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PACP Rapport du Comité

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LA GOUVERNANCE DANS LA FONCTION PUBLIQUE
DU CANADA : OBLIGATION MINISTÉRIELLE DE RENDRE
DES COMPTES

OBSERVATIONS

Le Comité a commencé son enquête sur l’obligation ministérielle et sous ministérielle de rendre compte en posant la question suivante : « Une ou plusieurs de ces personnes [en position d’autorité à l’égard du Programme de commandites] a-t-elle failli à répondre aux exigences d’une doctrine qui continue d’être claire et raisonnable, ou leur conduite laisse-t-elle entendre que la doctrine même n’est ni claire ni pratique et doit être revue? » Il est maintenant temps de revenir sur cette question.

Réfléchissant au témoignage des témoins précédents devant le Comité, le Pr Franks a conclu que la doctrine actuelle de responsabilité ministérielle (et le rôle implicite des sous-ministres) était clairement reflétée, de même que ses lacunes :

je pourrais conclure que l'interprétation que fait le Bureau du Conseil privé de la responsabilité et de la reddition de comptes dans notre régime parlementaire comporte bien trop de lacunes, d'ambiguïtés et de contradictions, et que le système donne des résultats insatisfaisants pour le Parlement et pour la population.

Il serait difficile d'esquiver davantage la responsabilité et l'obligation de rendre compte, ou d'estomper davantage les limites de responsabilité entre les ministres et les sous-ministres que cela n'a été le cas dans l'affaire des commandites, comme l'a démontré le Comité. (43:1120) [*]

Après avoir souligné que les événements entourant le Programme de commandites ont exposé de graves faiblesses dans l’interprétation et l’application actuelles de la responsabilité et de la reddition de comptes ministérielles et sous ministérielles, le Pr Franks a proposé une solution :

Si le Canada adoptait le principe de l'agent comptable [suivant une pratique établie depuis longtemps au Royaume-Uni], le Comité des comptes publics et les Canadiens en général sauraient au moins qui est responsable et qui doit rendre compte de ces actes. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cela serait une amélioration considérable. (43:1120) [*]

Le Pr Franks a fait valoir que le taux de roulement élevé parmi les ministres et les sous ministres canadiens exacerbait les lacunes dans l’interprétation et la pratique canadiennes de la doctrine de reddition de comptes. Ce phénomène gêne la capacité fonctionnelle de prise en compte et le sens des responsabilités. Sa solution :

Il existe un meilleur moyen. La Grande-Bretagne a une façon tout à fait différente de concevoir la responsabilité et la reddition de comptes au Parlement relativement à l'administration et à l'emploi des fonds publics. En Grande-Bretagne, les administrateurs permanents (permanent secretaries) des ministères — l'équivalent de nos sous ministres — sont désignés comme « agents comptables » et sont personnellement et entièrement responsables des opérations financières, y compris des questions de prudence, de probité, de légalité et d'optimisation des ressources, à moins que leurs décisions n'aient été explicitement annulées par écrit par le ministre dont ils relèvent. Cette responsabilité des agents comptables est personnelle et leur reste attachée même s'ils changent de poste ou prennent leur retraite. La responsabilité incombe au ministre ou au sous-ministre mais pas aux deux. Et pas à ni l'un ni l'autre. Cela fait plus d'un siècle que le Comité des comptes publics britannique peaufine l'application du principe des agents comptables.

Cette démarche a été recommandée pour le Canada par la Commission Lambert sur la gestion financière et l'imputabilité, mais le gouvernement n'en a pas voulu, en partie faute de bien comprendre ce dont il s'agit. (43:1115) [*]

Par le passé, d’autres observateurs ont commenté les lacunes entre la doctrine et la pratique, prédominantes, de reddition de comptes ministérielle et les complexités du gouvernement moderne, et ont recommandé l’adoption du principe de l’agent comptable pour clarifier les axes de reddition de comptes et de responsabilité. La Commission royale sur la gestion financière et l’imputabilité a été parmi les premiers à le faire, vers la fin des années 1970.

Commission royale sur la gestion financière et l’imputabilité

Comme en a témoigné le Pr Franks, le projet de conférer aux sous ministres canadiens la responsabilité directe de l’administration de leur ministère et de les en tenir responsables n’est pas récent. En 1979, la Commission royale sur la gestion financière et l’imputabilité (la Commission Lambert) a fait les commentaires suivants dans son rapport final :

En dépit de cette gamme de possibilités d'imputabilité […], les sous ministres ne sont pas tenus régulièrement imputables, de façon systématique et cohérente, en ce qui a trait à la gestion des programmes et à l'administration du ministère [8].

Pour pallier cette lacune, les commissaires ont recommandé que :

[l]e sous-ministre soit tenu à rendre compte directement de l'exercice des responsabilités qui lui ont été confiées et déléguées au comité parlementaire le plus immédiatement concerné par le rendement administratif, le Comité des comptes publics [9].

Les commissaires ont expliqué que la doctrine de la reddition de comptes ministérielle, tout aussi utile et cruciale qu’elle soit, ne devrait pas éviter aux personnes qui assument une responsabilité administrative et fonctionnelle directe d’être tenues responsables de leurs actes :

La doctrine de la responsabilité ministérielle comporte plusieurs avantages puisqu'elle permet d'identifier le responsable des décisions, c'est à dire le ministre, et procure une tribune, c'est-à-dire le Parlement, où il doit rendre compte publiquement de son administration. Néanmoins, ce mécanisme précieux pour la réalisation d'un gouvernement imputable ne doit pas devenir un obstacle à l'imputabilité de ceux qui agissent en vertu de la délégation de pouvoirs, les fonctionnaires des ministères et des organismes [10].

Loin de demander qu’on laisse tomber la doctrine de la reddition de comptes ministérielle, les commissaires militaient pour qu’on la renforce en l’alignant plus précisément sur l’auteur véritable de la responsabilité. Ils ont écrit :

Notre recommandation qui ferait porter directement sur les sous-chefs la responsabilité du fonctionnement administratif a pour but de libérer en partie les ministres des soucis du détail administratif tout en leur conservant la responsabilité finale de l'élaboration et de l'application des politiques [11].

En conséquence, ils ont formulé une seconde recommandation accompagnant la première :

[Que] le sous-ministre en tant que chef de l'administration rende compte de l'exécution des devoirs spécifiques qui lui ont été délégués ou désignés devant le comité parlementaire responsable de la vérification des dépenses du gouvernement, c'est-à-dire le Comité des comptes publics [12].

Si elles avaient été adoptées, ces deux recommandations auraient tenu les sous-ministres responsables devant le Comité permanent des comptes publics des fonctions qui leur ont été attribuées et déléguées et de l’administration de leur ministère. Fait digne de mention, la Commission royale a demandé que les sous ministres rendent des comptes devant le Comité des comptes publics plutôt qu’à celui-ci [13] et que le ministre demeure responsable en dernier lieu de la politique et de sa mise en œuvre. Aucune des deux recommandations n’a été acceptée.


* Témoignages 37e législature, 3e session.

[8] Commission royale sur la gestion financière et l’imputabilité, Rapport final, mars 1979, p. 216.

[9] Ibid., p. 216.

[10] Ibid., p. 424.

[11] Ibid., p. 427.

[12] Ibid., p. 427.

[13] Rendre des comptes à quelqu’un ou à quelque chose dénote la capacité d’approuver l’exécution, et cette capacité est absente d’une relation qui concerne la reddition de compte devant quelqu’un ou quelque chose.