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HERI Rapport du Comité

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ORIENTATION DU SYSTÈME

Chapitre 18
Nominations et conflits d'intérêts

Ce chapitre traite de deux questions concernant l'organisation du système canadien de radiodiffusion : les nominations aux conseils et les conflits d'intérêts. L'idée que les nominations des membres du CRTC et du conseil d'administration de la SRC devraient être repensées y est examinée. Viennent s'ajouter des recommandations sur les rapports entre le CRTC et les industries qu'il réglemente.

A. Contexte

Afin de mieux réagir à la complexité croissante des processus législatifs, administratifs, réglementaires, d'élaboration de politiques et de prise de décisions, le Parlement a confié quelques-uns de ses rôles à des organismes spécialisés. Ces conseils, organismes, tribunaux et commissions sont composés de personnes qui détiennent des connaissances spécialisées dans un domaine particulier.

La théorie justifiant la création de ces organismes spécialisés pose en principe que, en raison de leurs connaissances particulières, ces personnes sont plus aptes à résoudre les problèmes qui pourraient surgir dans leur domaine. « Par exemple, le CRTC est mieux en mesure que le Parlement de composer avec les questions techniques caractérisant les demandes qui lui sont présentées, et dispose de plus de temps pour y répondre1 [Traduction]. »

L'exercice d'une plus grande autonomie face aux instances et aux directives politiques que celle allouée aux ministères constitue un autre motif justifiant la création de ces organismes. L'argument sous-jacent à cette autonomie est que « pour assurer leur efficacité, certaines fonctions du gouvernement doivent être protégées de l'intervention constante des politiciens2 [Traduction] ». Ainsi :

On s'est aperçu au Canada que [...] certains secteurs, tels ceux des transports, des télécommunications et de la distribution de l'électricité, étaient trop importants pour laisser agir uniquement les forces du marché. Ces secteurs faisaient souvent l'objet de monopoles ou d'oligopoles affaiblissant les autres forces concurrentielles et servant mal l'intérêt commun sans intervention du gouvernement. Des décisions ont donc été prises [...] pour contrôler l'activité économique dans des secteurs clés par la mise sur pied d'organismes réglementaires indépendants3. [Traduction]

Habituellement, en plus de conférer un pouvoir d'agir, le Parlement donne aussi à l'organisme l'autorité d'édicter des lois, des textes d'application et des règlements, et d'autres pouvoirs utiles dans l'exercice de ses fonctions. Avec le pouvoir d'exercer ces fonctions, l'autonomie ne doit pas être perçue comme une protection évitant d'avoir à rendre des comptes. De fait, l'attribution de l'autonomie comporte la responsabilité de transparence et de pleine reddition de comptes.

Bien que ces organismes spécialisés jouissent d'une certaine autonomie face au gouvernement et échappent à toute intervention politique, il faut garder à l'esprit qu'ils doivent leur création à une loi et que leur mandat, voire leur existence même, peut être aboli par le corps législatif qui les a mis sur pied.

Conseils d'administration

En règle générale, chaque organisme spécialisé est géré par un conseil d'administration. C'est à celui-ci, en tant que principal corps décisionnel de l'organisme, que revient la fonction d'établir des politiques.

Les textes législatifs qui établissent ou régissent un conseil ou un organisme comportent habituellement des dispositions relativement à la nomination des administrateurs. La plupart du temps, ces dispositions ne présentent que des renseignements généraux, comme le nombre d'administrateurs, la durée de leur mandat, leurs fonctions et leur classification. Ainsi, la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes contient des dispositions concernant la création et la constitution de l'organisme ainsi que le mode de nomination des administrateurs du paragraphe 3(1) au paragraphe 5(2). Ces dispositions ne sont pas très détaillées :

3. (1) Est constitué le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, composé d'au plus treize membres à temps plein et six membres à temps partiel, nommés par le gouverneur en conseil.

(2) La durée maximale du mandat est de cinq ans pour tous les conseillers. Ceux-ci occupent leur poste à titre inamovible, sous réserve de révocation motivée de la part du gouverneur en conseil.

(3) Sous réserve de l'article 5, le mandat des conseillers est renouvelable.

L.R. (1985), ch. C-22, art. 3; 1991, ch. 11, art. 76.

4. Les conseillers à temps plein se consacrent exclusivement à l'exécution des fonctions qui leur sont conférées par la présente loi.

1974-75-76, ch. 49, art. 4.

5. (1) Nul ne peut être nommé conseiller ni continuer à occuper cette charge s'il n'est pas un citoyen canadien résidant habituellement au Canada ou si, directement ou indirectement, en qualité notamment de propriétaire, d'actionnaire, d'administrateur, de dirigeant ou d'associé :

(a) il participe à une entreprise de télécommunications;

(b) il possède un intérêt pécuniaire ou un droit de propriété dans :

(i) une entreprise de télécommunications,

(ii) la fabrication d'appareils de télécommunications ou leur distribution, sauf si celle-ci ne constitue qu'un élément accessoire dans le commerce de gros ou de détail de marchandises en tous genres.

(2) Les conseillers sont tenus de se départir entièrement, dans les trois mois qui suivent leur transmission, des droits ou intérêts interdits par le paragraphe (1) qui leur sont dévolus, à titre personnel, par testament ou succession.

De façon similaire, le mode de nomination, les fonctions et les responsabilités des administrateurs de la Société Radio-Canada sont établis dans la Loi sur la radiodiffusion, du paragraphe 36(2) à l'article 40 :

36. (2) Est constitué un conseil d'administration composé de douze administrateurs, dont son président et le président-directeur général, nommés par le gouverneur en conseil.

(3) Les administrateurs occupent leur poste, pour un mandat maximal de cinq ans, à titre inamovible, sous réserve de révocation motivée de la part du gouverneur en conseil.

(4) Sous réserve de l'article 38, les mandats du président du conseil et du président-directeur général peuvent être reconduits de même que celui des autres administrateurs. Ceux-ci ne peuvent toutefois recevoir, dans l'année qui suit deux mandats consécutifs, d'autre mandat que celui de président du conseil ou de président-directeur général.

(5) Par dérogation aux paragraphes (3) et (4) s'il n'est pas pourvu à leur succession, le mandat des administrateurs se prolonge jusqu'à la nomination de leur remplaçant.

37. Avant leur entrée en fonction, les administrateurs prêtent et souscrivent ou font, selon le cas, le serment ou l'affirmation solennelle suivants, devant le greffier du Conseil privé, au bureau duquel ils sont déposés :

Je, ...................., jure (ou déclare) solennellement que j'exercerai de mon mieux, fidèlement, sincèrement et impartialement, les fonctions de .................... (Ajouter, en cas de prestation de serment : « Ainsi Dieu me soit en aide. »)

38. (1) Nul ne peut être nommé administrateur ni continuer à occuper cette charge s'il n'est pas un citoyen canadien résidant habituellement au Canada ou si, directement ou indirectement notamment en qualité de propriétaire, d'actionnaire, d'administrateur, de dirigeant ou d'associé :

(a) il participe à une entreprise de radiodiffusion;

(b) il possède un intérêt pécuniaire ou un droit de propriété dans celle-ci;

(c) il a pour principale activité la production ou la distribution de matériaux ou sujets d'émissions essentiellement destinés à être utilisés par celle-ci.

(2) Les administrateurs sont tenus de se départir entièrement, dans les trois mois suivant leur transmission, des droits ou intérêts incompatibles avec leur charge et dévolus, à titre personnel, par succession testamentaire ou autre.

39. Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le conseil d'administration est chargé de la gestion des activités de la Société.

40. La Société est responsable en dernier ressort devant le Parlement, par l'intermédiaire du ministre, de l'exercice de ses activités.

Les dispositions relatives à la nomination d'administrateurs au sein d'autres conseils et organismes culturels, tels les musées nationaux et le Centre national des arts, sont comparables et ne contiennent pas plus de précisions4.

Le mode de nomination de la personne présidant tout conseil d'administration ou une commission varie en fonction de la loi habilitante. Ainsi, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, la personne présidant le conseil de la SRC est nommée par le gouverneur en conseil5. Pour sa part, la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes stipule que la personne présidant le CRTC est désignée par le gouverneur en conseil6. Les personnes présidant les conseils d'administration des musées nationaux sont nommées par le ministre responsable, sous l'approbation du gouverneur en conseil7.

Gouverneur en conseil et décrets en conseil

Chaque disposition législative relative à la nomination d'administrateurs et de présidents de conseils stipule que toute nomination de ce type relève du gouverneur en conseil8 ou du ministre approprié, sous l'approbation du gouverneur en conseil9. Le gouverneur en conseil est le gouverneur général agissant sous le conseil et le consentement du cabinet, c'est-à-dire le cabinet fédéral.

Les nominations du gouverneur en conseil sont établies par un décret en conseil. Un décret en conseil est une décision réglementaire rendue par le gouverneur en conseil et indiquant que le cabinet a adopté une position particulière. Une nomination par décret en conseil doit être déposée à la Chambre des communes, et il se peut qu'un comité de celle-ci l'examine — sans la révoquer. Ainsi, le Comité permanent du patrimoine canadien pourrait examiner la nomination par décret en conseil d'un administrateur à la SRC ou au CRTC.

Le Bureau du Conseil privé offre de plus amples renseignements sur les conditions d'emploi des personnes nommées à temps plein par le gouverneur en conseil. L'information fournie ci-dessous est un peu plus détaillée que celle trouvée dans la loi habilitante :

II. NOMINATION, GENRE DE NOMINATION ET QUESTIONS CONNEXES

Le gouverneur en conseil, c'est-à-dire le gouverneur général, sur recommandation du Conseil privé de la Reine, représenté par le Cabinet, effectue les nominations au moyen d'un décret qui indique généralement le genre de nomination et la durée du mandat. Le traitement fixé au moment de la nomination peut être inclus à l'annexe jointe au décret de nomination ou encore à l'annexe d'un décret distinct visant un groupe particulier de postes dans un organisme. Le traitement d'une personne constitue un renseignement personnel et est protégé en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Les nominations sont pour une période déterminée ou indéterminée, à titre « inamovible» ou à titre «amovible ». Le gouverneur en conseil peut, pour raisons valables, révoquer la nomination d'un titulaire nommé à titre inamovible. Le gouverneur en conseil peut, à sa discrétion, destituer de ses fonctions ou remplacer un titulaire nommé à titre amovible.

Lorsque le décret précise la durée du mandat, la nomination prend fin à la date de la fin du mandat, à moins d'une disposition contraire prévue à la loi. Il est possible qu'un titulaire soit nommé de nouveau au même poste, mais, comme le gouverneur en conseil effectue les nominations selon son bon plaisir, la reconduction du mandat n'est pas automatique. Dans certains cas, les dispositions de la loi interdisent qu'un titulaire soit nommé de nouveau au même poste.

Si la durée du mandat n'est pas précisée, le titulaire demeure en fonction jusqu'à ce qu'il démissionne, qu'il soit nommé à un autre poste, qu'il soit remplacé ou que sa nomination soit révoquée. La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), qui régit habituellement les relations employeur/employés dans la fonction publique, ne s'applique pas à « une personne que le gouverneur en conseil, en vertu d'une loi du Parlement, nomme à un poste statutaire décrit dans cette loi ». Par conséquent, le titulaire n'est pas assujetti à une convention collective ou à l'arbitrage des griefs.

Lorsqu'une personne nommée par décret démissionne, la lettre de démission devrait être envoyée au premier dirigeant de l'organisme, au ministre responsable ou au greffier du Conseil privé, selon le cas10.

Le Parlement peut-il modifier le processus?

Du fait qu'un décret en conseil est une décision réglementaire, on peut facilement le remplacer par un décret ultérieur. C'est la raison pour laquelle une nomination par décret en conseil ne dure pas nécessairement aussi longtemps que le prévoyait son mandat au départ. En fait, cette possibilité est précisément visée dans certaines lois habilitantes. Par exemple, la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes stipule que la personne nommée occupe un poste « sous réserve de révocation de la part du gouverneur en conseil11 ».

De plus, en vertu de la doctrine britannique sur la souveraineté parlementaire à laquelle souscrit le Canada, le Parlement peut adopter ou résilier toute loi s'il le juge approprié, à la condition qu'il en ait la compétence constitutionnelle. Compte tenu de cette compétence, le Parlement a donc l'autorité d'édicter, d'abroger ou de modifier une loi en ce qui a trait à la nomination des administrateurs de sociétés et d'organismes culturels. En fait, comme les conseils et les commissions doivent eux-mêmes leur existence à des lois, leur structure, leur composition et leur existence peuvent faire l'objet de décisions du Parlement visant à les modifier.

B. Ce que les témoins ont dit

Le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a entendu un certain nombre de témoins s'exprimer au sujet de la composition des conseils d'administration de sociétés et d'organismes culturels. M. Michael Wernick, sous-ministre adjoint du Développement culturel du ministère du Patrimoine canadien a donné le coup d'envoi aux discussions en faisant cette déclaration concernant les membres des conseils d'administration de la SRC et du CRTC :

C'est le gouvernement qui, de toute façon, choisit les membres du conseil d'administration de la SRC, qui sont chargés d'effectuer pour lui une certaine surveillance; c'est le gouvernement également qui choisit le PDG de la SRC et tous les membres du CRTC. Tous ces gens sont donc les mandataires du gouvernement, ceux qu'il a choisis pour surveiller le système12.

Toutefois, de nombreux témoins se sont présentés devant le Comité pour faire part de leurs préoccupations relativement à cet aspect particulier du processus de nomination.

Plusieurs ont insisté sur la nécessité de se doter d'une méthode de nomination plus ouverte, transparente et objective. Par exemple, au sujet des nominations au CRTC, M. Arnold Amber, directeur de la Guilde des employés de journaux du Canada, a déclaré :

Je crois qu'il est temps de mettre fin au processus en vertu duquel le gouverneur en conseil (le gouvernement) nomme un PDG à la tête de cette société, et de mettre fin à un mode de sélection des membres du CRTC assez nébuleux — en tout cas ce n'est certainement pas une méthode de sélection ouverte.

Si l'on parle d'une industrie [...] qui représente des milliards de dollars, il faut que l'organe de réglementation, le CRTC, soit choisi de manière ouverte. Je vous recommande de lire notre mémoire. Nous discutons en profondeur de gouvernance, de la façon dont la gouvernance devrait s'appliquer au CRTC et de la façon dont les règles de gouvernance devraient être établies pour la CBC/Radio-Canada. La moindre des choses que nous devions faire pour nos concitoyens, c'est de leur dire que pour défendre leur culture et leur pays, ils doivent avoir un organe de réglementation choisi en vertu d'une méthode ouverte. Nous nous devons aussi de leur dire que dans ce pays, les personnes qui établissent et régissent la politique du radiodiffuseur public national seront choisies elles aussi suivant un processus ouvert13.

Dans le même ordre d'idées, M. Ian Morrison, porte-parole de l'organisme FRIENDS of Canadian Broadcasting, a dit que les nominations au conseil d'administration de la SRC n'ont pas nécessairement à être faites « à partir du cabinet du premier ministre et sans aucune consultation14 » :

FRIENDS recommande que le Comité considère un processus de nomination indépendant pour les membres du conseil d'administration de la SRC, qui s'appuierait sur les avis de Canadiens éminents, par exemple des officiers et des compagnons de l'Ordre du Canada. Nous croyons qu'un tel processus pourrait se dérouler sous la supervision du Conseil privé.

Outre la nomination d'administrateurs dotés des bonnes compétences, FRIENDS recommande que ce soit le conseil d'administration, et non le gouverneur en conseil, qui ait le pouvoir d'engager ou de congédier le président et directeur général, comme c'est le cas dans le secteur privé. Autrement, le gouverneur en conseil pourrait nommer le président sur la recommandation du conseil d'administration de la SRC15.

M. Digby Peers a expliqué au Comité qu'il souhaiterait que la méthodologie de la procédure de nomination soit :

... réexaminée et qu'un nouvel ensemble de critères et de lignes directrices soit défini, de sorte que les candidats pressentis pour faire partie du conseil d'administration de la Société Radio-Canada puissent se regarder dans le miroir et dire : « Je sais ce qu'il faut pour bien diriger la Société Radio-Canada » —, parce que le conseil d'administration de la SRC nous déçoit presque toujours16.

Une éventuelle difficulté de la présente méthode de nomination des administrateurs est la perception que leur allégeance pourrait être compromise :

Étant donné que les administrateurs doivent leur allégeance au gouvernement, leur capacité de fonctionner de façon autonome est limitée. Cela signifie que même les administrateurs qui sont parfaitement compétents sont gênés dans leur travail et sujets à une perception de favoritisme. C'est-à-dire que les mêmes personnes, nommées d'une autre façon, pourraient faire une contribution beaucoup plus importante17.

Plusieurs témoins ont expliqué qu'ils avaient l'impression que la SRC et le CRTC faisaient du favoritisme et que leurs conseils favorisaient les radiodiffuseurs et l'industrie de la radiodiffusion. Par exemple, M. Arthur Simmonds, représentant national du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, a exprimé l'opinion que « le CRTC, sous sa forme actuelle aboutit à un échec complet, sauf aux yeux d'un très petit groupe de radiodiffuseurs18 ». Il a ensuite déclaré :

Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue, mais je pense que nous devons examiner le fonctionnement du CRTC et voir s'il peut ou non [...] Autrement dit, nous pensons que le CRTC a une relation trop étroite avec les radiodiffuseurs19.

Une autre opinion avançait que la participation au conseil était trop étroitement liée au parti au pouvoir :

Actuellement, indépendamment des commentaires de mon collègue et ami, la procédure est bien une procédure fermée. Bien entendu, les membres du caucus libéral sont invités à donner leur avis et sans doute ces conseils recevront-ils l'attention qu'ils méritent « là-haut », mais examinons plutôt les résultats immédiats. En fait, pour viser un autre parti politique, un parti avec lequel vous vous êtes récemment affilié, il y a douze ans, le conseil d'administration de la SRC, à un moment donné, était entièrement composé de personnes appartenant au Parti progressiste-conservateur. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. D'après notre recherche, le conseil d'administration de la SRC est complètement affilié au Parti libéral du Canada. Mais, pour plusieurs raisons, cela ne correspond pas à l'intérêt du public. L'une de ces raisons est que nous souhaitons que le radiodiffuseur public se tienne à distance du gouvernement, et, si les partisans du parti au pouvoir sont les seules personnes qui participent à ces conseils, il relègue à l'administration la tâche de défendre les intérêts des journalistes et des personnes créatives.

Je tiens à signaler que ce n'est pas quelque chose que l'organisme Friends of Canadian Broadcasting a inventé et commence à adopter. J'aimerais vous citer une recommandation élaborée par Pierre Juneau, Peter Herrndorf et le professeur Catherine Murray, du comité de révision du mandat de 1996, qui fournissent beaucoup d'excellents conseils sur la façon de réformer la procédure de nomination. Au sujet de la SRC, ils ont remarqué :

« Enfin, nous estimons que les administrateurs ayant une expérience significative en politique peuvent offrir des avantages significatifs. Toutefois, nous voulons insister sur le fait que l'intégrité du conseil et l'autonomie de la Société seraient revalorisés si les administrateurs ayant des appartenances politiques connues représentaient la totalité de l'éventail politique et non seulement le parti au pouvoir. Nous notons que ce modèle a été suivi par des gouvernements britanniques successifs et, à notre avis, a participé à préserver le prestige et l'autonomie de la BBC20 ».

La Guilde canadienne des médias et la Guilde des employés de journaux du Canada sont également d'avis que le conseil d'administration de la SRC a une allégeance politique. Dans leurs observations écrites présentées au Comité, elles affirment :

La plupart des administrateurs du conseil de la SRC, comme d'autres personnes nommées par des sociétés d'État, ont été tirés des rangs de ceux qui ont une affiliation politique avec le gouvernement. Ils ont parfois les connaissances spécialisées nécessaires. Mais ce n'est pas d'habitude le cas21.

Un autre témoin a suggéré que les organismes de réglementation de la radiodiffusion bénéficieraient d'une participation plus variée :

Nous demandons au Comité d'établir des lignes directrices qui dirigeront les industries de la radiodiffusion et de la câblodistribution vers des conseils d'administration, des décideurs supérieurs et des conseils consultatifs qui reflètent la diversité culturelle de leur communauté locale22.

Plusieurs témoins ont également fait des propositions en vue de modifier la procédure de nomination. Mme Megan Williams, directrice nationale de la Conférence canadienne des arts, a suggéré que le conseil d'administration de la SRC puisse examiner les candidatures et engager leur propre président23. Elle a proposé :

Je souhaiterais apporter des modifications à la Loi sur la radiodiffusion de façon à ce que le conseil d'administration de la SRC soit en mesure de choisir son propre président. Nous estimons que le conseil est parfois compromis par le fait qu'il ne soit pas en mesure de choisir lui-même son président.

Entendons-nous : la présidence et le président du conseil de la SRC sont déterminés par le Premier ministre. Mais je vous parle du président, et non de la présidence, et c'est pour cela que je crois que le radiodiffuseur public joue un rôle important et doit se tenir à distance du gouvernement. Les personnes nommées par le conseil sont toujours des personnes très prestigieuses qui ont beaucoup de connaissances et, si j'étais membre de ce conseil, je voudrais participer au choix du président qui conviendrait à notre conseil.

Ce conseil est tout aussi apte de trouver un président compétent que l'est le Cabinet du Premier ministre, et serait moins gêné par les programmes politiques en le faisant. Je crois qu'il serait vraiment essentiel que notre radiodiffuseur public ait un président qui ne soit pas lié à un programme politique24.

Une autre proposition était que les candidats au conseil d'administration de la SRC soient interviewés pour le poste par le Comité permanent du patrimoine canadien. Le Comité ferait ensuite suivre une liste des candidats au Cabinet, qui continuerait à se charger des nominations25. Mme Lise Lareau, présidente de la Guilde canadienne des médias, a comparu devant le Comité pour développer cette proposition :

La Loi devrait stipuler que les candidats au conseil d'administration de la SRC soient ouvertement interviewés par vous-même, le Comité sur le patrimoine, et que le Comité transmette ensuite une liste des candidats au Cabinet. J'estime que c'est véritablement un compromis canadien si l'on fait une comparaison, par exemple, avec le modèle britannique, qui est encore plus public. Mais, l'essentiel est que le conseil d'administration aurait lui-même le pouvoir de choisir son président, un pouvoir qu'il ne détient pas actuellement26.

Il est important de noter que l'Australie et le Royaume-Uni ont récemment revu leur méthode de nomination des directeurs du conseil d'administration de leurs sociétés de radiodiffusion publique. Aussi, leurs conclusions sont examinées ci-après.

C. Le processus de nomination en Australie

Bon nombre des questions soulevées devant le Comité permanent du patrimoine font écho à celles examinées dans une étude de 2001 sur le processus de nomination en Australie. Dans un rapport intitulé Above Board? Methods of appointment to the ABC Board, le comité sénatorial de l'environnement, des communications, des technologies de l'information et des arts écrit :

Des mémoires remis au comité se dégage la nette impression que le public croit que le conseil est politisé et, à un moindre degré, que ses membres ne sont pas suffisamment représentatifs. D'après le président, cela mène à l'inévitable conclusion que le conseil n'est pas représentatif, ce qui ébranle la confiance du public et sape les efforts du conseil pour s'acquitter de ses obligations. Cela soulève également des questions sur la façon dont l'exécutif nomme les membres d'autres organismes et sur le rôle de surveillance que le Parlement devrait jouer à cet égard ... [Traduction]

La grande majorité des mémoires reçus au cours de cette enquête indiquent que l'ABC s'est politisée, a perdu son indépendance et, partant, la confiance du public27.

La méthode de nomination au conseil de l'Australian Broadcasting Corporation (ABC), énoncée dans l'Australian Broadcasting Corporation Act (1983), ressemble assez à celle de la SRC. Le président, le vice-président et les administrateurs sont nommés par le gouverneur général, et le directeur général, par le conseil28. La loi prévoit l'élection d'un administrateur par le personnel, c'est-à-dire qu'un des sièges est réservé à un membre du personnel de l'ABC et élu par lui29. La nomination des autres administrateurs a fait l'objet de la recommandation suivante :

... que la méthode de nomination au conseil soit modifiée dans le sens des principes du mérite et de la transparence, afin de faire pièce à l'impression générale que les nominations au conseil de l'ABC sont partisanes et ne sont pas fondées sur le seul mérite30. [Traduction]

Le comité sénatorial australien chargé de cette enquête a retenu plusieurs principes fondamentaux sur lesquels devrait se baser le système des nominations :

sélection par concours fondée sur le seul mérite;

égalité des chances et représentation de la population australienne;

ouverture et transparence;

procédure et coûts raisonnables et proportionnés à la nature du poste31.

Le rapport indique que la « transparence doit être considérée comme l'élément le plus important, de manière que le secret devienne l'exception plutôt que la règle32 [Traduction] ». Le rapport recommande aussi, comme première étape du nouveau processus de sélection, l'élaboration de critères de sélection par un organisme indépendant33.

Le rapport fait également des recommandations en vue de la création d'un bassin de candidats pour les postes du conseil :

La formule des appels publics de candidatures aux postes du conseil recueille le plus large consensus. Cela ressemble au mode de dotation des postes publics, et c'est aussi un élément des règles Nolan [utilisées au Royaume-Uni pour les nominations aux organismes publics]. C'est la formule la plus transparente et la plus équitable : toute personne intéressée peut poser sa candidature, et les groupes peuvent aussi encourager les personnes compétentes à faire de même.

Le président souscrit à cette formule et la recommande en conséquence34. [Traduction]

L'étude examine ensuite diverses formules de nomination : par le ministre avec le concours du ministère, par un organisme indépendant, par le Parlement, par élection directe. Une fois chaque formule bien évaluée, le rapport recommande :

qu'un comité de sélection indépendant fasse une présélection et transmette les noms d'au moins deux candidats au ministre, avec les candidatures de chacun et leur déclaration d'affiliation politique;

que la liste restreinte, avec le résumé des qualifications des candidats en fonction des critères de sélection et leur déclaration d'affiliation politique, soient rendus publics;

que le ministre ne soit pas tenu de choisir un des candidats sur la liste restreinte, mais qu'il s'abstienne de choisir un candidat qui n'a pas d'abord fait l'objet d'un examen par un comité de sélection indépendant35.

Il a également été recommandé que le conseil élise lui-même son président et son vice-président à partir de ses membres, pour bien marquer son indépendance36. À l'heure actuelle, l'Australian Broadcasting Corporation Act (ABB) prévoit que le président et le vice-président seront nommés par le gouverneur général37.

D. Le processus de nomination au Royaume-Uni

Par ailleurs, le rapport australien s'est inspiré d'une étude menée au Royaume-Uni sur le processus de nomination des administrateurs d'organismes publics, groupe qui comprend la British Broadcasting Corporation.

La BBC a été fondée et continue de fonctionner en vertu de chartes royales successives. La charte actuelle, qui couvre la période du 1er mai 1996 au 31 décembre 200638, dispose qu'un conseil de 12 administrateurs nommés par le gouverneur en conseil se chargera de la surveillance de la société39. La représentation régionale est assurée par l'obligation que les 12 administrateurs comprennent des administrateurs nationaux pour l'Écosse, le pays de Galles et l'Irlande du Nord40. Le directeur général (le pendant du président de la SRC) est nommé par les administrateurs41. Mais il reste que le critère de sélection de base doit s'inscrire dans le cadre général des nominations aux organismes publics.

En 1955, le processus de nomination aux organismes publics ayant connu des ratés importants, des critères de nominations ont été mis en place. Le comité des normes de participation à la vie publique, présidé par lord Nolan, a mis au point un modèle — appelé les « règles Nolan » — pour les nominations aux postes supérieurs des organismes publics42. Ces règles sont devenues aujourd'hui des normes de référence internationales. Elles comprennent un code — sept principes de vie publique — et un modèle de procédure appliqué par le commissaire des nominations publiques. Le code des nominations ministérielles aux organismes publics43 explique le processus de réglementation, de contrôle et de rapport relativement aux nominations ministérielles aux organismes publics, dont la British Broadcasting Corporation. Le code :

... qui définit le cadre réglementaire des nominations publiques, s'inspire des sept principes recommandés par le comité des normes de vie publique. Il propose aux ministères un petit guide simple des étapes à suivre pour que le processus des nominations soit équitable et transparent, qu'il recrute des candidats compétents et qu'il recueille la confiance du public44. [Traduction]

Les sept principes de vie publique dont s'inspire le code et qui visent à assurer des nominations au mérite et le recrutement de candidats compétents45, sont :

Responsabilité ministérielle : le ministre est le grand responsable des nominations.

Le mérite : toutes les nominations publiques sont faites selon le grand principe de la sélection au mérite, par le choix éclairé de candidats qui par leurs compétences, expérience et qualités répondent aux besoins de l'organisme public concerné.

Examen indépendant : il ne se fera aucune nomination sans qu'elle ait d'abord fait l'objet d'un examen par un comité indépendant ou par un groupe comptant des membres qui ne relèvent pas du ministère concerné.

Égalité des chances : les ministères devraient se doter de programmes pour l'application des principes de l'égalité des chances.

Probité : les administrateurs d'organismes publics doivent adhérer aux principes et valeurs du service public et s'acquitter de leurs fonctions avec intégrité.

Transparence : le processus des nominations sera fondé sur les principes de transparence gouvernementale; il se fera dans la transparence et les nominations feront l'objet d'informations fournies au public.

Proportionnalité : les nominations se feront selon le principe de proportionnalité, c'est-à-dire qu'elles en rapport avec la nature du poste et le poids ou l'importance des responsabilités46. [Traduction]

La procédure des nominations

La procédure des nominations est complexe; elle comprend l'obligation de définir les fonctions et les qualités personnelles pour chaque nomination à un organisme public, qu'il s'agisse d'un membre, du président ou du vice-président47. Ces critères ne sont pas permanents et doivent être revus à chaque nouvelle nomination au même organisme48. Le titulaire dont le rendement est jugé satisfaisant49 peut voir sa nomination reconduite50, mais la durée maximale des fonctions au sein du même organisme est fixée à 10 ans51.

Pour assurer « un processus visiblement équitable et transparent » et « la diversité étant un élément essentiel des organismes publics », les vacances aux conseils de ces organismes doivent être largement annoncées pour atteindre un large échantillon de candidats éventuels52. En outre, n'importe qui — ministres comme officiels — peut proposer des noms de candidats, mais par quelque moyen que les candidatures soient faites, les candidats doivent tous passer par la procédure officielle, ce qui implique qu'ils doivent remplir le formulaire de candidature53.

L'étape de la sélection comprend l'identification et la sélection des candidats. Pour assurer le respect des principes du mérite, de l'égalité des chances et de la représentativité, il est fait appel à des évaluateurs indépendants54. Ceux-ci passent en revue les premières étapes du processus, et ils doivent participer directement à la présélection des candidats (« liste restreinte ») et aux entretiens de sélection. Les nominations à des organismes importants comme la British Broadcasting Corporation justifient le recours à un comité consultatif ou de contrôle qui revoit les principales étapes du processus. Le comité se compose d'un « représentant du ministère compétent, un représentant de l'organisme public ou d'un autre groupe intéressé, selon le cas, mais doit comprendre au moins un évaluateur indépendant55 ». [Traduction]

Les candidats à des nominations publiques doivent répondre à une question type sur leur activité politique, qui a pour but de permettre de contrôler l'activité politique de ces candidats « dans la mesure où l'affaire est publiquement connue56 »; il peut s'agir de savoir si le candidat a déjà brigué ou occupé une charge publique. Il ne s'agit pas d'obtenir des renseignements personnels ou de savoir pour quel parti il vote. On trouvera le texte de la question à l'annexe 16.

Tous les candidats sur la liste restreinte doivent avoir été favorablement évalués en fonction des critères de sélection. Le choix final appartient au ministre compétent, mais :

... le principe incontournable demeure la nomination au mérite, et aucun candidat ne peut être recommandé au ministre si on n'a pas d'abord jugé qu'il répond aux critères de sélection;

si le ministre recherche un certain équilibre en termes de diversité et de compétences et d'expérience, les ministères pourront recommander qu'il nomme tout candidat répondant pleinement aux critères de sélection et qui permet de réaliser cet équilibre au sein du conseil;

mais on ne devra en aucun cas recommander un candidat qui n'a pas été jugé satisfaisant pour réaliser cet équilibre57. [Traduction]

Le code propose aussi des critères pour des vérifications de conformité avec le code58, ainsi qu'une procédure des plaintes59 et une procédure pour la collecte de statistiques et de données annuelles sur les nominations60.

Mesure législative récente et le processus des nominations

Il est à noter que le Royaume-Uni a déposé récemment un projet de loi visant à réformer substantiellement le secteur des communications, dont la radiodiffusion. Le projet de loi sur les communications a été déposé aux Communes en novembre 200261. Cette nouvelle mesure propose notamment de transférer à un nouvel organisme, un office des communications (OFCOM), les pouvoirs de réglementation de cinq organismes dans le domaine des communications. Les cinq organismes en question sont :

1. la Commission des normes de radiodiffusion — organisme non ministériel chargé par la loi d'assurer l'équité et le respect des normes en matière de radiodiffusion. La Loi sur la radiodiffusion de 1996 lui confie trois grandes tâches : établir des codes d'éthique relativement aux normes et à l'équité; examiner et statuer sur les plaintes; suivre l'évolution et l'application des normes et de l'équité en radiodiffusion, et faire rapport sur ces questions;

2. le directeur général des télécommunications — responsable de l'Office des télécommunications (Oftel), l'organisme de réglementation du domaine. Oftel est un organisme non ministériel. En vertu de la Loi sur les télécommunications (1984), le directeur général est responsable de l'administration et de l'application des licences qui réglementent les exploitants. Il a notamment pour fonction de veiller à la fourniture de services de télécommunication adéquats partout au R-U; de veiller aux intérêts des consommateurs; de maintenir une véritable concurrence;

3. la commission des télévisions indépendantes — organisme officiel qui autorise et réglemente la télévision indépendante au R-U, notamment la télévision par câble et par satellite. Ses pouvoirs émanent des lois sur la radiodiffusion de 1990 et 1996. Elle est chargée d'établir et de surveiller les normes en matière d'émissions, de régulation économique, d'obligations de service public, de recherche, de publicité et de qualité technique;

4. le conseil de la radio — organisme officiel responsable de la réglementation et de l'autorisation des radiodiffuseurs indépendants, c.-à-d. tous les services radio qui ne sont pas de la BBC. Ses pouvoirs émanent des lois sur la radiodiffusion de 1990 et 1996. Il est chargé de la planification des fréquences, de la délivrance des licences, de la réglementation de la programmation et de la publicité, ainsi que de la surveillance des propriétaires de radio;

5. le secrétaire d'État — rôle de réglementation en matière d'attribution, de maintien et de surveillance des bandes de fréquences non militaires. Ce rôle est exercé par l'office des radiocommunications, organisme de direction du ministère du commerce et de l'industrie62. [Traduction]

Il semble donc que la nouvelle loi ne changera pas la structure ou la composition du conseil d'administration de la BBC. Il en va de même du mode de nomination au conseil, régi par le code de procédure appliqué par le commissaire aux nominations publiques, qui demeurera inchangé.

E. Solutions proposées

Nominations

Les témoignages entendus par le Comité permanent du patrimoine de la Chambre des communes ont soulevé sensiblement les mêmes questions que les récentes études britanniques et australiennes sur les nominations aux organismes publics. En fait, les principales portaient sur la transparence, la reddition de compte et l'indépendance par rapport au gouvernement. Le Comité estime donc qu'il est indiqué et nécessaire de mettre en place des critères et des lignes directrices pour les nominations au CRTC et à la SRC. Par exemple, pour favoriser une reddition de compte et une indépendance accrues, les nominations au conseil de la SRC devraient émaner de plusieurs sources et le président devrait être recruté par le conseil et lui être comptable. En conséquence :

RECOMMANDATION 18.1 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien, en concertation avec le Comité, mette au point d'ici le 30 juin 2004 des critères et des lignes directrices concernant la nomination des conseillers du CRTC, ainsi que la nomination des administrateurs de la SRC.

En outre, des témoins ont parlé au Comité du nombre de conseillers du CRTC. Ils sont nombreux à signaler que la composition actuelle — 13 conseillers à plein temps, dont 6 conseillers régionaux habitant dans leur région — nuit à la prise de décision. On trouve notamment que les conseillers régionaux tendent à décider en fonction de leur propre région et oublient la perspective nationale, ce qui aboutit à des politiques incohérentes où l'intérêt national est en contradiction avec celui des régions. En outre, comme la composition des comités d'audition change constamment, on se retrouve avec des décisions ambiguës et compliquées. C'est ainsi qu'il devient difficile de compter sur la cohérence et la rationalité, au détriment de l'industrie et du grand public. On a suggéré qu'un Conseil plus petit, et cohérent, serait plus en mesure de prendre des décisions pertinentes et efficaces et conserver une approche nationale dans son travail. Il a donc été proposé de réduire le nombre de conseillers et d'abolir les conseillers régionaux, tout en veillant à ce que le Conseil continue de recruter ses membres des quatre coins du pays afin de donner à ses politiques une optique nationale. Par conséquent :

RECOMMANDATION 18.2 :

Le Comité recommande que la taille du Conseil soit réduite de treize à neuf conseillers et que l'abolition des conseillers régionaux soit considérée. Il faudra par ailleurs veiller à y assurer un équilibre linguistique et régional et à y maintenir une diversité de vues et d'expérience.

Le Comité reconnaît qu'un examen de la structure et du fonctionnement du CRTC s'impose avant la mise en œuvre de cette recommandation. Cette question est traitée au chapitre 19.

Conflits d'intérêts

Un problème persistant est la perception de rapports étroits entre le Conseil et les industries qu'il est chargé de réglementer. Certains croient à l'existence de portes communicantes permettant à des conseillers provenant d'industries ou de cabinets d'avocats qui font affaire avec le Conseil de retourner dans leur milieu une fois leur mandat terminé. Les partisans du statu quo font toutefois valoir qu'il est inévitable que les titulaires proviennent d'un très petit bassin de personnes qui ont les connaissances spécialisées et l'expérience voulues. La vaste majorité des candidats sont des gens qui ont de l'expérience dans le domaine. De fait, il peut être très avantageux de connaître les acteurs et de pouvoir envisager les enjeux du point des véritables fournisseurs de services de radiodiffusion et de communication. Il n'en reste pas moins que la perception de possibilités de conflits d'intérêts au Conseil est très forte.

S'il vaut la peine de noter que le professeur Schultz, dans un rapport rédigé pour le Comité, n'a pas vraiment trouvé de preuves qu'il existe un problème, il n'est que prudent d'avoir des garde-fous en place. Le professeur note que s'il est interdit aux ministres de prendre contact avec les conseillers sur des questions dont le Conseil est saisi, il n'y a rien de semblable pour ceux qui représentent l'industrie. Autre problème obsédant : il est interdit aux conseillers et aux anciens membres du personnel d'entrer au service d'une entreprise réglementée dans un délai d'un an après leur départ, ce qui n'est pas sans poser de problèmes. Le fait d'être « placardisé » ou « tabletté » pour un an peut décourager des gens qualifiés d'accepter des nominations, étant donné les difficultés de réintégrer l'industrie et le manque à gagner.

Par ailleurs, certains estiment qu'un an n'est pas suffisant pour éviter les conflits d'intérêts ou les avantages indus. Le Comité croit donc utile d'insister sur la nécessité pour le CRTC de conserver son indépendance par rapport à ceux qu'il réglemente. En outre, le Comité réitère l'importance d'absence de liens de dépendance entre le CRTC et l'industrie de la radiodiffusion. Il faudrait voir comme des normes juridiques et éthiques minimales les dispositions qui figurent dans le Code des titulaires de charge publique, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et le Code de déontologie des lobbyistes.

Le Comité souhaite aussi que l'apparence d'impartialité soit favorisée et renforcée. En conséquence :

RECOMMANDATION 18.3 :

Pour éviter toute possibilité de conflit d'intérêts ou d'avantage indu ou toute apparence de situation semblable, le Comité recommande que quiconque démissionne ou abandonne sa charge de membre ou de cadre supérieur du CRTC ne saurait occuper un poste payé ou non payé au sein d'une industrie réglementée par le CRTC dans un délai de deux ans après son départ. Cela devrait être établi comme condition pour devenir employé ou membre du Conseil. Au cours de ce délai, ceux-ci devraient recevoir jusqu'à 75 % de leur salaire habituel s'ils sont dans l'impossibilité de trouver un emploi convenable ailleurs que dans l'industrie de la radiodiffusion.

Notes en fin de chapitre

1G. Gall, The Canadian Legal System, 4e éd., Scarborough, Thompson Canada Limited, 1995, p. 436.
2A. Tupper, « The Civil Service », dans T. Pocklington, Representative Democracy: an introduction to politics and government, Toronto, Harcourt Brace and Company, 1994, p. 251.
3Ibid.
4Voir les articles 18 à 22 de la Loi sur les musées de 1990 (chapitre 3) pour connaître le mode de nomination au conseil d'administration du Musée des beaux-arts, du Musée canadien des civilisations, du Musée canadien de la nature, du Musée national de la science et des technologies, ainsi que les articles 4 et 5 de la Loi sur le Centre national des arts (chapitre N-3) pour en savoir plus sur le mode de nomination du conseil d'administration de la Société du Centre national des arts.
5Voir le paragraphe 36(2) de la Loi sur la radiodiffusion.
6Voir le paragraphe 6(1) de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
7Voir le paragraphe 19(1) de la Loi sur les musées.
8Voir le paragraphe 36(2) de la Loi sur la radiodiffusion, le paragraphe 3(1) de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et le paragraphe 4(2) de la Loi sur le Centre national des arts.
9Voir le paragraphe 19(2) de la Loi sur les musées.
10Conditions d'emploi et avantages sociaux particuliers aux personnes nommées par le gouverneur en conseil à des postes à temps plein, septembre 2002, document accessible sur le site Web du Bureau du Conseil privé, http://www.pco-bcp.gc.ca.
11Voir le paragraphe 3(2) de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
12Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 20 novembre 2001.
13Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 27 novembre 2001.
14Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 29 novembre 2001.
15FRIENDS of Canadian Broadcasting, mémoire, p. 17-18.
16Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 25 février 2002.
17La Guilde canadienne des médias — La Guilde des employés de journaux du Canada, p. 36.
18Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 25 février 2002.
19Ibid.
20Ian Morrison, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 29 novembre 2001.
21La Guilde canadienne des médias — La Guilde des employés de journaux du Canada, p. 35.
22Sid Chow Tan, vice-président, Association des Canadiens d'origine chinoise de Vancouver, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 25 février 2002.
23Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 23 avril 2002.
24Ibid.
25La Guilde canadienne des médias — La Guilde des employés de journaux du Canada, p. 31.
26Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, le 11 avril 2002.
27« Above Board? Methods of Appointment to the ABC Board », rapport du Senate Environment, Communications, Information Technology and the Arts Reference Committee (Australie) (Canberra : The Senate [Australie], 2001) .
28Australian Broadcasting Corporation Act (1983), par. 12(2), 12(3) et 13(1).
29Australian Broadcasting Act (1983), art. 13A.
30Above Board? , recommandation 1, p. 19.
31Ibid., p. 30.
32Ibid.
33Ibid., recommandation 5, p. 31. Voir aussi les recommandations 6, 7 et 8.
34Ibid., p. 32. Voir aussi la recommandation 9.
35Ibid., p. 33-39.
36Ibid., p. 40. Voir aussi la recommandation 10.
37Australian Broasdcasting Corporation Act (1983), par. 12(3).
38Department of National Heritage, Broadcasting, texte de la charte royale reconduisant la British Broadcasting Corporation, 1er mai 1996; www.bb.co.uk.
39Ibid.
40Ibid.
41Ibid.
42Voir le Summary of the Nolan Committee's First Report on Standards of Public Life, www.archive.official-documents.co.uk.
43Le Code of Practice for Ministerial Appointments to Public Bodies, Office of the Commissioner for Public Appointments, juillet 2001, http://www.ocpa.gov.uk.
44Ibid.
45Ibid.
46Ibid.
47Ibid.
48Ibid.
49Ibid.
50Ibid.
51   Ibid.
52Ibid.
53Ibid.
54Ibid.
55Ibid.
56Ibid. Voir aussi l'annexe 16, qui reprend la question sur l'activité politique telle qu'elle figure dans chaque formulaire de candidature.
57Ibid. Souligné dans le texte.
58Ibid.
59Ibid.
60Ibid.
61www.parliament.the-stationery-office.co.uk
62Projet de loi sur les communications : notes explicatives.