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HERI Rapport du Comité

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ADDENDA

Opinion complémentaire du Bloc Québécois

Quand les souverainetés culturelles sont menacées

Mise en contexte

Le présent rapport représente l'aboutissement de 24 mois de consultations et d'échanges instructifs qui nous ont permis de mieux comprendre les différents enjeux du système de radiodiffusion. C'est pourquoi le Bloc Québécois tient à remercier toutes les personnes et tous les groupes du Québec et du Canada qui sont venus témoigner devant le Comité. La variété des points de vue exprimés, la diversité des solutions proposées révèlent une fois de plus la complexité du système canadien de radiodiffusion.

Si le présent rapport apporte plusieurs recommandations dont la mise en application est souhaitable pour soutenir la création, certaines autres ne vont pas assez loin ou n'ont pas été retenues alors qu'à notre avis, elles contribueraient davantage à répondre aux objectifs de la loi.

Quand les souverainetés culturelles sont menacées

Si le gouvernement fédéral reconnaît l'urgence d'agir pour protéger et défendre la culture canadienne face aux États-Unis, il doit en même temps reconnaître la légitimité du fait que le peuple québécois lutte pour la mise en valeur et la protection de sa culture.

Le Gouvernement du Québec est le mieux placé pour défendre sa culture. Il est dans l'ordre des choses que ce gouvernement s'occupe du développement culturel du peuple québécois. Tous les gouvernements du Québec, quelle que soit leur allégeance politique, ont défendu leur autonomie et revendiqué la culture comme un champ de compétence exclusif.

« Aujourd'hui, le Québec peut être fier de son bilan culturel, avec des résultats exceptionnels, indicatifs des efforts importants de l'État québécois pour appuyer la culture sous toutes ses formes. Mais ces efforts, tout aussi structurants soient-ils, ne peuvent contrebalancer la nature limitative du fédéralisme canadien. Pour le gouvernement fédéral, il n'y a pas vraiment d'identité ou de culture québécoise : il n'y a qu'une culture canadienne, multiculturelle, qui s'exprime en plusieurs langues, dont notamment le français. »

Parti québécois1

«Un gouvernement responsable se doit de prendre les moyens nécessaires, tant du point de vue des relations avec le gouvernement fédéral que du point de vue des relations internationales, pour nous permettre d'affirmer et de maîtriser notre avenir collectif.»

Parti libéral du Québec2

L'histoire récente nous a montré que le pouvoir de dépenser du gouvernement du Canada et de ses tribunaux ont favorisé l'expansion des interventions fédérales dans un domaine vital pour les Québécois : la culture.

Dans l'ordre constitutionnel actuel, on pourrait s'attendre à tout le moins à ce que le gouvernement fédéral s'arrime aux priorités établies par le gouvernement légitime des Québécois.

Le Bloc Québécois identifie six facteurs d'insécurité, mal couverts par le présent rapport :

Non-reconnaissance de la spécificité culturelle québécoise

Recommandations sur le contenu culturel

Protection de la main-d'œuvre

Négociations internationales et culture

Politisation des institutions

Concentration des médias

De ces défis découle notre recommandation principale :

Le Bloc Québécois demande que le gouvernement fédéral réponde positivement à la demande du gouvernement du Québec qui, à l'unanimité, réclame «une nouvelle entente administrative fédérale-provinciale [...] dans le domaine des communications »3.

L'opinion complémentaire que nous proposons tente de répondre à ces préoccupations.

1. Non-reconnaissance de la spécificité culturelle québécoise

La culture québécoise existe. Elle est reconnue au Québec et à l'étranger pour son dynamisme et son originalité. L'auditoire québécois reconnaît et apprécie le contenu québécois. Dans tous les domaines d'expression culturelle, les Québécoises et Québécois sont friands des productions culturelles québécoises, notamment en radiodiffusion, tout en demeurant très ouverts aux productions culturelles étrangères.

Le Comité aura réussi, sans grande surprise, à étudier la Loi sur la radiodiffusion sans reconnaître le caractère distinct de la culture québécoise. Après avoir rencontré des centaines de témoins, après avoir siégé des centaines d'heures, après avoir visité plusieurs grandes villes canadiennes et, au Québec, Montréal, le Comité refuse toujours d'aborder franchement une réalité fondamentale : le Québec possède une culture et des institutions qui lui sont propres. La culture québécoise n'est pas une simple composante régionale comme semble le laisser croire le Comité. Passer sous silence la culture québécoise, c'est nier son existence et refuser de favoriser son déploiement.

Comment pouvons-nous découvrir la réalité du Québec, quand la façon de compiler les statistiques inclut, dans plusieurs tableaux, tous les francophones du Canada, ce qui ne permet pas de percevoir l'heure juste du portrait québécois, ni pour les francophones, ni pour les anglophones d'ailleurs.

Aussi, un des problèmes de la Loi sur la radiodiffusion est qu'elle ne contient pas de définition de l'adjectif « régional »; une région peut donc être assimilée à un groupe de provinces, à une province ou à une région (partie d'une province). Le Québec ne pourra jamais accepter d'être considéré comme une région. Cela amène de la confusion dans la compréhension et dans l'application de la Loi.

On remarque que, dans le rapport, il est question du « star system » québécois qui fait l'envie du public canadien. Le vedettariat s'est développé au Québec parce que le public québécois est fier des personnes québécoises talentueuses qui, par leurs œuvres, se font connaître et reconnaître. En même temps, un grand respect entoure ce vedettariat.

En matière de culture et de radiodiffusion, le Bloc Québécois peut témoigner des multiples initiatives du gouvernement fédéral visant à endiguer la place du Québec au Canada qui nous interrogent :

Comment expliquer que la loi constitutive du ministère responsable de la radiodiffusion et du développement culturel refuse de reconnaître la culture de la nation québécoise ?

Comment croire que les principales institutions fédérales dans le domaine de la radiodiffusion (CRTC, Radio-Canada, etc.), devant l'obsession et la pression constantes d'offrir une vision canadienne, sauront préserver l'espace culturel québécois? En conséquence, leur loi constitutive et leur mandat visent à réduire la culture québécoise au simple rang de particularité régionale (dans le mandat de Radio-Canada, il est écrit que la Société doit « contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales »).

Comment croire que la culture québécoise est valorisée alors que le financement du contenu canadien est de plus en plus conditionnel à des critères de performance qui sont, plus souvent qu'autrement, associés à l'efficacité à promouvoir les nouveaux symboles canadiens.

Ainsi, si les membres du Comité ont fait de «l'intérêt du public» l'élément central de ce rapport, nous sommes en droit de nous demander si les recommandations proposées contribuent vraiment à préserver l'intérêt du public québécois avide de contenu québécois, c'est-à-dire conçu par des artisans québécois et reflétant la réalité québécoise.

Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de reconnaître le Québec comme seul maître d'œuvre dans le domaine des arts et de la culture sur le territoire québécois et de signer avec le gouvernement du Québec, une entente-cadre afin de lui reconnaître cette compétence et de lui donner les enveloppes budgétaires nécessaires.

Le Bloc Québécois recommande au gouvernement fédéral de négocier une entente avec le gouvernement du Québec en vue de lui permettre d'avoir la maîtrise d'œuvre dans les domaines liés aux communications et aux télécommunications.

Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral révise le mandat du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour l'obliger à tenir compte de l'impact de ses décisions sur les communautés minoritaires et que le CRTC soit forcé de réviser sa définition de communauté afin que les personnes allophones ne soient pas automatiquement combinées aux anglophones.

2. Recommandations sur le contenu culturel

Bien que le Comité propose plusieurs recommandations sur le contenu culturel, le financement de ce secteur demeure aléatoire.

L'intervention du gouvernement du Québec, jumelée au dynamisme du secteur privé, a créé un effet de levier permettant l'éclosion de la culture québécoise. Cependant, il est certain que les entreprises culturelles au Québec ont besoin de ressources financières supplémentaires pour assurer leur viabilité. Comme le gouvernement fédéral ne respecte pas ses engagements de soutien financier à l'égard de la production télévisuelle et qu'il n'offre pas une aide financière stable, il va de soi qu'il y a des répercussions sur la gestion et les résultats de ces secteurs.

• Fonds canadien de télévision (FCT)

Bien que, dans le rapport, le Comité recommande « un financement stable à long terme »4 du Fonds canadien de télévision, au même moment, le gouvernement fédéral envoie des signaux contradictoires aux intervenants du secteur culturel québécois et canadien : d'un côté, le ministre des Finances, lors du dernier budget fédéral, réduit la contribution du gouvernement au Fonds canadien de télévision de 100 M$ par année à 75 M$ par année, pour les deux prochaines années; de l'autre, il annonce l'augmentation des crédits d'impôts aux productions étrangères tournées ici de 25 M$ par année. Nous ne sommes pas contre cette dernière mesure parce qu'elle permet à la main-d'œuvre d'une partie de ce secteur de travailler. Mais qui sont les grands perdants de cette réduction annoncée de 25 M$ ? Ce sont les petits producteurs dans les grands centres et aussi en régions, mais ces derniers ont écopé de la presque totalité de cette coupure. Dans le milieu télévisuel, cela a été perçu comme une gifle aux producteurs et créateurs d'ici.

Le gouvernement fédéral doit maintenir sa contribution dans le Fonds canadien de télévision à au moins 100 M$ : c'est un montant de base qui permet à l'industrie de survivre mais il devrait aller plus loin pour que la production québécoise et canadienne offre un contenu substantiel.

Par ailleurs, par équité, les producteurs télévisuels en région souhaitent que soient mises en place des mesures semblables à celles destinées aux producteurs francophones en milieu minoritaire (PICLO : Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle); les objectifs pourraient se lire comme suit :

Faciliter l'accès des régions aux programmes fédéraux pour la production télévisuelle;

Contribuer au développement durable des régions;

Servir de levier financier afin de favoriser l'établissement de partenariats durables et de nouveaux modes de collaboration.

Nous appuyons cette demande des producteurs en région afin de protéger la production télévisuelle en région et d'y maintenir les emplois.

Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral garantisse un financement annuel minimum de 100 millions de dollars au Fonds canadien de télévision (FCT). Toutes sommes investies par le secteur privé, au delà de 100 millions de dollars, devraient être jumelées par le gouvernement fédéral à raison d'un dollar pour chaque dollar investi par le secteur privé.

Le Bloc Québécois recommande que le Fonds canadien de télévision réserve un budget spécifique aux productions régionales.

• Les médias communautaires

Dans la Loi sur la radiodiffusion, il est clairement indiqué :

3(1) i : « la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois : [...] (ii) puiser aux sources locales, (iii) renfermer des émissions éducatives et communautaires »5.

Cependant, une nouvelle politique du CRTC vient changer la notion de « communautaire ». Au moment d'adopter la Politique du CRTC relative aux médias communautaires (2002), le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a créé une nouvelle catégorie de télévision communautaire — les entreprises de télévision communautaire — se répartissant en deux sous-catégories (les entreprises de télévision communautaire de faible puissance et les services numériques de télévision communautaire). Cependant, là où nous ne pouvons pas être d'accord avec le CRTC, c'est qu'il rend ces catégories accessibles aux entreprises à but lucratif aussi. Étant donné que le Comité n'a pas dénoncé cette situation, le Bloc Québécois juge important de conserver la particularité des médias communautaires au Québec qui sont sans but lucratif.

En fait, le Québec a une longue histoire d'implantation des radios et télévisions communautaires sans but lucratif. Dans toutes les régions du Québec, se sont organisés des groupes communautaires avec l'objectif d'offrir une programmation différente. Les compressions budgétaires des gouvernements, au début des années 90, ont fait grand tort aux médias communautaires. Le gouvernement du Québec a recommencé à investir dans les radios communautaires des montants allant de 10 000 $ à 44 000 $ selon le bassin desservi et dans les télévisions communautaires de 5 000 $ à 25 000 $6.

Le Bloc Québécois recommande que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes reconsidère sa position et que les licences accordées aux médias communautaires demeurent sans but lucratif.

De plus, la recommandation 9.8 du rapport (p. 56) portant sur la création du Programme d'aide à la radiodiffusion locale (PARL) nous apparaît inéquitable, étant donné que ce programme s'adresse aux collectivités défavorisées en région, et que celles-ci devraient participer financièrement à ce programme. Les collectivités n'ayant pas toutes les mêmes moyens financiers, il nous apparaît inéquitable de demander à des collectivités déjà fragilisées d'investir. Le gouvernement devra tenir compte de la capacité de payer des collectivités auxquelles le PARL est destiné.

Le Bloc Québécois recommande que les montants prévus pour la mise en œuvre du Programme d'aide à la radiodiffusion locale (PARL) soient transférés au gouvernement du Québec qui saura l'adapter aux besoins particuliers de ses régions.

3. Protection de la main-d'œuvre

Le dynamisme de la culture québécoise se reflète également dans les organisations que se sont données les travailleuses et travailleurs du secteur culturel. Ainsi, le milieu culturel québécois s'est doté de syndicats et regroupements professionnels qui oeuvrent de manière autonome, ou en collaboration lorsque requis, avec leurs contreparties canadiennes et internationales sur des dossiers ponctuels.

Il est impératif que la réglementation, la fiscalité et les programmes du gouvernement fédéral protègent ces travailleurs dans les limites qui lui sont conférées.

Le mandat du Comité était très vaste. Nous croyons que l'article 3.(1)d) (iii) nous donne la légitimité de proposer quelques modifications à d'autres lois canadiennes :

« par sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d'emploi, répondre aux besoins et aux intérêts, et refléter la condition et les aspirations des hommes, des femmes et des enfants [...] »7.

3.1 Code du travail et briseurs de grève

Divers conflits de travail dans l'industrie des télécommunications (Radio-Nord, Vidéotron, etc.) devraient rappeler aux parlementaires la nécessité de mieux protéger les travailleurs assujettis au Code canadien du travail.

Le Bloc Québécois réclame que le Code canadien du travail soit modifié afin d'interdire le recours aux briseurs de grève.

3.2 Formation

Les travailleurs et créateurs du secteur culturel vivent dans une situation d'insécurité permanente, la plupart du temps comme travailleurs indépendants ou contractuels; l'absence de filet social, une rémunération inadéquate (malgré leur degré de scolarité) et la non-application de mesures par la Loi de l'impôt sur le revenu qui leur permettraient d'étaler leurs revenus sur plus d'une année sont parmi les problèmes soulignés dans un rapport intitulé Le reflet de notre avenir8.

Parmi les problèmes soulevés par cette étude, il y a la place occupée par les bénévoles qui prennent trop souvent celle des travailleurs rémunérés. De plus, le secteur culturel est propice à l'apprentissage, ce qui a comme conséquence la difficulté de rétention des travailleurs ayant acquis de l'expérience et un taux de roulement du personnel nettement supérieur aux autres secteurs d'activité.

La difficulté pour les travailleurs de ce secteur d'obtenir de la formation adéquate, à des coûts raisonnables, cela particulièrement en région, est une autre caractéristique des besoins de la main-d'œuvre de ce secteur. Parmi les recommandations du rapport, certaines touchent le mentorat pour préparer la relève, d'autres portent sur le développement des compétences en gestion de carrière et sur l'ajustement au nouveau contexte de la mondialisation et d'un marché de plus en plus ouvert et concurrentiel.

Le Bloc Québécois réaffirme que la gestion de la main d'œuvre est de compétence provinciale et que le gouvernement fédéral devrait transférer aux provinces toutes les sommes qu'il consacre à la main-d'œuvre, ce qui permettrait à chaque province de fixer ses priorités selon ses besoins. D'ailleurs une entente fédérale-provinciale Harel-Pettigrew a été conclue entre le Québec et le fédéral en 1997, transférant au Québec la gestion de la plupart des programmes.

« Le secteur culturel est un terrain propice à l'apprentissage, produisant des travailleurs de talent qui, une fois parvenus à un seuil de compétence ou encore à un plafonnement au plan de la carrière, quittent le secteur pour de nouvelles avenues de carrière. »9

Une portion de la clientèle « jeunes » que le gouvernement fédéral s'est réservée, s'oriente en début de carrière vers le secteur culturel pour y acquérir de l'expérience.

Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral transfère la totalité des clientèles de main d'œuvre et augmente sa contribution pour atteindre 0,8 % de la masse salariale assurable, soit le plafond défini par la Loi sur l'assurance-emploi.

3.3 Assurance-emploi

Le régime d'assurance-emploi n'est pas conçu pour s'adapter au travail atypique. Les artisans de la télévision, du cinéma et de la culture ont un statut précaire et des revenus fluctuants.

Afin de protéger ces travailleurs, essentiels au développement de l'industrie culturelle, le Bloc Québécois recommande que le gouvernement envisage la création d'un cadre pour étendre l'application du régime d'assurance-emploi, tant pour les prestations ordinaires que spéciales, aux travailleurs indépendants.

Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement envisage d'élargir l'application du régime d'assurance-emploi aux travailleurs qui cumulent travail indépendant et emploi rémunéré. Si le gouvernement décide de ne pas le faire, un remboursement des cotisations devrait être accordé aux personnes qui ont un emploi assurable mais qui ne peuvent pas présenter de demande de prestations en raison de leur statut de travailleurs indépendants.

3.4 Fiscalité

Un des moyens de permettre une meilleure qualité de vie pour les travailleurs culturels est de réformer la fiscalité en tenant compte de l'étalement fiscal : les travailleurs culturels ont parfois des revenus substantiels une année et des revenus moindres les années précédentes ou subséquentes. Pour faciliter la gestion de leurs impôts, il serait utile d'harmoniser la Loi de l'impôt sur le revenu avec celle du Québec.

Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral permette l'étalement du revenu pour la main d'œuvre du secteur culturel.

Le Bloc Québécois recommande que le gouvernement fédéral harmonise sa Loi de l'impôt sur le revenu avec le Québec afin que les revenus sur les droits d'auteur ne soient pas imposés à moins de 15 000 $.

4. Négociations internationales et culture

Le secteur culturel constate et déplore la faiblesse ou pire l'absence des clauses culturelles dans les accords commerciaux internationaux. Le rapport traite au chapitre XVII de la mondialisation et de la diversité culturelle. Certains témoignages entendus confirment la nécessité de porter une attention particulière aux effets de la mondialisation sur le domaine culturel.

Un regroupement d'organismes culturels du Québec, dans son mémoire, indiquait :

« Si on laisse faire le marché, sans poser des balises, il sera pratiquement impossible de produire et de diffuser effectivement des contenus qui reflètent les diverses cultures. La mondialisation doit s'envisager de manière à assurer les conditions qui permettent de maintenir et de faire progresser la diversité culturelle. Et cela suppose le maintien, dans chaque pays, des conditions qui permettent de produire des œuvres originales. »10

La mondialisation ne peut être envisagée comme un simple phénomène de libéralisation des échanges sans égard aux conditions dans lesquelles les œuvres culturelles sont produites et diffusées (musique, émissions de télévision, etc.).

Le biologiste et écologiste de renom, Francesco di Castri, de passage à Québec le 23 mars 2003, déclarait « il existe deux sociétés au monde qui ont su profiter de l'ouverture nouvelle [la mondialisation] pour affirmer leur différence culturelle aux yeux du monde; le Québec et la Catalogne sont les meilleurs exemples de ce qu'il faut faire en ce monde! »11 Le Québec, en matière de rayonnement culturel ne réclame simplement que plus de latitude.

Il ne faut pas considérer la mondialisation dans sa dimension étroite des échanges commerciaux seulement, parce que dans ce sens, on ne tient compte que de l'efficacité et de la compétition et tous les aspects de la vie sociale sont alors assimilés à une marchandise. Dans cette conception, le marché devient l'unique référence. Il n'est pas vrai que la planète est un immense marché global dans lequel s'échangent divers objets...

La vision économiste ne doit pas prendre le pas sur toutes les autres et elle est incompatible avec la diversité culturelle; si on laisse faire le marché, il n'y aura plus aucune diversité culturelle parce qu'il sera impossible de produire et de diffuser des contenus qui reflètent les diversescultures. La mondialisation ne doit être réalisée que, dans le contexte où il sera possible demaintenir et de faire progresser la diversité culturelle; il ne faudrait surtout pas en venir à considérer la radiodiffusion comme seulement un service de télécommunications. Comment serait-il possible de maintenir les exigences en matière de contenu canadien, si le contrôle des entreprises de diffusion échappait aux Canadiens ? Les entreprises de diffusion sont le principal véhicule des contenus culturels; il y a aussi danger pour la liberté d'expression, la qualité de l'information et la diversité des points de vue disponibles : « L'expression culturelle et la liberté d'expression, par exemple, sont indissociables »12.

À l'heure de la mondialisation, trois défis identifiés par le professeur Ivan Bernier doivent être relevés par les États :

éviter que la mondialisation vienne contrecarrer « les efforts entrepris par les États en vue de préserver et de promouvoir la diversité linguistique en considérant les langues d'abord et avant tout comme des barrières à surmonter sur le plan des échanges de biens et services »

« le combat en faveur de la diversité linguistique ne peut se gagner en faisant abstraction de la dimension internationale du problème, il est tout également vrai, en effet, que les efforts entrepris en faveur de la diversité culturelle sur le plan international ne peuvent que bénéficier d'une prise en considération plus dynamique de la dimension linguistique de la question. Le fait que les initiatives se multiplient dans le monde en vue de préserver les langues en voie de disparition témoigne d'une sensibilité croissante à cet aspect de la préservation de la diversité culturelle »

« convaincre les gouvernements que les nouvelles technologies de l'information demeurent en dernier ressort soumises au politique et qu'ils n'ont pas à céder à un certain discours qui voudrait les convaincre du contraire, même si les actions unilatérales à cet égard s'avère plus difficiles ».13

Vu l'importance de ces enjeux cruciaux, il est essentiel que le Gouvernement du Québec participe à ces rencontres internationales.

Le Bloc Québécois recommande que, dans toutes les négociations internationales portant sur les pouvoirs du Québec, notamment dans les domaines pouvant toucher la culture, le gouvernement fédéral s'engage à faire participer le Gouvernement du Québec.

5. Politisation des institutions

Plusieurs témoins entendus ont parlé de l'indépendance des organisations par rapport au pouvoir politique; le chapitre XVIII du rapport traite de ces questions. Ce que les témoins faisaient observer était que les processus de nominations manquaient de transparence et que cela menaçait l'indépendance des organismes.

Par exemple, la Fédération nationale des communications, dans son mémoire présenté au Comité, écrivait :

« Compte tenu des enjeux majeurs, des évolutions économiques et technologiques, on ne saura jamais trop insister sur l'importance d'offrir un tel service de radiodiffusion [Société Radio-Canada] qui se veut indépendant des influences économiques et politiques dominantes. »14

Un regroupement d'organismes culturels du Québec citait dans son texte, « la nécessité ... d'une indépendance éditoriale »

« La Loi sur la radiodiffusion précise que c'est à titre de « radiodiffuseur public national » que la Société Radio-Canada offre ses services. Cette précision est importante; la Société n'est pas une simple émanation du gouvernement : elle est chargée de rendre un service qui, par sa nature même, présuppose une indépendance éditoriale. En précisant que la Société Radio-Canada offre un service public national de radiodiffusion, la loi manifeste une intention de lui accorder un degré de liberté analogue à celui qui est en principe reconnu aux autres entreprises de radiodiffusion. »15

Le portefeuille de Patrimoine est vaste et un de ses objectifs se lit comme suit :

« Encourager, entre le gouvernement du Canada et des particuliers, des groupes, des établissements et des organisations, la création de partenariat de collaboration qui feront valoir l'identité canadienne et renforceront l'unité nationale »16

La politisation des principales institutions de radiodiffusion canadiennes irrite l'industrie et la main d'œuvre exerçant sur celle-ci des pressions qui peuvent aller jusqu'à limiter leur liberté de parole et d'action. Le Bloc Québécois souligne des pratiques et des alignements politiques qui ont cours.

Nous énumérerons quelques exemples :

En 1995, l'actuelle ministre du Patrimoine Canadien soutenait sans sourciller que Radio-Canada avait le mandat de promouvoir l'unité nationale. Elle affirmait : «Cela n'a pas de bon sens que nous défrayions les coûts de la Société quand il n'y a pas de responsabilité envers l'unité canadienne»17.

En décembre 1998, le directeur des nouvelles télévisées de la SRC, Jean Pelletier, en réponse à une auditrice, y allait d'un commentaire qui en dit long sur la politisation de la société d'État : «Au moment d'écrire ces lignes, cela fait trois jours que l'élection a eu lieu, que les sondeurs se sont trompés, que M. Charest a été élu et que M. Bouchard a repoussé à je ne sais quand la tenue d'un référendum. D'aucuns estiment que la sagesse a prévalu. Nous croyons y être pour quelque chose»18.

Il est devenu coutumier, dans le régime politique canadien de nommer à la tête de la SRC d'ex-politiciens où de bons soldats qui ont à l'œil la protection de l'unité canadienne. Rappelons simplement les deux plus récents cas : l'ex-ministre conservateur, Perrin Beatty qui a été le PDG de la SRC de 1995 à 1999 et l'actuel PDG de la SRC qui est reconnu pour son activisme politique ayant fait partie d'un comité sur l'unité nationale au bureau du Conseil privé à la fin des années 70.

Le Bloc Québécois a démontré par le passé qu'une majorité des membres du Conseil d'administration de la SRC contribuait généreusement à la caisse du Parti libéral.

En décembre 2002, le Bloc Québécois révélait qu'un animateur du Réseau de l'information était gouverneur du Conseil de l'unité canadienne (CUC), un organisme farouchement voué à la promotion de l'unité canadienne.

Téléfilm Canada a été présidé par François Macerola, militant fédéraliste, qui a porté les couleurs du Parti libéral du Québec en 1998. Celui-ci succédait d'ailleurs à Laurier Lapierre qui sera nommé plus tard au Sénat par le gouvernement libéral.

Comment croire à l'indépendance politique des organismes relevant du ministère du Patrimoine quand celui-ci a dans son mandat la promotion de l'unité canadienne.

Un danger guette la Société Radio-Canada et cela provient du mandat qui lui est confié et de l'impact de ce mandat.

Le Bloc Québécois recommande que soit enlevé du mandat de Radio-Canada toute référence à la nécessité « de contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales »19, tel que cela apparaît dans la Loi sur la radiodiffusion de 1991, à l'article (x).

Le Bloc Québécois se réjouit du fait que les membres du comité reconnaissent les problèmes liés aux processus de nomination. Les recommandations proposées par le comité au chapitre XVIII constituent un pas positif dans la bonne direction. Cependant, les recommandations nous apparaissent trop timides.

Le Bloc Québécois réclame que le gouvernement fédéral change sa manière de nommer les présidents et les membres des conseils d'administration en confiant ce mandat à un comité indépendant afin que les différentes institutions du système de radiodiffusion puissent être indépendantes, face au pouvoir politique.

6. Concentration des médias

Depuis 30 ans, malgré des mises en garde répétées, les gouvernements successifs ont permis que se constituent au Canada des conglomérats de médias. Aujourd'hui, le mouvement de concentration est pour ainsi dire complété. Mais il n'est pas trop tard pour intervenir et pour apporter les changements qui assureront des conditions d'indépendance entre les différents médias.

L'encadrement des communications est un pouvoir commun que doit partager le gouvernement du Québec avec le gouvernement fédéral. En attendant la négociation d'une entente Québec-Ottawa, telle que réclamée par une Commission de l'Assemblée nationale20 qui clarifierait les responsabilités des deux gouvernements en matière de communications, notamment en ce qui a trait à la qualité et la diversité de l'information, nous proposons que le gouvernement fédéral clarifie ses propres lois et précise le mandat de ses propres institutions.

Nous croyons que l'État doit se garder de mettre son nez dans les affaires internes des médias, serait-ce pour en assurer la diversité. Cependant, l'État peut recourir à des mesures qui favorisent la concurrence.

Le système canadien de radiodiffusion est composé d'éléments publics, privés et communautaires. Toutes ses composantes doivent être mises à contribution selon le Bloc Québécois.

6.1 Comité interne de surveillance

Un système global visant à contrôler la concentration des médias doit inclure une part d'autorégulation de l'entreprise privée.

Le Bloc Québécois demande que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) force les conglomérats à se doter d'un comité de surveillance ayant pour mission de faire respecter les codes d'éthique et de déontologie portant sur les relations entre les différentes entreprises membres d'un conglomérat. Les résultats des travaux de ces comités devraient être publiés annuellement.

6.2 Propriété étrangère

Nous croyons que l'élargissement de la propriété étrangère ne solutionnerait pas le problème de la concentration des médias. Au contraire, un assouplissement des restrictions sur la propriété étrangère et l'arrivée de capitaux neufs accélèreraient les processus de concentration.

Les créateurs du Québec qui ont témoigné devant le Comité se sont unanimement prononcés en ce sens.

«... sans propriété canadienne des entreprises de radiodiffusion, il serait impossible de préserver l'intégrité du système et sa mission fondamentale, qui est de servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique... »21

Nous sommes extrêmement inquiets que le Comité de l'industrie ait recommandé la libéralisation de la propriété étrangère en matière de télécommunication, et par la bande, la libéralisation des règles de propriété pour les entreprises de distribution de radiodiffusion.

Le Bloc Québécois recommande que la ministre du Patrimoine défende activement auprès de son collègue de l'Industrie le maintien des règles actuelles de propriété étrangère pour les télécommunications et la radiodiffusion.

Conclusion

Le système canadien de radiodiffusion semble avoir dévié de sa trajectoire : il est maintenant plus ouvert sur le monde mais aussi trop centré sur les grandes agglomérations, pendant que les collectivités locales et régionales se sentent oubliées. Est-ce nécessaire de rappeler que la programmation et la production locales et régionales sont des objectifs difficilement réalisables et voire même impossibles?

Les témoignages entendus nous ont fait constater l'incapacité du système de radiodiffusion à offrir de bien soutenir toutes les collectivités du Québec et du Canada, avec comme résultat, de ne pas avoir été en mesure de bien accompagner les communautés francophones hors Québec, les autochtones, certaines régions du Québec et du Canada, dans leur désir légitime de vouloir s'exprimer par le biais du système.

Ce qui nous amène à nous interroger sur le délicat équilibre à concilier l'objectif de préserver nos identités en adaptant le système aux nouvelles technologies et ce, dans le contexte de la mondialisation. Les enjeux à concilier s'avèrent nombreux et les défis actuels se projettent dans l'avenir. Il est même prévisible qu'ils vont s'amplifier. En fait, le système de radiodiffusion a besoin d'un sérieux redressement et de plus de souplesse pour arriver à répondre aux besoins des réalités culturelles qui s'expriment au Québec et au Canada. La mise en œuvre rapide des recommandations ne saurait à elle seule redresser le cap.

S'il y a une sphère d'activité où il faut être vigilant et ne faire aucun compromis, par rapport à la mondialisation, c'est bien dans le domaine culturel; pour certaines personnes, ce mot semble être la baguette magique qui guérit tout mais pour d'autres, ce qu'il cache de perte de démocratie et d'influence sur la culture devrait attirer l'attention. Pour comprendre l'impact de la mondialisation dans les institutions qui relèvent de la radiodiffusion, il faut chercher à qui cela profite; de plus, celle-ci tend à instaurer des conditions sur lesquelles les états ne sont pas consultés et à créer une ploutocratie, dirigée par un petit groupe.

Par conséquent, le Bloc Québécois reste convaincu que la souveraineté du Québec représente le meilleur moyen de protéger la culture québécoise et d'en assurer le développement dans le contexte actuel de l'expansion technologique et de la mondialisation des échanges commerciaux. Nous avons confiance que le talent québécois, soutenu par l'État québécois, saura s'adapter avec succès aux défis du XXIe siècle. Cependant, dans cette opinion complémentaire, nous proposons des recommandations, dans le cadre fédératif actuel, pour le mieux-être de la culture québécoise et de ses artisanes et artisans.

Nous conclurons en rappelant l'enthousiasme que suscite la culture québécoise pour sa créativité, son dynamisme et le rayonnement international de ses artistes.

Notes

1Parti québécois, Programme, mai 2000, p. 30
2Parti libéral du Québec. De rempart à tremplin : Priorités d'actions politiques pour le secteur de la culture et des communications. Mars 2003. p. 12.
3Assemblée Nationale du Québec, Commission de la culture. Mandat d'initiative portant sur La concentration de la presse. Novembre 2001, recommandation 6.
4Notre souveraineté culturelle : Le deuxième siècle de la radiodiffusion canadienne. Rapport du Comité permanent du Patrimoine, mai 2003, recommandation 5.10
5Loi sur la radiodiffusion, mise à jour 31 décembre 2002, p. 3
6Ministère de la Culture et des Communications du Québec, Programme de soutien aux médias communautaires 2003-2004 dans calcul de la subvention
7Loi sur la radiodiffusion, version au 31 décembre 2002, p. 3
8Le reflet de notre avenir : Une étude des questions sur les ressources humaines dans le secteur culturel au Canada : Constats et recommandations, Mercadex international, décembre 2002.
9Idem, résumé de la direction, p. 2.
10xxx, Maîtriser notre espace pour contribuer à la diversité culturelle , Mémoire présenté au Comité du Patrimoine, le 15 août 2001, p. 16
11Anne-Louise Champagne , Le Soleil, , 23 mars 2003.
12Bernier, Ivan, La préservation de la diversité linguistique à l'heure de la mondialisation, Étude préparée pour le compte du ministère de la Culture et des Communications, publiée dans les Cahiers de droit de l'Université Laval, vol.42, no.4, décembre 2001,
p. 930-960
13Idem.
14Fédération nationale des communications CSN, L'État du système de radiodiffusion : Mémoire présenté au Comité du Patrimoine, le 15 août 2001, p. 13
15xxx, Maîtriser notre espace pour contribuer à la diversité culturelle : mémoire présenté au Comité du Patrimoine, 15 août 2001, p. 34
16Bâtir un Canada fier de son patrimoine pour le prochain millénaire, article 5.
17Le Devoir. Mercredi 15 novembre 1995, p. A4.
18Voir : Annexe au Rapport annuel 1998-1999. Bureau de l'ombudsman des Services français. Société Radio-Canada. Volume 2.
19Rapport du Comité du Patrimoine, version 5, chapitre 6, p.11.
20Assemblée Nationale, Commission de la culture. Mandat d'initiative portant sur La concentration de la presse, Novembre 2001.
21Association des producteurs de films et de télévision du Québec, Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec, la SARTEC et l'APFTQ. Extraits du Comité du Patrimoine. mardi 3 décembre 2002.