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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des langues officielles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 29 septembre 2005




¿ 0905
V         Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.))
V         Mme Linda Cardinal (professeur, École d'études politiques, Université d'Ottawa)

¿ 0910

¿ 0915
V         Le président
V         M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC)
V         Mme Linda Cardinal
V         M. Guy Lauzon
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0920
V         M. Guy Lauzon
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0925
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)
V         Mme Linda Cardinal
V         M. Yvon Godin
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0930
V         M. Yvon Godin
V         Mme Linda Cardinal
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Jean-Claude D'Amours (Madawaska—Restigouche, Lib.)
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0935
V         Le président
V         M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC)
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0940
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)
V         M. Pierre Poilievre
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Jean-Claude D'Amours
V         Mme Françoise Boivin
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0945
V         Le président
V         Mme Linda Cardinal
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin
V         Mme Linda Cardinal
V         Le président
V         M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ)
V         Mme Linda Cardinal
V         M. Guy Côté
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0950
V         M. Guy Côté
V         Mme Linda Cardinal
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Mme Linda Cardinal

¿ 0955
V         M. Yvon Godin
V         Mme Linda Cardinal
V         M. Yvon Godin
V         Mme Linda Cardinal
V         M. Yvon Godin
V         Mme Linda Cardinal
V         Le président
V         Mme Linda Cardinal
V         Le président
V         Le président
V         M. Réjean Lachapelle (directeur, Études démolinguistiques, Statistique Canada)

À 1005

À 1010
V         Le président
V         M. Guy Lauzon
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Guy Lauzon
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Guy Lauzon

À 1015
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Guy Lauzon
V         M. Réjean Lachapelle
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Guy Côté
V         M. Réjean Lachapelle

À 1020
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Yvon Godin
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Yvon Godin

À 1025
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Yvon Godin
V         M. Réjean Lachapelle
V         Le président
V         M. Réjean Lachapelle
V         Le président

À 1030
V         M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.)
V         L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.)
V         M. Marc Godbout
V         M. Réjean Lachapelle

À 1035
V         Le président
V         M. Andrew Scheer (Regina—Qu'Appelle, PCC)
V         Le président
V         M. Andrew Scheer
V         M. Réjean Lachapelle
V         Le président
V         L'hon. Raymond Simard
V         M. Réjean Lachapelle
V         L'hon. Raymond Simard
V         M. Réjean Lachapelle
V         L'hon. Raymond Simard

À 1040
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         M. Réjean Lachapelle
V         M. Guy Côté
V         M. Réjean Lachapelle
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. Réjean Lachapelle

À 1045
V         Le président
V         M. Réjean Lachapelle
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. Marc Godbout
V         Le président
V         M. Andrew Scheer
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         M. Pierre Poilievre
V         Le président
V         Le président
V         M. Andrew Scheer
V         M. Guy Lauzon
V         Le président
V         M. Andrew Scheer
V         Le président
V         M. Yvon Godin

À 1050
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Yvon Godin
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Yvon Godin
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Yvon Godin
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Yvon Godin
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC)
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Marc Godbout
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         L'hon. Raymond Simard
V         Le président

À 1055
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Marc Godbout
V         Le président
V         M. Mark D'Amore (Le greffier du comité)
V         Le président
V         Le greffier
V         Le président










CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 042 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 septembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Français]

+

    Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)): Bonjour à tous. Nous allons tout de suite commencer. Ce matin, ce sera très serré en termes de temps. Nous recevons deux invités; la séance sera donc divisée en deux périodes.

    Comme vous le savez, nous avons également été saisis de deux motions qui ont été dûment déposées avant-hier. Le délai de 48 heures a été respecté, ce qui veut dire qu'on va devoir en débattre aujourd'hui. Je propose que nous passions maintenant à Mme Cardinal, et ce, jusqu'à 9 h 55, pour ensuite enchaîner immédiatement avec M. Lachapelle de Statistique Canada, et ce, jusqu'à et 9 h 45. Il va falloir réduire un peu le temps prévu. Les dernières 15 minutes seront consacrées au débat sur les motions qui ont été déposées. Cela vous convient-il?

    Il y a longtemps que nous nous sommes vus, soit au moins 15 ou 16 heures. Bienvenue, madame Cardinal et monsieur Normand. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous. Je vous cède la parole pour quelques minutes. On passera ensuite à la période de questions.

+-

    Mme Linda Cardinal (professeur, École d'études politiques, Université d'Ottawa): Merci.

    Monsieur le président, chers députés, distingués invités, merci de m'avoir invitée à vous faire part de mes réflexions sur le projet de loi S-3. Je m'en réjouis, d'autant plus que les enjeux soulevés par ce projet de loi sont de la plus haute importance pour l'avenir des communautés francophones. Je voudrais également vous présenter M. Martin Normand, mon assistant de recherche. Il est étudiant à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa et a travaillé sous ma direction.

    Je veux vous faire part de mon analyse du projet de loi S-3. Toutefois, à la différence de mes collègues juristes qui sont venus témoigner devant vous depuis le début de vos audiences, je vous propose une mise en contexte de ce projet de loi. J'ai préparé un document, que j'ai envoyé à M. D'Amore. Il devrait être traduit en anglais sous peu et vous être distribué dans quelques jours. Il me fera plaisir de continuer la réflexion avec vous à l'extérieur de cette enceinte si vous le souhaitez.

    Mon propos est que la partie VII a été formulée dans une perspective de réconciliation nationale. Or, celle-ci a échoué. Par ailleurs, je soutiendrai que le fait de rendre la partie VII justiciable ne servira que partiellement à résoudre les difficultés découlant de son application. J'arguerai également que le gouvernement doit faire preuve d'un plus grand engagement à l'égard du dossier des langues officielles. Je m'appuie, pour présenter mon propos, sur les résultats d'une recherche sur les multiples témoignages présentés au comité législatif chargé d'étudier le projet de loi C-72 en 1987-1988, sur ceux du Comité mixte permanent des langues officielles au moment où le projet de loi a été étudié en 1987, ainsi que sur les données des principales études de la partie VII. L'étude que nous avons réalisée en vue de notre témoignage d'aujourd'hui est donc essentiellement archivistique.

    La présentation en trois temps que je vais faire sera rapide. En effet, mon document est beaucoup plus long et contient beaucoup plus de détails. Je vais vous rappeler les faits saillants du contexte politique ayant présidé à l'adoption de la partie VII. Je vais ensuite parler des raisons qui ont conduit au projet de loi S-3 et, enfin, de la nécessité d'adopter une approche politique et administrative à l'égard de l'épanouissement et du développement des minorités de langue officielle.

    Pour vous mettre un peu en contexte, j'aimerais vous rappeler ce qui suit. Le 25 juin 1987, le ministre de la Justice, Ray Hnatyshyn, dépose le projet de loi C-72 sur les langues officielles, qui contient la partie VII. Le ministre considère que le projet de loi reflète l'engagement du gouvernement envers la dualité linguistique, qu'il présente comme une caractéristique unique et vitale de l'identité canadienne. Il indique que la loi a été élaborée dans un esprit d'unité nationale et de réconciliation pour compléter l'engagement mutuel des deux ordres de gouvernement à l'égard des communautés de langue officielle dans l'accord Meech. À l'époque, les ministres responsables des langues officielles, David Crombie et Robert de Cotret, travaillent dans un véritable climat de réconciliation nationale et veulent même mettre sur pied un conseil canadien des langues officielles. Pour sa part, le premier ministre du pays, Brian Mulroney, écrit ce qui suit dans une lettre adressée à ses collègues du Cabinet:

[...] le gouvernement s'est engagé à favoriser l'épanouissement et à appuyer le développement des minorités francophones et anglophones au Canada. Il est donc primordial que tous les ministères et organismes fédéraux contribuent au développement et à l'épanouissement de ces communautés minoritaires et qu'ils tiennent compte de leurs besoins et intérêts dans l'élaboration de leurs politiques et la mise en oeuvre de leurs programmes.

    Par ailleurs, le gouvernement du Québec se préoccupe très tôt des retombées de la partie VII. Selon M. Pierre Martel, qui est alors président du Conseil de la langue française, le projet de loi oublie un fait fondamental, à savoir que « [c']est la langue française, au Canada, qui est minoritaire » et « c'est elle qui devrait, dans l'ensemble du Canada, être protégée. ».

    Au mois de juillet de la même année, M. Gil Rémillard et M. Jacques Parizeau expriment leur crainte en ces termes: « que le projet de loi C-72 n'ouvre la porte à l'intrusion du gouvernement fédéral dans des domaines de compétence linguistique au Québec. »

    Or, M. Lucien Bouchard — à l'époque secrétaire d'État — répond à ces deux interlocuteurs en déclarant qu'il n'est pas question « de permettre que soit appliqué le projet de loi de façon asymétrique. »

    La loi est promulguée le 15 septembre. Le 28 septembre 1988, devant le Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes des langues officielles, M. Bouchard explique que la nouvelle loi est un outil essentiel, mais non unique, de l'action du gouvernement en faveur des langues officielles. Il explique que la nécessité d'un tel instrument découle en partie de l'accord du lac Meech, dans lequel « les premiers ministres fédéral et provinciaux ont reconnu le caractère dualiste de la société canadienne. » Il précise aussi que des négociations sont en cours avec les autres ordres de gouvernement, dans le but de respecter les engagements stipulés dans la partie VII.

    En somme, la partie VII et l'accord du lac Meech ont été pensés pour aller de pair. L'un nous semble difficilement compréhensible sans l'autre. Or, l'accord du lac Meech n'a pas été adopté, et l'on attend toujours une véritable réconciliation entre le Québec et le reste du Canada.

    En 2003, la publication du Plan d'action sur les langues officielles révèle le souhait du gouvernement canadien de remettre les langues officielles au centre du projet national canadien. Toutefois, depuis l'échec de l'accord du lac Meech, nous sommes dans une situation de déséquilibre dans le domaine des langues officielles. La Cour suprême a reconnu le rôle particulier du Québec dans la promotion du français. Toutefois, sans un engagement particulier de la part du premier ministre du Canada à remettre les langues officielles au coeur d'une véritable approche de réconciliation nationale, la partie VII ne fera jamais l'unanimité et ne pourra bien servir les minorités à qui elle s'adresse.

    En l'absence d'une telle action, l'adoption du projet de loi S-3 pourrait-elle contribuer à colmater la brèche? C'est la question que je me suis posée.

    Par ailleurs, selon les documents — et cela vous étonnera peut-être —, la partie VII n'a jamais fait l'objet d'interrogations lors des réunions des différents comités qui ont eu à en faire l'étude au moment de son adoption. Seul M. Jean-Robert Gauthier a interpellé, à l'époque, le ministre Hnatyshyn au sujet du caractère non exécutoire de la partie VII. Comme l'explique le ministre à l'époque, il « est important de comprendre que la langue dont on parle dans la partie VII est la langue d'encouragement. Ce n'est pas la langue de commande. » Le commissaire aux langues officielles à l'époque, M. D'Iberville Fortier, commente aussi la partie VII, mais aucun membre du comité ne lui demande d'expliquer ses propos.

    Par ailleurs, M. Yvon Fontaine, à l'époque président de la Fédération des francophones hors Québec, considère que la partie VII « contient un langage innovateur qui va au-delà de ce qui existait jusqu'à maintenant. » Il souligne toutefois les faiblesses de la partie VII, mais ces faiblesses sont surtout dans les mécanismes prévus pour mettre en oeuvre l'engagement du gouvernement fédéral à protéger et à développer les minorités linguistiques. Il note que les « mécanismes sont insuffisants, notamment parce que l'affirmation du devoir de tous les ministères de participer à cet effort n'est pas explicite. » Et d'ajouter, « l'implication des ministères doit être plus important. » Bref, personne ne parle vraiment de judiciariser la partie VII à l'époque.

    Les députés adoptent les cinq articles de la partie VII sans en discuter de manière approfondie. Les articles qui se trouvent donc dans la version finale de la loi sont identiques à ceux qui étaient dans la version originale du projet de loi C-72. Une fois ceux-ci adoptés, lorsque l'on porte à l'attention de M. Bouchard que la partie VII a un caractère déclaratoire plutôt qu'exécutoire, il explique que celle-ci « n'a pas besoin de règlements pour être appliquée. »

    Il déclare compter sur le comité — le vôtre — pour s'assurer que la partie VII de la loi sera respectée. Il lui délègue en quelque sorte certaines de ses responsabilités. Plutôt que d'avoir à gérer une partie exécutoire, il n'a qu'à attendre les rapports et à y être attentif.

    Le sénateur Gauthier, par ailleurs, veut que l'article 41 soit exécutoire, afin d'éviter toute ambiguïté. Il est d'avis que c'était l'intention du législateur.

¿  +-(0910)  

    Or, dans la cause Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministère de la Justice), le procureur général du Canada a pourtant soutenu, et je le cite:

La partie défenderesse prétend qu’on ne saurait trouver dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles une obligation pour le gouvernement fédéral de toujours prendre les mesures favorisant le plus l’épanouissement et le développement des communautés minoritaires ou promouvant le mieux les deux langues officielles, ou une obligation de procéder systématiquement à des consultations publiques. Il s’agit essentiellement d’un engagement de nature politique.

    Nous sommes d'accord sur cet énoncé. Nous sommes d'avis que le dossier des langues officielles doit être piloté au plus haut niveau, dans la mesure où l'épanouissement et le développement des minorités de langue officielle sont une condition essentielle à toute perspective de réconciliation nationale.

    De par l'importance des enjeux, le premier ministre et le Conseil privé doivent faire preuve d'un leadership soutenu dans le domaine. Ils doivent s'assurer que les responsables de la mise en oeuvre de la partie VII reçoivent les ressources adéquates pour faire leur travail, et que les comités qui sont mis en place soient investis des pouvoirs nécessaires pour que la situation s'améliore de façon significative.

    J'ai presque terminé.

    Il existe en ce moment près d'une quarantaine de comités ou d'instances de consultation qui sondent l'opinion des minorités de langue officielle et qui tentent de les intégrer à la gouvernance des langues officielles.

    Dans le domaine des relations fédérales-provinciales, il existe aussi une action de plus en plus importante qui correspond à l'esprit de la partie VII.

    En somme, le gouvernement commence à se donner des moyens afin de voir à l'épanouissement et au développement des minorités de langue officielle. Il doit cependant se doter de mécanismes de planification linguistique plus rigoureux. Il doit évaluer de façon plus systématique l'efficacité de ses interventions dans le domaine du développement communautaire. Il doit favoriser, dans la mesure où c'est la langue française qui est minoritaire au Canada, davantage les rapprochements entre les minorités francophones et le Québec, et confier à ce dernier un plus grand rôle dans le développement de stratégies favorables à l'épanouissement des premières.

    En conclusion, je tiens à souligner que c'est la première fois que l'on assiste à un débat sérieux sur la partie VII en 17 ans. Grâce au projet de loi S-3, ce débat a enfin lieu. Par contre, ce dernier arrive malheureusement à une époque où l'ingrédient principal pour que la partie VII soit véritablement mise en oeuvre n'est plus à l'ordre du jour. L'accord du lac Meech n'a pas été adopté, et l'on attend toujours une véritable réconciliation entre le Québec et le reste du Canada. En partie pour cette raison, le premier ministre a une responsabilité particulière à l'égard des langues officielles, et en particulier en ce qui a trait à l'épanouissement et au développement des minorités de langue officielle.

    L'intérêt d'une démarche soutenue et insufflée par le premier ministre est qu'elle oblige tout le monde à se responsabiliser afin de voir comment chacun peut contribuer à l'épanouissement et au développement des minorités de langue officielle. Il nous semble que l'enjeu est de renforcer une telle démarche au plan politique et administratif en insistant pour que le premier ministre et le Conseil privé soient davantage engagés envers la partie VII, plutôt que de rendre celle-ci justiciable.

    Le projet de loi S-3 représente l'aboutissement de beaucoup d'efforts de la part du sénateur Gauthier, pour qui j'ai le plus grand respect. Par contre, je crois qu'il sera davantage utile pour le gouvernement de procéder à une coordination toujours plus efficace de la partie VII, dans le respect du fédéralisme, mais aussi dans un véritable esprit de réconciliation nationale incluant le Québec. Ce type d'engagement est politique. Aucun tribunal ne pourra se substituer au rôle que le gouvernement doit jouer dans le domaine des langues officielles.

    Je vous remercie de votre attention.

¿  +-(0915)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Cardinal.

    Tel que mentionné précédemment, nous irons jusqu'à 9 h 55, ce qui nous laisse environ 35 minutes. Procédons à un tour de table. Vous disposez tous de cinq minutes.

    Monsieur Lauzon, vous avez la parole.

+-

    M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC): Merci, monsieur le président.

    Madame Cardinal et monsieur Normand, je vous souhaite la bienvenue.

    Vous nous avez fait part de beaucoup de faits, mais j'aimerais connaître votre opinion. Si on adopte le projet de loi S-3, pourriez-vous nous dire ce que sera l'état des langues officielles dans cinq ans? Quel effet aura le projet de loi S-3 sur les situations relatives aux langues officielles?

+-

    Mme Linda Cardinal: Vous avez posé deux questions. Vous voulez savoir quel sera l'état des langues officielles dans cinq ans si le projet de loi est adopté. Est-ce exact?

+-

    M. Guy Lauzon: Oui.

+-

    Mme Linda Cardinal: Je croyais avoir entendu une autre question.

    Mon opinion s'appuie sur des faits puisque, à mon avis, une opinion doit toujours être bien fondée. On peut voir le travail qui est fait au sein de l'appareil gouvernemental concernant le développement des minorités de langue officielle. On peut également prendre connaissance des différents rapports de la commissaire aux langues officielles, notamment son premier rapport, dans lequel elle disait qu'il y avait un vent de résistance à l'intérieur de l'appareil fédéral lorsqu'on parlait de judiciarisation.

    Alors, quand on pense au travail qui est fait d'un côté et de l'autre, à ce genre d'affirmation, j'ai l'impression que le fait de judiciariser la partie VII va constituer un frein à l'avancement du dossier au sein de l'appareil fédéral. À mon avis, les gens n'aiment pas savoir qu'il y a toujours une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Enfin, il est tout à fait clair, dans tous les documents, qu'il s'agit d'un engagement politique qui guide l'esprit de cette partie.

    À mon avis, le fait de judiciariser la partie VII va contribuer à une déresponsabilisation politique. Elle n'est pas comme les autres parties; elle s'adresse à l'ensemble du Canada. Donc, il faut absolument tenir compte de la dimension politique.

    Par contre, en 1991, Michel Bastarache, dans une étude qu'il a réalisée sur la portée juridique de la partie VII, a identifié plusieurs difficultés. Par exemple, il disait que la Partie VII pouvait donner lieu à plusieurs difficultés au niveau du chevauchement des responsabilités entre les différents ordres de gouvernement. À l'époque, il identifiait que c'était une difficulté très importante. Donc, c'est une autre retombée, c'est-à-dire qu'en judiciarisant la partie VII, on se trouve à ouvrir la porte à ce genre de difficulté.

    Ensuite, Michel Bastarache voyait même des difficultés dans le libellé de l'article 41, entre la version française et la version anglaise. En fait, l'expression « is committed to » et « engagement » n'ont pas la même force. Alors, il disait que la loi comme telle contenait une obligation d'exécution, contenait une obligation d'action positive. Or, il y a un engagement politique pour une exécution.

    Selon moi, il faut que le dossier soit au plus haut niveau. Il doit être le dossier du premier ministre à bien des égards, et ce, justement pour qu'il y ait cette fusion entre la portée exécutoire et l'engagement politique.

¿  +-(0920)  

+-

    M. Guy Lauzon: Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Lauzon.

    Nous poursuivons avec Mme Brunelle.

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, madame. Selon vous, est-ce que la partie VII devrait être un levier pour faire avancer le dossier des langues officielles au Canada, principalement la langue française, qui se doit d'être protégée? Est-ce que ce levier doit s'appuyer sur une volonté politique ferme? À mon avis, c'est peut-être un peu la volonté politique qui a manqué. Cela n'est pas facile, évidemment.

    Lorsque vous dites que le gouvernement doit faire une coordination de plus en plus grande de la partie VII, comment cela s'articule-t-il dans les faits? Y avez-vous réfléchi?

+-

    Mme Linda Cardinal: Je vous remercie beaucoup, madame, de votre question. En effet, le mot « levier » est essentiel. Je pense à la réflexion en cours sur la partie VII.

    Quand on consulte les documents de l'époque, on s'aperçoit que la partie VII est un moyen. M. Bouchard avait alors dit que c'était un instrument et qu'il pourrait y en avoir d'autres. On parlait de la création d'un conseil canadien des minorités de langue officielle. On disait aussi, à cette époque, qu'une fois l'accord du Lac Meech adopté, il allait y avoir une conférence constitutionnelle spéciale pour l'application de la partie VII. C'était donc un moyen. C'est un levier, et ce n'est pas limitatif. Le gouvernement peut l'utiliser pour faire plus.

    En ce qui a trait à la coordination, en ce moment il y a une qui se fait. Par contre, les ministères impliqués dans la coordination — le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil du Trésor et le ministère de la Justice — sont des ministères à dossiers. Le Conseil privé a eu un rôle plus important dans la coordination des langues officielles. En fait, le Conseil privé, à bien des égards, passe son temps à coordonner. Il n'a pas de dossiers en particulier, sauf celui de la coordination.

    Vu la situation actuelle, je crois que le Conseil privé devrait renforcer son rôle de coordonnateur. Son rôle n'est pas précisé dans la Loi sur les langues officielles. On y parle des autres ministères comme de ministères avec des responsabilités, mais le Conseil privé n'a pas besoin de faire spécifier son rôle dans la loi, car ce rôle lui revient. Le plan d'action est très clair à ce sujet. À mon avis, c'est au Conseil privé de faire preuve de plus de leadership pour favoriser la coordination.

    L'infrastructure est absolument phénoménale dans le domaine des langues officielles. Il y a environ une quarantaine de comités, et mon équipe de recherche est à les vérifier. Il y a des instances de consultation pour tout, ou presque, dans plusieurs domaines, en tout cas. Il faut donc s'assurer que la machine est bien huilée pour que cela roule bien.

    À mon avis, c'est à vous de vous assurer que les affaires tournent rondement. C'est à vous de poser des questions au Conseil privé et de lui dire qu'il faut que la coordination se fasse, pour le plus grand bien possible des minorités de langues officielles.

¿  +-(0925)  

+-

    Mme Paule Brunelle: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Madame Brunelle, vous avez terminé? Merci.

    Monsieur Godin.

+-

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.

    Bonjour, madame Cardinal.

    D'abord, je ne suis pas absolument pas d'accord avec vous. Il revient au gouvernement d'avoir une volonté politique qu'il n'a pas. Que fait-on lorsque le gouvernement n'a pas cette volonté?

    Nous sommes maintenant en 2005. Selon Michel Doucet, professeur à l'Université de Moncton, la loi est exécutoire, mais pas avec les amendements du gouvernement. Les communautés francophones du Canada disent qu'elle est exécutoire. Elles la veulent exécutoire parce que le fait qu'elle n'est que déclaratoire nous a menés là où on en est aujourd'hui. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, car on n'a pas beaucoup de temps.

    Prenons ce qu'ils appellent l'affichage des emplois disponibles, le Guichet emplois du Canada. Si vous êtes soudeur et que vous naviguez sur le site Internet du fédéral, vous verrez qu'on fait état de deux postes disponibles en Ontario. L'entreprise en question est à la recherche

    [...] de candidats avec coeur de flox plat ou mig préférence donnée. Les personnes intéressées doivent être le quart de travail flexible pour que la compagnie n'a pas de poste alternant. Plus important encore, les candidats doivent démontrer la bonne connaissance de soude, de symboles, la grande gratitude, la volonté d'apprendre.

    C'est faire insulte aux francophones. C'est là où on en est en 2005! Où est-elle, la volonté politique?

    Prenons l'exemple du Nouveau-Brunswick. La délimitation des circonscriptions a été gagnée devant la cour pour que la communauté francophone n'aille pas dans une communauté anglophone. Cela n'a pas été gagné grâce à la volonté du gouvernement ni grâce aux commissions. Pas du tout!

    Du côté des inspecteurs des aliments, l'Association des municipalités francophones du Nouveau-Brunswick est allée en cour et elle a gagné. Cette cause a été déboutée en Cour d'appel et elle est maintenant devant la Cour suprême. Les communautés francophones au Canada disent que la loi a besoin de mordant pour qu'elles puissent finalement régler ce problème.

    Cela dit, j'aimerais entendre vos commentaires parce que — et je le regrette — je ne crois pas à cette histoire de volonté. La majorité de la population au Canada est anglophone. Il y a plus de 22 millions d'anglophones au Canada et une dizaine de millions de francophones. La volonté politique n'est pas là.

    Vous dites que notre responsabilité est de surveiller. C'est bien de surveiller et de se plaindre, mais aujourd'hui, après que 700 millions de dollars aient été accordés à Stéphane Dion pour la promotion de la francophonie ou des langues minoritaires au Canada, il en résulte des cas comme celui que dont je viens de vous faire part.

+-

    Mme Linda Cardinal: Merci, monsieur Godin.

    Dans votre commentaire, un grand nombre d'éléments ne se rapportent pas à la partie VII. Je voudrais clarifier une chose: je n'ai pas dit que je m'opposais à l'utilisation des tribunaux pour faire valoir les langues officielles. J'ai dit que j'étais contre la judiciarisation de la partie VII. Je pense que c'est très différent. Il y a toute une histoire de recours juridiques intentés par des francophones des provinces canadiennes anglaises. Celle-ci remonte au XIXesiècle, et ce n'est pas moi qui vais empêcher ces recours ou dire qu'ils ne sont pas justifiés. Il y a des moments dans la vie où les recours sont justifiés.

    Ce que je vous dis, c'est qu'à mon avis, l'objectif ne va pas être atteint par le biais de la judiciarisation de la partie VII. Vous dites que 700 millions de dollars ont été investis. Ce n'est rien. J'aimerais beaucoup plus vous entendre dire qu'il faut investir davantage dans les langues officielles. Sept cent millions de dollars divisés par cinq, puis divisés par douze, cela ne revient pas à beaucoup d'argent par mois pour les langues officielles.

+-

    M. Yvon Godin: Vous êtes donc d'accord pour dire que la volonté politique n'est pas là.

+-

    Mme Linda Cardinal: Ce n'est pas ce que je vous dis. Je dis qu'il faut de la volonté politique et qu'il en faut davantage. Je suis en train de dire que vous avez la responsabilité d'exiger du gouvernement, du premier ministre, qu'il fasse du dossier des langues officielles son dossier et que celui-ci soit sur sa table de travail tous les jours. C'est ma réponse à votre question.

¿  +-(0930)  

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur le président, si pendant toutes ces années, que ce soit à l'époque des conservateurs ou des libéraux, les langues officielles ne sont pas devenues le dossier principal, il reste que c'est par le biais des cours que les minorités francophones ont, dans certains cas, obtenu gain de cause. Le gouvernement a par la suite pris des mesures. C'est lorsque le gouvernement a été poussé à le faire qu'il est vraiment passé à l'action. La même chose s'est produite dans le cas des autochtones. Le gouvernement n'a agi que lorsque la cause Marshall a été amenée en cour et gagnée par les Autochtones. Ceux-ci ont alors obtenu des droits de coupe et de pêche. Parfois, c'est la cour qui doit trancher.

+-

    Mme Linda Cardinal: Mais je ne m'y oppose pas!

+-

    M. Yvon Godin: Dans ce cas-ci, cette disposition n'est que déclaratoire, et cela ne nous mène nulle part.

+-

    Le président: Merci, monsieur Godin. Je dois vous interrompre.

    On termine le premier tour avec M. D'Amours.

+-

    M. Jean-Claude D'Amours (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci, madame Cardinal.

    Parmi les témoins, vous êtes la première à nous dire que ce que nous voulons faire est pratiquement inutile. Je viens du Nouveau-Brunswick. Pour comprendre la réalité des francophones hors Québec, il faut vivre sur place. Pour mon collègue du Manitoba, je crois que c'est pire encore. Alors que nous comptons malgré tout pour un tiers de la population, ils n'en représentent pour leur part que 4 p. 100. Il faut être sur place pour comprendre notre situation et la difficulté que nous vivons tous les jours au Nouveau-Brunswick, malgré le fait que bon nombre de nos citoyens soient de langue française.

    Je me dis que le projet de loi, s'il est bien conçu, devrait limiter les recours en justice. C'est lorsqu'un projet de loi est mal fait qu'on se retrouve devant les cours de justice et que des poursuites sont intentées tous les jours. Notre objectif peut être de nous assurer que la façon dont le projet de loi est conçu permet aux minorités de s'épanouir. Je parle ici autant des francophones hors Québec que des anglophones au Québec. On se comprend bien. La minorité anglophone au Québec ne se trouve pas seulement à Montréal. Il y a des anglophones dans les régions rurales du Québec. Je suis convaincu que ce n'est pas toujours facile pour eux de recevoir des services dans leur langue.

    Aujourd'hui, il existe une volonté de faire avancer les choses, mais imaginons que dans dix ans, le gouvernement ne voie pas les choses telles que vous nous les présentez. Advenant que ce gouvernement ne soit pas intéressé à faire avancer le dossier des langues officielles, dans quelle situation un comité comme le nôtre, qui peut exercer des pressions, mettrait-il les minorités de langue officielle? Nous avons le désir de faire progresser un dossier pour améliorer — et je vais utiliser ici le mot « garantir » ô— l'avenir des minorités au pays. Nous essayons de poser des gestes pour éviter des problèmes futurs, mais votre présentation me donne l'impression que selon vous, plutôt que de faire cela, nous devrions exercer des pressions et espérer en tirer quelque chose.

    J'aimerais entendre votre commentaire à ce sujet.

+-

    Mme Linda Cardinal: Vous voulez que je fasse un commentaire à la suite de votre commentaire. Je ne dis pas que vous devez espérer recevoir quelque chose, je vous propose une approche politique et administrative à la question des langues officielles.

    Vous me dites qu'un bon projet de loi devrait limiter les actions en justice. Je suis tout à fait d'accord, mais c'est à vous d'adopter le projet de loi. Vous me demandez une opinion en tant qu'expert, en tant que politologue, et je vous dis que du point de vue politologique et de l'administration publique, le projet de loi ne répondra pas aux attentes ni aux besoins qui découlent de l'application de la partie VII. Cette dernière exige une planification linguistique rigoureuse.

    Demandez autour de vous où se trouve la planification linguistique rigoureuse au gouvernement fédéral. Il n'y en a pas eu en 30 ans. Le fait de rendre la partie VII judiciable ne changera rien à cet aspect. Il faut exercer des pressions pour qu'il y ait justement une planification linguistique rigoureuse.

    Vous dites qu'il n'y a rien eu, et M.Godin notamment le disait. Je pense que les conservateurs, en 1987-1988, ont inséré la partie VII dans la loi lorsqu'ils ont modifié la Loi sur les langues officielles. C'est tout de même une avancée. Ensuite, lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir en 1993, il y a eu des pressions pour qu'on aille de l'avant avec la partie VII.

    Ce ne sont pas les tribunaux qui ont fait qu'on est allé de l'avant avec la partie VII. J'ai fait partie d'un groupe de travail sous la direction d'Yvon Fontaine, qui était à l'emploi du Conseil du Trésor à l'époque, qui a évalué la situation et l'impact des transformations gouvernementales sur les langues officielles.

    Il existe des instruments pour exercer ces pressions. Je vous dis de jouer votre rôle encore plus. Ce n'est pas seulement une question d'espoir. Vous savez comme moi que c'est aussi la politique qui décide et qui est au centre de cela.

    De plus, je trouve que vous tenez pour acquis que les juges vont accepter vos causes par « Immaculée Conception ». Les juges ne sont pas obligés d'accepter d'entendre vos causes ou celles des minorités. Avec l'adoption de la Charte, il y a eu une volonté d'en interpréter les dispositions de façon large et généreuse. Cela ne signifie pas que les juges vont toujours vouloir interpréter les dispositions de la Charte de cette façon.

    Donc, je vous dis...

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Je m'excuse de vous interrompre, mais nous manquons de temps. Nous allons faire un second et dernier tour de table.

    Monsieur Poilievre.

+-

    M. Pierre Poilievre (Nepean—Carleton, PCC): Merci d'être ici. Je reviens à la question que j'ai posée hier au ministre de la Justice. Dans notre parti, nous croyons en général que la meilleure façon de promouvoir le bilinguisme, c'est par l'éducation et en touchant les jeunes. Il y a beaucoup d'indications à l'effet que si les gens apprennent la langue seconde lorsqu'ils sont jeunes, c'est plus facile pour eux de devenir vraiment bilingues.

    Ce qui m'inquiète quant au projet de loi S-3 est que nous allons dépenser beaucoup d'argent en frais d'avocats et en poursuites judiciaires, ce qui n'est pas vraiment nécessaire. Le gouvernement deviendra vulnérable aux poursuites, et cela va coûter cher.

    Je pense que cet argent serait mieux investi dans le domaine de l'éducation, dans les écoles d'immersion et les écoles francophones. Il est également clair que l'ancien gouvernement conservateur a dépensé deux fois plus pour l'éducation, l'immersion et les écoles francophones. Si j'avais le choix, je dépenserais l'argent pour l'éducation, et non pour payer des avocats.

    Pourriez-vous nous offrir des commentaires sur ce point?

+-

    Mme Linda Cardinal: Merci, monsieur Poilievre.

    Premièrement, le dossier des langues officielles ne coûte pas cher au gouvernement. Cela vaut la peine d'investir dans les langues officielles au Canada.

    Deuxièmement, je vous rappelle, comme l'a déjà fait le sénateur Gauthier, qu'il y a deux langues officielles au Canada: le français et l'anglais. La Constitution ne dit pas que le Canada est un pays bilingue. Par contre, il y a une volonté de promouvoir le bilinguisme chez les jeunes, notamment les jeunes anglophones. C'est ce que nous voyons dans le Plan d'action pour les langues officielles.

    En revanche, la partie VII vise surtout à favoriser l'épanouissement et le développement des minorités de langue officielle. Donc, elle n'a pas pour objectif la « bilinguisation » de la société canadienne, quoiqu'on pourrait, à l'article 43, y voir un tel objectif.

    Ma préoccupation consiste à voir comment nous pouvons favoriser davantage le développement et l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle, en particulier les communautés francophones à l'extérieur du Québec, puisque la langue française est la langue minoritaire au Canada.

    Il y a un objectif de développement communautaire tout à fait fondamental qui doit retenir notre attention, parce que s'il n'y a pas de communauté francophone, il n'y aura plus de bilinguisme. Il doit y avoir des communautés pour asseoir une politique de bilinguisme.

    En fait, le plan d'action a deux objectifs, soit d'accroître le bilinguisme chez les jeunes anglophones et de favoriser l'apprentissage de la langue maternelle chez les jeunes francophones.

    Lorsque le Plan d'action pour les langues officielles a été conçu, est-ce qu'on a demandé aux personnes qui travaillaient à ces objectifs dans le domaine de l'éducation si elles avaient étudié les cursus scolaires dans les écoles pour savoir qui apprenait le français dans les écoles anglophones et qui faisait partie des programmes d'immersion? Voilà un exemple de politique linguistique qui pourrait exiger une planification rigoureuse de la part du gouvernement fédéral dans sa collaboration avec les provinces. Cela a peut-être eu lieu.

    Enfin, ce sont des données qu'il faudrait absolument rendre publiques pour bien comprendre les effets d'une politique. À mon avis, cela ne se fait pas assez au niveau du gouvernement fédéral. Vous pourriez insister davantage afin de savoir comment on procède pour en arriver à de tels objectifs, quelles recherches et quel travail il faut faire. Je crois que ce serait absolument essentiel.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Poilievre.

    Madame Boivin.

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais dire à mon ami M. Poilievre qu'il est dommage que ce parti n'existe plus, mais enfin...

    Cela étant dit, je comprends le point que vous avez soulevé. En fait, cela rejoint un peu une partie de mon discours.

+-

    M. Pierre Poilievre: C'est incroyable! Elle mentionne cela alors qu'il m'est impossible de répondre.

+-

    Mme Françoise Boivin: Je comprends vos propos, à savoir qu'une volonté politique de haut niveau est nécessaire. C'est peut-être justement parce qu'on n'a pas le sentiment qu'une telle volonté existe que le sénateur Jean-Robert Gauthier a fait de ce projet la mission de sa vie. Il a essayé de modifier la Loi sur les langues officielles, d'y ajouter quelque chose de solide et concret, de lui donner du mordant. Cela a mené à son projet de loi S-3.

    Par contre, j'ai des réserves en ce qui concerne votre recommandation de ne pas avoir recours à la judiciarisation. Dans le meilleur des mondes et avec une pensée magique, cette volonté politique de haut niveau nous permettrait probablement de ne pas y avoir recours. On ferait simplement ce qu'on a à faire. En somme, c'est un peu ce que vous nous dites. Toutefois, en l'absence de telles conditions, n'est-ce pas justement tout à fait indiqué de judiciariser? Ici, c'est peut-être l'avocate en moi qui fait surface, mais je me dis que dans les cas où les gens ne font pas ce qu'ils sont censés faire, il faut malheureusement utiliser la voie des tribunaux. C'est peut-être ce qu'il faut pour faire savoir au Conseil privé, au premier ministre et aux ministres responsables de l'application de la Loi sur les langues officielles que la promotion et l'épanouissement des deux langues officielles au pays sont importants et qu'ils doivent s'en charger.

    Je ne dis pas que ce serait sans occasionner certains coûts, mais si nous croyons au bilinguisme, il faut s'assurer de joindre du financement à notre discours. Dans le meilleur des mondes et si on fait une bonne loi de ce projet de loi, comme le disait plus tôt mon collègue D'amours, il n'y aura peut-être pas de problème, et les recours en vertu de la partie VII seront peut-être inexistants. Je parle ici de mon propre monde utopique, qui n'existera probablement pas de mon vivant. Mais enfin, on peut l'espérer.

    D'autre part, j'essaie de comprendre l'aspect contradictoire de votre discours. J'ai l'impression que vous espérez beaucoup de la classe politique. Or, d'après ce que j'ai perçu au cours de ma première année en tant que députée, les choses ne progressent pas aussi vite qu'on le voudrait. Je dois vous dire que les tribunaux sont beaucoup plus rapides à cet égard. Je pourrais donc retourner à mon ancienne profession. Je sais que vous en rêvez tous, mais ne croyez pas que je reprendrai ma pratique de sitôt!

    Des voix: Ah, ah!

+-

    M. Jean-Claude D'Amours: Il y a eu une lueur d'espoir...

+-

    Mme Françoise Boivin: D'autre part, madame Cardinal, j'aimerais savoir si, à votre avis, le projet de loi S-3 affaiblira la Charte de la langue française au Québec.

+-

    Mme Linda Cardinal: Vous commentez vous-même la classe politique, et c'est votre classe politique, pas la mienne. Moi, je l'étudie. Si vous avez des désillusions à l'égard de votre classe politique, cela illustre à mon avis ce que bien des politologues disent, à savoir qu'il y a une perte de qualité au niveau politique. C'est à vous de voir à ce que la qualité en politique soit à l'ordre du jour.

    Les francophones n'ont pas envie d'aller devant les tribunaux. Ils y ont passé les dernières années à s'assurer que l'article 23 était appliqué dans les provinces. L'affaire Montfort a mobilisé une énergie extraordinaire, et je crois qu'il y a un essoufflement au sein des milieux minoritaires face à la question juridique. Même si vous adoptez votre projet et que vous acceptez la judiciarisation, je ne sais pas si les minorités profiteront de cette occasion pour avoir recours aux tribunaux. Le contexte actuel n'est pas favorable. Une structure d'opportunité politique est toujours nécessaire dans de tels cas, et je ne pense pas que la situation s'y prête pour le moment. Pour ce qui est des minorités, j'en suis évidemment à me demander si elles vont accepter l'idée de la judiciarisation. En outre, il y a le lien qui les unit au sénateur Gauthier, à qui personne ne veut déplaire. Jusqu'à présent, vous n'avez entendu que des juristes. Parmi tous les témoins qui ont comparu, je crois être la seule à ne pas l'être. Peut-être auriez-vous intérêt à rencontrer d'autres non-juristes, de façon à entendre d'autres points de vue.

    Mon expérience et mes travaux sur les minorités de langue officielle font que je perçois chez les communautés une volonté d'avancer et de s'assurer que le point de vue des minorités est entendu. Elles veulent faire progresser des projets, avec une planification linguistique rigoureuse, et voir le Conseil privé exercer un leadership. Évidemment, si on demande à ces gens s'ils veulent qu'il y ait une juridiciarisation, ils vont répondre oui, dans la mesure où cela représente pour eux un outil supplémentaire. Je vous dis pour ma part, d'un point de vue de politologue, que je ne sais pas si l'objectif sera atteint.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Merci.

+-

    Mme Linda Cardinal: Je ne sais pas si j'ai du temps.

+-

    Le président: Il reste 10 secondes.

+-

    Mme Françoise Boivin: Le projet de loi S-3 va-t-il affaiblir la Charte de la langue française, oui ou non?

+-

    Mme Linda Cardinal: Je crois que cela va ouvrir une boîte de Pandore.

+-

    Le président: On poursuit avec M. Côté.

+-

    M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    D'abord, madame Cardinal, je vous remercie de ce survol à la fois historique et contextuel de la Loi sur les langues officielles, et particulièrement du projet de loi S-3. Cela m'a rafraîchi la mémoire.

    Si je résume votre pensée, sans volonté politique et sans une planification efficace du gouvernement, cela ouvrirait la porte à toutes sortes d'interprétations de cette loi et, par conséquent, à des recours judiciaires. Est-ce que je fais fausse route?

+-

    Mme Linda Cardinal: Si la partie VII est judiciarisée, ça reste toujours possible; mais si elle ne l'est pas, en effet, une volonté politique et une planification linguistique rigoureuse sont nécessaires. Dans d'autres pays où on vit, en ce moment, des expériences de revitalisation linguistique importantes, c'est accompagné d'une base de planification linguistique.

    Au Canada, depuis le plan d'action de 2003, on commence à mettre en place des moyens pour s'assurer que cela se fasse. C'est ce qu'il faut: encourager, étudier, approfondir davantage, et c'est ce qu'il faut évaluer de façon systématique. À mon avis, cela ne se fait pas de façon assez rigoureuse en ce moment.

+-

    M. Guy Côté: Vous expliquez clairement que le français est la langue minoritaire au Canada.

    Je vais revenir à la Charte de la langue française du Québec. Tel qu'il est proposé, il est assez clair que le paragraphe 43(1) sur la mise en oeuvre parle de mesures visant à assurer la progression vers l'égalité. Vous parliez plus tôt d'une boîte de Pandore; ce paragraphe ne contient-il pas déjà, justement, une boîte de Pandore? S'il y a un essoufflement et un désir moindre de procéder par voie judiciaire au sein des communautés francophones, en revanche la minorité anglophone du Québec procède malheureusement de façon quasi systématique par voie judiciaire.

    Cela ne leur fournirait-il pas un outil supplémentaire pour contester à la fois la loi 101 et la Charte de la langue française?

+-

    Mme Linda Cardinal: D'abord, ce n'est pas le cas de toute la minorité anglophone du Québec. Ce sont certains individus, associés habituellement et historiquement à Alliance Québec. En effet, d'autres groupes du Québec s'inscrivent justement dans des perspectives de planification linguistique. Les minorités, qu'elles soient de la Côte-Nord, de la Gaspésie, d'Estrie, etc., travaillent déjà avec le gouvernement dans un ensemble de comités. Je crois que c'est une voie intéressante à privilégier. Si vous voulez renforcer cette voie, ne leur donnez pas encore un moyen d'aller devant les tribunaux.

    Je vous rappelle que l'essoufflement du milieu minoritaire se produit aussi parce que 700 millions de dollars en cinq ans pour les langues officielles, ce n'est pas suffisant.

    Si vous voulez une action qui porte, il faut aussi que les différents comités qui doivent voir à l'épanouissement et au développement reçoivent les pouvoirs nécessaires pour mettre les langues officielles de l'avant et renforcer le développement des communautés. Ensuite, veillez à ce que des gens qui ont du pouvoir y siègent. Qu'on y retrouve des sous-ministres; il y a déjà des comités de sous-ministres dans certains domaines. On doit y retrouver des sous-ministres, des sous-ministres adjoints, des gens qui peuvent parler au premier ministre. Il faut aussi un greffier qui puisse parler au premier ministre de l'importance du dossier des langues officielles. L'appareil politique doit être sensibilisé.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Guy Côté: En bout de ligne, il ne serait donc pas nécessaire de modifier la loi si on l'appliquait correctement.

+-

    Mme Linda Cardinal: C'est mon avis.

+-

    Le président: Merci, monsieur Côté.

    On termine avec M. Godin.

+-

    M. Yvon Godin: En passant, c'est vrai que le Parti progressiste-conservateur n'existe plus. Maintenant, il s'agit du Parti conservateur du Canada. Ce n'est pas le même parti.

    Tout à l'heure, vous parliez de la sensibilisation des politiciens et du gouvernement. Mais justement, les politiciens veulent adopter un projet de loi. Êtes-vous en train de nous dire que le Sénat a uniquement eu de la sympathie pour M. Jean-Robert Gauthier? Ou bien que Sénat ne sait pas ce qu'il fait? Est-ce que les sénateurs qui siégeaient ont dit, avant qu'il ne prenne sa retraite, que le sénateur Gauthier faisait pitié et qu'ils allaient adopter le projet de loi S-3? Il a siégé avec nous au Comité mixte des langues officielles. Il s'est battu depuis le début.

    Quant à nous, notre travail, notre responsabilité de politiciens consiste à adopter des lois. Il ne s'agit pas de mettre de la pression sur le gouvernement. S'il s'agit de cela, il vaut mieux que je m'en aille chez moi. Je suis ici pour adopter des lois, pour représenter les communautés et les gens. C'est comme si on disait qu'on aimerait que le gouvernement décide que la limite de vitesse sur l'autoroute 20 soit de 100 kilomètres heure, sans qu'il y ait de loi. Les gens vont 130 kilomètres heure, et on dit que le gouvernement n'a pas la force politique de leur dire de rouler à 100 kilomètres heure. Non, cela prend des lois. Nous sommes dans un Parlement.

    Nous étudions le projet de loi S-3 aujourd'hui parce que ça fait des années que ça ne fonctionne pas. Tout à l'heure, vous avez donné un exemple. Vous avez dit que cela n'avait rien à voir, que ce sont plutôt les autres choses. Toutefois, les points que nous avons gagnés en Acadie, que ce soit l'arrêt Beaulac ou autre, l'ont été devant la cour, qui a fait avancer le dossier de la francophonie dernièrement.

    Vous dites qu'on n'a invité que des juristes. Cependant, M. Jean-Guy Rioux, le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, était ici. Il s'agit d'un gros organisme. Il a dit la même chose: « oui, on le veut. » Il s'agit d'un représentant des francophones de tout le pays.

    J'aimerais entendre des commentaires à ce sujet. Je respecte vos opinions, mais on doit entendre différentes opinions. C'est comme si on disait que la Charte de la langue française du Québec pourrait être touchée. Cela veut dire que le projet de loi S-3 va être plus sévère. Les juristes nous ont dit que le projet de loi ne doit pas s'immiscer dans les compétences provinciales. Le Québec pourrait être protégé par le projet de loi. Cependant, les francophones en ont besoin, et les anglophones aussi, à certains endroits. On parle d'institutions fédérales et du pouvoir de dépenser.

+-

    Mme Linda Cardinal: Vous me mettez des mots dans la bouche, monsieur Godin, quand vous affirmez que j'ai dit que les gens ont adopté le projet de loi S-3 au Sénat par pitié pour le sénateur Gauthier. Les gens sont solidaires de la revendication du sénateur Gauthier, d'autant plus qu'il s'y est pris à quatre reprises avant qu'il soit adopté.

    Vous êtes en train de me faire une leçon de politique en me disant que les politiciens ne sont là que pour adopter des lois. Je pense que lorsqu'on est en politique ou qu'on étudie la politique, une des choses dont on parle toujours, c'est justement du fait qu'il n'y a pas de loi s'il n'y a pas de volonté politique. La volonté politique est un des ingrédients essentiels, surtout dans un régime de Westminster comme le nôtre.

    C'est le premier ministre qui adopte les lois. Le fait de dire, par exemple...

¿  +-(0955)  

+-

    M. Yvon Godin: C'est le Parlement qui adopte les lois.

+-

    Mme Linda Cardinal: C'est le premier ministre qui dit que s'il appuie les langues officielles, cela aura un effet sur l'ensemble de l'appareil. Ce que j'attends de votre part, c'est que vous demandiez au premier ministre...

+-

    M. Yvon Godin: On lui demande cela depuis 400 ans.

+-

    Mme Linda Cardinal: ... de dire qu'il est engagé à l'égard des langues officielles...

+-

    M. Yvon Godin: Cela fait 400 ans qu'on le lui demande.

+-

    Mme Linda Cardinal: ... et j'attends du premier ministre qu'il me dise qu'il est engagé à l'égard des langues officielles. Je pense que c'est l'ingrédient essentiel. Sans cet engagement, la judiciarisation, à mon avis, ne réglera pas le problème.

    En 1999, lorsque j'ai participé aux travaux du groupe Fontaine sur l'impact des transformations gouvernementales sur les langues officielles, on a vu, après coup, l'engagement du premier ministre. On a fait allusion aux minorités de langue officielle dans le discours du Trône, ce qui a fait que les choses ont avancé. C'est le processus politique dans notre système. Il faut que cela parte de la volonté politique.

    Donc, si vous voulez renforcer la partie VII, allez chercher un engagement de la part du premier ministre.

+-

    Le président: Merci, monsieur Godin.

    Madame Cardinal, je vous remercie beaucoup d'être venue ici et d'avoir partagé votre opinion.

+-

    Mme Linda Cardinal: Cela m'a fait plaisir, monsieur le président.

+-

    Le président: Je suspens la séance pour deux minutes afin de permettre à nos invités de changer de place. Nous poursuivrons nos travaux immédiatement après.

  +-(0956)  


À  +-(1000)  

+-

    Le président: Les 120 secondes sont écoulées. Je demande à chacun de reprendre place.

    Nous accueillons M. Réjean Lachapelle, directeur de la Division des études démolinguistiques de Statistique Canada. Nous allons devoir arrêter à 10 h 45. Nous aurons besoin de 15 minutes pour débattre de motions qui ont été déposées avant-hier.

    Je vous cède rapidement la parole, et nous poursuivrons avec une période de questions.

+-

    M. Réjean Lachapelle (directeur, Études démolinguistiques, Statistique Canada): Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous. Dans mon allocution d'ouverture, je ferai un survol. Je représente Statistique Canada; ce n'est donc pas politique, mais il s'agit de beaucoup de chiffres et de pourcentages, dans notre cas. Vous verrez, je ferai honneur à mon employeur.

    Je ferai donc un rapide survol de l'évolution de la situation démolinguistique du pays. Je me fonderai sur les statistiques tirées des recensements, sur les exposés qui les présentent sur le site de Statistique Canada, et surtout sur les analyses que renferme un ouvrage publié en 2004 conjointement avec le ministère du Patrimoine canadien, rédigé par Louise Marmen et Jean-Pierre Corbeil, qui sont derrière moi et qui travaillent à Statistique Canada. Cet ouvrage est intitulé Les langues au Canada: recensement de 2001. Le livre fait partie de la collection Nouvelles perspectives canadiennes, diffusée par le ministère du Patrimoine canadien. Vous l'avez probablement déjà reçu, et on vous en a remis une autre copie aujourd'hui.

    Nous avions publié, en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien également, un ouvrage analogue après le recensement de 1996; Statistique Canada en avait aussi fait un après le recensement de 1991. Les utilisateurs nous ont demandé, à chaque fois, de le refaire. On a beaucoup de statistiques historiques, ce qui permet aux gens de se référer à des chiffres précis.

[Traduction]

    Avant de décrire les principales tendances démolinguistiques, je vais expliquer les questions démolinguistiques posées lors des recensements. Je vais m'attarder à la situation des minorités des langues officielles, en l'occurrence les anglophones au Québec et les minorités francophones dans les autres provinces et territoires.

[Français]

    Commençons par les questions démolinguistiques dans les recensements. Au recensement de 1971, à la suite d'une suggestion de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Statistique Canada a ajouté une troisième question aux deux questions traditionnelles sur la langue maternelle et la connaissance du français ou de l'anglais. Il s'agissait d'une question sur la langue parlée le plus souvent à la maison. Cette question est revenue d'un recensement à l'autre.

    Une quatrième question s'est ajoutée au recensement de 1991, cette fois sur la connaissance des langues autres que le français et l'anglais. Plusieurs utilisateurs des statistiques linguistiques jugeaient que celles-ci portaient trop exclusivement — en particulier la question sur la langue parlée le plus souvent à la maison — sur la sphère privée, en l'occurrence la famille. De plus, on estimait que la question relative à la langue parlée le plus souvent à la maison donnait une image incomplète des comportements linguistiques en milieu familial.

    Trois nouvelles questions démolinguistiques ont donc été ajoutées au recensement de 2001. À la demande notamment du Commissariat aux langues officielles, on a inclus un second volet à la question sur la langue parlée le plus souvent à la maison, portant sur les autres langues parlées régulièrement à la maison. Ce renseignement vise à mieux cerner les pratiques linguistiques à la maison.

    De plus, on a posé deux nouvelles questions sur un domaine appartenant à la sphère publique: la langue utilisée le plus souvent au travail et les autres langues utilisées régulièrement au travail. Toutes ces questions seront à nouveau posées au recensement de 2006 qui se tiendra le 16 mai prochain, ce qui nous fournira beaucoup de données pour établir des comparaisons sur des sujets plus variés.

    En dépit de la variété des questions démolinguistiques qui figurent au recensement, bien des sujets ne peuvent y être abordés — notamment, la situation relative à la langue d'enseignement —, le recensement étant une enquête polyvalente. C'est pourquoi Statistique Canada prévoit mener, en 2006, après le recensement, ce qu'on appelle une importante enquête postcensitaire sur la vitalité des minorités de langue officielle. Cette enquête, qui abordera de très nombreux sujets, repose sur la collaboration et le soutien financier du Bureau du Conseil privé, de ministère du Patrimoine canadien, du Commissariat aux langues officielles et des ministères et organismes intéressés par le sujet.

À  +-(1005)  

[Traduction]

    Je passe maintenant à la situation au Québec. La taille et la proportion de la population déclarant l'anglais comme langue maternelle a baissé rapidement au Québec au cours des 25 dernières années. Le nombre des anglophones est passé de 790 000 en 1971 à 590 000 en 2001, une baisse de 200 000, c'est-à-dire 25 p. 100 en 30 ans. La proportion des anglophones dans la population québécoise est passé de 13 p. 100 en 1971 à 8 p. 100 en 2001.

    La population déclarant l'anglais comme langue prédominante à la maison n'a pas échappé à cette tendance fondamentale. On constate une baisse de la proportion de la population déclarant l'anglais comme langue parlée le plus souvent à la maison et cette proportion est passée de 15 p. 100 en 1971 à 10 p. 100 en 2001. Cette tendance à la baisse est attribuable aux pertes migratoires substantielles au profit du reste du Canada.

    De 1971 à 2001 la perte nette cumulative du Québec dans les échanges migratoires avec les autres provinces représentait 387 000 personnes, dont 71 p. 100 concernaient la population anglophone.

    Par ailleurs, si l'on compare la langue le plus souvent parlée à la maison et la langue maternelle, c'est-à-dire si on fait le calcul du transfert linguistique net, l'anglais devance toujours les autres langues. Ainsi, en 2001 le nombre de personnes parlant l'anglais le plus souvent à la maison dépassait le nombre des personnes déclarant l'anglais comme langue maternelle de 156 000. Pour le français, le calcul de cette même comparaison donne 116 000. Par conséquent, le transfert net pour l'anglais est de 57 p. 100 alors qu'il est de 43 p. 100 pour le français au Québec. Il y a 30 ans, presque tous les transferts linguistiques nets étaient au profit de l'anglais.

    Si l'on constate que la proportion des personnes déclarant l'anglais leur langue maternelle et la proportion déclarant l'anglais comme principale langue parlée à la maison a baissé entre 1971 et 2001, ce n'est pas le cas de la proportion des personnes parlant l'anglais, laquelle est passée de 36 p. 100 en 1971 à 45 p. 100 en 2001. On a constaté également une augmentation de la proportion des personnes parlant le français pendant la même période, et elle est passée de 88 p. 100 en 1971 à 95 p. 100 en 2001. Cette évolution est due à l'augmentation du bilinguisme anglais-français dans tous les groupes linguistiques.

[Français]

    Passons maintenant à la situation démolinguistique dans les autres provinces et territoires.

    Si la proportion des locuteurs de langue maternelle française baisse de façon continue depuis un demi-siècle dans l'ensemble du Canada, moins le Québec, passant de 7 p. 100 en 1951 à 6 p. 100 en 1971 et à 4,4 p. 100 en 2001, le nombre de francophones a toutefois augmenté de 1951 à 1971, pour ensuite fluctuer à la baisse ou à la hausse et atteindre le nombre de 980 000 francophones en 2001.

    Au cours des dix dernières années, de 1991 à 2001, les effectifs ont progressé dans trois provinces: l'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique. Ces hausses sont surtout attribuables à des gains dans les échanges migratoires avec le reste du pays. Dans les autres provinces et territoires, le nombre de francophones a diminué ou a peu varié.

    L'évolution est plus nette toutefois en ce qui a trait au français langue parlée le plus souvent à la maison, au cours des dix dernières années. La baisse est généralisée, sauf pour l'Alberta et la Colombie-Britannique, qui profitent des courants migratoires internes des francophones.

    Exception faite du Nouveau-Brunswick en 2001, les gens dont la langue maternelle est le français représentent moins de 5 p. 100 de chacune des populations provinciales et territoriales. Quant aux francophones dont la langue le plus souvent parlée à la maison est le français, ils représentent moins de 3 p. 100 de ces populations. Au Nouveau-Brunswick toutefois, 33 p. 100 de la population déclare le français comme langue maternelle, et 30 p. 100 de la population indique parler cette langue le plus souvent à la maison.

    La proportion des francophones qui parlent l'anglais le plus souvent à la maison a augmenté partout, ou presque, au cours des dix dernières années. Dans l'ensemble du Canada, moins le Québec, le taux d'anglicisation des francophones est en effet passé de 35 p. 100 en 1991 à 38 p. 100 en 2001. Cette évolution est parallèle à celle de la proportion des francophones vivant en couple dont le conjoint est anglophone, proportion qui est passée de 34 p. 100 en 1991 à 37 p. 100 en 2001.

    Le taux d'anglicisation dépasse 50 p. 100 dans six provinces en 2001: Terre-Neuve-et-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Dans ces provinces, exception faite du Manitoba, la proportion des francophones en couple dont le conjoint est anglophone est aussi supérieure à 50 p. 100. En Ontario et en Nouvelle-Écosse, le taux d'anglicisation atteint 40 p. 100 et 46 p. 100 respectivement. Le Nouveau-Brunswick se distingue encore avec un taux de 10 p. 100. Il a aussi la plus faible proportion de francophones en couple dont le conjoint est anglophone, soit 15 p. 100.

    Les francophones qui parlent l'anglais le plus souvent à la maison n'ont pas nécessairement abandonné l'usage du français en milieu familial. Grâce à la nouvelle question posée pour la première fois lors du recensement de 2001, on a pu déterminer que 40 p. 100 d'entre eux — donc à l'extérieur du Québec — parlaient le français régulièrement à la maison. Si la proportion de francophones et celle des personnes parlant le français le plus souvent à la maison décroissent de 1971 à 2001 dans le Canada, moins le Québec, il en est autrement de la proportion de locuteurs du français. Celle-ci passe en effet de 9 p. 100 en 1971 à 11 p. 100 en 2001. Il y a donc un accroissement dans ce cas-ci. De plus, la proportion des locuteurs du français parmi les non-francophones progresse, passant de 4 p. 100 en 1971 à 7 p. 100 en 2001. La situation des minorités de langue officielle présente donc des similitudes et des contrastes.

    Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Lachapelle, c'est très intéressant.

    Monsieur Lauzon, vous avez la parole.

+-

    M. Guy Lauzon: Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue, monsieur Lachapelle.

    Je pense que la situation des anglophones et des francophones hors Québec est assez bizarre. En effet, les francophones hors Québec perdent leur français et cessent de parler leur langue maternelle à la maison, alors que les anglophones améliorent leur compétence dans la langue seconde.

    Vous dites que le taux des anglophones qui peuvent parler français est passé de 4 p. 100 à 7 p. 100. Est-ce exact?

+-

    M. Réjean Lachapelle: À l'extérieur du Québec.

+-

    M. Guy Lauzon: C'est exact. Cependant, chez les francophones, ce taux a diminué de 100 p. 100. Il n'y en a que 40 p. 100 qui parlent leur langue maternelle chez eux.

+-

    M. Réjean Lachapelle: Parmi les francophones qui parlent anglais le plus souvent à la maison, il y en a 40 p. 100 qui parlent français régulièrement, mais pas le plus souvent.

+-

    M. Guy Lauzon: Je viens d'une communauté où le français est la langue minoritaire. Le problème est que les francophones perdent leur français, tandis que les anglophones apprennent le français. C'est bizarre. Les francophones ne peuvent pas gagner leur vie en parlant leur langue maternelle, mais les anglophones peuvent apprendre l'autre langue officielle.

À  +-(1015)  

+-

    M. Réjean Lachapelle: Oui, c'est...

+-

    M. Guy Lauzon: Avez-vous des statistiques sur la raison pour laquelle cela se produit? Est-ce que les statistiques montrent que cela est une réalité hors du Québec?

+-

    M. Réjean Lachapelle: Oui, c'est ce qu'on observe.

    D'une part, on observe l'évolution chez les francophones qui, par certains côtés, comme je l'ai indiqué, comporte des éléments positifs, comme par exemple la fréquentation de l'école de la minorité. On a observé qu'une proportion beaucoup plus forte des enfants dont la langue maternelle est le français ou dont la langue maternelle de la mère est le français fréquente les écoles française.

    En revanche, ce qui est un peu surprenant et qui devrait donner lieu à plus d'études, c'est le fait qu'on observe également que les enfants d'âge scolaire ont tendance à moins utiliser le français à la maison qu'auparavant. Ils connaissent le français s'ils vont à l'école française, mais ils ne l'utilisent pas beaucoup à la maison. C'est une constatation.

    L'autre élément, c'est qu'il y a eu effectivement une augmentation en ce qui concerne les anglophones. On connaît l'importance qu'ont représenté à une certaine époque les classes d'immersion un peu partout au pays. Toutefois, ce phénomène semble avoir atteint un plafond. On l'a constaté pour la première fois au recensement de 2001, chez les anglophones ou les non-francophones de 15 ou 19 ans, donc après le secondaire, et ce, à l'extérieur du Québec. On en a parlé au moment où on a diffusé les données, il y a quelques années, parce que c'est un phénomène nouveau et important.

    On avait observé, d'un recensement à l'autre depuis de nombreuses périodes, qu'il y avait une croissance de la connaissance du français chez les jeunes anglophones de 15 à 19 ans à la fin de leur secondaire, jusqu'au recensement de 1996. De 1996 à 2001, il y avait eu une baisse, pour laquelle les explications ne sont pas claires, sauf qu'on avait constaté, dans le même temps, des difficultés, semble-t-il. Canadian Parents for French faisait état de difficultés de recrutement de professeurs, etc.

    Toutefois, il n'y a pas eu de travaux plus approfondis sur le sujet. Nous avons mis en évidence le phénomène, pour le porter à l'attention des gens. C'est quelque chose que nous allons suivre d'extrêmement près lors du recensement de 2006.

+-

    Le président: Merci, monsieur Lauzon.

    Madame Brunelle.

+-

    Mme Paule Brunelle: Bonjour, monsieur Lachapelle. Votre présentation est très intéressante. Concernant cette perte de terrain des francophones hors Québec, ce qui me frappe — je fais peut-être des raccourcis — est que l'anglicisation va beaucoup de pair avec la présence d'un conjoint anglophone. On s'aperçoit que les statistiques sont très proches entre le pourcentage d'anglicisation et le fait d'avoir un conjoint anglophone.

    Qu'est-ce qui arrive avec les enfants? Est-ce que nous avons des statistiques? Ces couples ont des enfants. Adoptent-ils plus facilement l'anglais? Si oui, à ce moment-là, on a perdu une certaine bataille.

    L'autre élément qui me préoccupe concerne le travail. On sait qu'au Québec, au moment où on a pu travailler en français pour gagner sa vie, il y a eu une remontée des francophones. Mais pour les communautés francophones hors Québec, c'est peut-être une difficulté. En effet, nous en sommes rendus à compiler des statistiques pour savoir quand les gens parlent le français à la maison et s'ils ont perdu leur langue maternelle au travail. C'est à ce moment-là qu'on ne peut pas maintenir des communautés vigoureuses.

+-

    M. Réjean Lachapelle: Vous m'avez vraiment posé beaucoup de questions.

+-

    M. Guy Côté: Il y aura donc beaucoup de réponses.

+-

    M. Réjean Lachapelle: La première question vise à savoir si, dans le cas des couples exogames, il y a transmission de la langue aux enfants. Évidemment, cette question a été abordée déjà. On en a traité abondamment dans le Plan d'action pour les langues officielles, afin d'orienter certaines mesures, semblerait-t-il. J'ai pour ma part un peu étudié le sujet.

    D'abord, on a constaté, lorsque le conjoint non francophone — anglophone dans la quasi-totalité des cas — ne connaissait pas le français, que cette langue était très rarement transmise aux enfants, du moins comme langue prédominante ou maternelle, voire comme langue seconde. Toutefois, comme c'est toujours le cas en statistique, il n'y a pas de phénomène parfait. Il y a toujours des situations qui diffèrent des autres, par exemple lorsque les gens ont une volonté plus forte, plus vigoureuse. Pour cerner ce genre de phénomènes, ce ne sont pas des recensements qui doivent être réalisés mais plutôt des enquêtes du genre de celles qu'on compte mener pour mieux cerner les motivations et les raisons des changements.

    En premier lieu, donc, quand le conjoint ne connaît pas le français, il est beaucoup plus difficile de transmettre cette langue, en particulier si le conjoint est en fait une conjointe. En effet, les femmes jouent depuis longtemps, et continuent de jouer, un rôle important pour ce qui est de la transmission de la langue maternelle. On le constate quand on examine la composition des couples, à savoir un conjoint anglophone et une conjointe francophone ou l'inverse. Quand la conjointe est francophone, le français est plus souvent transmis. Évidemment, la tendance est beaucoup moins prononcée si le conjoint est unilingue francophone, et elle l'est beaucoup plus si le conjoint est bilingue.

    De plus, on ne sait pas si le bilinguisme a été acquis avant que les personnes forment un couple. C'est un genre d'information qu'on va chercher à étudier dans le cadre d'enquêtes plus approfondies. Il reste que c'est un phénomène important, d'autant plus que dans nombre de communautés, l'exogamie est en croissance. Dans bien des communautés francophones à l'extérieur du Québec, par exemple, la majorité des couples est exogame.

    Par ailleurs, vous me parliez de la langue de travail. À ce sujet, on a constaté des choses qui en ont surpris quelques-uns, entre autres le fait qu'une proportion non négligeable de francophones à l'extérieur du Québec utilisait le français au travail. En effet, pour 40 p. 100 d'entre eux, c'est la langue la plus souvent utilisée au travail. On ne parle pas d'un usage exclusif du français. Dans bien des cas, les gens peuvent répondre de façon égale en anglais et en français. Il reste que si on assemble tous ces cas, on atteint 40 p. 100.

    Le questionnaire comportait une sous-question sur les langues utilisées régulièrement au travail. Or, en ajoutant ceux qui parlaient plus souvent l'anglais que le français au travail, on atteint environ 25 p. 100 ou un peu plus. Cela nous permet de constater que près des deux tiers des travailleurs francophones utilisaient le français au travail, soit le plus souvent, soit régulièrement. Évidemment, ce phénomène varie selon la densité de la population francophone. Cette dernière est plus élevée au Nouveau-Brunswick qu'en Saskatchewan.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci.

    Merci, madame Brunelle. C'est tout le temps dont on disposait.

    Monsieur Godin.

+-

    M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.

    Bonjour, monsieur Lachapelle.

    Les statistiques, ce sont des chiffres, et quand l'additionneuse nous donne un résultat, ce n'est pas facile de le contester. Il s'agit simplement d'obtenir des données pour nous les présenter.

+-

    M. Réjean Lachapelle: Vous verrez cependant que selon les chercheurs, il y a des nuances, des choses un peu différentes. Les Canadiens répondent parfois en disant qu'ils ont deux langues maternelles, par exemple.

+-

    M. Yvon Godin: Ils répondent: «  français et acadien »!

+-

    M. Réjean Lachapelle: On doit donc trouver le moyen de clarifier cela. En effet, ils peuvent répondre qu'ils ont deux langues maternelles, deux langues parlées à part égale à la maison. Cela rend l'analyse du sujet plus compliquée que d'ordinaire.

+-

    M. Yvon Godin: Un peu plus tôt, vous avez parlé de migration. Prenons l'exemple de gens qui sont partis du Nouveau-Brunswick pour aller travailler en Alberta. Dans les statistiques, y a-t-il des chiffres qui établissent combien de francophones du Nouveau-Brunswick, par exemple, sont allés en Alberta? En effet, selon les statistiques, il y a eu augmentation en Alberta et diminution au Nouveau-Brunswick. Si ces gens étaient restés au Nouveau-Brunswick, y aurait-il eu une plus petite augmentation? Quelle est la différence? Je crois qu'il est important de le savoir, à cause du problème économique.

    Laissez-moi vous donner un exemple. Il y a trois semaines, 70 personnes ont quitté le petit village Le Goulet pour aller travailler en Alberta. En une seule semaine, 70 francophones sont partis. Même des pêcheurs ont mis leurs bateaux de côté et sont partis. Il y a des centaines et des milliers de personnes qui partent comme cela.

    J'aimerais savoir si Statistique Canada peut nous fournir des chiffres et nous dire de quelle province viennent les gens qui font augmenter le nombre de francophones en Alberta. Cela nous permettrait de savoir par la suite où les gens sont allés.

    D'autre part, l'étude a été faite pour 2001. Est-ce exact?

À  +-(1025)  

+-

    M. Réjean Lachapelle: Oui.

+-

    M. Yvon Godin: J'arrive de Vancouver. On nous dit que présentement, une quantité incroyable d'habitants d'origine chinoise ont entrepris l'apprentissage du français. A-t-on des données à jour sur la francophonie en Colombie-Britannique? C'est ce que j'ai constaté là-bas. J'y étais avec M. Godbout et Mme Brunelle. On nous a dit qu'un nombre incroyable de personnes d'origine chinoise trouvent que deux langues ne suffisent pas; ils veulent en connaître trois ou quatre. Je ne sais pas si Statistique Canada a des données là-dessus.

+-

    M. Réjean Lachapelle: En ce qui a trait à votre premier élément, oui, nous avons des données sur les mouvements migratoires, grâce aux recensements. En 2001, on a demandé aux gens où ils étaient l'année précédente, et on posera à nouveau la même question en 2006. Si une personne qui réside en Alberta nous répond qu'elle était au Nouveau-Brunswick auparavant, cela nous permet de connaître les chiffres et, par conséquent, quel est le bilan net.

    Nous demandons également où les gens étaient il y a cinq ans. Cela nous permet de mieux cerner cet élément d'un recensement à l'autre et de bien évaluer le rôle de ce facteur dans l'évolution de la composition linguistique. Nous posons donc de bonnes questions qui nous permettent de mesurer la migration interne et d'autres choses qui y sont reliées. Nos questions sont assez détaillées et elle ne sont pas seulement liées à la province. On demande aux gens quelle était leur adresse exacte il y a un an et il y a cinq ans. S'ils étaient à l'extérieur du pays, on leur demande de nommer le pays. S'ils ont changé de municipalité à l'intérieur du Canada, on leur demande leur adresse exacte.

    Nous posons beaucoup de questions. Nous possédons donc plusieurs informations de nature linguistique. En principe, ce phénomène pourrait être étudié. Disons qu'il s'agit d'un phénomène assez pointu, mais j'en prends bonne note. À l'avenir, nous porterons sûrement attention à ce phénomène.

    En ce qui a trait à l'autre élément, moi aussi, cela m'avait frappé. Il y a quelques années, je crois, en revenant d'un voyage entre Montréal et Ottawa, j'avais entendu un reportage sur ces jeunes d'origine chinoise qui étaient en classe d'immersion à Vancouver. Ils ont dit toutes sortes de choses très, très intéressantes qui m'ont fait sourire, mais je ne les répéterai pas ici. Pour l'instant, le recensement ne comporte pas de question sur la langue d'enseignement, car cette question est fort compliquée. Ce recensement s'adresse à tout le monde, et on ne peut pas demander aux Canadiens, par exemple, dans quelle langue on leur enseigne la majorité de leurs cours. Cette question ne nous permettrait pas de faire la distinction entre les enfants en classe d'immersion et les enfants qui fréquentent une école de la minorité linguistique. Il faut poser plusieurs questions. On a fait beaucoup de tests, car on sait que ce phénomène est important. Après le recensement de 1991, on a fait des tests en vue du recensement de 1996. Après le recensement de 1996, on a refait des tests en vue du recensement de 2001, mais nous ne sommes arrivés à rien. Il y a toujours de la confusion dans l'esprit des gens. Au Québec, certaines personnes ne comprennent pas certaines questions qui sont mieux comprises à l'extérieur du Québec. Qu'avons-nous décidé de faire pour améliorer la situation? Je l'ai mentionné...

+-

    Le président: Pouvez-vous conclure rapidement, s'il vous plaît?

+-

    M. Réjean Lachapelle: D'accord.

    Grâce au soutien de nombreux ministères fédéraux impliqués dans le plan d'action, on prévoit mener une enquête postcensitaire; on va prendre d'assez grands échantillons du recensement de 2006 dans chaque province et poser beaucoup de questions qui nous permettront de cerner ce genre de situation. Les enfants représentent un phénomène très important dans ce domaine; nos questions concerneront l'enfance, la petite enfance, l'école, leurs fréquentations et toutes sortes de caractéristiques, y compris des caractéristiques reliées aux minorités raciales. Si le phénomène est assez important, cela nous permettra d'avoir des indications.

+-

    Le président: Merci. Je dois vous interrompre.

    On termine avec M. Godbout.

À  +-(1030)  

+-

    M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.): Bonjour, monsieur Lachapelle.

    Il me fait toujours plaisir de vous entendre et je n'oserai certainement pas remettre vos chiffres en question, parce que sais d'expérience que vous gagnez à tout coup. On se connaît depuis longtemps, tous les deux.

    J'aimerais que vous puissiez clarifier le concept de la statistique de l'assimilation. Je me rappelle avoir eu des discussions assez vives avec M. Charles Castonguay qui est peut-être l'un de vos collègues. Depuis environ une vingtaine d'années, il dit que les francophones hors Québec devraient être disparus, à cause de chiffres comme ceux que vous nous présentez. On dit que le taux d'assimilation est de 55 p. 100 dans la région de Windsor et que cela se détériore; j'entends cela depuis au moins 25 ans, et pourtant, il y a encore bien des francophones à Windsor.

    Que représente ce pourcentage d'assimilation et de perte, en chiffres absolus? Ce n'est pas facile à comprendre, parce que selon les statistiques d'assimilation publiés depuis 25 ans, il ne devrait plus y avoir de francophones à l'extérieur du Québec.

+-

    L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.): En effet.

+-

    M. Marc Godbout: Comment interprète-t-on cela? Vous avez parlé de 40 p. 100 en Ontario. Pourtant, en chiffres absolus, la baisse n'y est pas importante. Je dois dire — et ce n'est pas un piège — que vous me l'avez expliqué il y a une quinzaine d'années et que j'ai encore du mal à le comprendre. Comment se fait-il que, malgré ces taux d'assimilation, les francophones soient toujours là et qu'ils soient plus d'un million à l'extérieur du Québec? Parle-t-on de 40 p. 100 sur une année? Expliquez-nous cela, car ce n'est pas facile à saisir.

+-

    M. Réjean Lachapelle: Parlons d'abord du mot. On peut parler d'assimilation dans le langage courant. Le problème est de l'associer à une mesure précise. Pourquoi? Parce qu'il pourrait y avoir plusieurs mesures permettant de cerner... L'assimilation est un processus, et non pas une mesure. Certains tiennent à utiliser une mesure. Nous préférons utiliser des termes neutres, comme les transferts linguistiques, la mobilité linguistique, ce qui n'empêche évidemment pas des gens d'appeler cela « assimilation ». Nous ne le faisons pas, parce que d'autres pourraient penser qu'il s'agit d'autres types de données, celles qu'ils associeraient au mot « assimilation ». C'est un mot utile de la langue, mais il y a tellement de données au Canada que nous préférons laisser le choix aux utilisateurs.

    Ensuite, comment se fait-il que les populations... Par exemple, lorsqu'on dit que 40 p. 100 des francophones en Ontario parlent l'anglais plus souvent à la maison, ce taux de 40 p. 100 a été établi au moment du recensement. Il n'est pas apparu au cours des cinq dernières années. Certains étaient là depuis longtemps. Il s'agit donc d'un phénomène cumulatif lent qui a des effets.

    Le principal effet se fait par la transmission de la langue aux enfants. Il y a deux effets qui jouent: la fécondité et la transmission de la langue maternelle aux enfants. Il va de soi qu'une population dans laquelle beaucoup de parents ne parlent plus le français à la maison va transmettre moins souvent le français comme langue maternelle, ce qui va diminuer le nombre d'enfants parlant le français. Il va y avoir des enfants issus de mères dont la langue maternelle est le français, mais parmi ces enfants, peut-être seulement 70 p. 100 auront le français comme langue maternelle. C'est donc ce nombre qui diminue. Ces enfants vieillissent et sont moins nombreux.

    Par ailleurs, on constate qu'un bon nombre des enfants qui ne sont pas de langue maternelle française vont quand même à l'école française. Il en résulte que la proportion des enfants d'âge scolaire en Ontario qui vont à l'école française — de la minorité — est nettement plus élevée que la proportion de ceux qui sont de langue maternelle française. Cela signifie que les parents qui n'ont pas transmis le français comme langue maternelle ont voulu néanmoins envoyer leurs enfants dans ces écoles. Ce phénomène est apparu au cours des 30 dernières années.

    Il y a donc une frange. Le noyau de la francophonie devient moins ferme qu'auparavant, alors qu'il y avait un noyau de personnes de langue maternelle française qui parlaient français à la maison, etc. Il y a de plus en plus de personnes qui, tout en n'ayant pas le français comme langue maternelle, peuvent l'avoir comme langue seconde, la maîtriser assez bien, voire très bien, parce qu'ils ont fréquenté pendant de nombreuses années des écoles françaises. Par le recensement, on a un peu de difficulté à les cerner.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Je m'excuse. Je dois vous interrompre pour permettre un dernier tour de deux minutes pour chacun des intervenants.

    Monsieur Scheer.

[Traduction]

+-

    M. Andrew Scheer (Regina—Qu'Appelle, PCC): Tout à fait. Je serai très bref.

+-

    Le président: Cent-vingt secondes.

+-

    M. Andrew Scheer: Qui ne sont désormais que 110, n'est-ce pas?

    Je vous remercie de votre exposé. Je pense que les chiffres traduisent un grand nombre de tendances et de phénomènes intéressants.

    Je voudrais vous poser une question à propos du projet de loi S-3. Pensez-vous que l'application des dispositions du projet de loi S-3 pourrait influer sur ces chiffres? Pensez-vous que certaines de ces tendances à la baisse pourraient être renversées si le projet de loi S-3 était appliqué? Je ne sais pas si vous êtes en mesure de faire des affirmations qualitatives à cet égard mais peut-être pouvez-vous nous donner votre opinion sur la façon dont ces chiffres pourraient varier à cause de ce genre de loi.

+-

    M. Réjean Lachapelle: Ma réponse sera très simple. Je suis fonctionnaire, et je travaille à Statistique Canada. Selon notre loi, nous ne commentons jamais. On n' a pas osé.

    Une fois que je serai à la retraite, si vous m'invitez à témoigner, j'aurai peut-être des choses à dire mais pour l'instant, non.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Simard, vous disposez de deux minutes.

+-

    L'hon. Raymond Simard: Merci, monsieur le président.

    Je crois que vous avez déjà répondu partiellement à ma première question. On dit que d'ici quatre ans, au Manitoba, 80 p. 100 des familles seront exogames. Par contre, le nombre d'inscriptions dans nos écoles et garderies francophones augmente de façon spectaculaire. Il y a des listes d'attente. Pour commencer, j'aimerais savoir à quoi nous pouvons attribuer ce phénomène.

    Je me demande par ailleurs si le fait de modifier une question d'un sondage à l'autre peut avoir une incidence. Si vous demandez à un jeune de chez nous s'il parle français à la maison, il est fort possible, advenant qu'un de ses parents soit anglophone, qu'il réponde non. Alors, comment identifiez-vous un francophone?

    Enfin, est-ce que vous avez remarqué un lien entre la situation des francophones hors Québec et ceux du Québec? Est-ce que leurs défis sont similaires, ou différents?

+-

    M. Réjean Lachapelle: De mémoire, je dirais que l'exogamie est un phénomène important au Manitoba. Toutefois, qu'il atteigne une proportion de 80 p. 100 en quelques années me semble un calcul un peu exagéré. À l'heure actuelle, cette proportion est d'environ 50 p. 100. C'est donc un phénomène en progression. Cependant, il faut savoir que la prochaine période de cinq ans prendra aussi en considération les couples antérieurs et que c'est chez les nouveaux couples qu'on observe une proportion plus élevée de couples exogames. Je doute donc que dans cinq ans, l'ensemble des couples soit exogame.

    Pour ce qui est de votre dernière question, je dirai que la situation des francophones varie beaucoup selon l'endroit où ils se trouvent. Elle diffère selon qu'ils se trouvent proches ou éloignés des frontières, par exemple. Il va de soi qu'en règle générale, plus la densité francophone est élevée, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du Québec, plus la préservation du français l'est, elle aussi. C'est le facteur prédominant. Si vous allez à Edmundston, au Nouveau-Brunswick...

+-

    L'hon. Raymond Simard: Ces gens sont également influencés par les médias américains.

+-

    M. Réjean Lachapelle: En effet. Si vous vous vous rendez à Edmundston, vous y observerez des phénomènes très analogues à ce qui se voit à Rimouski ou à Rivière-du-Loup. Cette ville, bien que située au Nouveau-Brunswick, est proche de la frontière québécoise, et sa population est à 95 p. 100 francophone.

+-

    L'hon. Raymond Simard: Merci.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Lachapelle.

    Monsieur Côté.

+-

    M. Guy Côté: Merci, monsieur le président.

    Vous illustrez bien le fait qu'au Québec, la baisse du nombre d'anglophones n'est pas due à un transfert linguistique, mais bien à des migrations interprovinciales. On peut facilement présumer que ces gens-là ne perdent pas leur langue maternelle.

    Pour ce qui est des migrations chez les francophones, quels effets observe-t-on?

+-

    M. Réjean Lachapelle: Il y a eu, au cours de certaines périodes, de nombreux départs du Québec, mais je peux déjà vous dire que pour la période de 2001 à 2006, la quantité de ces départs sera très faible. À cet égard, les données ne sont pas disponibles par langue. Il s'agit de statistiques globales de la Division de la démographie de Statistique Canada. Les pertes migratoires du Québec au cours des quelques dernières années sont devenues négligeables. Ce sera donc une première. Dans le cas de certaines années, une telle situation ne s'était pas vue depuis 40 ou 50 ans.

    Or, depuis le milieu des années 1960, on a observé des pertes migratoires importantes, les pertes d'anglophones étant toujours les plus importantes. Cependant, il y a aussi eu des pertes de francophones. Il faut admettre que ces dernières ont souvent donné lieu, pour la même période, à une croissance en Ontario. On pouvait observer, par exemple, l'arrivée de 5 000 ou 8 000 personnes provenant du Québec. Nos analyses ont pu démontrer que c'était là un facteur important.

+-

    M. Guy Côté: Je m'excuse de vous interrompre: je sais qu'il ne nous reste que deux minutes.

    J'aimerais savoir si, dans le cas des francophones qui quittent le Québec, il y a un transfert linguistique par la suite. Avez-vous des données à ce sujet?

+-

    M. Réjean Lachapelle: J'arrive à me souvenir de données antérieures, mais pour ce qui est des données récentes, c'est une autre histoire. Chez ces personnes, la mobilité linguistique était plus élevée que chez les francophones du Québec, mais moins élevée que chez les francophones du milieu où ils vivaient. Elle se situait entre les deux.

    Ces phénomènes sont un peu difficiles à cerner. On ne sait pas si les gens sont partis parce qu'ils maîtrisaient déjà mieux l'anglais. En d'autres mots, on ne sait pas s'ils sont passés à l'anglais avant ou après leur départ.

+-

    Le président: Merci, monsieur Lachapelle. Je termine rapidement avec vous, monsieur Godin.

+-

    M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.

    Revenons à ce que disait M. Côté. Demande-t-on d'où viennent les gens de l'Alberta? Cela vaut aussi pour le Québec. Il faut savoir si les gens viennent du Québec. J'ai des raisons de croire que des gens s'en vont travailler en Alberta parce qu'il y a beaucoup d'emplois. C'est là la question. Au Québec, est-ce que ce sont des francophones qui ont épousé des anglophones qui deviennent anglophones, ou est-ce plutôt l'immigration qui modifie la donne?

    Je vais aborder tout de suite l'autre question. Je sais que vous êtes trop jeune pour la retraite, mais on prend des enveloppes jaunes...

    Des voix: Ah, ah!

+-

    M. Réjean Lachapelle: Il faut connaître les facteurs prédominants de l'évolution démolinguistique au Québec, de l'évolution des francophones, des anglophones, etc. Depuis 30 ans et dans presque toutes les périodes, la migration interprovinciale a été le facteur prédominant. J'ai mentionné les départs très nombreux des anglophones. Il y a aussi eu des changements dans les transferts linguistiques. Toutefois, cela n'a pas eu des effets du même ordre de grandeur. Les effets ont été plus faibles.

    Chez les francophones de l'extérieur du Québec, l'un des effets importants a été leur modernisation très importante, qui s'est traduite par une baisse énorme de leur fécondité. C'était une population à fécondité extrêmement élevée au cours des années 1950, beaucoup plus que celle des francophones du Québec. Cette population est devenue analogue à celles qu'on trouve dans son milieu, avec parfois une fécondité un peu plus faible. Cela a été un facteur important. À cela se sont superposées, bien sûr, certaines pertes.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Lachapelle. On vous prie de nous excuser de la pression qu'on a exercée sur vous pour que vous répondiez rapidement. On apprécie grandement votre contribution à notre réflexion. Merci.

+-

    M. Réjean Lachapelle: C'est moi qui vous remercie de m'avoir entendu.

+-

    Le président: Il reste à peine un peu moins de 15 minutes pour les discussions. Je vous demande d'être disciplinés, s'il vous plaît. Il y a deux motions. On peut commencer tout de suite par celle de M. Godbout qui s'intitule « Lock-out de CBC/Radio-Canada ».

[Traduction]

    On peut lire « Lock-out CBC Radio-Canada ». Je ne sais pas si vous souhaitez que je le lise ou si vous m'en épargnez la lecture.

[Français]

    Quelqu'un veut-il en discuter, ou si elle semble assez simple? Il s'agit simplement d'encourager les divers ministres à prendre les mesures nécessaires afin qu'il y ait une résolution rapide de l'impasse à CBC/Radio-Canada.

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur le président, je n'ai pas d'objection à l'appuyer. Je trouve simplement — à moins que je ne le voie pas — que cela ne va pas assez loin. Il n'y a pas que l'information en français, il y a aussi la culture. Tout est arrêté. Radio-Canada a un mandat national culturel et d'information. On ne le reçoit plus dans les régions. J'aimerais présenter un amendement pour inclure la culture.

+-

    Le président: Pouvez-vous préciser votre amendement s'il vous plaît?

+-

    M. Yvon Godin: La motion dit:

Suite au lock-out de CBC/Radio-Canada, et considérant:

(a) que les communautés francophones en milieu minoritaire ne reçoivent aucune ou très peu d’information en français de leur région,

    Notre recherchiste pourrait peut-être nous suggérer des mots à ce sujet. C'est de l'information et...

+-

    Le président: ...« du contenu culturel ».

+-

    M. Yvon Godin: ...« et des programmes culturels ».

+-

    Le président: On ne terminera donc pas la rédaction aujourd'hui. On adoptera cette motion mardi prochain.

+-

    M. Yvon Godin: Non. On va le faire maintenant.

+-

    M. Marc Godbout: Ce ne sont que deux mots.

+-

    Le président: D'accord.

[Traduction]

+-

    M. Andrew Scheer: Ce sont des amendements amicaux.

+-

    Le président: Des amendements amicaux, merci.

[Français]

    J'ai cru voir une main levée de ce côté.

+-

    Mme Paule Brunelle: On se demandait qui propose la motion.

+-

    Le président: C'est M. Godbout.

+-

    Mme Paule Brunelle: Est-ce qu'on en discute?

+-

    Le président: Oui, bien sûr.

+-

    Mme Paule Brunelle: Je trouve que cette motion est très importante. On sait, en effet, que la télévision est un facteur d'assimilation marquant, autant sur le plan de la langue que de la culture. Il me semble que c'est vraiment urgent, qu'on ne peut pas laisser traîner les choses. Je suis d'accord.

+-

    Le président: Je sens qu'il y a un consensus sur cette question.

+-

    M. Pierre Poilievre: Oui.

+-

    Le président: Cette motion est proposée par M. Godbout et appuyée par M. D'Amours. Je présume que tout le monde y est favorable.

    (La motion est adoptée.)

+-

    Le président: C'est parfait, elle est adoptée à l'unanimité. On ajoutera des éléments de nature culturelle par le biais de l'amendement favorable. Voulez-vous que nous en débattions avant qu'il soit déposé à la Chambre des communes?

[Traduction]

+-

    M. Andrew Scheer: Intéressant.

[Français]

+-

    M. Guy Lauzon: Non.

+-

    Le président: Nous ajouterons donc simplement les mots « contenu culturel ». Cela devra être déposé à la Chambre. Évidemment, on vous en remettra une copie au moment où je le déposerai.

[Traduction]

+-

    M. Andrew Scheer: Non.

[Français]

+-

    Le président: C'est bien, merci beaucoup.

[Traduction]

    La deuxième motion est présentée par M. Godin. Je vais la lire. Elle est facile :

Que le Comité permanent des langues officielles invite la ministre du Patrimoine à comparaître pour répondre aux questions des membres dudit comité au sujet du conflit de Radio-Canada/CBC.

[Français]

    Monsieur Godin, elle est officiellement déposée. Vous avez respecté le délai de 48 heures, par conséquent, nous en débattons.

+-

    M. Yvon Godin: Je ne veux pas prendre beaucoup de temps, car je crois qu'elle parle par elle-même.

    La Société Radio-Canada a un mandat national. Au cours des six dernières années, il y a eu trois lock-out et deux grèves. C'est devenu inacceptable. Je pense que le Comité permanent des langues officielles a le devoir de se saisir du dossier et de poser des questions. Par le fait même, cela mettra de la pression sur le gouvernement et démontrera que l'on s'intéresse à cette société qui nous appartient, à nous les contribuables. Cela lui donnera peut-être une chance.

    Certaines personnes diront sûrement qu'il y a des négociations et que l'on devrait attendre à plus tard. J'ai entendu M. Simard dire cela hier. Il n'empêche que depuis que M. Rabinovitch est en poste, soit depuis six ans, il y a eu trois lock-out et deux grèves. Cette situation n'est plus acceptable, parce qu'il est question de notre culture et notre service d'information.

    Pensons à tout ce qui a été dit aujourd'hui et à tout ce qui s'est passé. Radio-Canada et CBC ne sont pas ici. C'est inacceptable! Ils ne sont pas présents dans les communautés non plus.

    Comme je l'expliquais, le réseau CTV et le réseau Global sont partout. Toutefois, ils quittent les régions comme le nord de l'Ontario. Le réseau Global n'est plus présent dans cette région. Le réseau CTV n'est plus à Bathurst.

    Il s'agit de notre réseau de télévision, et il faut qu'on soit capable de poser des questions.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Madame Boivin, c'est à vous.

+-

    Mme Françoise Boivin: Je ne sais pas si tu accepterais cela, Yvon, mais j'aimerais proposer un petit amendement. Je suis tout à fait d'accord à ce que la ministre du Patrimoine canadien comparaisse devant le comité. Toutefois, examinons de quelle façon la motion est rédigée.

    Il y est écrit ceci: « [...] et répondre aux questions des membres dudit Comité au sujet du conflit de Radio-Canada/CBC. » J'ai peur qu'à la première question, elle ne réponde que cela concerne le ministre du Travail et du Logement, M. Fontana.

    Je me demande si on ne devrait pas plutôt parler de l'impact du conflit sur les communautés.

+-

    M. Yvon Godin: Je suis d'accord.

+-

    Mme Françoise Boivin: De cette manière, cela correspond tout à fait à son mandat...

+-

    M. Yvon Godin: Oui.

+-

    Mme Françoise Boivin: ...qui est de savoir quel est l'impact sur les communautés linguistiques...

+-

    M. Yvon Godin: C'est bien.

+-

    Mme Françoise Boivin: De plus, cela fait partie du mandat de notre comité.

+-

    M. Yvon Godin: Oui.

+-

    Mme Françoise Boivin: Dans un tel cas, elle ne pourra pas facilement nous donner une réponse rapide qui pourrait clore le débat promptement.

+-

    M. Yvon Godin: C'est bien.

+-

    Le président: Monsieur Vellacott, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC): Je me demande pourquoi, comme dans la motion de M. Godbout—même s'il s'agit d'une chose un peu différente dans ce cas-là—, nous ne demandons pas au ministre du Travail et du Logement, M. Fontana, de se présenter, comme Françoise l'a demandé, et nous n'ajoutons pas également le ministre responsable des langues officielles également. Est-ce une chose que nous pouvons envisager afin que les trois ministres viennent répondre aux questions que nous avons concernant le différend actuel ou la situation? Il y a des réponses qu'elle ne peut pas nous donner.

+-

    Le président: N'oubliez pas qu'il sera difficile de les réunir tous les trois en même temps ici. Il nous faudra quelques séances. Nous sommes convenus, à moins que nous changions d'idée, de terminer le projet de loi S-3, du moins les audiences, vendredi prochain car nous entendrons des témoins jusqu'à la fin de la semaine prochaine.

    Hier, lors de la discussion, nous sommes convenus de poursuivre et il y aura une séance spéciale ou une séance plus longue que d'habitude. Si nous invitons d'autres témoins...

+-

    M. Maurice Vellacott: Je suis d'accord avec Françoise que la ministre ne pourra pas répondre aux questions concernant le conflit de travail...

+-

    Le président: Vous avez sans doute raison.

+-

    M. Maurice Vellacott: ...et peut-être que son témoignage ne sera pas utile à cet égard. Je ne sais pas ce que nous pourrions obtenir parce qu'elle n'est pas responsable de ce portefeuille.

[Français]

+-

    Le président: C'est bien. Je cède la parole à Mme Brunelle. Elle sera suivie de M. Godin et de M. Côté.

+-

    Mme Paule Brunelle: J'aimerais réagir à ce que Mme Boivin disait. Je suis parfaitement d'accord avec elle. On sait que ce litige porte notamment sur la sécurité d'emploi. On peut peut-être se demander si, à long terme, on veut diminuer le nombre de postes à la télévision francophone. Cela pourrait avoir des incidences très sérieuses en ce qui a trait à ce conflit. Cette question est très pertinente et il est tout à fait approprié que le comité s'y intéresse.

+-

    Le président: Monsieur Godin?

+-

    M. Yvon Godin: Non, non...

+-

    Le président: Monsieur Côté?

+-

    M. Yvon Godin: ...elle met le doigt dessus.

+-

    Le président: Monsieur Côté, également.

+-

    M. Yvon Godin: C'est l'impact que cela va avoir.

+-

    Le président: Monsieur Godbout.

+-

    M. Marc Godbout: Je ne veux pas diluer le dossier, mais quant à recevoir la ministre du Patrimoine canadien à propos du conflit, et comme elle sera là pour une heure, j'aimerais qu'on aborde aussi le mandat de Radio-Canada, car c'est un problème d'importance dans les communautés francophones. Encore là, ce pourrait être un amendement favorable.

+-

    Le président: Elle viendrait donc discuter de l'impact du conflit, ainsi que du mandat de Radio-Canada dans le dossier des langues officielles.

+-

    M. Yvon Godin: C'est cela.

+-

    Le président: D'accord.

    Monsieur Simard.

+-

    L'hon. Raymond Simard: J'interviens dans le même sens. D'abord, je ne voudrais pas qu'on interrompe nos discussions sur le projet de loi S-3, car c'est une priorité. On sait tous qu'on a moins d'un mois pour les faire aboutir.

    Je crois qu'il faut voir la situation de Radio-Canada dans son ensemble. Dans les communautés, on a remarqué comme cela nous affectait directement. Chez nous, il n'y a absolument aucun service en français en ce moment. Ce n'est pas acceptable.

    Selon moi, le conflit n'est qu'une partie du problème. Si on invite la ministre du Patrimoine canadien, c'est pour revoir le mandat de Radio-Canada, les gens qu'on embauche, etc.

    Ce n'est pas pour résoudre le conflit qu'on veut la rencontrer, c'est pour parler du mandat de Radio-Canada, et ce n'est pas pour demain matin.

+-

    Le président: D'accord. Avant d'aller plus loin, acceptez-vous les deux amendements voulant d'abord que l'on discute de l'impact du conflit de Radio-Canada sur le comité, et non du conflit lui-même, ensuite, que l'on discute du mandat de Radio-Canada.

    Ai-je un consentement unanime pour ces deux amendements.

    (Les amendements sont adoptés.)

À  -(1055)  

+-

    Le président: Est-on d'accord pour l'inviter en dehors de nos...

+-

    M. Yvon Godin: Pas dans deux semaines!

+-

    Le président: Non. La semaine prochaine, monsieur Godin.

+-

    M. Yvon Godin: D'accord.

+-

    Le président: Dimanche matin, si vous voulez.

+-

    M. Marc Godbout: Un brunch? Pourquoi pas?

+-

    Le président: Je vous rappelle que mardi matin, on reçoit le QCGN. Toutefois, la deuxième heure est libre.

+-

    M. Mark D'Amore (Le greffier du comité): Oui.

+-

    Le président: Il faut savoir si une heure vous suffit, puisqu'on dispose de la deuxième heure, mardi matin. Jeudi, on terminera les audiences avec la commissaire, Mme Dyane Adam; elle sera là pour deux heures, et on aura besoin de ces deux heures. On va donc vous contacter plus tard. Cependant, sachez que ce sera en dehors de ces deux périodes.

    Donc, la motion proposée par M. Godin, appuyée...

+-

    Le greffier: On n'a pas besoin de second proposeur.

    (La motion est adoptée.)

-

    Le président: Merci beaucoup de votre patience et de votre discipline. À mardi prochain.

    La séance est levée.