d'énergie à l'activité de recherche dans les universités, mais il y a bien des choses qu'ils ne font pas—et qu'ils ne sont pas conçus pour faire—mais qu'il faut absolument faire.

Ils ne permettent pas de tenir compte du fait qu'au cours des 10 prochaines années, nous aurons plus d'étudiants dans le système que nous en avons à l'heure actuelle et que cela exercera des pressions accrues sur notre capacité d'enseigner.

Par ailleurs, ils ne tiennent pas compte de l'augmentation incroyable des coûts administratifs et universitaires.

• 0940

À l'Université de la Saskatchewan, ces initiatives importantes ne nous aideront pas à faire face aux difficiles changements démographiques qui auront lieu lorsque la population autochtone augmentera, ces familles étant très peu habituées à faire affaire avec une université ou un établissement d'enseignement postsecondaire.

Ces initiatives ne nous aideront pas à améliorer la qualité de l'expérience internationale de nos étudiants, car partout dans le monde les universités s'efforcent de s'assurer que leurs étudiants ont une expérience internationale. Nous n'avons réellement pas la capacité de faire la même chose à cet égard.

Ces initiatives, bien qu'elles soient importantes, ne permettront pas de donner au corps professoral la formation nécessaire pour offrir des cours en direct et faire en sorte que les membres du corps professoral soient au courant des nouvelles technologies.

Et ces initiatives, bien qu'elles soient importantes, ne nous aideront pas à éliminer l'arriéré des travaux d'entretien reportés—dans le cas de l'Université de la Saskatchewan, plus de 100 millions de dollars, et dans d'autres universités, le montant est beaucoup plus élevé.

Mon message est donc un message de gratitude de la part du système universitaire en général pour avoir reconnu l'érosion du financement des universités et l'importance critique des universités au XXIe siècle. C'est également un message disant que nous avons besoin d'aide pour maintenir les bases de l'université.

Les initiatives du gouvernement fédéral sont extrêmement importantes si nous voulons que notre capacité de recherche croisse à nouveau. Il faut également que les gouvernements provinciaux disposent des ressources nécessaires, car les universités relèvent des provinces et ces dernières pourront ainsi transmettre ces ressources aux universités.

Depuis 1994, comme vous le savez, les transferts de fonds du gouvernement fédéral pour la santé, l'enseignement et les services sociaux ont été réduits de 18 milliards de dollars à 12 milliards de dollars. Le transfert en matière de santé a permis de rétablir en grande partie le niveau de financement. Je suis ici aujourd'hui pour demander à votre comité de songer sérieusement à faire la même chose pour l'enseignement postsecondaire—non pas parce que les initiatives qui ont été annoncées ne sont pas importantes, et non pas parce qu'elles n'auront pas un impact important. Au contraire. Les besoins des universités sont cependant considérables et divers.

C'est absolument essentiel, et j'espère que vous reconnaîtrez qu'il y a des éléments dans la population qui sont en faveur d'un investissement dans l'éducation—et ce sont des personnes qui s'inquiètent, avec raison, de voir que la seule façon que les universités pourront compenser les compressions qui ont été opérées, ce sera d'augmenter nos frais de scolarité, parfois à tel point que bon nombre de familles ne pourront offrir cette expérience à leurs fils et à leurs filles.

En terminant, permettez-moi de vous dire que je vois bien qu'il y a eu des difficultés par le passé dans les transferts du gouvernement fédéral aux provinces, et de là aux universités—problèmes qui sont associés à la reconnaissance qu'il faut donner à l'importance du rôle fédéral. De toute évidence, les nouvelles initiatives—comme la FCI et les chaires du XXIe siècle—réussiront largement à régler ce problème.

Lorsque vous songerez à restaurer les transferts à l'éducation postsecondaire, je vous demande de songer aussi à inviter les provinces, comme nous l'avons fait, à conclure avec vous un accord sur l'éducation postsecondaire ou un accord avec les universités—accord qui donnera au gouvernement fédéral la reconnaissance qu'il mérite pour le rétablissement des crédits que nous recevrons bientôt, j'espère.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Atkinson.

Nous allons maintenant entendre le Saskatchewan Wheat Pool, représenté par M. Lyle Knutson, directeur, et Dan Schmeiser, gestionnaire du développement économique.

Bienvenue.

M. Lyle Knutson (directeur, Saskatchewan Wheat Pool): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est un plaisir que d'être ici ce matin.

Je m'appelle Lyle Knutson. Je suis d'une petite localité agricole du nom d'Elbow, qui est à mi-chemin entre Moose Jaw et Saskatoon, ici en Saskatchewan. Je suis producteur de céréales et d'oléagineux, et je représente aujourd'hui le Saskatchewan Wheat Pool et ses 50 000 membres.

Le SWP remercie le comité de l'avoir invité à contribuer à ce processus budgétaire. Je tiens à féliciter le comité d'avoir pris le temps de venir ici et d'entendre les groupes et les personnes que vous allez entendre au cours de la journée.

À maintes reprises, le ministre des Finances, M. Paul Martin, a souligné les sacrifices que les Canadiens ont faits pour parvenir à cet excédent budgétaire. Il faut reconnaître qu'une part importante de cet excédent provient des compressions aux services et de l'augmentation des coûts pour les fermiers et les Canadiens ruraux.

Notre gouvernement est maintenant en mesure de faire porter le débat public sur l'utilisation de cet excédent budgétaire, lequel atteindra quelque 95 milliards de dollars au bout de cinq ans, si l'on en croit les prévisions de notre ministre des Finances. Nous sommes heureux que ce débat, tel que celui que nous avons avec votre comité, servira de base à l'établissement des priorités budgétaires du pays. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut s'employer à hausser le niveau de vie et la qualité de la vie de tous les Canadiens.

• 0945

Au nom de ses agriculteurs membres, le Saskatchewan Wheat Pool tient à souligner l'importance des programmes agricoles et ruraux qui nous permettront vraiment d'atteindre ce but. Même si l'on prend en compte l'ajout récemment annoncé à l'initiative d'aide fédérale, l'intervention du gouvernement dans la crise agricole s'est avérée jusqu'à présent insuffisante, malheureusement. Nous faisons valoir avec vigueur qu'il faut compenser ces torts économiques si l'on veut assurer l'existence d'une industrie agricole viable en Saskatchewan et ailleurs dans l'Ouest.

Nous croyons que le secteur agricole est l'une des pierres angulaires de notre économie nationale et de notre société. Chose certaine, l'agriculture offre de grandes possibilités si l'on veut profiter de certaines avantages d'un marché mondial en pleine expansion. Si le Canada rural doit prospérer et si ses localités doivent avoir un nouvel espoir, la politique agricole future de notre gouvernement fédéral jouera un rôle essentiel.

En septembre dernier, les Canadiens ont eu un aperçu des coûts économiques et humains de la crise agricole, si l'on en croit les résultats du sondage effectué par le groupe Angus Reid. Dans les Prairies, 68 p. 100 des répondants au sondage et 74 p. 100 des répondants de la Saskatchewan ont indiqué que la santé économique de leurs fermes sera tout probablement en plus mauvais état cette année comparativement à l'an dernier. En outre, sans hausse substantielle dans les prix des denrées ou sans soutien gouvernemental pendant encore une année, 39 p. 100 de tous les fermiers interrogés ont dit, ou bien qu'ils songeraient sérieusement à quitter l'agriculture—35 p. 100—ou bien qu'ils quitteraient en fait l'agriculture—4 p. 100—d'ici l'an prochain. En Saskatchewan, 8 p. 100, soit deux fois plus de fermiers, ont indiqué qu'ils abandonneraient leurs fermes d'ici l'an prochain.

Nous croyons qu'une action de notre gouvernement fédéral doit prendre plusieurs formes. Elle doit comprendre une aide financière directe et immédiate, ainsi qu'un financement à long terme pour la mise en place d'un programme de protection du revenu efficace. Elle doit aussi comprendre des tarifs plus bas pour le transport des grains, l'annulation des droits d'utilisation et des mesures de recouvrement des coûts fédéraux, et la réduction des taxes sur les intrants.

À la fin d'octobre, une délégation de la Saskatchewan et du Manitoba a demandé 1,3 milliard de dollars en aide financière directe. Je pense qu'on a mentionné cela plus tôt devant votre comité. Cette aide permettrait de combler un déséquilibre et de soutenir nos producteurs de grains et d'oléagineux par rapport à leurs concurrents américains et européens. Nous conseillons fortement au gouvernement fédéral de réétudier cette demande et de lui faire droit.

Nous tenons à féliciter le gouvernement pour la position commerciale qu'il a adoptée avant le début des pourparlers de Seattle. Je pense que ces pourparlers commencent cette semaine. L'élimination des subventions à l'exportation et la réduction des mesures de soutien intérieures qui faussent les échanges, ainsi que l'élargissement des débouchés, placeraient les producteurs canadiens de grains et d'oléagineux dans une situation plus concurrentielle que celle qui existe en ce moment. Nous encourageons notre gouvernement à s'en tenir à ses objectifs dans le déroulement des négociations. Cependant, il faut se souvenir que tout gain réalisé dans ce processus ne sera obtenu qu'à long terme.

Le Comité consultatif national sur la protection du revenu a souligné que les programmes actuels de protection du revenu sont insuffisants et manquent de fonds. Cela étant, nous pressons le Comité des finances de repenser les engagements financiers que le gouvernement a pris dans ce domaine. L'approche que l'on épousera à l'avenir doit offrir aux fermiers des programmes qui leur donneront le degré de stabilité et de soutien dont ils ont besoin pour rester viables à long terme.

Nous demandons expressément que le degré de financement fédéral de la protection du revenu soit déterminé une fois qu'on aura défini les besoins. Deuxièmement, nous demandons que le gouvernement fédéral charge le comité consultatif national de mettre au point un programme national d'aide aux sinistrés.

Dans un autre domaine très important, la perte du programme fédéral d'aide au transport, qu'on appelait ici la subvention du Nid-de-Corbeau, a plus que doublé le coût de la circulation des grains, des oléagineux et de leurs produits vers les points d'exportation. Je vais vous donner un exemple clair de l'effet que cela a eu sur ma ferme. En 1995, il m'en coûtait 35c. pour envoyer un boisseau de blé de force roux de printemps de ma ferme vers le port. Aujourd'hui, il m'en coûte 1,09 $ pour le même boisseau. Comme vous pouvez le voir, pour une ferme moyenne qui produit 30 000 boisseaux, et rien que dans ma petite localité à moi, des millions de dollars ont été prélevés. Nos revenus s'en sont ressentis tangiblement.

L'analyse des coûts qui a été réalisée lors de la consultation industrielle de l'été dernier, qu'on a appelée le processus Kroeger, a démontré que les tarifs du service marchandises ferroviaire pour les grains dépassaient de loin le coût des services, et cela comprenait un rendement appréciable pour les chemins de fer. Ce fait étant prouvé, nous pressons le gouvernement d'adapter les tarifs ferroviaires marchandises à l'option C, comme le voulait le rapport d'Arthur Kroeger—soit le prix le plus bas possible.

• 0950

Nous rappelons qu'une telle mesure ne coûterait rien au gouvernement fédéral, mais permettrait de réaliser des économies pour les producteurs de plus de 170 millions de dollars. Je rappelle qu'il n'en coûtera pas un sou aux contribuables. Et cela aurait un effet considérable sur ma ferme.

En outre, nous pressons le gouvernement fédéral de donner suite à ces recommandations qui auraient pour effet d'améliorer le service, l'efficience, et rendraient le système de transport ferroviaire plus transparent et plus compétitif.

Les initiatives de recouvrement des coûts au fédéral ont eu pour effet d'augmenter les droits existants et d'en ajouter de nouveaux aux services que les ministères fédéraux fournissent. Ces coûts ont augmenté de 30 millions de dollars de 1994-1995 à 1997-1998. On s'inquiète aussi du fait que le manque à gagner budgétaire existant à la Commission canadienne des grains imposera de nouvelles obligations qui seront absorbées par les producteurs. Nous ne disons pas que nous nous opposons à certaines mesures de recouvrement des coûts; cependant, nous disons qu'au minimum, étant donné l'état actuel de l'agriculture, le gouvernement fédéral ne devrait prendre aucune nouvelle mesure de recouvrement des coûts.

La politique fiscale est l'un des obstacles les plus importants à la compétitivité du secteur agricole au Canada. Nous croyons qu'il est extrêmement important que tous les paliers de gouvernement coordonnent leurs efforts afin d'éliminer l'obstacle que constitue la politique fiscale au niveau de la concurrence dans ce secteur.

Des études révèlent que chaque dollar investi dans la recherche agricole a un taux de rendement très élevé. Non seulement ces dépenses sont importantes pour l'économie nationale, mais elles sont essentielles aussi si nous voulons que l'industrie agricole canadienne demeure concurrentielle au sein d'une économie qui se mondialise.

Le Saskatchewan Wheat Pool est déçu de constater que malgré les avantages reconnus pour l'industrie, l'environnement et l'économie, les dépenses du gouvernement fédéral pour la recherche restent bien au-dessous du niveau auquel elles étaient au début des années 90. Nous exhortons le gouvernement fédéral à accorder une plus grande priorité au financement de la recherche agricole.

En conclusion, le Saskatchewan Wheat Pool exhorte le gouvernement fédéral à prendre des mesures afin d'appuyer le secteur agricole, ce qui est conforme à l'orientation envisagée dans le discours du Trône et aux promesses du ministre des Finances dans son exposé économique.

À court terme, le gouvernement doit revoir immédiatement la demande récente d'aide financière directe et y donner suite. À plus long terme, la conception du futur filet de sécurité sociale, les négociations commerciales, le transport, le recouvrement des coûts, la politique fiscale et la recherche agricole sont autant d'éléments qui joueront un rôle important dans le bien-être économique du secteur agricole.

Nous exhortons votre comité à se pencher sérieusement sur ces questions, dans le cadre de vos délibérations sur l'objectif du prochain budget fédéral.

Cela étant dit, je voudrais tout simplement vous remercier, monsieur le président, de votre attention.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre les représentants de la Regina Chamber of Commerce, M. Jim Deane, président; et Bev Robertson, membre bénévole, Comité de la petite entreprise. Bienvenue.

M. Jim Deane (président, Regina Chamber of Commerce): Merci, monsieur le président. Bonjour. Au nom des 900 entreprises membres de la Regina Chamber of Commerce, j'aimerais vous remercier de cette occasion qui nous est donnée de vous présenter le point de vue de la chambre de commerce sur l'avenir de l'économie canadienne.

Je suis accompagné aujourd'hui de Bev Robertson, qui a créé une entreprise, et qui est membre du Comité de la petite entreprise et l'auteur de notre résolution sur la productivité qui a été présentée à la Chambre de commerce du Canada en novembre. La résolution a été adoptée à l'unanimité par la Chambre de commerce du Canada et sera à la base de la position de la Chambre de commerce du Canada relativement à la politique gouvernementale pour l'année à venir.

Je reconnais que nous ne disposons que de cinq minutes pour faire notre exposé, et je donnerai la parole à Bev dans un instant pour qu'il parle de nos recommandations spécifiques. Avant de le faire j'aimerais cependant prendre une minute pour exprimer notre préoccupation relativement aux taux élevés d'imposition du revenu des particuliers au Canada.

Chaque année, la Regina Chamber of Commerce fait un sondage auprès de ses membres pour recueillir leurs points de vue sur leurs perspectives économiques. Nos membres ont répondu avec une majorité écrasante que le principal problème auquel leur entreprise devait faire face aujourd'hui est celui des impôts. Par ailleurs, lorsqu'on leur a demandé ce qui aurait eu un impact positif sur leur entreprise, nos membres ont encore une fois répondu avec une majorité écrasante que c'était un allégement général de l'impôt sur le revenu des particuliers. Nous devons tout simplement remettre dans les mains de nos consommateurs une plus grande partie de leur argent.

Enfin, nous reconnaissons que dans le cadre du débat sur le surplus budgétaire il est question de nouvelles initiatives en matière de dépenses. Cependant, nous sommes d'avis que la liste des nouvelles initiatives devrait être très courte. La crise du revenu agricole dans l'Ouest canadien doit figurer en haut de la liste.

Encore une fois, je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée de venir vous présenter notre point de vue. Je vais maintenant donner la parole à mon collègue, Bev Robertson.

Le président: Merci, monsieur Deane.

• 0955

M. Bev Robertson (membre bénévole, Comité de la petite entreprise, Regina Chamber of Commerce): Je me suis assis hier pour rédiger des notes d'allocution concernant la résolution qui vous a été présentée et qui, je présume, a également été distribuée à Ottawa par la Chambre de commerce du Canada. Mais puisque environ trois mois se sont écoulés depuis, je me suis retrouvé plutôt à rédiger une mise à jour au sujet des dossiers, qui ont évolué tant pour ce qui est de l'économie que du débat sur l'économie. Ce résumé est donc devenu une mise à jour, et je vais maintenant vous présenter un résumé d'un résumé, en fait.

Permettez-moi de souligner que lorsqu'on parle de productivité, on parle de création de la richesse, et non pas de redistribution de la richesse. Nous avons besoin de la richesse pour maintenir notre niveau de vie et notre filet de sécurité sociale. En fait, je ne peux m'empêcher de remarquer, étant donné que bon nombre des questions qui vous seront présentées aujourd'hui porteront sur la crise agricole, que si nous nous étions sérieusement penchés sur la question il y a plusieurs années, nous aurions peut-être un débat tout à fait différent aujourd'hui sur ce que nous devrions faire au sujet de cette crise agricole.

Encore une fois, c'est à l'avantage de tous les Canadiens, pour la santé des Canadiens et leur qualité de vie, et non pas uniquement pour les entreprises au Canada. De la même façon, cela exige un effort de la part de tous les groupes de Canadiens: les gouvernements, les entreprises et la main-d'oeuvre. Je dois souligner que la résolution comporte quatre éléments portant sur bon nombre des questions qui ont été soulevées ici aujourd'hui: les impôts, la réglementation, l'enseignement, et la R-D.

Je pense que nous devons également parler du fait que l'économie canadienne a montré des signes de vie récemment. Personnellement, je dirais que cela signifie tout simplement que le changement dans notre façon de vivre et notre économie attribuable à la puce de silicium est tout simplement arrivé au Canada cinq ans après être arrivé aux États-Unis et dans bien d'autres régions du monde. Cela nous permettra, comme nous le faisons à l'heure actuelle, de revenir là où nous en étions auparavant; cependant, nous avions déjà une position faible. Je veux donc répondre à ceux qui prétendent que nous n'avons pas besoin de nous inquiéter de l'économie ou de la productivité, car tout cela se règle tout seul. Non, ce n'est pas le cas. Nous ne faisons que revenir là où nous en étions auparavant, ce qui n'est pas là où nous voulons être.

Plus spécifiquement, puisque je présume que votre comité s'intéresse particulièrement aux impôts, je pense que je dois souligner que tant la théorie que la pratique dictent que la plus grande mesure de relance économique consiste à abaisser les impôts sur le revenu des particuliers. Encore une fois, cela montre bien que nous ne parlons pas uniquement ici des entreprises; nous parlons de l'économie du Canada.

Il faudrait par ailleurs privatiser davantage là où cela est possible et éliminer les obstacles provinciaux tant pour les entreprises que pour la main-d'oeuvre.

À la séance au cours de laquelle cette résolution a été adoptée, nous nous sommes penchés sur le rapport Mintz. Nous ne l'avons pas inclus, car nous craignions que trop de gens n'en connaissent pas le contenu. Mais je sais ce qu'il contenait et j'appuie le thème général du rapport Mintz, qui correspond au thème du rapport Vicq dans notre province, c'est-à-dire que l'assiette fiscale devrait être davantage uniformisée et que les taxes devraient être réduites.

Enfin, très rapidement, nombreux sont ceux qui ont préconisé par le passé une réduction d'impôt, et nous avons eu toutes sortes de conséquences. Aujourd'hui, on fait valoir que des taux d'imposition moins élevés donneront lieu à des recettes fiscales moins élevées, et l'Irlande, les États-Unis, l'Alberta et l'Ontario semblent l'avoir prouvé. Je crois cependant que nous devons être prudents et faire remarquer que le Canada en général par le passé a utilisé cet argument et que cela n'a pas fonctionné. Nous n'avons pas oublié ce qu'on appelait la reaganomique et d'autres noms divers pour ce genre de politiques qui n'ont pas fonctionné par le passé. Nous devons donc nous assurer de bien comprendre pourquoi elles n'ont pas fonctionné dans certains cas alors qu'elles ont fonctionné dans d'autres, et je pense que c'est une question de discipline économique de la part des gouvernements en question.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Deane, avez-vous une dernière observation à faire? Non.

Nous allons maintenant entendre Don Ross, directeur de portefeuille, de la Federation of Saskatchewan Indian Nations.

M. Don Ross (directeur exécutif de portefeuille, Federation of Saskatchewan Indian Nations): Bonjour tout le monde. Je voudrais remercier le comité de nous avoir permis de venir vous présenter un exposé ce matin.

Je suis ici au nom du vice-chef Lindsey Cyr et de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, qui est l'organisme provincial le plus ancien et le plus fort qui représente les peuples des Premières nations au Canada.

La Federation of Saskatchewan Indian Nations représente 72 Premières nations, et elle est régie par nos chefs et notre assemblée. Le chef et le vice-chef de la FSIN sont élus par les chefs et les notables des Premières nations conformément à la Loi sur les élections de la FSIN et au droit coutumier.

L'exécutif travaille au nom des Premières nations afin de faire du lobbying, de faciliter et de mettre en oeuvre des politiques et des programmes qui encouragent et protègent leurs droits collectifs et nos droits collectifs et nos traités.

Nous aimerions vous parler aujourd'hui des questions auxquelles sera confronté votre gouvernement lorsqu'il établira les priorités pour le prochain budget. Je me rends compte que tout le monde met l'accent sur des priorités pour la répartition des surplus. Je suis ici pour vous faire comprendre les problèmes auxquels les peuples des Premières nations doivent faire face et la possibilité que ces problèmes aient un impact qui ira bien au-delà de nos communautés. Je crois que le coût des solutions aux problèmes des Premières nations rapportera des dividendes importants à tous les Canadiens. Nous voulons par ailleurs nous assurer qu'on ne s'adresse pas aux Premières nations uniquement dans la politique autochtone du budget fédéral, mais insister sur le fait que nous devons participer à la planification, aux programmes et aux priorités, comme on le dit dans le récent discours du Trône.

• 1000

Les défis auxquels sont confrontées les Premières nations sont résumés dans les statistiques sociales et économiques que je vous ai distribuées ce matin. Ces statistiques constituent en fait une fiche de rendement sur l'historique de la Loi sur les Indiens et des politiques du Canada relativement aux Indiens.

Permettez-moi de mettre en lumière certaines de ces statistiques. Les Premières nations ont une population très jeune. L'âge moyen d'un Autochtone de notre province est 17 ans. L'âge moyen pour les peuples non autochtones de la Saskatchewan est 35 ans. Un Autochtone de la Saskatchewan risque trois fois plus d'avoir moins d'une 9e année. Un Autochtone de la Saskatchewan risque trois fois plus d'être dans une famille monoparentale. Les Autochtones de la Saskatchewan ont un taux de logements surpeuplés 16 fois plus élevé que le reste du Canada. Les peuples autochtones de la Saskatchewan ont un taux de chômage 4,5 fois plus élevé que pour le reste de la Saskatchewan, et lorsque nous avons de l'emploi, nous avons un revenu moyen moins élevé que le reste du Canada.

Lorsque les gens disent qu'ils veulent que les peuples des Premières nations soient égaux aux autres Canadiens, j'espère qu'ils tiennent compte de ces statistiques. Nous aimerions beaucoup que ces statistiques changent et nous aimerions être égaux au reste du Canada. Le coût sur le plan social, humain et fiscal serait beaucoup moins considérable si ces chiffres changeaient.

Dans un effort pour s'attaquer à ces problèmes, la FSIN a entamé un processus avec le gouvernement du Canada et celui de la Saskatchewan afin d'établir de nouveaux rapports sur le plan de la gestion publique et sur le plan fiscal qui permettront de régler ces problèmes. Il faut mettre l'accent sur la gestion publique et sur les questions budgétaires, car ce n'est pas seulement une question d'argent. Pendant de nombreuses années, le gouvernement a dépensé de l'argent inutilement sans succès. Le moment est venu de changer fondamentalement nos rapports de façon à nous assurer qu'on accorde la priorité aux vrais problèmes et que l'on réussit vraiment à les régler.

À la suite d'entretiens au sein de deux groupes, soit celui de la gestion publique et celui des relations budgétaires, au cours des deux dernières années, le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Saskatchewan, de concert avec la FSIN, sont arrivés à s'entendre sur des principes communs qui formeront la base de notre vision pour l'avenir des peuples des Premières nations en Saskatchewan. À notre avis, cela contribuera considérablement à assurer la survie des communautés des Premières nations, à faire en sorte que ces dernières puissent prospérer dans le cadre de la nouvelle entente concernant les rapports fondés sur les traités au Canada.

Les nouvelles dispositions sur le plan budgétaire et de la gestion publique devraient aller au-delà des promesses écrites individuelles des traités afin de respecter l'esprit et l'intention de ces traités, c'est-à-dire la coexistence pacifique de nos nations, de façon à ce que nous puissions prospérer comme l'ont fait d'autres Canadiens qui se sont engagés dans ce genre de partenariat qu'on appelle le Canada par le traité. Plutôt que d'être centrée uniquement sur le gouvernement, notre vision de l'autonomie gouvernementale commence au niveau communautaire, d'où découlent la gestion publique et les éléments budgétaires.

Dans l'avenir qu'entrevoient les Premières nations, les collectivités des Premières nations auront vraiment le sentiment de prendre en main leur propre destinée. Cela voudra dire que les collectivités des Premières nations auront les moyens d'améliorer leur bien-être pour qu'il devienne comparable à celui des collectivités non autochtones, leur permettant ainsi de se doter de conditions sociales et économiques qui leur permettront de prospérer à l'avenir et de faire en sorte que les collectivités et leurs membres aient accès aux ressources et aux outils voulus pour créer des possibilités de contribuer à l'essor social et économique de la nation.

Nos collectivités sont fières de leur place en Saskatchewan et au Canada. Nous désirons et pouvons atteindre une plus grande autonomie. Nos membres, autant dans les réserves qu'ailleurs, participent activement à leur gouvernement et ont un sentiment d'appartenance. Nous tirons une certaine satisfaction de constater que les relations fondées sur les traités sont respectées par toutes les parties aux traités.

Dans notre vision, on reconnaîtra à chaque gouvernement de Première nation le pouvoir fondamental de donner son aval aux questions qui s'inscrivent dans le droit inhérent de se gouverner soi-même; ce gouvernement des Premières nations fonctionnera au niveau des collectivités, des régions et des provinces, tout en respectant chaque Première nation comme unité de base; les systèmes de gouvernement des Premières nations respecteront les traditions, l'histoire et la culture des Premières nations, ce qui peut en faire des systèmes très différents des gouvernements non autochtones; leur mise en oeuvre se fera par étapes, de manière à respecter la capacité et les priorités des collectivités des Premières nations; les gouvernements des Premières nations seront considérés comme légitimes par leurs citoyens, seront reconnus comme tels par les gouvernements provinciaux et fédéral et auront le pouvoir d'atteindre une véritable autodétermination et auront aussi les ressources voulues pour ce faire.

• 1005

Les éléments financiers de notre vision comprennent des contributions financières au gouvernement des Premières nations fondées sur la disponibilité des ressources et sur le besoin d'offrir des programmes et services comparables débouchant sur une plus grande autonomie, tout en respectant les obligations issues des traités; les Premières nations doivent disposer des ressources voulues pour atteindre un niveau de bien-être compatible avec celui des non-Autochtones; des relations financières de gouvernement à gouvernement qui respectent les principes de l'équité financière, de la compatibilité des programmes et des services, de la responsabilité, de l'abordabilité et de la durabilité.

Cette vision ne se réalisera pas du jour au lendemain. Elle devra évoluer et exigera beaucoup de travail et bien sûr l'appui des Premières nations et des non-Autochtones.

Les ressources nécessaires pour amorcer le changement fondamental seront définies dans les accords définitifs à l'issue de nos processus. Nous devons toutefois reconnaître qu'il y a une fenêtre limitée dans le temps pour faire en sorte que ces changements soient couronnés de succès. Il faut se mettre immédiatement à la tâche pour améliorer le sort de nos jeunes, qui font face à des possibilités immédiates limitées et qui vivent dans des conditions sociales inacceptables. Si nous attendons que tout cela prenne forme à plus long terme, il sera d'autant plus difficile et plus coûteux d'opérer les changements réels.

Les budgets du Canada doivent être axés sur une vision à long terme des besoins des Premières nations. La Commission royale sur les peuples autochtones réclame cette vision à long terme pour faire des changements en profondeur. Nous croyons que nous avons mis en place les processus voulus pour commencer à négocier ce changement et nous exigeons d'avoir les ressources nécessaires afin de garantir que, au lieu d'empirer les problèmes, on se dirige vers une solution positive.

Nous sommes heureux de voir que les priorités du gouvernement sont une meilleure qualité de vie pour tous les Canadiens, l'épanouissement des jeunes et des enfants, la santé des Canadiens et des soins de qualité, et des collectivités plus fortes. Nous devons maintenant veiller à améliorer le sort des Premières nations, car il est évident que nos problèmes n'ont aucune commune mesure avec ceux des autres Canadiens.

Nous devons aussi veiller à ce que les changements actuellement apportés aux programmes et services aident à mettre en place les nouvelles relations que nous avons énoncées dans notre vision. Nous devons veiller à ce que ces changements qui sont négociés soient financés à court terme en vue d'en améliorer les avantages sociaux et économiques à long terme.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ross. Je tiens à remercier tous les intervenants.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Chacun aura cinq minutes pour le premier tour.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous pour vos exposés. Je m'excuse d'être arrivé quelques minutes en retard. Je suis venu d'Ottawa par le plus court chemin et je me suis dirigé vers cette salle immédiatement à mon arrivée à Regina.

Passons donc aux questions. Premièrement, je voudrais remercier M. Atkinson. Je suis moi-même diplômé de l'Université de la Saskatchewan à Saskatoon; c'était il y a bien des années, longtemps avant même que vous ayez été conçu.

Le président: Dans les années 30.

M. Ken Epp: Un peu après les années 30.

Vous avez dit que la création de ces chaires d'études vous semblait à la fois enthousiasmante et inquiétante. Laissez-vous entendre que le budget devrait prévoir des fonds additionnels pour financer ces chaires d'études? Il me semble que c'est ce que vous avez dit. Je voudrais que vous le confirmiez ou que vous vous expliquiez à ce sujet.

M. Michael Atkinson: Je vous remercie de m'en donner l'occasion.

Les chaires elles-mêmes représentent un véritable progrès dans le débat sur le financement. Premièrement, elles ne sont pas exclusivement limitées aux sciences naturelles; il y aura possibilité de créer des chaires dans les sciences sociales, ce qui est très bien. Ce sera modeste, mais au moins ce programme vise à répondre à certains besoins pressants dans les universités.

L'autre élément positif dans la façon dont on a organisé cela, si je comprends bien—ce n'est pas encore fixé; je crois comprendre que l'on s'affaire actuellement à mettre au point les modalités—c'est que l'on ne se contentera pas de payer le salaire des professeurs que nous recruterons, mais que l'on paiera aussi une partie des coûts d'infrastructure associés à ce recrutement. Nous avons appris qu'il ne sert à rien d'embaucher un universitaire réputé, disons dans le domaine de la chimie, si on ne lui fournit pas des ressources suffisantes pour le démarrage et l'aspect technique.

Monsieur Epp, de la façon dont le programme prend forme, chacune des chaires qui seront attribuées à chaque université disposera d'un soutien suffisant. Il semble que ce soit le cas.

• 1010

Je ne veux donc pas m'en prendre au programme, mais plutôt signaler que le programme créera dans son sillage des problèmes pour les universités. Par ailleurs, il reste évidemment d'autres besoins énormes dans les universités que ce programme ne pourra pas combler.

Le gouvernement fédéral ne peut donc pas se contenter de dire qu'il a créé ce programme et qu'il va s'en tenir là, même si c'est un bon programme, et nous sommes d'accord, car cela pourrait laisser les universités—les provinces aussi, mais d'abord et avant tout les universités—aux prises avec d'énormes problèmes. En fait, ce que j'essaie de dire, c'est que j'espère que le gouvernement fédéral reconnaîtra que sa responsabilité dans le domaine de l'enseignement postsecondaire ne se limite pas à la portée de ce programme précis.

M. Ken Epp: Je vais donc répéter ma question et je vais vous demander d'y répondre. Nous demandez-vous de débloquer dans le prochain budget des fonds additionnels, en sus de ce que l'on envisage actuellement pour le financement de ces chaires...

M. Michael Atkinson: Non.

M. Ken Epp: ... ou bien est-ce suffisant? Vous dites que c'est suffisant. Bon, merci.

Je voudrais m'entretenir longuement avec vous, mais malheureusement mon temps s'écoule rapidement.

Je veux maintenant m'adresser aux représentants du syndicat du blé. J'ai une foule de questions, mais voici celle dont je veux vous parler. Vous avez demandé une baisse des tarifs de transport. Ce que nous faisons, c'est une consultation prébudgétaire. Plus précisément, que demandez-vous au gouvernement de faire dans le budget pour réduire les tarifs de transport?

M. Lyle Knutson: Je vous remercie pour cette question, monsieur Epp.

Je pense que cette question relève directement de M. Collenette. Ce que nous espérons, c'est que le comité fera des recommandations au Cabinet qui auront aussi un certain poids pour M. Collenette. Quant à savoir ce qu'il adviendra du processus Kroeger ou des recommandations, ce sera au Cabinet d'en décider. Tout ce que nous disons, c'est que cette question ne relève pas nécessairement du budget, mais que cela aurait une incidence extraordinaire pour les agriculteurs de l'Ouest qui souffrent des tarifs de transport élevés.

M. Ken Epp: Quand on a abandonné le tarif du Nid-de-Corbeau, on a fait un versement, et c'était apparemment une entente à perpétuité. Le gouvernement fédéral a éliminé la subvention et l'a remplacée par un paiement comptant. La compensation n'a-t-elle pas été satisfaisante?

M. Lyle Knutson: La réponse est non. Le versement était fonction du capital. Il y a beaucoup de producteurs qui sont en situation de métayage ou de location de leurs terres et qui n'ont pas nécessairement reçu une partie de cette somme. Comme vous le savez, les banques et les institutions financières en ont touché une partie. Ce n'est pas une solution satisfaisante à l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau. Les problèmes auxquels est confrontée la communauté agricole sont aggravés immensément par les subventions qui sont versées partout dans le monde, en particulier aux États-Unis et dans l'UE, mais ces problèmes sont également aggravés par les tarifs de transport élevés que nous payons actuellement.

Le président: Merci, monsieur Epp.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Merci, monsieur le président.

Je devrais probablement souhaiter officiellement la bienvenue à mes collègues en Saskatchewan, à Regina, ce matin, et remercier le comité d'être venu dans notre province.

Je voudrais poser deux ou trois brèves questions, la première à M. Knutson.

Je pense que vous avez dit que la production moyenne d'une ferme est de l'ordre de 30 000 boisseaux et que lorsque l'on a éliminé le tarif du Nid-de-Corbeau, les coûts ont augmenté, passant dans votre cas de 35c. à 1,09 $ le boisseau. Cela donne une réduction d'environ 22 200 $. Il me semble que la subvention du tarif du Nid-de-Corbeau était très loin de ce chiffre. Je pense que ce qu'il importe de faire comprendre aujourd'hui, c'est qu'à cause des guerres commerciales et à cause d'un gouvernement qui fait des excès de zèle en réduisant nos programmes de soutien, nous nous retrouvons dans une situation pénible qui n'est aucunement imputable aux agriculteurs de notre province.

Je pose donc la question suivante: si aucune aide supplémentaire n'est accordée par Ottawa l'année prochaine, qu'arrivera-t-il à l'agriculteur de la Saskatchewan dans un an ou deux? Les petites villes, les villages, le milieu des affaires... à quoi ressemblera cette province dans quelques années si l'on n'accorde pas une aide supplémentaire?

M. Lyle Knutson: C'est exactement ce qui nous inquiète. Nous en voyons déjà les conséquences, pour les raisons que nous avons exposées. Les problèmes ne pourront que s'aggraver si nous ne trouvons pas de solutions. Dans notre mémoire, nous avons adopté une approche très large, offrant un certain nombre de solutions de rechange. Il n'y a pas nécessairement de solution unique, quoiqu'un producteur m'ait dit que si l'on pouvait recouvrer ne serait-ce qu'une bonne partie de ce que nous avons perdu avec l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau, cela aiderait grandement à résoudre certains problèmes de revenu. Je suis convaincu qu'il y a un certain nombre de problèmes sérieux, et je pense que nous avons essayé d'en exposer quelques-uns.

• 1015

Le problème ne peut faire autrement que de s'aggraver. Il faut en revenir aux statistiques citées dans le document au sujet des sentiments exprimés actuellement par les producteurs. Ils se demandent s'ils devraient continuer à travailler dans l'agriculture. Et les producteurs qui ont encore un avoir propre, qui ont encore un actif net et qui voient sa valeur diminuer d'année en année vont dire que le moment est venu de tirer un trait et de passer à autre chose. Ce n'est pas à cause de mauvaises décisions d'affaires ou d'une mauvaise gestion, c'est le résultat de certaines politiques qui ont été appliquées, plus la guerre commerciale qu'on nous demande de livrer.

M. Lorne Nystrom: Ma question suivante s'adresse à Bev Robertson, qui s'intéresse beaucoup à la question de la productivité et qui s'interroge sur ce que nous faisons à ce sujet au Canada, et je lui suis certes reconnaissant de la réflexion qu'il a consacrée à cette question depuis un an ou deux.

Je voulais vous demander de nous aider à établir les priorités à l'intérieur de cette priorité, Bev. Supposons que le premier ministre vous téléphone aujourd'hui et vous dise: «Écoutez, monsieur Robertson, je vais vous nommer chef de notre conseil de la productivité; vous avez un milliard de dollars par année pour les cinq prochaines années.» En gros, quel ordre de priorité recommanderiez-vous d'adopter, par ordre d'importance et par ordre d'étape à suivre? Et comment intégreriez-vous à votre action les gens représentés par Don Ross, les Autochtones, qui sont tellement importants dans notre province, dans notre pays et dans notre ville? C'est une question très simple.

M. Bev Robertson: Eh bien, pouvez-vous me donner un mois pour y penser?

Tout d'abord, je représente ici, dans un sens, la Chambre de commerce du Canada, la Chambre de commerce de Regina, son comité de la petite entreprise et moi-même. Je dois donc d'abord décider au nom de qui je parle.

Si je m'éloigne de mes propres vues—je ne dis pas qu'il y a contradiction—j'ai la certitude que les chambres de commerce feraient de la réduction des impôts leur première priorité. J'ai tâché délibérément d'élargir la discussion pour englober d'autres questions qui sont liées à la productivité et qui sont débattues de manière générale dans d'autres régions du monde. Chose certaine, si j'étais Irlandais, l'éducation serait probablement la priorité numéro deux, à tout le moins; et la R-D, la troisième priorité; et les obstacles au commerce entre les provinces, la quatrième.

Je pense avoir répondu à votre question. Mais, pour parler franchement, j'aimerais avoir la chance d'y penser pendant quelques semaines, pour ensuite écrire un article là-dessus, ou quelque chose d'autre, parce que la question que vous posez est très vaste. Vous me demandez d'être plus précis, et j'aimerais bien l'être, mais je devrai y réfléchir davantage.

M. Lorne Nystrom: Si j'ai le temps de poser une autre question, monsieur le président, j'aimerais demander à Don Ross quelles seraient ses priorités pour le développement économique des Premières nations—pas seulement des Premières nations, Don, mais aussi des Autochtones qui vivent dans les villes, à Regina et à Saskatoon. Quels programmes notre comité devrait-il recommander au ministre des Finances pour ce qui est des priorités?

M. Don Ross: Voyez les ressources que le gouvernement dépense actuellement dans ce domaine; 10 p. 100 de ce que dépense en ce moment le gouvernement fédéral est réservé aux programmes sociaux, 10 p. 100 au développement économique, et vous vous demandez pourquoi nous avons ce genre de statistiques.

M. Lorne Nystrom: D'accord.

M. Don Ross: Je pense que si vous considérez les avantages économiques de ces programmes sociaux... Je vais citer l'exemple du logement. Il n'y a pas de programme urbain de logement; ce n'est plus une préoccupation nationale depuis 1986 ou 1987. Donc, depuis 10 ans, nos gens s'installent dans des villes qui n'ont aucune stratégie de logement. Mais si l'on fait un lien entre le logement et l'économie, et si on considère l'ensemble de la situation, le gouvernement fédéral dépense en Saskatchewan à peu près 40 millions de dollars pour le logement, pour la SCHL, l'article 95 et le programme de logement sur les réserves; pourtant, nos gens ne tirent aucun avantage économique de ces 40 millions de dollars. Tout va aux petites entreprises, aux parcs à bois, aux entrepreneurs; donc tous les avantages économiques de ce programme social de 40 millions de dollars vont à des non-Autochtones. Et pourtant nous ne pouvons pas trouver de travail dans ces parcs à bois, nous ne pouvons pas trouver de travail dans ces magasins, nous ne pouvons pas trouver de travail dans ces usines—où l'on fabrique des châssis, des portes, des bardeaux, tout ce que vous voulez.

Donc si vous considérez ces 40 millions de dollars... et nous demandons au gouvernement d'envisager un nouvel arrangement financier où nous aurions le contrôle de ces 40 millions de dollars, afin que nous ne touchions pas que l'avantage social de la maison au bout du compte, mais que nous profitions des avantages économiques qu'offrent ces emplois et de toutes les retombées économiques de ces 40 millions de dollars par année.

Si vous prenez seulement cet exemple du logement et que vous l'appliquez à tous les ministères responsables, soit aux 90 p. 100 de l'argent, aux 6 milliards de dollars que l'on dépense pour les Autochtones au Canada, si la population de la Saskatchewan est environ 12 à 14 p. 100 de cette population autochtone, alors 12 ou 14 p. 100 de ce budget va à la Saskatchewan, et pourtant nous n'en tirons aucun avantage économique. Vous pouvez faire intervenir ici notre Banque des Premières nations, le SIGA et d'autres activités économiques que nous avons en ce moment. Mais nous ne pouvons obtenir de prêts de la SCHL même si nous avons une banque à charte autochtone de catégorie A, parce que la SCHL dit que nous devons prêter directement à nos communautés.

• 1020

Il y a donc des politiques et des programmes du gouvernement pour la gestion publique, ou et voilà pourquoi nous disons qu'il faut examiner l'ensemble de ce nouveau secteur de finances et de gouvernance, de concert avec nos gens. C'est ce que nous faisons en ce moment même par la négociation, mais il faut que votre comité comprenne cela.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung: Merci à tous pour ces excellents exposés. J'ai appris beaucoup aujourd'hui. Je suis de la Colombie-Britannique.

J'aimerais poser ma première question à M. Atkinson. La semaine dernière, le Comité de l'éducation postsecondaire a rencontré des cadres de l'AUCC à Ottawa. Nous avons eu une très bonne discussion. En fait, ils partagent bon nombre de sentiments que vous avez exprimés. Nous avons discuté de l'augmentation des paiements de transfert. Comme vous le savez, l'éducation et la santé sont des responsabilités provinciales. Si nous augmentons nos crédits, comment allons-nous nous assurer qu'ils seront bien affectés à l'éducation postsecondaire pour vous aider?

M. Michael Atkinson: Il m'est difficile d'imposer un mécanisme de transfert particulier, mais...

Mme Sophia Leung: Je ne parle pas de mécanisme, seulement du concept en général. Je devrais peut-être clarifier. Dans le domaine de la santé, nous avons réalisé l'union sociale.

M. Michael Atkinson: À mon avis, il faudrait demander aux provinces et au gouvernement fédéral de signer un accord semblable à l'accord sur la santé, qui obligerait les provinces à verser des crédits aux universités et aux autres établissements post-secondaires. Ce n'est qu'en concluant un accord officiel comme celui-là que le gouvernement fédéral pourra obtenir une part de la reconnaissance qu'il recherche. À l'intérieur d'un tel accord, il serait possible de donner des directives supplémentaires, si vous jugez que c'est nécessaire—comme c'était le cas avec les bourses du millénaire pour les étudiants—aux provinces et ensuite aux universités afin qu'elles utilisent cet argent dans des secteurs précis.

Je tiens à rappeler que les universités sont attachées à leur autonomie, et que le fait de verser aux universités des fonds assortis d'exigences particulières compromet sérieusement la capacité que nous avons d'assumer cette autonomie.

Par contre, la situation des universités est tellement désespérée que nous accepterions toute mesure de soutien de la part des provinces qui nous viendrait du gouvernement fédéral, dans des conditions que nous pourrions tolérer. Il est possible de façonner un accord sur l'éducation postsecondaire qui répondrait aux exigences du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et des universités, et je vous invite instamment à songer à cette possibilité.

Mme Sophia Leung: Merci.

Monsieur le président, j'aimerais poser une autre question à M. Ross. La statistique que vous avez citée m'inquiète beaucoup. Elle n'est pas très encourageante.

Quelle est votre politique d'auto-assistance en matière d'éducation? Je pose la question parce que, comme vous le savez, le Canada a été bâti par ces nombreux nouveaux immigrants qui ont réussi grâce à l'éducation. J'aimerais savoir quelle est votre réflexion en matière d'éducation.

M. Don Ross: En fait, notre vice-chef assiste aujourd'hui à une cérémonie d'inauguration des travaux au Saskatchewan Indian Federated College de l'Université de Regina, en partenariat avec l'université. C'est la première université qui est propriété des Premières nations et contrôlée par elles au Canada. Nous avons commencé avec 25 étudiants au début des années 70, et nous en avons maintenant près de 2 500. Encore là, les retombées économiques pour l'Université de Regina sont formidables, et en plus il y a tout cet argent que les étudiants dépensent pour le logement et tout le reste dans la ville de Regina.

• 1025

Nous avons donc une université. Nous avons aussi le Saskatchewan Indian Institute of Technologies pour l'enseignement des métiers techniques. Nous avons donc les établissements qu'il nous faut pour administrer l'éducation et mettre en oeuvre nos droits issus des traités en matière d'éducation, tant du côté post-secondaire que du côté technique.

Notre système scolaire du jardin d'enfants à la 12e année au niveau des bandes relève de notre compétence et de notre contrôle. À cause de la compétence et des règlements du gouvernement provincial en matière d'éducation, nous avons des difficultés à mettre au point notre programme scolaire du jardin d'enfants à la 12e année. Lorsque nous avons mis au point notre propre programme et que nous avons commencé à enseigner à nos enfants à être fiers de qui ils sont et d'où ils sont, et lorsque nous avons essayé d'intégrer cela dans le programme d'études provincial, nous avons éprouvé des difficultés.

Voilà donc la direction que nous avons prise. Nous avons l'infrastructure. Il nous faut maintenant les ressources voulues.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier.

Comme vous le savez, étant donné que nous parcourons le pays, nous entendons plusieurs demandes.

Monsieur Keen, vous alliez dire quelque chose.

M. John Keen: Oui, j'allais dire quelque chose.

M. Hermanson et d'autres ont parlé de ce tableau qui indique les divers niveaux de subventions aux États-Unis et au Canada. Ce tableau n'a aucune pertinence. Vous remarquerez que l'on indique une proportion de 56 p. 100 pour les subventions aux produits laitiers au Canada. On parvient à ce chiffre en déterminant le niveau d'établissement des prix le plus élevé dans un pays par rapport au niveau le plus bas possible que l'on pourrait atteindre.

Je crois que l'OCDE est parvenue à ce chiffre en prenant ce qu'il en coûterait à un Canadien pour mélanger du lait en poudre de la Nouvelle-Zélande. Pour l'OCDE, cette différence dans le prix représente une subvention à l'industrie laitière. J'ai demandé à Ralph Ferguson, que certains d'entre vous connaissent, de m'obtenir les chiffres l'autre soir. En fait, pour l'industrie laitière au Canada, si vous expédiez du lait liquide, l'Ontario est à 1,4 p. 100, et non à 56 p. 100. On se sert donc d'un instrument inexact. C'est comme se servir d'un tournevis pour planter des clous.

Le président: Bonne observation.

Permettez-moi d'achever ce que je commençais à dire. Je tiens à vous remercier vivement.

Comme vous le savez, nous parcourons le pays, et le comité entend plusieurs demandes qui font état des besoins et des exigences des Canadiens. Essentiellement, nous cherchons à atteindre notre but ultime, à savoir comment notre comité peut faire des recommandations au ministre des Finances qui: a) reflètent les priorités et les besoins des Canadiens, et b) auront ultimement pour effet de hausser le niveau de vie et la qualité de la vie des Canadiens. C'est dans ce cadre que nous allons adresser nos recommandations au ministre des Finances la semaine du 10 décembre.

Je veux simplement vous dire que vos exposés ont certainement enrichi le débat. Bien sûr, étant donné que vous plaidez si bien vos thèses, notre tâche s'en trouve beaucoup plus compliquée. Nous allons tâcher de relever ce défi. Mais il ne fait aucun doute que, comme c'est toujours le cas dans la vie, il y a des compromis à faire, et nous devrons garder à l'esprit toutes les instances qui nous ont été faites d'un océan à l'autre, et du Nord au Sud, lorsque nous ferons nos recommandations.

Encore une fois, merci beaucoup.

La séance est suspendue pour une minute.

• 1029




• 1032

Le président: Encore une fois, bienvenue à tous.

J'ai le plaisir d'annoncer aux membres du comité ce matin que nous allons maintenant entendre les organisations suivantes: Ag-West Biotech Inc., la Canadian Association of the Non-Employed, la National Shared Parenting Association, la Wynyard and District Chamber of Commerce, et les SouthEast Concerned Agricultural Producers.

Comme vous le savez, vous avez cinq minutes pour faire votre exposé. Après quoi nous allons vous poser des questions. Nous allons commencer par M. Peter McCann.

Bienvenue.

M. Peter McCann (président, Ag-West Biotech Inc.): Merci, monsieur le président, et merci beaucoup au comité d'avoir accepté de nous entendre.

Je veux vous parler aujourd'hui de biotechnologie agricole, particulièrement de la nécessité de continuer à financer—et, espérons-le, d'augmenter le financement—ce domaine très important. Le comité a entendu parler ailleurs de l'importance de la génomique dans le domaine de la santé humaine et dans d'autres domaines, par exemple les ressources naturelles. La génomique a un rôle extrêmement important à jouer aussi dans l'agriculture.

Tout d'abord, quelques mots au sujet de ma propre organisation, Ag-West Biotech. C'est une société sans but lucratif qui compte cette année dix ans d'existence. Nous avons pour mandat de promouvoir le développement de l'industrie de la biotechnologie agricole en Saskatchewan. Nous avons connu quelques succès modestes à cet égard. À l'Université de la Saskatchewan et dans sa périphérie, nous comptons aujourd'hui 50 organisations différentes, soit environ 2 000 emplois, et 200 millions de dollars par année de ventes, qui proviennent directement de la biotechnologie agricole. Nous sommes situés à Innovation Place, qui est le parc de recherche bien connu de l'Université de la Saskatchewan. Nous croyons que la Saskatchewan est le centre nord-américain de la biotechnologie agricole.

La force de la Saskatchewan dans ce domaine tient au centre de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, dans lequel le gouvernement fédéral a récemment réinvesti 50 millions de dollars. Nous avons là une installation pointue. Nous avons là l'Institut de biotechnologie des végétaux, grâce au Conseil national de recherches, et bien sûr il y a les deux collèges universitaires de l'Université de la Saskatchewan, soit le Collège d'agriculture et le Collège de médecine vétérinaire.

• 1035

Notre réputation est faite. Nous avons reçu cette année la visite des ministres de l'Agriculture de la Chine, du Brésil et du Chili. Je vais quitter la séance aujourd'hui pour rencontrer une délégation du gouvernement danois qui est en ville cet après-midi. Nous sommes tenus pour un exemple mondial.

La génomique agricole représente une vague de recherche agricole entièrement nouvelle, qui va revitaliser ce qui est une industrie traditionnelle. La génomique est l'étude de la génétique, des gènes que l'on retrouve dans un organisme et de leur composition particulière pour ce qui est de leur chimie et de leur interaction.

Pour les 25 années à venir, cette science formera la base de la recherche en biotechnologie agricole ainsi que dans les divers domaines de la santé humaine. C'est un outil essentiel qui aidera les fermiers à rester concurrentiels. Le comité a longuement entendu parler ce matin de l'importance des fermiers en Saskatchewan et dans l'Ouest canadien, et de leur situation. La biotechnologie agricole, particulièrement grâce à la génomique, donnera aux fermiers les outils dont ils ont besoin pour rester concurrentiels dans l'avenir.

Les gouvernements des États-Unis et de l'Union européenne investissent des sommes très imposantes dans la génomique agricole. Nous avons déjà des points forts au Canad-a—des points forts particuliers. Outre nos établissements de Saskatoon, nous en avons aussi à l'Université de Guelph, à l'Université de la Colombie-Britannique, à McGill et à Laval. Mais nous avons besoin de nouveaux crédits importants pour coordonner à l'échelle nationale l'effort de recherche en matière de génomique agricole.

Génome Canada est une organisation dont vous avez entendu parler. C'est elle qui assurera la direction et la coordination nationale ainsi que l'excellence de la recherche scientifique qui se fera au Canada. Ce sera une instance parfaitement transparente qui complétera le travail des conseils subventionnaires et de la FCI.

Génome Canada propose de créer un petit nombre de centres de génomique hautement concentrés dans tout le Canada, dans des centres d'expertise régionaux—et nous espérons que l'un d'entre eux sera en Saskatchewan—qui permettront aux scientifiques canadiens d'accéder à une technologie et à un équipement de pointe. Ils géreront aussi des projets de recherche à eux.

Les centres vont offrir des moyens de recherche pointus et à haute vitesse ainsi que le personnel voulu pour les faire fonctionner. Voici quelques domaines où nous allons faire des recherches: le séquençage de gènes, la protéomique, la bioinformatique, le génotypage et la génomique fonctionnelle. Un aspect très important de chacun de ces centres sera l'étude des questions de la génomique touchant l'éthique, le droit et la société. C'est ce qu'on a appelé les GELS. Ici, la direction sera assurée par l'Université de Montréal et également l'Université de la Saskatchewan pour ce qui est de l'agriculture.

Outre ce programme, chaque centre offrira des programmes de sensibilisation publique et d'information pour s'assurer que le public comprenne bien ce qui se passe—et nous exprime sa sympathie, espérons-le.

Le centre national de génomique agricole sera un partenariat d'universités et d'entreprises privées. Il soutiendra l'industrie agricole canadienne, qui génère des recettes de 30 milliards de dollars par année, et aura des antennes régionales dans des centres d'expertise établis. On a identifié plusieurs projets qui pourraient l'intéresser, par exemple la découverte de nouveaux produits agricoles—qui donneront aux fermiers canadiens de nouveaux produits à vendre sur les marchés étrangers—et qui ajouteront de la valeur à des récoltes comme celles du blé et du maïs, et qui permettront de produire de nouvelles variétés de légumineuses comme le soya et les légumineuses à graines, et d'améliorer le bétail.

Nous venons d'achever un processus de consultation nationale. Plus de 100 chercheurs en génomique agricole dans 21 centres à travers le pays ont été consultés. Nous avons tenu des rencontres dans sept provinces. La nécessité de cette initiative a été confirmée, et nous avons réalisé un consensus—ce qui n'est pas toujours facile à faire quand on parle à 100 chercheurs scientifiques. L'ébauche d'un plan d'affaires a été mise au point. Encore là, 5 p. 100 de tous les crédits que nous recevrons seront consacrés à l'étude des questions éthiques, juridiques et sociales entourant la biotechnologie.

La création d'un centre génomique agricole permettrait au Canada d'accroître la production de récoltes et d'animaux de qualité supérieure pour les marchés d'exportation, d'améliorer la qualité et la sécurité des aliments, car la majorité de ces recherches visera à améliorer les éléments nutritifs de ces récoltes ainsi que leur taux de productivité. Il y aura automatiquement réduction des pertes tant au niveau des récoltes qu'au niveau des élevages et augmentation de la productivité avec utilisation moindre d'engrais et réduction de l'utilisation de pesticides. Les produits agroalimentaires auront une valeur nutritionnelle accrue et de nouveaux produits non alimentaires durables apparaîtront. Le domaine de la production industrielle de ressources primaires ouvre des perspectives passionnantes.

Aujourd'hui, aux États-Unis, par exemple, les agriculteurs produisent des variétés de maïs qui ne sont pas du tout destinées à la consommation humaine, mais à la fabrication de protéines sériques utilisées pour traiter certaines maladies. On peut imaginer les avantages tirés de ce genre de technologie quand quelques milliers d'acres permettent de produire dix fois l'équivalent de l'approvisionnement mondial actuel de certains types de fractions sanguines. Les applications généralisées et à prix de revient modique de ce genre offrent d'énormes possibilités.

• 1040

On produit aussi des matières premières pour l'industrie. Le laboratoire de Saskatoon du Conseil national de recherches fait des travaux en ce moment, par exemple, sur la fabrication de polymères à partir du blé qui n'est plus utilisé comme source alimentaire, mais dont l'amidon est transformé en polymère pour remplacer le procédé habituel à base de pétrochimie non durable et polluant.

Nous comptons également sur la création de ce centre génomique agricole pour renforcer la position de leader du Canada sur la scène internationale.

Pour résumer, monsieur le président, le Canada doit s'engager résolument et de façon coordonnée dans la génomique. Génome Canada offrira le leadership nécessaire. Les provinces et l'industrie soutiennent fermement cette initiative et y contribueront à hauteur de 30 p. 100 du coût environ. Des investissements à grande échelle sont nécessaires. Il faudrait 395 millions de dollars sur cinq ans, avec une participation fédérale de 250 millions.

D'autres pays se sont déjà engagés sur cette voie et ont pris de l'avance. À titre d'exemple rapide, la multinationale Novartis, l'automne dernier, a investi—toute seule—650 millions de dollars dans un centre génomique agricole à La Jolla, en Californie. BASF, l'énorme compagnie chimique allemande, vient d'investir 100 millions de dollars dans une petite compagnie universitaire à Boston. C'est aujourd'hui que ces investissements sont faits. Le Canada doit se positionner dans ce domaine s'il veut rester dans la course, car ces grosses compagnies font breveter les technologies, les rendant ainsi inaccessibles.

Merci beaucoup, monsieur le président. J'attends avec impatience vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McCann.

Nous entendrons maintenant Mme Joan Johannson, présidente de la Canadian Association of the Non-Employed.

Bonjour.

Mme Joan Johannson (présidente, Canadian Association of the Non-Employed): Bonjour.

Nous sommes tous Canadiens, et pourtant nous vivons dans deux mondes différents. J'habite un monde qui vous est invisible. Il y a une barrière entre nous. C'est comme ces glaces sans tain à travers lesquelles je peux vous voir, voir ce que vous avez fait, voir ce que vous me faites ainsi qu'aux millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent dans la misère. Par contre, vous ne nous voyez pas, ni moi ni mes frères et mes soeurs, les marginalisés. Est-il étonnant que certains aient commencé à protester et à protester plus violemment? Ils seront de plus en plus nombreux à croire que c'est le seul moyen de se faire entendre. Cependant, je suis ici aujourd'hui pour me faire entendre de mon mieux.

La lettre que j'ai reçue de votre comité parle du plan du gouvernement pour élever le niveau de vie et améliorer la qualité de vie des Canadiens. Il est clair que la richesse du pays croît. Pour certains elle croît à un taux stupéfiant; pendant 1997, le club des millionnaires a triplé pour passer à 220 000. Mais pour la majorité d'entre nous le niveau de vie chute. Par exemple, le revenu disponible des familles élevant de jeunes enfants est inférieur aujourd'hui à ce qu'il était en 1981. Il y a des tonnes de statistiques sur cette question. Une bonne source est The Growing Gap: A Report on Growing Inequality Between the Rich and Poor in Canada, un rapport sur l'inégalité croissante entre les riches et les pauvres au Canada.

Soyons clairs. Le contexte est le suivant: l'économie se porte bien, mais la population se meurt de faim.

Passons aux thèmes de réflexion que vous avez proposés. Premièrement, la préparation du budget. Nous sommes heureux de pouvoir venir vous parler, mais cessons d'accorder à ces consultations un caractère autre que purement symbolique. Votre comité ne s'arrête même pas au Manitoba cette année.

Se fixer des objectifs, c'est bien beau, mais pour quoi faire? Là est toute la question. Le gouvernement se fixe comme objectif de réduire la dette publique. Puis-je vous rappeler qu'il y a dix ans tous les parlementaires se sont fixé un autre objectif? L'objectif, c'était d'éliminer la pauvreté infantile d'ici l'an 2000. Où est passé cet objectif?

Deuxièmement, l'allégement des impôts et la réforme fiscale. Me permettez-vous de faire un commentaire sur cette question des impôts? Ce gouvernement, comme beaucoup d'autres dans ce pays, a transformé le mot «impôt» en gros mot en y ajoutant tout simplement le mot «fardeau». Les impôts ne sont un fardeau que lorsque le régime fiscal est injuste. Les impôts en eux-mêmes sont là pour offrir des services et redistribuer les richesses. Est-ce que ce gouvernement a l'intention de réduire le fossé entre les riches et les pauvres en redistribuant les richesses du pays? Ce n'est que si tel était bien votre objectif que mes suggestions pourraient être acceptées.

• 1045

Troisièmement, l'infrastructure sociale. L'infrastructure sociale canadienne a été détruite par l'initiative du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Non seulement des milliards de dollars ont été retirés du système, mais les droits accordés par le Régime d'assistance publique du Canada ont été supprimés. On parle aujourd'hui de renforcer l'infrastructure du Canada. On ne parle pas de rétablir le financement supprimé, mais de «faciliter l'accès à l'enseignement supérieur et de rétablir le financement des soins de santé». On ne parle pas de rétablir le financement de programmes d'aide sociale, pas plus que les droits accordés par le régime d'assistance publique.

Nos priorités en matière d'infrastructure renouvelée sont simples: il faut que tous les Canadiens, les hommes, les femmes et les enfants, aient de quoi se nourrir suffisamment, se vêtir, se loger et accéder à des moyens de transport et de communication. Comme première étape vous pourriez commencer par rétablir le programme d'assurance-emploi. L'argent que vous prélevez dans la caisse de l'assurance-emploi pour financer l'État n'est pas à vous. La seule chose honorable à faire est de le donner aux chômeurs. C'est leur argent, pas le vôtre. Vous pourriez ensuite rétablir le financement de l'assistance sociale, augmenter le salaire minimum fédéral et garantir le versement à tous les enfants de la nouvelle prestation pour enfants. Cela se faisait autrefois; je suis assez vieille pour me souvenir des allocations familiales.

Quatrièmement, la nouvelle économie. On a l'impression qu'on parle de cette nouvelle économie comme de l'ancienne avec quelques additions, comme par exemple les nouvelles technologies et la mondialisation. D'après ce que je crois comprendre de la nouvelle économie, la révolution des communications aura des conséquences bien supérieures à la révolution industrielle.

La richesse n'est plus liée aux biens et aux services. Le labeur du travailleur moyen est de moins en moins nécessaire. Que pourrait faire le gouvernement? Une solution évidente est la taxe Tobin sur les transactions financières. Une autre serait la semaine de travail de 32 heures.

Cinquièmement, la productivité. Il est touchant que le gouvernement continue à avoir cette foi aveugle en la croissance économique comme réponse à toutes nos prières. Dans le rapport du Comité des finances intitulé La productivité pour quoi faire: Améliorer le niveau de vie des Canadiens, on nous dit que si le gâteau s'agrandit, les morceaux deviennent plus gros pour tous. Le gâteau continue de grandir, mais seuls les riches ont de plus gros morceaux.

Enfin, je m'étonne que ce gouvernement poursuive sa course économique comme s'il n'y avait pas de crise de l'environnement. La planète sur laquelle nous vivons est aussi invisible que les pauvres et les marginalisés, et tout comme les gens ont commencé à protester contre leur traitement inhumain, la planète elle-même commence à bouger.

Le mot «économie» était à l'origine lié au ménage. Le Comité des finances a la responsabilité du ménage canadien. Vous n'avez pas assumé vos responsabilités envers les citoyens. La société n'est pas une entreprise; c'est une famille. Vous avez laissé les membres les plus faibles s'affaiblir et mourir, et quand on vous le dit vous ne le croyez pas parce que vous ne le voyez pas. La glace sans tain ne vous renvoie que votre image, celle de votre famille et de votre monde.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Johannson, et merci également d'avoir pris la parole au nom des gens du Manitoba. Nous avons reçu plusieurs témoins représentant la province du Manitoba au cours des consultations prébudgétaires du comité, et vous savez peut-être aussi que ce processus de consultation prébudgétaire comprend également des assemblées publiques réunies par des députés au cours desquelles on se penche justement sur les mêmes questions que le comité étudie, et ces assemblées font ensuite rapport au comité pour transmettre le point de vue des Canadiens d'un océan à l'autre.

Je voulais seulement m'assurer que l'on comprend bien le processus en entier. Merci pour vos observations.

Nous entendrons maintenant Mme Joni Andrychuk, présidente de la National Shared Parenting Association. Bienvenue.

• 1050

Mme Joni Andrychuk (présidente, National Shared Parenting Association): Merci.

La proposition que nous faisons aujourd'hui comprend deux grandes composantes. La première est l'éducation des parents immédiatement après la séparation des conjoints, et la deuxième est l'éducation des enfants pour les aider à mieux composer avec le traumatisme du divorce.

Nous mettons l'accent sur l'intégration des groupes et bénévoles de soutien communautaire qui travaillent en collaboration avec les gouvernements fédéral et provinciaux pour aider les enfants de couples divorcés et leurs parents. Ce serait conforme aux recommandations formulées en 1998 par le comité mixte du Sénat et de la Chambre après avoir étudié la question de la garde des enfants et des droits de visite, notamment la création proposée d'un programme national d'éducation des personnes touchées par un divorce. Ce serait également conforme à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Notre gouvernement fédéral, ce n'est un secret pour personne, a un programme d'action national pour les enfants. Les associations Adult Children of Divorce et National Shared Parenting félicitent le gouvernement pour cette initiative. On prévoit que la réalisation de ce programme aura une incidence positive sur le niveau de vie, la santé, l'éducation et le bonheur des enfants canadiens, sans distinction d'âge, de race ou de classe économique.

Il y a toutefois une différence entre l'aide matérielle et l'aide affective. Le gouvernement fait porter l'essentiel de ses efforts sur des programmes comme le crédit d'impôt pour enfants afin de veiller à ce qu'il y ait suffisamment d'argent pour s'occuper des enfants, ou de congés de maternité pour s'occuper des jeunes enfants, et des programmes de garderie pour s'assurer que les parents puissent travailler pour subvenir aux besoins de leurs enfants, et même des programmes au titre des lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, afin de s'assurer que les parents paient leur pension alimentaire. On injecte donc beaucoup d'argent dans le volet matérialiste des problèmes des enfants.

À l'inverse, on a fait très peu à ce jour pour s'assurer que les enfants grandissent dans une atmosphère psychologique saine, qu'ils aient de l'amour, de l'affection, et qu'ils sachent qu'ils peuvent compter sur leurs deux parents, et non pas sur un seul d'entre eux. On a fait très peu pour s'assurer que nos enfants grandissent en ayant une bonne estime de soi, de bons principes moraux, le respect pour les autres et la capacité d'élever la génération suivante de Canadiens.

On a négligé les enfants du divorce. La moitié des enfants canadiens auront l'infortune de faire l'expérience du divorce de leurs parents. Réfléchissez au fait que 50 000 enfants canadiens par année vivent les affres du divorce de leurs parents. Ils sont des participants innocents, involontaires et habituellement non informés à ce qui constitue en fait la destruction de leur famille. La certitude qui était un élément de leur vie quotidienne disparaît. L'incertitude s'installe, et ils sont lancés dans la mêlée de la procédure contradictoire du divorce.

Souvent, les couples qui se séparent ne sont pas capables de le faire à l'amiable et sont pris dans le système, embourbés dans des litiges coûteux associés à un jargon juridique complexe et accompagnés d'une méfiance considérable de part et d'autre. C'est la nature même du litige.

Environ 15 p. 100 des couples canadiens ne se séparent pas à l'amiable, et 7 500 enfants sont touchés par une bataille féroce entourant le divorce et la garde des enfants. La vie de ces enfants devient un enfer. Malheureusement, ils ne peuvent pas verbaliser leurs sentiments, pas plus qu'ils ne peuvent chercher à suivre des séances de counselling pour les aider à surmonter leur traumatisme. À l'heure actuelle, notre gouvernement n'offre rien aux enfants du divorce.

Il est notoire que les données suivantes s'appliquent aux enfants du divorce: 75 p. 100 des suicides chez les jeunes, 85 p. 100 des troubles de comportement, 71 p. 100 des décrocheurs scolaires, 85 p. 100 des jeunes emprisonnés, et 75 p. 100 des grossesses chez les adolescentes. De plus, ces jeunes sont plus nombreux à consommer de l'alcool et des drogues, à souffrir de maladies mentales, y compris la dépression et l'angoisse; ils souffrent d'une faible estime de soi, ont moins d'empathie pour les autres et ont un plus grand risque de dysfonctionnement conjugal en tant qu'adultes.

La première partie de notre proposition en matière d'éducation porte sur l'éducation des parents après le divorce. Tous les parents divorcés et séparés devraient être tenus de suivre des cours immédiatement après la rupture conjugale. Bien que ce soient les enfants qui souffrent le plus du divorce, une fois que les parents sont mieux informés, ils sont mieux en mesure de prendre de bonnes décisions en ce qui a trait au mieux-être de leurs enfants. C'est un peu comme lorsque les masques à oxygène sortent de leur logement dans un avion; il faut que les adultes mettent leurs masques en premier, afin de pouvoir aider ensuite les enfants.

L'art d'être parent après la séparation est le titre d'un atelier mis au point dans le cadre d'une étude menée en Alberta et qui a déjà connu beaucoup de succès. C'est un programme obligatoire de six heures que doivent suivre les divorcés. L'association Adult Children of Divorce propose que le gouvernement fédéral consacre de l'argent, au nom des enfants de parents divorcés, pour mettre en oeuvre un programme semblable dans le pays tout entier.

Le projet albertain est le fruit des efforts d'un psychologue, le Dr Kent Taylor, et de la juge Trussler, d'Edmonton, qui est juge à la Cour du banc de la Reine. Initialement, le juge en chef de l'Alberta a accepté la mise en oeuvre du projet pilote dans la ville d'Edmonton. D'après les réactions reçues par le juge en chef, les autres juges et les avocats, le programme a été un succès éclatant. Apparemment, les avocats ont signalé avoir constaté une meilleure attitude de la part de leurs clients, surtout en ce sens qu'ils faisaient passer les besoins de leurs enfants avant les leurs. Ce programme d'éducation obligatoire après divorce a ensuite été adopté par le gouvernement de l'Alberta.

• 1055

La clé de ce programme et d'autres programmes du même genre est que le gouvernement fédéral travaille étroitement avec les provinces et les programmes communautaires d'organismes comme Adult Children of Divorce, les bureaux de services familiaux, etc. À l'heure actuelle, le programme d'éducation de l'Alberta est mis en oeuvre par une association à but non lucratif qui s'appelle le Family Centre. Le programme albertain coûte 325 000 $ par année. Cet argent est pris à même les fonds donnés par le gouvernement fédéral à chaque province pour la mise en oeuvre des lignes directrices relatives aux pensions alimentaires.

Le cours, intitulé Parenting After Separation, est un atelier de six heures présenté en deux parties de trois heures chacune. On y donne des renseignements aux parents au sujet du processus de divorce, de ses répercussions sur les enfants, on y donne certaines techniques pour améliorer la communication et l'on explique les aspects juridiques qui touchent les parents et les enfants. On encourage la médiation pour résoudre les différends. On explique comment mettre au point un plan parental pour aider les parents à conclure des ententes sur la façon dont ils continueront d'assumer leurs responsabilités de parents tout en mettant fin à leur relation en tant que mari et femme. Le groupe est de taille variable, mais il n'y a jamais plus de 50 participants.

Il est important que les gens soient bien renseignés sur la dynamique du divorce. Pour les enfants, tellement de choses changent. Quand on examine même les relations au sein de la famille élargie, on voit que beaucoup de gens sont touchés par un divorce.

L'enfant doit affronter tellement de changements pendant cette période très difficile. Cela inclut une nouvelle école et une nouvelle maison. Il peut y avoir un nouveau beau-parent ou de nouveaux frères et soeurs. Ces programmes d'éducation aident à surmonter ces problèmes.

Le divorce peut déboucher sur une période plus heureuse pour les parents, mais ce n'est pas nécessairement le cas pour les enfants. Il est utile pour un parent de comprendre tous les changements et les bouleversements vécus par cet enfant, afin qu'il puisse l'aider.

Les enfants ont besoin de renseignements sur la rupture et le divorce imminents. Ces renseignements doivent toutefois leur être présentés à leur niveau de compréhension et ne doivent pas être partiaux. Les enfants doivent connaître tous les détails et doivent aussi savoir qu'ils ont le droit de poser des questions.

L'atelier vise à fournir de l'information. Quand les parents comprennent ce qui leur arrive ils sont mieux en mesure de comprendre le vécu de leurs enfants et de les aider. L'atelier encourage l'élaboration de plans parentaux afin d'aider les parents à traiter de diverses questions relatives à l'argent, au droit de visite, aux prises de décisions et au lieu de résidence. On favorise la médiation, qui est souvent la solution la meilleure et rend les deux parties beaucoup plus heureuses de leur sort qu'une ordonnance imposée par un juge.

Deux manuels sont utilisés dans le cadre du programme. Le premier est un guide destiné à l'animateur. Les parents reçoivent pour leur part le manuel du participant.

Pour donner quelques exemples de ce qui se fait dans le programme, il est question des étapes de la séparation et du divorce, des problèmes à résoudre au cours de la séparation et du divorce, du rôle parental partagé, du rôle parental parallèle, du rôle des parents naturels, des beaux-parents, des sentiments des enfants, des besoins des enfants, des relations avec les adolescents, de la garde et de l'accès—la liste est longue. Il y a là beaucoup de renseignements pour les personnes qui vivent un divorce.

Tous les résidents habitant à une heure de ces centres doivent suivre ces cours. C'est obligatoire. Si vous vivez loin du centre, on vous donne un cahier avec lequel vous pouvez travailler, et vous remettez des feuilles. Vous ne pouvez suivre la procédure de divorce sans participer au cours.

La deuxième étape est la sensibilisation au divorce pour les enfants, qui peut être mise en oeuvre à l'échelle nationale après que la première étape a été franchie. Une fois que les parents ont été sensibilisés, nous nous occupons de la sensibilisation des enfants, qui peut être un programme facultatif, et tout dépend si les parents estiment que les enfants doivent prendre part au programme. L'un ou l'autre des parents peut faciliter la chose.

Mary Gordon, administratrice des questions parentales au Conseil scolaire de Toronto, a affirmé récemment:

    Les parents de la «génération du moi» ont sous-estimé l'effet du divorce sur les enfants et le rôle qu'ils jouent dans le sain développement de leurs enfants. Il n'existe aucun équivalent pour la relation parent-enfant pour ce qui est de la chaleur qu'elle procure et de la capacité qu'elle nous donne d'inspirer et de nourrir la confiance chez les enfants... Les parents peuvent être des responsables adultes qui s'occupent des êtres humains qu'ils ont mis au monde.

• 1100

Un sociologue de l'Université du Nebraska, Paul Amato, a suivi 2 000 familles pendant 20 ans. Dans un article de Psychology Today de 1999, il a déclaré:

    La dissolution d'un foyer qu'ils croyaient stable est un événement désagréable et troublant dans la vie de ces enfants. Un divorce qui est peu conflictuel ébranle le sentiment de confiance chez les enfants, et crée une détresse psychologique qui se manifeste au cours de leur croissance. Ils ont du mal à nouer des relations et sont particulièrement malheureux devenus adultes.

Voilà pour le divorce peu conflictuel. Lorsque le divorce est très conflictuel, on obtient les statistiques que je mentionnais plus tôt, à savoir un taux de suicide de 75 p. 100 chez les jeunes.

Il y a d'autres programmes éducatifs qui peuvent émaner de cela, par exemple l'éducation pré-conjugale, qu'on voudra peut-être envisager à l'avenir.

Par le biais de paiements de transfert aux provinces et d'une infrastructure fédérale, chaque province devrait et pourrait avoir des programmes semblables au modèle albertain. Le cours est semblable à bien d'autres cours provinciaux qu'il faut suivre pour occuper certaines fonctions ou effectuer certaines tâches, par exemple la conduite automobile et la formation aux métiers.

Le fait d'être parent est peut-être la vocation la plus importante au monde. Si l'on compare cela à toutes les autres choses que les gens font, on offre peu de cours aux nouveaux parents, et il y a encore moins de programmes de sensibilisation au divorce au Canada.

Si notre gouvernement se croit vraiment obligé d'aider les enfants du Canada, il devrait commencer par sensibiliser les parents au divorce, car ce phénomène va toucher virtuellement 50 p. 100 de nos précieux enfants. On pourrait mettre au point des programmes sur les enfants à l'intention des parents qui estiment que leurs enfants pourraient en profiter. Si nous voulons une population fonctionnelle et bien adaptée, il faut s'assurer que l'on comble les besoins mentaux aussi bien que physiques de nos enfants.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre le président de la Chambre de commerce de Wynyard et district, M. Darwin Brown. Bienvenue.

M. Darwin Brown (président, Chambre de commerce de Wynyard et district): Bonjour. Je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre aujourd'hui, et je vous remercie aussi de vous être arrêtés en Saskatchewan et de prendre la peine d'entendre les préoccupations des gens de chez nous.

Je suis ici ce matin à titre d'homme d'affaires et de président de la Chambre de commerce de Wynyard et district, qui compte plus de 85 membres.

Depuis plus de trois générations, les Canadiens profitent d'une politique alimentaire bon marché, qui est essentiellement l'oeuvre de fermiers qui travaillent dur, qui sont innovateurs et les plus efficients du monde. L'Exposition agricole de l'Ouest canadien, qui a lieu en ce moment même à Regina, en est un parfait exemple. Le monde entier vient ici pour voir les meilleurs et apprendre d'eux.

De nos jours, il en coûte un peu plus de 3 $ à l'agriculteur pour produire un boisseau de blé. Il obtient un peu plus de 2 $ pour ce même boisseau de blé, avec lequel on produit environ 77 miches de pain. A un prix moyen de 1,49 $ la miche, l'agriculteur ne peut même pas acheter deux miches avec son boisseau de blé. L'étudiant qui travaille à temps partiel chez Provigo gagne plus à emballer le pain que n'en gagne l'agriculteur qui cultive le blé.

Je pourrais vous citer encore plusieurs exemples à partir d'autres produits agricoles, mais le temps dont je dispose aujourd'hui ne me le permet pas. Je vous dirai simplement qu'un revenu agricole net négatif est un problème très grave. Quel dommage que l'agriculteur ait besoin d'une récolte bien au-dessus de la moyenne, d'une récolte exceptionnelle, pour avoir le moindre espoir de rentrer dans ses frais, et c'est sans compter les sécheresses, les inondations, le gel, les insectes et les maladies. De nos jours, le coût des intrants agricoles est en spirale ascendante et le prix des produits agricoles en spirale descendante, sans que l'agriculteur y puisse quoi que ce soit.

En tant qu'homme d'affaires d'une petite ville de la Saskatchewan, je suis très préoccupé par les conséquences de cet état de fait pour les régions rurales de la Saskatchewan, conséquences comme l'urbanisation, l'émigration, les fermetures d'écoles et d'hôpitaux, les réductions dans les soins de santé, l'amenuisement de l'assiette fiscale, la détérioration des routes rurales, sans compter le stress qui pèse sur les familles agricoles, la pauvreté accrue que vivent les familles agricoles et leurs enfants et l'accroissement du taux de suicide. La crise agricole se répercute sur l'ensemble de l'économie dans les régions rurales de la Saskatchewan. Elle se répercute aussi sur les administrations des municipalités tant urbaines que rurales.

La situation est désespérée. Il faut agir. Les hommes et les femmes politiques doivent laisser de côté les intérêts partisans et travailler ensemble afin de trouver des solutions novatrices pour sauver l'exploitation agricole familiale. Il ne faut pas s'y tromper, l'exploitation agricole familiale vaut la peine qu'on la sauve. Notre politique d'approvisionnement alimentaire à bon marché et notre mode de vie rural en dépendent. A l'heure actuelle, notre approvisionnement alimentaire est largement réparti. Si toutefois l'exploitation agricole familiale disparaît, il sera concentré entre les mains de quelques grandes sociétés. Et nous en paierons tous le prix pendant des générations à venir.

• 1105

Le gouvernement fédéral prévoit des surplus budgétaires de 95 milliards de dollars au cours des cinq années à venir. Or, d'après les prévisions, le revenu agricole net sera négatif au cours des cinq années à venir. Il faudrait faire deux choses: premièrement, il faudrait accorder immédiatement aux agriculteurs une injection ponctuelle de plus d'un milliard de dollars pour les aider à survivre jusqu'après la prochaine campagne agricole et, deuxièmement, il faudrait remplacer l'ACRA, ce cauchemar bureaucratique et cette tentative lamentable de venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin par un programme de sécurité du revenu à long terme qui garantisse aux agriculteurs au moins leur coût de production—un programme qui soit conçu pour profiter davantage aux agriculteurs qu'aux comptables. Si nous ne faisons rien, il y aura vraisemblablement jusqu'à un tiers des agriculteurs qui ne pourront pas planter au printemps prochain. L'agriculteur qui quitte la ferme n'y revient pas.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brown.

Nous entendrons maintenant MM. Tom Cameron et Murray Firth, de SouthEast Concerned Agricultural Producers. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Tom Cameron (porte-parole, SouthEast Concerned Agricultural Producers): Merci. Nous venons d'entendre beaucoup de choses de la part de M. Brown, de Wynyard, mais nous, les producteurs agricoles du sud-est de la Saskatchewan, sommes heureux d'avoir l'occasion de nous entretenir avec les membres du Comité des finances.

Le plus difficile pour nous, c'est de vous décrire les problèmes et la crise dans laquelle nous sommes plongés dans l'espace de cinq minutes.

Les producteurs des Prairies ne sont pas restés à rien faire pendant que l'économie mondiale évoluait, comme en témoigne le secteur du bétail qui se porte assez bien à l'heure actuelle. Ainsi, on a investi dans la production de bétail spécialisé, de bovin et de porc. Nous sommes très reconnaissants au gouvernement fédéral pour sa contribution au marché à bestiaux Stockman, qui a ouvert ses portes pas plus tard que dimanche dernier.

Le secteur des grains et des oléagineux a connu une transformation radicale. En 1982, on comptait 400 000 acres de cultures spécialisées en Saskatchewan. Cette année, la superficie cultivée est d'environ quatre millions d'acres. Le blé n'y est plus la culture dominante; le blé qu'on cultive maintenant ne sert finalement qu'à compléter la rotation des cultures. Les nouvelles cultures exigent un important investissement en capital dans les terres et les instruments aratoires spécialisés. Les produits chimiques, les engrais et les graines de semence font aussi grimper le coût de production. En outre, les nouvelles technologies et les nouvelles méthodes de gestion nécessaires pour accroître la productivité coûtent cher.

Un des producteurs de notre région a estimé qu'il lui en coûte 148 $ l'acre pour cultiver du canola. Or, il prévoit en tirer un revenu de 137 $ l'acre, soit une perte nette de 11 $. L'assurance-récolte ne lui accorderait que 87 $ si sa culture était un échec total. Il y a donc là quelque chose qui ne va pas.

Les agriculteurs sont dans l'ensemble—et je ne parle pas que des jeunes agriculteurs—bien au fait de l'informatique et des réalités du marché. Les parents obligent leurs enfants à s'inscrire dans les universités ou les collèges techniques.

Il y a cinq ans, ils croyaient que l'avenir était prometteur. Ils ont maintenant perdu tout espoir en l'avenir. Même après avoir tout fait pour se moderniser et diversifier leurs activités, les agriculteurs du secteur des grains et des oléagineux sont plongés dans une crise profonde. Le Canada a éliminé la plupart des programmes traditionnels qui étaient financés par le gouvernement fédéral. Nos compétiteurs n'en ont pas fait autant. Nos producteurs agricoles se retrouvent donc avec des règles du jeu inéquitables.

Les autres pays ne nous ont pas emboîté le pas. Loin de réduire l'aide qu'ils accordent à leurs agriculteurs, ils trouvent des moyens de leur en donner plus. Les prix de presque tous les produits de base s'en sont durement ressentis.

Sans vouloir nous engager dans un débat sur les chiffres, nous tenons à signaler que le total des pertes dues à l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, au recouvrement des frais par le gouvernement fédéral et aux frais exigés par la Commission canadienne du blé s'élève à 630 millions de dollars par an. Les agriculteurs ont certainement fait leur part pour équilibrer le budget.

Nous avons toutefois des programmes qui devaient assurer aux producteurs une certaine stabilité. Je crois que la plupart d'entre nous seraient d'accord pour dire que le CSRN est un bon programme. Il pourrait certainement être amélioré, et nous comptons sur nos dirigeants agricoles et gouvernementaux pour apporter les améliorations voulues. Je sais bien que les programmes de ce genre ne peuvent pas être améliorés du jour au lendemain.

L'assurance-récolte pourrait être un outil précieux, mais elle aurait besoin d'améliorations. Je peux vous dire, en tant que producteur du sud-est de la Saskatchewan, qu'elle a besoin de beaucoup d'améliorations, car elle n'a pas permis de répondre aux besoins des agriculteurs frappés par les inondations du printemps dernier. Nous nous sommes retrouvés dans une situation très difficile. Nous avons reçu de l'aide, mais cette aide était loin d'être aussi importante que l'ont laissé entendre les journaux.

On nous a dit de nous inscrire aux programmes existants si nous voulons recevoir plus d'aide. Ce n'est pas pour rien que 40 p. 100 des terres en culture dans le sud-est de la Saskatchewan ne sont pas inscrites au programme. Nous croyons d'ailleurs savoir qu'il en est de même pour la plupart des terres en culture en Saskatchewan.

Il faudrait améliorer le programme pour qu'il soit plus utile aux producteurs. Pour cela, il faudrait accroître le financement fédéral, et cela ne se fera sans doute pas d'ici deux mois. Pour améliorer le programme de l'assurance-récolte, il faudrait retourner à la case départ et mettre sur pied un programme à long terme.

• 1110

La semaine dernière, M. Vanclief a reconnu que beaucoup d'agriculteurs ne se gênent pas pour qualifier le dernier-né des programmes fédéraux d'«ACRA-stie». Il a apporté au programme des modifications que les agriculteurs apprécient; quelques-uns d'entre eux pourront en bénéficier. Il a aussi reconnu que beaucoup d'agriculteurs passent à travers les mailles du filet. Malheureusement, les mailles sont tellement lâches qu'elles ne retiendraient même pas un tracteur. Prenons le cas de nos camarades du nord-ouest de la province: ils ont eu une bonne récolte cette année, mais pendant les quatre années précédentes, ce n'était que sécheresse chez eux, et ils sont en difficulté.

Quand on a trois années de sécheresse de suite, cela ne donne pas une marge de référence très élevée pour le programme. Ce fut de nouveau la sécheresse en 1998. Ils n'ont pas reçu tellement d'argent du programme ACRA. Les agriculteurs d'autres régions ont peut-être eu trois récoltes exceptionnelles de suite, suivies d'une récolte moyenne en 1998, de sorte qu'ils auraient eu droit à une aide importante du programme ACRA. Nous n'en voulons pas à ces gens-là de l'aide qu'ils ont reçue, mais il faudrait que le programme soit juste et que tous ceux qui subissent un coup dur y trouvent leur compte.

Le programme n'a pas atteint sa cible, et il y a bien des cas d'injustice, même dans les petites localités, où deux agriculteurs avaient exactement le même type d'activité agricole, mais qu'à cause d'une légère différence dans leur façon de faire, un a reçu de l'argent, alors que l'autre n'a rien reçu. Le programme ACRA doit faire en sorte que tous les producteurs soient traités équitablement.

Les statistiques agricoles ne font pas l'unanimité à l'heure actuelle. Le Manitoba et la Saskatchewan ont demandé une aide d'urgence de 1,3 milliard de dollars. Je crois que nous serions d'accord avec M. Brown, de Wynyard, pour dire que nous avons effectivement besoin d'aide, et que cette aide doit venir assez vite. Elle ne nous viendra pas de l'ACRA.

Nous tenons à vous dire qu'il y a des gens et des localités qui sont aux prises avec des difficultés financières énormes. Ce n'est pas seulement le petit producteur qui continue à cultiver le blé qui est en difficulté. L'hiver s'annonce très lugubre pour beaucoup de familles agricoles, tant celles qui ont des grandes exploitations que celles qui en ont de plus petites. Ce sont les producteurs de tous les secteurs qui sont touchés, ce sont autant les jeunes que les plus vieux. Beaucoup de petites exploitations sont très efficientes. C'est que ces producteurs ne se sont pas contentés de marquer le pas, ils ont trouvé le moyen de devenir plus efficients. Cependant, quand les prix sont bas, il ne sert pas à grand-chose d'avoir une bonne récolte.

M. Vanclief est venu en Saskatchewan la semaine dernière. Il semble que les agriculteurs de la province aient fait de leur mieux pour l'accueillir respectueusement. Et si notre délégation agricole retourne à Ottawa pour discuter de nos difficultés et de nos besoins, nous osons espérer qu'on l'accueillera avec le même respect. Nous avons besoin d'une aide financière immédiate.

Nous vous demandons, en votre qualité de membres du Comité des finances, de transmettre le message suivant à M. Martin pour qu'il puisse en tenir compte dans la préparation de son prochain budget.

Faites en sorte de reconnaître l'agriculture comme une de nos principales industries dans le budget. Nous créons de la richesse, contrairement à la LNH qui ne fait que la recycler.

Nous avons besoin qu'on s'engage à financer des programmes qui permettront à notre industrie de survivre et de prospérer jusqu'à ce que nous puissions obtenir des règles équitables au chapitre du commerce mondial. Nous offrons nos meilleurs voeux de succès à notre gouvernement au cours des négociations qui auront lieu dans les prochaines semaines à Seattle.

Servez-vous du budget pour dire à notre industrie et à nos jeunes qu'ils ont un avenir qui en vaut la peine.

Le désespoir et la misère se font sentir dans toute la province. La conversation que j'ai eue récemment avec un jeune voisin me l'a bien fait comprendre. Son frère et lui se sont mariés dernièrement. Ils exploitent avec leurs parents une entreprise agricole diversifiée, cultivant des céréales et élevant du bétail. Ils ont tenté par divers moyens de faire marcher l'entreprise. En 1998, ils n'ont pas pu profiter de l'ACRA. Le fils a dit à son père qu'il serait temps, pendant qu'elle était encore en assez bon état, de refaire la toiture de leur maison de pierre vieille de 100 ans. Le père lui a répondu qu'il vaudrait mieux attendre encore un an pour voir s'il serait toujours là.

Les jeunes agriculteurs ont délaissé bon nombre des régions agricoles. Bien d'autres agriculteurs subsistent à même leur capital et l'amortissement, dans l'espoir que la situation va s'améliorer. M. Vanclief pourrait peut-être convaincre le reste du monde d'éliminer les subventions injustes et de mettre en oeuvre des règles pour assurer l'équité dans le commerce d'ici Noël. S'il y arrivait, il pourrait sans doute devenir président de l'Organisation mondiale du commerce.

Au début du mois, le réseau CBC a organisé une table ronde à Carlisle. Un jeune agriculteur y a dit, la voix tremblante d'émotion, qu'il avait retiré son drapeau canadien après avoir entendu parler de l'accueil qui avait été réservé à notre délégation agricole à Ottawa. Il a mis le premier ministre au défi de lui donner envie de remettre le drapeau à sa place. En votre qualité de députés, vous avez l'occasion de l'aider à hisser de nouveau le drapeau canadien devant cette entreprise que sa famille exploite depuis cinq générations.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cameron. Nous passons maintenant aux questions. Nous aurons un tour de six minutes.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui. Je sais que certains d'entre vous sont venus d'assez loin et que vous vous êtes aussi donné la peine, pour la plupart, de nous soumettre un mémoire.

• 1115

Madame Andrychuk, je vous ai entendue décrire dans votre exposé une multitude de programmes et de mesures qui devraient être mis en oeuvre. Nous sommes toutefois ici à titre de membres du Comité des finances pour consulter la population sur le processus budgétaire et lui demander essentiellement ce que nous devrions recommander à M. Martin pour son budget de février 2000.

Je vous écoutais parler—et vous avez parlé de toutes les difficultés que vivent les familles aux prises avec un divorce—et je me disais qu'il faudrait peut-être faire un peu plus d'effort pour prévenir le divorce. Je me demande si votre organisation a des recommandations quant à ce que nous pourrions faire dans le cadre du processus budgétaire pour aider à garder les familles intactes. Deuxièmement, y a-t-il quelque chose dans le processus budgétaire que nous pourrions faire pour tenter d'accomplir ce que vous cherchez à accomplir?

Mme Joni Andrychuk: En fait, pour ce qui est du deuxième... Une fois que nous aurons mis en place des programmes pour sensibiliser les parents à l'après-divorce—car je sais que les fonds sont limités—et que nous aurons mis l'accent sur les enfants, nous aimerions que les cours de préparation au mariage soient obligatoires pour tous les couples qui veulent se marier. A l'heure actuelle, ce sont les Églises ou les organismes semblables qui s'occupent de cet aspect, alors que cela fait partie en fait... On a besoin d'un permis pour se marier, tout comme on a besoin d'un permis pour conduire une voiture. C'est quelque chose de fondamental. Ce n'est pas uniquement dans le cadre du mariage qu'on fait des enfants, mais les enfants sont généralement le produit du mariage.

Susan Wright, thérapeute auprès des enfants et des familles au Peel Children's Centre de Toronto, a dit ceci:

    Le mariage n'engage pas que le coeur, il engage aussi la tête. Avant d'investir dans une relation permanente, les couples devraient discuter de leurs valeurs et de leurs objectifs communs et en arriver à des compromis pour régler leurs différences d'opinion sur le rôle des parents notamment. Dans notre société, les gens consacrent plus de temps à l'achat d'une maison ou d'une voiture qu'à planifier l'avenir qu'ils auront avec leur futur conjoint et leurs enfants.

Voilà à mon avis ce qui contribuerait le plus à garder les couples intacts; c'est que bien des gens se marient sans savoir ce que c'est que le mariage.

M. Ken Epp: Seriez-vous en train de nous dire qu'il faudrait inclure une disposition dans le budget pour stipuler que les contribuables ne pourront obtenir leur remboursement d'impôt à moins de pouvoir présenter un certificat attestant qu'ils ont suivi un cours comme celui-là? J'ai un peu de mal à imaginer cela. J'appuie vos efforts et je comprends ce que vous dites, et j'ai moi-même été témoin des traumatismes que peut causer le divorce. Comme je l'ai dit, il faudrait peut-être essayer de trouver des moyens pour que nous puissions tous travailler ensemble—gouvernements, Églises, individus et familles—pour garder les unions conjugales intactes. Il faut toutefois accepter qu'il n'en sera pas toujours ainsi.

Je ne comprends toujours pas pourquoi vous êtes ici au Comité des finances, car vous ne nous avez rien dit au sujet de ce qu'il faudrait inclure dans le budget pour faire avancer votre cause.

Mme Joni Andrychuk: On pourrait réserver des fonds, ou en donner aux provinces—il y aurait diverses façons de le faire, au moyen d'un programme de financement national ou d'un transfert aux provinces—afin de sensibiliser les parents à la réalité de l'après-divorce. Une fois les parents sensibilisés aux effets néfastes sur leurs enfants, c'est toute la collectivité qui est ensuite sensibilisée. Si les gens sont mieux informés et qu'ils comprennent mieux la réalité, ils pourront parler autour d'eux des effets sur les enfants. On a ainsi une culture qui se crée dans la collectivité grâce à ces programmes de sensibilisation au divorce. Il n'est pas nécessaire par ailleurs de prévoir des pénalités, comme de retenir le chèque de remboursement d'impôt. Dans certains cas, les couples pourraient hésiter à demander un permis de mariage s'ils devaient auparavant suivre des cours. Je ne le pense pas cependant. J'estime que, quand les couples décident de se marier, ils veulent parler de certaines des questions dont leurs parents ont peut-être omis de leur parler—du fait que le mariage, c'est sérieux.

Une fois que le gouvernement aura réservé les fonds et rendu obligatoires les cours de sensibilisation au divorce, notre société va changer, nos valeurs vont changer, car nous n'aurons plus toute une génération de jeunes qui auront été victimes du divorce de leurs parents. Les valeurs changeront et notre société s'épanouira.

M. Ken Epp: D'accord, nous pourrions en discuter très longtemps. J'aimerais en parler avec vous pendant cinq heures ou plus...

Mme Joni Andrychuk: Merci.

M. Ken Epp: ... mais je n'ai que six minutes en tout, alors je vais devoir consacrer la minute qu'il me reste à l'autre question qui m'intéresse.

Je veux parler aux agriculteurs. Je suppose qu'il y en a un certain nombre ici. La Chambre de commerce de Wynyard a certainement parlé presque exclusivement de la crise agricole. Je me demande si l'un ou l'autre d'entre vous...

• 1120

Supposons que vous êtes roi—ou au Canada l'équivalent serait premier ministre—et que vous puissiez résoudre le problème, que vous puissiez y trouver une solution. Je sais que nous parlons pour l'instant du court terme pour aider d'abord les agriculteurs à traverser la crise et que le long terme viendrait après. Quelle serait la solution à long terme? Je vous inviterais à rattacher vos propos à ce qu'il faudrait inclure dans le prochain budget fédéral.

M. Tom Cameron: Nous savons combien il en coûtera pour sauver l'entreprise agricole familiale. Il faut que nous nous demandions combien il nous en coûtera si nous perdons l'entreprise agricole familiale.

Il faut que les divers paliers de gouvernement travaillent ensemble, qu'ils mettent de côté leurs différences partisanes afin de concevoir et de créer, de concert avec les groupes d'intérêts, un filet de sécurité qui donnera les résultats voulus. Nous avons connu plusieurs tentatives qui ont échoué. Il doit y avoir une solution. Il faut faire preuve d'imagination. Je ne sais pas s'il faudrait, par exemple, imposer une taxe à l'alimentation. Je ne sais pas exactement comment il faudrait s'y prendre, mais il faut trouver un moyen de garder ces entreprises agricoles que les familles se transmettent de génération en génération. C'est là un élément fondamental de notre politique d'approvisionnement alimentaire à bon marché et de la survie des Prairies.

M. Ken Epp: Vous avez répété ce que vous aviez dit au sujet du besoin d'agir, mais vous ne nous proposez pas de solution.

M. Tom Cameron: Vous voulez quelque chose de détaillé?

M. Ken Epp: Mon temps de parole est écoulé, alors si vous avez vraiment une solution concrète et pratique à nous proposer, je vous demanderais simplement de nous l'envoyer.

M. Tom Cameron: Bien sûr.

M. Ken Epp: Nous devons passer à l'intervenant suivant. Je suis désolé, mais il ne me reste plus de temps.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)): Merci, monsieur Epp.

Monsieur Firth, vous voulez bien y aller rapidement de vos commentaires?

M. Murray Firth (porte-parole, SouthEast Concerned Agricultural Producers): Oui, merci.

En réponse à la question, je dirais que ce qui nous dérange le plus dans le milieu agricole, c'est ceci. Si j'étais roi... Redonner confiance c'est redonner espoir. Un trop grand nombre d'entre nous, dans le milieu agricole, ont la cinquantaine, comme Tom et moi. Nous avons besoin d'une relève. Les jeunes ne se lancent plus dans l'agriculture à 25 ans. Nous avons besoin de jeunes qui s'intéressent à l'agriculture.

Ces jeunes quittent la ferme pour étudier et reviennent avec leur diplôme, mais ils ne se lancent pas dans l'agriculture. Le mal est grand. Il ne se fait pas trop sentir pour le moment, parce qu'on continue à produire des céréales et des oléagineux, mais dans cinq, dix ou 15 ans, quand les agriculteurs prendront leur retraite, à moins de l'arrivée massive de grandes entreprises agricoles—et ces entreprises devront être exploitées de façon aussi économique que le sont à l'heure actuelle les exploitations agricoles familiales—à moins qu'il y ait de l'espoir pour l'agriculture à l'avenir, les jeunes ne s'y lanceront pas.

Pour qu'il y ait cet espoir, il faudrait que le gouvernement fédéral s'engage à assurer la survie des entreprises agricoles familiales dans les Prairies canadiennes. Nous avons eu deux programmes; tout le monde en a parlé: le CSRN et l'assurance-récolte. L'assurance-récolte, particulièrement en Saskatchewan, aurait besoin de pas mal d'améliorations. J'ai travaillé de façon officielle et officieuse avec les responsables de l'assurance-récolte afin d'essayer d'améliorer le programme, et les autorités sont bien conscientes des problèmes. Le principal problème est qu'on nous dit: «Oui, nous aimerions bien faire ceci ou cela, mais cela coûte cher, très cher. Il faut présenter une demande au gouvernement provincial ou, s'il s'agit d'un programme à frais partagés, il faut présenter une demande au gouvernement fédéral.» Ainsi, nous devons attendre cinq ans pour obtenir même un changement très minuscule. Cela ne contribue en rien à améliorer la situation. Il faut une injection de fonds dans l'assurance-récolte afin d'y apporter des changements de fond pour qu'elle puisse servir de renfort.

Nous avons aussi, comme troisième ligne de défense, l'ACRA, ce programme conçu à la hâte qui a été mis en oeuvre très rapidement. Malheureusement, quand le gouvernement fédéral a éliminé la subvention du Nid-de-Corbeau et qu'il a voulu imposer à l'Ouest canadien le principe de l'utilisateur-payeur, on nous a dit qu'une troisième ligne de défense serait mise en place, mais on n'a pas pris de mesures en ce sens quand on aurait dû le faire. Puis, du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés avec l'ACRA. Ce programme n'a pas donné de bons résultats.

• 1125

Si donc j'étais roi, je mettrais plus d'argent dans les programmes existants et je mettrais tout de suite en place une troisième ligne de défense.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci, monsieur Firth.

Nous entendrons maintenant l'honorable Lorne Nystrom pour six minutes.

M. Lorne Nystrom: Merci, madame la présidente.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les témoins qui sont ici ce matin et je voudrais commencer par M. Brown. Darwin Brown est de Wynyard, ma ville natale, et c'est la première fois, d'après mon souvenir, que quelqu'un de la petite ville de Wynyard vient témoigner devant notre comité depuis bien des années.

Pour vous expliquer un peu ce qu'il en est, je tiens à dire au comité que l'organisation de M. Brown, la Chambre de commerce de Wynyard, a créé un groupe de soutien agricole à Wynyard il y a de cela un certain temps et a tenu une assemblée publique qui a attiré bien des gens. La Chambre de commerce a contacté d'autres chambres de commerce de la province afin de les inciter à mettre sur pied un réseau de soutien pour chercher à obtenir une aide immédiate pour les agriculteurs.

Monsieur Brown, pouvez-vous nous dire quel est l'effet de la crise agricole sur l'économie en général? Je pense tout particulièrement ici au fait que Wynyard est une ville plus fortunée que d'autres. Elle compte trois grandes usines de volaille qui emploient plusieurs centaines de personnes, ce qui n'est pas le cas d'autres villes. Elle a aussi à proximité une usine de sulfate de sodium, qui emploie entre 60 et 70 personnes. Nous avons donc ces industries de base.

Cela dit, pourriez-vous nous donner une idée des conséquences pour l'économie en général. Darwin, vous pourriez peut-être parler des conséquences non pas seulement pour Wynyard mais pour d'autres petites villes. Je songe par exemple à Punnichy, Raymore, Lestock, Foam Lake et aux autres petites villes de la région qui n'ont pas d'usine de volaille ni d'usine de sulfate de sodium qui assurent une véritable stabilité à Wynyard. Il est important que vous nous parliez des conséquences dans les faits pour l'économie des petites villes de la Saskatchewan.

M. Darwin Brown: La crise agricole se fait sentir sur le bilan de tous les commerces.

Je suis moi-même dans le domaine des assurances, et l'assurance agricole constitue évidemment une très grande part de mon entreprise. Chaque année, il y a de moins en moins d'entreprises agricoles à assurer. Tous les agriculteurs que nous assurons cherchent des moyens de réduire leurs dépenses. On ne peut pas les en blâmer. L'argent leur fait cruellement défaut.

Nous avons des écoles qui ont fermé dans notre région. Nous avons des hôpitaux qui ont réduit leur activité, du côté des soins de santé.

Chose certaine, sur le plan des emplois, la situation financière de tous les gens d'affaires est touchée.

Ce que M. Nystrom dit est vrai. Nous avons de la chance à Wynyard. Nous nous en tirons mieux que la plupart des autres petites localités de la Saskatchewan, parce que nous avons ces autres industries chez nous. En outre, nos agriculteurs ont connu de bonnes récoltes ces dernières années. Nous avons eu du très beau temps, des récoltes abondantes, voire exceptionnelles, ces dernières années. Pourtant, les agriculteurs sont en difficulté, et nous en constatons les effets. Je sais donc que, si nous sommes en difficulté, il y a bien d'autres régions de la province qui se trouvent dans une situation encore pire que la nôtre.

M. Lorne Nystrom: Il ne s'agit donc pas simplement d'une question agricole; les gens des petites localités en parlent entre eux quand ils prennent un café ensemble, les retraités et tous les autres.

M. Darwin Brown: Tout à fait. La crise touche la collectivité tout entière, la région tout entière.

M. Lorne Nystrom: La question complémentaire que je vous pose ainsi qu'à M. Cameron et à M. Firth est la suivante. Si le gouvernement fédéral ne verse pas un complément d'aide avant Noël, ou s'il n'y en a pas non plus dans le budget de M. Martin en février, comment voyez-vous la situation des régions rurales de la Saskatchewan dans deux ans? Que va-t-il se passer si nous ne faisons pas une recommandation ou si M. Martin n'accepte pas notre recommandation même si nous en faisons une, et qu'on ne vient pas à l'aide de cette agriculture?

Les subventions ne vont pas disparaître, en tout cas pas pendant un certain temps. Même si vous étiez le Pape, vous ne pourriez claquer des doigts pour les faire disparaître du jour au lendemain. Donc, si nous ne réussissons pas à convaincre les autorités de consacrer une partie de ces 95 milliards de dollars à un programme d'urgence et à un bon programme à long terme pour l'agriculture, que va devenir la Saskatchewan rurale d'ici quelques années, monsieur Brown et monsieur Cameron?

M. Tom Cameron: Il est probable que d'ici quelques années, on continuera à voir de jeunes agriculteurs abandonner ce secteur. Ce sont des gens jeunes, qui n'ont pas énormément de capital investi, et qui peuvent donc quitter l'agriculture dans l'espoir de trouver un travail ailleurs. Ils n'ont pas encore investi toute leur vie dans l'agriculture. Ils le voudraient bien, mais ils ne pourront pas le faire.

On assistera sans doute à la création d'exploitations agricoles de plus en plus grandes. On commence déjà à voir des entreprises de gestion de l'agriculture en Saskatchewan. Si vous voulez partir en ville, quitter votre ferme, vous chargez simplement une entreprise de gestion de s'occuper pour vous de l'exploitation. C'est une perte pour votre collectivité et ce sera une perte à l'avenir.

S'il n'y a pas d'aide à court terme, je pense qu'on verra pas mal d'agriculteurs assez idiots pour continuer encore à exploiter leur entreprise agricole à court terme, mais s'il n'y a rien à long terme, je pense que c'est là que les choses se gâteront car il n'y aura plus aucun espoir.

• 1130

Cet été, nous avons eu la chance d'avoir la visite des trois chefs de l'opposition dans le sud-est de la Saskatchewan. Nous n'avions pas de récoltes faramineuses dans ce coin, monsieur Brown. Beaucoup d'entre nous n'avaient même pas de récolte du tout. Nous n'avons aucune position de repli et la situation est donc délicate. Mais même là, beaucoup de gens disent qu'ils ont besoin d'une aide à court terme, il faut aussi un programme à long terme.

Nous avons rencontré Danny Foster à Winnipeg. Nous lui avons envoyé un mémoire à l'avance et nous sommes allés en discuter avec lui pendant trois heures. Nous continuons à nous entretenir avec Doug Hedley. Nous essayons par tous les moyens possibles de trouver des solutions, mais je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. Je ne pense pas que nous serons encore là dans cinq ans pour pouvoir discuter avec vous de ce qui se sera passé d'ici là. J'imagine qu'à ce moment-là, les fermes auront été remplacées par de véritables entreprises, ce qui aura des conséquences radicales pour le milieu rural.

M. Darwin Brown: Je crois qu'on assiste à un désespoir proche de la panique. Il y a de nombreuses exploitations agricoles qui sont solidement établies, bien gérées, qui existent depuis plusieurs générations et ne sont pas énormément endettées, avec des gens qui se disent qu'il y a toujours eu des périodes difficiles. Il y a toujours eu des hauts et des bas dans l'agriculture. L'agriculteur est sans doute le travailleur qui a les épaules les plus larges dans toute l'économie canadienne. Si c'était pratiquement n'importe quelle autre industrie, elle n'existerait plus depuis longtemps, mais les agriculteurs s'accrochent toujours et ont toujours réussi jusqu'ici à s'en tirer. Ils se disent toujours que l'année prochaine les choses vont s'améliorer un peu. Les agriculteurs se sont toujours accrochés à une petite lueur d'espoir, se disant que les choses vont s'améliorer. Mais on n'a même plus cela maintenant; c'est le marasme, le désespoir, l'angoisse.

Les agriculteurs sont extrêmement stressés, ils ont énormément de problèmes. Il y a des rapports et des statistiques là-dessus. Ce que je lis, ce que j'entends et ce que je vois de mes yeux, c'est que peut-être un tiers des agriculteurs actuels ne sèmeront pas de récolte le printemps prochain. C'est grave.

La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci.

Passons à M. Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'être venus nous faire part de votre point de vue aujourd'hui. J'ai une question à poser aux agriculteurs et à ceux que cela intéresse de faire des commentaires sur les questions agricoles.

Nos agriculteurs nous ont dit plusieurs fois que si les Canadiens avaient eu la chance de pouvoir se nourrir à un coût modique, c'était parce que le secteur agricole était extrêmement efficace. Supposons que cela soit exact. Il y a là un message que je ne comprends peut-être pas très bien.

Si vous prenez l'agriculteur de l'Ouest, est-ce que le problème ne vient pas du cours international des denrées? Même si le gouvernement du Canada mettait en place une certaine réglementation et fixait par exemple le prix de certaines denrées agricoles vendues aux consommateurs canadiens—il se trouve que c'est encore le cas dans certaines régions du Canada—est-ce que cela aiderait vraiment l'agriculteur de la Saskatchewan? Est-ce que ce serait possible?

Un témoin: Je pense qu'il y a plusieurs façons de voir les choses. Je ne sais pas si une taxe sur les produits alimentaires serait la solution. Nous avons payé énormément... Notre alimentation ne nous coûte pas cher. Je crois que les gens de l'Est ont tendance à se dire que si les agriculteurs veulent faire payer plus cher leurs produits au Canada, les Canadiens de l'Est vont simplement acheter ces produits aux États-Unis. En fait, c'est ce qui va se passer avec les règles du libre-échange.

Il pourrait être difficile d'imposer une taxe sur les produits alimentaires. Il faudrait que le contribuable canadien s'engage à appuyer toute l'agriculture, pas seulement les agriculteurs de la Saskatchewan ou du Manitoba, mais l'industrie des pommes en Colombie-Britannique, l'industrie de la pomme de terre à l'Île-du-Prince-Édouard, les producteurs de maïs et de l'industrie du porc en Ontario, l'industrie laitière au Québec. Il faudrait un engagement généralisé dans tout le pays. Dans certains secteurs de l'industrie agricole au Canada, cet engagement existe. Il faudrait l'étendre à d'autres secteurs où il est jusqu'à présent absent.

M. Roy Cullen: Il y a plusieurs façons de voir le problème. On peut le voir sous l'angle des coûts ou sous l'angle des prix. Vous dites que si nous partons du principe que les aliments ne coûtent pas cher au Canada parce que notre secteur agricole est efficace—ce qui me semble probablement vrai—nous devrions nous engager à intervenir sur les coûts? Je ne suis pas sûr que nous puissions faire quelque chose au niveau fédéral, mais d'après vous il faudrait qu'un gouvernement ou quelqu'un intervienne au niveau des prix? Je parle surtout des agriculteurs de l'Ouest pour l'instant.

• 1135

M. Tom Cameron: Vous constaterez probablement que... J'allais dire qu'on ne peut pas aller plus vite que la musique, mais qu'on peut aussi évoluer. Nous allons vers une époque où les agriculteurs et les Canadiens vont découvrir que nous ne sommes plus le grenier du monde, et où la Chine, l'Inde, etc., vont devenir de plus en plus des nations exportatrices. Nous ne reviendrons probablement jamais à des cours élevés du blé.

Nous devons nous diversifier, et c'est ce que nous avons déjà fait. J'avais toute une page à vous lire là-dessus jusqu'au moment où Mme Scullion m'a dit de faire attention à ne pas dépasser les cinq minutes. J'ai donc ramené cette page à quatre ou cinq lignes.

Si vous parcourez la Saskatchewan aujourd'hui, vous verrez qu'à la place des immenses prairies de blé doré d'antan, il y a toutes les couleurs imaginables, toutes les récoltes imaginables. Mais ces récoltes sont destinées à un petit marché.

M. Roy Cullen: Si vous me permettez d'intervenir, je n'ai peut-être pas bien posé ma question. Vous dites que le prix versé aux agriculteurs n'est pas suffisant, vous parlez des cours mondiaux. Sur le marché intérieur, ce que vous vendez, ce n'est qu'un tout petit pourcentage de votre production, non?

M. Tom Cameron: Au Canada, oui.

M. Roy Cullen: Quand j'entends cela, je me dis qu'il ne faut pas en conclure que nous devrions réglementer les prix intérieurs au Canada, quel que soit le palier de gouvernement qui le ferait. Ce qu'il nous faut, c'est un engagement plus fort sous forme de subvention ou d'aide, n'est-ce pas?

M. Tom Cameron: Oui, une aide transitoire ou une forme de... Je n'aime pas le terme «subvention», mais naguère nous avions une aide assez importante du gouvernement qui a disparu.

Nous sommes en plein bouleversement actuellement, et nous nous orientons vers un nouveau régime. Je n'aime pas l'idée d'une réglementation des prix. Je crois que cela ne peut être qu'une source de problèmes dans le monde entier. C'est une partie des problèmes que nous avons actuellement. Il faut réduire les barrières tarifaires au lieu de les relever.

Prenez par exemple les redevances que nous payons pour la Commission canadienne des grains. Une bonne partie de ces redevances était auparavant payée par le gouvernement fédéral. Dans l'intérêt d'un système de financement par les usagers, nous payons de plus en plus tout cela. Nous versons actuellement environ 50 millions de dollars par an en redevances pour la Commission canadienne des grains. Nous avons commencé à payer le coût du dragage de la Voie maritime du Saint-Laurent et de l'élargissement de canaux. Nous payons une partie de tout cela.

M. Roy Cullen: Monsieur le président, j'ai une dernière question. Encore une fois, c'est à vous que je l'adresse, monsieur Cameron, ainsi qu'à M. Firth et aux autres personnes qui voudraient éventuellement répondre.

Nous avons entendu tout à l'heure M. Hermanson, le chef de l'opposition, dire que l'ACRA ne fonctionnait pas, que le programme était mal conçu et mal ciblé. Il y a aussi des problèmes administratifs et bureaucratiques avec les formulaires à remplir, etc. Il a dit que si l'on ne modifiait pas radicalement ce programme... A son avis, il serait très difficile de réorganiser l'ACRA. C'est un programme pratiquement irréparable. Qu'en pensez-vous? Est-ce que c'est un problème de conception et de ciblage du programme ou est-ce que c'est une question de fardeau administratif?

M. Tom Cameron: Je crois que beaucoup de choses ne vont pas dans ce programme, et votre question est tout à fait judicieuse. La principale question serait peut-être de savoir s'il faut complètement repartir à zéro ou essayer de faire des aménagements à partir de ce que nous savons maintenant. Je ne suis peut-être pas du même avis, car je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de modifier l'ACRA alors que ce programme n'en est qu'à sa deuxième année. Il y a déjà eu des avances d'argent considérables dans le cadre du programme de paiement anticipé.

On a examiné la situation. Dans le sud-est en particulier, je pense que ce programme va amener des montants importants, et je crois que l'on risquerait de provoquer de grosses déceptions si on revenait sur le programme. Il y a des gens qui ont déjà tenu compte de ce qu'ils devaient recevoir durant la deuxième année du programme. Est-ce que vous allez effacer tout cela pour mettre en place un nouveau programme? Je ne sais pas. Disons que j'aimerais avoir l'assurance que le programme sera équitable pour tout le monde.

M. Roy Cullen: Monsieur Brown, vous avez un commentaire?

• 1140

M. Darwin Brown: Je crois que l'ACRA passe à côté de beaucoup de choses dans la mesure où le programme est axé sur le revenu. Certes, il fonctionne bien en cas de vraiment mauvaise année, en cas d'inondation ou de sécheresse. Il permet de faire la soudure dans ce genre de cas. Mais à mon avis, le problème, c'est le prix de vente trop bas des denrées. Si je dois dépenser 3 $ pour produire un boisseau de blé et que je ne peux le vendre que 2 $, j'ai un problème.

Pour revenir à votre première question, le but ultime est d'appliquer des règles équitables à l'échelle internationale, puisque 75 p. 100 de la production est exportée vers les marchés mondiaux. Nous dépendons de ces exportations.

Entre-temps, le pays devra décider si l'agriculture est un secteur important pour nous. Serons-nous capables d'aider ces gens à conserver leur entreprise jusqu'à ce que nous ayons réglé certains de ces autres problèmes? C'est ce que doit décider le gouvernement fédéral. Jusqu'à maintenant, ce qu'on nous dit, c'est que l'agriculture n'est pas très importante pour nous.

Les agriculteurs ne sont pas vraiment importants, et c'est un problème grave.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

D'autres observations?

Monsieur McCann.

M. Peter McCann: Pour nous compliquer encore les choses, le secteur de l'agriculture dépend dans une grande mesure des marchés internationaux et ces marchés évoluent. C'est pourquoi il est nécessaire de faire de la recherche en agriculture.

Les besoins alimentaires de nos partenaires commerciaux traditionnels ont changé en fonction de l'accroissement de leur prospérité. Les pays dont l'alimentation est maintenant à base de céréales, par exemple, veulent davantage de poulet, de porc et de boeuf. Nous devons exploiter nos entreprises agricoles de façon à mieux répondre à de tels besoins alimentaires.

Certains de nos concurrents s'y sont déjà mis. Ils produisent des denrées qui correspondront mieux aux goûts de la clientèle de l'Asie du Sud-Est, par exemple. Nous commençons à perdre certains de ces marchés, non pas parce que nous ne sommes pas concurrentiels, mais parce que nous ne produisons pas les bonnes denrées.

Le président: Monsieur Firth.

M. Murray Firth: Pour répondre à votre question, il y a aussi le fait que bien souvent, on ne tient pas compte des nombreuses taxes directes et indirectes que paient les agriculteurs, que ce soit l'impôt sur le revenu, les taxes sur les carburants ou sur les produits chimiques ou les taxes sur les transports.

Dans bon nombre d'autres pays exportateurs, ces taxes n'existent pas ou sont beaucoup moins lourdes. Certains de ces pays sont tout simplement situés plus près des marchés d'exportation et n'ont pas à payer les coûts de transport qui ajoutent tant au fardeau des producteurs.

Si ces taxes étaient modifiées et alignées sur celles des autres pays exportateurs, cela aiderait grandement les agriculteurs.

Le président: Merci.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci.

Ma question semblera peut-être théorique comparativement aux exemples concrets que vous avez fournis. Je la poserai d'abord à Mme Johannson et puis à M. Brown.

J'ai tenu une assemblée locale dans ma circonscription, au sud de l'Ontario. Dans cette consultation prébudgétaire, quelqu'un a dit qu'il n'y avait pas vraiment de surplus; il a dit que cet argent, nous le devions puisque nous avions encore une dette qui s'élève actuellement à quelque 563 milliards de dollars. A son avis, il n'y avait pas de surplus.

Nous avons prévu que le surplus s'élèvera probablement à 5,5 milliards de dollars, environ, après avoir tenu compte du fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars et après avoir fait un calcul prudent. Ce sont là les chiffres du gouvernement. Ma question est la suivante: à qui appartient ce surplus?

De toute évidence, c'est au moyen des impôts que le gouvernement obtient des fonds. On sait que l'assurance-emploi a soulevé un tollé d'indignation partout au pays parce que l'argent est versé au Trésor. Les compressions que le gouvernement a dû effectuer pour lutter contre le déficit ont durement touché les collectivités.

Madame Johannson, vous avez bien expliqué certains des coûts sociaux qu'ont entraînés ces compressions. Je voudrais donc savoir, en fait, à qui appartient le surplus?

Mme Joan Johannson: La réponse la plus évidente, c'est d'abord que ce surplus appartient en partie au fonds de l'assurance-emploi. Je n'en reviens pas. Nous savons que 87 p. 100 des chômeurs pouvaient auparavant obtenir des prestations d'assurance-emploi. Mais en raison des changements apportés au programme, ce pourcentage est passé de 37 à 40 p. 100. Cela signifie que 40 p. 100 des chômeurs n'ont plus de revenu et que ceux qui touchent des prestations n'ont plus que la moitié de ce qu'ils gagnaient en travaillant.

• 1145

J'estime donc que c'est tout simplement du vol, que cette partie du surplus vient de l'assurance-emploi et non du Trésor; c'est de l'argent qui vient du fonds dans lequel on a investi pour aider les chômeurs. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on refuse de verser des prestations à des gens qui ont cotisé au fonds d'assurance-emploi et qui ont par la suite été mis à pied, qui ont perdu leur emploi en raison d'une réduction d'effectifs, de fusion d'entreprises ou d'autres mesures. Je connais personnellement des gens à qui c'est arrivé.

Mme Karen Redman: Vous croyez donc qu'il faudrait revoir les critères d'admissibilité aux prestations?

Mme Joan Johannson: Effectivement. A cause des changements à ces critères, la moitié des gens qui pouvaient auparavant se prévaloir de l'assurance-emploi sont maintenant privés de ces prestations. Cela signifie qu'ils doivent se rabattre sur l'aide sociale.

Je ne sais pas si vous comprenez la catastrophe que cela représente pour les personnes. A Winnipeg, une personne seule qui vit de l'aide sociale reçoit au total une prestation de 411 $ par mois au titre de la nourriture, des vêtements et du logement. Comment peut-on vivre avec aussi peu? Ce n'est pas possible.

C'est de cette façon que l'on crée toute une catégorie de gens sous-alimentés et déprimés. On a retiré l'argent de la société, on en a privé ceux qui sont au bas de l'échelle. Tout le monde en souffre. Un homme qui perd son emploi et qui devient déprimé consulte son médecin et obtient des médicaments ou d'autres soins, et c'est donc le régime de soins de santé qui doit payer la facture.

C'est aussi ce dont nous avons parlé, au sujet des parents et de la prévention. On pourrait éviter toutes sortes de problèmes physiques et mentaux dont souffrent un grand nombre de gens dans notre société.

Il faudrait donc savoir pourquoi on ne donne pas aux gens le minimum nécessaire pour vivre puisque nous en avons les moyens? Nous l'avons fait dans le cas des personnes âgées. Nous avons décidé de le faire et nous avons réussi.

Mme Karen Redman: Je ne veux pas vous prêter de propos, mais ce que vous semblez proposer, c'est un programme d'assurance-emploi dans lequel on offrirait un revenu annuel garanti et où on éliminerait l'aspect assurance, n'est-ce pas?

Mme Joan Johannson: Le revenu annuel garanti dont nous avons parlé, comme mécanisme pour donner de l'argent aux gens, c'est une autre affaire. Je sais que cela s'est fait au Manitoba, dans les années 60, dans le cadre de l'expérience Mincome. C'est le moyen le plus simple de donner des prestations aux gens qui n'ont pas d'emploi rémunéré.

Cela pourrait se faire. Nous pourrions éliminer l'assurance-emploi, l'aide sociale et tous les autres programmes—le PRSP, l'AFLL, la prestation pour enfants, etc. On pourrait offrir un revenu annuel garanti, ou ce qu'on appelle au Québec «un revenu de citoyen», quel que soit le nom qu'on lui donne.

Dans un tel programme, on suppose que ce n'est pas la faute du prestataire, s'il n'a pas d'emploi rémunéré. J'ai entendu tous les renseignements qu'on a donnés au sujet des agriculteurs, et personne ne semble dire que si un agriculteur perd sa ferme, c'est de sa faute; on a plutôt dit ce que le gouvernement peut faire. Mais quand il s'agit des chômeurs, on semble toujours dire qu'ils sont responsables de leur état, et on refuse de les aider. On refuse de les aider, eux et leurs enfants.

Ce qu'il faut, c'est créer une société qui suppose au départ que les gens font de leur mieux. Des milliers de gens seront privés d'emploi rémunéré. Cela est dû à toute la révolution technologique. Il suffit de lire des ouvrages comme The End of Work.

Nous savons qu'il n'y a plus autant de travail, au sens traditionnel, que par le passé. Nous savons que nous pouvons nous servir des ordinateurs pour faire toutes sortes de choses. En Europe, le marché du travail essaye de s'adapter. On a diminué le nombre d'heures de travail pour mieux répartir les emplois dans la société.

En fait, il faut se demander si la société est responsable de ses citoyens, de ses enfants, de ses hommes et de ses femmes? Si vous répondez par l'affirmative, vous devez alors vous demander comment assumer cette responsabilité. Si vous décidez que le chômeur est responsable de son manque d'emploi, vous ne ferez absolument rien pour aider cette personne.

• 1150

Tout comme l'agriculteur n'est aucunement responsable d'une sécheresse, ou d'un autre problème de ce genre, le chômeur n'est pas responsable de son manque d'emploi. Vous devez prendre cette décision et puis vous demander comment changer les choses, comment les améliorer.

Le président: Merci.

Madame Leung.

Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. Peter McCann.

Les gens s'inquiètent de plus en plus des aliments génétiquement modifiés, tout particulièrement de l'étiquetage de ces aliments. Comme vous le savez, il y a beaucoup de discussions qui circulent actuellement dans le secteur privé et le secteur public à cet égard. J'aimerais que vous me disiez comment d'après vous nous pourrions assurer la salubrité des aliments que nous mangerons.

M. Peter McCann: Une des initiatives que les centres sur le génome lanceraient c'est qu'ils réserveraient une partie importante du budget pour étudier justement ces questions et procéder à une recherche dans le domaine pour préparer à la fois des documents publics et des travaux érudits. Le public veut vraiment en savoir plus long sur les produits génétiquement modifiés, et leur présence dans la chaîne alimentaire. En fait tout ça vient de l'Europe.

La question de l'étiquetage est fort complexe. Si c'était aussi simple que de mettre une étiquette sur un produit, par exemple dire qu'il y a de l'aspartame dans une boisson à faible teneur en calories indiquant exactement ce qu'on retrouve dans cette boisson, les choses seraient fort simples. Mais la première question qu'il faudrait se demander dans ces circonstances c'est si que cela nous donne vraiment des renseignements sur ce produit? Il faudrait donc des étiquettes beaucoup plus détaillées et des choses de ce genre.

En passant, c'est justement ce qui se passe en Europe. Il n'y a pas de système d'étiquetage efficace là-bas et donc ça ne fonctionne pas.

Évidemment, la question de l'étiquetage fait surface simplement parce que les gens se disent que parce que ce processus particulier a été utilisé pour créer un produit il faut donc qu'il ait une étiquette spéciale. C'est la façon dont les Européens perçoivent le problème. Pour les Canadiens et les Américains, on dit simplement que si ce produit est le même que celui qui a été produit par l'autre technique, pourquoi avoir besoin d'une étiquette spéciale? C'est le principe des l'équivalences en substances que le comité connaît sans aucun doute.

C'est un peu comme si on disait que la récolte dans un champ particulier a été faite avec une moissonneuse-batteuse rouge et quand dans l'autre champ elle a été faite avec une moissonneuse-batteuse verte, et qu'on indiquait sur l'étiquette quelle sorte de machine aratoire a été utilisée.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments garantit la salubrité des aliments. En fait les aliments qui ont été créés grâce à la biotechnologie sont probablement ceux qui font l'objet de plus de tests sur le marché nord-américain; nous avons un système qui est carrément le meilleur au monde.

J'ai signalé un peu plus tôt que je dois rencontrer cet après-midi des politiciens du Danemark. Ils sont venus ici pour étudier le système canadien de réglementation de la salubrité des aliments et le système d'approvisionnement en aliments qui ont des éléments génétiquement modifiés. Nous espérons que ces visiteurs se serviront de certains des éléments du système canadien dans leur système national.

Le président: Merci, madame Leung.

Monsieur Jones, vous êtes le dernier intervenant.

M. Jim Jones: Merci, monsieur le président.

J'aimerais adresser mes questions à M. Firth et à M. Cameron.

Je crois qu'il faut nous demander si ça vaut la peine de faire des efforts pour sauver la ferme canadienne. Vous vivez dans le sud de la Saskatchewan, à proximité de la frontière américaine. J'aimerais que vous me fassiez la comparaison entre ce que vit votre voisin de l'autre côté de la frontière et ce que vous vivez. Connaissez-vous les mêmes problèmes? Dans la négative, pourquoi pas?

De plus, vous avez parlé de la transmission de l'exploitation agricole familiale, passant du père au fils aux États-Unis, et vous avez comparé cela à la situation qui existe ici. Dans quelle mesure la situation fiscale est-elle différente aux États-Unis?

M. Murray Firth: En fait, mon exploitation agricole est sur la frontière. Une partie de ma terre chevauche la frontière avec le Dakota du Nord. A certains égards, il y a une différence énorme, mais à d'autres, il n'y a pratiquement pas de différence. Évidemment, la façon dont un agriculteur américain et un agriculteur canadien exploitent leur ferme ne sera pas vraiment très différente. C'est au niveau de la façon dont le gouvernement perçoit l'agriculteur que les choses sont vraiment différentes.

• 1155

Aux États-Unis, évidemment, on a lancé d'importants programmes de subvention dans les années 50 ou les années 60. Par conséquent, bon nombre de leurs subventions—ils ont eu plusieurs années de revenus très élevés, ce qui leur a permit d'investir ces subventions dans des installations, des machines aratoires et des terres. Mais cela a également changé leur façon de voir les choses, surtout si on compare avec la situation qui existe au Canada. Puisque notre gouvernement ne nous a pas offert de subventions, comme nous l'avons signalé plus tôt, qui se rapprochent de quelque façon que ce soit des subventions américaines, nous avons tendance à nous servir de nos connaissances pour devenir beaucoup plus efficaces.

Il est intéressant d'étudier les 10 ou 15 dernières années; de nouvelles techniques agricoles ont été mises au point, des techniques plus efficaces, dans l'Ouest canadien, en Saskatchewan. Je parle des semoirs pneumatiques, de la culture sans labour, de l'agriculture biologique—toutes ces choses ont en fait vu le jour dans l'Ouest canadien puis ont été adoptées par les États-Unis.

Nous avons survécu ici simplement en étant efficaces. Les Américains ont pu survivre parce qu'ils ont eu grâce à leurs subventions le capital nécessaire pour acheter des terres; le gouvernement les a aidés. Je suppose que c'est notre problème ici. Nous sommes au pied du mur. Ils reçoivent toujours, quelque 22 milliards de dollars cette année je crois, et on reçoit ici moins d'un quart de ce montant.

Est-ce que cela répond à vos questions?

M. Jim Jones: Et la transmission de l'exploitation agricole du père au fils? Les aspects fiscaux? Pouvez-vous comparer la situation aux États-Unis avec celle du Canada?

M. Murray Firth: Je n'en connais pas très long sur le rôle du gouvernement américain dans ce secteur, à savoir s'il y a des transferts fiscaux entre générations ou des traitements particuliers. Cependant, il semble y avoir plus de jeunes agriculteurs aux États-Unis en raison du système. Cela a encouragé beaucoup de jeunes Américains à acheter des exploitations agricoles, ou à rester sur la ferme et à exploiter l'exploitation agricole familiale avec leurs parents. Il y a beaucoup plus de jeunes agriculteurs là-bas qu'ici.

M. Jim Jones: J'ai cru comprendre que les États-Unis avaient décidé qu'il fallait faire tous les efforts nécessaires pour sauver les exploitations agricoles familiales, et je crois que le Canada doit prendre cette décision. Cela vaut-il la peine de sauver ces exploitations agricoles? Dans l'affirmative, il faudrait peut-être alors se tourner vers d'autres exemples dans d'autres pays, et adopter le système qui nous convient.

M. Murray Firth: Je crois qu'un des éléments fondamentaux c'est par exemple la différence au niveau du blé dur. Ici nous avons utilisé les marchés et nous avons dit que ça semblait beaucoup plus intéressant pour le blé dur que pour les autres secteurs. Cela nous a peut-être amenés à ne pas faire pousser de blé dur dans une certaine mesure dans notre coin. Aux États-Unis, avec un de leurs programmes gouvernementaux, ils ont établi un prix -plancher pour le blé dur et cela voulait dire que celui qui faisait pousser du blé dur, avait une garantie de revenu. On a donc investi aux États-Unis beaucoup d'argent dans le blé dur et dans l'achat de superficies pour y faire pousser du blé dur; c'est une chose qui ne se serait pas normalement produite. C'est ça la différence. Si vous associez directement une aide à un produit cela détruit le produit; cela fausse les signaux du marché.

Nous commençons à comprendre, après avoir parlé à certains fonctionnaires, que nous avons fait tout ce que nous pouvions, et il en va de même pour le gouvernement, pour assurer la transition, mais on commence à se demander si le gouvernement et nous ne faisons pas des choses absolument incompatibles. Avons-nous une vision du secteur agricole au Canada? Dans l'affirmative, est-ce que notre vision est compatible avec celle du gouvernement? Je ne parle pas simplement du gouvernement actuel; je parle de tous les partis politiques qui représentent tous les Canadiens.

Lorsque les trois chefs de partis politiques sont venus nous visiter, nous leur avons demandé de retourner parler à leurs caucus. Nous avons dit aux Libéraux de demander aux membres de leur caucus quelle est leur vision de l'agriculture? Qu'attendent-ils de ce secteur? Commencez par parler de ce genre de chose, puis vous pourrez avoir cette discussion avec tous les Canadiens; tant que nous ne pourrons que parler entre nous dans la région des Prairies, nous pourrons tous nous dire les uns aux autres à quel point les choses vont mal et tous en conviendront mais cela ne nous mènera nulle part.

Nous devons faire participer tous les Canadiens à cette discussion pour savoir vraiment s'ils jugent que le secteur primaire, le secteur agricole, est important. Nous sommes un secteur primaire un peu comme les mines, les forêts et les choses de ce genre. C'est ce sur quoi un pays est fondé. C'est là que la richesse est créée et c'est là qu'ont commencé les premiers emplois.

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Le secteur des services est nécessaire—malheureusement, il croît à un taux plus rapide au Canada que l'industrie primaire—mais il ne crée aucune richesse. Mme Johannson a parlé des chômeurs, et je comprends sa position. Mais quand quelqu'un perd son emploi personne ne juge qu'il est foncièrement responsable. Je connais des agriculteurs—peut-être quelques agriculteurs mais... Nous sommes comme tous les Canadiens, nous ne voyons pas les choses de cette façon. Nous jugeons que vous avez fait tout ce que vous pouviez et, quand les choses iront mieux, vous recommencerez à travailler.

Merci.

Le président: D'autres commentaires? Monsieur Brown.

M. Darwin Brown: Je crois que je suis étonné que nous soyons ici en train de discuter si cela vaut la peine de faire des efforts pour sauver l'exploitation agricole familiale. Je crois qu'il faut se demander quel sera l'impact d'une telle décision? Quelqu'un exploitera ces terres agricoles. Les agriculteurs partent, les vieux agriculteurs prennent leur retraite et quand d'autres meurent, les fils et les filles de ces agriculteurs ne reprennent pas l'exploitation agricole—les exploitations agricoles sont toujours exploitées, mais elles deviennent de plus en plus grandes.

Au rythme où on va, dans très peu de temps il n'y aura que quatre ou cinq grosses exploitations agricoles en Saskatchewan—des fermes constituées en sociétés. En fait ce que vous faites c'est céder le contrôle de la production des denrées alimentaires, la production, en passant par la transformation jusqu'à la livraison à l'épicerie, à des sociétés multinationales, qui peuvent contrôler l'approvisionnement en denrées alimentaires.

Le problème maintenant c'est que certains penseront peut-être que nous avons trop de nourriture, et c'est pourquoi les prix sont si faibles. Pensez à ce que font les sociétés pétrolières. Si vous pouviez contrôler la production, vous pourriez établir le prix à votre guise.

M. Jim Jones: Monsieur Brown, je reconnais cette tendance. Je veux savoir ce que nous pouvons faire pour nous assurer que ça ne se produira pas. Comment pouvons-nous garantir à ceux qui ont passé toute leur vie et à ceux dont les parents et les ancêtres ont passé toute leur vie sur la ferme, qu'ils garderont leurs fermes?

M. Darwin Brown: Je suppose que je ne suis pas convaincu que le gouvernement fédéral comprend la situation et est conscient de l'importance de la préservation des exploitations agricoles familiales; comprend-il qu'en fait notre pays, notre nation, sera avantagé si l'exploitation agricole est exploitée par une famille plutôt que par une société? A ce jour, le gouvernement fédéral n'a rien fait pour transmettre ce message à l'agriculteur de la Saskatchewan.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Cameron.

M. Tom Cameron: Je crois que si vous voulez cibler tout particulièrement les exploitations agricoles familiales—et je reconnais que ces exploitations agricoles sont absolument nécessaires. Nous ne voulons pas devenir comme le Montana, où vous pouvez voyager pendant des milles et des milles... Cet automne, un des troupeaux locaux de bisons qui sont maintenant dans la région s'est échappé et a traversé des champs juste au sud de chez moi et je les ai regardés faire. Il y avait un ou deux types à cheval qui se tenaient à une assez bonne distance, qui les ramenaient gentiment où ils auraient dû rester. Ils ont piétiné la récolte de mon voisin, et entre les bisons et ma maison il y avait un petit troupeau de chevreuils qui s'en allaient dans l'autre direction, tranquillement, sans rien craindre. Je me suis demandé si c'était là l'avenir? Est-ce que toutes ces terres redeviendront celles des bisons et des chevreuils?

La façon de protéger la ferme familiale, c'est d'abord de s'asseoir pour déterminer de quel genre d'exploitation familiale il s'agit. Ensuite, on met au point un programme spécifiquement conçu pour la ferme familiale. Il faut limiter la superficie et aussi les paiements qui seront accordés. Ce sont des conditions que le gouvernement peut établir afin de cibler son programme.

En Saskatchewan, par exemple, le remboursement de la taxe sur le carburant est limité à 900 $ par exploitation. Si j'ai seulement une parcelle de terrain je reçois 900 $ et si j'en ai 10, je reçois toujours le même montant. Il y a donc un avantage pour une petite exploitation. Évidemment, il y a toujours moyen de contourner ces règles et c'est là que l'intégrité de certains de ces programmes est compromise. Au fond, les règles établies pour un programme permettent une certaine utilisation de l'argent.

Un témoin: Puis-je faire une observation? Je suis tout à fait d'accord avec l'objectif de protéger la ferme familiale. Ce qui m'inquiète maintenant c'est de savoir si nous avons la volonté de protéger et de sauver les enfants du Canada. Nous savons qu'aujourd'hui est le dixième anniversaire de la résolution du gouvernement de mettre fin à la pauvreté infantile au Canada. Je ne vois pas quelle suite on a donnée à cette intention. Je ne vois pas du tout de volonté politique. C'est bien la moindre des choses de faire en sorte que nos enfants aient de quoi manger et un toit. Ce devrait être notre priorité principale.

Le président: Merci.

Merci, monsieur Jones.

• 1205

Au nom du comité, je voudrais vous remercier de vos mémoires bien réfléchis. Comme vous le savez, votre groupe montre bien que nous traitons de bien des problèmes. Certaines questions exigent une attention immédiate et il y en a d'autres pour lesquelles il faut des solutions à long terme. Notre comité se trouve devant le défi de trouver le juste milieu.

Cela dit, je ne voudrais pas laisser entendre que les deux perceptions concernant les priorités s'excluent mutuellement. En fait, je crois que toutes les deux cherchent à améliorer la qualité de vie des Canadiens par l'amélioration de leur niveau de vie, ce qui est en fin de compte la façon de mesurer l'échec ou le succès des politiques publiques.

Encore une fois, au nom du comité, je vous remercie.