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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 avril 2000

• 0946

[Traduction]

Le président (l'honorable Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Conformément au premier point à l'ordre du jour, nous allons entendre notre collègue, M. Strahl, député de Fraser Valley, sur le projet de loi C-244, Loi permettant le prélèvement d'échantillons de sang au profit des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi et des bons samaritains et modifiant le Code criminel. Comme c'est l'usage de ce comité en pareil cas, nous allons donner au parrain du projet de loi la possibilité d'expliquer ce dernier avant de passer aux questions qui nous permettront de davantage nous informer à ce sujet.

Ceci étant dit, monsieur Strahl, je vous cède la parole.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Je remercie les membres du comité de me donner l'occasion de parler de ce projet de loi.

J'arrive de la cérémonie du déjeuner de la prière et je me sens inspiré par les écritures ce matin. Je ne suis pas sûr des termes à employer, mais j'espère utiliser ceux qui conviennent pour vous convaincre que ce projet de loi est bon et devrait être appuyé.

J'aimerais dire au départ que ma présence ici signifie que je suis prêt à travailler en coopération avec vous au sujet de ce projet de loi. Si des améliorations ou des amendements s'imposent, je suis prêt à les apporter. Je vous ai parlé à vous, monsieur le président, ainsi qu'à la ministre de la Justice à laquelle j'ai indiqué également que j'étais prêt à améliorer ce projet de loi si nécessaire. Je ne prétends pas à la perfection dès le premier essai. Je crois que le fond du projet de loi est très à propos et je pense que les Canadiens seraient prêts à l'appuyer car, à mon avis, c'est une façon d'améliorer notre système actuel.

J'aimerais régler cinq choses en l'espace de quelques minutes, puis, comme vous le dites, nous passerons aux questions, j'en suis sûr.

Tout d'abord, j'aimerais déposer, si vous le permettez, des lettres d'appui que j'ai reçues d'organismes nationaux du pays. J'aimerais pouvoir les déposer pour que vous puissiez les parcourir lorsque vous en aurez le temps. Il s'agit de lettres que j'ai reçues de particuliers et de groupes de notre pays; ainsi, l'Association canadienne des policiers, le Syndicat du solliciteur général, toutes sortes d'organismes de tout le pays. J'aimerais les laisser au comité uniquement pour vous montrer que ce projet de loi bénéficie d'un vaste appui. Cela pourra permettre d'expliquer, comme l'indiquent ces lettres, pourquoi, de l'avis de ces correspondants, ce projet de loi est nécessaire.

J'aimerais brièvement expliquer la genèse de ce projet de loi de mon point de vue; c'est une histoire très personnelle. Ceci est un extrait d'une lettre que j'ai reçue d'un père de famille qui vit dans ma circonscription:

    [...] mon fils aîné a été impliqué dans un incident au travail (le magasin Canadian Tire, à Abbotsford), il y a quelques semaines, ce qui soulève une question importante pour moi. Il a aidé à arrêter un voleur à l'étalage potentiel et, dans l'altercation qui a suivi, du sang de l'accusé est venu en contact avec mon fils. Mon fils prend maintenant des médicaments qui lui ont été donnés par la AIDS Prevention Society (Hôpital St. Paul à Vancouver). Nous n'allons pas pouvoir lui faire subir de tests—pour voir s'il a attrapé une maladie—avant trois mois. Toutefois, il suffirait que l'on prélève des échantillons de sang de l'accusé pour voir s'il a une telle maladie (c'est un héroïnomane connu de la GRC à Abbotsford). L'accusé refuse de se soumettre à de tels prélèvements d'échantillon de sang et, d'après ce que l'on m'a dit, la loi lui donne raison. Voilà de nouveau un cas où la victime est punie et où les droits de l'accusé l'emportent sur ceux de la victime. Que pouvons-nous faire en tant que famille? Que pouvez-vous faire pour nous aider, pour aider mon fils, en votre qualité de député?

• 0950

Cette histoire, ainsi que bien d'autres, y compris notamment celle de l'agent de police Isobel Anderson, qui est présente aujourd'hui à notre séance, m'ont incité à rédiger ce projet de loi pour essayer de régler le problème posé. Que faisons-nous en tant que société lorsqu'un particulier, dans l'exercice de ses fonctions, un travailleur en première ligne comme un agent de police, un professionnel de la santé, un travailleur paramédical, un médecin d'urgence, etc., est exposé à des substances corporelles d'une façon telle qu'il peut être contaminé ou éventuellement contracter une maladie contagieuse?

J'ai rédigé ce projet de loi avec l'aide de mon assistant, Chad Shaver, et celle des attachés de recherche du Parlement du Canada, etc. Ce projet de loi vise particulièrement à répondre à ce problème. Il vise à aider les Canadiens, qu'ils soient dans l'exercice de leurs fonctions ou qu'ils agissent en bons samaritains, comme ce jeune homme dont je viens de parler. Ce qui les aiderait, c'est de savoir, d'après les meilleures connaissances scientifiques disponibles, si la personne qu'ils ont aidée est porteuse d'une maladie contagieuse ou non.

Cette loi sur les échantillons de sang oblige une personne qui a accidentellement ou délibérément répandu des fluides corporels sur ce professionnel de la santé, sur ce bon samaritain, sur ce spécialiste des cas d'urgence, ou autres... si une personne est entrée en contact avec ce sang ou ces substances corporelles et qu'il est ainsi possible qu'elle ait contracté une maladie, l'autre personne devrait alors donner un échantillon de son sang à des fins d'analyse afin de déterminer la présence éventuelle du virus HIV, de l'hépatite C ou de l'hépatite B.

Cette mesure législative permet à un juge d'ordonner le prélèvement de sang de toute personne qui a accidentellement ou délibérément contaminé de telles personnes. Le sang de cette personne serait analysé et les résultats de l'analyse seraient communiqués uniquement à la personne ayant subi le prélèvement de sang, à la personne visée, au médecin qualifié qui procède au prélèvement et à l'agent de police responsable de l'exécution du mandat.

Les résultats de l'analyse de sang ne seraient utilisés que pour le traitement médical, ce qui est également important, car des inquiétudes se sont manifestées à cet égard. Je le comprendrais si ce n'était pas le cas; en effet, qu'adviendrait-il si cet échantillon de sang était utilisé dans une cour criminelle ou dans le cadre d'une affaire civile, etc. Ce projet de loi exclut délibérément pareille éventualité. Il stipule que cet échantillon de sang ne peut pas être utilisé à d'autres fins, civiles ou légales.

Au tout début du débat, des questions ont été soulevées à propos de la compatibilité de ce projet de loi avec la Charte. Je reconnais que l'on ne peut échapper au débat sur la sécurité de la personne assujettie au prélèvement de l'échantillon de sang. Je prétends que ce projet de loi tente de parvenir à un équilibre entre les droits de la personne qui a été éventuellement contaminée par ce sang infecté, par exemple... Il vise à établir un équilibre entre ces deux droits, les deux droits conflictuels de la Charte, ces deux droits relatifs à la sécurité de la personne.

En d'autres termes, ce n'est pas une voie à sens unique seulement. De toute évidence, on ne peut pas faire de prélèvement de sang sur qui que ce soit sans raison valable. Par contre, ceux qui se trouvent en première ligne de la société, qui aident la société et qui agissent comme bons samaritains, méritent également une protection en vertu de la Charte en ce qui concerne la sécurité de leur propre personne. C'est une question d'équilibre et ce projet de loi tente d'arriver à un équilibre entre ces deux droits conflictuels protégés par la Charte et ce, de plusieurs façons.

Tout d'abord, le projet de loi stipule qu'il faut s'adresser à un juge pour obtenir l'autorisation de prélever des échantillons de sang. Seul un officier de justice indépendant peut prendre une telle décision; il doit tenir compte de tous les critères et être convaincu que la contamination est de nature suffisamment sérieuse et indésirable pour décider que d'autres tests s'imposent. Là encore, chaque cas doit faire l'objet d'un mandat; chaque cas doit être analysé en fonction de son bien-fondé.

• 0955

Ce projet de loi ne donne pas carte blanche aux agents de police, aux professionnels de la santé ou à qui que ce soit d'autre qui interviendrait pour procéder à un prélèvement d'échantillons de sang ou pour analyser ces échantillons. Ce projet de loi donne, en de rares occasions, l'autorisation à certaines personnes—un juge—d'ordonner le prélèvement d'un tel échantillon de sang; je le répète, seulement dans les rares occasions et lorsque l'on a répondu à tous les autres critères.

À mon avis, ce projet de loi tombe à point nommé. Je sais qu'il y a toutes sortes de questions à l'étude et que ce comité est probablement le comité le plus occupé du Parlement; je comprends que vous ayez beaucoup à faire, mais je crois que ce projet de loi tombe à point nommé.

Des organisations nationales et des particuliers, comme mon électeur, appuient une telle initiative et s'inquiètent puisque, d'après eux, la loi présente une lacune à laquelle il faut remédier, étant donné que l'on se rend compte de plus en plus des nouveaux types de maladies contagieuses qui existent aujourd'hui. C'est quelque chose que personne n'aurait prévu il y a 25 ou 30 ans, probablement. Pourtant, il y a des douzaines, voire même des centaines de cas, que nous avons maintenant dans nos dossiers, où les gens disent que si seulement ils avaient pu faire analyser le sang de la personne qui les a contaminés, ils n'auraient pas eu à se soumettre à un programme de pharmacothérapie très perturbateur. Ils auraient su comment s'occuper de leur bien-être physique, ce qui, selon eux, est un de leurs droits garantis en vertu de la Charte également.

Monsieur le président, peut-être pourrais-je m'arrêter sur ce point. Je sais que beaucoup de questions vont être posées et peut-être aurait-il mieux valu que j'y réponde dans le cadre d'une allocution, mais je vais y répondre au fur et à mesure.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Strahl.

Avant de passer aux questions, je vous inviterais également à présenter au comité une liste de personnes qui, d'après vous, en temps et lieu, pourraient également donner leur avis au sujet de ce projet de loi.

M. Chuck Strahl: J'ai une liste préliminaire de témoins que je pourrais également vous laisser aujourd'hui. Il y en a deux ou trois autres de plus que nous devons contacter pour voir s'ils accepteraient de venir. Je vais vous laisser cette liste préliminaire, si vous permettez.

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant aux questions et je vais commencer par M. Cadman, sept minutes.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Merci, monsieur Strahl, d'être ici aujourd'hui. Je sais que nous vous avons donné un préavis relativement court à ce sujet.

J'ai deux questions simples qui ne vont certainement pas prendre les sept minutes qui me sont accordées. Nous savons que probablement... en fait, nous pouvons être sûrs que des questions relatives à la Charte vont être soulevées et je suis sûr que mes collègues de l'autre côté vont les soulever. Avez-vous des avis juridiques qui vous permettent de conclure que ce projet de loi est compatible avec les exigences de la Charte?

M. Chuck Strahl: Je suis sûr que le comité voudra entendre certains spécialistes—dont l'expertise est certainement plus grande que la mienne—à ce sujet. Je crois que cela va être le coeur du problème: Quel est l'équilibre à atteindre entre les droits d'une personne qui a été contaminée et les droits à la sécurité de la personne qui doit se soumettre à un prélèvement d'échantillon de sang?

J'ai demandé à la Bibliothèque du Parlement de faire plusieurs analyses pour moi afin de déterminer comment ce projet de loi pourrait régler cette question, etc. Ces analyses représentent les meilleures sauvegardes, tant du point de vue d'une contestation en vertu de l'article 7... Ce projet de loi va probablement être contesté de diverses façons. L'article 7 qui stipule que «Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit», est mieux couvert, je crois...

Je le répète, il ne s'agit pas d'une analyse faite au hasard. Ce n'est pas quelqu'un qui, simplement... Vous ne pouvez pas faire subir pareille analyse au hasard; il faut avoir une autorisation préalable. Un officier de la justice indépendant doit intervenir et entendre toutes les parties concernées. En d'autres termes, seul un juge peut l'ordonner; il doit tenir une audience pour ce faire et examiner tous les critères au cas par cas. De notre point de vue, cette tâche qui consiste à prélever un échantillon de sang protégerait la vie, la liberté et la sécurité de la personne tant que cela n'entre pas en conflit avec celles de l'autre et tant que cela ne fait pas pencher la balance d'un côté plus que de l'autre.

En vertu de l'article 8, «Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.» Là encore, la meilleure défense se retrouve dans le projet de loi, je crois, et je suis ouvert à toute suggestion pour l'améliorer. Je répète cependant que les critères sont très clairs. J'ai essayé de définir qui est visé, quelles maladies peuvent faire l'objet de tests, ce qu'il advient de l'échantillon de sang par la suite, la protection du caractère privé et confidentiel de cette information, ainsi que la façon dont cela va être fait, etc. J'ai essayé de donner des critères très clairs. Le projet de loi pourrait être plus précis, peut-être, mais j'ai essayé de définir les critères très clairement.

• 1000

Je le répète, une autorisation judiciaire préalable s'impose et le juge doit examiner les intérêts opposés individuellement. Vous devez dire qu'à votre avis, la contamination n'a pas été suffisamment grave pour justifier un prélèvement sanguin ou les conditions étaient telles qu'il y a très peu de risque que... Vous allez devoir être très convaincant, je crois, avant d'obtenir l'approbation du juge.

Nous avons essayé, pour éviter toute contestation en vertu de ces deux articles, de libeller le projet de loi comme il le fallait.

Enfin, nous avons l'article 15 qui donne «le droit à la même protection et aux mêmes bénéfices de la loi, indépendamment de toute discrimination». Ce projet de loi ne cible aucun groupe, il ne cible ni les usagers de drogue ni qui que ce soit d'autre. Tout ce qu'il dit, c'est que si la gravité et l'étendue de la contamination sont d'une importance telle que, de l'avis du juge et du médecin, il y a probabilité de contamination, le juge peut alors ordonner le prélèvement d'un échantillon de sang. Le projet de loi ne cible pas un groupe particulier de personnes, il ne cible pas les usagers de drogue ou les personnes ayant un casier judiciaire ou autre chose; il ne cible personne en particulier.

Cette partie de la Charte, bien sûr, est sans ambiguïté; elle doit s'appliquer également à tous. Je crois que c'est le cas du projet de loi.

Le président: Merci beaucoup.

Il nous reste quelques minutes.

[Français]

Monsieur Bellehumeur.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Avez-vous des statistiques concernant le nombre de cas où de bons Samaritains ont contracté le VIH ou autre maladie dans les circonstances que vous décrivez?

[Traduction]

M. Chuck Strahl: Pardon? Voulez-vous des exemples ou...?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Des statistiques.

[Traduction]

M. Chuck Strahl: Oh. Je n'ai pas de preuves statistiques. J'imagine que les chiffres seraient relativement peu élevés, statistiquement parlant, à cause sans doute du fait qu'il n'existe pas actuellement de moyen de dépister de tels cas, vu qu'aucun projet de loi n'existe à ce sujet. Nous avons reçu des douzaines de lettres de conseils d'administration d'hôpitaux, de personnel d'urgence et de travailleurs de première ligne qui nous donnent des évidences anecdotiques et qui indiquent, dans chaque cas: «mais je ne peux pas obtenir un échantillon de sang»; il n'y a rien à ajouter.

Je n'ai donc que très peu de statistiques à présenter, si ce n'est... Je suis heureux de pouvoir laisser toutes ces lettres, les douzaines de cas, mais il n'existe aucun moyen de dépister ces cas, car à l'heure actuelle, nous n'avons aucun moyen de les confirmer. La loi actuelle ne le permet pas.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Selon vous, les conditions d'obtention et d'exécution du mandat stipulées à l'article 3 de votre projet de loi sont-elles cumulatives? Doit-on satisfaire aux alinéas a), b) et c) pour qu'un juge émette un mandat?

[Traduction]

M. Chuck Strahl: La réponse est oui. Je crois qu'un juge va beaucoup hésiter avant de l'ordonner, à cause de toutes les préoccupations relatives à la Charte, mais j'imagine que si l'on passe par ces quatre critères et que les parties disent que, à leur avis, la contamination est suffisamment étendue... En d'autres termes, si vous dites que vous avez reçu quelques gouttes de sang sur la main, le juge va vous dire: écoutez, je ne vais quand même pas ordonner un prélèvement sanguin. J'imagine que n'importe quel juge dirait que l'on ne peut pas raisonnablement croire que vous avez contracté une maladie.

Si, par contre, une personne fait du bouche-à-bouche sans équipement médical, l'expérience peut être très désagréable, vu l'échange important de substances corporelles, etc. Le juge peut dire qu'à son avis, en fonction de ce qui lui est présenté, cela répond aux critères, aux quatre étapes mentionnées, et il peut donc ordonner un test.

• 1005

Je pense donc que les conditions sont cumulatives, comme vous le dites, qu'elles doivent répondre à tous les critères. En pareil cas, le juge intervient et ordonne le prélèvement d'un échantillon de sang.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: J'ai deux dernières questions. En quoi l'article 3 et les critères que vous avez mentionnés vont-ils être utiles à cette personne de chez Canadian Tire? J'ai l'impression qu'elle ne tombe dans aucune de ces catégories. De plus, expliquez-moi comment votre projet de loi va lui permettre d'obtenir d'un juge un ordre tel que celui que vous mentionnez dans votre exemple. Expliquez-moi comment cela vous a motivé.

En deuxième lieu, ne trouvez-vous pas étrange que, sans qu'il y ait infraction criminelle, on puisse se présenter devant un juge pour obtenir un mandat contre un individu qui n'est pas accusé?

[Traduction]

M. Chuck Strahl: Là encore, selon certains, nous avons besoin d'un projet de loi qui cible précisément les personnes déclarées coupables d'une infraction criminelle. Ce projet de loi ne prétend pas le faire; il n'est pas question ici d'activité criminelle. Il n'est pas prévu pour ceux qui... Ce qui importe ici, ce n'est pas le fait que mon électeur ait aidé à arrêter un criminel, même si c'est ce qui s'est produit. Ce qui est important ici, c'est que mon électeur a été contaminé par du sang de cette personne, alors qu'il venait en aide à l'agent de police. Il ne s'agit donc pas de faciliter la déclaration de culpabilité, les poursuites ou autres choses du genre. Ce projet de loi vise à fournir le plus d'information médicale possible à cette personne afin de lui permettre de décider du genre de traitement médical à suivre.

Dans le cas d'Isobel Anderson, par exemple, elle a été piquée par une seringue remplie de sang alors qu'elle procédait à une fouille sommaire. On lui a dit que la personne en question avait l'habitude de prendre des drogues par voie intraveineuse, que le risque de contracter ces maladies pouvait être élevé; on lui a suggéré que si elle voulait tirer parti le plus possible d'un traitement médical, elle devrait commencer immédiatement cette pharmacothérapie envahissante, ce qu'elle a fait.

Les effets de cette pharmacothérapie ont été si profonds qu'elle s'est retrouvée sans forces. Elle ne pouvait pas... Sans aller dans trop de détails, elle ne pouvait plus bouger, elle ne pouvait plus rien faire seule, même pas répondre à ses besoins physiques fondamentaux. C'était une pharmacothérapie de choc.

Dans son cas particulier, un autre agent de police a dit à cette personne—c'était un sans-abri, un cas déplorable—«écoute, si je t'achète un Big Mac, vas-tu me donner un échantillon de sang?» Et cet homme a répondu «pour un Big Mac, bien sûr». Par conséquent, en échange d'un Big Mac, il a donné un échantillon de sang. Le test est revenu négatif.

Par la suite, Mme Anderson a complètement modifié son traitement médical, non pas parce qu'elle est absolument sûre de ne jamais être contaminée, mais parce qu'elle a obtenu le maximum d'information lui permettant de prendre une bonne décision au sujet de sa propre sécurité en tant que personne.

Je peux vous donner beaucoup d'autres exemples où des gens ont dit: «lorsque j'ai appris que le test était négatif, j'ai pris une décision en fonction de la probabilité des risques d'infection. À mon avis, la pharmacothérapie envahissante, très dure à supporter, ne valait pas la peine et j'ai modifié mon traitement.»

Il s'agit donc de donner le plus d'information possible à la personne. Rien ne garantit dans ce projet de loi que vous serez toujours sûr à 100 p. 100, mais cela vous donne le plus d'information possible. Cela aurait aidé mon électeur et bien d'autres à prendre ce genre de décision en fonction de l'information reçue.

Le président: Merci, monsieur Bellehumeur et monsieur Strahl.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci.

Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter de présenter ce projet de loi qui tombe à point nommé, qui est important; je sais aussi qu'il a exigé beaucoup de travail.

J'ai quelques sujets de préoccupation; vous en avez abordé certains.

Vous dites qu'il ne s'agit pas de cibler l'activité criminelle et qu'il arrive que des gens craignent la possibilité d'une infection par suite d'un acte délibéré ou d'un accident. Lorsqu'il s'agit d'un acte délibéré, je peux le comprendre, mais pourquoi, s'il ne s'agit pas d'un acte criminel, s'appuyer sur le Code criminel? Y a-t-il—et je ne connais pas la réponse à cette question—une autre loi, par exemple celle relative au travail ou à la santé et à la sécurité, qui pourrait être tout aussi efficace et moins brutale?

• 1010

Il est question ici du Code criminel qui habituellement suppose qu'il y a intention de causer un préjudice. Lorsque vous parlez de ceux qui menacent délibérément un agent de police, lorsqu'un contrevenant, par exemple, mord l'agent de police et lui dit «Vous allez m'arrêter, mais devinez ce que je viens de vous faire», là d'accord, le Code criminel peut être la voie à suivre, mais lorsqu'il s'agit de l'exercice de ses fonctions, ne faudrait-il pas trouver une autre loi pour arriver au même résultat? Avez-vous envisagé cette possibilité?

M. Chuck Strahl: Merci pour votre question. Oui, nous avons envisagé d'autres options.

J'ai fait faire une analyse par la Bibliothèque du Parlement du Canada pour voir si l'on pouvait protéger les travailleurs par l'application du Code canadien du travail—je ne parle pas ici des bons samaritains, mais des personnes assujetties au Code canadien du travail. Nous avons essayé de trouver, dans le cadre des règlements sur la santé et la sécurité au travail ou d'autres règlements, une façon—comme vous le dites—moins catégorique de faire. Malheureusement, nous n'avons pas trouvé dans le Code canadien du travail quoi que ce soit qui nous permette d'enfoncer le clou comme le fait ce projet de loi.

Je comprends que c'est un projet de loi difficile, puisqu'il exige sans aucun doute que l'on parvienne à équilibrer les droits garantis en vertu de la Charte. C'est donc une question d'équilibre et j'espère que vous pourrez m'aider à améliorer le projet de loi, si nécessaire.

Lorsque nous avons examiné le Code canadien du travail—je suis heureux de faire circuler une copie de cette analyse—il a semblé que même en envisageant toutes les options, il ne servait pas à grand chose. Rien ne semblait marcher. Nous avons essayé diverses approches, mais cela n'a rien donné. Par conséquent, je répondrais en disant que nous avons essayé de trouver des moyens moins envahissants et, d'après l'analyse que nous avons reçue, ce n'est tout simplement pas possible.

M. Peter Mancini: D'accord.

J'ai une autre question. Là encore, je ne prétends pas être spécialiste en matière de tests, mais j'ai récemment lu un article sur la possibilité de faire des tests rapides; il existerait aujourd'hui un appareil que l'on peut utiliser à l'extérieur d'un laboratoire, qui fait passer l'attente des résultats de deux semaines à quinze minutes. Il n'a pas encore fait l'objet de licence au Canada. Je me demande toutefois, si, par exemple, on ne pourrait pas remettre à ceux qui se trouvent dans les professions d'assistance—c'est ainsi que je les appellerais—l'un de ces appareils de test rapide leur permettant de s'auto-analyser afin de déterminer s'ils ont été infectés. Cela pourrait faire passer le temps d'attente de deux semaines à quinze minutes.

Vous savez comment ça marche ici. Est-il possible qu'avant même que l'on parvienne à régler toute cette question, des progrès technologiques puissent donner le même résultat, sans empiéter sur les droits de l'autre personne?

M. Chuck Strahl: M. Keith Martin, un de nos collègues et un médecin d'urgence, propose un projet de loi de même nature. Je ne suis pas spécialiste en médecine, mais après lui avoir parlé, il semble que la période d'attente à laquelle vous faites allusion ne vise pas la personne qui aurait pu être infectée; c'est la période du test, de l'analyse de cet autre échantillon de sang. Je ne crois que l'on peut procéder à une analyse sur quiconque—et je laisse à d'autres spécialistes en médecine le soin de le dire—15 minutes après l'éventuelle contamination, et obtenir les résultats.

Il existe de nouveaux tests encourageants—et M. Martin en a parlé de plusieurs à la conférence de presse que nous avons conjointement tenue avec Mme Anderson—qui, comme vous le dites, avant même que l'on parvienne à adopter le projet de loi, risquent d'être approuvés au Canada. Ils pourront réduire cette durée de plusieurs mois. Je crois, d'après les médias, que les progrès sont rapides à cet égard. Je ne prétends pas posséder cette expertise médicale, mais j'ai proposé le nom de plusieurs personnes qui, à mon avis, pourraient vous informer à ce sujet.

• 1015

M. Peter Mancini: J'ai une dernière question. Ne courrons-nous pas le risque ici d'ouvrir la porte à un flot de demandes? Ce projet de loi vise à protéger les droits de ceux qui risquent d'être infectés au cours de leur travail—vous avez donné l'exemple du bouche-à-bouche. Au bout du compte, peut-on envisager que quelqu'un d'autre présente un projet de loi en disant: «Le bon samaritain qui m'a aidé a peut-être une infection. Par conséquent, j'ai le droit, en tant que citoyen, de savoir si ce pompier—cet agent de police ou cette infirmière—a été touché par le VIH. Je demande un mandat pour qu'on lui fasse subir un test.»

M. Chuck Strahl: Vous avez raison et cela pourrait bien arriver. Je ne sais pas si on sera inondé de demandes, mais d'autres mesures législatives ou d'autres idées pourront peut-être être proposées un jour. Je laisse à d'autres le soin de le faire, mais je comprends votre souci à cet égard.

Il est intéressant de noter qu'une des recommandations de l'Association médicale canadienne—la recommandation no 7 des résolutions adoptées au conseil général de 1998—stipule que tous les patients—qui subissent une intervention au cours de laquelle un professionnel de la santé pourrait accidentellement entrer en contact avec leurs substances corporelles—sont tenus de signer une dispense permettant de procéder à des tests afin de déterminer s'ils ne sont pas porteurs du VIH ou du virus de l'hépatite, tout en garantissant la confidentialité des données qui leur sont propres. En d'autres termes, l'AMC propose que tout patient signe à l'avance une dispense; par conséquent, si je suis chirurgien, que je touche l'artère et que du sang se répande sur moi d'une manière qui puisse me contaminer, j'ai le droit de faire subir des tests au patient. En d'autres termes, les professionnels de la santé doivent être protégés de tous les patients. Cela peut bien arriver, mais...

M. Peter Mancini: Ce que je veux dire toutefois, c'est que si je dois subir une intervention chirurgicale, ai-je le droit de dire au médecin que je veux savoir s'il est porteur d'un virus?

M. Chuck Strahl: Pour répondre brièvement, si un tel procédé était proposé, je dirais qu'il faudrait démontrer à un juge—là encore, ce n'est pas dans le projet de loi—que le chirurgien s'est gravement coupé au milieu de l'intervention, que suffisamment de sang s'est répandu sur vous d'une manière qui pourrait vous convaincre... Vous ne pourriez pas simplement dire que vous voulez un échantillon de sang. Il va falloir vous adresser au juge et le convaincre.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mancini et monsieur Strahl.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je prends la parole en tant que médecin; lorsque nous ordonnons ou recommandons certaines thérapies, nous nous demandons toujours si c'est nous que nous traitons ou si ce sont nos patients que nous traitons. J'imagine que ce projet de loi m'inquiète un petit peu à propos de cette soi-disant assurance: les tests de détection d'une maladie comme le VIH auxquels on soumet la personne que vous avez aidée sont négatifs, immédiatement après l'incident. Il peut en fait y avoir une période d'incubation de deux semaines avant que les tests ne deviennent positifs. Si la personne est entrée en contact la veille, le test va être négatif, mais on sait bien qu'il faut commencer la prophylaxie post-exposition dès le lendemain ou le plus tôt possible. Après avoir commencé le traitement PPE, vous pouvez apprendre que le test est négatif, et être rassuré, à tort, n'est-ce pas?

En médecine, nous avons ce que nous appelons les précautions universelles. En cas d'incident, on présume que tout le monde a le sida. Donner aux gens une fausse assurance, sous prétexte qu'ils n'ont qu'un seul test négatif... Allez-vous prévoir de nouveaux tests deux semaines plus tard, six mois plus tard, pour avoir la même assurance? C'est ce qui m'inquiète un peu.

Je me demande également pourquoi ce projet de loi se limite aux personnes qui administrent et appliquent la loi, ainsi qu'aux bons samaritains. Nous n'avons même pas ce droit dans le cas des victimes de viol. Ce qui m'inquiète donc, c'est que l'on risque de se sentir bien uniquement parce que l'on donne ce genre d'assurance aux gens, alors que médicalement parlant, cela ne tient pas.

M. Chuck Strahl: D'accord, je peux donner quelques réponses à ce sujet. Premièrement, le Code criminel. Si quelqu'un veut proposer qu'une victime de viol a le droit de savoir si la personne qui l'a violée a une maladie contagieuse, c'est toute une autre question, qui n'est pas visée par ce projet de loi. Je serais personnellement en faveur de la recherche d'une solution à cet égard, mais ce n'est pas l'objet de ce projet de loi.

• 1020

Si j'ai limité ce projet de loi aux travailleurs en première ligne et aux bons samaritains, c'est parce que je ne voulais pas entrer dans les domaines de déclaration de culpabilité pour infraction criminelle ou de tests d'empreintes génétiques dont on pourrait éventuellement se servir contre la personne qui aurait subi le prélèvement de l'échantillon de sang. À mon avis, ce qui causerait le plus de difficulté, ce serait un prélèvement d'échantillon de sang de force, et l'utilisation de cet échantillon de sang contre la personne visée, d'une façon ou d'une autre. Je ne sais pas comment rédiger un projet de loi comme cela. Ce serait une dure bataille et je ne sais pas comment on pourrait la gagner.

Mme Carolyn Bennett: Il semble toutefois étrange qu'une société se mette à rassurer, à tort—uniquement en fonction d'un test négatif—une personne qui devrait prendre des médicaments. Tous les professionnels de la santé vous diront que les précautions universelles s'imposent.

Lors de la session des Nations Unies sur le sida à Genève, l'année dernière, il a été question des meilleures pratiques dans le domaine de la législation sur le sida. Nous attendons encore les conclusions, mais il est apparu très clairement qu'il faut s'arrêter aux droits de la personne, plutôt qu'aux questions de santé publique dans le cas du sida, car le fait de bafouer les droits de la personne est un terrain glissant et risque de provoquer toute une paranoïa dans le domaine de la santé publique.

Ce qui m'inquiète, je crois, c'est surtout cette fausse assurance. Comment vous sentiriez-vous, Chuck, si une personne ne prenait pas les médicaments à cause des résultats erronés des tests de laboratoire ou si ses tests devenaient positifs deux semaines plus tard?

M. Chuck Strahl: Je le comprends. Par contre, il s'agit ici de donner à une personne le plus d'information disponible à ce moment-là, afin de lui permettre de prendre une décision éclairée au sujet de son traitement médical.

Vous savez que le traitement PEP dont vous avez parlé est une pharmacothérapie très envahissante. Vous dites que vous risquez d'avoir contracté une maladie, si bien que vous allez opter pour cette pharmacothérapie dans l'espoir de prévenir une maladie que vous risquez d'avoir ou non. Les gens prennent des décisions en fonction de plusieurs facteurs. Si quelqu'un a reçu du sang sur les mains, mais qu'il s'est lavé les mains sans attendre et qu'il n'avait pas d'égratignure—vous connaissez mieux que moi toutes les inquiétudes possibles—il peut décider de ne pas se soumettre à cette pharmacothérapie envahissante, car cela n'en vaut tout simplement pas la peine. Il faut évaluer ces risques par rapport à ceux que présente la pharmacothérapie; c'est ce qui permet de prendre une décision éclairée et de décider de ne pas se soumettre à ces traitements.

Si par contre, d'autres événements se sont produits—la personne s'est coupée pendant l'intervention chirurgicale alors qu'elle avait du sang sur les mains, en même temps le test est positif—ou si plusieurs facteurs interviennent—c'est en fonction de toute cette information et des meilleurs conseils de son médecin, etc., qu'elle pourrait en conclure qu'il vaudrait mieux pour toutes les parties visées et pour sa propre sécurité, se soumettre à cette pharmacothérapie par précaution. Mais l'un des facteurs dans tout cela—l'un d'eux, et seulement l'un d'eux—c'est l'analyse du sang.

Nous pouvons de nouveau citer l'exemple de Mme Anderson, mais dans bien d'autres cas, des paramédicaux, des pompiers et d'autres travailleurs en première ligne m'ont dit qu'ils devaient décider en fonction de tous ces autres facteurs s'ils allaient se soumettre à cette pharmacothérapie de choc. Très souvent, une personne va donner volontairement des échantillons de sang qui reviennent négatifs. Puisqu'il s'agissait d'un seul des facteurs, ces travailleurs ont décidé au bout du compte—car les risques d'infection sont très faibles de toute façon—de leur traitement médical en fonction de cet échantillon, en partie. Je crois que c'est la raison pour laquelle l'AMC tient aussi à cet échantillon de sang; cela fait partie de ses résolutions.

Mme Carolyn Bennett: Je ne pense pas qu'ils aient examiné la question sous l'angle de la charte. Ce sont des médecins, pas des avocats.

Moi, si j'avais eu affaire au gars à qui est arrivée cette histoire au Canadian Tire avec un consommateur reconnu de drogues injectables, je ne suis pas sûre que le test négatif au lendemain de l'altercation m'aurait convaincue de ne pas conseiller au patient de suivre le traitement PPE.

M. Chuck Strahl: Peut-être pas, mais cela a suffi à Mme Anderson et à d'autres personnes. Je pourrais vous citer beaucoup de cas où les gens ont dit que cela a été un facteur de poids dans leur décision.

Mme Carolyn Bennett: Et si nous nous étions trompés?

• 1025

M. Chuck Strahl: Mais c'est au patient, comme vous le savez, de décider s'il veut subir un traitement quelconque, et apparemment c'est un facteur parmi d'autres. Il y a aussi la quantité de fluide corporel reçue, où on l'a reçue, si elle a pu être absorbée et tous ces autres facteurs. Si le médecin commence par dire «Écoutez, avec la quantité de sang, ou d'autre chose, que vous avez sur vous, ou quoi que ce soit d'autre, je ne pense pas que vous ayez pu rien attraper». Le patient dirait très probablement «D'accord, je suis votre conseil». Si ce n'est qu'un facteur parmi d'autres, cela pourrait tout de même l'aider à prendre une décision.

Je suis d'accord avec vous, l'AMC n'est pas un organe juridique et il n'a pas envisagé la question sous l'angle de la charte. Je pense cependant que ce qu'ils cherchaient à faire, avec cette résolution, c'est de dire «En tant que médecin praticien, je veux recevoir le maximum d'information, et je prendrai ensuite une décision. Il se peut que je préfère appliquer le traitement parce qu'il y a risque de faux négatif, mais au moins j'aurai toutes les données qu'il faut, et à la lumière de tous les autres facteurs et de cette information, j'appliquerai le traitement qui me semble le plus approprié».

J'entends des anecdotes sur des situations survenues dans des hôpitaux, surtout lorsque leur auteur a été patient à l'hôpital, il arrive qu'on entende dire «j'ai appris par hasard que quelqu'un avait une maladie transmissible et j'ai pris les précautions appropriées». Mais ce n'est pas légal. Ce pourrait être le technicien de laboratoire qui a pu voir que quelqu'un avait... Ainsi de suite, mais cela ne peut aider que les médecins qui se trouvent à pratiquer dans un hôpital, qui ont l'information, toutes les données.

Ce n'est pas ainsi qu'il faut traiter le problème. Il faut l'attaquer de front, et à mon avis, les gens seraient mieux en mesure de prendre des décisions éclairées sur leur propre programme futur de pharmacothérapie.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Reynolds? Monsieur Mancini?

M. Peter Mancini: Non, ça va.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idée que vos questions, et celles de M. Mancini, parce qu'il a formulé certaines de mes préoccupations.

Votre réponse à sa question est que vous avez examiné, ou vous avez demandé à la Bibliothèque du Parlement d'examiner l'aspect santé et sécurité pour voir si ce genre de principe qui, disons-le, est assez attrayant, pourrait être intégré ailleurs que dans le Code criminel.

Premièrement, pourriez-vous m'expliquer brièvement le raisonnement qui fait qu'il n'y aurait pas de place pour ce principe dans les règles sur la santé et la sécurité?

Deuxièmement, pourriez-vous déposer un document exposant cette opinion?

Troisièmement, avez-vous envisagé la portée provinciale de tout cela? Vous avez manifestement parlé des questions de charte, mais il est évident que les provinces auraient un certain droit d'intervention dans le domaine, elles aussi.

M. Chuck Strahl: Certainement, et si vous le permettez, je laisserai au comité l'exposé d'opinion que j'ai reçu de la Bibliothèque du Parlement.

Leur première préoccupation est qu'en vertu du Code canadien du travail, seul un petit nombre de personnes sont protégées, surtout parmi les professionnels de la santé, d'après la loi fédérale. Comme vous le savez, cette question relève presque partout de l'autorité provinciale. Donc, un petit pourcentage seulement de personnes qui ont communiqué avec nous et qui ont appuyé ce projet de loi seraient protégées en vertu du Code canadien du travail. Je ne connais pas exactement ce pourcentage, mais c'est une très petite partie de la population active dans ces domaines. Que ce soit des employés des salles d'urgence ou des ambulanciers... Même la plupart des forces policières ne sont pas protégées par le Code. Cela ne leur sert donc à rien. Les pompiers, les bons Samaritains... aucun d'eux n'est protégé par le Code canadien du travail.

C'est le premier problème. Le Code ne protège pas le groupe que j'essaie de cibler avec ce projet de loi.

La deuxième chose dont il est fait mention ici se rapporte au mécanisme prévu dans le Code canadien du travail. S'il doit y avoir une poursuite judiciaire fondée sur le Code, il faut obtenir le consentement du ministre du Travail. C'est ainsi qu'est faite la loi. C'est donc une loi restrictive, difficile. Je crois qu'il faudrait faire intervenir le ministre du Travail dans chaque cas. Je ne pense pas que ce soit pratique, ni possible. À mon avis, la meilleure solution est de faire intervenir un juge.

• 1030

Enfin, dans l'exposé d'opinion, l'on souligne le fait que le Code canadien du travail est bien placé pour insister sur la prévention et les bonnes pratiques dont a parlé la Dre Bennett. Il est tout à fait pertinent d'y prévoir des mesures préventives et une formation préventive et de sensibiliser les gens à tous les problèmes et aux risques, mais il ne convient pas d'y aborder la question de la prise d'échantillons sanguins. Ce sont de bonnes mesures préventives, de bonnes mesures réglementaires sur le plan de la prévention, mais elles ne changeraient rien au Code criminel comme le ferait mon projet de loi, qui permet à un juge d'ordonner un prélèvement sanguin.

Nous avons eu beau chercher, le Code ne semblait pas concerner suffisamment de gens. Le ministre du Travail devrait intervenir dans toutes les poursuites judiciaires. Et finalement, l'on dit dans l'exposé d'opinion que le Code du travail n'est tout simplement pas conçu pour les recours après coup; c'est une mesure préventive, une disposition réglementaire et le Code n'est pas approprié pour ce genre de règlement.

Le président: Merci, monsieur McKay. Nous y reviendrons, John, si vous voulez bien.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'ai deux questions rapides. D'abord, je vous remercie beaucoup de présenter ce projet de loi. Je pense qu'il est important qu'on réfléchisse à ces questions-là.

Premièrement, ou bien je n'ai pas compris, ou bien la réponse donnée à la question que M. Mancini a posée à propos de la réciproque a été un peu trop évasive. Est-ce que la personne qui a été blessée, la victime ou même le suspect qui se trouverait atteint parce que la personne qui a aidé était contaminée a le même recours? Est-ce qu'elle peut faire la même chose?

Deuxièmement, je sais que c'est une question théorique, mais je veux quand même qu'on soit conséquents. Je crois savoir que dans les hôpitaux, il y a des procédures en place pour essayer de couvrir un peu tous les angles. Par exemple, prenons le cas des ambulanciers qui interviennent fréquemment sur les lieux des accidents de la route, parfois six ou sept fois durant la semaine. Est-ce qu'ils vont demander qu'on fasse des tests sur toutes les personnes qu'ils ont rencontrées et qui pourraient constituer une menace? Si oui, est-ce qu'on n'est pas en droit de présumer qu'on élargit tellement le champ qu'au fond il n'y a plus de limites?

[Traduction]

M. Chuck Strahl: Merci.

Pour répondre à ces questions dans l'ordre, premièrement, le projet de loi ne traite pas de la question de réciprocité. Peut-être devrions-nous le modifier en ce sens, je ne sais pas encore. Bien que le projet de loi n'ait pas été conçu pour ça, peut-être devrions-nous y prévoir la situation où quelqu'un qui aurait pu infecter une personne en la secourant doive passer par le même processus.

Cependant, dans les circonstances, il me semble que nous parlons de deux choses différentes, en fait. Dans l'une, quelqu'un aide à quelqu'un d'autre. Généralement, on aide quelqu'un. On peut ne pas, soi-même, être blessé ni avoir de plaies, ne pas posséder de seringue ni avoir mordu quelqu'un d'autre. Rien de cela n'est arrivé, mais il reste que ce sont des problèmes potentiels pour un agent de police, par exemple. Le projet de loi ne prévoit pas cela. Peut-être pourrait-il être modifié. Je n'y avais pas réfléchi ainsi, mais il pourrait aussi protéger plus de gens comme cela. Ce projet de loi ne prévoit pas toutes sortes de situations. Il ne vise à protéger qu'un groupe de gens.

L'autre chose, vous pouvez le voir dans le projet de loi lui-même, vous devez pouvoir convaincre un juge des circonstances prévues à l'alinéa 5b), où le requérant est entré en contact avec des substances corporelles, il pourrait avoir été infecté par un virus désigné.

Autrement dit, vous devez être en mesure de vous présenter devant un juge et le convaincre, expliquer ce qui est arrivé et que les fluides corporels de cette personne vous ont si gravement imprégné, que ce soit sa salive, son sang ou toute autre chose, et de façon si intrusive que vous êtes convaincu d'avoir pu attraper le virus, que le médecin est d'accord et que l'agent de police en est témoin, tout est là. En se fondant sur tout cela, le juge décide que les circonstances sont telles qu'il va ordonner un prélèvement sanguin.

Cependant, on ne peut pas faire cela avec tout le monde qu'on touche, des gens à qui on serre la main, ni même les patients qu'on traite en tant que médecin. Il faut que la situation soit telle, qu'il y ait un accident d'une telle ampleur, que le juge soit convaincu que vous pourriez avoir été contaminé et ordonne ce prélèvement. C'est rare, mais non pas impossible.

Le président: Merci beaucoup.

Je dois vous signaler que nous devons retourner à la Chambre où nous sommes appelés à voter.

Vous savez que nous entamons l'examen article par article du projet de loi C-3 mardi, à 9 h 30. Nous avons reçu un avis, mais je n'ai pas vu de texte de motion. Je ne crois pas qu'il ait laissé à quiconque la directive de proposer son adoption.

• 1035

Monsieur Alcock.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): À ce propos, est-ce que cela signifie que la motion n'est pas encore adoptée?

Le président: Cela signifie qu'aucun avis de motion n'a été déposé au comité. Le problème, bien sûr, c'est que bien des fois où nous aurions pu traiter de ces motions, nous n'avions pas le quorum. Ce n'est pas le cas maintenant, mais le député qui a présenté l'avis n'est pas ici, alors je présume que nous pouvons lever la séance.

M. Reg Alcock: J'aimerais soulever une question de procédure, monsieur le président, pour le compte du comité de direction.

Les dispositions relatives aux avis étaient prévues, à l'origine, pour séparer le débat sur les questions de procédure de la séance où comparaissent les témoins. Beaucoup de comités ont fait cela pour éviter aux témoins de se rendre jusqu'ici seulement pour être interrompus—pas dans ce cas-ci, mais cela arrive souvent—par ce genre de débat. Si nous acceptons maintenant que cette motion est déposée et ouverte, cela signifie qu'elle peut être adoptée n'importe quand. Je pense qu'il y a une lacune dans nos procédures, qu'il nous faut corriger.

Le président: Monsieur Reynolds.

M. John Reynolds (Ouest Vancouver—Sunshine Coast, Alliance canadienne): J'avais une motion à proposer, dont j'ai fait circuler le texte. Avons-nous le temps de l'adopter maintenant? Ce sera très rapide, je pense.

Le président: Nous aurions le temps d'en proposer l'adoption, mais nous pourrions revenir, si vous voulez.

M. John Reynolds: C'est seulement une motion qui vise à appeler John Reid à témoigner devant le comité.

M. Reg Alcock: Il a comparu il n'y a pas si longtemps. Pourquoi vouloir le rappeler?

M. John Reynolds: Pour parler du budget principal des dépenses de son bureau.

M. Reg Alcock: Oh, bien sûr. Oui.

Le président: Est-ce que tout le monde a lu la motion?

M. John Reynolds: Nous en avons fait circuler le texte.

Le président: Sommes-nous d'accord?

M. John Reynolds: Oui, Reg a donné son accord.

M. Reg Alcock: Je suis d'accord.

Le président: C'est donc proposé et adopté?

(La motion est adoptée—Voir Procès-verbaux)

Le président: La séance est levée.