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HERI Rapport du Comité

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CONTEXTE

Chapitre 4
Fragmentation de l'auditoire

 

De l'avis de l'ACR et de ses membres, la Loi sur la radiodiffusion de 1991 a bien fonctionné. Elle a réussi à fournir un cadre législatif en vertu duquel le système de radiotélédiffusion canadien a pu s'épanouir et s'adapter pendant les dix dernières années.

 

Association canadienne des radiodiffuseurs, mémoire.

 

Nous sommes forcés d'admettre au bout du compte que nous avons échoué. Après un demi-siècle de mesures gouvernementales en faveur de la télévision canadienne et plus encore en ce qui a trait aux films, il m'est pratiquement impossible aujourd'hui de trouver une histoire canadienne sur le petit comme sur le grand écran.

 

Thor Bishopric, président, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002.

 

[I]l nous est impossible de forcer les Canadiens à regarder davantage d'émissions canadiennes. Personne ne le peut et personne ne le voudrait.

 

Robert Rabinovitch, président de la SRC, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 14 mars 2002.

Après avoir étudié plusieurs centaines de mémoires et relu les nombreux témoignages qu'il a entendus, le Comité note que les avis sont partagés quant à l'état du système de radiodiffusion canadien. Selon certains, le système de radiodiffusion a connu plusieurs succès, mais il reste des problèmes à régler. D'autres témoins sont pessimistes, voire estiment que nous avons échoué. D'autres ont été plus réalistes et ont rappelé que le succès de la radiodiffusion canadienne repose sur un équilibre entre les objectifs culturels et économiques.

Afin de mettre ces opinions en perspective, ce chapitre présente de l'information sur les différents outils de mesure utilisés dans le cas des auditoires de la radio et de la télévision. Il aborde les concepts d'heure de grande écoute, les types d'émissions et la disponibilité des programmes radiophoniques et télévisuels. Il présente également quelques renseignements sur la programmation canadienne et les habitudes d'écoute des Canadiens. Il passe en revue certaines innovations technologiques qui ont, au cours des 50 dernières années, façonné le milieu des communications et, par ricochet, les activités récréatives des Canadiens. Finalement, il décrit la façon dont la révolution Internet a précipité les changements substantiels et continus qui ont modifié les comportements et les attentes des consommateurs de médias.

A. Qui est à l'écoute?

L'utilisation que l'on fait du système de radiodiffusion a beaucoup changé depuis 50 ans. Depuis son apparition au début des années 1950, la télévision est rapidement devenue populaire, ce qui s'est répercuté sur l'importance et l'utilisation de la radio. L'arrivée de la câblodistribution dans les années 1970 a entraîné un accroissement considérable du nombre de canaux auxquels les consommateurs avaient accès et a rendu possible la création de chaînes thématiques. Dans les années 1980, les magnétoscopes ont permis d'enregistrer des émissions de télévision et de regarder des films sur cassette. Au cours des années 1990, Internet est devenu un système fonctionnel qui permet d'écouter des fichiers sonores ou de regarder des séquences vidéo en continu ou encore de s'abonner aux
« éditions électroniques » de journaux qui sont mises à jour plusieurs fois dans la journée1. Plus récemment, grâce à l'arrivée des enregistreurs vidéo personnels, « l'écoute sur rendez-vous » est devenue un jeu d'enfant.

Au tout début de la radio et de la télévision, le terme « émission » désignait un programme donné qui était transmis à un moment donné à un auditoire. Si on ne regardait pas la télé à l'heure dite, l'on ratait l'émission. Les gens qui ont grandi dans les années 1950 et 1960 ont sans doute cette même conception de la radiodiffusion. Cependant, comme le révèlent les innovations technologiques décrites au chapitre 3, l'on est passé d'une industrie qui tente par tous les moyens de joindre le plus grand auditoire possible à une autre qui propose la plus vaste gamme d'émissions qui soit.

Même s'il est très peu probable que quelqu'un décide d'offrir un nombre illimité de services télévisuels dans un avenir rapproché, il convient de s'arrêter à un certain nombre de répercussions importantes liées à la capacité d'offrir une gamme aussi vaste de stations.

Premièrement, la majorité des foyers au Canada ne dépendent plus des signaux hertziens (c'est-à-dire du spectre électromagnétique) pour capter des émissions.

Deuxièmement, on ne peut plus se plaindre de l'absence de choix.

Troisièmement, la fragmentation de l'auditoire se poursuivra à mesure que les distributeurs offriront des services d'abonnement à divers types de programmes sur demande.

Ces changements, qui coïncidaient tous, d'une certaine manière, avec l'étude du Comité, ont des répercussions sérieuses sur la façon dont le gouvernement coordonne ses efforts pour promouvoir la production, la distribution et la diffusion du contenu canadien.

Le reste du présent chapitre porte sur les programmes canadiens, leur disponibilité générale, dans quelle mesure ils sont regardés et les conséquences des tendances actuelles.

Les définitions de l'écoute

Pour mesurer la réussite du système de radiodiffusion canadien, il faut d'abord séparer la radio de la télévision. Il faut aussi séparer les diverses catégories d'émissions, comme les sports, les bulletins d'informations, les émissions pour enfants et les dramatiques2.

Les statistiques que l'industrie de la radiodiffusion recueille sur les habitudes d'écoute concernent généralement le taux de pénétration, le rayonnement, la portée, la taille de l'auditoire, les cotes d'écoute, la part du volume d'écoute et l'auditoire moyen par minute. L'industrie définit ces termes comme suit :

Taux de pénétration : nombre de foyers ayant la radio ou la télévision.

Rayonnement : portée d'un média dans une région donnée3.

Portée : estimation du nombre de personnes qui écoutent une station de radio ou regardent la télévision pendant au moins un quart d'heure au cours d'une période de référence donnée4.

Taille de l'auditoire : nombre d'appareils de télévision ou de radio allumés. Elle se mesure en nombres bruts ou en pourcentage. L'industrie utilise une mesure de l'auditoire moyen au quart d'heure établie en faisant la somme de tous les auditoires relevés, somme que l'on divise ensuite par le nombre de quarts d'heure correspondants5.

Cote d'écoute : auditoire moyen par quart d'heure exprimé en pourcentage de la population d'une région géographique définie6.

Part du volume d'écoute : pourcentage du nombre total de téléspectateurs qui regardent une chaîne précise ou une émission en particulier7.

Auditoire moyen par minute : nombre moyen de personnes qui regardent une émission pendant une minute.

Il existe plusieurs mesures relatives à l'auditoire d'une émission : la taille de l'auditoire, la portée, la part du volume d'écoute et l'auditoire moyen par minute. Les sections subséquentes fournissent quelques données sur l'auditoire des télévisions de langue française et anglaise. Avant d'y parvenir, cependant, il importe de signaler que les méthodes utilisées pour mesurer l'auditoire dans le domaine de la radiodiffusion ne sont pas les mêmes que celles qui sont utilisées habituellement pour mesurer le taux de participation à d'autres activités. En effet, comme Nielsen Media Research Canada le fait remarquer :

[...] le terme « cote d'écoute » n'a pas la même signification que le mot « cote ». la cote d'écoute ne comporte pas d'évaluation qualitative. Nielsen Media Research ne détermine pas dans quelle mesure une émission est appréciée. La cote d'écoute est l'évaluation la plus simple et la plus démocratique d'un auditoire : elle établit le nombre de téléspectateurs à l'écoute. Les émissions qui ont l'auditoire le plus nombreux sont, par définition, celles qui ont du succès. Les cotes que vous pouvez avoir vues sont des évaluations de l'auditoire moyen exprimées en pourcentages de la population à l'écoute d'une émission donnée au cours d'une minute8.

Une autre différence peut être illustrée par la façon dont on calcule la participation des citoyens à une élection et l'auditoire d'une émission de télévision. Pour calculer la participation à une élection, l'on compare le nombre de personnes qui ont voté au nombre total d'électeurs. Toutefois, quand il s'agit de mesurer l'auditoire d'une émission de télévision, ce qui compte, c'est le pourcentage non pas de ceux qui auraient pu regarder la télévision, mais bien de ceux qui la regardent par rapport au nombre total de personnes qui regardent la télé au même moment.

Cette façon de mesurer la part d'auditoire est très utile pour les annonceurs, mais elle peut porter à confusion si l'on tente d'évaluer le succès de notre politique de radiodiffusion. Comme l'a écrit récemment l'Association canadienne de production de film et télévision, « étant donné que les méthodes conventionnelles pour mesurer un auditoire servent les intérêts des annonceurs, elles ne sont pas nécessairement une indication de l'auditoire réel des émissions canadiennes9 ». Voilà pourquoi l'Association canadienne de production de film et télévision estime qu'une nouvelle méthode, fondée sur le nombre total de Canadiens qui ont regardé pendant au moins 30 minutes une émission canadienne pendant une saison entière de télévision, devrait être utilisée pour évaluer
« l'impact réel » des émissions canadiennes. La méthode proposée s'appelle « portée saisonnière10 ». Par exemple, la portée saisonnière pourrait équivaloir à deux ou trois fois l'auditoire traditionnel.

Selon une autre perspective, on pourrait imaginer le calcul de la « portée d'un épisode ». Il s'agirait de recueillir des données sur la diffusion d'un épisode et d'un nombre prédéfini de reprises (sur la même chaîne ou des chaînes différentes). Par exemple, un épisode de Da Vinci's Inquest attire en moyenne 700 000 téléspectateurs. Si l'on additionne l'auditoire de deux reprises de cet épisode, on pourrait obtenir plus de 1,5 million de téléspectateurs. Les chapitres 5 et 19 renferment des recommandations au sujet de la nécessité d'améliorer la collecte de données et les méthodes de rapport du système de radiodiffusion canadien.

Il faut également se rappeler que les gens n'écoutent pas la radio et la télévision de la même façon; ils écoutent plus souvent la radio pendant la journée, au travail ou en auto, tandis qu'ils regardent la télévision à la maison. L'auditoire de la télévision est à son maximum entre 16 h et minuit (après l'école ou le travail), une période dont certaines portions sont appelées « les heures de grande écoute ».

La radio

La situation constatée par la Commission Aird dans les années 1920, c'est-à-dire quand les Canadiens s'inquiétaient de l'absence d'émissions de radio canadiennes, n'existe plus. Comme le montre la figure 4.1, on recense 500 stations de radio commerciales11 qui appartiennent à des Canadiens et qui sont exploitées par eux. Ces stations produisent et diffusent chaque année des milliers d'heures de musique et d'émissions radiophoniques canadiennes12.

   

Figure 4.1 - Nombre de stations de radio commerciales au Canada, toutes langues confondues, 1997-2001

La plupart des stations de radio sont essentiellement locales, couvrant l'actualité locale, les événements et les entreprises de leur région. Les services nationaux de radio de langue anglaise et française de la Société Radio-Canada font figure d'exception.

Selon Statistique Canada, en 2001, les Canadiens ont écouté en moyenne 21,7 heures de radio par semaine. La figure 4.2 montre les tendances d'écoute de la radio à l'automne 2001, selon l'âge et le sexe.

D'autres statistiques sur les préférences de l'auditoire de la radio canadienne sont présentées au chapitre 8.

Figure 4.2 - Profil d'écoute de la radio selon l'âge et le sexe, automne 2001

La télévision

Les services de télévision sont répartis dans différentes catégories selon la méthode employée pour joindre leur auditoire et le type d'émissions qu'ils diffusent. Le rapport se concentre sur deux types de radiodiffuseurs :

radiodiffuseurs conventionnels : radiodiffuseurs qui joignent leur auditoire par l'entremise des ondes hertziennes ou d'une entreprise de distribution de services de radiodiffusion, par exemple le câble et le satellite;

télévision payante ou chaînes spécialisées : radiodiffuseurs offrant des services accessibles uniquement par l'entremise d'une entreprise de distribution de services de radiodiffusion.

Les radiodiffuseurs conventionnels proposent habituellement un éventail de programmes (p. ex., nouvelles locales et nationales, dramatiques, jeux-questionnaires, sports), tandis que les chaînes spécialisées se limitent à un thème précis (p. ex., sports, dessins animés, nouvelles). CBC, CTV, Global, TVO/TFO, Citytv, A-Channel, Radio-Canada, TVA, TQS et Télé-Québec sont les radiodiffuseurs conventionnels de langue anglaise ou française les plus connus.

Dans le cas des chaînes spécialisées, on en connaît deux types : la télévision analogique et la télévision numérique. Les services spécialisés analogiques existent depuis 1984. Les chaînes spécialisées et payantes analogiques de langue française ou anglaise sont énumérées dans les figures 4.3 et 4.4.

Figure 4.3 - Chaînes spécialisées analogiques canadiennes de langue anglaise

Figure 4.4 - Chaînes spécialisées analogiques canadiennes de langue française

Dans le cas des services payants, la figure 4.5 montre les chaînes de langue anglaise et française auxquelles les Canadiens peuvent s'abonner.

Figure 4.5 - Services canadiens de télévisions payante

Figure 4.6 - Services de télévision américains offerts au Canada

Les Canadiens captent également plusieurs services étrangers, la plupart américains. On retrouve à la figure 4.6 les services américains qui ont obtenu une licence du CRTC pour le marché canadien.

Mis à part les services analogiques, plus de 260 autres chaînes payantes et spécialisées avaient obtenu du CRTC une licence de radiodiffusion numérique au Canada en 2000. Jusqu'à maintenant, près de 60 d'entre elles ont été lancées et sont accessibles aux abonnés par câble ou satellite. Ces services sont énumérés à la figure 4.7.

Finalement, il existe quatre stations de télévisions ethniques et multilingues qui diffusent sur la voie des ondes à partir de Toronto (OMNI 1 et OMNI 2), Montréal (CJNT) et Vancouver (MVBC). Il y a aussi cinq services ethniques spécialisés analogiques (offerts sur demande) : Fairchild TV, Talentvision, SATV, Odyssey et Telelatino. De plus, en 2000, le CRTC a accordé une licence à plus de 50 services numériques ethniques de télévision payante et spécialisée dans une multitude de langues. Jusqu'à présent, seulement huit services spécialisés et deux services payants ont été lancés (voir la figure 4.7).

Types de programmes

Comme on le faisait remarquer plus haut, les radiodiffuseurs conventionnels tendent à s'occuper de programmation générale, alors que les chaînes spécialisées sont, comme leur nom l'indique, spécialisées. Il n'est donc pas surprenant que différentes chaînes attirent différents auditoires. Par conséquent, pour comprendre ce que les gens regardent, il faut examiner de plus près les types d'émissions offertes.

L'intérêt des auditoires a évolué grandement depuis les débuts de la télévision. Cette évolution a modifié les définitions des émissions. Il est donc difficile de comparer la situation qui prévaut en 1993 ou en 2003 avec une autre période, par exemple 1963.

Notons également que les définitions employées pour définir les catégories d'émissions ont été créées par l'autorité réglementaire et le gouvernement à des fins administratives. Ainsi, dans le rapport de 1957 de la Commission royale d'enquête sur la radio et la télévision, on définit neuf catégories de dramatiques : sérieux, familial, comédie, crime, western, action et science-fiction, romantique, comédie musicale et autre. Lorsque le Comité réalisait son étude de la radiodiffusion, la division de recherche de la SRC employait cinq catégories de dramatiques : films, action et aventures, comédies de situation, émissions de réalité et autre. Cette dernière catégorie inclut les miniséries et les feuilletons. La catégorie des dramatiques et des comédies du CRTC, présentée au chapitre 5, inclut sept différents types d'émissions, dont les spectacles de marionnettes.

Figure 4.7 - Services de télévision numérique offerts aux canadiens, sept. 2002

Par ailleurs, les catégories peuvent ne pas refléter fidèlement ce que les analystes veulent ou recherchent. Il faut donc être très prudent lorsqu'on fait des affirmations quant à ce que les Canadiens regardent au petit écran ou à la santé générale du système de radiodiffusion. Un bon exemple est la décision du CRTC de regrouper les comédies et les dramatiques sous une même catégorie : il est presque impossible de distinguer entre l'auditoire des comédies et celui des dramatiques.

Les heures de grande écoute et la programmation

Depuis le tout début, la plupart de gens regardent la télévision en soirée. Ces « heures de grande écoute », comme on les surnomme, ont été définies de bien des façons depuis 50 ans. Par exemple, le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion — et plus tard le CRTC — exigeait que les stations de télévision canadiennes diffusent des émissions canadiennes pendant 55 % des heures de la journée et pendant 40 % en soirée, de 18h à minuit. De nos jours, les règlements du CRTC mettent l'accent sur la période allant de 19 h à 23 h, car c'est à ce moment-là que l'auditoire est le plus considérable.

La période de 19 h à 23 h est importante, mais il est utile de noter que l'auditoire peut être grand en dehors des heures de grande écoute. Les figures 4.8 et 4.9 montrent combien l'auditoire de la télévision peut varier au cours de la période de diffusion de 24 heures sur laquelle s'appuie Nielsen Media Research.

Ces figures montrent que de nombreux Canadiens regardent la télévision pendant la journée. Peu importe le jour, il y au moins 2 millions d'anglophones et plus de 500 000 francophones qui regardent la télé entre 10 h et minuit. S'il est vrai que le plus grand nombre de téléspectateurs regardent la télévision entre 19 h et 23 h, on constate également que plus de 50 % des téléspectateurs anglophones et francophones regardent le petit écran à d'autres moments de la journée.

Le nombre d'heures de télévision que regardent les Canadiens varie également selon le jour de la semaine. Ainsi, d'après des données du CRTC, les lundis, jeudis et dimanches sont les jours les plus populaires; mais l'écoute est à son maximum les jeudis. Les habitudes des téléspectateurs varient aussi selon la saison : ils sont plus nombreux à écouter la télé en automne et en hiver, qu'au printemps et à l'été. Les principaux jours fériés influent également sur les cotes d'écoute.

   

Figure 4.8 - Courbe d'écoute de la télévision de langue anglaise selon le pays d'origine des émissions, toutes les personnes, 2 ans et plus de septembre 2000 à août 2001

Figure 4.9 - Courbe d'écoute de la télévision de langue française selon le pays d'origine des émissions, toutes les personnes, 2 ans et plus, de septembre 2000 à août 2001

Un autre facteur vient compliquer ce que nous savons sur ce que les gens regardent et quand ils écoutent la télé : la définition changeante de ce qu'est le contenu canadien. Ce sujet est abordé plus en détail au chapitre 5 et d'autres renseignements se trouvent à l'annexe 8.

Étant donné qu'un grand nombre de personnes regardent la télévision pendant les « heures de grande écoute », les réseaux y diffusent les émissions qui, ils l'espèrent, deviendront populaires. Certaines émissions sont plus populaires que d'autres, c'est pourquoi les réseaux modifient constamment leur grille horaire pour tenir compte de ce que font les autres réseaux. Si une émission est extrêmement populaire et attire un grand nombre de téléspectateurs, les autres réseaux peuvent hésiter à y opposer une de leurs émissions.

Plusieurs raisons expliquent cette réaction. Tout d'abord, il faut prévoir quelque temps avant qu'une émission ait un auditoire fidèle; cela sera encore plus difficile si elle joue en même temps qu'une émission très populaire. Deuxièmement, il est coûteux de produire une série télévisée et on risque gros si on diffuse une émission ayant un bon potentiel dans une mauvaise case horaire ou en même temps qu'une autre déjà très populaire. Troisièmement, la substitution de signaux identiques (ce concept est expliqué au chapitre 8), en raison des recettes qu'elle génère pour les radiodiffuseurs canadiens, peut aussi influer sur les décisions relatives à la grille horaire.

Les décisions concernant la grille horaire sont difficiles à prendre. Étant donné la concurrence féroce, il est facile de comprendre pourquoi les réseaux canadiens de langue anglaise préfèrent avoir plusieurs options (p. ex., un film de la semaine, une minisérie ou une série) à leur disposition pour faire face à leurs concurrents.

Il existe diverses stratégies pour contrer les concurrents. Une émission diffusée le jeudi soir peut être déplacée dans une autre case horaire parce que la concurrence y est moindre ou que le réseau a obtenu les droits d'une émission étrangère qui doit être diffusée à la même heure. Les changements d'horaire fréquents font en sorte qu'il est difficile de fidéliser l'auditoire. Les émissions sportives, d'affaires publiques et de nouvelles, et les émissions pour enfants ne subissent pas ces pressions, qui sont pourtant la réalité quotidienne des dramatiques canadiennes de langue anglaise.

Mesurer l'auditoire

On emploie deux techniques pour mesurer la taille d'un auditoire et ce que les gens regardent à la télévision. La première est un journal que remplit une personne qui a accepté de participer à une étude de longue durée sur ses habitudes d'écoute. L'autre consiste à installer un audimètre, qui note quand le téléviseur est allumé, quelle émission y joue et qui la regarde.

La technique du journal dépend de la volonté des participants de noter quand ils regardent la télé et ce qu'ils regardent. Le journal est souvent rempli à la fin de la soirée, le jour après, voire à la fin de la semaine. Il repose sur une journée de diffusion de 20 heures (de 6 h à 2 h). La technique du journal sous-estime probablement l'utilisation de la télévision. Ainsi, elle sous-estime très souvent les services spécialisés, que les téléspectateurs regardent quelques minutes, le temps de se renseigner sur un sujet d'intérêt, par exemple la météo ou les grands titres. Les statistiques tirées des journaux indiquent que les gens regardent la télévision de 22 à 24 heures par semaine.

Pour sa part, l'audimètre note toutes les émissions qu'une personne regarde dès que l'appareil est allumé et ce, 24 heures sur 24. Il note également chaque fois que la personne change de chaîne. Par conséquent, certains analystes considèrent que l'audimètre renseigne davantage sur ce que les gens regardent à la télévision. Les statistiques tirées des audimètres suggèrent que les Canadiens regardent en moyenne de 24 à 26 heures de télévision par semaine.

L'estimation de l'audimètre est plus élevée que celle du journal, car il enregistre les émissions que l'utilisateur du journal peut oublier lorsqu'il tente de se souvenir de ce qu'il a regardé, plusieurs heures ou jours plus tard. Deuxièmement, l'audimètre surestime probablement le nombre d'heures d'écoute, étant donné que certaines personnes allument leur appareil, mais n'écoutent pas nécessairement la télévision13.

Pour toutes ces raisons, il est probable que le nombre d'heures que les Canadiens passent devant leur petit écran est plus élevé que ne le dit la technique du journal, mais moins important que le total calculé par l'audimètre. Au Canada, les sondages BBM reposent sur la technique du journal, tandis que Nielsen Media Research se fie à l'audimètre. La figure 4.10 montre les données de BBM et de Nielsen sur la télévision, entre 1995 et 2001.

Figure 4.10 - MOyenne hebdomadaire des heures d'écoute, toutes les personnes, 2 ans et plus, 1995-2001

Dans les deux cas, on a besoin de foyers représentatifs qui acceptent de se prêter à l'expérience. Les déclarations concernant les parts d'écoute exigent que l'on additionne les résultats des participants (méthode du journal et méthode de l'audimètre) pour saisir ce qui se passe dans l'ensemble du pays. Cependant, les parts d'écoute ne révèlent pas tout. Certains groupes, par exemple les francophones hors Québec, les gens du Nord et les Autochtones, sont généralement exclus des populations témoins pour les études sur l'écoute de la télévision et de la radio. Cela signifie qu'on en sait très peu sur leurs habitudes d'écoute. En outre, il faut tenir compte du grand nombre de chaînes que les téléspectateurs peuvent regarder et de la période de l'année où ils écoutent la télévision.

Ces problèmes sont traités de différentes façons. Les chercheurs de la CBC, par exemple, utilisent un échantillon de six semaines (42 jours : 6 lundis, 6 mardis, et ainsi de suite) pour se faire une idée de l'année. Radio-Canada se fie aux données de BBM et le CRTC utilise quant à lui une combinaison des deux systèmes. D'autres chercheurs (p. ex., ceux de Statistique Canada) utilisent un résumé des résultats de la saison automnale de la technique du journal pour tirer des conclusions sur toute l'année de radiodiffusion.

Toutes ces techniques ont leurs avantages et leurs inconvénients. Elles sont employées par différentes organisations à des fins diverses; leurs résultats sont difficiles à comparer. Les « grands sondages » (sweeps week) sont le temps de l'année où les réseaux américains de télévision tentent d'obtenir de grosses parts d'écoute en diffusant leurs meilleures émissions ou une série d'émissions spéciales pour attirer un large auditoire. Ils espèrent ainsi convaincre les annonceurs qu'ils ont un large auditoire du type de personnes que les annonceurs veulent joindre. Étant donné que les tarifs des annonceurs sont plus élevés pour les émissions qui ont de grosses parts d'écoute, les « grands sondages » sont un élément important de la stratégie de marketing d'un réseau de télévision, mais un problème pour un radiodiffuseur canadien qui tente de maximiser l'auditoire de ses émissions canadiennes. C'est pourquoi les radiodiffuseurs canadiens de langue anglaise évitent de diffuser de nouvelles émissions canadiennes pendant les « grands sondages ». On peut donc affirmer que, bien que les « grands sondages » soient nécessaires d'un point de vue économique, il faut se rappeler qu'ils ne reflètent pas la popularité générale des émissions canadiennes des réseaux de langue anglaise au Canada.

Lorsque combinés, on peut comprendre pourquoi ces divers facteurs ont nuit aux efforts du Comité pour évaluer l'état du système de radiodiffusion canadien. En effet, chaque groupe qui a comparu devant le Comité a utilisé les statistiques disponibles pour appuyer ses arguments. Cela signifie que le Comité a dû faire des efforts considérables pour déterminer la validité des affirmations des témoins.

Il faut signaler, cependant, que les progrès technologiques devraient faciliter grandement les techniques de mesure. BBM, par exemple, a récemment adopté l'audimètre portable. De la taille d'un téléavertisseur, cet audimètre est porté par des téléspectateurs qui forment un panel représentatif et « il détecte automatiquement des codes inaudibles que les radiodiffuseurs intègrent dans la portion audio de leurs émissions14 ». Ce type d'audimétrie fait son entrée dans les marchés partout au Canada et il remplacera graduellement les systèmes de mesure actuels. Étant donné que l'appareil est portable et exige moins d'attention que la technique du journal, on s'attend qu'il fournisse des données exactes sur l'utilisation de tous les médias électroniques par les Canadiens, notamment la radio et la télévision, peu importe où ils se trouvent.

Bref, selon la méthode de calcul employée, on estime que les Canadiens sont rivés à leur petit écran de 22 à 26 heures par semaine, une moyenne qui se maintient depuis environ 35 ans15. Comme la très grande majorité des ménages canadiens ont un téléviseur, l'auditoire potentiel de la télévision à n'importe quel moment pendant une période de 24 heures est d'environ 31 millions de personnes réparties entre quelque 12,3 millions de ménages16. Cependant, le nombre de foyers où le téléviseur est allumé pendant les heures de grande écoute (c.-à-d. entre 19 h et 23 h environ) se situe à quelque huit millions (soit environ 65 %), et environ deux millions de personnes regardent alors des émissions canadiennes (soit environ 15 %)17.

Les prochaines sections décrivent les types d'émissions disponibles ainsi que les parts d'écoute de chacun. Elles expliquent ensuite les changements d'auditoire des dramatiques canadiennes de langue française et anglaise.

Services disponibles

Au cours des dernières années, on a constaté une augmentation substantielle du nombre de services disponibles. Au milieu des années 1950, peu de ménages avaient accès à plus de trois ou quatre chaînes. Ce chiffre a crû progressivement au cours des années 1960 et 1970. Au milieu des années 1980, il a fait un bond. De nos jours, certains distributeurs canadiens proposent plus de 375 chaînes.

Cette percée est incroyable. Comme M. Michael Helm (directeur général, Direction générale de la politique des télécommunications, Industrie Canada) l'a dit au Comité :

Comme je l'ai signalé un peu plus tôt, il y a plusieurs années, je travaillais pour le gouvernement dans le secteur de la radiodiffusion. Cette chose [disponibilité des chaînes et choix] nous préoccupait. Très souvent nous recevions des appels et entendions des plaintes de gens vivant dans des régions éloignées du pays tout entier. Les gens qui vivaient à Toronto, à Ottawa, à Montréal et à Vancouver avaient accès à un choix extraordinaire de canaux de télévision; pourquoi le gouvernement ne pouvait-il pas faire plus pour assurer que les gens vivant dans les régions éloignées aient un accès semblable? Ces plaintes ont été exprimées pendant des années — je suis convaincu que vous pouvez vous en rappeler — et c'était là des préoccupations légitimes.

Je n'ai pas entendu de plaintes du genre depuis quatre ou cinq ans — aucune plainte — parce que grâce à la technologie des satellites le problème a été réglé. Vous pouvez aujourd'hui vivre dans la ferme la plus éloignée de la région la plus éloignée du pays, et quand même avoir accès à des services de télévision et de radio pour à peu près le même prix — un prix comparable — que paie celui qui vit au centre-ville de la plus grosse ville du pays18.

Le fait que ces services sont offerts presque partout ne signifie pas pour autant que tous les foyers — qu'ils soient en région urbaine ou rurale — peuvent se permettre le même niveau de service.

Le nombre de services de télévision a augmenté au cours des 10 dernières années, tout comme le nombre d'heures de contenu canadien. En outre, l'écart entre le nombre d'heures d'émissions canadiennes et d'émissions étrangères pendant la même période a diminué dans le cas de la télévision de langue anglaise, mais il est resté stable dans le cas de la télévision de langue française. Les figures 4.11 et 4.12 présentent les données de 1992-1993 et de 2000-2001.

Figure 4.11 - Ratio des émissions canadiennes et étrangères offertes à la télévision de langue anglaise, 1992-93 / 2000-01

Figure 4.12 - Ratio des émissions canadiennes et étrangères offertes à la télévision de langue française, 1992-93 / 2000-01

Ces données révèlent que de 1992-1993 à 2000-2001, le nombre d'heures d'émissions canadiennes diffusées pendant la journée a atteint 46 % de toutes les émissions de langue anglaise, et il est demeuré stable, à environ 67 %, du côté des émissions de langue française.

Parts d'écoute

Au tout début de la télévision, les parts d'écoute excédaient fréquemment 40 % ou 50 %. Les figures 4.13 et 4.14 montrent combien l'auditoire s'est fragmenté depuis 30 ans. En 1969, par exemple, la CBC (y compris les stations affiliées, lorsqu'elles diffusent les émissions de la CBC) obtenait 35 % de l'auditoire; CTV, 25 %. La même année, Radio-Canada avait en moyenne 40 % des téléspectateurs francophones et TVA, près de 50 %. En 2001-2002, la CBC n'attirait plus que 7,6 % des téléspectateurs anglophones et CTV, 11 %. Pour sa part, Radio-Canada obtenait 17,6 % de l'auditoire francophone, contre environ un tiers pour TVA.

   

Figure 4.13 - Parts d'écoute quotidiennes des stations de télévision anglophones, toutes les personnes, 2 ans et plus, années sélectionnées de 1969 à 2001-02

De son côté, l'auditoire des services payants et spécialisés a fait un bond spectaculaire ces dernières années. Par exemple, de 1989-1990 à 2001-2002, la part d'écoute des services payants et spécialisés de langue anglaise est passé de 12,6 % à 46,9 %, tandis que du côté français, elle est passé de 9,4 % à 29,2 %.

La figure 4.15 illustre les parts d'écoute précises à l'automne 1993 et à l'automne 2001. On constate que les services canadiens dominent le marché de la télévision au Canada, avec 66 % des parts d'écoute au Canada (à l'exception du Québec) et 90 % au Québec.

   

Figure 4.14 - Parts d'écoute quotidiennes des stations de télévision francophones, toutes les personnes, 2 ans et plus, années sélectionnées de 1969 à 2001-02

Pour avoir une autre perspective intéressante des parts d'écoute, il suffit de les regrouper selon le groupe propriétaire. Comme l'ont fait remarquer plusieurs témoins, la radiodiffusion canadienne a été marquée, au cours des dernières années, par les efforts des radiodiffuseurs conventionnels de rassembler les fragments d'auditoire en achetant des services payants et spécialisés. Ainsi, même si les téléspectateurs ne regardent pas tous la même émission, ils regardent au moins des chaînes exploitées par un même groupe.

Pour la SRC, cette situation a été particulièrement difficile. Plusieurs groupes privés ont obtenu récemment des licences pour des services de télévision payante ou spécialisée, mais le CRTC a toujours refusé de nouvelles licences à la SRC, à l'exception de deux chaînes de nouvelles (Newsworld et RDI) et de quelques services numériques récents (Country Canada, Documentary Channel, ARTV). Une recommandation au sujet des futures demandes de licences de la SRC se trouve au chapitre 19.

   

Figure 4.15 - Parts d'écoute des services de télévision canadiens et égrangers, 1993 / 2001

La figure 4.16 montre les plus récentes parts d'écoute combinées pour les grands groupes de médias du Canada. Comme on peut le voir, à l'automne 2000 et 2001, CTV/Bell Globemedia, Global TV et CHUM ltée détenaient respectivement 18 %, 15 % et 7 % des parts d'écoute combinées (à l'extérieur du Québec). La CBC avait quant à elle 7,3 % des parts à l'automne 2001. Au Québec, le groupe dominant en 2001 était Québécor, avec 30 % des parts d'écoute; Radio-Canada arrivait au second rang, avec 18,3 %.

   

Figure 4.16 - Parts d'écoutes des services de télévision selon les groupes propriétaires, 2000 / 2001

Figure 4.17 - Réaprtition de l'écoute de la programmation canadienne de langue anglaise selon le gendre des méissions et le radiodiffuseur, 2001

Figure 4.18 - Répartition de l'écoute de la programmation canadienne de langue française selon le genre des émission et la radiodiffeur, 2001

Pour mieux comprendre les habitudes d'écoute, il faut examiner les types d'émissions que regardent les Canadiens. La figure 4.17 permet de saisir ce que regardent les Canadiens anglophones pendant une semaine typique.

Comme on peut le voir, en 2001, les radiodiffuseurs privés canadiens de langue anglaise ont attiré (entre 6 h et 2 h) près de 65 % des téléspectateurs des émissions d'informations et environ 26 % des téléspectateurs des dramatiques et des comédies canadiennes. Par contre, pendant la même période, la CBC a attiré 42,2 % des téléspectateurs des émissions sportives canadiennes, contre seulement 10,8 % pour les radiodiffuseurs privés conventionnels. Dans l'ensemble, en 2001, 46,1 % des téléspectateurs canadiens ont regardé des émissions sur les réseaux privés conventionnels, environ un tiers, celles des services payants et spécialisés; et 20,7 %, les émissions de la CBC.

La figure 4.18 fournit les mêmes renseignements, cette fois-ci pour la télévision de langue française en 2001. Les auditoires de langue française ont des habitudes d'écoute différentes en ce qui a trait aux émissions canadiennes.

Dans l'ensemble, 28,6 % des téléspectateurs francophones qui ont écouté des émissions canadiennes entre 6 h et 2 h en 2001 regardaient Radio-Canada, 58,1 %, les réseaux conventionnels privés, et 13,4 %, la télévision payante ou spécialisée. Sur le plan des dramatiques et des comédies, Radio-Canada s'en tirait bien, obtenant 41 % des téléspectateurs, contre 45,6 % pour les réseaux privés. Dans le cas des sports, l'écart du côté francophone était moins grand que du côté anglophone : Radio-Canada demeurait le radiodiffuseur de sports le plus populaire au Canada, avec 35,8 % des téléspectateurs francophones. Quant aux nouvelles, 64,4 % des téléspectateurs préféraient les radiodiffuseurs conventionnels privés, contre seulement 21,8 % Radio-Canada.

Qu'est-ce que les téléspectateurs regardent?

Le menu habituel des téléspectateurs se compose des informations, des sports et des dramatiques, mais il importe de souligner que leurs habitudes d'écoute varient considérablement. Certaines personnes ne regardent que les sports et les informations, tandis que d'autres s'intéressent au jardinage et à la météo. Le Comité a appris que la plupart des gens se contentent de 6 ou 7 stations de télévision, même s'ils ont accès à des dizaines, voire à plus de 300 stations. Le radiodiffuseur d'aujourd'hui est confronté au fait que bien peu de gens regardent les mêmes six ou sept stations.

Les préférences changent au fil du temps. Les comédies comme Wayne and Shuster dans les années 1950, 1960 et 1970 étaient très populaires et ont inspiré d'autres émissions comme Second City Television, The Royal Canadian Air Farce, The Kids in the Hall et This Hour has 22 minutes.

Parmi les dramatiques populaires, on recense The Beachcombers et d'autres dérivées du livre Anne of Green Gables de Lucy Maud Montgomery. Plus récemment, les succès ont été Random Passage, Trudeau et la série d'histoire canadienne de la SRC, qui a remporté un franc succès tant en anglais qu'en français. La figure 4.19 dresse la liste des 40 séries télévisées et émissions spéciales de langue anglaise les plus populaires des trois réseaux conventionnels canadiens de langue anglaise, soit CBC, CTV et Global, entre le 1er octobre 2001 et le 14 avril 2002.

 

Les comiques de la télévision
canadienne de langue anglaise

L'« intervention » la plus inhabituelle de l'histoire de la télévision canadienne est survenue en 1981, lorsque la haute direction de la CBC a demandé aux comédiens de SCTV d'insérer plus de « contenu canadien » dans leur émission.

Étant donné que l'émission était écrite, produite et interprétée par des Canadiens, cette requête a été très mal accueillie : « Que voulez-vous qu'on fasse?, ont demandé Rick Moranis et Dave Thomas. Déplier une carte du Canada et s'asseoir avec nos tuques et nos manteaux? » On leur a répondu : « Pourquoi pas? ».

C'est ainsi que sont né « Canadian Corner » et les personnages très populaires de Bob et Doug MacKenzie, qui, en plus de devenir des stars internationales, ont aidé davantage les Canadiens anglais à se reconnaître, eux et leurs petites manies, que les dramatiques du temps. Il est vrai que leurs « conseils d'idiots », par exemple comment glisser une souris dans une bouteille de bière, ne plaisaient peut-être pas à tout le monde, mais les téléspectateurs se sont reconnus rapidement dans ces personnages et les sujets hebdomadaires de Great White North.

SCTV est l'un des nombreux exemples de réussite de l'histoire des comédies canadiennes. Wayne and Shuster ont été les pionniers, avec des sketches qui allaient de la bouffonnerie aux parodies « cérébrales » alliant Shakespeare et les genres télévisuels populaires. « Apportez-moi un martinus! », ordonne le détective dans une parodie de Jules César. « Vous voulez dire un martini? », demande le barman. « Si j'en veux deux, j'en demanderai deux », lui répond le détective.

Les émissions provenant de Terre-Neuve, tout d'abord CODCO puis This Hour Has 22 Minutes et Made in Canada, tirent leur inspiration pour leurs sketches satiriques de la politique. Les Canadiens applaudissent le personnage interprété par Mary Walsh, Marg Delahunty, qui, dans son costume de princesse guerrière, coince de vrais politiciens dans leurs bureaux d'Ottawa.

Ils applaudissent également le « Chicken Cannon » (littéralement le « canon à poulet ») lorsqu'il tire sur le visage de leurs cibles préférées à l'émission Royal Canadian Air Farce. Mais le plaisir que suscite la vision de ces visages dégoulinants n'a d'égal que celui que procure le fait de se reconnaître dans les personnages de la beignerie d'Air Farce, qui ponctuent immanquablement leurs observations avec « You got that right. You betcha. Tell me about it! Oh yeah, oh yeah, oh yeah ». (T'as ben raison. C'est sûr. Tu m'en diras tant. Ben sûr, ben sûr, ben sûr.)

Figure 4.19 - Séries télévisées et émissions spéciales les plus populaires sur les réseaux conventionnels canadiens de langue anglaise (excluant le Québec), de 1er octobre 2001 au 14 avril 2002

Comme on peut le voir, les Canadiens (à l'extérieur du Québec) regardent beaucoup d'émissions américaines. Ils regardent aussi beaucoup d'émissions sportives canadiennes. C'est ainsi que Hockey Night in Canada, l'une des deux séries télévisées mentionnées dans la figure 4.19, est un grand favori depuis les débuts de la radio et de la télévision.

Seulement 16 des 40 séries et émissions spéciales les plus populaires en 2001-2002 étaient canadiennes, et seulement 1 de ces 16 émissions était une série régulière. Or, 12 des 14 séries (86 %) étaient américaines, alors que 15 des 26 émissions spéciales les plus populaires (58 %) étaient canadiennes. Ces données mettent en lumière deux problèmes auxquels sont confrontés les radiodiffuseurs de langue anglaise au Canada : la popularité des émissions américaines et le coût élevé de la production d'une série télévisée (c.-à-d. de 22 à 26 épisodes) pendant une saison entière. L'écart entre le nombre de séries et d'émissions spéciales populaires produites en anglais au Canada est dû en grande partie au fait qu'il est plus coûteux de produire une série qu'une ou deux émissions, comme une minisérie ou une émission spéciale. D'autres chapitres du rapport abordent cette question plus en profondeur.

Par contre, les émissions canadiennes de langue française ont compté, au fil des ans, Pays et merveilles (1953-1961) et Point de mire (1957-1959), deux émissions d'informations populaires dans les années 1950, et toute une panoplie de jeux-questionnaires, de miniséries et de téléromans : La famille Plouffe, Lance et compte, Les filles de Caleb, La petite vie et Virginie. La longue série de succès de la télévision française au Canada est remarquable.

De plus, comme le montre la figure 4.20, malgré la fragmentation accrue de l'auditoire, les téléspectateurs francophones du Québec préfèrent largement les émissions faites au Canada.

Cette figure réitère la place dominante des séries télévisées et des émissions spéciales canadiennes dans le marché francophone québécois. Mise à part l'émission Spécial bloopers de TVA, toutes ces émissions proposent un contenu canadien. En outre, leur auditoire excède celui de la plupart des émissions canadiennes de langue anglaise énumérées à la figure 4.19. Cette situation est remarquable compte tenu du fait que le marché francophone est trois fois moins important que le marché anglophone.

 

Les comédies canadiennes font partie de nos meilleures exportations. Wayne and Shuster ont été 67 fois au Ed Sullivan Show. SCTV est encore souscrit par bien des chaînes, tout comme Kids in the Hall. The Red Green Show, avec Steve Smith, est diffusé sur CHCH, Global et CBC, en plus d'être une série culte des stations PBS. Trop souvent cependant, nos comédiens talentueux sont partis chercher fortune ailleurs : Jim Carrey, Leslie Nielsen, John Candy, Martin Short, Rick Moranis, Dave Thomas, Eugene Levy, Catherine O'Hara, Dan Ackroyd, Lorne Michaels (producteur de Saturday Night Live), Dave Foley, Phil Hartman, Michael J. Fox, Mike Myers et bien d'autres.

Il ne fait aucun doute que la comédie satirique est le genre d'émissions (mis à part les nouvelles) qui a connu le plus grand succès dans l'histoire de la télévision canadienne de langue anglaise. Ce n'est pas seulement un succès populaire; c'est un succès culturel. En riant de nos travers, nous saisissons mieux qui nous sommes.

Figure 4.20 - Séries télévisées et émissions spéciales les plus populaires sur les réseaux conventionnels canadiens de langue française (excluant le Québec), du 1er octobre 2001 au 14 avril 2002

Cependant, ces comparaisons n'illustrent pas la croissance notable de l'auditoire de certains types d'émissions canadiennes de langue anglaise. Il faut donc examiner la disponibilité des émissions et les changements de préférences des téléspectateurs. Ces points sont abordés ci-dessous.

Auditoires francophone et anglophone

Il importe de souligner, dans toute discussion sur les habitudes d'écoute des Canadiens, les différences entre les auditoires francophone et anglophone. Ces différences sont présentées dans le présent chapitre et au chapitre 5. Les figures 4.21 et 4.22 comparent l'écoute des émissions canadiennes et étrangères, par des auditoires francophone et anglophone, en 1992-1993 et en 2000-2001.

Figure 4.21 - Écoute d'émissions canadiennes et étrangères, télévision de langue anglaise (excluant le Québec)

Figure 4.22 - Écoute d'émissions canadiennes et étrangères, télévision de langue française (Québec seulement)

Comme on peut le constater, malgré l'augmentation du nombre d'heures d'émissions canadiennes (figure 4.11), l'écoute des émissions canadiennes pendant la journée a progressé légèrement chez les anglophones, passant de 32 % à 34 %, et a diminué légèrement chez les francophones (passant de 68 % à 65 %) entre 1992-1993 et 2000-2001.

Mais ces données ne disent pas ce que les Canadiens préfèrent. Une façon de le découvrir consiste à comparer ce qui est disponible (l'offre) et ce qui est regardé (l'écoute). En examinant la figure 4.23, on se rend compte que les dramatiques sont de loin les émissions les plus populaires tant chez les anglophones que chez les francophones, recueillant respectivement 41 % et 34 % des cotes d'écoute. Le public canadien est attiré davantage par certains types d'émissions.

Figure 4.23 - Écoute globale de la programmation télévisuelle canadienne et étrangères, entre 6h00 et 2h00, 2000-01

Comme l'illustrent les figures 4.24 et 4.25, les anglophones regardent, toutes proportions gardées, plus d'informations et de sports que ce qui est offert, et regardent beaucoup moins de dramatiques et de comédies d'origine canadienne que le faible choix que ne leur proposent les réseaux canadiens.

Figure 4.24 - Écoute globale de la programmation télévisuelle canadienne de langue anglaise, entre 6h00 et 2h00, 2000-01

Trois remarques concernant ces données : premièrement, seulement 34 % des émissions que les anglophones ont regardées en 2000-2001 étaient d'origine canadienne. Deuxièmement, les francophones regardent une plus forte proportion d'émissions canadiennes, soit presque 66 %. Troisièmement, les anglophones ont regardé moins de 10 % de dramatiques canadiennes et, fait surprenant, seulement 26 % des dramatiques suivies par les francophones étaient canadiennes.

Figure 4.25 - Écoute globale de la programmation télévisuelle canadienne de langue française, entre 6h00 et 2h00, 2000-01

S'il est vrai que la situation décrite ci-dessus semble décourageante, elle ne tient pas compte de l'amélioration notable constatée de 1984 à 2001. En 1984, 2 % des dramatiques regardées par les Canadiens anglophones avaient un contenu canadien. En 1999, c'était 9 %19, une amélioration de plus de 450 %. Pour sa part, l'écoute de dramatiques et de comédies canadiennes chez les francophones a plus que doublé, passant de 10 % à 26 % pendant la même période.

 

Les maîtres de la passerelle

La popularité des matchs de hockey professionnel au Canada a évolué de pair avec le développement de la radio-télédiffusion au Canada. Nous pouvons raisonnablement conclure que la radiodiffusion et, plus tard la télédiffusion de ces matchs ont été le fondement de cette popularité, qui ne se dément d'ailleurs toujours pas malgré la multiplication des matchs sportifs que nous proposent les télédiffuseurs nationaux et internationaux.

Les grandes étoiles de ce sport où la vitesse, la force, l'imagination et le jeu d'ensemble forment une composition sportive sans égale, ont été par le passé et sont toujours les vedettes auxquelles s'accrochent l'enthousiasme, voire l'adulation des amateurs de hockey. Les Richard, Orr, Howe, Harvey, Lafleur, Lemieux et Roy nous ont donné des moments de plaisir et de joie perdurables.

Cependant, il est opportun de se rappeler que les exploits des vedettes du hockey nous ont été décrits et transmis par deux commentateurs exceptionnels dont les carrières sont intimement liées à l'évolution du hockey comme sport national au Canada, ainsi qu'à celle de la radio-télédiffusion des matchs au Canada. Le premier a été Foster Hewitt, à compter de la fin des années 1920, et le second, René Lecavalier, à partir du début des années 1950.

Dès 1927, Foster Hewitt décrivait sur les ondes radiophoniques les matchs de hockey des Maple Leafs de Toronto. Ken Dryden, un des grands de la Ligue nationale, se remémorant sa jeunesse, nous raconte la portée du commentateur : « De la passerelle juchée à près de 20 mètres au-dessus de la patinoire, Foster Hewitt devint notre conteur national, surpassant même ces grands joueurs dont il nous décrivait les prouesses. Il fut, pratiquement à lui seul, l'instigateur d'une habitude qui se répandit dans tout le pays. »

Au début des années 1950, à Montréal, un jeune confrère de Foster Hewitt commençait lui aussi à faire sa marque et à faire sentir sa présence merveilleusement articulée dans le monde du hockey professionnel. René Lecavalier avait une passion chaleureuse pour le hockey, un sport qu'il connaissait — comme sa grammaire d'ailleurs — sur le bout des doigts. Il a su jumeler pour nous, les téléspectateurs, son grand amour du sport et de la langue française. Pendant plus de 30 ans, René Lecavalier nous a fait redécouvrir un sport qui, pour lui, avait toute la beauté, les exigences et les subtilités de la langue qu'il employait pour le décrire. La radio-télédiffusion a lancé la carrière de René Lecavalier vers une nouvelle trajectoire dans le monde du sport et nous en sommes mieux portant. Il a su compter, toujours sans accrochage et sans rudesse.


Le téléroman, roi du petit écran

Le téléroman au Québec est un phénomène unique dans le monde de la télévision canadienne, voire internationale. Dans un ouvrage réalisé à l'occasion de l'exposition Téléroman présentée au Musée de la civilisation de Québec, de 1996 à 1998, on nous explique, en guise d'introduction, qu'en 1974, l'UNESCO avait mandaté un sociologue scandinave, Tapio Varis, pour réaliser le premier répertoire mondial des émissions de télévision. Au terme de son travail, le sociologue s'est rendu compte qu'il avait répertorié un nombre d'heures pour les séries dramatiques au Québec à un tel point démesuré par rapport au reste du monde qu'il a senti le besoin de noter en exergue que les chiffres étaient exacts et qu'il n'y avait aucun erreur de sa part. Pour bien illustrer le phénomène, signalons que le répertoire des principaux feuilletons, séries et téléromans produits et diffusés au Québec entre 1953 et 1997 enrecense 168!

En outre, au phénomène du nombre de productions vient s'ajouter celui des cotes d'écoute qui font rêver les télédiffuseurs du monde entier. Voici les sommets enregistrés entre 1962 et 1995 :

• 2 686 000 : Les belles histoires des pays d'en haut (1962)

• 2 689 000 : Terre humaine (1981)

• 2 708 000 : Rue des pignons (1975)

• 2 709 000 : Moi et l'autre (1971)

• 2 717 000 : Au nom du père et du fils (1993)

• 2 765 000 : Entre chien et loup (1989)

• 3 008 000 : Scoop (1994)

• 3 021 000 : Le temps d'une paix (1986)

• 3 227 000 : Lance et compte (1989)

• 3 334 000 : Blanche (1993)

• 3 664 000 : Les filles de Caleb (1991)

• 4 098 000 : La petite vie (1995)

Évidemment, de telles cotes d'écoute sous-entendent l'attrait profond du public québécois pour ses téléromans. Elles reflètent un dialogue, une communication très intime entre, d'une part, les artistes, les auteurs et les interprètes et, d'autre part, leur public. On peut s'imaginer une belle complicité qui fait le bonheur des uns et des autres. Depuis 50 ans, le succès des téléromans au Québec ne se dément pas. Les téléromans seraient-ils le visage et le cœur du public au Québec, mis à découvert? Reflèteraient-ils, en tant qu'expressions culturelles, les aspirations d'hier et d'aujourd'hui que seule la chanson des auteurs-interprètes peut rivaliser?

Suivant une interrogation personnelle, Gilles Pelletier, qui a incarné bon nombre de personnages de téléromans, a conclu que :

« ... les téléspectateurs ont aimé, comme ils aiment toujours, retrouver, de semaine en semaine, les personnages qu'ils perçoivent comme des membres de leur famille. Qu'ils vivent des situations dramatiques ou périlleuses, comme dans Lance et compte, ou qu'ils racontent leurs peines, leurs souffrances ou leurs joies quotidiennes, comme dans Sous un ciel variable, le public leur reste fidèle. Pourquoi? C'est là le secret des téléromans québécois. »

Figure 4.26 - Écoute quotidienne d'émissions dramatiquese et des comédies canadiennes, années sélectionnées de 1984 à 2000-01

Une des raisons qui expliquent l'augmentation de l'écoute des dramatiques et des comédies de langues anglaise et française est le fait que davantage d'émissions sont diffusées. En raison de l'amélioration des mesures d'aide (voir à ce sujet le chapitre 5), les dramatiques et comédies canadiennes représentent désormais 17 % des dramatiques et des comédies de langue anglaise diffusées, 20 % des dramatiques et des comédies de langue française (voir la figure 4.24). Autrement dit, l'écart touchant les dramatiques et les comédies canadiennes de langues anglaise et française a diminué considérablement depuis 1984. La principale différence réside dans le fait que les dramatiques et comédies de langue française attirent près de 26 % des téléspectateurs tandis que les dramatiques et comédies de langue anglaise doivent se contenter de 9 % des parts d'écoute.

Bref, dans leur ensemble, les émissions canadiennes de langue anglaise n'ont pas connu le même succès que les émissions canadiennes de langue française auprès du public, surtout dans le domaine des dramatiques et des comédies. Cela dit, les deux groupes linguistiques peuvent compter sur un auditoire fidèle pour leurs nouvelles et leurs émissions sportives.

Le Comité est conscient qu'il doit aborder prudemment la question des émissions canadiennes. Tout d'abord, le problème pourrait ne pas provenir d'un manque d'émissions, mais plutôt d'un manque de téléspectateurs. Deuxièmement, le problème touche essentiellement le domaine des dramatiques et des comédies de langue anglaise. En effet, les sports, les émissions pour enfants et les informations s'en sortent plutôt bien. Les témoins ont répété au Comité, pendant ses audiences et ses visites sur les lieux, que les nombreuses émissions de qualité pour enfants sont un succès retentissant.

Par exemple, M. Alex Park (vice-président, émissions et services éducatifs, Shaw Children's Programming Initiative) a affirmé au Comité :

Un autre projet, Incredible Story Studios, s'est mérité le titre de meilleure émission jeunesse dans le cadre des Prix Gémeaux; il a aussi remporté la médaille d'argent lors du Festival international des enfants à New York et compte un auditoire de plus de 125 millions de foyers dans plus de 30 pays. Cette émission est d'ailleurs reconnue comme étant la série jeunesse la plus populaire sur le marché international. Ce sont des histoires à 100 p. 100 canadiennes réalisées par nos enfants canadiens20.

M. Richard Stursberg (qui était à l'époque président du Fonds canadien de télévision) a déclaré, de façon plus générale :

Dans bien des cas, les émissions pour enfants, surtout pour les tout petits enfants, se situent dans un contexte non spécifique qui est très facile à exporter. On peut dire effectivement que les réalisateurs canadiens d'émissions pour enfants réussissent très bien sur le plan international21.

La figure 4.27 illustre bien ces arguments généraux sur les émissions pour enfants. En 1992-1993, environ 30 % des jeunes téléspectateurs de langue anglaise regardaient des émissions canadiennes pour enfants. En 2000-2001, cette proportion avait atteint 40 %. Dans le cas des émissions de langue française, on constate une baisse de 6 % entre 1992-1993 et 2000-2001 (de 56 % à 50 %).

En somme, il faut signaler que les données les plus récentes de 2001-2002 (voir le chapitre 5) indiquent que les réseaux proposent chaque année des milliers d'heures de nouvelles émissions canadiennes. Si l'on oublie un instant les informations et les sports, plus de 2 800 heures d'émissions canadiennes originales ont été créées pendant l'exercice 2001-2002, soit une augmentation de près de 400 heures par rapport à l'année précédente22. En outre, si l'on ajoute les informations et les sports, on se retrouve avec des milliers d'heures supplémentaires d'émissions canadiennes. Cela signifie qu'il est possible d'écouter uniquement des émissions canadiennes. Cependant, comme nous le verrons au chapitre 5, le problème du financement de la création et de la production d'émissions canadiennes originales demeure.

Figure 4.27 - Écoute d'émissions de télévision canadiennes et étrangères pour enfants, par des enfants âgés de 2 à 11 ans, entre 6h00 et 2h00, 1992-93 / 2000-01

B. La révolution Internet

Le chapitre 3 a présenté diverses applications de technologies du XIXe et du XXe siècles qui ont contribué à l'émergence du système de radiodiffusion tel qu'on le connaît aujourd'hui. Dans la section qui suit, l'on tente de voir un peu ce que l'avenir nous réserve en fait de services. Personne ne sait exactement comment ces nouveaux services seront configurés, mais on peut déjà entrevoir à quoi ils pourraient ressembler.

De nouvelles habitudes

La figure 4.28 illustre comment les habitudes d'écoute de la télévision ont évolué au cours des dernières années. À partir des données sur l'écoute des émissions de langue anglaise, elle indique que le pourcentage de ceux qui regardent les services de télévision traditionnels canadiens a baissé de façon constante entre 1994 et 2001, tandis que le pourcentage de ceux qui regardent les services spécialisés canadiens a augmenté pendant la même période. La figure suggère que les habitudes d'écoute évoluent de plus en plus à mesure que de nouveaux médias sont disponibles.

 

Le phénomène Degrassi

Les émissions de télévision pour enfants et adolescents sont, depuis longtemps, l'un des joyaux de l'industrie canadienne de la production. Parmi elles, signalons l'une des productions canadiennes de langue anglaise les plus connues, les séries Degrassi.

Degrassi est maintenant rendu à sa septième série. Le tout a commencé en 1986 sur CBC, sous le titre The Kids of Degrassi Street, qui est devenu plus tard Degrassi Junior High en 1987, puis Degrassi High en 1989, à mesure que les personnages de la série grandissaient. Lorsque les enfants ont atteint l'âge adulte, la série a pris la forme d'un film hebdomadaire, School's Out! et d'une série de non-fiction axée sur les préoccupations des jeunes, Degrassi Talks. La série est revenue au petit écran en 2001 sous le titre Degrassi: the Next Generation sur CTV. On a alors créé un site Internet, www.degrassi.tv.

Degrassi.tv n'est pas un site Web ordinaire. Il a été conçu pour ressembler au site Web d'une vraie école — l'école que fréquentent les enfants de la série. Les visiteurs peuvent devenir des « élèves virtuels » de l'école Degrassi, avec leurs classes titulaires virtuelles, leurs vestiaires et leurs journaux. Ils peuvent jouer à des jeux en ligne, écrire aux autres « élèves » et aux personnages de la série et discuter avec des enfants du monde entier. Des modérateurs s'assurent que les « règles » de l'école Degrassi sont respectées, ce qui en fait un site sûr. Étant donné que la série explore des préoccupations réelles, le site peut orienter les enfants vers de l'aide pour résoudre leurs problèmes sérieux. Plus de 150 000 « élèves » canadiens et 30 000 « élèves » australiens sont inscrits.

Toujours très populaires auprès des jeunes du Canada et de plus de 50 pays où elles ont été diffusées, les séries Degrassi ont permis à leurs acteurs et à leurs créateurs, Linda Schuyler et Kit Hood, de remporter 38 prix, notamment 8 prix Gemini, 2 Prix Jeunesse et 2 prix Emmy internationaux.

Le véritable exploit de Degrassi ne se mesure pas en prix ni en critiques, comme celle du New York Times : « une série qui ne s'embarrasse pas de morale désuète et qui va au cœur des choses ». L'exploit aura d'avoir été, pour des générations de jeunes, un lieu d'information pour surmonter les nombreux défis auxquels ils sont confrontés.

Qu'il soit question de consommation de drogue ou d'alcool, de dépression, du sida ou des difficultés et des joies quotidiennes associées à l'amitié, à l'amour ou aux premiers émois sexuels, les enjeux abordés par les séries Degrassi ont toujours été traités avec réalisme et respect. Comme l'a si bien dit la créatrice et productrice Linda Schuyler : « L'objectif de Degrassi est de dire aux jeunes qui vivent l'adolescence, cette période de la vie où ils sont à la fois adultes et enfants, que les sentiments qu'ils ressentent, les transformations de leur corps et de leur esprit, sont les mêmes que ceux que ressentent et vivent les jeunes du monde entier. Ils ne sont pas seuls dans leur cheminement. »

Figure 4.28 - Parts d'écoute des services canadiens de langue anglaise, toutes les personnes, 2 ans et plus 1993-2000

Ce qui frappe encore plus, c'est la croissance explosive d'Internet, non seulement au Canada, mais dans le monde entier, depuis quelques années. Il est impossible de calculer combien de personnes sont branchées, mais on estime que plus de 600 millions de personnes ont maintenant accès à Internet dans le monde. La figure 4.29 indique la distribution des utilisateurs d'Internet dans les principales régions de la planète. Il convient de signaler que presque personne n'était en ligne en 1991 et que presque toute cette expansion s'est faite depuis le milieu des années 1990.

La figure 4.30 montre qu'au Canada le nombre de ménages ayant un fournisseur d'accès Internet (FAI) a augmenté rapidement entre l'été 1997 et l'automne 2002.

Figure 4.29 - Estimation du nombre d'utilisateurs en ligne selon les grandes régions du monde, sept. 2002

Par ailleurs, Statistique Canada estime à 4,7 millions le nombre de ménages canadiens qui étaient branchés à Internet en 2000, dont 3,7 millions (78 %) étaient branchés par téléphone et 1 million (22 %) étaient branchés par câble (c.-à-d. avaient un accès haute vitesse). En outre, plus de la moitié de tous les ménages canadiens comptaient au moins un membre qui se servait régulièrement d'Internet en 2000, soit une augmentation de 42 % par rapport à 199923.

En ce qui concerne le nombre d'heures passées en ligne, la figure 4.31 ci-dessous indique que, entre l'été 1997 et l'automne 2000, l'utilisation d'Internet est passée de 4,7 heures par semaine en moyenne à 7,8 heures par semaine chez les Canadiens. Il est intéressant de constater que 35 % des Canadiens qui se servent d'Internet ont été en ligne pendant 10 heures ou plus par semaine à l'automne 2001.

Figure 4.30 - Canadiens ayant un fournisseur d'accès Internet, 1997-2000

Les tendances

Bien qu'il soit difficile de savoir avec précision à quel équilibre les Canadiens en arriveront pour ce qui est d'Internet et des services de radiodiffusion, il est possible de dégager certaines tendances intéressantes d'après les habitudes des jeunes d'aujourd'hui. La présente section présente les résultats d'une étude réalisée en mars 2000 par Environics Research Group auprès de 1 081 jeunes Canadiens âgés de 6 à 16 ans.

   

Figure 4.31 - NOmbre d'heures hebdomadaires passées en ligne chez les canadiens de 18 ans et plus, 1997-2001

La figure 4.32 montre le temps que les jeunes consacrent à la télévision et à Internet. Comme on peut le constater, plus de 70 % des jeunes âgés de 6 à 16 ans en mars 2000 ont déclaré utiliser Internet à l'école et plus de 80 % l'utilisent à la maison. Dans le cas de la télévision, plus de 30 % sont rivés au petit écran plus de trois heures par jour et près de 50% ont affirmé écouter la télévision entre une et trois heures par jour. Dans l'ensemble, plus de 95 % des jeunes ont déclaré regarder un peu la télévision tous les jours.

Figure 4.32 - Temps passé à regarder la télévision et à naviguer sur Itnernet chez les jeunes canadiens, mars 2000

Figure 4.33 - Fréquence d'utilisation de l'Internet chez les jeunes canadiens selon l'endroit, mars 2000

La figure 4.33 montre à quelle fréquence les jeunes naviguent dans Internet et où ils l'utilisent. Elle révèle que plus de 70 % des jeunes ont déclaré utiliser Internet à la maison au moins une ou deux fois par semaine en mars 2000. De ce nombre, la majorité l'ont utilisé presque tous les jours. Fait intéressant à noter, ils ont utilisé Internet plus souvent à la maison qu'à l'école. Cela dit, plus de 40 % des répondants ont affirmé utiliser également Internet à l'école au moins une ou deux fois par semaine.

La figure 4.34 montre les activités Internet les plus fréquentes des jeunes Canadiens. Il n'est pas surprenant de constater que les activités les plus fréquentes sont le téléchargement de musique, le courriel, la navigation et les jeux. Il faut aussi signaler que plus de 35 % des répondants ont déclaré qu'ils utilisent également Internet pour faire leurs devoirs.

Figure 4.34 - Activités Internet les plus fréquentes des jeunes canadiens, mars 2000

La figure 4.35 montre les types de renseignements que les jeunes Canadiens cherchent dans Internet. On se rend compte que plus de 35 % des jeunes cherchent de l'information d'origine canadienne dans Internet au moins une fois par mois. En outre, plus de 20 % ont cherché des renseignements sur la santé au moins une ou deux fois pendant le mois.

   

Figure 4.35 - Fréquence d'utilisation d'Internet par les jeunes canadiens pour chercher des renseignements précis, mars 2000

Figure 4.36 - Fréquence des activités des jeuens canadiens en dehors des heures de classe

La figure 4.36 montre ce que les jeunes Canadiens ont fait à l'extérieur de l'école en mars 2000. Comme on le voit, plus de 30 % ont joué à des jeux électroniques, moins de 40 % ont pratiqué des sports, plus de 40 % ont utilisé Internet, environ 50 % ont passé du temps avec leurs amis, plus de 80 % ont regardé la télévision et 85 % ont écouté de la musique. Il est évident que les jeunes Canadiens s'adonnent à différentes activités au cours de la journée.

Il ne faut pas s'étonner qu'une étude réalisée en janvier 2001 par Edison Media Research sur les jeunes Américains ait découvert que près de 50 % des utilisateurs regardent parfois la télévision pendant qu'ils naviguent dans Internet (figure 4.37). De plus, on a demandé aux répondants s'ils avaient à choisir entre renoncer à tous les services de télévision ou renoncer à Internet, à quoi renonceraient-ils en premier. Au total, un peu moins de 50 % des répondants âgés entre 12 et 24 ans ont dit qu'ils préféreraient renoncer à la télévision24.

   

Figure 4.37 - Utilisateurs en ligne actifs prêts à renoncer à Internet ou à la télévision (s'ils étaient forcées à choisir entre les deux) janvier 2001

Il ne faudrait pas sous-estimer l'importance des chiffres présentés dans la figure ci-dessus. Ces chiffres montrent non seulement qu'une proportion considérable de ceux qui ont accès à Internet considèrent Internet comme un service de communication plus important que la télévision, mais que l'utilisation simultanée de la télévision et d'Internet deviendra de plus en plus fréquente.

Nous savons que les consommateurs sont également de plus en plus nombreux à exiger une technologie qui assurera l'interconnexion de tous les appareils électroniques qu'ils ont chez eux25. Ainsi, d'après une enquête réalisée récemment auprès de ceux qui ont un accès Internet à large bande, plus de la moitié souhaitaient pouvoir accéder aux contenus à partir de n'importe quel écran ou haut-parleur de leur foyer, et ont notamment cité l'enregistrement et la lecture vidéo numériques sur n'importe quel téléviseur ou ordinateur comme élément essentiel d'un foyer réseauté. Le tiers des répondants voulaient également pouvoir écouter la radio en continu ou regarder des séquences vidéo en continu à leurs heures et en se servant des appareils de leur choix26.

Qu'est-ce qu'on fait en ligne?

Il faut comprendre que l'on utilise Internet pour différentes raisons. Par exemple, en décembre 2002, environ 350 000 téraoctets d'information (environ 1 000 téraoctets par jour) ont été transmis par l'entremise d'Internet27. Un téraoctet égale 1 000 gigaoctets ou mille milliards d'octets. Comme il est difficile de saisir ce que sont mille milliards d'octets, imaginons un instant que cela est l'équivalent de 300 années de publication d'un journal assez épais (p. ex., La Presse, Toronto Star, New York Times) ou que deux téraoctets représente une bibliothèque de recherche universitaire.

S'il est difficile de déterminer avec exactitude l'utilisation d'Internet par les individus28, il est cependant possible d'examiner la circulation autre que la circulation de données29. Une manière d'y parvenir est d'examiner les principaux sites Web visités (p. ex., les 10 sites les plus courus). Selon les cotes de Nielsen/Net, les 25 sites les plus visités par des Nord-américains en octobre 2002 allaient de celui de AOL Time Warner (numéro 1) à iVillage (numéro 25). De ces 25 sites, les 10 premiers sont :

Figure 4.38 - Les dix sites Web les plus visités par les Nord-Américains, octobre 2002

La durée moyenne passée dans ces sites va de 6 heures dans le cas d'AOL Time Warner à seulement 14 minutes dans celui d'Amazon. Lorsqu'on connaît le contenu de ces sites, on peut déduire pourquoi les gens les visitent. Ainsi, Amazon vend des livres et de la musique, eBay est un site de vente aux enchères, Microsoft vend des logiciels et des mises à niveau et Google est un moteur de recherche. Au moins 4 des 25 sites les plus courus sont des moteurs de recherche — Google, Terra Lycos, Classmates et Ask Jeeves. On peut aussi dire que plusieurs autres sont en réalité des moteurs de recherche spécialisés, qui fournissent de l'information sur des sujets précis (p. ex., Earthlink, iVillage et InfoSpace Network).

On peut aussi deviner ce pourquoi les individus utilisent Internet en regardant de plus près les mots clés employés dans les recherches d'information. Voici la liste des 10 mots clés que les Canadiens ont utilisés le plus souvent avec le moteur de recherche Google en mars 2003 (figure 4.39) :

Google prépare également un rapport sur les 20 mots clés qui gagnent en popularité ou qui sont en perte de vitesse auprès de ses utilisateurs. La figure 4.40 donne les résultats de mars 200330.

Figure 4.39 - Figure 4.39 - Les dix mots clés les plus souvent utilisés par des canadiens avec Google, mars 2003

Figure 4.40 - Les mots clés qui gagnent en popularité ou qui sont en perte de vistesse chez Google en mars 2003

Les figures 4.39 et 4.40 nous indiquent que les individus utilisent Internet pour trouver de l'information sur des sujets qui les intéressent : informations, jeux, musique, films, télévision et sports. Cependant, les recherches les plus fréquentes révèlent seulement ce qui est le plus populaire. D'autres études soulignent que les gens utilisent Internet pour des choses plus sérieuses que le pointage final du match de la veille ou la photo d'une célébrité. Internet, par exemple, est également une source importante de renseignements sur le gouvernement, la médecine, l'environnement et l'immobilier. De plus, en juillet 2000, on estimait que 30 millions d'Américains passaient en moyenne « 83,2 heures par année à chercher de l'information à saveur politique dans Internet31 ».

Bref, la discussion qui précède illustre que les individus utilisent Internet pour une multitude de raisons : de l'information sur la météo, les sports, les divertissements populaires, les services gouvernementaux, etc.

C. Les défis clés

Comme on le mentionnait au chapitre 3, il est facile de prévoir l'essentiel des répercussions des nouvelles habitudes et préférences des téléspectateurs sur l'actuel système de radiodiffusion. L'auditoire va continuer à se fragmenter et la concurrence deviendra plus intense qu'elle ne l'a été par le passé. Au fur et à mesure que s'accroîtra l'offre de programmes, le marketing et l'endroit où les émissions se trouveront sur le spectre des fréquences deviendront de plus en plus importants. Susciter l'intérêt pour une émission qui doit se mesurer à quatre autres émissions est un défi, mais le défi est encore plus grand quand il s'agit d'attirer l'attention sur une émission en concurrence avec 350 autres émissions.

Malgré l'apparente nouveauté du terme, le phénomène de la fragmentation de l'auditoire n'a rien de nouveau. Des vagues de changement semblables ont déjà déferlé sur d'autres médias. Le meilleur exemple est peut-être celui de l'industrie des magazines. Pendant les années 1950, une poignée de magazines populaires attiraient de larges auditoires et trouvaient des lecteurs dans la majorité des ménages d'Amérique du Nord. Les magazines américains les plus populaires étaient : Life, Look, The Saturday Evening Post et Liberty. Les magazines canadiens les plus populaires des années 1950 comprenaient notamment Saturday Night, Maclean's, La revue populaire, Le samedi et les encarts hebdomadaires comme The Star Weekly. Presque tous ces magazines ont disparu, ont modifié leur orientation ou ne sont plus publiés que sous forme d'éditions commémoratives pour marquer des occasions spéciales.

Même si certains peuvent déplorer la disparition de ces magazines, le nombre de revues offertes aux lecteurs en 2002 est de beaucoup supérieur à ce à quoi ils avaient accès dans les années 1950. Les magazines d'intérêt général ont presque tous disparu, pour être remplacés par des magazines spécialisés sur le kayak, la décoration intérieure, la pêche à la mouche ou le monde des affaires, etc. Par ailleurs, les magazines d'intérêt général (comme Châtelaine) qui ont survécu sont devenus d'une certaine façon des magazines d'intérêt spécialisé (c.-à-d. qu'ils se concentrent sur des sujets intéressant un groupe cible en particulier).

Le monde du livre a connu une évolution semblable. Le nombre de nouveaux titres publiés au cours des 10 dernières années (1990 à 2000) dépasse de beaucoup le nombre total de livres publiés au cours de n'importe quelle décennie dans les 500 ans qui ont suivi l'invention de la presse. Les lecteurs ont ainsi accès à un choix beaucoup plus vaste, et pour ceux qui impriment et qui vendent des livres, il est maintenant beaucoup plus difficile de tenir compte de centaines de milliers de titres que de quelques milliers de titres. Avec l'accroissement du nombre de titres, le marketing et la promotion ont aussi pris de l'importance. Après tout, comment le lecteur peut-il espérer retrouver un livre en particulier dans une librairie offrant plusieurs centaines de milliers de titres?

Bref, des technologies mises au point à d'autres fins ont révolutionné le monde des magazines et celui des livres et sont maintenant en voie de révolutionner la radiodiffusion. À l'origine, la technologie mise au point pour envoyer de l'information au moyen d'une mince fibre de verre devait être utilisée en médecine ou pour l'inspection de machines, mais il semble maintenant qu'elle va changer l'univers de la radiodiffusion et, par ricochet, la façon dont les Canadiens communiqueront au cours des prochaines années.

Les nombreux défis qui se posent au système canadien de radiodiffusion peuvent sembler difficiles à relever, mais il est bon de se rappeler que les Canadiens, malgré les pressions et l'influence culturelles des États-Unis, ont mis sur pied un système de radiodiffusion qui couvre l'ensemble du pays, qui offre une multitude de choix et qui a produit des succès dans les domaines des informations, des sports, des émissions pour enfants, de la musique, des variétés, des affaires publiques.

Le système s'éloigne inexorablement de la radiodiffusion ou « diffusion à un vaste auditoire » pour se tourner plutôt vers une « diffusion ciblée », voire une « diffusion à destination unique ». Ce dernier type de diffusion s'apparente au fait d'aller sur place louer une vidéocassette. Le consommateur décide de ce qu'il veut regarder, puis prend les dispositions voulues (se rend dans un club vidéo, loue la vidéo qu'il veut regarder, etc.). De nos jours, l'on peut « s'abonner » à un journal et « concevoir » le journal en fonction de ce que l'on souhaite lire. De même, l'on peut déjà « s'abonner » à un service offrant de la musique, des films ou d'anciennes émissions de télévision au moment qui nous convient. Ce genre de service s'apparente au service existant de vidéo sur demande qui offre un choix de films ou d'événements spéciaux que l'on peut regarder au moment que l'on choisit32.

Le défi consiste à tirer parti de ces succès, à s'attaquer aux domaines problématiques et à mettre en place les conditions nécessaires pour assurer d'autres réussites au cours des prochaines décennies. Au fil des années, les Canadiens seront témoins de changements sans précédent dans le domaine des communications.

Notes en fin de chapitre

1La transmission vidéo et audio en continu peut être définie comme un moyen de commencer à lire un message pendant que le reste du message continue de s'enregistrer. La transmission en continu fait appel à la compression qui réduit la place qu'occupent la voix, les images et les données afin qu'elles puissent être transmises en moins de temps. La transmission vidéo et audio en continu est utilisée pour la radiodiffusion vidéo et audio dans Internet.
2Les catégories employées par le CRTC aux fins des exigences de contenu canadien sont les suivantes : nouvelles, analyse et interprétation, sports, émissions dramatiques et comiques (y compris les films), variétés, autres.
3La notion de « rayonnement » s'utilise toutefois comme un synonyme de « portée » (c.-à-d., pour décrire la mesure dans laquelle un médium joint un groupe de personnes). Dans le présent rapport, « rayonnement » s'entend de la portée géographique d'un médium.
4Sondages BBM. « Télévision — Terminologie d'usage. » www.bbm.ca.
5Ibid.
6Ibid.
7MediaCourier. « Spot TV Advertising Terms. » www.mediainternet.com.
8Voir www.nielsenmedia.ca.
9Association canadienne de production de film et télévision. Profile 2003 : An Economic Report on the Canadian Film and Television Industry, février 2003.
10Ibid., p. 32-33.
11Les données concernant les stations de radio de la SRC se trouvent au chapitre 6.
12L'annexe 17 fournit les sources des données de toutes les figures que renferme le rapport.
13Le compteur a une fonction qui demande une réponse du téléspectateur si ce dernier n'a pas changé de station depuis une heure. Cependant, il risque encore de surestimer le temps pendant lequel les gens regardent la télévision.
14Communiqué, 23 septembre 2003, www.bbm.ca.
15Étude réalisée par Radio-Canada (données sur l'année de septembre à août); données du CRTC.
16Neilsen Media Research. Estimations pour janvier 2003.
17Étude réalisée par Radio-Canada. Un regard nouveau sur l'écoute du contenu canadien, 31 mai 2002.
18Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 20 novembre 2001.
19Canadian Media Research inc. Trends in Canadians use of TV, préparé pour l'Association canadienne de production de film et télévision, août 2001. Ce rapport repose sur des données de Statistique Canada.
20Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 novembre 2001.
21Ibid.
22Association canadienne de production de film et télévision, Profile 2003, p. 28.
23Voir www.statcan.ca.
24Edison Media Research, « The Need for Speed, » www.edisonresearch.com/.
25Communiqué, 5 janvier 2001, « Ucentric Systems Announces Key Application Partnerships for Home Networking », voir www.ucentric.com.
26INT Media Group, 2001, www.cyberatlas.internet.com.
27« Internet Traffic Tops 350,000 Terabyts Per Month » dans un rapport de Cambridge Telecom, 24 janvier 2003.
28Il est aussi difficile de distinguer entre la circulation dans Internet au Canada et celle en Amérique du Nord. Ce n'est pas un problème insurmontable, étant donné que l'utilisation d'Internet par les Canadiens n'est pas si différente de celle des usagers des autres pays (p. ex., en Europe, aux États-Unis ou en Australie).
29Environ la moitié de la circulation dans Internet concerne des données (p. ex., données financières transmises entre deux banques, emplacement géographique des véhicules sur les routes et résultats d'expérience que s'échangent des scientifiques). Ces échanges de données ont généralement lieu entre des personnes qui travaillent pour des établissements (hôpitaux, universités, entreprises). On peut les laisser de côté pour le moment.
30Par « gagner en popularité », on entend les mots clés les plus souvent utilisés par les internautes pendant une période donnée. Par « en perte de vitesse », on entend les mots clés qui sont de moins en moins utilisés par les internautes, par rapport à une période précédente.
31Ron Facheux. « Campaigns and Elections », www.findarticles.com.
32L'inconvénient de la diffusion à destination unique tient au fait que chaque client reçoit un train de données distinct et que la largeur de bande du réseau ne tarde pas à y passer.