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FOPO Rapport du Comité

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Introduction

        En juin 2002, le Comité permanent des pêches et des océans déposait son rapport intitulé : La surpêche étrangère : Impacts et solutions, La conservation sur le Nez et la Queue des Grands bancs et Bonnet Flamand. Il s’agissait de la réponse du Comité à la tendance croissante au non-respect des règles de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO), ajoutée à la conviction qu’ont de nombreuses personnes et organisations bien informées de l’incapacité ou du refus de l’OPANO de remplir le rôle pour lequel elle a été créée : « Par le biais de la consultation et de la collaboration, contribuer à l’utilisation optimale, à la gestion rationnelle et à la conservation des ressources halieutiques de la zone de la Convention de l’OPANO.» 

        La principale recommandation du Comité était la suivante : « Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la protection des pêches côtières afin de permettre une gestion axée sur la conservation des ressources halieutiques du Nez et de la Queue des Grands Bancs et du Bonnet Flamand ». En proposant la gestion axée sur la conservation, le Comité ne prétendait pas que le Canada doive revendiquer le droit exclusif aux ressources de ces régions de l’océan ou la souveraineté sur ces ressources, mais plutôt qu’il assume la responsabilité de la gestion et de la conservation des ressources halieutiques de la zone de la Convention de l’OPANO, de manière à respecter entièrement les droits des autres États qui ont toujours pêché dans ces zones.

        Quoique le rapport du Comité ait été bien accueilli dans la région du Canada atlantique, surtout à Terre-Neuve-et-Labrador, la province la plus touchée par les échecs de l’OPANO, il a été rejeté sans grande considération par le ministre des Pêches et des Océans. Le refus public rapide de notre rapport par le Ministre a nui à notre message et a enlevé au rapport toute la valeur qu’il aurait pu avoir pour la délégation canadienne à la rencontre de septembre 2002 de l’OPANO, en vue de communiquer aux membres de l’OPANO l’ampleur de la frustration des collectivités de pêche du Canada, et l’obligation pour l’OPANO de s’acquitter de ses responsabilités.

        Après une étude approfondie de la réponse du gouvernement à notre rapport, de nouvelles audiences et une analyse des gains limités réalisés à la réunion de l’OPANO de septembre 2002, le Comité est plus convaincu que jamais que la gestion axée sur la conservation du Nez et de la Queue des Grands Bancs et du Bonnet Flamand est la seule solution de rechange à l’OPANO, si l’on veut éviter que la gestion rationnelle et la conservation des stocks de poisson ne soient assujetties aux intérêts politiques et économiques à court terme.

Réponse du gouvernement

        Le gouvernement du Canada a déposé sa réponse au rapport du Comité en novembre 2002. Bien qu’il reconnaisse l’utilité de certaines des recommandations, il a allégué que les principales recommandations du Comité posaient des problèmes parce que leur application n’entraînerait aucune solution efficace à la question de la surpêche étrangère. Essentiellement, le gouvernement a adopté une position semblable à celle qui avait été présentée antérieurement au Comité. Il a prétendu que la collectivité internationale refuserait d’appuyer la gestion axée sur la conservation, que le Canada ne bénéficierait plus des avantages de son adhésion à l’OPANO et que le retrait de la participation ou de la contribution financière canadienne pourrait même mener au démantèlement de l’OPANO, entraînant la pratique de pêches non réglementées dans la zone de la Convention de l’OPANO. Le gouvernement affirme que toute tentative d’imposer unilatéralement la gestion axée sur la conservation susciterait de fortes réactions négatives de la part des autres États, et pourrait même mener à des affrontements et à des impacts sur la conservation des stocks.

Réunion annuelle de l'OPANO de 2002

        La 24e réunion annuelle de l’OPANO a eu lieu à Santiago de Compostela, en Galicie (Espagne), du 16 au 22 septembre 2002. Au cours de ses réunions annuelles, le Conseil scientifique passe en revue et évalue l’état des stocks de poisson dans la zone de l’OPANO. Les avis et les recommandations du Conseil sont ensuite présentés à la Commission des pêches, qui prend les décisions relatives à la conservation et aux mesures d’exécution à propos des stocks de poisson de la zone de réglementation de l’OPANO pour la saison suivante et les saisons subséquentes.

Le point de vue officiel

        Selon les représentants du ministère des Pêches et des Océans (MPO), les objectifs d’ensemble du Canada, lorsque celui-ci s’est présenté à la réunion de septembre, étaient d’apporter des améliorations à l’OPANO afin d’atteindre les buts suivants : mieux faire respecter les mesures de conservation; améliorer les stratégies de protection des stocks; appliquer des mesures dissuasives plus efficaces; assurer une meilleure conformité de toutes les flottilles qui pêchent dans la zone de réglementation de l’OPANO.

        Bien qu’à certains égards les résultats de la réunion soient positifs, M. Patrick Chamut, chef de la délégation canadienne, avait indiqué au Comité qu’il ne fallait pas s’attendre à des changements radicaux dans le mode de fonctionnement de l’OPANO :

…se satisfaire de progrès graduels, au fil de notre participation à l’OPANO, notre objectif a été de tenter d’en améliorer le fonctionnement. Si nous nous présentons avec l’intention d’y apporter des changements radicaux qui modifieraient fondamentalement le mode de fonctionnement de l’Organisation, je pense que nous risquons fort de connaître l’échec. Notre objectif est d’apporter des améliorations aux règles, à la façon d’appliquer ces règles, ainsi qu’à la réponse et à la réaction ou au suivi des parties contractantes. Nous croyons que cette façon de procéder a plus de chances de donner des résultats productifs que toute tentative de provoquer une transformation radicale.

                                                Patrick Chamut
                                                Sous-ministre adjoint
                                                Gestion des pêches

Total autorisé des captures

        Un des objectifs particuliers du Canada en participant à la réunion était de s’assurer que le total autorisé des captures serait fondé sur des conseils scientifiques, ce qui a été fait pour tous les stocks sauf un. Le Canada a obtenu l’acceptation du maintien du moratoire pour tous les stocks actuellement faibles, dans bien des cas même pour deux ans.

        Pour ce qui est de la limande à queue jaune, un stock en rétablissement, le Canada a obtenu l’accord d’augmenter le TAC de 1 500 tonnes, pour le porter à 14 500 tonnes. Puisque le Canada reçoit 97,5 % du TAC de ce stock, cette décision a profité aux pêcheurs canadiens. L’adoption du nouveau TAC de la crevette de 3L a été retardée jusqu’à réception de toutes les recommandations des scientifiques. On s’attendait à ce que le TAC soit établi au cours de la période de décembre 2002 à janvier 2003. (Le Conseil scientifique avait recommandé, à sa réunion de novembre 2002, que le TAC de la crevette de 3L ne dépasse pas 13 000 tonnes pour 2003 et 2004.) La délégation canadienne était aussi confiante d’avoir jeté les bases du maintien de la part canadienne de la crevette de 3L au niveau négocié l’année précédente, accordant au Canada environ 83 % du TAC. Un TAC de 7 500 tonnes a été fixé pour le sébaste, ce qui a permis de s’assurer que les niveaux élevés des prises des années précédentes seraient réglementés dans l’avenir au moyen d’un TAC.

        Un des reculs importants du Canada est de n’avoir pas atteint son objectif pour le flétan noir. En 2002, le TAC de flétan noir a été fixé à 44 000 tonnes, soit 10 % au‑dessus du niveau recommandé par le Conseil scientifique. Pour 2003, la recommandation des scientifiques était de réduire le TAC à 36 000 tonnes; cependant, l’OPANO a réduit le TAC à seulement 42 000 tonnes. Cette décision a préoccupé la délégation canadienne, et surtout les pêcheurs de Terre-Neuve-et-Labrador.

       

Conformité des flottilles étrangères

        À la réunion de septembre, le Canada a fait une présentation révélant le comportement des flottilles étrangères relativement au respect des règles de l’OPANO. Il a exposé des situations où les parties avaient pratiqué des pêches dirigées d’espèces assujetties à un moratoire, fait de fausses déclarations des prises, dépassé les quotas et utilisé des engins illégaux. Le but de cette présentation était de mettre en évidence les préoccupations du Canada et de faire ressortir l’importance d’améliorer la conformité au sein de l’OPANO.

        Selon des représentants, l’OPANO a accepté les préoccupations du Canada et a adopté un nouveau cadre de conformité. Dans l’avenir, l’OPANO elle-même évaluera la conformité de chaque partie et celles qui ne se conforment pas constamment aux règles devront en rendre compte et en expliquer les raisons, de même que les mesures qu’elles entendent prendre pour régler le problème. Bien sûr, ces mesures ne remettront pas à l’eau les poissons illégalement ou incorrectement pêchés.

       

Mesures de conservation

        Le Canada voulait aussi que l’OPANO adopte de nouvelles mesures de conservation afin de s’assurer que les stocks seraient mieux préservés et auraient la possibilité de se rétablir. Le Canada avait deux objectifs précis en se présentant à la réunion : réduire les prises accidentelles des espèces visées par un moratoire et obtenir un régime de réglementation pour le sébaste de 3O qui n’était pas régi par un TAC et qui ne faisait donc l’objet d’aucune restriction. Ces deux objectifs ont été atteints.

        L’OPANO a aussi adopté une nouvelle définition de ce qui constitue une pêche dirigée. Cette mesure permet d’améliorer la capacité d’appliquer les règlements dans le cas des navires qui ciblent des espèces assujetties à un moratoire. De plus, des améliorations apportées au calcul des prises accidentelles devraient permettre de déceler plus facilement les parties qui pratiquent des pêches dirigées d’espèces visées par un moratoire, et de prendre à leur égard des mesures correctives plus efficaces. Le Canada a aussi obtenu qu’on demande des recommandations scientifiques concernant le sébaste de 3O et qu’on envisage l’adoption d’un TAC pour 2004.

       

Présence des observateurs

        Le Canada considère le maintien du programme des observateurs comme un élément essentiel de sa capacité d’assurer la conformité et l’application des règlements. Cependant, la plupart des parties à l’OPANO ne sont pas entièrement en faveur d’une présence totale des observateurs à cause du coût qu’elle suppose et que bon nombre d’entre elles préféreraient éviter. Bien qu’il y ait eu accord pour le maintien de la présence totale des observateurs pour la saison de pêche de 2003, rien ne garantit qu’elle sera maintenue après cette période. Le Canada a aussi accepté la création d’un groupe de travail technique qui examinera les solutions susceptibles d’améliorer la capacité de déceler les infractions et de garantir la surveillance des activités. Ces solutions de rechange pourraient inclure une combinaison d’observateurs ainsi que de surveillance et de suivi par satellite, avec transmission des données en temps réel.

Point de vue d'autres observateurs

        Nonobstant les efforts de la délégation canadienne et de son chef, les autres observateurs à la réunion de septembre de l’OPANO en Espagne étaient moins positifs à propos de la conclusion de la réunion et de ses résultats pour le Canada. À leur avis, la faiblesse fondamentale de l’OPANO demeure que les parties sont plus intéressées à se partager les ressources qu’à les conserver. Bien que les membres de l’OPANO aient apparemment été embarrassés par la présentation du Canada sur le non-respect affiché par les flottilles des États membres, leur réponse, ou plutôt l’absence de réponse, démentit toute espèce d’engagement véritable envers la conservation :

Comme je l’ai mentionné, Pat Chamut a présenté les faits au moyen d’un diaporama. Il a donné des preuves de fausses déclarations, de pêche dirigée d’espèces visées par un moratoire, de présence de ligneurs illégaux, qui étaient bien évidents sur la diapositive, du dépassement des quotas, et de la non-présentation de rapports d’observateurs. Toutes ces infractions ont été présentées visuellement à la réunion, mais elles ont suscité très peu de discussion.

                                                L'honourable Gerry Reid
                                                Ex-ministre des Pêches et de l'Aquaculture
                                                Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador

        Un autre observateur a qualifié les gains réalisés par le Canada à la réunion de septembre de l’OPANO d’essentiellement marginaux et longuement attendus :

Un bon nombre des éléments qui ont été cités comme des gains ou des réalisations du Canada à la réunion étaient simplement le maintien de la part que nous avions toujours eue. Il n’y a pas vraiment eu de percée ou de succès relativement au respect des recommandations scientifiques. Chaque fois qu’une quantité de poissons est en cause, je puis vous dire que la conservation passe après l’appétit!

                                                Earle McCurdy
                                                Président
                                                Fish, Food and Allied Workers Union

Certaines mesures relatives à la conformité auraient dû être prises il y a longtemps à l’OPANO. Celle-ci a travaillé avec une lenteur glaciaire à mettre en œuvre certaines de ces mesures techniques pour la consignation des prises accidentelles, etc. Ce sont des mesures positives en elles-mêmes, mais lorsqu’on les examine en contexte, d’abord la décision à propos du quota du flétan noir qui était vraiment déraisonnable par rapport aux recommandations scientifiques, et, ensuite, compte tenu du nombre considérable d’infractions documentées par le Canada, ces décisions et ces améliorations ne donnent pas l’impression qu’elles vont régler quoi que ce soit.

                                                Earle Mccurdy
                                                Président
                                                Fish, Food and Allied Workers Union

        Les témoins ont informé le Comité que, pour conserver la présence totale des observateurs, le Canada a dû accepter un TAC de 42 000 tonnes de flétan noir pour 2003. Non seulement ce total est-il bien supérieur aux recommandations des scientifiques de 36 000 tonnes, mais il représente également une hausse de 2 000 tonnes par rapport à la différence entre le TAC et les conseils des scientifiques de l’année précédente.

       Aux yeux du Comité, cet échange est inacceptable. Le flétan noir est l’un des rares stocks de poisson raisonnablement sains de la zone de réglementation de l’OPANO. C’est la surpêche qui a donné lieu à l’imposition de moratoires pour les autres stocks. À notre avis, l’établissement d’un TAC supérieur au niveau recommandé par le Conseil scientifique sans argument probant est mauvais et indéfendable. Bien sûr, ce jugement s’applique à tous les pays, Canada compris.

       Par ailleurs, malgré ses lacunes, le programme des observateurs est le meilleur outil dont nous disposons pour déceler et prévenir les infractions des bateaux de pêche dans la zone de réglementation de l’OPANO. Même avec sa concession à propos du flétan noir, le Canada n’a probablement gagné que le prolongement d’un an de la présence complète des observateurs. Le Comité ne croit pas que le genre de substitut technologique proposé représente une solution de rechange pratique ou efficace à la présence des observateurs à bord des navires. Pour être plus précis, le Comité est d’avis que, plutôt que d’affaiblir le programme des observateurs, il faudrait le renforcer en plaçant à bord des bateaux de toutes les parties des observateurs professionnels et entièrement indépendants.

       Malgré l’affirmation selon laquelle le statut du Canada en tant qu’État côtier lui donne un certain poids à la table, il reste que le Canada n’est que l’une des 18 parties contractantes et qu’il peut être mis en minorité par une faction d’autres membres agissant de concert pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la gestion des pêches :

L’UE est le membre le plus important, ensuite viennent des pays comme la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie. Ils s’assoient autour de la table, et quoique dise le commissaire de l’UE, dès qu’il a terminé, l’un des représentants de ces quatre pays lève la main pour lui donner son appui inconditionnel.

                                                L'honourable Gerry Reid
                                                Ex-ministre des Pêches et de l'Aquaculture
                                                Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador

Campagne d'information ciblée

        La recommandation 4 du rapport précédent du Comité sur cette question était l’une des rares recommandations appuyées par le gouvernement. Nous y préconisions une campagne d’information visant à sensibiliser davantage le public aux infractions des États membres aux mesures de conservation de l’OPANO. Cependant, en rejetant notre recommandation la plus importante, notamment la mise en œuvre de la gestion axée sur la conservation sur le Nez et la Queue des Grands Bancs et du Bonnet Flamand, le gouvernement a mentionné l’hostilité à laquelle le Canada aurait à faire face à l’égard de ce qui serait considéré comme une tentative unilatérale d’étendre sa compétence sur ces zones de l’océan. Pourtant, il nous paraît évident que le Canada ne réussit pas à communiquer son message et que l’OPANO elle-même est une partie importante du problème.

        M. Reid, par exemple, a décrit la réaction de M. [Struan] Stevenson, président du Comité des pêches du Parlement européen, à la présentation du Canada à la réunion de septembre. Ayant été assuré au préalable par M. Spencer, chef de la délégation européenne à la réunion en Espagne, que l’UE n’enfreignait aucune règle en dehors de la limite des 200 milles1, il a affirmé à M. Reid qu’il se sentait surtout trahi et qu’on lui avait menti. M. Stevenson a toujours eu l’impression que l’UE respectait à la lettre les mesures visant à éviter la surpêche en dehors de la limite des 200 milles, mais lorsqu’il a vu la présentation canadienne, il a compris la frustration à l’égard de l’UE qu’il avait sentie au Canada et à Terre-Neuve-et-Labrador.

        M. Reid a aussi décrit une réunion tenue au printemps 2002 avec un groupe de parlementaires allemands auxquels il avait expliqué ce qui se passait en dehors de la limite des 200 milles du Canada et à qui il avait présenté la proposition de gestion axée sur la conservation. Selon M. Reid, les Allemands se sont montrés favorables et ont réagi positivement à la proposition. Même l’Espagne n’est peut-être pas aussi catégoriquement opposée à la gestion axée sur la conservation que le gouvernement semble le croire. M. Reid a raconté une rencontre antérieure avec son homologue, le ministre des Pêches de la région nord-ouest de l’Espagne :

J’ai dit : « Écoutez, nous n’avons pas l’intention de vous expulser des Grands Bancs du Canada et nous respectons votre participation historique à la pêche, mais nous n’allons pas vous permettre de faire de la surpêche. » Il a semblé d’accord avec mon point de vue…

Il a été assez satisfait d’entendre que nous n’entretenions pas de haine à l’égard du peuple espagnol, une idée qui semble avoir cours dans certaines régions d’Espagne. Mais il était aussi heureux de constater que nous n’avions pas l’intention, même en vertu d’un régime de gestion axée sur la conservation, d’expulser les Espagnols et les Portugais des Grands bancs.

                                                L'honourable Gerry Reid
                                                Ex-ministre des Pêches et de l'Aquaculture
                                                Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador

Fermetures portuaires

        En mars 2002, en réponse aux infractions continues aux mesures de conservation de l’OPANO par les navires des îles Féroé, le Canada a fermé ses ports aux bateaux de pêche des îles Féroé qui avaient pêché la crevette au-delà de la limite des 200 milles du Canada. La flottille des îles Féroé avait dépassé son quota de crevettes dans la division 3L, fait de fausses déclarations de ses prises pour 2001 et 2002, omis de présenter des rapports d’observateurs et n’avait pas respecté l’exigence restreignant à un seul le nombre de bateaux pêchant dans la zone à quelque moment que ce soit. Peu après, en avril 2002, le Canada fermait ses ports aux bateaux de pêche estoniens pour des infractions semblables.

        En septembre 2002, le ministre des Pêches et des Océans annonçait une nouvelle démarche selon laquelle le Canada ne fermerait ses ports qu’aux bateaux de pêche étrangers soupçonnés d’avoir commis des infractions graves aux mesures de conservation et aux règlements de l’OPANO.

        Du point de vue du Comité, ces mesures, bien que nécessaires, ne représentent pas la solution idéale. Elles sont seulement efficaces contre les flottilles qui utilisent les ports canadiens pour débarquer et transborder leurs prises. Toutefois, elles nuisent à l’économie, particulièrement celle des ports de Bay Roberts et Harbour Grace à TerreNeuve et imposent un fardeau injuste aux entreprises et aux travailleurs locaux.

        Dans le cas de l’Estonie, tout au moins, la fermeture semble avoir eu des effets positifs. Les représentants estoniens ont admis que leurs bateaux avaient enfreint les règles de l’OPANO et l’Estonie a pris des mesures pour atténuer les préoccupations canadiennes. Par conséquent, le Canada a rouvert ses ports à la flottille de pêche estonienne en décembre 2002. Quant aux féringiens, ils semblent moins enclins à modifier leurs pratiques. Bien qu’ils aient donné l’assurance qu’ils allaient prendre des mesures pour mieux contrôler leurs flottilles, ils n’ont pas prouvé jusqu’ici leur volonté de se conformer aux quotas ou aux règles de l’OPANO.

Conclusion et recommandations

        Bon nombre des stocks de poisson du monde entier sont en difficulté. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) déclare que de 47 à 50 % des stocks sont pleinement exploités, de 15 à 18 % sont surexploités et de 9 à 10 % sont épuisés ou en cours de reconstitution. Seulement 25 à 27 % des stocks sont sous-exploités ou modérément exploités2.

        Si cette situation se limitait uniquement aux pays en développement, la situation serait compréhensible, mais il n’en est pas ainsi. Les scientifiques des pêches ont fait des mises en garde, indiquant que les stocks de morue des eaux européennes, qui furent autrefois la pierre angulaire des flottilles de toute l’Europe, sont tellement décimés que les espèces risquent l’extinction. D’autres espèces, telles que l’aiglefin et le merlu, sont aussi en péril. Malgré la menace imminente, plusieurs pays européens, notamment l’Espagne et le Portugal, ont soulevé des objections aux mesures proposées récemment par la Commission européenne de la pêche en vue de réduire les quotas et la taille des flottilles de pêche.

        D’une part, si les Européens ont de la difficulté à agir de manière responsable pour sauver les stocks de poisson qui sont à leur porte, pourquoi devrions-nous croire qu’ils le feront pour ceux qui sont aux limites du Canada? D’autre part, l’urgence de la situation dans les eaux européennes pourrait créer des possibilités d’établir de nouvelles alliances avec des partenaires qui sont prêts à envisager des solutions de rechange au statu quo. Ce n’est pas seulement la survie des espèces et des stocks de poisson qui est en jeu, c’est l’intégrité même de l’approvisionnement alimentaire et la viabilité de nos flottilles de pêche et de nos collectivités.

        Nous n’avons rien vu, ni dans la réponse du gouvernement à notre rapport antérieur, ni à l’issue de la dernière réunion annuelle de l’OPANO, qui nous ferait changer d’avis. Les arguments mis de l’avant par le gouvernement dans sa réponse à notre rapport antérieur sont essentiellement les mêmes que pendant les audiences. Le fait que l’OPANO ait mis à jour certaines de ces méthodes ou de ses règles est encourageant, mais insuffisant. L’OPANO n’a pas réussi à garantir la conformité dans le passé. Tant que ses membres ne feront pas passer la conservation avant leurs intérêts, il est peu probable que cela change.

        Le retrait du Canada de l’OPANO sans solution de rechange n’est pas une solution. Ce qu’il faut, c’est un régime dont les règles sont exécutoires et appliquées. Si l’OPANO ne peut faire le travail, le Canada devrait être prêt à assurer la conformité aux mesures de conservation. Nous avons recommandé de le faire par la mise en œuvre d’une gestion axée sur la conservation.

        La contribution du Canada à l’OPANO est actuellement de plus d’un demi-million de dollars (contribution de 2001), ce qui représente environ 43 % du coût total de l’OPANO. C’est de loin la plus importante part versée par les parties contractantes. Bien qu’il soit vrai que le Canada reçoive la plus grande portion du quota des stocks gérés par l’OPANO, il faut se rappeler que la plus grande partie de l’allocation du Canada est exploitée à l’intérieur de la limite des 200 milles. (Les États-Unis, qui font la deuxième plus grande contribution à l’OPANO, soit plus de 200 000 $ en 2001, reçoivent une part minuscule du quota de l’OPANO.) Le Comité est d’avis qu’il serait mieux avisé d’affecter la contribution du Canada à l’OPANO à un régime de gestion axée sur la conservation. Elle ne serait pas suffisante, mais elle constituerait néanmoins un bon point de départ.

        En faisant ces recommandations, nous tenons à souligner que notre intention n’est pas de faire en sorte que les autres pays soient exclus de la pêche, mais seulement qu’on ne leur permette plus d’éluder les mesures de conservation. Le régime mis en place doit faire en sorte que les décisions de gestion soient conformes aux recommandations des scientifiques en vue de conserver des stocks sains et de permettre le rétablissement des stocks faibles, sans qu’ils soient assujettis à des intérêts à court terme. Le régime que nous envisageons apportera une plus grande certitude et une plus grande stabilité à la gestion de ces ressources au profit de tous les pays qui ont depuis longtemps pêché dans ces eaux.

        En bref, la préservation des stocks de poisson au profit des générations non seulement d’aujourd’hui, mais aussi de demain, est essentielle. Nous croyons qu’il est possible d’y arriver si le Canada gère ces stocks en accordant la priorité à la préservation, tout en respectant les droits historiques des autres pays.

        Ainsi, nous réitérons les recommandations de notre rapport antérieur :

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la protection des pêches côtières afin de permettre une gestion axée sur la conservation des ressources halieutiques du Nez et de la Queue des Grands Bancs et du Bonnet Flamand.

RECOMMANDATION 2

Que le gouvernement du Canada informe l’OPANO et ses parties contractantes qu’il se retirera de l’Organisation et qu’il mettra en œuvre la gestion axée sur la conservation sur le Nez et la Queue des Grand Bancs de Terre-Neuve et sur le Bonnet Flamand, au plus tard le 31 décembre 2004, conformément à l’Article XXIV de la Convention de l’OPANO.

RECOMMANDATION 3

Que le gouvernement du Canada mène une campagne ciblée d’information visant à sensibiliser le public dans les pays membres de l’OPANO aux infractions commises aux mesures de conservation de l’OPANO par des navires battant pavillon de pays membres de l’organisme et pour mobiliser la population afin de mettre un terme à la surexploitation des ressources halieutiques de l’Atlantique Nord-Ouest.

RECOMMANDATION 4

Que le Canada fasse clairement savoir qu’il est prêt à recourir aux dispositions de la loi C-29 à l’égard des membres de l’OPANO qui n’ont pas ratifié l’Accord de pêche des Nations Unies (APNU); en ce qui concerne les membres de l’OPANO qui ont ratifié l’APNU, qu’il est prêt à se prévaloir des dispositions de cet accord pour faire respecter les mesures de conservation. Le Canada devrait confirmer ses intentions en désignant les pays contrevenants dans le Règlement sur la protection des pêches côtières.

RECOMMANDATION 5

Que le gouvernement du Canada mène des discussions avec la Commission des pêches de l’OPANO afin d’établir un mécanisme par lequel les rapports des observateurs seraient plus transparents et seraient soumis en temps opportun.


1    La « limite des 200 milles » désigne la limite extérieure de la zone économique exclusive du Canada.

2    Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2000,
        Première partie, Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, http://www.fao.org/DOCREP/003/X8002F/x8002f04.htm#TopOfPage.