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HERI Rapport du Comité

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MAINTIEN D'UN SYSTÈME UNIQUE

Chapitre 14
Internet

Comme il est dit aux chapitres 3 et 4, les innovations dans les technologies des communications ont facilité la convergence de divers médias (radio, musique, presse, jeux, films, etc.) sur Internet. Ce phénomène a non seulement précipité une profonde transformation de notre façon — celle des jeunes d'aujourd'hui surtout — de communiquer et de nous renseigner, mais a permis aux habitants de la planète de court-circuiter les sources traditionnelles d'information pour accéder à divers contenus. De sorte que depuis quelques années plusieurs pays, dont le Canada, débattent des avantages et des inconvénients de la « réglementation d'Internet ».

La « réglementation d'Internet » est une notion qui couvre une grande partie du paysage législatif potentiel. Comme l'a souligné le professeur Elizabeth Judge, « la réglementation d'Internet est un terme général1 » qui peut s'appliquer à toute une gamme de secteurs législatifs différents.
« Une loi peut réglementer les joueurs d'Internet, comme les fournisseurs de services, l'infrastructure, le contenu ou l'application de droits traditionnels ou de causes d'action dans Internet2. » En outre, la question de compétence — à savoir, quel gouvernement peut légiférer sur des
« questions liées à Internet » — peut représenter un certain défi en termes de gouvernance et de répartition des pouvoirs :

La question de la compétence nourrit de nombreuses discussions sur la réglementation d'Internet, de nombreux observateurs estimant qu'Internet est « sans frontières ». Les notions de compétence personnelle et juridictionnelle sont fonction de la géographie et des contacts physiques. Aussi, on croit que ces notions ne peuvent être facilement appliquées au cyberespace3. [traduction]

Nonobstant ces considérations, certains aspects de la réglementation d'Internet sont apparus comme des espaces relativement incontestés de compétence fédérale. Les « télégraphes » sont le seul mode de communication spécifiquement mentionné dans les articles sur la répartition des pouvoirs dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867; ils sont de compétence fédérale exclusive. Au fil des ans, les décisions de la Cour ont « étoffé la référence aux télégraphes et l'article 92(10) comprend maintenant le téléphone, la radio, la télévision et la télévision par câble qui sont de compétence fédérale4 ».

Par conséquent, le gouvernement fédéral a compétence sur la radiodiffusion au Canada. Comme il est dit au chapitre 2, en 1968 le Parlement a créé le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), une autorité publique ayant le mandat de réglementer et de superviser tous les aspects des systèmes de radiodiffusion et de télécommunications canadiens. Le CRTC a dû s'adapter à l'évolution rapide de nouvelles technologies de radiodiffusion et de communication; Internet et les nouveaux médias ne sont que les derniers exemples de cette évolution.

Les chapitres 3 et 4 retracent la genèse d'Internet comme moyen de communication et montrent l'étendue de son adoption par les habitants du Canada et du monde. Bref, on y explique qu'Internet est une série de règles pour communiquer par l'intermédiaire d'un réseau informatique et, à plusieurs égards, l'équivalent électronique d'un bureau de poste5.

Le chapitre 13 examine les défis que représentent pour le régime actuel des droits d'auteur ceux qui souhaitent retransmettre sur Internet des signaux de radiodiffusion en direct. Comme nous l'avons vu, les modifications récentes à la Loi sur le droit d'auteur ont créé un « créneau réservé » qui interdit aux aspirants distributeurs d'émissions sur Internet le droit de demander une licence obligatoire pour retransmettre les signaux de la radiodiffusion classique.

Ce chapitre traite de questions de réglementation liées au potentiel d'Internet en tant que plate-forme pour la transmission de programmes au public. D'abord, un survol de la façon dont les lois et les politiques actuelles s'appliquent à Internet, suivi d'un résumé de ce que le Comité a entendu au sujet de la réglementation d'Internet.

A. Comment les lois et les politiques actuelles s'appliquent-elles?

Depuis près de dix ans, on se demande où se situent les points de rencontre entre Internet et la réglementation. Dans une étude de 1995 sur la façon dont le Canada peut le mieux relever les défis de « l'autoroute de l'information », par exemple, le Comité consultatif sur l'autoroute de l'information (le « Comité consultatif ») a traité de plusieurs thèmes qui devaient être évoqués au cours des audiences du CRTC en 1998 et de la présente étude du Comité6. Ces thèmes communs comprenaient la question du contenu canadien et l'applicabilité des lois et règlements actuels à Internet, particulièrement lorsqu'ils concernent la protection des droits d'auteur et la propriété intellectuelle et la présence de matériel illégal et offensant sur Internet7.

Le droit d'auteur

Dans son étude de 1995, le Comité consultatif examine en quoi l'élaboration de nouvelles technologies — en particulier la numérisation et l'interactivité — aurait une incidence sur les questions fondamentales du droit d'auteur. Ces nouvelles technologies rendent beaucoup plus faciles qu'avant la reproduction illégale et la nouvelle publication intégrale d'œuvres protégées par le droit d'auteur. Ainsi, l'étude note que la possibilité de « piratage, d'utilisation non autorisée et de reproduction d'œuvres protégées et les répercussions économiques qui s'ensuivent sont une cause de préoccupation pour les créateurs et les producteurs8 ».

Constatant le besoin de maintenir l'équilibre entre les droits des créateurs pour qu'ils bénéficient de l'usage de leurs œuvres et le besoin des usagers d'avoir accès à ces œuvres, le Comité consultatif recommande que le gouvernement fédéral adopte « des principes pour aider les parties concernées à régler les problèmes posés par une numérisation accélérée9 » :

Inciter l'industrie, les créateurs et les usagers à élaborer et à mettre en œuvre un cadre administratif et réglementaire que toutes les parties intéressées soient en mesure de comprendre et d'appliquer facilement, et qui ne soit pas perçu comme un obstacle à l'accès au contenu ou à son utilisation sur l'autoroute de l'information10.

Après examen du droit de distribuer des œuvres protégées dans Internet, le Comité consultatif constate :

Le droit de transmettre une œuvre au public par télécommunication que l'on trouve actuellement dans la Loi sur le droit d'auteur s'applique clairement à la transmission électronique des œuvres au public. Par conséquent, le besoin d'introduire un droit de distribution par voie électronique n'est pas justifié11.

Le Comité consultatif conclut finalement, en se fondant sur les témoignages entendus aux audiences, que :

...les questions les plus difficiles à régler en vue d'aménager une autoroute de l'information vraiment canadienne, avec de nouveaux produits et services canadiens, n'avaient pas trait aux lois ou aux politiques, mais étaient plutôt de nature administrative ou technique. À cet égard, l'industrie accorde la priorité absolue à l'application du droit d'auteur et à l'affranchissement des droits12.

Le Comité consultatif a trouvé que le régime actuel de lois et politiques est « assez souple pour donner les moyens de faire respecter efficacement le droit d'auteur sur l'autoroute de l'information, et pour offrir aux utilisateurs un accès raisonnable aux ouvrages protégés13 ». En conclusion, selon lui, le rôle le plus important que le gouvernement puisse jouer est éducatif, en travaillant avec l'industrie à l'élaboration d'une campagne de sensibilisation visant à informer les usagers et les créateurs sur l'usage du droit d'auteur dans Internet14.

Matériel illégal et offensant

En ce qui a trait à la meilleure façon de s'attaquer au problème du matériel illégal et offensant sur Internet, le Comité consultatif a noté que « la règle de loi s'applique tout autant à l'autoroute de l'information15 ». Ainsi, le matériel interdit par le Code criminel — pornographie juvénile, obscénité, propagande haineuse — est illégal au Canada peu importe le support sur lequel il est transmis ou distribué.

Une question plus difficile est le matériel offensant, mais légal. « Par contenu potentiellement offensant, on entend entre autres, tout contenu sexuellement explicite ou d'une extrême violence, ou pouvant être considéré comme offensant pour des raisons d'ordre social, religieux, culturel ou moral16 ». Dans ce cas, les problèmes d'application sont compliqués par les responsabilités qui diffèrent d'un gouvernement à l'autre :

Au Canada, le contrôle du contenu relève de différents ordres de gouvernement. Outre l'application des dispositions du Code criminel et de la Charte canadienne des droits et libertés, le rôle du gouvernement fédéral, en ce qui concerne l'expression, est défini dans la Loi sur les télécommunications, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les gouvernements provinciaux ont des bureaux de surveillance des films et des bandes vidéo qui permettent de faire respecter les règlements locaux, y compris l'interdiction de certains contenus et les restrictions touchant l'âge. Les administrations municipales ont des règlements qui régissent le zonage et les permis afin de limiter la distribution du divertissement pour adultes.

Dans un monde numérique, des problèmes liés à l'application de la loi se posent en ce qui concerne les limites des compétences. ... Il faut se pencher sérieusement sur le droit et la capacité de contrôler l'information acheminée au foyer17.

Constatant que ces questions de compétences sont encore plus compliquées du fait qu'à l'occasion le matériel jugé offensant dans une province peut être jugé acceptable dans une autre, le Comité consultatif reconnaît qu'il « faut prendre des dispositions bilatérales et multilatérales, à l'échelle internationale, pour traiter des communications offensantes ou illégales sur les réseaux mondiau18 ».

Concernant la meilleure façon de s'attaquer au problème du contenu légal mais offensant, le Comité consultatif croit que le gouvernement fédéral devrait mettre sur pied des programmes d'information afin de sensibiliser le public au fait que le principe de droit s'applique aux communications par ordinateur, et devrait s'allier aux acteurs de l'industrie afin de faciliter l'élaboration « d'un code d'éthique et de pratiques modèles reflétant les valeurs communautaires ainsi que pour offrir des programmes communautaires de sensibilisation19 ».

En outre, le gouvernement fédéral devrait former un comité technique pour :

Trouver des solutions techniques garantissant aux particuliers ... la possibilité de choisir facilement le contenu qu'ils désirent. (Par exemple, l'utilisation de mots de passe permet de limiter l'accès; la validation d'usager et certains mécanismes de paiement permettent de faire respecter les restrictions d'âge; et des filtres adaptatifs sur les ordinateurs personnels au foyer permettent d'empêcher l'accès à un contenu violent ou sexuel inapproprié20.)

Et pour :

Trouver des solutions techniques garantissant que tout le matériel provenant de sources canadiennes distribué sur Internet peut être attribué à une personne et à un site vérifiables. ... La disponibilité de cette information devrait être assujettie aux lignes directrices plus étendues concernant la vie privée21.

L'étude du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information portant sur le contenu illégal et offensant diffusé dans Internet, parue en 2000, traite aussi de la sensibilisation du public, d'éducation, de savoir, de solutions techniques et de recommandations d'autoréglementation par l'industrie22.

Décision du CRTC concernant les nouveaux médias

En juillet 1998, le CRTC a sollicité des observations sur la « gamme de services de plus en plus nombreux offerts à une clientèle croissante et collectivement appelés nouveaux médias23 ». Le CRTC a reçu plus de 1 000 réponses de parties intéressées portant sur toute une gamme de sujets, provenant de particuliers, de groupes, d'industries, de compagnies multimédias et d'entreprises de radiodiffusion traditionnelles. Les mémoires reçus, l'information recueillie et les consultations menées ont permis au CRTC de prendre la décision tant attendue en mai 1999 d'exempter les nouveaux médias de la réglementation régissant la radiodiffusion, c.-à-d. de ne pas réglementer Internet.

La diversité des réponses reçues reflète la diversité des services de communication que recouvrent les « nouveaux médias ». Ces produits et services peuvent inclure, « mais sans s'y limiter, les jeux vidéo, les CD-ROM, le courrier électronique (courriel), les services de messagerie en ligne, la télécopie, le commerce électronique, la téléphonie PI et les services transmis par le World Wide Web et Internet24 ». Le CRTC a retenu la définition de travail suivante :

Les nouveaux médias peuvent être décrits comme englobant seuls, en combinaison, interactifs ou pas, les services et les produits qui utilisent la vidéo numérique, l'audio, les images et les textes alphanumériques; et comprenant, en plus d'autres moyens traditionnels de distribution, la distribution numérique sur des réseaux interconnectés localement ou à l'échelle mondiale25.

En sollicitant des observations et en menant des consultations publiques sur les nouveaux médias, le Conseil voulait aborder le problème suivant, à savoir si les transmissions des nouveaux médias constituent de la
« radiodiffusion » au sens de la Loi sur la radiodiffusion et, dans l'affirmative, si elles devraient être réglementées.

À l'article 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion, « radiodiffusion » signifie :

Toute transmission, à l'aide d'ondes radioélectriques ou de tout autre moyen de télécommunication, d'émissions encodées ou non destinées à être reçues par le public à l'aide d'un récepteur, à l'exception de celle qui est destinée à la présentation dans un lieu public seulement.

Le terme « émission » est défini ainsi dans la Loi :

Les sons ou les images, ou leur combinaison, destinés à informer ou divertir, à l'exception des images, muettes ou non, consistant essentiellement en des lettres ou des chiffres.

C'est le dernier élément de la définition qui soustrait une grande partie du contenu des nouveaux médias au concept de radiodiffusion, étant donné que la plupart des documents sur Internet sont composés principalement de textes alphanumériques plutôt que de sons ou d'images. Ainsi, les textes alphanumériques dans Internet ne font pas partie du champ d'application de la Loi sur la radiodiffusion et ne peuvent être réglementés par le CRTC26.

La question du contenu d'Internet, constitué principalement de vidéos, de sons, d'images fixes ou de combinaison de ces éléments, demeure. Premièrement, le Conseil a observé que même si l'information affichée ou versée dans Internet peut être considérée comme étant affichée publiquement, Internet n'est pas, en soi, un « lieu public » au sens de la Loi. Des émissions ne sont pas transmises au cyberespace, mais avec son aide, et elles sont reçues dans un lieu physique, par exemple un bureau ou un foyer27 ».

Par ailleurs, pour déterminer si les émissions transmises sont « destinées à être reçues par le public » selon la définition de l'article 2(1) de la Loi sur la radiodiffusion, le Conseil estime qu'il est important d'établir une distinction entre la capacité d'obtenir du contenu Internet « sur demande » — le caractère non simultané des services
Internet — et celle de l'utilisateur final de « personnaliser » lui-même le contenu ou d'interagir avec lui pour le façonner, selon ses besoins et intérêts28 ». Ne trouvant rien dans la Loi exigeant que les émissions transmises soient reçues par le public selon un horaire fixe ou vues simultanément par divers utilisateurs, le Conseil estime que les émissions qui sont transmises au public sur demande sont « destinées à être reçues par le public29 ».

Toutefois, la notion de « destiné à être reçu par le public » tombe si le contenu a été personnalisé par l'utilisateur final de manière telle qu'il en retire une expérience individuelle — personnelle — en créant son propre contenu. Le Conseil croit que ce genre de contenu ne peut être considéré comme étant « destiné à être reçu par le public30 » et estime par conséquent qu'il échappe à l'application de la Loi sur la radiodiffusion. C'est le degré de personnalisation qui est important. Dans le cas d'une émission qui serait personnalisée de façon similaire, voire identique, mais où l'utilisateur serait incapable de choisir différents angles de caméra ou points de vue, s'agissant d'une activité sportive, par exemple, le contenu constituerait une transmission d'émission destinée à être reçue par le public et, donc, « pour diffusion ».

Aux termes du paragraphe 9(4) de la Loi sur la radiodiffusion, le Conseil soustrait les exploitants d'entreprise de radiodiffusion à l'obligation d'obtenir une licence comme le précise la Loi, s'il estime l'exécution sans conséquence majeure sur la mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion définie au paragraphe 3(1). Après examen et études des mémoires, le Conseil croit que l'industrie des nouveaux médias au Canada est dynamique, hautement concurrentielle et réussit bien sans réglementation et que, « l'obligation, pour les nouveaux médias, de détenir une licence ne contribuerait d'aucune façon à leur développement, pas plus qu'elle n'augmenterait les bénéfices qu'en retirent les citoyens, les consommateurs et le monde des affaires, au Canada31 ».

C'est ainsi qu'en mai 1999, le CRTC a rendu une « ordonnance d'exemption sans modalités ni conditions, pour les entreprises offrant des services de radiodiffusion sur Internet, en tout ou en partie, au Canada32 ». On pourrait résumer sa décision ainsi :

Le matériel transmis dans Internet qui est constitué principalement de chiffres et de lettres n'est pas par définition pour diffusion;

Le matériel transmis dans Internet qui peut être personnalisé n'est pas pour diffusion; et

Le contenu restant qui ne correspond pas à la définition établie dans la Loi sur la radiodiffusion est exempt de réglementation33.

Le contenu canadien dans Internet

Dans ses audiences sur les nouveaux médias, le CRTC souhaitait obtenir des commentaires sur la disponibilité et la visibilité du contenu canadien dans Internet, et savoir si des incitatifs ou des mesures réglementaires étaient nécessaires pour « inciter l'industrie des nouveaux médias d'aujourd'hui et de demain à développer, produire, promouvoir et distribuer du contenu et des services canadiens34 ». Le Conseil a recueilli une variété d'avis sur la question de la réglementation, depuis l'absence totale de réglementation, jusqu'au financement direct et aux incitatifs fiscaux comme moyen de réglementation, en passant par la réglementation comme seul moyen de produire, de promouvoir et de garantir une présence canadienne sur Internet.

Le CRTC a constaté que la présence canadienne sur Internet est déjà très forte, comme en font foi le « nombre impressionnant » de sites canadiens, les partenariats clés entre fournisseurs de services Internet et éditeurs de contenu en vue de créer un contenu canadien, l'expansion de nombreuses entreprises traditionnelles canadiennes, et la disponibilité des outils de recherche qui permettent de trouver plus facilement le contenu canadien35. De fait, il s'est intéressé à la quantité de contenu canadien dans Internet :

Des participants ont cité des statistiques indiquant que les sites Web canadiens représentent environ 5 % de tous les sites Web d'Internet. La disponibilité de fureteurs canadiens facilite l'accès au contenu canadien des nouveaux médias. Environ 5 % du contenu total d'Internet est en langue française36.

C'est ainsi qu'il peut affirmer :

Il existe, aujourd'hui sur Internet, une quantité importante de contenu et de services canadiens de nouveaux médias et amplement d'incitatifs à l'entreprise et au marché pour en soutenir la production et la distribution. En fait, plusieurs parties ont déclaré que toute réglementation serait un handicap et non une aide à la production et à la distribution de contenu canadien de nouveaux médias. Donc, politiquement, rien ne justifie que le Conseil impose des mesures réglementaires pour stimuler la production et la distribution de contenu canadien37.

Comme rien n'indiquait que la visibilité sur Internet du contenu canadien constituait un problème, le Conseil a décidé que, politiquement, rien ne justifiait des mesures réglementaires pour soutenir l'accès au contenu canadien sur Internet38.

Contenu illégal et offensant dans Internet

La question de savoir comment s'attaquer au problème du contenu illégal, offensant et inadmissible diffusé dans Internet a fait l'objet de nombreuses observations et opinions. Certains participants, faisant remarquer à quel point il est facile d'accéder à du contenu offensant et inadmissible et de le diffuser, ont demandé au Conseil de réglementer ce genre de contenu39. D'autres croient que le CRTC ou un autre organisme de réglementation du contenu illégal devrait se substituer au long et ardu processus judiciaire actuel, régi par les dispositions du Code criminel40. Par ailleurs, il a été suggéré de conférer à la Commission canadienne des droits de la personne des pouvoirs supplémentaires pour lutter contre la propagande haineuse sur Internet.

D'autres participants pensent que la meilleure façon de remédier au problème du contenu offensant et inacceptable sur Internet est l'autoréglementation de l'industrie et l'élaboration de codes d'éthique contraignants. On a suggéré que des partenaires des secteurs public et privé soient associés à ces travaux. On a aussi noté que les coupe-feu, conçus pour contrôler l'accès au contenu inacceptable, sont des outils efficaces.

Pour ce qui est du contenu illégal diffusé dans Internet, la majorité des participants croient que les lois canadiennes d'application générale, ainsi que les initiatives d'autoréglementation, sont des moyens plus appropriés de s'attaquer à ce type de contenu qu'une réglementation en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. L'incitation publique à la haine, par exemple, est une infraction aux termes du Code criminel41. En outre, la propagande haineuse est essentiellement alphanumérique, et par définition, un texte alphanumérique n'est pas pour diffusion selon le sens de la Loi sur la radiodiffusion, de sorte qu'elle échappe à la réglementation du CRTC.

La pornographie juvénile et le matériel obscène sont illégaux, quel que soit le mode de transmission, et le matériel obscène diffusé sur Internet relève des dispositions du Code criminel relatives à la fabrication, la publication, la distribution ou la circulation d'un tel matériel42. Le Conseil croit que le droit pénal, ainsi que l'établissement de services de plaintes téléphoniques, de postes d'ombudsman dans l'industrie et d'ententes internationales, ainsi qu'une sensibilisation accrue, sont des moyens plus appropriés pour remédier à ce problème et à celui du contenu illégal dans Internet43.

B. Ce que les témoins ont dit

Les constatations du CRTC dans son étude globale des mémoires sur la réglementation de la radiodiffusion de nouveaux médias nous fournissent un point de repère utile pour l'étude du Comité sur la situation de la radiodiffusion au Canada. De nombreux témoins se sont reportés à des éléments de l'avis public de radiodiffusion CRTC 1999-84, relativement à l'approche à adopter pour la diffusion de nouveaux médias.

Les mémoires présentés au Comité sur la réglementation d'Internet en termes de radiodiffusion étaient axés sur trois points : le contenu canadien, l'application éventuelle des lois et politiques à Internet et l'autoréglementation par les intervenants d'Internet. Ces questions, qui étaient principalement des arguments pour ou contre la réglementation d'Internet en vue d'encourager la production d'un contenu canadien, seront également examinées.

Pour la réglementation

Un des buts premiers de la Loi sur la radiodiffusion est de maintenir et mettre en valeur l'identité nationale et la souveraineté culturelle en favorisant l'épanouissement de nos modes d'expression et en faisant connaître les artistes canadiens44. Le contenu canadien sur Internet a justement suscité beaucoup d'intérêt chez de nombreux témoins entendus par le Comité ou dans les mémoires qu'il a reçus.

M. Jacques Primeau, président de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, s'est dit fortement en faveur de la réglementation d'Internet. Dans un témoignage éloquent, résumant les vues et préoccupations de plusieurs parties en faveur de la réglementation, il a demandé que la décision du CRTC de ne pas réglementer Internet soit revue. Il s'est dit particulièrement préoccupé par la capacité de mettre en valeur et de promouvoir le contenu canadien avec les nouveaux développements technologiques et la mondialisation. Il a notamment déclaré :

... une des tâches les plus utiles que pourrait accomplir le comité serait de concentrer sa réflexion à élaborer des modalités concrètes de réglementation de la radiodiffusion sur Internet. ... la décision de ne pas réglementer Internet prise par le CRTC en 1999 doit impérativement être revue à la lumière des développements technologiques survenus depuis. ...

Pour la réglementation de l'Internet, c'est sûr, il va falloir trouver des moyens différents de ceux qu'on a connus dans le passé. Il va falloir être créatif dans la réglementation sur Internet pour s'assurer de deux choses. Premièrement, est-ce que les gens qui distribuent les services d'Internet sont traités sur un même pied que les gens qui distribuent la télé par câble ou qui distribuent la télé par lien hertzien ou autrement. ...

Il faut, deuxièmement, non pas simplement punir mais plutôt encourager les initiatives d'entreprises canadiennes qui mettent en valeur le talent canadien sur Internet. C'est en ce sens qu'on pourrait réglementer45.

M. Jean-Pierre Lefebvre, président de l'Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec, a aussi fait valoir la nécessité d'une réglementation d'Internet à la lumière des grands objectifs des politiques de la radiodiffusion canadienne :

Le contenu canadien est la raison d'être même, la finalité ultime de notre système. Les lois, les politiques, les règlements, les ordonnances du gouverneur en conseil, l'activité de surveillance et d'encadrement exercée par le CRTC poursuivent tous un même objectif : assurer que l'ensemble des citoyens canadiens aient un large accès à une programmation enracinée ici, qui reflète leurs réalités, leurs valeurs, leurs perceptions du monde.

Cet objectif, on ne doit jamais le perdre de vue. Dans le processus de révision en cours, il importe que tous les efforts soient faits pour conserver et renforcer les mesures qui favorisent la création, le financement, la présentation et la promotion d'une programmation canadienne de grande qualité qui réponde aux besoins diversifiés des publics canadiens.

Dans cet univers en expansion, il faut être résolument proactif et déterminé à prendre sa place. Des efforts exceptionnels doivent être consentis et conjugués pour assurer une présence soutenue des contenus canadiens sur tous les fronts : de la radio et la télévision hertzienne à l'Internet en passant par la télévision spécialisée, les services sonores payants et la vidéo sur demande46.

Certains témoins étaient moins sûrs que la réglementation soit la meilleure façon de garantir le contenu canadien, mais ils ont néanmoins indiqué qu'ils souhaitaient que la décision du CRTC de ne pas réglementer Internet soit revue. Par exemple, Mme Megan Williams, directrice nationale de la Conférence canadienne des arts, a dit au Comité :

Nous estimons que la décision prise par le CRTC de renoncer à son étude d'Internet était prématurée. Nous pensons qu'il lui faut continuer à surveiller ce secteur en s'assurant que le contenu canadien sur Internet est suffisant. Nous ne voulons pas dire par là que le CRTC peut réglementer Internet, mais nous considérons qu'il peut trouver les moyens de s'assurer que le contenu canadien y figure bien, dans les deux langues officielles47.

M. Richard Paradis, président de l'Association canadienne des distributeurs et des exportateurs de films partage ce point de vue; il a suggéré la tenue d'une consultation publique sur la réglementation d'Internet. L'adoption d'une telle réglementation, selon lui, n'était qu'une question de temps étant donné la portée mondiale, l'interconnectivité internationale et l'importance financière d'Internet. Dans ce sens, il a indiqué :

Le ministre a demandé aux Canadiens de dire comment ils concevaient le contenu canadien et d'en donner une définition dans le nouveau contexte actuel, et nous allons tous participer à cet exercice. Je crois que le gouvernement ou le ministre pourrait effectivement poser des questions à la population canadienne. Pensez-vous qu'il faille réglementer l'Internet? Quelle est votre opinion à ce sujet? On pourrait ainsi stimuler la créativité et recueillir de bonnes idées48.

En ce qui concerne les problèmes de réglementation d'une technologie mondiale qui évolue aussi rapidement qu'Internet, des témoins ont reconnu la difficulté d'une telle entreprise, mais ont avancé que la réglementation était possible et nécessaire. Par exemple, M. Jacques Primeau, président de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, a déclaré :

Non seulement le gouvernement canadien peut, mais il doit réglementer les activités de radiodiffusion sur le Net. Il en va de la bonne santé financière des entreprises qui composent le système, de la protection et de la juste rétribution des titulaires de droit comme du maintien de l'accès des Canadiens à des contenus culturels canadiens variés, de qualité et attrayants49.

M. Peter Sandmark, directeur national, Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants, s'est dit en faveur de réglementer Internet pour garantir le contenu canadien :

L'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendants recommande que le Comité permanent renforce l'obligation pour les radiodiffuseurs de présenter la production des créateurs indépendants canadiens de cinéma et de vidéo et la production des artistes indépendants canadiens des nouveaux médias dans les sites Internet des radiodiffuseurs50.

Les questions de contenu canadien n'étaient pas les seules soulevées par les témoins en faveur de réglementer Internet. Il a été suggéré de renforcer la réglementation et la législation existantes pour mieux protéger les droits d'auteur. Mme Anne-Marie Des Roches, directrice des affaires publiques, Union des artistes, a évoqué la réglementation éventuelle d'Internet en ce qui concerne les fournisseurs de service Internet :

En termes de réglementation, ... il faut vraiment regarder les coréglementations, les réglementations par contrat, et comment on peut en arriver à un consensus au lieu de toujours dire que c'est la responsabilité de quelqu'un d'autre, que ce n'est pas moi qui suis responsable. Je pense qu'il faut se prendre en main, comme société, et responsabiliser tous les niveaux d'acteurs en termes de réglementation sur l'Internet51.

Un autre témoin voyait la réglementation d'Internet — du moins en ce qui a trait à la protection des droits d'auteur — comme la prochaine étape nécessaire dans l'évolution de la technologie. Mme Francine Bertrand Venne, directrice générale, Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec :

Je voudrais tout simplement vous donner quelques exemples où le gouvernement, les réglementations et les lois pourraient nous servir de modèles. Je pense aux câblodistributeurs qui, pendant des années, disaient qu'ils n'étaient que des carriers, comme les fournisseurs d'accès à l'Internet. Avec le temps, avec la revendication du droit d'auteur, on a démontré qu'ils étaient des usagers de droits d'auteur et on a réparti la facture entre les câblodistributeurs et les stations spécialisées. Modelons-nous sur un exemple comme celui-là pour nous dire qu'avec l'Internet, on pourrait aussi rétablir certains ponts52.

Contre la réglementation

D'autre part, plusieurs témoins ont suggéré que la réglementation d'Internet n'était pas nécessaire. Notamment Mme Susan Peacock, vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films :

La politique de radiodiffusion actuelle, dans son application aux technologies traditionnelles, reposait sur la rareté des fréquences et sur le coût élevé de production et distribution d'un contenu d'intérêt général... Quel que soit le fondement ou la valeur des règlements de radiodiffusion, les préoccupations qui sont à leur origine ont en partie disparu. Certaines ont été atténuées par la nouvelle technologie, comme la disponibilité d'espace d'entreposage illimité53.

Plusieurs témoins ont soutenu que le contenu canadien peut être amélioré et mis en valeur sur Internet sans réglementation. Et ils ont été nombreux à dire au Comité que les lois existantes étaient suffisantes pour régler le problème du contenu illégal ou condamnable sur Internet.

M. Jay Thompson, président de l'Association canadienne des fournisseurs d'Internet, s'est élevé fortement contre la réglementation d'Internet. À propos de la relation entre la politique de radiodiffusion canadienne et Internet, il a déclaré au Comité :

Monsieur le président, le CRTC a bien fait de décider, en mai 1999, de ne pas essayer d'imposer un règlement genre radiodiffusion aux FSI ni aux fournisseurs de contenu Internet. Même si l'on peut soutenir qu'une partie — de plus en plus grande — du contenu Internet est visée par la définition légale de la « programmation » et même s'il était possible d'appliquer des règles canadiennes ou d'autres règles de radiodiffusion similaires à ce contenu — ce qui n'est pas le cas — il n'est pas nécessaire de le faire pour atteindre les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Il y a toutes sortes de contenu canadien sur Internet. Ce contenu est facilement accessible et peut-être créé et distribué par quiconque a accès à un ordinateur et à Internet.

La politique canadienne de radiodiffusion telle qu'établie au paragraphe 3(1) de la Loi sur la radiodiffusion demeure pertinente et opportune. La réglementation prévue au paragraphe 5(2) de la loi confère déjà au CRTC la souplesse nécessaire pour s'adapter aisément aux progrès scientifiques et techniques, et le paragraphe 9(4) permet au conseil de soustraire des exploitants d'entreprise de radiodiffusion à toute obligation découlant de la loi ou de ses règlements d'application dont il estime l'exécution sans conséquence majeure sur la mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion. Pour chacun des défis que le réseau Internet pose aux radiodiffuseurs et au réseau canadien de radiodiffusion, il y a une possibilité que le milieu canadien de la radiodiffusion exploite de plus en plus, dans son intérêt et au profit des consommateurs canadiens54.

Plusieurs témoins ont abordé la question du contenu canadien dans Internet. D'après un témoignage, le contenu canadien peut être amélioré et mis en valeur et connaître un plein essor sans réglementation. Un témoin a indiqué au Comité que la diffusion aux Canadiens d'un contenu canadien dans Internet présentait un intérêt commercial et que, par conséquent, la réglementation n'était pas nécessaire :

il s'agit en réalité de considérer ce que veulent les consommateurs ... Je dirais simplement que les Canadiens veulent du contenu canadien sur leur service Internet. Nous n'étions pas obligés d'en fournir, mais nous en fournissons parce que nous y avons commercialement intérêt55.

Ce point de vue était partagé par M. Jay Thompson :

Pour ce qui est du contenu canadien qui existe déjà sur Internet, il est accessible. On a accès sur Internet à de l'information sur les municipalités, les musées, les organisations culturelles, les activités culturelles, etc. Je suis plutôt intarissable sur ce sujet, mais j'estime que l'accès au contenu culturel canadien sur Internet est tel qu'il est inutile d'établir des règlements pour l'améliorer ou pour restreindre l'accès aux autres contenus56.

Le Comité a appris que c'est la demande du public et la réponse du marché qui font que le contenu canadien se porte bien dans Internet, en l'absence de réglementation :

La conclusion évidente, c'est que le renforcement de l'investissement étranger dans le système canadien de diffusion ne peut que renforcer les industries culturelles et le réseau de diffusion. Encore une fois, la réglementation et les conditions de licence ne nous obligeaient pas à agir ainsi. Nous l'avons fait parce que c'est rentable commercialement et parce que c'est ce que souhaitent les consommateurs canadiens.

Je suis convaincu que le contenu canadien peut s'épanouir dans une économie de marché, et c'est bien ce que confirme de façon plus générale la situation actuelle d'Internet. En l'absence de toute réglementation concernant la propriété ou le contenu canadien, ce dernier continue à s'épanouir et les créateurs de contenu canadien prennent de l'expansion sur Internet.

Cette conclusion a été un élément déterminant dans la décision du CRTC, en 1999, d'exempter les nouveaux médias d'Internet de la réglementation d'application de la Loi sur la radiodiffusion. Cette conclusion est tout aussi valable aujourd'hui. Dans le monde des consultations en direct, qui est régi par l'économie de marché, nos membres manifestent une nette préférence pour un contenu Internet véritablement canadien et choisissent en priorité des sources canadiennes de nouvelles, de sports et d'information financière.

Il importe de reconnaître également qu'Internet rend le contenu canadien accessible aux internautes du monde entier57.

Des vues semblables sur l'inutilité de réglementer Internet d'un point de vue commercial ont été présentées par M. Richard Ward, directeur exécutif, Community Media Education Society :

Il est probablement moins difficile pour nous de nous adapter à Internet que pour nos grands-parents de s'adapter à l'arrivée de la radio. Les inventeurs de la radio et de la télévision pensaient que ces moyens de communication seraient utilisés pour l'éducation et l'information publique, mais aujourd'hui ce sont des entreprises d'abord et avant tout. La situation est la même pour Internet. Le gouvernement n'a pas besoin d'établir de règlements pour Internet tant qu'il sera disposé à en établir pour les entreprises.

Il est permis de penser que les télévisions numériques seront semblables à l'accès à Internet. La télévision numérique peut facilement interagir avec Internet. Si des règlements sont établis pour la télévision, aucun règlement ne devra être établi pour Internet. On suppose peut-être que les télédiffuseurs ignorent les règlements, mais souvent c'est le cas contraire, surtout lorsque les télédiffuseurs indépendants font face à des entreprises tellement grandes que toute possibilité de concurrence est presque éliminée58.

En réponse aux préoccupations quant à l'absence de réglementation gouvernementale et aux difficultés que cela pourrait créer, un témoin a parlé des mesures d'autoréglementation dont l'industrie s'est déjà dotée :

Déjà en 1996, notre association, l'Association canadienne des fournisseurs Internet, a établi un code de conduite pour ses membres. En fait, notre association est une des premières associations Internet au monde à avoir établi un tel code de conduite. Ce code prévoit notamment que nos membres n'hébergeront pas sciemment un contenu illégal. Une fois que les autorités nous auront informés qu'un contenu figurant sur nos serveurs contrevient à la loi canadienne, nous retirerons ce contenu.

En ce qui concerne le contenu qui n'est pas illégal, nous ne sommes pas en mesure de réglementer les goûts de nos utilisateurs. Nonobstant le fait que certains documents sur Internet — beaucoup de documents, en fait — peuvent être de mauvais goût — même de fort mauvais goût — aux yeux de beaucoup de gens, s'ils ne sont pas illégaux, ils ne sont pas illégaux59.

S'inspirant des recommandations des études du Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information (1995 et 2000) et de la décision de 1999 du CRTC de ne pas réglementer Internet (évoquée ci-dessus), des témoins se sont dits d'avis que la législation canadienne était suffisante pour traiter la question du contenu illégal en direct. Par exemple, M. Jay Thompson a affirmé ceci :

... les lois canadiennes qui s'appliquent hors ligne s'appliquent également en ligne. Tout ce qui est illégal hors ligne sera illégal si transmis ou réalisé en ligne. Notre organisation a appuyé fermement le projet de loi C-15A et l'idée d'établir clairement que la pornographie juvénile sur Internet est criminelle. Les lois s'appliquent au réseau Internet et elles peuvent réduire l'accès à un contenu de ce genre60.

Pour les questions de droits d'auteur en direct, il a été suggéré qu'il suffirait pour protéger les détenteurs de droits de consolider et d'améliorer la législation actuelle, plutôt que d'adopter une loi s'appliquant spécifiquement à Internet :

En modifiant la Loi sur le droit d'auteur, on pourra peut-être déterminer qui est responsable et dans quelles circonstances à l'égard des transmissions sur Internet. Néanmoins, le problème à résoudre consiste à trouver le moyen d'appliquer et de protéger les droits d'auteur. Pour cela, il faut s'adresser au secteur industriel lui-même et à la technologie. Les créateurs, producteurs et radiodiffuseurs du secteur reconnaissent qu'ils doivent pouvoir contrôler la distribution de leurs produits. Ils instaurent de nouvelles technologies pour ajouter à leurs programmes ce qui s'appelle des filigranes numériques — d'autres moyens de limiter l'accès ou le téléchargement. Mais les secteurs industriels eux-mêmes y voient, au moyen de la technologie. Je ne considère donc pas cela comme un problème, mais comme un défi que le secteur de la programmation et de la radiodiffusion est en mesure de relever61.

Ce point de vue a été repris par d'autres témoins qui ont discuté de la relation entre les questions de droits d'auteur et la retransmission par Internet — c'est-à-dire la retransmission des émissions de télévision par Internet. Comme il a été dit au chapitre 11, la plupart des préoccupations évoquées par les témoins quant à la retransmission par Internet et le droit d'auteur portaient essentiellement sur la facilité avec laquelle le matériel faisant l'objet de droits d'auteur pouvait être distribué à l'échelle mondiale par Internet sans que les redevances ne soient payées62. C'est la raison pour laquelle certains témoins se sont opposés fermement à la prolongation de la licence obligatoire aux retransmetteurs par Internet.

Comme il a été mentionné, la question de la retransmission sur Internet est maintenant théorique puisque le Parlement a modifié la Loi sur le droit d'auteur en avril 2002 pour créer une « exclusion des retransmissions par Internet » rendant expressément inadmissibles les radiodiffuseurs sur Internet à la licence obligatoire pour diffuser légalement des émissions sur Internet. Ceci étant dit, en juillet 2002, le CRTC a entrepris l'examen de cette question et a sollicité des avis relativement à la retransmission sur Internet, cherchant ainsi à connaître l'opinion du public sur « l'opportunité de modifier l'Ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias... pour ce qui est des personnes qui retransmettent par Internet les signaux d'entreprises de programmation de télévision ou de radio en direct »63.

Dans son rapport au gouverneur en conseil de janvier 2003, le CRTC réaffirme qu'il « n'estime ni nécessaire ni opportun d'exiger une licence pour les retransmetteurs sur Internet »64.

C. Conclusion

Le Comité est d'avis que la radiodiffusion, peu importe la forme ou le procédé, tombe sous le coup de la Loi sur la radiodiffusion et relève de la compétence du CRTC. Ainsi, il est incontestable que la diffusion des services des nouveaux médias relève à la fois de la Loi sur la radiodiffusion et du CRTC.

Le Comité n'ignore pas que les services des nouveaux médias — qui ne se limitent pas à lnternet — demeureront des éléments importants de la révolution numérique et technologique en ce qui concerne la radiodiffusion. Il est également conscient que la décision de 1999 du CRTC de ne pas appliquer la Loi sur la radiodiffusion pour réglementer les activités de ces médias sur Internet mérite d'être revisitée, compte tenu des innovations et des avancées technologiques.

Le CRTC a toutefois pour politique de revoir ses ordonnances d'exemption tous les cinq ans environ65. De sorte que l'exemption de 1999 concernant les nouveaux médias devrait être revue par le CRTC en 2004. Aussi, le Comité estime qu'il serait prématuré de faire des recommandations relatives aux nouveaux médias, étant donné qu'un réexamen officiel est prévu dans un délai d'un an.

Notes en fin de chapitre

1E. F. Judge, "Communications: Distribution of Powers in the Internet Age", dans J. E. Magnet (dir.), Constitutional Law of Canada, Edmonton, Juriliber, 2001, p. 716.
2Ibid.
3Ibid.
4Ibid., p. 717. Voir, par exemple, Toronto vs. Bell Telephone Co., [1905] A.C. 52 (téléphone); Radio Reference, [1932] A.C. 304 (radio); Capital Cities Communications vs. CRTC, [1978] 2 S.C.R. 141 (radiodiffusion) et Public Service Board vs. Dionne, [1978] 2 S.C.R. 191 (télévision par câble). Toutes ces entreprises ont été jugées comme étant de compétence fédérale.
5En termes techniques, un contenu Internet (comme un message ou des données) est divisé en petits paquets (semblables à une série d'enveloppes différentes) envoyés au destinataire. La route qu'empruntent les paquets dépend de la circulation sur le réseau d'ordinateurs connectés à Internet. Si une route est trop achalandée, les paquets voyageront par des voies moins occupées. Cela signifie qu'un courriel envoyé de Halifax (N.-É.) Cranbrook (C.-B.) pourrait facilement voir certains de ses paquets envoyés à Toronto, Winnipeg et Calgary, tandis que d'autres passeraient par New York, Chicago, Seattle ou Vancouver. Cela n'a pas d'importance si les paquets empruntent des chemins différents; le tout se passe si vite que les paquets arrivent à destination à une seconde près en même temps.
6Contact, Communauté, Contenu : le défi de l'autoroute de l'information, rapport final du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, Ottawa, Ministre des Approvisionnements et Services, 1995.
7La meilleure façon de traiter le contenu illégal et offensant diffusé sur Internet a fait l'objet d'autres études, comme l'examen effectué par le Comité consultatif en 2000 : Le contenu illégal et offensant diffusé dans Internet : Stratégie canadienne pour l'utilisation sécuritaire, prudente et responsable d'Internet, Ottawa, Industrie Canada, 2000.
8Contact, Communauté, Contenu, p. 35.
9Ibid, p. 112.
10Ibid, p. 113.
11Ibid, p. 118. (Souligné par nous.)
12Ibid, p. 38. (Souligné par nous.)
13Ibid.
14Ibid, p. 118-119.
15Ibid, p. 48.
16Le contenu illégal et offensant.
17Contact, Communauté, Contenu, p. 132.
18Ibid., p. 48-49.
19Ibid., p. 133.
20Ibid., p. 134.
21Ibid.
22Le contenu illégal et offensant.
23Avis public du CRTC 1999-84.
24Ibid.
25Ibid.
26Ibid.
27Ibid.
28Ibid.
29Ibid.
30Ibid.
31Ibid.
32Ibid.
33Ibid.
34Ibid.
35Ibid.
36Ibid.
37Ibid.
38Ibid.
39Ibid.
40Ibid.
41Code criminel (L.R. 1985, ch. C-46), art. 319(2).
42Code criminel (L.R. 1985, ch. C-46), art. 163(8).
43Avis public CRTC 1999-84.
44Loi sur la radiodiffusion, 1991, ch. 11, alinéas 3(1)(b) et (d)(ii).
45Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 16 avril 2002.
46Ibid.
47Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 23 avril 2002.
48Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le16 avril 2002.
49Ibid.
50Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 21 mai 2002.
51Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 16 avril 2002.
52Ibid.
53Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 21 mai 2002.
54Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 31 janvier 2002.
55Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 12 mars 2002.
56Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 31 janvier 2002.
57Ian Hembery, vice-président, Relations gouvernementales et communications, AOL Canada, Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 12 mars 2002.
58Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 25 février 2002.
59Jay Thompson, Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 31 janvier 2002.
60Ibid.
61Ibid.
62Voir le témoignage de M. Paul Spurgeon, vice-président, Services juridiques et conseil général, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 30 mai 2002. Voir aussi le témoignage de Mme Susan Peacock, vice-présidente, Association canadienne des distributeurs de films. Séance du Comité permanent du patrimoine canadien, le 4 juin 2002.
63Avis public CRTC 2002-38.
64Avis public CRTC 2003-2.
65Ibid.