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TRAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT

LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 juin 2000

• 0906

[Traduction]

Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Chers collègues, bonjour.

Avant de commencer, je tiens à remercier mon collègue Murray Calder d'avoir bien voulu me remplacer hier soir. Il arrive parfois que se déroulent dans notre circonscription des manifestations particulières auxquelles nous devons assister. Or, j'ai assisté à un dîner spécial organisé par les State of Israel Bonds et le JNF en l'honneur du travail communautaire effectué par deux visionnaires de ma circonscription, Enrico Mancinelli et son fils Joe Mancinelli. J'ai eu le privilège de rentrer à la maison pour entendre l'honorable Paul Martin, ministre des Finances, prononcer une allocution. Une fois de plus, monsieur Calder, je tiens à vous remercier d'avoir présidé la séance d'hier soir.

Le comité se réunit conformément à son ordre de renvoi de la Chambre en date du 1er juin 2000, examen du projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur ler transports au Canada.

Certains d'entre vous étaient peut être absents hiers soir, mais vous avez reçu, à votre bureau, sinon personnellement, le protocole d'entente intervenu entre la Commission canadienne du blé et la Couronne. Chers collègues, vous avez noté que les mots «Version provisoire» figurent en haut à droite: en effet, les pourparlers se poursuivent. Hier soir, j'ai eu l'occasion de parler avec le ministre Goodale, qui m'a demandé de préciser aux membres du comité qu'il avait donné suite à leur demande. Nous n'avons pas fait parvenir d'assignations à comparaître. Cependant, nous avons impérieusement exigé qu'une copie du protocole d'entente nous soit expédiée avant la fin de la journée d'hier. C'est ce que les intéressés ont fait, bien qu'il s'agisse d'une version provisoire du protocole d'entente. Selon ce que je crois comprendre, l'essentiel y figure cependant. Il y aura très peu de changements entre la version provisoire du protocole d'entente que vous avez entre les mains et le document final—sauf peut-être un mot ou, dans le pire des cas, une phrase.

Nous remercions donc le ministre des efforts qu'il a déployés pour nous faire parvenir à tout le moins une version provisoire du protocole d'entente. Ainsi, nous pourrons utiliser son contenu pour orienter nos travaux.

Sans plus tarder, nous allons souhaiter la bienvenue aux premiers témoins qu'entendra le comité. Ils représentent la Western Canadian Wheat Growers Association, le Syndicat national des cultivateurs et la Canadian Canola Growers Association. Messieurs, merci de comparaître devant le Comité permanent des transports. Pardon, je constate qu'une dame est présente dans la salle. Je vous présente toutes mes excuses.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Vous vous êtes couché un peut tard, hier soir, non?

• 0910

Le président: Vous savez, il faut un certain temps pour rentrer à la maison, assister à la manifestation et revenir.

Madame Manson, je vous réitère mes excuses. Nous sommes habitués à n'entendre que des hommes.

Mme Wendy Manson (membre du Groupe sur les transports, Syndicat national des cultivateurs): J'ai l'habitude, vous savez.

Le président: C'est une façon polie de dire qu'il vous arrive régulièrement de subir ce genre d'affront.

Peut-être les témoins pourraient-ils commencer par présenter un exposé d'une durée de cinq minutes. Ainsi, nous aurons le temps de poser des questions. Les témoins du groupe seront ici jusqu'à 10 h 50, après quoi nous ferons une pause pour permettre aux membres du premier groupe de témoins de sortir et à ceux du deuxième d'entrer.

Nous allons débuter par la Prairie Farm Commodity Coalition. Vous pourriez peut-être vous présenter vous-même, monsieur Earl, après quoi nous demanderons aux autres de vous imiter. Dès que tout le monde sera prêt, nous allons entendre M. Earl.

M. Paul Earl (directeur de la recherche, Prairie Farm Commodity Coalition): Je vous remercie, monsieur le président. J'occupe le poste de directeur des politiques à la Western Canadian Wheat Growers Association, mais je suis ici aujourd'hui au nom de la Prairie Farm Commodity Coalition.

Nous avons distribué un mémoire dont, j'espère, vous avez tous reçu copie. La Prairie Farm Commodity Coalition est un regroupement de onze organismes du secteur agricole. La Western Canadian Wheat Growers Association et la Canadian Canola Growers Association en font tous deux partie. Des représentants de ces deux organismes étofferont les points soulevés dans le présent exposé.

Je vais procéder le plus rapidement possible, monsieur le président, parce que j'entends donner une sorte d'aperçu.

Il y a à peine un peu plus d'un an, le gouvernement fédéral a présenté un énoncé de principes dans lequel il disait accepter le rapport Estey et confier à M. Arthur Kroeger le mandat de mettre les recommandations en application avec le concours de l'industrie. Sept organismes faisant partie de la Prairie Farm Commodity Coalition ont siégé aux comités...

Le président: Monsieur Earl, puis-je me permettre de vous interrompre brièvement?

M. Paul Earl: Bien entendu.

Le président: Quelqu'un doit présenter une motion pour la distribution des documents.

M. Roy Bailey: J'en fais la proposition.

(La motion est adoptée)

Le président: Je vous remercie.

M. Paul Earl: Sept représentants des organisations qui font partie de la PFCC ont siégé aux divers comités constitués dans le cadre du mécanisme de facilitation dirigé par M. Kroeger. Pour participer à ce qui devait être un processus de mise en oeuvre, des agriculteurs ont donné de leur temps, ce qui leur a occasionné des dépenses et des coûts personnels considérables.

Dire que les membres de la PFCC sont déçus par les résultats des délibérations de l'année dernière, ce serait commettre un euphémisme. D'abord, l'allégation selon laquelle le gouvernement acceptait le rapport Estey était manifestement fausse. Au moins un ministre qui avait appuyé l'énoncé de principes du 12 mai 1999 s'est employé sans relâche à faire renverser la décision stratégique du gouvernement. La Commission canadienne du blé et un petit groupe de partisans qui refusaient d'être régis par les modalités définies ont tout mis en oeuvre pour nuire à la démarche de M. Kroeger, en cherchant à contrecarrer tout progrès. Malgré les directives claires fournies par le ministre Collenette, à savoir que les arguments du juge Estey ne devaient pas être débattus de nouveau, certaines questions ont été rouvertes, et on a permis aux participants d'en discuter. À la fin, se sont ces groupes minoritaires qui l'ont emporté, et la pseudo-réforme rendue publique le 10 mai 2000 constitue un rejet total des recommandations du juge Estey. On n'a pas tenu compte des avis de la PFCC, et nos représentants ont gaspillé leur temps et leur argent.

La principale lacune de l'ensemble de mesures élaborées par le gouvernement fédéral, c'est qu'elles ne s'attaquent pas aux problèmes que nous étudions depuis deux ans. Il y a environ trois ans, l'industrie céréalière et le gouvernement fédéral ont conclu à l'existence d'un problème de logistique. Dans le train de mesures dont le projet de loi C-34 fait partie, la réforme proposée par le gouvernement s'attaque au problème des recettes des compagnies ferroviaires.

D'autres membres de la PFCC, à savoir les producteurs de blé et de canola, comparaîtront également devant vous, et ils expliqueront en détail les problèmes précis que posent le projet de loi C-34 et le protocole d'entente qui l'accompagne.

Dans notre témoignage, nous entendons faire deux choses. Premièrement, nous tenons à souligner que... Vous voulez que je ralentisse?

Le président: Nous avons recours à l'interprétation simultanée, et les interprètes ont beaucoup de mal. Je vous remercie.

M. Paul Earl: Dans ce cas, monsieur le président, je n'aurai pas assez de cinq minutes. J'essayais de...

Le président: Nous allons faire de notre mieux.

M. Paul Earl: D'accord. La Prairie Farm Commodity Coalition soutient pour sa part que le train de mesures coûtera aux agriculteurs 180 millions de dollars par année en économies perdues, du seul fait que le problème fondamental défini par le juge Estey demeurera irrésolu. Vous trouverez, annexé au présent mémoire, une analyse des économies de coûts dont sont privés les agriculteurs, et nous allons en résumer les conclusions.

Deuxièmement, des membres de la Prairie Farm Commodity Coalition ont, dans des lettres personnelles, exposé la déception et les préoccupations que leur inspire le train de mesures. Vous trouverez des copies de ces lettres annexées au mémoire, et nous allons citer des paragraphes précis pour donner aux membres du comité une idée des raisons qui font que les membres de la PFCC ont été si offensés par la réaction du gouvernement.

• 0915

En ce qui concerne les économies de coûts, la Prairie Farm Commodity Coalition en est venue à la conclusion que la mise en application des recommandations du juge Estey et l'intégration des économies de 178 millions de dollars avancés par le gouvernement au titre du plafonnement des revenus assureraient aux agriculteurs des recettes nettes totales de 358 millions de dollars par années, soit les 178 millions de dollars mentionnés par le gouvernement, plus une somme additionnelle de 180 millions de dollars en économies rendues possibles par la mise en place d'un régime commercial. Ces 180 millions de dollars ont trait à des économies découlant des tarifs spéciaux, des gains d'efficience que les exploitants de silos-élévateurs réaliseraient si on leur accordait un contrôle opérationnel sur leurs actifs, la réduction des coûts d'entreposage, la capacité d'un régime pleinement commercial de réagir aux bonifications et, enfin, des droits de stationnement moins élevés. Dans un document d'information annexé au mémoire, vous trouverez le détail de ces calculs.

Toutes ces économies potentielles étaient fonction de la souplesse et de la capacité d'adaptation dont aurait bénéficié un régime tout à fait commercial, non assujetti au contrôle réglementaire et à l'administration centralisée de la Commission canadienne du blé. En vertu de la proposition du gouvernement fédéral, ces économies additionnelles de 180 millions de dollars ne seront pas réalisées, et les agriculteurs en seront privés.

Qui plus est, nous sommes d'avis que les économies de 178 millions de dollars que le gouvernement fait miroiter aux agriculteurs, au titre du plafonnement des revenus, ne repose que sur des allégations fausses et trompeuses. Voici pourquoi.

Premièrement, le plafonnement des revenus par tonne ne s'établit qu'à 4,50 $, soit 14 p. 100 de moins que le taux réel en vigueur de 31,50 $ la tonne.

Deuxièmement, il est peu probable que les compagnies de chemins de fer feront état de quelque diminution de tarif que ce soit, sauf peut-être en ce qui concerne les élévateurs les plus grands. À notre avis, environ 80 p. 100 des élévateurs de l'Ouest canadien ne bénéficieront pas de la moindre réduction de tarif et, pour réduire leurs revenus, les compagnies de chemins de fer consentiront des rabais légèrement supérieurs aux quelque 20 p. 100 des élévateurs par où transite l'essentiel du grain.

Troisièmement, la réduction des revenus pourrait très facilement être annulée par les coûts additionnels générés par les défaillances et l'inefficience du système. En effet, on n'a pas réglé le problème fondamental que représente l'absence de reddition de comptes.

Bref, nous pensons que la réforme du transport du grain élaborée par le gouvernement se révélera totalement inefficace. Les économies de coûts liées au transport ferroviaire qui résulteraient de l'adoption d'un train de mesures efficaces comme celles qu'a proposées le juge Estey seront perdues, tandis que les avantages supposés du plafonnement des revenus échapperont aux intéressés.

Je vais maintenant présenter le point de vue de certains des membres de la PFCC. En annexe du présent mémoire, vous trouverez neuf lettres provenant d'organisations de produits différentes. Nous invitons les membres du comité à lire en détail les neuf lettres en question, étant donné que certains des membres de la PFCC formulent des recommandations précises.

Cependant, nos attirons votre attention sur les paragraphes qui suivent, lesquels, tirés des lettres, vous donneront une idée de la déception et de la colère de nos organisations membres.

L'Alberta Winter Wheat Producers Commission écrit:

    [...] à notre avis, la réforme concoctée par le gouvernement fera reculer l'industrie céréalière en la ramenant dix ans avant l'instauration du régime du tarif du Pas du Nid-de-Corbeau.

    Certains autres membres de ces comités se sont montrés moins que coopératifs et ont tout mis en oeuvre pour faire dérailler la démarche de M. Kroeger. Un des groupes s'est retiré [...] Au bout du compte, se sont ces groupes qui ont pris très peu de mesures constructives qui ont été récompensés par la décision du gouvernement.

    En raison de l'inaction du gouvernement, les motivations à l'origine des audiences les plus récentes paraissent suspectes.

La Praire Oat Growers Association écrit:

    En raison de l'incapacité du système de réagir rapidement, des ventes éventuelles d'avoine risquent d'être perdues.

    [...] La position du gouvernement ne fait rien pour contribuer à la modernisation du système ferroviaire canadien [...]

L'Alberta Barley Commission écrit:

    [...] le gouvernement fédéral est revenu sur son énoncé de principes, et les agriculteurs perdront environ 180 millions de dollars par année en économies.

    Rien n'indique que le Comité permanent des transports est en mesure de modifier le projet du Cabinet ou possède l'autonomie voulue pour le faire [...] Voilà pourquoi la PFCC a décliné l'invitation des membres du comité de dépêcher une délégation [moi excepté, je suis également membre de la délégation de la Western Canadian Wheat Growers] afin de présenter un exposé [...]

    [...] la décision du gouvernement de faire fi des recommandations qui sont revenues sans cesse tout au long des trois années de consultations, particulièrement en ce qui concerne la CCB, continueront d'éroder la volonté des agriculteurs et de l'industrie de participer de façon constructive à ce genre d'exercice [...]

    Il s'agit d'une mauvaise décision stratégique.

L'Alberta Market Choice Implementation Group a indiqué par écrit qu'il aurait souhaité:

    que les recommandations du juge Estey et M. Kroeger débouchent sur un système intégré de gestion du transport et de la logistique axé sur la coopération et la participation volontaire, en lieu et place du climat actuel, caractérisé par la confrontation et l'exploitation, particulièrement là où la Commission canadienne du blé est appelée à intervenir.

La Western Barley Growers Association écrit:

    Au lieu des recommandations du juge Estey, on a donné aux agriculteurs le projet de loi C-34, qui prévoit le maintien d'un régime contrôlé et réglementé [...]

Le président: Vous allez devoir conclure, monsieur Earl. Vous avez déjà eu huit minutes.

• 0920

M. Paul Earl: Je peux m'arrêter, monsieur le président, parce que les citations additionnelles vont dans le même sens et sont extrêmement critiques des mesures proposées par le gouvernement.

En conclusion, je me contenterai de dire que nous espérons que les opinions exprimées par un large éventail de représentants du secteur agricole—la PFCC compte 90 000 membres, monsieur le président—auront une incidence sur la recommandation du comité.

Je vous remercie de nous avoir entendu.

Le président: Je vous remercie, monsieur Earl.

Madame Manson.

Mme Wendy Manson: Je vous remercie.

Le Syndicat national des cultivateurs est heureux d'être ici aujourd'hui. Le SNC est la seule organisation agricole bénévole à vocation générale que compte le Canada. Depuis longtemps, il s'intéresse au transport. Au cours des dernières années, nous avons été mêlés à bon nombre de pourparlers, dans le cadre desquels nous avons toujours tenté de représenter les vues des petites et moyennes exploitations agricoles ainsi que celles des familles agricoles, tout en veillant sur leurs intérêts. Nous sommes sincèrement très heureux d'être ici aujourd'hui.

Nous avons apporté un mémoire, dans lequel nous recommandons sept modifications du projet de loi. Ce sont les modifications que nous espérons voir surgir du processus.

La question que nous nous sommes posée est la suivante: comment pourrions-nous en arriver à mieux équilibrer...

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Un moment, madame Manson, je vous prie.

Le témoin à fait référence à un mémoire. Avons-nous reçu une copie du mémoire, monsieur le président?

Le président: Le mémoire du Syndicat national des cultivateurs est en route.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie.

Mme Wendy Manson: Nous voulions formuler certaines recommandations visant à mieux équilibrer l'ensemble du processus. Nous croyons déceler un certain déséquilibre. À notre avis, les agriculteurs ne tireront pas de la démarche actuelle les avantages à long terme dont ils besoin pour fonctionner.

Je vais évoquer brièvement les recommandations que nous formulons, après quoi mon compagnon formulera deux ou trois remarques.

Nous sommes très préoccupés par le fait que le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme de partage des gains de productivité. Or, nous sommes convaincus qu'il devrait le faire. En revanche, on y retrouve un mécanisme de rajustement en fonction de l'inflation. Nous pensons qu'il est possible de réviser les coûts et de tenir compte des résultats dans le plafonnement des revenus. Nous pourrions nous accommoder d'un mécanisme d'examen de la fixation des coûts, mais ce n'est pas nécessaire. On peut faire des estimations. Ce que nous voulons, c'est que le projet de loi comporte un mécanisme de partage des gains de productivité. C'est un ajout auquel nous tenons. Nous pensons qu'une telle mesure aurait pour effet d'établir un certain équilibre.

Nous avons formulé une recommandation à propos du niveau de plafonnement des revenus. Nous avons agi de la sorte pour un certain nombre de raisons, notamment l'entretien des wagons, les coûts qui s'y rattachent ainsi de suite. Nous sommes très inquiets. Pendant le processus de l'été dernier, on a souvent évoqué la limitation des écarts. À nos yeux, il s'agit là d'une mesure essentielle. Nous avons formulé deux recommandations. D'abord, le projet de loi devrait limiter l'écart entre les tarifs pour wagons uniques et les tarifs pour wagons multiples et entre les tarifs sur les embranchements et les tarifs sur les grandes lignes aux différences réelles de coût pour les chemins de fer.

Nous recommandons également qu'on interdise aux compagnies de chemins de fer de pratiquer des tarifs différents pour des produits différents ou à différentes époques de l'année. Nous citons un exemple en précisant qu'à notre avis le coût du transport d'un produit ne devrait pas être fonction du prix du produit en question. Si nous faisons pousser du canola, ce n'est pas pour que les compagnies de chemins de fer profitent elles-mêmes du prix plus élevé que, le cas échéant, on peut en tirer.

Nous formulons certaines autres recommandations, notamment le partage des revenus avec les exploitants des lignes courtes et la vente des lignes abandonnées à un prix net de la part publique en travaux de réfection. Nous recommandons de plus que les organisations agricoles participent à la conception et au fonctionnement de tout système de contrôle.

• 0925

Je vais maintenant laisser à mon compagnon le soin de formuler deux ou trois remarques précises. Je pense que j'ai touché les recommandations qui nous apparaissent les plus importantes. Comme je l'ai indiqué, nous avons le sentiment que le projet de loi n'est pas équilibré. Les recommandations que nous formulons rendraient incontestablement service aux agriculteurs, sans par ailleurs causer de bien grands préjudices.

M. Terry Boehm (président, Syndicat national des cultivateurs): Je vous remercie.

Depuis l'entrée en vigueur de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, les gouvernement du Canada admet dans les dispositions législatives que le système ferroviaire n'est pas assorti d'une concurrence poussée. Or, la Loi de 1987 sur les transports nationaux visait précisément à reproduire des conditions se rapprochant de la concurrence grâce à l'ajout de ce qu'on a appelé les dispositions en matière d'accès concurrentiel, les prix de ligne concurrentiels, les aiguillages communs et l'arbitrage de l'offre finale, qui ont remporté un succès limité.

La situation n'a pas changé. En fait, elle a probablement été exacerbée par la concurrence qu'on observe aujourd'hui dans le secteur ferroviaire. En Amérique du Nord, les compagnies de chemin de fer fusionnent leurs activités. En fait, un de nos transporteurs nationaux risque d'être partie à une telle transaction. Auparavant, nous misions sur un transporteur national qui appartenait aux Canadiens. Il a été privatisé.

À la lumière de la situation actuelle, nous ne croyons pas que l'industrie ferroviaire sera assujettie à une plus grande concurrence. Par conséquent, nous pensons qu'il est essentiel de miser sur un cadre réglementaire pour protéger les expéditeurs de l'industrie, les agriculteurs en particulier.

Le contexte constitue un autre enjeu. Si les écarts ne sont assujettis à aucun contrôle, les compagnies de chemin de fer continueront de pouvoir restructurer le système de façon assez rapide pour attirer le grain vers des points donnés, particulièrement dans le contexte des écarts se rapportant aux wagons multiples. Comme Wendy l'a mentionné, nous nous inquiétons aussi de l'adoption de prix différents pour des produits différents.

Laissez-moi vous donner une idée des conséquences. Si on élimine l'ensemble du réseau des lignes secondaires, les économies réalisées par les agriculteurs seront de l'ordre de 2,75 $ ou d'environ 7 ¢ le boisseau—ce qui est plutôt négligeable. En ce qui a trait au réseau ferroviaire, nous ne savons même pas si les économies seraient refilées aux producteurs.

L'idée qu'on puisse créer un réseau dans lequel des lignes secondaires seraient abandonnées au profit du transport du grain par des camions, lesquels consomment nettement plus de carburant que les trains, m'intrigue au plus haut point. Le ministre de l'Environnement et les ministres des Transports injectent des fonds dans les réseaux de transport en commun de l'est du Canada en invoquant les émissions de CO2. Je pense que les mesures prises dans le dossier du transport ferroviaire vont tout à fait à l'encontre des initiatives visant à régler les problèmes liés aux émissions de CO2.

L'extériorisation des coûts constitue un autre enjeu important. En l'absence d'une concurrence efficace—les sociétés céréalières s'intègrent, et le mouvement se poursuivra vraisemblablement—les intervenants du système, même s'ils sont en mesure de dégager des gains d'efficience et des économies, se contentent en réalité de refiler les coûts aux producteurs. Nous n'assumons pas les coûts réels du transport par camion, et l'industrie du camionnage n'assume pas les coûts réels du transport par camion. Par l'entremise de l'infrastructure, l'argent vient de la poche des contribuables. Si, sur le plan économique, on tentait d'établir une corrélation minutieuse entre ces secteurs et l'extériorisation des coûts, on devrait donc miser sur des tarifs incitatifs nettement supérieurs pour renoncer au transport ferroviaire, si les calculs appropriés étaient pris en compte.

En terminant, je précise que le projet de loi pourra avoir toutes sortes d'effets en raison des écarts. En vertu du principe du plafonnement des revenus, on pourra avoir recours à des appels d'offres. On peut aussi imaginer que les compagnies de chemin de fer alloueront à des compagnies céréalières des sommes pour l'aménagement de raccordements, sommes qui seront déduites de leur revenu brut. Dans ce cas, ce sont les agriculteurs qui feraient les frais de la rationalisation d'un système en vertu duquel de plus en plus de coûts leur sont refilés.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Bacon, qui va présenter l'exposé? M. Doerksen ou vous?

La parole est à vous, monsieur Doerksen.

• 0930

M. Ernie Doerksen (directeur général, Canadian Canola Growers Association): Je vous remercie, monsieur le président. Bonjour.

Je m'appelle Ernie Doerksen. Je suis le directeur général de la Canadian Canola Growers Association. Wayne Bacon, président de notre association, m'accompagne.

D'abord et avant tout, nous tenons à nous excuser de ne pas avoir été en mesure de fournir une traduction de notre mémoire. Le temps nous a manqué.

Le président: Monsieur, vous n'avez pas à vous excuser. C'est nous qui avons exigé que les documents nous soient remis rapidement, et nous vous sommes reconnaissants d'être ici.

M. Ernie Doerksen: Je vous remercie.

Les producteurs de canola du Canada ont donné un appui sans réserve au rapport Estey, en vertu duquel on aurait fait du système de transport et de manutention du grain de l'Ouest un système commercial. Ce dernier aurait été soutenu par des obligations contractuelles exécutoires, lesquelles auraient favorisé la transparence et la reddition de comptes. À notre avis, les agriculteurs auraient ainsi pu réaliser des économies importantes.

Un système à vocation véritablement commerciale aurait garanti un accès égal aux wagons disponibles pour l'ensemble des expéditeurs, sans qu'on ait, comme auparavant, à négocier une répartition entre les céréales visées par la Commission canadienne du blé et les autres. Cette répartition, qu'il fallait effectuer chaque année, s'est traduite par une allocation très rigide et parfois arbitraire de la capacité ferroviaire; en outre, on ne pouvait s'adapter assez rapidement pour répondre aux besoins changeants du marché. Si, par moments, la récolte de canola a eu une valeur égale à celle du blé, jamais le processus d'allocation n'a rendu compte de cette parité.

Les producteurs de canola du Canada ont directement fondé leur position sur les nombreux problèmes logistiques auxquels les producteurs de canola se sont butés dans le processus d'acheminement du produit aux consommateurs. Par moments, des contrats ont été perdus ou mis en péril en raison d'un système de transport inefficient, hautement réglementé et rigide.

Comme mon collègue l'a déjà indiqué, c'est en octobre et en novembre de l'année dernière qu'on a eu la preuve la plus récente de l'inefficacité du système actuel. La Commission canadienne du blé avait fait des prévisions optimistes de plus d'un million de tonnes, lesquelles se sont révélées nettement trop élevées. Le grain a été acheminé par chemin de fer à Vancouver, d'où il n'a pas été expédié. Les stocks se sont accumulés au point où les déchargements à Vancouver ont pratiquement pris fin.

En même temps, les livraisons de canola allaient bon train, de sorte que les stocks élevés accumulés ont commencé à nuire aux ventes en cours. À cette époque, des ventes d'environ 200 000 tonnes de canola ont été perdues au profit de sources non canadiennes. Cette situation, en plus de coûter des millions de dollars aux agriculteurs, a porté un préjudice indicible à notre réputation à titre de fournisseur.

Puis, la Commission canadienne du blé a remis à novembre ses ventes d'octobre, les bateaux sont arrivés, et la Commission a réalisé des ventes record et gagné en vitesse d'exécution, étant donné que l'essentiel du grain était déjà en entreposage. Cependant, c'est aux dépens des producteurs qu'on a entreposé du grain plus longtemps que nécessaire. Il s'agit d'un coût caché dans les comptes des syndicats, mais, en dernières analyse, ce sont les agriculteurs qui épongent la facture.

Les producteurs canadiens de canola n'ont pas les moyens de perdre de nouveaux marchés ni de compromettre ceux qu'ils ont déjà. Dans le contexte actuel, la production canadienne de canola dans certaines régions suscite déjà des doutes en raison de notre incapacité passée de livrer la marchandise. Nous pouvons difficilement nous permettre de perdre des marchés en raison d'un réseau logistique désuet qui n'a ni la confiance de l'expéditeur ni celle du client.

Nous avons toujours soutenu que le canola, en ce qui concerne le transport ferroviaire, devrait bénéficier d'un accès égal à celui des grains visés par la Commission canadienne du blé. S'ils bénéficiaient d'un accès garanti au transport ferroviaire, les exportateurs de canola pourraient tirer avantage des occasions qui s'offrent à eux. En contrepartie, les marchés du canola reprendraient confiance dans le réseau de transport canadien, et les agriculteurs seraient en mesure de se prévaloir des bonifications qui se rattachent à certains de ces marchés.

L'annonce du 10 mai n'a rien fait pour convaincre les producteurs de canola que nous nous rapprochons d'une solution satisfaisante au problème de l'accès au transport ferroviaire. Au contraire, le sort réservé aux producteurs de canola nous apparaît encore moins équitable qu'auparavant. Si on confère à la Commission canadienne du blé un accès illimité au parc ferroviaire, comme on est fondé à le croire, d'autres expéditeurs, y compris les producteurs de canola, n'auront accès qu'à la capacité résiduelle. Restreindre l'accès à la capacité ferroviaire à un seul produit n'est pas dans l'intérêt des agriculteurs, qui ne s'en tiennent pas souvent, voire jamais, à un seul produit.

Il semble que le rôle que la Commission canadienne du blé sera appelée à jouer dans la répartition de la capacité ferroviaire sera défini dans le cadre d'un protocole d'entente entre la Commission canadienne du blé et le ministre responsable de la Commission. Comme les mesures prises par la Commission auront un effet direct sur les produits dont elle ne s'occupe pas, le protocole d'entente devrait être ouvert et permettre la participation de produits non visés par la Commission. Ce n'est qu'ainsi qu'on accédera à l'équité.

• 0935

Ce qui demeure aussi très incertain, c'est comment la Commission s'y prendra pour mettre la capacité excédentaire à la disposition de l'industrie. On ne sait pas non plus quel mécanisme les agriculteurs pourront invoquer pour contester l'allocation initiale ou subséquente des wagons, ou pour interjeter appel. Sans une définition très claire de ces recours, un nouvel effondrement du système paraît inévitable. Si on avait fait l'annonce de ce que le juge Estey a proposé au départ—à savoir un régime véritablement commercial assorti d'obligations contractuelles exécutoires—on n'aurait nul besoin de lignes directrices et de mécanismes prescrits.

L'adoption du projet de loi C-34 entraînera également le remplacement des tarifs maximums pour le transport du grain par des revenus maximums pour les compagnies de chemin de fer. Si on a proposé le plafonnement des revenus, c'est pour confier aux compagnies de chemin de fer une marge de manoeuvre plus grande, tout en réduisant de façon considérable les coûts de transport des producteurs de grain des Prairies. Dans un communiqué récent, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, M. Vanclief, a déclaré que les agriculteurs pouvaient escompter des économies de l'ordre de 178 millions de dollars.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne garantit cependant aux producteurs de grain aucune économie au titre des coûts de transport ferroviaire. En fait, le projet de loi C-34 permet plutôt aux compagnies de chemin de fer de contourner le plafonnement en versant tout revenu supérieur au plafond dans des activités d'amélioration de l'infrastructure et des voies utilisées pour le transport du grain.

Aux fins du paragraphe 150(5) proposé du projet de loi C-34, on déduit du revenu d'une compagnie de chemin de fer régie pour le mouvement du grain au cours d'une campagne agricole la somme qui, selon l'Office, constitue la portion amortie de toute contribution versée par la compagnie, au cours de la campagne, à une entreprise de manutention de grain n'appartenant pas à la compagnie pour l'aménagement d'installations liées au grain.

Dans son libellé actuel, le projet de loi C-34 donne aux compagnies de chemin de fer le pouvoir d'imposer tout tarif jugé opportun, à condition que, au terme de la campagne, les fonds qui outrepassent le plafond défini soient réinvestis dans l'infrastructure aux fins du transport du grain. Les compagnies de chemin de fer ne sont nullement incitées à partager les revenus avec les producteurs. À nos yeux, c'est tout à fait inacceptable.

De plus, le plafonnement proposé des revenus ne tient pas compte des gains de productivité réalisés par les compagnies de chemin de fer. À notre avis, il faut procéder à un examen immédiat de l'établissement des coûts de façon à établir un nouveau point de repère.

Dans le projet de loi modifié, on prévoit la création d'un organisme de contrôle indépendant administré par un tiers. Or, le mandat d'un tel organisme doit manifestement être défini par l'ensemble des intervenants. De même, les conclusions de l'organisme de contrôle en question doivent être rendues publiques. Ce n'est qu'ainsi qu'on parviendra à la transparence et à la reddition de comptes qui faisaient défaut dans le système passé.

Les agriculteurs ont accepté la fermeture d'élévateurs et l'abandon de lignes secondaires, et ils ont fait l'acquisition du matériel de plus grande taille nécessaire à l'acheminement du grain sur de plus longues distances, convaincus que ces investissements étaient nécessaires à l'établissement d'un système de manutention et de transport du grain plus efficace. Ils ont participé à un processus qui leur a coûté beaucoup de temps et d'argent, et dont la facture totale se chiffre en millions de dollars, dans l'espoir que, à long terme, ils allaient gagner au change grâce à l'établissement d'un système de manutention et de transport du grain adapté et fiable.

Or, il semble que nous ne bénéficierons d'aucune protection des tarifs sur les embranchements secondaires ou encore que les protections seront minimes, que nous n'aurons aucune garantie quant à la réduction des tarifs généraux, qu'aucune solution à long terme ne sera apportée aux problèmes touchant l'accès à la capacité ferroviaire et que, enfin, nous n'aurons pas notre mot à dire dans l'élaboration du protocole d'entente, dans lequel seront précisés tous les détails critiques du projet de loi. À titre d'agriculteurs, nous jugeons cette situation totalement insatisfaisante.

Le président: Je vous remercie, monsieur Doerksen.

Nous allons entendre le dernier témoin que nous avons devant nous, qui représente la Western Canadian Wheat Growers Association.

Monsieur Menzies, est-ce vous qui allez présenter l'exposé?

M. Ted Menzies (vice-président, Western Canadian Wheat Growers Association): Oui. Je vous remercie, monsieur le président.

Je m'appelle Ted Menzies. Je tiens également à vous présenter notre nouveau directeur exécutif, Andrew Elliott.

Je vais présenter l'exposé dans l'intention de garder un peu plus de temps pour la période de questions. J'ai le sentiment qu'on a plutôt intérêt à répondre aux questions qu'à faire une longue allocution.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur. Vous comprenez très bien le fonctionnement des comités.

M. Ted Menzies: Oui, ils fonctionnent mieux de cette façon.

Histoire de vous donner une idée de l'importance que revêtent les transports pour les producteurs de blé, je précise que notre nouveau directeur exécutif possède une expérience et une connaissance approfondies des transports. Nous nous sommes donc dit qu'il constituerait un atout précieux pour notre organisation. Nous avons déjà commencé à en constater les effets.

• 0940

Je vais d'abord vous donner quelques brefs renseignements sur moi. Ma femme et moi exploitons une ferme dans le sud de l'Alberta. Nous y récoltons divers produits: le blé, le canola, l'orge, les pois, les épices et les légumineuses. Afin de mettre les choses en perspective, et d'expliquer ma présence ici, je précise que, à supposer que ma seule production devrait être acheminée vers un port de marée, je devrais, pour l'an 2000 seulement, verser 188 000 $ en frais de transport seulement. Si j'apporte cette précision, c'est uniquement pour mettre les choses en perspective. Pour les producteurs, les coûts de transport sont colossaux.

Suivant les calculs effectués par la Pairie Farm Commodity Coalition, les économies éventuelles qui auraient découlé de la mise en oeuvre des recommandations du juge Estey se seraient chiffrées à 10 $ l'acre. Sur ma ferme, j'aurais ainsi, cette année, économisé 55 000 $. Vous comprendrez donc, j'en suis certain, pourquoi, à tire d'agriculteur, la situation actuelle me met en colère. Nous avons perdu des économies éventuelles considérables, lesquelles auraient pu être refilées aux producteurs.

La Western Canadian Wheat Growers Association est la plus importante organisation agricole bénévole du Canada. Nous sommes voués à la recherche de solutions de nature à améliorer la viabilité et la rentabilité.

D'entrée de jeu, je tiens à manifester la profonde déception que m'inspirent les propositions relatives au transport que le gouvernement fédéral a présentées le 10 mai. Les modifications proposées ne s'attaquent pas au problème essentiel à l'étude depuis au moins deux ans—à savoir l'absence de comptes à rendre en ce qui a trait au transport efficient du grain des agriculteurs.

Dans notre mémoire, nous revenons brièvement sur les événements qui se sont produits depuis l'effondrement massif du système de transport du grain survenu à l'hiver 1996-1997, le problème que cet effondrement a mis au jour et, enfin, les conséquences découlant de l'inaction dans le dossier. Malgré les lacunes du train de mesures, nous pensons qu'on pourrait apporter des améliorations constructives en modifiant le projet de loi C-34 et en les intégrant au protocole d'entente proposé. Ces modifications, sans annuler les conséquences négatives du train de mesures, n'en représenteraient pas moins un petit pas dans le bonne direction.

À la suite de l'accumulation massive de stocks qu'on a connue à l'hiver 1996-1997, on s'est entendu pour dire que le système de transport existant ne fonctionnait pas. La principale conclusion à laquelle en est venue le juge Willard Estey, chargé d'examiner le système, a été que la Commission canadienne du blé ne devrait pas jouer de rôle opérationnel ni commercial dans la manutention et le transport du grain.

Le 12 mai 1999, le gouvernement fédéral a accepté—j'insiste sur ce point—les conclusions du juge Estey et confié à un ex-sous- ministre des Transports, Arthur Kroeger, le mandat de collaborer avec divers intervenants de l'industrie à la mise au point d'un plan de mise en oeuvre. Le rapport de M. Kroeger a pour l'essentiel confirmé les conclusions du juge Estey.

Après neuf mois de délibérations, le gouvernement a fait l'annonce de la nouvelle politique, qui entraîne une diminution des frais de transport, modifie les procédures qui régissent l'abandon de lignes secondaires et apporte des modifications à l'arbitrage de l'offre finale. En ce qui concerne le problème fondamental de la logistique qui entoure le transport du grain, le gouvernement ne propose cependant que des raccommodages qui ne s'attaquent pas au coeur du problème.

Bref, nous avions au départ un problème de logistique, mais la proposition actuelle ne vise que les questions liées au transport ferroviaire. Par rapport à la position qu'il avait prise le 12 mai 1999, le gouvernement fédéral a fait volte-face. Il a appliqué ses responsabilités et confié à la Commission canadienne du blé le mandat de dicter la politique gouvernementale. Le gouvernement a également fait fi des conclusions de deux spécialistes indépendants et chevronnés à qui il avait confié le mandat de se pencher sur le dossier.

Si le système existant échoue encore et toujours, c'est parce qu'il est impossible de définir les responsabilités hiérarchiques dans la gestion du mouvement du grain. En s'acquittant de son rôle dans le domaine des transports, la Commission canadienne du blé fait penser à une personne qui fait bâtir une maison et qui conclut un contrat non seulement avec l'entrepreneur général, mais aussi avec l'ensemble des sous-traitants. La confusion qui en résulte est évidente. À qui les sous-traitants doivent-ils rendre des comptes? Au propriétaire ou à l'entrepreneur général? Que doivent-ils faire lorsqu'ils reçoivent des directives contradictoires? En cas de problème, qui est responsable? À quel contrat contreviennent-ils lorsqu'ils présentent des demandes contradictoires?

Bref, il est impossible de déterminer qui est responsable de l'échec du système lorsqu'on a affaire à trois séries de contrats et que les mesures prises par une tierce partie risquent de nuire à l'exécution de l'un ou l'autre contrat.

• 0945

Le gouvernement fédéral prétend régler le problème de la reddition de comptes de trois façons, c'est-à-dire en ouvrant à des soumissionnaires un pourcentage des ventes de la Commission canadienne du blé, en signant le protocole d'entente proposé et, enfin, en généralisant l'utilisation des contrats dans le système existant. Toutes ces prétentions sont fausses et trompeuses.

Premièrement, les appels d'offres ne font que répartir les ventes de la Commission canadienne du blé parmi des fournisseurs. Un tel système ne clarifie en rien les responsabilités, pas plus qu'il ne s'attaque au problème des contrats trilatéraux.

Deuxièmement, la Commission canadienne du blé, aux termes du protocole d'entente, conclura avec les compagnies de chemin de fer un contrat aux fins du transport de tout le grain, y compris le pourcentage cédé à des soumissionnaires. Voilà qui pourrait en réalité raffermir le contrôle que la Commission exerce sur le transport, tout en limitant celui qu'exercent les compagnies céréalières sur leurs propres installations.

Troisièmement, les propositions du gouvernement fédéral ne font que rendre le système actuel exécutoire, sans s'attaquer au problème de fond. À moins que les ententes de base entre les parties ne soient modifiées et que la Commission canadienne du blé ne se voie retirer le contrôle direct qu'elle exerce sur le transport, les problèmes que nous avons connus par le passé se reproduiront.

Pour s'attaquer au problème de la reddition de comptes, chaque société céréalière doit assumer clairement la responsabilité du transport du grain jusqu'au port et bénéficier de la marge de manoeuvre nécessaire pour pouvoir le faire de façon très efficiente et efficace. Pour y arriver, on n'a qu'à adopter les contrats bilatéraux proposés par le juge Estey: dans un tel contexte, la Commission canadienne du blé aurait, à destination, des comptes directs à rendre à l'agriculture, au point d'origine. Voilà un changement essentiel auquel le gouvernement fédéral ne donne pas suite dans ses propositions.

Vous trouverez, annexé à notre mémoire—dont, je crois, vous avez reçu copie—un exemple simple illustrant l'absence de reddition de comptes qui caractérise le système actuel.

Les propositions auront de graves répercussions sur les agriculteurs, les sociétés céréalières et le gouvernement fédéral. Comme la Prairie Farm Commodity Coalition l'a indiqué dans son mémoire, les agriculteurs perdront des économies annuelles potentielles de 180 millions de dollars que pourrait leur procurer un système commercial. Ces chiffres sont documentés dans le mémoire de la PFCC, que Paul Earl vient tout juste de vous présenter.

Le système continuera d'avoir des ratés comme en 1996-1997. Des situations comme celle qu'on a connue en octobre et novembre 1999 se répéteront: rappelons que des ventes potentielles de canola d'une valeur de 70 millions de dollars ont été perdues en raison de l'encombrement du port de Vancouver par le grain de la Commission canadienne du blé. Les contrats proposés entre la Commission et les compagnies de chemin de fer pourraient compromettre l'accès au réseau de transport des grains non visé par la Commission et des récoltes spécialisées, qui gagnent en importance. Les sociétés céréalières ne seront pas en mesure d'exploiter à fond leurs installations récentes, ce qui limitera leur rentabilité et les obligera à imposer des tarifs plus élevés pour récupérer leurs pertes. Quant aux compagnies de chemin de fer, elles n'auront plus d'incitatif: du même coup, on fera disparaître le principal facteur qui stimule la rationalisation et la modernisation du système, et le service ferroviaire de même que l'investissement dans le secteur diminueront.

En résumé, ces propositions nous ramèneront à une situation s'apparentant à celle du tarif du Nid-de-Corbeau: le service ferroviaire et l'investissement dans le domaine ont été durement touchés, les pratiques non efficientes étaient omniprésentes et, enfin, les revenus des agriculteurs étaient à la baisse.

Malgré la totale inopportunité du train de mesures, nous proposons deux modifications susceptibles de corriger ces lacunes les plus flagrantes. À notre avis, elles conféreraient une certaine crédibilité à l'affirmation du gouvernement fédéral selon laquelle il s'oriente vers la mise en oeuvre des recommandations du rapport Estey et à l'intention de donner aux sociétés céréalières la marge de manoeuvre voulue pour administrer le transport de la portion des ventes de la Commission canadienne du blé ouverte à des appels d'offres.

Notre première proposition vise la confusion qui entoure depuis longtemps l'identité de l'expéditeur des grains de la Commission canadienne du blé. Ainsi, nous proposons de modifier la Loi sur les transports au Canada. En vertu de cette modification, l'expéditeur du grain commercialisé par la Commission canadienne du blé serait «la personne ou l'organisation qui prend possession du grain au nom de la CCP auprès de l'agriculteur». Ainsi, les sociétés céréalières exerceraient l'ensemble des droits et des responsabilités des expéditeurs des grains de la Commission.

Le président: Monsieur Menzies, vous allez devoir conclure. Si vous êtes capable de le faire, présentez-nous vos modifications.

M. Ted Menzies: Je vais vous présenter ma deuxième proposition et faire un résumé.

Le président: Je vous remercie.

M. Ted Menzies: Notre deuxième proposition—je tiens, avec votre permission, à la mentionner aux fins du compte rendu—consiste à compléter la définition des sociétés céréalières, qui deviendraient des expéditeurs, conformément à l'intention manifestée par le gouvernement fédéral relativement à l'utilisation des pouvoirs de réglementation de la Commission canadienne du blé. Nous proposons l'ajout dans le protocole d'entente d'une disposition qui empêcherait l'application des alinéas 28i) et j) de la Loi sur la Commission canadienne du blé aux élévateurs privés et à d'autres centres privés de manutention du grain.

• 0950

Ces deux dispositions de la loi confèrent aujourd'hui à la Commission canadienne du blé le pouvoir d'ordonner que tout grain contenu dans tout élévateur soit chargé dans des wagons ou encore d'interdire le chargement de tout grain dans tout wagon.

Avec votre permission, je vais maintenant résumer brièvement...

Le président: Je vous prierais de procéder très rapidement, monsieur Menzies.

M. Ted Menzies: ... la réforme du transport du grain proposée par le gouvernement fédéral...

Le président: Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Vous ne pouvez pas lire votre texte à toute vitesse. N'oubliez pas que nous devons traduire vos propos. Peut-être pourriez-vous seulement faire un résumé.

M. Ted Menzies: Le fin fond de l'affaire?

Le président: Oui, monsieur, s'il vous plaît.

M. Ted Menzies: Le train de mesures proposé n'aide en rien les agriculteurs. Il constitue un recul. Il va me faire perdre des revenus, et cela me met en colère.

Le président: Je vous remercie, monsieur. Je vous remercie aussi d'avoir été bref.

Merci, madame Manson, messieurs, de votre témoignage devant le comité.

J'aimerais maintenant passer à la période de questions, à commencer par M. Bailey.

M. Roy Bailey: Merci, monsieur le président.

C'est la dernière journée au cours de laquelle nous entendrons des témoins. On a déjà beaucoup parlé du protocole d'entente, mais nous ne l'avons reçu que tard hier soir. Il s'agit simplement d'une entente en vertu de laquelle la Commission canadienne du blé s'engage devant le ministre à ne pas utiliser ses pouvoirs législatifs, à moins d'un préavis de cinq jours. Le protocole d'entente tient donc à peu de choses.

Ce qui m'intéresse, c'est le fait que les principaux intervenants—et j'insiste sur le mot «principaux»—que nous avons entendus s'opposent avec vigueur au projet de loi. Ils s'y opposent très fermement. Les représentants des compagnies de chemin de fer et la majorité des témoins que nous avons accueillis, de même que les nombreuses personnes qu'ils représentent, s'opposent fermement au projet de loi.

Vous nous dites que votre organisation représente environ 90 000 agriculteurs. Est-ce bien que vous avez affirmé?

M. Paul Earl: Oui.

M. Roy Bailey: Eh bien, c'est plus d'agriculteurs qu'en compte la province de la Saskatchewan toute entière. Il s'agit donc d'un groupe de producteurs important—90 000, ça compte.

Monsieur Earl, auriez-vous l'amabilité de revenir sur votre mémoire et de m'expliquer le tableau qu'on retrouve sur le plat intérieur, lequel porte sur les responsabilités hiérarchiques? Vous avez dû faire l'exercice auprès de 90 000 membres, vous pouvez bien en faire l'essai sur moi.

M. Paul Earl: Monsieur Bailey, je vais tenter de le faire très rapidement, même si je peux presque vous garantir que je vais laisser les membres du comité dans le brouillard le plus complet. Ne vous en préoccupez pas outre mesure. L'industrie céréalière est elle aussi dans le brouillard.

En vertu du système actuel, il est impossible de déterminer à qui incombe les responsabilités. L'exemple présenté dans la figure 1 illustre trois contrats de vente: en haut, on trouve le contrat A, entre la Commission canadienne du blé et le syndicat du blé de la Saskatchewan, qui porte sur du blé de printemps; à gauche, on trouve le contrat B, entre la Commission canadienne du blé et Cargill pour de l'orge brassicole; à droite, enfin, on trouve le contrat E, entre Agricore et la Commission canadienne du blé pour du blé de printemps des Prairies canadiennes.

Si la Commission canadienne du blé ne prend pas livraison du blé de printemps stocké dans l'élévateur du syndicat du blé de la Saskatchewan et que, par conséquent, d'autres grains, en l'occurrence l'orge brassicole et le blé de printemps des Prairies canadiennes, ne peuvent bouger, qui assumera les droits de surestaries pour le navire chargé, en vertu du contrat E, de prendre livraison du blé de printemps des Prairies canadiennes?

Voici comment les choses se passent. La Commission canadienne du blé dit à Agricore: «C'est vous qui êtes responsables parce que vous n'avez pas acheminé le grain jusqu'au port.» Agricore répond à la Commission canadienne du blé: «Non, c'est vous qui êtes responsable parce que vous n'avez pas mis à ma disposition les wagons dont j'ai besoin pour acheminer mon blé de printemps des Prairies canadiennes.» La CCB se tourne vers Cargill: «Si je n'ai pas été en mesure de mettre des wagons à la disposition d'Agricore, c'est parce que vous ne m'avez pas remis ceux qui ont servi au transport de l'orge brassicole.» Cargill rétorque: «Non, c'est le syndicat du blé de la Saskatchewan qui est responsable parce qu'il n'a pas déchargé mon orge brassicole, ce qui fait que je n'ai pas été en mesure de vous retourner les wagons.» Le syndicat du blé de la Saskatchewan affirme: «Non, c'est la Commission canadienne du blé qui est responsable parce qu'elle n'est pas venue chercher le blé dans mon élévateur.»

Monsieur le président, c'est un fouillis. En ce qui concerne les responsabilités hiérarchiques, on tourne en rond. Or, il s'agit d'un exemple très simple. J'ai simplement tenté de donner une idée de ce qui se passe dans la réalité, et je n'y suis pas parvenu sur une seule page. Voilà à quoi j'ai abouti. Voilà le genre d'obligations redditionnelles que le projet de loi confère à la Commission canadienne du blé.

Vous voulez savoir à qui incombe la responsabilité des surestaries? Voici la Commission canadienne du blé représentée par l'encadré rouge. Voici les parties avec lesquelles elle est liée par contrat, et la ligne rouge, qui va de haut en bas et de droite à gauche, représente les responsabilités hiérarchiques. Impossible de déterminer qui est responsable.

Une chose demeure: au fond, il y a l'agriculteur qui doit éponger la facture. Voilà le genre de responsabilité hiérarchique qu'instaure le projet de loi. C'est impossible.

• 0955

Le président: Je vous remercie, monsieur Bailey.

Monsieur Earl, vous avez mentionné que vous représentez 90 000 agriculteurs?

M. Paul Earl: Oui, c'est exact.

Le président: Parmi ces 90 000 agriculteurs, combien ne sont pas visés par la Commission?

M. Paul Earl: C'est le cas de la plupart d'entre eux, parce qu'un grand nombre de nos membres sont des producteurs de canola, sont membres des organisations qui s'occupent du canola.

Le président: N'en déplaise à M. Bailey et à son emballement, vous représentez 90 000 agriculteurs, mais aucun d'eux n'a affaire à la CCB.

M. Paul Earl: Mais oui, ils ont affaire avec elle, absolument. Monsieur le président, la plupart d'entre eux font pousser des grains visés par la Commission et d'autres qui ne le sont pas.

Le président: Quel pourcentage des récoltes des agriculteurs dont vous avez fait mention dans votre mémoire est régi par la Commission et non régi par la Commission?

M. Ted Menzies: Puis-je répondre à la question?

Le président: Faites, je vous en prie.

M. Ted Menzies: Pour simplifier les choses, disons que je fais pousser des grains régis par la Commission et d'autres qui ne le sont pas. Je fais principalement pousser du blé, suivant une rotation. Cette céréale compte donc pour au moins le quart de ma production. Tous les quatre ans, je fais pousser du blé sur un terrain donné, et tous les quatre ans, je fais pousser de l'orge. Je peux donc dire que 50 p. 100 de ma production est régie par la Commission.

Le président: C'est donc le quart. Très bien.

Je comprends la réponse que M. Earl a donnée à M. Bailey, mais je me sens l'obligation de dire que, au moment de la comparution des ministres et d'autres intervenants, la question n'était pas aussi tranchée.

Rick, je sais que vous êtes sur le point de vous frotter les mains de satisfaction, mais n'oubliez pas qu'on nous a dit qu'il ne s'agit que de la première étape d'un processus très complexe et difficile, comme vous l'avez tous reconnu. Selon les ministres et d'autres intervenants que nous avons entendus, il s'agit d'une première étape franchie en vue du versement d'un paiement aux agriculteurs avant le début de la campagne agricole qui débute le 1er août.

Je comprends ce que vous dites à propos de là où cette première étape nous amène. Il est entendu que de nouvelles étapes devront être franchies dans un très proche avenir.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

Messieurs, s'il y a une chose que j'ai comprise à la lumière du présent exercice, c'est que, si on met tous les exposés en commun, nous sommes d'accord pour ne pas être d'accord.

En vertu du système actuel, aucune économie ne sera réalisée. Je crois que c'est M. Earl qui l'a affirmé. Si nous ne parvenons pas à mettre le nouveau système en place, le tarif passera à 32,90 $ la tonne le 1er août. Si, en revanche, le nouveau système est établi, le taux s'établira à 27 dollars la tonne. Il s'agit d'une diminution de 18 p. 100, ce qui, dit-on, représente une économie de 178 millions de dollars. J'aimerais entendre les témoins à ce sujet.

Je vais procéder très rapidement. À cet égard, nous nous sommes également assurés que les tarifs applicables sur les courtes lignes ne surpasseront pas de plus que 3 p. 100 ceux qui s'appliquent aux lignes principales. Par ailleurs, les provinces recevront 175 millions de dollars au titre de l'amélioration des routes.

Depuis quelques jours, on nous a parlé de la question du contrôle. Hier soir, nous avons reçu le protocole d'entente et l'alinéa 6g) et l'article 21 portent sur cette question. On propose de confier à une tierce partie indépendante le mandat de déterminer si les agriculteurs sont avantagés par les mesures proposées, si les mesures ne risquent pas de nuire aux activités de mise en marché de la CCB et, enfin, si les chemins de fer, la manutention du grain, les ports et le système de manutention et de transport du grain sont efficaces. En vertu de ces dispositions, on évaluera la conformité de toutes les parties, avant de faire rapport au ministre de l'Agriculture, au ministre des Transports et, enfin, au ministre responsable de la CCB.

• 1000

J'aimerais vous entendre à ce sujet, particulièrement en ce qui concerne la question du contrôle, parce qu'il s'agit d'un élément clé et critique de tout le processus. Bon nombre de témoins se sont dits inquiets de cette situation. Les dispositions sont- elles suffisantes? Devrait-on, à votre avis y ajouter quelque chose? J'invite l'un ou l'autre des témoins à répondre.

M. Terry Boehm: Puis-je revenir sur certains des points que vous avez soulevés? Premièrement, je précise, avec tout le respect que je vous dois, que votre question dénote une certaine incompréhension de la question de l'écart de 3 p. 100, telle que je la comprends, entre les tarifs pour les wagons simples sur les lignes secondaires et sur les lignes principales.

Les activités des lignes courtes ne seront pas beaucoup touchées. Les exploitants de lignes courtes doivent entretenir des relations à long terme avec un transporteur principal. En vertu d'une telle entente, le transporteur principal partage les revenus avec l'exploitant de lignes courtes, de façon que les coûts de l'exploitation des lignes courtes ne soit pas simplement ajoutés aux tarifs facturés pour l'utilisation des lignes principales.

On doit miser sur l'arbitrage, le partage et des ententes d'une certaine durée, de façon que les parties qui contribueront à l'établissement d'une ligne courte aient jusqu'à un certain point l'assurance que le transporteur principal, dont leur survie dépend absolument, sera bel et bien en activité.

L'écart de 3 p. 100 sur les tarifs applicables aux wagons uniques établit un tarif applicable, quel que soit le point de départ, qu'on ait affaire à une ligne principale ou à une ligne secondaire. Cependant, on ne dit rien des écarts qui s'appliquent aux wagons multiples. On ne dit rien de la myriade d'écarts susceptibles d'intervenir entre les tarifs applicables à des produits différents compte tenu de leur valeur. C'est ce qui arrive aux expéditeurs captifs des États-Unis: là, les compagnies de chemins de fer s'emparent des bonifications auxquelles ont droit les agriculteurs qui produisent des récoltes à prix plus élevé. On ne dit rien des écarts qui se font jour d'une saison de livraison à l'autre: il arrive en effet que les agriculteurs bénéficient de la période de bonification pour l'acheminement du grain, en raison des tarifs différents que les compagnies de chemin de fer pouvaient appliquer selon les saisons.

Toutes ces questions nous préoccupent au plus haut point parce que les compagnies de chemin de fer seront désormais en mesure de restructurer très rapidement le système au moyen du régime des écarts parce qu'on ne se sera pas attaqué au problème des écarts de tarif pour les wagons multiples.

En versant une aide de 175 millions de dollars au titre de la réfection des routes, le gouvernement reconnaît manifestement les préjudices causés par le transfert du transport du grain par le réseau ferroviaire au transport par le réseau routier. Cependant, j'ai effectué quelques appels dans des entreprises spécialisées dans l'aménagement des routes ainsi que dans des cabinets d'ingénieurs de la Saskatchewan. Le coût de l'aménagement d'un route pour véhicules gros porteurs suffisante pour les semi- remorques s'élève à environ 233 000 $ par mille, si on opte pour un revêtement approprié. Si on répartit également la somme entre les trois provinces, on pourra ainsi aménager environ 45 milles de route par province par année.

Certes, la somme de 175 millions de dollars paraît conséquente. Cependant, elle ne l'est pas lorsqu'on considère qu'on a affaire à un réseau de lignes secondaires d'une longueur d'environ 5 000 milles. À supposer que de telles lignes soient abandonnées au moyen de l'utilisation d'écarts créatifs, rien n'est prévu pour remédier à la destruction éventuelle de routes qui, à l'origine, n'ont simplement pas été aménagées pour ce genre de circulation.

Je pense qu'il est essentiel que les producteurs participent d'une façon ou d'une autre au système de surveillance. À moins qu'un mécanisme comme le Groupe de réflexion sur l'affectation des wagons ne vienne sceller une forme d'entente entre les industries, les producteurs, nous le constatons, n'ont pas d'intérêt particulier à participer, sauf par l'intermédiaire des personnes qui, au sein de la Commission canadienne du blé, les représentent pour des produits particuliers. En ce qui concerne les grains non visés par la Commission et d'autres produits, ils ne disposent d'aucun système de participation.

Je m'écarte peut-être un peu du sujet que vous avez soulevé, mais je pense qu'on doit apporter des clarifications à propos de la composition de la Prairie Farm Commodity Coalition. Pour ma part, je serais compté à six reprises comme membre de l'organisation. Pour compter ses membres, l'organisation établit le nombre de déductions obligatoires effectuées, cotisations que les producteurs, en vertu de dispositions législatives provinciales, sont tenus de verser pour financer les organisations en question. Je me suis retrouvé dans l'obligation de verser ces cotisations, même si je suis en total désaccord avec les positions défendues par les organisations.

L'organisation prétend compter 90 000 membres, mais elle compte bon nombre d'entre nous à de multiples reprises. Il s'agit d'un chiffre extrêmement peu transparent. Cette question devait être clarifiée.

• 1005

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Hilstrom, la parole est à vous.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais revenir sur l'idée selon laquelle la question ne fait pas consensus ou sur le poids relatif qu'il convient d'accorder aux positions défendues de part et d'autre. Dans une affaire civile, le fardeau de la preuve n'est évidemment pas aussi lourd que dans une affaire pénale, où la décision doit être rendue au-delà de tout doute raisonnable.

Dans votre présentation, monsieur Menzies, vous avez affirmé que 50 p. 100 du blé et de l'orge étaient des grains régis par la Commission. Or, n'est-il pas vrai que ce n'est pas la totalité de votre orge et de votre blé qui est régie par la Commission canadienne du blé? Au bout du compte, vous devez bien avoir un peu d'orge fourragère. Tout l'orge n'est pas destiné aux brasseries.

M. Ted Menzies: Au cours d'une année parfaite, tout l'orge est effectivement destiné aux brasseries. Croyez-le ou non, toute ma récolte d'orge de l'année dernière a été utilisée pour la production brassicole, ce qui est le rêve de tout agriculteur. Mais vous avez raison: la plupart du temps, ce n'est pas le cas. Une bonne partie de la production est généralement destinée aux marchés fourragers locaux. C'est exact.

M. Howard Hilstrom: Le gros de l'orge produit ne passe pas par la Commission. En fait, la Commission n'y touche pas. Dans l'argument relatif à la Commission canadienne du blé et aux parties qu'elle représente, la prépondérance de la preuve n'est pas aussi manifeste qu'on se plaît à le laisser croire.

J'aimerais poser une question à propos du consensus dégagé ici. D'un côté, nous avons la Commission canadienne du blé, le Syndicat national des cultivateurs et sept députés libéraux du Manitoba et de la Saskatchewan qui souhaitent les dispositions que nous étudions aujourd'hui. Je vais poser la question à M. Doerksen et à M. Bacon. Pensez-vous que ce qui est dans l'intérêt des agriculteurs fasse consensus au sein du milieu agricole? Est-ce leur régime commercial de paiement contractuel ou le régime réglementé que nous étudions ici? Auriez-vous, messieurs Bacon ou Doerksen, l'amabilité d'aborder la question du consensus? Voici à quoi on peut ramener tout le débat: qui devrait-on écouter?

M. Wayne Bacon (président, Canadian Canola Growers Association): Il est clair que ce sont des ententes éventuelles qui seraient dans le meilleur intérêt de tous les agriculteurs. Dans un tel cas, nous comprendrions qui doit rendre des comptes à l'égard des résultats et qui est chargé de la livraison du produit concerné.

M. Howard Hilstrom: À votre avis, qui devrait être l'expéditeur désigné?

M. Wayne Bacon: À mon avis, il faudrait que l'expéditeur désigné soit l'entreprise qui fait l'achat du grain.

M. Howard Hilstrom: Vous avez entendu parler du protocole d'entente. Avez-vous été associé au processus d'élaboration du protocole d'entente ou consulté en cours de route?

M. Wayne Bacon: Non. Nous n'avons pas eu vent des tractations.

M. Howard Hilstrom: Comme vous le savez, il s'agit d'un protocole d'entente entre la Commission canadienne du blé et le gouvernement, mais il porte sur les mêmes enjeux et sur l'essence même du projet de loi. Avez-vous le sentiment que vous auriez dû être consulté?

M. Wayne Bacon: J'estime que les agriculteurs devraient être consultés dans le cadre de toutes les ententes les concernant, ne serait-ce que parce que ces questions les préoccupent au plus haut point. L'issue de la présente audience aura une incidence sur nos bénéfices nets.

M. Howard Hilstrom: Êtes-vous d'accord pour dire que le syndicat du blé de la Saskatchewan et Agricore représentent les agriculteurs?

M. Wayne Bacon: Absolument pas. Je suis membre du syndicat du blé de la Saskatchewan, mais le seul fait que j'y sois associé ne signifie pas nécessairement que je suis d'accord avec tout ce qu'il affirme.

M. Howard Hilstrom: À quelles fins pensez-vous donc que le syndicat du blé de la Saskatchewan a agi?

M. Wayne Bacon: Je pense qu'il agit dans son propre intérêt. Ce qui est certain, en tout cas, c'est qu'il n'agit pas dans celui des agriculteurs.

M. Howard Hilstrom: D'accord. J'ai l'impression que nous nous écartons peut-être un peu trop du sujet.

En ce qui concerne la question des embranchements...

Mme Wendy Manson: Excusez-moi.

M. Howard Hilstrom: Oui, je vous en prie.

Mme Wendy Manson: Peut-être pourrions-nous fournir un complément d'information.

Il est très clair que les sociétés céréalières travaillent dans leur propre intérêt. Les compagnies de chemin de fer travaillent dans leur propre intérêt. Cela, me semble-t-il, va sans dire. Je ne vois pas ce qu'il y a là d'étonnant. Je pense que la plupart des représentants du gouvernement ici présents se rappellent que, au moment où on se parle, des agriculteurs siègent au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. Wayne, vous vous en souvenez, non?

M. Wayne Bacon: Je m'en souviens.

Mme Wendy Manson: D'accord.

M. Howard Hilstrom: La question que je pose à ce sujet a trait aux membres élus de la Commission canadienne du blé. Leur mandat n'est-il pas restreint par la loi elle-même? Ils n'ont pas pour mandat de défendre l'ensemble des agriculteurs et des produits? Ils ont simplement pour objectif de faire la mise en marché du blé d'une manière harmonieuse. Que les prix soient bons ou mauvais leur importe peu. N'ai-je pas raison?

Mme Wendy Manson: Si je ne m'abuse, on affirme dans la Loi sur la Commission canadienne du blé que les administrateurs ont l'obligation de travailler au nom des agriculteurs. Je peux cependant vous affirmer que, dans le mandat de la compagnie de chemin de fer, on ne tient pas compte des agriculteurs. En ce qui concerne la question de la reddition de comptes, il y a deux ou trois aspects à propos desquels tout le monde semble embrouillé. Quand quelque chose cloche, sommes-nous en mesure de départager les responsabilités? Eh bien, le problème de 1996-1997 a été plutôt bien réglé. Je pense que des fonds ont été versés dans le compte en gestion commune de la Commission canadienne du blé. N'ai-je pas raison?

• 1010

M. Wayne Bacon: Je n'ai encore rien vu.

Mme Wendy Manson: Certaines de ces questions ne sont pas aussi embrouillées qu'il n'y paraît à première vue. Franchement, le débat qui entoure le canola dénote certaines inexactitudes, lui aussi. En ce qui concerne la question de l'expédition du canola, je pense qu'on dispose de certains faits très clairs. Parfois, les choses sont embrouillées simplement parce que cela fait l'affaire de certaines personnes.

Le président: Je vous remercie, madame Manson.

Monsieur Dromisky, je vous en prie.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Je vous remercie beaucoup.

D'abord, monsieur le président, permettez-moi de dire que je suis heureux que M. Boehm ait soulevé la question de la composition mixte. En ma qualité de secrétaire parlementaire, j'ai eu, au cours des deux ou trois dernières années, le privilège d'assister à quelques réunions concernant ce problème, sans compter les lettres et les rapports que j'ai reçus et la multitude de lobbyistes qui sont venus me rendre visite à mon bureau, et ainsi de suite.

Mon impression générale, c'est qu'il s'agit d'un problème des plus complexes. Je pense que les personnes qui nous écoutent devraient en prendre conscience. Il ne s'agit pas simplement d'une querelle entre deux groupes. En fait, des centaines d'intervenants sont mêlés à ce problème des plus complexes.

Lorsque je me suis rendu à Red Deer pour assister à l'exposé de M. Kroeger, j'ai été étonné par la tension et l'émotion qu'on sentait entre les divers membres présents dans l'assistance. Une multitude de groupes étaient représentés. Bon nombre de ces représentants étaient agriculteurs. Comme on le constate ici même aujourd'hui, ils n'arrivaient pas à s'entendre sur la meilleure solution possible. Vous l'avez dit, chaque groupe cherche à tirer pour lui-même le meilleur parti possible de la situation, cela ne fait aucun doute. «Je veux ceci; ils ne devraient pas avoir cela.» On a observé une telle attitude à d'innombrables reprises.

Vous devez comprendre que le gouvernement a sur les bras un énorme problème. Ce que nous proposons au public canadien dans le projet de loi à l'étude ne constitue pas la solution finale. Ce n'est pas la solution finale; cependant, c'est un pied dans la porte, une percée. Après 60 années d'activité, la Commission canadienne du blé voit son rôle transformé légèrement.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de la procédure d'appel d'offres et comment vous la percevez. Il s'agit de l'option en vertu de laquelle une partie des ventes de la Commission sera soumise à une procédure d'appel d'offres, d'abord dans une proportion de 25 p. 100, puis dans une proportion de 50 p. 100. À mes yeux, il s'agit d'une percée remarquable. Je pense que nous nous dirigeons dans la bonne direction. Qui sait où cette approche nous mènera dans les années à venir. Vous n'en savez rien, je n'en sais rien, personne n'en sait rien. Seulement, c'est peut-être la percée que nous attendions pour répondre aux préoccupations réelles et perçues de même que pour assurer à l'avenir les avantages réels et perçus. Des commentaires?

M. Terry Boehm: Oui. En ce qui concerne la percée, pour reprendre votre mot, soit la procédure d'appel d'offres pour la Commission canadienne du blé, dans une proportion de 25 p. 100 et peut-être de 50 p. 100 la troisième année... bien entendu, le débat semble dans une large mesure tourner autour de la Commission canadienne du blé et des grains qu'elle régit. Un pourcentage considérable des grains transportés sont des grains régis par la Commission.

Cependant, d'autres grains passent dans le système et ont bénéficié d'une mise en marché harmonieuse en raison du système de transport réglementé dont nous disposons. Une restriction s'applique dans les montagnes, et une autre s'applique à Vancouver. Notre capacité portuaire n'est pas payée à même les deniers publics, comme c'est le cas aux États-Unis, où on dispose, dans les ports, d'une capacité d'entreposage excédentaire. Cette dernière est six fois supérieure aux besoins. Le moment venu de faire transiter du grain par la côte Ouest, nous devons agir avec prudence.

Prenons l'exemple du canola. Nombreuses sont les entreprises qui souhaitent accéder à des systèmes de transport pour optimiser les débouchés qui s'offrent à elles. On a tout bousillé en assujettissant les wagons à une division coopérative, afin d'éviter tout engorgement. Si on passe à un environnement entièrement déréglementé, c'est ce que revendiquera chacun de ces intervenants.

• 1015

Vos ressources au chapitre du transport sont rares. Comment peut-on attribuer ces ressources? Au Canada, nous avons choisi un système d'attribution coopératif. Si on adopte le système dit «commercial», l'attribution des ressources sera fondée sur le prix, sur le coût—des prix extrêmes pour répartir ces ressources—et qui en assume le coût? Ce sont les producteurs du Canada, par le biais de prix plus faibles pour leur marchandise. Il faut donc décider ce qui procure les plus grands avantages économiques pour les citoyens du Canada, les producteurs du Canada et l'économie du Canada.

Pendant 17 ans, nous avons vécu avec une décision selon laquelle une déréglementation supplémentaire serait la solution la plus économiquement avantageuse pour assurer la rentabilité des chemins de fer. Pendant 17 ans, les groupes comme le Syndicat national des cultivateurs—en particulier le Syndicat national des cultivateurs—ont prédit, même si vous dites qu'on ne peut le prédire, le résultat de cette déréglementation et la baisse de revenus que connaissent actuellement les agriculteurs. Sur ma ferme, si vous voulez des chiffres plus concrets, les coûts de transport que mon père et moi-même assumons tourneraient autour de 120 000 $—en réalité, un peu plus, selon la qualité de nos récoltes.

Donc, la question des appels d'offres est un des aspects, mais il faut envisager... nous parlons d'ententes contractuelles commerciales. Les États-Unis sont dotés d'un système déréglementé où les sociétés ferroviaires qui servent des expéditeurs captifs ne négocient pas de contrats avec les expéditeurs. Ils établissent un régime d'appels d'offres pour l'attribution des wagons. Si vous voulez un wagon, vous le payez. Vous l'obtiendrez peut-être, peut- être pas. Si vous n'êtes pas satisfait, vous n'avez pas vraiment grand chose à dire, car, la prochaine fois, on ne vous attribuera peut-être pas un wagon.

Sous le régime américain, les taux-marchandises sont considérablement supérieurs aux nôtres. Par exemple, les taux obligatoires au Canada sont beaucoup plus bas... L'expédition de marchandises au pays n'est pas visée par le plafond tarifaire obligatoire auquel nous sommes actuellement soumis. Prenons l'exemple de l'orge fourragère: en général, il n'y a pas de rabais pour un convoi de 100 wagons d'orge fourragère, et le transport ferroviaire de cette orge fourragère est considérablement plus coûteux, d'environ 10 $ la tonne, que les tarifs établis.

Il faut donc se demander, entre la réglementation ou la croyance en la commercialisation, quelle solution est appropriée. Il suffit de regarder nos voisins du Sud pour savoir exactement quels seront les résultats d'une commercialisation, et je crois qu'on peut prédire le résultat assez facilement.

Le président suppléant (M. Murray Calder): Monsieur Earl.

M. Paul Earl: Monsieur le président, en réponse à M. Dromisky—et je serai bref—, il y a onze groupes agricoles qui perçoivent votre première étape comme un pas en arrière. Pour ce qui est des appels d'offres, cette solution n'apporte rien, car elle ne précise pas les responsabilités. Cette solution n'apporte rien à ce gâchis.

Quant à la question soulevée par M. Boehm concernant le canola, les faits sont très clairs. La Commission du grain n'a pas écoulé son grain. Le grain de la Commission du blé a engorgé Vancouver pendant un mois, de sorte que le canola n'a pu être transporté, et on en a perdu 200 000 tonnes—70 millions de dollars jetés par la fenêtre. C'est simple.

Le président suppléant (M. Murray Calder): Monsieur Menzies.

M. Ted Menzies: J'ai quelques commentaires à formuler sur cette question. J'apprécie le fait que le gouvernement fait de son mieux pour protéger les intérêts des agriculteurs, mais j'ai l'impression qu'on a fait fi de l'opinion d'un grand nombre d'agriculteurs. Nous représentons beaucoup d'agriculteurs. Nombre d'entre eux ont consacré beaucoup de temps à cette question. Il semble qu'on ait omis de tenir compte de leurs idées et de leurs commentaires, car, comme l'a signalé M. Bailey, peu d'entre eux viennent ici pour témoigner de leur satisfaction.

Pour ce qui est de l'appel d'offres, cette solution ne fonctionne pas, car elle ne vise pas le transport à partir du silo. La Commission canadienne du blé prend toujours possession du grain aux terminaux, de sorte qu'il existe encore une possibilité d'erreur. Le débordement d'octobre-novembre 1999 ne concernait pas seulement le canola. Par exemple, un mes chargements de lentilles a été immobilisé dans le système. J'ai dû attendre plus de trois mois pour toucher un très gros chèque en raison de la congestion du port par la Commission canadienne du blé. Cela touche toutes les marchandises que nous produisons.

Le président: Merci, monsieur Dromisky.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor (Pallisser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue à tous.

Je ne suis pas certain que chaque organisme propose des modifications spécifiques aujourd'hui, mais j'aimerais seulement voir... Je sais que le SNC en a, je sais que les producteurs de canola en ont, et je crois que les producteurs de blé de l'Ouest canadien en proposaient quelques-unes. J'aimerais obtenir une réponse rapide de chacun de vous, car, même si le président dit que les consultations constituent la première étape, on entend aussi que le gouvernement n'acceptera probablement aucune modification. J'aimerais donc savoir ce que chacun de vous ferait du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, si on refusait les modifications que vous proposez?

• 1020

Je commencerai avec M. Menzies.

M. Ted Menzies: Voulez-vous une réponse franche et directe?

M. Dick Proctor: Une réponse par oui ou par non suffirait.

Le président: Je tiens seulement à préciser clairement que vous présupposez que nous n'accepterons aucune modification.

M. Dick Proctor: Si vos modifications ne sont pas acceptées, quel sort devrait-on réserver au projet de loi?

M. Ted Menzies: Je ne crois pas que ce projet de loi devrait être adopté. Je suis conscient du fait qu'un tel rejet ne se produira pas, mais ce projet de loi, dans sa forme actuelle, constitue un recul. Il n'y a pas d'autres façons de le décrire.

M. Dick Proctor: Monsieur Earl, qu'en pensez-vous...

M. Paul Earl: Je crois que les organismes que je représente s'entendent pour dire que la situation qu'entraînera ce projet de loi sera pire que la situation actuelle. Il faudrait en empêcher l'adoption.

M. Dick Proctor: Merci.

Maintenant, pour le SNC, madame Manson.

Mme Wendy Manson: Nous croyons que les gains en productivité pourraient être remis aux agriculteurs sans qu'on adopte le projet de loi. Nous croyons donc, pour l'instant, qu'il est possible de gagner sur les deux tableaux. On pourrait accorder les 5 $ par tonne et consacrer un peu plus de temps au projet de loi, qui, comme nous l'avons dit, aurait besoin d'être plus équilibré.

M. Dick Proctor: D'accord.

Et, enfin, les producteurs de canola.

M. Ernie Doerksen: Nous croyons que le projet de loi a des failles. Il a des failles, et nous ne croyons pas qu'il devrait être adopté.

Nous n'avons pas proposé de modifications très spécifiques. Notre seule recommandation spécifique concernait le plafond, au paragraphe 150(5) proposé, qui, contrairement à ce qu'on avait annoncé auparavant, ne garantira aucune économie pour les agriculteurs au chapitre du transport. Dans son ensemble, nous estimons que le projet de loi contient des failles graves, et qu'il ne devrait pas être adopté.

M. Dick Proctor: Merci.

J'aimerais revenir à Mme Manson. Pourriez-vous apporter quelques précisions sur le partage des gains de productivité et vos opinions à cet égard?

Mme Wendy Manson: Nous avons remarqué que le projet de loi prévoit une indexation du plafond sur le revenu en fonction de l'inflation. Il est assez clair, d'après nous, que c'est en raison d'une absence de partage de la productivité à l'heure actuelle que nous nous retrouvons dans une position où de l'argent doit être retourné aux agriculteurs, où le plafonnement des revenus doit être éliminé.

L'une des choses intéressantes que nous avons apprises l'été dernier, pendant l'examen des coûts, c'est qu'on peut classer les économies de coûts en catégories, et que, de fait, cela nous permet de conclure qu'une part importante du partage de la productivité qui nous a été retourné depuis la disparition du mécanisme de partage de la productivité tient au fait que le système est encore régi par une réglementation. Il est donc un peu déloyal pour eux de dire «Vous voyez? Nous avons partagé», car, de fait, ils ont partagé parce qu'ils étaient tenus par le règlement de le faire. Ensuite, lorsqu'on envisage la part du partage de la productivité qui était volontaire, le partage n'est pas aussi généreux. Nous avons en notre possession des données très récentes selon lesquelles il faut probablement les forcer à partager. Voilà.

M'aviez-vous posé une question sur les écarts?

M. Dick Proctor: Non, mais j'aimerais m'adresser de nouveau aux représentants du SNC afin de leur poser une question sur la Commission canadienne du blé. Les entente relatives aux appels d'offres prévoient une tranche d'au moins 25 p. 100 au cours des deux premières années, et d'au moins 50 p. 100 dès 2002-2003. Quelle est la position de votre organisme sur cette question? S'agit-il d'un recul? Êtes-vous préoccupés par la mention «au moins 50 p. 100», ou croyez-vous que cela pourrait fonctionner?

Mme Wendy Manson: Très préoccupés.

Voulez-vous répondre à cette question, Terry?

M. Terry Boehm: Nous sommes plutôt préoccupés par les 50 p. 100. Nous croyons que l'un des avantages que procure la Commission canadienne du blé aux producteurs est l'accès équitable aux services de transport et aux occasions de livraison. Lorsque la Commission se voit forcée de lancer un appel d'offres pour 50 p. 100 des marchandises à transporter, qui échappent à son contrôle direct, elle sera incapable de veiller à ce que les producteurs jouissent d'un accès équitable et constant aux services de transport et (ou) aux occasions de livraison.

• 1025

En toute franchise, un processus d'appel d'offres pourrait avantager les expéditeurs qui sont situés plus près du port dont il est question. Les sociétés céréalières lanceraient des appels d'offres de façon à pouvoir transporter le grain à moindre coût à partir du point le plus rapproché, de sorte que les producteurs du centre de la Saskatchewan pourraient croupir sous une montagne de marchandises pendant la majeure partie de l'année.

Nous croyons que ce serait plutôt problématique.

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Merci, monsieur Proctor.

Monsieur Easter.

M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens aussi à signaler que la partie n'est pas terminée; ce n'est que la première étape d'un long processus.

J'aimerais aussi préciser à M. Hilstrom que le protocole d'entente et, je crois, le projet de loi, prévoit ce qui suit à l'alinéa 18a):

    a) la CCB a des obligations réglementaires à respecter et des exigences à satisfaire à l'égard de ses clients afin de maximiser le rendement financier des agriculteurs;

La Commission canadienne du blé est donc tenue de maximiser le rendement financier pour les agriculteurs. J'avancerais qu'elle a obtenu de plutôt bons résultats à ce chapitre.

On a beaucoup parlé de consensus parmi les agriculteurs. M. Bailey a posé la question à titre de représentant de 90 000 producteurs membres de l'une des organisations présentes aujourd'hui. M. Earl dit que onze groupes agricoles s'opposent au projet de loi.

Madame, messieurs, combien d'entre vous ont le droit de voter à l'occasion des élections de la Commission canadienne du blé, et combien d'entre vous ont exercé ce droit?

Je pose la question parce que je sais que le comité des transports a éprouvé quelques difficultés, dans une certaine mesure, en raison des enjeux politiques liés au domaine agricole, et j'avancerais que les sociétés céréalières, les sociétés ferroviaires et les organismes agricoles qui favorisent la création de marchés ouverts comptent utiliser le comité pour miner la capacité de la Commission canadienne du blé de faire son travail, et c'est une lutte qu'ils ont perdue au cours des trois dernières années, quand nous avons modifié la loi afin que les membres de la Commission canadienne du blé soient élus. À mon avis, c'est ce qui se produit.

Par souci de clarté, monsieur le président, je préciserai qu'on a tenu une élection en vue de constituer le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. Tout le monde a eu l'occasion de voter. De ces onze administrateurs élus, dix étaient en faveur d'une Commission canadienne du blé qui assure une régularisation du marché. Il y avait toutes sortes de candidats qui favorisaient la création d'un marché ouvert, favorisaient la liberté de choix et s'opposaient à la Commission du blé. L'un d'entre eux a été élu, notamment le président actuel, et ce dernier a témoigné très clairement devant le comité que ce projet de loi offrait la possibilité de se rapprocher de la vision du gouvernement fédéral d'un système amélioré de manutention et de transport du grain, avec les modifications que nous avons recommandées.

La Commission canadienne du blé est raisonnablement satisfaite, et j'avancerais qu'en ce qui concerne les élections tenues il y a un an... J'ai déjà dirigé un organisme agricole, et on s'enlise dans tous ces chiffres, mais la position des membres élus de la Commission canadienne du blé à cet égard est claire. Je tenais seulement à ce que cela figure au dossier.

J'ai deux questions à poser. Dans son exposé, le SNC déclare que les deux grandes sociétés ferroviaires canadiennes n'ont pas donné un rendement convenable en 1996-1997. Si je ne me trompe pas, M. Menzies, ou l'un des autres représentants, a laissé savoir qu'en ce qui concerne le canola, la Commission canadienne du blé était responsable.

Toutes les sociétés ferroviaires qui ont témoigné, ainsi que la Commission canadienne du blé, qui a aussi témoigné devant le comité, ont affirmé qu'ils voulaient un système où on mettrait les choses en place en vue d'assurer l'imputabilité et la responsabilité.

Ce qui m'amène à la question du contrôle dont parlent les ministres. À votre avis, le contrôle contribuera-t-il à nous mener dans cette voie?

Cela me préoccupe. Serons-nous capables de protéger la confidentialité? Serons-nous en mesure de recueillir les preuves? Si on conclut à une faute, y a-t-il un moyen de la corriger? Mais il est certain que nous devons savoir concrètement ce qui se passe dans le système, qu'il s'agisse de la Commission du blé, que j'appuie, des sociétés ferroviaires ou de toute autre partie.

Quelle est votre opinion sur la question du contrôle? Obtiendra-t-on les résultats annoncés par le ministre? Sinon, comment pouvons-nous l'adapter afin d'obtenir ces résultats?

Le président: Je crois que M. Easter aimerait probablement recevoir une réponse de chaque groupe, mais je vous invite à être brefs, s'il vous plaît.

• 1030

M. Terry Boehm: D'accord. Je commencerai. Il est question ici du contrôle indépendant par opposition au rôle de l'organisme, et de faire passer quelque chose du domaine public à ce tiers indépendant. Nous ignorons quels seront ses pouvoirs et ses objectifs. En effet, nous avons posé ces questions dans notre mémoire.

Je crois que le ministre et les artisans de la loi, s'ils décident d'aller dans cette direction, devraient consulter les producteurs, collaborer avec eux et les inviter à participer d'une manière significative. Ensuite, lorsque le contrôle aura lieu, que fera-t-on avec l'information... Nous craignons fortement que le contrôle ne soit biaisé en faveur d'intérêts particuliers, selon la personne chargée d'assurer cette tâche. Notre expérience avec MM. Estey et Kroeger n'a pas été heureuse. C'est notre point de vue.

Le président: Monsieur Doerksen.

M. Ernie Doerksen: Nous estimons qu'un certain contrôle s'impose. Pour l'instant, nous n'avons pas une idée claire de l'identité de la personne qui sera chargée d'assurer le contrôle, des personnes qui y participeront ou du mandat. Toutefois, compte tenu de la formulation actuelle de la loi, nous croyons certainement que le contrôle s'impose. En notre qualité de groupe représentant des agriculteurs, nous estimons que les agriculteurs doivent participer à l'élaboration du mandat de l'organisme de contrôle. Nous croyons certainement que cela s'impose.

Le président: Monsieur Menzies.

M. Ted Menzies: Il est très intéressant que le seul chaud partisan de la Commission canadienne du blé soit un député qui ne réside même pas sur le territoire servi par la Commission. Mon comptable...

M. Wayne Easter: J'invoque le Règlement, monsieur le président...

M. Ted Menzies: Mon comptable me dit...

M. Wayne Easter: J'ai passé 12 ans...

Le président: Attendez.

Monsieur Menzies, les députés qui siègent à un comité ne sont pas tous des experts sur une seule question. Nous sommes ici pour présenter non seulement nos circonscriptions respectives, mais aussi, bien sûr, les intérêts de tous les Canadiens. Même si nous ne possédons pas l'expérience, nous avons certainement l'occasion d'en apprendre davantage. C'est pourquoi nous accueillons de nombreux témoins, et c'est pourquoi nous tenons compte de tous ces témoignages. Je ne compte pas vous décrire de fond en comble le rôle d'un député, mais il est clair que votre remarque est inacceptable, je crois, aux yeux d'un grand nombre de députés.

M. Ted Menzies: Je m'excuse, monsieur le président.

Au dire de mon comptable, la Commission canadienne du blé nuit à ma rentabilité. C'est le point que je voulais soulever. Et en réponse à ce qui a été dit précédemment, oui, j'ai voté à l'occasion de cette élection.

J'aimerais ajouter rapidement un commentaire sur la responsabilité, sur le contrôle. Je suppose que si nous adoptons les recommandations Estey, le mandat de cette tierce partie sera beaucoup plus simple, car le régime contractuel commercial serait autonome.

Le président: Monsieur Earl.

M. Paul Earl: Monsieur le président, sur la question du contrôle, je crois que la plupart des organisations membres de la PFCC n'accepteraient qu'à contrecoeur le besoin de créer un organisme de contrôle dans un régime réglementé. Cela nous a rendu nerveux, car l'ancien Office du transport du grain, qui avait ce mandat, n'a pas tardé à faire partie du problème. Ce n'est pas une solution à long terme. C'est une solution à court terme. La création d'un régime commercial est une solution à long terme.

Le président: Monsieur Borotsik, s'il vous plaît.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Je ne tiens pas à ce que les discussions s'attachent à des questions idéologiques, à des problèmes et à des croyances, mais il est évident que la question suscite de vives divergences d'opinion. J'espère que nous arriverons à travailler ensemble, car cela pourrait...

En passant, monsieur le président, est-ce qu'on ne devient pas expert sur toutes les questions lorsqu'on est élu député? Il me semble que c'est ce qui devrait se produire.

Je ne prétends certainement pas être un expert sur cette question, car elle est très complexe. Cependant, je crois qu'on aurait pu la rendre beaucoup plus simple et beaucoup plus positive si, de fait, on tenait compte réellement du facteur concurrentiel dans la tranche de 25 p. 100 du transport qui devait faire l'objet d'un appel d'offres.

Comme on le précise dans le PE que nous avons reçu hier soir... Je ne sais pas si les organisations l'ont vu. À mon avis, le PE accorde tout simplement un pouvoir total à la Commission canadienne du blé en ce qui concerne les appels d'offres et l'affectation des services ferroviaires. C'est ce que j'ai compris. Monsieur Menzies, seriez-vous d'accord avec l'affirmation de M. Earl selon lequel nous avons non seulement retourné au statu quo, mais bien fait un pas en arrière dans le processus, dans le système?

M. Ted Menzies: C'est certainement mon impression. M. Earl comprend ce système beaucoup mieux que moi.

• 1035

M. Rick Borotsik: Monsieur Earl, s'il s'agissait effectivement d'une tranche de 25 p. 100 vraiment ouverte et concurrentielle, c.- à-d. qu'elle serait commerciale, est-ce que cela ne nous permettrait pas—à titre de députés et de producteurs—de faire la comparaison entre un système commercialisé et une tranche de 75 p. 100 qui serait toujours contrôlée par la Commission canadienne du blé grâce à la gestion des services ferroviaires et de leur maîtrise du système?

M. Paul Earl: Oui, absolument. La principale faille tient au fait que la Commission canadienne du blé négocie encore des contrats avec les sociétés ferroviaires pour le transport de tout son grain, y compris la tranche qui fait l'objet d'appel d'offres. Si cette tranche avait été exclue...

M. Rick Borotsik: D'accord. Si on adopte une modification selon laquelle, dans le cas de la tranche de 25 p. 100, l'expéditeur officiel serait la société céréalière qui achète le grain, est-ce que cela aiderait les Canadiens et les producteurs à déterminer quel système serait plus efficace—un système commercialisé ou le système réglementaire actuel?

M. Paul Earl: En bref, oui. Cependant, il est difficile d'inscrire la société céréalière à titre d'expéditeur officiel d'une tranche de 25 p. 100 qui...

M. Rick Borotsik: Eh bien, je suppose que cela m'amène à ma prochaine question. On a laissé entendre, au cours de la séance, qu'il s'agit d'une première étape, et que cette première étape est positive. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela, car avec le contrôle actuel, d'après ce qu'on m'a dit—et je vous céderai la parole afin d'obtenir vos commentaires -, de fait, la Commission canadienne du blé peut advenant un déséquilibre occasionné par l'appel d'offres touchant la tranche de 25 p. 100, rétablir l'équilibre, grâce à la tranche de 75 p. 100, avec les sociétés ferroviaires, au moment d'octroyer les contrats. Estimez-vous que cela est possible dans le système actuel?

M. Paul Earl: Ce que je vois, c'est que la Commission canadienne du blé contrôle encore tous les wagons et continuera de contrôler l'ensemble du transport, et la tranche de 25 p. 100 qu'on soumettra aux appels d'offres ne change presque rien à ce problème.

M. Rick Borotsik: D'accord.

Revenons à la question du contrôle. En passant, lorsqu'il a parlé du contrôle, M. Easter a omis de mentionner une disposition très importante du PE, qui se lit comme suit: «Ces ministres détermineront la mise à la disposition du public des rapports du tiers indépendant.».

Je suis un partisan de l'ouverture et de la transparence. Je souhaiterais que les rapports de l'organisme de contrôle—qui tiendrait compte des considérations liées à la confidentialité—soient présentés non pas aux ministres, mais bien au Parlement, car, avec tout le respect que je leur dois, les ministres ne sont peut-être pas disposés à rendre publique toute l'information fournie par l'organisation de contrôle. Convenez-vous que le contrôle devrait être rendu public et que la reddition de comptes devrait être effectuée auprès du Parlement?

M. Paul Earl: J'avancerais que le public devrait jouir d'un accès complet aux rapports de l'organisme de contrôle—absolument.

M. Rick Borotsik: Monsieur Boehm. Sur cette question liée au contrôle, croyez-vous qu'on doit rendre publics les rapports?

M. Terry Boehm: Je crois que le public a besoin de participer de façon significative à l'établissement des paramètres, etc. et je crois que la diffusion étendue de l'information est avantageuse.

M. Rick Borotsik: J'ai entendu vos réponses à la question de M. Proctor, et je me posais cette question. Nous sommes entre l'arbre et l'écorce. Je ne vois qu'un projet de lois qui ne change aucunement le système. M. Estey témoignera devant le comité, et nous dira exactement ce qu'il pense de ses recommandations et de leur enchâssement dans le projet de loi.

Toutefois, au coeur du problème se trouve un potentiel, et je souligne le mot «potentiel», de 178 millions de dollars qui pourraient revenir aux producteurs. Nous vivons tous dans la région où les producteurs ont été touchés plutôt durement au cours des dernières années, en particulier au cours des deux ou trois dernières années, et toute somme récupérée par les agriculteurs serait certainement bénéfique.

Cela dit, je vous ai entendu manifester votre appui ou votre désaccord à l'égard du projet de loi. J'apprécie le fait que chacun d'entre vous, pour diverses raisons, fassiez état de vrais problèmes en ce qui concerne ce projet de loi, mais il y a 178 millions de dollars sur la table. Si vous deviez voter, est-ce que vous voteriez—en faisant abstraction de la question du transport—afin que les 178 millions de dollars soient retournés aux producteurs?

M. Paul Earl: Je crois que les 178 millions de dollars s'évaporeront. Avec un système commercial, c'est de 360 millions de dollars qu'on parlerait.

M. Rick Borotsik: Monsieur Boehm.

M. Terry Boehm: Un système commercial? Que diable...

Des voix: Oh , oh!

M. Rick Borotsik: Non, non. Seriez-vous disposé à voter à contrecoeur sur le projet de loi et à soutenir, par un vote, le retour de 178 millions de dollars aux producteurs.

M. Terry Boehm: Oh, je crois que nous devrions voter en faveur de 358 millions de dollars aux producteurs.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur Boehm, mais cela ne fait pas partie du projet de loi.

Et qu'en pense les producteurs de canola?

Le président: Attendez sa réponse. Il ne vous a pas répondu.

M. Rick Borotsik: Oui. Il voudrait 350 millions de dollars, mais cela n'est pas prévu dans le projet de loi.

Accepteriez-vous de voter à contrecoeur de façon à ce que les 178 millions de dollars soient retournés?

M. Terry Boehm: Je crois que c'est une question... Une décision intelligente à l'occasion d'un vote tient à une évaluation intelligente du projet de loi.

M. Rick Borotsik: Et quelle est votre évaluation intelligente du projet de loi?

M. Terry Boehm: Je dirais que le plafonnement des revenus

Le président: Non. Il vous pose une question directe.

M. Terry Boehm: D'accord.

Le président: Seriez-vous disposé à voter à contrecoeur en vue d'attribuer l'argent aux agriculteurs, ou leur diriez-vous plutôt: «Non, ne prenez pas l'argent, et nous éliminerons telle ou telle disposition»?

• 1040

M. Terry Boehm: Eh bien, c'est exactement ce que nous craignions lorsque nous avons discuté de nos préoccupations à l'égard du projet de loi. Si on nous mettait dans une position...

M. Rick Borotsik: C'est drôle, nous aussi.

M. Terry Boehm: Si on nous mettait dans une position où, si on contestait un élément du projet de loi, on se retrouverait en quelque sorte...

Le président: Oui. Nous comprenons tout cela.

M. Rick Borotsik: En passant, c'est tout à fait ce qui se produit. C'est exactement ce qu'ils ont fait...

Le président: Rick, Mme Manson pourrait peut-être répondre au nom de...

Mme Wendy Manson: [Note de la rédaction: inaudible]... la question l'an dernier, et j'y ai répondu plus tôt. Comme je l'ai déjà dit, je crois que vous pouvez nous accorder les 5 $ et réfléchir un peu plus à des questions qui posent un problème à long terme. C'est notre réponse. Vous êtes peut-être dans une position où il est très commode de répondre à tout le monde que vous ne pouviez rien faire.

M. Rick Borotsik: Je ne suis pas du tout de cet avis.

Mme Wendy Manson: «Nous devions voter en faveur du projet de loi pour vous accorder les 5 $, et nous sommes très désolés que cela occasionnera des problèmes plus tard.»

M. Rick Borotsik: [Note de la rédaction: inaudible]... projet de loi qui, franchement, nous a placés dans une situation inconfortable, et cela ne me fait pas plaisir.

Qu'en pensent les producteurs de canola?

Mme Wendy Manson: Eh bien, nous nous soucions des résultats à long terme.

M. Wayne Bacon: Tout d'abord, je ne suis pas convaincu que nous économiserons 178 millions de dollars, et je vous dirai pourquoi. Je dois parcourir 60 milles pour tenter de réaliser ces économies, et je pourrais probablement économiser 2 $ en livrant mon grain à mon propre élévateur au lieu de parcourir 60 milles. Cela me coûtera 8 $ la tonne pour transporter mon grain, et je n'économiserai que 6 $ en faisant cela.

Le président: Eh bien, Rick, j'espère que vous avez obtenu la réponse que vous souhaitiez.

M. Rick Borotsik: Je vous avait dit au début de la séance, monsieur le président, que le groupe rassemble un certain nombre d'idéologies, de sorte que...

Le président: Oh oui, ce n'est pas un sujet facile.

Monsieur Hubbard, je vous prie.

M. Charles Hubbard: Nous ne vivons pas dans un monde parfait.

Une voix: Le Nouveau-Brunswick—n'est-ce pas un monde parfait?

Le président: Oui, vous provenez du Nouveau-Brunswick, n'est- ce pas monsieur Hubbard?

M. Charles Hubbard: Il y a cinq ou six ans, nous nous sommes penchés sur la question de l'expédition et du transport ferroviaire du grain et l'une des grandes préoccupations des agriculteurs de l'Ouest concernait le service: les wagons à grain, la disponibilité. À l'époque, monsieur le président, le coût n'était pas la principale considération. Vous étiez président à l'époque, et nous avons établi les taux.

Bien sûr, depuis, nous nous sommes penchés sur la question du prix des marchandises, et aujourd'hui, nous entendons parler de productivité. La question de la productivité concerne principalement les sociétés ferroviaires. Les agriculteurs améliorent aussi leur productivité, et je poserai quelques questions à M. Menzies, car il a présenté des chiffres.

Vous avez mentionné que, l'an dernier, votre ferme avait assumé des coûts d'expédition d'à peu près 188 000 $. Est-ce exact, monsieur Menzies?

M. Ted Menzies: C'est une projection qui déborde sur l'exercice en cours et qui tient compte de la surface ensemencée, cette année, si tout se déroule comme prévu.

M. Charles Hubbard: Maintenant, envisageons cela en fonction des coûts d'expédition, qui, je suppose, correspondraient au transport de la ferme jusqu'à l'élévateur à grain, jusqu'à... de quelle étape de l'expédition?

M. Ted Menzies: Cela fait uniquement référence au transport ferroviaire.

M. Charles Hubbard: Au transport ferroviaire uniquement. Par rapport à vos dépenses d'ensemble—et je ne vous poserai pas de questions sur vos profits, car j'espère que vous en réalisez—, quel pourcentage des dépenses totales d'exploitation de votre entreprise est lié au transport ferroviaire?

M. Ted Menzies: Probablement plus du tiers. Ce serait environ le tiers, et je l'estimerais à plus d'un tiers.

M. Charles Hubbard: Vous parlez donc d'environ 33 p. 100 de vos dépenses. Ce pourcentage a-t-il changé par rapport à il y a environ cinq ans? Pouvez-vous me fournir des renseignements sur cette variation possible?

M. Ted Menzies: En fait, les pourcentages n'ont probablement pas varié beaucoup, mais les chiffres bruts ont certainement baissé. J'ai réduit mes coûts, et c'est la seule raison pour laquelle j'ai plus d'argent dans mes poches, mais nous parlons d'un coût à l'égard duquel je n'ai aucun contrôle.

M. Charles Hubbard: Donc, en ce qui concerne la productivité... je crois, monsieur le président, qu'il ne faut pas perdre de vue l'existence d'un gros problème au chapitre du prix des marchandises. Vous parlez d'une tranche de 33 p. 100 de vos dépenses. Vous avez aussi amélioré votre productivité, comme c'est le cas, apparemment, des sociétés ferroviaires. C'est ce qui semble transparaître.

Vous savez, le projet de loi réduira d'environ 180 millions de dollars les revenus des sociétés ferroviaires. Quelqu'un perdra pas mal d'argent. Si on sacrifie une partie pour une autre et que l'on cause une réduction du service, je crois que nous devons... Nous avons déjà parlé des droits de circulation en ce qui concerne les chemins de fer, lorsque nous avons tenté de déterminer qui devrait gérer les chemins de fer et contrôler l'expédition.

L'autre question que j'aimerais poser est la suivante: vous avez parlé du revenu de votre ferme, mais je suppose que vos revenus ont baissé considérablement au cours des cinq dernière années. Quel est le pourcentage de cette baisse?

M. Ted Menzies: Ce serait difficile d'exprimer cela en pourcentage. La ferme n'est pas statique, car je loue beaucoup de terres. La surface varie en fonction des terrains disponibles. Histoire de vous donner une idée, si j'avais maintenu la surface dont je disposais il y a cinq ans, mon revenu serait probablement réduit d'au moins 40 p. 100.

• 1045

M. Charles Hubbard: Et combien d'acres exploitez-vous cette année, disons, en l'an 2000?

M. Ted Menzies: J'ai ensemencé 5 500 acres cette année.

M. Charles Hubbard: Environ 5 000 ou 6 000 acres.

M. Ted Menzies: Je ne connais pas les chiffres exacts.

M. Charles Hubbard: Monsieur le président, je suis heureux que M. Borotsik ait posé cette question, mais tout le monde devra voter sur ce projet de loi. On peut voter pour ou contre le projet de loi, et la plupart d'entre nous sont préoccupés par certains aspects, mais je crois que chacun d'entre nous devra déterminer ce qui permettra le mieux d'aider les agriculteurs de l'Ouest au cours de l'année à venir et, probablement, des quelques années qui suivront. Je sais que le projet de loi contient des éléments que vous n'aimez pas, que nous n'aimons pas et qu'ils n'aiment pas, mais il faut faire quelque chose.

Mon principal objectif à titre de député consiste à aider les agriculteurs qui sont confrontés à ces problèmes, mais, dans l'ensemble, à long terme, le principal aspect qui devrait nous préoccuper—et je signale que je fais un peu d'expédition aussi—, c'est le service. S'il n'y a pas de service... on peut avoir tout le grain, tout le bois à pâtes ou toute autre marchandise possible sur sa ferme, tout ça ne vaut rien si on ne peut le mettre sur le marché.

M. Menzies voudrait peut-être commenter.

Le président: Très rapidement, monsieur Menzies.

M. Ted Menzies: En réponse à cette question et à la question de M. Borotsik, vous avez raison de dire que les 178 millions de dollars ne reviendront pas aux agriculteurs. Comme l'a si bien dit M. Earl, l'argent s'évaporera avant d'arriver. Nous allons perdre du service. Un chemin de fer ne sera pas exploité. Si les sociétés ferroviaires peuvent transporter d'autres produits et en tirer profit, elles ne placeront plus le transport du grain en priorité. Le service qui nous sera offert diminuera. Vous avez tout à fait raison.

Le président: Le moins qu'on puisse dire, c'est que les opinions sont variées. Monsieur Hubbard, très bonne intervention. Si je puis ajouter quelque chose aux remarques de M. Hubbard, j'aimerais souligner qu'il est très clair, et peut-être vraiment dommage, qu'il n'existe pas un seul organisme qui représente tous les agriculteurs, ce qui crée toutes ces divergences d'opinion et complique l'existence d'à peu près tout le monde.

MM. Hilstrom et Jackson ont des questions. Ensuite, nos témoins pourront partir.

M. Howard Hilstrom: D'accord, et je ne mentionnerai pas qui était président du Syndicat national des cultivateurs avant d'être élu au Parlement.

L'objectif de cet examen du transport du grain était...

M. Rick Borotsik: J'invoque le règlement. Je tiens seulement à signaler que je n'étais pas président du SNC avant d'être élu au Parlement. Je tiens à ce que cela soit noté officiellement, d'accord?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Ce n'est pas une objection.

Poursuivez, monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom: On a procédé à cet examen du transport du grain parce que toutes les parties concernées s'entendaient pour dire que le système actuel, très rigide, ne fonctionne pas. J'aimerais poser une simple question à tous les participants: estimez-vous que le très rigide système en place avant les recommandations Kroeger-Estey comptait des failles graves qui exigeaient la prise de mesures, et que la solution consiste à adopter un système commercial au lieu d'alourdir la réglementation?

Le président: Je prie tous les participants de répondre brièvement, et nous passerons à autre chose par la suite.

M. Howard Hilstrom: Juste une réponse rapide.

M. Andy Elliott (directeur exécutif, Western Canadien Wheat Growers Association): Faites-vous référence à un système de transport commercial, monsieur?

M. Howard Hilstrom: Je vous demande si vous convenez que le système précédent ne fonctionnait pas du tout, ou qu'il était affligé par des problèmes qui exigeaient une solution autre que la réglementation.

M. Andy Elliott: Je suis d'accord avec l'idée que le système précédent ne fonctionnait pas bien, et je crois que nous serions en faveur de passer le plus rapidement possible à un système commercial qui placerait le grain au même niveau que toute autre marchandise, avec toutes les libertés et toutes les responsabilités que cela suppose.

Le président: Merci, monsieur Elliott.

Monsieur Earl.

M. Paul Earl: Absolument, le système ne fonctionnait pas. Le juge Estey a déclaré qu'au bout du compte la Commission canadienne du blé était la cause des ratés du système et c'est sur cette question que nous devons nous pencher: l'élimination de l'intervention de la Commission canadienne du blé au chapitre du transport. C'est tout.

Le président: Madame Manson.

Mme Wendy Manson: Eh bien, il ne faut pas perdre de vue qu'au début du siècle, nous étions dotés d'un système non réglementé qui a évolué au fil de... Dans de nombreuses conversations, beaucoup de gens ont mentionné à quel point le système est complexe. Oui, il l'est, mais il fait beaucoup de choses. Il a évolué pour finalement devenir une série de règlements, un cadre réglementaire qui, je crois, fonctionnait plutôt bien.

• 1050

À l'heure actuelle, nous nous dirigeons vers un système déréglementé, et on suppose que cela favorisera la compétitivité et le commerce. À mon avis, le problème, c'est que rien ne prouve que le système sera concurrentiel. Il y a beaucoup de preuves que le système sera complètement déréglementé, mais il n'est pas du tout évident qu'il sera autre chose. Compte tenu du fait que nous avions déjà un système non réglementé, il y a très très longtemps... alors, c'est ça... Nous avons l'impression que ces règlements ont bien fonctionné.

Le président: Monsieur Bacon ou monsieur Doerksen.

M. Wayne Bacon: Nous étions d'avis qu'il fallait créer un système commercial concurrentiel.

Le président: Je cède maintenant la parole à M. Jackson pour une seule question, et, ensuite, nous passerons à autre chose.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Monsieur le président, comme vous l'avez peut-être constaté, j'écoute beaucoup, et je crois qu'il est humain de se demander ce qu'on peut retirer de quelque chose et de dire qu'on ne se soucie pas du tout des autres, ou de s'en remettre à la vieille théorie de Machiavel selon laquelle les plus forts feront ce qu'ils peuvent et les plus faibles subiront ce qu'ils doivent, de sorte que d'autres agriculteurs feront faillite. Compte tenu du vaste territoire et des problèmes de transport qu'on connaît au Canada, je ne crois pas qu'on pourrait créer un système pleinement concurrentiel sans se doter d'une certaine réglementation. Je ne crois pas que cela pourrait se produire.

Je crois que tous les groupes envisagent leurs propres intérêts et disent au gouvernement de faire ceci ou cela. Quand tout fonctionne bien et que le prix des marchandises est convenable, tout le monde est content. Quand ça ne fonctionne pas, c'est la faute du gouvernement, car il a en quelque sorte commis une erreur. Il n'aurait jamais dû adopter ce règlement.

Ma question s'adresse à tous. Si nous mettons sur pied toute l'infrastructure, nonobstant le fait que le prix de vos marchandises baisse et que cela vous pose un problème—et je ne sais pas à quel moment un régime de concurrence permettra de les résoudre—y a-t-il, à l'heure actuelle, suffisamment d'infrastructures? Toutes vos marchandises sont différentes. Elles se retrouvent sur le réseau à divers moments. Vous connaissez divers problèmes dans les ports, en raison de l'entreposage et des différents types de conteneurs que vous devez utiliser. L'infrastructure actuelle pour le service sur courtes distances est-elle suffisante pour devenir un service complètement commercial, comme vous le demandez tous? Est-ce que cela va fonctionner? L'infrastructure actuelle est-elle suffisante? Y a-t- il suffisamment de silos et de tous les autres éléments essentiels à la réussite?

Le président: Les témoins ont-ils des commentaires finaux à présenter?

Mme Wendy Manson: J'aimerais seulement ajouter un commentaire, pendant que les autres réfléchissent à la question. Il est plutôt ironique qu'on s'éloigne d'une époque où nous étions dotés d'un réseau assez complexe de lignes secondaires et de lignes principales et de nombreux élévateurs à grain, d'un système qui avait beaucoup de choses, pour adopter un système offrant moins d'infrastructures. C'est intéressant, car, au même moment, nous produisons un plus grand nombre de récoltes et nous tentons d'accroître le nombre de grades et d'éléments différents dans ces récoltes. Par conséquent, nous produisons davantage de récoltes plus complexes, pendant que le système évolue de façon à ne pas pouvoir soutenir la complexité. Cette orientation contribue à la création d'une infrastructure qui ne peut soutenir une économie rurale complexe.

Le président: Monsieur Elliott.

M. Andy Elliott: Monsieur le président, on cite souvent les paroles de Mackenzie King, selon lequel les problèmes du Canada étaient géographiques, alors que ceux des autres pays étaient historiques. Notre histoire est en partie façonnée par cette réaction à un vaste territoire. Nous avons bâti trop de chemins de fer et trop de routes et, bien souvent, nous avons bâti trop de ports. La solution à notre problème ne tient donc pas à l'infrastructure. Il s'agit probablement de s'attacher à utiliser l'infrastructure réduite, d'une manière plus efficace et plus efficiente. Nous devons nous organiser de façon à tirer le maximum de cette infrastructure dans un environnement commercial.

Le président: Monsieur Earl.

M. Paul Earl: J'aimerais seulement souligner que nous avons été dotés d'un système très rigide pendant 50 ans. C'était un système coûteux qui offrait un faible rendement aux agriculteurs. C'est un fait historique. C'est pourquoi nous avançons qu'il faut déréglementer.

Le président: Monsieur Bacon.

M. Wayne Bacon: L'infrastructure actuelle elle est suffisante, je ne crois pas que le problème se trouve là. C'est le coût lié au fonctionnement de cette infrastructure qui est préoccupant.

Avant de terminer, j'aimerais poser une question à M. Easter. En novembre dernier, quand nous avons connu des problèmes avec l'industrie du canola, la Commission canadienne du blé contrôlait essentiellement 70 p. 100 des wagons, et l'industrie du canola, environ 30 p. 100. J'aimerais savoir comment le projet de loi permettrait de régler cette situation. Nous aurions pu utiliser 70 p. 100 des wagons en novembre, et nous aurions pu répondre à nos besoins en exportations pour cette période. Sans ces wagons, nous ne pouvons y arriver. J'aimerais savoir comment nous allons veiller à ce que ces wagons soient disponibles lorsque nous en aurons besoin.

• 1055

Le président: Madame Manson, -messieurs, je vous remercie beaucoup d'avoir présenté vos mémoires au comité et d'avoir répondu à nos questions.

À coup sûr, je dirais que certaines des questions soulevées étaient quelque peu théoriques...

M. Howard Hilstrom: Je suis d'accord.

Le président: ... cela fait bien rire M. Hilstrom—puisque nous étions dotés d'un système qui ne fonctionnait pas et qui avait besoin d'être corrigé, et que des rapports ont été déposés par le juge Estey et M. Kroeger. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.

Nous vous remercions d'avoir présenté un mémoire et d'avoir témoigné.

Nous ferons une pause jusqu'à 11 h ou jusqu'à ce que le juge Estey arrive. Merci.

• 1056




• 1108

Le président: Revenons à notre ordre du jour, soit la modification de la Loi sur les transports au Canada et le projet de loi C-34.

Le Comité permanent des transports tient à souhaiter la bienvenue à un grand homme, le juge Willard Estey. Le juge Estey, bien sûr, était responsable de l'examen de la manutention et du transport du grain, auquel il a consacré presque un an de sa vie.

Monsieur le juge, nous sommes très heureux de vous accueillir ce matin pour entendre votre exposé. Lorsque vous aurez terminé, nous passerons directement aux questions. Veuillez prendre la parole lorsque vous serez prêt.

L'honorable Willard Z. Estey (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, je tiens d'abord à vous remercier de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui, quoique je serais plus sincère si je savais de quoi nous allions parler. Mais je ferai de mon mieux. Notre service est terminé depuis longtemps, car nous avons quitté le champ de bataille de cette enquête.

Mon exposé, qui sera très bref, comptera trois volet: premièrement, qu'est-ce qu'on nous a demandé de faire?; deuxièmement, l'avons-nous fait?; et troisièmement, d'un point de vue national, qui est concerné? Quelle avenue choisira-t-on? Dans le cas qui nous occupe, il y en a deux, et elles sont adoptées par deux groupes différents de personnes, quoique, de temps à autre, certaines personnes alternent constamment entre les deux voies.

• 1110

Pour commencer, je crois que la principale chose que vous devriez savoir, c'est la teneur du mandat qu'on nous avait confié. Par exemple, on nous a dit de recommander un plan—et je cite—«visant à maximiser l'efficience, la compétitivité et l'utilisation de la capacité du système», et d'examiner les aspects législatifs et réglementaires, le transport routier transfrontalier et la manutention et le transport du grain, de la ferme jusqu'au bateau.

Le mandat s'assortit de détails que vous n'avez pas besoin de connaître, mais les recommandations liées au mandat doivent viser l'adoption d'un éventuel système logistique permettant de réaliser l'objectif de l'examen.

On y mentionne aussi la phrase suivante, que je tiens à signaler, car elle est très importante: «Les recommandations émises s'assortiront de plans connexes de mise en oeuvre.»

Cela devient important, car, après avoir trimé dur sur ce rapport et l'avoir déposé, nous avons vu le Gouvernement du Canada créer un comité de mise en oeuvre—ce sont les mots utilisés—pour exécuter le rapport que mes collègues et moi-même avons produit. Parmi ces collègues, je tiens à mentionner Neil Thurston, qui a eu l'amabilité de se présenter à la séance d'aujourd'hui pour me garder sur le droit chemin. Avec notre petite armée de cinq personnes, nous avons effectivement couvert tous les aspects décrits dans le mandat que je vous ai lu, et nous étions plutôt stupéfaits lorsque nous avons appris qu'un autre mécanisme public/privé avait été créé, soit un comité de 54 personnes, pour la mise en oeuvre de notre document de 78 pages - en réalité, le travail concret tient en seulement 68 pages—, qui, par nécessité, expliquait comment mettre en oeuvre les recommandations. C'est évident. Mais j'y reviendrai plus tard.

Après le dépôt du rapport, le 21 décembre 1998, avant la fin du délai d'un an qu'on nous avait accordé... je devrais signaler qu'il n'est pas facile d'examiner les tribulations d'une si grande industrie avec un personnel de quatre personnes, au cours d'une période de douze mois, de sorte qu'on pourrait faire valoir qu'il faudrait combler certaines lacunes afin de mettre en oeuvre les recommandations. Je ne crois pas que ce soit vrai, mais on pourrait l'affirmer.

Presque immédiatement après l'annonce du ministère des Transports, le 19 mai, selon laquelle le gouvernement comptait mettre en oeuvre nos recommandations, le comité d'adaptation ou de mise en oeuvre a été créé, nous avons quitté la scène, et le comité a pris la relève.

Je reviens aux recommandations que nous avons formulées. Avant de le faire, je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'une simple transaction bilatérale régie par une simple loi. Il s'agit d'une industrie complexe, qui représente environ 30 p. 100 des marchandises transportées par le réseau ferroviaire, ce qui représente beaucoup d'argent pour 100 000 agriculteurs, davantage collectivement qu'individuellement, et on la compte souvent parmi les industries essentielles de notre pays. Donc, lorsque vous nous entendez présenter nos recommandations, vous devez toujours tenir compte de la situation du système actuel—et il existe depuis longtemps, affiche d'excellents antécédents, et a connu des hauts et des bas, par exemple pendant le marasme des années 30 et les guerres des années 40—, et les vraies questions que doit se poser la Chambre sont les suivantes: l'utilité du système actuel s'est- elle dégradée, et, dans l'affirmative, jusqu'à quel point? Si c'est le cas, alors, que faut-il recommander? C'est le raisonnement que nous avons suivi, et je crois qu'on doit le garder en tête lorsqu'on lit certaines des propositions isolées que nous avons formulées.

• 1115

Je vous décris la méthode utilisée pour produire les faits sur lesquels nous avons fondé le rapport. D'abord, on nous a dit que le processus se voulait non pas inquisitoire, dans le sens d'interrogations forcées, mais bien consultatif; on ne nous a pas invités à tenir des audiences, et ce n'était pas notre intention, mais nous devions tout de même mener une étude consultative, parfois sous forme de rencontres individuelles, parfois avec 100 personnes, ou quelque chose entre les deux.

Je voudrais aussi signaler que c'est une initiative exigeante physiquement, car Neil et moi-même avons parcouru 88 000 milles aériens en 1998, pour prendre connaissance de la situation et l'examiner. J'ai aussi consacré 10 ou 15 heures dans un avion monomoteur, à environ 100 pieds d'altitude, afin de vérifier si tout le bruit qu'on faisait au sujet de l'endommagement des routes, par les gros et les petits camions et le dégel du printemps, était fondé.

De plus, nous avons tenu... Je ne sais pas si je peux parler de centaines, mais je crois qu'il s'agissait de centaines de rencontres, à défaut d'un meilleur mot, avec des personnes engagées dans un secteur ou l'autre de l'industrie, ainsi que, bien sûr, principalement des agriculteurs. J'en ai rencontré beaucoup chez eux, dans des salles de classe et des hôtels de ville, ainsi que dans des halls d'entrée d'aéroport. Nous avons parlé en long et en large des effets du système à l'échelon familial. Bien sûr, on entend toutes sortes de critiques et, à l'occasion, quelque chose de positif, mais c'est le propre de l'enquête que nous avons menée.

Lorsque nous avons terminé tout ce travail, nous avons pris environ un mois pour rédiger le rapport. Comme je l'ai souvent dit aux tribunaux, y compris celui qui est situé tout près d'ici, j'espère que vous avez lu mon mémoire—et il y a beaucoup de gens qui se raclent la gorge, mais personne ne dit jamais oui. Un jour, l'un de mes adversaires a déclaré: «Ce rapport s'attaque à la loi, et il est très court. Et je veux savoir, monsieur le juge en chef, si vous l'avez lu et si vos collègues l'ont lu.» Il y a eu beaucoup d'atermoiements et d'hésitations, jusqu'à ce que cet avocat audacieux dise: «Très bien, vos Seigneuries, lisons-le tous ensemble.»

Nous ne pouvons pas faire cela ici, mais je ne crois pas qu'il soit facile de comprendre ce que je m'apprête à dire si vous n'avez pas pris connaissance du rapport.

J'ai démontré l'envergure et l'étendue de cette initiative en préparant ce que nous appelons ironiquement un résumé des recommandations. Le résumé s'est révélé trop long, mais nous avons formulé des recommandations relatives à des aspects qui ne sont pas vraiment liés à vos travaux, c.-à-d. les ports et les voies navigables. Nous avons formulé des recommandations sur le système d'information de gestion.

Nous nous sommes ensuite penchés sur des questions liées au nettoyage du grain, à l'endroit où le nettoyage devrait être effectué, aux méthodes de négociation et au moyen de le rendre concurrentiel. Nous avons tenté de déterminer comment on peut éviter de transporter les matières étrangères de l'autre côté des Rocheuses et de faire le tri lorsqu'on arrive à Vancouver, après avoir payé le transport. Et, croyez-le ou non, ce genre de chose se produit.

Il y a ensuite la question des wagons chargés par les producteurs, lorsque les agriculteurs ont beaucoup d'énergie et, peut-être, de temps. Ils chargent leurs propres wagons à marchandises; de sorte qu'on en vient à se demander à qui devraient appartenir ces wagons-trémies.

• 1120

Enfin, il y a les aspects plus complexes. Lorsque vous aurez compris la théorie de la relativité d'Einsten, je vous invite à vous pencher sur la théorie de l'attribution des wagons.

Des voix: Oh, oh!

M. Willard Estey: Einstein serait mort beaucoup plus jeune s'il avait résolu ce problème-là. Et je ne tente pas de le faire. Je recommande tout simplement qu'on l'abandonne, qu'on flanque tout cela par la fenêtre et qu'on s'en remette à la libre entreprise, comme c'est le cas pour tout autre Canadien qui souhaite utiliser de l'espace dans un wagon couvert.

Ensuite, il y a le plafond relatif au transport ferroviaire. Cela représente vraiment l'élément crucial de cette question: le plafond relatif au transport ferroviaire vise uniquement le secteur canadien qui fait l'objet d'un contrôle au chapitre du tarif- marchandises, cÂest-à-dire les producteurs de grain de l'Ouest canadien. Le plafonnement des revenus—j'y reviendrai plus tard—n'est pas une question facile. Je me bornerai à dire que de nombreux agriculteurs, et avec raison, estiment avoir besoin de cette protection contre les problèmes liés au transport ferroviaire s'il n'y a aucune surveillance des tarifs par une tierce partie.

Ensuite, il y a la concurrence entre les sociétés ferroviaires. Cela en soi vaut une étude. Il n'y avait pas beaucoup de concurrence, et elles n'étaient pas faites pour se concurrencer l'un l'autre. Les ceintures est-ouest et nord-sud dans notre pays sont comme les rayures d'un tigre, avec le Canadien National au nord et le Canadien Pacifique au sud. Cela a changé quelque peu ces dernières années, du fait que la liaison avec le marché américain a poussé le Canadien National vers le sud, mais, autrement, cela n'a pas changé: ce sont les deux solitudes dont les gens parlent parfois—ces deux chemins de fer.

Il y a une certaine concurrence entre eux, bien qu'il s'agisse là d'un commentaire subjectif. Dans ma vision des choses, il y a de la concurrence pour plusieurs raisons. Notamment le fait qu'il y a chevauchement et entrecroisement. Dans ma ville natale—je suis sorti souvent pour aller les compter—, il y a trois endroits où les chemins de fer se croisent.

Maintenant, avec les grands silos—et j'y reviendrai—, le conducteur du camion qui part de la ferme doit franchir une distance beaucoup plus grande que les neuf milles qui séparaient la ferme et le vieux silo. Les gens doivent avoir un équipement qui est plus grand—qui est beaucoup plus grand, maintenant. Le bassin de réception des silos, pour le marché, le bassin où est mis le grain des agriculteurs, est gros. Dans la plupart des cas, il peut accueillir les deux chemins de fer, qu'il s'agisse d'un embranchement ou d'une ligne principale. Il y a donc de la concurrence à ce niveau.

Il y a de la concurrence entre les sociétés céréalières, qui, elles aussi, peuvent adresser un appel d'offres aux deux sociétés ferroviaires. On met donc fin lentement à cet isolement, qui nous faisait dire qu'il n'y avait pas de concurrence entre les sociétés ferroviaires. Je ne dis pas que cela vaut la concurrence entre deux journaux à l'intérieur d'une même ville, mais c'est une évolution importante par rapport à l'isolement de chacun des chemins de fer.

Puis, il y a une question à laquelle je ne m'attarderai pas, car il s'agit d'une question purement politique. Or, je ne suis pas venu ici pour parler de politique. C'est le droit et l'économie en tant qu'ils appliquent à l'abandon des embranchements. Quiconque fait des lectures sur le sujet sait que c'est un peu comme regarder un vieil animal qui est en train de mourir: va-t-il d'abord perdre ses plumes ou ses griffes, ou ses dents? Voilà la situation des embranchements. Ce sont les extrémités des tentacules de la pieuvre, et ce sont les extrémités qui meurent en premier. La raison pour laquelle elles meurent en premier, c'est que tout repose sur le transport dans un sens seulement d'un produit une fois l'an. Il n'y a donc pas d'espoir.

L'entreprise était désespérée depuis le premier jour. Mais comment convaincre les colons de s'établir s'il n'y a pas de chemin de fer? Cela servait donc un autre but. Aujourd'hui, ce n'est plus nécessaire. La question se pose alors: jusqu'à quel point est-il juste de simplement défaire le chemin de fer et d'en faire fondre les parties pour les vendre? Il y a un aspect sociologique à cela, qui est d'une importance considérable.

Mais oublions pour l'instant que l'unité de transport doit être remplacée. Il y avait un problème bien réel à l'époque du cheval, problème qui est probablement demeuré jusqu'à l'avènement des gros camions, des quatre roues motrices, des camions de 57 tonnes. On ne pouvait alors les remplacer par des camions, mais aujourd'hui on le peut. Prenez le cas de l'avoine dans le sud du Manitoba. Ces gros camions transportent l'avoine jusqu'aux hippodromes du Dakota du Nord et du Minnesota, et c'est là leur grand marché.

Si ce n'était des mauvaises habitudes des Américains, nous n'aurions pas un très grand marché. Au sud de Winnipeg, nos ventes vont à l'industrie brassicole de St. Louis. Au sud de Regina, nos ventes sont destinées aux joueurs des hippodromes du Dakota du Nord. Nous disons toujours: «Qu'ils continuent à manger des céréales.»

• 1125

Mais la question des embranchements n'est pas facile, et je ne m'engagerai pas là-dedans aujourd'hui, car vous en savez plus que moi là-dessus.

Ensuite, il y a une question qui, étonnamment, ne s'est pas manifestée il y a longtemps. Il faut bien mesurer ses paroles à la tribune fédérale où nous nous trouvons: je vous invite à réfléchir à la situation désolante de notre réseau routier, au Canada, par comparaison à celui de notre gros concurrent au sud avec ses autoroutes inter-États et son réseau complet de routes sur surface structurale, qui supporte bien le passage des grandes voitures super-B. Nos routes ne peuvent les accueillir. La route transcanadienne peut le faire, dit-on, mais à certains endroits—en Saskatchewan, par exemple, dont j'ai pu examiner les routes en survol aérien—, mais elle n'est pas en très bon état.

Ces gros camions peuvent tailler en pièces les autres routes; je dois m'arrêter pour signaler que c'est loin d'être aussi désolant que cela l'a déjà été. Le Saskatchewan Wheat Pool, par exemple, procédait à une expérience au moment où nous étions là, et cela va probablement se poursuivre—c'est une expérience en deux volets. Dans un cas, il s'agissait d'un très gros camion dont on pouvait modifier la pression des pneus pendant qu'il roule à 100 milles à l'heure—de 35 à 135 livres par pouce carré. La beauté de la chose, c'est que le camion peut être chargé à bloc, qu'il s'agisse d'une route à surface «malléable»—un chemin de terre ou une route en gravier—ou d'une route à chaussée dure. On met les choses au point de manière à pouvoir aller plus vite et obtenir un meilleur kilométrage. Tout n'est donc pas perdu.

Tout de même, notre réseau routier n'est pas du tout adapté au marché du grain. Ses concepteurs n'ont pas envisagé le marché du grain en le construisant et, pour cette raison, exception faite du cas de l'Alberta, les routes ayant une surface renforcée sont rares. Les chemins de terre—les routes de section, comme on les appelle—qui représentent le terrain délimité sous le régime Torrens—peuvent être complètement détruites si les camions roulent en pleine tempête. Lorsque je vivais en Saskatchewan, tous les chemins étaient des chemins de terre, et je trouvais la route agréable, assis sur la banquette arrière, pendant que mon père peinait pour éviter les fossés. Les choses ne sont plus comme cela aujourd'hui. Les routes sont en gravier maintenant, et certaines d'entre elles sont asphaltées, mais aucune n'est renforcée structurellement, de sorte que les gros chargements causent fatalement des dommages.

Les provinces n'ont pas les moyens de réparer les choses. Soit que nous trouvons une façon de transporter le grain sans camion, soit que nous renforçons les routes, ce qui fait qu'elles seront plus chères à construire, mais qu'elles dureront beaucoup plus longtemps que celles qui sont là aujourd'hui. La route transcanadienne n'est probablement pas un mauvais exemple à suivre. Sur le plan économique, nous avons les moyens d'aménager des routes à grande circulation qui permettent de transporter le grain jusqu'aux silos de grande capacité.

Je n'ai pas été témoin d'une réaction quelconque à l'idée d'une participation de la part du gouvernement fédéral, mais il suffit de jeter un coup d'oeil sur les taxes prélevées sur la vente de l'essence par le gouvernement fédéral pour constater que celui- ci ne se ferait pas tordre le bras. Les gens aimeraient voir une partie des taxes sur l'essence réinvestie dans leurs routes dans les trois provinces des Prairies. L'Alberta ne peut pas vraiment prétendre à la détresse dans ce cas, car à la belle époque du champ de pétrole Leduc et de Redwater, la province a fait asphalter un grand nombre de routes. Elle est dotée de routes structurellement renforcées. Mais c'est seulement elle qui a cela, et les routes ne sont pas toutes comme cela.

Puis, il y a des choses étranges comme le quota sur les récoltes: l'agriculteur met pour ainsi dire du grain dans le système de manière à obtenir les fonds de roulement nécessaires pour survivre jusqu'à la prochaine récolte. Parfois, lorsqu'il n'a pas de récolte à mettre en garantie, il doit obtenir un prêt en espèces en se prévalant du programme d'avances fédéral—des fonds du gouvernement fédéral que gère la Commission du blé. C'est un dossier que nous avons regardé et où nous avons des choses à dire.

Quant aux activités de la Commission, notre position est un peu drôle. Le terme «commission» ne figure nulle part dans notre mandat, l'insinuation était on ne peut plus claire: nous n'étions pas invités à examiner les activités de la Commission, ce qui veut dire que nous n'avions pas à nous soucier du contrat de vente conclu entre l'acheteur et la Commission pour l'approvisionnement en orge et en blé canadiens. Il n'y a rien dans notre rapport à ce sujet.

• 1130

Je crois que cela démontre assez bien ce nous avons fait. J'aimerais maintenant parler du système qui, selon nous, devrait être mis en place. J'ai mis un message au-dessus pour montre que ce n'est pas le même système qui est rafistolé. Le système que nous avons a été mis en place en 1926. Il a été refait pour une grande part en 1935.

Je suis assez vieux pour avoir assisté à un grand nombre des négociations dont il est question, puisque dans ma ville natale... mon père était Procureur général de la Saskatchewan, et Jimmy Gardiner était ministre de l'Agriculture. Vous comprendrez donc que notre salle à manger a été le lieu de nombreuses décisions «parlementaires». Comme j'étais petit et tranquille, je pouvais m'installer là et les écouter. Je ne comprenais pas tout ce qu'ils disaient, mais j'en comprenais des bouts.

Ce projet-là a été un cadeau du ciel pour le Canada. À l'époque, nous avons connu la pire sécheresse enregistrée dans l'histoire du continent. À l'échelle internationale, les devises et les bourses se sont effondrées. Toutes les affaires sont tombées à plat, et particulièrement le blé de l'Ouest. Troisièmement, les nuages de la guerre commençaient à s'amonceler. Dans ce contexte, la Commission du blé était un cadeau du ciel. Elle s'est acquittée de cette mission presque divine jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale et probablement jusqu'au milieu des années 50.

Au milieu des années 50, le monde a commencé à changer. Ce changement, rendu au milieu des années 70, était devenu un cyclone. Ce qui a modifié toutes les données, c'est l'électronique. Notre vie ne sera plus jamais la même, maintenant qu'il y a les ordinateurs, Internet, toute cette façon de faire des affaires à distance. Tout cela nous est tombé descendu.

Maintenant, du côté des grandes sociétés, du côté commercial, chacun est à même de constater les effets de cela, à lire les manchettes. On appelle cela intégration et réorganisation. Cela a eu une incidence incroyable sur l'efficacité du système commercial en Amérique du Nord. Il n'est donc pas étonnant de constater que le secteur public a été infecté par cette volonté d'être plus efficace, plus conscient des coûts. Du côté du gouvernement, donc, à l'échelle fédérale et à l'échelle provinciale, les compressions ont été nombreuses, et il y en a encore beaucoup à venir, selon les journaux.

C'est en nous rappelant ce contexte que nous—vous et moi—devons aborder la question de la Commission du blé et de son rôle. Mais je n'ai pas produit de rapport sur la Commission du blé, sauf pour traiter des cas où elle s'immisce inutilement dans l'existence des agriculteurs des Prairies, en soulevant, comme il le fait... 40 p. 100 des récoltes ne relèvent pas de la Commission. La Commission ne s'en approche même pas. Cela est à la hausse.

Deuxièmement, le blé n'est plus le roi et maître des céréales. Il y a les pois et les lentilles, et il y a des choses qui se cultivent au Canada et dont je n'avais même jamais entendu parler avant d'entamer cette enquête. Auparavant, nous n'avions jamais cultivé de graines de l'alpiste des Canaries pour les gens de Manhattan. C'est beaucoup plus lucratif à la tonne ou selon toute autre mesure que le blé, si bien que le blé commence à perdre du galon.

Bon, la dernière chose qui a changé—sinon, c'est que nous nous sommes réveillés pour constater une chose qui a toujours été là—, c'est que le salut de l'Ouest du Canada n'est plus lié à l'obligation d'avoir des petites villes et des petits silos qui sont rapprochés et ainsi de suite. C'est une chose simple que l'on nomme valeur ajoutée.

Au Canada, nous avons été extraordinairement prodigues avec cette façon dont tout le monde—depuis l'Île de Vancouver jusqu'à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et tous les lieux intermédiaires—a vécu de l'exportation des matières premières pendant des générations. Ce n'est que récemment que nous avons pris conscience du fait qu'il faut vendre non pas des grumes de bois, mais plutôt des planches; qu'il faut vendre non pas du blé, mais plutôt des Corn Flakes; qu'il faut vendre non pas de l'huile de canola, mais plutôt de la margarine et ainsi de suite. Dans le secteur automobile, nous avons une terminologie différente, mais cela revient tout à fait au même. On ne peut faire de l'argent en assemblant des voitures. Il faut les construire. Il faut fabriquer les pièces. Si bien que la fabrication des pièces est maintenant notre dada. Vous avez probablement vu que l'Ontario dépasse maintenant le Michigan pour ce qui est de la production des pièces et des automobiles. C'est la voie de l'avenir. Voilà, tout à fait et précisément, ce dont nous parlons.

• 1135

En ayant donc ce contexte à l'esprit, nous avons abordé toute la question qui consiste à savoir comment procéder de manière rapide, sécuritaire et peu coûteuse pour mettre un contrat signé, pour ainsi dire, entre les mains de l'acheteur en Asie, en Europe ou en Amérique du Sud. Le puzzle commence donc à prendre forme, si notre façon de penser est juste. Bien sûr, si notre réflexion est fautive, c'est foutu.

Mais si nous avons raison de penser comme cela, il faut encore décider comment procéder. On ne peut mettre la hache dans la formule de propriété et dire que les agriculteurs peuvent ou ne peuvent pas diriger une société par actions. On ne peut limiter la taille d'une ferme céréalière. On ne peut dire aux agriculteurs où ils peuvent vendre leur grain. Ce sont eux qui doivent sortir dans le monde, trouver leurs marchés et en obtenir plus, comme le reste du monde. C'est le contexte qui nous a amenés au stade de la rédaction du rapport.

Bon, bien sûr, les gens sont nombreux à croire que la vie de l'agriculteur est relativement aisée, puisqu'on ne travaille qu'une semaine au printemps et une semaine à l'automne. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que l'on s'inquiète tout l'hiver durant. Et j'ai déjà vécu cette situation. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai dit que je devais me rendre à Toronto, là où la concurrence n'est pas si féroce.

C'est le dernier point que je voulais soulever au sujet du contexte.

Bon, voici qu'il faut traiter de la façon de procéder. J'aime bien le terme «synchronisé»: c'est mon article de foi pour toutes sortes de choses, y compris l'exercice du droit. Mais il faut synchroniser ceci, car c'est l'agriculteur qui cultive et récolte le grain. Bon, il n'en est pas le propriétaire au sens strict du terme; lorsque la plante sort de la terre et que la chose fleurit, l'agriculteur est propriétaire en equity des graines en question, mais en common law, il s'agit de la propriété de la Commission du blé. La Commission du blé est l'expéditeur, et l'expéditeur est le seul qui ait qualité pour traiter avec les sociétés ferroviaires en vue de déterminer le prix qu'elles vont nous demander pour transporter le grain à destination du marché.

Il y a donc une décision qu'il faut prendre tout de suite. Est-ce que l'agriculteur doit être l'expéditeur? Je dis pour moi- même: tout à fait. C'est lui qui met sa tête sur le billot. C'est sa propriété à lui.

Cela s'applique tout le long de la chaîne. Une fois que le type a passé la moissonneuse-batteuse, soit qu'il charge automatiquement le grain dans un camion de taille moyenne qui le suit, soit qu'il laisse derrière lui un gros camion et que ce gros camion se fait remplir et se rend au silo à 50 milles de là—et non pas à 950 milles. C'est probablement plus élevé que la moyenne, mais c'est près.

Tout cela se fait au détriment de l'agriculteur. Personne n'a rien fait pour l'aider à prendre le grain au sol et à le charger dans le camion, à le sortir du camion pour le charger dans l'autre camion, qui est plus long et plus gros, pour envoyer cela à un marché plus lointain. Une fois le chargement dans le camion, l'agriculteur a une alternative: il peut stocker le grain à la ferme ou le stocker à la ville la plus proche, dans le silo. Cela ne lui coûte pas très cher de stocker cela chez lui. Cela lui coûte une somme considérable pour stocker le grain dans le silo.

Bon, l'idéal serait que l'agriculteur passe la moissonneuse- batteuse, mette le grain dans un camion, envoie le camion à un silo de grande capacité et y charge le grain en application d'un contrat de vente préétabli pour que la société ferroviaire place des wagons sur les lieux.

J'aurais dû le mentionner plus tôt, mais je vais le dire maintenant: le gros silo a un autre attribut de taille qui fait qu'il se distingue entièrement du vieux réseau de silos: il a sa propre gare de marchandises, sa propre cour de triage. Il y a là le train de 112 unités qui est devenu presque obligatoire pour le transport.

Je devrais m'arrêter un instant. La société ferroviaire—et je n'attends pas une ovation debout pour cela—a investi beaucoup d'argent dans les 700 ou 800 locomotives d'une ligne, et les 500 de l'autre. Le CP doit acheter des locomotives très coûteuses dotées d'un système de distribution du courant alternatif au niveau de l'essieu pour naviguer les Rocheuses. Le CN, lui, n'est pas obligé d'en acheter. C'est une différence de prix de l'ordre d'un demi- million de dollars. Ce n'est pas de la petite bière.

Que vous détestiez les sociétés ferroviaires ou que vous les adoriez, vous devez savoir que celles-ci ont maintenant une capacité énorme: elles peuvent transporter un volume plus grand, et elles peuvent le transporter plus rapidement. Le délai d'exécution devient donc extrêmement important. Si la machinerie s'immobilise pour une raison ou une autre, votre déduction pour amortissement est foutue. Les machines doivent continuer de rouler, et la boucle doit demeurer bouclée. C'est une autre phase synchronisée.

• 1140

Pour reprendre le fil de mon histoire, la moissonneuse- batteuse fait son oeuvre; le camion prend le chargement pour le porter au silo terminal; les employés de silo font passer le chargement dans le train-bloc; puis le train-bloc part et se dirige vers Vancouver. Théoriquement, cela pourrait se faire sans jamais s'arrêter. Il y a suffisamment de capacité pour couvrir la distance dans le cas du diesel.

Bon, quoi qu'il en soit, l'arrêt ne dure jamais très longtemps, et les trains roulent à toute vitesse. Bien sûr, ils doivent le faire, puisque la Loi sur les chemins de fer interdit de bloquer une route pendant plus de tant de secondes. Les trains croisent les routes à 50 ou 60 milles à l'heure. Ils pourraient être plus longs, et ils le seront. Dans un an ou deux, on pourra y compter 125 wagons.

Bon, ces wagons sont destinés à ce qui est probablement la gare de marchandises la plus achalandée d'Amérique du Nord, celle de Vancouver. Il n'y a pas beaucoup de place pour installer des gares de marchandises à Vancouver, car c'est trop près des montagnes et qu'il y a toute cette eau provenant du Fraser qui vient inonder la région. Le temps est donc une denrée très précieuse à Vancouver. Idéalement, le train arrive à Vancouver au moment où le bateau arrive au port.

Certains des trains laissent s'échapper la marchandise par les trémies tout en roulant à 3 milles à l'heure. Je ne crois pas que ce soit possible dans le cas du grain, mais cela se fait rapidement. Puis, soit que le train revient dans les terres intérieures d'où il venait, soit qu'il est garé là en vue de former un plus long train qui prendra le chemin du retour.

Bien entendu, les agriculteurs finissent par payer pour cet aller-retour. C'est un aller seulement pour le grain, mais c'est un aller-retour pour l'agriculteur. Il n'y a rien à transporter sur le trajet du retour qui puisse être mis dans les wagons-trémies. Il faut donc que cela soit rapide et peu coûteux.

Où en étais-je quand on m'a dit que je devais m'arrêter?

Des voix: oh, oh!

M. Willard Estey: Quoi qu'il en soit, le terme «synchronisé» veut dire ce qu'il veut dire—on se rend au port, on renvoie les wagons vides dans l'Ouest, et ceux-ci sont déposés le long d'un diagramme constant, préétabli, conçu d'expérience, selon lequel on prévoit qu'un tel appellera pour demander des wagons, qu'un autre ne le fera pas, et à quel moment.

Que nous les aimions ou non, ce sont les sociétés ferroviaires qui doivent prendre cela en main. Elles ont les locomotives, elles ont le système de télécommunications et sont propriétaires du matériel. Elle sont foutues si elles ne font pas fonctionner cela à plein régime. D'où le fait qu'elles aient intérêt à se réveiller.

J'ai entendu toutes sortes de critiques, mais je n'ai jamais entendu quelqu'un dire que les sociétés ferroviaires ne s'efforcent pas de faire de cela un système où le trajet de retour est fait rapidement et sur une courte distance.

Voilà donc le système. Bon, pour qu'il fonctionne correctement... et je crois qu'il n'y aurait pas beaucoup de gens qui contesteraient cela, en l'an 2000, ce serait certainement mieux que l'agriculteur prenne le téléphone et qu'il vende lui-même ses céréales, qu'il fasse ses propres erreurs de négociation et ainsi de suite. Mais on estime qu'il ne devrait pas pouvoir exposer ses biens comme cela; cela devrait passer par un intermédiaire, pour que la vente se fasse.

Ces derniers temps, la mentalité de presque tout le monde a évolué pour ce qui est de l'idée selon laquelle les sociétés céréalières peuvent prendre en charge cette liaison entre l'agriculteur et le marché et, si elles le font, il doit y avoir toute une série de contrats pour tout le monde, pour chacune des étapes de la démarche que j'ai décrite comme étant des pas synchronisés, comme quand on gravit les degrés d'une échelle; chacune des étapes de ce périple, doit être assujettie à un contrat—un contrat de nettoyage du grain avant Vancouver, un contrat prévoyant que le wagon sera immobilisé là à telle date et tout le reste. C'est le fondement de tout ce que nous préconisons.

Bon, à mon avis, on ne se tromperait pas en disant que le système existant est une fonction centralisée de vente et de livraison sanctionnée et dirigée par l'État. Il n'est pas facile de convaincre les gens qui ont un intérêt là-dedans d'y renoncer. Cela n'a rien d'une découverte.

Le changement est toujours ralenti du fait que nous hésitons à courir des risques en prévision de l'avenir. Mais cela va se produire. Il importe peu de savoir qui dit aujourd'hui que cela ne va pas arriver, car demain, cela va arriver. Je crois donc qu'il faut commencer sérieusement à se demander si, fatalement, nous devrons continuer comme en ce moment. Je crois que non, car si nous ne bougeons pas, nous sommes appelés à périr.

• 1145

Voilà donc notre histoire. C'est là le résultat. Nous avons recommandé cette façon de procéder. Il n'y a rien qui laisse croire que quelqu'un va l'adopter, si bien que je suis résigné à voir l'idée mourir. Mais un jour, quelqu'un va se réveiller et dire «Mon Dieu, il avait raison.» Ça ne changera rien, mais ça va arriver.

Tout de même, je ne veux pas que l'on croie qu'il est absolument urgent d'apporter ce changement. Je crois qu'il faut que le changement se fasse progressivement. La modification qu'il y a là en ce moment est un cafouillis qui fait désespérer, selon moi—les 25 p. 100 seront négociés aux enchères, puis ce sera 50 p. 100 avec ce système. Il y aura encore les frais généraux importants qu'il y a aujourd'hui, puisqu'il y a un minimum; on ne peut ramener la Commission du blé à un effectif de deux personnes avec 50 p. 100 des activités qui y sont toujours prises en charge.

Bon, le coût de la Commission est considérable. Nous n'avons pas traité de ce sujet, et je ne l'aborderai pas ici, mais il faut garder cela à l'esprit, en faire un élément de l'équation pour savoir vers quoi le Canada souhaite se diriger.

En guise de conclusion, je dirai que ce n'est pas la fin du monde si vous n'adoptez pas tout de suite un système commercial. Vous n'allez jamais arriver à un système commercial, par contre, si vous mettez l'enquêteur au boulot dans ce que j'appelle le «deuxième examen»—une carrière longue menée avec distinction, mais à titre de fonctionnaire qui n'a jamais travaillé ce serait-ce que pendant cinq minutes pour une entreprise commerciale qui doit «faire la paye» le vendredi après-midi. La différence est énorme—énorme. J'ai vécu cette situation, d'une manière un peu étrange, à l'époque où j'exerçais le métier de professeur un jour, mais que le lendemain, je devais survivre dans la jungle qu'est le monde des avocats. Il y a là une différence énorme.

Je comprends le processus auquel vous faites face. Sauf tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec la majeure partie de cela. Je crois que nous sommes trop fragiles au Canada; nous devons bouger plus rapidement, sinon les Américains vont nous écraser—ce n'est pas parce qu'ils souhaitent nous écraser, c'est simplement que nous sommes dans le chemin.

Des voix: Oh, oh!

M. Willard Estey: Ma génération a fait de son mieux, et il vous appartient à vous de prendre le relais et de faire mieux.

Monsieur le président, merci beaucoup.

Une voix: Bravo!

Le président: Monsieur le juge, je crois que les membres du comité sont sur le point de vous applaudir. Merci d'avoir présenté au comité un témoignage franc, rafraîchissant et parfois même drôle. Je crois parler pour nous tous en disant que le fait d'accueillir aujourd'hui l'estimé auteur d'un rapport à ce point important... c'est pour nous tout un privilège. Merci beaucoup.

Chers collègues, passons aux questions.

Monsieur Morrison, vous avez la parole.

M. Lee Morrison (Cypress Hills-Grasslands, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

Monsieur le juge, je dois dire que vous faites preuve d'un calme remarquable, d'un degré élevé de sérénité pour quelqu'un qui vient de voir un an de son travail passer à la moulinette. Je vous en félicite.

J'ai une question qui touche un peu au droit, et j'imagine qu'il n'y aurait pas une meilleure personne à qui la poser. En ce qui concerne ce système extraordinairement compliqué d'appels d'offre pour les services de logistique, comme cela est dit dans le protocole d'entente...

Avez-vous eu l'occasion d'en faire la lecture?

M. Willard Estey: Ce n'est pas que je ne veux pas vous écouter; ce truc ne fonctionne pas.

Bon, d'accord, c'est bien. Merci beaucoup.

M. Lee Morrison: Vous nÂavez rien entendu de ce que j'ai dit, monsieur le juge?

M. Willard Estey: J'ai entendu la première partie, mais pas jusqu'au moment où vous en êtes arrivé à la question que vous vouliez poser.

M. Lee Morrison: D'accord.

Pour ce qui touche ce système ultra-compliqué d'appels d'offres pour les wagons—il y aura un appel d'offres dans 25 p. 100 des cas—, il y a une disposition qui dit: pour plus de certitude, la disposition ne limite pas les ententes contractuelles que la CCB peut conclure avec les entreprises ferroviaires relativement à ses autres activités.

• 1150

À la lecture de cette entente, j'ai l'impression que nous en sommes arrivés à une situation où la Commission aura une emprise encore plus grande sur le transport. J'aimerais connaître votre opinion, vous qui avez vécu la question directement et qui êtes en même temps juriste. Est-ce que je me trompe, ou encore est-ce que la Commission est dans une position encore plus forte du point de vue des transports?

M. Willard Estey: Vous avez tout à fait raison. Ce n'était peut-être pas là l'intention, mais ce sera le résultat de cette modification. Je crois que cela vaut chaque fois que l'on décide de décorer à nouveau le même vieil arbre de Noël; on finit par y mettre plus de guirlandes et de trucs qu'on croyait même avoir. La plupart ne sont pas nécessaires, mais les gens sont trop paresseux pour les enlever. C'est un arbre de Noël de la Commission du blé. Je crois que vous avez tout à fait raison.

M. Lee Morrison: Merci. Je pourrais poser des questions toute la matinée durant, mais nous manquons de temps, et j'aimerais que chacun puisse s'exprimer. Je vais donc renoncer aux autres questions que j'avais.

Le président: Ce n'est pas un problème, Lee. Nous allons faire venir quelque chose à manger.

Monsieur le juge, seriez-vous pressé, pour une raison ou une autre, aujourd'hui?

M. Willard Estey: Pas le moins du monde.

Le président: Nous allons donc prolonger l'audience.

M. Willard Estey: Je ne connais personne de Toronto qui soit pressé d'y retourner.

Le président: Prenez les cinq minutes auxquelles vous avez droit, Lee, et M. le juge sera encore là. Nous casserons la croûte après avoir terminé.

M. Lee Morrison: D'accord.

La question la plus évidente que je pourrais vous poser, et que je vais vous poser, est la suivante. Vous avez pris connaissance du projet de loi C-34. Essentiellement, on nous met le couteau sur la gorge: le temps presse—le projet de loi prévoit une indemnité pour atténuer les problèmes de liquidités des producteurs. Nous aimerions y apporter des modifications, mais croyez-vous qu'il est possible de réparer ce projet de loi? Ne vous sentez pas obligé d'y aller par quatre chemins. Si nous parvenons à faire inclure certaines modifications dans ce projet de loi, croyez-vous qu'il est possible de réparer les choses, ou encore est-ce tout à fait désespéré?

M. Willard Estey: Eh bien, ce n'est pas tout à fait désespéré, mais s'il est question de cette modification en elle-même, il n'y a rien à faire. On ne peut servir deux maîtres. Soit que l'on opte pour le système commercial, soit que l'on conserve le système bureaucratique centralisé, qui est solide et fiable, et qui est là à demeure. Il y a des avantages à cela, on ne peut en douter, mais les inconvénients sont plus grands encore, et je ne crois pas qu'il soit possible de réparer cela.

M. Lee Morrison: D'accord. Disons que vous êtes à notre place et que vous avez une responsabilité envers les gens qui vous ont élu pour que vous les représentiez à Ottawa. Que faites-vous? Votez-vous pour ou contre, si vous êtes député, à la grâce de Dieu?

M. Willard Estey: C'est une question difficile. Je crois que je voterais pour, car vous êtes dans une situation très difficile. Les agriculteurs voient maintenant les 100 millions de dollars dans leur compte de banque. Si vous allez jouer là-dedans et remettez cela à plus tard, vous allez avoir de grosses difficultés. Je crois que les difficultés sont proprement humaines et que vous devez prendre cela en considération. C'est triste, et cela ne me fait pas plaisir de le dire, mais je crois vous êtes vraiment dans le pétrin.

D'abord, il y a eu le retard dû au fait que le gouvernement a changé d'idée et est passé du plan A au plan B. Il devait mettre quelque chose là pour faire oublier la lettre du 19 mai, avec l'approbation, de sorte qu'il a décidé de passer à ce deuxième examen. Puis, le deuxième examen instaure une mesure qui revient vraiment à imposer les sociétés ferroviaires sans qu'elles puissent faire entendre leur point de vue, mesure que je ne pourrais sanctionner, et je ne suis pas un grand admirateur des sociétés ferroviaires.

À la faculté de droit de Harvard, j'ai écrit il y a 100 ans une thèse concernant la réglementation des chemins de fer au Canada et aux États-Unis, avec une comparaison. Souvent, dans leur histoire, ils s'enferment dans une espèce de boîte: le côté politique de la société ne veut pas comprendre les chemins de fer, mais cela vaut tout autant pour les chemins de fer qui ne veulent pas comprendre le côté politique du pays. Il y a donc, historiquement, une espèce de friction entre les deux papiers de verre.

Je crois que vous êtes pris au piège. La chose a été retardée jusqu'à aujourd'hui, sans méchanceté, mais elle a été retardée—et vous n'avez pas de marge de manoeuvre. Vous n'avez pas le temps d'apporter des modifications, à mon avis.

• 1155

Le président: Merci beaucoup, Lee.

Monsieur Calder, à vous.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le juge, j'ai vraiment apprécié cela. Je vais traiter de trois questions. Vous avez été chargé de déterminer ce qui se passait, c'est-à-dire que vous avez établi quel était le problème. Votre rapport visait à établir comment on corrige cela. Et nous en sommes à nous demander quoi faire maintenant.

Le gouvernement fait un usage sélectif de votre rapport, évidemment. Une des choses que j'ai lues hier soir lorsque nous avons reçu le protocole d'entente, c'est qu'il y aura un système de surveillance. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si vous en avez pris connaissance. Sinon, je peux vous expliquer brièvement de quoi il retourne.

L'autre chose, c'est qu'il faut établir un ordre de priorité... Vous avez déjà affirmé que la situation n'est pas tout à fait désespérée et que vous voteriez en faveur du projet de loi, essentiellement parce que nous sommes enfermés dans cette situation. Prioritairement, parmi les points que le gouvernement n'a pas repris dans votre rapport, qu'est-ce que vous voudriez mettre dès que possible dans le projet de loi?

M. Willard Estey: Vous voulez dire les éléments qui ne sont pas dans la modification, mais qui, selon moi, devraient figurer dans la modification?

M. Murray Calder: Tout à fait.

M. Willard Estey: C'est une chirurgie difficile—enlevez ceci, ajoutez cela. Tôt ou tard, on tombe sur un nerf, et ça ne marche plus. Je crois qu'il serait difficile de passer du Model T de Ford à la Cadillac sans dire: «Laisse tomber; voici le nouveau moteur.» Je ne crois pas qu'on puisse refaire, refaire, refaire et arriver à bon port. J'ai peut-être tort de dire cela, mais regardez la situation de l'agriculteur, dans la mesure où le jeu change constamment. Il n'est pas équipé pour composer avec cela, et moi non plus; il n'y a presque personne qui le soit.

Je ne sais pas... Si vous aviez le temps d'apporter des modifications, je vous dirais de le faire. Mais je crois que vous ne devriez pas vous soucier de cela. Ce que vous devriez faire, selon moi, ce que le côté politique de notre vie nationale devrait permettre de faire, c'est de prendre ce qui représente probablement notre troisième industrie en importance et de regarder le tableau d'ensemble, sans oublier la frontière ni mettre de côté tel ou tel élément. Regardez la situation dans son ensemble et décidez alors jusqu'à quel point le fédéral doit participer pour protéger l'intérêt national, jusqu'à quel point les provinces devraient contribuer pour les routes et ainsi de suite, et ce qu'il devrait rester à l'entreprise privée.

Plus vous pouvez vous en défaire... Bien sûr, tout le monde connaît l'affaire de l'autre mieux que la sienne et mieux que l'autre aussi. Je crois que ce serait un peu risqué.

Je reviens à l'époque où quatre d'entre nous, si vous arrivez à me croire, ont acheté un vieux Model T de Ford pour 5 $ en vue de le réparer. Je pourrais écrire un livre sur les dommages que nous avons causés. Nous avons passé au travers de la clôture de la cour arrière du juge, par exemple. Nous n'avons pu réparer cette voiture, et je ne crois pas que vous puissiez réparer cela.

Mais je crois que je me retrouve à l'autre bout du spectre, du point de vue intellectuel. Je crois qu'il n'y a rien comme l'idée du gain pour donner son envol à une opération profitable. Un leader doit parvenir à convaincre tous les travailleurs du camp que les choses vont aller mieux s'ils font ce qu'il leur dit. Il doit croire qu'il a raison, puis foncer.

Dans ce cas-ci, je ne crois pas que l'on puisse réparer la chose. Je crois qu'il faut restructurer.

M. Murray Calder: Retaper les vieilles voitures est mon passe- temps; je sais donc très bien ce dont vous parlez. La simplicité du Model T de Ford, c'était que si on avait besoin d'un bout de fil pour la bougie d'allumage, il suffisait d'aller prendre un bout de la clôture de broche pour arranger cela.

M. Willard Estey: Et le liquide nettoyant de votre mère pouvait vous servir d'essence.

M. Murray Calder: Cela aussi.

Avez-vous eu l'occasion de lire le passage sur la surveillance des modalités du protocole d'entente?

M. Willard Estey: Non.

M. Murray Calder: Vous nÂen avez pas eu l'occasion. D'accord.

M. Willard Estey: On vient de nous le remettre, au moment même où nous nous rendions ici.

M. Murray Calder: D'accord. Très rapidement, je vous dirais que c'est un tiers indépendant. C'est pour déterminer si les agriculteurs y trouvent leur compte. Le marketing de la CCB n'est pas affecté. L'efficacité des chemins de fer, la manutention du grain, le port, le rendement global du système de transport et de manutention du grain, que tout cela fonctionne correctement, avec l'évaluation de la conformité de la part de l'ensemble des parties. Qu'en pensez-vous?

De fait, c'est exposé à l'alinéa 6g), au bas de la page.

M. Willard Estey: Je crois que c'est louable. Il est si facile de s'installer puis de tout critiquer. Je n'aime pas faire cela.

• 1200

Ce qui cloche là-dedans, c'est que c'est une absence ou une erreur endémique. Ce n'est pas qu'il y ait un défaut de fonctionnement organique; c'est seulement que c'est le mauvais organe. Pourquoi faut-il que nous ajoutions toujours quelque chose aux activités relevant du secteur public? Pourquoi faut-il un ombudsman pour Radio-Canada? Pourquoi faut-il qu'un ministère surveille l'autre pour s'assurer qu'il ne dépasse pas son mandat? Nous nous épargnons une bonne part de cela en encourageant l'entreprise privée.

Quel est ce désespoir qui fait que nous contraignons le contribuable fédéral à s'immiscer dans le domaine de la commercialisation? Ce n'est pas une fonction naturelle de l'État. C'est une fonction qui, en fait, dépend beaucoup de facteurs incitatifs. Vous allez travailler jour et nuit pour obtenir une Commission. Le bon Dieu ne nous a pas fait pour que l'on travaille jour et nuit sans qu'il y ait rien au bout. Nous sommes tous comme cela. Pour moi, ce ne sont que des excroissances, des bernaches accrochées au navire de l'État. Elles sont là, sur le bout, et cela veut dire plus d'argent, puis il y a une autre excroissance qui vient surveiller la première excroissance.

Mais je suis peut-être unique à cet égard. Je ne crois pas à cela. J'ai l'étoffe du pionnier.

M. Murray Calder: D'accord. Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey: Monsieur Estey, j'ai eu le bonheur d'écouter plusieurs des émissions de radio où vous avez répondu aux appels des gens... Il ne m'entend pas. Est-ce que vous m'entendez, monsieur Estey?

M. Willard Estey: Je vous entends.

M. Roy Bailey: Je disais que j'ai eu le bonheur d'entendre un grand nombre des émissions de radio où les gens vous appelaient, et la façon dont vous avez répondu aux questions posées, qui étaient très variées, m'a bien impressionné, et j'ai vraiment apprécié votre connaissance du système.

Nous venons tout juste de recevoir, nous aussi, le protocole d'entente. Il y a certains éléments qui font vraiment peur. Par exemple, en ce qui a trait à l'entente entre la Commission canadienne du blé et le ministre chargé de la Commission canadienne du blé, il y a un article qui dit que la Commission canadienne du blé est pleinement habilitée à négocier des ententes contractuelles avec les sociétés ferroviaires. Ainsi, on accorde à la Commission du blé un nouveau pouvoir qui permet de conclure des ententes contractuelles, alors que, monsieur le juge, bien plus de 50 p. 100 des denrées qui sont actuellement transportées par les sociétés ferroviaires n'ont rien à voir avec la Commission canadienne du blé. À la lumière de cela et du fait que vous recommandez l'instauration d'un système commercial, comment croyez-vous que cela puisse fonctionner sous le régime du projet de loi C-34? Comment croyez-vous que cela va fonctionner?

M. Willard Estey: Cela ne fonctionnera pas. Je n'ai aucune illusion à ce sujet. Ça ne fonctionnera pas. N'importe quel système peut fonctionner; cela dépend de votre but et de ce dont vous êtes prêt à vous contenter. Le gros avantage de l'entreprise incitative, par rapport à l'entreprise autoritaire, c'est le facteur incitatif, justement, et la volonté de s'améliorer soi-même. S'il y a un quelconque droit de s'immiscer dans ces affaires-là, comme le prévoit cet article, on joue avec le feu.

La même chose vaut pour l'alinéa 28g), c'est le numéro, je crois, de la Loi sur la Commission du blé. Il y est dit que la Commission du blé peut déterminer, par arrêté, des exigences relatives aux wagons chargés de grains et que rien dans la Loi sur les transports du Canada ne peut avoir préséance sur sa décision. Je n'arrive pas à comprendre comment cela a pu se retrouver dans une loi. Que nous les aimions ou non, les sociétés ferroviaires doivent être maîtres chez elles.

M. Roy Bailey: Vous avez abattu une bonne somme de travail. J'ai lu votre rapport. J'ai assisté à certaines des réunions et, comme je le disais, je vous ai écouté à la radio. Comment vous sentez-vous, monsieur le juge, face à ce projet de loi qui taille pratiquement en pièces votre rapport? Que pensez-vous de la réaction du gouvernement, qui a préparé le projet de loi C-34, en réponse au rapport que vous lui avez remis?

M. Willard Estey: Cela ne me dérange pas du tout. Le gouvernement a peut-être raison. Il y a toujours cette probabilité de 1 p. 100 qu'il ait raison.

Des voix: Oh, oh!

M. Willard Estey: Deuxièmement, tout de même, un bon démocrate doit savoir encaisser. La démocratie ne nous donne pas toujours raison. J'ai passé beaucoup de temps en cour, mais à titre d'avocat et non pas de juge. J'observais ces juges qui faisaient des erreurs, mais je n'avais jamais le culot de me lever pour dire: ce que vous venez de dire, vous ne pouvez pas faire cela.

• 1205

Non, cela ne me dérange pas. Par contre, je continuerais à parler de la question. Si quelqu'un devait me demander ce que j'en pense, je lui dirais exactement ce que j'en pense, mais je ne m'installerais pas pour rédiger un article destiné à un journal. En démocratie, le ressort n'a pas à être tendu à ce point.

Mais une des choses qui m'a dérangé un peu, c'est qu'on nous a dit, expressément et tacitement, que si nous allions nous entretenir avec les agriculteurs et le reste de ces gens pour les rassurer au sujet de ce que permettrait ce mandat—que nous allons prendre ce que vous dites et l'étudier, et le mettre en oeuvre, là où c'est dans l'intérêt public... Mais ce n'est pas ce qui est arrivé. J'ai parlé à tout le monde, dans les salons et les étables. Nous avons eu des réunions à Foam Lake, en Saskatchewan. Nous avons eu une grosse réunion dans un hangar à machines. Les gens disaient: «Ces gars-là arrivent toujours de l'est du Canada. Comment allez- vous vous en tirer?» Il faut simplement leur dire: «Le gouvernement m'a dit que si je fais rapport là-dessus et que c'est fondé sur ce que vous me dites et que ça parait raisonnable, il le signalera.» Ce n'est pas du tout ce qui est arrivé. La Commission du blé a communiqué avec nombre d'entre eux dans une sorte de campagne, et le comité de mise en oeuvre a interviewé nombre d'entre eux; c'est ce que j'appellerais un deuxième examen. Je ne crois pas que l'on puisse faire cela. C'est une bonne façon de diluer son influence et sa crédibilité.

M. Roy Bailey: Merci.

Le président: Merci, monsieur Bailey.

Monsieur Fontana, vous avez la parole.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le juge, je tiens à vous féliciter pour avoir accompli un travail très difficile. De fait, je suis favorable à 99 p. 100 de ce que vous avez dit: je crois que vous avez raison au sujet de l'aspect économique des choses et du système. De même, je crois que vous avez été plus gentil que moi.

Comme je l'ai dit hier, je ne sais pas comment nous avons réussi à créer un système qui a bousillé la manutention du grain au Canada. Les composantes sont tellement nombreuses. Je crois que votre aperçu de la situation montre un peu comment on peut rendre les choses efficaces à chacun des stades de la démarche, pour s'assurer que le client est la personne qui souhaite acheter le blé canadien, le produit canadien. En fin de compte, s'il n'y a pas d'acheteur, peu importe ce que nous faisons au départ, peu importe ce qui se passe entre le producteur et la société ferroviaire, entre la compagnie céréalière et le port. S'il n'y a pas d'acheteur, tout cela est futile.

Je tiens donc à vous féliciter, car je crois que vous avez bien saisi l'aspect économique de la chose, et je crois que vous comprenez la question nettement mieux que certains d'entre nous.

Vous n'avez pas dit que le projet de loi C-34 ne réglait pas le problème. Je suis d'accord avec vous. Vous avez raison: nous sommes dans le pétrin—quoi que l'on fasse, on aura toujours tort. Évidemment, nous voulons aider le producteur et lui mettre plus d'argent dans les poches, et je veux le faire. Mais je ne veux vraiment pas y mettre une modification qui ne sert pas vraiment à réparer le système, de sorte que, d'ici trois ans, nous allons être obligés de débattre encore de cette maudite question et, monsieur le juge, que nous allons peut-être vous demander de refaire la même chose. C'est ce qui est malheureux. Je crois que nous aurions dû réparer le tout de A à Z. Je crois que cela aurait été dans l'intérêt de tous, y compris du grand public. Je crois que c'est ce que vous avez dit ici aujourd'hui, que le projet de loi C-34 est un mal nécessaire parce qu'il n'accomplit qu'une petite chose, c'est- à-dire qu'il met de l'argent dans les poches des producteurs.

En tant que gouvernement, j'aimerais mieux leur mettre l'argent directement dans les poches que de bousiller le système encore plus. Si la question était de savoir si nous devons verser 178 millions de dollars pour cela, eh bien, pour être franc, monsieur le juge, j'aimerais mieux leur donner, puis réparer le système pour que tout le monde en profite. Mais ce n'est pas la question dont nous sommes saisis.

Vous avez peut-être des observations à faire là-dessus.

Je voulais vous poser une question au sujet de...

Le président: Laissez-lui le temps de répondre à la première question, Joe.

M. Joe Fontana: D'accord.

M. Willard Estey: C'est une grande question, D'abord, il y a autre chose, et c'est plus qu'un ongle incarné. C'est le doigt qui est cassé.

Je ne veux pas que l'on croie que je favorise les sociétés ferroviaires. Je suis assez neutre de ce point de vue.

La réalité incontournable, c'est que l'exécutif a approuvé une ponction au détriment des sociétés ferroviaires sans jamais entendre leur point de vue. Elles n'ont aucune tribune, et personne ne les a écoutées. Personne ne s'est demandé: qu'est-ce qui arrive au gars qui exporte quelque chose, par exemple de la potasse? Est- ce lui qui va assumer les 100 millions de dollars? Nous le déplaçons de quelqu'un d'autre pour l'appliquer au grain.

• 1210

C'est quelqu'un d'autre qui n'obtient pas le service, sinon, comme l'a dit un des responsables des sociétés ferroviaires: «Nous n'avons pas de capital à investir dans l'ouest du Canada si vous allez traiter l'argent comme cela.» Et c'est avant que l'on brandisse de manière cavalière les 100 millions de dollars en question. Il est difficile de dire cela: c'est une somme d'argent tellement importante. Mais le fait de procéder si rapidement doit être incorrect. On ne peut procéder de cette façon en démocratie.

M. Joe Fontana: Je crains que lorsque le gouvernement, ou le secteur privé, commence à contrôler les biens d'autrui, quelqu'un va payer. Qu'il y ait des mesures de surveillance ou autre chose, quelqu'un va payer. Il y aura peut-être moins de services en Ontario ou moins de services pour les autres céréales, je n'en sais rien, mais quelqu'un va devoir payer, à moins que l'on répare le système.

Le président: Joe, vous avez le temps de poser une dernière question.

M. Joe Fontana: Monsieur le juge, je veux vous poser une question fondamentale qui touche le droit.

Vous avez devant les yeux un protocole d'entente qui n'a pas été signé et qui, néanmoins, ne fera pas partie du projet de loi. C'est une entente entre le ministre responsable de la Commission du blé et la Commission du blé elle-même. Il sont liés par contrat. Je m'interroge sur la valeur en droit de cela, car le projet de loi C- 34 est censé représenter le protocole d'entente, mais le protocole d'entente ne fait pas partie du projet de loi. Nous sommes censés étudier la question et nous assurer que le projet de loi C-34 concorde avec le protocole d'entente.

En droit, puisque c'est le domaine dans lequel vous êtes réputé, il y a ce protocole d'entente qui n'a pas été signé et qui ne fait pas partie du projet de loi. Comment interprétez-vous cela? Le protocole d'entente existe-t-il et a-t-il en lui-même une valeur quelconque, en dehors du projet de loi?

M. Willard Estey: En droit, si nous regardons les choses froidement, il faut en conclure qu'il n'a aucune valeur

La difficulté, c'est qu'il y a un élément de chantage dans tout cela. L'opinion du bureaucrate est inscrite directement dans le protocole d'entente; si vous le contrariez et que vous vous trouvez à traiter avec lui plus tard pour autre chose, ce sera votre fête.

C'est ce que les agriculteurs me disent souvent. Ils disent: «On ne peut pas parler ouvertement. Si vous voulez savoir ce que j'aimerais, venez chez moi, et je vais vous le dire.» Je dis: «Pourquoi pas?». Il dit—ils disent tous à peu près la même chose—«Nous ne sommes même pas les propriétaires de notre propre grain. Nous ne pouvons aller au bureau de la société ferroviaire pour négocier. Celle-ci dit: Vous n'êtes pas l'expéditeur. Mais nous ne pouvons parler de cela ouvertement, sinon quelqu'un va dire: Tu parles comme ça, et nous allons vendre d'abord tout le blé des autres.»

Uns société libre souffre donc de nombreuses infections que la médecine doit venir enrayer, et on est peut-être sur le point de nous administrer le remède.

Un des problèmes, c'est qu'il y a cette organisation de commercialisation très énergique qui utilise les biens d'autrui 24 heures par jour. Vous n'avez pas de prise directe sur elle, parce qu'il y a un côté maléfique à cela, on ne veut pas traîner systématiquement le Parlement dans tout.

Plus il y en a, plus la situation va donc s'aggraver. Je ne veux pas répéter les choses. La seule façon d'éviter le problème, c'est de donner la marge de manoeuvre à l'agriculteur et de lui dire: «Vous allez vous débrouiller tout seul; à vous de prospérer ou de périr. Mais vous pouvez vendre votre produit au moment où vous voulez le vendre, vous pouvez le donner, vous pouvez essayer d'obtenir un prix qui est supérieur à ce que ça vaut. Faites ce que vous voulez, mais ne revenez pas quémander des fonds plus tard.»

Le président: Merci, monsieur Fontana.

Monsieur Proctor, la parole est à vous.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

Je suis heureux de pouvoir vous poser quelques questions, monsieur le juge.

Il est évident que vous nous dites que la Commission canadienne du blé n'est plus utile depuis longtemps. Mais si je me rappelle... Et j'ai écouté moi aussi, comme M. Bailey, certaines des observations que vous avez faites à la radio, en Saskatchewan, au moment où votre rapport a été rendu public. À un moment donné, je crois vous avoir entendu dire que les agriculteurs devraient engager des avocats et des spécialistes des transports pour aller affronter, nez à nez, les sociétés ferroviaires. Certains d'entre nous qui estiment encore que la Commission canadienne du blé a un rôle à jouer sont d'avis que celle-ci peut faire cela, affronter les sociétés ferroviaires, nez a nez. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Willard Estey: Je peux vous dire d'où cela vient.

J'ai posé la question de but en blanc à l'homme qui était président de la Commission du blé à ce moment-là—et Neil y était—«Quel est votre point de vue sur les sociétés ferroviaires, et que faites-vous lorsque vous pensez que le tarif est trop élevé?» Il a répondu: «Nous ne sommes pas là pour marchander avec les sociétés ferroviaires.» Ils ne le font pas d'ailleurs.

• 1215

Quelqu'un m'a posé la question à la radio, et vous avez entendu cela. Puis une des petites commissions du grain m'a fait savoir qu'on marchandait bel et bien avec les sociétés ferroviaires. Il n'y a rien pour prouver cela, et ce n'est qu'après que j'ai dit en public qu'ils ne marchandent pas, que cela a été révélé.

Je n'arrive pas à comprendre comment on peut mener une entreprise en ayant les mains liées, de sorte qu'on ne peut se battre pour ce que l'on estime juste. C'est la position dans laquelle se trouve l'agriculteur. Il n'est pas propriétaire, il n'a aucun statut. La société ferroviaire peut dire: «Nous allons nous entretenir avec votre agent, c'est la Commission canadienne du blé, faites venir un représentant.» Ou encore: «Votre agent est la compagnie céréalière, et nous allons traiter avec la compagnie céréalière.»

Vous remarquerez que, dans mon rapport, je dis qu'il faut commencer par affirmer que l'agriculteur est l'expéditeur. Il doit l'être.

M. Dick Proctor: Oui.

M. Willard Estey: Tous les droits découlent de l'agriculteur. C'est lui qui a produit la denrée.

M. Dick Proctor: Mais vous croyez visiblement à un régime contractuel aussi. Il me semble que c'est ce que fait la Commission du blé; elle applique les modalités d'un contrat. Pourquoi ne peuvent-ils donc se trouver dans une situation contractuelle?

M. Willard Estey: C'est comme: «Nous sommes tous ensemble dans cette aventure», de dire l'éléphant aux poules. Si votre pouvoir de négociation n'est pas aussi grand, vous vous faites écraser. Un contrat entre un millionnaire et un miséreux, ce n'est rien d'impressionnant. Dans un contrat avec la Couronne, vous êtes dépendant de l'organisation politique de la Couronne, mais même en temps normal, ce n'est pas une aubaine.

Je suis démocrate jusqu'au bout des ongles.

M. Dick Proctor: Ah bon!

M. Willard Estey: Mais il faut faire très attention de ne pas compromettre la position du peuple en démocratie. C'est ce qui a été soulevé il y a un instant. Vous vous êtes compromis un peu: ils brandissent 100 millions de dollars au nez des électeurs, mais si vous vous levez pour dire: «Eh, n'allez pas leur donner cet argent», vous avez tout à perdre.

M. Dick Proctor: Une dernière question, monsieur le juge. J'ai lu avec un intérêt certain le texte d'opinion de votre cru qu'a publié le Globe & Mail cette année, à propos des intérêts américains dans les affaires canadiennes. Je crois que vous y avez dit à un moment donné que, même si vous étiez de l'autre côté de l'Accord sur le libre-échange—vous étiez favorable au libre- échange—, vous dites maintenant que cela vous préoccupe beaucoup.

Dans le contexte des chemins de fer, je crois que c'est au Canadien National que vous avez fait allusion dans l'article, et à Burlington Northern. Jusqu'à quel point cela devrait-il nous préoccuper: la crainte que suscite l'avènement d'intérêts américains dans notre réseau de transport ferroviaire? Est-ce une préoccupation? Est-ce que nous devrions nous en préoccuper?

Le président: Vous êtes un peu à côté de la question, monsieur Proctor. Si vous voulez faire un lien quelconque avec le grain, c'est très bien, mais nous devons rester...

M. Dick Proctor: Je fais bien le lien avec le grain, car autant que je sache...

Le président: Alors, je vous prie de faire le lien avec le grain dans votre question.

M. Dick Proctor: En quoi le fait que Burlington Northern Sante Fe puisse «avaler» le Canadien National peut-il avoir une incidence sur le transport du grain au Canada?

Le président: Bien sûr, c'est M. Proctor qui utilise «avaler». Certaines personnes remettraient en question cette définition des choses.

M. Dick Proctor: Certaines personnes seraient d'accord aussi, monsieur le président.

Le président: Monsieur Estey, à vous.

M. Willard Estey: Il y a très, très longtemps, j'ai rédigé justement sur ce sujet une thèse dans le cadre d'études supérieures américaines. Le professeur chargé de veiller sur moi—on vous affecte quelqu'un—s'est révélé assez hostile au moment où j'ai dénoncé vertement tout l'arrangement, car le pouvoir de négociation entre les deux pays n'est pas équilibré, et si vous mettez tout le monde au même niveau, vous pénalisez le plus faible. Je commence donc par cette vieille proposition.

En deuxième lieu, l'empiétement des États-Unis dans nos affaires ne vise personne en particulier, et ce n'est rien de mortel au sens où les Américains ne cherchent pas délibérément à nous écraser. C'est la dernière chose qui leur passerait par l'esprit. Le problème, c'est qu'ils ont un crédit bancaire à ce point énorme qu'ils pourraient nous acheter avec de la petite monnaie. J'ai souvent travaillé pour des clients canadiens lorsque je pratiquais le droit aux États-Unis. Chaque fois que vous les acculez au pied du mur, ils réaffirment ce pouvoir.

La solution est donc la suivante: garder nos affaires en ordre, rationalisé et en bonne «condition physique», et nous pouvons rivaliser avec eux. Mais nous ne pourrons rivaliser avec eux si nous nous encombrons de restrictions et d'impôts élevés.

• 1220

Vous parlez de ce protocole d'entente. Nous devons être aussi durs qu'eux pour survivre. Je crois que nous sommes aussi bons qu'eux, même aujourd'hui. J'ai écrit cela dans l'article... [Note de la rédaction: inaudible]... parce que nous avons fondé cette entreprise. Cela a été fondé pour ajouter de la valeur au gaz au Canada. C'est donc lié à la question du grain. J'ai explosé à ce sujet et j'ai reçu une tonne de courriels. Il n'y avait qu'un type qui s'y opposait, et il vit à Atlanta, en Georgie.

C'est une grande question. Ce n'est jamais parfaitement équilibré.

Pour revenir à ce que vous me demandiez, j'aimerais nettement mieux voir l'État jouer le rôle d'arbitre que celui de joueur.

Le président: Monsieur Easter, vous avez la parole.

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Monsieur Estey, vous nous avez présenté un exposé très intéressant, et votre rapport renferme un travail bien approfondi, même si, certes, je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous y dites.

Vous avez fait une observation intéressante lorsque vous nous avez dit qu'on ne vous a pas invité à examiner le fonctionnement de la Commission canadienne du blé. Avez-vous au moins visité leurs bureaux et avez-vous examiné leur volet transport?

M. Willard Estey: Oh, oui, par pure curiosité. N'oubliez pas: je suis lié depuis longtemps à la Commission du blé. Par pure curiosité, je voulais voir quelle taille avait le bâtiment qu'elle occupe. Je suis une personne pratique. Je voulais voir combien d'ordinateurs s'y trouvaient, qui dormait devant son écran, qui travaillait devant le sien. J'ai fait le tour et j'ai tout vu, et j'ai été très impressionné.

Il n'y a qu'une chose qui me dérangeait. Je leur ai dit: «Qu'est-ce que tout ceci coûte par année à l'agriculteur?» Le type a répondu que c'était 47 millions de dollars en 1997. J'ai dit: «Est-ce qu'une vérification est faite?» Il a répondu: «Non, personne ne nous soumet à une vérification.» Je lui ai demandé: «Pourquoi pas?» «Eh bien, a-t-il dit, personne n'a jamais pris les dispositions pour que cela se fasse.»

Ils ne cachent rien et ils publient tout de même des rapports, et il paraît qu'un membre du conseil élu a maintenant pris connaissance de la question et affirmé que la Commission souhaite une déclaration à ce sujet. L'observation a donc été modifiée quelque peu.

M. Wayne Easter: Mais, monsieur Estey, leur avez-vous demandé d'expliquer leur système de transport et leur façon d'allouer les wagons, etc.?

M. Willard Estey: Oh, oui. Nous avons passé beaucoup de temps avec eux.

M. Wayne Easter: Sauf tout le respect que je vous dois, j'ai entre les mains un rapport de la Commission du blé, et j'en ai plusieurs dans ma serviette, et chacun d'entre eux a fait l'objet d'une vérification de la part de Deloitte et Touche.

Quant aux coûts d'administration ridicules, les dépenses administratives de la Commission canadienne du blé se sont bel et bien élevées à 55 millions de dollars, par rapport à des gains de 3,9 milliards de dollars pour les agriculteurs. Le coût total engagé pour que le grain passe de la ferme au marché, compte tenu de tous les facteurs en cause, est de 65 $ la tonne. Les coûts de la Commission sur ce montant reviennent à 2 $ la tonne. Ce n'est pas mal. La compagnie céréalière touchera 10 ou 11 $, et la société ferroviaire touchera certainement une bonne part.

Quant à ce que vous disiez à propos de la synchronisation, je me soucie de votre attitude lorsque vous qualifiez cela d'entreprise appartenant à l'État. On y trouve un conseil d'administration élu qui travaille dans l'intérêt des agriculteurs. Je crois que vous ne devriez pas simplement mettre cela au rebut. Si vous avez vu leur système, vous savez que la Commission du blé coordonne le mouvement du grain depuis les milliers de fermes des producteurs jusque sur les embranchements, les lignes principales, etc. Voilà pour la synchronisation.

Votre attitude m'étonne donc: au début, vous avez parlé un peu de l'historique du dossier, et je suis d'accord vous sur ce point. D'abord, les agriculteurs ont mis sur pied des coopératives céréalières pour se protéger eux-mêmes. Ensuite, la Commission canadienne du blé a fini par entrer en scène. Aujourd'hui, il ne reste pas beaucoup de coopératives céréalières. J'ai fait erreur hier; Agricore, je dois l'admettre, demeure une coopérative céréalière qui renvoie des dividendes aux agriculteurs. Mais les sociétés ferroviaires, qui, selon vous, devraient être maîtres chez elles, doivent prendre en considération l'intérêt de leurs actionnaires. Leur intérêt va à leurs actionnaires et non pas aux producteurs. Les sociétés céréalières, exception faite d'Agricore, s'intéressent maintenant à leurs propres actionnaires. Au moins, Agricore renvoie des dividendes aux producteurs.

Les agriculteurs ont besoin de pouvoir compter sur un organisme qui, à l'intérieur du système, protège leurs intérêts. Je suis producteur moi-même. Un des éléments les plus importants de la production et de la commercialisation, c'est le transport. Je suis certainement d'accord pour dire que les agriculteurs devraient avoir leur part là-dedans. Votre attitude m'étonne lorsque vous dites que cela appartient à l'État et, alors que ce n'est pas le cas. C'est contrôlé par l'agriculteur, sous le régime d'une loi du gouvernement.

• 1225

M. Willard Estey: Un instant. Cela est survenu à l'automne 1998, n'est-ce pas?

M. Wayne Easter: Oui.

M. Willard Estey: Nous sommes allés sous presse avant cela. Et nombre des éléments qui sont inclus, nous les avons provoqués, je crois.

M. Wayne Easter: Mais monsieur le juge, ce matin, je vous ai entendu dire plusieurs fois «appartenant à l'État» et ainsi de suite, ce qui, à mon avis, dépeint la Commission canadienne du blé sous un jour défavorable, et cela, de fait, m'étonne.

M. Willard Estey: Revenons aux premiers principes. Vous avez soulevé toute une série de questions. J'aurais dû prendre des notes. Si j'en oublie une, dites-le moi. Je ne veux pas du tout m'esquiver.

M. Wayne Easter: Je ne m'attends pas à ce que vous vous esquiviez.

M. Willard Estey: Je crois que nous avons suscité pour une grande part l'ouverture qui s'est manifestée, car un d'entre eux a vraiment explosé—vous étiez présent—lorsque j'ai dit: «Je ne sais rien de cela, mais j'aimerais en entendre parler. Dites-nous où nous pouvons obtenir cela et l'étudier et ainsi de suite.» Il n'avait pas l'intention de nous donner quoi que ce soit. Le lendemain, il a changé d'idée. Il m'a téléphoné et s'est excusé. Il a dit: «Non, non. J'avais tort. Vous pouvez tout savoir.» J'ai alors dit: «Eh bien, j'ai des nouvelles pour vous: je ne le veux pas vraiment. Mais j'apprécie ce que vous avez dit. Cela échappe à notre mandat, et je ne veux pas que vous laissiez sous-entendre que nous avons empiété sur vos droits. Ce n'est pas du tout notre genre.» Et je n'en ai pas fait mention dans le rapport.

Vous me demandez si je me suis rendu sur place. Nous avons eu au moins une douzaine de réunions avec eux, à tous les échelons, et ils ne se sont pas gênés pour envoyer les gros canons, leurs avocats, n'importe qui. C'était très bien. Nous n'avons eu aucune difficulté avec eux.

J'ai une préférence institutionnelle pour la libre entreprise.

Deuxièmement, pour ce qui est d'appartenir à l'État, vous avez tout à fait raison; c'est une description assez générale, car cela s'applique aux municipalités et à tous les autres. Avant d'élire leur conseil d'administration, ils étaient associés dans l'État d'une manière ou d'une autre. Les règles du jeu ont changé avec cette élection, et je serais curieux de savoir comment ils ont annoncé cela dans le Globe & Mail pour que quelqu'un organise leur vote. Ils sont donc très conscient des faiblesses qui existent. Ils doivent s'assurer de ne pas s'aventurer en terrain miné, et ils s'en tirent très bien.

Pour revenir à l'historique, il ne fait aucun doute que l'évolution attaque tout être et toute chose. La taille de la Terre change. La taille de l'univers connu change. Les horloges se dérèglent, quelle que soit la manière dont elles sont fabriquées. Nous vivons dans un monde de dynamique, et lorsqu'il est question de la nature humaine, c'est vraiment un monde où prime la dynamique. Prenez le cas de l'Irlande. Hier, les Irlandais se lançaient des bombes; aujourd'hui, ils présentent le meilleur solde bancaire de tous les pays du marché commun européen.

Il y a donc tout un changement qui s'effectue dans le monde pour ce qui touche la question de l'autoritarisme. Avant, le terme était synonyme de hitlérien. Ce n'est plus le cas. Cela désigne aujourd'hui un manque d'accès. Ce n'est peut-être pas mortel et ce n'est peut-être pas pathogène, mais qui sait? Si on ne jette pas un coup d'oeil en dedans, comment savoir?

Pour revenir à la Commission du blé, quelqu'un a soulevé la question ici. Nous avons fait le chemin de A à D ou peut-être E, mais nous ne sommes pas passés de A à Z dans cette industrie, l'industrie des céréales. Cela s'explique en partie par le fait que le gouvernement fédéral ne se consacre pas à 100 p. 100 au grain. De fait—et je dois dire qu'il s'agit d'une victoire pour la Saskatchewan—le génie créateur de la Commission du blé, c'est le type à Ottawa qui a dit que le fédéral n'a pas compétence pour faire cela à moins que nous déclarions qu'un silo à grain—un seul—est dans l'intérêt général du Canada, ce qui fait inscrire automatiquement la chose parmi les compétences fédérales selon l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est de cette façon que nous avons obtenu que ce soit de notre ressort. Le degré d'intervention est limité, car les provinces ont évidemment leur mot à dire.

Cela me réjouit de savoir que la Commission du blé a ouvert ses livres. Tout le tableau change lorsque cela arrive. Mais je suis toujours d'avis que nous ne devrions pas faire intervenir l'État, sous quelque forme que ce soit, là où cela n'est pas nécessaire.

M. Wayne Easter: Il est important de faire participer le secteur agricole...

Le président: Monsieur Easter, vous avez...

M. Wayne Easter: Merci, monsieur le président.

Le président: Je vous en prie.

Monsieur Borotsik, monsieur Comuzzi, monsieur Hilstrom et monsieur Sekora.

• 1230

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Encore une fois, permettez-moi de reprendre, monsieur Estey, ce que les autres ont dit: merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je vais essayer de donner dans la concision.

Je ne veux pas m'engager dans un débat sur la Commission canadienne du blé, mais, évidemment, la Commission y est pour beaucoup dans le projet de loi C-34, sa participation est très importante, de fait encore plus que ce que nous avions prévu avant l'avènement du protocole d'entente.

Ce qui est prévu ici, et c'est ce que disent les membres du gouvernement, c'est une première étape—une première étape «positive», disent-ils. Je ne suis pas d'accord avec cela, mais ils disent qu'il s'agit d'une première étape, qui permet de canaliser 25 p. 100 dans ce qu'ils appellent un système commercialisé et 75 p. 100, durant la première année, qui demeureront dans le budget de la Commission canadienne du blé et à l'intérieur de son système.

Maintenant que nous avons le protocole d'entente, nous voyons que la Commission canadienne du blé demeure entièrement responsable de l'affectation des wagons, ce qui fait que les 25 p. 100 nous font maintenant douter. Est-ce que cela pourrait fonctionner, selon vous, monsieur Estey: si les 25 p. 100 étaient consacrés à un système vraiment commercial, où l'expéditeur reconnu serait non pas la Commission canadienne du blé, mais plutôt l'agriculteur ou la société céréalière? Pourrait-on faire fonctionner un système comme cela, par étapes, en instaurant un système tout à fait commercial avec 25 p. 100 des mouvements de grain?

M. Willard Estey: Je dois parler un peu ici au nom de la Commission du blé. Lorsque la Commission du blé vend un sac de céréales en Espagne et qu'on lui dit de donner le contrat pour cela à une société céréalière, il y a un problème: le vendeur de la Commission du blé veut revenir en Espagne l'année suivante pour vendre un autre sac. Si le gars lui dit de ne pas venir et de ne plus le déranger parce que le grain dans le sac a pourri ou encore que le sac ne s'est même pas rendu, qu'il est arrivé en retard, il y a un problème dès qu'il y a une division à l'intérieur d'une organisation où une chose identique est faite par quelqu'un d'autre à une occasion différente.

M. Rick Borotsik: Oui, mais la commercialisation n'est pas un facteur ici. La CCB demeure responsable de la commercialisation. Ce dont il est question, essentiellement, c'est que le produit arrive à bon port.

M. Willard Estey: J'y arrive.

M. Rick Borotsik: D'accord, je m'excuse.

M. Willard Estey: En toute justice envers la Commission, il faut traiter des deux côtés de l'équation; d'un côté il y a la vente, et de l'autre, la livraison.

Le problème avec la livraison et les 25 p. 100, c'est de savoir qui choisit ce qui est inclus. Tout le monde se méfie de tout le monde. Qui choisit les 25 p. 100? Mais si vous franchissez cette butte, alors quel sens est-ce que cela peut avoir? Si cela vaut pour 25 p. 100, alors pourquoi pas pour 100 p. 100? C'est beaucoup moins de friction.

Troisièmement, je crois que la Commission du blé serait contrainte de surveiller le rendement des denrées à 25 p 100. et à 50 p 100. avec autant de personnel que c'est le cas aujourd'hui pour l'ensemble des choses. Vous la faites donc travailler d'une façon coûteuse.

M. Rick Borotsik: À votre avis, monsieur Estey, est-ce qu'il vaudrait mieux passer à un système entièrement commercialisé, à 100 p. 100, ou revenir aux choses comme elles étaient—effectivement, ce qui est proposé ici?

M. Willard Estey: Tout à fait.

M. Rick Borotsik: Ma prochaine question, monsieur Estey, porte sur les 178 millions de dollars qui ont effectivement été retranchés des recettes des sociétés ferroviaires. J'ai posé la question à nombre d'autres personnes et, pour être franc, je dois dire que les opinions divergent. Croyez-vous que la somme va finir par se retrouver dans les poches de l'agriculteur, ou encore arrivera-t-elle, par un chemin ou un autre, dans la poche d'autres intervenants.

M. Willard Estey: Tout cet arrangement me rend très méfiant. C'était ma première réaction: comment savez-vous que ça va finir par se rendre? L'argent n'est pas vraiment déplacé; il y a une déduction, mais qui va obtenir la déduction? Quel agriculteur en profitera, et pour combien? C'est tout à fait comme le chien qui a des puces. Il faut les tuer toutes, sinon le problème demeure entier. Je ne sais pas. Ça ne passe, pas à mon avis.

M. Rick Borotsik: Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites et, comme je l'ai dit, le comité a pris connaissance de diverses opinions là-dessus, monsieur Estey. Certaines personnes ont affirmé qu'il n'y avait là aucun avantage pour le producteur, d'autres ont dit que c'était entièrement à l'avantage du producteur. Et j'apprécie vos observations là-dessus.

Monsieur Estey, il est évident que vous avez beaucoup traité avec la Commission canadienne du blé en préparant votre rapport. Ce qui est dit dans le protocole d'entente, c'est que la Commission canadienne du blé—permettez-moi de citer: «A des obligations réglementaires à respecter et des exigences à satisfaire à l'égard de ses clients afin de maximiser le rendement financier des agriculteurs». C'est dit dans le protocole d'entente.

Le président: Rick, voulez-vous lui donner le numéro de la page? Je crois qu'il cherche le passage en question.

M. Rick Borotsik: C'est le protocole d'entente, à la page 5, monsieur Estey. Sous la rubrique «Relations d'affaires de bonne foi», à l'alinéa 18a).

• 1235

M. Willard Estey: Oui, c'est de ça que je parlais quand je parlais du type en Espagne. Il sait qu'ils ont une obligation.

M. Rick Borotsik: J'ai une question. Le protocole dit que la responsabilité consiste à «maximiser le rendement financier des agriculteurs». Je crois que la Loi sur la Commission canadienne du blé dit, à l'article 5, que l'objectif de la Commission consiste à organiser la commercialisation du grain. Il arrive que l'organisation de la commercialisation du grain ne sert pas forcément à maximiser le rendement financier de l'agriculteur. Il semble y avoir là une incompatibilité. Lorsque vous avez étudié cela, étiez-vous d'avis que l'obligation légale de la Commission canadienne du blé consistait à maximiser le rendement de l'agriculteur ou encore à commercialiser le grain?

M. Willard Estey: Je ne crois pas cela. Je crois que c'est trop fort. Le libellé employé est trop fort. Mais savez-vous ce qui m'inquiète? Chaque fois que les bonnes gens ici me posent une question, cela me vient à l'esprit. Pourquoi le secteur du canola fonctionne-t-il si bien? Nous n'entendons pas parler de disputes ni de manoeuvres. Sommes-nous à risque? Il n'y a pas de règlement qui soit appliqué ni exécuté par une commission, qui est non commerciale. Que cela appartienne à l'État, ou non, c'est non commercial. Pourquoi avons-nous besoin de cela? Nous n'avons pas besoin dans le cas du canola. Il ne semble pas se passer quoi que ce soit de mal de ce côté-là. Et l'avoine, le lin, le seigle...

M. Rick Borotsik: Des cultures spéciales.

M. Willard Estey: ... et les lentilles, les pois, le foin...

M. Rick Borotsik: Cette question n'en est pas vraiment une, monsieur le juge. Je n'y répondrai pas, parce que je comprends évidemment votre position. Mais, encore une fois, êtes-vous d'avis que la responsabilité de la Commission canadienne du blé consiste à maximiser la commercialisation du blé?

M. Willard Estey: Non. Cela me paraît trop fort.

M. Rick Borotsik: Merci.

Le président: Merci, Rick.

Monsieur Comuzzi.

M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

C'est le dilemme auquel nous sommes confrontés aujourd'hui: y aller ligne par ligne et adopter le projet de loi cette semaine. Comme on l'a souligné, si nous ne votons pas en faveur du projet de loi, les producteurs sont privés de quelque 175 millions de dollars, et ils ont vraiment besoin de cet argent, surtout en ce moment. Néanmoins, cette même somme ne provient pas du Trésor. Elle provient directement de ce qui a été ôté aux sociétés ferroviaires. Les sociétés ferroviaires seront assujetties à cette pénalité, si nous pouvons utiliser ce terme, sans qu'il y ait d'audience, sans qu'il y ait consultation.

C'est tout le projet de loi qui me cause donc une certaine difficulté, monsieur Le président. Le protocole d'entente commence par parler—j'ai cessé de le lire—d'«améliorations du système de transport et de manutention du grain de l'Ouest». L'utilisation du terme «améliorations» est étrange. Je suis d'accord avec ce que M. Fontana a dit, de sorte que je ne vais pas le répéter. Et je suis assez sûr du fait que nous allons adopter des modifications ou proposer des modifications.

Je veux demander à M. Estey de parler du réseau routier. Je sais que c'est une déclaration intéressée. Mais vous avez parlé du réseau routier, du retrait des lignes d'apport, du fait que nous n'avons pas fait les préparatifs nécessaires dans l'Ouest, avec la route transcanadienne, les voies d'accès, et que nous ne réinvestissons pas les 480 milliards de dollars par année que nous prélevons en taxes sur l'essence dans la capacité de transport de notre produit. La productivité tient non seulement à la façon de cultiver les choses, mais aussi à la façon de les transporter jusqu'au marché. Nous n'avons pas fait cela. Nous n'avons pas pris les dispositions nécessaires. Que devrions-nous faire, selon vous à ce sujet, monsieur Estey?

M. Willard Estey: D'abord, j'ai toujours trouvé cela difficile—et je suis déjà venu comme témoin au moment où je pratiquais le droit—de me mettre à la place des députés qui m'écoutent, car tant et aussi longtemps qu'on n'a pas porté ce fardeau et été obligé de composer avec, on ne comprend pas. Du moins, je n'arrive pas à comprendre comment vous prenez une décision épineuse comme celle-là. La décision facile se prend facilement, mais les décisions épineuses—il y en a constamment de nos jours.

Nous avons cette affaire. Le Sénat se dispute avec la Chambre des communes pour savoir s'il peut dire ce qui est clair et ce qui n'est pas clair.

• 1240

Je n'ai donc pas de réponse à votre question, mais je crois que, de manière générale, là où un devoir est établi dans une loi, tout le monde doit l'honorer, qu'il s'agisse d'une organisation établie par l'État ou qui appartient à des intérêts privés. Quand on met en branle un document comme le protocole d'entente, à mon avis, il faut être extrêmement prudent pour que cela... c'est comme un empoisonnement du sang, une fois que c'est commencé, il est difficile de l'enrayer.

Tout le processus inhérent au protocole d'entente me pose des difficultés. Ils ont établi cela dans un coin quelque part, à l'abri des regards. Ce n'est pas signé, et personne ne sera responsable s'il y a des problèmes à l'avenir. Et cela ne fait pas partie de cette modification législative. C'est tout l'exercice que je n'arrive pas à comprendre. Cela ne cadre pas avec le principe de la primauté du droit.

M. Joe Comuzzi: Merci. Vous avez répondu à ma question.

Le président: Merci, monsieur Comuzzi.

Monsieur Hilstrom, vous avez la parole.

M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur Le président

J'ai une question juridique concernant le fonctionnement d'une société où d'une compagnie. Le conseil d'administration a pour responsabilité de prendre des décisions qui sont dans l'intérêt des actionnaires. Est-ce vrai dans le cas d'une compagnie ou d'une société?

M. Willard Estey: D'une manière générale, c'est vrai. Mais ce n'est pas toujours vrai.

M. Howard Hilstrom: J'essaie simplement de savoir qui exactement sont les actionnaires de la Commission canadienne du blé. Si je ne m'abuse, la loi lie la Commission canadienne du blé au gouvernement fédéral, c'est à dire que le conseil d'administration est responsable d'abord envers le gouvernement fédéral, par application de la loi, d'organiser la commercialisation du grain. Il n'est pas vraiment responsable envers l'agriculteur.

M. Willard Estey: Je ne sais pas. J'y ai pensé la première fois où j'ai lu la proposition: qu'ils allaient avoir un conseil sans scrutin. Et j'applaudis cela chaque fois que j'en suis témoin. Mais il y a une chose étrange là-dedans. Les dix membres ont immédiatement commencé à dire qu'ils représentent l'agriculteur et que leur décision a préséance sur le Parlement du Canada parce qu'ils ont fait campagne et se sont tenus à l'écart du «votez pour moi et je ferai ceci». C'est seulement possible si, en faisant cela, l'administrateur ne viole pas une des lois du Canada.

Puis, pour les cinq qui sont nommés par le gouverneur en conseil, est-ce qu'ils reçoivent des consignes ou sont-ils libres de faire ce qu'ils veulent? Cela n'est pas clair. Et je ne vois pas comment ils pourraient être libres de faire ce qu'ils veulent. Mais s'ils reçoivent des instructions, cela veut dire que le gouvernement du Canada se met en situation minoritaire là où les droits des citoyens sont en jeu et qu'il ne peut rien y faire. Le conseil d'administration dit: «Nous avons fait campagne là-dessus. Notre parole est bonne, et notre majorité vous lie, vous, le gouvernement.»

M. Howard Hilstrom: Je crois que M. Ritter a changé son fusil d'épaule entre le moment où il a été élu et maintenant. Mais j'arrive aux deux points que j'aimerais vous voir commenter.

Le premier, c'est que la Commission du blé serait représentative des agriculteurs s'il s'agissait d'une commission bénévole et que les agriculteurs qui choisissent de passer par son entremise votaient avec leurs grains et leur argent. C'est le premier point.

La deuxième question que j'aimerais que vous nous expliquiez, et vous en avez touché un mot plus tôt, c'est celle de l'intérêt national. Comment justifie-t-on qu'il est dans l'intérêt national que le gouvernement du Canada prenne en charge l'ensemble du blé et de l'orge au Canada?

M. Willard Estey: Je me souviens que, à la faculté de droit, nous avons eu tout un débat là-dessus. J'ai fait mon droit en Saskatchewan. Cela n'a aucun sens. Plus on voit de ce genre de choses... Les auteurs étaient bien intentionnés. On commence par cela. Il y a de la bonne volonté partout. Mais si ce n'est pas viable, toute la bonne volonté du monde n'y peut rien.

Ordinairement, au sein d'une société, l'administrateur doit obéir à trois principes. Le premier, c'est la primauté du droit sur le régime duquel la société est constituée. Deuxièmement, il y a les règlements de la société qui régissent sa conduite. Il doit s'y plier. Troisièmement, l'administrateur lui-même s'est engagé dans une sorte de contrat à ne pas échanger d'actions de l'entreprise au détriment de la cote de celle-ci à la Bourse de Toronto, à la Bourse de New York. Il y a les règles de la CVMO. Il a toute une série de responsabilités.

• 1245

Si vous y allez à fond de train avec les administrateurs, dix étant élus par les agriculteurs et cinq, nommés par le gouvernement du Canada, il faut tout énoncer clairement. Quelle est leur marge de manoeuvre?

Deuxièmement, je ne sais pas comment nous pouvons justifier une organisation et un conseil et qui, à leur tour, doivent participer comme le conseil et la société elle-même. Ce n'est pas une technique pour se purifier l'âme. Toute cette notion me donne beaucoup de difficultés.

C'est une chose bénévole qui n'est pas bénévole; cela vient du Parlement du Canada. Deuxièmement, la conduite des choses est la responsabilité du conseil d'administration de l'organisation elle- même, qui n'y a rien investi. Troisièmement, le conseil d'administration doit se faire réélire, et chaque fois, cet organisme public, qui a un objectif national, a toutes sortes de gens qui font respecter les règles et qui travaillent en ce sens. Toutes ces personnes ne sont pas élues par le contribuable; elles sont élues par les agriculteurs.

J'ai pensé, la première fois où je l'ai lu, que c'est peut- être contraire à la Charte des droits et libertés. La personne qui siège au conseil d'administration a fait quelque chose à mon pays sans que j'aie mon mot à dire. Si je veux voter pour l'administrateur, je ne peux le faire; et il faudrait que je sois propriétaire de terres agricoles. Eh bien, de quel genre d'exclusion s'agit-il si vous votez sur ce qui maximise le rendement financier de l'agriculteur?

Je vais aborder un dernier point: lorsque vous obtenez un avantage énorme en privant la société ferroviaire ou quelque autre organisation de revenus, que faites-vous de cet avantage? Si c'est vous qui en profitez, l'expéditeur, la Commission du blé, est-ce que vous remettez cela à tous les membres, ou seulement à ceux qui ont vendu ce blé? C'est tout plein de fissures, de crevasses, de trous.

Je peux voir en quoi l'horizon serait meilleur si la démocratie était portée à ce niveau, mais il y a aussi un inconvénient à cela. La façon de s'en sortir, à mon avis, c'est de remettre tout cela à la collectivité. Pourquoi le gouvernement du Canada se préoccuperait-il de la vente de grains? Il ne se préoccupe de la vente d'aucune autre chose.

Le président: Merci, monsieur le juge

Monsieur Sekora, vous avez la parole.

M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Monsieur Le juge, j'ai écouté les observations que vous avez formulées à propos de diverses questions. On a mentionné que les 178 millions de dollars iraient ou n'iraient peut-être pas dans la poche de l'agriculteur. Les chances que la somme se trouve dans les poches de l'agriculteur sont de 50 p. 100 au moins cette fois.

Il y a quelque part 700 millions de dollars que les sociétés ferroviaires ont obtenus, mais cette somme ne s'est pas rendue du tout jusqu'aux agriculteurs. Au moins, les chances que le projet de loi C-34 permettent d'en arriver là sont de 50 p. 100. Il faut le reconnaître: nous n'étions pas dans un monde idéal et nous ne serons pas dans un monde idéal après cela. C'est comme si mon ami Murray Calder, qui élève des poulets, disait: «Je m'en vais en vacances pendant deux semaines, et je laisse les choses entre les mains du colonel Sanders.» Je me demande ce qu'il découvrirait à son retour.

Les chemins de fer, c'est comme cela. Si on laissait aux sociétés ferroviaires le soin de régler leur propre conduite, sans supervision, ce serait comme Air Canada aujourd'hui. Nous devons adopter le projet de loi C-26 à la Chambre pour tirer un peu sur la corde d'Air Canada, sinon nous n'aurons rien.

Oui, le projet de loi C-34 n'est quand même pas la perfection, mais il peut être rajusté au fil du temps.

Vous avez mentionné les chemins de fer sur courte distance. Le fait est que les sociétés ferroviaires contrôlent cela. Si je suis le CN et que je ne veux pas vendre mon chemin de fer sur courte distance à la concurrence, qui veut l'acheter, je peux lui rendre la tâche impossible. L'exploitation sur courte distance fera faillite, et je peux m'asseoir dessus, à jamais.

Deuxièmement, les routes n'ont pas été construites pour accueillir les gros camions, et je suis d'accord avec vous. Mais nous devrions peut-être aller de l'avant aujourd'hui et construire les routes pour ces camions, pour que les chemins de fer aient un peu de concurrence.

M. Willard Estey: C'est dans notre rapport.

M. Lou Sekora: Oui, je le sais bien.

On dit que le prix du blé fléchit. Évidemment qu'il fléchit:cela coûte si cher de faire transporter le blé jusqu'au marché. Les agriculteurs n'ont vraiment pas eu de veine, de sorte qu'ils cultivent une denrée qui leur rapportera davantage. Ce sont des choses qui arrivent.

• 1250

Je suis originaire de la Saskatchewan et je suis né à la ferme. J'ai déjà transporté le blé jusqu'aux greniers à céréales, dans une charrette tirée par un cheval, dans la région de North Battleford-Saskatoon. De fait, Radisson est à moitié chemin; c'est une petite ville. Permettez-moi de vous le dire: les agriculteurs se font avoir depuis bien des années, et cela remonte à l'époque où je travaillais à la ferme, au début des années 40. Cela n'a pas été agréable. Au moins, de cette façon, ils pourront s'en sortir. Si la ferme n'a pas beaucoup de pouvoir, alors redonnez-leur un peu d'argent.

Ces 700 millions de dollars, je ne sais pas. Je vais lire un peu plus là-dessus, car j'aimerais en apprendre un peu plus. Les sociétés ferroviaires ont obtenu ces 700 millions de dollars, mais n'ont pas refilé une partie de la somme aux agriculteurs.

Je crois que le projet de loi C-34 n'est peut-être pas parfait. Nous l'aurons devant les yeux pendant un court laps de temps. Cela ne me dérange pas de l'adopter rapidement, car c'est un bon début. C'est un bon début à quelque chose que nous n'avons pas eu pendant des années. Pour l'instant, monsieur le juge, comme vous le dites vous-même, c'est un fouillis.

Le président: Merci, Lou.

Monsieur le juge, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Willard Estey: Oui. J'ai quelques observations rapides à faire.

Vous avez grandi près de Saskatoon. Eh bien, dès les premiers jours, je me suis toujours demandé pourquoi la Quaker Oats Company s'était retirée de Saskatoon, alors qu'elle prenait notre blé pour faire ses flocons de maïs et son riz soufflé. Il y a de cela très longtemps, à l'époque de mes études secondaires... j'ai rencontré un type à Chicago bien après cela, il y a de cela dix ans environ, qui est directeur de Quaker Oats. Je ne lui ai pas fait de quartier: «Pourquoi vous êtes-vous retiré de Saskatoon, en Saskatchewan?» Il a répondu: «Nous nous sommes retirés parce que vous ne savez pas comment diriger un pays. Vos impôts sont trop élevés. Cela revenait moins cher de transformer le grain canadien à Minneapolis, puis de le transporter à nouveau vers Saskatoon.» Le bâtiment de l'entreprise est encore là, et son seul usage, c'est le stockage du grain. Voilà un clou dans notre cercueil.

Le président: Rick, vous avez dix secondes pour poser une question.

M. Rick Borotsik: J'ai dix secondes. Je veux seulement vous demander un service, monsieur le juge. Nous avons parlé de la possibilité que la Commission canadienne du blé fasse l'objet d'une vérification. Voilà une occasion qui ne se représentera plus jamais. Le Vérificateur général procédera à une vérification complète de la Commission canadienne du blé, à commencer tout de suite, et dont la fin est prévue pour juin, l'an prochain.

Je veux seulement vous demander un service, monsieur le juge. Ce ne sera pas qu'une vérification du bilan, comme Wayne Easter l'a laisser entendre. Ce sera une vérification opérationnelle. J'aimerais que vous téléphoniez au Vérificateur général pour prendre rendez-vous avec lui et discuter de votre expérience et de vos opinions. Est-ce que vous pourriez faire cela pour moi?

Le président: Les heures facturées sont à mettre au compte du bureau de M. Borotsik.

Des voix: Oh, oh!

M. Rick Borotsik: Ce serait pour tous les Canadiens, monsieur le juge. Vous feriez cela au nom de tout le Canada. Feriez-vous cela? Est-ce que vous téléphoneriez au Vérificateur général, Denis Desautels?

M. Willard Estey: Ce serait plus facile de joindre la gouverneure générale.

M. Rick Borotsik: Je sais que vous pouvez le joindre. Je sais que vous en êtes capable, si vous vous y mettez.

M. Willard Estey: D'accord. Je vous garantis que je vais téléphoner au Vérificateur général et obtenir tout ce que je veux savoir sur ce qu'il va faire et sur sa façon de le faire.

M. Rick Borotsik: Je vous en serais vraiment reconnaissant. Il dispose quand même d'employés qui s'occupent de cela, et il vous mettra en relation avec eux. Je vous prie de le faire. Merci.

Le président: Je parle sans doute au nom de tous mes collègues lorsque je vous dis ceci, monsieur le juge: merci beaucoup d'être venu présenter un exposé au comité. Nous avons tous bénéficié grandement de votre sagesse et de votre expérience. Nous vous remercions au plus haut point.

M. Willard Estey: Merci. Vous êtes très aimable.

Le président: Chers collègues, je tiens seulement à vous rappeler qu'il y a une téléconférence dans cette même pièce à 15 h 30 aujourd'hui, et qu'il faut donc être à temps. Je commence à 15 h 30 pile. Le chrono est donc parti, et nous devons nous réunir brièvement dans la salle du coin.

Nous reprenons nos travaux à 15 h 30. La séance est levée.