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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 2000

• 1542

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Nous examinons le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. Je crois savoir que M. Bellehumeur voudrait nous entretenir pendant quelques instants.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): J'en ai pour quelques jours.

En premier lieu, monsieur le président, je vais apporter une correction. Ce matin, j'ai parlé d'une lettre qui avait été signée par le ministre de la Justice du Québec, du temps des libéraux. Il s'agissait du ministre Roger Lefebvre. Effectivement, il a signé une lettre conjointement avec la ministre Lucienne Robillard pour dénoncer les tentatives de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants. Or, il ne s'agissait pas du projet de loi C-68, mais du projet de loi C-37. Il faut retourner à 1994 et à la 35e Législature.

Le projet de loi C-68 a été déposé à la 36e Législature, pendant la première partie du présent mandat du gouvernement libéral. Le projet de loi C-68 est ensuite devenu le projet de loi C-3 que nous sommes en train d'étudier.

Madame Lafontaine, êtes-vous contente des précisions que j'ai apportées? Elle fait signe que oui.

Je peux recommencer, monsieur Saada. Si cela peut vous faire plaisir, cela va me faire plaisir également.

Cela étant dit, monsieur le président, il n'en demeure pas moins que ce que je voulais soulever ce matin, à savoir que la ministre revienne au Comité de la justice pour répondre à nos questions et examiner le projet de loi C-3, est très important. Il n'en demeure pas moins non plus qu'il s'agit d'un vieux problème qui existe entre Québec et Ottawa, parce que bien que le numéro du projet de loi ait été différent lorsque M. Allan Rock était ministre de la Justice, en 1994, le projet de loi qu'il avait déposé visait à abroger la Loi sur les jeunes contrevenants, à y apporter des modifications.

Le Québec, à l'époque, était gouverné par un gouvernement libéral, un gouvernement fédéraliste qui avait dénoncé le projet de loi C-37 par la plume de Roger Lefebvre, de Lucienne Robillard et de M. Middlemiss, qui était à l'époque ministre de la Sécurité publique du Québec.

• 1545

Aujourd'hui, monsieur le président, on se retrouve avec le projet de loi C-68 dont la numérotation a été modifiée de nouveau de telle sorte qu'on en arrive à l'étude du projet de loi C-3. Mais cela ne change rien au profond désaccord qui subsiste entre Québec et Ottawa. On a vu qu'en novembre dernier, le 30 novembre 1999, l'Assemblée nationale a adopté une résolution à l'unanimité pour demander au gouvernement fédéral de refaire ses devoirs et de retirer le projet de loi C-3 afin qu'il puisse étudier les implications des amendements proposés dans la population. On ne demandait pas cela seulement pour le Québec; on demandait de suspendre le processus d'adoption du projet de loi C-3 afin de permettre à la ministre de mieux évaluer l'application que font les provinces des mesures prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je crois sincèrement, monsieur le président, que c'est un point de départ pour voir si, oui ou non, on est dans la bonne direction. Pour cela, il faut véritablement faire une étude sérieuse.

Au Québec, bien que nous soyons préoccupés depuis fort longtemps par les jeunes contrevenants, par l'approche et le traitement qu'on offre aux jeunes contrevenants, on a quand même fait une autre étude très exhaustive, qui a débuté en 1993-1994, sous la direction du juge en chef adjoint à la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec, M. Michel Jasmin. Ce mandat lui avait été confié par le gouvernement libéral de l'époque et le 17 février 1995, le juge Jasmin a remis son rapport au gouvernement péquiste.

Le rapport Jasmin est une plaque tournante dans la façon de faire du Québec ou, plutôt, c'est un rapport qui a confirmé certaines pratiques. Le rapport a confirmé que la pratique au Québec était la bonne, qu'on allait dans la bonne direction et il a aidé également le gouvernement du Québec à réorienter certaines autres pratiques dans d'autres domaines, des domaines qui parfois ne touchent pas que la justice. En guise d'exemple, à ce moment-ci, je mentionnerai la façon de faire des policiers lorsqu'ils travaillent sur un dossier impliquant un jeune contrevenant: la façon dont ils interrogent le jeune, la façon dont ils se présentent à lui, la façon dont ils traitent le jeune au poste de police, etc. On voulait savoir si les policiers avaient une approche particulière avec les jeunes et surtout savoir s'ils connaissaient la Loi sur les jeunes contrevenants et voir comment ils l'appliquaient.

On a fait cette étude-là, et un rapport a été déposé à l'Assemblée nationale en 1995. C'est le genre de questions soulevées dans cette étude qu'on doit se poser nous-mêmes ou qu'on doit plutôt poser à ceux et celles qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants dans les provinces.

Monsieur le président, en conclusion, je dois avouer que, de toute évidence, on n'a pas demandé aux provinces comment elles appliquaient la Loi sur les jeunes contrevenants et surtout quelles étaient leurs politiques jeunesse.

On peut faire comme la ministre et dire qu'on respecte l'approche québécoise alors que dans les faits, on fait tout à fait le contraire de l'approche québécoise. C'est avoir deux discours, ou bien c'est ne pas comprendre ce qu'on entend ou ce qu'on voit de l'approche québécoise.

Donc, pour comprendre l'approche québécoise, il faut avoir certaines notions de base, comme je le disais ce matin. Il faut quelques pistes de réflexions utiles sur le sujet afin de véritablement comprendre l'approche québécoise et surtout le modèle québécois. Il faut examiner la délinquance, comme je le disais ce matin, monsieur le président. Il faut voir si le taux de criminalité augmente ou n'augmente pas. Les statistiques sont là pour démontrer qu'il a baissé. Donc, il n'y a pas d'urgence. Il n'y a pas de raison de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. Il faut prendre en considération la protection de la société, l'infraction, la responsabilité des adolescents et les droits des adolescents. On en était rendus, monsieur le président, aux besoins des adolescents.

• 1550

Les besoins de l'adolescent sont sans doute le point le plus important de la Loi sur les jeunes contrevenants. Qu'on soit un juge, un avocat, un procureur de la Couronne, un intervenant social, un policier ou toute autre personne qui intervient dans le dossier d'un jeune contrevenant, la première question à se poser porte sur les besoins de l'adolescent. De quoi a-t-il besoin pour réintégrer la société le plus rapidement possible et devenir un citoyen anonyme?

De quoi parle-t-on quand on parle des besoins des jeunes? Qu'est-ce que la déclaration de principes à l'article 3 de la Loi sur les jeunes contrevenants nous permet de faire au niveau des besoins des jeunes? À l'article 3, on parle à au moins trois reprises des besoins et de la situation de chacun, des besoins de l'enfant, de la responsabilité de l'enfant, de la dépendance, du degré de développement, de la maturité, des besoins spéciaux, de l'aide dont ils ont besoin. Quels sont exactement ces besoins?

Monsieur le président, la pratique québécoise qui a été développée au fil des années en appliquant correctement la Loi sur les jeunes contrevenants nous a démontré que la société pouvait intervenir pour aider les jeunes aux prises avec un problème de justice criminelle, sur toutes sortes de facteurs et à toutes sortes de niveaux. Il faut savoir que celui qui commet un crime important, qui commet des vols, qui est membre d'une bande ou quoi que ce soit a d'autres problèmes qui mènent à ce comportement.

En examinant son dossier, on peut voir que l'individu, s'il est jeune et qu'il est encore dans le réseau scolaire, a des difficultés scolaires. On va voir bien souvent qu'il a des problèmes de drogue. On va voir bien souvent, monsieur le président, qu'il vient d'un milieu familial difficile et qu'en conséquence, son développement psychosocial accuse un retard, qu'il manque de maturité, qu'il a des problèmes avec les membres de sa famille, que l'un ou l'autre des membres de sa famille est peut-être dans un réseau de criminels, qu'il fait peut-être partie d'une bande criminalisée.

On sait que le phénomène des bandes criminalisées est de plus en plus développé et qu'il touche une clientèle de plus en plus jeune. On peut se rendre compte que l'individu est aux prises avec certains de ces problèmes. Chaque personne a besoin d'être traitée différemment, a besoin qu'on lui donne des outils différents, des outils qui correspondent à ses besoins. C'est ce genre de besoins, monsieur le président, qu'on examine lorsqu'on étudie le dossier d'un jeune contrevenant, et cela, la loi actuelle permet de le faire.

C'est en appliquant la loi actuelle qu'on a réussi, au fil des années, à avoir cette approche québécoise qui fait notre fierté et qui fait dire à certains ministres qu'ils la respectent. Mais ce ne sont que des mots. Je pense qu'il y a des choses contradictoires dans la tête de la ministre lorsqu'elle dit qu'elle respecte l'approche québécoise d'un côté alors que de l'autre côté, elle fait tout le contraire. Je pense qu'il y a des questions auxquelles elle devra répondre.

C'est pour cela que je souhaite que la ministre vienne témoigner devant le comité et qu'elle vienne expliquer aussi en quoi les amendements qu'elle propose répondent aux préoccupations du Québec.

Donc, les besoins peuvent être très diversifiés. On peut aussi se demander quelle place la Loi sur les jeunes contrevenants fait aux besoins des adolescents.

• 1555

À cet effet, je vais citer la juge L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada, que le juge Lamer avait lui-même citée lorsqu'il avait rendu une décision fort importante: R. c. M. (S.H.)—[1989] 2 R.C.S. 446. Voici la citation:

    ...depuis près de cent ans, l'objectif du Parlement a été d'accorder aux jeunes contrevenants impliqués dans une instance criminelle un traitement et des moyens de réadaptation distincts. [...] On tente donc par l'intermédiaire de la loi «d'empêcher ces jeunes contrevenants de devenir de futurs criminels et de les aider à devenir des citoyens respectueux de la loi».

Et un petit peu plus loin, on ajoute:

    Bien que la Loi ait été révisée en 1982, les valeurs fondamentales demeurent et imprègnent toutes ses dispositions.

Monsieur le président, on se rend compte que la question centrale, lorsqu'on examine le dossier d'un jeune contrevenant, est de savoir quel poids on doit donner aux besoins de l'adolescent quand on prend une décision. Le seul motif qui oriente un juge lorsqu'il examine un dossier, c'est le besoin. Pourquoi? Parce qu'on croit très sincèrement qu'en investissant dans les besoins des jeunes, on sécurise la population.

Un peu plus loin, on trouve une autre décision. Cette fois-ci, c'est le juge Cory de la Cour suprême du Canada qui a mis quelques balises et parle des facteurs ayant trait aux besoins spéciaux des adolescents.

    La situation au foyer d'un jeune contrevenant ne devrait être ni négligée ni considérée comme le facteur primordial de la détermination de la peine. Toutefois, on peut en tenir compte à bon droit dans l'élaboration de la décision

Vous voyez qu'il y a quand même des balises qui sont installées au fur et à mesure que la Cour suprême du Canada se penche sur la problématique des besoins des jeunes, des adolescents. On trouve cette citation dans la décision R. c. J.J.M. [1993] 2 R.C.S. 421.

Donc, je pense que j'ai insisté amplement sur la question des besoins, ce qu'on ne retrouve pas nécessairement dans le projet de loi C-3. Ce qu'on va trouver dans les amendements, monsieur le président, c'est autre chose. C'est subordonné à différents paragraphes et alinéas.

Après cela, monsieur le président, pour comprendre vraiment l'approche préconisée par le Québec, il faut examiner la place des victimes. Quelle est la place des victimes dans le système qui est appliqué au Québec depuis plusieurs années? Dans le rapport Jasmin, au paragraphe 1.7 de la page 25, on fait état de ce qui va suivre. Je le cite parce que c'est fort important. Lorsque la ministre sera présente ici, en comité, je pourrai échanger avec elle sur ces points, entre autres, et sur beaucoup d'autres points aussi. Donc, je cite:

    1.7 LES VICTIMES

      Dans le concours qu'elles apportent à la justice, les victimes doivent être traitées d'une manière qui reconnaît leur situation: avec le respect et la sensibilité que commandent leurs besoins et leurs droits.

      Mais là ne doivent pas se limiter les préoccupations de la justice à leur égard: elles sont aussi des personnes qu'une infraction a lésées et qui peuvent à juste titre désirer une forme de réparation, de restitution ou d'excuses. Cela doit être mieux reconnu par les pratiques judiciaires et sociales.

• 1600

Vous voyez, monsieur le président, que lorsqu'on s'interroge sur une question donnée, qu'on examine de bonne foi la problématique qu'on a devant nous et qu'on cherche à trouver des solutions ou à vraiment améliorer le processus, on trouve des réponses. Dans le rapport qui a été fait par juge Jasmin, on ne dit pas que tout est beau dans le meilleur des mondes et qu'il n'y a rien à faire. On en a un exemple au niveau des victimes. Après avoir consulté les divers intervenants dans le domaine des jeunes contrevenants, on s'est rendu compte que les victimes ne prenaient peut-être pas nécessairement la place qu'elles devaient prendre et qu'on devait leur accorder une place beaucoup plus grande que celle qu'on leur accorde à l'heure actuelle. On n'a pas demandé des modifications à la loi pour autant.

On s'est penchés sur la Loi sur les jeunes contrevenants et on a regardé si on pouvait, en vertu de cette loi, faire une place spéciale, une place plus grande aux victimes. On s'est rendu compte que oui, effectivement, on avait la marge de manoeuvre nécessaire pour le faire avec la Loi sur les jeunes contrevenants.

On n'est pas allés se plaindre au fédéral pour faire modifier la Loi sur les jeunes contrevenants. On a pris les responsabilités qu'elle nous permettait de prendre et on a apporté des modifications à notre façon de faire. Mais pour arriver à cela, il faut, en premier lieu, se demander quelle est notre politique jeunesse, monsieur le président. C'est la première question à poser.

Après les victimes, automatiquement, on va penser aux parents. Quel est le rôle des parents dans tout cela? On est conscients que les premiers responsables des enfants, ce sont les parents. Comme je l'ai dit ce matin, monsieur le président, il y a des parents qui ne s'occupent pas de leurs enfants. Il y a des enfants qui ne savent pas où aller lorsque l'école est terminée. Il y a des enfants qui grandissent dans un milieu familial très pénible. Je ne sais pas si vous avez écouté les nouvelles hier, mais les statistiques sur les enfants maltraités au Canada ont augmenté. Comment voulez-vous que ces enfants grandissent sainement? Comment voulez-vous qu'ils n'aient pas quelque chose qui ressemble à un esprit de vengeance dans leurs veines? Ils grandissent dans un mauvais milieu familial, un milieu familial qui les fait dévier du droit chemin. Comment voulez-vous qu'ils s'en sortent? Ce n'est pas en les stigmatisant et en les traitant comme on veut les traiter dans le projet de loi C-3 qu'on va régler les problèmes de ces enfants-là.

Il y a beaucoup de prévention, me direz-vous. Oui, effectivement, il y a beaucoup de prévention. On n'en fera jamais suffisamment. Si on a de l'argent de trop, il faut l'investir au niveau de la prévention. Il faut l'investir dans des programmes qui vont prévenir certaines choses. Rien ne sert d'investir dans des mesures répressives ou dans des mesures plus dures, comme la ministre de la Justice nous propose de le faire.

Il faut que la ministre vienne en comité et qu'elle écoute ce qu'on a à lui dire à ce sujet. Il y a sûrement des choses qu'elle a oublié d'examiner. Sinon, cela n'a pas de bon sens qu'elle présente un projet de loi semblable. Elle est sûrement fort mal conseillée pour présenter des amendements semblables, à moins qu'elle ne soit motivée que par des considérations politiques afin de se faire réélire dans l'Ouest canadien. Si c'est le cas, elle fait fausse route à titre de ministre. Qu'elle donne sa démission à titre de ministre de le Justice et qu'elle s'emploie uniquement à garder son siège à la Chambre des communes. Qu'elle travaille à garder sa circonscription si elle a peur de la perdre, mais qu'elle ne présente pas une mesure législative uniquement pour la garder et pour répondre à un vent de droite en jetant au panier ce qui se fait au Québec depuis 20 ans.

Donc, on sait dès le départ que les parents sont les premiers responsables de leurs enfants. Il faut qu'ils soient des partenaires dans l'intervention. Ils doivent appuyer le système pour répondre adéquatement aux besoins de l'enfant et, surtout, ils ont un rôle à jouer au niveau des interventions qu'on doit faire de façon spécifique auprès de l'enfant. Je pense qu'ils détiennent des éléments de réponses et que c'est en travaillant avec eux qu'on va être capables de déterminer davantage ce que nous devons apporter à l'enfant comme programmes pour atteindre l'objectif visé par la Loi sur les jeunes contrevenants, soit la réintégration du jeune.

• 1605

Un point que j'ai mentionné à plusieurs reprises est celui des délais. Si on avait regardé davantage ce qui se fait au Québec en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants et si on avait écouté ce que l'on a toujours dit qu'il fallait faire pour améliorer cette loi, on aurait compris qu'un des points à améliorer est toute la question des délais.

On est arrivés à cette conclusion par la pratique, mais c'est également ce qui est ressorti lorsque M. Jasmin et les autres spécialistes ont étudié la Loi sur les jeunes contrevenants en profondeur. On s'est rendu compte que la célérité des interventions était primordiale, qu'il fallait intervenir le plus rapidement possible après que l'individu ait fait quelque chose de répréhensible.

À la page 29 du rapport Jasmin, on dit ce qui suit:

      La célérité des interventions est une condition essentielle de leur impact et de leur crédibilité. Une réaction sociale lente est interprétée par les adolescents comme une expression d'indifférence, sinon comme une forme de tolérance par défaut.

En quoi le projet de loi C-3 va-t-il améliorer la célérité des interventions? En rien, monsieur le président, en rien. Au contraire, avec les modifications apportées par le projet de loi C-3, on va multiplier certaines interventions, certaines procédures judiciaires qui ne font rien pour améliorer la célérité des interventions.

Est-ce qu'on a le quorum, monsieur le président?

Soyez le bienvenu, monsieur Saada.

Donc, monsieur le président, il n'y a rien dans le projet de loi C-3 qui améliore un élément qui pourtant aurait été facilement améliorable, soit la question des délais. À l'heure actuelle, chaque province a sa façon de fonctionner. Je sais que l'administration de la justice est de juridiction provinciale, mais vous comprendrez que lorsque les amendements à la loi ont pour effet de multiplier les étapes au palais de justice, on nuit drôlement à l'administration de la justice et on influence drôlement la façon dont la justice sera administrée dans une province, dans un palais de justice.

On aurait pu faire ressortir dans le projet de loi, ou dans des modifications subséquentes, toute l'importance d'agir le plus rapidement possible, d'être très proactif. On aurait pu ajouter un article disant que la célérité des interventions est primordiale. On aurait pu modifier l'article 3, la déclaration de principes, en y ajoutant un alinéa pour indiquer que les délais sont très importants. On aurait sans doute ainsi amélioré la Loi sur les jeunes contrevenants.

Que je sache, aucune loi n'est parfaite. Aucune loi ne nécessite pas qu'un jour ou l'autre on y apporte des modifications si les modifications sont désirées par ceux qui l'appliquent. Je suis sûr que vous n'auriez eu que des félicitations de la part de la coalition et des personnes du Québec qui appliquent quotidiennement la Loi sur les jeunes contrevenants si, en réponse à leurs demandes, vous aviez modifié certains articles pour exiger que les intervenants dans les dossiers criminels des jeunes contrevenants agissent de façon plus rapide. Je pense que vous auriez eu des félicitations de la part de ces gens et, surtout, je n'aurais pas eu à faire de longs discours, discours qui sont très intéressants, j'en conviens. Tout le monde écoute avec intérêt. Mon discours aurait été très simple. Je vous aurais félicité. Ç'aurait été pas mal moins long, mais je l'aurais fait.

• 1610

Donc, monsieur le président, après avoir traité de la célérité des interventions, il y a un point extrêmement important auquel j'accorderai un petit peu de temps. Il s'agit de la cohérence et de la responsabilité de tous les intervenants. Une des problématiques qu'on retrouve actuellement dans d'autres provinces et qu'on a vécue au Québec, c'est que les intervenants ne savent pas ce que les autres font dans le dossier. Ils ne se parlent pas, il n'y a pas d'interaction entre eux et ils ne connaissent pas la Loi sur les jeunes contrevenants et sa déclaration de principes. Les intervenants dans le dossier ne savent pas que le besoin de l'enfant est la priorité n° un. Chaque intervenant est un maillon extrêmement important dans l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants si l'on veut obtenir de bons résultats. Si chaque maillon ne sait pas ce que l'autre fait, un jour ou l'autre, un maillon affaiblira les autres. C'est là qu'il n'y a pas de réussite ou très peu de réussite.

À partir du moment où le jeune commet une infraction, de nombreuses personnes interviennent dans le dossier: les policiers qui font enquête, un intervenant social dans le dossier, des enquêteurs, la Direction de la protection de la jeunesse, des intervenants au niveau des centres jeunesse, d'autres personnes en charge, les parents de l'enfant lorsqu'ils sont là et qu'ils veulent s'occuper de leur enfant, les avocats et procureurs de la Couronne, encore des intervenants sociaux, des personnes qui ont des maisons qui accueillent des jeunes avec des problèmes, des juges et ceux qui voient à l'exécution de la décision du tribunal. Toutes ces personnes doivent savoir ce qui se passe dans le dossier. Je ne suis pas sûr qu'on sache si on a fait dans les autres provinces une étude pour savoir ce qui se passait dans le dossier.

En 1995, dans le rapport Jasmin, on a examiné cette question et on y a consacré un chapitre qui débute à la page 31. Je vous cite ce qu'on dit au niveau de la cohérence et de la responsabilité de tous les intervenants:

      Au-delà des exigences spécifiques que comportent leurs fonctions respectives, les personnes qui interviennent auprès d'un même adolescent doivent voir leur rôle et assumer leurs responsabilités en fonction de grands objectifs et de moyens communs, dans une perspective d'ensemble à laquelle elles participent toutes. La cohérence est un fil conducteur auquel chaque intervenant (policier, judiciaire ou social) doit pouvoir greffer des interventions dont il se sent responsable.

Monsieur le président, si on veut qu'il y ait un fil conducteur, comme on le dit dans le rapport, si on veut qu'il y ait une bonne conduction à chaque intervenant, il faut que les intervenants se sentent responsables, se sentent dans la game, comme on dit souvent. Il faut qu'ils sentent que le travail qu'ils font dans le dossier est important pour la réhabilitation et la réinsertion du jeune. Il faut qu'ils aient un objectif commun. Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on est capable d'imposer ça. Il a fallu au Québec plusieurs années, j'en conviens. Au lieu de modifier la loi comme on le fait de façon régulière depuis quelques années, il faudrait peut-être commencer à regarder si tous les intervenants ont des objectifs communs et s'ils travaillent dans le même sens, monsieur le président. Il faudrait peut-être vérifier s'ils connaissent la Loi sur les jeunes contrevenants, comment ils appliquent cette loi dans leur province et quelles sont les politiques jeunesse dans leur province.

C'est un sujet qui n'est pas nouveau et qui n'a pas été examiné uniquement par le groupe de M. Jasmin au cours de l'évolution de notre approche auprès des jeunes contrevenants depuis les années 1900. On a examiné à quelques reprises le rôle que les intervenants avaient dans cela, et on est arrivé, de façon très structurée, à quelque chose de précis dans le rapport Jasmin. Depuis le rapport Jasmin, il y a des choses qui se sont améliorées au niveau des interventions dans les dossiers.

• 1615

J'ai mentionné, monsieur le président, que la Loi sur les jeunes contrevenants permettait aux juges et à ceux qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants de rendre des décisions tenant compte de l'ensemble de la situation du jeune. Je dois avouer très sincèrement qu'avec le projet de loi C-3 que nous avons devant nous, je ne suis pas sûr que nous serons capables de poursuivre l'application de mesures comme on l'a fait au Québec et de rendre justement des décisions en tenant compte de l'ensemble de la situation.

Je dois vous dire, monsieur le président, que j'ai un peu de difficulté à me concentrer parce que les gens parlent dans cette salle. Je comprends que les gens puissent vouloir faire autre chose, mais je veux me concentrer et poursuivre mon intervention. J'ai de la difficulté à le faire. J'aimerais qu'on parle moins afin qu'on puisse se concentrer. Nous sommes ici pour étudier la Loi sur les jeunes contrevenants. Je crois qu'il est important qu'on se consacre à l'étude de ce document et de cette loi extrêmement importante. Je pense que personne n'est au-dessus de cela et n'a rien à apprendre dans le dossier. Au contraire, il serait important que tous les gens écoutent, sinon qu'ils lisent. S'ils ne veulent pas m'écouter, eh bien, qu'ils lisent quelque chose sur la Loi sur les jeunes contrevenants parce que c'est de cela qu'on discute ici aujourd'hui. J'inviterais les gens à être un petit plus professionnels et à regarder ce qui se passe autour d'eux, tout simplement, et surtout à être respectueux de ceux qui parlent, en l'occurrence moi-même.

Donc, il est souhaitable de prendre une décision en tenant compte de l'ensemble de la situation, monsieur le président. À la page 33 du rapport Jasmin, qui est un rapport important, on lit:

      Tout doit être mis en oeuvre par les corps policiers ainsi que par les intervenants sociaux et judiciaires afin de grouper les dossiers relatifs à un même jeune, dans le respect des principes juridiques pertinents, d'une façon qui permette aux décisions de porter sur l'ensemble de la situation de l'adolescent.

Il faut prendre en compte l'ensemble des éléments liés à la situation de l'adolescent, monsieur le président, incluant l'infraction, sa situation personnelle, sa façon de vivre, l'histoire de sa famille et sa propre histoire, ainsi que d'autres circonstances. Monsieur le président, il faut voir comment nous pourrons concilier la prise en compte de l'ensemble de la situation avec les dispositions du projet de loi C-3 qu'on a devant nous. Il faut déterminer comment on sera capables de réussir cela.

Quelquefois, c'est un petit rien qui fait en sorte qu'on trouve l'élément déclencheur d'une situation et qui nous fait découvrir que si on investit davantage chez le jeune à tel niveau, on va réussir à l'aider. Mais pour cela, il faut prendre le temps d'examiner le jeune et de trouver la cause de ses problèmes, puis les interventions qui l'aideront à passer à travers un événement.

Monsieur le président, avant de poursuivre mon intervention, je vous ferai part d'un cas qu'on m'a raconté. On l'a, semble-t-il vérifié et il appert que c'est vrai. Il y a quelques années, à Montréal, au Québec, un jeune Noir était un petit peu la risée de son école. Il vivait dans un quartier assez pauvre de Montréal où il y avait des gangs. C'était très rough, comme on dit chez nous. Les jeunes avaient toutes sortes de préjugés à son égard.

• 1620

Un jour, au cours de la semaine précédant Noël, le jeune, qui s'appelait Corey, est venu à l'école et a apporté un petit cadeau à son professeur: un bracelet brisé et une fiole de parfum à moitié remplie. Toute sa classe s'est mise à rire et le gang dont il faisait partie s'est mis à lui dire qu'il aurait pu voler telle chose, lui offrir telle chose, etc. Le professeur, qui avait toujours pris ce petit jeune un peu de haut, a cette fois-là fait tout le contraire. Elle lui a dit merci et mis le bracelet qui était brisé. Elle s'est même mis du parfum. Le jeune était très heureux.

À partir de ce moment-là, elle a commencé à examiner le jeune. Elle a regardé ce qu'il faisait le soir. Elle a commencé à faire ce qu'on appelle de la prévention auprès de lui, parce qu'elle sentait qu'il y avait quelque chose de bon en lui. Elle a appris par la suite que le bracelet cassé et la fiole de parfum entamée appartenaient à sa mère, qui venait de décéder. Il avait remis ces cadeaux à son professeur parce que c'était la seule personne de sexe féminin dans son entourage qui avait certaines considérations à son égard.

Le professeur a perdu de vue le petit Corey, mais elle a continué chaque année à faire de la prévention, à tenter de voir ce qui se passait dans les gangs et ainsi de suite. Un bon jour, trois ans plus tard, elle a reçu une petite note disant: «Chère madame Johnson, je viens d'obtenir mon diplôme de premier cycle du secondaire.» La lettre était signée par Corey. Quelques années plus tard, elle a reçu une autre petite note dans laquelle il lui disait qu'il venait de recevoir son diplôme d'études collégiales. Quatre ans plus tard, Mme Johnson a reçu une autre note à laquelle étaient joints des billets d'avion et une invitation pour assister à sa remise de diplômes à la faculté de médecine. Il venait d'être reçu médecin dans une université à l'extérieur du Québec. Il lui disait avoir terminé premier de sa classe et lui envoyer ces billets pour qu'elle puisse venir occuper la place qui était destinée à ma mère.

Tout ça, monsieur le président, c'est parce qu'un jour le professeur a prêté une oreille attentive à un jeune qui était sur le bord d'avoir des problèmes de gang et des problèmes de criminalité. Elle a eu la jugeote, comme on dit, d'être là au bon moment, d'avoir une oreille attentive au bon moment et d'appliquer au bon moment ce qu'il fallait.

La Loi sur les jeunes contrevenants, monsieur le président, ne nous permet pas d'appliquer de telles mesures préventives au niveau des professeurs—c'est un exemple que je vous ai donné—, mais en appliquant la Loi sur les jeunes contrevenants de façon correcte et très minutieuse, on réussit de grandes choses également.

Le projet de loi C-3 et sa nouvelle approche inquiètent tous les intervenants du Québec qui travaillent depuis des années à faire du Québec un modèle de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils se disent aujourd'hui qu'avec le projet de loi C-3, on met en quelque sorte la hache dans l'expertise qu'ils ont acquise au niveau de la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1625

L'exemple que je vous ai donné au sujet du professeur est un bon exemple de prévention, et la Loi sur les jeunes contrevenants favorise cette prévention.

D'ailleurs, lorsque le juge Jasmin et son groupe ont examiné toute la problématique de la Loi sur les jeunes contrevenants, ils se sont penchés de façon très sérieuse sur toute la question de la prévention. On retrouve toute la question de la prévention au chapitre 2 du rapport Jasmin. J'en avais déjà parlé de façon très brève. J'avais dit qu'il y avait plusieurs types de prévention: prévention primaire, secondaire, tertiaire, etc. et que j'allais en discuter plus en détail avec vous. C'est ce que je vais faire cet après-midi. J'aimerais bien que la ministre puisse venir en comité pour qu'on échange avec elle sur les types de prévention et pour qu'elle nous dise si elle pense que le projet de loi C-3 va favoriser cette prévention ou pas.

Je suis d'avis que C-3 ne favorisera pas cette approche, cette façon de faire, mais peut-être qu'elle a des choses à nous dire sur cela. Il faudrait qu'elle nous dise très précisément en quoi C-3 va dans le même sens que le Québec. Il ne faut pas oublier, monsieur le président, que la ministre de la Justice, dans sa lettre du 25 avril, nous a dit ou a dit à tous ceux qui l'ont lue:

    ...le gouvernement du Canada s'est engagé à élaborer un projet de loi respectueux de l'approche adoptée par le Québec au cours des 15 dernières années.

J'aimerais bien qu'elle vienne en comité pour expliquer ce qu'elle voulait dire par rapport à son projet de loi C-3 et par rapport au rapport Jasmin. Une fois qu'on aura regardé ensemble le rapport Jasmin et qu'elle l'aura commenté... Je suis sûr qu'il y a des choses qu'elle va apprendre dans cela. Si elle avait lu le rapport Jasmin, jamais elle n'aurait présenté un projet de loi comme celui qu'on a devant nous et dit que ce projet respectait l'approche québécoise. Jamais elle n'aurait fait ça, monsieur le président.

Donc, les types de prévention sont centrés sur les situations qui favorisent la délinquance ou sur les individus qui en sont les auteurs. On parlera à ce moment-là de prévention situationnelle ou individuelle. On entre pas mal dans la théorie, mais je pense qu'il est important qu'on sache cela avant d'étudier en profondeur la Loi sur les jeunes contrevenants et le projet de loi C-3.

Par ailleurs, les individus qu'elle vise peuvent être des citoyens en général, ceux qui sont particulièrement à risque de s'engager dans la délinquance ou ceux qui ont déjà été identifiés comme délinquants. Vous comprendrez que dans le milieu, on connaît déjà la clientèle. Ce qu'on va faire par la suite sera différent selon qu'il s'agit d'un individu qui est aux prises avec des problèmes majeurs de délinquance ou de quelqu'un qui commet une infraction pour la première fois. On examine le groupe et on tente de faire de la prévention au niveau de ce groupe-là. Selon le groupe qu'on a devant soi, on va parler de prévention primaire, secondaire ou tertiaire.

Même la prévention a divers volets, monsieur le président. Ce sont toutes des choses que la Loi sur les jeunes contrevenants nous permet de faire. Vous me permettrez de vous parler de quelques-uns de ces types de prévention.

Il y a la prévention centrée sur les situations. Comme vous le savez, il y a certaines situations ou certaines façons de vivre de groupes, de familles ou de milieux qui favorisent la commission d'infractions. Il est bon de les cibler rapidement et de tenter de faire avec eux de la prévention à ce niveau-là.

• 1630

On peut penser à des exemples très concrets qu'on lit quasiment de façon quotidienne dans les journaux. Ce sont tous les réseaux de vol de voitures, de vol d'objets d'art ou d'antiquités ou quoi que ce soit d'autre. Souvent, les propriétaires ont laissé leurs clés dans leur véhicule par négligence. Ce ne sont pas de grands criminels, mais des gens qui, dans le milieu où ils vivent, peuvent favoriser la perpétration de tel ou tel crime.

Donc, la prévention centrée sur les situations vise à modifier les circonstances qui sont favorables aux infractions.

Ce que je disais tout à l'heure était quelque peu différent. Lorsqu'on a étudié toute la question des jeunes contrevenants, on a eu l'intervention du ministère de la Justice, naturellement, l'intervention du ministère de la Santé et des Services sociaux et celle du ministère de la Sécurité publique également. Le ministère de la Sécurité publique joue un rôle au niveau de la sécurité de la population, mais aussi au niveau de la prévention. Au Québec, ce ministère a beaucoup de programmes qui ont trait à la prévention de la criminalité.

Est-ce que des programmes semblables existent dans les autres provinces? Je ne le sais pas. Sans doute qu'il en existe. Est-ce qu'ils sont suffisants? Je ne le sais pas. Il appartiendrait aux députés de chacune de ces provinces de s'en informer et de voir pourquoi, dans les autres provinces, le taux de criminalité est plus élevé qu'au Québec. Peut-être verront-ils que c'est parce qu'il n'y a pas de programmes de prévention suffisants. Ils vont peut-être voir que c'est parce qu'on n'applique pas la Loi sur les jeunes contrevenants de façon précise.

On va sûrement arriver à une conclusion. Toutefois, avant d'arriver à une conclusion, il faut poser les bonnes questions et aller voir les bonnes personnes. C'est ce que j'aurais aimé que les députés de l'autre côté fassent durant le congé pascal, pour qu'on puisse, quand la ministre viendra témoigner, échanger les informations qu'ils seraient allés chercher dans leurs provinces respectives.

Maintenant, j'imagine que si la ministre se présente ici, il n'y aura pas beaucoup d'échanges sur les informations que les députés d'en face seront allés chercher durant les deux semaines de relâche parlementaire à Ottawa.

Donc, je disais qu'au Québec, il y a des programmes que le ministère de la Sécurité publique met en vigueur. Je vais en nommer quelques-uns, simplement pour donner une indication de ce à quoi ils ressemblent dans leur application quotidienne.

Certains programmes font appel à la surveillance des lieux. Dans certaines municipalités du Québec, on a des programmes subventionnés, payés par le ministère de la Sécurité publique. On en a d'autres qui visent plus directement la délinquance dans des milieux où on sait qu'il y a des problèmes de criminalité. Dans certains quartiers de Montréal, entre autres, le ministère de la Sécurité publique donne de l'argent pour que des adultes fassent de la surveillance du vendredi au dimanche dans certains quartiers pour prévenir les infractions. C'est vraiment de la prévention.

On a ciblé des endroits précis où les jeunes avaient tendance à se réunir, à planifier des mauvais coups, à commettre telle ou telle infraction. On a mis sur pied des programmes qui visent à envoyer sur place certains adultes responsables pour approcher ces jeunes et tenter d'échanger avec eux et faire de la prévention. Cela s'appelle de la prévention centrée sur des situations.

On a aussi un autre type de prévention, celle qui est centrée sur les individus. On sait que dans telle ou telle famille, dans telle ou telle école, dans tel groupe, dans tel endroit, il y a des individus qui sont enclins à commettre certaines infractions. On sait que certains individus sont plus facilement influençables et plus susceptibles de se faire approcher par des personnes plus âgées. C'est de la prévention centrée sur les individus. D'après moi, c'est une forme de prévention des plus difficiles, mais c'est sans doute la prévention qui réussit le mieux.

• 1635

Afin que le comité comprenne très bien les trois types de prévention centrée sur les individus, je vais vous lire une petite partie du rapport Jasmin qui explique ce qu'est la prévention primaire centrée sur les individus, la prévention secondaire centrée sur les individus et la prévention tertiaire centrée sur les individus.

La citation qui suivra se trouve à la page 42 du rapport Jasmin, au chapitre 2. Afin que vous compreniez très bien et que les députés d'en face disent à la ministre de la Justice combien il serait intéressant qu'elle revienne témoigner devant le Comité de la justice pour échanger avec le député de Berthier—Montcalm sur différents points, dont, entre autres, la prévention primaire, secondaire et tertiaire, je vais vous lire certains passages.

On dit à la page 42:

    On associe la délinquance à divers problèmes sociaux qui n'atteignent pas que les délinquants, tels que la pauvreté, le chômage, l'échec scolaire, la violence ambiante et ainsi de suite. Par la prévention primaire, on cherche à réduire l'ampleur de ces problèmes, espérant par là même réduire la vulnérabilité sociale des personnes qu'ils affectent et, partant, faire décroître l'occurrence de la délinquance. Les politiques et programmes misent alors sur des approches telles que la lutte contre la pauvreté, des politiques d'emploi, la mise au point de certains programmes d'éducation, l'intégration sociale et économique des immigrants, l'organisation communautaire, les clubs de prévention, l'entraînement aux habiletés parentales et ainsi de suite.

On voit ce qu'est la prévention primaire. Je vais maintenant déborder un petit peu. Quand on a dit à quelques reprises à la Chambre que les modifications à la Loi sur l'assurance-chômage, entre autres, allaient entraîner beaucoup d'autres problèmes, on faisait allusion, entre autres choses, à la criminalité chez les jeunes. Si les parents s'appauvrissent, il y aura une conséquence directe sur les jeunes. Or, on affaiblit la prévention au niveau de la lutte contre la pauvreté quand on appauvrit les parents, monsieur le président. Donc, la prévention primaire, c'est un peu beaucoup par le biais de certaines politiques et de certains programmes qu'on peut la faire.

Je continue en citant un extrait du rapport Jasmin, à la page 43:

    De nombreuses tentatives ont été menées dans ces domaines, sans cependant être accompagnées d'évaluations qui nous auraient renseignés sur leur impact. Parmi les quelques programmes qui ont été évalués, il en est un que l'on cite souvent en exemple pour ses succès, le Perry Preschool Project.

Vous savez, monsieur le président, que le rapport Jasmin ne s'est pas contenté de voir seulement ce qui se faisait à la cour québécoise. Si on veut améliorer une pratique au Québec, il faut peut-être aller voir ce qui se fait ailleurs. C'est ce que M. Jasmin et les professionnels qui l'accompagnaient ont fait. Ils ont examiné ce qui se faisait à l'extérieur et il y avait ce programme, qui était une réussite. On dit:

    Mis en place dans un milieu considéré comme problématique d'une ville du Michigan, ce programme offrit pendant deux ans à un groupe expérimental d'enfants d'âge préscolaire un programme de développement des compétences intellectuelles et sociales accompagné d'une rencontre à domicile hebdomadaire entre le travailleur social, l'enfant et sa mère. Des chercheurs suivirent ensuite les enfants jusqu'à l'âge de 19 ans et les comparèrent à un groupe témoin d'enfants n'ayant pas participé au programme.

Ce qui suit est important.

• 1640

    Ils observèrent «une réduction de 20 p. 100 de l'incidence des arrestations dans le groupe expérimental de même que des avantages analogues dans les domaines de l'analphabétisme, de l'interruption de la scolarité et de la dépendance à l'égard de la sécurité sociale.»

Cela veut donc dire, monsieur le président, que bien que l'on doive nécessairement dépenser de l'argent à court terme lorsqu'on fait de la prévention primaire, à long terme on y gagne aux niveaux économique, social et judiciaire. Ce sont des choses que nous sommes en mesure de faire avec la Loi sur les jeunes contrevenants et l'approche préconisée dans sa déclaration de principes qu'on retrouve à l'article 3. Ce sont des choses que nous favorisons et qu'on a faites au Québec. De plus, à la suite de cette étude, on a fait encore davantage de choses. C'est ce que je voulais vous dire au sujet de la prévention primaire centrée sur les individus.

Je passe maintenant à la prévention secondaire centrée sur les individus. Qu'est-ce qu'on dit à ce niveau de la prévention? Je cite toujours la page 43 du rapport Jasmin:

    Divers travaux de recherche ont permis de déterminer certains liens entre le comportement ou d'autres caractéristiques des enfants et leur engagement dans des activités délinquantes significatives à l'adolescence. On ne peut évidemment pas prédire avec certitude quels enfants s'engageront dans la délinquance au cours de leur adolescence, mais on peut en identifier un certain nombre qui apparaissent plus à risque de le faire que d'autres. La prévention secondaire vise à tenter...

Il est important que vous reteniez cela.

    ...d'éviter que ces jeunes que l'on a identifiés comme présentant des risques élevés ne s'impliquent dans la délinquance.

    Outre diverses formes d'aide de nature psychosociale, certaines des mesures qui sont utilisées dans le contexte de la prévention primaire (comme le développement de compétences sociales et intellectuelles, le développement d'habiletés parentales, etc.) peuvent aussi servir dans celui de la prévention secondaire, à ceci près qu'elles sont centrées sur les enfants identifiés comme étant à risque.

Dans le cas de la prévention primaire, on agit de façon très globale, par des mesures sociales assez larges, qu'on tente d'élargir le plus possible à certaines catégories à risque. On tente de régler certains problèmes à la source. On encourage le développement socioculturel et psychointellectuel pour justement les aider à progresser.

La prévention secondaire est plus ciblée. On commence à agir de façon plus ciblée sur des groupes d'enfants identifiés comme étant à risque. Si on a développé une certaine approche au Québec, c'est parce qu'on se sentait appuyés par la législation québécoise, notamment par la Loi sur la protection de la jeunesse, ainsi que par certains programmes en matière de santé et de services sociaux au Québec. On se sentait aussi appuyés par une autre loi très importante, qu'on le veuille ou non, qui est la Loi sur les jeunes contrevenants, où l'on retrouve tous ces éléments de prévention et tous ces éléments liés aux programmes dont j'ai parlé. On retrouve cela dans la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants, tout ça dans l'optique de protéger la société à long terme, naturellement.

On donne un exemple extrêmement important de ce qu'est la prévention secondaire, soit l'expérience qu'ont menée en collaboration le Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez l'enfant et la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ils en sont venus à des conclusions assez importantes au niveau du programme de prévention secondaire.

Vous me permettrez, monsieur le président, afin qu'on comprenne vraiment la problématique et l'approche qu'on a préconisée dans ce dossier, de faire un bref résumé de ce programme.

• 1645

Au printemps de l'année 1984, les enseignants de la maternelle des 53 écoles des milieux socioéconomiques les plus défavorisés du territoire de la CECM ont été invités à évaluer les comportements au niveau de l'agressivité, de l'opposition, de l'inattention, des agissements en classe, etc. Il s'agissait d'évaluer les comportements autant des garçons que des filles de la classe. Ils se sont vite aperçus qu'ils devaient se concentrer davantage sur les garçons. Donc, ils ont surtout examiné le comportement des garçons de la classe. Au total, 1 037 garçons de parents francophones furent ainsi évalués. Par la suite, ces garçons furent évalués annuellement par les enseignants, les parents, les pairs et grâce à des autoévaluations et à une variété de tests.

Je cite un paragraphe à la page 44 du rapport Jasmin:

    Pour évaluer l'efficacité des interventions préventives, trois échantillons représentatifs des garçons les plus perturbateurs à la maternelle furent créés par randomisation. Le programme de prévention fut offert à l'un des trois groupes, alors que les deux autres servirent de groupes témoins. Le programme de prévention fut réparti sur une période de deux ans, alors que les garçons étaient âgés de 7 à 9 ans. Il incluait des visites aux parents avec des sessions d'entraînement aux habiletés parentales et des visites à l'école pour des sessions d'entraînement aux habiletés sociales des enfants.

L'étude a duré assez longtemps. La recherche a été effectuée par les chercheurs du GRIP, le Groupe de recherche sur l'inadaptation psychosociale chez l'enfant. Le rapport Jasmin dit:

    Les chercheurs du GRIP y suivent les garçons pour cerner l'impact à long terme du programme. C'est lorsque les garçons auront atteint l'âge de 18 ans que l'on pourra établir des résultats portant sur leur délinquance pendant l'ensemble de leur adolescence.

Le programme était toujours en cours en 1995.

    Pour l'instant, les données disponibles couvrent une période où les plus âgés d'entre eux ont 15 ans.

Plus tôt, je me demandais sur combien d'années s'étendait le programme; il va de la maternelle jusqu'à l'âge de 15 ans. Il s'agit donc d'une période d'environ 10 ans.

    Elles montrent que les garçons qui ont bénéficié du programme de prévention présentent moins de problèmes d'adaptation scolaire et sociale que les autres. À la fin de l'école maternelle, 44 p. 100 des garçons des groupes témoins présentaient des problèmes d'adaptation sérieux à l'école [...], alors que seulement 22 p. 100 des garçons traités présentaient des problèmes sérieux.

C'est la moitié, monsieur le président. On dit que la clientèle de la Loi sur les jeunes contrevenants vient bien souvent de familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté, que ce sont des enfants qui viennent de familles qui ont connu de la turbulence, des problèmes de criminalité parentale, etc. On en a un très bon exemple ici. Dans cette étude, on se rend compte que, dès qu'on investit dans la prévention secondaire, qu'on cible des groupes et qu'on fait une prévention à ce niveau, 50 p. 100 de ceux qui ont été mieux encadrés ont un taux de criminalité et des problèmes de comportement moins sérieux. C'est très important.

On continue, et je cite:

    Les garçons du groupe traité avaient moins tendance à fréquenter des amis déviants. Entre les âges de 10 et 15 ans, les garçons traités rapportaient moins de comportements délinquants que les garçons de groupes témoins; ils avaient moins tendance à participer à des gangs, à s'enivrer et à consommer de la drogue; un plus faible pourcentage d'entre eux rapportaient avoir été arrêtés par la police ou avoir un ami qui s'était fait arrêter.

Un plus faible pourcentage des enfants qui avaient été bien encadrés avaient eux-mêmes été arrêtés ou connaissaient quelqu'un aux prises avec des problèmes de criminalité qui avait été arrêté par la police.

• 1650

    Les interventions ne semblent toutefois pas avoir eu d'effet sur la perception qu'ils avaient des comportements disciplinaires et de supervision des parents.

Je veux seulement vous faire comprendre que la prévention et la réinsertion paient à long terme. Qu'on prenne les enfants en bas âge ou des adolescents plus âgés ayant des problèmes de criminalité, si on investit et qu'on leur donne la chance d'être bien encadrés et d'être bien alignés, ces jeunes peuvent devenir des citoyens anonymes, des citoyens sans problème de criminalité.

On a là un bon exemple du fait qu'une intervention rapide et un investissement dans la prévention secondaire paient bien à long terme.

Ensuite, monsieur le président, on a la prévention tertiaire centrée sur les individus. Qu'est-ce que la prévention tertiaire? Lorsqu'un jeune est identifié comme un contrevenant, après l'infraction, on intervient le plus souvent en visant à prévenir la récidive. Lorsqu'on identifie quelqu'un comme étant un jeune contrevenant, on tente de faire en sorte que ce jeune ne revienne pas, un jour ou l'autre, dans le système.

Au niveau de la prévention tertiaire, des mesures sont ainsi prises pour qu'un jeune contrevenant ne commette plus d'infraction. C'est peut-être ce que l'on favorise davantage dans la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est grâce à la déclaration de principes et aux grandes orientations de la loi qu'au Québec, on a investi davantage au niveau de la prévention tertiaire, afin de faire en sorte que le jeune qui est aux prises avec un problème de criminalité ne récidive pas à court, à moyen ou à long terme. L'objectif est de ne plus jamais revoir l'individu dans le milieu de la criminalité, monsieur le président.

Il y a quelques pistes à suivre pour agir. Une fois qu'on a examiné toute cette question et qu'on sait ce que sont la prévention primaire, la prévention secondaire et la prévention tertiaire et qu'on sait qu'il y a dans la Loi sur les jeunes contrevenants une déclaration de principes qui nous permet de faire telle ou telle chose, il reste à savoir quelles sont les pistes d'action.

Dans le rapport Jasmin, on trouve quelque chose d'assez important à cet effet:

    La lecture de ce qui précède peut faire comprendre pourquoi le chapitre qui concerne la prévention est le plus bref de notre rapport: l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants est pour l'essentiel centrée sur la prévention tertiaire.

C'est ce que je disais plus tôt.

    Si importantes soient-elles, les mesures de prévention qui sont centrées sur les situations ainsi que sur les mesures sociales qui, centrées sur les individus, relèvent des préventions primaire et secondaire ne sont pas de l'essence du mandat de notre groupe de travail.

On dit cependant qu'elles doivent être prises en considération pour voir ce qui se fait au niveau de la prévention tertiaire.

Naturellement, il y a une progression au niveau de la prévention. Je vous ai dit à plusieurs reprises qu'au Québec, on avait étudié la question des jeunes non seulement en rapport avec la criminalité mais également dans un contexte plus social. On a cité un passage du rapport Bouchard. Les coordonnées du rapport Bouchard sont les suivantes: QUÉBEC, Groupe de travail pour les jeunes, Un Québec fou de ses enfants, Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, 1991.

• 1655

Je vais citer un passage de ce rapport au sujet de ce qu'on y appelle «une prévention fragile».

    Ce n'est certes pas la créativité et l'acharnement qui manquent dans les services et dans les communautés. Des projets de prévention et de promotion de toutes sortes émergent dans les régions et les localités, mais souvent pour s'éteindre après un ou deux ans faute de financement adéquat. Des progrès considérables nous sont rapportés par les promoteurs, mais souvent sans évaluation systématique. On découvre beaucoup et on innove constamment, mais c'est souvent parce qu'on ne connaît pas les précédents déjà nombreux dans le domaine. Les ressources humaines requises pour la mise en oeuvre des projets font défaut, mais c'est souvent par manque de coopération entre les services. Les budgets affectés aux interventions préventives sont à la remorque de décisions ponctuelles et sectorielles, souvent par absence d'une volonté politique de protéger une enveloppe à cet effet et par manque de cohésion dans les approches sectorielles.

    On sent la ferveur et l'implication de nombreux acteurs sur le terrain, mais souvent aussi le scepticisme et le doute au niveau décisionnel. On exige davantage de garanties et on ignore les gains enregistrés dans les connaissances et les succès en prévention psychosociale plus facilement que l'on ne le fait en prévention de la maladie physique. Pourtant, la littérature scientifique contemporaine regorge d'informations portant sur les facteurs en cause dans la vulnérabilité des enfants et des jeunes. Elle diffuse abondamment les résultats de programmes, de projets et d'approches capables d'infléchir les risques et même de les éliminer. Il nous faut donc chercher ailleurs les raisons de ce scepticisme; il pourrait fort bien couver dans les intérêts corporatistes qui tendent à protéger certains champs d'expertise et d'activités professionnelles. Il y a là des mentalités et des modalités à changer.

Le rapport Jasmin dit:

    À la suite de ces constats, le rapport présente un certain nombre de caractéristiques qui, sans garantir le succès des projets de prévention, apparaissent essentielles à réussite leur réussite:

    - établir et maintenir une relation de confiance entre les intervenants et les parents ou autres adultes responsables des jeunes;

    - assurer la continuité des programmes;

    - intervenir avec intensité;

    - opter pour la souplesse;

    - respecter les valeurs des personnes visées, notamment les parents, et miser sur leurs compétences;

    - éviter d'étiqueter et de stigmatiser les personnes que l'on veut aider;

    - profiter des périodes de transition des familles et des jeunes;

    - adopter une gestion de soutien aux intervenants;

    - viser la concertation des ressources, y compris la concertation entre les ministères;

    - miser sur du personnel compétent;

    - oublier l'instantanéité et reconnaître qu'un projet de prévention demande du temps;

    - évaluer pour apprendre;

    - financer adéquatement.

Monsieur le président, ce sont toutes des caractéristiques qu'il faut le plus possible réunir pour assurer la réussite d'un programme de prévention. Elles sont nombreuses, mais très importantes: «éviter d'étiqueter et de stigmatiser les personnes que l'on veut aider; financer adéquatement; viser la concertation des ressources; miser sur du personnel compétent». Vous comprendrez que si toutes ces caractéristiques-là sont importantes pour l'application d'un programme, c'est encore plus vrai pour l'application d'une loi.

• 1700

Y a-t-il quorum? Non, il n'y a pas quorum.

Le greffier du comité: Avez-vous compté M. Cadman en arrière?

M. Michel Bellehumeur: Oui.

Est-ce qu'il y a quorum, monsieur le président? Non.

Nous n'avions pas le quorum, mais maintenant nous l'avons.

Ce que je disais, avant de voir si nous avions le quorum, c'est que selon l'étude Bouchard, qui a été faite en 1991, il faut réunir environ 11 caractéristiques pour assurer la réussite d'un programme de prévention. Vous comprendrez que pour assurer la réussite d'une nouvelle loi, il est encore plus important de réunir des caractéristiques semblables. Une caractéristique qui me saute aux yeux et à laquelle le projet de loi C-3 ne répond pas du tout est qu'il faut éviter l'étiquetage et la stigmatisation des personnes. Je ne comprends pas l'objectif de la ministre, qui veut à tout prix, dans le projet de loi C-3, marquer au fer rouge les jeunes aux prises avec un problème de justice. En quoi cela va-t-il aider ces jeunes?

La ministre dit dans sa lettre du 25 avril:

    ...le projet de loi C-3 comble un bon nombre de lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants en rendant le système plus juste, plus efficace, offrant plus de protection pour les jeunes.

En les marquant au fer rouge, est-ce qu'on les protège d'eux-mêmes? Est-ce qu'on les protège tout court? Est-il plus juste de stigmatiser le jeune?

J'aimerais que la ministre vienne ici et me dise dans le blanc des yeux qu'en stigmatisant le jeune, on va l'aider. En tout cas, je l'invite à réfléchir là-dessus et à me donner une réponse quand elle viendra, puisque même pour un programme de prévention, c'est une des caractéristiques importantes. Il faut éviter d'étiqueter et de stigmatiser et il faut surtout financer adéquatement.

Au Québec, si on a le taux de criminalité le plus bas au Canada, si on est l'endroit où le taux d'incarcération des jeunes est le plus bas, c'est parce qu'on a des mesures de rechange et des programmes à cet effet. Cela coûte de l'argent, monsieur le président. Avant de modifier la loi pour ceux qui ne l'appliquent pas ou qui ont une histoire assez peu reluisante de son application, il faudrait peut-être encourager les provinces qui réussissent bien. Les provinces qui appliquent bien la loi, il faudrait peut-être les encourager en leur fournissant un financement adéquat.

Au Québec, on est pénalisés parce qu'on applique correctement la Loi sur les jeunes contrevenants. À l'heure actuelle, je ne sais pas quelle est la facture, mais je pense que vers 1996, lorsque je me suis penché sur cette question, elle était d'environ 88 millions de dollars. Le fédéral devait 88 millions de dollars au Québec parce que chez nous, on appliquait la Loi sur les jeunes contrevenants, alors que dans l'Ouest ou dans d'autres provinces, on investissait dans le béton.

Les programmes étaient faits de telle sorte—et ils sont toujours faits ainsi—que ceux qui investissaient davantage dans l'incarcération et dans le béton étaient favorisés en vertu du programme fédéral. Cela a-t-il du sens? Cela n'a pas de bon sens, monsieur le président. Il faudrait favoriser les provinces qui appliquent adéquatement la Loi sur les jeunes contrevenants. Et je ne fabule pas quand je dis cela puisque, lorsque l'ancien ministre, Allan Rock, est venu témoigner en comité avec les gens du ministère, ils ont confirmé que le programme était conçu de façon telle que les provinces qui investissaient dans le béton obtenaient plus d'argent que les provinces qui appliquaient vraiment la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. S'il est vrai qu'au niveau de la prévention, il faut un financement adéquat, c'est vrai également pour la réussite de la mise en application d'un projet de loi ou pour la réussite de la mise en application de la loi existante, la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1705

Au niveau de la prévention, le rapport Jasmin a fait trois recommandations dans les limites du mandat que ses auteurs avaient reçu de l'Assemblée nationale. À la page 50, on trouve les trois recommandations qu'il serait important que la ministre fédérale ait en tête lorsqu'elle se penchera sur la demande qu'on lui fait aujourd'hui de revenir en comité afin de témoigner et de répondre à certaines de nos questions et, surtout, de répondre à la question sur la façon dont ses amendements répondent aux remarques très précises que l'on trouve dans les mémoires. J'aurai l'occasion, au cours de cette semaine, de décortiquer les mémoires l'un après l'autre, s'il le faut, pour vraiment faire ressortir les remarques contenues dans chacun d'entre eux et pour voir quelle est la réponse ou quelle sera la réponse que la ministre va nous donner.

Donc, au niveau de la prévention, les recommandations sont les suivantes:

    Nous recommandons:

    (1) aux ministères et organismes intéressés d'accorder la priorité nécessaire à la prévention de la délinquance des jeunes et d'y affecter les ressources requises;

    (2) aux ministères de la Sécurité publique et de la Santé et des Services sociaux:

      (a) de donner suite aux recommandations formulées en matière de prévention par la Table ronde sur la prévention de la criminalité et par le Groupe de travail sur les jeunes;

      (b) de mettre l'accent sur le financement de projets innovateurs qui devraient être évalués;

    (3) au ministère de la Santé et des Services sociaux d'assumer un leadership de concertation pour amener les divers ministères et organismes à assumer en collaboration les rôles qui leur reviennent en matière de prévention de la délinquance des jeunes.

Monsieur le président, à première vue, l'étude de la Loi sur les jeunes contrevenants pourrait concerner davantage le ministère de la Justice, mais les premières recommandations du rapport Jasmin s'adressent au ministère de la Sécurité publique et au ministère de la Santé et des Services sociaux. Donc, lorsqu'on dit que c'est un problème complexe, c'en est effectivement un. Mais c'est avec des solutions comme celles que l'on propose qu'on va résoudre ce problème complexe. Ce n'est pas en faisant une loi complexe qu'on va régler la problématique.

Donc, on a touché à la prévention primaire, à la prévention secondaire et à la prévention tertiaire. On a des recommandations là-dessus. Ce qui suit immédiatement la prévention, c'est l'intervention policière.

Si on veut vraiment comprendre ce qui se passe une fois qu'un jeune est arrêté, il faut voir comment les policiers interviennent. Il faut voir comment les policiers travaillent.

Le rapport Jasmin s'est penché également là-dessus pour vérifier ce que les policiers tentent de recueillir comme information lorsqu'ils mènent une enquête. Quelle est l'information qui va leur permettre de répondre à diverses questions, dont trois sont très spécifiques? Il faut toujours garder la Loi sur les jeunes contrevenants en tête, monsieur le président. Les trois questions auxquelles les policiers doivent répondre vont suivre. La première est celle-ci:

    (1) l'auteur ou les auteurs de l'infraction peuvent-ils être identifiés avec des preuves suffisantes?

C'est vrai en fonction de la Loi sur les jeunes contrevenants et c'est vrai en fonction de toute mesure législative.

    (2) si oui, l'affaire devrait-elle être transmise au substitut du procureur général pour qu'il y ait une suite? (3) le cas échéant, le jeune devrait-il être détenu ou libéré en attendant les procédures appropriées?

• 1710

Comme vous pouvez le constater, nous commençons à entrer de plus en plus dans la véritable application de la Loi sur les jeunes contrevenants. On se penche sur la façon dont on applique la Loi sur les jeunes contrevenants au Québec. On a fait une série d'études préalables pour être en mesure de bien comprendre et de bien évaluer l'application qu'on en fait au Québec, et là on commence à entrer dans le vif du sujet.

Les premiers intervenants dans une cause sont les policiers. Ils doivent se poser immédiatement trois questions, dont: «Y a-t-il quelque chose qu'on peut faire pour le jeune?» Si on est capable d'identifier l'auteur ou les auteurs d'une infraction, on se demandera s'il faut transmettre ce cas au substitut du procureur général du Québec pour qu'il ait une cause, qu'il y ait une poursuite et ainsi de suite, ou s'il y a lieu de faire autre chose pour solutionner l'infraction que le jeune vient de commettre. On se demande si on est capable de régler le dossier différemment. Si on décide d'envoyer le tout au substitut du procureur général, on se demande tout de suite si le jeune doit être détenu ou libéré en attendant les procédures appropriées.

Monsieur le président, on ne saurait trop insister sur l'importance du rôle des policiers dans l'application quotidienne de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne suis pas sûr que toutes les provinces ont cette sensibilité et, surtout, je me demande si elles se rendent compte de l'importance des policiers dans une bonne gestion et une bonne application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce sont eux qui interviennent les premiers dans presque toutes les circonstances où un jeune—on traite ici du dossier des jeunes—fait une infraction. C'est à eux que les citoyens et victimes vont s'adresser en tout premier lieu lorsqu'ils portent plainte. Ce sont eux qui vont examiner la plainte; qui vont décider de faire enquête; qui, les premiers, vont identifier l'auteur de l'infraction; qui vont prendre connaissance des premiers éléments de preuve; et qui seront les premiers à être sensibilisés à l'infraction.

La qualité, la rapidité et l'efficacité de leurs interventions vont conditionner tout le fonctionnement de l'appareil judiciaire. Si les policiers font un travail adéquat, s'ils sont sensibilisés au rôle qu'ils jouent, s'ils connaissent bien la Loi sur les jeunes contrevenants, s'ils connaissent véritablement l'apport important qu'ils ont dans le système de justice pour les adolescents, ils vont faire un travail de qualité, ils vont travailler rapidement, ils vont être très efficaces et ils vont surtout avoir en tête les objectifs très précis de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Ce n'est pas seulement dans les livres que les policiers vont apprendre cela. C'est par le travail conjoint de tous les intervenants du milieu qui, au fil des ans, ont développé une expertise et surtout une complicité entre chacun des groupes qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je pense qu'il faut, à un moment donné, s'arrêter et s'interroger sur le travail que font les policiers dès le départ. Il faudrait peut-être vérifier également s'ils ont les outils nécessaires pour faire un bon travail et bien appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est une étude qui nous a finalement permis de constater certaines choses sur lesquelles nous pourrons nous pencher au cours de mon exposé à ce sujet. Ils ont un rôle et même une discrétion à un certain moment, comme on le verra, face à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

• 1715

On permet aux policiers d'assumer un rôle plus important que celui d'un simple figurant. On leur permet d'être des acteurs dans l'atteinte de l'objectif de la Loi sur les jeunes contrevenants et de celui de sa déclaration de principes. Je ne suis pas sûr que les policiers vont se sentir aussi intégrés dans le processus en vertu de la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, le projet de loi C-3. Je ne suis pas sûr que les policiers vont se sentir aussi concernés qu'ils le sont présentement, alors qu'il existe une bonne coopération entre les différentes personnes qui interviennent dans le dossier.

Monsieur le président, afin de résumer ce que je viens de dire, je citerai un extrait de la page 53 du rapport Jasmin. On dit:

    L'importance du rôle joué par les policiers tient aussi au fait que, pour une très grande partie de la population, ceux-ci constituent un des symboles les plus associés à l'image de la justice. La crédibilité de la justice est donc conditionnée par celle que les policiers peuvent susciter par leurs interventions. Cela est particulièrement vrai dans le cas des jeunes dont les contacts avec la justice commencent par ceux qu'ils ont avec le policier et souvent se limitent à eux. Le policier est pour ces jeunes le premier, lorsqu'il n'est pas le seul acteur officiel à prononcer l'interdit, à leur rappeler l'existence et le contenu de la loi au nom de la société. Son rôle dépasse celui de la seule détection des délinquants: il s'inscrit dans la mission éducative que la société assigne aux adultes a qui elle confie un rôle d'autorité à l'endroit des jeunes. D'où l'importance que les policiers s'acquittent de leurs responsabilités d'une façon qui commande l'adhésion aux normes dont ils sont en quelque sorte un symbole aux yeux des jeunes.

Si les policiers sont là pour renseigner les jeunes sur leurs droits et surtout sur leurs obligations par rapport à la société et pour leur dire également qu'il existe certaines normes sociales, vous conviendrez avec moi qu'il faut que les policiers connaissent tous les tenants et aboutissants de la Loi sur les jeunes contrevenants, y compris sa déclaration de principes, afin de pouvoir l'appliquer correctement.

La majorité, sinon l'ensemble des policiers connaissent déjà la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce n'est quand même pas une loi qui est facile que la Loi sur les jeunes contrevenants. Elle renferme de nombreuses mesures et elle est rédigée dans un jargon juridique. Elle a été rédigée à l'intention de personnes qui ont une certaine habileté avec la justice. Mais les policiers connaissent cette loi et ils la comprennent très bien.

On a acquis une expérience dans toutes les provinces, y compris au Québec, où nous nous sommes arrêtés pour examiner la situation au niveau des policiers. J'ai hâte de voir comment les policiers et même les avocats réagiront face à cette nouvelle loi. J'ai surtout parlé à des avocats pour leur demander s'ils comprenaient cette nouvelle loi qu'on se propose d'adopter. Les avocats m'ont dit la trouver complexe, voire même incompréhensible. Je pourrais énoncer plusieurs autres qualificatifs qu'ils ont utilisés. Il y a dans ce projet de loi des aberrations qui font en sorte qu'on se pose des questions, monsieur le président.

Je répète que si on veut que les policiers puissent expliquer la loi et donner des renseignements aux jeunes, il faut qu'ils la comprennent. Très sincèrement, je ne sais pas s'ils vont retourner à l'école pour apprendre tout cela, mais chez nous, on dirait qu'une chatte perdrait ses petits dans une loi semblable. En termes de nombre de renvois, ce projet de loi est le pire que j'aie jamais vu. On fait des renvois à l'article untel de loi. À l'article 63 ou 64 de la loi, on nous renvoie aux demandes visées aux paragraphes 62(1) et 63(1) de la loi. On nous renvoie aussi aux paragraphes 62(2) et 63... C'est incompréhensible.

• 1720

De plus, monsieur le président, on fait une série de renvois au Code criminel et à d'autres lois. C'est une loi extrêmement complexe, et on voudrait que tout le monde la connaisse bien. Il y en a une loi que tout le monde connaît bien à l'heure actuelle, et c'est la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est cette loi qu'on applique et qu'on veut continuer à appliquer au Québec, monsieur le président.

Est-ce qu'il y a absence de quorum?

[Traduction]

Le président: Non, je crois qu'il y a eu un quorum.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Non, il n'y a pas quorum. Puis-je continuer mon intervention?

[Traduction]

Le président: En fait, si vous me le permettez, j'ai une question à vous poser. Je prévois que la sonnerie de la Chambre nous appellera pour un vote à 17 h 30, et comme j'ignore combien de temps il vous faudrait pour répondre à cette question, je veux m'assurer que nous aurons tout le temps nécessaire pour la poser et obtenir une réponse.

Étant donné que votre motion demande essentiellement que la ministre vienne témoigner, et étant donné que cela ne se fera pas tant qu'il n'y aura pas un vote à ce sujet, pourriez-vous nous indiquer combien de temps vous croyez qu'il vous faudra pour nous convaincre d'appuyer votre motion?

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, permettez-moi de consulter mon agenda. Nous avons prévu des séances mercredi et jeudi au cours de la présente semaine. Selon moi, je pourrai y arriver avant la semaine de relâche. Je devrais pouvoir fait le tour de la question et réussir à vous convaincre. Quand la semaine de relâche est-elle prévue?

[Traduction]

Le président: C'est le 22 mai.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Oui, j'imagine que je réussirai à vous convaincre au cours de la semaine du 18 mai que la ministre doit venir témoigner.

Une voix: D'ici la fin de l'an 2000.

[Traduction]

Le président: Je présume que ce sera pendant les heures normales de séance?

[Français]

Mr. Michel Bellehumeur: Oui.

[Traduction]

Le président: C'est à vous d'en décider, monsieur Bellehumeur. Il nous reste cinq minutes. Vous pouvez poursuivre ou nous laisser partir dès maintenant en prévision de la sonnerie d'appel. Vous avez la parole.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, si vous m'aidiez un peu à garder ma concentration, je suis persuadé que je progresserais plus rapidement.

Des voix: Ah, ah!

M. Michel Bellehumeur: Ça les fait rire, mais ce n'est pas drôle, monsieur le président. Non, très sincèrement, monsieur le président...

[Traduction]

Le président: Sauf votre respect, monsieur Bellehumeur, je crois que...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Il est très difficile de se concentrer quand on parle à gauche, à droite, en arrière, ainsi qu'au téléphone, et qu'on se déplace un peu partout. Nous assistons à cette séance de comité afin de faire un travail de comité. Je ne fais pas de travail de bureau ici et j'aimerais que mes collègues se concentrent sur le travail qu'on doit faire ici. Je dois vous dire que je perds souvent le fil de ma pensée et qu'il m'arrive de ne plus très bien savoir comment finir une phrase que j'ai commencée. Je ferais encore mieux cette allocution si vous écoutiez. Les députés qui viennent au comité doivent venir écouter et faire un travail. On me déconcentre énormément. Je veux parler devant un quorum et il arrive souvent que je doive faire des calculs en même temps que je parle pour m'assurer qu'il y a bel et bien quorum. Je ne prétends pas être Napoléon cependant.

En tout cas, monsieur le président, je veux utiliser tout le temps qui m'est alloué. Je sais qu'il me reste encore trois minutes et je continuerai de traiter de l'intervention des policiers. Ces derniers jouent un rôle extrêmement important, qu'on devrait, à mon avis, rappeler de différentes manières. Une des manières extrêmement importantes, c'est la Loi sur les jeunes contrevenants. À la lecture même de la déclaration de principes, on constate que tous ceux qui interviennent dans le dossier d'un jeune contrevenant ont un rôle à jouer, y compris les policiers qui assument un rôle extrêmement important.

• 1725

Je ne suis pas sûr, monsieur le président, qu'on retrouve la même philosophie ou la même approche dans le projet de loi C-3 et qu'on saura encourager les policiers à poursuivre le travail qu'ils font à l'heure actuelle. On verra sans doute demain, lorsque j'approfondirai la question de l'enquête policière, qu'on a identifié des lacunes et qu'on a fait une recommandation importante afin d'y pallier.

C'est en examinant la problématique et en se posant les véritables questions qu'on se rend compte qu'on est sur le bon chemin ou qu'on n'y est pas. L'objectif de ce que je fais aujourd'hui et de ce que j'ai fait il y a deux semaines, c'est de réveiller les députés d'en face et vous aussi, monsieur le président. S'il y a un député dans cette Chambre des communes qui croit tellement à la Loi sur les jeunes contrevenants et qui se fait le porte-parole d'une série de coalitions, d'associations et d'organismes qui appliquent au quotidien la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est sans doute parce qu'il y a quelque chose là. On ne fait pas ça de gaieté de coeur, juste pour le plaisir de vous écoeurer. Je suis membre du Comité permanent de la justice depuis 1993, monsieur le président, et c'est la première fois que je me sens obligé de faire ce que je fais pour tenter de vous réveiller et de vous convaincre qu'on fait fausse route avec le projet de loi C-3.

On ne doit pas jouer à la roulette russe avec un projet de loi semblable. Elle va peut-être s'arrêter et on va cliquer sur la gâchette. Il n'y aura pas de balles, mais cela pourrait également être désastreux. Monsieur le président, tout semble indiquer que c'est très dangereux et qu'on risque de mettre la hache dans quelque chose qui se fait depuis longtemps au Québec et qu'on réussit bien. Nous pourrions mieux réussir encore et nous convenons qu'il y a toujours place à l'amélioration. Par mon discours, je n'essaie pas de dire qu'on est beaux, qu'on est fins et qu'il n'y a rien d'autre à faire. Il y a des choses à améliorer, je le concède, au niveau des délais, et c'est là le point le plus important. Mais ce n'est pas en jetant l'eau et le bébé qu'on règle les problèmes. C'est ce que la ministre fait, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, chers collègues, il est maintenant 17 h 30. Je serai ravi de vous revoir tous demain, à 15 h 30, à la pièce 308 de l'édifice de l'Ouest.

La séance est levée.