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HERI Rapport du Comité

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MAINTIEN D'UN SYSTÈME UNIQUE

Chapitre 12
La transition au mode numérique

 

La meilleure façon d'illustrer le changement radical survenu dans l'industrie de la radiodiffusion est de comparer ce qu'elle était en 1991, au moment où la Loi sur la radiodiffusion entrait en vigueur, à ce qu'elle est devenue. À l'époque, on ne comptait au Canada que 14 services spécialisés et 4 services payants, tous en mode analogique. Les diffuseurs de télévision par câble n'avaient aucun compétiteur autorisé, l'apparition du décodeur numérique attendrait encore de nombreuses années et personne n'avait jamais entendu parler d'Internet.

Une décennie plus tard, la compétition est florissante dans les secteurs de la distribution de la radiodiffusion et des services de programmation. ... les entreprises de distribution par satellite au Canada comptent 1,7 millions d'abonnés sur un total de 2,8 millions, soit plus de 60 % de la clientèle de la télévision numérique. De plus, des centaines de services numériques sont désormais autorisés et la télévision interactive sera bientôt une réalité. Internet occupe une place énorme dans nos vies et la Canadienne ou le Canadien moyen passe en moyenne 12 heures par semaine en ligne.

Janet Yale, présidente et directrice générale de l'Association canadienne de télévision par câble, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 février 2002.

 

Les radiodiffuseurs et distributeurs canadiens ont été confrontés à de nombreux défis au cours des deux dernières décennies en raison de l'introduction de nouveaux services de programmation et de la dynamique sous-jacente au morcellement de l'auditoire. Dans les années à venir, ces défis seront encore amplifiés par la révolution numérique, c'est-à-dire par la transition des technologies analogiques aux technologies numériques.

Il est difficile de trouver un seul aspect de la vie humaine qui n'ait pas subi les effets de l'introduction et de l'utilisation des technologies numériques dans les pays développés. Il suffit de penser à la popularité des ordinateurs personnels, à Internet, aux systèmes d'orientation géographique, aux services de télésanté, à la formation à distance, aux systèmes de stockage juste à temps, à la robotique, aux systèmes d'imagerie et au magnétoscope pour avoir une idée des services qui n'existaient pas il y a 40 ans.

La radiodiffusion n'a pas été (et ne peut pas être) épargnée par la révolution numérique. L'introduction du service de diffusion directe par satellite en constitue le meilleur exemple. D'une part, même les Canadiennes et les Canadiens qui vivent dans des régions peu accessibles peuvent profiter des services offerts à la population des grandes villes. D'autre part, cette réalité est aussi à l'origine de difficultés qu'éprouvent certains individus ou certains groupes, en particulier ceux qui sont davantage axés sur la création au niveau communautaire, local ou régional1.

La prestation de la télévision par satellite ne constitue toutefois qu'un exemple parmi d'autres de l'utilisation possible et future des technologies numériques. Dans son mémoire au Comité, l'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) a décrit le processus mis en branle comme une « transition au numérique » et a fait valoir que le « système de radiotélédiffusion canadien est sur le point d'entamer l'étape la plus déterminante de son évolution »2.

Cette évolution va se poursuivre au cours des 10 ou 20 prochaines années et va mettre énormément de pression sur le système canadien de radiodiffusion, cela pour de nombreuses raisons. Deux des plus importantes se rapportent au coût de la transition et aux défis qu'elle entraînera pour l'administration et la gestion du système (p. ex., les directives, la réglementation, les programmes et les mécanismes d'imputabilité mis en place). Ce chapitre décrit et examine ces défis et fait un certain nombre de recommandations qui, selon le Comité, sont de nature à faciliter cette transition.

A. Renseignements généraux

Le 29 octobre 1995, le CRTC rendait publique sa politique visant à régir l'arrivée de la radio numérique. Sept ans plus tard, le 12 juin 2002, le Conseil annonçait sa politique sur l'octroi des licences dans le but d'encadrer la transition du mode analogique au mode numérique de la radiodiffusion en direct. Peu de temps après, soit le 16 août 2002, le Conseil lançait un « appel d'observations » sur l'établissement de règles pour les services spécialisés offerts par les entreprises de câblodistribution entièrement numérique3.

Armé de ces déclarations diverses, le CRTC a amorcé la transition du Canada de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique. De nombreux témoins ont déclaré au Comité qu'ils entamaient une période de transition où les nouveaux appareils et services numériques se disputeront la faveur de l'auditoire et de l'industrie. Au cours des prochaines années, les transitions les plus notables seront :

Radio : le passage du mode analogique (AM et FM) au mode de radiodiffusion audionumérique (RAN);

Télévision : le passage de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre, y compris la télévision haute définition (TVHD);

Services de télévision spécialisés et payants : le lancement de douzaines de nouvelles chaînes numériques; le déploiement de la programmation interactive; la possibilité de faire migrer les chaînes analogiques en place vers la plate-forme numérique;

Entreprises de distribution de radiodiffusion : le passage à la transmission numérique par l'entremise des compagnies de câblodistribution.

Des témoins ont également affirmé au Comité que le passage à la transmission numérique des services de radiodiffusion est dicté par plusieurs considérations clés, notamment : des signaux de meilleure qualité, une utilisation plus efficace de la capacité de transmission et la nécessité de renouveler et d'élargir les sources de revenus.

Mais la transition au numérique n'a rien à voir avec les changements technologiques observés dans le passé. Comme l'a fait remarquer l'Association canadienne des radiodiffuseurs dans son mémoire :

... [Les] changements relativement simples [...] se produisaient hier, comme la transition de la télévision blanc et noir à la télévision en couleur ou celle de la radio AM à la radio FM [ :] un seul changement majeur se produisait normalement à la fois au sein d'une industrie à un moment donné ... 4

En revanche, dans le cas présent, tous ces changements surviendront en même temps sans qu'on ait réellement pu s'entendre sur les normes applicables5.

Dans son mémoire au Comité, la Société Radio-Canada ajoute :

La numérisation en cours des installations de production et de diffusion des diffuseurs nord-américains est l'un des changements technologiques qui a eu et aura la plus importante incidence sur le milieu canadien de la radiodiffusion. À l'avenir, la numérisation des infrastructures de communication et de radiodiffusion perfectionnera encore davantage les techniques de production des diffuseurs et rehaussera leur capacité à offrir une programmation aux auditoires de la télévision et de la radio6.

Les paragraphes suivants résument les commentaires présentés au Comité sur la transition au numérique.

B. Ce que les témoins ont dit

Pourquoi le numérique?

Plusieurs témoins ont expliqué au Comité les motifs de la transition aux technologies numériques. M. Duff Roman, président de Digital Radio Roll-Out Inc., a exposé dans ses grandes lignes les avantages de la transition pour la radio de la façon suivante :

« La technologie radio numérique améliorera radicalement la qualité et la fiabilité des transmissions radio. Et ce qui est encore mieux, la nouvelle technologie permettra d'aller au-delà de la transmission de la programmation radio traditionnelle par le biais de meilleures données associées au programme et facilitera l'émergence, dans le secteur multimédia, de la radio assortie à des données à valeur ajoutée non associées au programme.

Les services de données associées au programme, ou DAP, peuvent fournir le titre des chansons, le nom des artistes, le numéro des disques audionumériques, des occasions de cybercommerce qui permettraient aux auditrices et aux auditeurs de se procurer le disque par le biais d'un système de diffusion ou même en le téléchargeant directement, et toutes les données alphanumériques se rapportant à la programmation quotidienne d'une station de radiodiffusion.

Les données non associées au programme comprennent des services de données spécialisées, entre autres le couponnage électronique, des systèmes d'assistance routière tels que On-Star de GM ou des systèmes de guidage perfectionnés7.

M. Roman a également décrit comment la radio numérique permettra aux programmeurs de procurer aux auditoires un contenu à valeur ajoutée :

Par exemple, à l'occasion d'un débat à la SRC, l'écran alphanumérique vous permettra d'être informé à tout moment de l'objet du débat, de l'identité de l'invité, du numéro de téléphone à composer sur une ligne ouverte, du sujet du jour. Il peut aussi vous procurer des renseignements sur les différentes façons de participer au débat à partir des différentes régions du Canada. Cet écran possède un très grand nombre d'applications.

Quant à notre auditoire, il est souvent très irritant pour lui de ne pas savoir le titre de la chanson qui tourne. Le titre des chansons et le nom des artistes peuvent se succéder en alternance à l'écran. De plus, la biographie de l'artiste peut défiler sous forme d'une chaîne alphanumérique. Il est possible d'améliorer le contenu canadien grâce à des services plus complets.

En ce qui concerne l'amélioration de la programmation régulière, les avantages sont clairs. Puis, étant donné que le format est numérique, il est possible d'interagir à l'aide d'un téléphone cellulaire. En d'autres termes, vous pouvez boucler la boucle. La radio numérique ne permet pas la retransmission, mais il est possible de boucler la boucle interactive à l'aide d'un téléphone cellulaire.

Par exemple, vous pourriez organiser un référendum; vous pourriez offrir des tribunes téléphoniques pour débattre de différents sujets. Vous pourriez, par exemple, négocier le téléchargement de musique. Il faudrait apporter certaines modifications aux droits d'auteur, mais puisque nous sommes sans doute les plus grands amateurs de talents canadiens, nous, présentateurs de la radio qui faisons jouer leur musique, nous serions vraiment ravis de pouvoir satisfaire nos auditrices et auditeurs qui désirent se procurer un morceau de musique pratiquement sur-le-champ, par téléchargement numérique. La radio numérique possède ces capacités. C'est un système à large bande, qui faciliterait ce processus8.

Tout comme pour la télévision, les avantages des signaux numériques ont été décrits par le M. Metin Akgun, vice-président, Recherche sur les technologies de radiodiffusion, Centre de recherche sur les communications Canada, de la façon suivante :

Les technologies numériques se traduisent en fait par une meilleure qualité du son et de la vidéo. [...] Elles permettent plus de souplesse quant au potentiel d'utilisation de la chaîne en plus du service de programmation [...] par exemple, un guide de programmation électronique ou un jeu électronique et une participation à un débat où les gens peuvent s'exprimer au lieu du seul auditoire en studio. Par exemple, nous pouvons fournir plusieurs points de vue simultanément lors d'un événement sportif afin que les gens puissent en choisir un. Mais on peut penser à autre chose encore [...] par exemple des jeux vidéo et des documents vidéo sur demande. On peut demander [...] de l'information sur les voyages ou même des journaux électroniques et ainsi de suite. Ces technologies sont tout à fait capables d'assumer toutes ces applications9.

De même, dans un document préparé pour le Comité, M. David Keeble, consultant en communication, faisait les remarques suivantes sur la nature des changements que la technologie numérique provoquera dans la relation entre l'auditoire et la télévision :

Il est préférable de considérer la télévision numérique comme une sorte de plate-forme pour plusieurs éléments dont une personne dispose ou non chez elle, et qui peuvent constituer un ensemble intégré ou se former de différents éléments reliés entre eux. Voici certains éléments à la disposition d'un public équipé de la technologie numérique : il peut capter plusieurs chaînes; il possède un guide de programmation interactif; il a la vidéo sur demande; il peut recevoir de nouveaux formats d'images, dont le format grand écran et la télévision haute définition; le son d'ambiance 5,1; la capacité d'afficher des images à haute définition...; l'écran large; la capacité d'exécuter des applications de télévision interactives; la capacité d'enregistrer et de lire des émissions de télévision sur un magnétoscope à disque dur; la capacité d'exécuter des applications de télévision complexes et interactives; vidéo téléchargée d'Internet vers la télévision10.

En ce qui concerne les avantages pour les distributeurs de télévision par câble, Mme Janet Yale, présidente et directrice générale de l'Association canadienne de télévision par câble, a déclaré au Comité que la technologie numérique signifie :

... une capacité accrue de distribuer des services de programmation canadiens. Elle signifie un plus grand choix et une plus grande diversité pour les téléspectateurs canadiens. Tout au long de la dernière décennie, le nombre des services offerts à notre clientèle a triplé. En 2001 seulement, l'industrie a introduit entre 40 et 60 chaînes numériques [...] avec la nouvelle technologie numérique, nous pouvons offrir de 10 à 12 nouveaux services pour chaque ancien système analogique que nous remplaçons11.

Qui plus est, comme le déclarait au Comité le M. Akgun :

Aujourd'hui, avec l'environnement analogique, il est simplement plus facile au plan technique de fournir des blocs de chaînes, c'est-à-dire des services par « paliers ». Ainsi, on peut vouloir un seul des programmes mais on doit payer pour un ensemble. Une fois la transition au numérique achevée, je devrais avoir la possibilité de choisir uniquement ce que je veux parce qu'il devient alors possible d'encoder ces chaînes et par conséquent, je peux décoder certaines chaînes à l'exclusion de certaines autres. Résultat, dans l'avenir, le coût n'aura pas à grimper12.

En somme, les principaux avantages mis de l'avant par les témoins en faveur de la transition aux technologies numériques comprennent : la capacité de la part des radiodiffuseurs d'offrir une image et un son de meilleure qualité, un plus vaste choix de programmation, des forfaits plus souples et de nouvelles options non liées à la programmation.

Inutile de préciser que les témoins ont soulevé de nombreuses questions concernant les inconvénients et les défis de la transition à un système de radiodiffusion canadien entièrement numérique. Bien entendu, plusieurs d'entre eux étaient d'avis que cette transition créera de l'incertitude dans l'industrie canadienne de la radiodiffusion. Pour ce qui est de la radio, les facteurs en cause comprennent : les étapes d'introduction de la radio numérique, le coût de l'équipement et les droits d'auteur. En ce qui concerne la télévision, les questions clés sont entre autres : de quelle façon les radiodiffuseurs traditionnels effectueront-ils la transition au numérique sans perdre une partie de leur auditoire? Comment la télévision numérique sera-t-elle progressivement introduite? Et comment les services spécialisés et payants seront-ils présentés et offerts? Enfin, en ce qui a trait aux distributeurs, les principaux défis se situeront au niveau des normes relatives aux décodeurs et au niveau des instances de contrôle des sources de revenus découlant des nouveaux services, par exemple la télévision interactive (TVI).

Les paragraphes suivants examinent les interventions présentées au Comité sur ces questions. Voici la liste des solutions possibles :

Considérations économiques

La plupart des Canadiens qui vivent dans les villes-frontières peuvent encore recevoir la transmission en direct d'émissions des États-Unis comme c'était déjà le cas vers la fin des années 1940 ou au début des années 1950, avant le lancement officiel de la télévision canadienne. Au début des années 1990, nombre de radiodiffuseurs américains ont commencé à diffuser leur programmation en haute définition. Selon les témoins, cela signifie que les radiodiffuseurs canadiens doivent emboîter le pas aux Américains. Comme le souligne M. O'Farrell, président et directeur général de l'Association canadienne des radiodiffuseurs :

Les foyers canadiens [...] ont accès à la télévision numérique, par exemple, qui leur parvient de l'autre côté de la frontière. En tant qu'industrie, nous sommes confrontés à cette réalité. Sans cette proximité géographique, nous n'aurions pas eu à considérer la transition au numérique sous le même angle. Mais nous devons reconnaître que les signaux numériques qui proviennent de sources américaines et qui franchissent la frontière trouveront un public dans les foyers canadiens, public qui ira se procurer les appareils nécessaires, en grande partie en raison simplement des avantages de la nouvelle technologie, mais aussi pour profiter de l'opportunité13.

Des défis comparables existent pour les diffuseurs radiophoniques qui opèrent la transition à la radiodiffusion audionumérique. Comme M. Duff Roman l'a signalé au Comité :

Notre industrie a reconnu dès 1992 que pour demeurer concurrentielle, elle devait elle aussi opérer la transition au numérique. Grâce au soutien du gouvernement, les radiodiffuseurs publics et privés ont travaillé ensemble à obtenir un spectre, à choisir la technologie et à orienter le gouvernement pour l'adoption de la réglementation nécessaire. L'approche coopérative adoptée par le Canada est reconnue et admirée partout au monde. Le Canada est considéré comme un leader international dans la transition à la radiodiffusion audionumérique14.

Mais ces transitions coûteront cher. À titre d'exemple, les compagnies canadiennes de télévision par câble travaillent à la transition à une infrastructure numérique depuis près de 10 ans. Comme Mme Janet Yale l'a souligné devant le Comité :

Au cours de la dernière décennie, nous avons beaucoup changé. Nous avons opéré la transition de la technologie analogique à la technologie numérique et nous nous trouvons présentement à la fine pointe de l'innovation technologique, ce qui profite à toute la population canadienne. Les réseaux à très large bande interactifs à deux voies que nos compagnies construisent forment le moteur du programme d'innovations du gouvernement. Nous avons mis au point l'une des infrastructures de distribution de télévision par câble les plus complexes et les plus perfectionnées au monde et au cours des cinq dernières années, nos compagnies ont investi plus de 5 milliards de dollars dans les mises à niveau, la technologie et l'infrastructure du réseau15.

En ce qui concerne la télévision, M. Kenneth Goldstein, vice-président exécutif et agent en chef de la stratégie chez CanWest Global Communications Corp., a soutenu devant le Comité que [traduction] « la transition au numérique exigera un investissement important. Le coût de construction des émetteurs numériques pour la télévision traditionnelle [y compris la SRC] a été estimé à près de 390 millions de dollars16 ».

Plusieurs membres ont manifesté leur inquiétude à l'égard des répercussions économiques de la transition sur les consommateurs. Sur ce point, M. Gérald Chouinard, gestionnaire de programme, Accès à large bande en régions rurales et éloignées, Centre de recherche sur les communications Canada, a fait le commentaire suivant sur la radio numérique :

Présentement, les récepteurs coûtent assez cher mais il faut toujours considérer le volume de production. Les choses vont bon train en Europe. Leurs récepteurs coûtent moins cher à produire. Une fois que les récepteurs seront à un prix abordable, la technologie pourra s'implanter17.

Qui plus est, M. Roman a déclaré au comité qu'un détaillant :

[...] a établi le prix de référence à 200 dollars CAN pour un récepteur de qualité moyenne, que ce soit un récepteur de type « balladeur » ou un récepteur de table. Lors des réunions que nous avons eues avec ce détaillant, c'était la référence magique. On nous a dit que si nous abaissions le prix à 199 dollars, sous la barre des 200 dollars, ils partiraient comme des petits pains chauds, sans problèmes18.

En ce qui concerne la télévision, M. Goldstein a déclaré :

Le consommateur est la clé pour ce qui est de réagir ou de la volonté de réagir, et quant au prix d'équipement qui devient abordable, il faut considérer un certain nombre de choses. Nous disons souvent dans ce domaine que c'est la question de la poule et de l'œuf. Est-ce que quelqu'un achètera le nouveau dispositif de sorte qu'au bout du compte, il y aura suffisamment de gens pour justifier la transmission; est-ce que quelqu'un s'occupera de la transmission pour qu'un assez grand nombre de gens désirent acheter le dispositif?

Nous avons déjà vu les prix des appareils électroniques grand public chuter. En fait, toutes proportions gardées, si l'on tient compte de l'inflation, il est possible aujourd'hui d'acheter un ordinateur ou un poste de télévision ou un magnétoscope pour moins cher qu'un poste de radio en 1936. Mais il faut du temps pour parvenir à ce résultat. Ainsi, il aura fallu près de 15 ans avant de trouver des magnétoscopes dans presque tous les foyers19.

Par ailleurs, M. David Keeble a rappelé au Comité que les nouvelles technologies semblent traverser quatre stades avant que les consommateurs les adoptent pleinement :

1. Le stade de l'invention, alors qu'une idée prometteuse se traduit par plusieurs réalisations sous différentes formes, toutes incompatibles les unes avec les autres, qui rivalisent entre elles pour devenir la « norme ». Certaines inventions ne dépassent jamais ce stade.

2. D'autres inventions atteignent un niveau de standardisation suffisant pour que les producteurs et les consommateurs, persuadés qu'elles vont durer, décident d'acquérir la technologie. Les premiers adeptes veulent faire l'acquisition du nouvel appareil sans attendre et ils sont prêts à en payer le prix fort et à endurer les nombreux inconvénients associés à un produit qui n'a pas encore fait ses preuves. Le stade de l'adoption précoce se caractérise par une pénétration lente et graduelle de la technologie dans la population.

3. L'adepte moyen attend que le volume de consommation augmente, que les prix baissent et que la technologie se stabilise. Quand il est prêt à en faire l'acquisition, la courbe d'adoption peut croître brusquement, de 10 % de la population ou plus par an, de sorte que le stade moyen d'adoption dure environ six ou sept ans et que le marché passe de 5 ou 10 % à près de 50 %.

4. Les adeptes tardifs n'entrent sur le marché qu'au moment du stade de consolidation, alors que la nouvelle technologie a entièrement remplacé l'ancienne, p. ex. les postes de radio uniquement AM ou les disques microsillons (les « vinyles ») ne sont simplement plus disponibles sur le marché. Ces adeptes poussent plus lentement la pénétration de cette technologie vers ses limites naturelles20.

En d'autres termes, l'impact économique sur la population canadienne durant la phase de transition au numérique sera plus grand sur les personnes qui font l'acquisition des technologies aux stades précoces. Par la suite, le prix que devra payer la consommatrice et le consommateur baissera forcément pour inciter un plus grand pourcentage de la population à se procurer les nouvelles technologies de radiodiffusion.

Considérations de principe

Le Comité note que, parallèlement aux aspects économiques, il faut considérer la question de savoir comment les objectifs canadiens de politique en matière de radiodiffusion peuvent être maintenus durant tout le processus de transition au numérique et au-delà. Selon l'ACR :

Les objectifs qui ont façonné la politique sur la radiodiffusion ne changeront pas en raison de l'introduction de la technologie numérique. Cette politique ne sera que mieux servie en continuant d'épauler la télévision directe. Ce sont les télédiffuseurs qui maintiennent et font progresser les entreprises qui contribuent le plus à la réalisation de la politique sur la radiodiffusion. Les télédiffuseurs des services directs jouent un rôle unique au sein du système de radiotélévision canadien : ce sont eux qui apportent la plus importante contribution à l'écoute d'émissions canadiennes; ce sont eux qui offrent gratuitement un service local21.

Une deuxième considération importante concerne l'impact, au Canada, de la transition au numérique sur la production et la distribution du contenu canadien. Comme l'a fait remarquer M. David Keeble :

La transition au numérique [...] va modifier profondément l'utilisation du volume de présentation de la télévision pour encourager l'écoute d'émissions canadiennes. « La grille horaire » pourrait ne plus avoir autant sa place. Présentement, la réglementation encourage, par certains critères de diffusion et notamment les critères relatifs aux « heures de grande écoute », le choix d'émissions ayant un contenu canadien. Les radiodiffuseurs doivent fournir une fraction extrêmement élevée d'émissions à contenu canadien chaque semaine, ils doivent respecter un certain pourcentage aux heures de grande écoute, et désormais, un pourcentage de ce qui précède doit être dévolu à la « programmation prioritaire ».

Au moment de la transition, étant donné que les téléspectateurs vont chercher des émissions particulières qu'ils téléchargent — que ce soit chez les radiodiffuseurs grâce au magnétoscope ou dans Internet — l'utilisation de quotas de diffusion aura moins d'impact de sorte que la réglementation relative à la diffusion aux heures de grande écoute aura elle aussi moins d'impact22.

De même, la SRC a indiqué dans son mémoire au Comité :

Le système canadien de radiodiffusion a tiré parti de la mise en place des nouvelles technologies. Bon nombre de ces percées technologiques, telles que la numérisation du contenu et de la diffusion, doivent faire l'objet d'un examen complet et exigent une transformation de l'actuelle infrastructure de production et de diffusion des émissions. Les besoins connexes en matière de financement et d'ingénierie sont pris en compte le plus rapidement possible par les radiodiffuseurs canadiens, de façon à assurer le respect des principes de prudence et des pratiques d'affaires avisées23.

Qui plus est, selon l'ACR:

Si nous envisageons la transition au numérique comme un simple échange de spectre, nous risquons d'écarter la raison fondamentale de l'existence du système de radiotélévision canadien que nous connaissons. Par exemple, si l'on ne permet pas aux diffuseurs de la radio, de la télévision conventionnelle et des services spécialisés et payants de profiter du plein potentiel de la radiodiffusion et de la distribution numériques sur le plan des sources de revenus secondaires, on minera leur capacité de favoriser les émissions canadiennes de qualité. Nous devons également nous souvenir que si les radiotélédiffuseurs sont obligés d'abandonner leurs signaux analogiques trop tôt, il se peut qu'ils perdent les avantages offerts par la promotion croisée sur les deux plates-formes. Par conséquent, toute proposition visant la transition au numérique doit non seulement se montrer conviviale du point de vue du consommateur, mais également du point de vue de l'investissement continu dans les émissions canadiennes24.

Pour toutes ces raisons, l'ACR a proposé les principes de politique ci-dessous pour la télévision numérique :

toutes les stations locales devraient continuer d'avoir une distribution prioritaire; toutes les données liées à la programmation (interactive ou autre) doivent être distribuées (c.-à-d. qu'il ne devrait pas y avoir de protection par les EDR);

la substitution simultanée doit être préservée; les radiodiffuseurs devraient vérifier les recettes publicitaires (c.-à-d. que les EDR n'auraient pas à remplacer les publicités pour générer leurs propres sources de revenus); le gouvernement devrait établir des normes matérielles et logicielles uniformes;

les pratiques anticoncurrentielles doivent être interdites.

Quant aux services spécialisés et payants, l'ACR suggère plusieurs principes similaires et ajoute qu'une seule norme d'interactivité devrait s'appliquer afin que les plus petits intervenants ne soient pas écrasés par les coûts élevés.

Mais comment les radiodiffuseurs et le gouvernement devraient-ils gérer la transition au numérique au cours des années à venir? Autrefois, le gouvernement fédéral établissait des normes en matière de réception radiophonique et télévisuelle afin que les foyers canadiens puissent capter les signaux de radiodiffusion. Comme le signalait au Comité M. Keeble :

... nous avons une norme de radiodiffusion directe mais aucune norme ne régit les autres médias par lesquels les téléspectateurs captent des émissions de télévision. Il y a neuf ans, il était possible de créer une norme unique pour le Canada à partir des différentes technologies offertes à l'échelle internationale... Pourtant, les premières sociétés de communication par satellite à offrir des services ne s'entendaient pas. Les différences par rapport à la télévision par câble ont fait problème et Industrie Canada n'a pas procédé à une normalisation. Par conséquent, on trouve un grand ensemble de décodeurs incompatibles et des sources de programmes qui se recoupent et offrent des services identiques pour alimenter les univers séparés de systèmes incompatibles25.

Ainsi, pour des raisons semblables, la plupart des syntoniseurs destinés à la télévision numérique (qu'ils soient intégrés au téléviseur ou placés sur l'appareil) sont de propriété exclusive ou incompatibles avec les systèmes concurrents. Ce phénomène risque non seulement d'aliéner la population canadienne, mais également d'entraver la réalisation des objectifs d'intérêt public inhérents à une transition en douceur au numérique. Voilà pourquoi l'ACR a informé le Comité qu'il incombe selon elle au gouvernement de songer sérieusement à établir au moins des normes minimales régissant les nouveaux « syntoniseurs » de télévision numérique qui accompagneront l'implantation de cette technologie26. Le Comité est d'accord avec ces points et ces observations et note qu'il s'agit là d'un important champ d'intervention pour le gouvernement. En effet, comme M. Keeble l'a fait remarquer au Comité :

La principale caractéristique qui fait défaut au modèle canadien en matière de politique ne relève pas du [CRTC], c'est-à-dire le manque d'action à l'égard des normes. Cette grave omission pourrait engendrer des comportements anticoncurrentiels et de repli protecteur comme cela a été quelque temps le cas en Europe.

Étant donné que des comportements de ce type sont susceptibles d'endommager gravement la capacité des fournisseurs d'émissions de réaliser des succès commerciaux au cours de la transition au numérique, il est essentiel au succès de l'effort de programmation canadien qu'une autre stratégie aborde cette question27.

Un deuxième facteur à considérer est le droit d'auteur. Contrairement à la télévision analogique, chaque copie d'une émission est identique à l'original, ce qui signifie qu'une émission de télévision copiée d'un radiodiffuseur en direct peut être reproduite à l'envoi ou expédiée par voie électronique à n'importe qui, n'importe où au monde. On a déjà des preuves de cette pratique avec Napster et les nombreuses autres applications d'égal à égal dans Internet. Il faudra donc également revoir la législation sur le droit d'auteur. (Voir à ce propos le chapitre 13.)

Un troisième aspect porte sur le choix du moment. Aux États-Unis, l'implantation du numérique était, à l'origine, prévue par la loi pour l'année 2006 (bien qu'il soit peu probable que cette date soit respectée)28. En septembre 1999, le U.S. Congressional Budget Office (CBO), une agence apolitique du congrès américain, a produit un rapport sur la transition à la télévision numérique29. Le rapport énumère quatre conditions préalables pour une transition réussie à la télévision numérique :

1.

La technologie doit fonctionner tel que promis;

2.

Il faut diffuser en numérique le plus tôt possible au cours de la période de transition;

3.

Les services de câblodistribution doivent offrir les émissions en numérique;

4.

La demande du consommateur doit être présente pour que la nouvelle technologie soit rapidement adoptée.

Dans le contexte canadien, le premier aspect porte sur la nécessité d'un calendrier pour l'interruption de la transmission en mode analogique. Selon M. Keeble :

En extrapolant, nous devrions passer au « stade de consolidation » de la télévision numérique d'ici 2012. Si les décodeurs numériques (pour remplacer les appareils analogiques) sont peu onéreux, nous pourrions constater la fin de la période analogique entre 2017 et 2020. Mais nous ne devons pas être trop optimistes. La radio AM existe toujours et elle a son utilité.30

Quant au CRTC, il soutient à ce jour qu'une date butoir de transition ne devrait pas être imposée pour les raisons suivantes :

On a largement reconnu que la proposition préliminaire de la Commission selon laquelle un modèle de transition sur une base volontaire et axé sur le marché sans date butoir, constituerait l'approche la plus réaliste et la mieux adaptée au Canada. L'Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) a mis l'accent sur le fait que « l'implantation de la télévision numérique devrait s'effectuer par étapes, en allant des plus gros marchés primaires vers les marchés secondaires sur une période de quelques années ». L'ACR ajoutait que « le rythme et le niveau d'acceptation dans les plus gros marchés détermineront le moment opportun pour rejoindre les marchés plus petits. » L'Association canadienne de la télévision par câble (ACTC) s'accorde avec l'ACR pour affirmer que le modèle proposé par le CRTC, axé sur le marché, constituerait l'approche la plus avisée et serait de loin préférable aux approches antérieures en Amérique du Nord qui présupposaient l'abandon du spectre analogique31.

En outre :

Certaines personnes ont exprimé leurs inquiétudes à l'égard de décisions d'affaires qui ont pour effet de nuire aux efforts des diffuseurs des marchés restreints, efforts visant à mesurer correctement les bénéfices et les coûts de la conversion au numérique. Télé Inter-Rives Ltée, titulaire de la licence de CIMT-TV Rivière-du-Loup et propriétaire de trois autres stations de télévision dans la région de la Gaspésie, au Québec, a proposé un délai de cinq à dix ans pour le déploiement de la TVN dans les marchés restreints32.

De plus, quant à la SRC, ses « priorités de programmation actuelle et ses ressources limitées ne permettent pas à la Société de poursuivre des activités de programmation de télévision numérique de manière importante pour le moment33 ».

Étant donné toute l'expérimentation et l'innovation qu'il reste à faire, l'incertitude quant à l'acceptation, l'absence d'un solide modèle de gestion, et la nécessité d'un cadre de politique gouvernemental cohérent, les arguments qui vont à l'encontre d'un délai de transition imposé semblent toutefois raisonnables pour le moment.

Cela dit, l'ACR remarque qu'à un certain point il deviendra nécessaire :

... d'établir un calendrier raisonnable pour la transition complète de l'analogique au numérique, qui permettrait également de réaliser les avantages associés avec la réclamation du spectre. Mais l'établissement de ces dates ne sera pas une mince affaire. Nous [ne] devons jamais perdre de vue le fait que les radiotélédiffuseurs du Canada fonctionnent au sein de continuums de chaînes de valeur. Leur expulsion d'une partie du continuum avant qu'une nouvelle partie ne vienne complètement la remplacer, pourrait produire l'effet non désiré d'affaiblir les programmeurs canadiens au moment où ils doivent braver la concurrence livrée par des compétiteurs étrangers qui ne sont pas assujettis à une réglementation34.

Bref, il apparaît évident que la « transition » au numérique ne sera pas facile pour les créateurs, les radiodiffuseurs et les distributeurs canadiens. Le processus sera onéreux, car il faudra remplacer du matériel, fournir de nouveaux services et conclure de nouveaux arrangements entre les différents groupes concernés. En outre, une transition réussie nécessitera une bonne préparation, une collaboration entre les intervenants et une planification soignée de la part du gouvernement et de l'autorité chargée de la réglementation. De plus, la transition au numérique prend place à un moment où les profits des radiodiffuseurs et des distributeurs canadiens sont instables (voir le chapitre 8). En revanche, cette situation remet en question les moyens de mobiliser les milliards de dollars dont ont besoin les radiodiffuseurs et les distributeurs canadiens pour passer à une infrastructure entièrement numérique.

C. Solutions proposées

Tout bien considéré, les témoins n'ont pas hésité sur plusieurs points. Tout d'abord, personne ne sait réellement combien coûtera la transition au numérique et ensuite, il est plus qu'improbable que quelque chose freine la progression de cette transition. Enfin, les témoins s'entendent sur le fait que le système de radiodiffusion traversera une période de turbulence de plus en plus forte au fil des défis lancés par la révolution numérique. C'est la raison pour laquelle tous les témoins qui ont exprimé leur point de vue sur la transition au numérique ont pressé le Comité de s'assurer que le gouvernement ait un plan disponible.

Dans un document d'information présenté au Comité, le professeur Richard Schultz reconnaît également les difficultés de la transition qui se prépare. Il affirme ce qui suit :

On n'exagère pas en affirmant que le CRTC n'a jamais été autant confronté à une telle période de turbulence qui durera encore un certain temps. Il ne faut pas sous-estimer la signification des conditions changeantes dans le contexte du fonctionnement et de l'efficacité du CRTC à l'égard de ses responsabilités de base, étant donné qu'elles peuvent nuire au travail adéquat des autorités de réglementation, et en fin de compte, à la capacité du CRTC d'exercer le pouvoir de « diriger et de contrôler » le secteur de la radiodiffusion ainsi que ses intervenants. Par conséquent, tout effort visant à remanier les normes canadiennes de la radiodiffusion qui ne parvient pas à appréhender l'énormité du pouvoir des forces environnementales, sera voué à l'échec dès le départ35.

Le Comité reconnaît que de répondre à la complexité des défis posés ne sera pas une tâche facile. Les études fournies au Comité lui prouvent que de nombreux pays partout au monde ont lutté pour trouver le modèle qui établisse un équilibre entre deux approches, l'une motivée par une politique définie et l'autre, libre de toute entrave, face à la transition au numérique36. Cela dit, le pays n'a jamais permis au marché de mener seul la transition. Bien entendu, aux États-Unis où le modèle est largement dominé par une approche de type « laisser faire », la Federal Communications Commission a dû intervenir et insister pour que les industries participantes coopèrent dans le but d'accélérer la transition.

Cela dit, les membres du Comité sont conscients qu'il suffirait de quelques erreurs graves de la part de l'autorité de réglementation, des radiodiffuseurs ou de l'industrie de la radiodiffusion dans son ensemble pour se retrouver dans un chaos économique. En gardant à l'esprit ce qui précède, le Comité fait les recommandations suivantes :

Cadre stratégique de la transition au numérique

À la lumière de ce qui a été dit, le Comité croit que le gouvernement devrait jouer un rôle central au cours des années à venir pour que le cadre stratégique de la transition au numérique soit élaboré de manière à susciter une participation égale et juste de tous les intervenants. Par conséquent :

RECOMMANDATION 12.1 :

Le Comité recommande que les ministères et organismes responsables au gouvernement fédéral élaborent un plan global de transition au numérique, en collaboration avec l'industrie de la radiodiffusion et les intervenants du secteur public, du secteur privé et des organisations sans but lucratif.

Accès

Le Comité est d'avis que le gouvernement et le CRTC devront s'assurer que les distributeurs de radiodiffusion n'inventent pas de mécanismes de protection susceptibles d'empêcher les radiodiffuseurs d'avoir un contact avec tout l'auditoire de télévision numérique. Pour cette raison :

RECOMMANDATION 12.2 :

Le Comité recommande que la transition au numérique soit gérée de telle façon que les prestataires de programme et les radiodiffuseurs aient un moyen de communication équitable et juste avec tous les téléspectateurs de télévision numérique.

Normes

Le Comité reconnaît qu'une totale absence de normes — en particulier pour la télévision numérique — aura sans doute pour effet de ralentir l'adoption de certaines technologies numériques. À la lumière de ce qui précède :

RECOMMANDATION 12.3 :

Le Comité recommande que le gouvernement établisse des normes matérielles et logicielles uniformes afin de protéger l'investissement des auditeurs et téléspectateurs, dans la technologie numérique et pour prévenir l'utilisation d'une technologie exclusive et les comportements anticoncurrentiels qui pourraient nuire à la compétition et à l'accès des abonnés.

Ces normes devraient inclure des dispositions précises relatives à l'équipement et aux logiciels (p. ex., l'établissement des menus) pour tous les types de décodeurs. De plus, ces normes devraient permettre aux Canadiens d'avoir accès sans difficulté aux options de programmation canadienne. Ces normes devraient aussi être conçues de manière à optimiser la compatibilité entre les équipements de différentes générations, réduisant, de ce fait, la rapidité à laquelle ces équipements deviennent désuets.

Choix et contrôle du consommateur

Comme on l'a mentionné au chapitre 8, le Comité reconnaît que la concurrence et le choix du consommateur sont des éléments implicites de la politique canadienne de radiodiffusion. Dans le contexte de la transition au numérique, le Comité redoute la possibilité que surgissent des pratiques anticoncurrentielles susceptibles de nuire à la capacité des radiodiffuseurs du Canada de créer une nouvelle programmation ou d'offrir des services extérieurs à la programmation.

RECOMMANDATION 12.4 :

Le Comité recommande qu'une réglementation soit élaborée dans le but de prévenir la manipulation ou la modification de quelque façon que ce soit par les distributeurs des signaux téléchargés par les abonnés.

Ces règlements devraient aussi permettre à tous les radiodiffuseurs — que ce soit des organisations sans but lucratif ou des entreprises privées ou publiques — suffisamment de souplesse pour satisfaire les préférences des téléspectateurs pour les programmes ou services précis qui leur sont offerts.

Soutien de la réglementation

Tel qu'il est souligné au chapitre 9, le Comité s'inquiète grandement de la situation de la programmation locale dans le système de radiodiffusion canadien. Par conséquent, il considère comme essentiel de maintenir une partie de la réglementation antérieure, du moins pour la durée de la transition au numérique. À cette fin :

RECOMMANDATION 12.5 :

Le Comité recommande que les stations locales continuent de bénéficier d'une distribution prioritaire durant toute la durée de la transition au numérique.

On a souligné au chapitre 8 que la substitution de signaux identiques est le principal moyen par lequel les radiodiffuseurs canadiens parviennent à maintenir la valeur de la programmation étrangère dont ils font l'acquisition. La substitution des signaux identiques protège également la valeur de la publicité pour les annonceurs au Canada. Par extension, ce privilège lié à la réglementation permet aux radiodiffuseurs du Canada de pratiquer la publicité intermédia de la programmation canadienne et de générer un revenu nécessaire à la production et à l'achat d'une programmation originale canadienne. Dans ces circonstances, le Comité considère comme essentiel de préserver la substitution des signaux identiques, au moins pour la durée de la transition au numérique.

RECOMMANDATION 12.6 :

Le Comité recommande que la substitution des signaux identiques soit préservée pour la durée de la transition au numérique.

Nouvelles sources de revenus

Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, plusieurs témoins ont souligné qu'un des principaux avantages de la radiodiffusion numérique réside dans son potentiel de générer de nouvelles sources de revenus découlant de divers services :

la télévision interactive;

les services spécialisés et payants;

les services radio utilisant leurs propres installations de transmission numérique directe ou la technologie de distribution numérique de la télévision par câble, et les entreprises de distribution par SRD;

les services de multidiffusion ou de diffusion de données pouvant utiliser la capacité résiduelle du spectre attribué à la radiodiffusion numérique;

les autres formes d'abonnements ou de transactions.

Le Comité considère comme essentiel que tous les radiodiffuseurs (c.àd. publics, privés, sans but lucratif et communautaires) aient la possibilité de bénéficier équitablement de ces sources possibles de revenus. Par conséquent :

RECOMMANDATION 12.7 :

Le Comité recommande que la politique gouvernementale permette à tous les radiodiffuseurs et distributeurs de bénéficier équitablement des revenus possibles découlant de sources associées à leurs activités réglementées.

Confidentialité

Le Comité considère qu'il est essentiel de protéger les droits sur la confidentialité dans le cadre de mise en place des nouvelles technologies et des nouveaux services de radiodiffusion. Pour ce faire :

RECOMMANDATION 12.8 :

Le Comité recommande que le CRTC élabore des règlements pour que les données recueillies par les diffuseurs et/ou les entreprises de distribution de radiodiffusion à partir des capacités interactives et de rétroaction des décodeurs ou d'autres dispositifs numériques soient conformes aux lois pertinentes sur la confidentialité et la consommation.

Mesures et rapports

Dans un document préparé pour le Comité, M. David Keeble souligne la nécessité « d'élaborer des mesures objectives visant à mesurer l'efficacité des efforts d'encadrement » en vue de la transition au numérique, et de voir le gouvernement « investir les efforts nécessaires pour contrôler l'impact de la transition au numérique. » De plus, il constate que la transition au numérique règlera certains problèmes de mesure :

Par exemple, grâce à certains logiciels, les récepteurs numériques peuvent télécharger « en amont » des renseignements à partir des foyers participants; les signaux peuvent transporter des renseignements exacts sur chaque titre, si bien qu'il devient facile de prendre la mesure de la programmation canadienne et ainsi de suite. Cette entreprise exigera toutefois la collaboration de plusieurs intervenants et la volonté d'agir de la part des décideurs37.

Le Comité entérine ces observations. Comme nous l'avons maintes fois répété tout au long de ce rapport, le Comité a plus d'une fois déploré l'absence d'objectifs clairs et de techniques appropriées de mesure et d'établissement des rapports. C'est la raison pour laquelle nous procédons, au chapitre 19, à un certain nombre de recommandations sur la nécessité de mettre au point des méthodes plus efficaces de mesure et d'établissement des rapports. En ce qui a trait à la transition au numérique, le Comité y voit une occasion exceptionnelle d'intégrer dès le départ certaines pratiques de mesure et d'établissement des rapports. À cette fin :

RECOMMANDATION 12.9 :

Le Comité recommande que le gouvernement travaille avec les intervenants de l'industrie de la radiodiffusion pour s'assurer que les techniques de mesure et d'établissement des rapports puissent jauger adéquatement la pénétration des technologies numériques dans la population canadienne.

Ces techniques devraient comporter des méthodes d'évaluation de l'impact des technologies numériques sur les objectifs canadiens de politique de radiodiffusion. Par exemple, elles devraient pouvoir nous renseigner sur l'impact du magnétoscope sur les habitudes des téléspectatrices et téléspectateurs canadiens et l'impact ultérieur de toutes les autres mesures — par exemple une publicité accrue pour des émissions canadiennes — que nous désirons évaluer. Il ne fait aucun doute que sans ces mesures, le Comité croit qu'il sera plus difficile d'établir des politiques efficaces, non seulement pour la transition au numérique mais pour le système de radiodiffusion canadien dans son ensemble.

Préservation

Comme nous l'avons mentionné au chapitre 10, les témoins des collectivités du Nord et les autochtones ont mentionné aux membres du Comité qu'ils ne disposaient pas des ressources financières nécessaires pour numériser une partie substantielle des documents historiques sur pellicule concernant leurs peuples, documents accumulés au fil des ans. On a également informé le Comité, à l'occasion de visites aux radiodiffuseurs partout au Canada, que la numérisation des archives vidéo est une entreprise coûteuse. Le Comité souligne dans son rapport de juin 1999, Appartenance et identité, qu'il recommandait « que le ministère du Patrimoine canadien prenne sans tarder les mesures afin d'obtenir des ressources additionnelles et d'établir un fonds consacré à la préservation d'articles d'importance nationale qui risquent de se détériorer et donc d'être perdus38 ». Dans l'esprit de cette recommandation :

RECOMMANDATION 12.10 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien mette au point une stratégie de partage des coûts pour éviter la perte par détérioration des archives des radiodiffuseurs canadiens.

Notes en fin de chapitre

1Même sans la révolution numérique, la télévision par satellite aurait connu des percées technologiques. Elle pourrait subsister en mode analogique. La conversion numérique a seulement permis de comprimer l'information (et donc à libérer le spectre pour y ajouter d'autre information) et d'améliorer la qualité de la présentation et de la transmission.
2Mémoire de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, le 10 septembre 2001, Ottawa, Canada.
3Voir : Avis public CRTC 1995-184, Avis public CRTC 2002-32, Avis public CRTC 200248.
4Association canadienne des radiodiffuseurs. Op. cit.
5Les normes sont des couteaux à deux tranchants : a) une fois en place, elles ouvrent le marché à la concurrence; b) n'étant pas tenus d'y adhérer, les fabricants accèdent plus rapidement au marché, font preuve d'innovation, réalisent plus de profits et contrôlent leur niche. Par conséquent, si un fabricant convoite une niche, veut prendre le risque de l'exploiter, peut convaincre une sous-clientèle d'un nouveau besoin, aucune instance ne pourra empêcher l'avènement d'un produit ou d'une technologie. Bien des fabricants sont prêts à prendre les devants sur le marché, puis à permettre à l'industrie de rattraper son retard, leur permettant ainsi de passer à la prochaine innovation. C'est aussi pourquoi bien des sociétés se désintéressent des brevets. Dès qu'un brevet est en vigueur, la technologie a déjà évolué; si une société peut prouver qu'elle a été la première à utiliser la nouvelle technologie, son invention est protégée par défaut. C'est pourquoi certains experts jugent que des normes ne sont pas justifiées dans l'industrie.
6Ibid.
7Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 31 janvier 2002.
8Ibid.
9Ibid.
10David Keeble, Creating and Distributing Canadian Content Through the Digital Transition, préparé pour le Comité permanent du patrimoine canadien, 22 octobre 2002. p. 11-12.
11Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 février 2002.
12Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 31 janvier 2002.
13Ibid.
14Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 février 2002.
15Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 31 janvier 2002.
16Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
17Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 31 janvier 2002.
18Ibid.
19Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
20Keeble, p. 12.
21Mémoire de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, Annexe C.
22Keeble, p. 10.
23Société Radio-Canada, p. 56.
24Association canadienne des radiodiffuseurs.
25Keeble, p. 24.
26Ibid.
27Ibid.
28Il y a toutefois une possibilité de décalage dans les marchés où moins de 85 % des foyers peuvent recevoir le numérique.
29U.S. Congressional Budget Office, « Completing the transition to digital television », septembre 1999.
30Keeble, p. 13.
31Avis public CRTC 2002-32.
32Ibid.
33Ibid.
34Association canadienne des radiodiffuseurs.
35Richard J. Schultz, The Operation and the Effectiveness of the Canadian Radiotelevision and Telecommunications Commission, préparé pour le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, p. 15.
36Richard J. Paradis, Étude sur les activités de réglementation de la radiodiffusion, préparée pour le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
37Keeble, p. 28.
38Appartenance et identité : L'évolution du rôle du gouvernement fédéral pour soutenir la culture au Canada, rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, Ottawa, Chambre des communes, 1999, Recommendation 31, p. 67.