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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 29 mars 2000

• 1536

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui la ministre de la Justice au sujet du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

Comme le savent les membres du comité, ainsi que la ministre, nous avons entendu de nombreux témoins récemment au sujet de ce projet de loi, qui est certainement très important pour les Canadiens et pour le gouvernement.

Sans plus tarder, madame la ministre, je vous prie de nous faire part de vos réflexions, suite à notre examen du projet de loi, et de nous dire ce que vous en pensez.

[Français]

L'honorable Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le président et chers membres du comité, je vous remercie de me permettre de vous parler du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents.

C'est avec intérêt que j'ai suivi votre travail et les témoignages présentés par plusieurs groupes de personnes à qui le sujet du système de justice pénale pour les adolescents tient à coeur.

[Traduction]

Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le président, vous avez reçu de nombreux témoins intéressés et réfléchis qui avaient des opinions contradictoires sur la justice pour les jeunes. Comme je l'ai appris pendant mes discussions avec mes collègues provinciaux et territoriaux, notamment, il est difficile d'établir un consensus sur des lois pénales pour les jeunes au Canada. Mais je crois qu'une solution équilibrée, juste et réfléchie recevra l'appui de la grande majorité des Canadiens et donnera lieu à d'importantes améliorations pour les jeunes, les victimes, les collectivités et la société en général.

Les Canadiens veulent un système de justice pénale pour les jeunes qui protège la société et témoigne de valeurs comme la responsabilité et le respect. Ils veulent que le gouvernement fasse d'abord la prévention de la criminalité chez les jeunes et que lorsqu'un crime est commis il soit suivi de conséquences significatives. Le projet de loi C-3, la nouvelle loi sur le système de justice pénale pour adolescents, vise ces objectifs.

L'élaboration des politiques et des lois est un processus en constante évolution, et des améliorations peuvent toujours être apportées. Certains de vos témoins ont demandé avec éloquence des modifications du projet de loi C-3 qui sont conformes à ses orientations politiques. Je parlerai pendant cet exposé de certaines de ces suggestions.

D'autres témoins, toutefois, ont prétendu que la Loi sur les jeunes contrevenants est un cadre législatif convenable pour la justice pénale pour adolescents au Canada et ne doit pas être modifiée. Je respecte cette opinion, mais je n'y souscris pas. Il y a des lacunes fondamentales dans le cadre législatif actuel, et le projet de loi C-3 est destiné à les combler. Des corrections importantes sont nécessaires et ne peuvent être obtenues que par un changement législatif significatif.

Cet après-midi, je me concentrerai sur les améliorations apportées par la nouvelle loi sur le système de justice pénale pour adolescents.

Pour commencer, l'une des grandes améliorations de cette loi, c'est qu'elle établit une distinction claire dans la façon dont on traite le faible nombre de jeunes qui commettent les crimes violents les plus graves et la grande majorité des contrevenants qui commettent des crimes de moindre gravité.

• 1540

Parce que le Canada n'a pas réussi à appliquer les conséquences les plus graves aux crimes les plus graves, nous avons l'un des taux d'incarcération des jeunes contrevenants les plus élevés du monde. Le projet de loi C-3 fournit un cadre législatif amélioré destiné à appliquer des mesures plus efficaces, tant pour les crimes violents et graves que pour la grande majorité des infractions qui sont moins graves.

Nous donnons aux corps policiers davantage d'instruments pour s'occuper des jeunes dans leurs collectivités, afin de les remettre sur le droit chemin avant qu'ils commettent des crimes plus graves. Un plus grand pouvoir discrétionnaire accordé aux policiers et aux procureurs au début du processus permettra des règlements plus significatifs, plus efficaces et plus rapides de la grande majorité des cas sans grande gravité. La procédure judiciaire et la mise sous garde seront réservées aux crimes graves.

L'effet global du système de justice pénale pour adolescents plus ciblé sera que moins de jeunes vivront la procédure judiciaire officielle et recevront des peines de mise sous garde pour des crimes moins graves, alors que les cas graves seront traités plus rapidement et plus efficacement.

[Français]

Le projet de loi qui est devant vous appuie l'élaboration de solutions plus constructives et plus durables, qui auraient un effet positif à long terme sur la criminalité chez les jeunes. Ces solutions visent à renforcer des valeurs sociales importantes, notamment le respect et la responsabilité, tout en tenant compte des besoins individuels des adolescents.

[Traduction]

Les objectifs du système de justice pénale pour adolescents sont fixés dans les principes du projet de loi. Les nouveaux principes affirment la différence entre le système de justice pénale pour adolescents et celui pour adultes. Le projet de loi C-3 insiste sur la prévention du crime, sur l'imposition de conséquences significatives pour les comportements illicites, et sur la réadaptation et la réinsertion sociale pour les adolescents, comme étant les meilleurs moyens de contribuer à la protection de la société.

Un certain nombre de témoins ont suggéré une clarification des principes du projet de loi, et ces suggestions ont été soigneusement envisagées. Ainsi, j'appuierais l'ajout aux principes d'une référence à l'importance d'agir rapidement auprès des jeunes qui contreviennent à la loi. Je serais aussi favorable à l'inclusion d'une disposition exigeant particulièrement des juges qu'ils prennent en compte les besoins particuliers des adolescents et leur niveau de développement.

Plusieurs témoins se sont montrés préoccupés des jeunes qui ont des démêlés avec la justice alors que les services sociaux pourraient s'occuper plus efficacement de régler leurs problèmes et de répondre à leurs besoins. Certains proposent que le projet de loi compte une disposition reconnaissant qu'un juge puisse renvoyer le dossier d'un jeune aux services d'aide à l'enfance pour évaluation. Rien n'empêche un juge de le faire actuellement, mais cette suggestion mérite toutefois qu'on s'y arrête.

Actuellement, la Loi sur les jeunes contrevenants prévoit qu'un jeune peut être renvoyé au tribunal pour adultes, perdant ainsi les protections correspondant à son âge, y compris la confidentialité, et cela, avant même sa condamnation pour une infraction. Il en va ainsi actuellement. Comme des témoins vous l'ont dit, les procédures de renvoi peuvent durer jusqu'à deux ans, ce qui nuit à la célérité du procès et ne profite ni au jeune contrevenant, ni à la victime, ni à la collectivité.

En outre, en vertu de l'actuelle LJC, les adolescents renvoyés au tribunal pour adultes peuvent être tenus de purger leur peine dans un établissement correctionnel provincial ou fédéral pour adultes, à la discrétion du juge. Le projet de loi C-3 répond à ces lacunes en prévoyant que tout le procès contre un jeune a lieu au tribunal pour adolescents, où peuvent s'appliquer les protections se rapportant à son âge. L'audience sur l'opportunité d'une peine pour adultes ne se produira qu'après la déclaration de culpabilité. En outre, la décision sera prise par le juge au procès, celui qui aura l'avantage d'avoir entendu la preuve pendant le procès, avant de rendre sa décision.

Cette procédure sera plus rapide, maintiendra les protections accordées en fonction de l'âge et sera plus respectueuse de la présomption d'innocence.

• 1545

Le projet de loi C-3 prévoit aussi qu'un adolescent de moins de 18 ans peut purger sa peine pour adultes dans un établissement pour adolescents. Je crois que c'est très important. Cette présomption n'existe pas dans la loi actuelle sur les jeunes contrevenants. Nous estimons qu'elle est plus conforme à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, à laquelle on se réfère explicitement dans le préambule du projet de loi.

Des préoccupations ont été formulées au sujet de deux autres questions connexes. Certains estiment qu'il ne serait pas positif de permettre la publication des noms de ceux qui ont reçu une peine pour adolescents pour les cinq catégories d'infractions désignées. Il importe de signaler que lorsqu'on impose une peine pour adolescents pour une infraction désignée, l'adolescent ou le procureur peut demander un interdit de publication. Le juge qui doit rendre sa décision à ce sujet doit prendre en compte l'importance de la réadaptation de l'adolescent et l'intérêt public. Je crois fermement que les juges seront en mesure d'évaluer les circonstances personnelles, dans chaque cas, et de veiller à ce que l'interdit de publication ne s'applique qu'aux cas où c'est approprié.

Un certain nombre de témoins ont soulevé des préoccupations au sujet de l'admissibilité en preuve des déclarations faites par les adolescents. La préoccupation légitime des policiers et d'autres, selon laquelle l'exclusion des déclarations d'adolescents pour des motifs procéduraux risque de déconsidérer l'administration de la justice, doit être examinée. Le projet de loi C-3 prévoit qu'un juge peut permettre l'admissibilité d'une déclaration qui n'a pas été prise conformément aux exigences prévues au projet de loi, si cela ne déconsidère pas l'administration de la justice.

Je sais que plusieurs témoins vous ont parlé de cet article proposé, et pour bien clarifier l'intention qui a guidé la rédaction de cette disposition, je recevrais favorablement une modification précisant que le principe dont je viens de parler ne s'applique qu'aux erreurs de procédure, dont divers témoins vous ont parlé, je crois, ce qui faisait partie de notre intention en rédigeant cet article. Je crois que ces éclaircissements rassureront beaucoup de gens et préciseront notre intention au sujet des déclarations.

Les principes de détermination de la peine du projet de loi C-3 prévoient un ensemble de lignes directrices complet pour les peines pour adolescents et sont le reflet d'une démarche de détermination de la peine fondamentalement plus juste. Contrairement à la Loi sur les jeunes contrevenants, le nouveau projet de loi affirme que l'objectif de la détermination de la peine est de tenir un adolescent responsable de l'infraction commise en imposant des conséquences significatives pour le jeune contrevenant et en encourageant sa réadaptation et sa réinsertion.

En imposant une peine pour adolescents, le juge doit tenir compte de divers principes importants. Ainsi, le projet de loi C-3 prévoit que la peine imposée à un adolescent ne doit pas être plus lourde que celle qui conviendrait dans les mêmes circonstances pour un adulte. La peine doit aussi être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du jeune contrevenant dans la commission de l'infraction.

Par respect de la simple justice, une infraction relativement mineure devrait avoir pour résultat des conséquences relativement mineures, et une infraction plus grave, des conséquences plus graves. La peine doit aussi être celle qui est la plus propice à la réadaptation du jeune contrevenant, à sa réinsertion dans la société et au développement chez lui d'un sens de la responsabilité et d'une prise de conscience des torts causés à la victime et à la collectivité.

Tout en sachant qu'il a mal agi, un adolescent peut ne pas comprendre toute la nature et toutes les conséquences de ses actes pour lui-même et pour d'autres. Par ailleurs, certains adolescents ne trouvent pas dans leur communauté la structure, les conseils et le soutien nécessaires pour les amener à changer leur comportement et à se défaire des influences néfastes.

Beaucoup des nouvelles dispositions du projet de loi sur la justice pénale pour adolescents permettent une intervention personnalisée qui aidera l'adolescent à comprendre les conséquences de ses actes. Les policiers, les procureurs et les juges ont le pouvoir légal de servir un avertissement ou une mise en garde à un adolescent pour qu'il comprenne que sa conduite est inacceptable et que des conséquences plus graves pourraient s'ensuivre en cas de récidive. Les groupes consultatifs sont encouragés à diverses étapes de la procédure, permettant à l'adolescent de participer au processus, de même qu'aux victimes, aux membres de la famille et à d'autres, afin d'apprendre quelles sont les conséquences de sa conduite et de trouver des solutions de réparation.

• 1550

La gamme des sanctions possibles a été élargie dans le projet de loi C-3. Outre les peines qui permettent à un adolescent d'essayer de réparer les torts causés, par la restitution, le dédommagement et les ordonnances de services communautaires, de nouvelles sanctions permettent la surveillance intensive et l'assistance communautaire. Ces peines comprennent des ordonnances de participation à un programme désigné et des ordonnances d'assistance communautaire et de surveillance intensives. Le changement des comportements dans la communauté est essentiel à la lutte contre le crime chez les jeunes.

Le projet de loi C-3 prévoit aussi une nouvelle peine de mise sous garde pour les adolescents en difficulté, les plus violents, comprenant une réadaptation et une assistance intensives. Il s'agit d'un engagement très sérieux envers la protection de la société, destiné à déployer tous les efforts possibles pour éviter que ne reviennent les comportements les plus violents des adolescents. Aux infractions désignées pour le renvoi à une peine pour adultes, soit le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide et l'agression sexuelle grave, s'ajoutent les infractions graves avec violence et répétées. En vertu du nouveau projet de loi, le renvoi présomptif s'appliquera aux jeunes de 14 à 17 ans.

Je sais que certains témoins ont critiqué l'abaissement de l'âge pour le renvoi présomptif à des peines pour adultes. Précisons tout d'abord que tant en vertu de la LJC qu'en vertu du projet de loi C-3 les adolescents de 14 ans et plus qui commettent des infractions graves peuvent se voir imposer une peine pour adultes. Le renvoi présomptif renverse le fardeau de la preuve pour les infractions les plus graves—et seulement pour les infractions les plus graves—comme les homicides ou les tentatives de meurtre. L'adolescent a toutefois la possibilité de convaincre le juge qu'une peine pour adolescents serait suffisante pour le tenir responsable de ses actes.

Il reste que le projet de loi C-3 donne aux provinces suffisamment de souplesse pour ne pas appliquer le renvoi présomptif si elles le souhaitent. La loi précise que si le procureur informe le tribunal qu'il ne demandera pas une peine pour adultes pour une infraction désignée, le juge doit imposer une peine pour adolescents et ordonner un interdit de publication si l'adolescent est jugé coupable. En outre, rien dans le projet de loi C-3 n'empêche un gouvernement provincial d'émettre des lignes directrices à ses procureurs au sujet des demandes de renvoi dont je viens de parler.

Des témoins ont aussi exprimé leurs craintes au sujet d'une cinquième catégorie d'infractions désignées, soit les infractions graves avec violence, quand il y en a deux ou plus. Plus précisément, certains témoins ont déclaré que la définition de l'infraction grave avec violence était vague et incertaine. Pour clarifier les choses, j'accepterais le remplacement de la définition actuelle—si vous avez cette définition sous les yeux. Je crois que c'est le juge Heino Lilles qui a proposé ce changement, pour lequel je n'ai aucune objection.

Si vous regardez la définition d'«infraction grave avec violence», nous y remplacerons la phrase qui commence par «ou risque fort d'en causer» par «ou toute tentative d'en causer». D'après le juge Lilles, cela dissiperait la confusion potentielle entourant cette définition.

Nous proposerons d'autres amendements pour éliminer certaines définitions, mais nous en reparlerons plus tard, si vous le voulez bien.

Une des graves lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de dispositions pour la réinsertion sûre et sous surveillance dans la communauté. Le projet de loi C-3 vise à mieux soutenir la réinsertion d'un adolescent dans la communauté, ce qui protège le public en évitant que d'autres crimes ne soient commis. Le projet de loi prévoit que la période de mise sous garde sera suivie d'une période de surveillance dans la communauté.

• 1555

Pour assurer l'imposition de peines réelles, selon l'expression consacrée, et la clarté dans l'esprit de l'adolescent qui se voit imposer une peine, le juge dira en cour quelle partie de la peine sera purgée sous garde et quelle partie sera purgée dans la communauté. Un bris des conditions de surveillance communautaire pourrait ramener le jeune contrevenant sous garde.

Les dispositions du projet de loi C-3 relatives à la réinsertion encouragent une continuité entre la mise sous garde et la partie de la peine purgée dans la communauté. Pendant que l'adolescent est sous garde, les responsables des services correctionnels pour adolescents doivent travailler avec lui à l'élaboration d'un plan tenant compte de tous les aspects de la réinsertion d'un jeune contrevenant dans la communauté. Le plan comprendra la participation des familles, des écoles, des services appropriés et d'autres, pour veiller à ce que le retour du jeune contrevenant dans la communauté soit une réussite.

Beaucoup de témoins se sont prononcés en faveur de l'élément réinsertion sociale du projet de loi, et je tiens à insister là-dessus. C'est absolument crucial si nous voulons prévenir la récidive, ce qui doit être un de nos objectifs auprès des adolescents. Si un adolescent commet un crime, même un crime grave, et peut-être particulièrement un crime grave, nous voulons travailler avec lui pendant qu'il est sous garde, mais aussi dans la communauté, pour veiller à ce qu'il puisse retrouver le droit chemin, se réinsérer dans la communauté locale et ne pas être tenté par d'autres activités criminelles. Je pense que l'une des failles de la loi actuelle, c'est que nous ne nous sommes pas suffisamment concentrés sur l'importance de l'aide qu'il fallait accorder aux jeunes contrevenants pour la transition entre la mise sous garde et le retour dans sa communauté.

Certains témoins se sont montrés préoccupés par le fait que la durée de la surveillance communautaire dans tous les cas serait deux fois moins longue que la période de mise sous garde. Quand un adolescent conteste le renvoi à une peine pour adultes pour une infraction désignée, le juge imposera une peine spécifique. Par conséquent, si l'adolescent conteste l'imposition d'une peine pour adultes, en vertu de ce projet de loi, le juge doit imposer une peine spécifique. Dans ces cas-là, je comprends qu'il faut donner aux juges le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour déterminer le rapport entre la période de mise sous garde et la période de surveillance dans la communauté, sans que la période communautaire soit nécessairement moitié moins longue que la mise sous garde. Cela permettra davantage de souplesse pour le cas des contrevenants à qui l'on impose des peines spécifiques pour des crimes graves avec violence.

Sous le régime de la Loi sur les jeunes contrevenants, on a critiqué le système de justice pénale pour adolescents parce qu'il ne permettait pas suffisamment la participation des victimes, des parents, des familles, des communautés et des représentants d'autres domaines. La criminalité juvénile est un phénomène complexe. La participation d'autres intéressés peut améliorer la compréhension qu'on en a et offrir un appui aux victimes, aux adolescents, aux familles et aux communautés en réagissant de manière constructive et significative au comportement délictueux.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le projet de loi C-3 favorise spécifiquement les groupes consultatifs à plusieurs étapes de la procédure. Dans certains groupes, on réunit des professionnels comme des éducateurs spécialisés, des psychopédagogues ou d'autres qui s'occupent déjà de la jeunesse pour solliciter leur avis et assurer la continuité des services. D'autres groupes peuvent être apparentés à des conseils de détermination de la peine ou à des groupes familiaux qui réunissent les victimes, les délinquants et les familles.

Bien que le principe des groupes consultatifs ait été largement appuyé, les provinces s'inquiètent de voir qu'ils ne sont pas définis dans le projet de loi. Je suis prête à accepter des amendements indiquant qui peut organiser un groupe consultatif et donnant aux provinces et territoires la possibilité de réglementer les groupes non judiciaires.

Le projet de loi C-3 étend également les mandats éventuels des comités de justice pour la jeunesse. Il s'agit de comités de citoyens qui peuvent participer à tous les aspects de l'application de la loi ou à tout programme ou service destiné aux jeunes. Ils peuvent inciter des citoyens ou des organismes à intervenir activement dans la recherche de résolutions constructives pour les victimes, les familles, les jeunes et toutes les personnes concernées par la criminalité juvénile.

Je sais que vous avez beaucoup entendu parler de la question des ressources. La loi sur le système de justice pénale pour adolescents corrige certaines faiblesses fondamentales de l'actuelle Loi sur les jeunes délinquants. À mon avis, elle va déboucher sur un régime judiciaire plus efficace pour les jeunes. Mais la législation n'est que l'un des éléments d'une initiative plus vaste qui vise une refonte de notre système de justice pour les jeunes, qu'on ne saurait limiter à une mesure législative.

• 1600

Je sais que les témoins ont été nombreux à évoquer leurs préoccupations concernant la disponibilité des programmes et des ressources nécessaires à leur application. Je puis vous assurer que les fonds nécessaires seront débloqués. En plus de notre contribution annuelle de plus de 150 millions de dollars aux programmes fédéraux-provinciaux-territoriaux à coûts partagés concernant la justice pour les jeunes, nous verserons un montant supplémentaire de 125 millions de dollars à titre de financement intérimaire au cours des cinq prochaines années pour favoriser la réalisation des objectifs de la stratégie de justice pour les jeunes et des programmes prioritaires. Des négociations sont en cours avec les provinces et territoires pour déterminer les meilleures modalités financières à long terme.

À part ce montant de 125 millions de dollars dont je viens de parler, d'autres ressources supplémentaires seront mises à la disposition des provinces et des territoires pour couvrir les coûts de la formation, les imprévus et les modifications des systèmes informatiques. On a également prévu du financement pour des projets pilotes visant à tester les éléments novateurs du projet de loi. Des travaux de recherche avancée sont en cours, non seulement à notre niveau, mais aussi avec les provinces et les services qui s'occupent des jeunes. En outre, nous allons nous efforcer de fournir de l'information, des programmes de sensibilisation juridique et des documents de formation pour faciliter la refonte du système de justice pour les jeunes.

La nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents est fondée sur les valeurs que les Canadiens souhaitent vouloir apparaître dans leur système de justice pour les jeunes. Ils veulent un système qui prévienne la criminalité grâce à une action sur les circonstances qui sous-tendent les comportements délinquants des jeunes. Ils veulent également un système qui vise à réadapter et à réintégrer dans la société les jeunes qui ont commis des infractions. Le système doit également faire en sorte que le jeune délinquant soit amené à prendre conscience des conséquences de son infraction. Les Canadiens savent que c'est la façon la plus efficace d'assurer la protection à long terme de la société.

Notre démarche répond par ailleurs aux préoccupations des Canadiens concernant la nécessité d'une plus grande efficacité du système de justice pour les jeunes en matière de promotion de valeurs comme l'imputabilité, la responsabilité et le respect d'autrui. De plus, le système doit être plus sensible aux besoins des victimes et doit amener les jeunes à reconnaître le tort qu'ils ont causé et à faire, le cas échéant, acte de restitution.

[Français]

Quels sont les principes fondamentaux sur lesquels se base la stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes contrevenants au Canada? Je suis convaincue que la nouvelle loi et les programmes d'appui répondront aux besoins et aux préoccupations des Canadiens et des Canadiennes.

[Traduction]

Je crois que le projet de loi C-3 propose aux Canadiens un système de justice pour les jeunes digne de leur confiance. J'entends collaborer avec vous et avec les autres partenaires de cette refonte, et je tiens encore une fois à remercier tous les membres du comité, car je sais que vous avez entendu de nombreux témoins et que vous prenez leurs interventions très au sérieux.

Cette mesure législative est complexe, et je n'ai pas à m'en excuser. Je crois qu'il est important de faire en sorte que la loi soit aussi simple que possible, et que la clarté soit gage d'efficacité. Cela étant dit, les témoins ont dû vous dire que les questions de justice pour les jeunes sont des questions complexes. Si la Loi sur les jeunes contrevenants n'a pas répondu aux attentes des Canadiens et de ceux qui s'occupent directement de la justice pour les jeunes, c'est notamment parce que nous n'avions pas pris toute la mesure de la complexité de la justice pour les jeunes. Nous aurions dû admettre à quel point il est complexe de bien comprendre pourquoi les jeunes commettent des crimes et d'élaborer des stratégies susceptibles d'assurer leur réadaptation et leur réintégration sociale.

Plusieurs témoins, dont ceux du Barreau, vous ont dit que l'éducation est une composante importante du succès de tout système de justice pour les jeunes. Je crois que c'est vrai. L'éducation est certainement indispensable pour ceux qui interviennent directement au sein du système, mais je crois qu'elle l'est également pour tous les Canadiens, si l'on veut que chacun comprenne bien la complexité de la justice pour les jeunes et joue en toute connaissance de cause un rôle plus constructif auprès des jeunes qui ont enfreint la loi, qui, parfois, commettent des actes très graves, afin que ces jeunes se réhabilitent, réintègrent la société, assument la responsabilité du tort qu'ils ont causé et tournent la page, permettant ainsi à leurs victimes et à la communauté d'en faire autant.

• 1605

Je vous remercie de votre patience, non seulement à mon égard aujourd'hui, mais aussi pour avoir écouté les nombreux témoins qui oeuvrent avec dévouement à faire évoluer le système de justice pour les jeunes dans notre pays. Je peux vous assurer que lorsqu'on parle de justice il n'est aucun sujet qui suscite des sentiments plus forts et plus passionnés que la justice pour les jeunes.

Tout cela pour dire que nous participons ici à une tâche fondamentale, dont le succès déterminera la confiance qu'accorderont les Canadiens à leur système de justice.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame la ministre. D'après vos indications concernant les amendements que vous envisagez et les domaines dans lesquels vous êtes prête à en accueillir, le travail du comité a été très fructueux, et les gens qui ont investi de leur temps pour comparaître devant nous seront satisfaits de savoir que leurs propos ont été entendus. S'ils n'ont pas toujours été acceptés, on peut dire du moins que les choses se sont passées à la satisfaction des parlementaires, comme mes collègues pourront le confirmer.

Je pense également—et j'espère m'adresser aussi à vos collègues qui comparaissent devant d'autres comités—que la possibilité de comparaître à la fin des délibérations d'un comité plutôt qu'à leur début vous donne une certaine marge de manoeuvre—même si je ne suis pas certain que ce soit la bonne expression. Nous comprenons tous que cela vous donne du moins une latitude indispensable à nos travaux, ce dont nous vous sommes tous très reconnaissants.

Je cède maintenant la parole à M. Cadman, qui ne manquera pas, j'en suis sûr, d'exprimer sa reconnaissance.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci, madame la ministre, d'être des nôtres aujourd'hui.

Vous avez, je crois, un certain nombre d'amendements à proposer. Est-ce qu'on peut savoir combien? S'agit-il d'amendements de forme? Je pose cette question parce que certains semblent considérer que les comités ne sont là que pour entériner les décisions gouvernementales, et j'espère bien que ce n'est pas le cas.

La ministre est-elle prête à accueillir des amendements de fond, et non pas uniquement des amendements d'ordre technique?

Mme Anne McLellan: Tout d'abord, monsieur Cadman, je tiens à dire que s'il existe un comité dont on ne peut prétendre qu'il se contente d'entériner les décisions du gouvernement, c'est bien celui-ci, et je le dis en toute sincérité. Les travaux de ce comité sont parmi les plus importants au gouvernement. Je me place du point de vue de mon ministère, mais je suis certaine qu'on peut en dire autant pour le solliciteur général, et je suis sûre que lui et ses fonctionnaires prennent très au sérieux, tout comme moi, ce qui se passe dans ce comité; nous vous écoutons avec une grande attention.

De mon point de vue, vous n'êtes pas là pour entériner des décisions, car les questions en cause ici sont beaucoup trop importantes. Certains des amendements dont j'ai parlé aujourd'hui sont des amendements de fond. D'autres peuvent être qualifiés, je suppose, d'amendements de forme, mais pour certains il s'agit d'amendements de fond. Nous avons même toute une liste d'amendements que mon secrétaire parlementaire va proposer au moment de l'étude article par article, et je suis certaine qu'ils seront mis en délibération tout comme ceux des autres partis.

Comme toujours, je suis à l'écoute. Nous avons écouté attentivement les témoins et nous avons repris dans nos amendements plusieurs propositions, comme celles du Barreau du Québec et de l'Association du Barreau canadien, qui demandaient plus de clarté et moins de complexité. Nous avons repris certaines propositions de groupes de victimes, comme celles de M. Sullivan. Nous avons une série d'amendements qui répondent en grande partie à ce que vous-mêmes et mes fonctionnaires avez entendu dans cette salle au cours des derniers mois.

• 1610

Mais j'ai bien hâte—et je sais qu'il en va de même pour mon secrétaire parlementaire et pour d'autres—d'entendre les amendements qui seront proposés à l'étage de l'étude article par article. Nous prendrons ces propositions au sérieux, comme nous le faisons pour tous les amendements.

M. Chuck Cadman: Sur la question de la complexité, nous avons effectivement entendu un certain nombre de témoins qui se disaient inquiets de la complexité du projet de loi. Je me suis entretenu chez moi avec plusieurs avocats de la défense, qui, dans certains cas, y voient une manoeuvre de retrait. C'est ainsi qu'ils ont qualifié le projet de loi.

Je voudrais revenir sur ce qu'a dit le juge Lilles en réponse à une question concernant le transfèrement après jugement. On lui demandait si cette possibilité allait raccourcir la durée des procédures, comme vous l'avez affirmé, je crois, lorsque vous avez présenté ce projet de loi. Il a répondu, et je cite:

    Je vous ai déjà dit que rendu à l'article 103, j'avais recensé 13 nouvelles audiences. Presque toutes ces audiences interviendront dans le cas d'un adolescent pour lequel on demande un renvoi ou qui risquerait un renvoi. Vous devez tenir une audience pour déterminer ceci et une autre pour déterminer cela. Tout cela ralentira le processus.

C'était là le commentaire du juge. Nous avons entendu des propos semblables, indiquant que cela ne raccourcirait rien du tout, que la procédure serait au contraire beaucoup plus longue et qu'il y aurait davantage de contestations judiciaires. Voulez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Mme Anne McLellan: Sauf tout le respect dû au juge Lilles, nous sommes convaincus d'avoir collaboré avec les provinces et avec toutes les autres parties—vous le verrez dans les propositions d'amendements la semaine prochaine—pour apporter des précisions sur les sujets qui préoccupent notamment le juge Lilles. Nous pensons que ces changements vont alléger la procédure. Je considère cependant que l'affirmation du juge Lilles surestime le degré de complexité de la loi, et j'ai convenu avec lui de notre dissidence à ce sujet.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Madame la ministre, je suis persuadé que, comme vous nous l'avez dit tout à l'heure, vous avez suivi avec intérêt les témoignages de toutes les personnes qui sont venues comparaître devant ce comité. Je suis également persuadé que vous avez lu une bonne partie des mémoires, sinon tous, des gens qui avaient quelque chose à dire.

Vous vous êtes sûrement rendu compte que le Québec—je ne parlerai pas des autres provinces—s'oppose à ce projet de loi. Nous avons entendu les points de vue de la Coalition pour la justice des mineurs, qui était contre votre projet de loi, de la Centrale de l'enseignement du Québec, des avocats de la défense, des procureurs de la Couronne, de l'Association des chefs de police et de pompiers du Québec, de tous les centres jeunesse du Québec, de professeurs d'université, de criminologues, de psychologues, de psychoéducateurs, et même d'étudiants en sciences sociales de l'Université Laval qui devront appliquer cette loi quand ils sortiront de l'université et qui disent que c'est une loi qui ne doit jamais voir le jour, de l'Institut Pinel, qui était représentée par Mme Toutant qui est très bien connue des libéraux, de la Commission des services juridiques du Québec, et même du juge en chef du Québec Michel Jasmin, qui est venu nous dire de ne pas faire l'erreur d'adopter ce projet de loi. Je pense que la réputation du juge Jasmin n'est plus à faire dans tout le dossier des jeunes contrevenants. On a même entendu des libéraux du Québec, pas des méchants séparatistes, mais des libéraux du Québec, des fédéralistes, nous dire de retirer ce projet de loi. Le 30 novembre, à l'Assemblée nationale, M. Ouimet, le porte-parole en matière de justice, disait qu'il était heureux de présenter une motion conjointe avec la ministre pour vous indiquer que vous faisiez fausse route. Il disait qu'il partageait le point de vue de la ministre et qu'il se joignait à la coalition qui avait été mise sur pied pour contrer le projet de loi C-3 du gouvernement fédéral. Il disait qu'il y avait un consensus très, très large au Québec: on vous dit et on vous répète depuis plus de deux ans de ne pas toucher à la Loi sur les jeunes contrevenants, car le problème n'est pas la loi, mais son application.

• 1615

Madame la ministre, je vais vous poser une question à laquelle on peut très facilement répondre par un oui ou par un non. Je vous la pose au nom de tous ceux et celles qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec, qui, de l'avis de tous, donne d'excellents résultats, et au nom des jeunes qui s'en sont sortis et qui sont aujourd'hui des citoyens anonymes parce qu'on a bien appliqué une loi qui existe, qui est la Loi sur les jeunes contrevenants. Ma question est fort simple, madame la ministre. Avez-vous l'intention de retirer votre projet de loi ou de permettre à une province qui voudrait ne pas l'appliquer chez elle de continuer d'appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants?

Mme Anne McLellan: Merci, monsieur Bellehumeur.

[Traduction]

Je suis bien au courant de votre avis et du point de vue partagé par certains au Québec, mais si vous me le permettez, je répondrai à votre question par une autre question. Je vous demanderais de nous donner des exemples concrets de programmes ou de politiques de justice pour les jeunes au Québec qu'il serait impossible de poursuivre ou même d'améliorer dans le cadre de ce projet de loi. Nous nous sommes efforcés de lui conférer une grande souplesse, car, comme je l'ai dit au début et comme vous le savez d'après l'audition des témoins, nous sommes très sensibles au fait que les provinces divergent sensiblement d'opinions quant à la façon de réformer le système de justice pour les jeunes.

À l'exception du Québec, toutes les provinces revendiquent une vaste refonte de la justice pour les jeunes, et je crois, monsieur Bellehumeur, que nous avons réussi à les satisfaire; une fois que vous aurez vu tous nos projets d'amendements, si vous pouvez me montrer un élément de ce projet de loi qui fait obstacle à la poursuite d'un programme ou d'une politique actuellement appliquée au Québec, j'y porterai une attention toute particulière. Nous avons veillé à conférer au projet de loi le degré de souplesse nécessaire pour que chaque province puisse adopter des mesures et des programmes spécifiques, ou les adapter à son contexte particulier.

Ce que je peux vous dire en conclusion, monsieur Bellehumeur, c'est que nous pensons avoir atteint un certain degré de souplesse. Cela veut-il dire qu'en définitive tout le monde devra être d'accord et que le Québec, la Colombie-Britannique, l'Alberta ou l'Ontario devront tous accepter à tous égards l'orientation que nous avons choisie? Non, mais en tant que gouvernement fédéral nous proposons aux Canadiens et à vous un système de justice pour les jeunes qui repose sur des valeurs fondamentales pour tous les Canadiens, indépendamment de l'endroit où ils se trouvent. Et, monsieur Bellehumeur, les sondages ne sont que des sondages...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Vous perdez du temps.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: ... mais nous en faisons auprès des Québécois, de ceux qui habitent au Québec, et les gens de votre province ont manifesté très peu de réticence à la perspective d'une abrogation de la Loi sur les jeunes contrevenants et à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi concernant les jeunes et comportant des mesures qui ont fait leurs preuves dans votre province.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Madame la ministre, je pense que vous êtes plus sérieuse que cela. Vous venez d'affirmer que des sondages indiquent que personne ne voit d'objections majeures au projet de loi C-3.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non, je n'ai pas dit cela.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je suis avocat et vous êtes aussi avocate. J'ai lu ce projet de loi au moins 25 fois. Il s'agit d'une mine d'or pour les avocats qui voudront nous faire comprendre cette loi extrêmement complexe. Il y avait une loi qui s'appelait la Loi sur les jeunes contrevenants et qui contenait 70 articles. Vous nous avez présenté un projet de loi qui en compte 167. Ne venez pas me dire que vous avez simplifié la loi, madame la ministre. Ne venez pas me dire en pleine figure qu'il y a la flexibilité voulue pour qu'une province puisse ne pas mettre cette loi en application parce que vous savez que c'est faux, madame la ministre.

• 1620

J'ai fait répertorier toutes les questions de flexibilité qui sont inscrites dans la loi. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept: il y en a exactement sept, madame la ministre. Des sept dispositions qui permettent à une province d'exercer une certaine discrétion, six sont déjà appliquées au Québec parce que la loi actuelle est assez souple pour le permettre. Il y a même des articles qui sont des pendants de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ne venez pas me dire qu'on met la hache dans une loi qu'on applique depuis des années et qui nous permet de faire des choses absolument fantastiques avec des jeunes.

J'ai visité des centres. J'ai également visité le Palais de justice à Montréal avec le juge Jasmin, qui vous invite à le visiter et à venir voir ce qui se fait au Québec afin que vous puissiez comprendre ce qui se fait au Québec, parce que vous ne le comprenez pas, madame la ministre. Lorsqu'on dit les choses que vous venez de dire, madame la ministre, c'est parce qu'on ne sait pas ce qu'on fait au Québec. Vous faites semblant d'écouter, mais vous ne comprenez pas ce qui se fait au Québec.

Je sais également qu'au Québec, la coalition et plusieurs gens ont eu la visite du personnel de votre ministère et de membres du Conseil privé qui ont tenté de les convaincre. Je sais également qu'il y a des députés libéraux qui communiquent avec eux. Félicitations! Vous n'avez jamais été capables de leur arracher quelque modification que ce soit parce que, peu importe les amendements qu'on pourra apporter à ce projet de loi, il n'est pas modifiable. Il est mal structuré. Vous pouvez bien rire, madame Latimer. Ce n'est pas un sujet qui me fait rire du tout puisque la loi va affecter les jeunes pendant des années. Ce projet de loi est mal rédigé. C'est un code criminel en miniature. On fait en sorte qu'il y ait un seul système de justice. Il n'y a plus un système pour les adolescents et un système pour les adultes. On utilise le même vocabulaire et on parle des mesures extrajudiciaires. Il contient tout un jargon qu'on a changé. Madame la ministre, même si nous y apportions des modifications, cela ne changerait rien au sens qu'on a voulu donner à ce projet de loi.

Je vous dirai ce que je retiens de votre exposé, madame la ministre. Il y a 30 ans que ces personnes appliquent au Québec la Loi sur les jeunes contrevenants, ou son pendant parce qu'elle a été modifiée au cours des années. On veut nous faire croire que le juge Jasmin, qui a consacré sa vie aux jeunes, n'a rien compris, que les témoins que nous avons entendus sont dans l'erreur et que vous détenez la vérité, madame la ministre, quant à ce projet de loi. On nous dit que, quelles que soient les remarques qu'on fera, le bulldozer du gouvernement va adopter cette loi pour faire plaisir à l'Ouest canadien et à votre électorat particulier.

Jamais vous ne prenez en considération les intérêts du Québec dans ce projet de loi. Si vous l'aviez fait, vous auriez au moins eu la gentillesse d'aller voir sur place ce qui se fait au Québec. On peut vous lire la Loi sur les jeunes contrevenants—c'est une chose—, mais il faut aussi aller voir sur place le travail qu'on fait, à partir du travail des policiers lorsque l'infraction est commise, et se pencher sur toute la question de la jeunesse et sur la politique de la jeunesse. Vous verriez, madame la ministre, que la criminalité chez les jeunes est extrêmement complexe. Cependant, ce n'est pas en disant que c'est complexe, en faisant une loi...

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, c'est Mme McLellan qui a la parole.

Mme Anne McLellan: Monsieur le président, j'aimerais beaucoup que M. Bellehumeur me transmette la liste des points sur lesquels il note un manque de souplesse. Je m'engage à la soumettre à l'étude de mes collaborateurs. Comme je l'ai dit, nous avons travaillé très fort pour conférer une grande souplesse à cette loi. Et s'il est possible de lui en donner encore plus dans le cadre des principes qui la sous-tendent, je serais heureuse de l'envisager.

Le président: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier la ministre et ses collaborateurs de leur présence.

• 1625

Je voudrais essayer d'ajouter quelque chose de positif aux interventions, même si je me vois malheureusement contraint de convenir en grande partie du bien-fondé de ce que mon collègue vient de dire sur cette loi.

Nous avons entendu les témoignages d'un grand nombre de victimes. Et je mets au défi les autres comités de consacrer à un projet de loi autant d'attention que nous en avons porté à celui-ci au cours des derniers mois. Nous avons entendu des victimes, des contrevenants, des groupes de revendication, des juges, des agents de police et des personnes qui travaillent dans le domaine de la justice dans toutes les régions du pays. Le leitmotiv de tous ces témoignages—quitte à me répéter—c'est que cette loi est si complexe, si sinueuse, comporte tellement de renvois, que, de l'avis des juges et des avocats, elle va être inapplicable. C'est malheureusement la conclusion à laquelle ils en sont venus.

Dans ce contexte, force est de considérer qu'on se dirige vers un désastre. Comme nous le savons tous, la justice pénale pour les jeunes est bien différente de la justice pénale pour adultes. C'est un oiseau rare. C'est quelque chose d'unique dans le domaine de la justice. C'est un hybride, un genre d'ornithorynque génétiquement modifié. Bien malin qui peut comprendre comment on va pouvoir appliquer une telle mesure. Et je ne prends pas la question à la légère.

Vous dites que vous avez recherché l'équilibre; je suis d'accord et j'en félicite les rédacteurs. C'était une tâche monumentale. Cependant, je crains qu'on n'ait tenté de proposer quelque chose pour tout le monde dans cette loi, et que, ce faisant, l'inévitable s'est produit, à savoir que personne ne s'estimera satisfait.

Je voudrais mettre l'accent sur quelques points particuliers, car j'ai tempéré mon propos en disant que je voulais me montrer positif. Nous avons relevé un certain nombre de maladresses dans la rédaction, que nous qualifierons, faute de mieux, d'éléments à améliorer.

Je vais commencer au début. Vous avez parlé des principes énoncés dans les définitions, et vous avez voulu y inclure l'opportunité. Accepteriez-vous d'y inclure des éléments comme l'attention particulière à accorder aux Autochtones, les conséquences pour les victimes, ainsi que les notions de dissuasion et d'exemplarité de la peine? Ces notions n'apparaissent pas dans le projet de loi; or, nous savons que l'arrêt R. c. M. a bien précisé que la dissuasion et l'exemplarité de la peine avaient leur place dans la justice pénale pour les jeunes.

Mme Anne McLellan: Pour ce qui est de reconnaître que nous avons un taux d'incarcération trop élevé de jeunes Autochtones, vous avez parfaitement raison. Vous verrez que parmi les amendements proposés il y en a un qui reconnaît que les jeunes Autochtones sont surreprésentés dans les tribunaux de la jeunesse et, malheureusement, dans les établissements de détention pour jeunes.

Catherine a parlé, je crois, de la référence particulière aux victimes dans les principes du projet de loi, et on fera également référence, dans le préambule, au rôle des victimes dans le système de justice pour les jeunes. Leur importance est déjà reconnue dans les principes, mais nous allons en ajouter la mention dans le préambule.

Vous avez dit à juste titre que les tribunaux ont énoncé implicitement le principe de dissuasion dans la justice pour les jeunes. Il ne figure pas dans la loi. À mon avis, rien ne s'oppose à ce qu'on l'ajoute spécifiquement. Je crois que la meilleure façon de dissuader les jeunes de basculer dans la criminalité est de la prévenir au départ, d'analyser les causes de la criminalité juvénile dans la société et de consacrer davantage de ressources au traitement de ces causes. Cela nécessite des solutions globales qui ne se prêtent pas nécessairement aux guerres de compétence entre les différents niveaux de gouvernement, ou à l'intérieur même des ministères, mais qui préconisent une approche globale à l'analyse des causes de la criminalité.

Ensuite, si les jeunes commettent des crimes, et si l'on veut les dissuader de récidiver, il faut veiller à disposer d'un système de justice pour les jeunes qui applique des principes comme la réadaptation et la réintégration, où les jeunes sont censés assumer la responsabilité du tort qu'ils ont causé et, le cas échéant, travailler avec les victimes, avec leurs familles et avec la communauté; il faut aussi un programme de réadaptation à long terme qui permette aux jeunes de réintégrer le milieu où ils vivent. C'est comme cela qu'on aura un effet dissuasif sur la criminalité juvénile.

• 1630

M. Peter MacKay: Madame la ministre, j'apprécie votre réponse, mais j'ai toujours un problème en ce qui concerne les effets réels et l'application pratique de cette mesure. Par exemple, on y trouve plus de 80 dispositions concernant les renvois. On a fait référence à la complexité du projet de loi, qui va donner bien du fil à retordre aux avocats de la défense. C'est comme si on garantissait leur avenir professionnel.

L'enquête préliminaire s'impose désormais à la justice pénale pour les jeunes; ce n'était pas le cas auparavant. On a intégré la formule de l'enquête préliminaire dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, madame la ministre.

On applique désormais le principe de la libération conditionnelle, de la libération anticipée et de la libération d'office, dont on a déjà vu tous les abus dans la justice pour adultes. On ajoute tout cela à la justice pour les jeunes.

Vous avez parlé de la vérité dans la détermination de la sentence. Sous le régime de l'ancienne loi, lorsqu'un juge décidait de faire incarcérer un jeune pour six mois, le jeune devait purger chaque journée de sa peine. Dans ce nouveau régime, il y aura des dispositions prévoyant une libération anticipée, qui vont miner encore davantage le peu de confiance dont jouissent les tribunaux, du moins à mon avis.

En ce qui concerne le financement—et ce sera mon dernier argument; je sais que d'autres veulent aussi poser des questions—, vous avez reconnu, comme nous tous, que la nouvelle loi met l'accent sur les crimes violents par opposition aux crimes non violents, sur la rapidité de l'intervention, sur les principes des mesures extrajudiciaires, de la déjudiciarisation, de la justice réparatrice et des conseils de détermination de la peine. Vous devez reconnaître que tout cela va coûter beaucoup plus cher à tous ceux qui seront chargés d'appliquer la loi, en particulier à la police, à qui on confie de plus vastes pouvoirs discrétionnaires, dont celui de pratiquer la justice à la manière de Matt Dillon, c'est-à-dire en raccompagnant un jeune chez lui et en s'entretenant longuement avec ses parents.

Vous nous avez parlé de fonds supplémentaires, d'un financement intérimaire réparti sur cinq ans, d'un montant de 150 millions de dollars, mais vous devez admettre que le gouvernement fédéral ne se conforme pas au critère de financement de 50 p. 100 qu'il avait promis initialement. Le projet de loi confère des responsabilités supplémentaires à des gens qui ne recevront pas l'argent nécessaire à l'exécution de toutes ces tâches nouvelles.

Mme Anne McLellan: Monsieur MacKay, pour le financement à 50 p. 100, vous avez raison. Nous n'en sommes pas encore à 50 p. 100. Je vais entonner le refrain qu'on entend si souvent à la Chambre pendant la période des questions. C'était en 1989...

M. Peter MacKay: Nous en sommes saturés.

Mme Anne McLellan: Oui, mais vous savez, je crois que bien des Canadiens ont été très mécontents de vos compressions budgétaires.

M. Peter MacKay: Votre parti est au pouvoir depuis sept ans—sept ans, madame la ministre.

Mme Anne McLellan: Oui, nous avons eu un défi à relever, et maintenant que le déficit a disparu, nous voulons réinvestir dans la justice pour les jeunes. Au cours des trois prochaines années, nous allons y réinvestir 206 millions de dollars supplémentaires, et ces dépenses se poursuivront par la suite. Nous investissons là où c'est nécessaire, et nous voulons travailler avec les provinces, compte tenu des pressions auxquelles elles sont soumises.

Personne ici n'irait prétendre que nous avons actuellement un système rentable de justice pour les jeunes. Nous avons le taux d'incarcération de jeunes le plus élevé dans le monde occidental. Les incarcérations nous coûtent plus cher que toute autre forme d'intervention auprès des jeunes, et en définitive elles n'ont pas l'air d'être très efficaces.

Ce que nous voulons faire, c'est réorienter le système pour éviter l'incarcération, qui est la forme la plus coûteuse d'intervention auprès des jeunes, en la réservant à ceux qui commettent les crimes les plus graves et pour qui la détention peut avoir une utilité.

Nous essayons de réorienter les ressources, trop souvent consacrées à l'incarcération ou à l'entreposage, pour les employés à la base, de façon qu'on puisse s'occuper des jeunes dans leur milieu, pour que la police puisse intervenir auprès d'eux suffisamment tôt par une interaction avec la famille, le milieu scolaire ou les psychologues, de façon à avoir un ensemble complet et homogène de services. Cette forme d'intervention peut paraître complexe, mais nous savons qu'elle est efficace et beaucoup moins coûteuse que l'incarcération.

• 1635

Si nous réussissons à mettre en place un tel système, monsieur MacKay, il coûtera beaucoup moins cher aux contribuables canadiens, et surtout nous aurons, à mon avis, une justice pour les jeunes qui sera beaucoup plus conforme à nos objectifs de prévention, d'imputabilité, de réadaptation et de réintégration. À l'heure actuelle, malheureusement, nous avons un système qui, dans bien des cas, n'est pas conforme à ces valeurs ou objectifs fondamentaux.

Je pense donc, monsieur MacKay, que grâce au budget supplémentaire nous allons pouvoir réorienter nos ressources de façon à améliorer la justice pour les jeunes.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacKay.

Monsieur McKay numéro deux.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Non, numéro un.

J'ai pratiqué le droit pendant bien plus d'années que je n'ose m'en souvenir. Chaque fois que j'ai assisté à une conférence de formation continue de l'Association du Barreau canadien ou du Barreau du Haut-Canada, le conférencier passait les 15 premières minutes à nous dire que la loi était complexe, qu'elle allait terriblement nous compliquer la vie, que c'était une mine d'or pour les avocats, etc. C'était généralement un professeur de droit, d'ailleurs.

Mme Anne McLellan: J'ai renoncé à ce genre de carrière.

M. John McKay: Nous le savons.

Ensuite, on nous expliquait la loi, et à la fin on nous disait qu'elle n'était pas si compliquée pour les gens qui travaillent sur le terrain.

Je suis pour le moins sceptique quand j'entends certains prétendre que le projet de loi est trop complexe et qu'il alourdira infiniment les procédures.

Cela étant dit, l'un des témoignages qui me rendent encore perplexe se rapporte aux questions de confidentialité et de divulgation. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'équilibre à atteindre entre le besoin de savoir, d'une part, et la protection du jeune contrevenant, d'autre part. J'aimerais comprendre si à votre avis il peut y avoir une certaine souplesse. En regardant le résumé des témoignages, je constate une unanimité dans le scepticisme au sujet des propositions faites aux articles 104 à 111.

Mme Anne McLellan: Vous soulevez une question très importante, parce qu'il faut, dans ce cas-ci, arriver à un équilibre entre des droits fondamentaux. Tout notre système judiciaire est fondé sur le droit de savoir du particulier, le droit à des procès publics, ce qui est bien établi... on ne saurait croire que ces procédures se déroulent à huis clos. Cela peut arriver, dans des circonstances exceptionnelles, du moins une partie des procédures. En réalité, il s'agit de procès publics, où les gens peuvent venir observer l'administration de la justice.

Il va sans dire qu'en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, et dans le nouveau projet de loi, certaines limites sont imposées à ce qui peut être publié par les médias, par exemple. C'est dans le but d'arriver à un équilibre entre l'ouverture promise et le droit de savoir, d'une part, et, d'autre part, les droits du jeune contrevenant et les circonstances de sa vie. Nous parlons ici d'adolescents. Nous avons un système de justice pénale pour adolescents parce que nous croyons que les jeunes sont bien différents des adultes pour divers aspects importants, soit leur maturité, la capacité de comprendre les conséquences de leurs actes ainsi que le tort causé aux autres, par exemple.

Nous croyons aussi, fondamentalement, que les adolescents ont de meilleures chances de retrouver le droit chemin et de changer de vie si nous faisons beaucoup des choses prévues dans ce projet de loi. Ce projet de loi table sur ce qui existe déjà dans la Loi sur les jeunes contrevenants, mais va aussi beaucoup plus loin. Il faut tenir compte du fait que le système de justice pour adolescents existe parce que les jeunes sont différents... Et nous devons croire qu'ils sont capables de se réformer, plus que les adultes. La stigmatisation des adolescents, surtout pour la commission de crimes non violents, n'est probablement pas utile, et je crois que c'est ce que vous ont dit la grande majorité des témoins qui ont comparu devant vous.

• 1640

Les personnes qui connaissent de près le jeune contrevenant le savent bien, n'est-ce pas? Les victimes le savent, les voisins du jeune contrevenant le savent, dans la plupart des cas, surtout dans les communautés petites ou rurales—tout le monde le sait. Mais les médias ne peuvent pas publier son nom dans certaines circonstances, et nous estimons qu'il y a de bonnes raisons d'interdire la publication de ces informations, dans certaines circonstances.

Si on vous impose une peine pour adultes, votre nom sera publié, sans aucun doute, et cela doit entrer dans la décision du tribunal, qui doit évaluer le jeune contrevenant qui comparaît devant lui, après avoir écouté toute la preuve—et c'est là la différence par rapport à l'ancienne loi, où vous étiez renvoyé à un tribunal pour adultes alors que le juge au procès ne disposait que de l'audience de renvoi. Avec ce projet de loi, le juge au procès décidera si l'adolescent doit recevoir une peine pour adultes, après avoir entendu toute la preuve et après avoir pu évaluer le jeune contrevenant et les témoins au procès.

On prendra une décision bien plus éclairée sur l'opportunité d'imposer une peine pour adultes, pour tenir l'adolescent responsable de ses actes. Si un juge choisit la peine pour adultes, le nom du jeune contrevenant sera publié.

M. John McKay: Cela étant dit, proposez-vous des amendements aux articles 104 à 111 qui pourraient répondre à certaines préoccupations que vous avons entendues?

Mme Anne McLellan: Il y a des sujets de préoccupation. Je pense qu'ils ont été soulevés par M. Sullivan, lors de son témoignage. Il y en a deux ou trois.

Rick, je vais vous laisser décrire les amendements que nous proposons pour accroître la souplesse. Je m'intéresse beaucoup à la réaction du comité à ces propositions. Je vais laisser Rick les présenter.

M. Richard G. Mosley (sous-ministre adjoint, Politique en matière de droit pénal et justice communautaire, ministère de la Justice): Les témoins ont déclaré, monsieur le président, que le projet de loi était trop contraignant à bien des égards, particulièrement, par exemple, si une victime ou un jeune témoin accepte que son identité soit révélée pour de très bonnes raisons, ou celle de ses parents, comme dans l'affaire du jeune Wamback. Voilà un cas où l'intérêt public primait nettement sur les restrictions prévues à la Loi sur les jeunes contrevenants. Il n'est clairement pas dans l'intérêt... d'agir dans cette situation.

Certains ont donc proposé un assouplissement de ces règles, afin qu'un jeune mêlé à une affaire, à titre de témoin ou de victime, puisse, directement ou avec le consentement de ses parents, consentir à la divulgation de son identité.

Il y a aussi le cas absurde du décès d'un adolescent. On a signalé qu'une application à la lettre de la Loi sur les jeunes contrevenants ou des dispositions du projet de loi ferait en sorte que les médias ne pourraient publier le nom de la victime en pareilles circonstances. Bien entendu, la confidentialité que le projet de loi vise à protéger ne s'applique plus en pareilles circonstances. Nous proposons donc qu'un amendement clarifie les choses.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McKay.

Monsieur Cadman, pour trois minutes.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

Nous avons reçu les témoignages de diverses provinces, et, à des degrés divers, la plupart appuyaient l'orientation générale du projet de loi, mais certaines—en fait, presque toutes—ont exprimé des réserves et de graves préoccupations. Vous avez dit à l'époque du dépôt du projet de loi que des consultations élargies avaient eu lieu. J'aimerais connaître la portée exacte des consultations, étant donné l'ampleur de l'opposition et des préoccupations formulées par les provinces au comité.

• 1645

Mme Anne McLellan: Je vais laisser M. Mosley vous répondre, puisque Catherine et lui-même ont participé à la plupart de ces consultations. Mais je crois qu'on peut dire qu'on peut difficilement trouver un autre projet de loi récent—on peut remonter jusqu'avant que je fasse partie du gouvernement—qui a fait l'objet d'autant de consultations que celui-ci. Nous avons mené des consultations élargies et pendant assez longtemps auprès des provinces, tant dans des rencontres multipartites où participaient toutes les provinces que bilatéralement. Nous avons offert de travailler bilatéralement avec les provinces. Certaines ont accepté, d'autres pas, mais en fait la plupart ont accepté, et nous avons eu d'excellents échanges au sujet de leurs préoccupations.

Mais je serai bien honnête avec vous, monsieur Cadman. Au bout du compte, pour certaines questions clés—et je prendrai cet exemple, puisque je sais que des témoins vous en ont parlé—comme l'abaissement de l'âge à moins de douze ans... Certaines provinces voulaient que la loi s'applique aux jeunes de moins de douze ans. Nous avons simplement dit que nous respections leur point de vue, sans pourtant l'adopter. Il s'agit donc d'une question fondamentale pour laquelle nous ne voulions pas accepter le point de vue des deux ou trois provinces qui ont demandé l'inclusion des enfants de moins de douze ans.

Selon moi, il faut être prudent. Il y a eu beaucoup de consultations, et Rick vous fournira plus de détails là-dessus, mais même si l'on consulte, cela ne veut pas dire qu'on arrive toujours à s'entendre d'un côté ou de l'autre, vu tout ce qui est en jeu. Je songe par exemple aux enfants de moins de douze ans. Nous ne pensions vraiment pas qu'il serait approprié d'inclure les enfants de moins de douze ans dans le système officiel de justice pénale. Il y a de meilleures façons de s'occuper d'eux.

Les provinces que nous avons consultées et qui voulaient que ces enfants soient inclus dans le système ont bien sûr été déçues. Elles sont encore déçues. J'imagine que c'est inévitable. Nous avons décidé de ne pas prendre de mesures en ce sens.

Rick, vous pourrez peut-être en dire un peu plus long sur les détails des consultations.

M. Richard Mosley: Cela fait bien des années que nous avons des discussions avec les provinces au sujet du système de justice pour les jeunes. On peut remonter, bien sûr, au tout début de la Loi sur les jeunes contrevenants. Plus récemment, on a créé un organisme appelé le Comité de coordination des hauts fonctionnaires (Justice pour adolescents), qui se réunit régulièrement. Il y a eu des rencontres au niveau du sous-ministre et il y a aussi eu des rencontres des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux à ce sujet. Nous sommes constamment en communication avec les provinces au sujet de ce projet de loi.

Avant la présentation du rapport du Comité permanent sur la réforme du système de justice pour adolescents, il existait une équipe spéciale fédérale, provinciale et territoriale qui examinait la réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les discussions n'ont jamais pris fin; elles ont été constantes et répétitives, ou plutôt répétées.

Des voix: Oh, oh!

Mme Anne McLellan: Elle sont aussi répétitives.

M. Richard Mosley: Tout le monde n'est pas d'accord sur la signification des consultations. Comme la ministre l'a dit, les provinces nous disent que, si nous ne modifions pas nos propositions pour correspondre à leur propre position, nous n'avons pas consulté. Bien sûr, nous ne sommes pas de cet avis, parce que nous les consultons tant au sujet des principes reflétés dans le projet de loi que relativement aux dispositions du projet de loi lui-même, et nous les avons consultées longuement à ce sujet.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci, madame la ministre.

Vous en avez parlé un peu en répondant aux questions de M. MacKay, je pense. Une bonne partie de ceux qui ont témoigné devant le comité étaient membres soit de groupes de victimes, soit de groupes de défense des victimes, etc. Pourriez-vous nous donner un bref résumé de certaines des nouvelles mesures qui ne figuraient pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants et qui touchent les victimes et les groupes de victimes?

Mme Anne McLellan: C'est une très bonne question, Paul, parce que nous avons justement essayé d'apporter à la rédaction de cette mesure le point de vue des victimes, que votre comité avait décrit comme étant important dans un rapport précédent sur...

M. Paul DeVillers: Participer sans entraves...

Mme Anne McLellan: Participer sans entraves. C'était un rapport très important du Comité de la justice, que nous avons pris très au sérieux et qui se fondait sur les résultats de vastes consultations auprès des groupes de victimes et d'autres.

• 1650

Nous avons donc examiné le projet de loi relatif à la justice pour les adolescents à la lumière des droits des victimes. Vous y trouverez donc des choses qui n'existaient pas dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Certaines de ces dispositions reconnaissent de façon bien particulière le fait que la victime a un rôle à jouer, que ce soit énoncé dans le préambule, que ce soit reflété dans les principes du projet de loi ou que ce soit dans le fait que l'on reconnaît clairement dans le projet de loi que les mesures extrajudiciaires sont importantes et qu'elles ont été améliorées.

J'espère que cela reflète le fait que les victimes méritent notre respect et ont un rôle à jouer dans le système de justice pour adolescents. Elles peuvent même avoir un rôle très important à jouer, et qui a été sous-estimé jusqu'ici, dans la réintégration à long terme des adolescents et leur retour dans la collectivité.

Catherine, vous voudrez peut-être donner des précisions—voire citer certains articles, si vous le voulez—pour éclairer M. DeVillers. Vous voulez qu'on fasse cela brièvement?

M. Paul DeVillers: Oui, s'il vous plaît.

Mme Catherine Latimer (avocate-conseil, directrice, Justice applicable aux jeunes, ministère de la Justice): Volontiers. Je crois qu'un des articles clés est en fait l'article 19, qui traite de la constitution de groupes consultatifs et qui vise à encourager les décideurs du système à faire intervenir les personnes en cause dans l'infraction—notamment la victime et les personnes qui sont là pour l'aider ainsi que le délinquant et les personnes qui sont là pour l'aider aussi—à diverses étapes de la justice pénale applicable aux jeunes, pour que la victime ait un rôle actif à jouer pour ce qui est de comprendre ce qui s'est passé et de chercher des moyens constructifs de réagir à l'infraction commise. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour accorder un rôle très constructif aux victimes dans le processus.

Il y a certainement d'autres articles qui entrent aussi en ligne de compte: l'article 49, les déclarations des victimes, ainsi que le choix laissé aux provinces quant aux suramendes compensatoires. Les principes en tout cas font expressément mention des victimes, prévoyant que le système judiciaire doit les traiter avec respect et courtoisie et tenir compte de leurs intérêts.

J'espère que nous n'avons rien oublié. J'estime qu'on peut toujours faire plus pour les victimes, mais les modalités de mise en oeuvre du système feront beaucoup à mon avis pour assurer aux victimes le rôle qui leur convient.

M. Paul DeVillers: Elles prévoient aussi la participation des victimes à la réinsertion sociale du délinquant...

Mme Anne McLellan: Oui.

M. Paul DeVillers: ... et c'est là quelque chose dont on nous a parlé au comité quand nous avons étudié les intérêts des victimes. Je crois qu'il s'agit là de quelque chose de très positif.

Mme Catherine Latimer: Chose certaine, ceux qui sont passés par un processus comme la concertation des familles concluent à son effet bénéfique considérable, tant pour le délinquant, qui comprend ainsi son infraction dans le contexte dans lequel il l'a commise, que pour la victime, qui peut ainsi en apprendre un peu plus au sujet du délinquant et du contexte et se délester d'une partie de sa peine et expliquer quelles ont été les conséquences pour elle. J'estime qu'il y a beaucoup d'éléments utiles pour les victimes dans la nouvelle loi.

Mme Anne McLellan: Je pourrais peut-être ajouter simplement, monsieur le président, que nous avons le Centre stratégique pour les victimes, pour lequel nous avons reçu de nouveaux fonds dans le budget du mois dernier. Avec l'Association canadienne des policiers, j'ai annoncé l'octroi de ces nouveaux fonds il y a deux ou trois semaines.

Le centre stratégique a notamment pour mandat d'étudier des mesures législatives comme celle-ci dans l'optique des victimes pour déterminer si nous sommes respectueux des victimes, si nous leur offrons, à des étapes clés, la possibilité de participer au système si elles le désirent. Le centre a profité de l'occasion qui lui était offerte d'étudier le projet de loi, et il est d'avis qu'il s'agit en fait de la première mesure législative d'importance proposée par le gouvernement du Canada qu'il lui a été donné d'étudier selon l'optique de la victime. Nous croyons que son apport se reflète dans le projet de loi.

M. Paul DeVillers: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Bellehumeur, trois minutes.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Madame la ministre, je vais essayer d'être clair. La réussite du Québec, à l'heure actuelle, quant à la Loi sur les jeunes contrevenants est due au fait qu'elle est appliquée telle quelle au Québec. La Loi sur les jeunes contrevenants est basée sur les besoins de l'adolescent. La preuve en est qu'à l'article 3 et à l'article 24 de la Loi sur les jeunes contrevenants, on parle spécifiquement des besoins des jeunes.

Le projet de loi C-3 repose, à la base, sur la protection du public. Nulle part on ne mentionne les besoins, quels qu'ils soient, que le jeune pourrait avoir. Vous avez dit que vous alliez y apporter des amendements. J'ai hâte de les lire.

• 1655

La Loi sur les jeunes contrevenants, telle qu'elle existe, est conçue selon une approche globale. On examine la nature, la gravité et les circonstances de l'infraction. On évalue le degré de maturité, le développement et le besoin de l'adolescent pour qu'il évite de récidiver. Et lorsqu'on le condamne à une peine, celle-ci est individualisée. On tient compte de ses besoins afin de le réintégrer le plus rapidement possible dans la société.

L'approche fédérale du projet de loi C-3, madame la ministre, est fondée sur le degré de gravité de l'infraction: infraction sans violence, infraction avec violence, infraction désignée. Et quand vient le moment d'imposer la peine, elle est en proportion de la gravité de l'infraction et on l'harmonise à des choses semblables.

Jamais on ne tient compte du jeune, madame la ministre, et c'est ce qui est problématique. Quand vous demandez aux juges de donner des exemples de choses qu'on ne pourra pas faire...

Il y a bien des vices dans le projet de loi qu'on ne peut pas déceler immédiatement. Ce que je peux prévoir, cependant, c'est que les juges vont appliquer la loi comme il se doit. Et si on change l'orientation de base, l'essentiel, soit les besoins des jeunes, pour celle de la protection du public, si on impose des peines proportionnelles à la gravité de l'infraction, on ne juge plus un jeune qui a commis une infraction, mais une infraction derrière laquelle se trouve un jeune.

Madame la ministre, je suis sûr que vous allez admettre que les jugements qui vont découler de ce projet de loi, une fois adopté, ne seront plus rendus en fonction de l'approche québécoise et que, dorénavant, on pourra dire que c'en est fini du modèle québécois pour les jeunes contrevenants.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Monsieur Bellehumeur, j'espère que vous lirez ou étudierez les amendements que mon secrétaire parlementaire va proposer relativement aux problèmes dont vous avez fait état. Il serait sûrement exagéré de dire que ces amendements vous plairont ou qu'ils obtiendront votre appui sans réserve, mais je crois que vous constaterez que tous les points dont vous venez de faire état trouveront réponse grâce à ces amendements. Je serai heureuse de recevoir vos commentaires après que vous aurez eu l'occasion de les étudier. Nous prenons très au sérieux les préoccupations que vous et d'autres du Québec et d'ailleurs ont exprimées relativement aux problèmes dont vous venez justement de faire état.

Le président: Une intervention courte.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ce n'est jamais court. En ce qui a trait à la complexité de la loi... Encore là, madame la ministre, vous avez du fun et j'espère que cela se reflétera dans le projet de loi que je vais lire avec ses amendements.

Mme Renée Joyal, professeure à la faculté de droit de l'Université du Québec à Montréal, a dit que votre loi constituait un déni de justice pour les jeunes tellement elle était complexe. Il faut lui donner raison. Vous qui êtes juriste et même professeure de droit, vous allez m'expliquer l'article 42 du projet de loi. J'aimerais que cela vienne de vous et non pas des fonctionnaires qui l'ont écrit.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Monsieur Bellehumeur, je ne...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Auparavant, madame la ministre, je vais le lire pour les gens qui écoutent.

[Traduction]

Le président: Vous avez dépassé de beaucoup votre temps de parole.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: C'est parce que les gens n'ont pas l'article de loi. Celui-ci est incompréhensible aussi bien en français qu'en anglais. Sincèrement, il faut avoir une bibliothèque de droit qui contienne beaucoup de volumes pour comprendre ce qu'il en est.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Vous savez, monsieur Bellehumeur, si ce que vous voulez dire de manière générale, c'est que... Nous avons entendu les observations concernant la complexité du projet de loi et...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Votre loi est tellement complexe...

[Traduction]

Le président: Elle est en train de répondre.

Mme Anne McLellan: Non, non. Monsieur Bellehumeur...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Votre loi est tellement complexe que vous n'êtes pas capable de retrouver l'article 42.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Écoutez, monsieur Bellehumeur, il s'agit d'une mesure complexe. Si vous avez des suggestions constructives à me faire pour qu'elle soit moins complexe, mais qu'elle nous permette de réaliser nos objectifs, je serai heureuse de les étudier.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: La Loi sur les jeunes contrevenants, point final. Elle prévoit déjà ce genre de choses.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Bellehumeur.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président. Je comprends très bien votre problème.

La discussion jusqu'à maintenant plane généralement dans les hautes sphères, et je vais donc la ramener au niveau de la rue.

• 1700

La Loi sur les jeunes contrevenants est, du moins dans ma province, complètement déconsidérée, en raison de ce qu'en disent les journalistes et sans doute aussi certains intervenants du système judiciaire qui ne l'ont même pas lue. C'est ce que je constate quand j'en parle aux gens. Ils ne savent pas du tout de quoi il s'agit. Ils la condamnent et disent qu'elle doit être renforcée. Je leur demande quelles dispositions ils voudraient qu'on renforce, et ils ne peuvent pas me le dire.

Je soupçonne qu'il en sera de même de ce projet de loi, à moins que nous ne trouvions le moyen d'en faire comprendre le sens aux électeurs en nous servant de mots simples qui ne feraient pas plus d'une page, puisque c'est tout ce qu'ils semblent capables d'absorber d'un seul coup. Il faudrait aussi que les intervenants du système judiciaire dans les provinces se servent de la loi. Parfois, ils n'ont pas la moindre idée de ce qui s'y trouve.

Dès qu'un procureur refuse d'opter pour le tribunal pour adultes ou réduit la gravité de l'accusation, comme cela s'est produit récemment dans le cas de ce procureur qui a fait les deux, sur quoi jette-t-on le blâme? Sur la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est le procureur qui a pris la décision, mais c'est la loi qu'on blâme. À moins que nous ne fassions mieux les choses que nous ne l'avons fait dans le cas de la Loi sur les jeunes contrevenants, tout ce que nous sommes en train de faire sera peine perdue. Dites-moi ce que nous allons faire.

Mme Anne McLellan: Je suis entièrement d'accord avec vous. Il y avait des problèmes d'ordre structurel dans la Loi sur les jeunes contrevenants, et, malheureusement—ce n'était pas là l'intention de qui que ce soit—, tous les incitatifs, toutes les ententes de partage des coûts, semblaient encourager l'incarcération des jeunes plutôt que des solutions de rechange. Il faut corriger cela, et c'est en partie ce que nous essayons de faire ici.

Vous avez raison de dire qu'il nous faut éduquer les gens, les Canadiens tout d'abord, au sujet de la nature du système judiciaire pour les jeunes. Le système judiciaire pour les jeunes ne se limite pas à cette mesure législative. Il comprend les activités visant à prévenir le crime dans toutes nos collectivités. Il comprend les efforts pour cerner les causes profondes de la criminalité et s'y attaquer. Il comprend bien d'autres activités visant à aider les jeunes à se remettre dans le droit chemin après qu'ils ont commis un crime.

Le système ne se limite pas à la présente mesure législative, mais, malheureusement, la Loi sur les jeunes contrevenants est devenue une espèce de paratonnerre qui attire toutes les récriminations à l'égard de ce qui ne va pas, non seulement dans le système judiciaire applicable aux jeunes, mais de manière générale. On en est venu à oublier les familles dysfonctionnelles et les autres types de problèmes pour ne s'en prendre qu'à la Loi sur les jeunes contrevenants, qui est devenue le bouc émissaire sur lequel on rejette tout le blâme pour ce qui ne va pas dans notre système judiciaire pour les jeunes, et ailleurs aussi.

Cela dit, la Loi sur les jeunes contrevenants comportait de graves lacunes que nous avons l'intention de corriger. Nous allons essayer de reconfigurer le système et de mieux nous acquitter de notre responsabilité en tant que démocratie occidentale moderne qui croit en l'importance de la société civile. L'éducation joue un rôle absolument crucial. C'est pourquoi nous avons prévu des ressources, non seulement pour la formation des juges, des procureurs, des travailleurs sociaux, des psychologues et de tous ceux qui travaillent avec les jeunes, mais aussi pour l'éducation du grand public.

Le défi est de taille. À preuve, vous savez tous que les gens au Canada s'imaginent généralement que le taux de criminalité est à la hausse, alors que, non seulement il ne croît pas, mais il est à la baisse depuis un certain temps déjà. Je parle ici du taux de criminalité en général, et pas spécialement de la criminalité chez les jeunes. Les crimes violents commis par des jeunes soulèvent des questions troublantes auxquelles nous devons tous nous attaquer.

J'estime qu'il est difficile de faire comprendre aux Canadiens que le taux de criminalité est en baisse. La police fait généralement un excellent travail pour ce qui est d'enquêter sur les crimes et d'assurer la sécurité de nos collectivités. Les procureurs et les juges font généralement du bon travail quand il s'agit de décider de ce qu'il convient de faire.

Vous avez soulevé un autre point très important. Les provinces veulent avoir une certaine latitude pour ce qui est de l'administration du système judiciaire pour les jeunes. Très bien. Cette latitude s'accompagne toutefois d'une certaine responsabilité. Aux termes de la loi existante, c'est au procureur général de la province ou au procureur de la poursuite qui le représente de décider s'il y a lieu de demander le transfert.

M. Ivan Grose: Je suis au courant de cela et vous aussi, mais mes électeurs ne le sont pas.

Mme Anne McLellan: Vous avez raison. Je le sais, et vous savez quoi? Quand un procureur décide de ne pas demander le transfert, quelqu'un devrait lui demander et demander aussi au procureur général de la province d'expliquer cette décision. S'ils répondent qu'ils n'avaient pas la preuve voulue, cela vous en dit long sur bien des choses. Ce sont là des décisions qui doivent être prises par les procureurs de la poursuite et les procureurs généraux. Ainsi, la latitude s'accompagne d'une certaine responsabilité.

• 1705

Selon notre modèle de justice pénale, c'est à nous qu'il incombe d'adopter les lois qui en constituent le fondement. C'est aux provinces de les appliquer et de les administrer, et ce, pour une excellente raison qui est prise en compte dans notre régime constitutionnel, à savoir la nécessité de refléter les préoccupations locales et régionales. C'est pourquoi les procureurs généraux des provinces et les procureurs de la poursuite au niveau local sont ceux qui intentent des poursuites en vertu de lois comme la loi sur la justice applicable aux jeunes.

Je le répète, je ne demande pas mieux que d'accorder aux provinces l'entière latitude de tenir compte de ces préoccupations locales et régionales, qui sont tellement importantes et que des provinces comme le Québec savent refléter à bon escient, mais cette latitude suppose qu'on doive rendre compte des décisions qu'on prend.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Peter MacKay, pour trois minutes.

M. Peter MacKay: Beaucoup de ce que vous avez dit rejoint ce que je pense moi-même. J'estime qu'un des gros problèmes que pose le projet de loi, si vous me permettez de le dire franchement, tient à la façon dont il sera présenté. Nous avons parlé de l'expérience de ceux qui interviennent dans le système, depuis les policiers jusqu'aux juges. Qu'en est-il cependant des parents et des jeunes? Un des plus gros problèmes de la Loi sur les jeunes contrevenants tenait au fait qu'elle était perçue, à tort ou à raison, comme une mesure visant à protéger les jeunes au lieu de les tenir responsables de leurs actes. Je crains que le projet de loi ne soit un puissant outil entre les mains d'un avocat de la défense qui voudra perpétuer cette impression.

J'ai des questions précises au sujet du projet de loi. L'article 9 traite des renseignements relatifs à la prise de mesures d'avertissement, de mise en garde ou de renvoi qui sont recueillis par des policiers et qui ne peuvent pas être mis en preuve dans les procédures judiciaires, même pas pour l'audition d'une demande de cautionnement. Les policiers qui participent à ce processus, qui est très utile—ils le font de toute façon, et on cherche ainsi à officialiser la chose—ne peuvent pas se servir des renseignements ainsi obtenus. On parle de mesures de prévention; alors pourquoi ne voudrions-nous pas noter ces renseignements quelque part? Pourquoi ne voudrions-nous pas les noter pour qu'ils puissent être utilisés par d'autres juridictions? De toute évidence, les jeunes, comme tout le monde, sont très mobiles, et ils se déplacent d'une région à l'autre.

Ma deuxième question concerne le droit des victimes d'avoir leur mot à dire—je me reporte ici aux articles 41 et 71—à l'audition des demandes de transfert. Ces articles prévoient que les parents du délinquant peuvent intervenir, mais les victimes et leurs parents n'ont aucune possibilité d'intervenir dans une demande d'examen ou de transfert.

J'ai une autre question relativement à la définition du terme «infraction grave avec violence». Votre ministère serait-il prêt à ajouter aux dispositions énumérant les infractions désignées l'agression armée ou l'infliction de lésions corporelles, qu'on trouve aux alinéas 267a) et b), et l'agression sexuelle armée, qu'on trouve à l'article 272? Si ces infractions ne méritent pas d'être incluses au nombre des infractions graves, je ne sais pas diable ce qu'il faudrait inclure dans cette définition.

Enfin, vous avez parlé des jeunes de moins de douze ans qui échappent aux dispositions du projet de loi. Loin de moi de vouloir incarcérer un jeune de dix ans à Renous ou à Kingston, mais étant donné les principes et toutes les autres bonnes choses qu'on trouve dans ce projet de loi—et on en trouve beaucoup, sur la prévention, sur l'intervention précoce et sur les mesures pour faire intervenir le système dès qu'un jeune se dirige dans la mauvaise voie—pourquoi votre ministère ne voudrait-il pas prévoir un régime de transfert semblable à celui qui prévoit le transfert au tribunal pour adultes? S'il est possible de transférer un jeune de 14 ans qui aurait commis les pires atrocités au système de justice pour les adultes, pourquoi ne pourrions-nous pas prendre le jeune de 10 ans qui aurait commis les pires atrocités—ces jeunes ne représentent que 0,01 p. 100 des cas, mais il y en a malheureusement—et les soumettre à un système qui déclencherait automatiquement le transfert au système pour les adolescents, non pas pour les assommer, mais pour les faire entrer dans le système le plus rapidement possible, étant entendu que tous les intervenants auraient tous les pouvoirs discrétionnaires voulus?

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Mme Anne McLellan: Vous avez soulevé des questions très importantes. En ce qui concerne votre dernier point, je vais demander à Cathy de nous parler un petit peu des moins de douze ans. Permettez-moi toutefois de souligner qu'il s'agit, selon moi, d'une conviction très profonde chez les membres du gouvernement—je sais bien qu'elle n'est pas partagée par tout le monde—qui nous amène à penser que le système de justice pénale officiel, qu'il s'agisse du système pour les adolescents ou du système pour les adultes, ne convient pas pour les délinquants de moins de douze ans.

• 1710

Nous sommes conscients du fait que les jeunes de moins de douze ans, un nombre infime d'entre eux, peuvent commettre des actes très violents. Nous savons par expérience que, dans presque tous ces cas-là—et j'ai en tête le cas d'un enfant en particulier en Ontario en ce moment—, l'enfant est profondément troublé, et il est plus efficace, dans ces cas-là, de traiter le jeune et de le mettre sous garde aux termes de la législation provinciale sur la santé mentale que de le faire entrer dans le système de justice pénale officiel. Lorsque l'enfant provient d'un milieu familial horrible qui pourrait être à l'origine d'un acte de violence de sa part, on peut aussi faire appel au système de protection de l'enfance et chercher à découvrir les causes profondes de son comportement. Il se peut que le mieux soit de faire appel à la fois au système de santé mentale et au système de protection de l'enfance pour assurer à l'enfant la surveillance et le traitement continus dont il a besoin pour régler ses problèmes.

M. Peter MacKay: Si vous me permettez de vous interrompre, madame la ministre, je suis d'accord pour dire que le système en arriverait peut-être à la conclusion que c'est ce qui convient le mieux à l'enfant. Qu'en est-il cependant de la protection de la société? Quand on met un enfant dans un établissement de santé mentale ou de protection de l'enfance, il peut en sortir comme il veut. Il ne se trouve pas détenu dans un milieu fermé. Le public ne se trouve pas protégé au même degré.

Mme Anne McLellan: On a recours en fait à des établissements de garde en milieu fermé, du moins dans les cas de santé mentale, ici en Ontario et ailleurs au pays, si je ne m'abuse. Il ne faut donc pas s'imaginer qu'un enfant profondément troublé et qui aurait besoin de surveillance et de traitements continus pourrait simplement quitter un de ces établissements et se retrouver dans la rue.

Cathy, vous voudrez peut-être ajouter quelque chose à ce que j'ai dit au sujet des moins de douze ans, puis je demanderais à Rick de parler un petit peu de l'article 9 et du fait que les renseignements relatifs à l'infraction ne peuvent pas être mis en preuve pour établir le comportement délictueux.

Mme Catherine Latimer: Merci beaucoup. Nous prenons très au sérieux le cas des moins de douze ans, car nous pensons qu'il pourrait y avoir des lacunes à cet égard. Nous reconnaissons que les enfants de moins de douze ans qui sont hors contrôle peuvent poser un risque pour la société, mais ils n'en deviennent pas nécessairement criminels ni dans leurs intentions ni dans leurs capacités d'action. Nous sommes d'avis qu'il y a bien d'autres moyens plus efficaces de traiter ces enfants que de les soumettre au système de justice pénale. Nous travaillons donc de concert avec les directeurs de la protection de l'enfance et les provinces, ainsi qu'avec le système de santé mentale pour les enfants, à une stratégie pour les moins de douze ans, en vue d'en arriver à des solutions plus efficaces et qui conviennent davantage aux enfants, notamment quand il s'agit de délinquants qui présentent un risque élevé. Il faut prévoir des mesures à l'intention de ces jeunes, mais nous ne sommes pas du tout persuadés que c'est le système de justice pénale qui convient. Nous vous tiendrons donc au courant de l'évolution de nos discussions avec les autres instances et de ce que nous réussirons à mettre au point.

Mme Anne McLellan: Rick.

M. Richard Mosley: Il faut lire l'article 9 avec attention parce que son objectif est lié aux articles 6, 7 et 8 concernant les avertissements, mises en garde et renvois. Dans ces cas-là, il n'y a pas eu de détermination de culpabilité. Il n'y a pas eu de procédure judiciaire ni de procès. La grande différence est qu'il s'agit tout simplement d'une mesure prise par l'agent de police, mesure que l'adolescent n'a pas eu la possibilité de contester. Puisqu'il nÂy a pas eu de procédure judiciaire au cours de laquelle les preuves détenues par l'agent de police auraient pu être vérifiées, il serait injuste alors, dans une poursuite ultérieure, de faire intervenir une preuve recueillie par l'agent de police, lors de la situation précédente, laquelle n'a jamais abouti à l'étape où on aurait eu l'occasion de vérifier les preuves. C'est une question de justice élémentaire à l'égard du prévenu, dans les circonstances.

Bien entendu, cela n'empêche pas la police de garder un dossier indiquant qu'une jeune personne a eu des démêlés avec elle. Prenez n'importe quel agent de police au Canada, et il vous dira qu'il connaît ces jeunes contrevenants. Les policiers connaissent les jeunes à qui ils ont affaire, et ils gardent des dossiers sur leurs contacts avec eux et leurs interventions. Il ne s'agit pas ici de donner lieu à une succession sans fin de mises en garde et d'avertissements. Il se peut qu'un jeune reçoive une mise en garde ou un avertissement au départ, mais ensuite il sera poursuivi. Le fait qu'un jeune reçoive un avertissement ou une mise en garde influencera la discrétion qu'exercera l'agent de police par la suite. Mais il serait injuste...

• 1715

M. Peter MacKay: Comment savoir?

M. Richard Mosley: Parce que la police garde des dossiers là-dessus.

Le président: Monsieur MacKay, vous en êtes à la neuvième minute d'une question de trois minutes. Je vais laisser M. Mosley terminer, et nous passerons ensuite à M. Cadman qui a une brève question à poser.

M. Richard Mosley: Les policiers ne peuvent pas faire intervenir ce fait dans des poursuites contre un adolescent, mais cela ne les empêche pas de garder un dossier indiquant qu'une mise en garde ou un avertissement a été donné. Si vous êtes agent de police dans la police d'Ottawa—Carleton et qu'un adolescent a affaire à vous, vous vérifierez auprès de la section de l'aide à la jeunesse qui pourra vous dire si un autre agent de police a déjà eu affaire à cet adolescent. Ainsi, sur les lieux, l'agent de police pourra s'entendre dire: «Pas d'avertissement ou de mise en garde dans ce cas-là car nous avons eu des contacts avec lui auparavant. Il est temps de passer à l'étape suivante.»

Cela se fait couramment de nos jours quand les agents de police exercent leur discrétion et s'abstiennent d'arrêter le prévenu et de l'inculper. Si les policiers ne peuvent pas garder de dossier sur ces cas-là, nous aboutirons à une succession sans fin de situations où ils choisiront peut-être de ne pas arrêter et inculper le prévenu.

Le président: Merci beaucoup.

Apparemment, M. Cadman a une brève question et ce sera tout.

M. Chuck Cadman: Mes questions sont toujours brèves, monsieur le président. Merci.

À propos de la suramende compensatoire, vous avez dit ne pas être portée à la rendre obligatoire, contrairement à la recommandation du comité à propos des modifications au Code criminel que contenait le C-79. Doit-on supposer que c'est encore le cas?

Mme Anne McLellan: Comme vous l'avez bien dit, nous avons pris la décision d'offrir la possibilité d'une suramende compensatoire, mais elle n'est pas obligatoire, contrairement à ce qui est prévu dans le Code criminel depuis que les procédures ont été modifiées. Vous avez raison, ce n'est pas obligatoire, mais on peut l'imposer.

M. Chuck Cadman: Vous n'êtes donc pas portée à rendre cette disposition conforme à la recommandation qu'avait formulée le comité à l'occasion du C-79, n'est-ce pas?

Mme Anne McLellan: Je pense que je doit dire d'emblée que non. Il faut se rappeler qu'il s'agit ici d'adolescents, et pour que la suramende compensatoire soit efficace—si elle est imposée, elle doit être versée. Voilà pourquoi le juge peut exercer un choix après avoir examiné les tenants et les aboutissants de l'affaire. Dans bien des cas, la suramende compensatoire ne rimerait à rien car l'adolescent est absolument démuni.

Le président: Merci beaucoup, madame la ministre.

[Français]

Mme Anne McLellan: Merci.

M. Michel Bellehumeur: Le vote n'est qu'à 18 heures. On a suffisamment de temps pour poser encore quelques questions à la ministre. Je suis sûr que cela lui fera plaisir de rester parmi nous.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Malheureusement, je suis déjà en retard pour un autre rendez-vous.

Le président: Monsieur Bellehumeur, on m'avait prévenu que nous avions jusqu'à 17 h 15.

Mme Anne McLellan: C'est cela.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Serait-il possible que la ministre revienne, surtout qu'elle m'a un peu mis au défi de lui soumettre des exemples très précis de choses que le Québec ne pourrait plus faire une fois cette loi mise en vigueur?

La ministre pourrait-elle revenir, la semaine prochaine peut-être? J'aurai alors en main des exemples très précis. J'aurai sûrement aussi d'autres questions à poser à la ministre, étant donné que c'est la première fois qu'elle vient nous rencontrer depuis le début de l'étude que nous avons entreprise.

Vous comprendrez que sur un sujet aussi important, sur lequel il existe un consensus clair au Québec, à savoir qu'on ne veut pas de ce projet de loi, il serait très intéressant qu'elle revienne. Si elle n'a rien à cacher et qu'elle est prête à défendre son point de vue, pourrait-elle revenir devant le Comité de la justice pour que, de nouveau, on lui pose des questions, monsieur le président? Elle se sauve maintenant. Il est 17 h 20 et le vote n'est qu'à 18 heures.

[Traduction]

Le président: Je pense que le député sait très bien que nous avons coutume d'inviter la ministre à comparaître. D'habitude, c'est pour une ou deux heures. Je ne suis pas nouveau venu. J'estime que chacun a eu l'occasion de poser ses questions et bien franchement, j'ai été très généreux pour le temps de parole.

• 1720

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, je vais même en faire une motion formelle. Je ne sais pas si M. MacKay veut l'appuyer. Ce serait une motion qui permettrait à la ministre de la Justice de revenir au comité pour venir nous expliquer le projet de loi C-3 et répondre aux questions qu'on aurait sur le sujet.

[Traduction]

Le président: Je n'ai pas eu vent qu'il y avait eu un avis de motion, et nous n'avons pas le quorum.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Je comprends. Les libéraux ne veulent pas que la ministre revienne pour expliquer son projet de loi, et il n'y a pas un député libéral du Québec en face. Dois-je comprendre que vous ne voulez pas poser de questions à la ministre sur un projet de loi aussi important que celui-là?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Cet après-midi, j'ai demandé à M. Bellehumeur de coucher par écrit, à mon intention...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Ici.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: ... les questions ou les articles qui lui posent un problème, c'est-à-dire ceux où il estime que nous ne donnons pas assez de souplesse aux provinces afin qu'elles poursuivent leur travail grâce aux programmes et aux initiatives actuellement en place. Quand je les recevrai, je les examinerai avec les fonctionnaires du ministère et c'est très volontiers que nous donnerons une réponse au comité au moment de l'étude article par article.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Monsieur le président, je respecte ce que la ministre vient de dire et je reconnais, comme elle l'a dit dans ses remarques liminaires, qu'il s'agit ici sans doute de la mesure législative la plus importante dont aura traitée le comité au cours de cette législature. Cela dit, nous avons la possibilité de faire les choses correctement. Je ne voudrais pas que notre comité cesse ses délibérations à la fin de la semaine, simplement pour accélérer les choses. Manifestement, la complexité de ces questions—et il ne s'agit pas du Québec, sauf le respect que je dois à mon ami—il s'agit de tout le pays et de notre façon d'aborder le système de justice pénale pour les adolescents. Aucune province n'est dans le collimateur. Pas du tout.

Que ce soit grâce à une motion, ou grâce à des discussions que nous pourrions tenir une fois que la ministre sera partie, parce que je crois savoir qu'elle a un rendez-vous...

Le président: Elle doit partir.

M. Peter MacKay: ... je propose que nous continuions cette discussion pour déterminer la durée de nos délibérations et des travaux du comité.

Le président: Je vais demander à nos témoins de partir et nous pourrons discuter pendant quelques instants.

M. MacKay et M. Bellehumeur se sont tous deux exprimés là-dessus. Quant à moi, j'ai l'intention de convoquer la prochaine réunion du comité mardi matin, à l'heure habituelle, soit 9 h 30, pour discuter de nos travaux futurs et pour commencer l'étude article par article à 10 h 30 mardi matin.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Monsieur le président, sauf le respect que je vous dois, cela va à l'encontre de l'objectif que nous nous proposons d'atteindre. Nous avons entre les mains un projet de loi extrêmement compliqué et voilà qu'on nous dit qu'il faut déposer nos amendements cette semaine. Nous devons rencontrer, d'ici vendredi, les deux conseillers législatifs qui vont nous aider à rédiger ces amendements. Il nous faut présenter nos amendements à l'avance. C'est impossible, surtout étant donné ce que viennent de dire les fonctionnaires, à savoir que le ministère a l'intention de déposer des amendements, auxquels nous devrons réfléchir pour y répondre d'ici mardi, et entamer ensuite l'étude article par article. Sauf le respect que je vous dois, c'est absurde. Nous ne pouvons pas procéder ainsi et nous ne ferons pas les choses correctement si c'est l'échéancier que vous nous imposez.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Exactement.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il des remarques?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: J'ai un commentaire.

Le président: Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur: Je connais la stratégie de la ministre. Si j'étais ministre de la Justice, peut-être que je ferais la même chose si j'avais quelque chose à cacher. Ainsi, elle répond longuement à une courte question à laquelle elle pourrait répondre par oui ou par non et le temps fuit. C'est son droit, mais c'est mon droit aussi de poser plus de questions si j'en ai d'autres. Vous me dites que le comité n'a pas besoin d'étudier davantage ce projet de loi et n'a pas besoin de la présence de la ministre.

Pourtant, la ministre dit elle-même qu'il y a une dimension politique dans tout cela et que ce projet de loi est extrêmement important, que c'est sans doute le plus important qu'on aura à étudier ici. Elle nous a dit elle-même d'attendre sa série d'amendements sur les besoins des enfants et sur tout cela. Et là, il ne reste que 48 heures. Quand les aura-t-on, ces amendements-là? On doit commencer mardi.

• 1725

Monsieur le président, un peu de sérieux. Je ne sais pas pourquoi on ne veut pas nous donner suffisamment de temps pour qu'on ait en main les amendements de la ministre et qu'on puisse faire des consultations.

De très nombreuses personnes sont venues témoigner ici, monsieur le président, des gens qui sont spécialisés dans l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. La ministre doit déposer une série d'amendements et vous ne nous donnez même pas la possibilité de consulter au moins ceux qui sont venus témoigner, pour savoir si ces amendements répondent à leurs attentes et à leurs interrogations.

Doit-on le faire dans une garde-robe à minuit, ou encore en cachette, si vous voulez, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Monsieur Cadman.

M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président. Je voudrais dire que je suis d'accord avec mes collègues de ce côté-ci. Il ne s'agit pas uniquement de savoir si nous ferons revenir la ministre mais il s'agit de savoir s'il est possible de réfléchir aux amendements du gouvernement d'ici mardi matin et je ne pense pas... J'y vois une grosse difficulté.

Le président: Nous allons discuter de nos travaux futurs, mardi matin. Je demande à tous les membres du comité d'amener leurs collègues pour que nous soyons là, en nombre suffisant, pour pouvoir faire ce que nous avons à faire.

J'ai l'intention, pour le moment, de faire venir la ministre ou les fonctionnaires ici mardi, à 10 h 30, pour qu'ils puissent planifier leur emploi du temps. Nous pourrons toutefois en décider autrement quand nous discuterons de nos travaux futurs mardi, à 9 h 30.

Je ne veux pas qu'on envisage la possibilité de convoquer des témoins pour qu'ils répondent aux amendements proposés par le gouvernement, comme vient de le proposer M. Bellehumeur, et j'ose croire que ce n'est pas ce que messieurs Cadman et MacKay avaient en tête quand ils ont dit qu'ils étaient d'accord avec M. Bellehumeur, car le processus sera interminable. C'est ce qu'a dit M. Bellehumeur. Par conséquent, je comprends que les députés de l'opposition et les ministériels veuillent...

M. Bellehumeur a dit qu'il voudrait que les amendements soient soumis...

M. Paul DeVillers: Il a dit qu'il voulait consulter les gens. Je ne pense pas qu'il voulait les faire revenir devant nous.

Le président: Dans ce cas-là, je vous fais mes excuses. J'avais mal compris.

Quoi qu'il en soit, je vous signale que nous discuterons de nos travaux futurs à 9 h 30. Je demande aux fonctionnaires du ministère d'être là à 10 h 30 pour pouvoir entamer l'étude article par article. S'il se produit quelque chose entre 9 h 30 et 10 h 30 pour que l'horaire change, soit.

M. Peter MacKay: Sauf tout le respect que je vous dois, monsieur le président, cela ne nous aide pas à déterminer si nous devons faire l'impossible pour essayer de présenter nos amendements d'ici vendredi. Si le gouvernement entend proposer des amendements que nous n'avons pas encore vus, il se pourrait que nous voulions proposer des amendements à ces amendements-là. Le texte est volumineux.

Il nous sera absolument impossible de présenter des amendements un tant soit peu raisonnables et, je l'espère, constructifs, d'ici vendredi, puisque nous venons juste d'entendre le dernier témoin et que ce sont nos dernières délibérations aujourd'hui. Je dis donc qu'il est insensé et injuste de donner à entendre que nous allons être en mesure d'entreprendre l'étude article par article mardi.

Le président: Apportez vos arguments à 9 h 30 mardi.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Quand allons-nous avoir les amendements du gouvernement? Mardi matin, cinq minutes avant?

[Traduction]

Le président: C'est possible. Ce sont des choses qui arrivent. Vous pourrez apporter vos amendements au même moment. Ce sont des choses qui arrivent. Je ne dis pas que c'est ce qui va se produire, mais il n'y a rien qui l'empêche, et il n'y a rien que je puisse faire pour empêcher que cela se produise.

Cela dit, nous allons nous réunir mardi, à 9 h 30. Les arguments que vous avez présentés sont importants, à mon avis, et nous les entendrons mardi matin. Dans l'intervalle, nous ne pouvons pas simplement présumer de ce que nous allons décider mardi matin. Par conséquent, je demande aux fonctionnaires d'être prêts à se présenter ici mardi, à 10 h 30.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Si les fonctionnaires arrivent à 10 h 30 avec les amendements, est-ce qu'on va adopter les amendements et les articles un à un à 10 h 30?

[Traduction]

Le président: Ce que je dis, monsieur Bellehumeur, c'est que nous allons discuter de cette question mardi matin, entre 9 h 30 et 10 h 30. Si le comité décidait à ce moment-là, quand nous aurons le quorum, de prolonger la discussion, c'est ce que nous ferons. Si nous ne décidons pas de la prolonger à ce moment-là, les fonctionnaires seront ici à pied d'oeuvre, prêts à présenter leurs amendements et à entreprendre l'étude article par article.

On se retrouve mardi matin, à 9 h 30. La séance est levée.